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Full text of "Lettres de Racine et mémoires sur sa vie"

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l'BRAIRIE  DU  SPECTACLE 

GARNIER  ARNOUL 

39,  Rue  de  Seine, PARIS 


Âci,  ixty-t 


•J. 


*^-  /fiK 


^fi  'A  oî-^  M fit. 


/ ^ V-  V-, 


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L E T T R E $ 


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R A CI  NE. 


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MEMOIRES 


SUR  SJ  VIE. 


tome  premier, 


A Lausanne  et  a CsN^svEt 

ChezMAEC-MicHEL  BousQ.UBTȉlc 

Compagnie. 


M.  DCC.  XLVII. 


I 


1 AVERTISSEMENT. 

I 


CO M H X M.  l’Abbé  d’OIivét , qui 
avoic  Id  quelques-unes  des  Lettres 
iuivantes , en  a parlé  dans  Ton  Hiftoire 
dÊ  l’Académie  Françoife  , en  difanc 
qu’elles  font  pleines  d’e/prit , & écri* 
tes  avec  une  exactitude  & une  beau* 

- té  de  Ityle , qui  efl  ordinairement  le 
fruit  d’un  long  exercice , on  me  fçau*  r 
roit  mauvais  gré  H je  ne  les  faifoii 
pas  connoître;  & quoiqu’elles  foient 
peu  férieufes , loin  d’avoir  de  la  répu- 
gnance à les  donner , je  n’ai  pas  un 
meilleur  moyen  pour  détromper  ceux 
qui  s’imaginent  que  celui  qui  a fî  bien 
peint  l’amour  dans  fes  Vers , en  étoit 
toujours  occupé.  S’il  y eût  été  livré , 
même  dans  fa  jeunelTe  , il  ne  fe  fut  pas 
rendu  capable  de  le  peindre  fi  bien. 

Voici  des  Lettres  écrites  en  toute 
liberté,  & en  fortant  de  Port*  Roy  al , 
dont  il  n’avoit  plus  à craindre  les  re- 
montrances : on  les  peut  apeler  fes  ^u- 
venilia.  Il  les  écrit  à un  jeune  ami  > 

-*  qu’il  foupçonne  quelquefois  d’être 

amout 


AVERTISSEMENT. 

timoureux  : il  ne  s'atrendoic  pas  qa'ellet 
duflencécre  lues  par  d’autres  : il  n’aja* 
mais  fça  qU!on  les  «ûx /çonfervées. 
IVi.  Jbupin , qül'l^  avoit  re> 

cueillies , nous  les  a tendues.  Dans  ces 
Lettres  cependant , écrites  librement  , 
..  le  badinage  eft  ü innocent , que  je  n^ai 
; ; js^mak  rien  trouvé  qui  ait  dû  m’obliger 
' jr'èn  fuprimer  une  feule.  On  y voit  un 
jeune  homme  enjoué aimant  à rail* 
1er , ne  fe  préparant  pas  à l’état  Ecclé< 
fiaflique  par  efprit  de  pieté , confer> 
vant  toujours  néanmoins  des  ibntimens' 
de  piété  dans  le  cœur , quoiqu’il  pa< 
roilTe  content  de  n’être  plus  fous  la  fé. 
vére  difcipline  de  Port -Royal  ; plein 
de  tendrefle  pour  les  amis , fuyant  le 
monde  & les  plaifirs-par  raifbn,  pour 
fe  livrer  tout  entier  à l’étude  ,JSc  à fon 
unique  pafliop } qui  écoit  celle  des 
Vers. 

..  - > 


LETTRES 


2 


D ISCOUHS  P RONONC  E 
par  M.'  R A e I N E,  à P Académie 
Françoi/è  , à la  féception  da  M. 
T Mbé  C O £ b'  £ & X , \t  30  OSo- 
irf  2678. 


ONSIEÜR, 


Il  tn’eft  fans  doote  très- honorable 
de  nie  vou  ^ tête  de  ceite  célébré 
Compagnie;  & je  dois  beaucoup  au  , 
hazard,  de  m’avoir  mis  dans  un  place 
où  le  mérite  ne  m’auroit  jamais  élevé. 
Mais  cet  honneur  ii  grand  parlai  mê« 
aae,  me  devient,  je  l’avoué',  encore 
plus  confidérable , quand,  je  ibngé  que 
la  première  fonâion  que  j’ai  à faire 
dans  la  place  où  je  fuis , c’ed  de  vous 
expliquer  les  fentimens  que  l’Académie 
a pour  vous. 

Vous  croïez  lui  devoir  des  remerci«| 
jaeas,  poux  l’honneor  que  vous  dîtes 

a ■ qu’elle 


I 


fl  Discours 

.qu’elle  vous  a fait  j mais  elle  a au(fi 
Ides  grâces  à vous  rendre.  £)!e  vous 
cfl  obligée , non  • feulement  de  l’hoa- 
Jieur  (}ue.  vous  lui  faites,  maù  encore 
de  celui  que  vous  avez  déjà  fait  à tou- 
te la  République  des  J^ettres.. 

Oüi^,  Monsieur,  nous  fçavons 
combien  elles  vous  font  redevables.  Il  y 
a long  tems  que  l’Académie  a les  yeux 
fur  vous.  Aucune  de  vos  démarches  ne 
lui  a été  inconnue.  Vous  portez  ua 
nom  que  trop  de  raifons  ont  rendu  fa- 
cré  pour  les  gens  de  Lettfe^.  Tout  ce 
qui  regarde  votre  illuftre  Maifbn , ne 
leur  fçauroit  plus  .être  ni  inconnu , ni  . 
indifférent. 

Nous  avons  confîdëré  avec  attention 
les  progrès  que  vous  avez  faits  dans 
les  Sciences  ; mais  li  vous  aviez  ex 
cité  d’abord  notre  carioüté , vous  n’a- 
vez guère  tar.dé  à exciter  notre  admi- 
•7  ration.  Et  quels  aplaudiffemens  n’a  t’oa 
point  donnez  à-  cette  exeélente  Philo-  ' 
fophie,  que  vous  avez  publiquement 
enfeignée  / Au  lieu  de  quelques  termes 
barbare^ , de  quelques  frivoles  quef- 
tions  que  l’on  a voit  accoutumé  d’en- 
- tendre  dans  les  Ecoles  , vous  y avez 
fait  entendre  de  folides  vérkez  , les 

pins 


A L*  A C A S £ M I E.  3 

plas  beaux  (ècrets  de  la  nature  , les 
plus  importans  principes  de  la  Méta< 
phyGque.  Non  , Monsieur  y vous 
ne  vous  êtes  point  borné  à fuivre  une 
route  ordinaire.  Vous  ne  vous  êtes 
point  contenté  de  l’écorce  de  la  Phi* 
lorophie  ,'vous  en  avez  aprofondi  tous 
tes  fecrets.  Vous  avez  raflemblé  ce 
que  les  Anciens  & - les  Modernes 
a voient  de  folide  & d’ingénieux.  Vous 
avez  parcouru  tous  les  liédes  pour 
BOUS  en  raporter  les  découvertes.  L’o* 
ièrai-je  dire  ? Vous  avez  fait  connoi- 
cre  dans  les  Ecoles  , Ariftote  même  » 
dont  on  n’y  voit  fouvent  que  le  fan* 

tâmc.r 

Cependant , «eon  f^avante  Philofo* 
phie  n’a  été  poar  vous  qu’un  paiTage< 
pour  vous  élever  à une  plus  noble 
science  ; 'je  veux  dire  la  fcience 
de  la  Religion.  Et  quel  progrès  n’avez* 
TOUS  point  fait  dans  cette  étude  la- 
ctée l Avec  quelles  marques  d’eRime  - 
la  plus  fameufe  Faculté  de  l’Univers 
TOUS  a*t’elle  adopté , vous  a t’elle  alTo*  -* 
cié  dans  fon  corps  ! L’Académie  a 
pris  part  k tous  vos  honneurs.  Elle 
aplaudiflbit  à vos  célébrés  aâions  ; 
suais  , Monsieur  , depuis  qu’elle 

a a vous 


4 Discours 

vbvis  a rû  monter  en  Chaire , -qa^ene 
vous  a eqtendu  prêcher  les  véritez^  de 
l’Evangile , non-  feulement  avec  toute 
la  force  de  l’éloquence  » mais  même 
avec  toute  la  judelTe  & toute  la  po> 
liteiïe  de  notre  langue  , alors  l’Aca- 
démie ne  s*e(t  plus  contentée  de  vous 
admirer , elle  a jugé  que  vous  lui  étiez 
néceflaire.  Elle  vous  a choifi,  elle  vous 
a nommé  pour  remplir  la  première 
place  qu’elle  a pô  donner.  OOi , M o N- 
SIEUR,  elle  vous  a choiü  : car  nous 
voulons  bien  qu^on  le  fçache , ce  n’efl: 
point  la  brigue  , ce  ne  font  point  les 
follicitations  qui  ouvrent  les  portes  de 
l’Académie.  Elle  va  elle*même  au«de> 
I vant  du  mérite;  elle  lui  épargne  l’em- 
barras de  fe  venir  o/Frir , elle  cherche 
les  fujets  qui  lui  font  propres.  Et  qui 
pouvoit  lui  être  plus  propre  que  vous  ? 
Qui  pouvoit  mieux  nous  féconder  dans 
le  deHein  que  nous  nous  fommes  tous 
propofé  de  travailler  à immortalifer 
les  grandes  allions  de  notre  Augufte 
Proteéleur  ? Qui  pouvoit  mieux  nous 
aider  à célébrer  ce  prodigieux  nom- 
bre d’Exploits , dont  la  grandeur  nous 
accable  ; pour  ainfi  dire,  & nous  met 
dans  l’impuiflance  de  les  exprimer? 


A-  K*  A O A B i V r ^ f 

H noas  f^ut  des  années  entières  pour 
écrire  dignement  une.  feule  de  fea^ 
aâions. 

Cependant  chaque  année  chaque- 
mois  , chaque  journée  même , nout' 
prefenre  une  foule  de  nouveaux  mi* 
racles.  Etonnez  de  tant  de  triomphes  ^ 
nout  penOons  que  la  guerre  eût  porté- 
fa  gloire  au  plus  haut  point  où  elle 
pouvoir  monter.  En  effat , après  tant 
de  Provinces  (i  rapidement  conquifes^. 
tant  de  Batailles  gagnées  , les  Villes 
emportes  d’affaut,  les  Villes  (âuvées 
du  pillage  , & toutes  ces  grandes  ac- 
tions dont  vous  nous  avez  fait  une  (t 
vive  veinture  , auroit  on  pû  s’imagi- 
ner 90e  cette  glowa  dût  encore  croî» 
tre  ? La  Paix  qu7/  vient  de  donner  à 
VEurope  nous  prefente  quelque  choie 
de  plus  grand  encore  que  tout  ce 
qu’il  a fait  dans-  la  Guerre.  Je  n’^ 
garde  d’entreprendre  ici  de  faire  l’é- 
loge de  ce  Héros  , après  l’éloquent 
difcours  que  vous  venez  de  nous  fai- 
re entendre.  Non  - feulement  nous,  y 
avons  reconnu  l’élévation  de  votre- 
efprit , la  fublimitë  de  vos  penfées  f 
nais  on  y voit  briller  fur  tout  ce  zèle 
peur  voue  Fiince  , & cette  ardente- 

» 9 paffîoa^ 


s DiseooKS' 

pour  fa  gloire  ».  qui  eft  la  mr»- 
que  Ci  particulière  à laquelle  on  re» 
connoît  toute  votre  iliuftre  Famille» 
Tandis  que  le  Chef  de  la  maifon  • 
rempli  de  ce  noble  zèle  » ne  donne 
point  de  relâche  à Ton  infatigable*  gé> 
nie  ; tandis  qu’il  jette  on  œil  péné^ 
trant  iufqoes  dans  les  moindres  befoi  ns 
de  l’État  : avec  quelle  ardeur»  quelle 
vigilance  , fes  Ënfans , Tes.  Freres 
fes  Neveux  , tout  ce  qui  lui  apar- 
tient  » s’emprefle  t?il  à.  le  foulager 
^ â le  féconder  ? Lim  travaille  heureu» 
fement  à>  foutenir  la.  gloire  de  la  Nà» 
vigation  ; l’autre  fe  fignale  dans  les 
premiers  emplois  de  la  Guerre';  l’au» 
nre  donne  tous  fes  foins  à la  Paix  ». 
& renverlè  tous  les  obflades  que 
quelques  deferpérez  vouloient  aporter 
â ce  grand  ouvrage»  Je  ne  finirois 
point  fi  je  vous  mettois  devant  les 
yeux  tout  ce  qnil  y.  a d’illuflre  dans- 
vôtre  Maifon..  Vous  entrez  »..Mon- 
stEOR  ,.  dans  une  Compagnie  que* 
vous  trouverez  pleine  de  ce  même 
efprit , de.ce  même  zèle.  Car  » je  le  ré- 
pété encore,  nous  fommes  tous  rivaux 
dans  la  paflion  de  contribuer  quelque 
chofe  à la  g}oire  d’on  ûgçand  Prince. 

Chacun. 


M t’AcADBMTX.  7 

Cfaacuo-  y emploie  les  diffürens  taleiu 
que  la  Nature  lui  a donnez.  Et  ce  tra« 
vail  même  qui  nous  eft  commun , ce 
Diâionnaire,  qui  de  foi-mëme  femble 
une  occupation  fi  féche  & fi  êpineufe,.j 
nous  y travaillons  avec  plaifir.  Tous 
les  roots  de  la  Langue , toutes  les  fylla- 
bes  nous  paroifient  ptécieufes  ,■  parce 
que  nous  les  regardons  comme  autant 
d*inltrumens  qui  doivent  fervii  à la 
ÿoire  de  notre  AuguAe  Proteâeor. 


PLAtfl 


IN- DU  I 

d'Ifhigenie 


<ici  Je  feul  fr 
les  papiers  d 
r que  pour  f 
ère  il  drejfoh 
entreprenoU. 
fé  les  cinq  A 
que  fa  Trag 

ÎIGENIE 

Acts 

vgénie  v}eiit 
t y qui  s'èmn 
nde  fi  elle  ejl 
Diane  Je  pc 


<)u*»n  y »«fia  I 
/yaura  que  le  Cr 

enie , oo  giixott 


JPBI&ENIB  EN  TaVRÎDI.  9 

h aucun  étranger.  Ta  peux  croire , 
Iphigénie , ü c’efl-là  un  fentiment  digne 
de  ia  fille  d’Agàmemnon^Tu  fçais  avec 
quelle  répugnance  j’ai  préparé  les 
férables  que  l’on  a facrifiez  depuis 
que  je  préfide  à ces  cruelles  céré* 
monies.  Je  me  fai  fois  une  joye  de 
ce  que  ia  fortune  n’avoit  amené 
aucun  Grec  pour  cette  journée  , & 
je  trion>phois  de  la  douleur  commu* 
ne  » qui  eft  répanduë  dans  cette  lûe , 
où  l’on  compte  pour  un  préfàge  fu« 
nefte  de  ce  que  nous  manquons  de 
▼iâimes  pour  cette  fête>  Mais  je  ne 
pois  réfifier  à la  fecrette  triftelFe  dont 
je  fun  occupée  depuis  le  fisnge  que 
j*ai  fait  cette  nuit.  Vai  cru  que  j’étois 
à Mycéne  dans  la  maiTon  de  ihoa  pe> 
xe.  Il  m'a  femblé  que  mon  pere  & ma 
mere  nageoient  dans  le  fang , & que 
moi  même  je  tenois  un  poignard  à la 
main  pour  en  égorger  mon  frere  Ôrel^ 
te.  Hélas  , mon  cher  Orefte  ! Mais  » 
Madame  , vous  êtes  trop  éloignez  l’uit 
de  l’autre  pour  craindre  l’accompliflè- 
ment  de  votre  fonge.  Et  ce  n’eil  pas. 
aufli  ce  que  je  crains  : mais  je  crains 
avec  raifon  qu’il  n’y  ait  de  grands  mal- 
heurs dans  ma.  famille.  Les  Rois  font 

fujeta 


VO  iPHieSNIK 

fiijets  à de  grands  changemens.  Ah  f 
fi  je  c’avois  perdu  , mon  cher  frere 
Orefte  , fur  qui  leul  J’ai  fondé  mes 
efpérances.  Car  en6n  , j’ai  plus  de  fa« 
jet  de  t’aimer  que  tout  le  refie  de  ma 
famiile.  Tu  ne  fus  point  coupable  d& 
ce  facrifice  où  mon  pere  m^avoit  con* 
damnée  dans  l’Aulide.  Tu  étois  un  en- 
fimt  de  dix  ans.  Tu  as  été  élevé  avec: 
moi  , & tu  es  le  feul  de  toute  la- 
Grèce  que  je  regrette  tous  les  jours. 
Mais , Madame , quelle  aparence  qu’il 
^ache  Fétat  où  vous  êtes  ? Vous  êtes 
dans  une  Ifle  détefiée  de  tout  le  mon- 
de : fi  le  hazard  y amene  quelque* 
Grec  y oii-  le  facrifie.  Que  ne  renoo* 
'èez-vous  à la  Grèce  ? Que  ne  répon- 
dez-vous ù'l’amour  du  Prince  ? £h  que 
me  ferviroic  de  m’y  attacher  ? Son- 
pere  Thoas  lui  défend  de  m’aimer  ^ il 
ae  me  parle  qu’en  tremblant , car  ils 
ignorent  tous  deux  ma  naifiance  , & 
je  n’ai  garde  de  leur  découvrir  une 
chofe  qu’ils  ne  croiroient  pas.  Car  ^ 
quelle  aparence  qu’une  fille  que  des  ' 
Pirates  ont  enlevée  dans  le  moment 
qu’on  l’alloit  facrifier  pour  le  falut  de 
k Grèce , fût  la  fille  du  Général  de  la- 
Grèce  l Mais-  Voici  ce  Prince. 

SCENE 


E M T A tr  « I S t.  IX 

SCENE  II. 

Qu*ave2‘Vous  ^ Prince  ? d’oà  vient 
ce  defordre , & cette  émotion  ? Ma* 
dame  , je  fuis  caufe  du  pins  grand 
malheur  du  monde.  Vous  fçavez  com* 
bien  j’ai  détefté  avec  vous  les  facrifi? 
ces  de  cette  Ifle  ; je  me  réjoûifTois  de 
ce  que  vous  feriez  aujourd’hui  difpen* 
fée  de  cette  funelle  occupation  ; & 
cependant  je  fuis  eau  le  que  vous  avez 
aujourd’hui  deux  -Grecs  à lâcrifîer. 
Comment , Seigneur  ? On  m’eft  venu 
avertir  que  deux  jeunes  hommes  étoienc 
•environnez  d’une  .grande  fouIe.de  peu- 
ple , contre  lequel  ils  fe  défendoient. 
J’ai  couru  fut  \e  bord  de  la  mer  : je 
les  ai  trouvez  à la  porte  du  Temple  » 
^ vendoient  chèrement  leur  vie , & 
<}ui  ne  fongeoient  chacun  qu’à  la  dé- 
feule  l’un  de  l’autre.  Leur  courage  m’a 
piqué  de  générofité.  Je  les  ai  défen- 
dus moi-même  : j’ai  defarmé  le  peu- 
ple , & ils  (è  Ibnt  rendus  à moi.  Leurs 
habits  les  ont  fait  paffer  pour  Grecs: 
ils  l’ont  avoué.  J’ai  frémi  à cette  pa- 
role : on  les  a menez  malgré  moi  à 
mon  pere  ; & vous  pouvez  juger  quel- 
le fêta  leur  deflinée.  La  joïe  e(l  ual- 

verfelle  » 


\ 


X£  I P B 1 G E M I « ’ 

Terfelle  , & on  remercie  les  Dieax 
■d’une  prife  qui  me  met  au  defefpoir. 
Mais  enfin , Madame',  ou  je  ne  pour- 
rai , ou  je  vous  affranchirai  bien^tôc 
■de  la  malheureufe  dignité  qui  vous  en- 
;gage  à ces  lacriôces  : mais  voici  le  Rui 
mon  pere. 

SCENE  III. 

0 

Quoi , Madame  , vous  êtes  encore 
ici  ? Ne  devriez-vous  pas  être  dans  le 
. Temple  , pour  remercier  la  Déeflfe. 
de  ces  deux  viâimes  qujelle  nous  a 
envoyées  ? Allez  préparer  tout  pour  le 
Sacrifice  , & vous  reviendrez  enfuite  « 
afin  qu’on  vous  remette  entre  les  mains 
«es  deux  étrangers. 

SCENE  IV. 

Iphigénie  fort  ^ le  Prince  fait  quel» 

^es  efforts  pour  obtenir  de  f on  pere  la  vie 
de  ces  deux  Grecs  , afin  qu'il  ne  les  ait 
pas  Jàuvez  inutilement.  Le  Roi  le  mal» 
traite , & lui  dit  que  ce  font  là  des  feU' 
4imens  qui  lui  ont  été  ir^pirez  par  la  jeune 
Crecque  ; il  lui  reproche  la  pajjîon  qu'il 
ü pour  une  e/clave.  Et  qui  vous  dit,  Sei- 
gneur, 


* N T A O R I D *.  13 

gneur , que  c’eft  une  efclave  ? Et  quel- 
le  autre  qu’une  efclave  , dit  le  Roi  , 
auroit  été  choifie  par  les  Grecs  poiir 
^re  facrifiée  ? (^uoi  I ne  vous  fouvient* 
il  plus  des  habilletnens  qu’elle  avoic 
lorlqu’on  l’amena  ici  ? Avez-vous  ou- 
blié que  les  Pirates  l’enlevèrent  dans 
le  moment  qu’elle  alloit  recevoir  le 
coup  mortel  ? Nos  Peuples  eurent  plus 
de  comp^on  pour  elle  que  les  Grecs 
n’en  avoient  eu  : & an  lieu  de  la  làcii- 
fier  à Diane  , ils  la  choifirent  pour 
préGder  elle-méme  à fes  facrifices.  Le 
Frince  fort  , déplorant  fa  malheureufe 
gènitofiti  , qui  a fauvé  la  vie  à deux 

Grecs  pour  la  leur  faire  perdre  plut 
erueUement. 

4 

S CE  N E V. 

If  Roi  témoigne  à fon  confident  qu*il 
je  fatt  violence  en  maltraitant  fon  fils. 
Mais  quelle  apareoce  de  donner  les 
mains  à une  pafüon  qui  le  deshono- 
re ? Allons , âc  demandons  à la  Déef- 
iê  parmi  nos  prières  , qu’elle  donne  à 
mon  fils  des  lêntimens  plus  dignes  de  lut 

JRn  dit  premier  A£te. 

b EXTR. 


1 


«4 


. EXTRAIT 

DU  TRAITE’  DE  LUCIEN  , 
inticujé  , comment  il  faut  écrire 
PHiJîoire.  (i) 

V 

L’Hiftoire  «ed  toute  diffîrente  de  la 
Poëde.  Le  Poëce  a belbin  de  tous 
les  Dieux  quand  il  veut  peindre  Aga> 
memnon  ; il  lui  faut  la  tête  & les 
yeux  de  Jupiter , la  poitrine  de  Nep- 
tune 4 le  boudiet;  de  Mars.  L’Hifto- 
sien  peint  Philippe  borgne , comme  il 
.^toit. 

Alexandre  jetta  dans  l’Hyda/pe 
l’Hiftoire  d’Ariftobule  , qui  lui  faifoit 
faire  des  aâions  merveilleufes  ) qu’il 
n’avoit  point  faites  lui  dit  qu’il 
lui  faifoit  grâce  de  ne  l’y  pas  faire  jet* 
^er  lui-même. 

Il  y a des  Hidoriens  qui  croyen( 
faire  grand  plaidr  à un  Prince  en  ra- 

^ valant 


T ( i\  torfqu*il  fut  nommé  pour  écrire  l*Hiiloire  du 
3loi  9 il  fie  cec  E%crak  , comme  il  eft  die  dans  ft 
wiSéi  pour  fc  mccuic  dcvunc  yeux  jpeis 


EzTR.  do  TaJOTE*  DE  Ldciem.  ÏS 

valant  le  mérite  de  Tes  etinemis.  Achil» 
le  feroit  moins  grand  s’il  n’avoit  pas 
dé£ût  an  Heâor.  D’éptres  inveâivenc 
centre  ■ les  Chefs  ennemis  , comme 
s’ils  vouloient  les  dé£ure  la  plume  à 
la  main. 

Un  autre  remplira  fon  Hiftoire  de 
petits  détails  , & de  mots  de  l’art , 
comme  feroit  un  foldat  ou  un  ouvrier 
qui  auroit  travaillé  dans  le  camp  : un 
autre  employera  tout  fon  tems  à faire 
d'ennuyeufes  deA:riptions , de  l’imbil- 
lement  , ou  des  armes  du  Général , 
oo  d’un  bois  ^ quand  ils  viennent  aux 
grandes  affaires , ils  y font  tous  neufs. 
IJm  penfent  attraper  le  merveilleux 
en  écrivant  des  c^(et  contre  le  vrai* 
femblab/e  ^ des  bleÛmes  prod|gieafes , 
des  morts  incroyables. 

L’on  fè  fert  qodqoefois  de  phrafes 
belles  & magnifiqaeé  , comme  pour* 
roic  faire  ou  Poète , & tombe  tout  à-  _ 
«oup  dans  -de  baffes  expreffions.  C’eff  ; 
nn  homme  qui  a un  pied  chauffé  d’un^ 
brodequin  , & une  fandale  à Tautre 
pied. 

Un  autre  décrit  corieufement  & fort 
an  long  les  petites  chofes  , & paile 

Iraéremeiu;  Air  les  gruides. 

b a Voila 


i 


î5  Extrait  00  Tiait** 

Voilà  les  principales  fautes  où  peut 
tomber  un  HiÆorien.  Voici  les  prio> 
cipales  qualitez  qu’il  doit  avoir. 

Les  deux  plus  néceflaires , ce  font 
un  bon  fens  pour  les  cbo&s  du  mon- 
de , & une  agréable  expreffion.  La 
première  efl:  un  dôn  du  del.  L’autre 
fe  peut  acquérir  par  un  grand  travail  ^ 
& une  grande  leélure  des  Anciens. 

Il  faut -qu’un  Hiftorien  ait  vû  une 
armée  , des  foldats  rangez  en  bataille; 
ce  que  c’efk  qu’une  aîle  , un  front  , 
des  bataillons , des  machines  de  guer- 
re , &c.  & qu’il  ne  s’en  raporte  pas 
aux  yeux  d’autrui. 

Sur  • tout  il  doit  être  libre  , n’efpé» 
tant , ni  ne  craignant  rien  ; inacceilî- 
ble  aux  prelens  & aux  récompenfes  ; 
ne  faifant  grâce  à perfonne  ; juge 
équitable  & indifférent  , fans  pars  , 
& fans  maître , «W/awt»?.  Qu’il  dife 
. les  choies  comme  elles  font  ^ fans  les 
. farder  , . i les  déguifer  ; car  il  n’elb 
pas  Poëté , il  eft  narrateur , & par 
conféquent  n’eil  poipt  refponfable  de 
ce  qu’il  raconte  : en  un  mot , il  faut 
qu’il  facrifie  à la  feule  vérité  , & 
qu’il  n’ait  pas  devant  les  yeux  des  ef- 
pérances  au0î  coartçs  que  celles  de 

cette 


DS  LirCIEK,  ‘ If 

cette  vie , mais  l’eftime  de  tome  la 
poftérité.  Qu’il  imite  cet  Architeâc 
du  Phare  d’Egypte  y qui  mit  fur 
du  plâtre  le  nom  du  Roi  qui  l’en» 

P oyoit  ) mais  deflbus  ce  plâtre  foa 
propre  nom  , fçachanc  bien  que 
le  plâtre  tomberoit  ^ & que  Ton 
nom  iè  yerroit  écernellemenc  fur  la 
pierre. 

. Alexandre  a (ht  plus  d’une  fois  : O 
fne  ne  puis  je  revenir  dans  3 ou  400  ans  , 
pour  entendre  de  quelle  manière  les  hom- 
mes parleront  de  moi  ! 

11  ne  faut  pas  fe  mettre  en  tête 
d’avoir  on  fiyle  fi  magnifique  ; il 
fzvix.  s’y  prendre  plus  familièrement. 
Que  le  fens  & \a  vérité  Toit  preiTé , 
qu’il  y ait  du  fens  ât  des  chofes  par* 
tout  3 mais  que  l’expreiiion  foit  clai- 
re t & comme  parlent  les  honnêtes 
gens.  Car  , comme  l’Hifiorien  ne 
doit  avoir  dans  l’efprit  (jue  la  liber* 
té  & la  vérité  , il  faut  aufil  qu’il 
n’ait  pour  but  dans  Ton  fiyle  que  la 
netteté  , & de  reprefenter  les  cho* 
fbs  telles  qu’elles  font.  En  un  ttiot , 
que  tout  le  monde  l’entende  , St 
que  les  Sçavans  le  louent  : ce  qui  ar> 

rivera  s’il  le  fert  d’exprefllons  qui  ne 

b 3 foiens  . 


I 


f 

ig  Exvkaxt  DD  Traîts’ 

foiènc  point  trop  reirbeichées  ^ ni  auffi 
trop  commones, 

11  faut  pourtant  que  l’Hiftorien 
ait  quelque  chofe  du  Poëce  dans  les 
penfées  , fur-tout  lorfqu'il  viendra  à 
décrire  une  Bataille  , des  Années 
qui  vont  fe  choquer  ^ des  Vaideaux 
prêts  à combattre  ; c’eÆ  alors  qu’il 
a befoin  , pour  ainfî  dire  , d’un  vent 
poétique  qui  enfle  les  voiles  , & -qui 
fafle  groflir  la  mer.  Il  faut  pourtant 
que  rexpréflioa  ne  s’élève  guère  de 
terre. 

N’avoir  point  trop  foin  de  l’harmo- 
nie & du  fon  : mais  aufli  ne  pas  écor- 
cher les  oreilles. 

Il  faut  bien  prendre  garde  de  qui 
on  prend  des  Mémoires , & ne  con- 
fulter  que  des  gens  non  fufpeâs  oa 
de  haine  ou  de  complaifance  » foit 
pour  eux -mêmes  , foit  pour  les 
autres. 

Quand  on  a fait  provifîon  de  bons 
Mémoires , alors  il  faut  les  coudre  » 
& faire  comme  un  corps  id’Hiftoi- 
re  , fec  & décharné  ' d’abord  , pour 
y mettre  enfuite  la  chair  de  les  cou- 
leurs. 

11  faut  t comme  le  Jupiter  d’Ho** 

mére> 


» £ L tf  e 1 1 ir> 

fdére  » ^ue  THiftorien  porte  les  yeax 
de  cous  côcez , & qu’il  voye  suffi*  bien 
ce  qui  fe  pafle  dans  le  parti  ennemi , 
^ue  dans  l’autre  parti. 

Il  doit  être  comme  un  miroir  pur 
& fans  tache  , qui  reçoit  les  Objet» 
tels  q^u’ils  font  , ne  mettant  rien  da 
fien  • qu’une  expreffion  naïve , fan» 
fe  meure  en  peine  de  quelle  nature 
eû  ce  qu’il  die  , mais  de  quelle  ma- 
nière il  le  doit  dire. 

Sa  narration  ne  -doit  pas  être  dé' 
eouAiê  ; non*feulement  les  choies  doi> 
▼ent  fe  fuivre  y mais  fe  tenir  le^  unes 
amz  autres.. 

fi  faut  içavoif  ne  pokit  s’étendre 
dans  les  àefciipüons  : témoin  Homé' 
re  f qui  en  a pù  faire  de  fi  belles  ', 
& qui  a fi  ibuvent  paffié  par  • deflus 
courageufement.  Ne  croyez  point 
que  Teucydide  foit  long  di^s  la  def* 
cription  de  la  peite  t fongez  de  ^elfe 
importance  efi  tout  ce  qu’il  dit  : il- 
fuit  les  choies , mais  les  chofes  l’arrê' 
tent  malgré  lui. 

On  peut  s’élever , & être  Orateur 
dans  les  harangues  * pourvû  qu’elles 
conviennent  à celui  qui  parle. 

JI  faut  être  court  & circonfpeét 

b 4 


20 


Extrait,  &c. 

dans  les  jugemens  : jamais  calomnia* 
teur.  Il  faut  toujours  être  apuyé  de 
preuves.  L’Hiftorien  n’eft  point  de- 
vant des  Juges  pour  faire  le  procès 
à ceux  dont  il  parle  : il  ne  doic 
point  être  accufateur  , mais  HUto- 
rien. 


FRAGMENS 


FRAGMENS  HISTORIQUES. 

JE  ne  donne  quî une. petite  partie  de  cet 
fragmens , dont  je  ne  releve  le  prix , ni 
pour  le  fond , ni  pour  la  forme.  Quant  ait 
fond , on  n'y  trouve  rien  de  curieux  : ce- 
qui  pouvoit  Pêtre  du  tenu  de  lü Auteur , 9 
iti  écrit  depuis  par  différetu  Hiflwiens» 
Quant  à la  former  ce  ne  font  que  de  cour» 
tes  Obfervatiatu  <pie  P Auteur  y qui  en 
devait  faire  ufage  dans  la  fuite  , jettoit 
fur  le  papier  fans  Jlyle  Q*  fans  ordre^ 
Cette  raif  on  m'oblige  encore  à n'en  don» 
ner  qu'une  petite  partie , pujf. qu'on  ignore 
l’ufage  ^’uR  Auteur  devait  faire  des 
çbofes-'qu'on  trouve  après  fa  mort  , écri» 
ses  par  lui  fans  ordre  y qu'il  rsécrivoip 
que  peur  lui  feuL  11  peut  avoir  écrit  tel 
fait  y RO»  comme  véritable , mais  comme: 
débité  de  Jon.  tems  y & dans  le  dejfeinde 
k détruire. 

Ce  ne  font  ici  que  des  membres  épars- 
& déchantez , que  PHiJiorien  devait  raf» 
Jembler  (ÿ  animer  : & je  niai  d'autre' 
objet  en  les  faijant  connoUre , que  de  dé» 
tromper  ceux  qui  croyent  qu'il  ne  s'oecu» 
poit  point  do  PÜiJloirei  du  Roi  ou  qu'il'- 

U 5^ 


22 


Fraghkni  Histos; 

ne  touloit  donner  qu'un  éloge  bijlorîque  dSr 
ce  Prince.  Il  paroît  au  contraire  par  lef 
Extraits  qu'il  a faits  de  Vittorio  Siri , ^ 
de  plufieuTs  Mémoires  , qu'il  s'étoit  for»- 
mé  un  plan  très  ■ vajle  , ^ que  fe  met» 

' tara  au  fait  des  affaires  étrangères  , corn» 
me  de  celles  de  lintérieur , il  embraffoît 
fon  grand  objet  dans  toute  fon  étendu^  ^ 
& compioit  faire  l'ilijloire  du  Royaume 
fous  le  régne  de  Louis  XIK  E en  avoie 
déjà  compofé  plufieurs  grands  morceaux  r 
mais , comme  je  l’ai  dit , ils  périrent  dont- 
l'incendie  , par  laquelle  tout  ce  que  M.  de 
Valincour  confervoit  dans  fa  Maifon  de  Sm. 
Cleud  fut  confommé  en  un  moment  ^ ma>r 
gno  cum  Muf»:um  mœrojre» 

I 


*3 


« 

Vîpy*  iWWiiW 

F R A G M E N s. 

HIS  T ORIQUES. 


QUaod  le  Cardinal  Mazaria  forcit 
de  France , il  demanda  un  hmnme 
de  confiance  à M.  le  TelUer  ; qui  lui 
donna  Colbert , en  priant  le  Cardinal 
que  qpand  il  recevroic  de  lui  des  Let- 
tres mcrette» , il  ne  les  gardât  point , 
mais  les  reniUc  à Coibort.  Un  jour  le 
Cardinal  en  vonlot  garder  nne«  Col- 
bert liû  réfifta , jufqp’à  le  mettre  en 
colère. 

Le  Cardinal  Mazarin  <£c  à VilIer<H 
^atre  jours- avant  fa  mort  : On  fmt 
Utn  des  cbofes  en  cet  itet , qu’on  ne  fiat 
fax  Je  portant  bien.  Le  lendemain  il  vit 
M.  le  Ftince , lai  parla  long-tems  , & 
fort  affeduenfoment.  M;  le  Prince  re- 
connut après , gu-’il  ne  Im  avmt  pat 
dàt  un  mot  de  vraù 
11'  recommandn  au  Roi  trois 
mes , Coltert , Lefcot  Jouailler  ^ 
Ratabon  ^s  Mrîmensk 
Jd^  Colbert  diTotti-qt^àp  «onmien* 

bd  «emeai 


24  Fragukks 

cernent  que  le  Roi  prit  connoilTaoce 
des  affaires  , ce  Prince  lui  dit  & aux 
autres  Miniffres  : Je  vous  avoué  frasi- 
ÿ ebement  que  j'ai  un  fort  grand  penchant 
\pour  les  platfirs  ; mais  fi  vous  vous  aper» 
'cevez  qu’ils  me  fajjent  négliger  mes  affai- 
’res , je  vous  ordonne  de  m'en  avertir. 

La  Reine  Mere  fçavok  qu’on  arré« 
.teroit  M.  Fouquet.  On  Tavoit  dit  à 
Laigue  , pour  le  dire  à Madame  de 
Chevreufe  » aËn  qu’elle  y difpofât  la 
Reine , ce  qui  fe  à Danapierre.  Vil- 

leroi  le  fçut  aulli.  Le  Roi  vouloit  le 
faire  arrêter  dans  Vaux  ; Quoi , au  mû’ 
lieu  d'une  fête  qu*il  vous  donne  ! lui  die 
la  Reine. 

Le  Roi , pea  avant  le  jugement  de 
M.  Fouquet , dit  à la  Reine  dans  foa 
Oratoire. , qu’il  vouloit  qu’elle  lui  pro« 
mit  une  chofe  qu’il  lui  demandoit , c’é- 
toit  fi  Fouq.ùet  é.toit  condamné  , de  ne 
lui.  peint  demander  fa  grâce.  Le  jour 
de  l’arrêt , il  dit  chez  Mademoifelle  la 
. Valliére  : S'il  eût  été  condamné  à mort  ^jt 
Maurois  laijfé  mourir.  Il  amt  dit  à M* 
de  Turenne  très>fortement  y de  ne 
.plus  fe  mêler  de  cette  affaire.^ 

Le  Roi  fe  nettoyant,  le»  pieds , oa 
.Valet* de  t chambre  qui  tenoit'  la  bou- 
gie* 


Hïstobiq,oes.  25 

ffe , lui  laifla  tomber  fur  te  pië  de  la 
dre  toute  brûlante  : il  dit  froidement  ; 
Tu  aurais  aujji  bien  fait  de  la  laijfer  tant» 
ber  à terre, 

A un  autre  Valet  d&cfaambre  , qui 
en  hiver  aporta  fa  chemite  toute  froi- 
de , il  dit  encore  fans  gronder.  Tu  me 
la  dknneras  brûlante  à la  canicule. 

Un  Portier  du  Parc  qui  a voit  été 
averti  que  le  Roi  devoit  fortir  par  cet^ 
te  porte  , ne  s’y  trouva  pas , & fè  fie 
long  teffls  chercher.  Comme  il  venoie 
tout  en  courant , c’étoit  4 qui  lui  dirait 
des  injures.  Le  Roi  dit  : Pourquoi  la 
grondez-vous  , croyez  vous  qu’il  ne  fait 
pas  ajfez  affligé  de  rn  avoir  fait  attendra  2 
Le  Nonce  lui  dît  que  Ci  le  Doge  de 
Genes , & quatre  des  prindpaux  Séna- 
teurs venoient , la  République  deroeu* 
reroit  fans  cheft  pour  la  gouverner.  It 
répondit  t Ils  (prendront  à mieux  gou» 
vtrner, 

£n  donnant  Tagrément  & la  diipea» 
iê  d’âge  4 M.  Chopin  pour  la  charge 
de  Lieutenant  • Criminel  , le  Roi  loi 
dit  ; Jevour  exhorte  àfuiwoplûtêt  les  ma^ 
xitnes  de  vos-  ancétrea , que  les  exemflex 
êe  vot  prédéceffèurr. 

■ Xb’Bvéqoe  da  MetX'*|  revenant  de 


F ft  A G M » » »' 

fen  Séminaire  ».  o»  H avoit  piSS  dix 
jour*  » parloit  devant  le  Roi  avec  exa^ 
gération-  du  défintéreflement  de  toua- 
&s  EccIeQaftiqoes  » qui  ne  faifoient  au* 
eun  cas  » difoit41 , ni  de  Bénéfices , ni 
de  richeûes  ; & qui  même  , s’en  moc* 
qqoienc  : Finu  vous-  mocpiez  donc  bie» 
ifseje  » Jui  dit  le  Roi. 

A foD  lever  l’Archevêque  d’Ambran> 
k>uoit  beaucoup  la  harangue  de  l’Abbé 
Colbert.  Le  Roi  dit  à M.  de  Maule^ 
vrièr ^i’rommez>»iei  dette  pas  dite  urs 
mot  à Colbert  de  tout  ce  que  va  dire  l'As» 
ebevêque:  dAmbrun  : oi  enfuite  il  dit 
à l’Archevêque  » Contimez  tant  q^U 
vous  plaira. 

• Le  Chevalier  de  LOTrmne , obligé  de  ' 
& retirer  »-  dit  au  Roi  » en  prenant 
congé  de  lui  qu’il  ne  vouloit  plus  fonr 
ger  qu’à  fon  falut.  Quand  il  fut  for^  ^ 
le  Roi  dk  ; he  Chevalier  de  Lorrainà 
Jonge  à faire  une  reiraite  & emmene  avec 
hâ  le  Pere  Nantouillet. 

|T  Quand  je  lui  eus  récité  mon  difcoars^ 
R me  dit  : Je  vous  louerais  davtmtage  y 
^ vous  ne'  m'aviez  pas  tant  Joué»  . 
k:  On  prétend  que  les  remontrances 
que  lui  faifoit  M.  Colbert  au  fujet  des 
bâtiment  ;^ravoienc  chagriné^. jurques- 


Hzt  ^ 

&qu*il  dit  «aefoi»à  Mani^d  : Oh  m» 
dmm  trop  dt  dégoût  ijo  ne  veux  plus  [on- 
ger  à bâiis^ 

11  écrivit  à M.  Colbert  peu  de  jours> 
avant  là  mort  »,  pour  lui  commander 
de  manger  & de  prendre  foin  de  luû 
M.  Colbert  ne  dit  pas  an  root  après 
qn*on  lui  eut  Id  cette  lettre*  On  lu» 
aporta  an  bouillon , & U lerefuTa.  Ma» 
dame  Colbert  lui  dit  : ÎUt  voulez-^vouo 
ftu  répondre  au  Rot  2 U lui  dit  : R ejt 
Air»  tem  de  cela  , e'efi  au  Roi  des  Rù» 
§ue  je  finge  à répondre^  Comme  elle  li» 
dilmt  une  autrefois  quelque  cbofo 
de  cette  nature , il  lui  dit  : Madame 
quand  j'itm  data  ce  ceéiaet  A travailler 
pont  les  araires  du  Roi  , mvous  m lep 
sutre*  n'ofitz  y etartr  y fÿ  maintenauii 
qu’il  faut  pu  je  travaille  aux  traites  èf 
monjoha , vous  ne  me  laiffèz  poitO^en  re^ 
pou  Le  Vicaire  de  Saint  Euftache  vins 
loi  dire  qu’il  avertirrot  fos  Paroiffieos- 
de  prier  Dieu  pour  fa  fanté.  Non  pax 
cela  ydit  M.  Ct^bert , qv^tis  prient  ûien 
é me  faire  mi/ériewàe* 


\ 


•XAILX-E^ 


zS  Fraqkbk( 
TAILLES. 

En  56  million!. 

' "n  1678  40. 

in  1679  34. 

En  i^8o  32. 

Eni(î8i  35. 

. En -ii585  35^ 

4.  ■ • 

« - * 

La  dépenfe  des  bâtimens  en  1685.  » 
nooc«  à id millions. 

. Le  Nonce  Roberti  dilbit  ; Bifogna  in 
farinarji  di  Ibeotogia  è far  un  fonda  dipo» 
litica. 

Le  même  Nonce  difoit  à M.  TAbbé  le 
Tellier , depuis  Archevêque  de  Reims  » 
qui  lui  foucenoic  l’autorité  du  Concile 
àu-dedus  du  Pape  : Ou  n’ayez  qu’un 
Bénéfice , ou.çroyez^  à l'autorité  du  Pape,  > 

; * M.  l’Archevêque  de  Reims  léppn*^ 
dit  à l’Evêque  d’Autun  , qui  lui  mon» 
troit  un  beau  buffet  d’argent  ^en  lui 
. difant  qu’il  étoit  pour  les  pauvres  : P!buf 
pouviez  leur  en  épargner  la  façon,. 

Quand  U fut  Coadjuteur  fous  le  titre 
de  Naziance  , les  R.  Peres..»  lui  vin^ 
ren:  demander  fk  proteâion.  H leur 
lUc:^  n'ai  point  de  pouvoir  à Rems  ; 

maie 


Hl  ST0KIQ.ÜE9.  Z9> 

mais  à NazSance  tant  que  vous  voudrez. 

On  dit  qu’à  Strasbourg  , quand  le 
Roi  y fit  fon  encrée  , les  Députez  des 
SaiflTes  l’étant  venu  voir,  l’Archevêque 
de  Reims  , qui  vid  parmi  eux  l’Evê* 
qne  de  Bâle  , dit  à Ton  voifîn  : Cejl 
quelque  miférable  aparemment  , que  cet 
Evêque.  Comment  , lui  dit  i’Autré , il  a 
cent  mille  livres  de  rente.  Ob  , oà  , dit 
l'Archevêque,  c'eji  donc  un  honnête  hom^ 
me , il  lui  fit  mille  careffes. 

* Milord  Rouflel , qui  a eu  depuis 
peu  le  col  coupé  à Londres , en  .mon- 
tant à réchafiàut , donna  fa  montre  aa\ 
M'miftre  qui  l’exbortoit  à la  mort  : 7>-  j t 
tiez  , dit-il  , voila  qui  Jert  à marquer  le  1 f 
tems  y je  vais  compter  par  Vétemïié.  Ce  / 
Minière  étoit  M.  Burnet. 

**  Dikfeld  a avoué  à on  Danois  nom* 
mé  M.  Schell , que  ce  Grandval  qui  fut 
exécuté  en  Hollande.,  pour  avoir  voulu 
aflafiner  le  Prince  d’Ôrange  , avoit  dé- 
claré en  mourant , que  jamais  le  Roi  de 
France  n’avoic  eu  connoiffance  de  fon 
deflein  , & que  s’étant  même  voulu 
adreffer  à M.  de  Louvois , celui  ci  lui 
dit , que  fi  le  Roi  fçavoit  qu’il  eût  une 
pareille  penfée , il  le  feroit  pendre. 

* On  penfa  commencer  la  guerre 

dès 


3»  F K A G H B N » 

'dés  1 666.  Le  Roi  en  avoic  fort  envie'  f 
mais  il  n’y  avoic  rien  de  prêt.  Lorfqu’on' 
la  commença  , l’artHlerie  n’étoit  pae 
prête  , & ce  fut  une  des  raifons  qui  fie 
qu’on  s’arrêta  à réparer  Charleroi  : de> 
là  le  Roi  alla  à Avênes , où  on  fit  ve* 
air  la  Reine  ôc  Madame  de  Moncefi- 
jpan. 

* En  1^72.  le  Roi  vouloir  que  Mef- 
fieurs  de  Malthe  fe  déclaraflenc  aufii 
contre  les  Hollandois  ; il  dirent  qu’ila 
ne  fe  déclaraient  jamais  que  contre  le 
-.Turc. 

* Vitrî.  (i)  Affeftions  des  habitans 

''  feux  dé  joïe , lanternes  à toutes  les  fe« 

^ . sêtres.  Us  arrachèrent  de  l’EgUfe  où  le- 
Roi  devoit  entendre  la  mefle , la  tom- 
be d’un  de  leurs  Gouverneurs  , qui 
avoit  été  dans  le  parti  de  la  ligue , de  **  | 
peur  que  le  Roi  ne  vît  dans  leur  Egli-  i 
îe  le  nom  & l’épitaphe  d’un  Rebelle; 

Sermaife  , vilain  lieu.  Le  fauteuil  du 
Roi  pouvoir  à peine  tenir  dans  fa  cham- 
. bre. 

. Commercy  , Le  bruit  de  la  Cour  ce’ 
jour  là  étoit  qu’on  retourneroit  à Paris.r 

Trof.  , 


(0  F^cce  4e  petic  Jonrnal». 


J 


HisTonidu  3Ei 

tbuL  On  fïjourna  un  jour.  Lç  Roi  & 
]e  tour  de  la  ville , vifita  les  fortifica* 
tions  f & ordonna  deux  battions  du  cô» 
té  de  la  rivière. 

Metz.  On  fèjourna  deux  jours.  Le 
Maréchal  de  Créqui  s’y  rendit , & eut 
ordre  de  partir  le  lendemain.  Quantité 
d’Officiers^eurenc  ordre  de  marches 
vers  Thion  ville.  Le  Roi  vifita  enco- 
re les  fortifications  , qu’il  fit  réparer» 
Grand  zèle  des  habitans  de  Metz  pouc 
Je  Roi. 

Verdun,  Le  Roy  y trouva  Monfieur  » 
qui  avoir  une  grotte  fièvre,  il  alla  vifi- 
ter  la  citadelle. 

Stenay.Le  Roi  y arriva  avant  la  ReL 
ne,  & alla  voir  les  fortifications  de  la 
citadelle.  Le  Roi  quitta  la  Reine , ôc 
partit  le  matin  à cheval.  Il  ne  trouva 
point  Ton  diné  en  chemin  ; il  mangea 
fous  une  balle , & but  d’un  très  mau* 
vais  vin. 

Aubignj  , méchant  village.  Le  Roc 
coucha  dans  une  fermé  } il  vouloit  al- 
ler le  lendemain  à Landrecies  : mais 
tout  le  monde  cria  que  c’étmt  trop 
loin.  Il  envoya  les  Maréchaux  des  Logis 
à Guife  y il  dîna  le  lendemain  à une 
Abbaye  , & fit  jazec  un  Moine  pouc 
fe  (fivertir»  Cui/u 


3 2 F R A G ]f  £ K s 

Gütfe.  Grand  nombre  de  charîtezi 
qu’il  faifoit  en  chemin.  Une  vieille 
femme  demanda  où  étoit  le  Roi  : on 
Je  lui  montra;  & elle  lui  dit  ; Je  vous 
avais  déjà  vü  une  fois  , vous  êtes  bien 
changé.  Le  Roi  aprochant  de  Valenciei^ 
nés  reçut  nouvelle  que  Gand  étoit  in« 
vefti.  À une  lieuë  de  Valenciennes  le 
Roi  m’a  montré  fept  villes  tout  d une 
vûé  , qui  font  maintenant  à lui } il  me 
dit  ; Fous  venez  Tournai , qui  vaut  bien 
que  je  hazarde  quelque  cboje  four  le  côn- 
ferver.  Le  Roi  en  arrivant  à Valencien- 
nes , fe  trouva  fi  las  , qu’il  ne  pouvoir 
“ fe  réfoudre  à monter  jufqu’à  fa  cham- 
bre. 

Gand , 4 Mars.  ' Le  Roi  trouv* 
Gand  inverti  par  le  Maréchal  d’Hu- 
mieres.  Il  dîna  & alla  donner  les  quar- 
tiers , & faire  le  tour  de  la^lace.  Le 
quartier  du  Roi  étoit  depuis  le  petit 
Efcaut,  jufqu’au  grand  Efcaut.  M.  de 
Luxembourg  depuis  le  grand  Efcaut 
jufqa’au  canal  du  Sas  de  Gand.  M.  de 
Schomberg  entre  ce  canal  & le  canal 
de  Bruges.  M.  de  Lorges  entre  le  ca^ 
nal  de  Bruges  & le  petit  Efcaut.  La  Lys 
pafibit  au  travers  de  fbn  quartier.  M. 
le  Maréchal  d’Humieres  étoit  dans  le 

' quartier 


Hi«toriq.v«$.  33 

^oartier  da  Roi.  Les  lignes  de  cir< 
convallation  écoienc  communes , & le 
Roi  les  fît  achever  ; elles  étoient  de 
fepc  lieuës  de  tour.  On  commença  dès 
le  foir  à préparer  la  tranchée.  M.  de 
Maran  fit  faire  un  boyau  « dont  on 
s'eft  fervi  depuis , & qui  a été  l’atta* 
que  de  la  droite  , qu’on  a apellé  l’at« 
taque  de  Navarre.  Le  lendemain  5 la 
tranchée  fut  ouverte  fur  la  gauche  par 
■le  régiment  des  Gardes. 

Le  Roi  a dit  après  la  prife  de  Gand , 
qu’il  y avoit  plus  de  crois  mois  que 
le  Roi  d'Angleterre  avoit  mandé  à 
ViUa-Hermofa  , qu’il  avoit  fur  tout  i 
craindre  pour  Gand. 

Miférable  état  des  Efpagnols  ; ils 
fe  rendirent  famé  de  pain.  Le  Gou- 
verneur , vieil  & barbu  , ne  dit  au 
Roi  que  ces  paroles  : ^ viens  rendre 
Candà  F.  M.  c'ejl  tout  ce  que  j'ai  à lui  dire, 
* Pendant  que  les  armes  du  Roi 
profpéroient  en  Allemagne  , (1  ) Tes 
forces  maritimes  s’accrpifToient  confi- 
dérablement , jufqu’à  donner  déjà  de 

l’inquié- 


(1)  Toutes  ces  ob(êrvaûons  font  douchées  Icsuncf 

VIUCS4  ^ 


F il  A C M E K « 

l’inquiëtude  à Tes  Alliez.  Ils  s’ëtoîçnt 
xnëcquez  de  tous  les  projets  qu’on  fai> 
iôit  en  France  pour  fe  rendre  puiflans 
fur  la  mer , s’imaginant  qu’on  ie  re* 
buteroit  bien-tôt  par  les  difficultés  qui 
ib  rencontreroient  dans  rëxëcution  • 
& par  les  horribles  dëpenfes  qu’il  fal- 
loir faire.  Ils  ne  voyoient  dans  les 
ports  que  deux  galëres , <Sç  une  dou- 
zaine de  vaifleaux 4 dont  plus  de  la, 
moitië  tomboient  pour  ainiî  dire  , | 
par  pièces.  Les  arfenaux  & les  maga-'' 
fins  entiërement  dégarnis , &c. 

* Frëdiëtions  de  Campanella  fur  la 
grandeur  futiue  du  Dauphin , ( depuis 
Louis  XIV.  ) Préfages  fur  la  même 
ehofe.  Grotius.  La  conftellation  du 
Dauphin  xompofée  de  neuf  ëtoiies  : 
les  neuf  Muf^  fuivant  les  Aflrolo- 
gues  , environnée  de  l’aigle , grand 
génié , du  Pegaze  ^ puHTant  en  cava-. 
lerie  : du  Sagittaire , Infanterie  : de 
i’Aquarius  , PuffiTance  maritime  : du 
Cygne  > Poëtes , Hiftoriens ,,  Orateurs 
qui  le  chanteront.  Le  Dauphin  tou- 
che rSquateur , Juflice.  Né  le  Diman* 
che  y jour  du  foleil.  Æ folis  infiar  bea- 
turus  fuo  colore  ac  Itmine  Galliam  , Gai- 
iiague  cmicos^  Delpkinusjam  nonam  m- 

trken 


H 38  T OR  I 0^02*. 

tmtnfugit  : aufugmnt  omnes , quhd  mam^, 
aas  earum  male  traiiet.  i.  Janv.  1639* 

* Le  Parlement  eompUmenta  par 
Dépatés  le  Roi  Henri  IV.  fur  la  mort 
de  Madame  Gabrielle.  Le  P-  PréQdeac 
de  Hulay  rendant  compte  de  fa  dé« 
putation  « dit  : Laqueus  contritus  ejl , 
6f  nw  liberMÜ  futnuu 

* Plullears  chofes  eatravagantec 

trouvées  après  la  mort  de  Mezerai 
dans  Ton  Inventaire  ; entr’autres  dans 
uu  fac  de  mille  francs , ce  billet  : (.‘H 
Cejl  tci  le  dertiHr  argent  que  fat  reçu  du 
R#i  i aujjt  depuis  ce  $ems4à  n’aHejatnais, 
dit  de  bien  de  lui.  * 

I^ns  un  fac  d’écus  d^or  ) il  y avoîc 
on  écu  d’or  envelopé  fcul  dans  un  pa- 
pier où  étoît  écrit  : Cet  écu  d’or  ejl  du 
ion  Roi  Louis  XII.  6*  je  l’ai  gardé  pour 
louer  une  place  ddk  je  puiffe  voir  pendre 
le  plus^  fameux  Financier  de  notre  Jiécle» 
On  lui  trouva  plus  de  50  mille  fratica 
en  argent  derrière  des  livres  » & de 
tous  côtez. 

U fit  an  Cabatetier  de  la  Cirapelle* 
fo&l^taire  univerfel. 

*M. 

(0  Oa  im  £i  pcafion« 


3^  Fraghbns 

* M.  Feuillet  regardoit  Monfieur 
faire  collation  en  Carême.  Monlîeur , 
en  forçant  de  table , lui  montra  un  pe< 
tic  bifcuic  qu’il  prit  encore  fur  la  ta- 
ble , en  difant  : Cela  n'ejl  pas  rompre  le 
I jeûne  , n*ejl  il  pas  vrai  ? Feuillet  lui  re- 
^ pondit  ; Mangez  un  veau  tÿ  f oyez  Ciré* 
Mien. 

* AlexMdre  VIII.  n’étant  encore 
que  Monugnor  Ottobon  , & ayant 
grande  envie  d’être  Cardinal , fans  qu’il 
lui  en  coûtât  rien  , avoit  un  jardin 
près  duquel  la  Dona  Olympia  venoit 
.fouvent.  Il  avoit  à la  Cour  de  cette 
Dame  un  ami  , par  le  moyen  duquel 
il  obtint  d’elle  qu’elle  viendroit  un  jour 
faire  collation  dans  Ton  jardin.  Il  l’at- 
tendit en  eSèt  avec  une  collation  fort 
propre  , & un  beau  buffet  tout  aux 
armes  d’Olympia.  Elle  s’aperçût  bien- 
tôt’ de  la  chofe , & compta  dga  le 
buffet  pour  elle  : car  c’étoit  la  mode 
de  lui  envoyer  des  fleurs  ou  des  fruits 
^dans  des  baffins  de  vermeil , qui  lui 
deroeuroient  auffi.  Au  fbrtir  de  chez 
Ottobon , l’ami  commun  dit  à ce  Pré- 
lat , qu’OIympia  comprenoit  bien  Ton 
ddTein  galant , & en  iétoit  charmée;. 
Celui-ci  mena  fou  ami  dans  fon  cabi> 

net , 


Histork^obi.  37 

aet , & ]ai  montra  un  très  beau  collier 
de  perles , en  difant  : Ceci  ira  encere 
avec  la  creienza  , le  buffet.  Quinze 
jours  après  il  y eut  une  promotion, 
dans  laquelle  Octobon  fut  nommé  , 
& il  renvoya  au(fi*tôt  le  collier  de 
perles  chez  le  marchand  , & fit  ôter 
de  fa  vaiflelle  les  armes  d'Olympia. 

* M.  Pignatelli  ^ maintt^ant  Pape , 
an  retour  de  fa  Nonciature  de  Polo* 
gne , n'étoit  guère  mieux  iollruit  des 
affaires  de  ce  Pays-ià  , que  s’il  n’eût 
jamais  fort!  de  Rome.  Un  jour  qu’on 
parloir  du  fiége  de  Belgrade  , le  Pape 
Innocent  X.  qui  avoir  fort  à cœur  la 
guerre  du  Turc  , dit  à M.  Pignaiel- 
li  , qu’il  vint  Vaprès  dînée  l’entrete* 
nir  fiir  la  iltuation  de.  Belgrade.  Le 
bon  Prélat  fort  embarrafle  , fe  confia 
i on  Capitaine  Suifle  de  la  garde  du 
Pape , qui  avoir  fervi  quelques  années 
en  Hongrie.  Ce  Capitaine  fit  ce  qu’il 
put  pour  lui  faire  comprendre  là  litua* 
lion  de  cette  place , & lui  ouvrant  les 
deux  doigts  de  la  main  , lui  difoit  : 
Eccovi  la  Sava  , ecco  il  Danuvio  ; &. 
dans  la  fourche  des  deux  doigts  ; Ecco 
Selgrada.  Pignatelli  s’en  alla  à l'audien* 
ce , tenant  fes  deux  doigts  ouverts  , 

c & 


SS  F R A « M 6 N il 

. & répétant  la  leçon  da  SaifTe  : mais 
fur  le  point  d’entrer , il  oublia  lequel 
de  Tes  deux  doigts  étoit  la  Save  & le 
Danube  > & revint  au  Suiflè  lui  déman* 
der  la  pofition  de  ces  deux  rivières. 

Du  relie  Pape  de  grande  piété , & ai* 
niant  fort  l’Èglife. 

* Le  Courier  de  l’Evêque  de  Mar- 
ièille  4 Fourbin  , qui  aporta  en  Fran- 
ce la  nouvelle  de  l’éleâion  deSobief* 
xy  4 pour  Roi  de  Pologne  , alla  del^  - 
cendre  chez  M.  le  Tellier , & fut  ren- 
voyé en  Pologne  avec  use  Lettre  du 
Cardinal  de  Bonzy  pour  là  Reine.  Ce 
Cardinal  loi  mandok , que  11  le  Roi 
fon  mari  vouloir  , on  lui  donneroic 
cent  mille  écus  pour  nommer  au  Car* 
dinalat  un  fujet  qui  aoroit  tout  l’apui  :**' 
qu’on  pouvoir  delirer  pour  faire  léuf* 

fit  cette|nomination  : & ce  fujet  étoit 
M-  l’Archevêque  de  Reims. 

• Le  Roi  de  Pologne  Sobielky  né 
fongeoit  point  à rèconnoître  le  Prin- 
ce d’Orange  pour  Roi  d’Angleterre  , 
n’ayant  ni  hefoin  de  lui  , ni  affaire  à 
lui.  Un  Polonnois  qui  avoit  beib.in  en 
Hollande  d’une  recommandation 
près  du  Prince  d’Orange , donna 
piAoles  à un  Religieux  qui  étoit  au- 
près 


Hl  s TO  B.I  0.0  s s. 

près  do  Roi  de  Pologne , & le  Roi  le. 
laifTa  gagner  par  ce  Reli^eux. 

Comme  le  Roi  de  Pologne  fut  mon- 
té à cheval  pour  aller  fecoorir  Vien- 
ne, la  Reine  le  regardoic  en  pleurant, 
& embraflant  un  jeune  fils  qu’elle  avoic. 
Le  Roi  lui  dit  : (^'avez-vous  à pleurer , 
Madame  ? Elle  tépondic  : pleure  de 

ce  que  cet  enfant  rfeft  pas  -en  état  df  nous 
/unre  cemme  les  autres.  Le  Roi  s’adref> 
fant  au  Nonce , lui  die  : Mandez  au 
pe  que  vous  m'avez  vû  â cheval , que 
yienne  ejl  fecouruÿ.  .Après  la  levée  do 
fiége  il  écrivit  au  Pape  : Je  fuis  venu 
fai  vA , Dieu  a vaincu.  Il  avoit  mandé 
à l’Empereur , qu’il  n’y  avoit  qu'à  ne 
point  crûndre  les  Turcs  , de  aller  à 
eux. 

J’ai  (Æi  dire  i M.  le  Prince , aux 
premières  nouvelles  de  ce  fiége , que 
fila  tète  n’avoit  pas  entièrement  tour* 
né  aux  Allemands , le  plus  grand  bon- 
heur pour  l’Empereur  , étoit  que  les 
Turcs  eufiTent  attiégé  Vienne. 

Infbience  des  Bourgeois  d’Anvers  , 
qui  dans  un  feu  d’artifice  reprefentér 
rent  le  Grand  Turc  , un  PÎince  de: 
l’Europe , & le  Diable  , ligués , tous 

trois  , qu’on  faifoit  fauter  en  l’air. 

c 2 Les 


40  F«agmens' 

Les  Cardinaux  ont  envoyé  à PEnri' 
pereur  cent  mille  écus } les  Dames  Ro- 
maines autant  ; & le  Pape  deux  fois 
autant. 

Le  Roi , dès  qu’il  eut  reçù  la  nou- 
velle du  fîége  levé , l’envoya  dire  au 
Nonce. 

Lé  Roi  de  Pologne  jonë  tous  les 
foirs  à Colin  Maillard  : on  le  fait  jouer 
fde  peur  qu’il  ne  s’endorme. 

* La  raifon  pourquoi  le  Cardinal 
Mazarin  différoit  tant  à accorder  les 
grâces  qu’il  avoit  promifes  , c’eR  qu’il 
/étoit  perfuadé  que  l’erpérance  eR  bien 
/plus  capable  de  retenir  les  hommes 
^ dans  le  devoir , que  non  pas  la  recon- 
> soiflance.  Siri  dit  que  les  fecrets  de 
ce  Cardinal  étoient  fouvent  trahis 
& révélez  aux  Ennemis  , par  des  do> 
ineRiques  infidèles  & interreflez.  Il 
fermoit  les  yeux  pour  ne  pas  voir  leur 
friponnerie  : & c’écoit  là  la  plus  gran- 
de récompenfe  dont  il  payoit  leurs 
fervices  , comme  il  puniflbit  leur  in- 
fidélité , en  ne  leur  payant  point  leurs 
gages. 

11  ne  donna  rien  au  Courier  qui  lui 
aporta  la  nouvelle  de  la  paix  de  Munf- 
ter  , & ne  lui  fit  pas  même  payer 

Ibn 


Hl  STORI  <l.1T  > & 41 

Iba  voyage  : au  lieu  que  l’Empereur 
donna  un  riche  prefenc , & mille  écus 
de  penfîon  à celui  qui  la  lui  aporta. 
La  Reine  de  Suède  fie  noble  fbn  Cou* 
rier.  Servien  écoh  au- defefpoir.  Siii  , 
qui  die  encore  que  ce  Cardinal  écoic 
maître  de  eoutes  fes  paffions  , eicep» 
té  de  l'avarice , ajenite  , qu’il  avoir 
l’artifice  de  trouver  toujours  quelques 
défauts  aux  plus  belles  aéiions  des  Gé- 
néraux d’armée  , non  pas  tant  pour 
les  rendre  plus  vigilans  à l’avenir , 
que  pour  dimirruer  leurs  lèrvices  , âc 
délivrer  le  Roi  de  la  necelfité  de  les 
lécompenfer. 

* Dans  le  premier  volume  des  Jkfé- 
fMrte  Recondite  , Siri  charge  Fra-Paolo 
de  n’avoir  pas  été  bon  Catholique.  }*ai 
relû  avec  attention  cet  endroit  de  fou 
hiftoire  : fa  narration  m’a  paru  fort  - 
embarraflTée  , & de  tout  ce  qu’il  dit  , 
je  ne  vois  pas  qu’en  puifle  tirer  aucu* 
ne  démonflration  contre  la  pureté  de 
la  foi  de  Fra-PUolo. 

Il  dit  même  deux  chofes  qui  fêm« 
blent.  fe  contredire } l’une  , que  dans 
le  coeur  Fra-Paolo  étoit  Luthérien  : 
Fauire  , qu’il  étoit  en  commerce  avec 
des  Huguenots  de  France.  Il  avance 

c 3 fe 


4*  F X A & X E K « 

le  premier  fait  furunftaipleoQi<dIre;. 
il  apuje  le  fécond  fur  des  dépêches 
de  M.  firulart , AmbaiTadeur  de  Fran- 
ce à Venife  , qui  font  dans  la  Biblio- 
thèque du  Roi.  Ces  dépêches  por- 
tent^ die  Siri  ^ que  le  Nonce  du  Pape 
en  France  , ayant  furpris  des  Lettres 
de  Fra-Paolo  à des  Huguenots  » 
forma  le  delTein  de  le  déférer  à fin- 
quifiiion  de  Venife , & en  même-tems 
d en  donner  avis  au  Sénat , afin  que  là 
République  connut  de  quel  Théolo- 
gien elle  iè  fervoit  : car  Fra*PaoIo 
avoit  la  qualité  de  Théologien  dé  la 
République.  Mais  le  Nonce  ayant  fait 
réfi^ion  qu’étant  Miniftre  du  Pape  , 
le  Sénat  n’auroit  pas  grand  égard  à 
fon  témoignage  , s’adreifa  à M.  Bru- 
lart , pour  le  prier  de  fe  t^harge^  de 
la  chofe  , & de  fe  ^aindre  , tant  au 
nom  du  Roi  fon  maître  , que  pour 
l’intérêt  de  la  Religion  , des  caballes 
que  Fra-Paolo  ^ faifoit  avec  le$  Cal- 
vin! (les  de  France.  M.  Brulart  con- 
noiflant  à quel  point  la  République 
étoit  prévënuë  pour  Fra-Paolo  , ne  ju- 
gea pas  à propos  d’intenter  cette  ac- 
cufktion.  Cet  AmbaiTadeur  en  arrivant 
à Vemfe , dit  Siri  ^ avoit  eu  la  cu- 

rioûté 


Hl  s T 0 K 1 4$ 

rioficé.  de  voir  un  homme  auflü  fa- 
meux , & voulue  lui  rendre  vifite  : 
mais  Fra-Paolo  , qui  fe  tenoit  toû*^ 
l’ours  fur  fes  gardes  fit  dire  à l’Ambaf 
fadeur  , qu’écanc  Théologien  de  la 
République  , il  ne  lui.  étoic  pas  per- 
mis . d’avoir  commerce  avec  les  Mi- 
niftres  des  Princes  , fans  permifiloa 
de  fes  SupérleuTs  ; c’eft-à  dire  ^ du 
Sénat.  Siri.  ajoute  que  l’AmbalTadeur 
fçaehant  d’ailleurs  que  c’étoit  un  hom- 
me fans  foi»  fans  Religion  , fans  conf 
clence  » & qui  ne  çroyoit  pas  l’im* 
mortalité  de  l’ame  , ne  fe  foucia.  plu» 
de  le  connoitre  , & que  la  ehofe  - es 
demeura  là.  Il  dit  encore  , que  l’Am. 
baûadear  avoit  aporté  pour  Fra-Paolo 
des  Lettres  de  M.  de  Thou , & de 
M.  l’Echafiier , Avocat  au  Parlement , 
comme  voulant  infinuer  que  c’étoienc 
des  Calvinifies.  Tout  cela , ce  me  fem.- 
ble  y ne  prouve  pas  grand  ehofe.  Il 
faudroit  avoir  raporté  quelques-unes 
de  ces  Lettres  , pour  juger  fi  elles 
étoient  Hérétiques.  Un  homme  peut 
écrire  à des  Huguenots  fans  être 
Huguenot  lui-même  } d’autant  plus 
que  Siri , comme  j’ai  déjà  remarqué  , 
l’accolè  d’avoir  été  de  la  confeiliott 

c 4 d’Aus- 


44  FaA6HENT9 

d’Ausbourg.  Siri  aaroit  mieux  fait  i 
ou  de  bien  prouver  la  chofe , ou  de 
ne  pas  noircir  légèrement  la  mémoire 
d’un  homme  qui  vaut  infiniment  mieux 
que  lui , âc  qui  peut  • être , avoit  plus 
de  religion  que  Siri  même.  Je  pe  fçaî 
11  cen’ell  pas  même  faire  tort.àla  Re« 
ligion  , de  dire  qu’un  homme  fi  géné* 
râlement  ellimé , n’a  point  eu  de  Reli* 
gion.  Les  impies  peuvent  abufer.de  cet 
exemple. 

* C’étoit  fur  le  Penfionnaire  Wit  que 
rouloit  la  principale  conduite  des  Etats , 
homme  zélé  pour  la  République  y & 
ennemi  de  la  Maifon  d’Orange , qu’il 
tenoit  le  plus  bas  qu’il  pouvoir.  11  avmc 
hérité  ces  fentimens  de  Ton  pere , vieux 
Magifirat  de  Dort,  qu’on  regardoltau* 
trefois  comme  le  Chef  du  parti  opofé 
au  Prince  Guillaume.  Ce- Prince , jeu* 
ne  & entreprenant , fier  de  l’alliance 
du  Roi  d’Angleterre  , qui  lui  avoir 
donné  fa  fille  , regardoit  le  titre  de 
Gouverneur  & de  Capitaine  général 
des  Etats , comme  trop  au  ■ defibus  de 
-lui , & afpiroit  afiez  ouvertement  à la 
r Monarchie.  Il  fit  arrêter  Wit  dans 
.fon  hôtel  à la  Haye , & l’envoya  pri* 
foonier  avec  cinq  des  principaux  de 

ce 


V 


Histork^xti  8<  4: 

ce  Parti  \ dans  Ton  Château  de  Louvel 
tein.  En  même  tems,  il  marcha  vei 
Amfterdam,  qu’il  avoit  fait inveftir,  <! 
ne  manqua  que  de  quelques  heures  I 
prilè  de  cette  grande  Ville.  On  pet 
dire  avec  aflTez  de  certitude , qu’il  n’ 
avoit  plus  de  République  en  Hotlande 
fi  la  more  de  ce  Prince,  qu’on  cro: 
même  avoir  été  avancée  par  quelqu 
breuv^e  , n’eût  interrompu  tous  ft 
defleins.  il  iaifià  fa  femme  enceinte  d 
Prince  qui  vie  aujourd’hui , dont  el 
accoucha  deux  mois  après  la  mort  d 
ion  mari.  La  Zélande  & quelques  ai 
très  Provinces  , vouloient  qu’iUùca 
dâc  à toutes  les  d^nitez  de  (bn  Pere 
mais  \a  Province  de  Hollande , où  I 
£a£Uoa  de  Wit  étoit  la  plus  forte et  i 
pécha  que  cette  bonne  volonté  n’e! 
aucun  effet.  La  Charge  de  Gouverne 
& de  Capitaine  Général,,  ne  fnt  po  ; 
remplie  , & les  Etats  s’emparèrent  > ' 
de  là  nominaüon  dés  Magift rats  , ! 
de  tous  les  autres  Privilèges  attac  : 
à cette  Charge.  On  prétend  qui  I 
vieil  Wit,  avant  que  de  mourir,  ne 
(bit  d’encourager  fon  fils  à l’ab< 
tuent  de  cette-  Mailbu,  dont  il  r 
éoic  l’âévatioa  comme  la  ruine  ' 

CS  iik  ' 


4<S  F E A 6 M B H S 

» 

liberté , & qu'il  lui  répétoit  fbavene 
ces  paroles  : Souviens-  toi  ttnon  fils  , de 
la  prifon  de  Louveftein. 

* Au  Cége  de  Cambrai , Vauban  n'é* 
toit  pas  d’avis  qu'on  attaquât  la  demi* 
lune  de  la  Citadelle.  Du  Metz , brave 
homme , mais  chaud  & emporté  , per* 
fuada  au  Roi  de  ne  pas  différer  davan* 
tage.  Ce  fut  dans  cette  contellation  » 
que  Vauban  dit  au  Roi:  Fous  perdrez, 
peut  • être  à cette  Mtaque , tel  homme  qui 
vaut  mieux  que  la  Place.  DuMetzl'em*  ^ 
porta , la  demi  • lune  fut  attaquée  Sc 
prife  : mais  les  ennemis  y étant  reve- 
nus avec  un  feu  épouvantable,  ils  la 
reprirent  , & le  Roi  y perdit  plus  de 
400  hommes , & 40  Officiers.  Van- 
ban  , deux  jours  après  l'attaqua  dana 
les  formes , & s'ea  rendit  maître  fana 
y perdre  que  trois  hommes.  Le  Roi 
lui  promit  qu'une  autrefois  il  le  laiffe* 
roit  faire. 

* C’étoit  M.  d'Erpenau , que  M.  le 
Frince  & M.  de  Turenne,  firent  Gou- 
verneur de  Philisbourg , & qui  dans  le 
teras  même  qu’ils  lui  déclaroient  qu’ils 
l’avoieilt  choili  pour  cela  f & qu'ils  lui 
recoromandoient  de  bien  faire  Ibn  de- 
toir,  les  interrompit  pour  aller  chalTer 

une 


Historkioes. 

une  chèvre  ^ai  mangeoit  un  choux  fur  i 
un  Baftion. 

* Depuis  Tannée  i6^.  jufqu’au  lo 
Oâobre  1695,  on  a fait  pour  quatre 
cens  Ipixanie  & dix  nûllions  d’afifaireS 
extraordinaires. 

* Le  Roi  avmt  cette  année  près  de 
cent  mille  chevaux , & 450  mille  hom* 
mes  de  pied  tc’étolc  quarante  mille 
chevaux  de  plus  qu’U  n’avcût  dans  la 
guerre  de  Hbllande. 

h/L  de  Feuquierres  avcHt  parré  tous 
Phyver  de  l’avantage  qu’on  trouveroit 
i porter  le  fort  de  la  guerre  en  Alle^ 
magne.  Lorfqu’on  fut  arrivé  au  Quef» 
ooi , & qu’on  fqut  la  prife  de  Heidetv 
berg,  ces  difcours  furent  remis  fur  le 
tapfs.  Le  Roi  demanda  à €faàn1ay  un 
Mémoire , où  il  expliquât  les  raifons> 
pour  la  Flandre  & pour  l’Allemagne. 
Chanlay  avoué  qu’il  apuya  un  peu  trop* 
pour  l’Allemagne.  Ainfi  on  réfolut  dès- 
lors  de  poufiêr  de  ce  côté  là;  & le  dé- 
tachement de  Monleigneur  rélblu» 
Le  Roi  apric  cette  réfolution  à M.de 
Luxembourg , près  de  Mons. 

M.  le  Maréchal  de  Lorges , dît  qu’iS 
avoit  propofé  tout  l’hiver  le  lïége  de.- 
Mayence  : comme  beaucoup  pl»w 

*'  c ^ poitanUy» 


4S  F t A G K E K s 

portant)  j&  plus  aifé  même  que  cela! 
de  Heidelberg.  Il  prétend  auifi  que 
Monfeigneur  lui  ayant  demandé  au* 
delà  du  Rhin , çe  qu’il  y avoit  à faire , 
il  lui  répondit,  qu’il  falloic  faire  ce  que 
Céfar  avoit  fait  en  Efpagne  contre  les 
Lieutenans  de  Pompée  ÿ c’eftàdire) 
faire  périr  l’Armée  de  M.  Bade,  en 
lui  coupant  les  vivres  & les  fourages. 
M.  de  Boufflers  fut  de  fon  avis.  M.  de 
ChoifeQil  dit , cela  me  paffi.  La  chofe 
auroit  pourtant  été  exécutée  : mais  les 
nouvelles  d’Italie  firent  prendre  d’au* 
très  réfolutions. 

**  Dans  le  commencement,  Turenne 
étoit  fort  haï  des  Minières,  qu’il  bra- 
voit  tous  les  jours.  M.  le  Tellier  en* 
voyoit  toujours  demander  Ir  Humier* 
res  où  l’on  alloit  camper.  Il  avoit  dé- 
crié dans  refprit  du  Rm  plufieurs  Ma* 
réchaux , fur>tout  le  Maréchal  de  Gra* 
mont , qui  étoit  au  defefpoir , & qui 
monta  la  tranchée  à la  tête  des  Gardes. 
Il  pouflbit  Duras , & le  favorifoit  en 
toutes  rencontres  ; il  voulut  faire  at- 
taquer le  Château  (te  Toumay,  par  Lah* 
2un , déjà  favori , quoique  d’Humier* 
res  fût  de  jour.  Bellefonds , qui  ét<HC 
auffî  fort  favorifé  du  Roi  & de  M.  de 

Turenne. 

/ ^ 


HisToaK^o.fif.  49 

Torenne,  ne  vooloic  poinc  da  Gou» 
fernemenc  de  Liile  » poar  ne  pas  qoit? 
ter  la  Cour  ^ & Turenne  le  fie  don* 
Ber  à Humierres  » qui  fe  remit  en  grâce 
avec  lui.  Après  la  pais,  Turenne  eut 
bien  du  defibas  : il  demanda  quartier 
w CooHe-de  Gramont , qqi  1-acCabloit 
de  piaifanceries  devant  le  Roi,  & di* 
foie , que  M.  le  Prince  entendoit  bien 
aûeos  les  iiéges  que  Turenne» 

l«e  Cardinal  Mazarin  deftinoitàTih 
lenne , s’ü  eût  voulu  fè  faire  Catboli* 
que,  les  plus  grands  Emplms,  & les 
premières  dignitez  du  Royaume , avec 
une  de  Tes  lûéces  : mais  Mademorfelle 
de  BoQUlon , que  la  converfion  de  fou 
frere  a\nè  avoit  mortellement  affligée  » 
fit  Aa  pofSUe  pour  traverfer  cette  fe* 
coode  converfioD. 

Le  Brevet  qui  fit  Meffleurs  de  Boffll*. 
Ion  Princes , ne  fat  point  eoregifiré , 
comme  l’échange  l’a  été.  Ce  fut  de* 
puis  ce  Rrevet  queM.  de  Turenne  ne. 
voulut  plus  prendre  la  qualité  de  Ma* 
léchai  de  France  ; & ce  tut  Mademoi* 
felle  de  Bo^llmi  fa  fœur  qui  l’en  dé* 
çouToa.  Il  ne  fe  trouva  plus  aux  alTent* 
blées  des  Maréchaux , & envoyoie  mè* 
Be  leur  tecômniaBdes  les  affaires  pour 

J lerqueUes 


S9  F X A O H E M S 

* * 

lefqaelles  ou  le  follicitoit.  Les  Maré- 
chaux furent  fur  le  point  de  le  citer  » 
inaiAils-  n*ofâ’ent. 

* VelTeilini  étoit  d’abord  Chef  de» 
mécontens.  Après  lui  Telekt  : ptfis  ce* 
lui-ci  s’étant  tiré  adroitement  d’affaire  * 
Teleki  prit  Ht  place  : feoame  de  fore 
bonne  mailbn  , Seigneur  d’Uniade,*âc 
des  defeendans  du  fameux  Hunia^  ; 
ion  pere  étoit  Chevatier  de  la  Toifbn. 
Il  étoit  tout  )eune  quand  on  fit  le  Pro- 
cès à Nadafti  « & au  Comte  de  Serin» 

s’enfuit  de  Vienne  pour  fe  retirer 
en  Tranffylvanie. 

Le  Grand  Seigneur  ne  fongemc  à 
rien  moins  qu’à  la  réduétion  des  Co* 
iàques  » quand  ils  lui  envoyèrent  de- 
mander fa  proteâion.  Il  ècoic  à la 
chalTe  à LariOe  » vers,  la  fin  du  fiége 
de  Candie.  Ce  fut  le  général  Tetera  » 
Chef  des  CoTaques  » qui  s’y  en  alla  ». 
pour  fe  venger  des  Poldnois,  qui 
avoient  pris  le  parti  de  Ton  Secr^re  » 
révolté  contre  lui.  Le  Grand  Seigneur 
feur  donna  un  étendait , pour  marque 
qu’il  les  prenoit  en  fa  proteéfion. 

Vers  le  même  tenas , les  Hbngroi* 
irritez  de  la  mort  du  Comte  de  Serin  > 
envoyèrent  aufii  demander  au  Gran^ 
Seigneur  fa  proteâion*.  L’£mr 


HxSTOI^iatrfil»  fl 

L’Empereur  t pour  ramener  lei  mé« 
contens , leur  écrivoit  pour  les  exh'or* 
ter , à venir  partager  avec  lai  de  grands 
butins  qu’il  faifoit  en  France. 

* Catherine  de  Médicis  étoit  fille  de 
Laurent  de  Médiris , Duc  d’Urbain , âi 
de  Msdeleme  de  la:  Toiur , de  la  Mai- 
fon  de  Boulogne.  Le  Pape  Clément  VIL 
Ion  oncle , la  dotta  , en  la  mariant , 
d’aoe  fomnie  de  cent  raille  écas  comp^ 
tant  : & Magdelaine.  de  la  Tour  dé< 
dara  dans  ran  Ctmtrat  de  Marine  » 
qu’elle  lui  donnoit  & fabilituoit  Ton 
oroit  de  Succeflion  aux  Comtez  d’Au*< 
▼ergne&  de  Lauraguais , Baronnie  de 
la  Tour  , & autres  Terres  pofifëdées 
alors  par  Anne  de  la  Tour  fa  fœur  aî- 
née,  laquelle  n’avoit  point  d’enfans; 
En  effet,  après  la  mort  de  cette  Anne, 
Catherine , comme  umqœ  héritière  de 
la  Mailbn  de  Boulogne,  entra  en  pof> 
feliion  de  toutes  ces  Terres  en  Pannée 
1559.  Le  Roi  Henri  II.  Ibn  mari  étant 
Bort , le  Duché  de  Valois  lui  fut  affi* 
gné.  En  r5Bs,' elle  décjcba  de  ceDu< 
cbé  la  Terre  de  la  Ferté  • Milon , & 
l’engagea  à Madame  de  Sauve , depuis 
Marqaifè  de  Nbirmoutier , pour  une 
rie  dix  okUle  écus  d’or , que  la 

Keine 


5%  F R A 0 n B N r 

Reine  Catherine , lui  avotc  accordée 
pour  récompenfe  de  fes  l'ervices.  Le 
Roi  Henri  111.  Ton  fils,  continua  de» 
puis , & la  donation  & rengagemene. 
Catherine  mourut  en  158P  • & le  Rot 
Henri  III.  lui  furvécut  de  huit  ou  neuf 
mois.  Âinfi,  ce  Prince  a été  ou  a di^ 
être  Ton  héritier.  Il  elt  vrai  que  Ca- 
therine fit  don  par  Ton  Teftament , des 
Comtez  d'Auvergne  & de  Lauraguais, 
à feu  M.  le  Duc  d’Angoulême , qut 
en  prit  même  alors  le  nom  de  Comte 
d’Auvergne.  Mais  en  x6ot5.  lafitmeu- 
k Reine  Marguerite,  reliée  feule  des 
enfans,  fit  déclarer  ce  Tèfiament  nulr 
& en  vertu  de  fa  donation  par  forme 
dé  fubflitution  fiipulée  dans  le  Contrat 
de  Mariage  de  Catherine-,  fe  fit  adju- 
ger . par  le  Parlement  de  Paris , toutes 
les  Terres  que  la  Reine  fa  mere  avoic 
polTédées,  & aufli-tfit  en  fît  prefent  ata 
Dauphin , qui  depuis  a été  Louis  XIIL 
de  telle  Aqon  que, ces  Comtez  & cet? 
te  Baronie , ont  été  rétinies  à la  Cou» 
sonne-. 


HiSTOan^VBt.  5^ 

M.  DE  SCHOMBERG. 

Son  grand’Pere  amena  des'Trwpet 
aa  fecvice  d’Henri  IV.  lorfque  le  Prince 
Cafîmir  en  amena  , & M.  de  Schem* 
berg,  prétend  qu’U  lui  ell:  encore  dû 
de  ^argent. 

Son  Pere  fut  Gouverneur  de  l’Elec 
leur  Palatin , depuis  Roi  de  Bohême , 
celui  qui  alla  en  Angleterre  négocier 
le  Mariage  avec  la  PrincelTe  Elizabeth# 

Il  eut  beaucoup  de  part  aux  Partis 
qui  fe  formèrent  en  Bohême,  pour  l’E- 
leReut , & tnourut  à 33  ans , avant  que 
ce  Prince  fût  élù  Roi. 

M.  de  Schomberg  n’aVoit  que  7 oa 
8 mois  à la  mort  de  fon  Pere.  Il  dit 
qoerEleâeur  voulut  être  fon  Tuteur, 
& nomma  quatre  Commiflaires  pour 
adminidrer  fon  bien.  11  prétend  de 
grandes  fommes  dé  M.  l’Eleâeur  Pa* 
latin,  pour  cette  adminidration , dont 
on  ne  lui  a pas  rendu  compte. 

Il  fe  trouva  à 16  ans  à la  bataille 
de  Nortlingue  ; il  fe  trouva  aufli  à la 
fameufè  retraite  de  Mayeince  ; il  fe 
trouva  à la  retraite  de  devant 'Dole 
fous  M.  de  Rantzau  , qui  loi  avoic 

donné 


J 


54  Feagicen» 

donné  une  Compagnie  dans  Ton  Rd'* 
gtmenc. 

Hermenftein  ayant  été  pris  par  les 
ennemis , le  Cardinal  de  Richelieu , pic> 
qné  an  vif  de  cette  perte , donna  or« 
dre  à M.  de  Rantzau , de  lever  en  AI' 
lemagne  la  mille  hommes.  Rantzau 
fit  cette  levée  fort  lentement , s'amu/à 
vers  Hambourg  ^ fe  maria  à (a  coufine , 
âc  fe  laifla  enlever  un  quartier.  Four 
avoir  fa  revanche,  il  envoya  Schonz- 
berg  avec  des  Troupes,  pour  enlever 
un  quartier  des  ennemis  qui  étoienc 
dans  Northauven.  11  tomba  Air  une 
. garde  de  Dragons  qm  étoient  hors  de 
la  place , & entra  dedans  pèle  • mêle 
.avec  les  fuyards. 

Schomberg,  fe  maria , & parce  que 
.l’Empereur  a voit  fait  confiîquer  tous 
fes  biens  « il  quitta  le  fervice  de  laFran- 
.ce.  Ennuyé  d'étre  fans  rien  faire , il 
alla  en  Hollande , où  le  Prince  Henri* 
Frédéric  lui  donna  une  Compagnie  de 
Cavalerie.  M.  de  Turentie  avoit  alors 
un  Régiment  d’infanterie.  Il  entra 
dans  la  confidence  du  Prince  Gaillaa» 
me  , qui  lui  communiqua  Ton  defièin 
fur  Amflerdam , qui  fut  entrepris  de 
concert  avec  la  France  & la  Suede. 

Schora* 


Hx  8 T0BIQ.171  s.  55 

0 

Sdiomberg  donnoit  avis  de  toutes  cho* 
fés  à Servien.  Ce  fut  lui  qui  arrêta  dix 
00  douze  des  Etats , du  nombre  d^ 
quels  étoit  le  Pere  de  Wiht. 

LePrince  Guillaume  mourut.  Schom* 
berg  avoit  promis  de  mener  des  Trou* 
pes  en  Ecoâe , au' fervice  du  Roi  d*An< 
gleterre  ; mms  ce  Prince  ayant  perdu 
la  Bataille  de  Vorcefter  ^ vint  à Paris, 
oà  il  confeilla  à Scbomberg , qu’on  re- 
gardoit  comme  Anglais  ; & dont  la 
mere  étoic  Angloife  en  effet , d’acbe* 
ter  la  Compagnie  des  gardes  Ecoffoi* 
lès  do  Comte  de  Giey.  Scbomberg  en 
donna  lo  mille  &ancs',  avec  fix  cens 
^«8 -de  penfion  viagère. 

Au  commencement  des  guerres  civi« 
les,  le  Cardinal  Mazariu  l’envoya  en 
Poitou,  delà  il  vint  au  Gége  de  Rhe» 
tel,  où  M.  de  Turenne  loi  donna  te 
commandement  de  Vlnfanterie , en  l’ab« 
fènce  des  Officiers  Généraux , qui  n’é« 
toient  pas  encore  arrivez. 

Au  recours  dArras  , il  commandoii 
la.  Gendarmerie.  Le  Cardinal  lui  avoit 
donné  une  Commidion  de  Lieutenant- 
Général  , pour  l’expédition  de  Guel* 
dres.  Il  fervit  en  cette  qualité  au  fié- 
ge  de  Landteeies  , puis  au  fiége  d& 

Saint 


SS  F K A 6 M E N s 

Saiat  Guillain , où  il  fut  bleflfë  ; il  eue 
le  gouvernement  ide  la  Place.  Il  fervie 
encore  au  Hége  de  Valenciennes  en 
qualité  de  Lieutenant  • Général.  Son 
fils  aîné  fut  tué  tout  roide  dans  la  tran- 
chée à fa  vue  ; & comme  il  lui  coo>- 
mandoit  de  pofer  une  fafcine  à un  en- 
droit découvert  : il  commanda  qu’on 
remportât , & continua  à donner  Tes 
ordres. 

Il  écoit  de  jour  lorfque  M.  le  Prince 
attaqua  les  lignes  : il  penfa  être  pri- 
ibnnier , & fit  enfin  fa  retraite  jufqu’aa 
Quefnoy , avec  un  bon  nombre  de  Ré* 
gimens:  M.deTurenne  n’ayant  donné 
aucun  ordre  pour  la  retraite. 

A la  Bataille  des  Dunes , il  corn- 
mandoh  la  fécondé  ligne  de  l’aîle  gau< 
chel  comme  il  vid  que  les  Anglois  de 
la  première  ligne  écoient  maltraitez  fur 
les  Dunes , par  les  Efpagnols , il  vint 
prendre  le  fécond  Bataillon  des  Anglois 
dans  la  fécondé  ligne , & les  mena  au  fe* 
cours  des  autres , qui  chafTérent  de  dé- 
firent les  Efpagnols. 

Enfuite  on  afliégea  Bergues  > dont 
il  eut  le  gouvernement  ; de>là,  il  fut 
commandé  pour  les  fléges  d’Oudenar* 
de  & de  Gràvelines.  11  employoit  vo- 
lontiers 


HiSTomQ.vx8.  57 

looders  Vauban  dans  tous  ces  flëges , 
parce  que  le  Chevalier  de  Cherville 
n'alloic  point  lui  • même  voir  les  tra* 
vaux,  & que  Vauban  fe  trouvoit  par* 
touu 

Après  la  défaite  du  Prince  de  Ligne , - 
Scbpmberg  eut  ordre  de  marcher  vers 
la  Knoque,  & d'inveftir  Ypres.  On 
lui  avoit  promis  que  toutes  les  Places 
qu'on  prendroit  de  'ce  côté  «là  , fe* 
loient  de  Ton  Gouveroemeoc  de  Ber* 
gués.  Cependant,  M.  de  Turenne  fit 
donner  Ypres  à M.  d’PIumiéres,  qui 
étoit  dans  fes  bonnes  grâces.  Schom* 
berg,  fçut  encore  que  M.  de  Turen* 
ne  avoit  écrit  à la  Cour,  pour  faire  que 
M.  Liiiebonne  commandât  en  qualité 
de  Capitaine-Général  : ainfi  il  n’auroit 
été  que  fubalterne.  Voilà  les  premiers 
néconteotemens  qu'il  eut  de  M.  de 

Turenne,  &c. 

♦ 

PIERRE  DE  MARCA. 

n fut  noutri  de  lait  de  Chèvre  les 
quatre  premiers  mois.  Il  fe  maria , 
eut  plufieurs  enfans , & demeura  veuf 
en  16^2.  Il  ' écoic  alors  Confeiller  au 

Coafdl  de  Pau  » & lorfqu’en  1640. 

Loüis 


5$  Fraghivs 

Lofiis  XIII.  érigea  ce  Confeil  en  Par- 
lement f il  fit  Marca  Prélident. 

On  difoit  que  le  Cardinal  <de  Rî> 
chelieu , dans  le  deflein  de  fe  faire  Pa- 
triarche en  France,  avok  fait  faire  par 
M.  Dupuy  le  Livre  des  Libertez  de 
l’Eglife  Gallicane.  Il  parut  un  Livre 
intitulé,  Qptatia  iSallus , contre  le  Li- 
vre de  M.  Dupuy.  Marca  répondit  à 
ce  Livre  par  ordre  du  Cardinal  ; & ce 
fut  le  fujet  qui  lui  fit  faire  fon  Livre 
ée  Concordia  Sacerdotii  6?  Imperii  l’an 
1641.  La  même  année,  le  Roi  le  nom- 
ma à l’Evêché  de  Conferans.  On  lui 
refufa  alTez  long  - tems  Tes  Bulles , à 
eaufe  de  ce  Livre , dont  plulieurs  en- 
-droits  avoient  choqué  la  Cour  de  Rome. 
Après  la  mort  d’Urbain  VIII.  Inno- 
cent X.  fit  encore  examiner  ce  Livre, 
& aportoit  bien  des  longueurs  aux  Bul- 
les de  Marca , qui  en  ce  tems-làméme, 
fit  un  Ecrit  pour  expliquer  fon  defiein 
fur  la  publication  du  Livre  de  Concor-- 
cardia  y &c.  le  foumettre  à l'autorité  & 
à la  cenfure  du  Saint  Siège , & prou- 
ver que  les  Rois  étoient  les  Défen- 
feurs , & non  pas  les  Auteurs  des  Ca- 
nons; que  les  Libertez  de  l’Eglife  Gal- 
licane , confiftoient  dans  la  pratique 


H I 8T  ORIQ.USS. 

des  Canons  , & des  Bécrécales  , & 
beaucoup  d’autres  chofes  peu  avança* 
geufès  aux  Rois.  Il  envoya  ce  dernier 
Livre  à Innocent  X.  avec  un  Lettre  oà 
il  delavoQoic  beaucoup  de  chofes  qu’iJ 
avoic  avancées  dans  le  premier  , de- 
mandoic  pardon  des  fautes  où  U y étoit 
tombé;  éi  déclareit  qu’à  l’avenir,  il 
fomiendroit  de  toute  fa  force  les  Droits 
de  l'Eglife.  Tout  cela  , comme  il  l’a- 
ToOoic  lui*  même  dans  une  autre  Let- 
tre ^ pour  avoir  les  Bulles,  qu’il  eue 
en  1647.  Il  n’écoitque  tonitiré;  il  fê 
fit  ordonner  Prêtre,  après  avoir  reça 
fes  Bulles  h Barcelone,  où  autrefois 
Saint  Paulin  fut  ordonné  Prêtre , mais 
malgré  lui. 

Peu  de  tems  après  , il  ‘écrivit 
gulari  Primatu  Pétri , pour  faire  plai* 
(ir  à Innocent  X.  Enfuite  une  Lettre 
de  l’autorité  des  Papes  envers  les  Con* 
ciles  généraux. 

En  1644.  il  avoit  été  fait  Viiieeur 
général  de  la  Catalogne , avec  une  ju« 
rifdiftion  fiir  tes  Troupes , & avec  le 
foin  des- Finances.  ' En  1651.  il  partit 
de  Barcelone , <&  fit  fon  entrée  à Con* 
férans.  L’année  d’après  , il  fut  nommé 
k PArcbevêché  de  Touloufe.  11  écrivit 

fort 


<$b  FRAèMEirr 

fort  humblement  à Innocent  X.  pour 
avoir  Tes  Bulles , & fe  comparoit  à un 
Exupere  ^ qui  ayant  été , difoit*il , Pré> 
iident  en  Efpagne , fut  élevé  par  Inno- 
cent 1.  à l’Évêché  de  Touloufe.  Sur 
quoi  Baluze  remarque  que  fon  Mece* 
nas , car  c’eft  ainfî  qu’il  apelle  toujours 
Marca , fit  un  nvenfonge  de  deflein  for* 
taé  y pour  chatouiller  les  oreilles  du 
Pape  ; car  l’Exupere , qui  fut  Evêque 
de  Touloufe , n’étoit  point  l’Exupere 
qui  exerça  la  Magillcature  en  Efpagne. 
Baluze  raporté  qu’ayant  apris  qu’un 
Auteur  l’avoit  accufé  de  s’étre  trompé 
fur  ce  fait  d’Htftoire  ; il  rioit  de  la  fim- 
plicité  de  cet  Auteur  y qui  n’avoit  pas 
pris  garde,  qu’il  s’agifibit  d’avoir  fes 
Bulles , & qu’il  falloir  tromper  le  Pape , 
qui  ne  lui  étoit  pas  d’ailleurs  fort  fa- 
Torable. 

Le  Pape  le  foupçonnoit  fort  mal  à* 
propos  d’être  Janfénifte)  & ne  lui  en- 
voyoit  point  fes  Bulles  : mais  heureu* 
lement  ce  Pape  ayant  publié  alors  fa 
conûitution  contre  Janfénius , & Mar- 
ca l’ayant  reçuè*  avec  grande  joie , on 
lui  envoya  fes  Bulles. 

En  xdyé.  il  fut  député  à l’AiTemblée 
do  Clergé , où.  il  foutint  fi  vi^ooreufe- 

ment 


H iSToaniiTBS.  <Si 

nent  les  intérêts  da  Saint  Siège  qne  le 
Pape  Alexandre  VU.  l’en  remercia  par 
on  Bref.  C’écoit  lui  qui  écrivoic  toutes 
les  Lettres  du  Clergé  au  Pape. 

Comme  il  avoit  honte  d’être  fi  long- 
tems  ablent  de  Ton  Oiocèfe , pour  lever 
ion  feruguie,  on  le  fit  MiniAre  d’Etat. 
Durant  les  Conférences  de  la  Paix  , il 
fut  un  des  CommilTaires , pour  ri^ler 
les  limites  des  deux  B.oyaumes  du  cô« 
té  des  Pyrénées.  Ses  dédfions  furent 
loi  vies;  c*eA-à-direy  que  les  Comtez 
deRouffillon , de  Conflans,  le  Capfir, 
& le  Val  de  Querol , avec  une  grande 
partie  de  la  Cerdagne  , demeurèrent  à 
la  France.  Après  la  mort  du  Cardi* 
nal , le  Roi  k nnt  de  fon  Confeil  de 
CoaCcience^  avec  l'Archevêque  d’ Auch, 
l’Evéque  de  Rhodez , & le  P,  Annat. 
Peu  ae  tenu  après , il  fit  un  Ttoité  de 
finlâillibilité  du  Pape,  qui  eA  ion  der* 
nier  Ouvrage. 

Le  25  Février  1662.  laDucheflfe  de 
RetzaportaauRoi  la  démiflion  duCardi*  ' 
nal  de  Retz  pour  l’Archevêché  de  Paris , 
^o’ilavok  fignée  à Comraercy  le  13  Fé- 
vrier. Le  jour  même,  le  Roi  apelaMarca 
dans  Ibn  cabinet , lui  dit  qu’il  le  faifbic 
Archevêque  de  Paris,  & écrivit  lui-mê- 

d 


6i  Tragmens  H1STORIQ.ÜES. 

me  au  Pape  pour  avoir  Tes  bulles.  11 
tomba  malade  le  10  Mai  fuivant , re«- 
çut  le  12  Juin  des  Lettres  de  Rome  , • 
qui  raiTuroient  de  fa  tranflation  à l’Ar*  - 
cbevéché  de  Paris  , en  témoigna  une 
grande  joïe , & mourut  le  2 8 Juillet , 
laiflant  un  £ls  qui  avoit  fa  charge  de 
premier  Préfident , & l’Abbaye  .de  S. 
Albin  d’Angers.  Marca  mourut  à 6z 
ans  , & fut  enterré  dans  le  Chœur  de 
Notre  Dame,  au-deiTous  du  trône  Ar« 
chiepifcopal. 


REFLEXIONS. 


«t  JOi  ^ tg»A  tf^rt 

\^^^4*!of  '*e3f  '*r3î  w5^  * îÇî^  ^V3f  rK^  JR^ 

REFLEXIONS  PIEUSES 

SUR.  QUELQUES  PASSAGES 

DE  L’ECRITURE  SAINTE,  (i) 

Pf.  77.  AcB)uc  efca  erant  in  ort  ipfbrtm 
éf  ita  Dei  afcendit  fuper  eos.  Combien  de 
gens  ayant  travaillé  toute  leur  vie  pour 
parvenir  à quelque  fortune,  à une  char* 
ge , &c.  meurent  dans  le  moment  qu’iltf 
efpérent  en  jouir  ayant  encore  le  mor* 
ceau  dans  /a  bouche  ! 

Pf.  105.  Et  dédit  eis  petitienem  tp*b- 
fum  ,&c.  C’eR  dans  fa  colere  que  Dietf 
accorde  la  plupart  des  chofes  qu’on  de> 
lire  dans  ce  monde  avec  pailion. 

ir^e  54.  Quare  appentis  argentum 
tm  in  paniittt. , &c.  Pourquoi  fe  donner 
tant  de  peines  pour  des  chôfes  qui  nous 

d 2 ntfra- 

I Je  a*ea  donae  qiPtm  très  petit  nombre  , pour 
«Dafirmer  feulement  ce  que  )*ai  èic  dent  £1  vie  ^ 
««ipeaons  de  piccd* 


À 


^4  B.BriïsioN8 

raflaHent  G peu  « & qui  nous  lailTent 
mourir  de  faim  ? L’enfant  prodigue 
fouhaitoit  au  moins  pouvoir  ie  raflaiier 
de  gland  , & encore  ne  peut  on  par* 
venir  à avoir  de  ce  gland».  Venite , emite 
abjque  argento , dit  Ifaïe.  Nous  n’avons 
qu’à  nous  tourner  vers  Dieu  , il  *nous 
donnera  de  quoi  nous  nourrir  en  abon- 
dance. 

'PÜiuî  hominis  non  venit  mmiJlTari  ,fed 
mini/lrare , Math.  20.  Belle  leçon  pour 
nous  faire  ibuifrir  toutes  les  négligen* 
ces  de  nos  domefliques.  11  n’y  a qu’à 
Sé  bien  mettre  dans  l’efprit  , qu’on 
n’ell:  point  né  pour  être  fervi  » mais 
pour  fervi  r. 

Jean  ii.  J?".  9.  Nonne  duodecm  funt 
hora  diei , &c.  Jefus  Chrift  entend  par* 
1er  du  tems  que  fon  Pere  a prefcrit  à la 
vie  mortelle , & la  coinpare  à une  jour- 
née, comme  s’il  difoit  : Tant  que  le  jour 
luit , on  peut  marcher  fans  péril  ; mais 
quand  la  nuit  ell:  venue  , on  ne  peut 
marcher  fans  tomber  : ainli  les  Juifs 
ont  beau  me  vouloir  perdre , ils  n’ont 
aucun  pouvoir  de  me  faire  du  mal  ,juf 
qu’à  ce  que  la  nuit , c’efl:  à dire»  le  tems 
des  ténèbres  foit  venu. 

Idemc.  J 8.  f»  i.TranstomntemCe- 

dm. 


<0R  1,’Ecs.ITVSK  SAIMtE  6% 

km.  Orocias  croît  qu’il  étoit  ainQ 
nommé  à caufe  qu’il  y a7oîc  eu  des 
Cèdres  dans  cette  vallée.  En  Grec  c’efb 
le  torrent  des  Cèdres.  J.  C.  accomplit  ici' 
ce  qai  le  figura  en  la  perfonne  de 
David  , quand  ce  Roi  fuyant  Abfalon  , 
pafla  ce  torrent , étant  trahi  par  Achi* 
tophel. 

'k.  6.  Abiermt  retrorf'um.  David  a dit , 
Pf*  3S-  A'ùertantur  retrorlum  : & Ifaie 
37.  Codant  retrorfim.  Quelle  terreur 
n’imprimera- t’il  point  quand  il  viendrai 
juger  y s’il  a été  fi  terrible  étant  près  d’è> 
tre  jugé  ? 

Refponfum  nm  dédît  et.  c.  rp.  "k.  ^ 
Il  lui  en  avwt  aflez  dit  , en  lui  dt- 
fant  que  fon  Royaume  n’étoit  pas  de  ce 
monde  ; âc  d’af/leurs  Pilate  » en  faifant 
nTaltraiter  on  homme  qu’il  croyoit  in» 
nocent , s’étoit  rendu  indigne  qu’on  l’é- 
claircit davantage , ne  s’étoit-il  oas  mê- 
me rendu  indigne  que  J.  C.  lui  répondît 
maintenant , Tut  qui  lui  ayant  demandé 
ce  que  c’étoit  que  la  vérité  n’avoit  pas 
daigné  attendre  la  réponfe  ? Les  gens 
qui  ont  négligé  de  fçavoir  fa  vérité  « 
quand  ils  la  pouvoient  aprendre  , ne 
réfrouvent  pas  toûjonrs  l’ocafîon  qu’ils 
ont  perdué» 

d X Nefdt 


I 


€6  R E F X.  E X 1 O s f 

Kejcis  quia  poUjlatem  babeo  » &c.  '9'm 
1 0.  Puifqu’il  efl  en  Ton  pouvoir  de  le  fau» 
ver , il  fe  reconnoit  donc  coupable  de 
& more  f à laquelle  il  ne  fouferit  que 
par  une  lâche  coraplaifance. 

Non  babmus  Regem , &c.  15.  Les 

Juifs  reconnoiflehcdoncquele  tems  du 
MeŒe  eft  venu , puifque  le  feeptre  n’efl 
plus  dans  Juda  , & en  même  tems  ils 
renoncent  à la  promelTe  du  Meflie. 

■ Quod  fcripH  ,Jcripji.  C’étoit  comme  la 
&ntence  du  Juge , à laquelle  on  ne  pou* 
voit  plus  rien  changer.  D’ailleurs  Phi> 
Ion  a remarqué  que  Pilate  étoit  d’un  e(^ 
prit  inflexible.  Dieu  fe  fert  de  tout  ce- 
la pour  faire  triompher  la  vérité  en  dé- 
pit des  Juifs. 

Miferunt  fortem.  i^.  24.  Cette  tuni- 
que qui  n’eft  point  déchirée , eft  runi* 
té  qu’on-ne  doit  jamais  rompre. 

Statut . i^.  25.  La  Sainte  Vierge  étoit 
debout , & non  - pas  évanouie , comme 
les  Peintres  la  reprefentent.  Ellefefou- 
venoit  des  paroles  de  l’Ange  , & fça* 
voit  la  divinité  de  Ion  fils.  Et  dans  le 
chapitre  fuivant , ni  dans  aucun  Evan- 
gélifte  , elle  n’eft  point  nommée  entre 
les  faintes  femmes  qui  allèrent  au  fépul- 
cre  ; elle  étoit  alTurée  que  J.  C.  n’y 
étoit  plus.  fépa- 


AOR  t'ECRITVRB  SaINTI.  6? 

Separatm  inwiutum.  c.  20.  7.  Les 

linges  aiofî  placez  & réparez  les  uns 
des  autres  , marquoienc  que  le  corps 
o’aroic  point  été  enlevé  par  des  voleurs. 
Ceux  qui  volent  font  les  choPes  plus 
turaultuairement. 

M fratres  meos.  f.  17.  Il  les  apelle 
Freres , pour  les  confoler  du  peu  de 
courage  qu’ils  onuémoigné.  Narraio  W- 
m ■«  tuurn  fratribus  mis.  Il  Temble  que 
J.  C.  ait  eu  ce  verfet  en  vûë , en  les 
aoelaot  fes  freres , comme  tout  ce  qui 
p écéde  dans  ce  même  Pfeaume  a été 
dae  prédiâioQ  de  Tes  fouffraaces. 


On  met  ici  les  Hymnes  fuivanter  ^ 
quoique  déjà  imprimées  y parce  qu'elles 
font  peu  connu'és , ne  fe  trouvent  que 
dans  un  Livre  devenu  fort  rare  , où  elles 
font  confondues  avec  dfautres  Traductions 
^'Hymnes  d'un  ftile  différent.  Ceux  qui 
dans  celles-ci  ne  trouveront  point  la  Po'éjie 
qu'ils  attendent  de  l'Auteur , doivent  faire 
attention  que  le  Poète  n'ef:  que  Traducteur 
de  Pièces  Latines  dans  lef^elles  il  régne 
plus  de  piété  que  de  Po'êjîe , où  les  mêmtx 

tlofes  font  trèsfouvent  répétées. 


69 


LE  LU  N'D  IA  M ATI  N E Si 


Sdmtna  refeSit  artubus , &C. 

T ANDIS  que  le  fômmeîl  réparant  Ta 

tare , 

Tient  enchaînés  îe  travail  & le  bruit 
Vous  rompons  Tes  liens , ô clarté  toujours  pare^ 
Pour  te  louer  dans  la  profonde  nuit. 

Que  dèa  notre  réveil  notre  voix  te  bénilié  r 
Qu’à  te  chercher  notre  cœur  empreffé 
T’effre  fes  premiers  vœux  ,&  que  par  toi  finifle* 
Le  louT  par  toi faintement commencé. 
L’Astee  dont  la  prefenco  écarte  la  nuit  fom^ 
brc. 

Viendra  bien-tôt  recommencer  Ton  four  f 

O vous  9 noirs  ennemis  qui  vous  gtiflez  dan$^ 
Tombre, 

Dirparoiiïez  à l’aprochô  du  jour. 

Hbus  t’implorons , Seigneur , tes  bontez  font- 
nos  armes: 

De  tout  péché  rends  nous  purs  à tes  yeux  ; 
Jais  que  t’ayant  chanté  dans  ce  féjour  de  larmes-^. 
Nous  te  chantions  dans  le  repos  des  ci  eux»- 
E X AU  c E ,.Pere  fâiot/notre  ardente  prière*^» 
Vexb&fon  Elis  9,Efpdt  leur  nœud  divin  »* 


70  Hymnes 

ï)ieu  qui  tout  éclatant  de  ta  propre  lumière  ^ 
Régnés  au  ciel  fans  principe  & fans  tin*. 


ji  L AU  DES. 
, Splenâor  paterrus  gloriœ  ^ 


Source  ineffable  de  lumière, 
“Verbe.cn  qui  l’Eternel  contemple  fa  beauté 
Ail)  e , dont  le  Soleil  n’efl  que  l’ombre  groffiéie^ 
Sacré  jour  dont  le  jour  em  prunte  fa  clarté  : 

L c V E-T  ai , Soleil  adorable , 

Qui  de  réternité  ne  fait  qu’un  heureux  jour^ 
Fais  briller  à nos  yeux  ta  clarté^fecourable  , 

£t  répands  dans  nos  cœurs  le  feu  de  loa  amours 
P R ï O N s-auiH  Taugutie  Perc  , 

Le  Pere  dont  la  gloire  a devancé  les  tems  ^ 

Le  Pere  tout-purffant  en  qui  le  monde  efpérc^ 
Qu’il  foutienne  d’en  haut  fes  fragiles  enfans. 

D 0 N N E-N  o U s un  ferme  courage  > 

Brife  la  noire  dent  du  Serpent  envieux  r 
Que  le  calme,  grand  Dieu,  fuive  de  près  l’orager 
Fais-nous  faire  toujours  ce  qui  plaît  à ces  yeux.. 

Guide  notre  ame  dans  ta  route  ; 
kends  notre  corps  docile  à ta  divine  Lof^ 

Femplis-nous  d’un  efpoir  qui  n*él»:anle  aucuia 
doute , 

£t  que  Jamais  Terreur  Ji*eltèie  notre  foL 


DU  Brèuiaire  Rohaik.  71^ 

Que  Cbrift  foie  notre  pain  célefte  ; 

Que  l’eau  d*une  foi  vive  abreuve  notre  cœur  : 
Yvres  de  ton  efprit , ibbres  pour  tout  [erefte  ^ 
Daigne  à tes  combattans  infpirer  ta  vigueur. 

Q U E la  pudeur  chafte  & vermeille 
Imite  fur  leur  front  la  rougeur  du  matin  : 

Aux  clartez  du  midi  que  leur  foi  foit  pareille  z 
Que  leurperfévérance  ignore  le  déclin. 

L’A ü F. O RE  luit  fur  Vhémifphére  : 

Que  Jefus  dans  nos  cosurs  daigne  luire  aujour- 
d'hui, 

Jefus  » qui  tout  entier  eft  dans  Ton  divin  Fere^ 
Comme  Ton  divin  Pereeft  tout  entier  en  lut. 

G L 0 1 R E à Toi  ^ Trinité  profonde , 

Pere , Fils , Efprit  Saint  : qu'on  t’adore  toujours  , 
Tant  que  VAftre  des  tems  éclairera  le  monde. 
Et  quand  les  iiédes  même  auront  fini  leur  cours. 


LEMjéRDIAMAriJSfES. 

Ç^nfors  paterni  luminii  , &c. 

V E R.  B E , égal  au  Très-haut  » notre  unique 
eff^rance  • 

Jour  éternel  de  la  terre  & des  Cieux , 

De  la  paüible  nuit  nous  rompons  le  filence  : 
Divin  Sauveur  , jette  iur  nous  les  yeux.  , 
Retands  fus  nous  le  feu  de  ta  grâce  puifi^tep 
Qoetogtl’EoferCufeaafon  de  ta  voix. 


7^  -Htm  kjr  g 

Dif^pe  ce  fommeil  d'une  ame  languiflânte , 

Qui  la  conduit. dans  roüblî  de  tesloix. 

Q-  C H R I s T , fois  favorable  à ce  peuple  iîdelle^ 
Pour  te  bénir  maintenant  aflemblé  ; 

Reçois  les  chants  qu'il  offre  Ita  gloire  immor-' 
telles.. 

Kt  de  tes  dons  qu'il  retourne  comblé. 
Exauce  , Pere  Saint,  notre  ardente  prière^ 
Verbe  Ton  Fils , Efprit  leur  nœud. divin  , 
Dieu , qui  tout  éclatant  de  ta  propre  lumière  ^ 
Régnes  au  ciel  fans  principe  & fans  fin 

■■■  - - - I • ,,  

' A L A U D E S:  , 

Aks  diei  numius^  &c. 

T 

^’0:I  SEA  ü,  vigilant  nous  réveille,^ 

Et  fes  chants  redoublez  femblent  chaffer  la  nuîCcr 

Jfefus  fé  fait  entendre  à Pâme  qui  fommeille 

Et  lîapelle  à la^  vie  où  ion  jour  nous  conduit* 

Quittez,  dit-il,  la  couche  oîfive , 

©ù  vousenfévellt  une  molle  langueur  ; 

Sobres , chaftes  & purs , l'œil  & Pâme  attentive,. 

Veillez.,  je  fuis  tout  proche , & frape  à votre* 
cœur* 

Ç>'e  donc  Pœîl  à fa  lumière 

Rêvons  vers  ce  Sauveur  & nos  maîns&  nos  yevtXf,, 
Pleurons  àgémiffons  ; une  ardente  prière 
Kcsmcele  (bmmeii&géniétre  Icscieux». 


BD  B-sivrArRB  RbMAiir.  75 

O C HR I &T  ÿ 6 Soleil,  de  Juflice  » 

De  nos  coeurs  endurcis  romps  ràflbupkTement:: 
DUIipe  Tombre  épailTe  ou  les  plonge  le  vice. 
Et  que  ton  divin  jour  y brille  à tout  moment» 
G L O I R-E  iToi , Trinité  profonde  , 

Pere , Fils , Efprk  Saint  ; qu’on  t’adore  toûjours^. 
Tant  que  l’Aflre  des  tems  éclairera  le  monde 
Et  quand  les fiécles  même  auront  fini  leur  cours» 


lE  MERCREDI  A MATINEE 
Birum  Creator  aptime , &a 


^JrAN.D'Dîcu  par  qui  de.rien  toute  chofe 
eft  formée 

Jette  les  yeax  fur.  nos  befoins  divers  ^ 
Eoinps  ce  fatal  fommeil  ,.par  qui  l’ame  charmée: 
Dort  en  repos  fur  le  bord  des  enfers.. 
Saigne  , 6 divin  Sauveur.,  que  notre  voix  îoit- 

plQFC  , 

Prendre  pitié  des  fVagtles  mortels 
Et  vois  comme,  du  lit,  fans  attendre  l’Aurore 
Le  repentir  nous- traîne  à. tes  Autels. 

C*  £ 8 T-]àqae  notre  troupe.affligée , inquidoe ,, 
levant  au.cieJ  &.  le  cœur  &Jes  mains  < 

Jblite  le  grand  Paul , &fait  ce.  qu!ut¥  Prophète? 
Jfeiis  a.jÿefcrit.daps  Tes  Captiqiiçs  Sainc&.. 


*74  H Y M K * • 

K O U s montrons  à ces  yeux  nos  maux  Siios 
larmes. 

Nous  Gonfeffons  tous  nos  crimes  fecrets 

Nous  t'offrons  tous  nos  vœux  , nous^y 
nos  larmes  : 

Que  ta  bonté  réroquetes  arrêts» 
Exauce,  Pere  Saint , notre  ardente  prîére> 
Verbe  Ton  Fils , Ëfprit  leur  nœud  ffivin 
Dieu , qui  tout  éclatant  de  ta  propre  lumière 
Régnes  au  ciel  fans  {>rincipe  & fans  ôn» 


A LAUDES. 

Nox  ^ Ê?  tenebrœ  , nubüa , 5tc» 

Q 

^^QMBRE  nuit , aveugles  ténèbres, 

y 

Fuyez  » le  jour  s’aproche  & l'olympe  blanchity 

£t  vous , Démons , rentrez  dans  vos  prifons  îw- 
nèbres  ; 

De  votre  empire  affireux  un  Dieu  nous  affran* 
chit. 

L E Soleil  perce  l'ombre  oblcure , 

£t  les  traits  éclacans  qu^il  lance  dans  les  airs 
Rompant  le  voile  épais  qui  couvrolt  la  Nature» 
Redonnent  la  couleur  & l'ame  à FUnivers» 

"O  Christ^  notre  unique  lumière  , 

Nous  ne  reconnoiûTons  que  tes  faintes  elarter^ 
Notre  efprit  t*eft  fournis  ; entends  notre  prière» 
£tfous  ion  divin  jougrange  nos  voioiKe& 

Soumssar 


SV  Breviiire  Româik.  75 

Souvent  notre  ame  criminelle 
Sur  fa  faufle  vertu  téméraire  s'endort  : 

Hâte*coi  d’éclairer , ô Lumière  éternelle , 

Des  malheureux  aiSs  dans  l’ombre  de  la  mort» 
Gloiee  àtoiÿ  Trinité  profonde , &c* 


LE  JEUDI  A MATINES. 
N»x  a$ra  retum  toraegis,  &c. 


33e  toutes  les  couleurs  que  didlogaoit  h rué^. 

L’obfcure  nuit  n*a  fait  qu’une  couleur  ; 

Jade  Juge  des  cœurs , notre  ardeur  aflldué 

Demande  ici  tes  yeux  & ta  faveur. 

Q U*  A I N s 1 prompt  àguérir  nos  mortelles  ble& 
fures  > 

Ton  feu  divin  dans  nos  cœurs  répandu  ^ 
Confume  pour  jamais  leurs  paillons  impures  y 
Pour  n’y  laifler  que  l’amour  qui  t’eft  dit 

Effrayez  des  péchez  dont  le  poids  les  stccar 
bie. 

Tes  ferviteurs  voudrolent  fe  refever  : 

Ib implorent  ^Seigneur  , ta  bonté  iècourabfr^ 
Et  dfins  ton  fang  ils  Perchent  à fe  lavert 
8 E c ON  nn  teurs efforts  ; dfiTIpe  Tombre  noirev 
Qui  dès  Iong*teœs  les  tienrenvelopez  ; 

Et  que  l’heureux  féjour  d’une  immortelle  gloire^ 
Soitrobjet  fettl  de  kura  cœtua  dêtrompeZi- 


7 H T M ir  B ff' 

ïxytucE,  Peie  Saint , nqtie ardente  ptt?r«'^ 
Verbe  fon  Fils , Efprit  leur  nœud  divin 
Dieu  y.quii;out  éclatant  de  ta  propre  lumière^ 
Régnes  aa  ciel  fans  principe  & (ans  fin» 


A L.  A U D E s: 

Lux  ecce  fargit  auna  > &c; 

T 

-*^ES  portes  du  jour  font  oiivertes> 

Le  Soleil  peint  le  ciel  de  rayons  éclatans 

Loin  de  nous  cette,  nuit  » dont,  nos  âmes  coti«^ 
• vertes- 

Dans  le  cheipin  dïi  crîme  onrerré  G long.temsv 
Im>itons  la  lumière  pure 
De  TAftre  étincelant  cjui  commence  fon  cours^,,. 
Ennemis  du  menfonge  & de  la  fraude  obfcure  9» 
Et  que  la  vérité  brille  en  tous  nos  difcourSk 
N Q U E ce  jour  le  pafle  fans  crime, 

Que  nos  langues  , nos  mains  ,.nos  yeux  fôient 
rnnocens , . 

Que  tout  foit  chafte  en  nous , & qju*un  frein 
gttime 

Aux  loix  de  la  raiTôn  aflervifli  les  fénS; 

D U haut  de  fa  fainte  demeure  i 
Un  Dieu  coujoufs  veillant  nous  regarde  marcher^, 

ÜHous  voit  , nous  entend  , noos  obfecveàtoar 
te  heure 

Btlâ  plus  fombre  nuit  nefçaurolt  nous  cacher». 

à toi  xTtimté.  profonde , &c. 


XMi  BfiLEviAiRE  Romain.  77 


LE  VENDREDI  A MATINES. 
Tu  Trinitatis  unitas  ^ &c* 

U T E ü R de  toute  chofe , Eflence  en  trois 
unique , 

Dieu  tout-puîflant , qui  régis  l’Univers  ^ 

Dans  U profonde  huit  nous  t’offrons  ce  Canti*- 
que  ^ 

Ecoute  nous , & vois  nos  inaoR^dlvers. 

Ta  JTDi  s que  du  fommeU  le  charme  nécelTaite 

Ferme  les  yeux. du  relie  des  humains^ 

Le  cœur  tout  pénétré  d’une  douleur  amére 

Nous  implorons  tes  fecours  fouverains. 

Q ü B tes  feux  de  nos  cœurs  chaflent  la  nuit  fa^ 
tak  ; 

Qü’i  /eur  éclat  foîcnt  d’abord  dîffipez. 

Ces  objets  dangereux  que  la  rufe  infernale 

Dans  un  vain  fonge  offre  à ooS  feiis  trom^ 
pez. 

Q OR  notre  corps  ibit  pur  ; cju’une  îndoîenco 
ingrate 

Ne  tienne  point  nos  cœurs  enfévelîs  ; 

Que  par  l’impreffion  du  vice  qui  nous  flâte  , 

• _ 

Tes  feüx  facrez  n’y  fofent  point  affbiblis. 
Qu’ AINSI,  divin  Sauveur  , tes  lumières  céleffes 
Dans  tes  rentiers  affermifTantnospas , 

Kous  (jétournent  toujours  de  ces  pièges  funeftes». 
Que  le  Démon  couvre  de  mille  apas. 

JiXAiUC® 


78  Hymnes 

.Exauce,  Pere  Saint , notre  ardente  prière  ^ 

. .yerbe  Ton  Fils , Efprk  leur  nœud  divin  , 
Dieu , qui  tout  éclatant  de  ta  propre  lumière 
Régnes  au  ciel  fans  principe  & fans  ân. 

— ■■  IL.  ■■  W , I 

A L A U D E S. 

Æterna  cali  gloria  » &c» 

ST  R E que  Tolyrope  révéré  , 

Doux  efpoir  dts  Mortels  rachetez  par  ton  ftng  ^ 

Verbe  , Fils  éternel  du  redoutable  Pere , 

Jefus , qu*une  humble  Vierge  a porté  dans  foa 
flanc  : 

Affermis  ]*ame qui  chancelle , 

Fais  que  levant  au  ciel  nos  innocentes  mains  ^ 

Flous  chantions  dignement  & ta  gloire  immar* 
telle. 

Et  les  biens  dont  ta  grâce  a comblé  leshumalnt. 

L’ A s T E E , avant-coureur  de  TÀurore  , 

Du  Soleil  qui  s’aproche  annonce  le  retour  ; 

Sous  le  pâle  horifon  Tombre  fe  décolore  ; 

Leve-toidans  nos  cœurs , chafte  & bienheureux 
jour. 

Sois  notre  inféparable  guide  ^ 

Du  fiécle  ténébreux  perce  robfcure  nuit; 

Défends-nous  en  tout  tems  contre  l’attrait  per- 
fide 

De  ces  plaiflrt  trompeurs  dont  la  mort  efl  le 
fruit. 

V Que 


]>ir  B&eviairb  HouAXK.  79 

Que  la  fof  dans  nos  cœurs  gravée  » 

D'un  rocher  immobile  aie  la  fiabilité  ; 

Que  fur  ce  fondement  refpérance  élevée , 
Porte  pour  comble  heureux  l'ardente  charité. 

G LO I R E à toi  , Trinité  profonde  , 

Perc,  Fils , Efprit  Saint  : qu^on  t'adore  toujours^ 
Tant  que  TAflre  des  tems  éclairera  le  inonde ^ 
It  quand  les  fiécles  même  auront  fini  leur  courte 


LR  S JM  ED  I A MATINES. 
SumiM  Dew  W#msnh'e»&c. 

O 

Toi  qui  d'un  œil  de  clémen  ce  » 

Vols  les  égaiemens  des  fragiles  humains  ; .. 

Toi  dont  l'Etre  un  en  trois  ^ le  même  en  pulF» 
fittce, 

A aéé  ce  grand  Tout  foütenu  par  tes  mains  r 

£ T E I N s ta  foudre  dans  les  larmes 

Qu'un  jufle  repentir  mêle  à nos  chants  facrer  » 

Et  que  puiffe  ta  grâce  où  brillent  tes  doux  chaa* 
mes. 

Te  préparer  un  temple  en  nos  cœurs  épurez. 

B au  L E en  nous  de  tes  falntes  fiâmes 
Tout  ce  qui  de  nos  fens  excite  les  tranfports  ; 
Afin  que  toûjours  prêts  nous  puiflSons  dans  no» 
âmes 

Du  Démon  de  la  chair  vaincre  tous  les  efforts. 

POVE 


H Y M K e"  f 

Pour  chanter  ici  tes  louanges 

Kotre  zèle , Seigneur,  a devancé  le  jour  r 

îaisqu’ainjî  nous  chantions  un  jx)ur  avec  tet 
Anges' 

Les  biens  qu’à  tes^  Elus  aflure  ton.  amour. 

Pe  RE  des  Anges  & des  Hommes, 

^acré  Verbe,  Efprit  Saint , profonde  Trinité^ 
Sauve  nous  ici  bas  des  périFs  ou  nous  fommes 
Et  qu  on  loue  àjamais  ton  imiûenfe  bonté. 

A laudes, 

Aurora  jam  fpargit  polum , 

-L'*  A UR  O R E brillante  &’  vermeille* 

Prépare  le  chemin  au  SoIeH  qui  la  fuit , 

Toucritauxpremîers  traits  du  jourquife  réveiller 

Retirez-vous , Démons , qùî  volez  dans  la  nuit. 

F ü Y jç  z: , fonges troupe  menteufe  ^ 
Dangereux  ennemis  par  la  nuit  enfantez , 

- Et  que  fuye  avec  vous  la  mémoire  honteufe» 

Des  objets  qu’à  nos  fens  vous  avez  prefentez*^ 
Chantons  P Auteur  de  la  lumière , 
Jufqu’au  jour  où  fon  ordre  a* marqué  notre  fin v 
Et  qu’en  le  bénifiant  notre  aurore  dernière 
Sé  perde  en  un  midi  fans  foir^à  fans  matin. 
Gloire  à toi , Trinité  profonde , 

I * 

Pere,  Fils,  E^rit  Saint  ; qÿ’on  t’adore  toujours^ 
Tant  que  l’Adre  des  teras  éclairera  le  monde 

« 

£t  les  llécles  même  auront  fini  leur  cours. 

tJT 


DV  Brxviairx  Romain.  Si 


LE  LUNDI  A V gS?  RES. 

• % 

îmmenfe  cœH  condhor , &c. 

Gr R A N D Dieu , qui  vis  les  deux  fe  for- 
mer fans  matière 

h ta  voix  feulement  ; 

Ta  réparas  les  eaux , leur  marquant  pour  bar* 
riére 

Le  vafte  Firmament, 

S I la  voûte  célefte  afes  plaines  liquides^ 

La  terre  a Tes  ruiffeaux, 

Qui  contre  les  chaleurs  portent  aux  champs  arî* 
des 

Le  fecours  de  leurs  eaux. 

SsiGNEua,  qu*alnû  les  eaux  de  ta  grâce  fé- 
conde 

' I 

Réparent  nos  langueurs  : 

Que  nos  fens  déformais  vers  les  apas  du  monde 
N*entrainent  plus  nos  cœurs/ 

Fi  I s briKer  de  ta  foi  les  lumières  propices 
A nos  yeux  éclairez  : 

Quelle  arrache  le  voile  à tous  les  artifices 
Des  Enfers  conjurez. 

R E O N e , ô Pcre  éternel , Fils , Sagefle  ino^éée  » 
Efprît  Saint , Dieu  de  paix , 

Qui  fais  changer  des  tems  rinconftante  durée , 
Et  ne  changes  jamais. 


Hymne* 


LE  MARDI  A V ES?  K ES. 

/ 

Tellurît  ingens  cenditor  , &c. 

Ta  fagefle ^ grand  Dieu»  dans  Ces  œuvres 
tracée 

Débrouilla  le  cahos  ; 

Et  fixant  fur  fbn  poids  la  terre  balancée  , 

La  répara  des  flots» 

F A R-r.  A , Ton  fein  fécond , de  fleurs  & de  feuil- 
lages 

L’embellit  tous  les  ans  ; 

L'enrichît  de  doux  fruits , couvre  de  plturages 
Ses  valions  & fes  champs. 

S £ I O N E U R » fais  de  ta  grâce  à notre  ame  ab« 
battüë 

Goûter  les  fruits  heureux  ; 

Et  que  puifienr  nos  pleurs  de  la  chair  corrompuS 
Eteindre  en  nous  les  feux» 

Que  fans  cefTe  nos  cœurs , loin  du  fentier  des 
vices , 

Suivent  tes  volontés  S 

Qù^lnnocens  â tes  yeux  fondent  leurs  déGcQi 
Sur  tes  feules  bon»ea. 

R£oit£,^Fere éternel 9 &e» 


LS 


\ 9Ü  Breviai&i  Rohaim.  83 


LS  MERCREDI  A VSSPRES, 
CbU  Deus  fatiSiffint , &c. 

w R A N D Dieu , qui  fais  briller  fur  la  voûte . 
étoilée 

Ton  Trône  glorieux  t 
Et  d*ané"blancheur  vive  à la  pourpre  mêlée 
Peins  le  centre  des  Cieux , 

Pm  Toi  roule  i nos  yeux  Air  un  cbar  de  la« 
J&iére 

Le  clair  flambeau  des  Jours  ; . 

Détint  d’aflres  par  Toi  la  Lune  en  fa  carrière , 
Vok  le  différent  cours. 

Ainsi  font  réparez  les  jours  des  nuits  prochaU 
ncs  ; 

Par  d'immuables  loix  : 

Aafi  Tu  fais  conooitre  i des  marques  certaines , 

Les  faifons  dt  les  mois.  ^ 

Sbi  Gvxua,  répands  fur  nourta  lumière  cé« 
lefle. 

Guéris  nos  maux  divers  : ^ 

Qae  ta  main  fea>arable , aux  Démons  fi  funefie,  : 
Brife  enfin  tous  nos  fera. 

Rz'gsb,  6 Pere  éternel  9 &c« 


24 


H T M N E 8 


* 

LE  JEUDI  A FÉ  S P R ES. 
Mûgnæ  Deus  p9$eraiœ  , &c. 

Seigneur,  tant  d*anîmaux  par  Toi  des 
eaux  fécondes 

Sont  produits  à ton  choix  , 

Que  leur  nombre  infini  peuple  ou  les  mers  pio» 
fondes , 

Ou  les  airs  ou  les  bois. 

Ceu  x-LA  font  humeétez  des  flots  que  la  mer 
roule , 

Ceux  ci  de  Teau  des  Cîeux, 

Et  de  la  même  fource  ainfi  fortis  en  foule 
Occupent  divers  lieux, 

F A X 6 , À Dieu  tout-puiflTant , fais  que  tous  les 
. fidelles 

A ta  grâce  fournis. 

Ne  retombent  jamais  dans  les  chaînes  cruelles 
Oe  leurs  fiers  ennemis. 

Q U Epar  Toi  foutenus,  le  jougpefant  des  vices 
Ne  les  accable  pas  ; . 

Qu’ün  orgueil  téméraire  en  d*afFreux  précipices 
N'engage  point  leurs  pas, 

E 1 0 N E I ô Pere  ét  ernel , &c. 


% 


I 


»a  Brxviairx  Romain. 


LE  VENDREDI  A V ES  PRES. 
Plafmator  bmîms  Dm  , &c. 

• *“>1  “«« . fo«- 
Dece  vafteünims, 

dafein  de  Ja  twe , A ton  ordre , vit  naître 
Tant  d’animaux  divers  ; 

^ “'■-P*  nombre  & différens  d’ef. 

Animez  â ta  voîx , 

l'homme  fut  éubli  par  ta  haute  fageflê 
Pour  impofer  fes  loix. 

«cor- 

^égne  dans  notre  cœur  ; 
nal excès hoâteàx , que  nulle  impure  idée 
^ chafle  la  pudeur. 

<2  D O N ûint  raviffement  éclate  en  Mtre  zèle  ; 

/ Guide  toujours  nos  pas  ; 

Fa»  d'nnepaix  profonde  â ton  peuple  fidèle 
Goûter  les  doux  apas. 

&<«»£ , à Pere  étemel , &c. 


^6  Hymnes  do  B&ev.  Roi*. 


LE  Su4MEI>l  A VESPRES. 

\ 

O luy  ^ beata  Trînitas &c» 

S 

^ O ü KCE  éternelle  de  lumiéte , 

'Trinité  fouverame  & tris-fainte  Unité, 

•Le  vifible  Soleil*  va  finir  fa  carrière  ; 

Fais  luire  dans  nos  cœurs  Tinvifible  clarté. 

Q u’a  U doux  concert  de  tes  loûanges 
l^otfe  voix  commence  & finifle  le  jour^ 

que  notre  ame  enfin  chante  avec  tes  faînes 
Ânges 

Le  Cantique;étemel  de  ton  célefie  amour. 

A D O R O K s le  Pere  fuprême , 

Principe  fans  principe  , abîme  de  fplendeur , 

Le  Fils . Verbe  du  Pere , engendré  dans  lui mé* 

L!£(prit  des  deux  qu'il  lie , amour , don paix  • 
ardeur. 


OUVREES 


ATTRIBUÉS 

A JÊAN  RACINE 


I 


41' 


/ 


, DIS  COURS 


Irmmi  à la  tête  du  Clergé , 
l’Abbe.’  Colbert, 


par 


S 


IRE, 


L % Clergé  de  France  qnï  ne  s’»' 
prochoit  autrefois  de  fes  Souverains  , 
^oepour  leur  retracer  de  trilles  image» 
de  la  Religion  oprimée  & gémilTante, 
▼ient  aujourd’hui , la  recc^poiflance 
& la  joïe  dans  le  coeur,  fiiire  paroî' 
treàVoTRE  Ma|bste’,  cette  ra^ 
me  Religiontoute  couverte  de  la  glcHr-e 
quelle  tient  de  votre  piété. 

^le  a para  durant  plus  d’un  fîécle 

fur 


^ Cedifcoarg  fc  trouve  diuiilç  Recueil  des  Memoi** 
Tes  du  Clergé^ 

«s 


5ro  I 9 c 0'  O K fk 

fbr  le  penchant  de-  (à  ruâie  : ott  V» 
Tuë  déchirée  par  fes  propres  enifans  ^ 
trahie  par  ceux  qui  dévoient  la-  foute*- 
nir  & la  défendre , eii  i^oïe  à fes  plua- 
cruels  Knnemis.  Enfin , après  une  Ion* 
gue-&  femelle  opreffion-,  elle  refpirss: 
peu  detems  avant  votre  -naiflance  heu> 
reufe  ; avec  Vous  elle  commença  de  re« 
vivre , avec  Vous  elle  monta  fur  le- 
iTrône.  Nous  comptons  les  années  de 
fon  accroifiemenc  par  les  années  de- 
votre  Régne  ^ & c’efe  fous  le  plus  flo« 
riiTant  Empire  du  monde  , que  nous  la 
voyons  aujourd’hui  plus  florifiante  que 
jfamais. 

Si  elle  fe  fonvient  encOrexle  fes  trou« 
blës  & de  fes  malheurs  p^ez , ce  n’eÆ 
plus  que  pour  mieux  goâter  -le-parfeic 
bonheur  dont  vous-  ta  fiâtes  joQir  ; elle 
eft  faoülagi  cation  & fans  crainte  4 
- Rombre  de  votre  autorité-}  elle  eft  mê« 
me , fî  j’ofe  ainfî  dire , fans  ■ defirs 
puifi)ue  votre  zèle  ne  lui  laifle  pas  le 
tems  d’en  former , & que-  votre  bonté- 
va  n fouvent  au-delà  de  fes  fouhaits.  < 

Ce  zèle  ardent  pour  la  Foi  , cette 
bonté  paternelle  dans  tous  les  befoins 
de  l'Eglife , qualitez  fi  rares  dans  les 
Princes , font , S i ns , le  véritable  fiir 
jet  de  nos  éloges.  Noos 


Dr$ceiTRK.  sTiE 

I^ous  laiffoQs  à vos  Sujets  alTez  d’au- 
tses  vertus  à admirer  en  vous.  Les  uns 
vous  reprefenceront  comme  un  Mo* 
Marque  bienfaifant , libéral,.magnifique». 
fidèie  dans  Tes  promeiTes , ferme  & in* 
flexible  contre  toute  forte  d’injuftice , 
droit  & équitable,  jtifqués  à prononcer 
contre  fes  propres  intérêts , véritable* 
ment  maître  de  fes  Peuples & plus 
toaître  eacore  de  lui-même; 

Les  autres  vousrelpeâeronc  comme 
•0  Roi , toujours  fage  & toujours  vic- 
torieux ÿ -dont  les  impénétrables  def- 
feins  font  plûtdc  exécutez  que  connus  ;> 
^oi  ne  T^ne  pas  feulement  fur  fes 
Sujets  par  fon  autotité  fbuveraihe  , 
nais  Au  /baConfeil  par  la  fupérioritê 
dé  fôn  ^aie,  mais  fur  les  cœurs  de 
fes  VoiAas-,  par  la^  pénétration  de  foiv 
efprk,  & par  la  fagefiè  do«t  il  fçair 
iflUruire  fes  Miniftres  ; qui  pouvant 
tout  par  luî-méme , fçait  fe  palfer  des<^ 
plus  grands  hommes  ; & fans  eux  , 
téfoudre,  entreprendre,  exécuter fqui< 
donne  la  loi  fur  la  Mer,  auffi-bien  que- 
fer  la  Teire;  qui  lance-  quand  il  lut 
plaît  la  foudre  jufques  fur  les  bords  de- 
FAfrique  ; qui  fçait  à fon  gré  humilier 
fes  Nations  fepetpes  , & réduire  de» 

e 4 Souve* 


\ 


ps  D I s C O V & 8. 

Souverains  à venir  aux  pieds  de  Ton 
Trône  , reconnoicre  Ton  pouvoir , Sc 
implorer  fa  clémence. 

Vos  Ennemis  mêmes , Sire  , ne  pen- 
vent  s’empêcher  de  louer  vos  aêèions 
. héroïques  ; ils  font  contraints  d’avouer 
que  rien  n’ed  capable  de  vous  réfiftcr  , 
& le  mérite  du  Vainqueur , adoucit  en 
. quelque  forte  le  malheur  des  vaincus. 

Ce  n^efl  pas  à nous , Si  re , à parler 
des  progrès  étonnans  de  vos  Armes 
triomphantes , nous  ne  devons  pas'  con- 
fondre leclat  d’une  valeur  qui  n’eft  que 
l'objet  de  l’admiration  des  hommes» 
avec  ces  œuvres  faintes  qui  font  en 
eflime  devant  Dieu.  Le  Clergé,  Sîre» 
s’attacheta  fur  tout  à loQer  en  vous  cet- 
te piété,  qui  toujours attentiveaux 
térêts  de  la  Religion , n’obmet  rien  de 
ce  qui  fient  être  néceflaire  pour  la  re- 
lever dans  les  lieux  où  elle  e(l  abat- 
. tuë  » pour  l’étendre  au-delà'  des  Mers  » 
dans  les  fieux  où  elle  eft  inconnuë» 
pour  la  faire  triompher  dans  l’un  & 
l’autre  monde.  ' 

Mais , que  dis  - je  9 l’Eglife  ne  doit- 
elle  pas  elle  même  confacrer  des  vic- 
toires , que  vous  avez  fi  heureufement 
fait  fervir  à la  propagation  de  la  foi  » 

âc 


I 


Discours.  93 

■A  à rextinâion  de  l’héréûe  ? II  femble 
vous  n’ayez  combattu  & triomphé 
^ue  pour  Dieu  , & le  fruit  que  vous 
avez  tiré  de  la  Paix,  nous  fait  aOez 
connoîcre  quel  étoit  le  principal  but  de 
▼os  Viâoires.  C'ed  par  ces  victoires 
que  vous  avez,  établi  cette  rédoutable 
puiiïancé.  qui  tenant  déformais  vos 
Voifins  en  bride,  ôte  aux  Hérétiques 
de  votre  Royaume , & l’audace  de  fe 
révolter,  & J’e/poir  de  Je  maintenir 
par  de  féditieux  commerces  avec  les 
Ennemis  de  l'Eàat. 

Si  c’eût  été  la  feule  ambition'  qui  yons 
eôt  armé , jufqu’où  n’auriez  vous  point 
étendu  votre  Empire  ? Vous  vous  êtes 
. hâté,  de  finir  la  guerre  r iorfque  voue 
en  pouviez  tirer  de  plus  grands  avan- 
tages ; ne  Içait-on-  pas  que  ce  n’a  été- 
que  par  l’empreflement  que  vous  aviez 
de  donner  tous  vos.  foins  au  progrès 
•de  la  Religion  ? La  converfion.  de  tant 
d’ames  engagées  dans  l’erreur  vous  a 
paru  la  plus  belle  de  toutes  les  Conquê- 
tes , & le  tfiom^ue  le  plus-  digne  d’um 
Roi  Très  - Chrétien. . 

Mais  quelle.quefoit  votre  puilfance,. 
elleavoit  encore- befoin  - du.  fecours  de 
■ fOU&  bonté,  t.c’eft.en  gagnant  le  cœur* 

e 5,  des» 


P4  Discours. 

des  Hérétiques  , que  vous  domptes: 
l’obilination  de  leur  efprit;  c*eft  par 
vos  bienfaits  que  vous  combattez  leur 
endurcilTement , & ils  ne  /croient  peut* 
être  jamais  rentrez  dans  le  fein  de  TE- 
glife  par  une  autre  voye , que  par  le 
chemin  femé  de  fleurs  que  vous  leur 
avez  ouvert. 

Aufli  Faut -il  avoüer,  Sire,  quel- 
que ' intérêt  que  nous  ayons  à î’ex- 
tinâion  de  rhéréfîe , notre  joïe  l’etii- 
porteroit  peu  fur  notre  douleur , fl  pour 
furmonter  dette  hydre une  fâcheuie; 
néceflité  avoit  forcé  votre  zèle  à re- 
courir au  fer  & au  feu , comme  on  la. 
été  obligé  de  faire  dans  les  régnes  pré* 
cédenSi  Nous  prendrions  part  à une- 
guerre  qui  feroit  fainte,  & noos  eta-' 
aurions  quelque- horreur  -,  parce  qu’elle 
feroit  fanglànte  : nous  ferions  des  voeulc 
pour  le  fuccès  de  vos  Armes  facrées  p, 
mais  nous  ne  verrions  qu’avec  trem- 
blement, les  terribles  exécutions  dont: 
,1e  Dieu  des  vengeances  vous  feroit  l’in/* 
trument  redoutable#en/în , nous  ro^ 
lèrions  nos  voix  aux  acclamations  pu- 
bliques fiir  vos  Viftoires , & nous  gÔ 
mirions  en  /ecret  fur  un  triomphe  > 
qui^  avec^la  défaite  des  Snnemis  det 

l’Eglife: 


B 18  C O V K 9;-  PS 

fEglifê»  êaveloperoit  Ja  perce  dé  nos 
freres. 

Aujourd’hui  donc  que  vons  ne  com* 
battez  l’orguëil  de  l’héréfie  que  par  la 
douceur  & par  la  fage/Ie  du  gouver» 
nemenc  ; que  vos  loix  foutenu&  de  vos 
bienfaits,  font  vos  feules  Armes,  & 
ipieles  avantages  que  vous  remportez  » 
ne  font  dommageables  qu’au  démon  de 
Ja  révolte  & du  fchifme  ; noos  n’avons  ' 
que  de  pures  aâioos  de  grâces  à ren* 
dre  au  Ciel,  qui  a infpiré  à Votrb- 
Majest  M.* , ces  doux  & fages  moyens  < 
de  vaincre  l’errèur  , & de  pouvoir  , . 
'en  mêlant  avec  peu  de-  févérité  beau* 
coup  de  grâces  & de  faveurs,  rame»' 
jaer  à TEglife  ceux  qui  s’en  trouvoient  . 
zna/heureu/êmenc  féparé$< 

Nous  le  confeflbns,  SiREj  t’eft  i- 
Votre  Majesté-’  feule,  que  nOûs> 
devons  bien  • tôt  le  rétabliffemeht  en* 

' tier  de  là  Foi  de  nos  Peres  iaulli  ne  - 
falloic-il  pas  que  l’Etat  vous  devant  dé*’ 
ja  ion  fàîut  & fa  gloire  , l’Eglife  dûté  . 
nu  autre  qu’à.vous  , fa  . victoire  & foh  ' 
triomphe  : fans  cela  votre  régne , que 
le:  Ciel  a voulu  qu^l  fût  un  régne  de - 
SBCTveilles»  nuroitinanqué dëfon  plus- 
bel  emexoeixc  ::  t^^aucok  bien  dit  un» 


p6  D r S c 0 V ft  fl 

jour  de  Votre  Majesté’,  ce  que 
l’Ecriture  dit  de  plufîeurs  grands  Rois 
de  Juda  : il  a terraflié  lès  Ennemis , Sc 
xelevé  la  Monarchie  : il  a autorifé  & 
rérormé  les  Lois  : il  a fait  ré^ier  la 
Jullice  ; mais  on  auroit  ajouté  ce  que 
le  S.  Ëfprit  reproche  à ces  Princes  : R 
n’a  pas  aboli  les'  facrifiices  qui  fe  fai* 
ibient  fur  k Montagne- 

Que  votre  nom , Sire , .fera éloigné- 
de  ce  reproche!  Ce  que  votre  zèle  a 
déjà  fait la-  poRérké:  le  regardera  tou*- 
jours  comme  laTource  de  vos  profpé* 
ritez , & le  comble  de  votre  gloire. 

Mais  ce  n’ell  pas  au  rétabliflement 
des  Temples  & des  Autels,  que  îêr 
borne  votre  zèle-;  vo^s  avez  entrepr»- 
de  faire  revivre-  la  piété  & les  bonnes- 
mœurs  ; & c’eft  à quoi-  Votre, 
-M  A JE  s T e’  , travâille  avec  fuccès , au* 
tant  par  fon  exemple  que  par  Tes  ot* 
dresL  €*eflr  un  honneur  mainteRant.  de 
pratiquer  la  venu  , & fî  le  vice  n’eft: 
pas  tout-à  fait  détruit , au  moins  efl>U 
réduit  à fe  cacher,  & lesvoHes  donc 
H fe  couvre  , épargnent  aux  gens  de- 
^bienun  fâcheux  fcandale,  & fauve  les 
-âmes  Ibibles.  du  pécil  d’une  contagioife 
i&neâe^ 

Ne 


'Drscotrxr*  PT* 

^e  penibns  plus  à ces  jottt's  de  tënè^ 
bres  où  la  plûpart  de  ceux  qui  étoienc 
encore  dans  le  fein  de  l’Eglife  , fent* 
bloient  i>’y  être  demeurez  que^  pour 
l’outrager  de  plus  près  f où  les  blaf* 
phêmes  & les  ratllecies  de  cequMl  ya 
de  plus  faine  ^ éclatoienc  a^ec  audace  r 
ces  noonflres  d’infidélité  ont  difpartt 
fous  votre  régne  heureux  > & fi  les  re« 
jnomrances  tant  de  fois  réitérées  fiir  ce 
fojet  ne  nous  donnoient.  conaoi fiance 
de  ce  défordre  y nous  l'ignorerions  é 
jamais. 

Qu’eft  devenu  cet  autre  monftre  pro< 
doit  par  l’efprit  de  vengeance , toujoun 
altéré  du  fang  des  hommes  , mais  plus, 
encore  de  celai  de  la  Noblefiê  françoi* 
fo  ? Nous  n’avons  qu’à  le  laifier.dana 
l’oubli  éternel  » où  depuis  tant  de  rems- 
vousl’avez  enféveli  : vous  Pavez  étoufiié^ 
tout  indomptable  qu'51  paroiflbit.  Vo> 
TU  Majest]^  a rçurenverfer  les'fauflet^ 

- amximes  de  l’honneur  & de  la  honte  ; âc 
'autant  qu’une  décelkable  erreur  avo|c 
xms  de  fimfie  gloire  àife  venger,  ao^ 
tant  y auroit  il  d’ignmniine  ù-ne^vonn. 
-pasebénr;  creft  ainfi  que  votre  voloa>- 
té-  feule  l’emporte,  fbr.la  coacume-in- 
vétérée  dta mal  lue. le^ penchait 
: oripiind  des  hommes..  ^ 


S^i 

/ 

Le  Gler^é  ne  fe  dirpafe  plus 
être  le  fpeâateur  de  là  fin  de  toil* 
tes  vos  faintes-.  entreprifes  r après  «a^ 
avoir  admiré  de  fi  heureux  commet!* 
eemens  ,ii  céfTe  d’ufer  de  remontras* 
ces  rs’il  a encore  quelques  befoins  , 
vous  les  connoiflez  , cela  lui  fuffît.  11 
vient  encore  de  reflentir  en  cette- 
Afiemblée  d’infignes  efièts  de  votre 
proteâion  Royale  ; & perfuadé  que 
vous  lui  avez  defiiné  une  longue  fuite 
ile  grâces  dans  d’autres  tems  , & avec 
les  circonfiances  dont  vous  feul  les  fçà* 
vez  fi  bien,  accompagner , il  craindRoit^ 
par  fes'  demandes  « où  de  troubler  Tor* 
dte  que  votre  fagefFe  y a établi , ott: 
. peut-être  de  tàettre  des  bernes  oà  y&‘ 
tre  ^lé  h’èn  : a p<^t  mis. . ' 

L’unique  afFairê  qui  nous  occupe  ». 
c’efi  l’obligation  de  rendre  à-  Votiue 
Ma  jute’  de  très  • humbles  aâions  de  - 
grâces.  Après  un  fi  jufte  devoir  , afio» 

. ïez  quenous  femmes  de  votre  puifianoe 
t.proteélion  , nous  pouvons  nous  fépa» 
fans  inquiétude.  Nous  allons  dans- 
les  Provinces  de  votre  Royaume , fat» 
te  retentir  les  loüànges  que  l’EglMê" 
«bit  à votre  zèle.  Chaque  Pafieur  aUnt 
de  ieocoa\i«r  pia  vos  foins , 

. ..  . . fcceupéait^ 


D r B e O tf  K s«  $9} 
troupeau  plus  nombreux  qu’il  ne  l’avoît 
lailTé  , & chacun  de  nous  redoublera* 
fes  vœux  pour  obtenir  du  Ciel  qu’il  re- 
double Tes  béoédiéfcions  en.  faveur  d’ua* 
Prince.qui  fe  les  attire  par  desafkions  IL 
glorieiifes  « & ü.  uûles  à-la  Eeligioa* 


LA  Relatton Rivante , imprimée  in-fo- 
lîo  , p/ïT  ordre  du  Roi  y chez  Thierry  eh' 

^ Kîpa  , e(i  attribuée  à feu  M.-  Racine 
par  quelques  perfonnes  qui  prétendent  qua 
le  Public  trompé  par  un  ftile  (piil  riat-' 
tendoit  pas  d’une  plume  poétique  , u’ere 
foupçonna  pas  l'Auteur  Q*  parus  même' 
goûter  davantage  VlBfione  du  même  évé» 
nement  ^ faite  dans  un  ftile  très  différent 
par  M.  de  VifL  Quoi  qu'il  en  foit , oir 
a crû  devoir  imprimer  ici  cette  Relation , 
parce  qjt’eUe  ejt  devenué  fort  rare  , 
quelle  a raport  à plujieurs  cBoJês  qtti  fr 
trouvent,  dans  les  Lettres  écrites  du  Camp> 
iemtA  Namur , par  M.  Racine  à Boileau- 


/ 


SELAXXQSV 


! 


ïoi 


RELATION 


D E 

CE  QUI  S’EST  PASSE* 

AU  SIEGE  DE  NAMUR. 

IL  y avoit  prés  de  quatre  ans  que  I9 
F rance  foutenoit  la  guerre  contre  tou- 
tes les  Puiiïances , pour  ainü  dire  , de 
l’Europe , avec  un  fuccès  bien  différent 
de  celui  dont  les  ennemis  s’étoient  flâ» 
tez.  Elle  avoir  bon-feulement  renverfé 

9 

tous  les  projets  de  la  fameufê  Ligue 
d’Ausbourg,  mais  même  parla  fagefle 
de  là  conduite  <St  par  la  vigueur  de  fa 
téfUlance  , elle  avcûc  réduit  les  Confé- 
dérez  , d’agrefleurs  qu’ils  étoient  » à 
la  bonteufe  néceflitë  de  fe  défendre. 
Tout  le  monde  voyoit  avec  étonnement 
qu’une  Nation  attaquée  par  tant  de 
peuples  conjurez  contre  elle , & dont 
. ils  avoient  par  avance  partagé  la  dé- 
po&ille  » e&t  d heuieufement  fait  re- 
tomber 


202 


ReCA  T tO-N 

tomber  Air  eax  les  malheurs  qu’ils  lut 
préparoienc  ; qu’elle  eût  vaincu  dans- 
tous  les  lieux  oà  ils  l’avoienc  obligée 
de  porter  fes  armes  ; & qu’enhn  tant  de 
puilTancesréünies  pourl’accabler  n’eof* 
fènt  que  fournir  par  tout  de  la  ma* 
tiére  à Tes  conquêtes  & à Tes  triomphes. 

En  effet , depuis  cette  derniere  guer- 
re , fans  parler  des  célèbres  journées- 
de  Fleuru  , de  Staffardè  & de  Leuze  ». 
où  ils  avoieut  perdu  leurs  meilleures- 
troupes  : fans  compter  auffi  plufleu^s- 
de  leurs  Places  prifes  & rafées  » ils- 
avoient  vd  pafTer  fous  la  domihation- 
de  la  France  Philisbourg  en  Allemagne». 
Nice  & Moiimelian  en  Savoye,  &eiH- 
£n  Mons  dans  les  Pays-Bas.. 

Mais  malgré  les  avantages  coodhaeTv 
que  le  Roi  remportoit  Air  eux  » ils  fe- 
Ââtoient  tous  les  ans.  de  quelque  révo- 
lution en  leur  faveur.  Ils  croyoient  qne- 
la  fortune  felafleroitde  fuivre  toujoufs- 
le  même  parti  ; & qu’enAn  la  France 
feroit  contrainte  de  Aiccomber  & à la: 
force  ouverte  , qu’ils  lui  opofoient  an- 
dehors , & aux  atteintes  fecrettes  qu'ils 
tâchoient  de  lui  porter  au- dedans. 

La  principale  efpérance  de  leur  Li*- 
g,ue  écoic  fondée  Aie  la  haute  opinionv 

quer 


Btr  $i£^B  17a  m ixr>  -lexx^ 

tous  ceux  qoi  la  compofent  aToieot 
do  graad  géaie  du  Prince  d'Ocange  » 
qui  en  eft  comme  le  chef  & le  premier 
mobile  ÿ âc  luiméme  ne  manquoit  pas- 
de  les  flâter  par  toutes  les  illufions  donc 
il  les  croyoic  capables  de  fe  lailTer  pr^ 
?enir.  11  leur  avoic  fait  eTpérer  d’al^rd 
que  le  premièr  effet  de  Ton  établüTe* 
ment  fur  le  Trône  d’Angleterre , feroic 
t^abaiflement  de  la  France.  U s’étoit. 
depuis  excofè'du  peu  de  fecoars  qu’ils- 
avcnent  reçû  dé  lui , fur  la  nécefCté  oiit 
il  s’étoit  vA  d’em^>loyer  & la  réduébion 
de  V Irlande  h meilleuce  partie  de  fea 
forces.  Mais  enfin  fe  voyant  paifîbler 
pofTeSeuc  des  ucus  Royaumes , & en 
^tatde  fe  donner  teot  entier  à laCaufer 
commune  » il  avoic  marqué  l’année 
1692.  comme  l’année  fatale  à la  Fran« 
ce , & ohles  Révohitions  ülong>-tems  at- 
^dues  dévoient  arriver.  Pour  joindr» 
l’éxecution  aux  promefies , il  eroployoin 
aux  grands  aprécs  de  la  Campagne  pro» 
chaîne  les  foranaes  exceffives  qn’il  ti- 
roit  des  A nglois  & des  Hbllantfois . Et 
h Ton  exemple , Tes  Alliés  faifbient  auffiî 
tous  les  efforts  poffibles  pour  pro« 
fiter  d’une  fi  favorable  conjbnfilure.. 

^ Roi  vers  la  fin  de  l’année  i6pu- 

infiruin 


S04  Rekatiok 

dé  leurs  préparâtes  , jugea 
.^qa’il  falloit  Bon-feiilementoporer  la  for- 
-ce  à la  force  pour  parer  les  coups  doue 
i|s  le  menaçoient , mak  qu’il  falloit  mâ- 
me  leur  en  porter  aufquels  ils  ne  s’at- 
'tendilTeot  pas , & les  forcer  par  quek 
que  entreprife  éclatante , ou  à faire  la 
■paix  , où  à ne  pouvoir  faire  la  guerre 
;qu’avec  d’estrêmes  diificuliez.  11  étoic 
,exa6lemene  informé  de  l’état  de  leurs 
forces  , tant  de  terre  que  de  mer.  Il 
n’ignoroit  pas  que  le  Prince  d’Orange 
dans  les  Pays-Bas  pouvoit  avec  fes 
troupes  & avec  celles  de  les  Alliés 
mettre  enfemble  jufqu’àdx  vingt  mille 
hommes.  Mais  connenifant  fe.s  propres 
forces,  il  crut  que  ce  nombre  ^ quelque 
'grand  qu*il  fût  » ne  ferok  pas  ca- 
■pable  d’arrêter, fes  progrès;  & réfol» 
d’ailleurs  de  combatre  fes  Ennemis,, 
s’ils  fe  prefentoienc , il  ne  douta  poinc 
.de  les  vaincre.* 

• Il  ne  crut  pas  même  devoir  fe  borner 
-à  une  médiocre  Conquête  ; & Namur 
‘étant  la  plus  importante  Place  qui  leur 
reliât , & celle  dont  la  prife  pouvoit  le 
-plus contribuer  à lés  aflToiblir  & are* 
haufler  la  réputation  de  fes  armes  , il 
réfokitd’en.formçrleSi^e.  . 

Namur 


90  SlBOE  DE  N'aÉDE.  XO& 

Namar , Capitale  de  Pane  des  dix* 
ièpc  Provinces  des  Paÿs*Bu , à laquelle 
elle  a donné  le  nom  , avoir  été  regar* 
dée  de  tout  tems  par  nos  Ennemis  , 
comme  le  plus  fort  rempart , non  feu- 
lement du  Brabant , mais  encore  da 
Pays  de  Li^c , des  ProvinceS'Unies  , 
& d’une  partie  de  la  Ba0e* Allemagne.  ' 
£n  effet , outre  qu’elle  aflûroit  la  com- 
mmiication  de  tontes  ces  Provinces  » 
on  peut  dire  que  par'  fa  fituation , an-' 
Confluent  de  la  Sambre  & de  lalldei^ 
lé , qui  la  rend  maitreffe  de  ces  deux 
rivières , elle  étoit  également  bien  pla- 
cée & pour  arrêter  les  entreprifes  que 
la  France  pourrmt  faire  contre  les  Pays 
que  je  viens  de  nommer  , & pour  bi- 
âtiter  ceiles  qa’on  pourroit  faire,  contre 
la  France  même.  Ajoutez  à ces  avanta- 
ges' l’affiete  roerveilleufe  de  fon  Châ- 
teau , efcarpé  & fortifié  de  toutes  parts , 
& eliimé  imprenable  ; mais  fur  tout  ki 
difpofition  du  Pays , auifi  inacceflible  è 
ceux  qui  voudroient  attaquer  la  Place , 
que  favUtable  pour  les  fecours  ; & en- 
fin le  grwd  nombre  de  toutes  fortes  de 
provifions  que  les  Confédérés  y avoient 
jettées  & qu’ils  avcâem  dcflein  d’y 
jetter  encore  pour  la  fiibüûance  dq 
Jeoie  Armées.  Le 


J 


R B £ A T J O K 


Le  Roi , après  avoir  examiné  tomes 
jes  diffîcultez  qui  fe  prefemoient  -,  dans 
cette  entreprife,  donna  Tes  ordres , taiK.  - 
pour  établir  de  grands  magafi  ns  devi-  ::: 

vres  & de  'munitions  le  lotig  de  la 
JkÆeufe  & dans  lès  Places  frontières  des  i 
Pays'Bas,  que  pour  faire.hy  veriier  com*  i 

modément  dans  les  Provinces  voillnes  i 

de  grands  corps  de  troupes , fous  pré- 
texte d’obferver  celles  Ennemis  qw 
J groflüToient  continuellement^  11  fie 
aufli  des  augmentations  eonfidérables-  j 

de  Cavalerie  & d’infanterie , & dif- 
.pofa  enfin  toutes  cbolbs  avec  fa  pré- 
croyance  prdinake. 

Mais!  mémertems  il  préparoit  ooe, 

* puifiante  diveifion  du  côté  de  PAngle-. 
terre  y où  il  prenoic  des  œelùreapour  y 
rétablir  fur  le  trône  1er  légitime  Sou- 
verain. 

• Les  Alliez  de.  leur  côfié  ne  for- 
«loient  pas  , oconme.  }’ai  dit , de  po> 
tics  preyets;  Le  Pdnce  d/’Qra(%eet|) 
pafTaiit  la.  mer  Favoit  anlfi,  fût;  re*« 
pai&e  ù ^ meilieuces  troupe»  >.  & en. 
aflembloit  de  toutes  parts  un  ^and 
sombre  d’autm  quSl-  établifibit.  dans 
tpucés  les  Places  (te  Ion  pacti  les  plus 
proches  de  (miles  de  Eranc&  Il  avotc 

' fwR 


1»  O SiSGS  b B Nauvr.  1-07 

foin  lur-couc  d’en  remplir  les  Places 
CSS  Efpàgnols  , defquelles  par  cç 
ayyen  il  (e  propo/oic  de  iè  rendre 
iarenfiblement  le  maître. 

II  le  cenoic  de  continuelles  Coa* 
férences  à'  la  Haye  entre  lui  âe  les  au* 
très  Confédérez  fur  l’emploi -qu’ils  de* 
voient  faire  de  leurs  forces  , nq  (e 
prometcanc  pas  moins  que  de  faire 
■une  irruption  en  France  au  commen* 
■cernent  du.  Princeras.  Dans  cette  vûë 
ils  ^foient  travailler  à un  prodigieux 
amas  de  tout  ce  qui  elt  néceffaire. 
pour  une  grande  expédition  , & fe 
tenoient  tellement  sûrs  du  fuQcès , ■ 
qu’ils  ne  daignoient  pas  même  cacher 
les  délibérations  qui  le  prenoient  dans 
leurs  Aûemblées. 

Ces  Conférences  finies  , le  Prince 
d’Orange  s’étoit  retiré  à Loô' , mat* 
fon  de  plaifance  qu’il  a dans  le  pays 
de  Gueldres  , lieu-  folitaire-  & con*- 
forme  à Ibn  humeur  Ibmbre  & mé* 
lancoUque  , oi|  d’ailleurs  il  trouvoic< 
le  plus  de  facilité  pour  entretenir  fet 
correfpondai^es  fecrettes.  £.edéplai* 
fir  qn’il  ayoic  eu  l’année  précédemte^ 
de  voir  prendre  Mons  en<.fa  prefenoe  « ‘ 
iàiis  avoir  pÀ  rien  £ure  pourrie  fiseon». 


X«8  . B.  B t A T < 0 N 

rir  , donnoit  lieu  de  croire  qu’il  pren* 
droit  des  mefures  pour  fe  mettre  hors 
d’état  de  recevoir  un  pareil  affront. 
En  effet , il  préiendoit  avoir  A bien 
difpofé  toutes  chofes  , qu’il  pouvoic 
affembler  en  peu  de  jours  toutes  les 
forces  de  fon  parti , ou  pour  tomber 
fur  les  Places  dont  il  jugeroit  à pro- 
pos de  Aùre  le  Siège , ou  pour  courir 
au  lècours  de.  celles  que  la  France 
entireprendroit  d’attaquer. 

AinA  en  attendant  la  fai  fon  pro* 
pre  pour  agir , il  affeâoit  de  mener 
a Loô  une  vie  fort  tranquille , y pro- 
mut prefque  tous  les  jours  le  divertif- 
fetnent  de  la  chaffe  , & paroiffant  auifi 
peu  émilk  de  tous  les  avis  qu’il  recevoic 
des  grands  préparatifs  de  la  France  fur 
mer  Sc  fur  terre  , que  A «He  eût  été 
hors  d’état  de  rien  entreprendre , ou 
qu’il  eût  été  le  maître  des  événemens. 
Cette  tranquilité  aparente , à la  veille 
d’une  Campagne  A importante  pour  les 
deux  partis , éioit  fort  vantée  par  Tes 
admirateurs , qu’ils  attribuoient  à une 
grandeur  d’am&  extraordinaire.  Et  Tes 
iUliés  la  croyant  un  effet  de  fa  pénétra- 
tjon^&delajuAefledes  meAires  qu’il 
vroicprilès  pour  ailÛrer  le  fucçés  de 

fes 


DU  Sl£CE  DE  N AMÜK.  tOp 

ks  delleins , fe  mocquoient  eux-  mêmes 
de  toutes  les  inquiétudes  qu’on  leur 
vouloic  donner  , & demeuroienc  dans 
une  pleine  confiance  qu’il  ne  leur  pou? 
voie  arriver  aucun  mal. 

Au  commencement  du  niois  de  Mal , 
ils  aprir^t  que  le  Roi  fuivi  de  toute 
fa  CoujjKtoit  arrivé  auprès  de  Mons , 
où.  étoile  rendez. vous  de  Tes  Armées 
de  riandres.  £n  même  tems  ils  fçurenc 
qu'une  autre  Armée  étoit  fur  les  côtes 
de  Normandie,  y prête  à pailer  la  Mer 
avec  le  Roi  d’Angleterre  ; qu’un  grand 
nombre  de  Bâtimens  de  charge  étoienc 
ù \a  Hogue , avec  toutes  les  Proviüons 
nécelTaites  pour  faire  une  deicente  dans 
ce  Royaume;  & qu’enfin^  une  Flotte 
de  foixante  gros  Vaifleaux  dedinée 
pour  apuyer  le  paflage  & le  débar> 
quement  des  Ttoupes , n’attendoit  à 
Bred , & dans  les  autres  Ports , qu’un 
vent  favorable  pour  entrer  dans  la 
Manche. 

!.«  Prince  d’Orange  commença  alors 
à fe  repentir  de  fa  faulTe  confiance.  D’ua 
côté  y il  prévit  Forage  qui  alloit  fondre 
dans  le  Pqys  Bas , & jugea  dès-lors  qu’il 
Jui  /eroit  fort  difficile  de  l’empêcher 

De  l’autre  j il  n’ignoroic  pas  que  tous 

f lé* 


Jes  Ports  d’Angleterre  étoient  ouverts  ; 
^u’il  n’avoit  encore  ni  Flottes  pour  cou« 
vrir  les  côtes  du  Royaume , ni  Armée 
pour  combattre  les  François  à ladefcen- 
te  ; qu’il  leur  feroit  aifé  d’aller  jufqu’à 
Londres , où  ils  trouveroient  la  plôparc 
des  Seigneurs  mécontens  de  lid , & les 
peuples  fatiguez  des  grandeslbmmes 
qu’il  exigeoit  d’eux.  Én  un  mot  , il 
apréfaendoic  ' que  le  Roi  Ton  beau* 
pere  ne  trouvât  autant  de  facilité  à 
fe  rétablir  fur  le  Trône,  qu’il  lui  avoic 
été  facile  de  l’en  chaOer;  Dans  cet  em* 
barras , il  feignit  pourtant  de  ne  longer 
qu’à  fauver  la  Flandres , &-  alTembla  en- 
diligence  & avec  grand  bruit  un  corps 
de  troupes  fous  Bruxelles.  Mars  en  mê- 
me tems  il  dépêcha  le  Lord  Portiand 
à Londres  , pour  concerter  avec  la 
Princeffe  d’Orange  & avec  fonCon- 
feil , les  moyens  de  garantir  l’Angle* 
terre  de  l’invafion  des  François.  Il 
donna  ordre  qu’on  armât  toutes  les  mi* 
lices  du  Royaume  , & qu’on  y fît  re* 
palTer  les  troupes  refiées  en  Ecofle  de 
en  Irlande  ; qu’on  arrêtât  toutes  les 
perfonnes  Ibupçonnées  d’intelligence 
avec  les  Ennemis  ; & qu’enlin  on  af< 
femblâc  la  plus  oombreufe  Armée 

qu’oa 


s D SlECE  DE  NaMOR.  III 

m’on  pourroit , tant  pour  contenir  le 
dedans  du  Royaume  que  pour  border 
les  côtes  où  l’on  foupçonnoic  , que  les 
François  voudraient  tenter  la  defcen* 
te.  Sur-tout  il  preCa  rarmetneiu  de  Tes 
Flottes. , & voulut  qu’on  y travaillât 
nuit  & jour , n’epargnant  pour  cela  ni 
Targent  des  Anglois  & des  Hollan* 
dois  , si  celui  de  tous  fes  Alliés.  Non 
content  de  ces  précautions  , il  fit  re* 
marcher  à WillemRac  entre  l’embou^ 
cfaure  de  l’Efcaut  & de  la  Meufe , uns 
partie  des  Régimens  qu’il  avoit  ame* 
nés  d’Angleterre  « pour-  être  en  état 
d’y  repafier  au  premier  ordre  ; & corn* 
ma.nda  qu’on  lui  tint  un  vailTeau  tout 
prêt  pour  y repafier  lui-mème.  Toutes 
ces  précautions  étoient  un  peu  tardi> 
ves  , & couroient  rilque  de  lui, être 
abfohinieat  inutiles^  fi  les  vents  euf* 
fènt  été' alors  auffi  favorables  au  Fraa* 
çois  f qu’ils  leur  étoient  contraires. 

Sur  ces  entrefaites  , le  Roi  durant 
anq  jours  ayant  afiemblé  fes  Armées 
dans  les  plaines  de  Gevries  , entre  les 
rivières  de  Haifne  & de  Trouille , it 
en  fie  le  vingt«uniéme  de  Mai  la  revûS 
générale.  Il  les  trouva  complettes , & 
dans  Je  meilleur  état  qu’il  pouvoit  (bu- 

f a haiitar. 


fis  ]^XtATIOir 

haitter.  li  trouva  auiH  que  conformé* 
ment  à Tes  ordres  on  avoit  chargé  à 
Mons  de  munitions  de  guerre  & de 
bouche  , plus  de  Gx  mille  chariots  ti* 
rés  des  pays  conquis.  Tellement  qu’il 
fe  vit  en  état  de  fe  mettre  en  marche 
deux  jours  après  cette  revûë. 

L’armée  deHinée  pour  faire  le  Siège 
de  Namur  , & qu’il  avoit  réfolu  de 
commander  en  perfonne,  étoitdequa* 
rante  Bataillons  , & de  quatre-vingt* 
dix  Ëfcadrons.  L’autre  Armée  comman* 
dée  par  le  Maréchal  Duc  de  Luxem- 
bourg , compofée  de  foixante-Gx  Ba- 
taillons & de  deux  cens  Neuf  Ëfca- 
drons , devoir  tenir  la  Campagne  , & 
obferver  les  Ënnemis  » qui  , à caufe 
de  cela  l’ont  depuis  apelée  l’Armée 
d’obfervation. 

Les  Lieutenans'généraux  de  l’Ar- 
mée du  Roi  étoient  le  Duc  de  Bour- 
bon , le  Comte  d’Auvergne  , le  Duc 
' de  Villeroi , le  Prince  de  Soubize , les 
rMarquis  de  TilUdet  & de  Boufflers , & 
le  Sieur  de  Rubentel.  Le  Marquis  de 
Bou£9ers  étoit  nommé  auGi  pour  com- 
mander une  autre  Armée  que  dans  ce 
teros*là  même  il  aGembloit  dans  le 
Condroz.  Les  Maréchaux,  de  Camp 

étoient 


I 


üü  SlEGK  D*!  NAtfVK*  II) 

éoient  le  Duc  de  Roquelaure,  le  Mar- 
quis de  Montrevel , le  Sieur  de  Con- 
gis  , les  Comtes  de  Montchevreuil , de 
Galfé , & de  Gufcar  , & lê  Baron  de 
Brefle.  Au  relie  leDaaphmde  Prance, 
le  Duc  d’Orieans- , le  Prince  de  Condé  , 
& le  Maréchal  de  Humieres  avoienc 
le  principal  comandement  fous  le  Roi, 
LeSieurde  Vauban , lieutenant  Géné^- 
ral , étoit  chargé  de  la  direflion  .des 
attaques. 

Le  Maréchal  de  Luxembourg  avoic 
pour  Lieutenans- Généraux  , le  Prince 
de  Conty  , le  Duc  du  Maine  , le  Due 
de  Vandôme  , le  Duc  de  Choifeuil , le 
Comte  du  Montai , & le  Comte  de  Ro^ 
fes  , Mellre  de  Camp  général  de  la 
Cavalerie  légère  : Et  pour  Maréchaux 
de  Camp  le  Chevalier  de  Vandôme, 
Grand  Prieur  de  France  ; les  Marquis 
de  la  Valette , & de  Coigny  : les  Sieurs 
de  Vatteville , & de  Polaftron.  Le  Ba» 
ron  de  Bufca , auili  Maréchal  de  Camp  , 
commandoic  particuliérement  la  Mai- 
fon  du  Roi.  Le  Corps  de  réfêrve  étoit 
commandé  par  le  Duc  de  Chartres. 

Ces  deux  Arihées  partirent  .donc  le 
vingt  troifîéme  de  Mai.  Celle  du  Ma- 
réchal qui  écok  campée  le  long  du  ruil> 

f 3 fea» 


/ 


II4  R B L A T 1 O N. 

feaa  des  Eflines  , alla  paffer  la  Haiihe 
entre  Marlanwelz  fous  Marhnont , & 
Mouraige  , & campa  le  fair  à Féluy 
& à Arquennes , proche  de  Nivelle. 
Celle  du  Roi  traverfa  les  plaines  de 
Rinche  ; & ayant  pafTé  la  Haifne  à Car* 
BÎeres  , alla  camper  à Capelle  d’Herlai* 
mont  le  long  du  ruilTeau  de  Piéton. . Le 
Roi  menoic  avec  lui  une  partie  de  fon 
artillerie  & de  les  munitions.  L’autre 
partie  acconvpagnée  d’une  grolTe  efcor* 
te , alla  palTer  la  Sambre  à la  Buffiére 
pour  marcher  à Philippeville  , & de  là 
au  Siège  qui  devoir  être  formé. 

Le  lendemain  vingt-quatrième  , le 
Maréchal  alla  camper  entre  l’Abbaye 
de  Villey  & marbais  , |Mroche  de  la 
grande  chaulTée , & le  Roi  dans-  la  plai- 
ne de  Paint  Amand  , entre  Ligni  & 
Fleura. 

La  nuit  niivanteyi!  détacha  le  Prince  de 
Condé  avec  fix  mille  chevaux  & quin* 
ze  cens  hommes  de  pied  pour  aller  in* 
veflir  Namur , entre  le  ruiffeau  de  Ri(^ 
nés  & la  Meufe , du  côté  de  la  Hesbaye. 
Le  Sieur  Quadt  avec  fa  Brigade  de  Ca* . 
Valérie  l’inveBit  depuis  ce  ruilTeau  juC- 
qu’à  la  Sambre..  Le  Marquis  de  Bouf* 
fiers  avec  quatorze  Bataillons  & qua*  - 
« quarante* 


ftO  SiEGS  SB  NAXnTK. 

)(|QaraBte*buic  Efcadrons  , (aifant  pu* 
tie  de  l’Armée  qu’il  afifembloic , parut 
en  même  tem«  devant  la  Pl<ice  de  l’an* 
frecété  de  la  Meufe  ; & enfin  le  Sieur  de 
Ximènes  avec  les  troupes  qu’il  venoic 
de  tirer  de  Philippeviiie  & de  Dînant , 
•ufqueües  le  Marquis  de  Bouffiers  ajoiW 
ta  encore  douze  efcadrons.,- in vedit  la 
-Place  du  côté  du  Château,  occupant  tout 
Je  terrain  qui  efl  entre  Sambre  &.  Meo* 
fe  ; en  telle  forte  ^ue  Namur  fe  troavft 
en' même  tems  entouré  de  tous  cotez. 

Le  vingt  cinqui^ne,  l’Armée  du  Ma* 
rêchal  de  Lusenbourg.  alla  camper  for 
le  ruifleau  d’Aurenaulc  dans  hi  plaine 
de  Gémbloura  dit  ce'le  du  Roi  auprôa 
-de  Mflont  & de  Golzenne  au  delà  des 
Mæis , -d’oâ  U envoya  ordre  au  Maré» 
cfaal  de  détacher  le  Comte  de  Montai 
avec  quatre  mille  chevaux  pour  aller 
fe  pofler  àLoi^-champ  , & à Genne* 
voux  , peoche  des  fources  de  la  Me» 
haigne  , & le  Comte  de  Coigny  avec 
an  pareil  détachement  , pour  aller  fe 
pofter  à Chafielet  jrfès  de  Charleroy. 
Le  premier  devoit  couvrir  le  Camp,  de 
Roi  dû  côté  du  Brabant  i & l’autre  fe* 
vorifer  les  convois  de  Maubeuge  , 
Fhilippeville  & de  Dinant  > & tenir  en 

f 4 bride 


MtS  Relation. 

bride  la  garnifon  de  Charleroy  , & fe» 
corps  de  troupes  que  les  Ennemis  y 
pourroient  envoyer. 

Le  vingt- fîxiéme  le  Roi  arriva  fur 
les  Hx  heures  du  matin  devant  Namur. 
11  reconnut  d’abord  les  environs  de  la 
■place  depuis  la  Sambre  jufqu^au  ruif- 
feau  de  Wedrin  , examina  la  difpofi- 
tion  du  pays , lés  hauteurs  qu’il  faltoic 
r)ccuper , & les  endroits  par  où  il  falloir 
faire  pafTer  les  lignes.  Il  donna  fes  or- 
dres pour  la  conftruftion  des  ponts  de 
bateaux  fur  la  Sambre  & fur  la  Meufe  , 
'&  régla  enfin  tout  cé  qui  concernoit 
■rétablilfement  & la  fureté  des  Quar- 
tiers. Il  choifit'le  fien  entre  le  village  de 
Fiawine  , & une  Métairie  apellée  la 
Rouge  Cenfe  , un  peu  au-deffus  de 
l’Abbaye  de  Salzenne.  Enfuite  il  s’a- 
vança furia  hauteur  de  cette  Abbaye 
pour  confidérer  laficuation  de  la  Place’, 
& les  Ouvrages  qui  la  couvroient  de  ce 
"côté  là.  En  réconnoiflant  tous  ces  en- 
droits , il  admira  fa  bonne  fortune  , & 
le  peu  de  prévoyance  des  Ennemis  ; & 
confefla  lui  même  , qu’en  portant  feu- 
lement de  bonne  heure  quinze  mille 
hommes,  ou  fur  les  hauteurs  du  Châ- 
teau , ou  fur  celles  du  ruiffeau  de  We- 
drin , 


su  5iZ6£  B£  NakDR.  II7 

drin  , ils  aaroient  pu  faire  avorter  tous 
fes  defleins , & mettre  Namur  hors 
d’état  d’être  attaqué.  Il  ordonna  au 
Comte  d’Auvergne  de  fe  faifîr  de  l’Ab- 
baye de  Saizenne , & des  Moulins  qui 
en  font  proches.  Ce  qui  fut  aufli-tôc 
exécuté.  Le  Marquis  de  Tilladet  eue 
aufli  ordre  de  vifiter  tous  les  gués  qu’il 
pouvoir  y avoir , dans  la  Sambre  depuis 
le  Quartier  du  Roi  jufqu’à  la  Place.  Et 
k Marquis  d’Alegre  avec  on  corps  de 
Dragons  fut  envoyé  pour  fe  faifir  du 
pafTage  de  Gerbizé , polie  important 
fur  le  chemin  de  Huy  & de  Liège  dis 
côté  de  la  Hesbaye. 

Cependant  l’allarme  étoit  parmi  les 
Ennemis.  Comme  ils  ignoroient  encou- 
re où  aboutiroic  la  marche  du  Roi , ils 
& hâtoient  de  renforcer  les  garnirons- 
de  toutes  leurs  Places.  Ils  craignoient 
for-tout  pour  Charleroy  , pour  Ath  »- 
pour  Liege , & pour  Bruxelles  mêmei 
Mais  à l’égard  de  Namur , l’Elefleur 
de  Bavière  fe  confiant  & à là  bonté  de 
la  Place  , & à la  grolTe  garnifon  qui 
étoit  dedans  y fouhaicoit  qu’il  prit  envie 
au  Roi  de  l’afliéger.  Le  rendez-vous  de 
kor  Armée  étoit  aux  environs-  de  Bru^ 
Belles  ^ & il  y:  arrivoitt  tous  les  jours^ 

£ 5;  U» 


ii8  Rxlatxon 

un  fort  grand  nombre  de  troupes  de 
toute  forte  de  Nations.  Elles  faifbtenc 
déjà  près  de  cent  mille  hommes  , dont 
le  principal  commandement  & la  direc* 
don  prefque  abfoiue , écoient  entre  les 
mains  du  Prince  d’Orange,  l’Eleéleur 
de  Bavière  n’ayant  dans  cette  Armée 
qu^ne  autorité  comme  fubalterne. 
On  peut  juger  combien  des  forces  fi 
prodigieufes  enS  oient  le  cœur  des  Con- 
fédérés. Ils  demandoient  qu’tm  les  flËt 
marcher  au  plus  vite  , & fe  tenoient 
fùrs  de  rechafler  le  Roi  jufques  dans  le 
cœur  de  fon  Royaume.  11  étoit  <fhea* 
se  en  heure  exaaement  informé  & de 
leur  marche  & de  leur  nombre  * & (e 
mettoit  de  ion  côté  en  état  de  les  bien 
recevoir. 

f 

L’Armée  devant  Namur.étoit  fépa> 
sée  par  les  deux  Rivières  en  trois  prin^ 
eipaux  Quartiers  , dont  le  premier  » 
c’ efl  à Içavoir  celui  du  Roi , occupoic 
tout  le  côtédtt  K*abant , depuis  la  Sao> 
bre  jufqu’à  la  Meufe  ; le  fécond  , qui 
ëcoitçeluldu  Marquis  de  Boufflers  ,s’é- 
tendeit  dans  le  Cbndroz,  depuis  la  Meu- 
le au  deflbus  de  Namur  , jufqu’à  cette 
meme  Rivière  audelTu»  & le  treiGè- 
»e  fi)u&  le  Sieur  de  Xii^es  - tenoit 

le 


su  SiEGB  DE  N'aiTU'K.  tT9' 

h pays  d^encre  Sambre  & Meafe.  Aa 
refte,  le  Quartier  du  Roi  étoit  diviféea 
plufîears  autres  Quartiers.  Car  outre  le 
Dauphin  & le  Duc  d’Or!éans  qui  cam* 
poienc  tout  auprès  de  fa  perfonne  > il 
avoit  aufli  dans  Ton  Quartier  le  Prince 
de  Condé  , le  Maréchal  de  Humiéres  « 
& tous  les  Lieutenans  Généraux  , à la 
xéferve  du  Marquis  de  Boufflers.  £t  ils- 
y avoient  chacun  leur  pofle  ou  leur 
quartier  le  long  des  Lignes  de  cis* 
eonvallation. 

Le  Roi  dès  le  premier  jour  donn» 
fes  ordres  pour  faire  tracer  ces  Lignes- 
for  un  circuit  au  moins  de  cinq  lieues. 
Elles  commençoient  à la  Sambre  dw 
(Côté  du  Brabant . on  peu  au-delTus  du> 
village'  de  Flawine  ; & traverfant  un* 
Ibrt  grand  nombre  de  Bois  , de  Villa* 
ges , & de  RuilTeaux^ , en  deçà  & au-- 
delà de  la  Meufe  , palToient  dans  la 
Forêt  de  Marlagne  & revenoient  finie 
à la  Sambre  , entre  l’Abbaye  de  Malô*' 
gne  , & une  efpéce  de  petit  Château' 
qu’on  apeloit  la  Blanche  Maifon. 

Le  vingt  feptiéme , e'efi  à dire  le  len» 
demain  de  l’arrivée  du  Roi  devant  la 
Place- il  alla-  vifiter  le  Qjartier  du 
Piioce-' de:  Confié ,.entre  le  ruifleau-  de: 

6 4 WèdriiD 


120  R E -c  i T I 0 ir  “ 

Wedrin  & la  Meufe , & y vicies  parcs 
d’arciNerie  & de  munitions.  £>e  là  s’é^ 
tant  avancé  avec  le  Sieur  de  Vauban 
fur  la  hauteur  du  Quefnâ  de  Bouge  y 
qui  commande  d’alTez  près  la  Ville  em 
tre  la  Porte  de  Fer  & celle  de  S.  Ni. 
colas , la  réfolutioB  fut  prife  d’attaquer 
cette  dernière  Porte.  Ce  même  jour  les 
ponts  de  batceaux  furent  par  tous  ache> 
vez  & la  communication  des  Quartiers 
fentièrement  établie. 

11  reftoit  encore  les  Quartiers  de  , 
Bôofflers  & de  Ximènes  à vifîter.  Le 
Roi  s’y  tranfports  donc  le  Vingt  hiaf* 
tiéme  , & ayant  paiTé  la  Sambre-  à le 
Blanche- Maifoe  , & la  Meufe  ao-deA 
fous  du  vi  H âge  de  Huépion  , reconnut 
tout  le  côté  de  ha  Place  qiri  regarde  le 
Condroz , reconnut  auffi  le  Fauxbourg 
de  Jambe,  où  les  Ennemis  s’étoient 
retranchées  au  bout  du  pont  de  pier* 
xe  qu’ils  y avoient  fur  la  Meufe  ; Si 
ayant  remarqué  le  long-  de  cette  rivié^- 
le  une  petite  hauteur  d’où  on  voyoit  à. 
revers  les  Ouvrages  de  la  Porte  de  Sk 
Nicolas  qui  e£t  de  Kàutre  côté , H çon>- 
manda  qu’on  y élevât  desbatteries.  Ges 
derniers  jours  & les  fuivans  , les  eon^ 
Vois  d’artillerie  & de  toute  forte  de. 

munitions: 


BO  SiBOE  1>E  NaKOK.  l%t 

Enanitions  arrivèrent  à Philippeville 
par  terre , & de  Dinant  par  la  Meufe , 
& on  commença  à ct^re  le  pain  dans  le 
Camp  pour  la  fubfiAaace  des  deux  Ar- 
mées. 

■ Ce  fut  vers  ce  temsdà  qoe  plufîear» 
Dames  de  qualké  de  la  PrO'vince  qui  s’é» 
toienc  réfugiées  dans  l<IamuK  » ot  plu- 
fleurs  des  Dames  mêmes  de  la  Ville  » 
firent  demander  par  une  Trompette  la 
permifOon  d'en  fortir  y,  ce  qu’on  ne].)»* 
gea  pas  à propos  de  leur  accorder.. 
Mais  ces  paui^es  Dames  fe  confiant  à 
ia  générofité  du  Roi , & la  peur  dea 
bombes  l’emportant  en  eHes  fur  tou» 
te  autre  confidération  , elles  ibrtirent 
à pté  par  la  porte  du  Château  , fui* 
tries  feulement  de  quelques  unes  der 
leurs  femmes  qui  portoient  leurs  har- 
des & leurs  enfans  » & fe  prefentérent 
à la  garde  proéhatne , Les  fbldats  lér 
menèrent  d’abord  à la  Blanche  Maifou,. 
près  des  Ponts  qu’on  avoit  feits  iùr  la 
Sambre  , d’où  le^i  qui  eut  phié  d’ek 
ies  & qui  les  fit  traiter  favorablement^ 
les  fit  conduire  le  lendemain  à l’Ab- 
baye de  Malogno^&  dedà  ù Philippe- 
Tille. 

Vingt  mille  Fionnien;  commandez 


Rs&ATICMi 

dans  les  Provinces  conqnifesitantanfi- 
vez  alors  à l’Armée Hs  fusent  auffi>tôt 
cmployez-aux  lignes  de  circonvallation^ 
aux  abbatis  deboû , & aux  rej[>araciona 
de  chemins. 

Les  Afliégez  avoiânt  encore  quelque 
Infanterie  dans  les  bois  au-delfus  de» 
Moulins.ls  papier  de  S>.  Servais.  Mais  le 
Roi  ayant  ordonné  qu’on  Ten  chaffit 
elle  ne  tint  point  ^ dt  fe  renferma  fort 
vite  dans  la  Ville.^ 

- La  Garnifbnétoicdeneufniîile  deux 
cens  quatre  vingt  hommes  en  dix  fèpt 
R^innens  d’ihfanterie  de  plufieurt 
Nations  , fçavohr  cinq>  Allemans  des> 
Croupes  (fe  Brandebourg  & de  Lune*- 
bourg  y cinq  Holiandoia  , trois  Ëfpa* 
gnols  , quatre  Wallons 6t  en  un  Ré^ 
giment  dé  Cavalerie , ât  quelques  Cou» 
pagnies  franches.  Le  Pfince  de  Barbant 
yon.  Gouverneur  de  la  Ih'ovince,r&  ' 
toit  suffi  de  la  Ville  & dii  Château  ; de 
toutes  ce»  troupes  avoient  ordre  de  lui 
obéir.  Ou  nedoutoit  pas  qu’étant  pour» 
vûés  de  toutes,  les  ^ofes  nécefTaire» 
pour  fbutenir  un  long  Si^e,  & ayant 
à'défendre  une- Place,  de  cette  téput» 
CBKT^  élément  bien  fortifiée  & par 
iTatt  dtpar  la-ffiuure'  ^ ime.  Garnifon  fS 
L-.  . Bombreufe: 


ou  SiBOE  S«  NaMU».  »2) 

Hombreufè  ne  fe  fignalât  par  ane  vi- 
goureufe  râlUlaace, d’autant  plus  qu’elle 
n’ignoroit  pas  les  grands  aprêu  qui  fe 
faifoient  pour  la  lècourir. 

Le  Roi , pour  ne  point  accabler  fês 
troupes  de  trop  de  trarail , n’attaqu» 
d’abord  que  la  Ville  feule.  On  y fit 
deux  attaques  différentes  ; mais  d y ea 
avoit  une  qui  nfétoit  proprement  qu’oM’ 
fauffe  attaque.  Et  c’étoic  celle  qui  étoit 
tde  delà  la  Meufe.  La  vériiabte  étoit  en* 
deçà.  Il  fut  réfblo  <Fy  ouvrir  trois 
tranchées  qui  ft  rejoindroient  enfuite 
par  des  lignes  parallèles  f la- première 
le  long  du  bord  de  là  Meofe  ;^la  fectmde 
h my  côte  de  la  hauteur  de  Souge  ; & 
la  troifiéme  par  on  grand  fond  qui  abois» 
tiflbit  à la  Place  àa.  Côté  de  là  Force 
de  fer.  . 

Toutes  ebofi»  étant  donc  prëparéiev 
là  trandiée  fut  ouverte  la  nuit  do  vingt* 
neuvième  au  trentième  Mai.  Trois 
taillons  avec  un  Lieutenant  Général  ât 
Un  Brigadier,  montèrent  à la  vérita* 
ble  attaque , & deux  à-  la  faoffe,  avec 
un  Maréchal  de  Camp.  Ce  qui  fut  coo> 
tinué  jufqu’à  la  prife  de  la  Ville;  Le 
Comte  d'Auvergne , comme  le  plue 
anciee  Lieuconaqt.  C^nérid  ».mpa(ta  le 

ptemiése 


124  RE£AvTXOV 

première  garde^  Dès  cette  nuit , ov 
avança  le  travail  j.ufqu’à  quatre  «vingt 
toifes  du  glacis.  On  travailla  en  même 
tems  avec  tant  de  diligence  aux  bat* 
teries  » tant  fur  la  hauteur  de  Bouge* 
que  de  l’autre  côté  de  la  Meufe , que 
les  unes  & les  autres  fe  trouvèrent 
bien  tôt  eâ  état  de  tirer  & de  prea> 
dre  la  fiipérlorité  fur  le  Canon  de  la 
Place; 

- ' La  nuit  fuivante,  le  travail  qu’oa* 
avoit  fait , fut  perfeâionné. 

La  nuit  du  trente- unième  Mai , on 
travailla  à s’étendre  du  côté  de  la  Meu- 
le pour  reflerrer  d’autant  plus  les  AT- 
Æégez  f.  & les  empêcher  de  faire  des- 
Ibrties. 

Le  premier  de  Juin  y on  continua  1er 
travaux  à la  fape , l’Artillerie  ruinant 
cependant  les  défenfes  des  Afliégex 
qui  étant  vôs  de  front  & à revers  de 
plufieurs  endroits  , n’ofoient  déjà  plus- 
paroftre  dans  leurs  Ouvrages. 

La  nuit  du  premier  au  deuxième* 
Juin , on  fe-  logea  fur  un*  avant  chemin 
«ouvert  en  deçà  de  l’avant  folTé  , que* 
formoient  les  eaux-  des  ruifTeaux  de 
Wedrin  & de  Rifnes.  On  tira  enfuite 
ue  ligne  parallèle  pour  faire  la  com- 

municatioiiL 


I 


DV  SlE6£  DE  Namdr.  115 

inanication  de  toutes  les  attaques , & 
on  éleva  de  l’autre  côté  de  la  Meufe 
fur  le  bord  de  l’eau , deux  batteries 
qui  commencèrent  à tirer  dès  la  poin* 
te  du  jour  contre  la  branche  du  demi 
ballion , & contre  la  muraille  qui  ré« 
gnent  le  long  de  cette  Rivière.  Ce  mê- 
me jour , fur  les  huit  heures  du  matin  i 
\e  ^rquis  de  Boufflers  fit  attaquer  le 
Pauxbourg  de  Jambe  que  les  Ennemis 
occupoient  encore , & s’en  rendit  maî- 
tre. Sur  le  ^midi , l’avant  fofle  de  la 
porte  de  Saint  Nicolas  fe  trouvant 
comblé , & toutes  chofes  difpbfées 
pour  attaquer  la  Contrefcarpe , les  Gar- 
des Suifles  & le  Régiment  de  Stopa 
de  la  même  Nation  , qui  étoient  de 
tranchée  foas  le  Marquis  de  Tilladet , 
Lieutenanp  Général  de  jour , y mar- 
chèrent l’épée  à la  main  , & l’empor- 
terent.  lis  prirent  aufli  une  petite  lu- 
nette revêtue  qui  défendoit  la  contreA 
cape  ) & fe  logèrent  en  très  peu  de 
tems  fur  ces  dehors , fans  que  les  En- 
nemis qui  faifoient  de  leurs  autres  Ou- 
vrages un  fort  grand  feu , ofafTent  faire 
aucune  tentative  pour  s’y  établir.  On 
leur  tua  beaucoup  de  monde  en  cette 
aélion. 


Le 


R s Z À TI  & ir 

Le  fbir  <ffi  deuxième  Juin  ^ le  "Mzx* 
quis  de  Boufflers  éuat  de  garde  à la 
tranchée , on  s’aperçue  que  lus  Affié- 
gez  atoient  auffi  abandonné  une  demi* 
lune  de  terre  qui  couvroit  la  porte  de 
Saint  Nicolas.  Comme  le  foiTé  n’ea 
étoic  pas  fort  profond  » il  fut  bien  tôc 
comblé  ; & quoique  la  demie  lunç;  fûc 
fort  expofée  , & que  les  Ennemis  ci* 
raflent  fans  difeontinuer  de  dellus  le 
renjpart  , on  fe  logea  encore  dans 
cette  demi  • lune  fans  beaucoup  de 
perte. 

Les  batteries  bafles  de  la  Meufe  con* 
tinuoient  cependant  à battre  en  ruine 
la  branche  du  demi  baflion  & la  mu* 
^raille  , qui  écoient , comme  j’ai  dit 
Je  long  de  cette  rivière.  Comme  fe& 
eaux  écoient  alors  alTez  bafles , on  s’étoic 
flatté  de  pouvoir  conduire  une  cran* 
•chée  le  long  d’une  langue  de  terre  » 
qu’elle  laiflbic  à découvert  au  pied  dis 
rempart  , & on  auroit  ainfl  attaché 
Lien  tôt  le  Mineur  au  corps  de  la  Pla* 
ce.  Mais  la  Meufe  s’étant  enflée  tout* 
à'coup  par  les  grandes  pluyes  qui  fur* 
vinrent , & qui  ne  difeontinuérent  pref^ 
que  plus  jufqu’à  la  fin  du  Siège , on  fut 
obligé  d’abandoner  ce  deflein , & de 
> . s’attacher 


DU  SiZGE  DB  N-AHOR.  127 

s*attacher  uniquement  aux  Ouvrages 
que  Ton  avoit  devant  foi. 

L’artillerie  ne  cefla  pendant  le  troi» 
iiéme  & le  quatrième  Juin  , de  battre 
en  brèche  la  face  & la  branche  du  de* 
mi  baflion  de  la  Meufe , & y fit  enfin 
une  ouverture  confîdérable.  Les  Afiié» 
gez  tèmoignoient  à leur  air  beaucoup 
de  réfolution  & travailloient  même  àfe 
retrancher  en- dedans.  Mais  on  les 
voyoit , qui  dans  la  crainte  vraifembla* 
ment  d’un  afîaut , tranfportoient  dans 
le  Château  leurs  munitions  & leurs 
meilleurs  effets.  A la  fin  , comme  ils  vi* 
rent  qu*on  ètoit  déjà  logé  fur  la  pointe 
du  demi  baftion  ; le  cinquième  dô  jutfr"' 
au  matin  le  Duc  de  Bourbon  étant  de 
jour , ik  battirent  tout  à coup  la  cha* 
made  , & demandèrent  à capituler. 
Après  quelques  propofitioofs  qui  furent 
rejettées  par  le  Roi , on  convint  en* 
tr 'autres  articles  ; Que- les  foldats  de  la 
Garhifon  entreroient  dans  le  Château 
avec  leurs  familles  & leurs  effets  : Qu’il 
y auroit  pour  cela  une  trêve  de  deux 
jours , & que  pendant  tout  le  refie  du 
Siège , on  ne  tireroii  point  ni  de  la  Vil* 
le  fur  le  Château , ni  du  Château  fur  la 
Ville , avec  liberté  aux  deux  partis  de 

rompre 


xsS  RziATroK 

rompre  ce  dernier  article  lorfqu’ils  Te 
jugeroient  à propos  , en  avertiffant 
néanmoins  qu’ils  ne  le  vouloienc  plu» 
tenir. 

La  Capitulation  lignée , le  Régi- 
ment des  Gardes  prit  aufli-tôt  poflef^ 
fion  de  la  Porte  de  Saint  Nicolas.  Ain^ 
lî  la  fameufe  Ville  de  Namur  défem- 
duë  par  neuf  mille  hommes  de  Gar- 
nifon  fut  en  fix  jours  d’attaques  , rétif- 
due  à trois  ou  quatre  Bataillons  de 
tranchée  , ou  , pour  mieux  dire  , k 
un  feui  bataillon;  puifqu’il  n’y  en  eut 
jamais  plus  d'un  à la  tranchée  le  long 
de  la  Meufe  , qui  fut  celle  par  où  lï 
Place  fut  emportée.  On  peut  même 
remarquer  qu’on  n’eùt  pas  le  tems  de 
perfeftionner  les  lignes  de  circonval- 
lation , & qu’à  peine  on  achevoit  d’y 
mettre  la  dernière  main  , que  la  Vil- 
le étant  prife  l’on  fut  obligé  de  les  ra> 
fer  , pour  tranfporter  les  troupes  de 
l’autre  côré  de  la  Sarabre. 

Pendant  que  la  Ville  capitoloit , otj 
eut  nouvelle  qu’enfin  les  Alliez  s’a- 
vançoient  tout  de  bon  pour  faire  le* 
ver  le  Siège.  Au  premier  bruit  que 
le  Roi  étoit  devant  Namur  , ils  s’é- 
toient  hâtez  d’unir  enfemble  toutes 

leurs 


I 


BIT  SlEGE  JDI.N&MÜR.  12^ 

leurs  forcés.  Ils  avoient  dépécbé  aux 
Généraux  Flemtning  & Sereiaës  > donc 
le  premier  alîembloit  les  troupes  de 
Brandebourg  aux  environs  d’Aix  la* 
Chapelle  , & l’autre  celles  de  Liège 
dans  le  vniGnage  de  cette  Ville,  avec 
ordre  de  les  venir  joindre  ; & le  Pria* 
ce  d’Orange  avec  l’Elefteur  de  Ba- 
vière à la  tête  de  l’Armée  Confédé- 
xée,  ajant  palTé  le  canal  de  Bruxel- 
les , étoit  venu  camper  à Dighom  , 
puis  à Lefdaël  & à WoHêm  , de  là  à 
l’Abbaye  du  Parc  & au  Château 
■ B Heverle  près  de  Louvain.  Il  féjour- 
na  quelque  tems  dans  ce  derniet 
Camp  , ou  pour  donner  le  tems  à toil- 
es Tes  forces  de  le  joindre  , ou  n’o- 
Cuit  s’engager  trop  avant  dans  le  pays 
ni  s’éloigner  de  la  mer  dans  l’inquié- 
tude où  il  étok  de  la  defcente  donc 
l’Angleterre  étoit  menacée.  Il  apric 
enfin  que  fa  Flotte  jointe  à celle  de 
Hollande  , faifant  enfemble  quatre- 
vingt-dix  Vailleaux  de  guerre  , étoit 
à la  mer  avec  un  vent  favorable  j ÔC 
qu’au  contraire  le  Comte  de  TourvU- 
le  n’ayant  pû  être;  joint  par  les  Efca- 
dres  du  Comte  d’Ëllrée. , du  Ccanbe 

de  Chateauregnauc ,,  t & du  JHàfquis 


t30  RssATIOIt 

de  ]a  Porte  , n'avoit  que  quarante* 
quatre  Vai/Teauz  avec  lefquels  il 
a’effoc^it  d’entrer  dans  la  Manche. 
Alors  voyant  fe»  affaires  vraifembla* 
blement  en  fûreté  de  ce  côté  • là  , 
Il  feignit  de  n’y  plus  fonger , & ne 
parla  plus  que  d’aller  fecourir  Na^ 
mur. 

11  partit  des  environs  de  Lou- 
'Vain  le  cinquième  Juin  , & vint 
camper  à Meldert  de  à Bavecbem. 
11  campa  le  lendemain  fixiéme  aur 
près  de  Hougaerde  de  de  Tirleroont  ; 
le  feptiéme  entre-  Orp  & Momenac» 
kem , au*delà  de  la  rivière  de  Ghete  , 
& enfin  le  huitième  fur  la  grande  chauf* 
fée  entre  Thinnes  dt  Breff  , à la  Vâe 
idu  Maréchal  de  Luxembourg.  La  pri* 
fe  de  la  Ville  ayant  mis  le  Roi  en 
état  de  faire  des  dètachemens  de  foa 
Armée , il  avoit  envoyé  à ce  Maré- 
chal le  Comte  d’Auvergne  de  le  Duc 
■ de  Villeroi  , Lieutenans  Généraux  « 
avec  une  partie  des  troupes  qui  fe 
troùvoieot  campées  du  côté  du  Brà* 
bant. 

- Four  lui  « la  trêve  qu’il  avoit  accor* 
^dée  aux  Afliégez  étant  expirée,  il  a voie 
<<pal£é  de  l’autre  côté  de  la  Sambre, 

ave 


su  St£GB  Sx  NaMUA.  131 

avec  ce  qui  lui  écoit  reftë  de  troupes 
au  delà  de  cette  rivière.  C’étoit  le  fep* 
tiéme  de  Juin  qu’il  quitta  Ton  premier 
Camp  pour  eu  venir  prendre  un  autre 
entre  Sambre  & Meufe  dans  la  Forée 
de  Marlagne.  Voici  de  quelle  manié* 
re  ce  nouveau  Camp  étoit  dirpofé  : 
Le  Quartier  du  Roi  étoit  auprès  d’un 
Convent  de  Carmes  , qu’on  apeloit  le 
De/èrt;  il  y avoit  une  ligne  de  trou* 
MS  qui  s’étendoit  depuis  l’Abbaye  de 
Marlagne  fur  la  Sambre , jufqu’au  pont 
conllruit  fur  la  Meufe  à Huépion  : Une 
autre  ligne  de  dix  Bataillons  qui  compo* 
ibîent  la  Brigade  du  Régiment  du  Roi  » 
eut  fonCamp  marqué  fur  les  hauteurs  du 
Château  pour  en  occuper  tout  le  front, 
qui  eft  fort  reOerré  par  les  deux  ri* 
viéres , & pour  rejetter  ainli  les  £n« 
Demis  dans  leurs  Ouvnges.  '.Mais  il 
D’étoic  pas  facile  de  les  dépoAer  de 
ces  hauteurs , ôe  moins  encore  des  re* 
tranefaemens  qu'ils  y avoient-faits  à la 
&veur  de  quelques  ra^ifoîis , & entr’au* 
très  d’un  Hermitage  ou’ils  avoient 
fortifié  en  forme  de  Redoute.  Néan^ 
moins  ia  Brigade  du  Roi  eut  ordise 
de  les  aller  attaquer. 

‘ Les  troupes  qui  avoient  crû  ce  jounii 


I 


13»  Rblatiôm 

là  n’avoir  autre  chofe  à Taire  qu’à  s’é- 
tablir paifîblement  dans  leur  nouveaa 
Camp  , & qui  dans  ce  moment  • là 
portoient  leurs  tentes  & leurs  autre» 
bardes  fur  leurs  épaules  , jettérenc 
aulfi  tôt  à terre  tout  ce  qui  les  em« 
barralToit , pour  ne  garder  que  leurs 
armes , & grimpant  en  bon  ordre  & ' 
fur  un  mSroe  front , malgré  l’extrême 
roideur  d’un  terrain  raboteux  & iné« 
gai , arrivèrent  fur  la  crête  de  la  mon* 
tagne  au  travers  d’une  grêle  de  coups 
de  moufquet  , que  les  Ennemis  leur 
tiroient  avec  tout  l’avantage  qu’oa 
peut  s’imaginer.  Le  foldat  , quoique 
tout  hors  d’haleine  , renverfa  leurs 
polies  avancez  , & les  pourfuivit  juA 
ques  à une  leconde  hauteur  , non 
moins  elcarpée  que  la  première  , où 
leurs  Bataillons  étoient  rangez  en  bor., 
ordre  pour  les  foutenir.  Mais  rien  nt 
put  arrêter  la  furie  des  François.  Le  > 
Bataillons  furent  aulfi  chalfez  de  ce  fc 
cond  polie , & menez  battant  répé\ 
dans  les  reins  jufques  à leurs  retran- 
chemens  , qui  même  couroient  rifqu:. 
d’être  forcez , li  le-  Prince  de  Soub 
ze  t Lieutenant-Général  de  jour , & r. 
Sieur  , de  Vaubag  ^apelant  les  trow 

' pes# 


t 4 


BV  SiEGX  DE  NaMUK.  X33 

pes  , De  les  euflent  obligez  de  Te  con* 
tenter  du  pofte  qu’elles  avoient  occu* 
pé.  Cette  aâton  , qui  fut  fort  vive 
& fort  brillante  dans  toutes  fes  cir* 
confiances  , coûta  à la  Brigade  du 
Roi  douze  ou  quinze  Officiers , & quel* 
ques  cent  ou  fix  vingts  foldats  , ou 
tuez  ou  bleflez. 

Aulli'tdt  on  travailla  à fè  bien  éta* 
bûir  fur  cette  hauteur  , & on  y oa* 
▼rit  une  tranchée  , laquelle  fut  tous 
les  jours  relevée  par  fept  Bataillons. 
Il  ne  fut  pas  poflibie  les  jours  fuivans 
d'avancer  beaucoup  le  travail , tant 
à caufe  du  terrain  pierreux  <k  diffici- 
le qu’on  rencontra  en  plufieurs  en- 
droits , que  des  orages  effroyables  & 
des  pîujet  continuelles  qui  rompirent 
tous  les  chemins , & les  mirent  pref- 
que  hors  d’état  d’y  pouvoir  conduire 
le  canon.  On  ne  put  auili  achever  les 
batteries  qu'avec  d'extrêmes  difficul- 
tez.  Cependant  les  Affiégez  profitèrent 
peu  de  tous  ces  obllacles  , 6c  firent 
feulement  quelques  forties  fans  aucun 
effet. 

Enfin  le  treiziéme  Juin , les  travaux 
ayant  été  pouffez  jufqu’aux  retranche- 
neos>  il  fut  refelu  de  les  attaquer. 

g con* 


134  RsIA  T30M 

contenance  des  -Ennemis  qu’on 
voyoit  en  bataille  en  pluGeurs  endroits 
derrière  ces  rctranchemens  , & qui 
«voient  tout  Pair  de  Te  préparer  à une 
l’éGftance  vigoureufe  , obligea  le  Roi 
de  leur  opofer  fes  meilleures  troupes^ 
& de  fe  tranfporter  lui-même  fur  la 
hauteur  pour  régler  Tordre  de  Tatta* 
<gue. 

Le  fignal  donné  fur  le  midi , deux 
cens  Moufquetaires  du  Roi  à la  droi- 
te , les  Grenadiers  à cheval  à la  gau> 
che  , & huit  Compagnies  de  Grenat* 
diers  d’infanierie  au  milieu  , marché* 
renc  aux  £innemis  l’épée  à la  main  , 
foutenus  des  fept  Bataillons  de  tran> 
chée , & de  dix  de  la  Brigade  du  Roi, 
qu’il  avoit  fait  mettre  en  bataille  fur 
la  hauteur  à la  tête  de  leur  Camp.  Les 
AGiégez  jufqu’alors  fi  fiers  s’effrayè- 
rent bien- tôt.  Ils  firent  feulement  leur 
décharge  , & abandonnant  la  Redou- 
te & les  retrahchemens , fe  retirèrent 
en  defordre  dans  les  chemins  couverts 
des  Ouvrages  qu’ils. avoient  derrière 
cu*«  Ils  perdirent  plus  de  quatre  cens 
hommes  , la  plupart  tuez  de  coups  de 
main , & entr’autres  plufieurs  Officiers. 
& plufieurs  gens  de  difiinâion.  Les. 

François 


DO  SiZOB  OS  NamÜR.  . 135 

François  eurent  quelque  cent  trente 
bommes  , & quarante  tant  Officiers 
que  JNiuufquetaires  tutz  ou  b eOez. 

Le  Comte  de  Touloufe  , Amiral  de 
France  , jeune  Prince  âgé  de  quator* 
ze  ans  , reçut  une  contuflon  au  bras 
i côté  du  Roi , & pluOeurs  perPonnes 
de  la  Cour  furent  auffi  bleflees  autour 
de  lui.  Le  Duc  de  Bourbon  qni  étoic 
Lieutenant  Général  de  jour,  donna  Tes 
ordres  avec  non  moins  de  fageffie  que 
de  valeur.  Les  troupes  animées  par 
h prefence  dû  Roi  , le.  fignalérent  b 
l’envi  l’une  de  l’autre  les  moindres 
Grenadiers  de  l’Armée  difputérenc 
d'audace  avec  les  Moufquetaires  , de 
l’aveu  des  Moufquetaires  mêmes.  On 
accorda  aux  Affiégez  une  fufpennon 
pour  venir  retirer  leurs  Morts.  Mais 
on  ne  lai  fia  pas  pendant  cette  trêve 
d’aiTurer  le  logeiQ^nt , & dans  la  re* 
doute  & dans  tou^  les  retranchemens 
iqu’oD  venoit  d'etnpts^ter. 

Entre  ces  retranchemens  & là  pre* 
antére  envelope  du  Chitea.u , nommée 
par  les  Efpagnols  Ytrra  nova  , on  tton* 
voit  fur  le  côté  de  la  montagne  qui 
defcend  vers  la  Sambre , un  Ouvrage 

irrégulier  que  te  Prince  d’Orange  avoir 

g s fût 


RïiAïioiî 

fait  conftruire  J’année  précédente,  Sc 
qu’on  apeloit  à caufe  de  cela  le  Fort» 
neuf,  ou  le  Fort-Guiilaume.  11  étoit 
fttué  de  telle  façon  , que  bien  qu’il 
parut  moins  élevé  que  les  hauteurs 
qu’on  avoit  gagnées  , il  n’en  étoit 
pourtant  point  commandé;  & il  fem« 
bloit  fe  dérober  & au  canon  & à la 
vue  des  Aiïïégeans , à mefure  qu’ils 
s’en  aprochoient.  Ce  fut  de  toutes  les 
Fortifications  de  la  Place  , celle  dont 
la  prilè  coûta  le  plus  de  teins  & de 
peine , à caufe  de  la  grande  quantité 
de  travaux  qu’il  ^Ilut  faire  pour  l’em* 
brafler. 

La  nuit  qui  fuivit  l'attaque  dont 
nous  venons  de  parler , le  travail  fut 
avancé  plus  de  cinq  cens  pas  vers  la 
gorge  de  ce  Fort.  Le  quatorzième  on 
s’étendit  fur  la  droite  , & l’on  y dref* 
fa  deux  batteries  , tant  contre  le  Fort* 
neuf  que  contre  le  vieux  Château.  Ce 
même  jour  les  Afliégez  abandonnèrent 
ùne  ihaifon  retranchée  qui  leur  relloit 
encore  fur  la  montagne  , & ainfi  oa 
n’eut  plus  rien  devant  foi  que  les  Ou* 
yrages  que  je  viens  de  dire. 

Le  quinziéme , les  nouvelles  batte* 
fies  démontésent  prefque  entièrement 


Oü  SiEQl  DE  NaKü'r*  137 

le  canon  des  AiSégez , mais  elles  ne 
£renc  que  très -peu  d’effet  contre  le 
Fort-neuf. 

1^  nuit  fui  vante  on  ouvrit  au-  def* 
/us  de  l’Abbaye  de  Saizenne  une  nou- 
velle tranchée  pour  embralTer  Ce  Fort 
par  la  gauche  , & le  travail  fut  pouffé 
en\nron  quatre  cens  pas. 

Pendant  qu’on  preffok  avec  cette 
vigueur  le  Château  de  Natnur,  le  Prin- 
ce d’Orange  ècoit  , comme  j’ai  dit 
arrivé  fur  la  Méhaigne.  Il  donna  d’a- 
bord toutes  les  marques  d’un  homme 
qui  vouloir  paffer  cette  rivière , & at« 
laquer  l’Armée  du  Maréchal  de  Luxem- 
bourg , pour  s’ouvrir  un  chemin  à 
Namur.  Plufieurs  raifons  ne  laiffoienc 
pas  lieu  de  douter  qu’il  n’eût  ce  def- 
fein  ; Ton  intérêt  & celui  de  lès  Alliez , 
l’état  de  Tes  forces , fa  réputation , à 
laquelle  la  Mons  avoir  déjà 

donné  que^ue  atteinte  , en  un  mot , 
les  vœux  unanimes  de  Ton  Parti , & 
fur-tout  les  preffantes  foliicitations  de 
l’Elefteur  de  Bavière  , qui  ne  pouvoic 
digérer  l’affront  de  fe  voir  à Ton  arri- 
vée dans  les  Fais,  bas  , enlever  I4 
plus  forte  Place  du  Gouvernement  qu’il 
veooic  d’accepter. 

g 3 Ajou. 


13$  Rxcation 

Ajoutez  à toutes  ces  raifons  les  bon- 
nes nouvelles  que  les  Alliez  avoienc 
reçues  de  la  Bataille  qui  s’étoic  don* 

' fiée  fur  Mer.  Car  bien  que  le  combat 
n’eût  pas  été  fort  glorieuK  pour  les 
Hollandois  & pou^  les  Angloîs , mais 
fur  ' tout  pour  ces  derniers  ; & qu’il 
fût  jufqu'alors  inoüi  qu’une  Armée  de 
quatre-vingt  dix  VailTeaux  , attaquée 
par  une  autre  de  quarante  • quatre  » 
n’eût  fait  , pour  ainfi  dire , que  fou- 
tenir  le  choc , fans  pouvoir  pendant 
douze  heures  remporter  aucun  avait- 
' tage  : néanmoins , comme  le  vent  en 
féparant  la  Flotte  de  France  , leur 
avoit  en  quelque  forte  livré  quinze  de 
fes  Vaifibaux  qui  ayoienft  été  obligez 
de  fe  faire  échoüer , & où.  iis  avoieot 
• mis  le  feu , il  y avoit  toute  forte  d’a- 
parence  que  le  Prince  d’Orange  faifi- 
roit  le  moment  où  il  fein* 

bloit  que  la  fortujiâ  commençât  à le 
déclarer  contre  les  François.  Il  recon* 
nut  donc  en  arrivant  tons  les  environs 
de  la  Méhaigne  , fit  fonder  les  guez» 
pofla  fon  Infanterie  dans  les  Villages 
& dans  tous  les  endroits  qui  pou- 
voient  favorîTer  fbn  paflage;  & enfin 
fit  jetter  une  infinité  de  ponts  fur  cet- 
te 

' N 


Dü  SiiCfX  ÔE'N'AMüa.  ^13? 

te  rîvére.  On  remarqua  pourtant  aveç 
/urprile  , que  dans  le  tems  qu’il  fai- 
foit  conflruire  cette  grande  quantité 
de  ponts  de  bois , il  failîMt  démolir 
tons  les  ponts  de  pierre  qui  fe  troa* 
▼oient  fur  la  Méhaîgne. 

Une  autre  circonïlance  fit  encore 
mieux  voir  qu’il  n’avoit  pas-  grande 
envie  de  combattre.  Le  Roi  qui  ne 
vouloit  point  qu’on  engageât  d’un 
bord  de  rivière  à l’autre , uû  combat  bCi 
fa  Cavalerie  n’auroit  point  eu  de  part , 
manda  au  Duc  de  Luxembourg  de  fe 
retirer  un  peu  en  arriére , '&  de  lail* 
fer  le  paflage  fibre  aux  Ennemis  ; & 
la  chofe  fut  ainfi  exécutée.  C’étoit  en 
quelque  chofe  les  défiier  , & leur  ou.- 
vrir  le  champ  -pour  donner  bataille 
s’ils  vonloient.  Mais  le  Prince  d’O- 
range  demeura  toujours  dans  fon  pre* 
mier  polie  5 tantôt  s’excufant  fur-lea 
pluyes  qui  firent  déborder  la  MéhaL 
gne  pendant  deux  jours  ; tantôt  pu» 
bliant  qu’il  ferbit  périr  l’Àrmée  du 
Maréchal  làns'  là  combattre  , ou  du 
moins  qu’il  la  réduiroic  à décamper 
faute  defbbfillance.  . 

Il  forma  néanmoins  un  projet  qui 

auroic  été  de  quelque  éclat  s’il  eôt 

g 4.  réiUlL 


.140  RblatioN 

réüdi.  Il  détacha  le  Comte  SerclaSs 
de  Tilly  avec  cinq  oii  fix  miHe  che- 
vaux du  côté  de  Huy.  Ce  Générxl 
ayant  pris  encore  dans  cette  Place 
un  détachement  confidérab^e  de  I’Iq- 
fanterie  de  la  garnifon , pafia  la  Meu- 
fe , qu’il  fit  remonter  à fon  Infante- 
rie ) dans  le  deiTein  de  couper  le  pont 
de  batteaux  qui  étoit  fous  Nainur  , 
& qui  faifoit  la  communication  de 
Bos  deux  Armées.  Lui  cependant  mar- 
cha avec  fà  Cavalerie  pour  attaquer 
le  quartier  du  Marquis  de  Soufflera  , 

. & brûler  le  pont  de  la  haute  • Meufe 
avec  toutes  les  munitions  qui  fe  trou- 
veroient  fur  le  Port , & qu’on  avoit 
. fait  defeendre  par  cette  rivière.  Le 
Roi  eut  bien  tôt  avis  de  ce  deffein.  Il 
fit  fortifier  la  garde  des  ponts  , & le 
Quartier  de  Boufflers  ; & ayant  ra- 
ptlé  un  corps  de  Cavalerie  de  l’Armée 
du  Maréchal , il  fit  fortir  fes  troupes 
hors  des  lignes , & les  rangea  lui-mê- 
me en  bataille.  Mais  Serclaës  qui  en 
eut  je  vent , retourna  fort  vite  paffer 
la  Meufe  , & alla  rejoindre  l’Armée 
confédérée.  ^ 

Le  Prince  d’Orange  , après  avoir 
. demeuré  inutilement  quelques  jours 

fur 


DU  Su  GE  DE  NaHU&.  141 

fur  la  Méhaigne  , en  décampa  touc* 
à-coup  y & remontant  le  long  de  cet* 
te  rivière  jufqu es  vers  fa  fource  , vint 
camper , fa  droite  à la  Cenfe  de  Glinne,, 
près  du  Village  d*Afche,  & fa  gauche 
au-delTus  de  celui  de  Branchon. 

Le  Maréchal  de.Luxembourgquiob* 
fervoit  tous  les  mouvemens  des  Enne- 
mis pour  régler  les  Gens , ne  les  vit  pas- 
plutôt  en  marche  que  de  fon  côté  il  re» 
monta  audl  la  riviere , en  tefe  forte  que 
ces  deux  grandes  Armées  , féparées 
feulement  par  un  médiocre  ruiffeàu  , 
majchoient  à la  vue  l’une  de  l’autre  , 
éloignées  feulement  d’une  demie  por- 
tée de  canon.  Celle  de  France  campa 
la  droite  à Henrech  , îa  gauche  à Tera* 
ploux,  ayant  à peu  près  dans  ibn  cen- 
tre le  Village  de  Saint  Denis. 

Le  Prince  d Orange  fit  encore  en  cet 
endroit  des  démonfirations'  de  vouloir 
décider  du  fort  de  Namur  par  une  Ba- 
taille. Il  fit  élargir  les  chemins  qui 
étoient  entre  les  deux  Armées , & en- 
voya l’Eleveur  de  Bavière  pour  recon*- 
noîtrelui-méroele  Camp  des  François; 
L’Elefteur  paGà  la  rivière àTAhbaye  dè- 
Bonneffé  , & fé  mit  en  devoir  d’obTer--^ 
ver  l’Armée  du  Maréchal.  Mais  on  ne- 

fi  s:  ^ 


»42  R E L A T 1 0 H 

lui  lai (Ta  pas  le  tems  de  fatisfaire  fi 
cariofîté,  âc  il  fut  obligé  de  repafler 
fort  brufquetnent  la  Mébaigne  à l’apro> 
che  de  quelques  troupes  de  Carabi* 
niers  qu’on  avoit  détachez  pour  l’é» 
loigner  de  la  vue  des  lignes. 

A dire  vrai , le  Maréchal  ne  fut  pas 
fâché  d’ôter  aux  Ennemis  la  connoiflan. 
ce  de  la  dirpolition  de  Ton  Camp  , cou* 
pé  de  plufieurs  ruiflfeaux  & de  petits 
marais  qui  rendoient  la  communication^ 
de  fes  deux  Ailes  fort  difficile,  & d'ail* 
leurs  commandé  de  la  hauteur  de  S.  De* 
nis , d’où  les  Ennemis  auroient  pû  in* 
commoder  de  leur  canon  le  centre  de- 
fon  Armée , âe  engager  enfin  dans  un^ 
païs  ferré  & embarraiTé  de  bois  , u» 
combat  particulier  d’Lifànterle , où  ils^ 
auroient  en  tout  l’avantage  du  lieu.  Le- 
Roi  qui  fçut  l’inquiétude  où  il  étoit  ,, 
lui  envoya  propofer  un  autre  polie  ^ 
que  le  Maréchal  alla  reconnoître  } & 
il.Ie  trouva  fi  avantageux , que  fans  at* 
tendre  de  nouveaux  ordres  il  y fit 
auŒ'tSt  marcher  fon  Armée.  H n’àtten* 
dit  pas  même  fon  Artillerie  , dont  les 
chevaux  le  trouvoient  alors  au  fbura*- 
ge , & fe  contenta  de  laifTer  une  pa» 
tie  de  &D  Iniwceile  poor  la  garder. 

U 


IDIT  SiB  6E  DE  NaMOR.  I43 

plaça  fa  gauche  au  Châteaù  de  MiU 
mont , la  couvrant  du  ruilTeau  d’Âure* 
naut , & étendit  fa  droite  par  Tem- 
ploux  âc  par  le  Château  de,  la  Falize  , 
jufqu’auprès  du  ruüTeau  de  Wedrin  , 
au  delà  duquel  il  jetta  Ton  corps -de  ré- 
ferve.  De  forte  qu’il  fe  trouvoit  tout 
proche  de  l’Armée  du  Roi , & tout  pro- 
che aufli  de  la  Sambre  di  de  la  Meule 
dont  il  tiroit  la  fubridaDce  de  fa  Cava- 
: lerie , cou vroit  eiltiérement  la  Place , & 
réduifoit  les  Ennemisà  venir  l’attaquer 
dans  fon  front  par  des  plaines  ouvertes 
& propres  à faire  mouvoir  fa  Cavalerie 
qui  étoit  fupérieure  en  toutes  chofesà 
celle  des  Ennemis. 

Il  fit  en  plein  jour  cette  marche  , 
Taas  qu’i/s  fè  miffent  en  devoir  de  l’in- 
quiéter , & lans  qu’ils  le  prelentaffent 
feulement  pour  charger  fon  arrière- 
garde.  Le  Prince  d’Orange-  décampa- 
quelques  jours  après  II  palfa  le  vingt- 
deuxième  de  Juin  le  Bois  dès  Cinq-Etoi- 
les ;&  ayant  fait  faire  à fes  troupes  une 
extrême  diligence  ,,  alla-  fe  porter  la- 
droite  à SombrefFv&^  la'ganche  pro- 
che de  Marbàis  furîa -grande  CHaulTée.. 

Cette  démarche-,,  qui  le  met, toit  enj 
état  de  pafleren  un  j$mr  la  Sambre  pour: 

g 6 tomber.* 


144  R E l A T I O K. 

tomber  fur  le  Camp  du  Roi , auroîE 
. pû  donner  de  l’inquiétude  à un  Géné> 

. ral  moins  vigilant  & moins  expérimen* 
té.  Mais  comme  il  avait  penfé  de  bon* 
ne  heure  à tous  les  mouvemens  que  les 
Ennemis  pourroient  faire  pour  l’inquié* 
ter  ,-il  ne  les  vit  pas  plûtôt  la  tête  tour* 
née  vers  Sombreff  , qu’il  envoya  le 
Marquis  de  Boufilers  avec  un  corps  de 
troupes  dans  le  païs. d’entre  Sarobre  & 

, Meufe  Et  après  avoir  fait  teconnoîtse 
les  Plaines  de  Saint  Gérard  & de  Fol» 
fe , qui  étoient  les  feuls  chemins  par 
où  ils  auroient  pû  venir  à lui,  il  ordon* 
na  à ce  Marquis  de  le  failir  du  poUe 
d’Auveloy  fur  la  Sambre.  Il  fit  en  mê- 
^ me-tems  jetter  un  pont  lur  cette  rivia- 
' re  entre  l’Abbaye  dé  FlotelF  &.  Jemep* 
pe  , vers  l.’ernb.ouchûre  du  ruiflfeaa 
. d’Aurenaut  , ou  la  gauche  du.  Mare* 
chai  de  Luxembourg  étoit  apuyée.  Par 
ce  moyen  il  mettoit  ce  Général  en. 
état  de  palier  aifément  la  Sambre  dq» 
que  les  Ennemis  voudroient  entrepren* 
dre  la  même  chofe  du  côté  de  Char*- 
leroy  & de  Farfiennes.  La  feule  chq* 
fe  qui  étoit  à craindre c’eft  que  le^ 
corps  de  troupes  qu’il  avok  donné  an 
Marquis  de  BoufSlers  »,  ne  fût.  pas  fu(^ 

fifani 


9V  Sl&GE  QK  NlMtTB.  I. 

fifant  .pour  dirputer  aux  Ennemis 
paflage  de  la  Sambre  , & que  s'ils 
tentoienc  là  près  de  lui , oa  n’eût  { 
le  tems  de  faire  pafTer  d’a>utre5  Trc 
pes  pour  le  fuutenir. 

. Pour  obv'ier  à cet  inconvénient , 
Maréchal  eut  ordre  de  lui  envoyer  f 
corps  de  réferve , qui  fut  fuivi  peu 
tems  après  dés  Brigades-  d Infante 
de  Cbanapagtie  & de  Bourbonnois  y 
enfin  de  l’aîie  droite  de  la  fécondé 
gne,  commandée  par  le  Ouc  de  Vt 
dôme.  Toutes  ces  troupes  furent  p 
tées  fur  le  bord  de  la  Sambre,  proc 
des  Ponts  de  Bâteaux  , à portée  ou 
pafTer  en  très  peu  de  tems  dans  les  P 
nés  de  FofTe.  & de  S.  Gérard  , ou 
repa/lèr  à l’Armée,  du  Maréchal , 
km  le  parti  que  prendraient  les  £n 
mis. 

Pendant  ces.  difFérens  monvemi 
dés  Armées  , les  attaques  du  Chât( 
de  Namur  fe  cbntinuoLenc  avec  to 
.la  diligence  que  les  pluyes  pouvoi 
•permettre,  les  Troupes, ne témoign 
pas  moins  de  patience,  que  de  va!e 
Depuis  lefeiziéme  de  Juin  , Les  Alliéj 
fe  trouvoient  extrêmement  reflèr 
daûs  le  Fortmetif . où  ils  commençpi 


*4(î  REK-ATrO-W 

même  d’être  envelopez.  Le  matin  dw 
dis  - feptiéine , ils  firent  une  forcie  de 
quatre  cens  hommes  de  Troupes  EL 
pagnoles  & de  Brandebourg  furj’aitao 
que  gauche,  & y cauférent  quelque 
defordre.  Mais  les  Suifles  qui  y êtoient 
de  garde  les  repouflérent  auffi*tôt , & 
rétablirent  en  très  peu  de  teras  le  tra- 
vail. Il  y eut  quarante  ou  cinquante 
hommes  tuez  de  part  & d’autre.  Le 
'dix  - huitième  & le  dix  • neuvième,  les 
•coramunica'ions  du  Fort . neuf  avec  le 
'Château,  furent  prefque  entièrement 
■ètées  aux  Afliégez,  & leur  Artillerie 
renduë'inutile ; & enfet  le  vingtième, 
toutes  les  communications  des  tran* 
chées  étant  achevées , on  fe  vit  en  état 
d’attaquer  tout  à la  fois,  & le  Fort  & 
le  Château.  Mais  comme  vraifemblable- 
mens , on  y auroit  perdu  beaucoup  de 
inonde , le  Roi  voulut  que  les  chofe» 
‘fe  fiffent  plus  rarement.  Ainfi  on  em- 
ploya toute  la  nuit  du  vingtième  & 
le  jour  fuivant , à élargir  & à perféc- 
'tionner  les  travaux.  Et  le  foir  du 
■vingt  unième,  toutes  chofes  étant 
prêtes  pour  l’attaque , on  réfolut  de  la 
■feire , mais  feulement:  au  * dehors  de 
TOuvnge  neofs 

Huit 


00  S^riGB  DS  ITahoiu  ht 

Huit  Compagnies  de  Grenadiers- 
eotàmandëes  > avec  les  fept  des  Batail-- 
k>ns  de  la  tranchée , commencèrent  fur 
ks  fis  heures  à occuper  tous  les  boïaux 
qui  envelopoient  les  deux  Ouvrages. 
Le  Duc  de  Bourbon  fe  trouvoit  encore 
à cette  attaque  , Lieutenant  • Général 
de  jour,  fe  croyant  ;fbrt  obligé  13' 
fortune  de  ce  qu'en  un  même  Siège» 
elle  lui  donnoit  tant  d’occafîons  de 
s’expofer.  Le  lignai  donné  un  pet» 
avant  la  nuit , il  fit  avançer  les  déta^ 
eheroens  foutenus  des  corps  entiers.  Il» 
marchèrent  en  même  teras  au  premier 
chemin-couvert  ; &,  en  ayant  chaflé  iea 
Afdégex , les  forcèrent  encore  dans  le 
fiïcond  , & le  folTé  n’étant  par  fort 
profond , les  pourfuivirent  jufqu’ao" 
corps  de  TOuvrage  » dans  lequel  même 
quelques  Soldats  étant  montez  par  une- 
fort  petite  brèche,  les  Ennemis  bat» 
ûrent  à l’inlbant  la  chamade  , -&  leura 
étages  furent  envoyez  au  Roji.  Maie 
pendant  qu’ils  faifoient  leur  Capitula* 
tion-,  on  ne  laifia  pas  de  travailler 
dans  les  dehors  de  l’Ouvrage,.  & d’y 
commencer  des  logemens  contre  lé: 
Château^ 

JLe  Jendenuîa  ils  lotirent  du  Fort  ; 


I4S  R s t A T I O 9 

au  nomtxre  de  quatre-vingt  Officiera 
& de  quinze  cens  cinquante  Soldats 
en  cinq  Régimens , pour  être  conduit» 
à Gand.  De  ce  nombre  étoit  un  Ingé- 
nieur Hollandois,  nommé  Cohorne, 
fur  les  defleins  duquefle  Fort  avoit  été- 
conflruit  , & H en  fortit  bleffé  d’un 
éclat  de  bombe.  Quelques  Officiers  des 
Ennemis  demandèrent  à encrer  dans  le 
vieux  Château  pour  y fervir  encore 
jLifqu'à  la  fin  du  Siège.  Mars  cette  per- 
milîîon  ne  fut  accordée  qu’au  feul  Witn- 
berg  qui  commandoit  les  Troupes  Hofc» 
tandoifes. 

Le  Fort  Guillaume  pris , on  donna 
Un  peu  plus  de  relâche  aux  Troupes-, 
'&  fa  tranchée  ne  fut  plus  relevée  que 
par  quatre  Bataillons.  Mais  leChâteaq 
n’en  fut  pas  moins  vivement  prelTè  , 
& les  attaques  allèrent  fort  vîte , n’é- 
tant plus  inquiétées  par  aucune  diver» 
fibn. 

. Dès  le  vingt  troifîéme  on'éieva  dans 
la  gorge  du  Fort  neuf , des  batteries  de 
Bombes  & de  Canon. 

Le  vingt  quatrième  & Té  vingt-  cin- 
quième, on  embrafla  tout  le  front  de 
FOuvrage  à-  cornes,:  qui  failbit,  com- 
iuej[*ài  dû>  la  pcemiéie  envelope  du 
' Château; 


s. 


SD  SiEGE  SI  NaMCR.  145^ 

Château  ; & on  acheva  la  communica* 
tion  de  la  tranchée  qu’on  avoit  con- 
duite par  la  droite  \ fur  la  hauteur  qui 
regarde  la  Meufe , avec  la  tranchée 
qui  regardoit  la  gauche  du  côté  de  la 
Sambre.  Le  Roi  al'a  le  vingt-cinquiè- 
me vilîter  le  Fort  neuf  & les  travaux. 
Comme  il  avoit  remarqué  que  fa  pre> 
fence  Tes  avançoic  extrêmement , il  fie 
ia  même  chofe  prefque  tous  les  jours 
fuivans  , malgré  les  incommoditéz  du  • 
tems  & l’extrême  difficulté  des  che- 
mins, s’expofant  non  • feulement  au 
moufquet  des  Ennemis , mais  encore 
aux  éclats  de  fes  propres  Bombes  qui 
retomboient  fouvent  de  leurs  Ouvra- 
ges avec  violence  , qui  tuèrent  ou 
blc/Térent  plufieurs  perfonnes  à fes  cô- 
tez  & derrière  lui. 

Le  vingt  • lixiéme , les  fapes  furent 
pouflees  jufqu’au  pied  de  la  paliiïade 
du  premier  chemin  couvert.  A mefure 
qu’on  s’aproeboit,  ia  tranchée  devenoic 
plus  dangereufe,  à caufe  des  Bombes  & 
des  Grenades  que  les  Ennemis  y fai- 
ibiem  rouler  à toute  heure , fur-tout  dn 
côté  du  fond  qui  alloit  tomber  vers  ia 
Sambre,  & qui  féparoit  les  deux  Forts. 

Le  vingt  • fepiiéme,  les  travaux  fu- 
ient 


150  Rblat.ion 

renc  perfeftiotinez.  On  drefla  deirx 
nouvelles  batteries  pour  achever  dé 
fuïner  les  défenfes  des  Ailiégtz,  pen> 
dant  que  les  autres  battoient  en  ruïne 
les  pointes  & les  faces  des  deux  demi* 
basions  de  TOuvrage  : & on-difpofa 
enfin  toutes  cbofes  pour  attaquer  à la 
fois  tous  leurs  dehors.  Tant  d’attaques 
qui  fe  fuccédoient  de  fi  près  , auroient 
dû  , ce  femble , lafier  la  valeur  des 
Troupes  ; mais  plus  elles  fatigooient , 
plus  il  fembloit  qu’elles  redoublafient 
de  vigueur  : & en  efiêt , cette  dernière 
aâion  ne -fut  pas  la  moins  hardie  , ni 
la  moins  éclatante  de  tout  le  Siège. 
Le  Roi  voulut  encore  y être  prefent» 
& fe  plaça  entre  les  deux  Ouvra'* 

' ges.  Ainfi  le  vingt  • huitième  à midi , 
le  fignal  donné  par  trois  falves  de  Bom* 
bes , neuf  Compagnies  de  Grenadiers 
commandées , avec  quatre  des  fiataib 
Ions  de  tranchée  , marchèrent  avec 
leur  bravoure  ordinaire  , l’épée  à la 
main , aux  chemins  couverts  des  Affié- 
gez.  Le  premier  de  ces  chemins  fe 
trouvant  prefque  abandonné , elles  pafi 
férent  au  fécond  làns  s’arrêter  ^ tuèrent 
tout  ce  qui  dfa  les  attendre,  & po«r- 
fiiivirent  te  cefile  julqu’à  un  fous  ter» 

rata  ' 


DO  SlEG£  SE  NaXSS.  I5I 

rain  qui  les  déroba  à leur  furie.  Lef 
Ennemis  ainfi  chalTez,  reparurent  en 
grand  nombre  fur  les  brèches , quel- 
ques-uns même  avec  l’épée  &le  boa* 
cher , & s’eflForcéfent  à force  de  Grena- 
des & de  coups  de  Moufquec,  de  pren- 
dre leur  revanche  fur  nos  Travailleurs. 
Cependant  quelques  Grenadiers  de  la 
Compagnie  de-  Saillant  du  Régiment 
des  Gardes , ayant  été  commandez  pour 
reconnoître  la  brèche  qui  écoit  ao  de- 
mi- baltion  gauche,  ils  montèrent  juf- 
qu’en  haut  avec  beaucoup  de  réfbla- 
lion.  Il  y en  eut  un  entr’autres  qui  ÿ 
demeura  fort  long  • tems , & y rechar- 
gea plufieurs  fois  fon  fufîl,  avec  une  in- 
trépidité qui  fut  admirée  de  tout  le 
monde.  Mais  la  brèche  fe  trouvant 
encore  trop  efcarpée,  on  fe  contenta 
de  fe  loger  dans  les  chemins  couverts,, 
dans  la  contre  garde  du  demi  ballioa 
gauche,  dans  une  lunette  qui  étoit  ai», 
milieu  de  la  Courtine , vis  • à • vis  di» 
chemin  fous  - terrain  ; & en  un^  mot  , 
dans  tous  les  dehors.  La  perte  des  Af- 
fîègez  monta  à quelques  trois  cens  hom- 
mes , partiq  tuez  dans  les  dehors , par- 
tie accablez  par  les  Bombes  dans  l’Ou- 
vrage même.  Les  Afilégeans  n’eurent: 

guère 


15»  Relation. 

guère  moins  dé  deux  ou  de  trois  cens  y 
tant  Oi^ciers  que  Soldats  , tuez  oa 
blelTez , la  plupart  après  Taéliion  , & 
pendant  qu’on  travaiîloit  à fe  loger. 

Peu  de  tems  api  ès , les  Sapeurs  firent 
h dèfcente  du  foffé.  Et  dès  le  foir , les 
Mineurs  furent  attachez  en  plufieurs 
endroits , & on  fe  mit  en  état  de  faire 
fauter  tout  à la  fois  les  deux  demi  baf* 
tions , la  Courtine  qui  les  joignoit , & 
la  branche  qui  regardoit  le  Fort  neuf;  & 
de  donner  un  afiaut  géne'rah 

Néanmoins , comme  on  lé  tenoic 
alors  fûr  d’emporter  la  Place , on  ré- 
folut  de  ne  faire  jouer  qu'à  la  dernière 
.extrémité  les  fourneaux,  qui^  en  ou» 
vrant  entièrement  le  Rempart,  auroient 
obligé  à y faire  de  fort  grandes  répa> 
.rations.  On  efpéra  qu’il  fuffiroit  que  le 
Canon  élargit  les  brèches  qu’il  avoit 
déjà  faites  aux  deux  faces  & aux  poin< 
tes  des  demi  ballions  ; & c’ed  à quoi 
on  travailla  le  vingt  neuA'iéme. 

La  nuit  du  trentième,  le fieur  de Ru- 
bentel , Lieutenant  Général  de  jour  , 
fit  monter  fans  bruit  au  haut  de  labré* 
chèdu  demi  baftion  gauche,  quelques 
Grenadiers  du  Régiment  Dauphin  , 
pour  épier  la  contenance  des  Ennemis. 

Ces 


t)V  SiZGE  DE  N'aMDX.  153 

\ 

Ces  foldats  ayant  remarqué  qu’ils  n’é- 
toieot  pas  fort  fur  leurs  gardes , & 
qu’ils  s’éioient  même  retirez  au*dedans 
de  l’Ouvrage , apelérent  quelques  autres 
de  leurs  camarades , qui  étant  aufC  tôt 
montez , ils  chargèrent  avec  de  grands 
cris  les  Âffiégez  , & s’emparèrent  d’un 
retranchement  qu’ils  avoient  commeO'* 
cé  à la  gorge  du  demi  baflion , où  iis 
commencèrent  à fe  retrancher  eux> 
mêmes.  Ceux  des  Ennemis  qui  gar< 
doient  le  demi  baflion  de  la  droite  ; 
voyant  les  François  dans  l’Ouvrage, 
& craignant  d’être  coupez , cherché» 
rent  comme  les  autres  leur  falut  dans 
]a  fuite , & laifTèrent  les  Âfïiègeàns  en» 
tièrement  maîtres  de  cette  première 
envelope.  Il  refloit  encore  deux  autres 
Ouvrages  à peu  près  de  même  efpéce , 
non  moins  difficiles  à attaquer  que  les 
premiers , & qui  avoient  de  grands  fof> 
fez  très  > profonds '&  taillez  dans  le 
Roc.  Derrière  tout  cela , on  trouvoit 
Je  corps  du  Château , capable  lui  feul 
d’arrêter  long  tems  on  Ennemi , & de 
lui  faire  acheter  bien  cher  les  derniers 
pas  qui  lui  refleroient  à faire. 

Mais  le  Gouverneur  qui  vit  fa  gap> 
iiifoû  intimidée , tant  par  le  feu  contip 

. nuel 


I 


154  Relation 

nuel  des  Bombes  & du  Canon , qaé 
par  la  valeur  infatigable  des  AlTiégeans, 
reconnoilTanc  d’ailleurs  le  pêu  de  fonds 
qu'il  y avoit  à faire  fur  les  vaines  pro* 
snefles  de  fecours  dont  le  Prince  d'O* 
range  l’entretenoit  depuis  un  mois , 
De  longea  plus  qu’à  faire  fa  compofi* 
tion  à des  conditions  honorables , & 
demanda  à capituler. 

Le  Roi  accorda  fans  peine  toutes 
les  marques  d’honneur  qu  on  lui  de> 
mandat  & dès  ce  jour,  une  porte  fut 
livrée  à fes  Troupes.  Le  lendemain 
premier  jour  de  juillet,  la  Garnifon 
ïbrtit , partie  par  la  brèche  qu'on  ac* 
commoda  exprès  pour  leur  en  faciliter 
la  defcente , partie  par  la  porte , vis* 
-à'vis  du  Fort  neuf  Elle  ètoit  d’environ 
«leux  mille  cinq  cens  hommes , en  don* 
se  Régimens  d Infanterie  , un  de  Ca- 
valerie , & quelques  Compagnies  fran* 
-ches  de  Dragons  , lefquels  joints  aux 
feizecens  qui  fortirent  du  Fort  neuf, 
Caifoient  le  refte  des  neuf  mille  deux 
cens  hommes , qui , comme  j'ai  dh  , fe 
troovoient  dans  la  Place  au  commence* 
ment-du  Siège.  Ils  prétendaient  qu’ils 
en  avoiept'  perdu  huit  ou  neuf  cens 
par  la  defertion , toue  le  reRe  avoir 

• X r * 


/ 


90  SlEOl  DE  Na«OR.  155 

péri  par  l’Artillerie  > ou  dans  les  atta- 
ques. 

Quelques  jours  avant  que  les  Allié* 
gez  baitilTent  la  chamade , le'<  Confé- 
dérés étoient  partis  tout*  à -coup  de 
Sumbreffÿ  & au  lieu  de  faire  un  der- 
nier effort , (înon  pour  fauver  la  Place, 
au  moins  pour  fauver  leur  réputation  , 
ils  avoient  en  quelque  forte  tourné  le 
dos  à Namur , & étoient  allez  cam- 
per dans  la  Plaine  de  Brunehaut , la 
droite  à Fleura , & la  gauche  du  côté 
de  Frafoe  & de  Liberchies.  Pendant 
le  féjour  qu'ils  y firent , le  Prince  d’O* 
range  ne  s'étoit  apliqué  qu'à  ruiner  les 
environs  de  Char'eroi , comme  fi  dès» 
lors  il  n'avoit  plus  penfe'  qu’à  empê- 
cher le  Roi  de  pafier  à de  nouvelles 
Conquêtes. 

Enfin  le  foir  dudernter  jour  de  Juin, 
ils  aprirenc  par  trois  falves  de  l’Armée 
du  Maréchal  de  'Luxembourg , & de 
Celle  du  Marquis  de  Boufflers , la  trille 
nouvelle  que  Namur  étoit  rendu.  Ils 
CD  tombèrent  dans  une  conflernation 
qui  les  rendit  comme  immobiles  du- 
rant piufieurs  jours  ; jufques-là  que  le 
Maréchal  de  LuxeGohourg  s’écant  rais 


tS6  RirATioM 

en  devoir  de  repaHèr  ia  Satnbre , ils 
ne  rongèrent  ni  à Je  troubler  dans  fk 
marche,  ni  à le  charger  dans  fa  re> 
traite.  Il  Vint  donc  tranquiietnent  le 
poiler  dans  la  Plaine  de  S.  Gérard  , 
tant  pour  f avori  fer  les  réparations  .les 
plus  preflantes  de  la  Place  , & les  re- 
mifes  d’Artillerie  , de  munitions  & 
de  vivres  qu’il  y falloir  jetter  , que 
pour  donner  aux  Troupes  fatiguées 
par  des  mouvemens  continuels  , par 
Te  mauvais  tems  , & par  une  allez  Ion* 
gue  difette  de  toutes  choies , les  moyens 
de  fe  rétablir. 

Le  Roi  employa  les  deux  jours  qui 
fuivirent  la  reddition  du  Château , à 
donner  tous  les  ordres  néceUaires  pour 
la  fureté  d’une  fi  importance  Conqué-  " 
te.  Il  en  vifita  tous  les  Ouvrages  , & 
en  ordonna  les  réparations.  Il  alla  trou* 
ver  à Floreft  le  Maréchal  de  Luxem- 
bourg, qu’il  laifibit  avec  une  puilTante 
Armée  dans  les  Païs  fias , & lui  ex- 
pliqua lés  intentions  pour  le  relie  de 
la  Campagne.  Il  détacha  différens  corps 
pour  rÂllemagne , & pour  alTurer  lès 
Frontières  de  Flandres  & de  Luxem* 
bourg.  Il  avok  déjà  quelques  quarante 

Efeadrons 


PREMIER  RECUEIL. 


L E TT  R E S 

! 

Eorices  dans  fa  jeanelTe  i 
quelques  Amis. 


A M.  LE  VASSEUR. 

Tans  te  5 Septembre  z 660. 

][  j’Odeefl  faite,  ( i ) & jePai  don^ 
zvée  à M.  Vicarc  pour  la.  faire  voir  à 
M.  Chapelain.  S'il  n’étoit  point  G tard, 
j’en  fêirois  uiie  autrecopie  pour  vous; . 
znais  il  eft  dix  heures  w foir,  & d’ail* 
leurs  je  crains  furieulèment  le  chagrin 
où  vous  met  votre  maladie,d^  qui  vous 


f r ) L*Ode  •iofSfafée  U ffrmfbê  ét  UStétie»  M*  V|« 
tan  (bn  Onde  U pona  à dtapclain  Ce  M.  le  Vaf- 
iêoi  • lî  mâiBe  ami  alon  de  mon  fefe  » 6e  ent îMtt 
da  même  âge , étoic  un  finit  de.  M*  VicaMa 

Terne  L A 


, 1.  * T T * B « . 

:rendFoit  peut*  être  allèz  difficile  «pow 
me  rien  trouver  de  bon  danstnon  Ode. 
Cela  m’enibarrafTeroit , •&  Pautorité 
I oue  vous  avez  fur  moi  pourroic  pro* 
Itduire  en  cette  rencontretm  auffi  mau> 
j rvais.  effet  qu’elle  en  produit  de  bons 
en  toutes  les  autres.  Néanmoins  corn? 
me  il  y a efpérance  j]ue  cette  maladie 
me  durera  pas,je  vous  enverrai  demam 
mne  Copie.  Je  erains  encore  que  vos 
motes  ne  viennent  tard. 

^Quoiqu’il  en  foît , je  vais  vousecrî- 
ire  par  avance  une  Stance  & demie. 
Cem’eff  pas  que  je  les  croïe  les  plus  bel- 
les ;mais  c’elc  qu’elles  font  fur  l’entrée 
4le  la  Reine. 

* 

# 

X * ) fài&itlïeau  voir  en  cefupcf- 

bejour^  * 

^îi  fut  im  char  conduit  par  la  Paix  Sc  TA^ 
mour  J 

Votre  illttfire  beauté  triompha  fur  mes  rivesf 
ï*e$difcords  après  vous  fewyoient  encfaal- 
4iés. 


( I ^ Quoiqu'il  paroillc  fi  content  de  ces  vers.  Une 
..donfeivs  pas  les  preoders-  On  lui  eritiwa  apsiem- 
Inent  V/  difcfrdi^  mot  qn\  lui  plaifbir , oc  par  Ieqii4 
44  vouloitiniitei  MaUieibe.  la  Suncerfit&vaiitc  cftttUe 
ihbfifie  aii/(HU(l4iai* 


]>  B-  R â C I N B. 

Mais  hélas  1 que  d’ames  captivei 

yîtentanffi  leurs  cœurs  en  triomphe  menés  I 
Tout  i’or  dont  fe  vante  le  Tage  » 
Tout  ce  que  l’Inde  fut  fes  bord* 
Vit  jamais  briller  de  tréforSf 
Sembloit  être  fur  mon  rivages 

Qu’étoit^e  tout^is  de  ce  grand  aparei!,' 

Dès  qu’on  Jettoh  les  yeux  fur  féclat  non- 
pareil  , 

Dont  vos  feulesbeautésvousavoient entou- 
rées » • • 

Je  ffais  bien-que  Junon  parut  moins  belle 
aux  Dieux 

Etmoins  digne  d’être  adorée, 

Loifqtfen  nouveUe  Reine,  eOe  entra  dan* 
les  Cieoz. 


k*  trouverez  - vous  d’autre* 

Strophe* , qui  ne  vous  paroftrom  pas 
nom*  belles. 

Je  ne  fçai  Û vous  avez  connoilTance 
ï L®***’®»  font  un  grand 

VÛ& , mais  en  des  maini 
dont  je  ne  pouvois  les  tirer.  On  craint 
i Paris  quelque  chofe  de  plus  fort 


« 


L E f T E S- 


AU  M £ S M E. 

* 

U i Stfumbre  i:6tfo. 

• 9 

JE  vous  envoyé  mon  Sonnet > f i } 
c^eft-à-dire  on  nouveau  Sonnet.  Car 
je  l’ai  tellement  ebangé  hier  au  foir, 
que  vous  le  méconnoîtrez.  Mais  je 
crois  que  vousne  l’en  apr-ouvèrez  pat 
moins.  £n  eâTetcequi  le  rendtn^con- 
noiflable , e(l  ce  qui  vous  le-doit  rendre 
plus  agréable, puifque  je  ne  l’ai  fi  défi* 
gu  ré  que  pour  le  rendre  plus  beau , Sc 
plut  conforme  aux  régies  que  vous  me 
prefcrivites  hier  , ^i  lènt  les  r^les 
mêmes  du  Sonnet.  Vous  ti'oovlez 
étrange  que  la  fin  fut  une  iùite  fi  dif*. 
férente  du  commencement.  Cela  me 
choquoit  fie  même  que  vous.  Car  les 
t’oè’tes  ont  cela  des  hypocrites , qu’üs 
défendent  toujours  ce  qu’ils  font , mais 


(t)  Il  il  eir  nkéme  tent Je  Sonnet , .que  j’« 
Mté  dans  fa  vie,  & qti’ü  apelle  dans  la  Xettieiui- 
tance , fon  trifii  ^ caiife  des  rdpiimaod^s  qui 

lui  vinrent  de  Pon-Rc^ai  j iorfqu'oii  7 apdt 
laUpit  dcsITciS* 


/ 


V B Rie  r N "B.  ^ 1 

(foe  leur  confcience  ue  les  laifle  jamais 
en  repos.  J’avojs  bien  reconnu  ( t ^ 
ce  défaut  « quoiçpie  je  fifife  tout  mon 
poflibie  pour  montrer,  que  ce  n’en 
étoic  pas  .un  : la  forcé  de  vos  raifoos 
étant  ajQÛtée  àeeUedema  confckocê 
a achevé  de  me  convamcre.|e  me  fuis 
rangé  à la  raifmi , St  j'y  ai  auffi  rangé* 
mon  Sonnet.  J'en  ai  c^ngélapointe* 
ce  qui  eft  le  plus  confidérabledans  ces 
ouvrages^  J’alfak  comme  un  nouveau 
Sonnet;  ma  confcience  ne  metreprq* 
che  .plus  rien  , & j’en  {M’ens  on  affez 
bon  augure.  Je  fouhaite  qu’il  vous  fa* 
tisfafle  de  mlnàe. 

J’ai  lû  tonte  la  Callipédie , ^ a ) & Je 
Fai  admirée.11  mefénkue  cp»’on  nepeue 
Caire  déplus  beaux  Vers  Latins.  Bal>^ 
zacdiroit  qu’ilsfentent  tout-à-fait  l’an* 
cienne  Rome«  & la  Cour  d’Aogufte)& 
que  le  Cardinal  du  Perron  les  aurott 
lûs  de  bon  cœur.  Pour  moi>qui  ne  ^aié 
pas  fî  bien  quel  étok  le  gôûtde  ce  Car- 
dinal , & qui  m’én  foucie  fort  peu , Je 
me  contente  de  vous  dire  mon  fenti* 

( 1 j Le  Sonnet  paroit  bien  ItMivxage  d*ùn.tièi-{eanc 
WniJiie}  maii  cette  léfiexioBÛ  JoÛe  eft.  tctùUwMif 
un  Poète  fi  jeune.* 

Fomc  LtôncompofdptfQgillet. 

A s 


C L K r r R t 9 

ment.  Vous  trouverez  dans  cette  Le^> 
•'■.s^tre  plufîeurs  ratures  ; mais  vous  les  de* 
|Vez  pardonner  à un  homme  qui  fort 
)àe  table.  Vous  fçavez  que  ce  ir’eft  pas 
Me  tems  le  plus  propre  pour  concevoir 
les  chofes  bien  nettement  je  puis 
dire  avec  autant  de  raifon  que  l’Auteur 
•de  la  Callipédie,  qu’il  ne  faut  pas  le 

mettre  k travailler  ûtôt  aiurès  le  repas. 

« •' 

Nttninim  crudam  £ ad  Itea  cnbil»  portas 
Ffitdiceniyicc. 


Mais  il  ne  m’importe  de  quelle 
fcon  je  vous  écrive , ponrvô  que  j’aïe 
*je  plaifîr  de  vous  entretenir  ; de  même 
qu’il  me  feroit  bien  difficile  d’attendre 
après  la  digellion  de  mon  foôper , fi  je 
me  trouvois  à la  première  nuit  de  mes 
nôces.  Je  ne  fuis  pas  alTez  patient  pour 
obferver  tant  de  formalités  cela  efl; 
pitoyable  de  fe  priver  d’un  entretien 
pour  trois  ou  quatre  ratures.  Mais  M. 

• Vitart  monte  à cheval , & il  faut  que 
je  parte  avec  lui;  je  vous  écrirai  plus 
I au  long  une  autrefois.  P^aU  & vive»  •' 


I 


» H KkCTTÜ.'t^  Y) 


A U M E s M E. 

* 

* f 

jt  Tsm  U Septmin  i66o»- 

Pourquoi  ne  voulez-vourphis  me 
venir  voir,  é;  aimez-vous  mieux 
ne  parler  par  Lettres  9 NIeibce  point 
que  vous  vous  imaginez  que  vous  en= 
aurez  plus  d'autorité  fur  moi , & que 
vous  enconférverez  mieux  la  majeilii^: 
de  l’Empire  ? iloghKjno  revenir 
«MfcCroyeznoi  ,^^Monfieur,)l  n’eil  pas 
be(bin-ae  cette  politique  ; vos  raifons^ 
font  trop  bonnes  d’elles>inémes , fans 
^reapoyéesdeces  fecoors  étrangers.- 
'Votre  prefence  me  fèroit  plus  utile- 
que  votre  abfence,  car  l’Ode  étant 
prefque  imprimée , vos  avis  arrive* 
ront  trop  tard. 

Elle  a été  montrée  à M.  Chapelain; 
il  a marqué  quelques  cbangemens  à 
faire , je  les  ai  faits , & j’étois  trés-em* 
barraifé  pour  fçavoir  fi  ces  change*- 
mens  n'étoient  point  eux  * mêmes  à 
changer.  Je  ne  Içavois  à qui  m’adref- 
iêr.  M.  Vitart  eft  rarement  capable  de 
donner  fon  attention  à quelque  choiè. 


s L E T T il  B ar 
M.  l’Avocat  n’en  donne  pas  beaucoup 
non  plus  à ces  fortes  de  chofes.  Il  aime 
mieux  ne  voir  jamais  une  pi^e  » quel* 
que  belle  qu’elle  foit , que  de  la  voir 
une  féconde  fois , fi  Ûen  que  j'étois 
prés  de  confulter , comme  Malherbe , 
une  vieille  fervante , fi  je  ne  m’étois 
uperçû  qu’elle  efl;  Janfénifte  comme 
ifon  maître , & qu’elle  pourroit  me  dé- 
celer, (x ) ce  qui  feroit  ma ruïneen- 
tiére:  vû  que  je  reçois  encore  tous  les 
jours  lettres  fur  lettres , ou  pour  mieux 
dire , excommunications  rar  excom- 
munications , à caufe  de  mon  trifie 
Sonnet.  Ainfi  j’ai  été  obligé  de  m’en 
raporter  à moi  féuj  de  la  bonté  de  mes 
Vers.  Voyez  combien  votre  prefence 
nfauroit  fait  de bien;mais  puifqu’il  a’j 
a plus  de  remède,  il  faut  que  je  vous 
rende  compte  de  ce  qui  s’efl  palTé.  Je 
. ne  fçais  fi  vous  vous  y interreUèz,mais 
je  fois  fi  accoutumé  à vous  faire  part 
de  mes  fortunes , bonnes  ou  mauvai- 
fes,  que  je  vous  punirois  moins  que 
moi-même , en  vous  les  taifant. 

M.  Chapelain  a donc  reçû  l'Ode  avec 

(t)  Cet  endroit  fait  cohnoitxe  combien  il  ctaignoit 
ét  déplaire  à Fort-Royal , où  Ton  ac  voiüoit  poiac 
lü  de  Ycia. 


X»  s R A C 1 N E.  9 
la  plus  grande  bonté  du  monde  : touc 
malade  qu’il  étoh , il  fa  retenuè'  trois 
jours  , & a fait  'des  remarques  par 
écrit^que  j’ai  fort  bien  fuivies»  M.  V> 
tart  n’a- jamais..ét'é  fî  ailé  qu’après  cec« 
te  viGce  il  me  peaia  confondre  de  re- 
proches , à caufequeje-me  plaignois 
de  la  longueur  de  M.  Chapelain.  Je 
Toudrois  que  vous  éuilîez  vû  la  cha- 
leur & l’éloquence  avec  laquelle  il  me 
querella.  Cela  foit  dit  en  paffant^. 

Au  (brtir.dê  chez -M>  Chapelain  , â 
alfa  voir  .M;  Perrault , contre  notre 
defTein , comme  .vous  fçavezcil  ne  s’en 
pût  empêcher , & je  n’en  fuis  pas  mar- 
ri à prefent.  M.  Perrault  hii  dît  auilr 
de  fort  bonnes  chofes  i qu’il  itdt  par 
écrit, & que  j-’ai  encore  toutes  fitivies^ 
à uncou  deax  près , ou  je  ne  fuivroi» 
pas  Apollon  lui -même.  ( i)  C’eft  la 
comparaifon  de  Venus  ot  de  Mari 
qu’il  recule,  à eaulè  que  Venus  eft  une 

Erollituée.  Mais  vous-fâvez  que  quand- 
» Poètes  parlent  des  Dieux  , ils  les 
. trmttest  en  Divinités , & par  ceinré> 
qpent  comme  des  &res  parfaits,  p 


CiyOfAtiquc  docile  qu'il  f&t  , t^avOit,  JaUOB  d# 
M ftâ-  i*difc.  cène  ctittquc  pitoj>btot 

A s 


XO  L.  B T T R E t 
n’ayant  même  jamais  parlé  de  leurs 
crimes , comme  s’ils  euflent  été  des 
crimes , car  aucun  ne  s’eft  avifé  de  re* 
procher  àjupiter  & à Ven  us  leurs  adul> 

I tères , & fi  cela  étoit,il  ne  faudroit  plus 
introduire  Tes  Dieux  dans  la  Poè'fie,  vû 
qu’à  regarder  leurs  aélions , il  n’y  en  a 
pas  un  qui  ne  méritât  d’être  brûlé , fi 
on  leur  faifoit  bonne  juftice. 

Mais  en  un  mot,  j’ai  pour  moi  Mal> 
herbe , qui  a comparé  ta  Reine  Marie 
'à  Venus , dans  quatre  Vers  aufli  beaux 
qu’ils  me  font  avantageux , puifqu’U 
y parie  de  l’amour  de  Venus. 

t Telle  n’eli  point  la  Cytiierée  » 

. Quand  d’un  nouveau  feu  s’allumant 
l' Elle  fort  pompeufeûc  parée 
4 Pour  la  conquête  d’un  Amant 

Voilà  ce  qui  regarde  leur  cenfure.’je 
ne.  vous  dirai  rien  de  leur  aprobation.,  - 
linon  que  M.  Perrault  a dit  que  l’Ode 
étoit  très-bonne , & voici  les  paroles 
4e  M.  Chapelain  » ( i ) que  je  vous 

( t ) Ohapcbia était  «lots  le  fouveiain  Juge  du  Pit- 
mSIi  : lamais  PoSte  vivant  n’a  été  en  fi  gunde  tUC* 

Mfion.  V faaaf^  tfiviw  «MM,  i 


D E R A G 1 N E.  n 
raporterai  comme  le  texte  de  l’Evan- 
gile , fans  y rien  changer.  Mais  auffi 
c'ejiM.  comme  difpit  à cha* 

quemot'M.  Vitart.  VOde  efijm  belU, 
fin  pdetifue  y (^ily  abeancoHodeStapees 
y<r/  »e  féuvent  Sn-emieH».  Si  Te»  repitffe 
le  peu  d endroits  que  fai  murquéty  on  en 
féru  une  fin  belle  pièce.  11  a tant  preffé 
M.  Vitart  de  lui  en  nommer  l’Auteur^ 
que  M.  Vitart  veut  à toute  force  me 
mener  chez-lui.  Il  veut  qu’il  me  voïe.\ 
Cette  vjë  njiira  bien  lans^ute JlJ.’sI;  i 
time  qu’il  a pû  concevoir  de  moi,  j 
Ce  qu^il  y a eu  3e  plus  confidérable  à 
changer  y ç’à  été  une  Stance  entière  ^ . 
qui  eft  celle  des  Tritons.  Il  s’eft  trour 
vé  que  les  Tritons  n’a  voient  jamaia 
logé  dans  les  fleuves , mais  feulement 
dans  la  mer.  Je  les  ai  fouhaité  bien 
des  fois  noyés  tous  tant  qu’ils  font  ^ 
pour  la  peine  qu’ils  m’ont  donnée.' 

J’ai  donc  refait'  uni  autre  Stance. 

lais  P0t  che  du  tutti  i loti  ho  pieu»  if fi^ 
gl»  y adieu.  Je  fuis , &c. 


A6 


A U M £ s M E. 

^Bahjiotu  i6  jMvifr.  i6Si, 

JE  fais  que  M.  l’Avocat  vous  pro» 
pofa  hier  de  me  venir  voir  ; & que 
cette  propoHiion  vous  effraya.  Vous 
n’êtes  pas  d’humeur  à quitter  les  Da> 
mes , pour  aller  voir  des  prifonniers. 
”Dieu  vous  garde  de  l’être  jamais.  Je 
0ure  par  toutes  les  divinitez  qui  préu« 
fdent  aux  prifons  ( je  crois  qu’il  n’y  en 
a point  d’autres  que  la  Juffice  , ou 
Thémis  en  ternies  de  Poètes  ) je  jure . 
donc  par  Thémis  , que  je  n’aurai  ja« 
mais  le  moindre  mouvement  de  pitië 
pour  vous.,  & que  je  me  changerai 
en  pierre , comme  Niobé , pour  être 
auffi  dur  pour  vous , que  vous  l’avez 
été  pour  moi  ; aqlîe.u  que  M.  l’Avo» 
cat  ne  fera  pas  plutôt  dans  un  des 
plus  noirs  cachots  de  la  fiaftille  ( car 

^ i;  1i  étoit  aloft  à Clicvrealè  , comme  îCvl*ai  dit 
dans  fa  Vie  9 & il  date  de  Babylone  par  plailànienc  » 
aottc  faire  entendre  qa*ü  y eft  captif,  èe  Qii*il  a*y  emiaic 
Siuai  foe  Ici Jnif«i*ciifioyoieAt  à Babjlottc« 


I 


D B Racine.  xs 
un  homme  de  (à  confëc^uence  ne  fau- 
f oit  jamais  être  prifonnier  que  d'Etat^ 
il  n’y  fera  pas  plutôt , eu  vérité , que 
l’irai  m’entermer  avec  lui  : & croyez 
que  ma  r econooiflance  ira  de  pùr  avec 
mon  reilèmiment. 

Vous  vous  attendez  peut  être  que 
je  m’en  vais  vous  dire  que  je  m*en<i 
ouïe  beaucoup  à Babylone  , & que  je’ 
vous  dois  reciter  les  lamentations  qu^! 
Jéremie  y a autrefois  compofées. 
Msûs  je  ne  veux  pas  vous  faire  pitiés 
puilque  vous  n’en  avez  pas  déjà  eûê 
pour  moi  ; je  veux  vous  braver  au 
contraire  , & vous  monter  que  je 
pafle  fort  bien  mon  tems.  Je  vais  au 
cabaret  (_  i ) deux  Ou  trois  fois  le  jour. 
Je  commande  à des  Matons  » à dea 
vitriers  , & à des  MenuiOers  , qui 
m’obéilTent  affez  exa6iement , & me 
demandent  de  quoi  boire.  Je  fuis  dans 
la  chambre  d’un  Duc  & Pair  ; voilà 
pour  ce  qui  regarde  le  fade  : car  dans 
un  quartier  comme  celui-ci , oàil  n’y 
a que  dés  gueux  , c’efl  grandeur  que 


(9)  CéicU  4u caùict , coiaaio^ 

fin  Jm» 


/ 


* 


t4  L fe  T T R E-  S ■ 

d’aller  au  cabaret.  Tout  le  inonde  n’jT 
peut  aller; 

J’ai  des  divertifièmens  plus  fotides, 
quoiqu’ils  paroilFent  moins  ; je  goûte 
tous  les  plaifîrs  dè  la  vie  folitaire  : je 
. fuis  tout  feul  » & je  n’entens  pas  le 
^moindre  bruit  : il  eu  vrai  que  le  vent 
f en  fait  beaucoup,  & même  jufqu’à  faU 
I re  trembler  la  maifon  j mais  il  y a un 
* Poète  qui  dit  : 

P quàm-jucundum  efi  recubantem  andire 
' fufurios 

yentorum  , Sc  fonmos  imbre  juvante  » 
fequil 

» • • 

4 

Ainii,n  je  vouIois,je  tirerois  ce  vent  à 
non  aA^antage  ; mais  je  vous  aflÛre 
qu’il  m’empêche  de  dormir  toute  la 
nuit , & je  crois  que  le  Poète  vouloit 
parler  de  cea  Zepbirs  i^atteurs  ^ 

‘ -4  ■ 

: Che  debattendo  Fali 
Lufingano  il  fonno  demortali. 

* 4 * - 

" 9 * 

Je  lis  des  Vers , je  tâche  d’en  faire;  je 
lis  les  aventures  del’Ariolle,  &jene 
iÇiia  pas  mo>roême  fansRventure.Uoe 
l)ame  me  prit  hier  pour  un  Sei^tikU 


OK  RaCIMI.  Z5 
Venez  me  voir,  nous  irons  au  cabaret 
enfêmble  ; on  vous  prendra  pour  uqi 
Commiilaire  y & nous  ferons  trembler  - 
tout  Je  quartier,  faites  ce  que  vous 
voudrez , mais  ne  faites  rien  par  pitié, 
car  je  ne  vous  en  demanoe  pas  le 
moins  du  monde. 


AU  MESME. 

VOas  vous  êtes&ic,  Monfieur,  un 
terrible  ennenii.  M.  de  la  Charles 
commença  hier  contre  vous  une  ha*  « 
Tangue  qui  ne  finira  qu'avec  fa  vie , fi  l 
vous  n’y  donnez  ordre , & que  vous  1 
ne  lui  fermiez  la  bouche , par  une  Let*  ’ 
tre  d’excufes  , qui  falle  le  même  effet 
que  cette  miche  dont  Enée  remplit  1| 
triple  gueule  de  Cerbere.  Pour  moi  dés 
que  je  Je  vis  commencer , je  n’âtten- 
dis  pas  que  l’exorde  de  la  Harangue  ^ 
fût  fini  ; je  crus  que  le  feul  parti  que  je 
devois  prendre,c’étoît  de  m’enfuïr,  eü 
difant , MonÇinrM  raifcn . pour  ne  pat 
tomber  dans  cet  inconvénient  où  mé 


L B T T s B « 

rfettftMitrefaM  ledur  elTai  de  fa  mear« 
prière  éloquence. 

à l’Hôtel  de  Babylone  q|uand 
M.  l’Avocat  y apporta  vos  Leures. 
Mademoifellé  Vitart  lifant  que  vous 
alliea  prendre  les  eaux  de  Bourbon , ne 
pût  s’empêcher  de  crier  comme  fi 
vpus  étiez  déjà  mort.  Blledit  cela  avec 
' chaleur  : M.  Vitart  s’en  appergût , prie 
la  Lettre  » & après  s’être  frotté  les 
yeux. 

« 

.Trevolto , 8c  quatre  e fei  leflè  lo  feritta. 

* *'  * ^ . 
Et  ayant  regardé  enfuite  Mademoi* 
feUe  Vitart  » il  fui  demanda  «m  H cigli» 
fermunte  marcittyCQ  qiie  tout  cela  vou> 
Joit  dire;  elle  fut  obligée  de  fur  dire 
quelques  mots  à rbreilfe,  quejen’en- 
tendis  pas. 

Mais  je  fais  réfiexion  que  je  ne  vous 
parle  point  de  votre  Boëfîe  ; j’ai  tort , 
je  l’avoué' , & je  devrois  confidérec 

au’étant  devenu  Pofte  , vous  êtes 
evenu  fans  doute  impatient  c’éfi 
une  qualité  inféparabfe  des  Poètes, 
aulTi  bien  que  des  Amoureux  , qui 
Veulent  qu'on  laifie  toutes  chofes  , 

pour  ne  leur  parler  ^delcûrpafiion 


»B  Racine.  17 
& de  leurs  ouvrages.  ( i ) Je  oe  vous 

Earlerû  point  de  votre  amour  : ou 
omme  auili  délicat  que  vous  ne  fau- 
Toit  manquer  d’avoir  fait  un  beau 
choix  » & je  fuis  perfuadé  que  votre  ' 
Belle  mérite  les  adorations  de  tous  tant  > 


que  nous  fommes , puifque  vous  l’avez 
jugée  digne  des  vôtres , jufqu’à  deve> 
nir  Poëte  pour  elle.  Cela  me  confirme 
de  plus  en  plus  que  l’amour  efi  celui  de 
tous  les  Dieux  qui  fait  mieux  le  che* 
xnin  du  ParnalTe.  Avec  im  G bon  eon> 


duâeur  vous  n’avez  garde  de  mao* 
quer  d’y  être  bien  reçû  : d’ailleurs. 
Jes  Mules  vous  connoiiToient  déjà  de 
.reptKattoB , & fachant  que  vous  étiez  ^ 
bien  venu  parmi  toutes  les  Dames , U î 


ne  faut  point  douter  qu’elles  ne  vous 
ayenc  fait  Je  plus  obligeant  accpêil  du 
inonde. 


Vtque  viro  Phebi  cRorus  aflitrrexerït  omnîr. 

Us  ne ibnt  pas  (eulement  amoureux , la 
juftefle  y eft  to.oteentiere.Néanmoins 
fi  j’ofe  vous  dire  mon  fentiment  fur 


^ • fie  û âiffdc  k ^Uifaa(jC« 


if  Lettres 
deuE  6a  trois  mots , celui  de  nJiîtùjt 
eft  un  peu  trop  antique  pour  un  homr 
me  tout  frais  fortidu  Parnafle  : j’aii> 
rois  tâché  de  mettre  impérieiHe- , on 
* quelque  autre  root..  J’aürois  auflit  re^ 
tranché  ces  deux  Vers , Ainfifi emmêr 
ima  t & le  fuivant;  ou  je  leur  aurois- 
donné  un  fens , cor  il  me  lèmblequ’il9 
n'en  ont  point. 

Vous  m’accuferez  peut-être  de.' 
trop  d-inhumanité de  traiter  fi  rude^- 
ment  les  fils  aînés  de  votre  Mule  & de 
votre  Amour  je  ne  veux  pt»  dire  les- 
fils  uniques  : la  Mufe  & rÂmour  n'én^ 
demeuréront  pas  là  ; mais  au  moinsce- 
la  vous  doit  faire  voir  réciproquemene 
f eue  je  n*ai  rien  de  caché  pour  vous  ^ 
I & que  ce  n’efi  point  par  flatterie  que 
' je  vous  loué  » puif^ue  jè  prens  là  liber- 
té de  vous  cenfurer.  Seito  etm 
Jiem  f ^ loHdkbhHrmMximè.E^i  eiFeC 
quand  une  chofé  ne  vaut  rie«>«^ 
alors  qu’on  la  lôuë  détnéluréroent 
& qu’on  n’y  trouve  rien  à redirei  parce 
que  tout  y efi:  également  à blâmer,  fi 
n’en  eft  pasde  même  de  vos  Vers , ilv 
font  auffi  naturels  qu’on  le  peut  defi- 
rer , & vous  ne  devez  pas  plaindre  le 
fang  qu’ils  vous  ont  coûté.  Ne'vous 


»•  E R A C I K E.  15*’ 
amafez  pas  pourtant  à VOUS  épuifer  les  I - 
▼eines  , pour  continuer  à faire  | 
Vers  > ( I )-C  ce  n’eft  qu’à  l’exerople 
de  la  femme  de  Seneque  , vous  ne 
vouliez  témoigner  la  grandeur  de  vo- 
tre amour  ; mais  je  ne  crois  pas  que  le» 
beaux  yeux  qui  vous  ont  blefifé , foient 
fi  fanguinaires , & queces  marques  de 
votre  amour  lui  foient  plus  agréable», 
qu’une  fanté  forte  &robulle. 

M.  du  Chêne  efï  votre  fervitew. , 

M.  d’Houy  eft  ivre,  tant  je  lurai  fait^ 
boire  de  fantés  : & moi  je  fuis  tout  à ' 
vous. 


f t ) On  ?oît  pat  plaficurè  tiaits , tépandus  datia^M. 
-XÀlK»«  ^ cew  éciivoit  dtok  nétailkaf. 


! 


90 


S T T R B S 


\ 


AU  M E S M E»,  , . 

< l * 

ji Parts fei.jM/niéSii  . . 

^ N • ' . ' • t f » 

ï I 

M. rAyocat vient 4è  m'apporteit 
une  de  vos  Lettres  >.&  veut  ab- 
folument  que  nous  fo3fens  réconciliés 
tenfemble  : je  gagne  trop  à cette  réa* 
jnion  pour  m’y  oppofer.  Aufli  bien 
comme  les  choies  imparfaites  récber» 
chent  naturelTement  de  fé  joindre  avec 
les  plus  parfaites , je  fèrois  un  monf> 
tre  dans  la  nature  , fi  étant  crasse  ( i ) 
comme  je  fuis,  ^refiifois  de  me  join- 
dre Sc  de  m’attacher  au  folide  , tandis 
que  ce  même  folide  tâdie  d’attirer  k 
lui  ce  même  creux , 

t 

Qyod  quoniam  périeaecpieat  coaitare^ae» 
eeflè  eft  “ 

Hærere. 

CefI  de  Locreceqn*efî  cette  maxime  ; 


fl)  Ces  plaiTanterics  (ur  le  mot  de  cr«Hx  roulent  Aie 
ce  que  vocat  avoit  toujours  ce  mot  k la  boacUes 
four  4in  matjie , fdvolc^  icct 


'Rieurs.  s't 
& c'en:  dç  lui  que  j’ai  appris  qu'il  fàlo 
k>it  me  réunir  avec  M.  l'Avocat.  Et  H 
&UC  bien  que  vous  l’ayez  lûaofli  »car 
il  irç  fetnble  que  la  léme  que  vous 
stvez  écrite  à ce  grand  partifan  du  foli> 
de  , eft  toute  pifeine  des  maximes  de 
Aton  Auteur.  Il  dit  ^ounmq  vous  qu’â 
ne  faut  pàs  que  tout  foit  tellement  fo> 
lidç  31  qu'il  n’y  ait  un  peu  de  creux  par* 
ihLnôus.' 

ê 

Dec  tamenunâiqne  corporel  fBpata  teneor 
tut 

Onmiaàatutâ  y namque  efiin  tebus inane. 

Mais  fortons  de  cette  matière  « qui 
elle-même  eft  trop  iblide , & mêlons* 
y un  peu  de  notre  creux. 

. Avouez , M.  que  vous  êtes  pris , & 
que  vous  laiflèrez  votre  pauvre  cœur  à 
Bourbon.  Je  vois  bten  que  ces  eaux  ont 
la  même  force  que  ces  fameufes  eaux 
de  Bayes  : c’eft  un  lac  célèbre  én  Ita* 
lie  » . quapd  B -ne  le  ferok  que  par  les 
loQanges.d!HDracey  & des  autres  Poë* 
tes  Latins.  On  y alloit  en  ce  tems., 
peut-être  y va-t’on  encore  , comme 
vos  TeralBables  vont  à Bourbon  & à 
Forges.  Ces  eaux  font  chaudes  com* 


» 

îta  L £ T T II  IS  § 

me  lesvôtres , & il  y a Autetir  qui 
rapporte  une  plaifante  raifon.  Je 
voudrois,  pour  votre  fatisfa£lion,  que 
^et  Auteur  fût  ,ou  Italien,  ou  Efpa* 
^nol  ; mais  la  deftinée  a voulu  encore 

3 lie  célui:ci  fût  Latin.  11  parle  donc 
U lac  de  Bayes , ^8c  voici  ce  qu*il  ea 
dit  à peu  près. 

C’eft  là  Tiii^vec  le  Dieu  d^amoux 
Venus  fe  prosnenoit  un  jour. 

En£n  fe  trouvant  un  peu 
Elle  s’ai&t  fur  le^azon  : 

Mais  ce  mauvais  petit  garçon 
Qui  ne  peut  fe  tenir  en  place  , 

Lui  répondit  t C’a  votre  grâce , 

Je  ne  fuis  point  las  comme  vous. 
Venus  fe  mettant  en  courroux , 

Lui  dit  : Fripon , vous  aurez  fur  la  joue. 

Il  fallut  donc  qu’il  filât  doux , 

. Et  vint  s’afl*eoir  à fes  genoux. 
Cependant  tous  fes  petits  freres  ; 

Les  Amours  qu*on  nomme  vulgaires^ 
Peuple  qu’on  ne  fàuroit  nombres , 
Paflbient  le  tems  à folâtrer. 

« 

X 

Ce  feroît  le  perdre  à crddk  que  n’a* 
inufer  à vous  faire  le  détail  de  tous 
leurs  jeux  : vous  vous  ima^inex  bieii 


D « R * C î IT  «.  «3 

quels  peuvent  être  les  pafle^tems  d’u- 
ne troupe  d’enfans  qui  font  abandon- 
nés à leur  caprice. 

yoa$  jugez1>ien  auffi  que  les  Jeux  IBc  lesBisÿ' 
Dont  Vàius  ^t&s  fitvoris-,' 

Et  qui  gouvernent  fon  emplie^ 

He  naanquoient  pasée  jouet  éc  de  rite.' 


A M.  DE  LA  FONTAINE. 


^!AVfex.Uii.NoveviBre  i66i.  {ï) 

a 

J*  Ai  bien  VU  du  pays  8c  fai  bien  voyagé 

Deptiisque  de  vos  yeux  les  miens  prirent 
congé. 


Mais  toot  céi  ne  ni*a  pas  empêché  de 
fongertolHours  autant  à vous,  que  je 
j&ifois  torique  nous  nous  voyions  tous 
les  jours. 


(i)  Le  VOICI  arrivé  en  Languedoc  s d’oà  (a  premieit 
X^ttre  eft  «didlée  à la  Foottine.  -Il  lui  en  avoit  uns  don« 
te  édite  p'aficmt  autres  , mais^on  ne  les  » pas  trouvées. 
X*£diteiir  des  Oeuvres  pofthumes  de  la  Fonuioe , quiy 
a infetéceile-ci  » dit  «f^on  voit  bien  qa*clle  eft  de  (à  fe^ 
Bdlèj  mais  que  de  lut  tout  eft  précieux  pour  le  public. 
J*en  retiancbe  cependant  quelques  enoioits  qui  ùmn 
Macilcf« 


' L E T T k Ë I ■ * 

4 

Avant  qif  une  fievre  importune 
Nous  fît  courir  même  fortune , 

Et  nous  mit  chacun  en  danger 

De  ne  plus  jamais  voyager. 

* . ^ * 

''Je  ne  fais  pas  fous  queHe  conftellatîon 
je  vous  écris' pnêfêntement,  mais  je 
vous  aiBüre  que  je  h’ai  point  encore 
fait  tant  de  Vers  depuis  ma  maladie. 
Je  croyois  même  en  avoir  tout-à-faic 
'oublié  le  métier.  Seroit-il  poflîble  que 
les  Mufes  euiTent  plus  d’empire  en  ce 
pays , que  fur  les  rives  de  la  Seine  ? 
^ous  le  reconnoîtrotir  dans  la  fuite. 
Cependant  je  .commencerai  à vous 
dire  én  orofe . que  mon  voyage  a été 
plus  heureux  que  je  ne  penfois.  Notre 
comi^gnie  étcntgaïe;  nous  étions  au 
nomo^re  de  neuf  ou  dix.  Je  ne  manquois 
pas  tous  le  foirs  de  prendre  le  galop 
devant  les  autres  pour  aller  retenir 
mon  lit , ainfl  j’ai  toujours  été  bien 
couchéj  & quand  jefuisarrivé  àLyon, 
je  ne  me  fuis  (ieoti  non  pkis  fatigué , 
que  fi  dù  quartier  de  Sainte  Gene- 
viève , j’avois  été  à celui  de  la  rué 
■Galande. 

A Lyon  je  ne  fuis  reAé  que  detn 

jo“»s 


V 


D'ï"  R â c î k’ e;  ijf 
f oers , & je  ra’embai’qàai  fur  le  Rhône 
avec  deux  Moufquetaîres'.  Nouscou* 
châmes  à Vienne  & à Valence.  J’a- 
vois  commencé  dès  Lyon  à ne  plus 
gaère  entendre  le  langage  du  pays  » 

& à n’ôtre  pins  intelligible  moi*mé« 
me  : ce.  malheur  s’accrut  à Valence  » 

^ Dieu  voulut  qu’ayant  demandé  à 
^ne  Servante  un  pot-de-chambre , elle 
mit  un  réchaut  fous  mon  lit.  Vous 
pouvez  vous  imaginer  les  fuites  de  ' 
cette  maudite  aventure , & ce  qui  peut . . 
arriver  à un  homme  endormi  qui  (è 
fert  d’un  réchauc.  Mais  c’efl;  encore 
bien  pis  dans  ce  pays. , Je  vous  jure 
que  i’ai  autant  befoin  d’un  interprette» 
qu’un  Mofcovite  en  auroit  befoindans 
Paris.  Néanmoms  je  commence  à 
m’apercevoir  que  c’eft  un  langage, 
mêlé  d’Eipagnol  & d’Italien  > ât  corn* 
me  j’entens  aifez  bien  Ces  deux  lan>. 
gués , j’y  ai  quelquefois  recours  pour 
entendre  les  autres , & pour  me  faire 
entendre.  Mais  il  arrive  fouvenc  que 
je  perds  toutes  mes  mefures , comme 
Il  arriva  hier  qu’avant  befoin  de  petits 
clous  à broquette  pour  ajufter  ma 
chambre , j’envoyai  le  valet  de  mon 
oncle  en  ville , pc  lui  dis  de  m’achetr 
T»m  /.  R 


r 


^ f I»  f T *.  * • 

isrdemrou  crois  ceos  de  bro^nettei'p 
î il  m’apporta  incoatiseat  ^crois  bottes 
f^d'alumecces. 

^ ÂH  refte  pour  la  fîtuation  d’UfeZf 
^ous  iaurez  qu’elle  eft  fiir  une  mon* 
t^gnefort  haute , & cette  montagne 
p’eft  qu’pn  rocher  continue},  fî  bien 
^u’en  quelque  tems  qu’H  fafle  ,*on  peut 
aller  à pied  fec  tout  autour  de  la  ville^ 
Æ^s  campagnes  qui  l’environnent  foni 
toutes  couvertes  d’oliviers,  qui  por>* 
^ent  les  plus  belles  olives  du  monde , 
mais  bien  trompeufes,  car  j’y  ai  été 
attrapé  moi>même.  Je  voulus  en  cueil- 
iir  quelques-unes  au  premier  olit^er 
•que je  rencontrai , & je  les  mis  dans 
ma  bouche javec  le  plus  grand  apetk 

2u’on  puifle  avoir,*  mais  Dieu  me  pre> 
;rve  de  fentir  jamais  une  amertume 
• pareille  à celle  que  je  fentis^  j’en  eus 
' la  bouche  toute  perdue  plus  de  quatre 
lieures  durant & l’on  m’a  apris  de* 
puis  qu’il  falloit  bien  des  lelSves  & des 
4!érém<mies  pour  rendre  les  olives  dou* 
ces.  comme  on  les  mange.  . L’huile 
qu’on  en  tire  fert  ici  de  heure  , & 
j’apinrehendois  bien  ce  changement  ; 
mais  j’en  ai  goûté  ai^ourd’hui  dan^ 

jjlesiàul&s,&  lansmejuiril  n’y  a nea 


SB  Raciitb.  ty 

<3emeilleur.  On  fent  bienmoiosrhui* 
le , qu’on  ne  iendroic  le  meilleur  be^- 
re  de  France.  Mais  c’eft  aflèz  vous 
parler  d’huile , & vous  pourrez  me 
reprocher  plus  juflemenc  qu’on  ne 
faifok  à un  ancien  Orateur , que  mes 
ouvrages  fentent  trop  l’huile. 

Je  ne  faurois  m’empêcher  de  vous 
dire  un  mot  des  Beautés  de  cette  pro- 
vince. Si  le  pays  avoit  un  peu  plus 
de  délicatelTe , & que  les  rochers  y 
fuûent  un  peu  moins  fréquens , on  le 
prendroit  pour  un  vrai  pays  de  Cythe- 
re.  Toutes  les  femmes  y (ont  éclatan- 
tes , &.  s’y  ajuftent  d’une  façon  qui 
leur  eft  la  plus  naturelle  du  monde. 
Mais  comme  c’eft  la  première  choie 
dont  on  m’a  dit  de  me  donner  de 
’ garde , je  ne  veux  pas  en  parler  da- 
vantage ; aufli  bien  ce  feroit  profaner-^ 
une  maifon  de  Bénéficier  comme  cel- 
le oh  je  fuis , que  d’y  faire  de  longs 
difcours  fur  cette  matière.  Dot/m  mes 
imutt  erstinüt.  C’efl;  pourquoi  vous 
devez  vous  attendre  que  je  ne  vous 
en  parlerai  plus  du  tout.  On  m’a  dit  : 
Soyez  aveugle  ; (i  je  ne  le  puis  être 
tout-à-fait,  il  faut  du  moins  que  je 
fois  muec.  Car , voyez-vous , il  faut 

B % 


A g L'  B !(•  T R E s V 

fétrerë^Heravec  les  Réguliers,  (A 
f comme  j’ai  été  loup  avec  vous , <x 
(I  avec  les  autres  loups  vos  comperes. 
. Adieufîas.  ' 


A.  M.  V I T A R T. 

« 

■ ’jl  Vffz.U  15  iJwmbre  i6<îi. 

ILy  a aujourd’hui  huit  jours  que  je 
partis  du  Pont  âaint-Efpric , & que 
je  vins  à U fez , où  je  fus  repù  de  moQ 
Oncle  avec  toute  forte  d’amitié.  11 
m’a  donné  une  chambre  auprès  de 
jui , & il  prétend  que  je  1^  foulagerai 
'un  peu  dans  le  grand  nombre  de  Tes 
^affaires  ;je  vous  aiTûrequ’ilen  abeau- 
(Cpup.  Non  feulement  il.  fait  toutes 
celles  du  Diocèfe,  mais  il  a même  l’ad* 
jniniftration  de  tous  les  revenus  da 
^Chapitre , jjùfqu’à  ce  qu’liait  payé  80 
jmillè  livres  de  dettes  où  le  Ch^ltre 
Ved  engagé.  Il  s’y  entend  tout*à-fait, 
il  n’y  a point  de  D.  Côme  (2)  dans 

* r I ) 11  cBoic  «hez  Ion  Oncle,  Chanoine  ^'nte 
^encvieve. 

^ (1 } Moine  dont  il  fe  plaint  encore  dans  laiôite  ^ 6c 
iÿà  k txavcrfa  dansla  poatfiûie  d*oa  fidoâicct 


S S R A C I N/E. 

Son  affaire.  Arec  tout  cet  embarras  ^ 
il  a encore  celui  de  faire  bâtir.  If  eli 
fort  fâché  de  ce  que  je  n’ai  point  ap>. 
porté  de  démilloire  : il  m’aurok  déjà, 
mené  à Avignon  pour  y.  prendre  lai 
toniiire , & la  raifon  de  cela  , -eô  que, 
]e  Bénéfice  qui  viendra  ir  va,quer  elt 
à fa  nomination.  Si  vous  pouviez  me. 
faire  avoir  un  démiflbire vous  m’o- 
bligeriez. infiniment  il  faudra  l’enr 
voyer  demander  à Soillons.  Âureflev 
sous  ne  ImlTerons  pas  d’aller  à A vi^ 
gnon , car  mon  Oncle  veut  m’ache». 
ter  des  livres,  & il  veut  que  j’étudie.. 
Je  ne  demande  pas  mieux , & je  vous-, 
ailtire  que  je  s’ai  pas  encore  eû  la 
coriofîté  de  voir  la  ville  d’Ufez,  ni 
quelque  pérfoBne  que  ce  ibk.  11  efb 
bien  aife  que  j’apprenne  un  peu  de 
Théologie  dans  Saint  Thomas  ,('!)&, 
J’en  fuis  tombé  d’accord  fort  volon- 
tiers. Enfin  je  m’accorde  le  plus  aifé- 
ment  du  monde  à tout  ce  qu’il  veut  : 
il  me  témoigne  toutes  les  tendrefles 
poflibles.  11  me  demande  tous  les  jour» 
mon  Ode  ^ la  Paix,  & non-ieule- 


( 1 1 Un  Inné  Poète  devoii  irooeer  cette  leAutetncif 
ikehe  -,  maisUji'Uiiiab9ie  l'ètode. 

B 3 


go  Lettres 
ment  lai , mais  tous  les  Chanoines 
m’en  demandent.  J’avois  négligé  d’en 
apporter  des  exemplaires  : fî  vous 
en  avez  encore , je  vous  prie  d’en  fai- 
re bien  couper  les  marges  & de  me  les 
éiivoyer. 

On  me  fait  ici  force  careflès,  à 
caufe  de  mon  Oncle  ; il  n’y  a pas  un: 
Curé  ni  un  maître  d’école  qui  ne  m’ait 
I fait  le  compliment  gaillard , auquel  je 
' liéTaurois  répondre  que  par  des  reve-' 
rences,  carjen’èntehs  pas  le  François- 
' de  ce  pays-ci , & on  n’y  entend  pas  le 
mien.  Ainfi  je  tire  le  pied  fort  humble- 
ment, & je  dis  quand  tout  eft  fait, 
j(ldioi^4s.  Je  fuis  marri  pourtant  de 
ne  les  point  entendre;  car  fî  je  contP 
nue  à nè  leur  point  répondre  , j’au-: 
rai  bientôt  la  réputation  d’un  inci-, 
vil , bu  d’un  homme  non  lettré.  Je. 
fuis  perdu  fî  cela  efî,  car  en  ce  pays 
les  civilités  font  encore  plus  en  ufage* 
qu’en  Italie.  Je  fuis  épouvanté  tous‘ 
lés  jours  de  voir  des  villageois  pied-’ 
niis,  ou  enfabotés  (ce  mot  doit  bien 
pafler  , a pafîe  )’ 

qui  font  des  révérences  comme  s’ils 
avoient  appris  à danfer  toute  leur  vie  : 
outre  cela  ils  caufent  des  mieux , de 


Ë K M ff  f u t.- 

Ij'efpere  que  l’air-  du  pays  me  va  raf- 
finer de  moitié,  car  je  vous  ailBre 
qu’on  y efl:  fin  & délié.  J*al  cru  qu’iti 
rallok  vous  in  Aruire  de  tout  ce  qui  fe; 
'pafie  ici  : une  autrefois  j’abuferai« 
moins  de  votre  loifir. 


A M,  LE  VASSEÜK. 

# 

jiVfix^le  44.  J9n»ndirri'66T,  ■ 

JE  ne  me  plains  pas  encore  de  vous 
car  je  crois  bien  que  c’eAtoot<an«  . 
plus  fi  vous  ayez  maintenant  reçÏÏ”/ 
aflUTpremiere  Lettre.  Mais  je  ne  vous- 
f répons  pas  qne  dans  huit  jours  je  ne- 
commence  à gronder , fi  je  ne  reçois' 
point  de  vos  nouvelles.  Epargnez» 
‘,xnoi  donc  cette  peine,  je  vous  fup< 

' plie>  & épargnez* vous  à vous-même  ' 
de  grofi*es  injures , que  je  ponrrois* 
bien  vous  dire  dans  ma  mauvaife  hu- 
meur. centemptus  amortnrethUiktk 

J’ai  été*  à Nîmes , & il  faut  que  je 
vous  en  entretienne.  Le  chemin  d'i- 
ci à Nîmes  eA  plus  diabolique  paille 
fois  que  cdui  des  diables  à Nevers  » 

B4 


S>  Lettres 
a la  ruè‘  d'Ënfer , & tels  autres  che*» 
mins  réprouvés  ; mais  la  Ville  eflaf^ 
incrément  aufll  belle , & aufii  ftlidt-  ^ 
comme  on  dit  ici,  qu’il  y en  ait  dans 
le  Royaume.  11  n-^  -a  point  de  diver- 
tiflemens  qui  ne  s'y  trouvent. 

Suoni , canti , veflir.,  givochi,  vivande , 
jQuantopuè  cor  pcniàr,  puè  chiéder  bocca< 

« 

J’allai  voir  le  feu  de  joîe , qu’un  hom- 
me de  ma  connoilTance  avoit  entre- 
pris.LesJéfuitesavoient  fourni  les  de* 
vifes , qui  ne  valdient  rien  du  tout  r 
ôtez  cela,  tout  alloit  bien.  Maisje> 

I n’y  ai  pas  pris  alTez  bien  garde,  pour- 
vous  en  faire  le  détail  : j’étois  détour-^ 
né  par  d’autres  fpeâacles.  II  y avoic-f 
tout  autour  de  moi  des  vifages  qu’on 
voyoit  à la  lueur  des  fufées , & dont 
vous  auriez  bien  eû  autant  de  peine  ^ 
à vous  défendre  que  j’en  avois.  Il  n’y 
en  avoit  pas  une  à qui  vous  n’eufTiez 
bien  voulu  dire  ce  Compliment  d’un 
galand  du  temsde  Néron  : Neftfiidûu 
hmittem  peregrinitm  inter  atltores  ttut 
admitttere  : inventes  religioftm  ,fite  ndo» . 
rari  fermiferis.  Mais  pour  moi  je  n’a*, 
vois  garde  d'y  penfer , je  ne  les  regar-^ 


DE  Racine.  93 
dois  pas  même  en  Tûreté,  (1)  j'ëtois 
en  la  compagnie  d’un  R.  Pere  de  ce 
Chapitre , qui  n’aimoic  point  fort  à rire.. 

E parea-pitieb  alcun  fpflê  mai  fiato 
Di  conlcienza  icrupulofa  è fchiira. 

It  falloir  être  fage  avec  lui , ou  da 
moins  le  faire.  Voilà  ce  que  vous  au* 
rieEtrouvéde  beau  dans  Nîmes  ;mais 
j'y  trouvai  encore  d’autres  chofes  qui 
sne  plurent  fort , fur  tout  les  Â rênes. 

C’efl  un  grgnd  Amphithéâtre  un 
peu  en  ovale , tout  bâti  dé'  prodigieu- 
Ms  pierres  longues  de  deux  toifesy^ 
qui  fe  tiennent  là  depuis  plusdefeize; 
' çens  ans  fans  mortier , & par  leur  feu* 
^le  pefànteur.  Il  ell  tout  ouverten.de* 
hors  par  de  ^andes  arcades  ^ <Sç  en. 
dedans  ce  ne  font  autour  que  de  grands- 
lièges  où  tout  le  peuple  s’alleyoit  pour 
voir  lès  ctunbats  des  bêtes , & des 
g.Iadiateurs  ; mais  c’ell  allez  vous 
parler  de . P^mes  & de  fes  raretés..' 
Peut-être'  même  trouverez-  vous  quet 


f 1)  pra6eoit traits  lipandut  dans  ces  Lettres  font 
gkyllétoUdwiâjcuntflfe^férc  dC'toajmiii» 

B'5 


g4  Lettres 
j’en  a!  trop  dit  ; mais  de  quoi  tou> 
lez- vous  que  je  vous  entretienne  ? De 
«vous  dire  qu’il  fait  ici  le  plus  beau 
; tems  du  monde  : vous  ne  vous  en. 
I mettez  guère  en  peihe.  De  vous  dire 
qu’on  doit  cette  femaine  créer  des 
Confuls  : cela  vous  touche  fort  peu. 
Cependant  c’efl  une  belle  chofe  de 
voir  le  compere  Cardeur , & le  Me- 
nufOer  Gaillard  avec  la  robbe  rouge , 
comme  un  Préfident , donnèr  des  Ar- 
rêts, & aller  les  premiers  à î’dfFran-' 
de.  Vous  ne  voyez  pas  cela  à Paris. 

A propos  de  Confuls , il  faut  que 
je  vous  parle  d’un  Echevin  de  Lyon, 

3ui  doit  l’emporter  fur  les  plus  fameux 
ifeurs  decolibets.  Je  l’allai  voir  pour' 
' avoir  uii  billet  de  fortie  ; car  fans  bil- 
let les  chaînes  du  Rhône  ne  fe  lèvent' 
point.  Il  me  fit  mes  dépêches  fort  gra-' 
vement  ; & après,  quittant  un  peu' 
cette  gravité  magifirale  qu’on  doit 
gvder  en  donnant  de  télles  Ordon- 
nances, il  me  .demanda,  Qutd  novil 
iitu  de  V affairé  Î£  jingleterre  7 Jé 

■ répondis  qu’on  ne  favoic  pas  encore 
quoi  le  Roi  fe  réfoudroit.  ^ fi/re 
ta  guerre  f dit-il,  C4urU  tte/ipaspareitt- 
du  Fere  Seuffranf,  Je  fia  bien  paroîtrèr 


D B Racine.  35 

2ue'je  ne  l’étois  pas  non-plus  ; je  lui 
s la  révérence , & le  regardai  avec 
un  fîroid  qui  montroic  bien  la  rage  o& 
j*étois  de  voir  un  grand  quolibetier  I 
ifnponi.  Je  n^ai  pas  voulu  en  enrager  f. 
toat  leul , j’ai  voulu  que  vous  me  tinl^  r 
fiez  compagnie  , & c’efi  pourqüi  je 
TOUS  fais  part  de  cette  marauderie. 
Énragez-donc , âc  fi  vous  ne  trouvez 
point  de  termés  aflez  forts  pour  f^rru 
des  imprécations^  dites  avec  l’ëm»' 
phatîüe  Brébeüf  > - 

A qui , Dieux  tout-puiflauS)  qui  gouverner^ 
la  terre , 

A quitdetyez-vous  les  éclats  du  tonnerre  t ' 

• 4 

Si  vous  ne  vous  hâtez  de  m’écrire  , je*r 
TOUS  ferai  enrager  encore  par  de  fem-^ 
blables  nouvelles.  Adieu.^ 


A MADEMOISELLE  VITART, 

^ V/fZ  Iriô.  Decmbrt  166t.  ■' 

JE  penfois  bien  me  donner  Thon* 
neor  de  .voys  écrire , il  y z huit 
Jeu»,  fiiais-iline  fnt-impomblede  lz 

B6 


U t,  T T R B « ■ 

faire  ; je  ne  fais  pas  même  fî  j’en  poor*. 
rai  tenir  à bouc  aujourd’hui.  Vous 
faurez , s’il  vous  plaît , que  ce  n’eft 
pas  à préfent  une  petite  affaire  pour 
moi  que  de  vous  écrire.  Il  a été  ua 
tems  que  je  le  faifois  allez  exaêle* 
ment,  & il  ne  me  falloit  pas  beaucoup, 
de  tems  pour  faire  une  Lettre  affet 
pallable  ; mais  ce  tems*li  efl:  paffé 
pour  moi.  Il  me  &ut  fuer  fang  & eau 
pour  faire  quelque  cbofe  qui  mérite, 
de  vous  l’adrefler , encore  fera-ce  ua 
grand  hazard  li  j’y  réuflis.  La  raifon 
de  cela  ell  que  je  fuis  un  peu  plus 
éloigné  de  vous  que  je  n’étois  lors. 
Quand  je  fongeois  feulement  que  je 
n^étois  qu’à  quatorze  ou  quinze  lieuè's 
dé  vous , cela  me  mettoit  en  train  , 
& c’étoit  bien  autre  chofe  quand  je 
vous  voyois  en  perfonne.  C’étoit. 
alors  que  les  paroles  ne  me  coutoienc 
rien,  & que  je  eau  fois  d’affez  bon 
cœur  ; aulieu  qu’aujourd’hui  je  ne 
vous  vois  qu’en  idée,  & quoique  jé 
fonge  affez  fortemept  à vous je  ne 
faurois  pourtant  empêcher  qu’il  n’y 
ait  150  lieuësentre  vous  & votre  idée. 
iVinfi  il  m’elt  un  peu  plus  difficile  de . 
m’échauffer,  & quand. 

A 


s 

I 


i>i|  Ricin  fe.  37 
fêroieoc  aflez  heureufes  pour  voui 
plaire,  que  me  fert  cela  ? J’atmeroisf 
mieux  recevoir  un  fbufilet,  ou  on  coup  I 
de  poing  de  vous,  (i)  comme  celar 
m'étoic  affez  ordinaire,  qu’un  grand-; 
merci  qui  viendroit  de  fi  loin.  i\prés* 
tout  il  vous  faut  écrire , & il  en  faut 
revenir  là  ; mais  que  vous  mander  ? 
Sans  mentir , je  n*en  fais  rien  pour 
le  préfent.  Faites-moi  une  grâce , don- 
nez-moi tems  jufqu’au  premier  ordi- 
naire pour  y fonger , & je  vous  pro- 
mets de  faire  merveille  ; j’y  travail- 
lerai plutôt  jour  & huit.  Aulfi  bien 
vous  avez  plufieurs  affaires  ; vous 
avez  à préparer  le  logis  au  Saint  E& 
prit , (27  qui  doit  venir  dans  huit  jours 
à.  l’Hôtel  de  Luyhes  ; travaillei^-donc 
à le  recevoir  cohime  il  mérite , ôc 
moi  je  travaillerai  à vous  écriré  com-' , 
me  vous  méritez.  Comme  ce  n’eft 
pas  une  petite  entrepriiè , vous  trou- 
verez bon  que  je  m’y  préparé  avec* 
tm  peu  plus  de  loifir.  Ne  foyez  point; 
rn  rp  j’ai  tant  tardé  à' 

m’acquitter  de  ce  que  je  vous  dois.- 


(1)  Mjàdeniotfelle  Yuan  écoit  ft  COofinCa 

. i.»  ÎM.lannitQlÊCwnfk, . i\  : 


38:  if  * T T B..  i s» 

Ceft  bien  aflez  qae  je  fois  fi  loin  de 
votre  préfence,  fans  me  bannir  eii' 
eore  de  votre  efprit. 


AM.  LE  VASSEUR. 

'A  Vfex.le  i8.  Décmlve  i66u . 

D ieu  merci , voici  de  vos  lettres.. 

Que  vous  en  êtes  devenu  grand 
I ménager  ! J’ai  vÛ  que  vous  étiez  libé- 
ral,& il  nefe  paflbit  guèrede  fomaines, 
forfque  vous  étiez  à Bourbon^que  voua 
ne  m’écrivifiiez  une  fois  ou  deux , & 
i|00  feulement  à moi , mais  à des  gêna 
même  à qui  vous  n’aviez  prefque  ja- 
mais parlé , tant  lés  Lettres  vous  cpu« 
toient  peu.  Maintenant  elles  font  plus 
dair-femées , & c’dt  beaucoup  d’en- 
recevoir  une  en  deux  mois.  J’étois  très 
en  peine  de  ce  changement , âi  j’en- 
rageois  de  voir  qu'une  fi  belle  .amitié 
feiût  mnfi  évanouie-»  en  dtxtrA 
m’éçriois-je , 

à 

cor  pien  cU  foQnr  parea  un  MongibeSop 

Lon  qu^heurêofemeiK  voa» -Letura 


; D ïj  R A c I N E.  39 
m*e(t  venu  tirer- de  toutes  cès  inquië-' 
tildes , & m’aapris  que  ia  raifon  pour- 
quoi vous  ne  m’écriviez  pas  , c’eft 
que  mes  Lettres  étoienc  trop  belles, 
v^u’à  cela  ne'  tienne  , Moiifieur , H' 
me  fera  fort  aifé  d’y  remédier  ; &’ 
il  m’eÛ:  fî  naturel  de  faire  de  mé- 
chantes Lettres  , que  j’efpere , avec 
la  grâce  -de  Dieu  , venir  bientôt  à' 
bout  de  n’en  faire  pas  de  trop  belles. 
Vous  n’aurez  pas  fujet  de  vous  plain- 
dre à l’avenir  , & j*atcens  dès*à»pré^ 
lent  des  féponfes  par  tous  les  ordi- 
naires.Mais'pàrlonsplusferieufem^nt; 
avouez  que  tout  au  contraire  , vous 
croyez  les  vôtres'  trop  belles  , pour 
être  fî  facilement  communiquées  à d^ 
pauvres  Provinciaux  comme  nous.* 
Vous  avez  raifon  , fans  doute  , Sà 
ê’eft  ce  qui  me  fâche  le  plus  ^ car’ 
il  ne  vous  efî  pas  aifé  , comme  à- 
moi,  de  faire  de  mauvaifes  Lettres 
& ainfîje  fuk  fort  eh  dihger  den’ed^ 
guère  recevoir.  ' - - - 

. Apté»Mitt('iÂ790fi*  fîMsies.  k naAi 
niere  dont  je  les  reçois , vous  verriez 
qu’ellea  ne  font  pas  profanées  pour 
tpmber  entre' mes  mains  ; car  outré 
que  je  les  reçois  avec  conte  1»  véné<* 


40  -L  E T T-ft  s s 

T?iùoïï  que  méritent  les  belles  ehofes» 
c’eft  qu’elles  ne  demeurent  pas  long.* 
tems , & elles  ont  le  vice  dont  vous 
accufez  les  miennes  injultement 
eft  de  courir  les  rues  : & vous  diriez 
qu’en  venant  en  Languedoc , elles  le 
veulent  accommoder  à l’air  du  pays  i 
elles  fe  communiquent  à tout  le  mon* 
de  , & ne  craignent  point  la  médi* 
lance  : auffi  favent-teHes  bien  qu’elles 
en  font  à couvert  : chacun  les  veut 
voir  ÿ & on  ne  les  Ut  pas  tant  pour 
«prendre  ' des  nouvelles  , que  poos 
fvoir  la  façon  donc  vous  les  favez 
débiter. 

. ContinueZ'donc , s’il  vous  plaît  » oa 
plûtôt  commencez  tout  de  bon  à.  m’é? 
crire  , ^und  ce  ne  lêroit  q.ue  par 
charité,  je  fuis  en  danger,  d’oublier 
bientôt  le  peu  de  françois  qjue  je  fais  i 
je  le  défaprens  tous  les  jours , & je 
ne  parle  tantôt  plus  que  le  langage  dé 
de  pays  , qui  elt  aulB  peu  François 
que  le  bas  Breton.  ( i j . 


'Cl)  Ccsphinte$»rexaélitudede  Toitographe  decct 
Lcttici  écrites  Ma  bâte , les  coups  de  ftajton  qu’mon  trou** 
^ede  lui  Tur  les  ^cipar^ues  8e  le  (^inte-Cuice  de  Vau- 

Scias , prouvent  combien  U a?ôicà  cœiudeldclip«fflF« 


t 


SB  R .A  C;  I N E.  41 

Jpfè  mihi  ▼ideorjam  dediciflè  Latlnè', 

Nam  didici  Geticè  Sarmatkèque  loqui. 

J’si  cm  qii’Ovide  vous  fiufoit  pitié 
quand  vous  fondez  qu’un  Ir  galant 
oonvise  que  lui . étoit  obligé  à-  parler. 
Scythe,  lorfqu’il  étoit  relégué  parmi 
ces  barbares  : cependant  il  s’en  faut 
beaucoup  qu’il  fut  fi  à plaindre  quer 
moi.  Ovide'  polTédoii  fî  bien  toute 
l’élégance  Romaine  j.qu’^ae.lapou-; 
voit  iamais  oublier  ; ài  qnand’ii.  feroit, 
revenu  à Rome  après  un  exil  de  vingt, 
années  , il  auroit  toûjours  fait  taire 
les  plus  beaux  efprits  de  la  Cour  .d’Au- 
gttile  : au  lieu  quçr^n’ayant  qu’unçt 
petite  teinture  du  bon-  ^rançois^^'^ 
fois  en  danger  de  tout  perdret^pni  j 
moins  de  fix  mois  , & de  n’être  plua 
intelligible  fi  je  reviens  jamais  h 
ris.  Quel  plaiiir  aurez  * vous  quand  je 
lèrai  devenu  .le  plusgrand  payfan.du 
monde  î Vous  ferez  bien  mieux  de 
m’entretenir  un  peu  dans  le  langage 
qu'on  parle  à Paris  : vos  Lettres  me 
tiendrontlieu  de  livres.&  d’Académie. 

Mais  à propos  d’Académie  , que 
le  pauvre  Pelifibn  eft  à plaindre  , Sc 
que  la  Conciergerie  eft  un  méchant 


42  Lettres 
pofte  pour  un  bel  efprit  ! Tous  lest 
beaux  efprits  du  inonde  ne  dévroient' 
ils  pas  faire  une  folemnelle  députation 
au  Roi  pour  demander  fa  grâce 
Les  Mufes  élles-mêntes  ne  devroienc** 
elles  pas  iè'  rendre  vifibles , afin  dd- 
follîciter  pour  lui  ? 

Nec  voc , Pierides,nec  ftirps  Latonia,  vefiro^ 

Doâa  Sacerdotiturba.tuliftis  opam?  ' 

• 

Mais  on  voit  peu  de  gens  que'Iâpro» 
teétion  des  Mufes  ait  fauvés  des  roains^ 
de  la  Juftice  : il  eût  mieux  valu  poufi 
lui  qu’il  ne  fe  fut  jamais  mêlé  que  de' 
belles  chofes , & la  condition  de  Roi<^ 
telet  en  laquelfe  il  s’étoit  Métamor-^ 
pbofé  , lui  eut  été  bien'  plûravante^ 
geiifè  que  celle  de  Financier. Cela  doiè 
apprendre  à M.  l’Avocat  ( i ) que 
le  fobde  n’eft  pas  toujours  le  plus  fûr 
puifque  M.  Peiiflbn  ne  s’eft  perdu  que 
oue  pour  l’avoir  préféré  au  creux, 

; fans  mentir  quoiqu’il  fafTe  bien  creux 
fur  le  Parnaffe , on  y efl  pourtant  plus 
à (bn  aile  que  dans  la  Gonciergerier 
& il  ny  a point  de  plaidr  d’avoir 

( 1 ; XI  en  veuc  toojours  à ce  l'Avocat  > 9ui  avoic 

iâas  cefle  à la  bouche  k O.OC  de.ô*(«Ar. 


SE  R A d I N E.  43> 
place  dans  les  hidoires  tragiques,  duf- 
/ent>el)es  être  écrites  de  la  main  de- 
M.  PelilFon  lui  même. 

Je  fàlue  M.  l’Avocat , & je  4iffere 
de  lui  écrire , afin  de  laiflêr  un  peu 
paflèr  ce  reftede  mauvaife  humeur , 
que  fa  maladie  lui  a lailTée , & qui  lui 
feroit  peut-être  nialtraiter  les  Lettres 
que  je  lui  enverrois.  Il  n’y  a point 
de  plaiOr  d’écrire  à des  gens  qui  font 
encore  dans  les  remèdes , oe  c’ed' 
trop  expofer  des  Lettres.  Je  falue  très- 
homblement  toute  votre  mailbn , 

Matf  4ÜS4S  pHlcherrima  Di  J», 

Nous  uvonstà''ifàiITknce  du  Dau> 
phin.  J’aurois  peut-être  chanté  quel* 
que  chofede  nouveau  fur  cette  matiè- 
re,fi  j’euflè  été  àParis  ; mais  ici  je  n’ai 
pû  chanter  rien  que  le  Te  Deum.  Man-* 
dez-moî , s’il  vous  plaît  , qui  aura  le. 

mieux  réufli  de  tous  lès  Chantres  du' 

• 

Farnafie.  Je  ne  doute  pas  qu’ils  n’em- 
ployent  tout  le  crédit  qu’ils  ont.ahprès 
des  Mufes , pour  en  recevoir  dé  belles 
magnifiques  infpîrations.  Si  *elles 
^continuent  à vous  favorifer  , comme 
elles  avoient  commencé  à Bourbon , 
faites  quelque  choTe. 

Incipe  , il  quidhabes  ; 8t  tefecere  Pbêtam 
Piérides. 


44 


.Lettres 


4 


A M.  V I T A R r. 

P 

Ç^iVfeic 2^.J-anvi«r  1 6621^ 

LEs  plus  beaux  jours  que  vous  ddn> 
nent  )e  printetns , ne  valent  pas 
ceux  que  l’byver  nous  laifle  ici  : & jà- 
inais  le  mois  dé  Mai  ne  vous  paraît  Ir 
agréable , que  l’eft  pour  nous  le  nrais 
oe- Janvier. 

i 

Le  SoIeifeU  toujours  riant^ 

Depuis  qu’il  part  de  l’Orient 
Four  venir  éclairer  le  monde  , 
Julqu’à  ce  que  fon  char  foit  defcendu  dana' 
Fonde. 

la  vapeur  des  brouillards  ne  voile  point  les 
deux 

Tous  lès  iftatins.  un  vent  officieux. 

En  écarte. toutes  les  nues 

Ainfi  nos  jours  ne  font  jamais  cou-, 
verts  ; 

Et  dans  le  plus  fort  des  Hyvers, 

Nos  campagnes  font  revêtues 
Defleurs  ,,&d’arbres  toujours  verds. 


. . . D ^ ' R i c i îl  8. 

X.es  ruiiTemx  refpeâent  leurs  rivest 
Et  leurs  ^Tayades  fugitives 
Sans  fortir  de  leur  Ut  natal 
Srrent  paifiblement , & ne  font  point  tap^ 
tives 

Sous  une  prifon  de  crilUil. 

Tous  nos  oifeaiut  diantent  à FordS* 
naire  ; 

Xèurs  goüers  notant  pc^bt  glacésf 
Et  nVtant  pas  forcés 
De  fe  cacher  ou  de  fe  taire^ 

Ssfbnt  l’amour  en  libené 
D’hyrereonane  l’été. 

£nfinlorfque  la  nuit  a déployé  fes  voiles  j 

La  lune  au  vilage  diangeant 
Faroît  fur  un  trône  d’argent  » 

Et  tient  cercle  avec  les  étoiles. 

Le  Cid  eil  toujours  clair  tant  que  4ure  fou 
cours  -, 

Et  nous  avons  des  nuits  plos  bdles  que  vos 
jours. 

J*ai  fait  nne  afiez  longue  pofe  en 
<rer  endroit , parce  que  lorfque  j’écri- 
vois  ces  Vers  , üy  ^.huit  jours  ,1a 
xhaleur  de  la  Poêûe  m'emporta  û loin. 


4-6  Lettres 
que  je  ne  m’apperçus  pas  qu’il  ëtoit 
trop  tard  pour  porter  mes  Lettres  à 
la  pofte^  Je  recommence  aujourd'hui 
34  Janvier  : mais  il  eft  arrivé  un  aflcz 
jxlaifant  changement  , car  en  relifant 
mes  Vers , je  reconnois  qu’il  n’y  en 
a pas  un  de  vrai  II  ne  ceiTe  de 
t pleuvoir  depuis  crois  jours , & l’on 
I diroit  que  le  teras  a juré  de  me  faire 
' mentir.  J’aurois  autant  de  fujet  de 
faire  ün  deicripdon  du  mauvais  tems , 
comme  j’en  ai  fait  une  du  beau  ; mais 
j’ai  peur  que  je  ne  m’engage  encore 
Il  avant , que  je  ne  puiflent  achever 
cette  Lettre  que  dans  huit  jours , au* 
quel  tems  peut-être  , le  ciel  fe  fera 
remis  au  beau.  Jen’aurois  jamais  fait; 
cela  m’apprend  que  cette  maxime  eft 
bien  vtaie  vita  al  fi» , il  di.hda  la 
fera. 

Cette  ville  eft  la  plus  maudite  ville 
du  monde  ; ils  ne  travaillent  à autre 
chofe  qu’à  fe  tuer  tous  tant  qu’ils  font, 
ou  à fe  faire  pendre  .*  il  y a toujours 
ici  des  CommilTaires  ; cela  eft  caufe 

Îjueje  n’y  veux  faire  aucune  connoif* 
ànce , puifqa’en  faifant  un  ami , je 
m’attirerois  cent  ennemis:  ce  n’eft  pas 
qu’on  ne  m’ait  prefiéplufieurs  fois,  âc 


fi  ,Ë  R À e f R E.  47 
^u*on  ne  me  foie  venu  Iblliciter  , moi 
indigne, de  venir  dans  les  compagnies; 
car  on  a trouvé  mon  Ode  ( t)  chez 
une  Dame  de  la  ville , & on  eu  venu 
me  faiuer  comme  Auteur mais  tout 
cela  ne  fert  de  'Tien  /mtftit  km* 
Je  n’anroM  jamais  cru  être  ca- 
pable d’une  (î  grande  folitude::  & voua 
même  n’aviez  jamais  tant  efperé  de 
ma  vertn. 

Jepaflbtout  letems  avec  monO% 
de , avec  faint  Thomas  & Virgile; 
je  fais  force  -extraits  de  .Théologier» 
éh  qaelques-uns  de  Poë'fîe.  Voilà  contr 
me  je  paflê  le  tems  , & je  ne  m’enir 
nuie  pas  , fur- tout  quand  j’ai  reçû 
quelques  Lettres  de  vous  ; elle  me  | 
mrt  de  compagnie  pendant  deuxjours.  ' 

Mon  Oncle  a toute  forte  de  bons 
deflèins  pour  moi  ; mais  il  n’en  a point 
encore  d’aUûré , parce  que  les  affaires  | 
du  Chapitre  font  encore  incertaines-  ' 
J'attens  toûjours  un  démiflbire.  Ce- 
pendant il  m’a  fait  habiller  de  noir 
depuis  les  pieds  jufqu’à  la  tête.  La 
«ode  de  ce  pays  eft  de  porter  un  drap 
d’Efpagne  qui  eff  fort  beau  , & qui 


Uÿtpft, 


, 4^  ■ t i % T » E S ‘ _ 

coûte  23  livres  ; il  m’en  a fait  fairft 
«n  habit.  J’ai  maintenant  la  mine  ^’utt 
des  meilleurs  bourgeois  de  la  viHe.  Il 
attend  toujours  l’oecafion  de  me  pour- 
voir de  quelque  chofè , & ce  fera  alors 
que  je  tâcherai  de  payer  une  partie 
de  mes  dettes  » ü je  puis , car  je  ne 
puis  rien  faire,  avant  ce  tems.  ^tne 
remets  devant  les  7etix  toutes  les  im- 
portunités que  vous  avez  reçûes  de  ' 
' Ihoi^  j’en  rougis  à l’heure  que  je  vous 
parle  , tmJmitfHeri^falva  res  efi.  Mais 
mes  affaires  nien  vont  pas  mieux  , 
& cette  fentence  éft  bien  fauflfe  , fi 
de  n’eft  .que  vous  vouliez  prendre 
cette  rougeur  pour  recorinoilfance  de 
tout  ce  queü^e  vous  dois  , dont  je  me 
foAviendrai  toute  ma  vie. 


t - . . 

* A MADEMOISELLE. VITART. 

ji  Vfeii  le  24.  Jasrvier  1662. 

CE  billet  n’efi  qu’une  continua- 
tion de  promeflès , & une  nou- 
, velle  obj^tion.  Je  m’étois  engagé  de 
vous  écrire  une  Leure  raifonat^ , & 

après 


I 


SE  Racine.'  49 
après  quinze  jours  d’intervale , je  fuis 
il  malheureux  que  de  n’y  pouvoir  fa* 
lis  faire  encore  aujourd’hui  ^ & je  fuis 
obligé  de  remettre  à un  autre  jour. 
.Toutes  iès  remiiès  ne  font  pour  moi 
fqu’un  furcroit  de  dettes  dont  il  me 
1 Kra  fort  difficile  de  m’acquitter  : car 
vous  attendez  peot*être  de  recevoir 
quelque  chofe  de  beau , puifque  je 
prenstantdetems  pour  m’y  préparer. 
Ayez  la  charité  de  perdre  cette  opi* 
nion  , & de  vous  attendre  plûtôc  à 
être  fort  mal  payée  , car  je  vous  ai 
dqa  avertie  que  je  itiis  un  trés-mau« 
vais  payeur.  (Quanti  je  n’étois  pas  Q 
loin  dé  vous,  je  vous  payois  alTez  bien, 
ou  du  moins  je  le  pou  vois  faire , Car 
vous,  me  fourniffiez  aflez  libérale- 
inent  de  quoi  m’acquitter  envers  vous: 
j’enteos  de  paroles  i vous  êtes  trop 
riche & moi  trop  pauvre  pour  vous 
pouvoir  payer  d’autre  chofe.  Cela 
veut  dire 

Que  j’ai  perdu  tout  mon  caquet» 

Moi  qui  ià^oit  fiait  bien  écrire  » 

Et  jalèi  comme  un  perroquet. 

^ Mais  quand  je  faurois  encore  jaibr 
Tmel.  fi 


1 


JO  » T T » E s 

des  mieos  il  faut  que  je  ine  taife 
é préfent  ; le  tneflager  va  partir  , & il 
«e  faut  pas  faire  attendre  le  meflager 
d’une  grande  ville  comme  eft  Ufez; 
Pardonnez-dtmc,  & attendez  encore 
ihuit  jours. 


A LA  MESME. 

[A  V fis  /e  31.  jAnvîer, 

QUe  votre  colère  eft  charmante  ■, 
Belle  8c  géndreüfe  Amarante  I 
Qu’il  vous  fied  bien  d’être  en  courouxl 
Siles  Grâces  jamais  fe  mettoient  en  colère  , 
Le  pourroient-elles  faire 
De  meilleure  grâce  que  vous  ? 

Je  confeflefincerement 
Que  je  vous  avois  offenfée  * 

Et  cette  cruelle  penfée. 

M'étoit  un  horrible  tourment. 

Mais  .depuis  que  vous-même  en  avez  pris 
vengeance. 

Un  fi  glorieux  châtiment 
Me  paroît  une  rêcompenfc 

jLes  reproches  même  ibnt  doux 


B B Racine.  yt. 

Venant  d^une  bouche  fi  chere  » 

Mais  fi  je  méritois  d’être  loué  de  vous. 

Et  que  je  fiiffe  un  jour  capable  de  vous 
plaire , 

Combien  ferois- je  de  jaloux  ! 

Je  m'en  vais  donc  faire  tout  mon  pof« 
fible  pour  venir  à bout  d’un  G grand 
deOein.  Je  ferai  heureux  G vous  pôu- 

Ivez  vous  louer  de  moi  avec  autant  de 
juftice  que  vous  vous  en  plaignez:&  je 
ferois  de  mon  côté  un  fort  bel  ouvra* 
ge , G je  favois  dire  vos  vertus  avec 
autant  d’efprit  , que  vous  dites  les 
miennes.  Je  ne  vous  accuferai  point 
de  me  flatter  , vous  les  dites  au  naïfl 
Je  me  Ggure  que  vous  parlez  de  même 
à M.  le  Vaflèur , & que  vous  favez 
également  peindre  cet  amoureux  > ad- 
mirant le  portrait  de  fa  Belle. 

Je  me  l’imagine  en  effet , ' 

Tout  lai^uiflant  Sc  tout  dé&it  » 

Qui  gémit  fie  foupiie  aux  pieds  de  cette 
inu^e. 

n contemple  fon  beau  vifage, 

•H  admkeiss  mains  > il  adore  fes yeux  •; 
IUd(â&ttetout  l’ouvrage.. 

C a 


/ 


♦ 


^ ' ' 

Jto  , L ï T T K E s ' 

,^îs  comme  fi  FAmour  le  rendoîf  flirleux;  J 
' V-  ' Je  Fentcns.s’eerienQue  cette  imagé  efti>éllé!% 
que  la  Belle  même  efl  bien  plus  belle 
qtfelle!  ' ^ 

^ Le  peintre  h’a  bien  in^  / - 

.•  “ ^Que  fon  infenfibilité. 

J!ai  peîhe  à croire  4tie  vous  ayez  aflêz 
de  puiflaocèpour  rompre  ce  charme^, 
vous  «fUi'étiez  accoutumée  à lé  char-  ^ 
merluiHrâême autrefois, .aufli-bien que  ; . 

. beaucoup  d’autres.  Pofledé  comme  il  ■ 
féft-  décettè  idée*  il  ne  fautpas  s*éttm^  • * ••• 
jier  s'il  a voulu-iriarier  M.  d’Houy  à ' . 
tmefille  hydropique:  il  n’y  penfoit pas,  ' ' 

. à moins  qu’il  Q*ait  voulu  marier -l’eau  . : 
avecle'TM;  ’ >• 


On  m’a  mandé  ^ue  ma  tante  Vitart 
écoit  allée  à£hevreufe  ; je  crois  qu’elle 
ne  fe  repofera.  pas  de  longtems , H elle 
attend  que  vous  vous  repofiez  toutes. 
Peut  être  qu’autrefoîs  je  n’en  aurbis  , 
pas  tant  dh  impunément  ;.mais  je  fuis*  . 
è couvert  des  coups  : vous  pouvez 
néantmoins  vous  adrefleràmon  Ljeu* 
tenant  M.' d’Houy  ; il  ne  tien^a  par 
cette  qualité  à déshonneur.  . 

Vous  m’avez  mis  èn  uain , comme 


0 


» E R A C I « E.  5J. 
VOUS  voyez,  4^  vos  Lettres  ont  fur  moi 
h force  qb’ayoit  autrefois  votre  vÔe; 
/ mais  je  fuis  obiigéde  finir  plutôt  que  je 
•ne  vOùdrois  , parce  que  j’ai  encore 
cinq  Lettres  à écrire»'  J'efpere  que 
vous  ine  donnerez  , en  vertu  de  ces 
• .cinq  Lettres  y lapermiflloh  de  finir 
:'en  vectù-de  lafoumiilion  &durefpeâ 
’ que  j’ai  pour  vous^,  la  permiffipn  dp 
ine  dire  votre  .pafiionné  1er vîtéur» 
Vous  m’excuforezfîj’arplas  brouil- 
lé de  papier  à dire  de-mécbantês  cho- 
ies , que  vous  n’qn  aviez  employé  à 
écrire  les^lusbdles  choies  du  mondé- 


A M.  L E VA  SS  EUR. 

\ 

'^Vxjble i fivriff_i662, 

J’Avoue  que  ma  réponié  ne  vient 
que  huit  jours  après  votre  Lettre  : 
•tcaàs  à quoi  bon  m’exçufer  pour  uu 
^ délai  de  huit  jours  ? Vous  ne  faites 
^int  tant  de  cérémonies  quand  vous 
avez  étè  .deux  mois  fans  fonger  feuie- 
menc  fi  je  fuis  au  monde.  C'eft  allez 
i^QUj:  vous  de  dire  froidement  que 


54  Lettre* 
vous  avez  perdu  la  moitié  de  votre  ef- 
-prit  depuis  que  je  ne  fuis  plus  en  votre 
compagnie.  Mais  à d'autres  , il  fau- 
droit  que  j’eufle  perdu  tout  le  mien,  fî 
je  recevois  de  telles  galanteries  en 
payement.  Je  fais  ce  qui  vous  occupe 
il  fort , & ce  qui  vous  fait  oublier  de 
pauvres  étrangers  comme  nous,  jimar 
non  tdU  cur^tt  : oui  c’eft  cela  même  qui 
vous  occupe. 

t 

0 

j^or  che  folo,  i cor  leggladri  invelce. 

Et  je  ne  m’étonne  pas  qu’un  cœur  fi 
tendre  que  le  vôtre & (1  difpoféÀje* 
cevoir  les  douces  impreffions  de  l’a* 
mour  , fok  enchanté  d’une  fl  belle 
perfopne. 

Socrate  s’y  trouveroit  pris  « 

Et  malgré  fa  philofophie 
Il  feroit  ce  qu’a  fait  Paris , 

Et  le  feroit  toute  fa  vie. 

Je  n’ai  pas  peur  que  vous  vous  lafQez 
de  voir  tant  de  Vers  dans  une  feule 
Lettre.  Teamernofiri  ^ TottMKmonMn^ 
tm  reddidit. 

Loin  de  trouver  à redire  à votre 


» E R A C I M E,  Sf 
amoU'rJe  vous  loue  d’un  fi  beau  choix, 
&d’aitner  avec-tant  de  difcernement, 
s’il  peut  y avoir  du  difcernement  ea 
amour^Vous  êtes  bien  étoignéde  vous 
ennuyer  comme  moi  : l’Amour  vous- 
tient  bonne  compagnie.  li.ne  m6  fait 
/pas  tam  d’honneur.quoique  j’aie  aflez^ 
sbefbin  de  compagnie  en  ce  pays  ; 
iznais  j’aime  mieux  être  feul  q^ue  d’a- 
jvoir  un  hôte  fi  dangereux. 

Je  fuis  confiné  dans  un  pays  qui  a 
quelque  choie  de  moins  fbciable  que’ 
le  Pont-Euxin  : le  fens  commun  y eft 
rare , & IgifidéM ji!y.  eft  point  da 
tûu^  line  faut  qu’un  quart  d’heure  de 
converfation  pour  vous  faire  haïr  on 
faoiaméi  anfii  qppiou’on  m'ait  fotivehc 
prejSe  d’aiieren  compagnie,  je  ne  mé 
fuis  point  encore  produit  ; il  n’y  a ici 
perfonne  pour  moi.  Nbtt  hmo^  fiâlip' 
tm  y Mque  fiUtudomera.  Jugez  fi' 

vos  lettres  feront  bien  reçûes  ; mais 
vous  êtes  attaché  ailleurs. 

Il  cor  ptefo  ivi  corne  pefce  à Thamo. 


AU  M £ S M £ 


ÏA^%.Marsl66^. 

G N ne  parle  ici  qae  de  la  inerveil* 
leufe  conduite  du  Roi,  du  grand 
ménage  de  M.  Colbert, & du  procès  de 
M.  Fbnquet  : cependant  vous  ne  m’en 
ipandez  rien  du  tout  ; mus  pour  vous 
dire  le  vrai , j’mme  encore  mieux  que 
vous  me  mandiez  de  vos  nouvelles 
particulières.' 

J’ai  eu  tout  le  loifîr  de  lire  l’Ode  de 
M.  Perraut:^uffi  l’ai-je  relûë  pluGeurs 
fois  y & fiéantmoins  j’ai  eu  bien  de  la 
peine  à y reconnoître  Ton  ftyle , & je 
ne  crokois  pas  encore  qu’elle  fût  de 
lui , fi  vous  ne  m’en  alTuriez.  11  m’a 
femblé  que  je  n’y  trouvois  point  cette 
facilité  naturelle  qu’il  avoit  à s’expri* 
mer  ; je  n’y  ai  point  vû  , ce  me  fem« 
^ ble , aucune  trace  d’un  eîprit  aufli  net 
A que  le  fien  m’a  toujours  paru  , ,â: 
’ j^eufie  gagé  que  cette  Ode  avoit  été 
taillée  comme  à coüps  de  marteau  , 
piMi  UQ  homme  qui  n’avoit  jamais  fait 


DE  Racine.  57 
qae  de  méchants  Vers.^  Mais  je  crois 
fue  refprit  de  M.  Ferrant  efii  coujonrs 
le  même  , & que  le  fujet  feulement  loi 
a manqué , car  en  effet  il  y a longteme 
que  Cicéron  a dit  ^ que  c’étoit  une  ma>> 
tkre  bien  fterile  que  l’éloge  d’un  en- 
fant , en  qui  l’on  ne  pouvoit  louer  que 
l’efpérance  » & toutes  ees  efpérances 
font  tellement  vagues  , qu’elles  ne 
peuvent  fournir  des  penfées  folides* 
Mais  je  m’oublie  ici , & je  ne  fonge 
pas  que  je  dis  cela  à un  hommequi  s’y 
entend  mieux  que  moi.  Si  je  juge  mal , 
& que  mes  penfées  foient  éloignées 
des  vôtres  , remettez  cela  fur.la  bar- 
barie  de  ce  pays  » Ôi  fur  mé  longue  abn 
fence  de  Paris , qui  m’ayant  féparé  de 
vous , m’a  peut-être  entièrement  pri- 
vé de  la  bonne  connoilTance  des  cho- 
fes. 

Je  vpus  dirai  pourtant  encore  qu’iC 
y a un  endroit  oùj’aireconnu  M..Per- 
raut  ; c’ed  lorfqu’il  parle  de  Jefùé,  âi 
qu’il  amène  là  l’Ecriture  fàinte..Je  lui 
ai  dit  une  fois  qu’il  méttoit  trop  la  Bi- 
ble en  jeu  dans  fes  Poëfîes  ; mais  il  me 
dit  qu’il  la  lifoit  fort , & qu’il  ne  pou- 
voit  s’empêcher  d’en  inferer  quelque 
palTage.'  Four  moi  je  crois  que  la  1^ 

Cs 


5S  Lettres 
ture  en  eft  fort  bonne , mais  que  lad* 
tation  convient  mieux  -à  un  rrédica* 
teur  qu’à  un  Poëte. 

Je  vous  envoyé  ma  piece  , ( i ) 
dont  on  approuve  le  deiTein  & la  con* 
duite.  Je  n’ofe  dire  qu’elle  eft  bien  , 
que  vous  ne  me  l’ayez  mandé.’écrivez* 
moi  en  détail  ce  que  vous  jugerez  des 
Grâces , des  Amours , & de  toute  la 
Cour  de  Venus  qui  y eft  dépeinte.  Si 
vous  la  montrez , ne  m’en  dites  point 
l’auteur  : mon  nom  fait  tort  à tout  ce 
que  je  fais  ; mais  montrez-moi  ce  que 
c’efl  qu’un  ami , ( s ) en  me  décou* 
vrant  tout  votre  cœur. 


( I ) €*cft  la  ptcée  dont  il  eft  parlé  dans  la  Lettre  fui- 
vante , & qu'il  a voit  intitulée  les  bains  de  y inus , piece 
très- inconnue , fie  qu*tl  a l'ans  doute  fupriinée  dans  la 
iüite. 

( a ) On  voit  avec  quelle  ardeur  il  (buhaiteun  Critu 
nue fincerede fea  ouvrages;  il  le  âtSiiva  bien* tôt  • en  fau 
iam  connoifianœ  avec  Boileau. 


1 


V 


]>  E Racine.'  sÿ 


AU  M £ S M £. 

Lf  30.  jivril. 

JE  ne  vous  demandoîs  pas  des  lonan* 
ges  quand  je  vous  ai  envoyé  le  petit 
oovrage  des  basni  de  Fenus  , mais  je 
vous demandois  votre fen ciment;  ce- 
pendant vous  vous  êtes  contenté  de 
dire  comme  ce  flatteur  d’Horacé 
Fdchri , btal , retli  : & Horace  dit  fort 
bien  qu’on  loue  ainfl  les  méchants  ov>^ 
•••  vrages , parce  qu’il  y a tant  de  chofes 
/.,-à  reprendre  , qu’on . aime  mieux 
\”toot  louer  qne  d’examiner.  Vous  m’a-^^ 
vez  traité  de  la  forte , & vous  me  louez^ 
comme  un  vrai  demi-auteur,  qui  a plus 
de  mauvais  endroits  que  de  bonsrfoyeÉj 
un  peu  plus  équitable  , ou  plutôt  ne 
ibyez  pas  fî  parefleux;  vous  avez  peur 
de  tirer  une  Lettre  en  longbeur. 

Vous  me  foupçonnez  d’amour  t 
croyez  que  fî  j’avois  reçû  quelque 
bieflure  en  ce  pays  , je  vous  la  dé> 
couvrirois  naïvement , & je  ne  pour- 
lois  pas  même  m’en  empêcher  .'Vous 

C 6 


6ù  Lettres 
’ifivez  que  les  blelTures  du  cœur  de- 
. toandenc  toujours  quelque  confident, 
i à qui  on  puiiTe  s’en  plaindre , & fi 
i' j’en  avois  une  de  cette  nature,  je  ne 
' xn’en  plaindrois  jamais  qu’à  vous  ; 
mais  Dieu  merci  je  fuis  libre  en- 
core , ( I ) & fi  je  quittois  ce  pays, 
je  reporterois  mon  cœur  auffi  faip  & 
aufii  entier  que  je  l’ai  apporté  : je  vous 
dirai  pourtant  une  ailëz  plaifante  ren- 
contre à ce  fujet. 

Il  y a ici  une  Demoifélle  fort  bien 
faite , & d’une  taille  fort  avantageule; 
ellepafie  pour  une  des  plus  fages,  & je 
connois  beaucoup  de  jeunes  gens  qui 
foupirent  pour  elle  du  fonds  de  leur 
vœur.  Je  ne  l’avois  jamais  vûcqûe  de 
5 ou  6 pas , & je  l’a  vois  toujours  trou- 
vé fort  belle  ; fon  teint  me  paroifToic 
vif  & éclatant, les  yeux  gran^  ^ d’un 
beau  noir.  J’en  avois  toujours  quelque 
idéeaflez  tendre  & alfez  approchante 
d’une  inclination  ; mais  je  ne  la  voyois 
qu’à  l’Eglife  , car  je  fuis  très-folitaire. 
Enfin  je  voulus  voir  fi  je  n’étois 
point  trompé  dans  l’idée  que  j’avois 

(t  ) C'cû ce q«'tl a pîl toujours  dize , malgré  U vi va* 
dté  de  fou  cazaâiie  s i'ap^  de  i*dtttdc  Ta  ûavd  dca 


]>  s Racine.  6t 
d’elle  , & j’en  trouvai  une  occafîoa 
fort  honnête.  Je  m’approdiai  d’elle 
& lui  parlai  : je  n’avois  d’autre  de(^ 
fein  qae  de  voir  quelle  réponfe  elle 
me  feroit  ; elle  me  répondit  d’un  air 
fort  doux  & fort  obligeant  : mais  ea 
l’en vifageant  je  fus  fort  interdit , je . 
remarquai  fur  fbn  vifage  des  taches,  ] 
comme  fi  elle  relevoit  de  maladie , de  ! 
cela  changea  bien  mes  idées  ; je  (us  ‘ 
bien  aife  de  cette  rencontre,  qui  fer* 
vit  du  moins  à me  délivrer  de  quelque 
commencement  d’inquiétude  : car  je 
m’étudie  maintenant  à vivre  un  peu 
plus  rmfonnablement  » ( i ) & à ne 
me  pas  lailTer  emporter  à toutes  for* 
•fês  g dbjetsr  Je  commence  mon  nôvi- 
oat,  cependant  je  vois  que  je  n’ai  plus 
à prétendre  ici  que  quelque  chapelle 
de  20  ou  25  écus  ; voyez  ù cela  vaut 
la  peine  que  je  prens  : néantmoins  je 
fuis  rélblu  dé  mener  toujours  le  même 
train  de  vie , & d’y  demeurer  jufqu’à 
ce  qu’on  me  retiré  pour  quelque  meil* 
leure  efpérance.  Je  gagnerai  cela  du 


( r ) Ce  dit  id , 8c  ce  qui  fuit,  fait  voir  que  qaoU 
Que  fort  jeune,  il  penfoit  (blidement,  connoiÛbic  le 
jLngex^ctpafliont , l'avantatt  der^ui^e  a h 

àft  coAtolnocct, 


6t  Lettrés 
moins  , que  j’étudierai  davantagè, 
& que  j’apprendrai  à me  contraindre , 
ce  que  .je  ne  favois  point  du  tout. 

Je  ne  (àis  (i  mon  malheur  nuira  eo* 
core  à la  négociation  qu’on  entre* 
prend  pour  le  Bénéfice  d’Ouchiesril 
lèmble  que  je  gâte  toutes  les  affaires 
où  je  fuis  intéreffé.  Quoiqu’il  en  foit, 
croyez  que  ü l'on  me  procure  quelque 
chofe.  Vrbm  ^uam fitum  vtftra  efi. 


A MADEMOISELLE  VITART. 
Lt  15.  Mm  1 662. 

JE  fuis  donc  tout  * à - fait  dîlgracié 
auprès  de  vous  : depuis  plus  de  trois 
mois , vous  n’avez  pas  donné  la  moin* 
dre  marque  que  vous  me  connoifiiez 
feulement.  Pour  quelle  raifon  votre 
bonne  volonté  s’efl;*elle  fitôt  éteinte? 
Je  fondois  ma  plus  grande  confolation 
fur  les  Lettres  que  je  pourrois  rece- 
voir quelquefois  de  vous , & une  feule 
par  mois  auroit  fuffi  pour  me  tenir 
dans  la  meilleure  humeur  du  monde, & 
dans  cette  belle  humeur , je  vous  au*, 
rois  écrit  mille  belles  chofes  : les  vers 


D E R A C I N E.  >6% 
ne  m’aurolent  rien  coûté , & vos  Let- 
tres tu  auroient  iofpiré  un  génie  ex- 
traordinaire ;c’eft  pourquoi  H je  . ne 
fais  rien  qui  vaille  , p renez- vous-en  à 
vous  - même.  On  dit  que  vous  allez 
pafler  les  fêtes  à la  campagne  avec 
bonne  compagnie  : je  ne  m attens  pas 
à les  palTer  fi  à mon  aile. 

Jirai  parmi  les  oliviers,  * ; 

Les  chênes  verds  & les  figuiers , 
Chercher  quelque  reinè(j|e  à mon  inquiétude) 
Je  chercherai  la  folitude , 

Et  ne  pouvant  être  avec  vous , 

Les  lieux  les  plus  afiieuz  me  feront  les  plus 
doux. 

Exculèz  fi  je  ne  vous  écris  pas  davan- 
tage ; en  l’état  où  je  fuis  je  ne  faurois 
vous  écrire  que  pouf  me  plaindre , âc 
c’eft  un  fujet  qui  ne  vous  plairoit  pas; 
doimez-moi  lieu  de  vous  remercier  , 
& je  . m’étendrai  plus  volontiers  fur 
cette  matière , auili  bien  je  ne  vous 
demande  pas  des  chofes  trop  dérai- 
ibonables  , ce  me  lemble,  en  vous 
priant  d’écrire  tine  ou  deux  lignes 
«par  charité.  Vous  écri vez.fi  bien dç 
lu  fat^ement  î quand  vous  voulezL 


1>  E R 1 CINE.  6s 

^u'en  aucun  autre  pays  do  monde. 

lependant , excepté  trois  ou  quatre 
perfopnes  qui  font  belles , on  n’y  voit 
prefque  que  des  beautés  fort  commu* 
nés.  La  lien  ne  efl  des  premières  ; il 
m’en  eft  venu  parler  fort  au  long  » & 
m’a  montré  des  lettres, des  difcours,& 
même  des  vers , fans  quoi  ils  croyenc 
que  l’amour  ne  fauroit  aller.  Cepen» 
oant  j’aimerois  mieux  foire  l’amour 
en  bonne  profe , que  de  la  foire  en  mé* 
chans  vers  ; mais  ils  ne  peuvent  s’y 
réfoudre  , & ils  veulent  être  Poètes, 
à quelque  prix  que  ce  foit.  Pour  mon 
malheur  ils  croyent  que  j’en  fuis  un , 
& ils  me  font  juge  de  tous  leurs  ou> 
vragês.  Vous  pouvez  croire  que  je 
n’ai  pas  peu  à fouffrir  , car  le  moyen 
d’avoir  les  oreilles  battuës  de  tant  de 
mauvailes  chofes , & d’être  obligé  de 
dire  qu’elles  font  bonnes  ? J’ai  un  peu 
appris  à me  contraindre  , & à raire 
beaucoup  de  révérences  & de  coin* 
plimens  à la  mode  de  ce  pays* ci. 
Adieu , mon  cher  ami , & comme  dit 
PElpagnoI , imems  fMS  mulâdt» 


3 


A M.  VITARxf 
'AVtés  le  i6.  Mm  1662» 

» 

J E ne  vous  renouvelle  point  les  pro- 
teftations  d’être  honnête  • homme 
& très-reconnoiffant  ; vous  avez  aflèe 
de  bonté  pour  n’en  point  douter; je 
vous  remercie  de  la  peine  que  vous 
avez  prife  de  m’envoyer  un  démif- 
fpire  ; je  ne  l’aurois  jamais  eu  , fi  je 
ne  rëufTe  reçû  que  de  D.  Côme  ; Tes 
miférables  Lettres  font  perdre  toute 
efpérance  à mon  oncle. 

J’écrirat  k ma  tante  la  Religieiift' 
puifque  vous  le  voulez  : fi  je  ne  l’ai 
point  encore  fait , vous  devez  m’excu<- 
lèr , & elle  aufli  : car  que  puis-je  lui 
mander  C’efl;  bien  alfez  de  faire  ici 
l’hypocrite  ,fans  le  faire  encore  par 
Lettres, où  il  ne  faut  parler  que  de  dé- 
votion , & ne  faire  autre  chofe  que 
de  fe  recommander  aux  prières.  Ce 
n’eft  pas  que  je  n’en  aye  bon  befoin, 

( I ) mais  je  voudrois  qu’on  en  fit  pour 


( t)  On  voit  un  jeune  homme  un  peu  éloigné  de  U dé« 


DE  Racine.  (S7 
moi  fans  être  obligé  d’en  taotdetnan» 
der.  Si  Dieu  veut  que  je  fois  Prieur, 
j’en  ferai  pour  les  autres  autant  qu’on 
en  aura  fait  pour  moi.  ' 

On  tâche  ici  de  me  débaucher  pour 
me  mener  en  compagnie.  Quoique  je 
n’aime  pas  à refufer , ie  me  tiens  pour* 
tant  fur  la  négative,  «^ïîë Tors  point; 
je  m’en  confole  avec  mes  livres; 
comme  on  fait  que  je  m’y  plais , on 
m’en  apporte  tous  les  jours  , de  Grecs, 
d’Efpagnols , dt  de  toutes  les  langues. 
Pour  la  compofitipn  , je  ne  puis  m’y 
mettre.  jtM  Uhris  me  delefh , ejmrwn 
habeo  fefiivmn  coptmn  s auf  te  co^itOi  A 
fcribende  frorfits  abhorrée  animtu.  Cicé* 
ron  mandoit  cela  à Atticus  ; mais  j’ai 
une  raiibn  particulière  de  ne  point 
compofer;je  fuis  trop  embarraffé  du  | 
mauvais  fuccés  de  mes  affaires , & 
cette  inquiétude  feche  toutes  les  pen* 
fées  de  Vers. 

, mais  dont  le  cœur  pas  gâ'é.  U lent  bien 

qa'il  a toit , 8c  c*eft  pour  cela  q iMl  a de  la  tépugnance 
à édite  à laçante  éc  Porc  Koayl. 


X 


€8  Lettres 


AU  M E S M E. 

Xe 

» h ^ ^ ' |j 

M oncle , qoi  veut  tfaîter  fb^ 

dans  un  grand  appareil» 
cfl;  allé  ^ Avignon  pour  acheter  ce 
qu’on  ne  pourroit  trouver  ici  » & U 
xn^  lailTé  la  chara  de  pourvcûr  ce- 
pendant à tontes  chofes.  J’ai  de  fort 
beaux  emplois,  comme  vous  voyez» 
& je  fais  quelque  chofe  de  plus  que 
manger  ma  foupe , puifque  je  la  mù 
faire  apprécier.  J’ai  apris  ce  qu’il  faut 
^donner  au  premier»  aii  fécond»  & aa 
; troiQéraeTeWice»les  éntremêts  qu’ily 
faut  mêler , & encore  quelque  chofe 

nous  prétendons  taire  un 
^^l^^tq^re  fer  vices,  fans  compter 
le  (Èiîert.  J’ai  la  tête  û remplie- de  ~ 
toutes  ces  belles  chofès  » que  je  vous 
en  ppurrois  faire  un  long  entretien  ; 
mais  c’eil  uhe  ntatiere  trop  creujè 
fur  le  papier , outre  que  n’étant  pas 
bien  confirmé  dans  cette  fcience»je 
pourrois  bien  faire  quelque  pas  de 
clerc»  fij’eaparlois  encore  longtems.  ^ 


DK  R A C I N t.  ($9. 

Je  vous  prie  de  m’envoyer  les  Let- 
tres Provinciales.  Nos  Moines  font 
de  fots  ignorans , qui  n’étudient  point 
du  tout;  aulfi  je  ne  les  vois  jamais, 
& j’ai  conçû  une  certaine  horreur 
pour  cette  vie  fainéante  de  Moines , 
we  je  ne  pourrai  pas  biêïrdlHimuler. 
Pour  mon  oncle  il  eft  fort  f^e,forc 
habile  hmnme,  peu  Moine , & grand 
Théologien.  On  parle  beaucoup  d’ua 
Evêque  qui  elt  adoré  dans  cette  pro- 
vince. M.  Je  Prince  de  Conti  ( i ) va 
bire  fes  Pâques  chez  lui. 

Je  vous  dirai  une  petite  hiftoire  allez 
étrange.  Une  jeune  fille  d’Uzés , qui 
JogeoitaSez  prés  de  chez  nous  ,s’em- 
poifonna  hier  elle-même,  avec  de  1*»:- 
lènic,  pour  fe  vanger  de  Ibn  pere , qui 
l'avoit  querellée  trop  rudement  : da 
relie  elle  étoit  très  • fage.  Telle  elt 
l’humeur  des  gens  de  ce  pays-ci  ; ils 
portent  les  palfions  au  dernier  ex- 
cès. 

« 

Je  tvàs  fott  ferviteur  de  la  beHe  Manon^ 

Ët  de  la  petke  Nanon  # 


U étek  Gottfccnctti  4a  I4B|iic4pc,’ 


70 


Lettres 


Car  je  crois  que  c'efllà  le  nom 
Dont  on  nomma  votre  fécondé  : 
Et  jefaiueauffi  ce  beau  petit  mignon 

Qui  doit  bientôt  venir  au  monde. 


A U M E S M £•  . 

> 

Le  6.  Juin. 

MOn  onde  efl  encore  malade, 
ce  qui  me  toucbe  fenfiblement  ; 
car  je  vois  que  fes  maladies  ne  vien* 
ment  que  d’inquiétude  & d’accable- 
ment : il  a mille  affaires  toutes  em* 
barraffantes  ; il  a payé  plus  de  trente 
mille  livres  de  dettes , & il  en  décou- 
vre tous  les  jours  de  nouvelles  : vous 
diriez  que  nos  Moines  avoient  pris 
plaifir  à fe  ruiner.  Quoique  mon  on- 
cle iè  tue  pour  eux , il  reconnoîc  de 
plus  en  plus  leur  mauvaife  volonté  ; 
& avec  cela,  il  faut  qu’il  diflimule 
tout.  M.  d’Uzés  témoigne  toute  for- 
te de  confiance  en  loi , mais  il  n’en 
attend  rien  : cet  Evêque  a des  gêna 
affamés  à.  qui  il  donne  tont.  Mon  on- 


b s R A c I M E.  7r 
cleeft/i  lalléde  tant  d’embarras , qu’il 
me  prefla  hier  de  recevoir  Ton  -fiéné* 
ficepar  réOgnation.  Cela  me  fit  trein« 
hier,  voyant  l’état  où  font  les  affaires  , 
& je  fus  fî  bien  lui  repréfenter  ce  que 
c’étoit  que  de  s’engag»  dans  des  pro- 
cès, & au  bout  du  conte  demeurer 
Moine  fans  titre  & fans  liberté , que 
loi-même -dl  le  premier  à m’en  détour- 
ner; outre  que  je  n’ai  pas  l’âge,  par- 
ce qu’il  faut  être  Prêtre  : car  quoi- 
qu’une di(j>enre  foit  aifée,  ce  feroit 
nouvelle  matière  de  {U’ocès.  Enfin  il 
en  vient  jufques-là , qu’il  voudroie 
trouver  un  Bénéficier  féculier  qui  vou- 
lût de  Ibn  Bénéfice , à condition  de 
me  réfîgner  celui  qu’il  auroit.  11  efi: 
réfblu  de  me  mener  à Avignon , pour 
me  faire  tonfurer , afin  qu’en  tout  cas , 
s’il  vient  quelque  Chapelle , il  la  puif- 
le  impétrer.  S’il  venoit  à vacquer  quel- 
que chofe  dans  votre  difiriâ , fouve- 
nez-vous  de  moi.  Je  crois  qu’on  n’en 
murmurera  pas  à Port-Royal , puifi* 
qu’on  vok  bien  que  je  fuis  ici  dévoué 
à l’Eglife.  Excufez  fi  je  vous  impor- 
tune , mais  vous  y êtes  accoutumé. 


7» 


L £ T T R s s 


( 

m 

AU  M E S.M  E. 

Le  13.  J»». 

J’Ecrivis  la  feniaine  palTée  à D.  Cô> 
me , pour  le  difpofer  à nous  aban> 
donner  le  Bénéfice  ; il  répond  qu’il  efi; 
fl  fa  bienféance  : il  feroit  à ma  bien* 
iéanoe  autant  qu’à  la  fienne.  La  mé« 
chante  condition  que  d’avoir^aiiaSe 
ÿTTTôme  ! je  crois  que  cet  homme- 
là  efi:  né  pour  ruiner  toutes  mes  af- 
fiiires. 

On  fait  ici  la  moiiïbn  : on  voit  un  tas 
^ de  moifibnneurs  rôtis  du  foleil , qui 
travaillent  comme  des  démons , & 
quand  ils  font  hors  d’haleine , ils  le 
jettent  à terre  au  foleil  même , dor- 
un  moment , & fe  relevent  auC^ 
iitôt.  Je  ne  vois  cela  que  de  mes  fe- 
nêtres : je'  ne  pourrois  être  un  mo- 
ment dehors  fans  mourir , l’air  ell  aufiS 
chaud  que  dans  un  four  allum^  Pour 
m’achever , je  fuis  tout  le  jour  étourdi 
4’une  infinité  de  Cigales , qui  ne  font 
^ue  chanter  de  tous  côtés  > mais  d’ua 

chanç 


DK  R A C 1 N *.  7^ 

chant  le  plus  perçant  & le  pins  im> 
portun  du  monde.  Si  j’avois  autant 
d’autorité  fur  elle  qu’en  aycHt  le  bon 
Saint  François, je  ne  leur  dirois  pas 
comme  lui , Chantez,  fiMfatHr  U Cigale  ; 
mais  je  les  prierois  bien  fort  de  s’en 
aller  faire  un  tour  jufqu’à  la  Ferté> 
Milon , ü vous  y êtes  encore , pouir 
Vous  faire  part  d’une  fî  belle  harmonie. 

Notre  Évêque  a toujours  Ton  pro> 
jet  de  Réforme  ; mais  il  appréhende 
d’aliéner  les  efprits  de  la  Province  ; 
il  fe  voit  déjà  défèrt , ce  qui  le  fâché  ; 
il  recohnoît  bien  qu’on  ne  fait  la  cour 
dans  ce  pays-ci,  qu’à  ceux  dont  on 
attend  du  Uen  : s’il  établit  une  fois 
la  Réforme , il  fera  abandonné  même 
de  Tes  valets.  On  lui  impute  qu’il  aimé 
à dominer,  & qu’il  aime  mieux  avoir 
dans  Ton  Fglife  des  Moines , dont  il 
prétend  difpolèr,  quoique  peut-ôtre 
il  fe  trompe , que  des  Chanoines  fôcu« 
liers , qui  le  portent  un  peu  plus  haut. 
Les  politiques  en  ces  fortes  d’anaireé 
difent  que  les  particuliers  font  plus 
maniables  qu’une  Communauté,  & 
que  les  Moines  n’ont  pas  toutedéfé; 
len^ce  pour  les  Evêques.  . ^ 


T*me  /. 


n 


JL  E T T R B f 


A M.  VASSEUR. 


Vzit  U 4.  Jtùilet  i66t. 

aüe  vous  tenez  bien  votre  gra- 
vité Efpagnole  \ Il  paroît  bien 
qu’en  apprenant  cette  langue,  vous 
‘âvez  pris  un  peu  de  l’humeur  de  la 
nation.  Vous  n’aHez  plus  qu’à  pas  con- 
tés , & vous  écrivez  une  Lettre  en 
trois  mois.  Je  ne  vous  ferai  pas  davan- 
tage de  reproches,  quoique  j’êufle' 
Bien  ïéfolu  ce  matin  de  vous  en  faire, 
l’avais  étudié  tout  ce  qu’il  y a de  plus 
tude  & de  plus  injurieux  dans  les  cinq 
langues  que  vous  aimez  ; mais  votre 
Lettre  eâ;  arrivée  à midi , & m’a  fait 
perdre  la  moitié  de  ma  colère.  N’étes- 
Vous  pasfort  plaifant  avec  vos  cinq  lan- 
gaesfV  ousvoudfiez  juilementque  mes 
Lettrés  fufiènc  des  Calepins , & enco- 
re des  Lettres  galantes , pour  amuler 
vos  Dames.  Ne  croyez  pas  que  ma 
Bibliothèque  foitfort  grofle  ; le  nom- 
bre de  mes  livres  eft  très-borné,  en- 
core ne  fbnt  ce  pas  des  livres  à con* 


1 


» B K A e I M B.'  Vft 
ter  dearettes  : ce  font  des  Sommes 
de  Théologie  Latine , Médications 
Efpagnoles , Hîftoires  Italiennes , Pe« 
res  Grecs , & pas  un  François  : voyez 
où  je  trouverois  quelque  chofe  d’a< 
gréable  à vos  Belles. 

Entretenez  toujours  Mademoifelle 
Vitartdans  l’humeur  de  recevoir  de 
mes  Lettres  ; je  crains  bien  qu’elle  ne 
s’en  ennuie,  Tvrtjne  mi  raxane$  nt  deven 
fer  manjétr  par  tan  fitbtil  entendimient* 
çmoelfi^e. 

. M.  de  la  Fontaine  m’a  écrit , & me 
mande  force  nouvelles  de  Poêfîe,  & 
fur*tout  de  pièces  de  théâtre.  Je  m’é- 
tonne que  vous  ne  m’en  difiez  pas 
un  mot  : il  m'exhorte  à faire  des  Vers , 
je  lui  en  envoie  aujourd’hui  ; man- 
dez- moi  ce  que  vous  en  penferez  , de 
ne  me  payez  pas  d’exclamations , au- 
trement je  n’enverrai  jamais  rien.  Fai- 
tes des  Vers  vous-roéme,  & .vous 
verrez  fi  je  ne  vous  manderai  pas 
au  long  tout  ce  que  j’en  pourrai  dire. 
Envoyez  mes  bains  de  Venus  à M. 
de  la  Fonuine. 

Mes  affaires  n’avancent  point  ,ce  qui 
me  délefpere.|e  cherche  quelquefujeC 
de  théâtre,  &.je  Ibrois  afièz  difpofé 

Di 


" L‘  * T T E S ■ 
à y travailler  ; mais  j’ai  trop  de  ftijet 
d’être  mélancolique , & il  faut  avoir 
refprit  plus  libre -que  je  ne  l’ai  : aufli* 
bien  je  n’aurois  pas  ici  une  perfonne 
comme  vous  pour  me  lècourir.  Et 
i’il  faut  un  paflage  Latin  pour  vous 
mieux  exprimer  cela,  je  n’en  faurois 
trouver  un  plus  propre  que  celui-ci  : 
îJihil  rnihi  nmefcito  tant  deejfe  qnam  hè~ 
mifiem  eirnty  tjHtctm  tmnia  me  ad 
alitjua  afficimtt , Huacommmicem  ^ qui  mt 
omet , qui  fapiat,  ^Htenm  ego  colloquar^: 
ttihilfingam , nihii  diffimulem  ; mh$l  ebte- 
&e.  Quand  Cicéron  eût  été  à 
Uzés , & que  vous  euiliez  été  à la  pla* 
ce  d’Atticus,  eât-il  pû  parler  autre' 
ineat? 

Je  vous  dirai , pour  finir  par  l’en- 
droit de  votre  Lettre , qui  m’a  le  plus 
Atisfait , que  j’ai  pris  une  part  véri- 
table à la  paix  de  votre  famille , & 
je  vous  alTôre  que  quand  je  ferois  ré- 
concilié avec  mon  propre  pere , fi 
j’en'  avois  encore  un , je  n’aurois  pas 
dté  plus  aile  qu’en  apprenant  que  vous 
étiez  remis  parfaitement  avec  le  vô- 
tre , parce  que  je  fuis  perfuadé  que 
vous  vous  en  eûimez  parfaitemeoc 
heureux.  Adieu. 


/ 

I 


3>E  RieiNX.  if 


h M.  VITART. 

Zhtés  U 9 JuiUct  i66st. 

VOcve  Lettre  m’a  fait  un  grand 
bien , & je  palTerois  aflez  don-n 
cernent  mon  tenu , fi  j’en  recevois  fou*! 
vent  de  pareilles,  je  ne  f^ache  rien  qui  ' 
me  puiilè  mieux  confoler  de  mon  éloi' 
gnement  'de  Paris  ; je  m’imagine  mê> 
me  être  au  milieu  du  Parnafle , tant 
vous  me  décrivez  agréablement  tout 
ce  qui  s’y  paSfe  de  plus  mémoiable  » 
mais  je  m’en  trouve  fort  éloigné , dt 
c’eÆ  fe  mocquer  de  moi , que  de  me 
porter,  comme  vous  faices,à  y retour» 
ner  ; je  n’y  ai  pas  fait  alTez  de  voyages 
pour  en  retenir  le  chemin , & ne  m’en 
louvenant  plus , qui  pourroit  m’y  re» 
mettre  en  ce  pays-ci  ? J’aurois  beau 
invoquer  les  Mufes elles  font  trop 
loin  pour  m’entendre  ; elles  font  toû». 
jours  occupées  auprès  de  vou^  autres 
Meffieurs  de  Paris  : il  arrive  rarement 
qu’elles  viennent  dans  les  Provinces  t 
on  dit  même  qu’elles  .ont  fait  ferment 


7?  L E T T R E al 
de  n’y  plus  revenir , depuis  l’infolence 
de  Pyrenée.  Vous  vous  fouvenez  de 
cette  hilloire. 

* 

Cétoit  an  fiuneux  homicide, 
n javoit  conquis  la  Phocide, 

Et  faifoit  des  courfes , dit-on , 
Jufques  au  pied  de  rHélicon. 

Un  jour  les  neuf  fjavantes  Sorats» 
Aflèz  près  de  cette  montagne, 
S’amulknt  i cueillir  des  fleurs , ' 
Se  promenoient  dans  la  campagne» 

Tout  d’un  coup  le  Ciel  fe  couvrit  » 
Un  épais  nuage  s'ouvrit, 

U plut  à gnmds  flots , de  l'onze 
Les  mit  en  mauvais  équipage. 

Le  barbare  aflèz  près  dC'Ià 
Avoir  établi  fa  demeure, 

U le  vit, 6c  les  apella. 

Vous  fçavez  la  fuitè , vous  fçavez  que 
ce  malheureux  Pyrenée  voulue  faire 
violence  aux  Mules , & que  pour  les 
en  garantir,  les  Dieux  leur  donnèrent 
des  ailes,  de  elles revôléient aufli- tôt 
vers  le  ParnaiTe. 


RâeiNS.  yp 

Lorfqa’elles  fuient  de  retour  ^ 
Coniidérant  le  mauvais  tour 
Que  leur  avoir  joué  cet  infidèle  Prince , 
Elles  firent  ferment  que  jamais  en  Provjnce 
£Uer  ne-  fooient  leur  £éjour« 

Ea  eiBfet  fe  trouvant  des  ailes  fur  le  dos» 
Elles  jugèrent  à propos 
Des*en  aller  à là  même  heure 
Ob  Pallas.fiüfoit  la  demeure. 

Elles  7 demeurèrent  long-tems  ; 

Mais  lorlque  lesRomaîns  devinrent  édatan^ 
Etqu'ils  eurent  conquis  Athènes  , 
Les  Mules  le  firent  Romaines. 

Enfin  par  Tordre  du  deftih , 

Quand  Ronse  alloit  en  décadence^ 
Les  Mufes  au  Pays  Latin 
Ne  firent  plus  leur  réfidence» 

Paris  le  liège  des  Amours  , 

Devint  aufli  celui  des  filles  de  mèmoirci 
Et  Ton  a grand  lujet  de  croire 
Qu'elles  ÿ refieront  toûjours.^ 

/Quand  jq  parle  de  Paris , j’y  comprens 
/les  beaux  pays  d’alencour  ; car  elles  en 
: lorienc  de  tëms  en  tems  pour  prea- 

D 4 


S6  Lettres 
dre  l’aîr  de  la  Campagne. 

Tantôt  Fontainebleau  les  voit 
Le  long  de  fes  belles  cafca'des: 
Tantôt  Vincennes  Iles  reçoit 
Au  milieu  de  fes  palifTades. 

Elles  vont  fouvent  fiir  les  eaux. 

Ou  de  la  Marne  ou  de  la  Seine  : 

« Elles  étoient  toûjours  à Vaux  > 

Et  ne  Font  pas  quittdûuis  peine. 

» 

Ne  CToyez  pas  pour  cela  que  les  Pro> 
vinces  manquent  de  Foëtes , elles  en 
ont  en  abondance:mais  que  cesMufes 
font  differentes  des  autres  ! Il  eft  vrai 
qu’elles  leur  font  égales  en  nombre,  & 
le  vantent  d’être  prefque  auffl  ancien* 
nés , au  moins  font-elles  depuis  long* 
tems  en  poffeffiondes  Provinces.  Vous 
^êtes  en  peine  de  fçavoir  qui  elles  font  : 
fouveoez-vous  des  neuf  filles  de  Pie- 
rus  ; leur  hiffoire  eft  connue  au  Par- 
nalle,  d’autant  que  les  Mules  prirent 
leurs  noms  après  les  avoir  vaincuè’s , 
comme  les  Romains  prenoient  les 
noms  des  pays  qu’ils  avoient  conquis. 
Les  filles-  de  Pierus  furent  changées 
en  Fies. 


DE  Racine.  8t 

Ces  oifeaux  plus  importuns 
Mille  fois  que  les  Chouettes  ^ 

Sont  caufe  que  les  Poètes  ^ 

Sont  devenus  fi  communs» 

Vous  fçaves»  >que  toutes  Pies 
Dérobent  fort  volontiers: 

Celles^-ci  comme  Harpies 
Pillent  les  livres  entiers» 

On  dît  même  qu^à  Paris 
Ces  faufies  Mufes  font  rage» 

Et  que  force  beaux  efprits 
Se  font  à leur  badinage. 

Lorfqu'elles  font  attrapées 
Les  ailes  lèurs  font  coupées» 

Et  leurs  larcins  confifquésr 
Et  pour  finir  cette  hifioire». 

Tels  oifeaux  font  reléguée 
De-là  les  rives  de  Loire- 

Cell  où  Furetîere  relegue  lèur  géri^ 
. ral  Galimatbias  » & il  e(l  bien  jufte 
qu’elles  lui  tiennent  compagnie  ; mais 
je  ne  fonge  pas  que  vous  me  condam*^ 
lierez  peut-être  à y efemeurer  comme 
elles»  Éneffet  j’ai  bien  peûf  que  ceci 


. 92  L E T T & & s 

n’aprOche  fort  de  leur  fbyle , & qt 
^ous  n’y  reconnoiOiez  plûcôt  le  caqui 
|impoctun  des  Pies , que  l’agréable  fac 
des  Mufes.  Renvoyez-mot  ceti 
bagatelle  des  bains  de  Venus  n 
mandez  ce  qu’en-  penfe  votre  Acad' 
mie  deCbâteau-Thiery , fur-tout  M 
demoifelle  de  la  Fontaine.  Je  ne  1 
demande  aucune  grâce  pour  mesVet 
Qu'elle  les  traite  rigoureurement;ma 
qu’eUe  me  fafie  au  moins  la  grâce  4’ 
gréer  mes  refpeéts. 


A U M E S M E.  ' 

, Ji  Vfix.  le  x$  SnilUt  i66z. 

Votre  derniere  Lettre m’aextr 
memenc  confolé , voyant  q; 
TOUS  preniez  quelque  pajr  à l’affli 
tion  ou  j’étois  de  la  trahifon  de  D.  C< 
me.  Je  ne  lui  écrirai  plus  de  ma  vii 
& je  ne  parlerai  plus  à mon  onde  < 
réugnation , parce  que  j’ai  pe^r  qu 
ne  me  croie  interrefré.  Cependant 
doit  bien  s'imaginer  que  je  ne  luis  p; 
venu  de  û loin  pour  ne  rien  ^goe 


V É R A C I K k.  f| 

Jelai  ai  jufqu’ici  tant  témoigné  de  fou> 
inîfüon  & d'ouverture  de  cœur , -qu'il 
à crû  que  je  voudrois  vivre  avec  lui 
long-tems  de  la  forte , fans  aucunein* 
tendon,  fur  fon^énéfice  ; ( ï ) je  von- 
drois  bien,  qu’il  euttoûjourscettebon* 
ne  opinion  de  moi.  II  n’y  a rien  à faire 
auprès  de  M.  l’Evêque:  il  donne  à Tes 
gens  le  peu  de  Bénéfices  qui  vacquent 

•r  ■ t 

ici. 

. Je  fuis  fort  allarmé  de  votre refroi- 
difleraent  avec  le  pauvre  Abbé  le  Vaf- 
/èur;ceia  m’affligeroit  au  dernier  point 
■ii  je  ne  f^avois  que  Votre  amitié  eft 
-.trop  forte  pour  être  fi  long-tems  re- 
froidie , & que  vous  êtes  trop,  géné-  ^ 
reux  r.un  & fautre  pour  ne  pas  pafi 
for  par  deflûs  de  petites  chofes,  qui  - 
peuvent  avoir  caufé  cette  méfintelli-y 
gence.  Je  fouhaite  que  cèt  accord  fo* 
fafie  au  plûtôc  : ayez  la  bonté  de  m’eib 
mander  au(fi-tôt  la  nouvelle  ; car  je 
mourrois  de  déplaifir^fî  vous  rom- 
piez tout-à-fait , je  pourrois  bien  dire 
comme  Chiméne  » 


* ^ I > Il  avoue  ingénument  fes  (eniimcnt^  U avoU\ 
Mande  envie  du  Bénéfice  ; 4a  néoefitté  de  fe-  fairt^Ké* 
ffuller  l'dffnypit.  Cependant  uoe  ptosnande 
nêÜB&é  1*011  Mit  QOnÜBBût  isiottt  s 


JUt  ffloitléde  ma  vie  anus  fautie  au  tom* 

’ bMU. 

« 

Mais  vous  n’en  viendrez  pas  juf- 
qu’à  cette  extrémité  ; vous  êtes  trop 
pacifiques  tous  deux. 

J’ai  peine  à croire  que  Mademoi* 
felle  Vitart  ait  la  moindre  curiofité 
de  voir  quelque  chofe  de  moi , puif> 
qu’elle  ne  m'en  arien  témoigné:  vous 
fçavçz  bien  vous-même  que  les  meil- 
leurs efprits  le  trouveroient  embar- 
raflés  ) s’il  leur  falloir  toûjours  écrire, 
fans  recevoir  de  réponfe.  £crivez-moi 
fouvent,  vos  Lettres  me  donnent  cou- 
rage , & m’aident  à pouilèr  le  tems 
par  l’épaule , comme  on  dit  dans  ce 
pays-ci. 

M.  le  Prince  de  Conti  efi  à trois 
lieuè's  de  cette  ville , & fe  fait  furieufe- 
ment  craindre  dans  la  Province;  il  fait 
rechercher  les  vieux  crimes , qui  font 
en  fort  grand  nombre  : il  a fait  empri- 
fonner  plufieurs  Gentilhommes^  & en 
a écarté  beaucoup  d’autres.  Une  trou- 
pe de  Comédiens  s’étoit  venu  établir 
dans  une  petite  ville  proche  d’ici,  il 

lesachafféS}  ilsofit  xépapleiüi^ 


DE  Racine.  85' 
ne.  Les  gens  du  Languedoc  ne  font 
pas  accoûtumés  à pareille  réforme.  Il 
f^uc  pourtant  plier. 

Je  ne  fçaurois  écrire  à d’autres  qu’à 
TOUS  aujourd’hui , j’ai  rèfprit  embar* 
ralTé  ; je  ne  fuis  en  état  que  de  parler 
procès , ce  .qui  fcandaliferoit  ceux  à 
qui  j’ai  coutume  d’écrire  : tout  le  mon* 

. de  n’a  pas  la  patiencè  que  vous  avez 
pour  fouffrir  mes  folies  : outre  que 
mon  oncle  eH:  au  lit , & que  je  fuis 
fort  aflSdu  auprès  de  lui , il  e(l  tout* 
à-fait  bon,  & je  crois  que  c’eflle  feid 
de  fa  Communauté  qui  ait  l’ame  ten* 
dre  & généreufe.  Je  fouhaite  qu’il  faf> 
fe  quelque  chofe  pour  moi  ; je  puis  ce- 
pendant vous  protefter  que  je  ne  fuis 
pas  ardent  pour  les  Bénéfices  ; je  n’en 
fouhaite  que  pour  vous  payer  au 
moins  quelque  méchante  partie  de 
tout  ce  que  je  vous  dois.  Je  meurs 
d’envie  de  voir  vos  deux  Infantes,  ' 

Un  Gentilhomme  voiün  de  cette 
ville  annonçoit  avec  tant  de  confian* 
ce,  que  l’enfant  dont  fa  femipe  dévoie 
accoucher  feroit  quelque  chofe  de 
grand  | que  je  m’attendois  à voir  naS* 
tre  dans  le  château  quelque  géant  ; & 

il  û’eü  fille»  Ce  a’eft  pu 


L s T T s E s 
qu‘une  fille  foit  peu  de  chofe  , m 
' )e  pere  parloit  bien  plus  haut  ; c 
lui  apprend  à s'humilier.  |'aioQi'd 
à un  Prédicateur,  que  Dieu  chani 
roit  piûtôt  un  garçon  en  61ie  av; 
qu’il  futné,que  de  ne  point  humil 
tin  homme  qui  s’en  fait  accroire, 
n’ed  pas  qu’il  y aie  du  miracle  di 
l’affaire  de  ceGentilhomme,&  je  cri 
fort  bonnemenequ'il  n’a  eu  que  ceqi 
a fait.  Adieu. 


A M.  LE  VASSEUR. 
'A  Pont, 

La  renmmU  a été  afJèz  heureui 
( 1 ) M.  le  Comte  de  Saint  Aigm 
la  trouve  fort  belle  ; il  a demandé  m 
autres  ouvrages,  & m’adêmandémt 
même:  je  le  dois  aller  faluer  demain.  ^ 
ne  l’ai  pas  trouvé  aujourd'hui  au  lev< 


D E R A C I N B.  , 87 
du  Roi:  mais  j’y  ai  trouvé  Molière , 
à qui  le  Roi  a donné  ailèz  de  loüan< 
ges  ; & j’en  ai  été  biep  aife  pour  lui  : 
il  a été  bien  aile  aoffî  que  jj  fulTe  pre* 
fent. 

LesSuifles  iront  Dimanche  à No> 
tre>Dame  ; & le  Roi  a demandé  la  Co« 
médie  pour  eux  à Molière , fur  quoi 
M.  le  Duc  a dit  qu’il  fuffifoit  de 
leur  donner  jrtt  Rhii  bien  enfariné, 
parce  qu'ils  o’entendoient  point  le 
François. 

• Adieu  : vous  voyez  que  je  fuis  à de* 
.mi  courtifan , mais  c’emà  mon  gré  un 
métier  allèz  ennuyeux. 

Pour  ce  qui  regarde  les  fnrts^  ils 
(bns  avancés  : ( i ) le  quatrième  a6ie 
étoit  fait,  mais  je  ne  go ûtois  point 
toutes  fes  épées  tirées  ; ajnfi  il  a falta 
les  faire  rengainer , & pour  cela  ôter 
plus  de  deux  cens  vers , ce  qui  n’eft 
pas  aifé. 

1 1'}  11  parle  de  la  Tragélie  dct  Frexes  ettnemit. 

(S0 

a 

ê 


‘ V * 


«8 


Lettre? 


AU  M E S M e. 


J)e  Tmt. 

\ 

Ne  vous  attendez  pas  à aprendre 
de  moi  aucune  nou  velle:car  quoi* 
que  j’aie  vû  tout  ce  qui  s’efl:  pàiTé  à 
Notre-Dame  avec  Melüeurs  les  Suif* 
fes , je  n’ofe  pasufurperfur  le  Gaze- 
tier  l’honneur  de  vous  en  faire  le  récit. 

J’ai  tantôt  achevé  ce  que  vous 
fçavez , & j’efpére  que  j’aufai  fait 
Dimanche  ou  Lundy  : j’y  ai  mis  des 
Stances  qui  me  fatisfont  alTez  ( i ) $ 
en  voici  la  première  ^ je  n’ai  point  de 
meilleure  cbofe  à vous  écrire. 

Cruelle  Ambiticm  dont  la  noire  malice 

Conduit  tant  de  monde  au  trépas  j 
Et  qui  feignant  d’ouvrir  le  trônefous  nos  pas 
Ne  nous  ouvres  qu’un  précipice^ 
Que  tu  caufes  d’égaremens  ! 

Qu’en  d’étranges  inallieurs  tu  plonges  tes 
amans  I 


(.()  VM  d n%afiit Atiifiûti «Tcc 


% 

i 


SE  Racine.  8p 


, Que  leuts  ckûtes  font  déplorables  ! 
Mais  que  tu  fais  périr  d’innocens  avec  euz>. 

B tu  fais  de  miférableç 
mt  un  ambitieux!. 

C’eft  on  lieu  commun  qui  vient  bien 
à mon  fujet , ne  le  montrez  pas. 
Adieu,jefoühaite  que  ma  Stance  vous 
tienne  Keu  d’une  bonne  Lettre.  Mont- 
fleury  a fait  une  Requête  contre  Mo*  f' 
. Hère , & l’a  prefentée  au  Roi , li  ac* 
cu(e  Molière  d’avoir  époufé  fa  pro*. 
pre  fille;  mais  Mont-âeury  n’efl  point, 
écouté  à la  Cour. 


A ü M E S M E.  • 


JDr  Pdrtt, 

JE  n’ai  pas  grandes  nouvelles  à vous 
mander  : je  n’ai  fait  que  retoucher 
continuellement  au  cinquième  Aêle  ; 
il  eft  achevé  : j’en  ai  changé  toutes  les 
Stances  avec  quelque  regret.  On  m’a 
dit  gue  ma  Princeffe  n’étoit  pas  en 
tuatioa  de  s’étendre  for  des  lieux  com> 


« 


90  LETTVEi^ 
rouns  : j’ai  donc  toat  réduit;  à trois 
Stances, & j’ai  ôté  celle  de  l’Ambition^ 
qui  me  fervira  peut-être  ailleurs. 

On  annonça  hier  la  Thébaïde  à 
FHÔtel;  mais  on  ne  la  promet  qu’a- 
prés  trois  autres  pièces. 

Je  viens  de  parcourir  votre  belle 
& grande  Lettre  , où  j’ai  trouvé  des 
difficultés  qui  m’ont  arrêté.  Je  fuis 
pourtant  fort  obligé  à l’Auteur  des 
Remarques  , (’  i ) & je  l’elÜme  in- 
finiment. Je  ne  fais  s’il  ne  me  fera 
point  permis  quelque  jour  de  le  con- 
noitre.  Adieu  , Monueur. 

'fl)  Cet  endroit  eit  remarquable,  il  parle  des  cri- 
tiques iîir  (bti  Ode  de  la  Renom  mée  *,  faîtes'par  Boi* 
leau,  à qui  M.  le  Vailbur  avoit  montré  cette  Odes. 
Ces  critiques  lui  infpiféreiit  de  l'eftimepour  Boileau  , 
de  une  grande  envie  de  le  connoltre*  M-  le  Vallcuz 
le  mena  chez  Boileau , 6c  dans  cette  premteie  viûie. 
eDmmcnfa  leux  famcoie  le  conftame  anûtié. 


91 


AVERTISSEMENT. 

' \ 

ON  verra  dans  les  Lettres 
fuivances,  tout  commun 
encre  les  deux  hommes  qui  s’écrL 
vent , amis,  intérêts , fencimens, 
ôc  ouvrages.  On  verra  auffi  mon 
Pere  plus  occupé  à la  Cour  i de 
Boileau  que  de  lui-même.  Cette 
union,qui  a duré  près  de  quaran» 
te  ans  « n’a  jamais  été  un  ^ul  jour 
refroidie. 

: Les  premières  Lettres  furent 
écrites  dans  le  tems  que  Boilean 
ctoit  allé  â Bourbon , où  les  Mé> 
decins  l’avoient  envoyé  prendre 
les  eaux  : remède  aflez  bifarre 
(pour  une  excinâion  de  voix.  Il 
î’avoit  perduë  entièrement  , de 
tout>àrCoup , à la  fin  d’un  vio> 
lent  rhume  : & fe  regardant  com» 
me  un  homme  inutile  au  monde  , 
il  s’abandonnoit  à fon  a£Bidi<»u 


AVERTISSEMENT, 

Mon  Pere  le  conloloit , en  l’alTu* 
ranc  qu’il  recrouveroic  la  voik 
comme  il  l'avoit  perduë,  & qu’au 
moment  qu’il  $*y  atcendoit  le 
moins , elle  reviendroic.  La  pré- 
diâion  fût  véritable  : les  remè- 
des ne  firent  rien  , & la  voix  fik 
xuois  après , revint  tout-à-coup. 

Les  autres  Lettres  font  {Mreique 
toutes  écrites  dans  le  tems^que 
mon  P ere  fui  voit  le  Roi  dans  fès 
Campag^es^Boileaune  pouvant 
à caufe  de  la  foiblelTe  de  là  làn^ 
té , avoir  le  même  honneur  ,jlba' 
Ccdlégue  dans  Pemploi  d’écrire 
cette  Hiftoire  t àvoft  attention 
de  l’inftruirè  de  tout  ce  qui  le 
palToit.  Il  lui  écriypit  à la  hâte  ,■ 
& Boileau  lui  répondoit  de  mdi 
me.  Ces  Lettres  dans  lefquelles. 
ils  ne  cherchent  point  l’efprit» 
font  connoîcrc  leur  coeur. 


SECOND  RECUEIL- 

« 

LETTRES  A BOILEAU, 

Et  les  Rèponfes  de  Boileau. 


DE  BOILEAU. 

^ Boutim  U II.  Juillet. 

jTl’Ai  été  faigné , purgé , &c.  & il  ne 
manque  plus  aucune  des  forma* 
Imalités  précenduès  néceflaires  pour 
prendre  les  eaux.  La  médecine  que 
j’ai  prifè  aujourd’hui , .m’a  fait , à ce 
qo’on  dit , tous  les  biens  du  monde  ; 
car  elle  m’a  fait  ’ tomber  quatre  ou 
cinq  fois  en  foiblefle , & m’a  mis  en 
tel  état  qu’à  peine  je  puis  me  foûte- 
nir.  C’elx  demain  que  je  dois  com* 
xnencer  le  grand  chef  • d’œuvre  ; je 
veux  dire  que  demain  je  dois  corn* 


^4  Lettres  os  BeiLSAV 
mencer  à prendre  des  eans.  M.  Bour» 
^ier , mon  Médecin , me  remplit  toû- 
jours  de  grandes  efpérances  ; il  n’eft 
pas  de  l’avis  de  M.  Fagon  pour  le 
î[)ain , & cite  même  des  exemples  de 
gens  qui  loin  de  recouvrer  la  voix 
par  ce  remède  , l’ont  perduê  pour  s’ê- 
tre baignés  : du  relie  on  ne  peut  pas 
faire  plus  d’eltime  de  M.  Fagon  qu’il 
èn  fait,  & il  le  regarde  comme  l’Ef 
culapë  de  ce  tcms.  j’ai  fait  connoif- 
fance  avec  deux  ou  trois  malades  , 
qui  valent  bien  des  gens  en  fanté. 
Ce  ne  fera  pas  une  petite  affaire  pour 
moi  que  la  prilè  des  eaux , qui  font , 
dit- on , fort  endormantes  , & aveclef- 
Iquelles  néanmoins  il  faut  abfolumenc 
Vetnpêcher  de  dormir  : ce  fera  un 
noviciat  terrible  : mais  que  ne  fait>on 
point  pour  contredire  M.  Charpen- 
tier ? ( I ) 

Je  n’ai  point  encore  eu  de  tems 
pour  me  remettre  à l’étude  , parce 
que  j’ai  été  allez  occupé  des  remèdes, 
pendant  lefquels  on  m’a  défendu  , 
lur-tout , l’application , les  eaux , dit- 


( I } Il  diffiuoU  Ibaveu  i l’Aeadcmie  cMUe  M. 
Chaifcntict. 


* T » B R A C I H S.  Ç<f 
en  ^ me  donneront  plus  de  loîHr , & 
ipourvû  que  je  ne  m’endorme  point, 
on  me  laifle  toute  liberté  de  lire , & 
même  de  compolèr.  Il  y a ici  un  Tré- 
forier  de  la  Sainte  Chapelle,  qui  me 
vient  voir  fort  fouvent  ; il  elt  hom- 
me de  beaucoup  d’efprit,  & s’il  n’a 
pas  la  main  G prompte  à répandre  les 
bénédiâioBS  que  le  fameux  M.  Cou-  ; 
tances , il  a en  récompenfe  beaucoup  ' 
plus  de  Lettres  <St  de  folidité.  Je  fuis 
toûjours  fort  affligé  de  ne  vous  point 
voir  j mais  franchement  le  féjour  de 
Bourbon  ne  m’a  point  paru  , jufqu’à 
préfent,  fi  honible-que  je  me  l’étois 
imaginé:  je  m’étois  préparé  à une  fi 
grande  inquiétude  , que  je  n’en  ai  pas 
la  moitié  de  ce  que  j’en  croiois  avoir. 
Je  n’ai  jamais  mieux  conçâ  combien 
lé  voiis  aime , que  depuis .notrê'trîHÇ^ 
réparation.  Mes  recommandations  au 
'Félix  , ât  je  vous  fuplie  , 
quand  même  je  Taurois  oublié  dans 
quelqu’une  de  mes  Lettres , de  fup- 
pofer  toujours  que  je  vous  ai  parlé  de 
lui , parce  que  mon  cœur  l’a  fait , il 
ma  main  ne  l’a  pas  écrit. 


çf6  Lettres  de  Boileav 


A BOILEAU. 

» 

Taris  le  25.  JstilUt, 

\ * 

JE commençois  à m’ennuyet beau- 
coup de  ne  point  recevoir  de  vos 
nouvelles , & je  ne  favois  même 
répondre  àquamité  de  gens  quim’en 
demandoienc.  Le  Roi , il  y a trois 
jours,  me  deihanda  à Ton  (fîner , com- 
ment alloit  votre  extinftion  de  voix: 
je  lui  dis  que  vous  étiéz.  à Bourbon. 
^Monfleur  prit  àufii-tôt  la  parole , & 
• me  fit  là-delTus  force  queftions , auf- 
^fi-bien  que  Madame  j & vous  fîtes 
l’entretien  de  plus  de  la  moitié  du  dî- 
ner. Je  me  trouvai  le  lendemain  fur 
le  chemin  de  M.  de  Louvois  , qui 
me  parla  aufli  de  vous  ; mais  avec 
beaucoup  de  bonté,  &.  me  difant  eu 
propres  mots , qu’il  étoit  très- fâché 
que  cela  durât  fl  long-tems.  Je  ne 
vous  dis  rien  de  mille  autres  qui  me 
parlent  tous  les  jours  de  vous  ;&  quoi- 
que j’efpere  que  vous  retrouverez 
l^en-tôt  votre  voix  toute  entière  , 

vou« 


B T » E B.  A C t N E.' 

VOUS  n’en  aurez  jamais  affez  pour  fuf> 
fire  à tous  les  remercimens  que  vous 
aurez  à faire. 

Je  me  fuis  laUTé  débaucher  par  M. 
Félix  pour  fuivre  le  Roi  à Mainte-’ 
non  : c’efl  un  voyage  de  quatre  jours. 
M.  de  Termes  nous  mène  dans  foa 
carofle  : & j’ai  auffi  débauché  M. 
HeUein  pour  faire  le  quatrième  : il  fe 
plaint  toujours  beaucoup  de  lès  va-\ 
peurs,  & je  vois  bien  qu’il  efpere 
ibulager  par  quelque  dilpute  de  Ion-  j 
gue  haleine  ; ( i ) mais  je  ne  fuis  guè- 
re en  état  de  lui  donner  contente- 
ment, me  trouvant  aflez  incommodé 
de  ma  gorge , dés  que  j’ai  parlé  un  pea  ' 
de  fuite.  Ce  qui  m’embarrallè , c’eli: 
que  M.  Fagott,  & pIuGeurs  autres 
Médecins  trés-habiles , m’av.oient  or- 
donné de  boire  beaucoup  d’eau  de 
Sainte  Reine  , & des  ptifannes  de* 

( chicorée.  Et  j’ai  trouvé  chez  M.  Ni- 
HÈBRr anTSÆédecin  qui  me  paroît  fort. 
6nfé  , qui  m’a  dit  qu’il  connoiiToic 
mon  mal  à fisnd;. qu’il  en  âvoitdéja 

'J.  ^ ^ < Jcat  ami  comoit»  » fie  Frc« 

de  la  Sablière  , avoit  beaucoup  d*cf- 
pffit  'lc  de  Lettitf  : maii.U  aimoit  à difpiitcc  fil  i 
«olurtdire. 

Tmf  /,  Ë 


^ ti«  T T ECt  IIFE  B 01 L 1 AV 
;^uéri  plufieurs^  & que  je  ne  guérir 
aeois  jamais , tant  que  je  boirois  ni  eau 
aii  ptifanne  j que  le  feul  moyen  de 
Ærtir  d’afiàire^  étoit  de  üè  boire  que 
^ur  la  feulé  nécelfité  , tout  - au» 
plus  pour  détremper  ‘les  alimens  dans 
Teftomach.  Il  .a  appuyé  cela  de  quel* 
^ues  Taifonnemens  qui  ‘ m’ont  para 
aflez  folides.  Ce  qui  eft  arrivé  de-là^ 
«’eft  que  je  n’exécute.,  ni  Ton  otdoo- 
Aance , -ni  celle  de  M.  Fagon  .*  je  ne 
jne  noyé  plus  dleau  comme  je  fai» 
ilbis,  je  bois  à ma  foif , & vous  jugez 
;biei)  que  par  le  tems  qu’il  fait , on  a 
tbt^ours  foif  ; cîeft  • à - dire  franche* 
vienc^  que  je  me  fuis  remis  dans  mon 
train  de  vieotdm«re  je  m’en  trou- 
ve aflèz  bien.  Tje  même  Médecin  m’a 
aflbré  que  fi  les  eàus  de  Bourbon  ne  k 
«dus  guériiToient  pas  , il  vous  guéri- 
ncdt  infailliblement;  Il  m’a  cité  l’e-j 
xemple  d’nn  Chantre  de  Notre  » Di-j 
me  , à qui  nn  rhume  avoit  Êiit  per- 
dre iémieronent  la -vo»  -d^uis  lîx 
mois  vi&  ü étoit  prêt  de  ie  retirer  p 
ceJMédedn  l’entreprit , & avec  une' 
ptilànne  d’une  herbe  qu’on  apelle  , 
crois , , le  tira  d’affaire  , "ss 

W teile  forte  que  non-feulemeat  il’ 


%t  os  RâeiKE.  ^ 

sarle , mais  il  chante , & a la  voix  auf* 
V forte  qu’il  Fait  jamais  eue.  J’ai  con- 
té la  chofè  aux  Médecins  de  la  Cour  : 
ils  a voilent  que  cette  plante  d’^ti/g- 
rntum  eft  très-bonne  posflâ'poitnne  ; 
mais  ils  dilênt  qu’ils  ne  trroyoient  pas 
qu’elle  «ût  la  vertu  que  dit  mon  Mé- 
^écin.  C’eft  le  même  qui  a deviné 
Je  mal  de  M.  Kicole  : ( i ) il  s’apel- 
Je  M.  Morin\,  & il  efl;  à Mademoi- 
Jèlle.de  Guilê.  M.  Fagon  ^ fait  un 
fort  grand  cas.  J’efpere  que  vous 
n’aurez  pas  befoin  de  lui  ; mais  tou- 
jours cela  eft  bon  il  favoir  : & fi  le 
malheur  voidoit  que  vos  eaux  ne  fif- 
fent  pas  tout  l’effet  que  vous  fouhai- 
tez  t voüà  encore  une  affez  bonne 
confolation  que  je  vous  donne.  Je  ne 
vous  manderai  pour  cette  fois  d’au!> 
très  nouvelles  que  celles  qui  regar- 
dent votre  fauté  & la  mienne. 


ftj  II  étolt  de  TAcadémie  des  Sciences»  de  (bu 
dloge  cft  im  des  f Kiuiefi  de  «ei»  qu'a  fait  dA 
JEMttaBlie. 


too  Lettres  de  Boiliav 


DE  BOILEAU.  . 

A Buirion  ie  29..  Juillet. 

SI  la  perte  de  ma  vojx ne m’avoit 
fort  guéri  de  la  vanité  , j’au- 
Tois  été  très  • fenfîble  à tout  ce  que 
TOUS  m’avez  mandé  de  l'honneur  que[ 
m’a  fait  le  plus  grand  Prince  de  la  ter*; 
re,  en  vous  demandant  des  nouvel*! 
les  de  ma  fanté.  Mais  l’impuiflaa* 
ee  où  ma  maladie  me  met  de  répon* 
dre  par  mon  travail  à toutes  les  bon- 
lés  qu’ilme  témoigne , me  fait  un  fur 
Jet  de.  chagrin , de  ce  qui  devroit  fai- 
re toute  ma  joye.  Les  eaux  jufqu’ici 
m’ont  fait  un  fort  grand  bien , fui- 
vant  toutes  les  réglés , puifque  je  les 
^ends  ' de  relie , & qu’elles  m’ont , 
.pour  ainû  dire  , tout  fait  fortir  du  V 
«orps,exceptéla.maladiepour  laquei-^ 
le  je  les  prens.  M.  Bourdier , mon ^ 
Médecin , foutient  pourtant  que  j’ai 
la  voix  plus  forte  que  quand  je  fuis 
arrivé.:  & M.  Baudierre , mon  Apo- 
cicaire , qui  eÆ  encore  meilleur  jur 


F 


BT  DE  RACINEr  fOC 

ge  qae  IhL  puifqu’il  eft  fourd  , pré- 
«fend  âiiîmamême  chofe  j mais  pouf 
moi  je  fuis  perAiadé  qu’ils  me  flat- 
tent , ou  plûtôc  qu'ils  k flattent  eux- 
mêmes.  Quoi  qo’il  en  fbit,  l’irai  JuA 
qu’au  bout , & je  ne  donnerai  point 
occafîon  à M.  Fagon  & à M.  Félix  de; 
dire  que  je  me  fuis  impatienté.  Au  pi$ 
aller  nous  elKiierons  cet  byv.er  YEri- 
fàmm:  moD  Médecin. & mon  Apo- 
ticaire  » àqni  j’ai  montré  l’endroit  de 
, votre  Lettre  , oà  vous  parlez  de  cet- 
te plante , ont  témoigné  tous  deux  en 
faire  grand  cas  j mais  M.  fiourdier 
prétend  qu’elle  ne  peut  rendre  la  voix 
qu’à  des  gens  qui  ont  le  goiler  attai»  .1 
qué  ydt  non  pas  à on  homme  comme  / 
moi , qui  a tous  les  mufcles  embar-'^ 
Taifés.  Peut-être  que  fi  j’avoisle  go<> 
zier  malade , prétendroit-il  que  Y EH' 
firnurn  ne  fauroit  guérir  que  ceux  qui 
ont  la  poitrine  attaquée.  Le  bon  de 
]*afiàîree(l  qu’il  perfide  toujours  dans 
la  penfée  que.  les  eaux  de  Bourbon  me 
rendront  bientôt  la  voix  ; fi  cela  arri- 
ve , ce  fera  à moi , mon  cher  Mon- 
fieur,  à vous  confoler,  puifquede  la 
maniéré  dont  vous  me  parlez  de.vo-' 
cre  mal  de  gorge , je  doute  qu’il  puif* 

E 3 


102  Lettiss  oe  BoiiEixr 
fe  être  guéri  fitôt , fur-tout  fi  vont 
■vous  engagez  en  de  longs  wyageï 
avec  M.  Heffein.  Mais  laiflèz-moi  fai- 
re, fi  la  voix  me  revient,  j’efpéredc 
vous  foulager  dans  les  difputes  que 
vous  aurez  avec  fui , iauf  à perdrq^ 
encore  une  fécondé  fois  pour  voua 
. rendre  cet  ofiSce.  Je  vous  prie  pour- 
taiit  de  lui  faire  bien  des  amkiés  de  ma 
part , & de  lui  faire  entendre  que 
fes  contradiâions  me  feront  tou- 
jours beaucoup  plus  agréables  que  lea 
complaifences  & les  aplaudifTemens 
fades  des  amateurs  du  bel  Efprit.  U 
a’eft  trouvé  ici  parmi  les  Capucins  un 
de  ces  amateurs  qui  a fak  des  Vers 
i ma  loüange.  padmire  ce  que  c’efe 
que  des  hommes.  Vtimtas  mn»f» 
vdnit4s.  Cette  fentence  ne  m'a  jamais 
paru  fi  vraîe  qu’en  fréquentant  cea 
bons  & cralTeux  Peres.  Je  fuis  bieft 
fâché  qiie-vourne  fbyéz  point  enco- 
re établi  à Auteuil , où , Tpfite 
ipfrhâe voe^héutti  c’eft-à-dire, 
'OÙ  mes  des  deux  puits  ( i J & mes 
abricotiers  vous  apellent. 

(1)  Il  n'avoit  pas  d'autres  eaux  dans  ccUe  pc.ûtt 
inaifoa  dont  il  faifoit  Tes  délices* 


f 


f 


Y T v .B  K A e r H S.  to)fi 

Vous  faites  rrès-bien  d’aller  à Main*- 
* cenon  avec  une-  compagnie  auffî 
agréable  qur  celle  dbnt  vous  me  parr 
lez , puifque  vous  y trouverez  votre 
utilité  Si.  votre  plailiri.  Qpme  tufip' 

pmEltm , &CV- 

Je  n’ai  pû  deviner  là  Cfitiqne  que 
vous  peut  faire.M.  l’Abbé  Tailemanr 
for  l’Épitaphe^  N’eft- ce  poinr  qu’il* 
prétend  que  ces  termea , Ùfitt  t$ornmf^, 
Kmblent  dire  que  l<(  Roy  Louis  XIIR 
a tenu  M.  lo  TeHier  fur  les  fonts-  de' 

Jfoptênie  ; m>  bî^  ms  c’éft  tnÿ  di^^- 

.que  le  Roy  lè  choiut  pour  remplir 
la  charge,,^,  parce  que  c’eft  la 
charge  qui  a rempli  M.  le  Tellier  y Sc 
non  pas  M;  le  Tellier  qui  a rempli  la 
charge-:  parla  même  raifon  que  c’eft 
la  ville  qpi  entoure  lés  ft^a-  » ^ 
non  pas  ies  folTés  qui  encourent  la- 
ville.  G’ell  à vous  à m’expliquer  ceo- 
te  énigme. 

Faites  bien,  je  vous  prie^esbaiiè* 
mains  au  P.  Bouhours , & à-  tous  nos 
amis  ; mais  fur-tout  térooignezhien  k 
I M.  Nicole  la  profQade,véaàration  que 
I j’^1  P°°F,  fon  mérite  pour  la  finir  - 
*'^cîté  dé  fes  moeurs  t encore  plus  adr 
nûr abJe  que  fon  mérite.  V oilà , ce  ms 

£ 4 


104  Lettres  de  Bdiieeu 
femble,uneafle2  longue  Lettre  pour 
vn  homme  à qui  on  défend  les  Ion* 
goes  aplications.  J'ai  appris  par  la  Ga* 
zette  que  M.  l’Abbé  de  Choify  étoit 
agréé  a l’Académie.  Voici  encore  une 
vo!e  que  je  vous  envoyé  pour  lui , ^ 
les  trente-neuf  ne  fuffifent  pas.  Adieu , 
aimez  moi  toujours,  & croyez  que 
je  n’aime  rien  plus  que  vous.  Je  paf- 
fe  ici  le  tcms , Sic  m 
av  vrimus  tm  poffm. 


m 


A BOILEAU. 

lAférU  et  4.  A^» 

JE  n’ai  point  encore  vô  M.  Fagon 
depuis  que  j’ai  re$û  de  vos  nou* 
Telles  : oOi  bien  M.  Daquin , qui  trou- 
ve fort  étrange  que  vous  ne  vous 
foyez  pas  mis  entre  les  mains  de  M. 
des  Trapieres:  il  eil  même  bien  en 
peine  qui  peut  vous  avoir  adreiTé  à 
M.  Bourdier.  Je  jugeai  à propos , tant 
il  étoit  en  colère , de  ne  lui  pas  dire 
tin  mot  de  M.  Fagon. 

^ J'ai  fait  le  voyage  de  Maioteooo  , 


« 

ST  SS  R A e I H S.  105 
&ftris  fort  eofitenc  des  ouvrages  qpe. 
j’y  ai  vûs  ; ils  font  prodigieux , & di> 

fies  en  vérité  de  la  nlagnificence  du 
oi.  Les  arcades  qui  doivent  joindre 
les  deux  montagnes  vis-à-vis  Mainte^* 
non , font  prefque  faites , ü y en  a qua-, 
rante-huit,' elles  font  bâties  pour  l’é» 
ternité  : je  voudrois  qu’on  eôt  autant 
d’eau  à faire  paflfer  deflùs  ^ qu’elle» 
font  capables  d’en  porter.  Il  y a là. 
près  de  trente  mille  hommes  qui  tro-^ 
Taillent,  tous  gens  bien  faits,  & qui ^ 
fi  la  guerre  recommence , remueront 
plus  volontiers  la  terre  devant  quek 
que  place  fur  la  frontière  , que  dansi 
les  plaines  de  BeaulTe. 

J’eus  l’honneur  de  voir  Madame. 
deMaintenon,  avec  qui  je  fus  une 
bonne  partie  d’une  après-dînée  ; & 
elle  me  témoigna  même  que  ce  tems> 
là  ne  lui  avoit  point  duré.  Elle  ell 
toujours  la  même  que  vous  l’avez, 
vûè'  , pleine  d’efprit , de  raifon  , de 
piété , & de  beaucoup  de  bonté  pour* 
nous.  Elle  me  demanda  des  nouvel> 
les  de  notre  travail  : jelui  dis  que  vo^ 
tre  indlfpoiîtlon  & la  mienne  , mon, 
voyage  à Luxembourg, & votre  voya-* 
ge  à Bduibdn  , nous  àvoient  un  pea 

üi  S 


I 

iù6  Lett&es  de  Boileav 
recalés  ; mais  que  nous  ne  perdions 
pas  cependant  notre  tems.  ( i } 

A propos  de  Luxemboarg , je  viens 
de  recevoir  un  plan , & de  la  place , 
& des  attaques , & cela  dans  la  der- 
niere  exaéhtode.  Je  viens  de  rece> 
voir  en  même*tems  une  Lettre , où 
l'on  me  mande  une  nouvelle  fort  fur» 


' prenante  & fort  affligeante  pour  vous 
& pour  moi  : c’eft  la  mort  de  notre 
ami  M.  de  Saint  Laurent , ( 2 ) qui  a 
!jé.téemporté  d’un  feul  accès  de  colique 
^Wphrétique,  à quoi  il  n’avoit  jamais 


eîeTujet  en  fa  vie.  Je  ne  crois  pas  , 
qu’excepté  Madame , on  en  foit  fore 
.affligé  au  Palais  Royal.  Les  voilà  dé* 
barralTés  d'un  homme  de  bien. 

Je  laiflè  volontiers  à la  Gazette  à 
vous  parler  de  M.  l'Abbé  de  Choify. 
11  fut  reçû  fans  oppofîtion  ; il  avoic 
pris  tous  les  devants  qu’il  Jajloit  au* 
près  des  gens  qui  auroieht  pû  lui^- 


( 1 ; Ib  ne  le  pejrdroient  pas  j mais  les  grands 
morceaux  qu*ils  avoient  faits , ont  ftd  bt&Iés  dans 
]*iAGcndic  arrivée  chez  M.  de  VaUncoor. 

f z)  Homme  d*une  grande  piéie  , Précepteur  du 
jeune  Duc  de  Chanres  , depuis  Monfîcur  le  Due 
d'Orléans  Récent.  Une  Lettre  fuivante  fera  connot*' 
tte  Icsrcsteu  do  jeune  Prince,  de  £i  douleur  de  cette 
Mit) 


4 


IT  T D E R A C I n S.  107 
re  de  la  peine.  Il  fera  le  jour  de  Saint 
Loüis  fa  harangue,  qu’il  m’a  montrée  : 
il  y a quelques  endroits  d’efprit  i je 
lui  ai  fait  ôter  quelques  fautes  de  ju* 

Îrement.  M.  Bergeret  fera  la  répon* 
e ; je  crois  qu’il  y aura  plus  de  juge- 
ment. 

Je  fuis  bien  aife  que  vous  n’ayez 
pas  connu  la  Critique  dé  M.  l’Abbé 
l^leraant  ; c’eR  ligne  qu’elle  ne  vaut 
rien.  Sa  Critique  tomboh  for  ces  motst- 
/f  e»  ctmmnf a les'fmSioas  f -’û  préten-- 
doit  qu’il  falloit  dire  néceflàirement  :: 
M emmtifa  s :e»  faire  Us  JmStütte,'  Le  ' 
P.  Bouhours  ne  le  deviiiB  point,  non-^ 
plus  que  vous  ; & quand  je  lui  dis  la^ 
difficulté,  il  s’oi  mocqua. 

M.  Heifeinn’a  point  changé  ; nous  > 
fumes  cinq  jours  enfemble.  Il  fut  forc^ 
doux  dans  les  quatre  premiers  jours 
& eût  beaucoup  de  complaifance  * 
pour  M.  de  Termes  , qui  ne  l’avoic*' 
jamais  vû>  & qui  étoit  charmé- de  ùt- 
douceur.  Le  dernier  jour  M.  Hcireia  < 
ne  lui  laiffii  pas  paflfer  un  mot  fensle  ‘ 
coDtreffire  ; &:  même  quand  il  noos  ^ 
voyoit  fatigués  & endormis,  H avan-' 
$oit  malicieufemenc  quelque  parado-.- 
xe , qu’il  làvoic  bien  qu’on  ne  lui 

£6. 


loS  Lettres  SE  Boileau 
feroic  point  pafler.  En  un  mot , il 
eut  contentement  : non-feuiementon 
âifpata , mais  on  querella , & on  fe 
tfépara  fkns  avoir  trop  d'envie  de  fe 
revoir  de  plus  de  huit  jours.  Il  me 
lembla  que  M.  de  Termes  avoit  tou- 
jours raifon  ; il  lui  fembla  auffi  la  mê- 
me chofe  de  moi.  M.  Félix  témoigna 
ppn  pta-  df>  hiitnté  p'>ur  M.  Heflein, 
& aima  mieux  nous  gronder  tous , que 
de  feréfoudre  à le  condamner.  Voilà 
comment  s’eft  pafTé  le  voyage.  Mon 
mal  de  gorge  n’efl  point  encore  fini  ; 
mais  je  n’y  fais  plus  rien.  Adieu , mon 
cher  Monfieur,  mandez>moi  au  plû- 
tôt  que  vous  parlez:  c’efi  la  meilleu- 
re nouvelle  que  je  puifle  recevoir  en 
ma  vie. 


DE  BOILEAU. 

r 

\A  Bourbon  le  5.  Aoit, 

JE  vous  demande  pardon  du  gros 
pacquetque  je  vous  envoyé  : mais 
M.  Bourdier , mon  Médecin , a crû 
qu’il  étoit  de  fi>n  devoir  d’écrire  3 M. 


Et  DE  Ë.ACINE.  109 
Fagon  fur  ma  maladie.  Je  lui  ai  dit 
qu’il  falioit  que  M.  Dodart  vit  auffi 
la  cbofe,;  ainû  nous  femmes  conve* 
nus  de  vous  adrefler  fa  relation.  Je 
vous  envoyé  un  compliment  pour  M. 
de  la  Bruyere. 

J’ai  été  fenliblement  affligé  de  la 
mort  de  M.  de  Saint  Laurent.  Fran- 
chement notre  fiécle  fe  dégarnit  fort 
de  gens  de  meateStHe  vertu.:  & fana 
ceux  qu’on  écarte  fous  un  faux  pré- 
texte, en  voilà  un  grand  nombre  que 
la  mort  a enlevés  depuis  peu. 

Ma  maladie  efl:  de  ces  fortes  de  cho- 
fes  , no»  recipjlHat  mngis,  & minus  , 
puifque  je  fuis  environ  au  même  état 
que  j’étois  lorfque  je  fois  arrivé.  On 
. me  dit  cependant  toûjoura,  comme  à 
Paris , que  cela  reviendra , & c’eft  ce  ' 
qui  me  défefpére  , cela  ne  revenantl 
point.Si je  favois  quejedûlTeêtre  fana  ■ 
voix  toute  ma  vie , je  m’affligerois , 
fans  doute  mais  je  prendrois  ma  ré- 
lolution , & je  ferois  peut-être  moina 
malheureux  que  dans  un  état  d’incer- 
titude , qui  ne  me  permet  pas  de  me 
fixer , & qui  me  lailTe  toûjours  comme 
un.  coupable  qui  attend  le  jugement  ^ 
de  fbtt  procès.  Je  m’efforce  cepen-~ 


no  Lettres  de  Boileav 
dant  de  traîner  ici  ma  tniférable  viè  ' 
da  mieux  que  je  puis , avec  un  Abbé  ^ 
trèS’honnéte  homme , mon  Médecin  » 
& mon  Apoticure.  Je  pafiè  ie  tems 
avec  eux , à pen  près  comme  D.  Qui* 
xotte  le  paflbit  »n  Mtt  lKgdr  dt  U Mmu 
cfM  avec  Ton  Curé  , Ton  Barbier , Sc 
le  Bachelier  Sanfon  Caralco.  J'ai 
auili  une  fervame  : il  me  manque  une 
nièce  ; mais  de  tous  ces  gens-là , celui 
qui  joué*  le  mieux  (bn  perfonnage,c’eft 
moi  qui  fuis  prefque  aufli  fou  que  I>. 
Quixotte , & qui  ne  dirois  guère  moins 
de  fottiles,  fi  jepouvois  me  faire  eo» 
tendre. 

Je  n'ai  point  été  fbrpris  de  ce  que 
vous  m’avez  mandé  de  M.  Hefiein  : 
futtMmm  exptUÀs  furcà , tmcn  ufqtte  re- 
tarreu  11  a d’ailleurs  de  très  - bonnes 
qualités  ; mais  à mon  avis , puilque  je 
fuis  fur  la  citation  de  D.  Quixotte,  il 
n’eft  pas  mauvais  de  garder  avec  lui 
les  mêmes  mefiires  qu’avec  Car* 
denio.  Comme  il  veut  toûjours  con- 
tredire, il  ne  fèroit  pas  mauvais  dé 
lie  mettre  avec  cet  homme  que  vous 
mvez  de  notre  aflèmblée , qui  ne  dit 
j|amais  rien , qu’on  ne  doive  contre* 

I dtre:ils  ièroient  mervéjQeux  eaTemhle^ 


E T DERACINE.  XII 

J’ai  déjà  formé  mon  plan  pour  l’an* 
née  1667.  ( i)  où  je  vois  de  quoi  ou*; 
vrir  un  beau  champ  à Teiprit  : mais 
à ne  vous  rien  déguUèr  « il  ne.  faut 
pas  que  vous  falfiez  un  grand  fonds 
îiir  moi , tant  que  j’aurai  tous  les  ma- 
tins à prendre  douze  verres  d’eau  > 
qu’il  coûte  encore  plus  à rendre  qu’à 
avaler , & qui  vous  laillènt  tout  étour* 
di  le  refl;e  du  jour  » fans  qu'il  vons 
foit  permis  de  fommeiller  un  mo*- 
ment.  Je  ferai  pourtant  du  mieux  que 
je  pourrai , & j’efpére  que  Dieu  m’ai- 
dera. 

Vous  faites  bien  de  cultiver  Mada- 
me de  Maintenon  ; jamais,  perfonne 
ne  fût  fî  digne  qu’elle  du  poAe  qu’el- . 
Je  occupe , & c’eft  la  Jèole  vertu  où  je  ’f 
n’ai  point  encore  remarqué  de  défaut.f^ 
L’eftime  qu’elle  a pour  vous  , e(l  une' 
marque  de  fon  bon  goût.  Pour  moi  je 
ne  me  compte  pas  au  rang  des  chofes 
vivantes. 

Vox  qnoque  l\iœrim 

Jàm  fugit  ipfa  : lupi  Mœrinj  xidere  prîoiesa 

(t  J 11  pà4ie  de  rtliûoiie  do  Sloi  * dont 
mcAC  mi  4«ts  cmrtnttcHciacnt  occnpds» 


ji2  Lettres  i>e  Boileau 

*v 

\ 

tsBsssssssBssssaaBSBSSSSsa 


A BOILEAU. 

P4ris  ce  S.  Aeit, 

t 

MAdatne , votre  fœar  vint  avant- 
hier  me  chereher  ,.fort  allarmée 
d’une  Lettre  <}ue  voua  lui  avez  écri- 
te^ & qui  eft  en  effet  bien  différente 
de  celle  q.ue  i’ai  re$ôê  de  vous.  J’aO^ 
T09  déjà  été  à Verfailles  pour  entre* 
tenir  M.  Fagon  : mais  le  Roy  eft  à 
Marli  depuis  quatre  jours' , & n*en 
reviendra  que  demain  au  foir  j;  ainft 
je  n’irai  qu’aprés  demain  matin  ^ & 
je  vous  manderai  exa£i;ement  tout  ce 
qu’il  m’aura  dit.  Cependant  je  me  Bat- 
te que  ce  dégoût  & cette  laftitude' 
dont  vous  vous  pla.ignez  , n’auront 
point  de  fuite , & que  c’eft  feulement 
mn  effet  que  les  eaux  doivent  produire 
'quand  Teftomach  n’y  eft  pas  encore 
nccoûtumé'  que  il  elles  continuent  à 
Vous  faire  mai  , vous  favez  ce  que 
tout  le  monde  vous  dit  en 
qu’il  falloit  les  quitter  en  ce  cas , ou 

tout  diunoias  les  imerroippre.  Sipar. 


ET  DE  Racine.  113 
ftalheur  elles  ne  vous  guériiTent  pas, 
il  n’y.  a point  lieu  encore  dé  vous  dé- 
courager , & vous  ne  feriez  pas  le 
premier  quf  n’ayant  pas  été  guéri  fur 
les  lieux,  s’efl  trouvé  guéri  étant  de 
retour  chez  lui.  £n  tout  cas  le  firop 
é' Erijmum  Xi  point  affurément  une 

vifion.  M.  Dodart,  à quij’eti  parlai , 
il  y a trois  jours,  me  dit  & m’aflliràep 
confcience,  qire  ce  M.  Morin  , qui 
m’a  parlé  de  . ce  remède,  eft  fans  doii- 
te  le  plus  habile  Médecin  qui  foit 
d/ins  Paris^S  le  moinj.C.harîa tan.  Ij 
eït  confiant  què-  pour  moi  je  me  trou- 
ve infiniment  mieux,  depuis  que  par 
fon  confeil  j’ai  reQoocé  à tout  ce  lai- 
vage  d’eaux  qu’oo  m’avoit  ordon- 
nées, & qui  m’àvoient  prefque  gâté 
entièrement  l’efiomach , fans  me  gué' 
rir  mon  mal  de  gorge. 

M.  de  Saint  Laurent  eft  mm’t  d'n- 
ne  colique  de  miferert , non  point 
d’un  accès  de  néphrétique,  comme  je 
vous  avois  mandé.  Sa  mort  a été  fort 
chrétienne , & m^me  aufli  finguliére 
qne  le  refie  dç  fa  vie.  Il  ne  confia  qu’à 
M.  de  Chartres  qu’il  fe  trouvoit  mal , 
&.  qu’il  alloit  s’enfermer  dans  une 
chambre  pour  fe  repofer  > conjurant 


XI4  Lettkes  DB  Boileav 
inilaminenc  ce  jeune  Prince  de  ne 
point  dire  où  il  étoit , parce  qu’il  na 
Touloit  voir  perfonne.  £n  le  quittan( 
il  alla  ^ire  fes  dévotions , c’étoit  un- 
Dimanchet  & oe  dit  qu-’n  les  faifoie 
tous  les  Dimanches  ; puis  il  s’enfer* 
na  dans  une  chambre  jufqu’à  trois 
beures  après  midi , que  M.  de  Char* 
très  f.  étant  en  inquiétude  de  fa  fan* 
té  , déclara  où.il  étoit.  Tancret  y fut  ^ 
qui  le  trouva  tout  habillé,  fur  un  lit  ^ 
fouffrant  aparemm^nt  beaucoup , & 
néanmoins  fort  tranquille.  Tancret 
se  lui  trouva  point  de  pouls  : mais» 
M.  de  Saint  ^«urent  lui  dit  que  cele 
ne  l’étonnât  point,  qu’il  étok  vieov»- 
& qu’il  n’ayoir  pas  naturellement  le 
pouls  fort  élevé.  II  voulat  être  faigné 
il  ne  trint  point  dè  fang.  Peu  der 
|tems  après  il  fe  mit  fur  fon  féant  ,, 
«puis  dit  à fon  valet  de  le  pancher  ua« 
peu  fur  fon  chevet & auflitôt  Tes? 
pieds  le  mirent  à trépigner  contre  1&- 
plancher,  & il  expira  dans  le  moment 
même.  On  trouva  dans  fa  boarfe  un< 
billet  parlequelil  décjaroitoù  l’on  trou« 
veroit  fon  teftament.Jè  croisqu’il  don-.- 
ne  tout  fon  bien  aux  pauvres.  Voilk> 
eommeil  ell  more  : & voici  ce  qui  fait,. 


ETOs  Racine.  115 
ce  me  femble , allèz  bien  Ton  éloges 
Vous  favez  qu’il  n’avoit  prefque  d’au- 
tre foin  auprès  de  M.  de  Chartres  que 
de  l’empêcher  de  manger  des  frian- 
difes  ; qu’il  l’empêchoit  le  plus  qu’il 
pouvoir  d’aller  aux  Comédies  & aux 
Opéra  ; & il  trous  a conté  lui-même 
toutes  les  rebuffades  qu’il  hii  a folio 
cffuyer  pour  cela , & comment  tou- 
te la  maifon  de  Monsieur  étok  déchal^ 
née  contre  Jur , Gouverneur , Sousf 
Plécepieur , ( i ) Valets-de-eharabre» 
Cèpendant  on  a été-  plus  de  deu« 
jours  fons  ofer  aprendre  fa  mort  à ce 
même  M.  de  Chartres  ; & quand 
Monsieur  ehffn  la  lui  a annoncée  » 
y a jetté  des  cris  effroyables  » le  jeCt 
tant,  non-point  fur  foa  lie , mais  fur 
k lit  de  M.  de  Saint  Lackent  » qui  étoit 
encore  dans  fa  chambre  , âc  l’apeK 
lant  à haute  voix  comme  s’il  eût  en» 
core  été  en  vie  : tant  la  Vertu>  quand 
elle  elb  vraie,  a de  force  pour-fe  foi- 
re aimer.  Je  fuis  alHiré-que  cela  voua 
fera  plaiûr  , non-feulement  pour  la 


(I  ) Le  SouswPr^eptear  étoit  alocs  M.  1* Abbé  du 
Boii  I depuif  Cacdinal  > j^temicr  Miniûre« 


ji6  Lettres  ns  BoitEAtr 
iRémoire  de  M.  de  Saint  Laurent  , 
mais  même  pour  M.  de  Chartres. 
Dieu  veüilie  qu’il  perfille  long  tems 
'jdans  de  pareils  fencnnens'.  Il  me  fem- 
We  que  je  n’ai  point  d’autresnouvel* 
Ks  à vous  mander. 

M.  le  Duc  de  Roanncz  eft  venu  ce 
matin  pour  meparler  de  fa  riviere , & 
pour  me  prier  d’en  parler.  Je  lui  ai  de* 
^andé  s’il  ne  fçavoit  rien  de  nouveaur 
jil  m’a  dit  quenon , & il  faut  bien , puif^ 
I qu’il  ne  fçait  point  de  nouvelles , qu’H 
|»’y  enait  point;^car  ilen  fçait  toûjours 
iplus  qu’il  n’y  en  a.  On  dit  feulement 
fque  M.  de  Lorraine  a palTé  la  Drave 
& les  Turcs  la  Saverainfî  il  n’y  a point 
de  riviere  qui  les  fépare.  Tant*  pis  ap- 
paremment pour  les  Turcs;je  les  trou* 
Te  merveilleufement  accoôtumés  à 
être  battus.  La  nouvelle  qui  fait  ici  I9 
plus  de  bruit  , c’ed  l’embarras  des  €o» 
médiens , qui  font  obligés  de  déloger 
de  la  rue  de  Guenegaad , à caufe  que 
Meilleurs  de  Sorbonne , en  acceptant 
)e  Collège  de*  quatre  Nations  , etü 
demandé  pour  première  condition 
qu’on  les  éloignât  de  Ce  Collège. 
ont  déjà  marchandé  des  places  dans 
cinq  ou  endroits  j mais  par-tout  où 


E T D B R A C I K E.  II7 
üs  vont , c’eû  merveilles  d’entendre 
comme  les  Curés  crient.  Le  Curé  de 
Saint  Germain  de  l’Auzerois  a déjà 
obtenu  qù’ils  ne  feroient  point  à rHÔ> 
Kl  de  Sourdis,  parce  que  de  leur  théâ- 
tre on  aurok  entendu  tout  à plein  lei . 
orgues  ; & de  l’Eglife  on  aurok  parfai- 
tement bien  entendu  les  violons.  En- 
fin ils  en  font  à la  rue  de, Savoie  dans 
la  paroàilè  de  Saint  A^dré.  Le  Curé 
a été  auffi  au  Roi , lui  reprefentec 
^u’iln’y  a tantôt  plus  dans  fa  Paroiflèy 

re  des  Auberges  & des  Coquetiers , 
les  Comédiens  y viennent , que  foa 
Eglife  (êra  deièrte.  Les  grands  Auguf- 
tins  ont  auflî  été  au  Roi , & le  Pere 
Lembrocbons  Provincial , a porté  la 
parole;  mais  on  prétend  que  les  Co- 
inédiens  ont  dit  à Sa  MajeHé,  que  ces 
inêmes  Auguftins , qui  ne  veulent 
point  les  avoir  pour  voiiins , ibnt -fort 
aflldus  fpeélateurs  de  la  Comédie , & 
Iqu’ils  ont  même  voulu  vendre  à la 
kroupe  des  mailbns  qui  leur  appartien- 
(nent  dans  la  rqê  d'Anjou , pour  y bâ- 
m un  théâtre  ,& que-le  marché  feroit 
i^ja  conclu  fi  le  lieu  eût  été  plus  com- 
mode. M.  de  Louvok  a ordonné  à M. 
(it  laChapelle  de  lui  envoyer  le  plan  du 


tll  LéTTRS* 

jieuoù  th  veulent  bâtir  dans  la  ruê  de 
Savoie-  Ainfi  on  attend  ce  que  M.  de 
touvois  décidera.  Cependant  l’allar- 
ire  eft  grande  dans  le  quartier  ; tous 
les  Bourgeois , qui  font  gens  de  Palais , 
trouvant  fort  étrange  qu’on  vienne 
{eorembarralTer  leurs  rues.  M.  Billard 
fur-tout  qui  fe  trouvera  vis  à-vîs  de 
' la  porte  du  parterre , crie  fort  haut  ; 
, ^ quand  on  lui  a voulu  dire  qu’il  en 

iauroit  plus  de  commodité  pour  s’aller 
Invertir  quelquefois , il  a répondu  fort 
tragiquement, are  di~ 

ifim'r.  >^dîeU}  Monfieur , je  fais  nioi« 
inêpe  ce  que  je  puis  pour  vous  diver- 
tir, quoique  j'aie  le  cœur  fort  trifte 
^^is  la  Lettre  que  voos  avez  écrite 
i Madame  votre  fœur.  Si  vous  croiez 
^ue  je  puifle  vous  être  bon  à quelque 
bon , n’en  faites  point  de 
?z-le  moi , je  vôlerai  pour 


1ÊT  »E  RACÎTST* 


D E B O I L E A ü. 

^ Moidim  îe  ij  Atit. 

* * 

M On  Médecin  a jagé  â propds 
de  me  laiiler  repofer  deux  jours 
& j’ai  pris  ce  tems  pour  -venir  voir 
Moulins , -où  j’arrivai  hier  au  matin^ 
& d’où  je  m’endois-retourner  aujour* 
d ’hui  au  .fdir.  C'eft  .unc  Ville  très- raar- 
èhande  & très-peuplée^  & oui  n’eft 
pas  indigne  d’avoir -on  Tréforier  de 
France  comme  vous,  ün  M.  de  Chamt 
blain^  ami  de  M.  l’Abbé  de  Baies , qui 
y eft  venu  avec  moi , m’y  donna  hier 
a fouper  fort  magnifiquement.  Il  fe 
dit  grand  ami  de  M.  de  Poignant , & 
connoît  fort  votre  nom , auBi  bien  que 
tout  le  mondede  cette  Ville,  qui  s’ho* 
aiore  fort  d’avoir  on  Magiflrat  de, vô- 
tre force, qui  efl  fi  peu  à charge  { i ^ 
/(Je  vous  ai  envoyé  par  le  dernier  or- 
tdinaire  une  très-longue  déduâioo  de 
ctna  maladie,  que  M.  Boardier  moa 

\ - • 


(j  ) Parce  ny  alioit  jamaît. 


:I2D  LeTTKSS  SE  BoiLEAV 
Médecin  écrit  à M.  Fagon  ; ainli  vous 
en  devez  être  inftruit  à l’heure  qu’il  eft 
parfaitement.  Je  vous  dirai  pourtant 
que  dans  cette  relation  ü ne  parle  point  ^ 
de  la  laffitude.de  jambes»  & du  pea  ^ 
oTapétit , fi  bien  que  tout  !e  profit  que 
j’ai  fait  jufqu’ici  à boire  des  eaux , fe-  £ 
Ion  iuî,  coniille.à  un  éclairciffetnent  a 
de  teint,  que  le  liâledu  voyage  m’a-  1 
voit  jauni  plfitôt  que  la  maladie:  car  à 
vous  fçavez  bien  qu’en  partant  de  Pa-  i 
ris , je  n’avois  pas  le  vifage  trop  mau- 
vais, &^je  ne  vois  pas  qu’à  Moulins  , 
dù  je  fuis , on  me  félicite  fort  préfen- 
tement  de  mon  embonpoint.  Si  j’ai  j 
écrit  une  Lettre  fi  trifte  à ma  fœur  , 
cela  ne  vient  point  de  ce  que  je  me 
fente  beaucoup  plus  mal  qu’à  Paris  , 
■puifqu’à  vous  dire  le  vrai , tout  lé  bien 
dit  tout  le  mal  mis  enfemble  > je  fuis 
environ  au  même  état  que  quand  je 
partis;  mais.daps  le  chagrin  de  ne  point 
; guérir,  on  a quelquefois  des  thomens 
où  Ja  mélancolie  redouble & je  lui  ai 
• écrit  dans  un  de  ces  momens;  Peut- 
être  dans  une  autre  Lettre  verrà-t’elle 
que  je  ris.  Le  chagrin  eft  comme  une 
jfiévre , qui  a fes  redoublemens  & lès 
Tuipenfions. 

M 


« T B*  R A Cl  NE.  Xtt 

La’ mort  de  M.  de. Saint  Laurent 
efl:  tout-à-faic  édifiante:  il  me  paroîc 
qu’il  a fini  avec  toute  l’audace  d’ua 
Pbilofophe,  & toute  l’humilité  d’un/ 
Chrétien.  Je  fuis  perfiiadé  qu’il  y a des . 
Saints  canonifés  , qui  n’étoient  pas 
plus  faints  ^ue  lui  : on  le  verra  un 
jour  , ielon  toutes  ^les  apparences  , 
dans  les  Litanies.  Mon  embarras  eft 
feulement  comment  on  l'appellera,  & 
fi  on  lui  dira  fimplement  Saint  Lau- 
rent , ou  Saint  Saint  Laurent.  Je  n’ad- 
mire pas  feulement  M.  de  Chartres , 
mais  je  l’aime , j’en  fuis  fou.  Je  ne 
fçais  pas  ce  qu’il  fera  dans  la  fuite  ; 
mais  je  fçais  bien  que  F-enfance  d’A- 
lexandre , ni  de  Conflantin , n’ont  ja- 
mais promis  de  fi  grandes  cbofes  que 
la  fieone , & on  pourroit  beaucoup 
plus  jufiement  faire  de  lui  lesprophé- 
ties  que  Virgile , à mon  avis , a fait 
aflèz  à la  légère  du  fils  de  PoUion. 

Dans  le  temsque  je  vous  écris  ceci, 
M.  Amiot  vient  d’entrer  dans  ma 
chambre:  il  a précipité  , dit*il.  Ton 
retouj  à Bourbon  pour  me  venir  ren- 
dre ^rvice.  Il  m’a  dit  qu’il  avoit  vû , 
avant  que  de  partir  , M.  Fagon,  & 
qu’ils  perfifioient  l’un  & l’autre  dans 

J,  £ 


l.ETTR  E5'l>E  BdlIrSiir 
!la  penfée  du  demi-bain  quoiqu'ea 
^uifTent  dire  MrsBourdier^  Baudie- 
-re:  c’eftune  affaire  qui  fe  décidera  de. 
main  à Bourbon.  A-vous  dire  le  -vrai^. 
jnon  cher  Moniieur  .,  'c’eft 'quelque 
>cbore  d’affez  fâcheux  que  de  fe  voir 
ainû  le  jouet  d'une  fcience  très-con- 
je£turale , & où  l’un  dit  blanc , & Tau-* 
trenoir  : car  ies  deux  derniers  ne  fou- 
tiennent  pas-feulement  q'ueiebainn’cft 
pas  bon-à  moif  mal;mais  ils  prétendent 
^u’il  y va  de  la  -vie  ,&  .citent  fur  ce- 
la des  exemples  funeffes.  Mais  enfin 
me  voilà  livré  à la  Médecine  , & il 
n’eft  plus  tems  de  reculer.  Ainfi  ce 
^ue  je  demandé  à Dieu , ce  n’efi;  pas 
^u’il  me  rende  la  voix, -mais  qu’il  me 
donne  la  vertu  & la  piété  deM.dêSaint 
Laurent,  ou  de  M.  Nicole,  ou  mê- 
me la  vôtre,  puifqu’àvec  cela  on  fe 
mocque  des  périls.  -rS’il  y a quelque 
malheur  dont  on  fe  puiffe  réjofiir  ,• 
.c’eft  à mon  avis,  de  celui  des  Co- 
médiens : fi  on  continué'  à les  traiter 
comme  on  fait,  il  faudra  qu’ils  s’ail- 
îe'nt  établir  entre  la  Villette  & la  por- 
te Saint  Martin:  encore  ne  Içais-je 
c’îB  fr’awemt  point  fur  les  bras  le  Cu- 
ffé  dé  Saint  Lnurenb  Je  vous  ai  une 


ST  SE  Racine,  xsj 
tîbligation  infinie  du  foin  que  vous 
prenez  d’entretenir  un  niirérabIecom> 
nie  moi.  L’ofi^re  ^ue  vous  me  faites 
de  venir  à Bourbon  e&  tout-à-fait  hé- 
roïque ^ obligeante^  «rais  il  n’efb  pas 
nécefifaire  que  vous  veniez  vous  en- 
terrer inutilement  dans  le  plus  vilain 
lieu  du  monde;  & le  chagrin  que  veus 
auriez  infailliblement  de  vous  y voir  , 
lie  feroit  qu’augmenter  celui  que  j’ai 
d’y  être.  Vous  m’êtes  plus  néceffaire 
à Paris  qu’ici , & j ’aime  mieux  ne  vous 
point  voir,  que^e  vous  voir  trille 
& affligé.  Adieu  , mon  ch«-  Mon- 
fleur.  Mes  recommandations  à M. 
Félix , à M.  de  Termes  , & à tous 
nos  autres  amis. 


a 


A B O I L E A U, 

j4  Pdrh  le  1}  Août. 

JE  he  vous  écrirai auj.ourd’huî  que 
deux  mots  ' car  outre  qu'il  eft  ex- 
trêmement tard , je  reviens  chez  moi 
pénétré  de  frayeur*^  ^^plflin*-T*‘ 
focs  de  chez  le  pauvre  M.  Heli'ein 


! 


X24  Lettres  DE  Boileau 
^ue  j’ai  laiiTé  à l’extrêinité.  Je  doute 
j^’à  tnoios  d’on  miracle  je  le  retrou- 
ve demain  en  vie.  Je  vous  conterai 
fa  maladie  une  autrefois , & je  ne  vous 
parlerai  maintenant  que  de  ce  qui 
Vous  regarde,  v ouïs  êtes  un  peu  cruei 
à mon  égard , de  me  laifler  fi  long- 
tems  dans  l'horrible -inquiétude  oà 
vous  avez  bien  dû  juger  que  votre 
Lettre  à Madame  votre  fœur  me  pou- 
voir jetter.  J’ai  vû  M.  Fagon , qui 
fur  le  récit  ^ue  je  lui  ai  fait  de  ce  qui 
eft  danseette  Lettre,  ajugé  qu’il  fal- 
loir quitter  fur  le  champ  vos  eaux.  11 
dit  que  leur  e€et  naturel  efl:  d’ou- 
vrir l’apetît  bien  loin  de  l’bter.  11 
croît  même  qu’à  l’heure  qu'il  efi:  vous 
les  aurez  interrompuë's , parce  qu’oa 
B*-CT  prend  jamais  plus  de  vingt  jours 
de  fuite.  Si  vous  vous  en  êtes  trouvd 
confidérablement  bien , il  eft  d’avis 
qu’a'près  les  avoir  lailTées  pour  quel- 
que tems  vous  les  recommenciez  r fi 
elles  ne  vous  ont  fait  aucun  bien , il 
croit  qu’il  les  faut  quitter  endérement. 
Le  Roi  me  demanda  avant  hier  au 
foir  fi  vous  édez  revenu  : je  lui  ré- 
pondis que  non , & que  les  eaux  juf- 
qu’ici  ne  vous  avoient  pas  fort  fou- 


£T  SE  Racine;  X2jr . 
fejgé.  II  me  dit  ces  propres  mots  : Üf 
fira  mieux  de  fi  remettre  à fon  train  dd{ 
vie  «rdinaire , la  voix  lui  reviendra  lorfiX 
fuily  fenfira  le  meias.  Tout  le  mon*  . 
de  a été  charmé  de  la  bonté  que  Sa 
Majefté  a témoi^eë  pour  wus  en 
parlant  ainfi.  Et  tout  le  monde  eft 
d’avis  que  pour  votre  fanté,  vou$; 
ferez  bien  de  revenir.  M.  Feli^t  efl; 
de  cet  avk.  Le  premier  Médecin  , 
& M.  Morean  en  font  entièrement. 
JVf.  dit  Tartre  croirqu’ablbiument  le» 
eaux  de  Bourbon  ne  ibntpasbonne». 
pour  votre  poitrine , & que  vo»  laffî» 
tüdes  en  font  une  marque.  Tout  ce* 
ta , mon  cher  Monfietur,  m^a  donné 
«ne  furieufe  envie  de  vous  voir  de 
retour.  On  dit  que  vous  trouverez  de 
petits  remèdes  innoçens  qui  vous  ren- 
dront infailliblement  la  voix , & qu’el- 
le reviendra  d’elle-même  quand  vou» 
ne  feriez  rien.  M.  le  Maréchal  de 
Bellefont  m’enfeigna  hier  un  remér 
de  dont  il  dit  qu’il  a vû  plufieurs  gens 
guéris  d’une  extinâion  de  voix  : c’eit 
de  laillèr  fondte  dans  fe  bouche  un 
peu  de  myrtbe , la  plus  tranfparen- 
te  qu’on  puiflfe  trouver.  D’autres  le  ' 
font  guéris  avec  la  ûmple  eau  de  pon- 

F 5 


is($  Lbt^kes  de  Boileâd 
kts , fans  conter  YErifirntm^  Enfin' 
tout  d’une  voix  tout  le  monde  voua 
confeille  de  revenir.  Je  n’ai  jamais, 
vû  une  fanté  plus  généralement 
foubaitée  que  la  vôtre.  Venez  donc, 
je  vous  en  conjure.  Et  à moins  qu& 
TOUS  n’ayez  déjà  un  commence- 
ment de  voix  gui  voua  donne  des  af- 
jfûrances  que  vous  achèverez  de  gué* 
rir  à Bourbon , ne  perdez  pas  un  mo- 
ment de  tems  pour  vous  rédonn^r  à 
vos  amis , & à moi  fur-tout qui  fui» 
înconfolable  de  vous  voir  fl  toin  ^ 

, & d’être  des  kmaines  entie- 
res  fans  favoir  fi  vous  êtes  ea4«wA^ 
pu  non.  Plus  je  vois  décroître  le  nom- 
bre de  mes  amis , plus  je  deviens  fen- 
fible  au  peu  qui  m'en  re^e  j & il  me 
ièmble , à vous  parler  franchement , 
qu’il  ne  me  refie  prefque  plus  que 
vous.  Adieu , je  crains  de  m'attendrir 
follement  en  m’arrêtant  trop  fur  cette 
réfiexiom 


E T » e R Af  C I N E.  1%Ÿ 


DU  M E S M E. 


W 


''A  Paris  et  17  Août. 

T’Allai  hier  au  foir  à Verfailles , 

.J  j’y  allai  tout  exprès  pour  voir  M. 
Fagon , & lui  donner  la  confultation< 
de  M.  Bourdier.  Je  là  lûs  auparavant- 
avec  M;  Félix,  & je  la  trouvai  très* 


crpyqis  trouver  en  queique- 
pagç  Nttmm  Dim  impart  gauder. 
M.  Fagon  me  dit  que  du  momenc 
qu’il  s’agiflbic  de  la  vie  , & qu’élift: 
pouvoit  êtreen  compromis,  il  s’écon-- 
noit  qu’on  mit  en  queftion  fi  voup- 
pre'ndriez-  le  demi-bain.  11  en  écrira  à 
M.  Bourdier  : & cependant  il  m’a 
chargé  de  vous  écrire  au  plus-  vite 
de  ne  point  vous  baigner , même 
fl  les  eauxv  vous  ont  incommodé,  de 
les  quitter  entièrement,, & de  voua- 
en  revenir.  Je  vous  avois  déjà  man- 
dé Ton  avis  là|defrus , & il  y perfifté^ 
toûjours.  Touue  monde  crie  que  vous 

£ 4 


favante-y  dépeignant  votre  tempéram 
lÜ'èht’ÎS^votre  mal  en  termes  très-  éner 


Iî8  Ltt'tRXS  DE  BoilElVr 
devriez  revenir , Médecins  , Chirur- 
giens , hommes  , femmes.  Je  voifs 
avois  mandé  qu’il  falloir  un  miracle 
pour  fauver  M.  Heflein  ; ii  efl  fàu* 
vé , & c’efl  votre  bon  ami  le  Quin- 
quina qui  a fait  ce  miracle.  L’éméci- 
^^ue  Tavoit  mis  à la  i— ihnAI.  Fagon 
arriva  fort  à propos , qui  le  croyant 
à demi-mort , ordonna  au  plus  vite 
Je  Qiiinquma.  Il  eft  prefentement 
iàns  fièvre  : je  l’ai  même  tantôt  fait 
rirejufqu’à  la  convulfion , en  lui  mon- 
trant l’endroit  de  votre  Lettre  , o& 
vous  parlez  duBachelier,duCnré,&  dû 
Barbier.  Vous  dites  qu’il  vous  manque 
une  nièce  : voudriez- vous  qu’on  vous 
envoyât  Mademoifelle  Defpreaux 
( 1 ) ? Je  m’en  vais  ce  foir  à Marly. 
M.  Félix  a demandé  permiflion  au 
■ Roi  pour  moi , &j’y  demeurerai  juf' 
qu’à.  Mercredi  prochain. 

M.  le  Duc  de  Charofi  m’a  tantôt 
demandé  de  vos  nouvelles  d’un  ton  de 
voix'  que  je  vous  fonhaiterois  de  tout 
mon  cœur.  Quantité  de  gens  de  nos' 
amis  font  malades  , entre  autres  M. 


( I ; Petit  liait  de  raillexic.  in*aimoit  pis  beaucoup 
cette  Alice, 


K T SE  RâClNE.  X2> 

le  Duc  de  Chévreufe , & M.  de  Chati* 
hy  i totn  deux  ont  la  fièvre  double- 
tierce.  M.  de  Chaiilay  a déjà  pris  le 
Quinquina.  M.  de  Chévreufe  le  pren<> 
dra  au  premier  jour.  On  ne  voit  à la 
Cour  que  des  gens  qui  ont  le  ventre 
plein  de  Si  cela  ne  vous^ 

excite  p^ayrevenir , je  ne  fçai plus 
ce  qui  vous  peut  en  donner  envie.  M. 
HeUein  ne  l’a  point  voulu  prendre 
des  Apoticaires , mais  de  la  propre 
nain  de  Cbmith.  J’ai  vû  ce  Chmith' 
chez  lui  ih  a le  vifage  vermeil  & bou-^ 
tonné  , & a bien  plus  l’air  d’un  maî- 
tre Cabaretier  que  d’un  Médecin.  M.. 
Hefiein-^dit  qu’il  n’a  jamais  rien  bi^- 
de  . plus  agréable  y.  & qu’à  chaque  foi» 
qu’iJ  en  prend , il  fent  la-  vie  defcen- 
dre  dans  fon  «fiomach.-  Adieu , monr 
cher  MonfieUr  ^ je  commencerai  & 
finirai  toutes  mes  Lettres  , en  vou» 
dilant  devous.hâter  de  revenir. 


B T D B R'a  C I KTE.  I3I 

les  fois  que  vous  vous  prefentez  de- 
vant lui.  Il  rie  fâuroii  guère  rien  arri- 
ver de  plus  glorieux  « je  ne  dis  pas  à 
un  ntifèrabie  comme  moi , mais  à tout 
ce  qu’il  y a de  gens  plus  conOdérables 
àla  Conr } & je  gage  qu’il  y en  a plus 
«te  vingt  d’èntr’eux,  qur,à  l’hettre  qu’il 
efl: , envient  ma  bonne  fortune , & qui 
voudroient  avoir  perdu  la  voix , âc  - 
même  la  parole  , â ce  prix.  Je  ne  man-  J 
querai  pas  , avant  qu’il  Toit  peu  , de  | 
profiter  du  bon  avis  qu’un  (f  grand  ' 
Prince  me  donne 

Bourdièr  mon  meuecin  . 

tendent  maintenir  contre  lui , que  les 
eaux  deBourbcm  font  admirables  pouS 
rendre  la  voix.  Mais  jé  m’imaginé 
qu’ils  réufliront  dans  cette emreprife , 
àpeu  près  comme  toutes  les  Puitfan-- 
ces  de  l’Europe  ont  réofli'  à lui  empé-  - 
cher  de  prendre  Luxembourg , & tant ' 
d’autres  villes.  Pour  moi  je  fu»  per- 
fuadé  qu’il  fait  bon  fuivre  Tes  ordon- 
nances , en  fait  même  de  médecine.. 
3’accepte  l’augure  qu’il  m’adonné , en 
vons  difant  que  la  voix  me  fevi en- 
droit lorfque  penterois  le  rooinSi. 
Un  Prlnceuitt  «exécuté  de  ch»» 

F ^ 


13®  Lettres  d'è  B or  lï  ait 
fes  miraculeufes  , efl;  vraifemblable-'' 
inént  infpiré  du  Ciel , & toutes  les 
chofes  qu’il  dit  font  des  oracles.  D’ail*' 
leurs  j’ai  encore  un  remède  à eflayer  , 
où  j’ai  grande  efpérance , qui  eft  de 
me  préfenter  à Ton  paflage  dès  que  je 
AMi.de  retour  j car  je  crois  que  l’en« 
vie  que  j’aurai  dej 


trouver 

me  des  paroles  éloquentes.  CependiFt 
je  vous  dirai  que  je  fuis  aufli  muet  que 
jamais  , quoiqu’inondé  d’eaux  & de 
remèdes.  Nous  attendons  la  rëponfe 
de  M.  Fagon  fur  la  relation  que  M. 
fiourdier  lui  a envoyée..  Jufques>là  je 
ne  puis  rien  vous  dire  fur  mon  départ. 
On  me  fait  toujours  efpérer  ici  une 
guérifon  prochaine  , & nous  devons 
tenter  le  demi-bain  , fuppofé  que  M. 
Fagon  perfifte  toujours  dans  l’opinion 
qu’il  me  peut  être  utile.  Après  cela  je 
prendrai  mon  parti. 

^VoMs  ne  fauriez  croire  combien  je 
^ous  fuis  obligé  de  la  tendreile  que 
'vous  m’avez  témoignée  dans  votre 
derniçreLeur&iJ||^^ 
refqne  v^|«^ 

ùdon  que  j’eufie  faite  de  quitter  le 


' CT  DE  Racine.  133 
inonde  , fùppofé  que  la  voix  ne  me 
revînt  point  , cela  m'a  entièrement 
fait  changer  d*avis.;  c’e(t-à-direen  un 
mot,  que  je  me  fens  capable  de  quitter 
touteschofes, hormis  vous.Âdieu, mon 
cher  Moniteur,  excufez  fi  je  ne  vous 
écris  pas  une  plus  longue  lettre 
chement  ie  fuis  fort  abattu.  Je  n’ai 

iambes 


jéuiis  toujours  accablé  dq 
de  fommeil.  Je  me  fiatte  pourtant  en* 
core  de  refpérance  que  les  eaux  de 
Bourbon  me  guériront.  M.  Amiot  elt 
homme  d'efprit , & me  raffûre  fort. 
Il  fe  fait  une  affaire  très-férieufe  de  me 
guérir , aufB*bien  que  les  autres  Mé* 
decins.  Je  n’ai  jamais  vû  de  gens  fi' 
affectionnés  à leur  malade  » &'  je  crois 
qu’il  n’y  en  a pas  un  d’entre  eux  qui 
se  donnât  quelque  chofo  de  là  faiité 
pour  me  fendre  la  mienne.  Outre  leur 
affe6lion;îly  vade  leur  intérêt, parce 
que-  ma  maladie  fait  grand  bruit  dàcjé 
Bourbon.  Cependant  ils  ne  font  poiilf 
d’accord  , & M.  Bourdier  lève  tou4 
joaM'dMv^mux^rés-trifies'  au  Ciel 
quaad  ofljaae^^âîiy^ôŸ  qu’il  en 
foit  f je  leufSs^ge  wTcûfs  foin 


*34-  Lettkibs  DE  0ori-E*v 
& de  leur  bonne  volonté  ; & quan<i 
vous  m’écrireE , je  vqus  prie  de  raedw 


re  quelque  choie  qui 

1*  1» ■ :^yz 


»*■*•*.- 


ettre  tort  obligeante  > & m'envg] 
•^RmeCfS  IhlCTjtiQnà’ïïîr  Télq^^ 
me  prie  de  dire  mon  avi».  EfTIÏlIilé  ' 
paroiflènt  toutes  < fort  fpirituelles  ; 
mais  je  ne  faucois  pas  lui  mander 
pour  ceets  fois  , ce  que  jY  trouve 
a redire,  ce  lèra  pour  le  premier  or- 


dinaire. M.  Bourfaute  , ( i ) . que  je 
lcroyois  mort  » me  vint  voir  il  y a cinq 
linu  Ox  jours , & m’apparut  le  foir  aflèz 
/fubitemeot.  II  me  dit  qu’il  s’étoit  dé* 
tourné  de  trois  grandes  lieues  duiche* 
min  de  Mont- Lapon  ,'ojù' il  alloit , Ôs 
où  il  efl  habitué  pour  avoir  le  bon^ 
heur  de  me  faluer.  Il  me  ht  offre  de 
toutes  chofes , d’argent , de  commo- 


i «[  r ] Bourfault  tftoit  alôxs  EfüâKur  des  •Betmes  k 
moM-luçoa  , d*cà , àroccftiumde  (bn emploi , il  éori. 
V vit  une  T.etfre  afTev.  conauc.  Boileàu  l’avcÂi  attaoué  dant 


? 


vit  une  Lettre  alTez connue.  Boileàu  l*avdii  attaqué  dant 
fes  Satyres.  Bqurfanlt,  poui  s*c»  venger  « &iirpiii£Ci 
[contre lui  une  Commédie  intiiuléfc  , Satne  eUs  i>atjre$. 

' Oepetfdant , quand  il  tut  BolleamnaUdé  a^^rbnn  > i| 
sjla  le  yoif  > ^ Ini  fifrit  fa  bouzfe.  Boileau  j fefifible  à 
ce  trait  degénérdikë,  dtatUASlâfuuc  defe»  Sataid 


BT  » B R A e I K -B.  135 

dités  , de  chevaux.  Je  lui  répondis 
.avec  les  mêmes  honnêtetés , & voit- 

>our  le  lendemain  à dî< 
dit  Qu’il  étoû  oblii 


nous  îeparames  amis  a outran. 


__  a * ^ ^ y 

prie  , à tous  nos  amis  coto- 
mUns.  Dites  bien  à M.  Quinaut  que 
je  lai  fuis  infiniment  obligé  delbnfou* 
venir, <St  des  choies  obligeantes  qu’il  a 
écrites  de  moi  à M.  l’Abbé  de  Salles» 
Vous  pouvez  l’alTûrer  quejelecomp 


tepréfentementau  rang  de  mes  meil^jj 

.....  . ..  j 

me  le  plus  le  cœur  & l’efprit.  Ne  vousV 


* O 

leurs  amis , (i)&de  ceux  dontj’elli> 


étonnez  pas  fi  vous  recevez  quelque 
fois  mes  Lettres  un  peu  tard  , parce 
que  la  pofie  n’ell  point  à Bourbon  , & 
que  fouvent , faute  de  gens  pour  en» 
voyer  à Moulins , on  perd  un  ordinai» 
re.  Au  nom  de  Dieu  , mandez-moi 
avant  toutes  chofes  des  nouvelles  de 
M.  Hefifein. 


[iJ  Cei  cndioit  doit  décrom^i ceux  qui  croyent  QQf 
BoiImu  ê lOBjottit  dié  l'«4Qemi  de  ^utneut. 


V 


i 


13^(5  Lettres  de  Boieead 


DU  M £ S M 
\A  Bourbon  le  xf  Aoih. 

i 

ON  me  vient  avertir  que  la  poil» 
eft  de  ce  foir  à BourlMU..  C’eft  ce 
qui  fait  que  je  prens  la-  piame  à Pheu* . 
xe  qu’il  eft.,  c’eft- à-dire , à dix  heures 
du  foir  , quieft  une  heure  fort.extra^ 
.ordinaire  aux  malades  de  Bourbon  , 
jpour  vous  dire  que  malgré  les  tragi^ 
ques'  remontrances  de  M.  Bourdier  » 
je  me  fuis  mis  aujourd’hui  dans  le  de- 
mi-bain ,.par  le  confeil  de  M.  Amiot, 
& même  de  M.  desTrapieres,  que  j’ai 
appellé  au  confeil.  Je  n’y  ai  été  qu’u- 
ne heure.  Cependant  J’en  luis  forti 
beaucoup  en  meilleur  ^at  que  je  n’y 
ëtois  entré c’eft-à-dire  , la  poitrine 
beaucoup  plus  dégagée , les  jambes 
plus  légères  , l’e^ric  plus  gai  : & mê- 
me mon  laquais  m’ayant  demandé 
quelque  chom  , je  lui  ai  r^JSSïfaorua  ^ 
mn  à pleine  voix , qui  l.’à  fuxpris  lui- 
même  , aufli-bien  qu’une  fervante  qui 
étoit  dans  la  chambre  » & pour  moi 


E T D E R A C I N El  137 
j’ai  crû  l’avoir  prononcé  par  enchan* 
tement.  11  eft  vrai  que  je  n’ai  pû  de» 
pais  ratraper  ce  ton-là  : mais  comme  . 
vous  voyez , Monfieur , c’en  efl:  affez 
pour  me  remettre  le  cœur  au  ventre , 
puifque  c’efl:  unë  preuve  que  ma  voix 
n’eft  pas  entièrement  perdue  , & que 
lebain  m’elt  très-bon.  Je  m’en  vais  pi-' 
qœr  de  ce  c6té-là  , & je  vous  mande- 
rai le  fuccès.'  Je  ne  fais  pas  pourquoi 
M.  Fagon  a molli  fi  aifément  for  le» 
objeéiions  très-fuperftitieafes  de  M. 
Bourdier.  11  y a tantôt  fis  mois  que  j&  i 
D’ai  eu  de  véritable  joie  que  ce  foin  f 
Adieu  , mon  cher  Monfieur.  Je  dors 
en  TOUS  écrivant.  Confervex-moi  vo- 
tre amitié , & croyez  que  fi  je  recou- 
vre-la  voix  , je  l’emploierai  à publier 
à toute  ht  terre  la  reconnoilTance  que  ■ 
j’ai  des  bontés  que  vous  avez  pour 
moi , & qui  ont  encore  accrô  de  beau-  - 
coupla  véritable  efiime , & la  fincè- 
re  amitié  que  j’avois'pour  vous.  J’ai 
été  ravi,  charmé , enchanté  du  foccè» 

, & ce  qu’il  a fait  fur 
WWeamTHeflein  m’engage  encore 
pHts  dans  fe»iq|^rêts , qué  lagaérilon 
de  ma  fièvre  double-tierce» 


T 


13g  Lettres  FE  BortEàir 


4 


D E R A G I N E. 

\ ' • • < 

- • t 0 • » • ■ 

ui  Part ftt  2,4.  jioMt, 

JE  vous  dirai  avant  toutes  choiçSr^ 
que^M.  tieflein  , excepté  quelque' 

Eetit  refte  de  foibleâê,eli:. entièrement 
ors  d’affaire  , & ne  perdra  plus  que 
huit  jours  du  (^inquinsvit  moins  qu’il 
n’en  prenne  pour  fbn*  pliifir..  Car  la' 
ehofe  devient  à la  mode on  comr 
mencera  bien-tôt  » à la  fin  de!S/epâs,i 
k krvir comme  lé  cafiTë  St  lé  chocol.a& 
L’autre  jour'  à Marlyr,  Monfeigneur  » . 
après  un  fort  grand  déjeuner  avec 
Madame  la-  Frinceffe  de  Conti  , Sc 
d’autres  Damés  , en  envoya  quérir 
deux,  bouteilles  chex;  les  Apoticaires 
du  Roi , & en  bât  le  prenûer  un  grand 
verre  , ce  qui  fut  fnivi  par  toute  la 
compagnie  , qui  trois  heures  après  ; 
n’en  dîna  que  mieux»  Il  me  femblel 
même  que  cela  leur  avoit  donné  un  j 
plus  grand  air  de  gaieté  ce  jour  là  ; &. 
à ce  même  dîner  , Je  coptai  au  Roi 
votre  embarras  entre  vos  deux.  Mé-* 


ET  DE  RaCTNE.  I3Ü 

dscins  y & la  confukation  très-favan* 
te  de  M.  Bourdier.  Le  Roi  eut  la: 
bonté  de  me  demander  ce  qu’on  voua 
répondoit  là-delTus  , & s’il  y avoic  à 
<lélibécer.  Oh  ptimnoi- , s’écria  naturel- 
lement Madame  la  PrincelTe  de  Contt, 
qui  étoit  à table  à côté  de  Sa  Majeflé , 
faimeroh  mÙHx-  titpâder  de  trente  4ns_  ^ 
^neetexpefir  ahifima  vie  ponrreeouvreri»' 
farole.  Le  Roi , qui  venoit  de  faire  la 
guerre  à Monfeigneur  fur  fa  débau- 
che de  Quinquina  , lui  demanda  s’if 
ne  voudroit  point  aufll  tâter  des  eaux 
de  Bourbon.  Vous  ne  fauriez  croire 
combien  cette  Maiiba  de  Marli  elb 
agréable..  La  Cour  y eR  » ce  me  ien»^ 
ble  f toute  autre  qu’à  Verrailles.  Il  y 
a peu  de  gens , & le  Roi  nomme  toua 
ceux  qui.  l’y  doivent  fiiivre.  Ainfi  tous 
ceux  qui  y (ont  le  trouvant  fort  ho- 
norés d’y  être  , y font  auffi  de  fort 
bonne  humeur.  Le  Roi  même  y efo 
fort  libre , & fort  carefiànt.  On  di- 

(roit  qu’à  Verfailles  il  eft  tout  entier 
aux  affaires  , & qu’à  Màrli  il  elbtout 
à lui , & à fon  plailir.  il  m’a  fait  l’hon- 
neur plufieurs  fois,  de  me  parler , & 
j’en  fuis  forti  à mon  ordinaire  , c’eft- 
à-üire,  fort  charmé  de  lui 


[S40  LBtTRES  BE  BoiLEATT 
feipoir  contre  mol:  car  je  ne  me  trotW 
▼e  jamais  fi  peu  d’efprit,  que  dans  ces 
momens  où  j'autois  le  plus  d’envie 
d'en  avoir. 

Do  relie, je'üiis  revenu  riche  de  bons 
l^émoires  (i).  J’y  ai  entretenu  tout 
à mon  aife  les  gens  qui  pouvôient  me 
dire  le  plus  de  chofes  de  la  campagne 
de  Lille;  J’eus  même  l’honneur  de  de* 
mander  cinq  ou-  fix  éclaircilTemens  k 
M.  de  Louvois qui  me  parla  avec 
beaucoup  de  bonté.  Vous  favez  fa 
manière  ^ & comme  toutes  fes  parof 
les  font  pleines  de  droit  fens , & vont 
au  fait.  En  un  mot  j’en  fortis  très*là* 
vant  & trèS'Content.  IT  me-  dît  que 
tout  autant  de  difficultés  qpe  nous  au* 
rions , il  nous  écouteroit  avee  plaifir. 
Les  quellions.  que  je  lui  lis  ,.regar* 
doient  Charleroi  &.  Douai.  J’étois  en 
peine  pourquoi  on  alla  d’abord  à Ghar* 
feroi ,,  & fi  on  avoit  déjà  nouvelles 
que  les  Efpagnols  l’eulTent  rafé  : car 
en  voulant  écrire , je  me  fuis  trouvé 
arrêté  tout-à-coup , & par  cette  dif* 
ficulté , & par  beaucoup  d’autres  que 


Tl]  11  ne  perdôit  aucune^ccafion  de  raÆcmblei  des. 
IléAOûes  pom  rHifioixe  du 


f T S £ R A C I £.  X4t| 

je  vous  dirai.  Vous  ne  me  trouverez  I 
peut-être , à caufe  de  cela , guère  plus  ¥ 
avancé  que  vous  ^ c’eft'ii*  dire , beau*  I 
coup  d’idées  » & peu  d’écriture.  Fran»  | 
chement  je  vous  trouve  fort  à dire  « 

& dans  mon  travail  ,&  dans  mesplai* 
firs.  Une  heure  de  converfation  m’é« 
toit  d’un  grand  fecours  pour  l’un  , âc 
d’un  grand  accroiflêment  pour  les  au- 
tres. 

Je  viens  derecevoir  une  Lettre  de 
vous.  Je  ne  doutd’pas  que  vous  n’ayez 
préfentement  reçû  celle  où  je  vous 
mandois  l’avis  de  M.  Fagon  ,&  que 
M.  Bourdier  n’ait  reçû  des  nouvelles 
de  M.  Fagon  méme,<qui  ne  fervironc 
pas  peu  à le  confirmer  dans  fon  avis. 
Tout  cq^ue  vous  m’écrivez  de  votre 
peu  d’appétit , & de  votre  abattement 
efi:  très  confidérable , & marque  tou- 
jours de  plus  en  plus  que  les  eaux  ne 
vous  conviennent  point.  M.  Fagon  ne 
manquera  pas  de  me  répéter  encore 
qu’il  les  fôut  quitter , & les  quitter  aa 
plus  vite  : car  je  vous  l’ai  mandé.  U 
prétend  que  leiireffetnaturel  eft  d’ou- 
vrir l’appétit , &'de  rendre  les  forces. 
Quand  elles  font  le  contraire , il  y faut 
nsnoncer.  Je  ne  dotue  donc  pu  qu 


Lettres  se  Bsiléav 

TOUS  ne  vous  remettiez  bientôt  eir 
-chemin  pour  revenir.  Je  fuis  perfua- 
dé  comme  vous , que  la  joye  de  re-, 
Toir  un  Prince  qui  témoigne  tant  de 
bonté  pour  vous , vous  plus  de 
bien  que  tous  les  remèdes.  OVI.  Roze 
m’avoit  d^a  dit  de  tous  mander  de 
fa  part  , qu’aprés  -Dieu  le  üLoi  étoic 
}e  plus  grand  Médecin  du  monde,  & 
je  fus  même  fort -édifié  queM.  Roze 
voulût  bien  mettre Di^m^ll^t  le  Roi* 
Jecommence  à fbupçonner  qu' 
roit  bien  être  en-diet  dans  la  dévotion. 
M.  Nicole  a doni^  depuis'deux  jours 
au  public , deuK  Tomes  de  Réfiéxions 
fur  les  Epitres  '&  fur  les  Evangiles  , 
qyi  me  femblent  encore  plus  forts  ôc 
plus  édifiants  -que  tout  ce  qu’il  a fait. 
Je  ne  vous  les  envoie  pas  , parce  que 
j’efpere  que  vous  ferez  bientôt  de  re- 
tour ,4t  vous  les  trouverez  infailiible- 
mentchezvous.  Il  n’a  encore  travail- 
lé que  fur  la  moitié  des  Epîtres  & des 
Evangiles  de  l’année  ; jtfpere  qu’il 
achèvera  le  refie  , pourvû  qu’il 
plaife  à Dieu. de  lui  làiffer encore 
un  an  de  vie.  . 

Il  jî’y  a point  de  nouvelles  de  Hon- 
grie , que  celles  qui  font  dans,  la  Ga- 


«TP  1>  E Kl  r !I  N î.  14  J 
r :^ette.  M.  de  Lorraine  en  paflanc  la 

Il  >Drave , a fait  , ce  me  femble  , une 

* entreprife  de  fort  grand  éclat,  & fore 
t inutile.  Cette  expédition  a bien  de  l’air 

d^e  celle  qu’on  fit  pour  fecourir  Philk- 
bourg'.  lia  trouvé  au-delà  delà  riviere 
P un  bois-,  & au-delà  de  ce  bois  les 
L énnemis  rétranchés  jufqu’aux  dents. 

I M.  de  Termes  efi:  du  nombre  de  ceux 

l^e  je  vous  ai  mandé  , -qui  avoient 
^ B’èftomach'fi^jdeQuinquina.Grovez- 
vWIÏ*^Fle^^inquina , qui  vous  a 
R fauvé  la  vie  , -ne  vous  rendroit  point 
[ la  voix-!  Il  devroit  du  moins  vous  êtrC' 

^ plus  favorable  qu’à  un  autre , vous  qui 
vous  êtesenroué  tant  defois  aie  louer. 
Les  Comédiens  , qui  vous  font  fi  peu 
de  pitié , -font  pourtant  toujours  fur 

* le  pavé  ; & Je  crains , comme  vous, 

I qu’ils  ne  foient  obligés  de  s’alla  -éta- 
blir auprès  des  vignes  de  féu  M.  votre 
Pere.  Ce  feroit  un  digne  théâtre  pour 
les  œuvres  de  M.  Pradon.''  J’alloié 
ajoû-ter  de  M.  Bdorfaolt  ;mais  je  fuis 
ti>op  -touché  des  honnêtetés  que  vous 
avez  tout  nouvellement  reçôes  de  lui.. 
Je  ferai  tantôt  à M.  Quinaut  celles 
que  vous  me  mandez  dé  lui  faire.  Il 
me  femble  que  vous  avancez  furieu- 


i 

^44  Lettrss  de  BeiLSàO 
ffeinent  dans  le  chemin  de  perfeâion. 
fVoilà  bien  des  gens  à qei  ireus  avez 
pardonné. 

~ On  ma  dit  cliez  M.  votre  Sœur , 
que  M.  Marchand  partoic  Lundi  pro< 
Chain  pour.  Bourbon,  fini  vtrmmt 
^kid  uittdria  4ffortet'nulil  Franche* 
ment  j’£q>prehende  un  peu  qu’il  ne 
vous  retienne.  B mmeibrt  Ibn  plaifir. 
Cependant  je  fuis  alFûréque  M.  Booe- 
j dier  même  vous  dira  de  vous  on  aller, 
f Le  bien  que  leseaux  vous  pourroient 
. faire  eft  peut-être  fait.  E^Ies  auront 
mis  votre  .poitrine  en  bon  train.  Les 

fmèdes  ne  font  pas  toujours  fur  le 
amp  leur  |Beio  effet , & nulle  gens 
i étoient  allés  à Bourbon  pour  des 
ibleflès  de  jambes , n’ont  commencé 
à bien  marcher  que  lorsqu’ils  ont  été 
de  retour  chez  eux.  Adieu  > mon  cher 
Monfieor.,  vous  medemandez  pardon 
de  m’avoir  écrit  une  Lettre  trop  cour- 
te vous  avez  raifon  de  me  le  de- 
mander; & moi  je  vous  le  demande 
d’en  avoir  écrit  une  trop  longue  , ^ 
j’ài  peut-être  auüi  raifon. 


I 

I 

I 


; 


DK 


ET  DE  Racine.  143; 


DE  BOILEAU.  ? 


^ Bonfion  le  28.  ^Sut. 

JE  ne  m’étonne  point , MonOeur  » 
que  Madame  la  Prlncefle  de  Conti 
foit  dans  le  fentiment  où  elle  eft. 
Quand  elle  auroit  perdu  la  voix  , R 
lui  refleroit  encore  un  million  de  char4 
mes  pour  fe  confoler  de  cette  perte  d 
& elle  feroit  encore  la  plus  parfaite 
chofe  que  la  nature  ait  produite  depuis 
longtems.  Il  n’en  eft  pas  ainfi  d’i^ 
miférable  qui  a befoin  de  fa  voix  po^ 
être  fouffert  des  hommes , & qui^ 
quelquefois  à difputer  contre  M.Char« 
penûer.  Quand  ce  ne  feroit  que  cette 
derniere  raifon  , il  doit  rifquer  quel* 
que  chofe  » & la  vie  n’eft  pas  d’ua 
U grand  prix  qu’il  ne  la  puiUe  bazar- 
der , pour  fe  mettre  en  état  d’inter- 
rompre un  tel  Parleur.  J’ai  donc  tenté 
l’aventure  do  demi  • bain  avec  toute 
l’audace  imaginable:  mes  valets  faifanc 
fiie  leur  frayeur  fur  leurs  vifages,&  M. 
Bourdier  s’étant  retiré  pour  n’être 
Toute  l,  G 


t4^  Lsttxb<  oe  Boitsâv 
jpoiflt  témoin  d’une entrepnïe  H téme- 
taire.  A vous  dire  vrai , cette  aven- 
ture a été  un  peu  femblable  à celle 
<]es  Maillotins  dans  D.  Quixotte , je 
veux  dire,  qu’aprés  bien  des  allarmes, 
iLs’eft  trouvé  qu’il  n’y  avoir  qu’à  rire, 
puilque  non  • feulement  le  bain  ne  m’a 
^oint  augmenté  la  fluxion  lur  la  poi- 
trine , mais  qui  me  l’a  même  fort  fou- 
lagée , & que  s’il  ne  m’a  rendu  la  voix^, 
il  m’a  du  moins  en  partiel  gfldtfta  fan- 
té.  Je  ne  l’ai  encore  efTayé  que  quatre 
fois , & M.  Amyot  prétend  le  pouller 
jufqu’à  dix.  Après  quoi  G la  voix  ne 
me  revient, il  me  donnera  mon  congé. 
Je  conçois  un  fort  grand  plaifîr  à 
\ vous  revoir  , &-à  vous  embrafler; 
mais  vous  ne  fauriez  croire  pourtant 
tout  ce  qui  fe  préfehte  d’affreux  à 
mon  eiprit , quand  je  fonge  qu’il  me 
faudra  peut  • être  repaifer  muet  par 
iCes  hôtelleries  , & revenir  fans  vois 
dans  ces  mêmes  lieux  , où  l’on  m’a- 
voit  tant  de  fois  affûré  que  les  eaux 
de  Bourbon  me  guériroient  infailli-., 
blement.  11  n’y  a que  Dieu  & voàli 
eonlblations  qui  me  puiilent  foutenir 
dans  une  fl  Julie  occaflon  de  délel- 


STss  Racine. 

J*ai  été  fort  frappé  de  l’agréaÛe 
débauche  de  Monfe%neur  chez  Ma* 
dame  la  Princellb  de  Conti.  Mais  ne 
fonge  • t’il  point  à Tinfulte  qu’il  a faite 
par  • là  à tous  MelSeurs  de  la  Fa* 
culté  ? PaHè  pour  avaler  le  Quinqui^ 
na  fans  avoir  la  fièvre  : mais  de  le 
prendre  fans  s’être  préablement  fait 
faigner  & purger,  c’efi  une  chofe  qui 
jeance , & il  y a une  efpece 
~ 'à  ne  fe  point  trouver 
mal  après  un  tel  attentat  contre  toutes 
Jes  régies  de  la  Médecine.  Si  ' Mon* 
feigneur  , & toute  fa  compagnie  i 
avoient  avant  tout , pris  une  doze  de 
fené  dans  quelque  iyrop  convenable, 
cela  lui  auroit  à la  vérité  coûté  quel* 
ques  tranchées , & l’auroit  mis,  lui  die 
tous  les  autres , hors  d’état  de  dîner  ; 
mais  il  y auroit  eu  au  moins  quelques 
formes  gardées , & M.  Bachot  auroit 
trouvé  le  trait  galant.  Aulieu  que  de  la 
maniéré  dont  la  chofe  s’eft  faite , cela 
ne  iàuroit  jamais  être  approuvé  que 
^es  gens  de  Cour  & du  mondé , & 
pon  point  des  véritables  difciples  d’Hi- 
pocrate , gens  à barbe  vénérable , & 
qui  ne  verront  point  aflhrément  ce 
qu’il  peut  y avoir  eu  de  plaifant  à 

G s 


%4S  Lettres  £>e  Boilfav 
tout  cela.  <^ue  n perlbmie  n’en  a été 
malade,  ils  vous  répondront  qu’il  y a 
eu  du  fortilège^  & en  effet , Monfieur, 
de  la  maniéré  dont  vousmej  peignez 
Marli , c’eft  un  véritable  lieu  a en- 

(chantement.  Je  ne  doute  point  que  les 
Féés  n’y  habitent.  En  un  mot,  tout 
ce  qui  s’y  dit  & ce  qui  s’y  fait , me 
* par(^t  enchanté  ; mais  fur-tout  les 
difcours  du  Maître  du  Château  ont 
quelque  chofe  de  fort  enforcelant  , 
Oi  ont  un  charme  qui  fe  fait  lèntic 
jufqu’àBourbon.De  quelque  pitoyable 
maniéré  que  vous  m’ayez  conté  la 
difgrace  des  Comédiens  , je  n’ai  pû. 
m’empêcher  d’en  rire.  Mais  dites-.moi, 
MonGeur , fu|»pofé  qu’ils  aillent  habi- 
ter où  je  vous  ai  dit , croyez- vous 
qu’ils  boivent  du  vin  du  cru.  Ce  ne 
feroit  pas  une  mauvaife  pénitence  à 
propofer  à M.  de  Chammellé,  ( i ) 
pour  tant  de  bouteilles  de  vin  de 
Champagne  qu’il  a bûes  : vous  favez 
au  dépens  de  qui.  Vous  avez  raifon 
de  dire  qu’ils  auront  là  un  merveil- 
leux théâtre  pour  jouer  les  pièces  de 


L Ù]  ^ Maxi  de  la  Ciiaoiineilé,  gr^nd 


-ET  IX  S R A C I N EV  149 

M.  Pradon  : & d’ailleurs  ils  y auront 
une  commodité  , c’ed  que  .quand  le 
Sou£Sieui‘.aura  oublié  d’apporter  laco? 
pie  de  ces  ouvrages,  il  en  retrouvera 
infailliblement  une,  bonne  partie  dan» 
les  précieux  dépôts  qu’on  apporte  tousi. 
les  matins  en  cet  endroit.  M.  Fagonl 
n’a  point  écrie  à M.  Bourdier.  Faites  I 
bien  des  complimens  pour  moi  à > 
Roze.  Les  gefts  de  fon  tempéram- 
ment  font  de  fmrt  dangereux  ennemis; 
mais  il  n’y  a point  auffi  de  plus  chauds 
amis , & je  fai  qulil  a de  l’amitié  pour 
moi.  Je  vous  félicite  des  converfa-r 
tions  fraâueoTes  que  vous  avez  eues 
avec  M.  de  Louvois  , d’autant  plus  - 
que  j’aurai  part  à votre  récolte.  Ne 
craignez  point  que  M.  Marchand 
m’arrête  à Bourbon.  Quelque  amitié 
que  j’aie  pour  lui,  il  n’entre  point  ea 
balance  avec  vous  , & l’Andrienne 
n’apportera  aucun  mal.  Je  meurs  d’en- 
vie  de  voir  les  Réflexions  de  M.  Ni- 
cole ; & je  m’imagine  que  c’eft  Dieu 
qui  me  préptue  ce  livre  à Paris , pour 
me  confoler  de  mon  infortune.  J’ai 
fort  ri  de  la  raillerie  que  vous  me  faites 
fur  les  gens  à qui  j’ai  pardonné.  Ce^ 
pendant  lavez-vous  bien  qu’il  y a & 


XSO  LBTtRES  b£  BoiIE'AV 
/ceiaplas  de  mérite  que  vous  ne  cro> 
i^ez  , fi  le  proverbe  Italien  eft  véri- 
^ûble,  que , ChiafftndentnptrdmM  ) ( i ) 
' L’aaion  de  M.de  Lorraine  ne  me 
paroît  point  fi  inutile  qu’on  fe  veut 
imaginer , puifque  rien  ne  peut  mieux 
confirmer  l’aflurance  de  Tes  troupes , 

2ue  de  voir  que  les  Turcs  n’ont  ofé 
)rtir  de  leurs  retranchemens , ni  mê* 
me  donner  fur  fon  arriere-garde  dans 
là  retraite'  : & il  faut  en  effet  que  ce 
loient  de  grands  coquins  pour  l’avoir 
ainfi  lailTé  repaffèr  la  Drave.  Croyez* 
moi  iis  feront  battus  ; & la  retraite  de 
M.  de  Lorraine  a plus  de  rapport  à la 
retraite  de  Céfar,  quand  il^écampa  de* 
vant  Pompée  , qu’à  l’affaire  de  Philis* 
bourg.Quand  vous  verrez  M.  Heflein> 
faites'le  reflbuvenir  que  nous  Tommes 
freres  en  Quinquina  , puifqu’il  nous  a 
fauvé  la  vie  à l’un  & à l’autre.  Vous 
penfez  vous  mocquer,  mais  je  ne  fai 
pas  fi  je  n’en  eflayerai  point  pour  le 
recouvrement  de  ma  voix.  Adieu  , 
inon  cher  Moniteur  j aimez-moi  tou- 
jours,&  croyez  qu’il  n’y  a rien  au  mon- 
de que  j’aime  plus  que  vous.  Je  ne  fai 


£il  U avoue  ou'd  les  a otfenfili^ 


ET  0 B R A e I n E.  fjf 

où  vous  vous  êtes  mis  en  tête  que  vous  } 
m’aviez  écrit  une  longue  Lettre , car  L 
je  n’en  ai  jamais  trouvé  une  fi  courte.r 


DU  M E 3 M E. 


A Bturion U 2.  Septemhrf, 

Ne  vous  étonnez  pas,  MonfTeuTÿ 
fi  vous  ne  recevez  pas  des  répons 
fes  à vos  Lettres,  auffi  promptemenc 
que  peut-être  vous  fbuhaitez , parce 
que  la  poAe  efi;  fort  irrégulière  à Boud<  ' 
bon  , & qu’on  ne  fait  pas  trop  biar 
quand  il  faut  écrire.  Je  commence  à 
ronger  à ma  retraite.  Voilà  tantôt  ' 
la  dixiéme  fois  que  je  me  baigne  ; '* 
& à ne  vous  rien  celer  , ma  voix 
efi:  tout  au  même  état  que  quand  je 
fuis  arrivé^  Le  moDofyllable  que  j’ai 
prononcé  n’a  été  qu’un  effet  de  ces 
petits  tons  que  vous  favez  qui  m’é» 
chappent  quelquefois  quand  j’ai  bean- 
coup  parlé , & mes  valets  ont  été  un- 
peu  trop  prompts  à crier  miracles 
La  vérité  efi  pourtant  que  le  bain  m’e 
renforcé  les  jambes , & fortifié  la  poi^ 

G 4 


IrETTKBS  DE  BoiLEiV 
trine.  Mais  pour  iipaiJgoiK>DUe,ljgij^^^ 
âsi la boifibn des  eaax,ne  in’3^,pDW-^ 
«en  fervi.  U fanr^nc ’s’en  aller  d6 . 
feourbon  aufli  rouet  que  j’y  fuis  arrivé, 
ge  ne  faurois  vous  dire  quand  je  partî- 
rai  ; je  prendrai  brufqueroent  mon  par* 
ti,  &Dieu  veuille  que  le  déplaifir  ne 
ne  tuë  pas  en  chemin.  Tout  ce  que 
je  vous  puis  dire,  c’eft  que  jamais  exi- 
lé n’a  quitté  Ton  pays  avec  tant  d’af* 
fliâion  que  je  retournerai  au  mien.  Je 
TOUS  dirai  encore  plus , c’efl:  que  fans 
votre  confidération , je  ne  crois  pas 
que  j’eulTe  jamais  revû  Paris , ou  je 
ne  conçois  aucun  autre  plaidr  que 
celui  de  vous  revoir.  Je  fuis  bien  fâ- 
ché de  la  juûe  inquiétude  que  vous 
donne  la  fièvre  de  M.  votre  jeune  fils. 
J*erpere  que  cela  ne  fera  rien.  Mais 
U quelque  chofe  me  fait  craindre  pour 
lui , c’efl  le  nombre  de  bonnes  qualités 
qu’il  a,  ( I ) puilque  je  n’ai  jamais 

fl  accompli  en 
toutes  chof».  M.  Marct^^d  efî.arrj^-. 
vé  ici  Samedi.  J’ai  été  mrt  aile  de  le 
voir } mais  je  ne  tarderai  guère  à le 
quitter.  Nous  faifons  notre  ménage 
«nfemble. 

^ i)  11  ^It  de  oion  fcdic  aind. 


» 

E T » E R A C f K E IS%^ 
anffi  méchant  homme  Que  iamais.  J’ai 


bon  yaontje  nSItwewiyas  un  mot  à fonf 
'Ünîvée.  Votre  relation  de  l’afFmre  de^ 
Hongrie  m’a  fait  un  très-grand  plaifir  j| 
& m’a  fait  comprendre  en  très-pev 
de  mots , ce  que  les  plus  longues  rela» 
lions  ne  m’auroient  peut-être  pas  ap» 
pris.  Je  l’ai  débitée  à tout  Bourbon , 
o£i  il  n’y  avoit  qu’une  relation  d’un 
Commis  de  M.  Jacques,  où  après 
avoir  parlé  du  Grand- Vifir , on  ajoû<>- 
toit  entre  autres  chofes , que  leMt  fV. 
fir  voulant  réparer  le  gritf  qm  hü  avoit  itê 
fait , <Stc.  Tout  le  relie  étoit  de  ce  fly* 
le.  Adieu,  mon  cher  Monfieur,  aimezi» 


moi  toujours , & croyez  que  vous  feui 
^es  maconfolation. 


■ Je  vous  écrirai  en  partant  de  Four<> 
bon , & vous  aurez  de  mes  nouvelles 


en  chemin.  Je  ne  fai  pas  trop  le  parti 
igue  Je  prendr»  à Paris.  Tous  mes  li^ 
vres  font  à Auteuilÿ«()^jgif^fli§^PI4^ 
dérormais  aller  lès  hivers.  J’ai  réfolus 
pe^rSfSIf^^Blogement  pour  moi-feul.. 
( 1 J Je  fuis  las  franchement  d’ent'en- 


t54  LSTtHSS  DE  Bdijleao 
dre  le  tintamare  des  nourrices  & del 
fervantes.  Je  n’ai  qu’une  chambre  & 
point  de  meubles  au  Cloitre.T out  ceci 
ibit  dit  entre  nous  ; mais  cependant 
I je  vous  prie  de  me  mander  votre  avis. 
N’ayant  point  de  voix , il  me  faut  du 
moins  de  la  tranquillité.  Je  fuis  las  de 

Ime  facrifier  au  plaifir  & à la  commo-; 
dité  d’autrui,  lln’eflpas  vrai  que  je  net; 
puiflê  bien  vivre  & tenir  feul  moni 
'ménage.  Ceux  qui  le  croyent  fe  trom> 
peut  groffierement.  D’ailleurs  je  pré* 
tens  défô'rmais  mener  un  genre  de  vie 
dont  tout  le  monde  ne  s’accommodera 
.pas.  J’avois  pris  desmefures  quej’au* 
rois  exécutées , fl  ma  voix  ne  s’étoit 
point  éteinte.  Dieu  ne  l’a  pas  voulu. 
J’ai  honte  de  moi>même,  & je  rougis 
des  larmes  que  je  répans  en  vous  écri* 
vant  ces  derniers  mots. 

/ 

DE  RACINE. 

A Taris  ee  /.  Septembre. 

J’Avois  defliné  cette  aprés-dînée  â 
vous  écrire  fort  au  long , mais  nos 
CsijlSa  abafottt  etm  fiSehettx  parenfag»^ 


KT  ©E  Racine,  isf 
eft'vena  malbeureufement  rae  voir,' 
& il  ne  fait  que  de  fortir  de  chez  mm. 
Je  ne  vous  écris  donc  que  pour  vous 
dire  quejer^s  avant  nier  une  Lettre» 
de  vous.  Le  P.  Bouhours  & le  P.  Rapim  | 
étoient  dans  mon  cabinet  quand  je  1»  | 
reçûs.  Je  leur  en  fis  la  leélure  en  la  dé-  I 
^cachetant , &je  leur  fis  un  fort  grand/ 
«laifîr.Je  regardai  pourtant  de  loin,.| 
à mefure  que  je  la  lifois , s’il  n’y  avoic| 
rien  dedans  qui  fût  trop  Janfenifle.  Je* 
vis  vers  la  fin  le  nom  de  M.  Nicole , 
je  fautai  bravement , ou , pour  mieux 
dire , lâchement , par  deflus.  Je  n’ofat* 
m’expofer  à troubler  la  grande  joie,. 
& même  les  éclats  de  rire , que  leur 
cauferent  plufieurs  chofes  fortplaiiàn* 
tes  que  vous  me  mandiez-.  Noos  au<>. 
rions  été  tous  trois  les  plus  contens  du 
inonde,  fi  noos  euflions  trouvé  à 1» 
fin  de  votre  Lettre , que  vous  parliez 
à votre  ordinaire , comme  nous  troui-  ' 
vions  que  vous  écriviez  avec  le  mémo 
efprit  que  vous  avez  toujours  eu.  Ijs 
font , je  vous  aflÛre , tous  deux  forfi- 
de  vos  amis  , & même  fort  bonne» 
gens  ( X ) . Nous  avions  été  le  matin 

mmmmtmnÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊmÊÊÊÊÊÊKÊÊÊiÊÊÊÊÊÊm^ 

( I ) Ces  pfifoanef  ifcftiahoieiit  ôc  s’almoica^ 

fincéicmciUi 

G 6 


/ 


i$6  Lbttkbs  db  Boilbav 
entendre  le  P.  de  ViHiers , qui 
I rOraifon  funèbre  de  M.  le  Prince  ,• 
Grand-Pere  de  M.  le  Prince  d’aujour- 
d’hui. Il  y a joint  les  louanges  du  der- 
nier mort,  & il  s’eft  enfoncé  jufqu’au 
Icou  dans  le  combat  de  Saint  Antoine  : 
^pieu  fait  combien  judicieufement.  £a 
wérité  il  a beaucoup  d’efprit  ; mais 
il  auroit  bien  befoin  de  fe  laifler  con- 
duire. J’annonçai  au  P.  Bouhonrs  un 
nouveau  livre , qui  excita  fort  fa  curio- 
fité.  Ce  font  les  Remarques  de  M.  de  ' 
Vaugelas , avec  les  Notes  de  Thomas 
Corneille.  Cela  ell  ainfi  affiché  dans 
Paris  depuisquatre  jours.  Auriez- vous 

E*  mais  crû  voir  enfemble  M.  Vauge- 
s & M.  de  Corneille  le  jeune , don- 
nant des  régies  fur  la  Langue  ? 
l’enfle  bien  voulu  vous  pouvoir  man- 
der que  M.  de  Louvois  efl:  guéri , en 
TOUS  mandant  qu’il  a été  malade.  Mais 
maFemme,  qui  revient  de  voir  Ma- 
dame de  là  Chapelle , m’apprend  qu’il 
a encore  de  la  fièvre.  Elle  étoit  d’a- 
bord comme  continue , & même  aflez 
grande.  Ellen’eft  préfentement  qu’in- 
termittente , & c’eft  encore  une  des 
obligations  que  nous  avons  au  Quin- 
quina. Jelpere  que  je  vous  mande* 


ET  DE  Racine.  15T 
rai  Lundi  qu’il  ad  abfoiument  guéri. 
Outre  l’intérêt  du  Roi , & celui  du  i 
Public , nous  avons , vous  & moi , ' 
un  intérêt  très-particulier  à lui  fouhai* 
ter  une  bonne  fanté.  On  ne  peut  pas 
nous  témoigner  plus  de  bonté  qu’iL 
nous  en  témoigne  ; & vous  ne  faurie^ 
croire  avec  quelle  amitié  il  m’a  touf 
jours  demandé  de  vos  nouvelles.  Bon 
fpir , mon  cher  Monfieur.  Je  falue  de 
tout  mon  cœur  M.  Marchand.  Je  vous 
écrirai  plus  au  long  Lundi.  Mon  filseft 
guéri. 


D E RA  CINE. 

, ^ iMxmbmr^  ce  M*j, 

Votre  Lettre m’auroit  fait  beau» 
coup  plus  de  plai(ir,n  les  nouvel* 
les  de  votre  fanté  euilent  été  un  peu  * 
meilleures.  Je  visM.X)odart  comme  je 
venoisde  la  recevoir, & la  lui  montrai* 
Il  m’alTûra-quevous  n’aviez  aucun  lieq 
de  vous  mettre  dans  refprit,que  votre 
voix  ne  reviendra  point , & me  cita 
même  quantité  de  gens  qui  font  fortis 


15S  Lettre»  DE  Boilea tr 
, fort  heureufement  d’tin  femblable  ac- 
s.  cident.  Maia  fur  toutes  chofes  ,il  vous 
recommande  de  ne  point  faire  d’effort 
''  pour  parler , & , s’il  fe  peut , de  n’a- 
voir commerce  qu’avec  des  gens  d’u- 
ne oreille  fort  fubtile  , ou  qui  vous 
entendent  à demi-mot.  Il  croit  que  le 
fyrop  d’abricot  vous  eff  fort  bon  » âc 
qu’il  en  faut  prendre  quelquefois  de 
pur  , & très-fou  vent  de  mêlé  avec  de 
l’eau  ,en  l’avalant  lentement,  & goûte 
à gqye.  Ne-Po|pt  boire  trop  frais , ni 
rie  yin  q^  fort  trempé  j du  reftevous 
tenir  l’^rînôujours  gaiJfpUüfsHfc^ 
près  le  confeil  ( i ) que  M.  Menjoc 
me  donnoit  autrefois.  M.  Dodart  ap- 
. prouve  beaucoup  votrellait  d’aneffe , 
mais  beaucoup  plîii'  encbre  ce  que 
vous  dites  de  la  vertu  M ...  Il  ne  la 
croit  nullement  propre  à votre  mal  f 
& àfldre  même  qu’elle  y feroit  très» 
nuifible.  Il  m’ordonne  prefque  tou- 
jours les  mêmes  chofës  pour  mon  mal 
dégorgé , qui  va  toujours  fon  même 
trsin } & il  me  confeille  un  régime  qui 


(I)  lltacomoit  oiian4  U vooTbit  tire  , qu*un 
CÎQ  lui  ayant  dtfièiidii  de  boire  du  vin  a demascer  de  la 
viande  a de  liis  ,&de  s'appliquer  à la  moindie  Cll0«. 
tjoata  » d»  tfjh  » 


E T D B R A C I N E.  I59 
peut-être  me  pourra  guérir  dans  deux 
ans , mau  qui  infailliblement  me  ren- 
dra dans  deux  mois  de  la  taille  donc 
vous  voyez  qu’eit  M.  Oodart  lui-mê- 
me ( j).  M.  Félix  étoit  préiènt  à tou- 
tes ces  ordonnances , qu’il  a fort  ap- 
"prouvées  ; & il  a auili  demandé  des  re- 
mèdes pour  fa  famé , fe  croyant  le  pllis 
malade  de  nous  trois.  Je  vous  ai  man- 
dé quül  avoit  vifité  la  boucherie  de 
Châlons.  Il  e(l  à l’heure  que  je  vous 
parle  au  marché,où  il  m’a  ditqu’il  avoit 
rencontré  ce  matin  dëTëcrevilfëT^e . 
fort  bonne  mine.  Le  voys^ie*€Iï  pro- 
Tonge  de  fVoïs  jours  , & on  demeure- 
ra ici  jufqu’à  Lundi  prochain.  Le  pré- 
texte eft  la  rougeole  de  M.  le  Comte 
de  Touloufi^BSîfUfrrtfèfl:  apparem- 
ment que  le  Roi  a pris  goût  à fa  con- 
quête ,&  qu’il  n’eil  pas  fâché  de  l’exa- 
miner tout  à loifir.  Il  a déjà  conOdéré 
toutes  les  fortifications  l’une  après 
l’autre , eft  entré  jufques  dans  les  con- 
tremines  du  chemin  couvert , qui  fonc 
fort  belles  , & fur-tout  a été  fort  aiiè 
de  voir  ces  fameufes  redoutes  entre 


(ij  Le  pcre  du  prcmiei  Mddcdn  du  Hol.  11  ctoic  cx- 
HlnciiicM  inaigw. 


i6o  Lettres  de  Boileatt 
)es  deux  chemins  couverts , lefquelles 
ont  tant  donné  de  peine  à M.  de  Vau- 
ban.  Aujourd’hui  le  Roi  va  examiner 
la  circonvallation  ; c’eft-à-dire , faire 
un  tour  de  fept  ou  huit  lieues.  Je  ne 
vous  fais  point  le  détail  de  tout  ce  qui 
m’a  paru  ici  de  merveilleux.  Qu’il 
vous  fuffilè  que  je  vous  en  rendrai  bon 
compte  quand  nous  nous  verrons , & 
que  je  vous  ferai  peut-être  concevoir 
les  chofes  comme  H vous  y aviez  été. 
JVl.  de  Vauban  a été  ravi  de  me  voir , 
& ne  pouvant  pas  venir  avec  moi,  m’a 
donné  un  Ingénieur  qui  m’a  mené  par- 
tout. Il  m’a  aulfi  abouché  avec  M. 
d’Efpagne , gouverneur  de  Thionvil- 
)e , qui  fe  Ognala  tant  à Saint  Godard  , 
& qui  m’a  fait  fouvehir  qu’il  avoit 
fouvent  bû  avec  moi  à l’auberge  de 
M.  Poignant , & que  nous  étions  , 
Poignant  & moi  , fort  agréables  avec 
feu  M.  de  Bernage , Evêque  de  GrafTe. 
Sérieufement  ce  M.  d’Efpagne  ell  un 
fort  galant  homme , & il  m’a  paru  un 
grand  air  de  vérité  dans  tout  ce  qu’il 
m’a  dit  de  ce  combat  de  Saint  Godard, 
^ais , mon  cher  Monûeur , cela  ne 
s’accorde, ni  avecM.de  Montecuculli, 
oiaveC  M.  de  BÜly , ni  avec  M.  de 


BT  DE  Racine.  j6t 
làFeuillade,  & je  vois  bien  que  la  véri- 
té qu’on  nous  demande  tant,  efl  bien 
plus  difficile  à trouver  qu’à  écrire  (i). 
J’ai  vû  aufli  M.  de  Charüel,  qui  étoic 
Intendant  à Gigeri.  Celui-ci  fait  appa- 
remment la  vérité , mais  il  fe  ferre  les 
lèvres  tant  qu’il  peut , de  peur  de  la  di-. 
re  ; & j’ai  eu  à peu  près  la  même  pei- 
tie , à lui  tirer  quelques  mots  de  la  bou- 
che , que  Trivelin  en  avoit  à en  tirer 
de  Scaramouche , Muficien  bègue.  M. 
de  Gourville  arriva  hier , & tout  en  ar- 
rivant me  demanda  de  vos  nouvelles. 
Je  ne  finirois  point  (i  je  vous  nommois 
tous  les  gens  qui  m’en  demandent  tous 
les  jours  avec  amitié.  M.  dé  Chevreu- 
fe  entre  autres , M.  de  Noailles , Mon- 
feigneur  le  Prince,  que  je  devrois  nom- 
mer le  premier  j fur-tout  M.  Moreail 
notre  ami , & M.  Roze;  ce  dernier , 
avec  des  expreffions  fortes , vigoureu- 
iês , & qu’on  voit  bien , en  vérité , qui 

Çi^  Sur  qutlle  Hiftoire  peut-ôn  coirpter  ? Tel  Ecri« 
?ain  a chérché  la  vérité,  fans  la  trouver.  Tel  autre  ne 
s*eft  point  donné  la  £eine  de  la  chercher  ; d'autres  n'ont 
point  longé  i la  dire.  Qui  ne  croirolt  qu'un  homme 
comme  M.  de  Valincourt  n*a  rien  écrit  qued'exaél  fut 
on  ami  qu'il  avoir  toujours  fréquenté  } j'ai  cependant 
fait  voir  qu'il  n'y  avoit  p<ûni  d'cJtaélicudc  dans  û Lettre 
àiâüriqiic  futiuon  Pere. 


ï64  Lettres  6e  Boileav 
Coartenaf  , qui  a été  trouvé  mort  daiff 
la  paliflade  de  la.  demi- lune.  Car  quel* 
ques  Moofquetaires  pouiTerent  ju& 
ques  dans  cette  demi>lune  , malgré  la 
défenfe  exprefle  de  Vauban  & de  M. 
de  Maupertuis  , cro;ÿant  faire  , fans 
doute , la  même  chofe  qu’à  V alencien* 
nés.  Ils  furent  obligés  de  revenir  fort 
vîte  fur  leurs  pas:&.c’eft>là  que  la  plû* 
part  furent  tués  ou  bleifés.  Les  Gre» 
nadiers , à ce  que  dît  M.  de  Mauper» 
tais  lui- même,  ont  été  aufli  braves  que 
les  Moufquetaires.  De  huit  Capitai> 
nés , il  y en  a en  lepc  tués  ou  bleifés. 
J’ai  retenu  cinq  Ou  avions  ou  pa»> 
rôles  de  ilmples  Grenadiers  , dignes 
d’avoir  place  dans  THiitoire  , . & je 
▼ons  les  dirai  quand  nous  nous  rever* 
rons.  M.  de  Chafteavillain , fils  de  M, 
le  Grand  Tréforier  de  Pologne , étoic 
.à  tout , & efi:  un  des  hommes  de  l’ar- 
mée le  plus  efiimé.  La  Chefnaye  a aufli 
fort  bien  fait.  Je  vous-les  nomme  tous 
deux , parce  que  vous  les  connoiflez 
particulièrement.  Mais  je  ne  vous  puis 
dire  aifez  de  bien  du  premier , qui  joint 
beaucoup  d’efprit  à une  fort  grande 
Valeur.  Je  voyoia  toute  l’attaque  fort 
à mon  , d’un  peu  lem  à la  vérité  , 


ET  Di. Racine.  i6s 
mais  j’avois  de  fort  bonnes  lunettes  , 
que  je  ne  pouvois  prefque  tenir  fer- 
mes,tant  le  coeur  me  battoit  à voir  tant 
de  braves  gens  dans  le  péril. On  fit  une 
fufpenfion  pour  retirer  les  morts  de 
part  &d’autfe.On  trouva  denosMouf- 
quetaires  morts  dans  lech^in  cou- 
vert de  la  demi-lune.  Deux  Moufque- 
taires  blelTés  s’étaient  couchés  parmi 
ces  morts, de  peur  d’être  achevés.Ils  le 
levèrent  tout-ji-coup  fur  leurs  pieds , 
pour  s’en  revenir  avec  les  morts  qu’oa 
remportoit.  Mais  les  ennemis  préten- 
dirent qu’ayant  été  trouvés  fur  leur 
terrain  , ils  dévoient  demeurer  pri- 
fonniers.  Notre  Officier  ne  put  pas  en 
difconvemr  f mais  il  voulut  au  moins 
donner  de  l’argent  aux  £fpagnoIs,afin 
de  faire  traiter  ces  deux  Moufquetai- 
res.  Les  Efpagnols  répondirent  : lU 
ffnmt  mieux  traités  parmi  mus  ejue  par- 
mi voMsjdr  nous  avons  de  l’argent  plus  qu'il 
nenfautpournoui  & peureux.  Le  Gou- 
verneur fut  un  peu  plus  incivil  ; car 
M.  de  Luxembourg  lui  ayant  envoyé  • 
une  lettre  par  un  Tambour , pour  s’in- 
former fi  le  Chevalier  d’Ellrade  , qui 
s’ell  trouvé  perdu  , n’étoit  point  du 
DLombre  des  prifonniers  qui  ont  été 


i 


• 

17s  Lettrss  DE  Bôiieaü 
Teçû  de.' Aies  nouvetlcs. 

J’ai  Qub'ljé  de't:oùi  dîfie , cjue  pea- 
dant  qijél’ètois  fùcle  mont  Pagootte, 

^ à régaEjfer  l’aitaqae  , le  PT  de  la 
Chaife  étoit  dans  la^trancnre  , flic 
même  fort  près  de  l’attaque , pour  la 
vpir  plus  dHlinèiemeot.  J’en  parlois 
hier  le  foir  à fon  Frere  , qui  me  die 
tout  naturellement  : Il  fs  fera  mer  m 
de  ces  jours.  Ne  diteffiëh  ’ de  celiT  à • 
çerronne,car  on  croiroit  la  eholè  in- 
ventée , & elle  e&'très  - vraie  , Sc 
très  - férieu/ê. 


DU  MES  ME. 
jiu  Camp  de  Gévriesle  2 1 . Mai, 


ILjaut  que  J’aime  M.  Vigan  autant 
que  je  fais , pour  ne  lui  pas  vouloir 
beaucoup  de  mal  du  contretems dont 
dont  il  a été  caufe.  Si  je  n’avois 
pas  eu  des  embarras  tels  que  vous 
pouvez  vous  imaginer,  je  vous  au- 
rois  été  chercher  à Auteuil.  Je  ne 
vous  ai  pas  écrit  pendant  le  chemin, 
..parce  que  j’étois  chagrin  au  dernier 

point 


■8  T IV  B Ricins.  i(^ 
point  d’un  vilain  clouquim’efl:  vena 
au  menton, gai  m’a  fait  de  tort  grandes 
dou i^urs , jufqu’à  me  donner  la  fièvre 
deux  jours  de  deux  nuits.  Il  eil  percé. 
Dieu  merci,  & il  ne  me  refte  plus 
qu’une  emplâtre  , qui  me  défigure  , 
& dont  je  me  confolerois  volontiers , 
fans  toutes  les  queftions  impor- 
tunes que  cela  m’attire  à tout  mo- 
ment. 

Le  B oi  fit  hier  la  revâe  de  Ton  ar- 
mée, & de  celfo  de  M.deLuxembourg. 
C’étoit  aflhrément  le  plus  grand  fpec- 
tacle  qu’on  ait  vû  depuis  plufieurs 
TîéSles.  Je  rie  me  fouviens  point  que 
, les  Romains  en  aient  vû  un  tel.  Car 
leurs  armées  n’ont  guère  palTé  , ce- 
rne femble , quarante , ou  tout-au>plus 
cinquante  mille  hommes  ; & il  y avoic 
hier  fix-vingts  mille  hommes  enfem- 
ble  for  quatre  lignes.  Comptez  qû’à 
la  rigueur  il  n’y  -avoit  pas  lâ  defius 
trois  mille  hommes  à rabattre,  je 
commençai  à onze  heures  du  matia 
rà  marcher.  J’allai  toûjours  au  grand 
I pas  de  mon  cheval , & je  ne  finis 
; qu’à  huit  heures  du  foir .Enfin  on  étoit 
deux  heures  à aller  du  bout  d’une 
ligne  à l’autre.  Mais  û on  n’a  jamais 
- Tme L , H 


Lettres  bb  Boixeiv 
vûtancde troupes enfemble,  aiTûre£> 
vous  ^u’oh  n’en  a jamais  vûde  fi  bel> 
les.  Je  vous  rendrois  un  fort  bon  comp« 
te  des  deux  lignes  de  l’armée  du  Roi , 
& de  la  première  de  l’armée  de  M.  de 
Luxembourg.  Mais  quant  à la  fecon- 
4ie  ligne  , je  ne  vous  en  puis  parler 
que  fur  la  foi  d’autrui.  J’étois  fî  las  , 
fl  éblouï  de  voir  briller  des  épées  & 
des  moufquets , fl  étourdi  d’entendre 
des  tamboursydes  trompette  s,  des  tim- 
bales ^ qu’en  vérité  je  me  ladlbis  con- 
duire par  mon  cheval , fans  plus  avoir 
/ d’attention  à rien  ; & j’ende  voulu 
. 4c  tout  mon  cœur  que  tous  les  gens 
que  je  voiois  euflênt  été  chacun  dans 
^ur  chaumière^  ou  dans  leur  maifon« 

' ^vec  leurs  femmes  & leurs  enfans , & 

• thoi  dans  la  ruë  des  Maçons  avec  ma 
famille.  Vous  avez  peut- être  trouvé 
dans  les  Poèmes  épiques  les  revûes 
dtarmées  fort  longues  & fort  en- 
jnuyeufès  ; mais  celle-ci  m’a  paru  tout 
autrement  longue , & même  , par- 
donnez-moi cette  efpéce  de  blafphé- 
Sne , plus  lalTante  que  celle  de  la  Pu- 
Celle.  J’étois  au  retour  à peu  prés  dans 
le  même  état  que  nous  étions  vous  & 
tnoi  dans  ia  cour  de  l’Abbaye  de  Saine 


* . ' 

s T E Racine.  171 
i^mand.  A cela  près  je  ne  fus  jamais 
ft  charmé  & fi  étonné  , que  je  le  fus 
de  voir  une  puifiance  fi  formidable. 
Vous  jugez  bien  que  tout  cela  nous 
prépare  de  belles  matières.  On  m’a 
donné-^un  ordre  de  bataille  des  djux 
armées.  Je  vous  l’aurois  volontiers 
envoyé  ; mais  il  y en  a ici  mille  copies, 
de  je  ne  doute  pas  qu’il  n’y  en  aie 
bientôt  autant  à Paris.  Nous  fommes 
ici  campés  le  long  de  la  Trouille,  à 
deux  lieues  de  Mons.  M.  de  Luzem* 
bourg  efi  campé  près  de  fiinche  , 
partie  fur  le  ruifieau  qui  pafle  aux  £f* 
tives , & partie  fur  la  Haifne  , où  ce 
ruifleau  tombe.  Son  armée  efi  de  66 
bataillons  , &de  209  efeadrons.  Celle 
du  Roi  de  .46  bataillons , & de  9e 
efeadrons.  Vous  voyez  par-là  que 
celle  de  M.  de  Luxembourg  occa- 
poic  bien  plus  de  terrain  que  celle 
du  Roi.  Son  quartier  général  ,j’entens 
celui  de  M.  de  Luxembourg  , efi  à 
Thieufies.  Vous  trouverez  tous  ces 
villages  dans  la  carte.  L’une  & l’au* 
tre  fe  mettent  en  marche  demain;  Je 
pourrai  bien  n’être  pas  en  état  de 
vous  écrire  de  cinq  ou  fix  jours  ; c’eR 
pourquoi  je  vous  écris  a^ourd’hui 


ne  Lettres  de  Boileau 
une  n longue  Lettre.  Ne  trouvez 
point  éuange  le  peu . d’ordre  que 
vous  y trouverez  ; Je  vous  écris  au 
.bout  d’une  table  environnée  de  gens 
qui  raifonnent  de  nouvelles  , & qui 
veulent  a tous  momens  que  j’entre 
dans  la  converfation.  11  vint  hier  de 
Bruxelles  un  Rendu  , qui  dit  que  M. 
le  Prince  d’Orange  alTeinbloit  quel* 
ques  troupes  à Auderleck , qui  en,  eft 
à trois  quarts  de  lieues.  On  demanda 
au  Rendu  ce  qu’on,  dilbit  à Bruxel* 
les.  1|  répondit  qu’on  y étoit  fort  en 
^repos  , parce  qu’on  étoit  perfuadé 
qu’il  n’y  avoit  à Mons  qu’un  camp 
volant  ; que  le  Roi  n’étoit  point  en 
Flandres  ; & que  M.  de  Luxembourg 
dtoit  en  Italie. 

Je  ne  vous  dis  rien  de  la  Marine. 
Vous  êtes  à la  fource , & nous  ne 
favons  qu’apiès  vous.  Vraifembla^ 
blement  j’aurai  bientôt  de  plus  gran* 
des  chofes  à vous  mander  qu’une  je* 
yôe  , quelque.grande  À quelque  mà> 
gnifique  qu’eHe  ait  été.  M.  de  Ca- 
voie  vous  baife  les  mains.  Je  ne  (ai 
ce  que  je,  ^rois  fans  lui.  11  faudroic 
en  vérité  que  je  renonçaflè  aux  voya> 
^s  & an  plaifir  de  voir  tout  ce  que 
je  voi^  M.  de  Luxembourg , dés  le 


% 


« 


ÉT  »E  Racine.’  173' 
premier  jour  que  nous  arrivâmes  » en* 
. voya  dans  notre  écurie  un  des  plus 
commodes  chevaux  de  la  (renne,  pour 
m’en  fervir  pendant  la  campagne. 
Vous  n’avez  jamais  vû  un  homme 
de  cette  bonté , & de  cette  magnifî* 
cence.  Il  e(I  encore  phis  à Tes  amis> 
& plus  aimable  à la  tête  de  fa  formi* 
dable  armée , qu’il  n’eft  à Paris  & àf 
Verfailles.  Je  vous  nommerois  au 
contraire  certaines  gens  qui  ne  font 
pas  reconnoüTables  en  ce  pays  > ci , 
& qui  tout  embarrafTés  de  la  figure 
qu’ils  y font , font  à peu  près  comme 
vous  dépeigniez  le  pauvre  M.  Jan- 
nart , quand  il  commençoit  une  cou* 
rante.  Adieu , mon  cher  Monfieur, 

, voilà  bien  du  verbiage  ; mais  je  vous 
écris  au  courant  de  ma  plume,  & 

; me  laifie  entraîner  au  plaifir  que  j’ai 
de  caufer  avec  vous  , comme  fi 
, j’écois  dans  vos  allées  d’Auteuii.  Je 
vous  prie  de  vous  fouvenir  de  mol 
dans  la  petite  Académie , & d’aOhrer 
M.  de  Fontchartrain  de  mes  très* 
humbles  refpeâs.  Faites  aulli  mille 
complimens  pour  moi  à M.  de  la 
Chapelle.  Je  prévois  qu’il  aura  bien* 
tôt  matière  à des  types  plus  magui» 

H3 


174  Lbttrbs  se  Boileatt 
éques  qu’il  n’en  a encore  imaginés.  ■ 
Ecrivez  > moi  le  plus  fonvent  que  vous 
pourrez-,  & forcez  votre  parefTe.' 
rendant  que  j’elTuiè  de  longues  mar>  - 
ches  , & des  campemens  fort  incom/ 
modes  , ferez  • vous  fort  à plaindre 

3uand  vous  n’aurez  que  la  fatigue: 
’écrire  des  Lettres  bien  à votre  aife. 
dans  votre  cabinet  ? 


St 


D U M E S M E, 

» 

Ç4mp  de  Gévries  le  22.  Mai, 

* J * » % 

COmme  j’étois  fort  interrompq 
hier  en  vous  écrivant , je  fis  une 
grande  faute  dans  ma  Lettre  , dont 
je  ne  m’apperçûs  que  lorfqu’on  l’eût 
portée  à la  polie.  Au  lieu  de  vous 
dire  que  le  quartier  principal  de  M. 
de  Luxembourg  étoit  aux  hautes  £f>/. 
tives  , je.  vous  marquai  qu’il  étoit  à 
Thieufies , qui  eil  un  Village  à plus 
de  trois  ou  quatre  lieues  de-là , & où 
il  devoit  aller  camper  en  partant  des 
■Eftivês  à ce  qu’on  m’avoit  dit.  On 
parloit  même  de  cela  autour  de  moi 


E r ir  E R A <f  r N i.  i-jt 
pendant  que  j’écrivois.  J’ai  donc  cr» 
que  je  vous  ferois  plaifir  de_.yauft' 
détromper  , & qû’il  valoit  mieuS 
qu’il  vous  en  coûtât  un  petit  port  de 
lettre  , que  quelque  groHe  gaj^re  oit 
vous  pourriez  vous  engager  mal  • à - 
propos , Ou  contre  M.  de  la  Chapelle^, 
ou  contre  M.  Heflein.  J’ai  fur  • touc 
pâli  quand  j’ai  fongé  au  terrible  in* 
convenient  qui  arriveroit  fi  ce  der* 
nier  avoit  quelque  avantage  fur  vous. 
Car  je  me  fouviens  du  bois  qu’il  met» 
toit  à la  droite  opiniâtrément , inal*: 
/gré  tous  les  fermens  & toute  la  raifoq 
! de  M.  de  Guilleragues , qui  en  penfit 
devenir  fou.  Dieu  vous  garde  d’avoir 
Jamais  tort  contre  un  tel  Homme. 

Je  monte  en  carrofle  pour  aller  i 
Mons , où  M.  de.  Vauban  m’a  pro- 
mis de  me  faire  voir  les  pouveauE 
ouvrages  qu’il  y a faits.  J’y  allai  l’au- 
tre jour  dans  ce  même  defiein  ; mais^ 
je  fouffrois  alors  tant  de  mal , que  je* 
ne  fongeai  qu’à  m’en  revenir  au  pluÿ; 
vite- 


I7tf  Lettres  de  Boileiü 

\ 


DU  M E S M £. 

Cmf  devMt  N/murle  3.  Juin. 

J’Ai  été  11  troublé  depuis  huit  jours 
de  la  petite*vérole  de  mon  fils, 
que  j’appréhendois  qui  ne  fut  fort 
dangereufe , que  je  n’ai  pas  eu  le  cou- 
rage de  vous  mander  aucunes  nouvel- 
les. Le  liège  a bien  avancé  durant 
ce  tems-là , & nous  fommes  à l’heure 
qu’il  ell  au  corps  de  la  Place.  11  n’a 
point  fallu  pour  cela  détourner  là 
Meufe , comme  vous 'm’écrivez  qu’on 
le  difoit  à Paris  , ce  qui  feroit  une 
étrange  entreprilè.  On  n’a  pas  même 
en  befoin  d’appeller  les  Moulquetai- 
res , ni  d’expofer  beaucoup  de  braves 
gens.  M.  de  Vauban , avec  Ton  ca- 
non & Tes  bombes , a fait  lui  feul  toute 
l’expédition.  Il  a trouvé,  des  hauteurs  ‘ 
au* deçà  & au-delà  de  la  Meufe,  où 
il  a placé  fes  batteries.  11  a conduit  fa  ^ 
principale  tranchée  dans  un  terrain 
aflez  relTerré , entre  des  hauteurs , & 
line  elpéce  d’étang  d’un  côté , & la 


ÏT  »É  Racine.  177 
Meafè  de  l’aatre.  En  trois  jours  ii  a 
poulTé  fon  travaii  jufqu’à  un  petit 
ruiflèau  qui  coule  au  pied  de  la  con- 
trefcarpe  , & s’eft  rendu  maître  d’une 
petite  contre-garde  revêtue  , qui  étoic 
en  - (feça  de  la  contrefcarpe , oc  de- là, 

' en  moins  de  feize  heures , a emporté 
.tout  le  chemin  couvert  qui  étoitgar* 
' ni  de  plufteurs  rangade  paliflades , a 
comblé  un  folTé  large  de  dix  toifes , 
& profond  de  huit  pied»,  & s’eft 
logé  dans  une  demi-lune , qui  étoit  an- 
devant  de  lacourtine  ^ entre  un  demi' 
baflion  qui  efl  fur  le  bord'  de  laMeufb, 
à la  gaucho  deaafliégeans , & un  baf- 
tioir  qui  efl:  à leur  droite.  En  telle 
ibrte , que  cette  Place  lî  terrible , e» 
un  mot  Namur,  a vft  tous-fes  dehcnc» 
enaportés  dans  le  peu  de  temaque  je 
vous  ai  dit,  fans  qu’il  en  ait  coûté  ait 
Koi  plus  de  trente  hommes.Ne  croyez 
pas  peur  cela  qu’on  ait  eu  affaire 
à des  poltron».  Tous  ceux  de  no» 
gens  qw  ont  été  à'ces  attaquess  fbnt 
étonné  du  courage  des  afliégés. 
Mais  voue  jugerez  de  l’effbr  terrible 
du  canon  a des-  bombes  , quand  jer 
vous  dirai , fur  le-  feul  rapport  d’utt 
Officier£fpagnol,q,uifua]^is  hier  dan» 

H ^ 


178  Lettres  xte  Boileav 
les  dehors  , que  notre  artillerie  leUf 
a tué  en  deux  jours  douze  cens  bon>< 
sues.  Imaginez-vous  trois  batteries  qui 
qui  fe  croiient , & qui  tirent  conti- 
nuellement fur  de  pauvres  gens  qui 
font  vûs  d’enhaut,&  de  revers  , & qui 
ne  peuvent  pas  trouver  un~f&I  coin 
où  ils  foient  en  fÛreté.  On  dit  qu’on  a 
trouvé  les  dehors  tout  pleins  de  corps 
dont  le  canon  a emporté  les  têtes , 
comme  fî  on  les  avoit  coupées  avec 
des  fabres.  Cela  n’empêche  pas  que 
pludeurs  de  nos  gens  n’ayént  fait  des 
allions  de  grande  valeur.  Les  Grena- 
diers du  Régiment  des  Gardes  Fran- 
coifes , & ceux^  des  Gardes  Suides , fe 
^nt  entr’autres  extrêmement  didin- 
gués.On  raconte  pludeurs  aâions  par- 
ticulières , que  je  vous  redirai  quelque 
|our,&  que  vous  entendrez  avec  plai- 
4'£r.  Mais  en  voici  une  que  je  ne  puis 
différer  de  vous  dire«  oc  que  j’ai  oQi 
f onter  au  Roi  même.Un  foldat  du  Ré- 
giment des  Fuziliers , qui  travailloit  à 
la  tranchée , y avoit  porté  un  gabion; 
.un  coup  de  canon  vint  qui  emporta 
fon  gaÛon  : audîtôt  il  en  alla  pofer 
ù la  même  place  un  autre , qui  fut  fur 
le  champ  emporté  par  un  autre  coup 


l T 1)  B R A cr  i:  N E. 
dè  canon.  Le  foldat , fans  rien  dire  » 
en  prit  un  troiüénie , â:  fallapofer^ 
nn  troifîéme  coup  de  canon  emporta 
ce  troiOéme  gabion.  Alors  le  foldae 
rebuté  fë  tint  en  repos  ; mais  fon 
0£Bcier  lui  commanda  de  ne  point 
laifler  cet  endroit  fans  gabion.  Le  fol* 
dat  dit  : l irai  , mais  fy  ferai  ta(.  Il  y 
alla  , & en  pofant  fon  quatrième 
gabion , eut  le  bras  fracaflé  d’un  coup 
de  canon.  Il  revint , foutenant  fon 
bras  pendant  avec  l’autre  bras , & fè 
contenta  de  dire  à fon  Officier: 
Faveis  bien  dk.  Il  fallut  lui  couper  le 
bras , qui  ne  tenoit  prefque  à rien.' 
]1  fouffrit  - cela  fans  defierrer  leà^ 

. dents , & après  l’opération,  dit  froide>> 
/ment  : Je  jfkii  'dmc  hors  tthat  de  tra* 

\ voilier , e’efi  maintenant  a»  Roi-  kmot 
'miirrir;  Je  crois  que  vous  me  pardon-*, 
nerez  le  peu  d’ordrë  de  cette  narra-'' 
tioD  , -mais  afl&rez^vous  qu’elle  elB 
fort  vr^.  M;  de  Cavoie  me  prefle 
d’achever  ma  Lettre.  Je  vous'  diral*^ 
donc  en  deux  mots , pour  l’acheveri^ 
qu’àpparemment  la  ville  fera  prife  enr> 
^ux  josrs.Il  y adé^  une  grande  brév 
che  qu  baflion , & même  un  Officïtipr 
vitnO)  .di£-on  monter  avec  dcatr 

B S 


1^84  Lettres  se  Boileav 
ta  par  terre  de  deux  coups  de  fa  per- 
tuifane , qui  ne  le  blefiêrent  pourtant 
point.  On  a fort  loué  la  fageflè  de 
M.  de  Maupertuis.  Mais  il  faut  vous 
dire  aufli  deux  traits  de  M.  de  Vau- 
ban  , que  je  fuis  afluré  qui  vous  plai- 
ront. Comme  il  connoît  la  chaleur  du 
fbldat  dans  ces  fortes  d’occâfîons,  9 
leur  avoit  dit:  Mt%  tnftms, m ne  vcm 
défend  f as  de  fmrfmvre  les  ennemis  ejuased 
ils  s'enfiürmt , mais  je  ne  vestx  jras  qm' 
qine  votes  aUkx.  votes  faire  éeki^ner  mal- 
à-propos  Jim  la  contrejcarpe  de  lettrs  an- 
tres ouvrages.  Je  retiens  donc  a met  e$- 
tés  cinq  tambutrs  , potm  vues  rapeller 
quand  il  fera  tms.  Dès  que  vous  les 
entendrez  , nemanqnez  pasde  revenir^ 
ehaéten  4 vos  pefi-es.  Cela  fut  fait  com- 
me il  l’avoit  concerté.  Voilà  pour  la 
première  précaution.  Voici  la  fécon- 
dé. Comme  le  retranchement  qu’on 
attaquok  avoit  un  fort  grand  front , 
il  fit  mettre  far  notre  tranchée  des 
. efpéces  de  jallons , vis*à*vis  defquels 
chaque  çorpa  devok  attaquer  , & le 
' loger  t pour  éviter  la  confufion.  Et 
la  chofe  réüflit  à merveilles.  Les  en- 
nemis ne  foutinrent  point , & n’at* 
tendirent  pas  même  nos  gens.  Ils 


£T  DE  Racine.  1S5 
s’enfuirent  après  qu’ils  eurent  fait 
une  feule  décharge  , & ne  tirèrent 
plus  que  de  leurs  ouvrages  à 
On  en  tua  bien  quatre  ou  cin 
encr’autres  un  Capitaine  £f] 
fils  d’un  Grand  d'Efpagne  . 
nomme  le  Comte  de  Lemo 
qui  le  tua  étoit  un  des  Grer 
chçva! , nommé  Smii  râiftn.  Voua  un 
vrai  nom  de  Grenadier.  L’Efpagnol 
lui  demanda  quartier,  & lui  promit 
cent  pi{loles,lui  montrant  même  fa 
bourfe,  où  il  y en  avoit  35.  Le  Gre- 
nadier qui  venoit  de  voir  tuer  le 
Lieutenant  de  fa  Compagnie  , qui 
étoit  un  fort  brave  homme,  ne  vou- 
lut point  faire  de  quartier,  & tua 
fon  Efpagnol.  Les  ennemis  envoyé-' 
rent  demander  le  Corps , qui  leur  fut 
rendu,  & le  Grenadier  Sans-  r^ifouTtn- 
dit  aulfi  les  35  pifioles  qu’il  avoit 
prifês  au  mort,  en  difant  : w/- 

Iâ  fm  4rgtnt  , dmt  jt  nt  veux  peint , 
Us  Grennaiers  ne  mettent  U mnin  fnr  Ut 
gens  que  peur  Us  tuer.  Vous  ne  trou- 
verez point,  peut-être,  ces  détails 
dans  les  relations  que  vous  lirez;  & 
je  tn’aflure  que  vous  les  aimerez  bien 
autant  qu’une  fuputatlon  exacte  du 


i8tf  Lettres  de  BortEAir 
Dom  d^s  bataillons  , & de  cbaquer 
eoinpagnie  des  gens  détachés  , ce 
que  M.  l’Abbé  Dangeaù  ne  manque* 
roit  pas  de  rechercher  très-curieufe* 
ment.  Je  vous  ai  parlé  du  Lieuter 
nanc  de  la  compagnie  des  Grenadiers- 
qui  fut  tuéy&  dont  Sém-raifi»  ven-r 
gea  la- mort.  Vous  ne  ferez  peut*êtrer 

fpas  fâché  de  favoir  qu’on  lui  trouva 
lin  cilice  fur  le  corps.  Il  étoit  d’un& 
piété  fînguliére , & avoit  même  fait 
fes  dévotions  le  Jour  d’auparavant  ^ 
refpeâé  de  toute  l’Armée  pour  fa  va- 
leur , accompagnée  d’une  douceur 
& d’une  fagelTe  mervèllleufe.  Le  Roi 
l’eftimolt  beaucoup  a.  dit  après  fa- 
mort,  que  c’étoit  un  homme  qui  pou-  - 
voit  prétendre  à tout.  Il  s’apelloit 
Roquevert.  Croyez  - vjous  que  Frere- 
Roquever^t  ne  valoir  pas  bien  Frere- 
Muce  ? £t  fî  M.  de  la  Trape  l’avoit 
connu  , auroit-ii  mis  dans  la  vie  de 
Frere  Muce,  que  les  Glrenadiers  font 
profeflion  d’être  les  plus  grands  fce- 
îérats  du  monde  ? Effeêlivement on* 
dit  que  dans  cette  Compagnie  il  ÿ a 
^s  gens  fort  réglés.  Pour  moi  je' 
n’entends  guère  de-  MeiTe  dans  le 
Camp  , qui  ne  foit  fer  vie  par  quel- 


ET  BE  Racine.  187 
que  Moufqaetaire , & où  i)  en  ait 
quelqu’un  qui  communie , & cela  de 
U maniéré  du  tnonde  la  plus  édi> 
£ante. 

Je  ne  vous  dis  rien  de  la  quantité 
de  gens  qui  reçûrent  des  coups  dé 
moufquet , ou  des  contuHons  tout  au- 
près du  Roi.  Tout  le  monde  le  fart, 
& je  crois  que  tout  le  monde  en  fré- 
mit. M.  le  Duc  étoit  Lieutenant>Gé- 
néral  de  jour,  & y fît  à la  Condé , 
c’eft  tout  dire.  M.  le  Prince , dés  qu’il 
vit  que  l’aftion  ailoit  commencer , ne 
put  s’empêcher  de  courir  à la  tran- 
chée, & de  fe  mettre  à la  tête  de 
tout.  En  vmlà  bien  aflfez  pour  un 
jour.  Je  ne  puis  pourtant  finir  fans 
vous  dire  un  mot  de  M.  de  Luxem- 
bourg. Il  ell  toujours  vis-à-vis  des 
ennemis , la  Méhaigne  entre  deux  , 
qu’on  ne  croit  pas  qu’ils  ofent  pafîer. 
On  lui  amena  avant  hier  un  Officier 
Efpagnol , qu’un  de  nos  partis  avoic 

pris , & qui  s’étoit  fort  bien  battu.  M. 
de  Luxembourg  lui  trouvant  de  l’ef- 

prit , lui  dit  : Faut  utttrts  Efpagnalt  , 
je  fais  que  vaut  faites  la  guerre  en  haitr- 
ttêsetgent,  & je  la  veux  faire  avec  veut- 
de  mime,  Enfuite  il  le  fit  ^ner  avec 


i88  Lsttkes  se  Boileav 
lui , puis  lui  fit  voir  toute  fon  arnrée. 
i^près  quoi  il  le  congédia , en  loi  di« 
fant  : Je  ve$ts  rende  votre  libeni  : niiez 
trouver  Ai,  le  Prince  <£  Orange , & dt~ 
tes-hû  ce  qne  vont  avez  vu.  On  a fil 
auffi  par  un  Rendu , qu'un  de  nos 
foldats  s’étant  allé  rendre  aux  enne- 
mis , le  Prince  d’Orange  lui  demanda 
pourquoi  il  avoit  quitté  l’Armée  de 
M.  de  Luxembourg  : Ce^  ^ le 
foldat  y qu'on  y meurt  de  faim  ; maii 
avec  tout  cela , ne  fajfez  pas  la  rivière  , 
car  afurimettt  ils  votes  battront.  Le  Roi 
envoya  hier  fix  mille  faes  d’avoine  » 
& cinq  cens  bœufs  à l’Armée  de  M. 
de  Luxembourg  : & quoi  qu’ait  dit  le 
déferteur  y je  vous  puis  afiiirer  qu’oa 
y efl  fort  guaî , & qu’il  s’en  faut  bien 
qu’on  y meure  de  faim.  Le  Général 
a été  trois  jours  fans  monter  à cheval, 
paflanr  le  jour  à jofier  dans  fà  tente. 
Le  Roi  a eu  nonvélle  aujourd’hui, que 
le  Baron  de  Serclas  , avec  cinq  ou  Hz 
mille  chevaux  de  l’Armée  du  Prince 
d’Orange  , avoit  pafifé  la  Meufe  à 
Huy , comme  pour  venir  inquiéter  le 
quartier  de  M.  de  Bouffiers;  Le  Roi 
prend  fes  mefures  pour  le  bien  rece- 
voir. 


S^T  SE  RaCINC.  189 

Adieu  , Mandeur  , je  vous  mande* 
rai  une  autrefois  des  nouvelles  de  la 
vie  que  je  mene , puifque  vous  en  vou* 
kz  favoir.  Faites , je  vous  prie,  parc 
de  cette  Lettre  à M.  de  la  Chapelle , 
fi  vous  trouvez  qu’elle  en  vaille  la 
peine.  Vous  me  ferez  même  beau* 
coup  de  plaifir  de  l’envoyer  à ma 
Femme , quand  vous  l’aurez  lûë.  Car 
i je  n’ai  pas  le  tems  de  lui  écrire , & 
Vela  pour  réjoOir  elle  & mon  fils.  On 
eft  fort  content  de  M.  de  Bonrepaux. 

< J’ai  écrit  à M.  de  Pontchartrain  le 
fils  par  le  confèil  de  M.  de  la  Cha- 
pelle. Une  page  de  complimens  m’a 
plus  coûté  cinq  cens  fois  » que  les  huit 
pages  que  jè  vous  viens  d’écrire. 
Adieu  , Monfieur  ,,  je  vous  envie 
bien  votre  beau  tems  d’Auteuil  ; car 
il  fait  ici  le  plus  horrible  tems  du 
monde. 

Je  vous  ai  và  rire  afiez  volontiers, 
de  ce  que  le  vin  fait  quelquefois  fai*  ; 
re  aux  yvrognes.  Hier  un  boulet  de 
canon  emporu  la  tête  d’un  de  nos 
Suiflès  dans  la  tranchée.  Un  autre 
Suilîe , fon  camarade , qui  étoit  au* 
près,. fe mit  à rire  de  toute  fà. force,'- 
en difant i Hi^hS ^ etU  efi fUijtmt : H 


ipo  Lettres  DE  BoiLEATf 

reviendra  fans  tête  dans  te  eam^. 

On  a fait  aujourd’hui  trente  prî- 
fonniers  de  l’Armée  du  Prince  d’O- 
■range , & ils  on  tété  pris  par  un  Parti 
de  M.  de  Luxembourg.  Voici  la  diP- 
■ pofition  de  l’Armée  des  Ennemis, 
M.  de  Bavière  a la  droite  avec  des 
Brandebourgs , & autres  Allemands. 
M.  de  Valdeck  eft  au  Corps  de  Ba* 
taille  avec  les  Hollandois  ; & le  Prin- 
■ce  d’Orange  , avec  les  Anglois , eft  à 
3a  gauche.  J’oubliois  de  .vous  dire, 
•que  quand  M.  le  Comte  de  Touiou» 
fe  reçût  fon  coup  de  mdufquet , on 
«ntendic  le  bruit  de  la  baie  : &'le  Roi 
demanda  fî  quelqu’un  étoit  bleflé.  H 
me  femêle  , dit  en  fouriant  le  jeune 
Prince , que  quelque  chofe  m'a  touché» 
Cependant  la  comuGon  étoit  aflez 
grofle,  & j’ai  vû  la  marque  de  la  baie 
fur  le  galon  de  la  manche , qui  étoit 
tout  noirci , comme  G le  feu  y avoit 
paGTé.  Adieu , MonGeur , je  ne  fçau- 
rois  me  réfoudre  à finir  quand  je  fuis 
avec  vous. 

. En  fermant  ma  Lettre , j’aprens  que 
la  PréGdente  Barantin  , qui  avoit 
époufé  M.  de  Courmaillon  , Ingé» 
sieur,  a été  pillée  par  un  Parti  de 


«T  Bt  RACÎNB.  19I 
Charleroi.  Ils  lui  ont  pris  Tes  chevaux 
de  carroiTe  , & fa  caflette , & l’ont  ■ 
'laiiTée  dans  le  chemin  à pied.  Elle 
ivenoit  pour  ^tre  auprès  de  fon  maii  ' 
tqui  avoit  été  bleflé.  Il  efb  mort. 


A U M E S M E. 

'jt»  Camp  prit  de  Namr  le  14..  Jiàn: 

JE  laiflè  àM.  de'ValincourtJe foin 
de  Vous  écrire  la  prilb  du  Château 
neuf.  Voici  feulement  quelques  cir> 
confiances  qu’il  oubliera  peut-être 
dans  fa  relation.  Ce  Château  neuf  ell: 
apellé  autrement,  le  Fort  Guillaume, 
parce  que  c’efl  le  Prince  d’Orange 
qui  ordonna  l’année  paffée  de  lé  faire  ’ 
conflruire , & qui  avança  pouf  cela 
dix  mille  écus  de  fon  argent.  C’elt 
ain  grand  ouvrage  à cornes , avec 
quelques  redens  dans  le  milieu  de  la 
courtine , félon  que  le  terrein  le  de- 
tnandoit.  II  efl  utué  de  telle  forte , 
4}ue  plus  on  en  aproche , moins  on  le 
découvre.  Et  depuis  huit  ou  dix  jours 
42ue  notre  canon  le  battoit , il  n’y  avoit 


içi  Lettres  de  Boileav 

fait  qu’une  très-petite  brèche  à paflêr 
deux  hommes , & ii  n’y  avoit  pas  une 
paliflade  du  chemin  couvert  qui  fût 
tompuë*.  M.  de  Vauban  a admiré  lui- 
même  la  beauté  de  cet  ouvrage.  L’In- 
>génieur  -qui  l’a  tracé,  & qui  a con- 
duit tout  ce  qu’on  y a fait , eil  un  Hol- 
landois  nommé  Cohorne.  Il  s’étoic 
. enfermé  dedans  pour  le  défendre,  & 
y avoit  même  fait  creufer  le  foflé  , 

. difanf  qu’il  s’y  vouloir  enterrer.  Il 
en  fortit  hier  avec  la  garnifon , bief- 
le  d’un  éclat  de  bombes.  M-  de  Vau- 
ban  a eu  la  curiofîté  de  le  voir,&après 
lui  avoir  donné  beaucoup  de  loüange , 
lai  a demandé  s’il  jugeoit  qu’on  eût  pû 
l’attaquer  mieux  qu’on  n’a  fait.  L’au- 
tre fit  réponfe  , que  fi  on  l’eût  atta- 
qué dans  les  formes  ordinaires  , & 
en.conduifaht  une  tranchée  devant  la 
courtine  , & les  demi-bafiions , il  fe 
feroit  encore  défendu  plus  de  quin- 
ze jours , & qu’il  noos  en  aufoit  coû- 
té bien  du  monde  ; mais  que  de  la 
maniéré  dont  on  l’avoit  embralTé  de 
' toutes  parts , ii  avoit  fallu  fe  rendre. 
La  vérité  ell , que  notre  tranchée  eft 
quelque  chofe  de  prodigieux,  embrafi- 

fm 


ET  D b"  R'  A C 1 N B.' 
fane  à la  fois  plufieurs  montagne«  » 
& plufieurs  vallées , avec  une  infi« 
nité  de  détours  & de  retours  «autant 
prefque  qu’il  y a de  rues  à Paris.'  Les 
Gens  da  Cour  commençoient  à 
s’epnuyer  dé  voir  fi  longtems  remuer 
la  terre.  Mais  enfin  il  s’efi  trouvé  que 
dès  que  noos  avons  attaqué  la  con- 
trefearpe  , les  ennemis  « qui  crai- 
gnoient  d’être  coupés , ont  abandon- 
né dans  l’inftant  tout  leur  chemin 
couvert;  & voyant  dans  leur  ouvrage 
vingt  de  nos  Grenadiers , qui  avoient 
grimpé  par  un  périt  endroit , où  oa 
ne  pouvoit  Inonter  qu’un  à un,  ils 
- ont  auiTi-tôt  battu  la  chamade.  Ite 
étoient  encore  quinze  cens  hommes , 
tous  gens  bienfaits , s’il  y en  a au  mon- 
de. Le  principal  Officier  qui  les  c<Hn« 
Biandoit , nommé  M.  de  Vimbergue, 
efb  âgé  de  prés  de  go  ans.  Comme  U 
étoit  d’ailleurs  fort  incommodé  des  fa- 
tigues qu’il  a fottffiertes  depuis  quinze 
jours, & qu’il  ne  pouvoit  plus  marcher, 
jl  s’étoit  fait  porter  fiir  la  petite  br^ 
che , que  notre  caqoo  avoit  fitite,  ré- 
folu  d’y  mourir  l’épée  à la  main.  C'eft 
lui  qui  a fait  la  capitulation  ; & Il  y a 
fait  mettre  qu’il  lui  iStroit  permis  d’ea- 

Tnutl  I 

% 


*94  Lbtt^ss  ae  Boileav 

trer  dans  le  vieux  Château , pour  s*y 
défendreencore  jufqu’i  la  fin  do  fiége. 
Vous  voyez  par-là  à quels  gens  nous 
avons  affaire , & que  l’art  & les  pré- 
cautions de  M.  de  Vauban  ne  Ibnt  pas 
Inutiles  pour  épargner  bien  de  braves 
gens  , qui  s’iroient  faire  ruer  mal-à- 
propos.  C’étoit  encore  M.  le  Doc  qui 
étoit  Lieutenant-Général  de  jour  : âc 
voici  la  troifiéme  affaire  qui  paflê  par 
fes  mainsi  Je  vondrois  que  vous  eoi^. 
fiez  pft  entendre  de  quelle  manière 
aifée , & même  avec  quel  eipiit  ii 
m’a  bien  voulu  raconter  une  partie 
de  ce  que  je  vous  mande  ; les  répon-' 
&s  qu’il  fit  aux  Offiden  qui  le  via- 
tent  trouver  pour  capitula:  ; &.  com- 
me , en  leurfaifant  imlle  honnêtetés , 
il  ne  laiffoit  pas  de  les  intimider.  On 
a trouvé  le  chemin  couvert  tout  plein 
de  corps  morts  , fans  tous  ceux  qai> 
étoient  à demi  enterrés  dan«  l’ouvra* 
vrage.  Nos  bmnbes  ne  fes  laiffcwu; 
pas  refpirer.  Ils  voyoient  fauter  à 
i tout  momens  en  l’air  leurscamarades^ 
leurs  valets , leur  pain , leur  vin 
étoient  fi  las  de  & jetter  par  terre  » 
comme  on  fidc  quand  il  tombe  une 
bombe^  que  les  tina le  tpnoient  de* 


t 9 B R A C I N si  ipS 
boüc , au  hazard  de  ce  qui  en  pour« 
roit  arriver  ; les  autres  avoient  creu- 
fë  de  petites  niches  dans  des  retran». 
chemens  qu’ils  avoient  faits  dans  le 
inilieu  de  l’ouvrage , & s’y  tenoienc 
plaqués  tout  le  jour.  Ils  n’avoient  d’eau 
que  celle  d’un  petit  trou  qu’ils  avoient 
creufé  en  terre,  & ont  paué  ainfi  quin* 
ze  jours  entiers.  Le  vieux  Château  eit 
compofé  de  quatre  autres  Forts , l’un 
derrière  l’autre , & va  toujours  en 
s’étrecilTant , en  telle  forte  que  celui 
de  ces  Forts  > qui  eft  à l’extrémité 
de  la  montagne  , ne  paroît  pas  pou- 
voir contenir  trois  cens  hommes. 
Vous  jugez  bien  quel  fracas  y feront 
nos  bombes.  Heureulèment  nous  ne 
craignons  pas  id’en  manquer  {i*tôt. 

On  en  trouva  hier  chez  les  R.  Pe* 
res  Jéfuites  de  Namur , douze  cens 
foixante  toutes  chargées , avec  leurs 
amorces.  Les  bons  Peres  gardoiènt 
précieufemenc  ce  beau  dépôt,  fans  en 
rien  dire,  efpérant  vraifembiablement 
de  les  rendre  aux  Efpagnols  , au  cas 
qu’on  nous  fie  lever  le  fiége.  Ils  pa^ 
roifilbient  pourtant  les  plus  contens 
du  monde  d’être  au  Roi  •;  & ils  me 

1 2 


zpd  Lettres  DE^BottCiv 
dirent  à ihoi-même , d'un  air  riant  dt 
'Ouvert,  qu’ils  lui  étoient  trop  obligés 
de  les  avoir  délivras  de  ces  maudits 
/ Proteftans,  quidtoient  en  garnifon 
! à Namur  , & qui  avoient  fait  .ua 
! Prêche  de  leurs  Ecoles.  Le  Roi  a Sli> 
I voyé  le  P.  Reâeur  à Pôle.  Mais  le 
' P.  de  la  Chaize  dit  lui-mênve  que  le 
R.0I  eft  trop  bon , & -que  les  Supé- 
rieurs de  leur  Compagnie  feront  plus 
révères  que  lui.  Adieu , MooGeur. 

J’oubliois  de  vous  dire  que  je  vis 
pafler^s  dgux  Otages  que  ceux  du 
dedansde  l’ouvrage  à cornes  en- 
voyoient  au  Roi.  L’un  avoit  le  bras 
en  écharpe  ; l’autre  la  mâchoire  à 
demi  emportée,  avec  la  tête  bandée 
d’une  ^harpe  noire  ; le  dernier  efl; 
«U  Chevalier  de  Malthe.  Je  vis  aufli 
huit  prifonniers  qu’on  amenoit  du 
chemin  couvert.  Ils  faifoient  horreur. 
l.’un  avoit,  un  coup  de  fiayonnette 
dans  le  côté  : un  autre , un  coup  de 
moufquet  dans  la  bouche.  Lesfixaù- 
sres  avoient  le  vifage  & les  mains 
toutes  brûlées  du  feu  qui  avoit  pris  à 
la  poudre  qu’ils  avoient  dans;  leurs  ha> 
vcefacs.  ... 


* T I»  E Racine;  ipy 

■ ! * . 


. A S A F E M M E.  (i)  ' 


C4tt4U  CMubrtJts  le  j^de  r jijcenjten* 


J’ A vois  commencé  à vous  écrire  hier 
au  foir  à Saint  Quentin  » mais  jé 
fus  averti  que  la  polie  étoit  partie  dés 
midi  'y  ainll  Je  n’achevai  point.  Je 
viens  de  recevoir  vos.  Lettres,  qui 
m’ont  fait,  un  fort  grand  plaiGrl  Je 
me  porte  bieo , Dieu  merci.  Les  Gar- 
dons de  M.  Roche  m’ont  piqué  mon 
petit  cheval  en  deux  endiroits  en  le 
ferrant , dont  je  fuis  fort  en  colere 
contr’eux,  & avec  raifon.  Heureu* 
fement  M.  de  Cavoie  mène  avec  lu| 
pn  Maréchal , qui  en  a pris  foin  ; & 
on  m’afliire  qUe  ce  ne  fera  rien.  Nous 
' allons  demain  au  Quefnoi , où  on  lail^ 
ièra  les  Dames  au  Camp  prés  de  Mons. 
L’herbe  eR  bien  courte , & je  crois 
que  les  chevaux  ne . trouveront  pas 


(i  ) C*eft  U feale  Lettre  confovée  de  toiitet  celles 
i|n*il  lai  s édites^  Comme  il  a*a?oît  rien  de  cachd* 

Sr  elle , il  ne  pas  spatemment  qu'elle 

£9 


Lettre?  si  Bdiieav 
beaucoup  de  fourage.  Le  bled  eft  fort 
Tenchéri.  Votre  Fermier  fera  riche", 
& devroit  bien  vous  donner  de  Tar- 
gent , puifque  vous  ne  l'avez  point 
prèfl*é  de  vendre  fon  bled  lorfqu’il 
i^toit  à bon  marché.  Le  Roi  eut  hier 
des  nouvelles  de  fa  Flotte.  Elle  elb 
Sortie  de  Brefl  do  p.  Mai.  On  la  croit 
maintenant  à la  Hogue  en  Norman* 
die  ; & le  Roi  d’Angleterre  embarquéi. 
ôn  mande  de  Hollande , que  le  Prin* 
ce  d’Orange  voit  bien  que  c’eR  tout 
de  bon  qu’on  va  faire  une  defcente , 
& qu’il  paroît  étonné.  Il  a envoyé  en 
Angleterre  le  Comte  de  Po'rtland  foa 
favori,  acontremandé'toisRégimens 
prêts  à s’embarquer  pour  la  Hollan^ 
de  ; & on  dit  qu’il  pourroii  bien  ré* 
paffer  lui-même  en  Angleterre.  M; 
de  Bavière  efl  fort  inquiet  de  la  ma* 
ladie  du  Prince  Clément  fon  Frere ,, 
oui  efl: , dit-on , à l’extrémité.  Il  lè 
fera  bien  davantage  dans  quatre  jours, 
iorfqu’il  verra  entrer  dans  les  Pays- 
bas  plus  de  cent  trente  mille  hommesl 
Le  Roi  eft  dans  la  meilleure  famé 
du  monde.  Il  a eu  nouvelle  aujour* 
' d’hui  que  M.  le  Comte  d’Etrées  avoit 
brûlé  ou  coulé  à fond  quatorze  Vai£* 


4 


t r & B R 1 e t ir  B. 
feaax  marchands  Angiois  furies  edeea 
d’ECpagne,  & deux  VaiiFeaux  de  gaet' 
re  qui  lea  efeortoient.  Cela  le  çon  fo- 
ie » avec  raifon , de  la  perte  de  deux 
Vaillèaox  de  l’Elcadre  du  même 
Comte  d’Étrées,  qut  ont  péri  par  la 
tempête.  Voilà  d’heureux  commeo- 
cemens.  Il  faut  efpérer  que  Diea 
continuëra  de  fe  déclarer  pour  nous. 
Faites  part  de  ces  nouvelles  à M.  De{r 
préaux , à qui  je  n’ai  pas  te  tem» 
d’écrire  aujourd’hui.J’m  rencontré  a,a-- 
jourd’hui  M.  Dodart  pour  lapremiere 
fois  : il  fe  porte  à noerveilles.  M. 
^Tartre  fe  trémouflè  à fon  ordinaire,  & 
' a une  grande  épée  à fon  côté  , avec 
j un  nœud  magnifique.  U a tout-à'faic 
■Taird’un  Capitaine.  Adieu,  mon  cher 
cœur  : embraflè  tes  enfans  pour  moi. 
Exhorte  ton  fils  à bien  étudier , ■& 
à lervir  Dieu.  Je  fuis  parti  fort  con- 
tent de  lui.  J’efpére  que  je  te  ferai 
encore  plus  à mon  retour.  Ecris-mqi 
fouvent , ou  lui.  Adieu  encore  un 
coup. 


l 


LBTTRIS  9B  BoiItEAV 




A BOILEAU. 


^ Gmhtours  te  9.  Jum» 


J’A  vois  commencé  ane  grande  Le  t> 
tre  , où  je  prétendois  vous  dire 
mon  lèntiment  fur  quelques  endroits 
(des  Stances  ( i ^ que  vous  m’avez  en* 
voyées.  Mais  comme  j’aurai  le  plai- 
Ür  de  vous  revoir  bien*tôc , puifque 
noos  nous  en  retournons  à Paris  ; 
j’aime  mieux  attendre  à vous  dire  de 
vive  voix  tout  ce  que  j’avois  à vous 
snander.  Je  vous  dirai  feulement  en 
un  mot , que  les  Stances  m’ont  paru 
très'belles,  & très-dignes  de  celles  qui 
les  précédent , à quelque  peu  de  ré* 
pétitions  près , dont  vous  vous  êtes 
aperçû  vous-même.  Le  Roi  fait  un 
jgrand  détachement  de  fès  Armées  , 
& l’envoye  en  Allemagne  avec  Mon* 
lèigneor.ll  ajugéqu’il  falloit  profiter 
de  ce  côté-)à  d’un  commencement  de 
campagne  qui  paroît  fi  favorable , 


% 

(1  ) Qii€l(|iKf  SuBces  de  l*Ode  dç  Namiu# 


ET  DE.  Racine.  2di 
d*aatant  plos  qae  le  Prince  d’Orange 
«’c^niâcranc  à demeurer  fous  de 
groflês  places , & derrière  des  canaux 
& des  rivières,  la  guerre  auroit  pÀ 
devenir  ici  fort  lente  , & peut-être 
moins  utile  que  ce  qu’on  peut  faire 
■au-delà  du  Rhin.  Nous  allons  demain 
coucher  à Namur.  M.  de  Luxeni:- 
bourg  demeure  en  ce  pays-ci  avec  une  ^ 
Armée  capaUe,  non- feulement  défais 
■re  tête  aux  Ennemis,  mais  même  de 
leur  donner  beaucoup  d’embarras. 
Adieu  , mon  cher  Monfieur , je  me 
fais  un  grand  plaifir  de  vous  embraft 
fer  bien-tôt. 


A ü M E S M E. 

I 

lAt  ^faoi  U 30.  Mm, 


Le  Roi  fait  demain  fes  dèvotîOES;. 

Je  parlai-  hier  de  M.  le  Doyen-an 
-.P-  de  la  Chaize. . U me  dit  qu’il  avoir 
jejû  votre  Lettre  > me  demanda  de» 
Douvelles  de  votre  famé  , ôl  m’afftib 
ra  qu’il  ètoit  fort  de  vos  amis,  & de 
tonte  la  famille.  J’ai  parlé  ce  tnatàà 


I 


*1 


2oB  .LeTTRIS  SE-BeiZrEAV 
! confer^tion  de  fa  propre  perfon- 
vt?  Je  f$ai  qu’il  a pour  lui  1’^ 
xemple  ides  Aléxaodres  & des  Céfass  » 
qui  s^expofoient  -de  là  forto  ; mais 
, avoient-ils  railbn  de  le  faire  ? Je  doa« 

I te  qu’il  aitlô  ce  vërs -d’Horace  : De* 

' eipit  exmflsr  vitiis  imhaiSe,  Je  fuie 
I ravi  d’aprendre  qoe  vous  êtes  dans 
;ui)  Couvent , en  même  cellule  que  M> 
'de  Cavoie  f car  bien  que  . le  logeœefic 
ibit  un  ' peu-  étroit  , Je  na’imagMie 
^u’on  n’y  garde  pas  tropétroitemeoc 
-1^'  régies  i âc  qu’on  n’y  iait . pas  la  * 
-lediure  pendant  le  dîner , fi  ce  n’eft 
peut-être  de  Lettres  pardlles  à la 
mienne.  Je  vous-  dis  bien  en  partant 
que  Je  ne  vous  pb^nms  plus , puif^ 

, que  vous  faifîez  - le  voyage  avec  ua 
^ ^mme  tel  qae  lui,-aupi^s  duquel  oa 
trouve  toutes  fortes  de  cdtnaudités» 

& dont  la 'Compagnie  pourroit  eoti> 
Ibier  de  toutes  fortes  d’kicommodt- 
s^  Et  puis  je  vois  bimi  qu’à  l’heure 
qu’il- efi  y vous  êtes  un  foldàt  parfaîT 
tement  aguerri  ^ceinire  les  périls  de 
contre  la  ^igue.  'Je  vois  bien  > dia* 
iev  que  vous  allez  recouvrer  votre 
lionoear  à Mtms  y âc  qiœ  toutes  les 
wàqvaifes  plaüàateries  du  voy^e!de 


X T D B R 1 C I K.E.'  209 
Gand  ne  tomberont  plus  qoe*fur  moi. 
]M.  de  Cavoie  a déjà  iSez  bien  çoi^ 
inencé  à m’y  préparer.  Dieu  veüine 
feulement  que.  je  les  puifle  entendre 
au  bazard  même  d’y  ma)  répondre. 
Mais  à ne.  vous  tien  céler notfrfeu- 
Jement  mon  mat  ne  finit  point , mais 
je  doute  même  qu’il  guérifiè.  En  ré- 
compeofe  me  voilà  fort  bien  guéri 
4’ambition  & de  vanité.  Et  en  véri-< 
té  je  ne  fçai  fi  cette  guérifon-Ht  ne  v 
yaut  pas  bien  l’autre , puiiqu’à  mefure^. 

Îiue  les  honneurs . & les  biens,  me 
nient  » il  me  femble  que  la  traoqui-  ' 
Uté  me  vient.  JTai  été  une  fois  à no-  • 
tre  Afleroblée  depuis  votre  départ' 
M.  de  la  Chapelle  ire  manqua  pas  » 
comme  vous  vous  le  figurez  bien,  de 
propofer  d’abord  une  Médaille  fur.  le 
fiége  de  Mons  : & j’en  imaginai  ùn^ 
fur  le,  &c.  • 


i 


SIC  lettres  DR  Boileeit 


DU  M E s M £. 


^ jitttiüd  te  7 OSetm. 


JE  vous  écrivis  avant  hier  (i  à la 
bâte  » que  je  ne  fçai  ii  vous  aurez 
bien  conçû  ce  qùe  je  vous  écrivois  » 
c ’eft  ce  qui  m’oblige  à vous  récrire 
aujourd’hui.  Madame  Eacine  vient 
d’arriver  chez  moi , qui  s’engage  à 
vous  faire  tenir  ma  Lettre.  L’aâioa 
de  M.  de  Lorges  eft  très>grande.  St 
très- belle  } & j’ai  déjà  re$û  une  Lefi^ 
tre  de  M.  l’Abbé  Renaudot , qui  me 
mande  queM.  de  Pontchartrain  veut 
qu’on  travaille  an  plûtôt  à faire  une 
Médaille  pour  cette  aèfion.  Je  croi^ 
que  cela  occupe  déjà  fort  M.  de  .la 
Chapelle  ; mais  pour  moi  je  crois  qu’il; 
fera  allez  à tems  d’y  penfer  vers  la 
Saint  Martin. 

Je  vous  mandois  te  dernier  jour 
que  j’ai  travaillé  à la  Satyre  des  fem- 
mes pendant  huit  jours , cela  eR  vé- 
ritable ; mais  il  elt  vrai  aulfi  que  ma 
fougue  poétique  eR  paiTée  prefque 


f R K3crfvt  b.  211 
anfli  vice  qa’dle  eil-  veouë , & que 
K n’y  penfe  plus  à l’heure  qu’il  efl.' 
Je  crois  que  lorfque  j’aurai  tout  amaf> 
, il  y aurabieo  centvera nouveaux 
d’ajoûtés;  mais  je  ne  fçais  fi  je  n’en 
ôterai  pas  bien  vingit^cinq  ou  trente 
4e  la  defcription  du  lieutenant  <Sc 
de  la  Lieutenante  Criminelle.  C’eft 
un  ouvrage  qui  me  tue , par  la  mul> 
titude  des  trandcions  , qui^fqnt , à 
nion  lêns , le  plus  diiÇcile  chef-d’œ(^> 
vre  de  la  Poè'fle.  Comme  je  m’ima> 
gine  que  vous  avez  quelquë  ' impa- 
tience d’en  voir  quelque  cbofê  , je 
veux  bien  vous  en  tranfcrire  ici  vingt 
ou  trente  vers;  mais  c’eft  à la  char- 
ge que  ifbi  d’bonnêté  homme  vous  hé 
les  montrerez  à ame  vivante , parce 
que  je  veux  être  al^olument  maitre 
d’en  faire  ce  que  je  voudrai  ; & que 
d’ailleurs  je  ne  f$ai  s’ils  font  encore 
en  rétat  où  ils  demeureront  ( z ). 
Mais  afin  qùevous  en  puifiîez  voir 
la  fuite,  je  vais  vous  niettre  la  fin 
de  l’biftoire  de  la- lieutenante , &.de 
la  manière  que  je  l’ai  achevée. 


fij  11  a ca  tSct  changé  quct^ne»  Veti.' 


Stt  LeTTRtES  9£ 

Mais  peut-être  j'invente  une  fable  frivole^ 
Soutien  donc  tout  Paris  ^ qui  prenant  la  pac- 
tole. 

Sur  ce  fuiet  eifeore  de  bons  témoins  poiur 

A'  » « 

VU,  ' ■ 

Tout  prêt  àüe  prouver , te  dfra',  îcTai  vû. 
Vingt  ans  fâivû  ce  couple  uni  d'uhniè^ 
me  vice  , 

A tous  mes  habitant  montrer  que  TAva- 
^ nce, 

« - ' • ^ 

Peut  faire,  dans  les  biens  trouver  la  Pair- 

' I ♦ * . • ■ 

vrefé. 

Et  nous  réduire  à pis  la  mendicité; 
Deux  Voleurs  qui  chez  eux  pleins  d’efpé; 
tançp  :cnti#renta, 

Enfin  un  beau  matin  tous  tes  mafiàf 
crérentr 

r ' ■ • 

pjgne  Sc  funefie  firuit/da  nœud  te  plus 
affieuxr 

Pont  PHimen  ait  jamais  uni  deun  mair 
heureax;r 

Ce  récit  paife  un  peu  Pordinaire  meibfe'; 
Mais  un  exemple  en£n  il  digne  de  cenfure^ 
fout'il  dans  la  Satyre  occuper,  moks  de 
mots  T 

{Chacun  ton  métkbSuiyon?  notre  pro^ 

po*. 


' Ë ^ Ë R i c I ir  Ë,'  Ëxs. 

Nouveau  Prédicateur , aujourd’hui , je  l'a, 
voue. 

Vrai  difciple,  ou  fdàtôt , finge  dé  Bourda- 
louë, 

# 

Je  me  plais  à remplir  mes  Sermons  de  por« 
traits , ' 

En  voilà  déjà  trois  peints  d'aifea  iieureuz 
traits. 

La  Louve, la  Coquette,  8cla  par&ke  Avare. 

U £sut  7 jomdrèencore  la  revêche  bkçure. 

Qui  fans  cefle  d\m  ton  par  la  colère  aigri^ 

<konde , choque , dément , contredit  un 
Mari; 

Qui  dans  tous  &s  difcours  par  Quolibets 
s’exprime; 

A toujours  dans  la  l^oucbe  un  |>royeibe, 
une  rime  ; . . 

Et  d*un  roulement  d’yeux  audi-tôt  aplau- 
dit. 

Au!  mot  aigrement  fou  qu*au  hazard  die 
a dit 

B n’eftpointderepos,nide|>aixavecdl^i 

Son  mariage  n’eft  qu’une  longue  querelle. 

Laifle-t’elleun  moment  refpirer  fonEpouxf 

Ses  Valets  font  d’abord  Tobjiet  de  ion  cour- 
soux. 


sitf  Lettres  DS  BoiLEAtf 
eût  de  la  diminution.  Mais  je  lui  ai 
dit  que  nous  étions  trop  contens.  J’ai 
plus  apuyé  encore  Air  vous  que  fur 
znot£  & j’ai  dit  au  Roi  que  vous  pren- 
driez la.  liberté-de  lui  écrire , pour  le 
remercier  » n’ofant  pas  lui  venir  don- 
ner la  peine . d’éiever  fa  voa^  i ) 
pour  vous  parler.  J’ai  dit  en  propres 
paroles  ; 5/r«,// 4 fins  ^ejprit  qnejom 
m^s , fins  de  tèle  pour  votre  Mujefté, 
tir  plus  ^ envie  de  travailler  pour  votre 
gloire  , y«V/  n'en  a jamais  eue.  Vous 
enfin~que~^  choies  ont  été 
îégré'es  comme  vous  l’avez  foubaité 
vous-méme..Je  .ne.laifle,  pas  d’avoir 
une  vraïe  peine  de  ce  qo’U  femble 
que- je  gagne  à cqla  plus  que  vous  ( 2 J. 
Mais  outre  les  dépenfes  & les  fati- 
gues des  voyages  dont  je  fuis  allez 
aifé  vous  loÿez  délivré  ; je  vous 
jconnois  A noble  & A plein  d’amitié, 
l^ü'é- je  fuis  àlToréqim  vous  ibuhaite- 
^ I riez  de  bon  cœur  que  je  fulTe  encore 
'ini^x  traité.  Je  ferai  très-commt  fi 

vous 


V i J Balcsu  commfenjoit  ^ iewiis  un  {ràn  fbatd. 
' (X)  Qae'ceüuiVHk cftdcvctM 
Se’Letucx. 


I T D B R A e 1 K B.  217 
VOUS  l’êtes  en  effet.  J’efpére  vous  re* 
voir  bien-tÔt.  Je  -demeare  ici  pour 
voir  de  quelle  manière  la  chofe  dctic 
tourner  : car  on  ne  m’a  point  encore 
dit  (i  c’eft  par  un  brèvet , ou  fl  c*eft 
à l’ordinaire  fur  la  caflette.  Je  fois 
entièrement  à vous.  II  n’y  a rien  de 
nouveau  ici.  On  ne  parle  que  du 
voyage,  & tout  le  monde  n’eft  oc* 
cupè  que  de  Tes  équipages.  Je  vous 
confeille  d’écrire  quatre  lignes  aa 
Roi , & autant  à Madame  de  Main* 
tenon  , qui  aflbrèment  s’interreile 
toâ jours  avec  beaucoup  d’amitié  à 
tout  ce  qui  vous  touche.  Envoyez* 
moi  vos  Lettres  par  la  polie , ou  par . 
votre  Jardinier , comme  vous  le  ju* 
gerez  à propos. 


D E B O I L-E  A U.  . 

t 

'ji  P^rit  et  9.  Avril» 

•Bn  Stes  vous  fou , avec  vos  compH* 
Hiény  Ÿ Ne  lijavea- vous  pas  bien 
que  c’efl  moi  qui  ai,  pour  a nfi  dire  , 
prefcrit  la  chofe  de  la  manière  qu’eU 
TvmU  Kl 


«Ig'  Lcttkibs  OE  BoitEAV 
le  t’efl:  faite  ? Et  poarez-vous  doa« 
ter  que  je  jigjfois  parfaitetn£iic  con- 
tent d’une  'affaire  où*  l’on  m’accorde 
tout  ce  que  je  demande  ? Tout  va 
, le  mieux  du  monde , & je  Aiis  en- 
I core  plus  réjoQi  pour  vous  que  pour 
moi^même.  Je  vous  envoyé  deux 
«Lettres,  que  j’écris , fuivant  vos  con- 
ièils , l’une  au  Roi , Ôc  Pautre  à Ma- 
dame de  Maintenon.  Je  les  ai  écrites 
&ns  faire  de  broütllon  , & je  n’û 
point  ici  de  confeil.  Ainfi  je  vous 
prie  d'examiner  (i  elles  font  en  état 
d’être  données , afin  que  je  les  réfor- 
me fi  vous  ne  les  trouvez  pas  bien. 
«Je  vous  les  envoyé  pour  cela  toutes 
décachetées;  & fupoié  que  vous  trou- 
viez à propos  de  les  prefenter,  pre- 
nez la  peine  (Ty  mettre  votre  cachet. 
Je'vé^ai  aujourd’hui  Madame  Raci- 
ne pour  la  féliciter.  Je  vous  donne  le 
bon  jour , & fuis  tout  à vous.  Je  ne 
reçûs  votre  Lettre  qu’hier  tout  au 
foir , & je  vous  envoie  mes  trois 
Lettres  à huit  heures,  par  la  porte. 
Voilà  , ce  me  femble  , une.  allèz 
grande  diligence  pour  le  plus  pareA 
ifeux  de  tous  les  hommes. 


4 


« 

ST  SB  RACLIMB.,  Slÿ 


DE  It  A C 1 N E. 
"A  FerfülUs  ce  1 1 . Ami. 


JE  vous  renvoyé  vos  deux  Lettres 
avec  mes  remarques , dont  vous 
ferez  tel  ufage  qu’il  vous  plaira.  Tâ» 
chez  de  me  les  renvoyer  avant  fis 
heures , ou  pour  mieux  dire  , avant 
cinq  heures  & demie  du  foir , a6n 
que  je  les  puifle  donner  avant  que 
le  Roi  entre  chez  Madame  de 
Maintenon.  J’ai  trouvé  que  U trm- 
fttte  & les  fmrds  étoient  trop  joüés^ 
( I ) & qu’il  ne  falloit  point  trop 
apuyer  fur  votre  incommodité , moins 
encore  chercher  de  refprit  fur  ce  fu- 
jer.  Do  relie  les  Lettres  fenont  fore 
bien , & il  n’en  faut  pas  davantage. 
Je  ro’aflure  que  vous  donnerez  oa 
meilleur-  tour  aux  cfaofes  que  j’ai  ajoû» 
tées.  Je  ne  veux  point  taire  attendre 
votre  Jardinier.  Je  n’ai  point  encore 
de  nouvelles  de  k manière  dont  no*. 


( 1 ) Boileia  avoic  apftreiDinent  £ût  fîif  Ta  rafdité^' 
4ael^ue  pUirantexic  qui  ne  pat  à Ta  rii  dont  îl 
tùSait  ioa  june. 

K B 


fa®  LitT**8  Dt  BoiiEAtr 
tre  affaire  fera  tournée.  M.  de  Cbé- 
vreufe  veut  que  je  le^laiflfe  achever 
te  qu'il  a commendé , & dit  que  nous 
nous  en  trouverons  bien.  Je  vous  coii" 
feille*de  lui  écrire  un  root  à-voire  loi- 
lir.  On  ne  peut  j?as  avoir  plus  d'a- 
mitié qu'il  en  a pour  vous. 


A U M E S M E. 

V6s  deux  lettres  font  à merveil- 
les , & je  les  donnerai  tantôr. 
M.  de  Pontchartrain  oublia  de  parler 
]tier,&  ne  peut  parler  que  Diman- 
che. Mais  j’en  fus  bien  aife  , pârce 
que  M.  de  Chévreufe  aura  le  teros 
de  le  voir.  M.  de  Pontchartrain  me 
parla  de  notre  autre  penfion , & de  la 
petite  Académie  ; mais  avec  une  bon- 
té incroyable^  en  me  difant  que  dans 
un  autre  teros  il  prétend  bien  faire 
d’autres  chofes  pour  vous  & pour 
moi.  Je  ne  crois  pas  aller  à Auteuil  ; 
ainfi  ne  ro’y  attendez  point.  Je  ne 
' crois  pas  même  aller  à Paris  encore 
• demain  : & en  ce  cas  je  vous  prie  de 
, tout  mon  cœur  de  faire  bien  mes  es- 


1 T 1>  t R A C I N I.  73X- 
cufes  à M.  de  Pontchartræn  , qiue  j’ai 
une  extrême  impatience  de  revoiri 
Madame  fa  mere  me  demanda  hier 
fort  obligeamment , fi  noua  Q’ailions 
ioûjoora  chex  liu.  ^ loi  dis  -qosf 
^toit  bien  notre  dellêia  de  recom» 
nencer  à y aller. 

J’envoie  à Paris  pour  tm  volume 
de  M.  de  Noailles , que  mon  Laquais 
prétend  avoir  reporté  chez  lui , ds 

Îiu’on  n’y  trouve  point.  Cela  me  dé< 
oie.  Je  vous  prie  de  loi  dire  fi . vous 
ne  croyez  point  favoir  chez  vous* 
Je  vous  donne  le  bon  jour. 


A U M £ S M £. 

▼ 

'A  Cmi^effte  U 4.  Mék  . . 

M.  Des  Granges  m’a  dit  qu’il 
avoit  fait  figner  hier  nos  Ordoa* 
nançes , & qu’on  les  feroic  viièr  par 
le  Roi  après  demain  , qu’enfuite  ü 
les  enverroit  à M.  Dongois , de  qui 
vous  les  pourrez  retirer.  Je  vous  prie 
de  use  garder  la  mienne  lufqu’à  mon 
retour.  11  n’y  a point  ici  de  nouvelf. 

• ♦ KT  — 


3;î2  LSTTRES  se  HoiLBAV 
ks.  Qaelaues  gens  veulent  que  le  ûê~ 
ge  de  Calai  foit  levé  ; mais  la  chofe 
eft  fort  douteuk  , & on  n’en  fçait 
tien  de  certain.  Six  Armateurs  dç 
Saint  Malo  ont  pris  dix-fept  Vaif^ 
ibaux  d’une  flotte  marchande  des  en- 
nemis, & on  Vaifleau  de  guerre  de 
pièces  de  canon.  Le  Roi  efl  en  par- 
faite fanté , & les  troupes  merveil- 
kofes.  Quelque  horreur  que  vous  ayez 
pour  les  méchans  Vers , je  vous  ex- 
corie à lire  Judith , & fur  tout  la  Pré- 
face , dont  je  vous  prie  de  me  man- 
der votre  fentiment.  Jamais  je  n’ai 
tien  vû  de  fi  méprifé  que  tout 
^la  l*eft  en  ce  pays*ci  ; & toutes  vois 
prédiélions  font  accomplies.  Adieu, 
MonfieUr , je  fuis  entièrement  à vous. 


A U M E S M E. 

PontaineblenH  le  i.  OSebre. 

Votre  ancien  Laquais , dont  j’ai 
oublié  le  nom  , m’a  fait  grand 
plaifir  ce  matin , en  m’aprenant  de  vos 
nouvelles.  A ce  que  je  vois  y vous 


ET  0 B R 1 C I N e;  E25 
£tes  dans  une  fort  grande  folitude 
iVuteüi),  & vous  n’en  partez  points 
£ft  il  pofllblé  que  vous  puiffiez  êtrOr 
fl  long^ceiDs  féal , & ne  point  faire 
du  tout  de  Vers  ? Je  m’attends  qu’is 
mon  retour  je  trouverai  votre  fatyre 
des  Femmes  entièrement  achevée^ 
Pour  moi  il  s’en  faut  bien  que  je  foiv 
aufli  Iblitaire  que  vous.  M.  de 
voie  a voulu  encore  à toute  forcé 
que  je  logeafle  chez  lui , & il  ne  m’a: 
pas  été  poflible  d’obténir  de  lui  qué 
je  fiife  tendre  un  lit  dans  votre  mai- 
îbn  , où  je  n’aurois  pas  été  fî  ma« 
gnifiquement  que  chez  lui  ; mais  j’y 
aurois  été  plus  trahquilement , & avec 
plus  de  liberté; 

On  reçût  hier  de  bonnet  nouvel 
tes  d’Allemagne.  M.  le  Maréchal  dé 
Lorge  ayant  fait  afliéger , par  un  dé^ 
tachement  de  Ton  Armée , une  petitè 
ville  nommée  Fforzeim,  entre  PHilié> 
bourg  âc  DoUrlarch  , les  Alfemans 
ont  voulu  s’avancer  pour  la  recou- 
rir. Il  a eu  avis  qu’ün  corps  de  qua- 
rante efcadrons  avoit  pris  les  devants,- 
& n’étoit  qu’à  une  lieuë  & demie  dé* 
lui , ayant  devant  euB  un  rUilTeau  af> 
&z  difficile  à pafier.  La  ville  a été  prl^ 


I 


t*ZTTS£S  HE  hOlCkiLV 
dàt  le  premier  joiir  , & jooi  boni- 
’ Ue»  qui  étomnt  dedans  ont  été  >fai  ts 
toriionniers  de  guerre.  Le  leodemain 
M.  de  l^rae  a marché  avec  toute . 
fon  armée  jur  ces  quaranteefcadrons 
^ue  je  TOUS  ai  dit,  & a fait  d’abord 
pafler  le  ruHlêau  à feize  de  Tes  efca- 
drons  foutenus  du  relie  de  la  cava* 
lerie.  Les  ennemis  voyant  qu’on  al» 
ïoit  à eux  avec  cette  vigueur- , s’ea 
Xont  fuis  iVauderoute  « aoandonnant 
leurs  tentes!^  4eur  bagage,  qui  a été 
pillé.  On  leur.a  pris  deux  pièces  de 
canon , deux  paires  de  timbales  , <Se 
neuf  étendarts quantité  d’Officiers  ; 
entre  autres  ieur'Général , qui  eH  on- 
cle de  M.  de  Virtemberg , & admi> 
pUlrateur  de  ce  Duché , un  Général' 
idajor  de  Bavière & plus  de  treize 
cens  Cavaliers.  Ils  en  ont  eu  pfés 
de  neuf  cens  tués  fur  la  place.  B ne 
sous  en  a coûté  qn’un  Maréchal'des- 
Logis , ùn  Cavalier.,  & fix  Dragons. 

de  Lorge  a ^^àhdonné  au  pillage' 
la  ville  de  PA^xim , ài,  une  au»e 
petite  ville  auprès  de  laquelle  étoienc 
campés  les  ennemis.  C'a  été  comme 
vous  voyez,  une  déroute,  &.  il  n’y 
a pas  eu à proprement  parler , aucun 

• • • I 


IT  DE  R À C I NE.  #25 
Coop  de  tiré  de  leur  part.  Tout  ce 
qu’on  a pris  & tué,  ç*a  été  ed  les 
pourfuivant.  Lé  Frince  d’Orange  eft 
parti  pour  la  Hollande.  Son  armée 
â^eft  raprochée  de  Gand,&  appa- 
remment fe  réparera  bien-tôt.  M.  de 
Luxembourg  me  mande  qu’il  éfl:  en 
parfaite  l«inié.  Le  Roi  fe  porte  à 
merveilles. 


! 


AU  ME  S ME. 

'A Mariy  t^6,  AoAt  âu  m*ti». 

J E' ferai  vos  pelens  ce  matin  Je 
ne  fripas  bien  encore  quand  je 
vous  reacerrai , parce  qu’on  attend  k 
toute  heure  des  nouvelles  d’Allema- 
gne.-La  victoire  de  M..  dé  Luxem-- 
bourg  eft  bien  -plus- grande  que  nous* 
^e  pen fions- Ôt  nous>  n’en  fça- 
yiona  na^  1^.  moitié.  Le  Roi  reçoit 
^üs lèsjourscfêsTettres  de  Bruxel-; 
les , &-de  mille  autres  endroits , par  oit 
il  âprend  que  les  ennemis  n’avoienr  . 
pas  une  troupe  enfembte  le  lende^' 
faain  de  la  bataille;’ Flrefque  toute 
' * K S 


tstS  LzTtAni  i>E  Boilbàv 
rinfanterie  qüi  reftoit  avoit  jetcé  Tes 
armes.  Les  croupes  Hoilandoifes  Ib 
font  la  plûparc  enfuies  jufqu’en  Hol» 
lande.  Le  Prince  d’Orange , qui  pen- 
fa  être  pris , après  avoir  fait  des  mer- 
veilles , coucha  le  foir , lui  huitième, 
avec  M.  de  Bavière  , chez  un  Curé 
ÿrès  de  Loo.  Nous  avons  25  ou  36 
drapeaux , 55  étendarts , 76  pièces  de 
canon  , 8 mortiers  , 9 pontons , fans 
tout  ce  qui  efl;  tom'bé  dans  la  riviere. 
Si'nos  chevaux  , qui  n’avoient  point 
znar^é  depuis  deux  fois  24  heures  , 
eufli^t  pû  marcher,  il  ne  refteroic  pas 
un  corps  de  troupes  aux  ennemis. 
Tout  en  vous  écrivant  il  me  vient  en 
penfée  de  vous  envoyer  deux  Lettres  ^ 
une  de  Bruxelles , l’autre  de  Vilvorde , 
& un  récit  du  combat  en  général , qui 
me  fut  diélé  hier  au  foir  par  M.  d’Al- 
bergotti.  Croyez  que  c’efl  comme  û 
M.  de  Luxembourg  l’avoit  diSlé  lui- 
même.  Je  ne  fai  H vous  le  pourrez  li- 
re j car  en  écrivant  j’étois  accablé  de 
fommeil , à peu  près  comme  étoit  M. 
Fuy-Morin , en  écrivant  ce  bel  Arrêt 
fous  M.  Dongois  (i).  Le  Roi  efi  tranf> 

,iij  M»  Dongoii  4um  de  la  noie  i 


/ tt  Ei  B Racine.  227 
porté  de  joie  « & tous  fes  Minières  » 
'de  la  grandeur  dé  cette  aélion.  Vous 
^ me  feriez  un  fort  grand  plaiSr , quand 
vous  aurez  lû  tout  ceta , de  renvoyer 
bien  cacheté , avec  cette  même  Let* 
tre  que  je  vous  écris  , à M.  l’Abb^ 
Renaudot , afin  qu'il  ne  tombe  poinc 
dans  l’inconvénient  de  l’année  paiTée.  ■ 
Je  fuis  aifuré  qu’il  vous  en  aura  obli* 
gation.  11  pourra  difiribuer  une  pàrtié - 
des  chofes  que  je  vous  envok  en  pru> 
fieurs  articles  , tànt^  fous  celui  dé; 
Bruxelles.,  tantôt  fous  celui  de  Lan-- 
■ defermé  où  M.  de  Luxembourg  : - 
campa  le  31  Juillet , à demi  lieue  du  < 
Champ-de-bâtaille , tantôt  même  ifoüs  > 
l’article  de  Malines  , ou  de  Vilvôrde. 

Il  faura  d’ailleurs  lés  actions  de»  : 
principaux  particuliers , Comme , qué- 
M.  de  Chartres  chargea  trois  ou  quar  - 
tre  fois  à la  tête  de  divers  efcàdrons  » < 
& fut  débarailë  des  ennemk*-,  ayant  : 
bieiTé  de  fa  main  Tun  d’eux'qui  !ewvbu>  - 

WÊÊÊIKIK^ÊÊÊÊÊÊIÊÊÊBÊtÊÊÊiÊÊlÊIÊÊÊÊ^ÊBÊÊÊÊtÊÊKÊÊÊimÊi 

drclTer  le  difpofiûf  d^ttâ  Ariét  d’ordir,  di^ottà 

Puy- Morin  , fierede  BoiLefltt.s  ^ M 
dciivoit  ù promptemeiit que  M.  DÔnSQis  droit  d(6n« 
ni  qoe  cc  |eunc  homme  eut  tant'  de  dirpofifioti  poui^ 
la  pratique.  Après  avoû  diâé  pendant  deun  heures, 
il  voulut  tiré  rAtfét Bc  trouva  que  fêune  Puy« 
Motûi  n'ayoU  ^oh>lh  dexaicn/mot<  du 
phiafc* 

K 6 


A 


228  Lettres  DE  Boileait 
loit  emmener  ; le  pauvre  Vacoigne  , 
tué  à Ton  côté  ; M.  a Arci , Ton  Gou- 
verneur , tombé  aux  pieds  de  les  ' 
chevaux  , le  Tien  ayant  été  bleilë  , 
la  Bertiére  Ton  Sous  • Gouverneur  , 
aufli  blelTé.  M.  le  Prince  de  Conti 
chargea  aufli  plufîeurs  fois , tantôt 
avec  la  Cavalerie  , tantôt  avec  l’In- 
fanterie y & regagna  pour  la  troilié- 
me  fois  le  fameux  Village  de  Nervin- 
de,  qui  donne  le  nom  à la  bataille, 

& reçut  fur  la  tête  un  coup  de  fabre 
d’un  des  ennemis  , qu’il  tua  fur  le 
champ.  M.  le  Duc  chargea  de  même  , 
regagna  la  fécondé  fois  le  Village , à 
la  tête  de  l’Infanterie  , & combattit 
encore  à la  tête  de  plufleurs  Efca- 
drons  de  Cavalerie.  M.  de  Luxem- 
bourg étoit , dit*on , quelque  chofe  de 
plus  qu’humain  , volant  par>tout , & 
même  s’opiniâtrant  à continuer  les 
attaques,  dans  le  xems  que  les  plus 
braves  étoient  rebutés , menant  en 
perfonne  les  Bataillons  & les  Efca- 
drons  à la  charge.  M.  de  Montmo- 
renci , fon  fils  aîné , après  avoir  com- 
battu plufieurs  fois  à la  tête  de  fa  Bri- 
gade de  Cavalerie , reçut  un  coup  de 
jBooufquei  dans  le  tems  qu’il  fe  mec- 


B T S B Racine.  229  > 
toitaa-devantde  fon  Perepourle  cou* 
vrir  d’uoe  décharge  horrible  que  ie$ 
ennemis  firent  fur  lui.  M.  le  Comte 
fon  Frere , a été  blefifé  à la  jambe  ; 
M.  de  la  Rocheguyon  au  pied  , & 
tous  les  autres  que  fait  M.  l’Abbé  ; M* 
le  Maréchal  de  Joyeufe  blefle  aufli  à 
la  cuifie  , & retournant  au  combat 
après  fa  bleflure.  M.  le  Maréchal  de 
Villeroi  entra  dans  les  lignes  ou  re« 
tranchemens,  à la  tête  de  la  Maifoa 
du  Roi. 

Nous  avons  1400.  prifbnniers , eot 
tre  lefquels  165.  Officiers , plufieurs 
Officiers  Généraux , dont  on  aura  fans 
doute  donné  les  noms.  On  croit  le 
pauvre  Ruvigni  tué  ; on  a fes  éten* 
darts , & ce  fut  à la  tête  de  fon  Ré> 
giment  de  François  , que  le  Prince 
d’ Orange  chargea  nos  Ëfcadrons , en 
renverla  quelques-uns  , & enfin  fut 
xenverfé  lui  • même.  Le  Lieutenant* 

(Colonel  de  ce  Régiment , qui  fut  pris , 
dit  à ceux  qui  le  prenoient , en  leur, 
montrant  de  loin  le  Prince  d’Orangé: 
Tenez.,  MeJftenrj , voilà  eetui  qu'il  voeu 
fiUloit  prendre.  Je  conjure  M.  l’Abbé. 
Renaudot , quand  il  aura  fait  fon  ufà* 
ge  de  tout  ceci  , de  bieniecacheterii 


Lettres  oe  Bpieeav 
& cette  Lettre  , & mes  Mémoires  i 
& de  les  renvoyer  chez  moi. 

Voici  encore  quelques  particularr^ 
tés.  Plufieurs  Généraux  des  ennemis- 
étoient  d’avis  de  repailèr  d’iabord'  la 
rivière.  Le  Prince  d’Orange  ne  vou- 
lut pas  : l’Eleéleur  de  Saviere  dit  qu’il 
falloit  au  contraire  rompre  tous  les 
ponts , & qu’ils  tenoient  à ce  coup 
les  François.  Le  lendemain  du  com- 
bat M.  de  Luxembourg  a envoyé  à 
Tirlemond , où  il  étoit  refié  plufieurs 
, Officiers  ennemis  bleffiés , entre  autres 
le  Comte  de  Solms , Général  de  l’in* 
fanterie , qui  s’efl  fait  couper  la  jam- 
be. M.  de  Luxembourg , au  lieu  de 
les  faire  tranfporter  en  cet  état , s’eft 
contenté  de  leur  parole,  & leur  a fait 
offrir  toutesfortes  de  rafraichilTemens. 

^ Scelle  Nation  ejf  la  vStrt  ? s’écria  le 
Comte  de  Somis , en  parlant  au  Che- 
valier du  Rozel  t Fous  vous  hattex.  com» 
me  des  Lions , & vosss  traitez,  les  vainetst 
'Comme  sus  /soient  vos  meilleurs  amis. 
Les  ennemis  commencent  à publier 
que  la  poudre  leur  manoua  tout-à» 
coup , voulant  par-là  excufer  leur  dé- 
faite. Ils  ont  tiré  plus  de  neuf  mille 
c^ups  de  canon , nous  quelques 


£T  DE  RaCIMB. 
cinq  ou  Ox  mille. 

Je  fais  mille  complimens  à M.  I’Ab« 
bé  Renaudoc  ; & j’exciterai  ce  matia 
M.  de  Çroifly  à empêcher , s’il  le  peut, 
le  malheureux  Mercure  galant , de  dé> 
figurer  notre  viâoire. 

Il  y avoit  fept  lieues  du  camp  dont 
M.  de  Luxembourg  partit^  jufqu’à 
Nervinde.  Les  ennemis  avoient  .55. 
bataillons , & itio.  efcadrons. 


DE  BOILEAU. 

Paris  ce 

JE  vous  écrivis  hier  au  foir  une  aflez 
longue  Lettre , & qui  étoit  toute 
remplie  du  chagrin  que  j’avois  alors , 
caufé  par  un  tempë^arpmeht  fombre 
qtrrme  domîîîôîrr^T^r  un  relie  de 
infllaHiv-'i  mai*?  je  vnns  en  -v"? 
aujourd’hui  toute  pleine  de  la  joïe  que 
m’a  caufée  l’agréable  nouvelle  que  J’ai 
reçûë.  Je  ne  faurois  vous  exprimer 
l’allégrelTé  qu’elle  a excitée  dans  tou* 
te  notre  famille.  Elle  a fait  changer 
de  caraftère  .à  tout  le.  inonde.  M| 

• ’ • , • • • i V * * 


Le'ETRES  BE  BffILEJbIf 
Dongois  le  Greffier  efl  prefentement 
I un  homme  joml  & folâtre.  M.  l’Ab- 
bé Dongois , un  bouffon  & ûn  badim  j 
Enfin  il  n’y  a perfonne  qsi  ne  fe  fi- 
gnale  par  des  témoignages  extraordi- 
naires de  plaifir  & de  fatisfaâion  , 

& par  des  loQanges  & des  exclanaa- 
lions  fans  fin  fur  votre  btmté  ^ votre 
géoérofité,  votre  amitié  , &c.  A mon 
fens  néanmoins  , eeHsi  qui  doit  être 
le  plus  fatisfait , c’eft  vous , & le  con- 
tentement que  vous  devez  avoir  en  . 
vous  même  d’avoir  obligé  fi  efficace- 
mentdans  cette  affaire , tant  de  per- 
fonnes  qui  vous  eftiment  & qui  vous 
honorent  depuis  fi  long-tems , efi  on 
plaifir  d’autant  plus  agréable , qu’il 
ne  procède  que  de  la  vertu  , & que 
les  âmes  du-  commun  ne  fauroient  ni 
. de  Tatthrer  ni  le  fenthr.  Tout  ce  que 
j’ai  à vous  prier  maintenant , c'en  de 
me  mander  les  démarches  que  vous 
croyez  qu’il  faut  que  je  faffe  à l’égard' 
du  Roi , & du  P.  & la  Chaize  ; & non 
feulement  s’il-  faut , mais  à peu  prés 
ce  qu’il  faut  que  je  leur  écrive.  M.  le 
Doyen  de  5ens  ne  fait  encore  rien  de 
ce  qu’on  a iak  ^ur  lui.  Jugez  de  ffi 
furprife , quand  il  apreoàrn  tout  d’oQ 


£ T D £ Racine.  133 
Ctoop  Icbien  itnprévû  <Sé  excelSf  que 
TOUS  lui  avez  fait.  Ce  que  j’admire  i& 
p]us , c’ed  la  félktcé  de  la  circonftan* 
ce , qui  a fait  que  demandant  pour  lui 
la  moindre  de  toutes  les  Chanoiniet 
de  la  Sainte  Chapelle , nous  lui  avons 
obtenu  la  meilleure,  O faSum  bent. 
Vous  pouvez  compter  que  vous  au* 
rez  déformais  en  lui  un  homme  qui 
dîïputêTffiaveïr aâôTde  ^le  & d^ami- 
-tië-:pour  vous.  J'avQÎsL riéibltt . de,  ne 
TOUS,  envoyer' [à  fuite  de  mon  Ode 
Tut  Namur , que  quand  je  l’aurois 
milè  en  état  de  n’avoir  plus  befoin 
que  de  vos  correélions.  Mais  en  vé* 
rité  .vous.m!avez.fait  trop  de  plaifir» 
pour  ne  pas  fatisfaire  fur  le  champ 
la  curionté  que  vous  avez  peot>êcre 
conçûè’  de  la  vqir.  Ce  que  je  vous 
prie  > c’ed  de  ne  la  montrer  à per* 
ibnne , & de  ne  la  point  épargner.  J’y 
ai  hazardé  des  chufes  fort  neuves  , 
jufqu’à  parler  de  la  plume  blanche 
que  le  Roi  a fur  Ton  chapeau.  Mais 
à mon  avis , pour  trouver  des  expref* 
(ions  nouvelles  en  Vers , ü faut  psr< 
1er  de  chofes  qui  n’ayent  point  été 
dites  en  vers.  Vous  en  jugerez , fauf 
à tout  changer  , fî  ceU  vous  dépMw 


S34  Lettxes  de  Boileaet 
( 1 ) L’Ode  fera  de  dix- huit  Stances. 
Cela  fait  cent  quatre  • vingt  vers.  Je 
ne  croyois  pas  aller  fi  loin.  Voici  ce 
que  vous  n’avez  point  vû.  Je  vais  le 
mettre  fur  l’autre  feüillet. 

♦ 

Déployez  toutes  vos  rages  ^ 

Princes  » vents,  peuples,  frimatv» 
RamafTez  tous  vos  nuages  , 
RaiTemUez  tous  vos  foldats. 

Malgié  vous  Namur  en  poudre 
' S*en  va  tomber  fous  k foudre 
Qui  dompta  Lille  , Couitray  ^ 
Gand  , la  confiante  Eipagnole,. 
Luxembourg , Beûmçon , Dole  ^ 
Ipres , Maftiicbt,  & Cambray* 

Mes  préfages  s’aCcompMent , 
n commence  à chanceler. 

Je  vois  fes  murs  quifirémiflènt^ 
Déjà  prêts  à s'écrouler. 

Mais  en  feu  qui  les  domine. 

De  loin  fouffle  leur  ruine  : 

Et  les  bombes  dans  les  airs 


( I ) On  aprend  pai  ces  Lettres  » fle  par  celle  dans 
laquelle  mon  Pere  loi  demandç  Ton  avis  fut  un  de  fci- 
Cantiques  (piiituels , de  quelle  maniéré  ces  deux  amis 

ÜB  flQfliiilMiefti  muiNcUeiBCAt  lUt  Ifiuts  Ouvxsgcs. 


ST  DE  R A Ç IN  E.  235 

« 

Allant  chercher  le  tonnerre , 
Semblent  tombant  fur  la  terre 
Vouloir  s'oùvrir  les  Enfers. 

' Aprochez,  troupes  altières  » 
Qu’unît  un  miêmé  devoir  : 

A couvett  de  ces  îdvieres. 

Venez  > vous  pouvez  tout  voir. 
Contemplez  bien  ces  aproches  ; 
Voyez  détacher  ces  roches," 

Voyez  ouvrir  ce  terreîn  , 

Et  dans  les  eaux  > dans  la  flamme, 
L O U 1 S à tout  donnant  Tame , 
Marcher  tranquille  8c  ferein. 

'Voyez  dans  cette  tempête. 
Par-tout  fe  montrer  aux  yeux 
La  plume  qui  cehn  fa  tète 
D’un  cercle  fi  glorieux. 

A fa  blancheur  remarquable , 
Toujours  un  fort  favorable 
S’attache  dans  les  combats  ; 

Et  toujours  avec  la  gloire. 

Mars,  8c  fa  fœur  la  Vièloirç, 
Suivent  cet  aflre  à grands  pas. 

Grands  défenfeurs  de  TEfpaghe, 

Accourez  tous , il  ell  tems. 

* « 

Mais  déjà  vers  la  Méhaigne-t 


 


Lettres  de  Bôileau* 

Je  vois  vos  drapeaux  flottans» 
Jamais  fes  ondes  craintives 
N'ont  vu  fut  leurs  foibtes  rives  » 
Tant  de  guerriers  s'amaffer. 
Marchez  ^nc^troupe  héroïque  ( i 
Au-delà  de  ce  Granique , 

Que  tatdez*vou»  d'avances  I 

Loin  de  fermer  le  paflage  » 

A vos  nombreux  Bataillons  f 
Luxembourg  a du  rivage 
Reculé  fcs  pavillons. 

Hé  quoi,  fon  afpeél  vousgfacel 
OU  font  ces  Che£s  pleins  d'audace  > 
Jadis  fi  prompt  à marcher  » 

Qui  dévoient  de  la  Taimfe» 

Et  de  la  Drave  foumife^ 

Jufqu’à  Paris  nous  chercher  ^ 

Cependant  Tefifroi  redouble 
Sur  les  remparts  de  Namur  ; 

Son  Gouverneur  qui  fc  trouble 
S'enfuit  fous  fon  dernier  mur. 

Déjà  }ulî]pes  à les  portes 
Je  vois  nos  fieres  cohortes 
S'ouvrir  un  large  chemin  ; 

Et  fur  les  monceaux  de  piques, 

C 1 J Ob  iiottvc  id  pluüeuzs  Vos  qjw  l’Ameur  a 

dMBgél. 


« i;  ïr  ï ' R A c I N s. 

De  corps  mortSyde  rocs,&de  briques^ 
Monter  le  (abre  à la  main. 

C'en  eft  fait , je  viens  d’entendre 
Sur  les  remparts  eperdus  < 

Battre  un  fignal  pour  fe  rendre» 

Le  feu  cefTe.  Us  font  rendus» 

• Eapellez  votre  confiance  » 

Fiers  ennemis  de  la  France  ; 

Et  déformais  gracieux  « 

Allez  à Liège» à Bruxelles»’ 

Porter  les  humbles  nouvelles  » 

De  Kamur  pris  à vos  yeux. 

Pour  moi  que  Phébus  anime 
De  fes  tranfports  les  plus  doux  » 
Eempli  de  ce  Dieu  fublime 
Je  vais , plus  hardi  que  vous  » 
Montrer  que  fur  le  Parnaflè  » 

Des  bois  fréquentés  d’Horace  « 

Ma  Mufe  fur  ion  déciin 
S^t  encore  les  avenues» 

Et  des  fources  inoonnués 
A l’Auteur  du  Saint  Paulin.  < i ) 


(t)  On  vcrw  dans  la  Lciirc  fuivantc  que  iBoilcia 
reconnut  bien  tèt  des  negt  gences  qui  lui  êioiei  i écha- 
pifcs  dans  le  morceau  précédent  , & qûM  a eu  erand 
fpin  de  coir  gei.  Les  meilleurs  Poètes  ne  s'en  àpcr» 
ftttvenc  pas  OaAS  la  chateux  de  b cOApofitiou.  ^ 


S38  Lettres' de  b ott.Eitr 
Je  vous  demande  pardon  de  la 
peine  que  vous  aurez  peut-être  à 
déchiffrer  tout  ceci , que  je  vous  ai 
écrit  fur  un  papier  qui  boit.  Je  vous 
le  récrirois  bien  ; mais  il  efl  près  de 
midi,  & j’aipeur  que  la  pofte  ne  par- 
te. Ce  fera  pour  une  autre  fois.  Je 
vous  embraue  de  tout  mon  cœur. 


DU  M' £ S M £. 

■ A Paris  le  9.  Juia. 

J£.  vous  écrivis  hier  avec  toute  la 
chaleur  qu'lnfpire  une  méchante 
nouvelle , le  refus  que  fait  TAbbé  de 
Paris  de  le  démettre  de  fa  Chanoinie. 
AinO  vous  jugerez  bien  par  ma  Let- 
tre , que  ce  ne  font  pas  à l’heure  qu’il 
efl  des  remercimens  que  Je  médite , 
puifque  Je  fuis  même  honteux  de  ceux 
que  j’ai  déjà  faits.  A vous  dire  le 
vrai , le  contretems  eft  fôcheuz  ; ôc 
quand  je  fonge  aux  chagrins  qu’il  m’a 
déjà  caufés , je  voudrois  prefque  n’a* 
voir  jamais  penfé  à ce  bénéfice  pour 
mon  frere.  Je  n’aurois  pas  la  douleur 


BT  Be  RaçINB. 

^ voir  que  vous  vous  foyez  peut* 
être  donné-tant  de  peine  fî  inutile* 
ment.  Ne  croyez  pas  toutefois , quoi 
^’il  puifTe  arriver , que  cda  diminue 
«n  moi  le  fentiment  des  obligations 
-que  je  vous  ai.  Je  feras  bien  qu’il  n’y 
a qu’une  étoile  bizare  & infort 
qui  pût  empêcher  Je  fuçcès  d^une  aP 
faire 'tî"“bten  conduite , & où  vous 
avez  également  fîgnalé  votre  pruden* 
ce  & votre  amitié.  Je  vous  ai  mandé 
par  ma  derniere  Lettre , ce  que  M. 
de  Pontchartrain  avoic  répondu  à M. 
l’Abbé  Renaudot  touchant  nos  Or* 
donnances;  comme  il  a fait  de  la  dif- 
tinâion  entre  les  raifons  que  vous 
aviez  de  le  prefler,  & celles  que  j’a* 
vois  d’attendre. 

Je  ne  doute  point , Monlkur , que 
vous  ne  foyez  à la  veille  de  quelque 
grand  & heureux  événement  ; & (i 
je  ne  me  trompe , le  Roi  va  faire  la 
plus  triomphante  campagne  qu’il  ait 
jamais  faite,  llf^a  grand  plaifîr  à M. 
■'  de  la  Chapelle , qui , fi  nous  l’en  vou- 
lions croire , nous  engageroit  déjà  à 
imaginer  une  Médaille  fur  la  prifede' 
Bruxelles  ^ dont  je  fuis  perfuadé  qu’il 
a déjà  fiic  le  type  en  lui-même.  Vous  ■ 


»4o  Lettres  de  Boieeâv 

n’avez  fort  réjoQi  de  ne  mander  la 
part  qu’a  Madame  de  Maintenon  dans 
notre  affaire.  Je  ne  manquerai  pas  de 
ne  donner  l’honneur  de  lui  écrire; 
nais  il  faut  auparavant  que  notre  em« 
barras  foit  éclairci , & que  je  fâche 
s’il  faut  parler  fur  le  ton  gai pu  fur 
le  ton  trille.  Voici  la  quatrième  Let- 
tre que  vous  devez  avoir  reçûe  de  moi 
depuis  Hz  jours.  Trouvez  bon  que 
je  vous  prie  encore  ici  de  ne  rien . 
^ montrer  à perfoone  du  fragment  in- 
forme que  je  vous  ai  envoyé  & qui 
èft  tout  plein  des  négligences  d’un 
Ouvrage  qui  n’eft  point  encore  digé- 
ré. Le  mot  de  y ell  répété  par- 
tout jufqti’au  dégoût.  La  Stance  , 
Grands  difenfenn  deJL'Éfpagnt ^ &ç.  re- 
bat celle  qui  dit  .j4frochez.  tt roMf  es él^ 
titres,  &c.  Celle  fur  la  plume  blanche 
• duKui  ell  encore  un  peu  en  maillot, & 
je  ne  fai  (i  je  la  iaifferai  zv^cAfars  &pt 
jSr«r/«^<Swre.J’aidéjaretouché  à tout 
çea  ; mais  je  ne  veux  point  l’achever 
quejen’aye  reçû  vos  remarques , qui 
fûremeni  m’éclaireront  encore  l’ef' 
prit*'  Après  quoi  je  vous  enverrai 
fouvrage  complet.  Mandez  • moi  fi 
vous  croyez  que  Je  doive  parler  de 


tT  OS  RACIMS;  341 

M.  de  Luxembourg.  Vous  n’ignorez 
« pas  combien  notre  Maître  eft  cha> 

‘ toQilieu'x  fur  les  gens  qu’on  afibcie  à 
I fes  loQanges.  CependantJ’ai  fuivi  moa 
I inclination.  Adieu , mon  cher  Mon- 
fieur,  croyez  qu’heureux  ou  malheu* 
reux , gratifié  ou  non  gratifié , payé 
ou  non  payé  , je  ferai  toujours  tout 
à vous. 


pu  M £ S M £. 

'jiPmsU  IJ.  Suât  i(5p3. 

JE  ne  fuis  revenu  que  ce  matin  d’Au- 
teuil , où  j’ai'été  pafifer  durant  qua* 
tfe jours  la  mauvaiie  humeur  que  m’a* 
voit  donné  le  bizarre  cqntretems  qui 
noos  efi;  arrivé  dans  Tafiaire  de  la 
Chanoiaie.  J’ai  reçâ , en  arrivant  à 
Paris,  votre  derniere  Lettre , qui  m’a 
fort  confolé . aufli  bien  que  celle  que 
vous  avez  écrite  à M.  l’Abbé  Don* 
gois.  J’ai  été  fort.  furbrJs  d’aprendre 
que  M-  de  chanlai  n avoit  point  eiû 
"cote  ïcçû  le  compliment  que  je  lui 
ai  envoyé  fur  le  t^amp , & quiaété 
Tmt  i,  L 


£42  Lettres  se  Boiibav 

port'ë  à la  pofte  en  inêm'e-tems  qœ 
la  Lettre  que  j'ai  écrite  au  R.  P.  de 
la  Chaize.  je  lui  en  écris  un  nouveau  , 
afin  qu’il  né  mefoupçonne  pas  de  pa« 
relie  dans  une  occauon  où  il  m’a  ft 
bien  marqué , & fa  bonté  pour  moi  , 

& fa  diligence  à obliger  mon  frere. 
Mais  de  peur  d’une  nouvelle  raépri* 
/.fe,jevous  l’envoye,  ce  compliment', 

’À  empaqueté  dans  ma  Lettre  , afin  que 
vous  lui  rendiez  en  main  propre.  Je  • 
ne  fiuirois  - vous  exprimer  la  joie  que 
j’ai  du  retour  du  Roi.  La  nouvelle  bon» 
té  que  Sa-Majefté  m’a  témoignée,  en 
accordant  à mon  frere  le  bénraceque 
nous  demandons , a encore  augmenté 
le  zèle  dit  la  pafiion  très  fincère  que 
|*ai  pour  elle.  Je  luis  ravi  de  voir  que 
fa  lacrée  Perfonne  ne  fera  point  en 
danger  cette  campagne:&  gloire  pour 

S gloire , il  me  femble  que  les  lauriers 
ont  aulfi  bons  à cueillir  fur  le  Rhin  & 
fur  le  Danube , que  lur  l’Efcaut  & fur 
la  Meufe.  Je  ne  vous  parlé  point  du 
plaifir  que  j’aurai  à vous  embraifer 
plutôt  que  je  ne.  croyois  ; car  cela  s’en 
va  fans  dire. 

Vous  avez  bien  fait  de  ne  me  potnt 
envoyer  par  écrit  vos  remarques  fur 


ï T 1»  é R A e 1 1}  E. 
mes  Stances , & d’attendre  à m’en  en- 
tretenir que  vous  foyez  de  retour  , 
puifque  pour  en  bien  juger  , il  faut 
que  je  vous  aie  communiqué  aupara- 
vant les  différentes  maniérés  dont  je 
ies  pois  tourner  , & les  retranche- 
mens , ou  les  augmentations  que  j’y* 
puis  faire.  Je  vous  prie  de  bien  témoi- 
gner au  R.  P.  de  la  Chaize , l’extrême 
reconnoiffance  que  j’ai  de  toutes  fes 
bontés.  Nous  devons  encore  aller 
Lundi  prochain , M Dongois  & moi, 
{Rendre  Madame  Racine  , pour  la 
mener  avec  nous  chez  M.  de  Bie , qui 
ne  doit  être  revenu  de  la  campagne 
que  ce  jour-là.  J’ai  fait  ma  follicita- 
tion  pour  vous  à M.  l’Abbé  Bignon. 
Il  m’a  dit  que  c’étoit  Une  chofe  un 
peu  diffidie  à l’heure  qu’il  eft , d’être 
payé  aù  Tféfor  Royal.  Je  lui  ai  repré- 
ienté  que  vous  étiez  aâuellement  dans! 
le  fervice  , & qu’aind  vous  étiez  an 
même  droit  que  les  Soldats  & les  au- 
tres Officiers  do  Roi.  Il  m’a  avoué  que 
je  difois  vrai , & s’eft  chargé  d'en  par- 
ler très-fortement  à M.  de  Pontchar^ 
train.  Il  me  doit  rendre  répontb  au- 
jourd’hui à notre  Affemblée.  Adieu  le 
Type  de  M.  delà  Chapelle  fur  firuxel- 

L Z 


»44  Lettres  se  Boilbav 

les.  11  étoit  pourtant  imaginé  forthea» 
retifement , & fort  à propos.  Mais  à 
sion  fens , les  Médailles  prophétiques 
dépendent  un  peu  du  hazard  , & ne 
font  pas  toojours  (lires  deréuflir.  Nous 
voilà  revenus  à Heidelberg.  Je  propo- 
jé  pour  inot , HticUlbtrgd  dehta  t & 
nous  verrons  ce  foir  ü on  l'acceptera  , 
ou  les  deux  Vers  Latins  que  propofe 
M.  Charpentier,  & qu’il  trouve  d’un 
goût  merveilleux  pour  la  Médaille. 
Les  voici  ; Servareftlm  ^ferderefijMfhm 
tnjgM.  Or  comment  cela  vient  à Hei- 
delberg , c’eli:  à vous  à le  deviner;  car 
ni  moi , ni  même , je  crois , M.  Char- , 
pentier , n’en  favons  rien.  Je  ne  vous 
parle  prefque  point  , comme  vous 
voyez,  de  notre  chagrin  fur  la  Cbanoi- 
nie , parce  <^e  vos  Lettres  m’ont  ra(^ 
fêré , & que  d’ailleurs  il  n’y  a point 
de  chagrin  qui  tienne  contre  le  bon- 
heur que  vous  me  faites  efpérer  de 
vous  revoir  buntôt  ici  de  retour. 
Adieu  , mon  cher  Mondeur  , aimez- 
xnoi  toujours  , & croyez  w’il  n’y  a 
perfonne  qui  vous  honore  & vous  ré- 
véré plus  que  moi. 


» 


i 


ht.  r DE  Racine.  245 


A ü ME  SME. 

, • ♦ 

ji  P4ris  JeuJidUtfiir. 

JE  ne  faurois , mon  cher  Monfienr, 
vous  exprimer  ma  farprife , & quot* 
qiie  j’eufle  les  plus  grandes  efpéran- 
ces  du  monde , je  ne  laiflbis  pas  en- 
core 'de  me  défier  de  la  fortune  de  M. 
le  Doyen.  C’eft  vous  qui  avez  tout 
fait  , puifque  c’efi  à vous  que  nous 
'devons  rheuréafê  proteâikmde  Ma- 
dame dé  Maintenon.  Tout  mon  em- 
barras maintenant  efi:  de  favoir  com- 
ment je  m'acquitterai  de  tant  d'obliga- 
tions que  je  vous  ai.  Je  vous  écris  ce- 
ci de  chez  M.  Dongois  le  Greffier  » 
qui  eft  fincerement  tranfportéde  joie, 
auffi-bien  que  toute  notre  famille  ; <Sc 
de  l’humeur  dont  je  vous  connois , je 
Yuis  fûr  que  vous  feriez  ravi  vous  më- 
me  de  voir  combien  d’on  feul  coujp 
- vous  avez  fait  d’heureux.  Adieu  , 
mon  cher  Monfieur , croyez  qu’il  n’y 
a perfonne  qui  vous  aime  plus  fince- 
rement , ni  par  plus  de  raifon  que  moi. 
Témoignez  bien  à M.  de  Cavoie  , la 

L 3 


X4<^  Lettres  ob  BoiXbav 
joie  que  j'ai  de  fa  joie  ; & M.  de 
Luxembourg  mes  profonds  refpe€ls'> 
Je  vous  donne  le  bon  foir , & fuis  au- 
tant que  je  le  dois , tout  à vous. 


DE  RACINE  A M.  de  Bomrefeavz. 

» 

^ P4ris et  iSJuiUet. 

MOn  abfence  hors  de  cette 

eilcaufe  que  je  ne  vous  ai  point 
écrit  depuis  dix  jours.  Il  s’eR  pour- 
tant paué  beaucoup  de  chofes  trés- 
dignes  de  vous  être  mandées.  M. 
de  Luxembourg , après  avoir  battu  un 
Corps  de  cinq  mille  chevaux  , cota- 
mandé  par  le  Comte  de  Tilly  , a mis 
le  Hége  devant  Huy  , dont  il  a pris 
la  Ville  & le  Château  en  trois' jours  » 
& de-là  a marché  au  Prince  d’Oran- 
ge  , avec  lequel  il  elt  peut-être  aux 
mains  à l’heure  qu’il  eft.  Monfeigneur 
a pafle  le  Rhin  , & s’étant  mis  à la 
tête  d’une  armée  de  plus  de  66  mille 
hommes  , a marché  droit  au  Prince 
de  Bade  ; en  intention  de  le  chercher 
partoutpour  le  combattre , & de  l’ae- 


I 


(X.  T » « R ;A  C I N E ®47 
taoiier  même  dans  Tes  retranchemens^ 
s’il  prend  le  parti  de  fe  retrancher. 
Mais  ce  qui  a le  plus  réjouï  tout  le 
public  , c’eft  la  déroute  de  la  flotte  de 
Hollande  & d’Angleterre  , qui  efl: 
tombée  au  Cap  de  Saint  Vincent  eiv- 
tre  les  mains  de  M.  de  Tour  ville.  J’en- . 
tretins  hier  fon  Courrier  , qurefl  le 
Chevalier  de  Saint  Pierre  , frere  du 
Comte  de  Saint  Pierre , lequel  fut  calTé  ! 
il  y a deux  ans.  Je  vous  dirai  en  paf- 
fant , qu’on  trouve  que  M.  de  Tour- 
Tille  a fait  fort  honnêtement  d’en- 
Toyer  dans  cette  occaflon  le  Chevalier 
de  Saint  Pierre  : & on  efpere  que  lat 
bonne  nouvelle  dont  il  eft  chargé 
fera  peut-être  rétablir  fon  frere.  ^uoi 
qu’il  en  foit  > la  flotte  » qu’on  appelle 
ce  Smyrne , a donné  tout  droit  daqa 
Pembufcade.  Le  Vice-Amiral  Roufl^ 
qui  l’efcortoit  ^ d’aufli  loin  qu’il  a de- 
couvert  notre  armée  navale  , a pris 
la  fuite , & il  a été  impoflible  de  Ije 
joindre.  11  avoic  pourtant  26  ou  27’ 
vailTeaux  de  guerre.  Les  pauvres  Mar- 
chands fe  voyant  abandonnés  , ont 
fait  ce  qu’ils  ont  pû  pour  fe  fauver. 
Les  uns  fe  font  échoués  à la  côte  (je 
Lagps^  les  autres  fous  les  murailles  tfô 

L4 


148  Lettres  de  BcriVtiv 

Cadis , & il  y «n  a eu  quelque  trente- 
fiz  qui  ont  trouvé  moyen  d’entier  dans 
le  port.  On  leur  a brûlé  ou  coulé  à 
fond  45  Navires  Marchands , & deux 
de  guerre  : & on  leur  a pris  deux  bons 
vaifleauz  de  guerre  Holiandois  tous 
neufs  de  66  pièces  de  canon  , & 25 
Navires  Marchands  , fans  compter 
deux  vaifleaux  Génois  , qui  étoienc 
chargés  pour  des  Marchands  d’Amf^ 
terdam  , & dont  le  Chevalier  de  Saint 
Pierre , qui  eA  verni  defTus  jufqu’à  Ro» 
ièsj  eftime  la  charge  au  moins  fix  cens 
mille  écus.  On  ne  doute  pas  qu’une 
perte  fi  confidérable  n’excite  de  gran> 
des  clameurs  contre  le  Prince  d’Oran> 
« , qui  avoit  toujours  aflÛré  les  AI* 
liés , que  nous  ne  mettrions  cette  an* 
née  à la  mer  que  pour  nous  enfuir , de 
nous  empêcher  d’être  brûlés.  Le  Che- 
valier de  Saint  Pierre  a rencontré  le 
Comte  d’Etrées  à peu  près  à la  hau- 
teur de  Malque,  & prêt  à entrer  dans 
le  Détroit.  1^  Roi  a été  trés*aifê  de 
cette  nouvelle,  que  l’on  a fçûe  d’abord 
par  un  Courier  du  Duc  de  Grammond, 
èc  par  des  Lettres  des  Marchands.  On 
parle  fort  ici  des  mouvemens  qui  fe 

font  au  pays  vous  êtes } &ilparoic 


'et  DE  Racine.  349 
qU'^on  en  eft  fort  content  par  avance, 
^ous  fouplmes  hier,  M.  ^ Cavoie  & 
moi , chez  M.  &c. 


r 


A BOILEAU. 

yiffùUes  It  P J$üUet, 

JE  vÿis  aujourd’hui  à Marli , oû  fe 
Roi  demeurera  près  d’un  mois 
mais  je  ferai  detemsen  tems  quelques 
'voyages  à Paris  , & je  choiOrai  les 
jours  de  ta  petite  Académie.  Cepen* 
dant  je  fuis  bien  fôché  que  vous  ne 
m’ayez  pardonné  votre  Ode  : j’au- 
Tois  peut'être  trouvé  quelque  occa- 
fîon  de  la  lire  au  Roi.  Je  vous  con^ 
feille  même  deme  l’envoyer,  il  n’y  a 
pas  plus  de  2 lieues  d’Autentf  à Marli. 
Votre  Laquais  n’aura  qu’à  me  demad-^ 
dbr  & me  chercher  dans  l’apparte» 
ment  de  M.  Félix.  Je  vous  prie  de  red* 
voyer  mon  fils  à faraere  ; j’apprehen- 
deque  votre  grandebomé  , ne  vous 
coûte  un  peu  trop  dincommodité.  Je 
fuis  entièrement  à vous. 


s66  Lettres  de  Boi\e«v 
avoit  aufli  préfenté  au  Roi  v & aoZ 
Miniftres , une  nouvelle  éd\lon  du 
Diélionnaire  de  Fureüere  , qd  a été 
très  - bien  reçû.  C’eft  M.  de 
& M.  de  Pomponne  qui  om  préfenté 
Léers  au  Roir  Cela  a paru  un  allez 
bizarre  contretems  pour  le  Di£fcion> 
naire  de  Meadémie  , qui  -me  paroSt 
n’avoir  pas  tant  de  partifans  que  i’ai>> 
tre^  J’avois  dit  plufieurs-  fois  à Mk 
Thierry , qu’il  aureit  dû  faire  queb 
ques  pas  pour  ce  derâier  Diélion* 
naire  ; & il  ne  lui  auroit  pas  été  di£fr 
cile  d’en  avoir  le  Privilège.  Pent-'être 
même  il  ne  le  feroit  pas  encore.  Oa 
commence  à dire  que  le  voyage  de 
‘Fontainebleau  pourra  être  abrégé  de 
huit  ou  dix  jours',  à caufe  que  le  Roi 
[ y.£R  fort, incommodé  de  la  goutt& 
ill  en  elt  au  lit  depuis  trois  ou  qfuatre 
jjours.II  ne  fbnffre  pas  pourtant  bean* 
^up  , Dieu  merci  & il  n’ell  arrê> 
té  au  lit  que  par  la  foibie^  qu’il  a 
encore  aux  jambes.'  Il  me  paroh  par 
les  Lettres  de  ma  femme  , que  mon 
fils  a grande  envie  de  vous'  aller  voir 
à Auteuil.  J’en  ferai  fort  aile , pourvû 
qu’il  ne  vous  embarrallè  point  du  tout. 
Je  prendrai  énœêffie.tem»  la  Mbeité 


I 


AU  M Ë S M £. 


A FtHhàtuhltM  U 3.  OSohre, 


JE  vous  fuis  bien  obligé  de  là  prom* 
titude  avec  laquelle  vous  m'avez 


faii^  réponfe.  Comme  je  fuppolè  que 
TOUS  fl'avez  pas  perdu  les  vers  que  je 
TOUS  ai  eavoyës , je  vais  vouulue. 
mon  ièntiment  far  vos  difficultés 

le  tems  vous  coimmmi^uêir 


vèi  LBTTRtS  DE  BoiIEiV 
pluOeufs  changemens  que  i’avois  dëîa 
fcir«  (TimrÎTiprnf»-  Car  VOUS  Jav^ 
on  homme  qui  compoiè , fait  fou- 
vent  ion  thème  en  plufieurs  façons. 

Quand  par  une  fin  foudaine , 
Détrompes  d’une  ombre  vaine 
Qui  pa&  6c  ne  revient  plus. 

^ai  cboifi  ce  tour,  parce  qn’il efl con- 
forme au  texte  qui  parle  de  la  fin  im- 
prévue des  Réprouvés  ; & je  vou- 
drois  bien  que  cela  fut  bon  , & que 
vous  pufliez  pafier  & approuver , 
Ufte  fin  fmdaine  ^ qui  dit  précifé- 
ment  la  chofe.  Voici  comme  j’avois 
DÛS  d’abord  , 

/ 

Quand  déchus  d’un  bien  firivole  • 
Qui  comme  Tombre  s’envole  > 

Et  ne  revient  jamaisplus. 

Mais  ce  jamais  me  paroît  un  peu  mît 
pour  remplir  le  vers  ; au  lieu  que 
p/ÿfe  & ne  revient  pins  , me  (embloic 
allez  plein  & afiéz  vif.  D’ailleurs  j’ai 
mis  a la  troifiéme  Stance , Pottr  trotever 
ein  kien  fragile  f & c’eft  la  même  choie 
qu’un  bien  frivole.  Ainfi  tâchez  de 


ET  SB  RâCZNB.  2^3 
VOUS  accoutumer  à la  première  ma- 
niéré, -ou  trouvez  quelque  autre  choie 
qui  vous  ratisfafle.  Dans  la  fécondé— 
Stance 4 

Mifétal>Ies  que  nous  fommes  « 

Ou  s’égaEoient  nos  elprits  ? 

infirtwiù  m’étoit  venu  le  premier  ; 
mais  le  mot  de  Miftr/ârlet  , que  j’ai 
employé  dans  Phèdre  , à qui  je  l’ai 
mis  dans  la  bouche , & que  l’on  a trou- 
vé aflêz  bien  , m’a  paru  avoir  de  la 
force,  en  le  mettant  aufli  dans  la  bou- 
che des  Eéprouvés  , qui  s’humilient 
& fe  condamnent  eux  • mêmes.  Pour 
le  fécond  vers  j’avois  mis  ^ 

Diront-'ils  avec  des  cris. 

Mais  fai  crû  qa’oa  pouvait  leur  faire 
tenir  tout  ce  difcours  , fans  mettre  , 
Âirtnt.iU,  & qu’il  fufiiroit  de  mettre 
il  la  fin  fAhtfi  dtw$e  noix  fUintkx , & 
le  relie , par  où  on  fait  enienure  , que 
tout  ce  qui  [irécédeell  le  difcours  des 
Réprouvés.  Js  crois  qu’il  v en  a des 
exemples  dans  les  Ottes  d’Horace. 


g&f.  Lettres  de  Boiieav 

£t  voilà  que  trîonq>han$. 

Je  me  fuis  lailTë  entraîner  an  texte  J 
JEccg  ipumodo  cmputati  fimt  inter  Filiu 
Dei\  & j’ai  crû  que  ce  tour  marquoit 
mieux  la  paflîon.  Car  j'aurois  pû  met* 
tre  : Et  mnimenant  trimpham  y &c. 
I^ans  ia  troiüéme  Stance  y 

Qui  nous  montroit  la  carriese 

De  la  bienheureuiè  paix» 

On  dit  la  carrière  de  la  gloire , la  car* 
riere  de  l’honneur  ; c’eft-à-dire , par 
où  on  court  à la  gloire , à l'honneur. 
Voyez  fi  l’on,  ne  pourroit  pas  dire  de 
même  la  carrière  de  la  bienheureufe 
Paix.  On  dit  même  la  carrière  de  la 
Vertu.  Du  refie  je  ne  devine  pas  corn* 
nient  je  le  pourroismieux  dire.Il  refie 
la  quatrième  Stance.  J’avois  d’abord 
' mis  1e  mot  de  Repentance  ; mais  ou- 
tre qu^on  ne  diroit  pas  bien , les  Re> 
mords  de  la  Repentance,  au  lieu  qu’on 
dit  les  Remords  de  la  Pénitence  ; ce 
mot  de  Pénitence  , en  le  joignant 
avec  tardive,  efi  a^z  confacrédant 
ia  langue  de  l’Ecriture , feti  pceniten- 

tùtm 


Z r PE  Racine.  265 
^/tm  agentes.  On  dît  la  Pénitence  d^An- 
tiochus  , pour  dire  une  Pénitence 
tardive  & inutile., On  dit  auilî  dans 
ce  fens  , la  Pénitence  des  damnés. 
Four  la  fin  de  cette  Stance , je  Tavois 
changée  deux  heures  après  que  ma 
Lettre  fut  partie.  Voici  la  Stance  ea-* 
tiere.  ' 


Ainfi  d'une  voix  plaintive 
Exprimera  fes  remords 
La  Pénitence  tardive 
Des  inconfolables  morts. 

Ce  qui  fitifoit  leurs  délices  ; 
Seigneur , fera  leurs  fupplices; 

Et  par  une  égale  loi , 

L.es  Saints  trouveront  descharmci 
Dans  le  foùvenir  des  larmes 
Qu’ils  verfent  ici  pour  toi. 

Je  vous  conjure  de  m’envoyer  votre 
fentiment  fur  tout  ceci.  J’ai  dit  fran- 
chement que  jlatteodois  votre  criti- 
que , avant  que  de  donner  mes  Vers 
au  MuHcien  ; & je  l’ai  dit  à Madame 
de  Maintenon , qui  a pris  de>là  occa- 
fîon  de  me  parler  de  vous  avec  beau- 
coup d’amitié.  Le  Roi  a entendu 
chanter  les  deu:K  autres  Cantiques , &■ 

TmuL  M 


t68  Lettres  D«  BoitEAV 
' part  qu’à  ceux  que  vous  voudrez  ; à 

Îieribnne'mêine  ,iî  vous  le  fouhaittez. 

e crois  pourtant  qu'il  fera  trés-bon 
que  Madànie  de  Maintenon  voie  ce 
que  vous  avez  imaginé  pour  fa  mai* 
fon.  Ne  vous  mettez  pas  en  peine, 
je  le  lirai  du  ton  qu’il  faut  j & je  ne 
ferai  point  tort  à vos  vers. 

11  n’y  a ici  aucune  nouveRe.  L’ar* 
née  ae  M.  de  Luxembourg  com- 
nence  à fe  féparer , & la  ^valerie 
entre  -dans  des  quartiers  de  fourage. 
Quelques  gens  vouloienc  hier  que  le 
Duc  de  Savoie  penfàt  à affiéger  Ni* 
ce  à Taide  des  Galeres  d’Eipagne. 

. ISfais  le  Comte  d’Eftrées  ne  tardera 
guère  à donner  la  chafle  aux  Galeres 
& aux  Vaiileaux  Efpagnols , & doit 
arriver  inceflamment  vers  les  côtes 
d’Italie.  Le  Roi  groflit  de  40  j>atail- 
lons  fon  arm^'de  Piémont  pour  Tan- 
née prochaioe  , je  i»  doute  .pas 
qu’il  ne  tire  une  rude  vengeance  des 
pays  de  M.  de  Savoie. 

Mon  fils  m’a  écrit  une  afl^  jolie 
Lettre  for  le  plailîr  qu’il  a eu  de  vous 
aller  voir  , & fur  nné-  converfation 
qu’il  a eue  avec  vous.  Je  vous  ibis 
plus  obligé  que  vous  ne  le  foutiez 


ET  Dë  RACIKE.  , 

ire , de  vouloir  bien  voo»  ainufer  avec 
hii.  LcpIûfîrqu’H  prend  d’être  avec  ! 
vous,tncdonne  allèz  bonne  opinion  de 
Ini;&  s’il  eft jamais  aflez  heureux  pour' 
rous  entendre  parler  detems  en  tems^ 
je  fuis  perfaadé  , qu’avec  l’admira»  ' 
don  dont  h eft  prévenu  , cela  lui  fe» 
ra  le  pins  grand  bien  du  monde.  J’ei^ 
pere  que  cet  hiver  vous  voudrez  bien  ^ 
faire  chez  moi  dè  petits  dînés  , dont  I 
je  prétens  tirer  tant  d’avantages.  M..  v 
de  Cavoie  Vous  fait  fes  complimens;  ' 
J’appris  hier  la  mort  du  pauvre  Ab» 
1^  de  Saint  Réal. 


A U M R S M £. 


jt  Fmtiùn«6le4»  te  8.  OSoiir, 

» 

JE  vous  demande  pardon  fî  j’ai  étd 
fi  hongtems  fans  vous  faire  répon^ 
k : mais  j’ai*4^u  avant  toutes  ch(> 
fes  prendre  un  tems  favorable  pour 
recommander  M.  Manchon  (i)àM. 


I.  (1]  Bcwi.û«re  de  SoUtan. 


M a 


. LBTrRES  ifB  BoitEAtr 
de  Bafbezieux.  Je  l’ai  fait , & il  m’a 
fort  afÏÏlré  qu’il  feroit  Ton  poffible 
pour  me  témoigner  la  coofidéracion 
qu’il  avoic  pour  vous  & pour  moi.  U 
m’a  paru  que  le  nom  deM.  Manchon 
loi  étoit  aflez  inconnu  ; & je  me  fuis 
rappellé  alors  qu’il  avoic  un  autre 
nom  , dont  je  ne  me  fouvenois  point 
du  tout.  J’ai  eu  recours  a M.  de  la 
Chapelle , qui  m’a  fait  un  Mémoire  « 

3ue  je  préfemèrai  à M.  deBarbeaieux 
ès  que  je  le  verrai.  Je  loi  ai  dit  que 
M.  l’Abbé  de  Louvois  vondroic  biea 
joindre  Tes  prières  aux  nôtres  , &je 
crois  qu’il  n’y  aura  point  de  mai  qu’4 
loi  en  écrive  un-mot.  V 

Je  fuis  bien  aife  que  vous  ayez  don* 
né  votre  Epître  à-  M.  de  Meaux  , & 
que  M.  de  Paris  foit  difpofé  à vous 
donner  une  approbation  autbenti<]ue. 
Vous  ferez  furpris  quand  je  vous  di> 
tai  -que  je  n’ai  point  encore  rencon- 
tré M.  de  Meaux , quoiqu’il  foix  ici  ; 
mais  je  ne  vais  guèrd^x  heures . où 
il  va  chexle  Roi  ; cVft  à-dire, au  le 
ver  & au  coucher  : d’ailleurs  la  pluie , 
prefque  continuelle  , empêche  qu’on 
ne  fe  promene  dans  les  cours  & dans 
les  jardins  , qui  font  tes  endroits  où 


B T D^E  R A,.  C I n;  E.  ZJX, 
Ton  a de  coutume  de-  fe  rencontrer.- 
Je  fai  feulement  qu’il  a préfenté  atf> 
Roi  l’Ordonnance  de  M.  l’Archevê- 
que de  Rheimt.  Elle  m’a  paru  très-' 
force  & il  y explique  très-nette^ 
ment  la  doêbrine  qu’il  condamne.  Vo^ 
tre  Epître  ne  peut  qu’être  trèa-biem 
reç.ûë  t & il  me.  femble  que  vous  n.’ar 
vez  rien  p^du  pour  attendre  , Sa 
qu’elle  paroîtra  fort  à propos,  On  ^ 
eu  ooqvelle  aujourd’hui  que  M.  le^ 
Prince  de  Conti.écoit  arrivé  en  For 
fogne  : mais  oit  n’en  fait  pas  davan^ 
tage , n’y  ayant  point  encore  de  cou» 
zier  qui  foie  venu  de  lapart.  M.  l’Ab» 
hé  Renaudot  vous  en  dira'  pinS'  qoç’ 
je  ne  faurois  vous  en  écrire.  Je  n’ai, 
pas  fort  avancé  le  Mémtùre  donc 
TOUS  me  pariez.  Je  crains  même  d’ê» 
O'-e  entré  dans  des  détails  quiTallon»- 
geronc  bien  plus  que  je  ne  croyois. 
D’ailleurs  vous  favez  la  dî0ipatioB  de 
ce  pays-ci.  Pour  m’achever vj  ^i  ms- 
iêconde  fille  à Mélun  , qui  prendre 
l’habit  dans  huit  jours.  J^ai  fait.deue 
voyages  pour  efTayer  de  la-  détourner 
de  cette  réfolution  , ou  du  moins- 
pour  obtenir  d’elle  qu’elle  difl'erât  en- 
core fix  mois  jamais  ie  l’ai  trouvée 

M e 


Lbtties  de  Boiiead 
inébranlable.  Je  foubaitè  qu’elle  (ê 
trouve  auili  heureufe  dans  ce  nouvel 
état  t qu’elle  a eu  d’emprelTement 
pour  y entrer.  M.  l’Archevêque  de 
Sens  s’eft  offert  de  venir  faire  la  cé- 
rénronie  » & je  n’ai  pas  ofé  refufer  une 
tel  honneur.  J’ai  écrit  à M.  l’Abbé 
Boileau  pour  le  prier  d’y  prêcher  f Sc 
|1  a l’honnêteté  de  vouloir  bien  par* 
tir  exprès  de  Yerfailles  en  polie  poiu 
xne  donner  cette  fatisfaâion.  Vous 
jugez  que  tout  cela  caufe  affez  d’em* 
barras  à un  homme  qui  s’embarrailê 
aufli  aifément  que  moi.  Plaignez*moi 
un  peu  dans  votre  profond  loifir  d'Au* 
teuil , & excufez  fi  je  n’ai  pas  été  plus 
exaêl  à vous  mander  des  nouvelles. 
La  paix  en  a fourni  d’affez  confidéra- 
bles  , & qui  nous  donneront  affez  de 
matière  pour  nous  entretenir  quand 
j’aurai  l’honneur  de  vous  revoir.  Ce 
fera  au  plus  tard  dans  quinze  jours  : 
car  je  partirai  deux  ou  trois  jours 
avant  le  départ  du  Roi.  Je  fuis  entie* 
xement  à vous. 


XT  »eRaCIK8. 


AU  M £ s M £. 

* 

\ 

DEnys  d’HalicarnaiTe , poar  mon-^ 
trer  que  la  beauté  du  flyle  con- 
fiée principalemeot  dans  l’arrange* 
ment  des  mots , cite  un  endroit  d^ 
l’OdyfTée , où  UlyiTe  de  Eumée  étant 
fur  le  point  de  fe  mettre  à table  pour 
déjeûoer  , Telemaque  arrive  tout-à* 

, coup  dans  la'  maifon  d’Eumée.  LeS' 

('  chiens  qui  le  Tentent  approcher , n’a* 
boyent  p^t , mais  remuent  la  queuë,- 
ce  qui  fak  voir  à Uiyffe  que  c’eft 
quelqu'un  de  connoiflance  qui  efl:  fur  ' 
te  point  d’entrer.  Denys  d’Halicar- 
nafle  ayant  rapporté  tout  cet  endroir^. 
fait  cette  réflexion  : Que  ce  n’eft 
; point  1e  choix  des  mots  qui  en  fait 
Tagrément  ; là  plûpart  de  ceux  qui  y 
font  employés  , étant , dit-il  , très* 
vils  & très*bas  r%  ^ TwTFeuf-' 

T«^*T  ,mots  qui  font  tous  les  jour» 
dans  là  bouche  des  moindres  labou- 
reurs , & desmoindresartifans  : maia 
qu’ils  ne  lailTent  pas  de  charmer , par 
te  maniéré  dont  le  Fbêtra  eu  foio  dà. 

M 5 


^74^  Lbtties  BoiEEAtr 
les  arranger.  En  lifant  cet  endroit , je 
m fuis  fouveno  que  dans  une  de  vos 
nouvelles  Remarques  , vous  avances 
que  jamais  on  n’a  dit  qu’Homere  ait 
employé  un  fênl  mot  bas.  C’eR  à 
vous  de  voir  fî  cette  remarque  de 
i)eoys  d’HalicarnalTe  n’ed  point  con- 
traire à la  vôtre  , & s’il  n’eft  pointa 
craindre  qu’on  ne  vienne  vous  cbi- 
canner  là-deflus.  Prenez  la  peine  de 
lire  toute  la  réilezion  de  Denys  d’Ha- 
licarnafre  , qui  m’a  paru  très-belle , 
& merveilleufêment  exprimée.  C*eft 
dans  fon  Traité  icH  Qtiiiftmt  wfti'ltn, 
à la  troifiéme  page. 

J’ai  fait  réflexion  aulfl  , qu'au  lieu 
de  dire  que  le  mot  d’âne  efl:  en  Grec 
un  mot  très-noble  vous  pourriez 
vous  contenter  de  dire , que  c’eft  ua 
mot  qui  n’a  rien  de  bas  , & qui  eft 
comme  celui  de  cerf , de  cheval , de 
brebis , &c.  le  tm-mblt  me  paroSt  ua 
peu  trop  fort. 

Tout  ce  traité  de  Denys  d’Hali- 
carnaflê , dont  je  viens  de  vous  par- 
ler y & que  je  relus  hier  tout  entier 
avec,  un  grand  plaiflr  , me  fit  fou  ve- 
nir de  l’extrême  impertinence-d^  M. 
l’errault»  qui  avimce.  qqe  la  (ourdfif 


' ®r  C E R A e i M K S75 

jtaroles  ne  faic  rien  pour  l’éloquence, 
&■  qu’on  ne  doit  regarder  qu’au  fens  ; 
& c’ell'  pourquoi  il  prétend  qu’on 
peut  mieux  juger  d’un  Auteur  pzp' 
ibn  Traduâeur  , quelque  mauvaia^ 
quMl  foit , que  par  la  léâure  tk  l’Au- 
teur même.  Je  ne  me  fouviens  points 
çue  vous  ayex  relevé  cette-extrava'- 
gance  , qui  vous-  donnoje  pourtant- 
beau  jeu  pour  le  tourner  en  ridicule. - 
Pour  le  morde  , qvi 

quelquefois- la  lignification -que  voua, 
favez , il  fîgnifie  fouvent  converfer  * 
iîmplement.  Voici  des  exemples  ti- 
rés de  TEcrhure.  Dieu  dit  à Jérufa- 
lém  , dans  Ezechiel  : Congrtgabo  tihii 
tuntuvres  tmn  cm»  ^bnt  comntfia 
&c.  Dans  le  Prophète  Danià  , les  < 
déux- Vieillards  racontant  comme  ils  ^ 
ont  furpris  Sûfànne  en  adultère  , dî- 
fent , pariant  d’élle  & du  jeune  hom- 
me qu’ils  prétendent  qui  écoit  avec' 
elle  : Vidimiu  ett  jmriter  ctmrnifierL  J\s  ■ 
dilent  aufli  à Sulanne  .• 
bis  y & eommiJçerFttohiJcm»,  \^oi\k  am^  - 
mifetrr  dans  le  premier  fens.  Voici  des 
exemples  du  (ecqnd  lens.  Saint  Paul  ' 
dit  aux  Corinthiens  : Né  cmmïfieM* 
miiû-' finûcarm  tJUiaex,  dt. 

M é 


276  Lettres  de  Boieeav 
merce  avec  les  fomicatettrs.  Et  èxpl^ 
quant  ce  qu’il  a voulu  dire  par-là , il 
dit  qu’il  n’entend  point  parler  des  for» 
nicateurs  qui  font  parmi  les  Gentils  ; 
autrement,  ajoute- t-il , il faudroit re* 
noncer  à vivre  avec  les  hommes  : 
mais  quand  je  vous  ai  mandé  de  n’a- 
voir point  de  commerce  avec  les  for- 
nicateurs  , non  cmmifceri , j’ai  enten- 
du parler  de  ceux  qui  fe  pourroient 
trouver  parmi  les  fidelles  , & non- 
feulement  avec  les  fornicateuFs , mais 
encore  avec  les  avares  , & les  ufur- 
pateurs  du  bien  d’autrui , &c.  Il  en 
eil  de  même  du  mot  cognofcere  , qui 
fe  trouve  dans  ces  deux  fensen  mille 
endroits  de  l’Ecriture. 

Encore  un  coup , je  me  pallêrois  de 
la  faufle  érudition  de  T uflanus , qui  eft 
trop  clairement  démentie  par  l’endroit 
des  ierVântis~3èl^HWiÇi^*M.  Per- 
rault ne  peut-il  pas  avoir  quelque  ami 
Grec  qui  lui  fournifle  des  Mémoires  ? 

A M.  LE  PRINCE. 
Monseigneur  , 

C’eil  avec  une  extrême  recoosoif^ 


1 T D E R A C 1 N E.  272! 
fance  que  j’ai  reçû  encore  au  coin* 
xnencement  de  cette  année  la  grâce 
que  Votre  AltelTe  Sereniflltne  m’ac- 
corde fi  libéralement  tous  .les  ans. 
(i)  Cette  grâce  m efi:  d’autant  plus 
cbere  » que  je  la  regarde  comme  une 
fuite  de  la  proteâion  glorieufe  donc 
vous  'm’avez  honoré  en  tant  de  ren- 
contres , & qui  a toujours  fait  ma 
plus  grande  ambition.  Audi  en  coi^- 
lervant  précieufement  les  quittances 
du  droit  annuel  dont  vous  avez  bien 
voulu  me  gratifier , j’ai  bien  moins  en 
vûe  d’aflurer  ma  charge  à mes  enfans, 
que  de  leur  procurer  un  des  plus 
Aeaux  titres  que  je  leurpuiile  laifièr  , 
|e  veux  dire  , les  marques  de  la  pro- 
teâion  de  V.  A.  S.  Je  n’ofe  en  di- 
re davantage  ; car  j’ai  éprouvé  plus 
d’une  fois  que  les  remercimens  vous 
fatiguentpmqueautanc  que  leslouan- 
■ges.  Je  fuis  avec  un  profond  refpeâ , 

Monseignbvr»  &c. 


[ I 3 Sa  Charge  de  Tidtbrici  de  France  à Moulin» 
dtoic  dans  te  cafiiel  de  M«  le  Prince  , qui  lui  faU|oi|^ 
donna  tons  Us  ans  une  qaiiunce  de  la  Faulette. 


/ 


i78  E'TTREÏ  i)E  Bbll.'EE1T' 


J’Ai  parcouru  tout  ce  que  les  an^- 
. ciens  Aoteurs-oRt  dit  de  la  Déefie 
Ifîs , & je  ne  trouve  point  qu’elle  ait 
été  adorée  en  aucun  pays  fous  la  figu* 
re  d’une  vache  ; mais  feulement  ibus 
]a  figure  d’une  grande  femme  tome 
couverte  d’un  grand  voile  de  diffe* 
rentes  couleurs , & ayant  au  front 
deux  cornes  en  forme  de  croiffant* 
Les  uns  difent  que  c’étoit  la  Lune  , 
les  autres  Cerés  , d’autres  la  Terre  > 
& quelques  autres  cette  même  lo  , 
qui  fut  changée  en  vache  par  Jupi> 
ter. 

Mais  voici  ce  que  je  trouve  di> 
Dieu  Apis  , qui  fera  » ce  me  femble^ 
beaucoup  plus  propre  à entrer  dans 
les  ornemens  d’une  Ménagerie.  Ce 
Dieu  étoit , dit-on  , le  même  qu’O- 
liris  , c’eft-à-dire , ou  le  mari  » ou  le 
fils  de  la  Déeflè  Ifis.  Non-feulemene 
ü étoit  reprefenté  par  un  jeune  Tau- 
reau , mais  les  Egyptiens  adoroieni 
fia  eSet , feus  le  nom  d’Apis , aa 


.iT  DE  Racine.  279 
.jeune  Taureau  bien  bûvanc  & bien 
mangeauE  ; & ils  avoient  foin  d’en 
.fubfticuer  toujours  un  autre  en  la  pla* 
ce  de  celui  qui  mouroie.  On  ne  le 
iaiflbit  guere  vivre  que  julqu’à  l’âge 
d’environ  huit  ans , après  quoy  ils  le 
noyoienc  dans  une  certaine  fontaine, 
£t  alors  tout  le  peuple  prenoit  le 
deuil , pleurant  ôc  faifant  de  grandes 
lamentations  pour  la  mort  de  leur 
Dieu  , jufqu'à  ce  qu’on  l’eût  retreu* 
vé.  On  étoit  quelquefois  aifez  long- 
tems  à le  chercher.  11  falloir  qu’il 
ooir  par  tout  le  corps.,  excepté  une 
tache  blanche  de  figure  quarrée  au 
milieu  du  front , &,  une  autre  petite 
tache  blanche  au  flanc  droit , faite  en. 
forme  de  croilTant.  Quand  les  Prêtres 
l’avoieot  trouvé  , iis  en  donnoienc 
avis  au  peuple  de  Memphis  : carc’é- 
toit  principalement  en  cette  ville  que 
Je  Dieu  Apis  étoit  adoré.  Alors  on 
alioit  en  grande  cérémonie  au-devant 
de  ce  nouveau  Dieu  j & c’efl.  cette 
efpèce  de  proceffion  , qui  pourrok 
fournir  de  fujet  à un  affez  beau  ta- 
bleau. 

Ces  Prêtres  marchoient  habillés  dé 

sobbes  de  lin  ayant  tous  la  céie 


280  Lettkes  x>'e  Boiceev 
fe , & étant  couronnés  de  chapeaux 
de  fleurs  , portant  à la  main , les  uns 
un  encenfoir , les  autres  un  fiflre  ; 
c'étoit  une  efpéce  de  tamboor*de' 
bafque.  Il  y avon  aufli  une  troupe 
de  jeunes  enfans  habillez  ^ tin , qui 
danfoient  & chantoieat  des  Garni' 
ques  ; grand  nombre  de  joueurs  de 
flûtes  « & de  gens  qui  portoient  à 
manger  pour  Apis  dans  des  corbeib 
les  ; & de  cette  forte  on  amenoit  le 
Dieu  jufqu’à  la  porte  de  fon  Tem> 
pie  y ou  pour  mieux  dire  , il  y aTok 
deux  petits  Temples  tout  environ' 
nés  de  colomnes  par  dehors  , & aux 
portes , des  Sphinx  y à la  maniéré  des 
Egyptiens.  On  le  taiflToit  entrer  (kns 
celui  de  ces  deux  Temples  qu’il  vou' 
loit , & on  fondoit  même  for  fon 
choix  de  grandes  conjeâures  ou  de 
bonheur  , ou  de  malheur  pour  l’ave- 
nir. 11  y avoit  auprès  de  ces-  deux 
Temples  un  puits  , d’où  l’on  tiroit  de 
l’eau  pour  fa  boiiron  : car  on  ne  lui 
laii&it  jamais  boire  de  i’eao  do  Nik 
On  confultoit  même  ce  plaifant  Dieu  ; 
& voici  comme  on  s’y  prenoit.  On 
lui  préfentoit  à manger  : s’il  .en  pre- 

soit  > c’étoit  use  répoolè  sréo'favo; 


• I 

etdeRacike.  sH 
xabie  ; tout  au  contraire  , s’il  n’en 
prenoit  point.  On  remarqua  même  j 
dit-on  , qu'il  refufa  à manger  de  la. 
main  de  Germanicus  , & que  ce  Prii> 
ce  mourut  à deux  mois  de-là. 

Tous  les  ans  on  lui  amenoic  à cer- 
tain jour  une  jeune  Genifle  , qui  avoit 
aufli  Tes  marques  particulières.  Et  ce- 
la fe  faifoic  encore  avec  de  grandes 
cérémonies. 

Voilà  , Mons  eignevr  , le  pe> 
tit  mémoire  que  V.  A.  S.  me  deman- 
da il  y 3 trois  jours.  Je  me  tiendra 
in£niment  glorieux  toutes  les  fois 
qu’elle  voudra  bien  m’honorer  de  fet 
ordres  , & m’employer  dans  toutes 
les  chofes  qui  pourront  le  moins  dit 
monde  contribuer  à Ton  plaifîr.  Je 
fuis  I avec  un  profond  refpeâ  > 

DeV.A.S. 


I 


♦ 


sg2  Lettres  &e  Boilbeit 


LETTRE  ECRITE  A M.  RACINE 
par  M.  i>E  Güilleragües  , 
Ambaf^deurde  France  àCoa&kB* 
tinople. 

jht  lalah  de  Vrtmee. 

'^PeP4lef,Jnmi6t^ 

I 

Ï’Ai  été  fenfîblement  attendri.  & 
flatté  y Monfieur  , à la  le&ure  de 
|a  Lettre  qse  tocs  m’avez  fait  l’hon- 
neur de  m’écrire.  Eloigné,  de  vous  , 
& des  repréfentations  qui  peuvent  en 
/knpofer  fur  vos  Tragédies  , & très- 
I dégoûté  des  pays  fameux,  que  vous 
avez  chantés  ; vos  oeuvres  cependant 
me  paroiflent  plus  belles  que  jamais^ 
Oüi,  Monfieur  , je  fuis  très^égoû- 
té  de  ces  pays , dont  les  Postes  & les 
Hifioriens  de  l’antiquité  ont  dit  de  fi 
belles  choAfS  ; & je  vois  qu’ils  n’é- 
toient  pas  d’exaéls  obfervateursdela 
vérité. 

Le  Scamandre  & le  Simoîs  font 
iêc  dix  mois  de  l’année  : leur  lie 


ST  DS  RaCINB.  29s 
n'ed  qu’un  foffé.  L’Hébre  eR  une 
riviere  du  quatrième  ordre.  La  Nato- 
Jie , le  Font, la  Nicomédie,  l’Itaque» 
préientetnent  la  Céphalonie,Ia  Macé- 
doine , le  terroir  de  LariiTe , & celui 
d’Atbéues , ne  peuvent  jamais  avoir 
fourni  la  quinziéme  partie  dea  hom- 
mes dont  lés  Hiftoriens  font  mentiom 
Il  eil  impoiüble  que  ' tous  ces  pays  j, 
cultivé»  avec  des  foins  imagin^les> 
aient  jamais  été  fort  peuplés.  Le  tei>^ 
Toir  eft  prefque  par-tout  pierreux;,, 
ntide , & fans  riviere.  On  y voit  de» 
montagnes  & des  côtes  pelées,  plu» 
miciennes  que  tous  les  Ecrivains.  Le 
port  d’Aulide , abfolument  gâté  , peut 
avoir  été  bon  i mais  il  n’a  jamais  p(| 
contenir  les  mille  vaidèaux  des  Grecs4 
ni  mille  barques.  Délos  eil  un  miféra-T 
ble  rocher.  Cythère  & Paphos  foncl 
des  beux  affreux.  Cythère , ou  Céri-' 
que,  eft  une  petite  Iffe  , la  plus  défa- 
gréi^le  & la  plus  infertile  qui  foit  an 
monde.-  Il  n’y  a jamais  eu  un  air  plus 
corrompu  que  celui  de  Paphos,  abfo* 
lument  inhabitée.  .Naxe  ne  vaut  pas 
mieux.  Les  Poètes  apparemment  met- 
toient  Vénus  dans  les  lieux  où  ils 
avokntJeurs  makceilès  i mais  ils 


584  LÉTTftES  DE  B01LEATr^ 
très-mal  placée.  Je  ne  vous  parle  point 
de  deux  mille  Evêchés  en  Grèce  , 
nommés  dans  ThiftoireEccléfiaftiquei 
qui  ne  peuvent  avoir  eu  douze  parois 
fes  chacun. 

J’eufle  voulu  que  vous  fouvenant 
de  l’attadiement  que  j’ai  pour  tout 
ce  qui  vous  touche  , vous  m’èuQiez 
.écrit  quelque  chofe  de  votre  famille. 
Jè  crois  te  petit  Racine  bien  vif:  je 

Î)révois  qu’à  mon  retour  je  n’olèrM 
’attaquèr  fur  le  Grec  ancien  ; mais  je 
J’étonnerai  avec  le  Grec  vulgaire  , 
tangue  auffi  corrompue  & auffi  mifé^ 
râble  que  l’ancienne  Grèce  l’eft  de- 
venue. 

Adieu , mon  cher  Monfîèur , con- 
tinuez de  me  donner  des  marques  de 
fouvenir  dp  notre  àndenne  amitié  , 
& écrivez  - moi , quand  même  vous 
devriez  encore  nae  traiter  de  Monlèi- 
gnepr.  Je  ne  fais  pourquoi  vous  me 
donhez  libéralenaent  quelque  parc  à 
vos  Tragédies,  quoique  je  n’en  aie 
jamais  eu  d’autre  que  celle  de  la  pre- 
mière admiration.  Vous  m’avez  ap 
pris  bien  des  choies , au  • lieu  que  je 
ne  vous  en  ai  jamais  appris  qu’une.. 
|e*vous  ai  découvert  qu’un  TréiR> 


ST  DB  Racine.  295 
tier  de  France  prend  )e  titre  de  Che* 
valier , & a le  droit  honorable  d’être 
enterré  avec  des  Eperons  dorés.  H 
se  doit  donc  pas  prodiguer  légère* 
ment  le  titre  de  Monfeigneur.  Vous; 
Be  me  marquez  pas  fi  vous  voyez] 
foaveat  M.  le  Marquis  de  Seignelai.  ; 
Adieu , mon  cher  Monfieur. 


DE  RACINE, A BOILEAU.  J 


ji  Verfd^fs  U.  4.  Avril  i6ç&. 


JE  fuis  très  -obligé  au  P.  Boohours 
de  toutes  jes  honnêtetés  qu^il  vous  a 
prié  de  me  faite  de  fa  part  & dçJa  parc 
de  fa  Compagnie.  Je  n’avois  point  en- 
core entendu  parlâr  de  la  bàrangue  de 
leur  Régem:&  comme  ma  conlcience 
Be  me  reprocboit  rien  à l’égar^  desjé-.. 
fuites , je  vous  avoue  que  j’ai  été'oti 
peu  furpris  que  Pon  m’eût  déclaré  la 
guerre  chez  eux.  Vraifemblàblemenc 
ce  bon  Régent  efi:  du  nombre  de  ceux 


(1  ) Dans  fil  vie  U efi  dit  l quelk  occadeuxette  Letm 


»S8  Lettres  >e  Boileav 
iQ’empêcha  d'exécuter  ce  projet: 
j’efpere  qu’il  ne  fera  que  différé.  En 
attendant , fî  vous  nous  jugiez  dignes 
de  lire  vos  derniers  Ouvrages , & que 
vous  vouluffiez  nous  les  envoyer^ je 
trouverpis  mon  pauvre  petit  prélent 

}>lu6  que  payé.  Notre  ami  M.  Racine 
kit  notre  adreffe  , quoiqu’il  ne  s’en 
lerve  point  ; mais  vous  êtes  tous  fi 
dévots,  que  je  ne  fuis  point  étonnée 
de  vous  perdre  de  vûe.  Cependant 
je  ne  vous  eftime  & ne  vous  hono* 
re  pas  moins. 


L&TTRE  DEBOILEAU 

aM.  DE  M ONO  HBSMAl.  Cl) 

« • 

PUifque  vous  vous  détachez  de 
l’intérêt  du  Ramoneur,  je  ne  vois 
pas , Monfîeur  , que  vous  ayez  aucun 

fujet 


( I ) Je  mets  ici  eettelettre  , ntm  • ièaleinciit  parce 
qa*elle  appiend  reffet  que  produifircnt  deux  vers  de 
9ritannîcus  > mais  parce  qu'elle  comienc  la  chèfîe  que 

( Boileau  foutim  devant  M.  Arnaud  * comme  je  Tai  lap- 
'porté  dans  la  vie  de  mon  Pere.  Il  avoir  (butenu  la  me- 
me thèfe , en  préfence  du  P . Maffilion  , contre  M.  de 
Bionchefnai  ,*auteizr  du  BoIæana>  qui  lui  envoya  enlbiic 
'line  di^fcttatioA  fui  cette  xnattcie  ; &ie  paquet  fntpottc 


ET  1>E  RÂCIKE.. 
fejet  de  vous  plaindre  de  moi , pour 
avoir  écrit  que  je  ne  pouvois  juger 
à la  hâte  d’ouvrages  comme  les  vô> 
très , & fur  • tout  à l’égard  de  la  quef- 
tioti  que  vous  e^amez  fur  la  Tragé* 
die  , & fur  la  Comédie  que  je  vous 
avoué  néantmoins  que  vous  trai* 
tiez  avec  beaucoup  d’efprit.  Car  pui{- 
qu’il  faut  vous  dire  le  vrai , autant 
que  je  puis  me  relTouvenir  de  votre 
^rniere  pièce , vous  prenez  le  chan* 
ge  , & vous  y confondez  la  Comé- 
dienne avec  la  Comédie  , que  dans 
mes  raifonnemens  avec  le  P.  Maffîl- 
Ion  , j’ai  y comme  vous  favez,  exaâe* 
ment  féparées.  Du  relie  , vous  y 
avancez  une  maxime  qui  n’eft  pas  , 
ce  mé'femHè  ,'fôutenable  $ c’eft  k 
lavoir  , qu’une  chofe  qui  peut  pro- 
duire quelquefois  de  mauvais  effets 
! dans  des  efprits  vicieux , quoique  non 
I vicieufe  d’elle-même  , doit  être  abfo- 
; 1 liment  défendue  , quoiqu’elle  puiflc 


pai  ;ttn  Ramoneur.  Boileao  , forprisdu  mcflàger , en  fît 
otwlqr^siaillencs.  M-  de  Moac^fitai  en  éQnrThèinoé 
lui  derme  une  Letue  que  je  ne  rapporte  point , parce 
qu*elle  ne  contient  que  des  plaifanteries  (ur  le  R.amo« 
iieiir , & que  cet  plaifanteries  n'ont  rien  d'ssréable.  Lâ 
»j^me  de  l'aotcui  du  Mrnuun'dtoit pu  légère. 


Tfml, 


XÇO  LkTTXES  de  BoiLEltr 
il’aiileors  lervir  au  délafletneut,  & x 
l’ioftruâion  des  hommes.  Si  cela  eft, 
ÿ De  fera  plus  permis  de  peindre  dans 
les  Egtifes  des  Vierges  Maries , ni 
^es  Suzannes  , ni  des  Magdelaines 
agréables  de  vifage  , puifqu’il  peut 
fort  bien  arriver  que  leur  afpeâ  exci- 
te la  concupifcence  d’un  ^prit  cor- 
rompu. La  vertu  convertit  tout  en 
bien  , & le  «vice  tout  en  mal.  Si  vo- 
tre maxime  eft  reçâe  , il  ne  -^udra 
plus  non- feulement  voir  repréfenter 
ni  Comédie  , ni  Tragédie  , mais  il 
n’en  faudra  plus  lire  aucune  ; il  ne 
faudra  plus  lire  , ni  Virgile , ni  Théo- 
<crite  , ni  Terence  , ni  Sophocle  , ni 
Homere;^  & voilà  ce  que  demandoîc 
Julien  rApoflar^.&  qui  lui  attira  cette 
épouvantable  diffamation  de  la  parc 
^s  Peres  de  l’Eglife.  Croyez  - moi  , 
Mpnfieur  , attaquez  nos  Tragédies 
■âl  nos  Comédies  , puifqu’elles  fonc 
«ordinairement  fort  vicieufès  ; mais 
i\!attaquez  point  la  Tr^édie  & la 
Comédie en*général , puisqu’elles  font 
d’elles  - mêmes'  îhdifiereM«»TOomme 
Je  Sonnet.&  les  Odes , & qu’elles  onc 
jquelquefois  reêlifié  l'homme  plus  que 
jEQdJleuces  prédicaÔQos poiur 


Ht  » E R 1 c !»  a:  zpt 

vous  en  donner  an  exemple  admira- 
ble , je  vous  dirai  qu’un  grand  Prin- 
ce qui  avoir  danfé  à pludeurs  ballets  A 
ayant  vû  jouer  le  firitannicus  de  / 
Racine  , où  la  fureur  de  Néron  à 7 
monter  fur  le  Théâtre  eft  fi  bien  atta-^ 
quée  y il  ne  danfa  plus  à aucun  bal-/ 
iet , non  pas  même  au  cems  du  caryi 
naval,  fl  n’eft  pas  concevable  de  com-/ 
bien  de  mauvaifes  chofes  la  Comédie 
a guéri  les  hommes  capables  d*^ètre 
guéris  : car  j’avoue  qu’il  y en  a que 
tout  rend  malades.  Enfin  , Monfieur, 
je  vous  foutiens , quoi  qu'en  dife  le 
F.  Mafiillon  , que  le  Poëme  dram:^ 
tique  efi:  une  Poëfie  indiâTérente  dé 
foi  • même , & qui  n’eft  mauvaile  qtie 
par  le  mauvais  ùfage  qu’on  en  fait. 
Je  foutiens  que  l’amour , exprjraé 
chaftement  dans  cette  Poëfie  , non 


feulement  n’infpire  point  l’amour; 
mais  peut  beaucoup  contribuer  Ù 
guérir  de  l’amour  les  eCprits  bien  faits; 
pourvû  qu’on  n*y  repande  point  d’ima- 
ges , ni  de  fenttmpn»  v^liipEîîipnT. 
<ÿe  yir  y 1 IJ&elqu'un  qui  ne  laiflè 
pas , malgré  cette  précqulioa-rdc  s’v 
corrompre , la  fâute^^vient  de  lui  « de 
aôn  pES  dé  laXbmêdtô.  Du  refte  je 

Ns 


« 


«9^  LeTTRBS  ITB  BaiLEAÜ 

^us  abandonne  le jPassé^ieQ  « & Is 
-plûpart  de  nos  Poëtes^  & même  M. 
llacine  en  plufîeurs  de  fea  pièces. 
Enfin , Monfieur , fouvenez-vous  que 
llamoar  d’Hèrode  pour  Mariane  dans 
Jofeph  ^ eft  peint  avec  tous  les  traits 
les  plus  ienfibles  de  la  vérité.  Oepea* 
dant  -quel  ell  le  fou  qui  a jamais  « 
pour  cela , défendu  la  leèture  de  Jo- 
ieph  ? Te  vous  barbouille  tout  ce  ca* 
tievas  de  dilTertations  , afin  de  vous 
montrer  que  ce  n’efi:  pas  fans  raifoa 

Î|ue  j’ai  trouvé  à redire  à votre  rai* 
bnnemeoL  J’avoue  cependant  que 
votre  Salure  efi  pleine  de  vers  bien 
trouvés.  Si  vous  voulez  répondre  à 
. mes  objeâions  , prenez  la  peine  de 
Ale  faire  de  bouche  , parce  qu’autre- 
\^ent  cela  traSneroit  à l’infini  : ( t) 
mais  fur -tout  trêve  aux  louanges; 
je  ne  les  mérite  point , & n’en  yeux 
point.;  j’aime  qu’on  me  life,  & noa 
qu’on  me  Joue.  Je  fiiis , &c. 


( I ) ’M.  de  Moncbernaî  avokfait  des  'Satyres  dans 

€ê  Lettre  de  plainte  à Boileau  fur  des  plaifaiiteiie»  qu*il 
«voit  faites  à l-occafion  du  Ramoneur^  il  lui  rappelloit 
que  dans  fies  Satyres  , fon  nom  fe  trouvoit  fbuveot  avec 
dloge.  Sa  longue  léponfe  à cette  Lettre  de  Boileau  > fe 
«couve  dans  les  MémoUes  de  Littcnuiue  dpiindspu  Jhs 


r T DE  11  A C I ir  B. 


LETTRE  DE  ROU&SEAU 

A BoIImEA  V*.  I 

VOus  me  dîtes  , Moniïeur  ^ kB 
dsrniere  fois  qae  j’eas  l’honneur 
de  vous  voir , que  vous  n'aviez  point- 
l'édition  qui  a*  été  faite  en  fiollan^ 
de  votre  dialogue  fur  les  Romans,  petv 
ai  cherché'  -un  exemplaire  , que  j’aà 
feit  copier  par  un  homme  véritable- 
ment qui  feroit  excellent  pour  écrire: 
fous  un  Minière  les  fecrets  de  l-’Etat^ 
J’ai  corrigé  du  mieux  que  j’ai  pû  les 
&utes  de  ce  rare  copilte  ; & je-  foo- 
haite  que  vous  perGfliez  dans  le  delV y 
fein  de  corriger  celles  qui  appartiea/ 
nent  aux  perfonne»  qui  ont  fait  im- 
primer l’ouvrage  même.  Tel  qu’il  ell,. 
je  neconnois  perfonnequî  n’eût  été- 
fi-appé  dés  plâifanteries  ingénieu(es< 
qui  y font  répandues.  II  n’y  a que  vous 
au  monde  qurfoyez  capable  de  faire* - 
ibntir  dans  un  aulli-  petk  nombre  der 
pages  , tout  le  ridicule  d'une  infinité^ 
prodigieufe  de  gros  volumes  : & on 
: æ croira  jamais  que  vous  ayez  ptt 

N g. 


* t DE  R A C I sr  I. 

^cn  fociété  académique  dep^uis  plus  de 
vlngc  années  ; mais  en  relifanc  vos» 
admirables  écrits  , j’ai  été  cruelle- 
ment  détrompé  par  des  correâions' 
& des  additions  qui  ne  peuvent  avoir 
été  faites  fans  que  'vous  ayez  fongé' 
à l’intérêt  que  j’y  pouvois  prendre. 
J’aprois  patTé  fous  fllence  le  premier 
de  ces  endroits  , dont  je  me  fens^ 
bleiTé  , s’il  s’étoit  trouvé  feul , quoi- 
qu’on vérité  laeirconftance  rende  la* 
ehofe  un  peu  dure  à digerer.  Voicii 
Jes  vers  de  vos  précédentes  éditions^ 
jirt.To€t,  c. 

» 

Les  vers  ne  Ibuffretit  point  de  médibcte  Au^ 
teur: 

■ Set  écrits  en  tous  lieux  font  l’effiroi  dir 
leâeur: 

Ck>ntre  eux  dans  le  Palais  tes  boutiques 
murmurent, 

Et  les  ais  chez  Billain  à regret  les  endurent^  ■ 

Qui  croiroit  que  de  11  beaux  ver»-' 
ctrllênt  demandé  quelque  corre^onf’ 
Cependant  la  voici. 

Q.uiditfroidEciivain,  dit  detefiable  Au« 
teui;; 

N4 


^^6  Lb'ttkbs  i)B  BorLEAxr 
Beyer  eft  i Pinchene  égal  pour  le  Tee» 
teur,  && 

Je  vous  larde  vous>tnême , Monfiear, 
juge  entre  les  vers  que  vous  ôtez, 
& ceux  que  vous  mettez  en  leur 
place.  Voilà  donc  le  pauvre  Boyer, 
quatre  ou  cinq,  ans  après  fa  mort, 
mis  par  vous  au  nombre  des  Poëtes 
détedables  , puifque  , félon  vous  , 
U foint  de-  degri  d»  médiocre  a» 
fire.  Cependant , fans  vous  conteiler 
fon  mérite  , vous  favez  qu’il  a tou* 
jours  demeuré , & ed  mort  dans  no- 
tre maifon  j maifon  ad*ez  aimée  des 
igens  de  Lettres.  Je  mé'ritois  peo^ 
iétre  bien  tout  feul  que  vous  laiflaf 
\£ez  fon  ombre  en  repos: 

Venons  à l’autre  changement.  Voî* 
ci  les  vers  de  voa  précédentes  édi- 
tions. 

Bt  qu’importe  à nos  vers  que  Perrin  les  ad- 
mire , 

Que  l’Auteur  de  Jonas  s’eroprefl'e  de  les  lir^ 
Fourvû  qu’ils  ûichent  plaire  au  plus  puiflàat 
des  Rois  t 

yoici  l’addition- 


k 


1 T »•  E R.  JT  C r W E. 

Qu’ik  dnrinent  de  Senlis  lePoëteidiot  > - 
Ou  lefec  traducteur  du  François  d’Amiot. 

Qui  ne  voit  que  ces  deux  vers,  voo»: 
ont  beaucoup  coûté & que  vous  ner 
ks  avez  ajoûtés  que  pour  déshonoreir 
vn  homme  ,.en  le  notant  d’une  igao- 
fance.  dont  perfonne  ne  l’a  accufé  'T 
Je  me  fouviens  que  fur  ce  vers  ^ que:r 
vous  n’avez  point  voulu  perdre  , &- 
qu’un  petit  reilèntiment  mal  fondé- 
TOUS  avoit  fait  faire  , feue  Madame- 
de  la  Sablière , & quelques  autres  per- 
f6nnes,..vous-prierent  de  le  fupprimer^ 
dt  que  vous  le  promîtes.  U ne.Teftoîr.- 
donc  plus  qpe  moi  ,,qu!il  ne  vous  im-r 
p.ortoii  guère  de  fâcher.  Caf  comment 
voulez- vous.que  j’explique  cette  ad-r 
dition  ? Je  ne  veux,  pas  déhattrer 
Tes  dédiions  de  vos  Dodieurs  ; maia^ 
|é  fais  qu’en  bonne  loi  de  l’Evan- 
gife , il  n’ell'  pas  permis  de  fâcher  pei— 
Tonne,  & moins  encore  un  ami  ^ .pour! 
un  bon  mot.  Je  ne  foutiendraipas  non^ 
plus  la  traduttion  que  vous  blâmer, 

?ui  e(l  pourtant  à la  feptiéme  éditionv 
i).  Je  vous  (Hrai  feulement  que  c&:- 

tHm^mÊÊÊÊÊmmimtimÊmÊÊÊtÊÊÊÊÊtÊÊÊÊÊÊÊÊmÊmÊiÊÊÊÊKÊÊÊKÊ$k-' 

( 1 > Ce  qui  fait  grand  botincur  \ PlnWque.  Cettat 
de  Paul  XaUemant,  proche  parent  dcceito* 

H s 


yjtçS  LsmEs  ÔE  Boile iir 
Traducteur  porte  un  nom  , que  vont 
pouviez  épargner.,  quand  ce  n’eûc  été 
que  pour  l’amour  de  moi.  Je  ne  me 
plaindrai  à perfonne  ; cette  Lettre  efl 
écrite  à plume  courante.  J’ai  voulu 
feulement  vous  décharger  mon  cœur; 
& je  ne  veux  d’autre  vengeance  de 
vous , que  le  reproche  fecret  que  vous 
( vous  ferez , malgré  que  vous  en  ayez , 
^d’avoir  contrifté,  de  gayetédecœur, 
%n  homme  avec  qui  vous  avez  tou- 
jours vécu  en  amitié , & qui  n’en  eü 
peut-être  pas  indigne , non  plus  que 
de  votre  eflime.  Je  vous  prie  cepen- 
dant d’étre  perfuadé  , que  malgré  le 
que  vous  m’avez  fait , je  fuis 
'très-chrétiennement  ^ c’eft-à-dire  , 
tréa-fîncerement,  & fans  détour  » vo- 
tre trés-humble , &c. 


Joi  qui  a écrit  cette  Lettre  , 0c  qui  éioit  comme  tiii  de 
l'Académie  Franfoi(b. 


E T D E R A C l'ir'tf.  299 


DE  BOILEAU  A M.  LE  DUC  DE ... 

JE  ne  fais  pas , Monseigneur  , fur  . 

quoi  fondé  , vous  croyez  qu’il  y a i 
de  l’équivoque  dans  mon  procédé 
votre  égard  , au  fujet  de  ma  Satyre 
contre  l’Equivoque.  Vous  favez  bien 
que  vous  êtes  un  des  premiers  à qui 
j’en  ai  récité  des  vers  dans  le  tems- 
qu’elle  n’étoit  encore  qu’ébauchée.  Je 
l’ai  achevée  en  votre  abfence  ; & 
vous  aviez  été  à Paris  , je  n’auroiS  ' 
pas  manqué  de  vous  la  porter  fur  le' 
champ , non  pour  m’attirer  vos  louan- 
ges, mais  pour  recevoir  vos  avis.  A ‘ 
votre  défaut  , je  l’ai  lâe  à pluHeurs* 
perfonnes  que  vous  cornioifiez  , & qui  < 
m’en  ont  tous  parlé  avec  des  éloges  ■ 
- que  je  défefpére  qu’elle  puifle  foute- 
nir.  M.  le  Cardinal  de  Noailles  m’en' 
a paru  extrêmement  fatisfait  f maia< 
en  méme-tems  , il  a approuvé  le  def- 
fein  oît  je  lui  ai  dit  que  j’étois  de  la 
tenir  fecrette  , & d’empêcher  l’éclac 
qu’elle  alloit  faire  : car  j’y  attaque  trés- 
bardiment  toute  la  morale  des  mauvais- 
Cafuiftes.. . . N 6 


A V E R T ISS  EM  E N T. 


Le  premier  RecueiT  a faio 
connoîcre  la  vivacité  dut 
jeune  homme  qui  n^ime  que  les. 
Vers  : dans  Te  fécond  Riecueil;  on 
^ vd  la  cordialité  avec  lai 
dans  un  âpe  plus  ay;^jicé  ^ il  écri- 

iîme  ami  ; voici  le 
Pere  de  famiUeen  déshabillé  au: 
milieu  de  fes  enfans.  Les  Lettres, 
fui  vantes,  par  les  petits-  détaila 
qn<*elles  contiennentv&  parleur 
ityl'e  fîmple , font  mieux  connol^ 
tre  le  caraâère  de  celui  qui  les  a 
écrites , que  des  Lettres  plus  tra> 
caillées.  Il  aimoit  également  tous 
iës enfans,  n’étant  occupé  qu’à 
entretenir  l’union  entre  eux. 
JLorfqu’il  en  voyoic  un  inconu 
modéjil  étoic  dans  desagitatiops. 
çoncmuélles.  Po,urquoi  m 


avertissement: 

marié  ? s’écrio*r.il  > & il  fe  rappel, 
loir  ces  deux  Vers  de  Terencc; 

iVah  1 quemquamne  Kominem  in  animum 
I iniUtuereaut 

Iparare  ^^uodfit  carius , quàm  ipfe  eft  iîbi  l 

C’eff  cette  tendrefle  que  re^i- 
jrent  les  Lettres  qu’on  va  lire. 


TROISIE’ME  RECUEIL- 

*^10 

^çJli3ÇJwJUÇ»AJÇâA^*CJL^^ 

LETTRES  DE  RACINE 

A SON  R I L S. 


jIu  Camp  devant  NuntHrle  31  Mai. 

VOus avezpû  voir,  mon  cheren» 
fant , par  les  Lettres  que  j’écris  à 
votre  mere , combien  je  fuis  touché 
de  votre  maladie  , (i)  & U peine  ex- 
trême que  je  relTens  de  n’ètre  pas  au- 
près de  vous  pour  vous  confoler.  Je 
vois  que  vous  prenez  avec  beaucoup 
de  patience  , le  mal  que  Dieu  vous 
envoie , & que  vous  êtes  exaê);  à faii% 
tout  ce  qu’on  vous  dit  : il  efl:  très-im- 
portant pour  vous  d’être  docile.  J’ef- 
pere  qu’avec  la^ace  de  Dieu , il  ne 


(i)  MauftcfcatoîK  alosa  U ^le  vetok. 


3o<$  Lcttkes  SB  Kàcittz 
TOUS  faflent  plaiGr  , jufiju’à  ce  que  le  l 
'"iMédecia  voBS  donne  penuiffion  à 
recommencer  votre  travail.  Faita 
bien  des  amitiés  pour  moi  à M.  votre 
Préceptenr  , & faites  enforte  qu’il  ne 
•fe  repente  point  de  teutes  les  peines 
qn’il  a prHes  pour  vous.  J’efpere  que 
j’aurai  bientôt  le  plaifir  de  voas  re 
voir  , & que  la  réunion  du  château 
de  Namur  fuivra  de  près  celle  de  k 
ville.  Adiea  ».  mon  cher  fils  , faites 
bien  mes  complimens  à vos  fœurs  : je 
ne  fais  pourtant  fi  on  leur  permet  àt 
vous  rendre  vifite  ; attendez-  donc  à 
leur  faire  mes  complimens  » quand 
-vous  f^ez  en  état  de  les  voîTi.. 


uiu  dè  Thuufiet  te  J«/Vi 

V Ous  me  faites- plaifir  de  me  ren- 
dre compte  des  leéhires  que  vous 
.iaites  mais  je  vous  ezèorte  à ne  pas 
donner  toute  votre  attention  aux  Poè- 
tes François.  Songez  qu’ils  ne  doivent 
Ærvir  qu’a  votre  récréation , & non 
pas  à votre  véritable  étude.  Ainfije 
Âuhaittereis  que  vous,  priiliez  quel- 


 son  Fil  s.-  go7 
qaefois  plaifir  à m’entretenir 
mère  , de  Quintilien  , & des  autres 
Auteurs  de  cette  natnre.  Quant  à vo> 
tre  Epigramme,  ( i )je  voudrois  que 
TOUS  ne  l'euiTiez  point  faite.  Outre 
qu’elle  eil  alTez  médiocre , je  ne  fait* 
rois  trop  vous  recommander  de  ne 
vous  point  laifl^r  aller  à la  tentation 
de  faire  des  vers  François  » qui  ne  fer* 
viroient  qu’à  vous  dilTiper  l’efprit  : 
fur-tout  il  n’en  faut  Ëiire  contre  per- 
fonne. 

M.  Defpréaux  a un  talent  qui  lui  efl 
particulier , &qui  ne  doit  point  vouai 
lervir  d'exemple, ni  à vous  ni  à qui  quel 
ce  foit.  Il  n’a  pas  feulement  reçû  du  i 
ciel  un  génie  merveilleux  pour  fa  Sa-f 
tyre  ; mais  ü a encore  outre  cela  un  « 
jugement  excellent  , qui  lui  fait  dif^  ? 
cerner  ce  qu’H  faut  louer  , & ce  qu’il 
faut  reprendre.  S’il  a la  bonté  de  vou* 
loir  s’amufèr  avec  vous  , c’ell  une  des 
grandes  félicités  qui  vous  puiflent  ar- 
river ; & je  vous  conleille  d’en  bien 
profiter , en  l’écoutant  beaucoup , Sc 


( I ) Mon  fr0re  • qui  écoic  alors  en  Rh^oriqoe  , crut 
le  regaler  en  lui  cnvoyjnt  une  Epigramme  qu*tl  avoig 
faite  ittt  la  difj^ute  emte  BoUuia  U Piexiault» 


Lettres  de  Racine 
en  décidant  peu.  Je  vous  dirai  aoS 
que  vous  .me  feriez  plaifîrde  vous  at- 
tacher à votre  écriture.  Je  veux  croi- 
re que  vous  ayez  écrit  votre  Lettre 
'}  fort  vîte  : le  caraâère  en  paroît  bean- 
V coup  négligé.  Que  tout  ce  que  je  vois 
|)is , ne  vous  chagrine  pcnnt  : car  do 
fefte  je  fuis  très-content  de  vous-  ; & 
je  ne  vous- donne  ces  petits  avis , que 
pour  vous  exciter  à faire  de  votre 
mieux  en  toutes  choies.  Votre  mère 
vous  fera  part  des  nouvelles  que  je  lui 
mande.  Adieu  , mon  cher  fils  y je  ne 
^is  fi  je  Ibrai  en  état  d’écrire  » ni  t 
vous , ni  à perfonne  de  plus  de  quatre 
jours  ; mais  continuez  àme  donner-de 
vos  nouvelles.  Parlez*moi  aafli  un  pes 
de  vos  fœurs  .,  que  vous  me  ferez. plai- 
fir  d’embralTer  pour  mou 


( 


i,  SON  Fil  s.  3 0^». 


uiVontuinAleMile  y.Oütbre,  ' 

LÀ  relation  que  tous  m'avez  em- 
voyée  m’a  beaucoup  diverti , & 
je  vous  fais  bon  gré  d’avoir  Tongé  à la 
copier  pour  m’en  faire  part.  Je  l’ai 
montrée  à M.  de  Montmorenci , & 
à JM.  de  Chevreufe.  Je  fuis  toujours 
^onné  qu’on  vous  montre  en  Rhéto* 
Tique  les  fables  de  Phèdre , qui  fem> 
blent  une  leâure  plus  proportionnée 
à des  jgens  moins  avancés.  Il  faut 
pourtant  s’en  fier  à M.  Rollin , qui  a 
beaucoup  de  jugement  & de  capacité. 
On  ne  trouve  les  fables  de  M.  de  la 
Fontaine  ^ue  chez  M.  Thierry  , ou 
chez  M.  JBarbin.  Cela  m'embarralFe 
un  peu parce  que  j’ai  peur  qu’ils  ne 
veuillent  pas  prendre  de  mon  argent. 
Je  voudrois  que  vous  pûffiez  emprun* 
ter  ces  fables  à quelqu’un  jufqu’à  mon 
retour.  Je  crois  que  M.  Defpréaux  les 
( I J & en  ce  cas  il  vous  les  préceroit 

^r)  Ces  fables  n*ëtolem  pas  encore  dans  toutes  les 
biÙliQtilCgueis  mm  «oûanieotJi’dioieat  cUes  pas  dans 


I 


3T<>  Lïtt«®s  de  Raiïini 
volontiers:  ou  bien  votre  mere  pom- 
a^it  aller  av^  vous  lâns  façon  chet 
M.  Thierry  , & lui  demander  en  les 
■payant.  Adieu  , mon  cher  fils ' , diia 
à vos  fœurs  que  je  fuis  fort  aifè  qu’el- 
les fefouviennent  de  moi , & qa’ellei 
Souhaitent  de  me  revoir.  Je  les  ei- 
horte  à bien  fervir  Dieu , & vous  fur- 
tout  , afin  que  pendant  cette  année  de 
Rhétorique , il  vous  foutienne  ^ vous 
fafle  la  grâce  de  vous  avancer  de  plus 
[en  plus  dans  fa  connoifiance  & daor 
jfon  amour.  Croyez-moi  , c’eft-là  a 
■qu’il  y a de  plus  folide  au  monde.  Tout 
le  refte  eft  bien  frivole. 

i.  m 


À fmtMnthhtm  le  S.OHohre. 

JE  vouîois  prefque  me  donner  la 
, peine  de  corriger  votre  verfion , & 
vous  la  renvoyer  en  état  où  il  faudroit 
.Æu’elle.  fût  : mais  j'ai  trouvé  que  cela 
|ue  prendroit  trop  de  tems , à caufe 

delà  quantité  d’endroits  où  vous  n’S’ 

• 

les  leurs  ? La  Fomaine  etoit  leur  îmirre  ami.  torf<]ae 

/èilUlixcs  Um* *enfitappiendceplttfieiiispAi€flBitf* 


s O Ht  T I % s:  $iT 

^ezpas  attrappé  le -fens.  Je  vois  bien 
que  les  Ëpîtres  de  Cicéron  font  en- 
core. trop  difficiles  pour  vous  , parce 
que  pour  les  bien  entendre,  il  faut  po&  É 
féder  parfaitement  l’hiKloire  de  cel 
tems-là , & que  vous  ne  la  fa vez  point.  ^ 
Ainfi  je  trouverqis  plus  à propos  que 
vous  me  filïïez , à votre  loiûr  ^ une 
rerfion  de  cette  bataille  de  Trafy- 
mène , dont  vous  avez  été  fi  charttié, 
à commencéf~ par  la  defcription  de 
l’endroit  où  elle  fe  donna  : ne' vous 
prefTez  point , & tournez  la  chofe  le 
plus  naturellement  que  vous  pourrez. 
J’approuve  fort  vos  promenades  à 
Auteuil,*  tnais  faites  bien^AOCeveir  à 
M.  Defpréaux  combien  vous  êtes  re- 
ronnoiflant  de  la  bonté  qu’il  a de  s’^- 
baifler  a'S’èhjôrëfeniriifi^ 
pouvez  prendre  _Voiture  parmi  mes 
ivres  , fi  cela  vous  fait  plaifir;  mais 
il  faut  un  grand  choix  pour  lire  Tes 
Lettres.  J’airoerois  autant  , fi  vous 
voulez  lire  quelque  livre  François  ,, 
jue  vous  priffiez  la  traduftion  d’Hé.^ 
•odote  , qui  eft  fort  divertiffante  , 
mi  vous  apprendroit  la  plus  ancienne 
bifloire  qui  foit  parmi  les  hommes , 
iprès  r£aitur.e  fainte.  U me  Jernhls 


, 3T2  Lettres  BBRiCtiVE 
^u’à  votre  âge , il  ne  faut  pas  volb- 
ger  de  leâure  es  leéture,  ce  qui  K 
ferviroit  qu’à  vous  difliper  l’efprit , 
& à vous  embarraOer  la  mémoire. 
N ous  verrons  celaplus  àfbnd , quasi 
je  ferai  de  retour  à Paris.  Adieu , met 
baife -nains  à vos  iburs. 


â s & w ' F 1 1 s»  3tj 

, car  j’étois  comme  aflliré  de 
ravoir  ici  parmi  mes  livres.. Poirrpks 
grande  flireté  , choifiiTez  dam  quel» 
qu’im  des  Hx  premiers  livres  la  pre- 
mière Lettre  que  vous  voudrez  tra» 
deire  .'ffiais  dir*tout  choiGflez-en  une 
qui  ne  foit  pas  sèche  , coinme  celle 
que  vous  avez  prife , où  il  n’efl;pre& 
que  parlé  que  d’affaires  d’intérêt.  Il  y 
en  a tant  de  belles  fur  l’état  où  étoic 
alors  la  République , & fur  les  chofes 
de  conféquence  qui  Te  paffoient  i 
Rome.  Vous  ne  lirez  guère  d’ouvra- 
ge qui  vous  foit  plus  utile  pour  vous 
former  l’efprit  & le  jugement  ; mais 
fur-tout  je  vous  confeille  de  ne  jamais 
traiter  injurieufement  un  honjme  aufli 
digne  d’être  refpeété  de  tous  les  W 
des  què  Cicéron.  Il  ne  vous  convient  ^ 
point  à votre  âge  , ni  mêraé  i per- 
fonne,  de  lui  donner  ce  vilain  nom 
de  poltron  : fouvenez-vous  toute  vo- 
tre vie  de  ce  paffage  de  Quintilien  , 
qui  étoit  lui-même  un  grand  perfon-j. 
nage  : IlU  ft  fnfedjfe  Jciitt  cni  CtctrwÊh 
^aldefl*cehit.  AinG  vous  auriez  mieux  * 
fait  de  dire  Gmplement , qu’il  n’étoic 
pas  aulfi  brave  ou  auGl  intrépide  que 
Caton.  Je  vous  dirai  même  que  ii 

TVais  O 


SI4  Lbtt«s5  DE  Racine 
vous  aviez  bien  lû  la  vie  de  Cicéroa 
cdans  Plutarque  , vous  auriez  vQ  qu’ü 
snouruc  en  fort  brave  hoimne  , & 
•qu’appareimnenc  il  n’auroit  pas  fût 
tant  de  lamentations  que  vous , £ M.  i 
Carmeline  lui  eût  nétoyé  les  dena’ 
iVdieu , mon  cher  fils  , faites  fouvenit 
votre-mere,  qu'il  faut  entretenir  us 
peu  d’eau  dans  mon  cabinet , de  peut 
^ue  les  fouris  ne  ravagent  mes  livres, 
i^and  vous  m’écrirez , vous  pourrei 
vous  difpenler  de  toutes  ces  cérémo- 
nies , & de  tris  ■ hmdfle  firvitm. 

Je  connois  même  aifez  votre  écriture, 
fans  que  vous  foyez  obligé  de  mettre 
Votre  nom. 


f^téinebUm  le  $o.  OUabre, 

M.  Defpréaux  a raifon  d’appré- 
hender tjue-  vous  ne  perdiez  un 
peu  le  goût  des  Belles  • Lettres  peu- 
«ant  votre  cours  de  Philorophie  ; 
tnaîs  ce  qui  me  raifûre  e£  la  réfo- 
iution  où  je  vous  vois  de  vous  en 
rafraichir  fouvent  la  mémoire  par  la 

lûâ^ve  des.  maillema  Ameu^  D’# 


â s Ô M Fil  9.  315 

leurs  vous  étudiez  fous  un  Régent 
^ui  a lui  mêipe  beaucoup  de  lettres  & 
d’érudition.  Je  contribuerai  de  mon 
côté  à vous  faire  reflbuvenir  de  tout 
ce  que  vous  avez  lû  ; & je  me  ferai 
un  plaifir  de  m’en  entretenir  fouvent 
avec  vous. 

Votre  fœur  aînée  fè  plaint  de  vous; 
& elle  a raifon.  Elle  dit  qu’il  y a plus 
de  quatre  mois  qu’elle  n’a  reçû  de  vos 
nouvelles.  11  me  femble  que  vouai 
devriez  un  peu  répondre  à l’amitié 
fincere  que  je  lui  vois  pour  vous  : 
une  I..ettre  vous  couteroit-elle.  tant 
à écrire  ? Quand  vous  devriez  ne 
l’entretenir  que  de  vos  petites  fosurs, 
vous  loi  feriez  le  plus  grand  plaiGr 
du  monde.  Vous  avez  raifon  de  me 
plaindre  du  déplaifir  que  j’ai  de  voir 
fouffirir  fl  loogtems  un  des  meilleurs 
amis  que  j’aie  au  monde ( 1 ).  J’efpere 
qu’à  la  fin , ou  la  nature,  ou  les  re- 
mèdes ..lui  .dbnnsïbnt.qüdque  Toulâ- 
gement.  J’ai  la  confplation  d’entendre 
dire  aux  Médecins  , qu’ils  ne  voient 
rien  à craindre  pour  (à  vie:  fans  quoi  je 
vous  avoue  quejeferois  inconfolable. 


O Z 


( l ) MaNuOlCa 


Le'TTRSS  se  RACtME 
Comme  vous  ères  carieux  de  noo> 
velles  , je  voadroîs  on  avoir  beaa* 
«oup  à vous  mander.  Je  n’en  fais  que 
^ux  jufqa’ici  qui  doivent  faire  beau- 
coup de  plaifir  : l’une  eft  la  prile  prd*- 
^ue  certaine  de  Diarléroi  : fantre  efi 
ù.  levée  du  fiége  de  Belgrade.  Quand 
je  dis  que  cette  nouvelle  -doit  fane 
plaifir  y ce  n’-eft  pas  qu’à  parler  bia 
chrétiennement  9 on  doive  fè  rgoinr 
des  avantages  des  Infidelles  ; mais 
l’animoficé  des  Allraiands  eft  fi  grande 
contre  noos  , qu’on  eft  prefque  obli- 
gé de  remercier  Dieu  de  leur  mau- 
vais fuccés  , afin  qu’ils  foient  forcés 
de  faire  leur  paix  avec  la  France,  & 
de  confentir  au  repos  de  la  Chrédes- 
- sé  , plutôt  que  de  s’accommoder 
avec  les  Turcs. 


^ FonuûnthteoH  le  tf.  Nevemhr. 

/ 

MOn  cher  fils  , vous  me  faites 
plaifir  de  me  mander  des  nou- 
velles ; mais  prenez  garde  de  ne  les 

Êas  prendre  dans  la  Gazette  de  Hol- 
inde  : car  ouue  que  nous  les  avons 


JC  SON  F ï t sr.  îfi.7 
eomme  vous  ^ vous  y pourriez  ap-^ 
prendre  certains  termes  qui  ne  valent 
rien , comme  celui  de  reentter , donc 
vous  vous  fervez  , au  lieu  de  quoi 
il  faut  dire,j^/>v  des  récriât- 
moi  des  nouvelles  de  vos  fœurs  ^ 
il  efl  bon  de  diverGiier  un  peu  , âc 
de  ne  vous  pas  jêtter  toujours  fur 
i’Irlande  & fur  l’Allemagne. 

Le  combat  de  M.  de  Luxembourg; 
a.  été  bien  plus  conGdérable  qu’on  ne 
le  croyoic  d’abord.  Les  ennemis  ont 
JaifTé  1 300  morts  fur  la  place  plus 
de  joo  prifonniers,  parmi  lefquels  on 
compte  près  de  cent  Officiers.  On 
leur  a pris  auffi  36  étendarts  & ils-- ' 
avouent  encore  qu’ils  ont  plus  de  deus 
mille  bleffé»  dans  leur  armée.  Cette 
vièioire  eG;  fort  glorieulé.  La  Maifon 
du  Roi  a fait  des  chofes  incroyables^ 
n’ayant  jamais  chargé  l’ennemi  qu’ài 
coup  d’épée.  On  dit  que  chaque  Ca- 
valier.  efl  revenu  avec.  Ton  épée  toute 
iànglante.  On  a appris  ce  matin , que 
M.  de  Boufflers  avoit  battu-  auffi  l’ar- 
riere- garde  d’un  corps  d’Allemands* 
qui  étoient  auprès  de  Dinant.  Ecrivez- 
moi  toujours  ; mais  que  cela  n’em- 
pêche pas  voue  chere  mere  de  m’écrtr 

Oi  ‘ 


3i8  Lettres  be  Racxhe 
re  y car  je  lêrois  trop  fâché  de  Di 
point  recevoir  de  lês  Lettres.  Adieu, 
mon  cher  enfant , embrallêz  - la  pour 
moi  y 3c  faites  mes  bailê-  mains  à vos 
fœnrs. 


^ FontMintblea»  le  lo. 

JE  ne  faurois  m’empêcher  de  vow 
dire  y mon  cher  fils  , que  je  fuis 
très-content  de  tout  ce  que  votre 
mere  m’écrit  de  vous.  Je  vois  par  fes 
Lettres  que  vous  êtes  fort  atachéâ 
bien  faire  , mais  fur-tout  que  vocs 
craignez  Dieu  , & que  vous  prenez 
du  plaifir  à le  fervir.  C’efi;  la  plus 
grande  fatisfaéh'on  que  je  poifle  rece 
«/voir  y & en  même  tems  la  meilleure 
Vvfortune  que  je  vous  puille  (buhaiter. 
yj’efpere  que  plus  vous  irez  en  avant, 
Iplus  vous  trouverez  qu’il  n’y  a ce 
; véritable  bonheur  que  celui-là.  Pap 
prouve  la  maniéré  dont  vous  diftri- 
buez  votre  tems  & vos  études;  je 
voudrois  feulement  qu’aux  jours  que 
‘vous  n’allez  point  au  collège  y vous 
‘pâffiez  relire  Cicéron,- & vtnis  ra- 


jï  s O K F r L Si  gi5j» 
fraichir  la  mémoire  des  plus  beaux 
endroits  , ou  d’Horace,  ou  de  Vir- 
gile; ces  Auteurs  étant  fort  propres 
à voiis  accoutumer  à penièr  & à 
écrire  avec  juftefle  & netteté. 

Vous  direz  à votre  mere  que  le' 
pauvre  M.  Sigur  aeo  la  jambe  coupée^ 
ayant  eu  le  pied  emporté  d’un  coup 
de  canon.  Sa  femme , qui  l’avoit  épou- 
fé  pour  fa  bonne  mine',  a employé  1» 
meilleure  partie  de  fon  bien  à lui 
acheter  une  chai^  ; & dès  la  prev 

I zniere  année  il  lui  en  coûte  une  jambe. 

II  a eu  un  grand  nombre  de  Tes  ca-- 
marades  tués  ou  blelTés  , je  dis  dea 
Officiers  de  la  Gendarmerie  ; mais 
en  récompenfe  la  vi^ire  a été  for& 
grande,  & on  en  aprend  tous  lës  jours* 
de  nouvelles  circonftances  très-avan- 
tageufès.  On  fait  monter  la  perte  de& 
ennemis  à prés  de  dix  mille  morts.  ' 

J’ai  vû  les  drapeaux  & les  éten* 
darts  qu’ a envoyé  M.  de  Catinat:  & 
& je  vous  confeille  de  les  aller  voir 
à Notre  • Dame.  Il  y a cent  deux  dra- 
peaux , & quatre  étendarts  feulement  ;^ 
ce  qui  marque  que  la  cavallerie  en- 
nemie n’a  pas  fait  beaucoup  de  réû- 
âaoce , & a de  bonne  heure  abanr 

O 4 


^19  Xettkss  BE  Racine 
donné  l’infanterie  , laquelle  a prefqHe 
été  toute  taillée  en  pièces.  Il  y avoit 
^es  bataillons  entiers  d’Efpagnois  qui 
f fe  jettoient  à genoux  pour  demander 
i quartier,  & en  l’accordoic  à quelques- 
uns  d’eux , au  lieu  qu’on  n’en  faifoit 
point  du  tout  aux  Allemands  , parce 

Îiu’il»  avoient  menacé  de  n’en  poiot 
aire.  M.  l’Archevêque  de  Sens  aper- 
du  M.  fon  frere  à la  bataille. 


^ FmMÎnthUaH  U tf.  Seftetnbrt. 

i 

JE  vous  fuis  obligé  du  foin  que  vous 
avez  pris  de  faire  toutes  les  choies 
que  je  vous  avois  recommandées.  Je 
fuis  en  peine  de  la  fanté  de  M.  Ni- 
cole , & vous  me  ferez  plaifîr  d'y 
envoyer  de  ma  part  , <&  de  m’en 
mander  des  nouvelles.  Je  croiois  avoir 
rois  dans  mon  pacquet  un  livre , que 
j’ai  été  fort  fâché  de  n’y  point  trouver. 
Ce  font  les  Ffeaumes  Latins  de  Va- 
lable à deux  colonnes  , & avec  des 
-•4tetes /m-8*’.  qui  font  à la  tablette  où 
je  mets  d’ordinaire  mon  Diurnal  : je 
vous  prie  de  le  chercher,  de  l’empac- 


A , SON  F l L-  S. 
qpetter  bien  proprement  dans  du  pa* 
pier , & de  me  l'envoyer.  J'écrirai  de- 
main à.  votre  roere  ; faites - lui  me»^ 
fmmplimeo8',.&  àvoafœurs. 


^ BontMntbU/tu-le  23.  Mai, 

JE  vous  priedè  Ære  à^M.  Grima-- 
rets  y qi^  j’ai  lû  fon  Mémoire  à- 
M.  le  Chancelier*»  qui  a dit  que  M.- 
Gouüa  penfoit  qu’on  ne  pouvoit  rien 
faire  de.  bon  ni  d’utile  au  public  de  - 
te  projet.  Je  verrai  M.  de  Harlay  , 
& lui  demanderai  s’il  veut  & s’il  peut 
fe  mêler  de  cette  affaire  » & entre- 
j^rendre  de  petluader  M.  le.Chance- 
ber.'. 

11  me  paroît  par  votre  Lettre  que 
vous  portez  un  peu  d’envie  à Made-i 
moifellede  la  C..de  ce  qu’elle  a lû  pli^J 
de  Comédies  & de  Romans  que  vous. 
Je  vous  dirai  avec  la  lincerité  avec 
laquelle  jç  fuis  obligé  de  .vous  parler,»^ 
que  j’ai  un  extrême,  chagrin  <jje  voua 
falTièz.tant  de  cas  de  toutes  ces  niyi- 
lêries  , qui  ne  doivent  fervir  totlTau- 
déljài]^  ^elquefbis  l’efprit^ 


3H  Lettres  de  Racine 
pourrez  ; & faites  mes  complitoens 
a votre  roere.  li  n’y  a ici  aucune  nou* 
velle  , fmoD  «^ue  le  Roi  a toujours 
la  goutte. 


ui  Pâtis  ce  3,  Jma. 

’Eft  tout  de  bon  que  nous  par- 
tons  pour  notre  voyage  de  Pi- 
cardie I ).  Comme  je  ferai  quinze 
jours  fans  vous  voir , & que  vous 
êtes  continuellement  preTent  à mon 
efprit  ,|e  ne  puis  m’empêcher  de  vous 
répéter  encore  deux  ou  trois  ehofès, 
que  je  crois  très  • importantes  pour 
votre  conduite. 

La  première , c’eft  d’être  extrê- 
mement circonfpeét  dans  vos  paro- 
les , St  d’éviter  la  réputation  d’être 
un  Parleur  , qui  eft  la  plus  mauvaife 
réputation  qu’un  jeune  homme  puilTe 
avoir  dans  le  pays  où  vous  entrez. 
La  fécondé  eft  d’avoir  une  extrême 


alloit  à Montdidicr,  la  patiie  de  ma  mece.  Toa« 
les  leil  Lettres  fuivantes  ont  été  écrites  à mon  frcre , le- 
fû  en  (uiTiva^ce  de  ia  charge  Gentil*  homme  otdi« 
JMiXCb 


.1 


K SON  F I t S,  325; 
docUké  pour  les  avis  de  M.  & Ma* 
dame  Vigan , qui  vous  aiment  com- 
me leur  enfant. 

N’oubliez  point  vos  études  & 
cultivez  continuellement  votre  mé- 
moire , qui  a grand  befoin  d’être 
exercée.  Je  vous  demanderai  compte 
à mon  retour  de  vos  leâures^ât  fur- 
tout  de  l’HHloire  de  France  , dont 
je  vous  demanderai  à voir  vos  ex- 
traits. 

Voua  favez  ce  que  je  vous  ai  dit  . 
des  Opéra  Ôc  des  Comédies  : oa  en 
doit  jouer  à Marly.  Il  efl;  très- impor- 
tant pour  vous  & pour  moi  - même 
qu’on  ne  vous  y voie  point,  d’autane 
plus  que.  vous  êtes  prélentement  à 
Verfailles  pour  y faite  vos  exercices» 
& non  point  pour  aflUter  à toutes 
ces  fortes  de  divertiHemens.  Le  Roi 
& toute  fa  Cour  favent  le  fcrupule 
que  je  me  fais  d’y  aller  & ils  au- 
roient  très-méchante  opinion  de  vous» 
fi  à l’âge  où  vous  êtes  , vous  aviez, 
fi  peu  d’égard  pour  moi  & poux'mes 
fentimens.  Je  devois.avant  toutes  cho- 
ies vous  recommander  de  ibnger  tou- 
jours à votre  falut , & de  ne  point  per- 
dre l’amour  que  Je  vou4  aivùpou  li| 


|â5  Letthes  DE  R'ACiirE 
Heiigion.  Le  plus  grand  déplaiOr  qw 
puifle  m’arriver  au  monde  , c’eft  s’il 
me  revenoit  que  vous  êtes  un  indé* 
vot  , Sc  que  Dieu  vous  eft  devenu 
[ indifférent.  Je  vous  prie  de  recevoir 
^ cet  avis  avec  la  même  amitié  que  je 
vous  le  donne.  Adieu-,  mon  cher  fils, 
doanea-moi  fouvent  de  vos  nouvelles. 


A Monàidier  U p.  Jmtf^ 

Votre  Lettre  nous  a fait  ici  un 
très-grand  plaifir  ; & qnoiqu’el- 
ïe  ne  nous  ait^s  apris  beaucoup  de 
nouvelles , elfe  nous  a du  moins  fait 
juger  qu’il  n’y  avoit  pas  un  mot  de 
vrai  de  toutes  celles  qu’on  débite  dans 
ce  pays-ci.  C’eft  une  plaifante  chofe 
que  les  Provinces  : tout  fe  'monde  y 

* eft  nouyeliftedèsle.-berygi)n 

ii’y  rencontrez  que  gens  qqi  d^tenc 
graVêmehT  àffirmayx£p?i^  les 
phrs~  fbt tes  : cB'ô'i^’  du  monde.  Pouf 
moT  jè  n’ai  rien  à-votis  mander  de  ce 
pays , qui  foit  capable  de  vous  inter- 
reffer , fi  ce  n’eft  que  je  fuis  tfès-con- 
ténc  des  Dames  de  Vanwille  » & que 


A SON  Fils.  3^7 
Babet  ( i ) a une  grande  impatience 
d’entrer  chez  elles.  J’efpere  que  jerè* 
cevrai  encore  une  Lettre  de  vous 


avant  que  de  partir. 

Je  Tousfais  très-bon  gré  des  égards 

2ue  vous  avez  pour  moi  au  fujet  des 
>péra  & des  Comédies  ; mais  vous 
'Voulez  bien  que  je'  vous  dife  que  ma 
joie  feroit  complette , fi  le  bon  Dieu 
entroit  un  peu  dans  vos  confidéra* 
lions.  Je  fais  bien  que  vous  ne  ferez 
pas  deshonoré  devant-Je»  hommes  en 
y allànCrûiais  comptez  • vous-,  pour 
ftSfT3?VétlS  Besfiohürêr’dëv^nt  Dieu? 


Penfez  • vous , vous  - même  , que  lés 
hommes  ne  trouvaflenf  pas^étrange 
de  vous  voir  à i^tre  âge  pratiquer 
des  maximes  fi  différentes  des  mien- 


nes? Songez  quPM.  le  Duc  deBourgo- 
gne , qui  a un  goût  merveilleux  pour 
toutes  ces  chofes,  n’a  encore  été  à 
aucun-fpeflacle  ; & qu'il  veut  bien  en 
cela  fe  laiffer  conduire,  par  les  gens^ 
qui  font  chargez  de  Ton  éducation. 
Et  quels  gens  trouverez- vous  ^yu  mon- 
de plus  fages  & pluseftimés  que  ceux- 


(1)  Une  de  mes  Soeurs  <|ui  £e  fit  Rcligieufe  chçx 
'ici  VàoÊCtik  Yaürvük  » xmuc  dt  IronicTUii^*  * 

# % 


4 


• aSs  Lettres  de  Rac'ike 
là  ? Du  refte  , mon  fils,  je  fuis  fort 
content  de  votre  Lettre  relie  n^anil 
fait  beaucoup  de  plaifir  à votre  me- 
re  , excepté  l’endroit  où-  vous  par 
lez  de  la  cire  que  vous  avez-  lailTc 
tomber  fur  votre  habit. 


A:  P^rû  ce.  Z.7*  lutte. 

ON  m^avoit  dé|à  dit  la  nouvelle 
delaprife  d’Ath;&  j’en  ai  beau* 
coup  de  joye.  Vous  me  ferez  plaifir 
de  me  mander  tout  ce  que  vous  après- 
diez  de  nouveau.  Voici  un  temsaflez 
vif,&  où.  il  peut  arriver  à.  toute  heu- 
re  nouvelles  importantes.  11  ü 
pourroit  bien . Caire  que  je  vous  iroû 
voir  Mercredi  : car  j’ai  quelque  envie 
de  mener  votre  Mere  & vos  Sœurs  à 
• Port>Royal , pour  y être  à la  procef- 
fion  de  rOâave , & revenir  le  lende- 
main. Elles  font  toutes  en  bonne  fao- 
té , Dieu  merci  y & vous  font  leurr 
complimens.  J’allai  hier  aux  Carméli- 
tes avec  votre  Sœur  aînée.  Je  vous  ex- 
horte à aller  faire  votre  courà  Mada- 
fù&  la  CQffltdTe  de  Gramoad  ^ & à 


A SON  Fils.  3.29 
Madame  la  DuchelTe  de  Noailles , 
qtti  ont  l’une  & l’autre  beaucoup  de 
bonté  pour  vous.  Votre  petit  frere 
eft  tombé  ce  matin  la  tête  dans  le 
feu  ; & fans  votre  mere  qui  l’a  relevé 
fur  le  champ , il  auroit  eu  le  vifage 
perdu  t il  en  a été  quitte,  pour  une 
brûlure  à la  gorge  : nous  fommes  bien 
obligés  de  remercier  le  bon  Dieu  de 
ce  qu’il  ne  s’eflpas  fait  plus  de  mal.  Vo- 
tre foéur  fé  prépare  toujours  à.entrer 
aux  Carmélites  Samedi  ; & tout  ce  que 
je  lui  ai  pâ.dire , ne  Ta  pâ  perfuader  de 
différer  au  moiusjulqu’à  un  autretems. 
Madame  de  F...  eft  à l’extrémité. 
Vous  voyez  par^là  que  notre  heure 
cfl  bien  incertaine.  & que  le  plua. 
fbr  eft  d*y  penfer  le  plus  férieufementn 
& le  plus  fouvent  qu’on  peut.  Votrtf 
mere  aura  foin  de  vous  envoyer  du 
,-4inge  à dentelle-  Adieu. 


\ 

33iï  Lsttkes  DB  Ractn 7 
confacrer  à Dieu.  Votre  fœur  Na- 
nette  nous  accable  tous  les  jours  de 
Lettres  , pour  nous  obliger  de  con- 
fentir  à la  laifTer  entrer  au  novi- 
ciat. J’ai  bien  des  grâces  ^t  rendre  à 
Dieu  , d’avoir  kifpiré  à vos  fœurs 
tant  de- ferveur  pour  Ton  ler\Mce>& 
un  n grand  defîr  de  fe  fauver.  Je 
. Toudrois  de  tout  mon  cœur  que  de 
tels  exemples  vous.  touchaiTenc  afièz 
pour  vous  donner  envie  d’être  bon 
Chrétien.  ('  i )•  Voici-  un  tems  où 
vous  voulez  bien,  que  je  vous  exhor- 
te par  toute  latendrelfe  que  j’ai  pour 
vous à faire  quelques.  rêSexions  uo 
.'peu  férieùfes  fur  la  néceffité  qu’il  y 
a de  travailler  à fon  falut,  à quelque 
état  que  l’on  Ibit  apellé.  Votre  me- 
re , auffi  bien  que  vos  Iceurs  , & vo- 
tre petit  frere , auroient  beaucoup  de 
joye  de  vous  revoir.  Bon  ibir mon 
cher  fils. 

(i  ) Cetce  Icsttfe  écrite,  pendant  .la.  Scmaiae 
.Sainte. 


% 


^ * 


â i ON  F I t s.  333 


A MADEMOISELLE  RIVIERRE 

s A SOB  V«.  l'i) 


A Tmt  U 10  f4tiv}0r. 

« 

JE  vous ëcns , ma  chere'Sœar , pour 
une  aSàipe  où  vous  pouvez  avok 
intérêt  auffi  bien  -que  moi , & fur  la* 
quelle  je  vous  ftiplie  de  m’éclaircir  le 
plûtôt  que  vous  pourrez.  Vous  fa* 
vez  qu’il  y a on  Edit  qoi  oblige  tou» 
ceux  qui  ont  ou  qoi  veulent  avoir  des 
armoiries  fur  leur  vailTelleoo  ailleurs , 
de  donner  une  fomme  qui  va  au  plus 
ù 35  livres,  & de  déclarer  quelles 
fontieurs  armoiries.  Je  làis  que  cel- 
les de  notre  fiami|le  font  un  Cigne  j 
mais  je  ne  fais  pas  quelles  font  les 
couleurs  de  réoillon  , & vous  me 
ferez  un  grand  plaifir  de  vous  en  inf- 
sruire.  Je  crois  que  vous  trouverez 
nos  armes  peintes  aux  vitres  de  la 

é 

» 

( I J Je  mets  cette  Lettre , parce  qu’elle  Ftit  coa* 
lioître  la  gën^ofité  de  mon  pete  envers  de  pauvres  pa* 
zens  Elle  eâ  écticc  à ma  tante , qui  a vdcu  à la  Eoc- 
td  Milofl  92  ans. 


■«JL  Lbttbbs  de  Racik^e 

mifon  que  notre  ««nd-pere  bi 
Vtîr  T’ai  oüi  dire  auffi  à mon  Oncle 
^ Racine , qu’elles  étÿnt  Peintes  aut 
► vhres  de  quelque  Eglife  de 
i té-Milon  j tîwshez  de  vous  en  éclair- 

• cir  J’attens  votre  réponfe  pour  me 
déterminera  & pour  potier  monar- 

^^'î-e  jeune  homme  qui  recherche  et 
tnariaee  ma  petite  coufine  M.i.  m elt 
venutrouver.  Je  lui  ai  promis  de  don- 
®er  à ma  confine  cent  livres.  Je  lui 
ai  dit  que  dans  l’état  où  font  prefen- 
«ement  mes  affaires  , je  ne  i^v^ 
donner  davanuge  , & je  lui  ai  dit 
vrai,  à caufe  de  tout  l’argent  que  je 
dois  encore  pour  ma  charge.  Je  do« 
■fur  - tout  éooo  livres  qui  ne  portent 
«oint  d’intérêt;  & l’honnêteté  veut 

• que  je  les  rende  le  plûtôt  que  je  pour- 
xai  . pour  n’être  pas  à charge  a ma 

amis.  J’efpereqne  dansunau^teiM 

ie  ferai  moins  preffé , & alors  je  pour- 
rai faire  encore  quelque  peut  prefent 

à ma  confine.  , 

..Le  coufin  H.  - - - - eft  venu  ici  fait 

comme  un  miférable,  & a dit  a ma 

femme,  en  prefence  de  tous  nosdo- 

meffiques  , qu’il  éioit  moa  couCa 


A S OT»  F 1 1 S.  535f 

Vous  favez  comme  je  ne  renie  point 
mes  parens , & comme  je  tâche  à les 
foulager  : mais  j’avoue  qu’il  eft  un 
peu  rude  qu’un  homme  qui  s’efl:  mis 
en  cet  état  piu*  fes  débauches  & par 
fa  mauvaife  conduite  , vienne  id 
nous  faire  rougir  de  fa  gueuferie.  Je 
lui  parlai  comme  il  le  méritoit^  & liai 
dis  que  vous  ne  le  laifleriez  manquer 
de  rien  s’il  en  valoir  la  peine  ; mais 
qu’il  buvoit  tout  ce  que  vous  aviez 
la  charité  de  lui  donner.  Je  ne  laiflai 
pas  de  lui  donner  quelque  cbofe  pour 
s’en  retourner.  Je  vous  prie  aufli  de 
ralTilter  tout  doucement , mais  com* 


me  fi  cela  venoit  de  vous.  Je  facri»  _ 
fierai  volontiers  quelque  choie  par  \ 
mois  pour  le  tirer  de  la  néceflité.  Je*^ 
vous  recommande  toujours  la  pauvre 
Marguerite , à qui  je  veux  continuer 
de  donner  par  mois  comme  j’ai  tou* 
Jours  fait  : fi  vous  croyez  que  l’autre 
jjarente  foit  auill  dans  le  befoin , don> 
aieZ'lui  par  mois  ce  que  vous  jugerez 
il  propos. 

Je  ne  fai  fi  je  vous  ai  mandé  que 
xna  chere  fille  aînée  étoit  entrée  aux 


<Carraelites  : il  m’en  a coûté  beaucoup 
xie  larmes  i mais  elle  a voulu  abfolu- 


i 


LbTTRB-S  Bi  RACtNB 
ment  fuivre  ia  réfolution  qu’elle  avok 
prife.  C’étoit  de  tous  nos  enfans  cel* 
le  que  j’ai  toujours  le  plus  aimée,  & 
dont  je  recevois  le  plus  de  -confoli* 
tion  : il  n’y  avoit  rien  de  pareil  à IV 
mitié  qn’eiie  me  témoignoic.  Je  l’â 
été  voir  pluüears  fois.  £lle  «ft  char* 
mée  de  la  vie  qu’elle  mène  dans  ce 
Monafliére  , quoique  cette  vie  foit 
fort  aullére  ; & toute  1a  maifbn  el 
\ charmée  d’eHe.  Elle  eft  infinimeix 
'tpius  gaye  qu’elle  n*a  jamais  été.  Il 
saut  bien  croire  que  Dieu  la  veut  dass 
cette  maifon  , puifqu’il  fait  qu’elle  y 
trouve  tant  de  plaiGr.  Votre  petit 
neveu  ell  toujours  bien  éveillé.  Adies, 
ma  chere  fœur , je  fuis  entièrement 
à vous.  Ne  manquez  pas  de  me  tenir 
parole , & de  m’employer  dans  tou* 
tes  les  chofes  où  vous  aarcB  befoû 
de  moi. 


LETTRE 


s son  Fils.  337 

4 

— P— — ^ 


LETTRE  DE  REPRIMANDE 
i fin  Fils  , qui  étant  chargé  de  per^ 
ter  ht  dépêches  du  Rey  a M.  de  Bon-^ 
repaux , notre  Ambaffadeur  en  Hollan» 
de , t'arrha  par  curiojité  à Bruxelles» 
Toutes  les  Lettres  fiuvantet  Im  jurent 
écrites  pendant  fin  féfour  en  Hollande^ 

A Farts  et  x6  Janvier  i6pS» 

VRai  • femblablement  tous  avec 
pris  des  Mémoires  de  M.  de  Cé- 
ly , ( I ) pour  avoir  fait  une  courfe 
aufli  extraordinaire  , que  celle  <]ue 
vous  avez  faite.  J’étois  fort  en  peine 
ie  prenoier  jour  de  votre  voyage,  dans 
la  peur  où  j’étois , que  par  trop  d’en> 
vie  d’aller  vite , il  ne  vous  fut  arri« 
vé  quelque  accident  ; mais  quand  j’a«  ■ 
pris  par  votre  Lettre  de  Mons , que' 
vous  n’étiez  parti  qu’à  neuf  heures 
de  Cambrai,  oc  que  vous  tiriez  vani- 
té d’avoir  fait  une  li  grande  journée  , 


( I ) Il  U BOavclIe  de  la  paix  de  H/fv 

Jlfit  6 peu  de  diligence . m qquid  il  arriva,  le 
üinoif  la  Bouveye, 

TmeA  C 


Lettres  de  Eacive 
Je  vis  bien  qu’il  faüoit  fe  repofer  fut 
I TDus  de  la  confervaciofi'de  votre  per* 
I fpnne.  Votre  long  féjonr  à Bruxel* 
I les , & toutes  les  vifites  que  vous  y 
s(vez  faites  , méritônt  que  vous  en 
donnièz  une  relation  au  public.  Je 
lie  doute  pas  même  que  vous  n’y  ayez 
été  à rOpéra , avec  les  dépêches  du 
Koi  dans  votre  poche.  Vous  rejettez 
iR  faute  de  tout  fur  M.  Bombarde  , 
comme  fi  en  arrivant  à Bru;^elles , 
TOUS  n'aviez  pas  dû  courir  d’adord 
chez  lui , & ne  vous  point  coucher 
que  vous  n’eulliez  fait  vos  affaires , 
pour  être  en  état  de  partir  le  len- 
demain matin.  Je  ne  fais  pas  ce  que 
4iralà-deflùsM.  de  Bonrepaux^  mais 
I Jé  fds  bien  que  vous  avez  bon  befoin 
. de  réparer  par  one  conduite  fage  à 
la  Haie,  la  cçnduite  peu  fènfôe  que 
vous  avez  eûë  dans  votre  voyage. 
I^ourmoiy  je  vous  avoué’  que  j’apré- 
faende  de,  retournera  la  Coin*,  <St  fur* 
toiit  de  paroîire  devant  M.  de  Tor- 
cy  , à qui  vous  jugez  bien  que  je 
lioferai  paS  demdnc^  d’ordonnance 
pour  votre  voyage  , n’étant  point 
Jufie  que  le  Roi  paye  la  curiofîté  que 
vous  ive;  eue  de  voir  .les  Chanoit 

>*  * . , 


X I d M.  P 1 t s. 

neflês  de  Mons , & la  Cour  de  Bru* 
zellea.  Vous  ne  me  dires  pas  un  mot 
d’un  homme  que  vous  auriez  pû  al- 
ler voir  à Bruxelles , & pour  qui  vous 
favez  que  j’ai  un  très-grand  refpéét. 
Vous  ne  me  parlez  pas  non  plus  dé 
nos  deux  Plénipotentiaires  pour  qui 
vous  aviez  une  dépêche  : cependant 
je  ne  comprens  pas  par  quel  enchan- 
itement  vous  auriez  pû  né  les  pas  renr 
krontrer  entre  Mons'&  Buxeiles. 

Comme  je  vous  dis  ' Banchement 
ma  penfée  pour  lé  mal , je  veux  bien 
vous  la  dire  aoffi  pour  le  bien.  M* 
l’Archevêque  de  Cambrai  parolt  très- 
content  de  vous , & vous  m’avez  fait 
plaifîr  de  m’écrire  le  détail  des  bonz 
traitemens  que  vous  avez  reçûs  de  lui, 
dont'  ilne  m’a  voit  pas  mandé  un  moc^ 
témoignant  même  du  déplaifir  de  ne 
vous  zvoir  pas  afiez  bien  fait  les  hon- 
neurs de  Ion  Palais  brûlé. 

Cela  m’oblige  de  lui  écrire  une 
nouvelle  Lettre  de  remerciment.  Vous 
trouverez:  dans  les  balotsde  M.  l’Am- 
baifadeur , on  étui  où  il  y a deux  cha- 
peaux pour  vous , un  caltor  fin  , 3c 
un  demi-c^or;-&  vous  y trouverez 
luiH  une  paire  ^ Ibuliecs  desFreres.> 


34^  Lettres  ce  Racine 
Âa  noiû  de  Dieu  , faites  un  peu  de 
téflezion  lùr  votre  conduite  ; & dé* 
fiez-vous  fur  toutes  chofes  d’une  cer* 
J^inefantaiGe  qui  vous  porte  toûjours 
fatisfaire  votre  propre  volonté , an 
'^hazarddetoutcequi  en  peut  arriver. 
Vos  fœurs  vous  font  bien  des  com> 
plimens , Sc  fur-tout  Nannette. 


Paris  le.  ji. 

Votre  mere  & toute  la  famille , a 
eu  une  grande  joye  d’aprendre 
que  vous  étiez  arrivé  en  bonne  fan* 
té*  Je  n’ai  point  encore  été  à la  Cour; 
mais  j’efpére  d’y  aller  demain.  Je 
çrains  toujours  de  paroître  devant  M. 
ée  Torcy  , de  peur  qu’il  ne  me  falTe 
des  plaiianteries  fur  la  diligence  de 
votre  courfe  ; mais  il  faut  me  réfou* 
dre  à les  elTuyer , & lui  faire  efpérer 
qo’uneautrefois  vous  irez  plus  promp* 
tement!^:  fi'  l’on  veut  bien  vous  con- 
fier à l’avenir  quelque  choie  dont  on 
ibit  prelTé.  Je  vois  que  M.  de  Bonre- 
paux a pris  tout  cela  avec  fa  bonté 
pnlioaire , ât . qu’il  tâche  même  de 


N 


A SON  Fit». 

Voos  excofer.  Du  refte  vos  Lettres 
nous  font  beaucoup  de  plaifir  ; & je 
-ferai  bien  aife  d’en  recevoir  fouvent. 
Faites  mille  complimens  pour  moi  à 
M.  de  fionnac.  ( i ) 


A MmU  U 5.  Février, 

IL  eft  }u(le,  mon  fils , que  je  vous 
faflè  part  de  ma  làtisfaâion , corn» 
ne  je  vous  ai  fait  fottffrir  de  mes 
inquiétudes. . Non*feulemeDt  M.  de 
Torcy  n’a  point  pris  ru  mtd  votre 
féjour  à Bruxelles  ; mais  il  a même 
approuvé  tout  ce  que  vous  y avez 
fah,  & a été  bien  aile  que  vous  ayez 
fait  la  révérence  à M.  de  Bavière^ 
Vous  ne  devez  pcûnt  trouver  étrange 
que  vous  aimant  comme  je  fais,  je  fois  ' 
Il  facile  à allarmer  fur  toutes  les  cho* 
fes  qui  ont  de  l’air  d’une  faute , &qui 
poiuToient  faire  tort  à la  bonne  opi- 
nion que  je  fouhaite  qu’on  ait  de  vous.. 
On  mz  donné  pour  vous  une  ordonp 
nance  de  voyage  : j’irai  la  recevoir 


Neyca  de  M«  de  Bonirpaai. 


LbTTKBS,  DB  R A CINE 
quand  je  ferai  à Paris  , & je  vom 
en  tiendrai  bon  compte.  Mandez-moi 
bien  franchement  tous  vos  be* 
foins. 

J’approuve  au  dernier  point  let 
fentimens  où  vous  êtes  fur  toutes  les 
§^tés  de  M.  de  Bonrepaux  y & U 
réfolution  que  vous  avez  prife  de  n’en 
point  abufbr.  Témoignez  à M.  de 
Bonnac  ma  reconnoiflance , pour  Ta* 
initié  dont  ii  vous  hoiibre  : fon  ' ex* 
vrême  honnêteté  eft  un  beau  modèle 
toour  vous  j;&  je  né  Ihurois  aflTez  loues 
^Dieu  de  vous  avoir  procuré  des  amis 
dé  ce  méricei  Vous  avez  eu  quelque 
raifon  d’atiibuer  Theureux  fuccès  de 
■Votre  voyage  , par  un  fi  mauvais 
■tems , au^  prières  qu’on  a faites  pour 
vous.  Je  compte  les  miennes  pour 
rien  : mais  votre  mere  & vos  petites 
fœtirs  prioient  tous  les  jours  Dieu  qu’H 
vous  préfervât  de  tout  accident  j & 
•On  faifôit  la  même  chofe  à P.  R.  Je 
dôme  que  votre  fœur  puiflè  y de* 
■‘■meurer  iongtems,  à caufe  de  fesfré* 
'quentés  migraines,  & à caufe  qu’il  y 
a fî  peu  d'apparence  qu’elle  y puiiTe 
reflier  pour  toute  fa  vie. 

Je  ne  fais  û vous  favez  que  M. 


A S O N F I t S.  3f45 
Corneille  , notre  confrère  , (i)  eft 
mort.  11  s’étoit  confié  à un  Clfarlatao, 
qui  lui  donnoit  des  drogues  pour  lut 
difiToudre  fa  pierre.  Ces  drogues  lui 
ont  mis  le  feu  dans  la.  veffie.  La  fièvre 
Ta  pris , & il  e(l  mort.  Sa  famille  de*  * 
mande  fa  charge  pour  Ion  petit  cou* 
lin  , fils  de  ce  brave  M.  de  Marfilly  , 
qui  fut  tué  à Leuze  , & qui  avoit  épcTQ* 
fé  la  fille  de  Thomas  Corneille.  Je 
vous  écrirai  une  autre  fois  plus  au 
long  ; le  jour  me  manque , & je  fuis 
parefleuz  d'aUumer  n»  bougie. 
ne  pouvez  m’écrire  trop  fouvent^ 
Vos  Lettres  nqelêmblent  très*  naturel 
lement  écrites  ; & plus  voua  en  écti* 
rez , plus  aulH  vous  aurez  de  facilkè> 
J’ai  lailTé  votre  raere  en  bonne  lânté. 
Vous  ne  fauriez  lui  faire  trop  de 
d’amitié  dans  vos  Lettres  » car  elle 
mérite  que  vous  l’aimiez,  & que  voua 
lui  en  donniez  des  marques.  J’ai  lû  k 
M.  le  Maréchal  de  Noailles  votre 
deroiere  Lettre  , où  vous  témoignes 
tant  de  reconnoifi^nce  pour  les  bons 
traitemens  que  vous  avez  reçûs  de 


W CcAtUtOmme  oïdinv te  » pafcat  de  CocacUIe;^ 


^44  Lettres  de  Râcike 

M.  le  Prince  & de  Madame  la  Priace( 
fe  de  Straerbak.  M.deTorcy  m’a  ap- 
pris que  vous  étiez  dans  la  Gazette 
de  Hollande  : fi  je  l’avois  fû  , je  l’an- 
rois  fait  acheter , pour  la  lire  à voi 
petites  fœurs  , qui  vous  croiroieni 
devenu  un  homme  de  conféquence 


^ F4r/s  et  15.  Fivrier. 

JE  crois  que  vous  aurez  été  con- 
tent de  ma  derniere  Lettre, dtde 
la  réparation  que  je  vous  y faifois  de 
tout  le  chagrin  que  je  puis  vous  avoir 
donné  fur  votre  voyage.  J’ai  reçû 
votre  ordonnance  au  Tréfor  Royal; 
mais  quelques  inftances  que  M.  de 
Chamlay , que  j’avois  mené  avec  moi, 
ait  pû  raire  à M.  de  Turmenies,  je 
n’en  ai  pû  tirer  que  900  livres  : en 
prétend  même  que  c’efl  beaucoup- 
Nous  vous  tiendrons  compte  de  cet- 
te fomme  ; & vous  n’aurez  qu’à  prier 
-M.  l’AmbalTadeur  de  vous  donner 
l’argent  dont  voqs  aurez  befoin  : j’au- 
rai foin  de  le  donner  aux  perfonnes 
àquiil  me  mandera  de  le  donner.  J’ai 


Jt  s O w P 1 t s;  345" 
ic^evé  de  payer  ma  charge , & nou» 
ivons  remboarfé  Madame  Qainauc  y 
nais  vous  jugez  bien  que  cela  nous 
eflerre  beaucop  dans  nos  suaires  ^ 
Sc  qu’il  faut  qoe  nous  vivions  d’cecq* 
romie  pour  quelque  tems.  J’efperé’ 
nie  VOUS' nous  iûderez  un  peu  en  ccla^ 
St  que  vous  ne  fongerez  pas  à nouS' 
^ire  des  dépenfes . inutiles  , tandis^ 
que  nous  nous  retranchons-  fou-vent 
le  néceifaire;- 

Vous  êtes  extrêmement  obligé  k 
M.  de  Bonac  de  tout  le  bien  qu’il  manl 
de  ici  de  vous-:  & tout  ce  que  j’ai  àl 
fbuhaiter  ,c’eft  que  vous  fouteniezlai 
bonne  opinion  qu’Ha  conçûe  de  vous»  I 
Vous  me  ferez'  an  fenOble  plaifirde 
lui  demander  pour  moi'  une  place 
dans  ftm  amitié  ,&  de  lui.  témoigner 
conabien-  je  fuis  fenlible  à toutes  fes  ' 
bontés.  Jecrois  qu’il  n’eil  pas  befoin- 
de  vous  exhorter  à- n’en  point  abuferf 
je  vous  ai  toujours  vh  une  grande  ap» 

prétenfion  d^^^^  kchar^à^pepfoor. 

c'eiï  une  des  cho£es>qui  me 
pUifolenr  le  plus  en  vous» 

J’ai  trouvé  à-  Verfailles’  on  tiroir 
tout  plein  de  livres  , dont  une-partie 
ÿtoit  4 moi  ^ & l^-^utre  vous  appar» 

-V  i S. 


34<î  Lettres  d>e  Racike 
tient  ; je  vous  les  foubaiterois  Cous  à 
la  Haye  , à la  réferve  de  deux  oo 

Î trois  y qui  en  vérité  ne  valent  pas  la 
reliôre  que  vous  leur  avez  donnée. 
J’ai  reçû  une  grande  Lettre  de  votre 
lœur  ainée  , qui  étoit  fort  en  peine 
de  vous , & qui  nous  prie  inflain* 
ment  de  la  laifièr  où  elle  eft.  Cepen- 
dant il  n’y  a guère  d’apparance  de 
l’y  laiiTer  plus  longtems  : la  pauvre 
enfant  me  fait  beaucoup  de  compaf- 
£on , par  le  grand  attachement  qu’elle 
a conçû  pour  une  maifon  donc  les 
portes  vraifemblablement  ne  s’ouvri- 
ront pas  fîtôt.  Votre  fœur  Nanette 
eft  tombée  ces  jours  palTés , & s’eft 
fait  un  grand  inal^^u  génoux  : mais 
elle  fe  porte  bien  , Dieu  merci. 

II  me  paroit  par  votre  derniere  Let- 
tre que  vous  aviez  beaucoup  d’occu- 
pation , & que  vous  étiez  fort  aife 
d’en  avoir.  C’ed  la  meilleure  nouvel- 
,1e  que  vous  me  puilliez  mander  ; & je 
ferai  à la  joye  de  mon  cœur , quand 
je  verrai  que  vous  prenez  plaiGr  à 
vous  inllruire  , & à vous  rendre  ca- 
pable. Ecriyez-moi  toutes  les  fois  que 
cela  ne  vous  détournera  point  de  quel- 
que meilleure  occupation.  Votre  mere 


X s O N F I t s. 
ièroit  Cürieare  de  Tavoir  ce  qui  vous 
cfl:  refté  de  tout  ce  qu’elle  vous  avoic 
donné  pour  votre  voyage.  M.  Def- 
préaux  me  demande  toujours  de  vo» 
nouvelles  , & témoigne  beaucoup» 
d’amitié  pour  vous. 


^ farii  et  23,  Pivritr,- 

J’Ai  attendu  (î  tard  k commencer 
ma  Lettre , qu’i!  faut  que  jelafadê’ 
fort  courte , fi  je  veux  qu’elle,  parte- 
aujourd’hui.  M..  l’Abbé  de  Château* 
neuf  parle  très--  obligeamment  dfe' 
vous  ; il  ed  fur-tout  très-édifié  de  la 
réfolution  où  vous  êtes  de  bien  em*' 
ployer  votre  tems.  Il  a*  dit  à M.- 
Dacier , que  le  premier  livre  que  voué- 
aviez  achetté  en  Hollande  , o’étoit 
Homere.  Cela  vous  fit  beaucoup 
d’honneur  dans  notre  petite  Accadé-- 
mie  , où  M.  Dacier  dk  cette  nouN»  ' 
velle  : & cela  donna  fujèt  à M.  Def= 
préaux  de  s’étendre  fur  vos  louanges  y; 
c’eft  • à - dhre , fur  les  efpérances  qu’iï 
a conçûes  de  vous:  car  vousfaveæ* 
qu&  Cicéron  dit  youe  dans  un  bom» 

P & 


A son  Fils..  551 
meilleur  ménagerj!p.eL:SSJJU»a^^ 

& de  vous  (buventr  que  vous  n’êces 
pas  le  fils  d’un  Traitant , ni  d’un  pre* 
mier  valet  de  Garderobe.  M.  » 
qui  , comme  vous  favez  , efl;  le  plus 
pauvre  des  quatre,  a marié  depuis  pei| 
fa  fille  à un  jeune  homme  extrême- 
ment riche. 

~\rntirr  mnrr  . mn  efl:  toujours  por- 
té^jàJMMÿ-'penrer  de  vousTcroit que 
vous  l’informerez  de  l’argent  qui 
vous  refie , de  l'emploi  que  vous  avez 
fait  de  celui  que  vous  avez  empor- 
té , & que  cela  fera  en  partie  le  fujec 
des  lettres  que  vous  lui  promettez 
de  lui  écrire  :mais  vraifemblablemene, 
vous  croyez  qu’il  n’efi  pas  du  grandi-' 
air  de  parler  de  ces  bagatelles.  Nouÿ; 
autres  bonnes  gens  de  famille  , noua 
allons  plus  Amplement  , & nou^ 
croyons  que  bien  favoir  Ton  compte*, 
n’efl;  pas  audelTous  d’un  honnête  hom^ 
me.  Serieufement  vous  me  ferez  plaU 
llr  de  paroître  un  peu  appliqué  à vos 
petites  affaires. 

M.  Defpréaux  a dîné  aujourd’hiû 
au  logis , & nous  lui  avons  fait  très- 
bonne  chere  , grâces  à un  fort  bon 
brochet , & une  belle  carpe  . qu’oa 


35%  Lettres  DE  Racine 

sous  avoit  envoyés  dé  Fbri>Royal; 

^ Jtl.  Defpréaux  venok  de  toucher  fa 
t^nHon  , & de  porter  chez  M.  Cail* 
let , Notaire , dix  müte  francs  , pour 
fe  faire  550  livres  de  rente  fur  la.  Vil* 
le.  Demain  M.-de  Vaiincour  viendra 
encore  dîner  logis  avec  M.  Def- 
préaux.  Vous  jugez  bien  que  cela  ne 

la  vérité  je  fuisfort  content  de  vous  ; 
éc  vous  le  feriez-  auflir-  beaucoup  de 
votre  mere  , & de  moi , fi  vous  fa* 
viez  avec  quelle  teridrefle  nous  nous 
parlons  fouvent  de  vous.  Songez  que 
' notre  ambition  eft  fort  bornée  du  cô> 
té  de  la  fortune , & que  la  choie  que 
nouademandohs  du  meilleur  coeur  au 
, bon  Dieu  , c’efb  quül  vous  falfe  la 
’j|;nkce  d-’étre  homme  de  bien,  <St  d'a* 
|vôir  une  conduite  qui  réponde  à l’é* 
Vacation  que  noos  avons  tâché  de 
Vous  donner.  J’ai-  été  on  peu  incom- 
modé Ces  jours  palTés  fcelâ  n’a  pas  eu 
de  fuite  : votre  fœur  Nannettc  vous 
avoit  écrit  une  grande  Lettre  pfeine 
d’amitié.  Je  ne  vous  l’envoie  pas  en- 
core $ elle  jgrp;fl^oâs>4ropTnon  pac- 
qoet.  A£ètt  y mos  cher  fils*  R-  me 


EXTRAIT  D’UNE  LETTRE 
A Mai>ame  i>£  Maint smom. 


M ADAME, 

Javois  pris  le  parti  de  vous  écrire 
8u  fiijet  de  la  taxe  qui  a fi  fort  déran- 
gé mes  petites  affaires  ; mais  n’étant 
pas  content  de  ma  Lettre  , j’avois 
fimpiement  dreffé  un  Mémoire,  dans 
le  deflein  de  vous  fiûre  fupplier  de  le 
prefenter  à Sa  Majefté. . v Voilà  » 
M A D A M E ÿ tout  naturellement  com- * 
ment  je  me  fuis  conduit  dans  , cette 
affaire  ; mais  j'apprem  que  j’en- *ai 
une  autre  bien  plus  terrible  fur  les 
bras. . . Je  vous  avoué  que  lorfque 
je  faifois  tant  chanter  dans  Ëfiher  , 
Xm  , cbaffez.  la  catmnk  , je  ne  m’at^ 
tendois  guère  que  ^ ferois  moKmê- 
me  un  jour  attaqué  par  la  calomnie. 
On  veut  me  faire  paffor  pour  un  hotnr 
me  de  cabale.,  & rébeile  à 


V 

35*4  Lettres  se  Racine 

Ayez  la  bonté  de  vous  fbuvenir 
Madame  , -combien  de  fois  vod 
avez  dit  que  la  meilleure  qualité  qa 
vous  trouviez  en  moi  , c’écoit  m 
foumiflion  d’enfant  pour  tout  ce  qoj 
FEglife  croit  & Ordonne,  même  dan 
les  plus  petites  cho&s.  J’ait  fait  pi 
votre  ordre  près  de  trois  mille  ven 
fur  des  fujets  de  piété  ; j’y  ai  parié 
ailûrément  de  toute  l’abondance  de 
mon  cœur , & j’y  ai  mis  tous  les  fen< 
timens  dont  ^’étois  le  plus  rempli. 
V ous  eft-il  jamais  revenu  qu’on  y eût 
trouvé  un  leul  endroit  qui  approchât 
de  l’erreur  ?.. . 

Pour  la  caballe , qui  eft*ce  qui  n’eo 
peut  être  acculé  ,11  on  en  accufeuo 
homme  aufli  dévoué  au  Roi  que  je  le 
fuis , un  homme  qui  pafie  fa  vie  à 
.penlèr  au  Roi,  à s’informer  des  gran- 
des aéHons  du  Roi,  &à  infpirer  aux 
autres  les  ièntimens  d’amour  & d’ad- 
miration qu’il  a pour  le  Roi  ? J’ofe 
dire , que  les  grands  Seigneurs  m’ont 
bien  plus  recherché  qiie  je  ne.  les  re- 
chercliois  moi-même  : mais  dans  quel- 
que compagnie  que  je  me  fois  trou- 
vé , Dieu  m’a  fait  la  grâce  de  ne  rou- 
gir jaihEis  , ni  du  Roi , ni  de  l’Evao- 


t A s 0 F I i ».  355 

( gîle.  Il  y a des  témoins  encore  vi> 
j vans  , qui  pourroient  vous  dire  avec 
; quel  zèle  on  m’a  vâ  fouvent  combatr- 
^ tre  de  petits  chagrins  , qui  naillènc 
. quelquefois  dans  l’erprit  de  gens  que 
f le  Roi  a le  plus  comblés  de  fes  gra- 
\ ces.  Hé  quoi , Madame  , avec  quel* 

■,  le  confcience.  pourrai  je  dépofer  à la 
’ poftérité , que  ce  grand  Prince  n’ad- 
^ xne’ttoit  point  les;  faux  rapports  coor' 

!.  tre  les:  perfonnes  qui  lui  étoient  les 
] plus  inconnuës , s’il  faut  que  je  faffe 
' xnoi'même  une  fî  trille  expérience  dU 
. contraire  ? ' 

' Mais  je  fais  ce  qni  a pû  donner 
lieu  à une  accufaiion  fl  injuHe.  J’ai 
; une  tante  qui  e(l  Supérieure  de  P.  R» 

' & à laquelle  je  crois  avoir  des  obl> 
gâtions  inflnies.  Ç’ell  elle  qui  m’ap» 
y]  prit  à connoître  Dieu  dès  mon  en* 
fance  ; & c’eR  elle  aulfi  dont  Dieu 
s’ell  fervi  pour  me  tirer  des  égare- 
mens  & des  mifères  où  j’ai  été  en* 

, gagé  pendant  quinze  années  de  ma 
''  vie.  Elle  a eu  recours  à moi. . . Pour 
’ vois-je , fans  être  le  dernier  des  hon> 
mes  , lui  refufer  mes  petits  fecours 
dans  cette  néceilité  ? Mais  à qui  cfl- 
; ce,  Maoakx,  que  je  m’adi^eflÀt 


4 


^5^.  LBtTkES  DE  RiCIVE 
de  ce  que  vous  ne  lui  écrivez  point; 
mais  le  commerce  de  Lettres  entre 
}ui&  vous  étant  auffi  cher  qu’il. e(l, 
vous  ferez  adffi  làgement  de  ne  vocs 
pas  ruiner  les  uns  les  autres  ( i). 

Votre  mere  fe  porte  bien  : Ma(j^ 
Ion  & Lionval  (a)  font  un  peu  incom- 
modés  : & je  ne  fais  s’il  ne  faudn 
point  leur  faire  rompre  Carême  J'ec 
etois  aflêz  d’avis  ; mais  votre  mere 
croit  que  cela  n’efl:  pas  nécelTaire. 
Comme  le  tems  de  Pâque  approche, 
TOUS  voulez  bien  que  je  fonge  un  pe: 
à vous  , & que  je  vous  recommande 
auffi  d’y  fonger.  Vous  ne  m’avez  en- 
core rien  mandé  de  la  chapelle  de  M. 
TAmbafladeur.  Je  fai  combien  il  eil 
attentif  aux  chofes  de  la  Religion 
qu’il  s’en  fait  une  affaire  capitale.  £(t- 
tce  des  Prêtres  féculiers  par  qui  il  ia 
[fait  dëfervir  ? ou  bien  font-ce  des  R^ 
yigieux  ? Je  vous  conjure  de  prendre 
en  bonne  part  fes  avis  que  Je  vou 
donne  là-deffiis  , de  vous  iouvenir 
que  comme  je  n’ai  rien  plus  à cœur 

( I J Ce  n*étoit  point  par  avarice.  Il  loi  recomiDaniicra 
bientôt  de  lui  adiellèr  toutes  les  Lcîtret  ^u*il  desixa  ) 
Boileau  j âc  il  l'exboitc  à lui  éttixe, 

( à ) C*étcit  moi.  ‘ 


"k  s O K Fils. 
ttt  jamais  remettre  le  pié  au  logis  ; 
elle  prétend  s’aller  enfermer  dans  Gif, 
& s y faire  Religieufe  , fi  ^lle  perd 
l’efperance  de  l’être  à P.  R.  Elle  m’a 
écrit  là^deflus  des  Lettres  qui  m’ont 
troublé  & déchiré  au  dernier  point  ; 
& je  m’afliire  que  vous  en  feriez  at« 
tendri  vous-même.  La  pauvre  enfant 
a eu  jufqu’ici'bien  des  peines  , & a 
été  bien  traverfée  dans  le  deflein 
qu’elle  a de  fe  donner  à Dieu  : je  ne 
fai  quand  il  permettra  qu’elle  ménet 
une  vie  un  peu  plus  calme  & plus 
iieureufe.  Elle  étoit  charmée  d’être  à. 
P.  R.  & toute  la  maifon  étoit  aulR 
très-contente  d’elle.  Il  faut  fè  foumet* 


tre  aux  volontés  de  Dieu.  Je  ne  fuis 
guère  en  état  de  vous  entretenir  fut 
d’autres  matières  ; & j’ai  eu  mille  pei« 
ses  à achever  la  Lettre  que  j’ai  écrite, 
à M.  rAmbafiadeur.  Je  pars  demain 
pour  aller  à P.  R.  & régler  toutes  cho> 
les  avec  ma  Tante  j de-là  j’irai  cou* 
cher  à Ver  failles , pour  aller  coucher 
Mercredi  à Marli. 

Je  ne  doute  pas  que  vous  nefoyez 
fort  aife  du  mariage  de  M.  le  Comte 
d’Ayên  : il  nae  témoigne  toujours, 
beaucoup  d’amitié  pour  vous»  Le  voi« . 

rmt  l,  ^ ® • 


I 


ÿfi  LCTTXBS  OS'.RAtflNB 
là  préfentement  le  plas  riche  Seignetf 
<de  la  Cour.  Le  Roi  donne  à Mad6 
iinoireUe  d’Aubigné  800  mille  francs, 
4>atre  cem  -mille  francs  en  pien» 
ries.  'Madame  de  Maintenon  all&' 
re  aufli  à fa  nièce  Ihc  cens  mille 
francs.  On  donne  à M.  le  Comte 
d’Ayen  les  furvivances  des  deox  Goa* 
verneroens  , fans  compter  des  pen- 
üons.  M.  le  Maréchal  de  N^oaillesaf* 
fure  45  mille  livres  de  rente  à M.  foD 
fils  , & lui  en  donne  préiènteroeni 
diX'huit  mille.  Voilà  , Dieu  merci, 
^ grands  biens  ; mais  ce  que  j'eih'me 
Iplus  que  tout  cela , c’efl  qu’il  efl  fort 
pUge  y & très  digne  de  la  grande  for- 
nune  qu’on  lui  fait.  'Adieu.  Ecrivez- 
Ü»ow-fewN?i»t*ydk>prioB  M»XAflibaf- 
iadeur  de  vouloir  vous  avertir  une 
iteure  ou  deux  avant  le  départ  defes 
stourriers  ,■  quand  il  fera  obligé  d’eo 
envoyer,  ^uand  vous  n’écririez  que 
ou  douze  lignes , cela  me  fera 
fhujours  beaucoup  de  plaifir.  Lionval 
a été  un  peu  malade  : vos  petites  fteurt 
fiîât  -en  bonne'  fanté':  votre  meré  vous 
j (écrira  datm  iie4ix  jours.  AlTôrez  M.  de 
’ Sonnac  de-toute  la  reconncûflànce 
j*9ÎpoiU‘i’«iBk£édoiuii  TOUS  Jumore, 


■ ■ il  s © K T ï t ?.  3?^ 

Je  Ten  remercierai  moi-même  à lai 
première  occaGon , & lorfque  j^aura! 
refprit  un  peu  plus  tranquille  que  je 
ne  l’ai. 


A tarif  le  Lamdi  JU 

J'Âilû  avec  beaucoup  de  plaiiirtoué 
ce  que  vous  me  mandez  de  la  ma> 
niere  édiGante  dont  le  fervice  fe  faié 
dans  la  chapelle  de'  M.  fAmbafla- 
deur , & fur  les  difpoGtions  o&  vouâ 
étiez  de  bien  employef  ce  faint  tems. 
Je  vous  aflüre  que  voü^'âürTez  enco* 
re  penfé  plus  férieufement  <jue  vouç 
ne  faites  fur  Tinçertitude  dé  la  morc^l 
& fur  le  peu  de  cas  doit  fairrf  . 
de^  Vis  , h vous  aviez  yù  le  trille 
fpeflacle  que  nous  venons  d’avoir  vo« 
tre  mere  & moi  cette  aprè's-dînée.  Lf 
pauvre  Fanchon  s'étoitplsdntdie  beau- 
coup de  maux  de  tête  tout  le  matin  i 
on  a été  obligé , après  le  <finer  de  la 
faire  niettre  fur  fon  lit;  & fur  les  troi^ 
heures , comme  je  prenois  mon  Gvre 
pour  aller  à Vêpres  ,}’ai  demandé  dé 
les  nouvelles.  Votre  mere , qui  la  ve^ 
noit  de  t^itter  , m’a  dit  qu’elle  lui 
trouvoit  un  peu  de  fièvre.  J’ai  été 


'3^4  Lbttrss  se  Rac-zkb 
pour  lui  tâcer  le  poüx  ; je  Tai  tronv( 
Tonverfée  fur  fon  lit , fans  la  moind: 
connoilTance , le  vii^ge  tout  bouffi 
avec  une  quantitt^  horrible  d*eauxqi 
llétouffbient , &.faifoient  un  bruit  ei 
froyable  dans  fa  gorge  ; enfin  un 
vraie  apoplexie.'  J’ai  fait  ûn'graoi 
cri , ( I ) & je  l’ai  prife  entre  me 
bras  ; mais  fa  tête  & tout  ion  corp 
n’itoient  plus  que  comme  un  ling( 
iDOuillé.  Un  moment  plus  tard  eik 
étoit  morte.  Votre  mere  eft  venue 
toute  éperdue , & lui  a jetté  quelques 
poignées  de  fel  dans  la  bouche.  Os 
l’a  baignée  d’efprit  de  vin  & de  vi* 
migre  ; mais  elle  a été  plus  d’une 
^ande  demi-heure  entre  nos  bras  dans 
k même  état  ; & nous  n*attendions 
me  le  moment  qu’elle  alloit  étouffer.; 
$ous  avons  vite  envoyé  chez  M.  Ma-; 
r4chal  : il  n’y..éto|y)qipt.  A la  fin  , à 
fojTçe  de  la  tourmenter , & de  lui  faire; 
avaler  par  force  « tantôt  du  vin  « tan*] 
tôt  du  fel , elle  a vomi  une  qpandu 
épouvantable  d’eaux  qui  lui  étoieof 
tombées  du  cerveau  dans  la  poitrio 


|i  ) Cccliftttfignnd»  ^u*il  câ  rcûc  dau 


f 


â s 0 N F I L Si 
elle  a pourtant  été  deux  heutes  en* 
tieres  ians  revenir  à elle , & il  n’y  a 
qu’une  heure  à peu  près  que  la  con: 
xioiCTance  lui  efl  revenue.  Elle  m’a  en- 
tendu dire  a votre  merè  que  j’alloia 
vous  écrire  ; elle  m’a  prié  de  vous  fai-  • 
re  bien  Tes  coroplimens  ; c’eft  en  quel- 
que forte  la  première-  marque  de  conrt 
moiflance  qu’elle'  nous  a donnée,  ( i'} 
■Je  vous  affûre  que  vous  auriez  été 
^ufli  ému  que  nous  l’avons  tous  été*. 
IMadelon  en  eft  encore  toute  effrayée, 
& a bien  pleuré  fa  fœur  , qu’elle 
croyoit  morte. 

Je  vais  demain  à P.  R.d’où  j*efpère 
ramener  votre  fœur  aînée.  Ce  fera  en- 
core-un autre 'fpeftacle  fort  trifte  pour 
I mot;  & il  y aura  bien  des  larmes  ver- 
>fées  à cette  réparation.  Nous  avooa 
j jugé  qu’elle  n’avoit  point  d’autre  parti 
à prendre  qu’à  revenir  avec  nous,  fan» 
aller  de  couvent  en  cou  verrt.  Du  moins 
elle  aura  le  tems  de  rétablir  fa  fanté  ^ 
'.qui  s’efl  fort  affbibifè  par  les  auftéri- 
tés  du  Carême  ; & elle  s’examinera  à 
Joifir  fur  le  parti  qu’elle  doit  embraflèr,  • 


i Quel m pour CDgagec ua frere  à aimer fcspetiCfift 

* bml 

^ 0.3 


1 


ftié  Lbttkbs  os  RjICINE 
Kous  lui  avons  préparé  la  chambre 
où  couchoit  votre  petit  frere  y qui 
couchera  dans  la  vô^re  avec  fa  mie. 
Vos  Lettres  me  font  toujours  un  eX' 
irêtne  plaiGr  , & même  à M.  Def 
préaux  > à qui  je  les  montre  quelque- 
fois , & qui  continue  à m’aflurer  que 
j’aurai  beaucoup  de  fatisfaâion  de 
VQOs , & que  vous  ferez  des  merveil- 
les.' Votre.  Laquais  m’a  fait  demander 
Àne  augmentation  de  gages  , difant 
pour  fes  raifons , que  le  vin  ell  fort 
cher  en  Hoilandç.  Ni  je  ne  fuis  en  état 
d’augmenter  fes  gages  ^ ni  je  ne  crois 
point  fes  fèrviçcs  a^ez  confidérables 
pour  les  augmenter.  Du  relie  ne  vous 
lailTez  manquer  de  rien  ; mandez-mm 
tous  vos  befpins , & qroyez  qu’on  ne 
peut  vous  aimer  plus  tendrement. 


Û .»  ff’»  F .1  B g.  * 


ui  Farit  U 14  AoiK  . . 

. 1 

Votre  Aeuf  comtoence  ï fe  racv 
coutumer  avec  nous  mais  non* 
pas  avec  le  monde  , dont  elle  paroit^' 
toujours  fort  dégoûtée  : eUe  prend  un* 
fore  grand  A)tn  de  feÿ  petites  fgtnxv  n 
& de  fon  petit  frété;  & elle  fut  foof- 
cela  de  la.  meilleure  grâce  du^  monde* 
Votre  mere  eft  édifiée  d’elle^  & en  re- 
çoit ua  fort  grand  fouiagement.  â 8( 
mIIu  bien  des  combats  pour  la  réfou* 
dre 'à  porter  d^  habits  fort  firoides& 
fort  modefbes  j qu’elle  a retrouvés  dans  • 
ion  armoire  : & il  a fallu  au  moins  liir 
promettre  qu’on  ne  l’obligeroit  jamais 
à porter  ni  or  ni  argent.  Où  je  met 
trompe  , ou  vous  n’étes  pas  tout-à-l 
fait  dans  ces  mêmes  'fentimens  ; &] 
vous  traitez  peut-être  de  grande  foi*  ; 
blefiè  d’efprit  cette  averfion  qu’elle  té*-^ 
xnoigne  pour  les  ajuflemens  , & pour' 
la  parure  : j’ajoûcerai  même  pour  la* 
dorure.  Mais  que  cette  petite  reflé* 
xion  que  je  fais  ne  vous  effraie  point. 
Je  fais  aufli  biep  compatir  à la  petitt; 

0.4 


'3^  IrBTTRfiS  SB  RaCTXKE 
vanité  des  jeunes  gens  , comme  j 
jais  admirer  la  modeftie  de  votre  fœoi 
}'ai  même  prié  M.  l’Ambafladettr  de 
vous  faire  avancer  ce  qui  vous  fera 
néceflaire  pour  un  habit  tel  que  vous 
en  aurez  befoin  : & je  m’abandonot 
fans  aucune  répugnance  , à tout  ce 
qu’il  jugera  à propos. 

J’ai  été  charmé  de  l’éloge  que  vous 
ne  faites  de  M.  de  Bonnac , & de  la 
noble  émulation  qu’il  me  femble  que 
fon  exemple  vous  infpire.  Ayez  bien 
foin  de  lui  témoigner  combien  je  l’bo* 
nore , & combien  je  fouhaite  qu’il  me 

I compte  au  nombre  de  fes  (erviteurs. 

’ Votre  petit  frere  eft  fort  enrhumé, 
aufli-bien  que  Madelon  : tous  deux  ne 
font  que  toufler.  Fanchon  ne  le  ref- 
fent  plus  de  fon  accident , que  M.  Fa- 
gon  appelle  un  catarre  fuffoquant. 
Votre  mere  & votre  fœur  fe  portent 
fort  bien , & vous  font  leurs  compli* 
mens.  M.  Defpréaux  vous  fait  auffi 
les  fiens.  Il  ell  à la  joie  de  fon  cœur 
depuis  qu’il  a vû  fon  Amour  de  Dieu 
imprimé  avec  de  grands  éloges  dans 
üdë'réponfe  qu’on  a faite  au  P.  Dsh 
niel.  On  m’a  dit  mille  biens  de  plu* 
£eurs  EccléllalUques  qui  font  en  Hol|j 


■J 


â é 0 Ht  F I t s.  ^ 
fende.  C’eft  une  grande  confolation  de 
trouver  des  tens  de  bien , & de  poa^ 
voir  qdelquerois  s’entretenir  avec  eux 
des  choies  du  falot , fur- tout  dans  un 
pays  où-  l’on  eft  fi  diflipé  par  les  di« 
vertifièraens  & les  affaires.  Du  refie 
j'apprens  avec  beaucoup  de  plaiGp 
que  vous  ne  voyez  que  les  mêmes- 

fens  que  volt  M.  l’Ambafladeur  ; Su 
. vous  fréquentiez  d’autres  comp»' 
gnies  que  les  fiennes  , je  fercMs  dan» 
de  très-grandes  inqu^tudes.  ^ ne- 
vous  écrirai  pas  plus  au  long',  me 
trouvant  accablé  d'affaires  au  fujet 
de  l’argent  qu’il  firnt  que  jfe  donne 
pour  ma  taxe  (i)-  • 


Paris  U 15. 

J’Ai  été ibrrincommodë  depuis  fis 
demiere  Lettre  quejevoosaiécri*- 
te  , ayant  eu  pUifieurs  peritstnaux-  ÿ. 
dont  il' n’y  en  avoir  pas  un  ftul  dah* 
gefeux  ; mais  qui  étoient  tous  aflêX^ 


j7o  L^iTTRE's  OS  Racine 
dooloureux  pour  tn’empécher  de  dpr« . 
BUT  la  Duû  4 & de  m’appliquer  durant 
te  jour.  Cet  maux  étoiepc  un  fort'grand 
ihume  • un  rhumaiirme . & une  petite 
éryOpde , ou  éréilpelç , qui  m’inquié-  I 
te  beaucoup  de  tems  en  tems.  Cela  a 
donné  occafîon  à votre  mere  , & à 
mes  meilleurs  amis  , drm’infulter  fut 
hjpareiTe  que  j’^vois  depuis  fi  long* 
tems 'tte'Wre  des  remedes.'  J’en  ai 
donc  contraencé . quelques-uns.  Vos 
deux  l^edtes  fœurs  prenoient  hier  mé- 
decioe  , pendapt  qu’on  me  faignoit  : 
& il  fallut  quevotre  mere  me  quittât , 
poiur  allet  Iqrcer.Fanchon  à avaller  là 
médecine  : elle  a toujours  été  un  peu 
. incommodée  depuis  Ton  catarre.  Je  lui 
fi  lô  votre.4<ettfe-  > elle  fut  fort  tou* 
chée  de  l’intérêt  que  vous  peniez  a 
ia  maladie , & du  foin  que  vous  pre- 
niez de  lui  donner  des  confeils  de  fi 
loin  ; elte  ne  fait  plus  autre  chofe  de- 
puis ce  tems-là  que  de  le  moucher  \ 
fait  un  bruit  commis'  fi  elle  vouloic 
que  vous  l’entendifliez . & que  vous 
vifliez  combien  elle  fait  cas  de  vos 
confeils. 

' Votre  fœur  aîpée  elt  d’une  humeur 
l’on  douce  : j'ai  tout  fujet  d’être  édi* 


A'  S 6 M ï'  I L S.  371? 

fié  de  fa  conduite  &de  fa  grande  pié« 
té  ; mais  eft  toujours  fort  farouche* 
EDepenfa  hier  rompre  en  vifiere  avec  ' 
une  perfonne  qui  lui  faifoit  entendre, 
par  maniéré  de  civilité  , qu’il  la  trou* 
voit  bien  faite  : & je  fus  ôbligé  même  , 
quand  nous  fûmes  fêuls,  de  lui  en  fai- 
re une  petite  réprimande.  £He  vou- 
droit  .ne  bouger  de  fa  chambre  , & 
ne  voir  perfonne  ; du  refie  elle  efl' 
aflêa  gaie  avec  nous  * & prend  grand 
foin  de  fes  petites  fceurs  , & de  foD 
petit  frere.  Mais  voilà  afTez- vous  par- 
ler de  notre  ménage. 

Vous  ne  ferez  pas  fort  affligé  d’ap  - 
prendre que  R.  l’Hüiffler  de  la  cham- 
bre * a été  mis  à la  Raflille , & qu’on  ' 
lui  a ordonné  defe  défaire  de  fa  char- 
ge. Ses  confrères  feront  fort  aifes  d’ê-  - 
tre  délivrés  de  lui.  Pour  moi  if  ne- me-^ 
falttoit  plus , & avoie  toujours  en vm| 
de  me  fermer  la  porte  au  nez  lorfque  f 
je  venois  chez  le  Roi.  Aveccouc  celad 
je  le  plaindroiSjfi  up  homme  infblentj 
& qui  cherchoicfi  volontiers  la  hainei 
de  tous  les  honnêtes  gens  , pouvoitl 
mériter  quelque  pitié.  Il  y a eu  nneca-^ 
taflrophe  qui  a fait  bien  plus  de  bruit 
que  celle-là  : c’eft  celle  d’un  Breton.^. 


37»  LSTTRfiS  SB  R A«INS 
qui  n’étoit , pour  ainG  dire , connu  de 
perfonne  , & que  le  Roi  avoir  non* 
mé  Evêque  de  Poitiers.  Vous  avez 
entendu  parler  de  cette  afiFaire  , qui 
a été  très-fâcheufe  pour  cet  Evêque 
de  deux  jours  , & Ùen  plus  pour  le 
P.  de  la  Cbaize  fon  proteâeur  « qui  a 
eu  le  déplaiGr  de  voir  défaire  fon  ou* 
vrage.  Âdille  complitnens  pour  iboi 
i M.  deBonnac  , qui  efl;  de  tontesles 
ecânpagnies  que  vous  voyez  . celle 
^ue  jè  vous  edvI&'le^lLbl^ 


% *■ 


k son  V ILS.  35f3 


Jt  Farîtlt  i Mitj» 

Votre  ineré & moi  nous  approu- 
vons entièrement  tout  ce  que 
vous  avez  penfé  fur  votre  habit , & 
Dons  fouhaitons  même  qu*on  ait  déjà 
comntencé  à y travailler , afin  que 
vous  l’ayez  pour  rentrée  de  M.  l’Am- 
bafiadeur.  Vous  n^avez  qu’à  fe  prier 
de  vous  faire  donner  fargent  dont 
vous  croyez  avoir  befoin  , tant  pour 
l’habit  y que  pour  tes  autres  chofes 
^e  vous  jugerez  néceOaires.  J’ai  ap- 
prouvé votre  conduite  à l’égard  des 
Eccléfîafiiques  dont  je  vous  avois  par- 

!lé;  vous  me  ferez  plaifirde  répondre 
au  mieux  à leurs  honnêtetés.  Il  peut 
■même  arriver  des  occafions  où  vous 
ne  ferez  pas  fâché  de  vous  adreflèr  à 
eux  , pour  tes  chofes  qui  regardent 
votre  fahit , quand  vous  ferez  aflès 

pnr  y fnngPr  fprignfrmeBt. 

Une  fe  peut  nen  de  plus  fage  que  ta 
conduite  de  M.l’Ambafiadeurenvers 
eux.  Il  a an  frere  dont  on  m’a  dit  des 
merveilles:  oa ne  l’appelle  que  küÙQt 


374  Lst.tess  de  Raçine 
folitaire.  Je  fuis  fûr  que  M.  l’Arobaf* 
fadeur  , avec  tous  les  honneurs  qui 
l’environnent , envie  fou  vent  de  bon 
coeu^  calme  & la  féiické  de  M.  fon 
frere.  ' 

M.  Defpréaux  recevra  avec  joie 
vos  Lettres,  quand  vous  lui  écrirez, 
mais  je  vous  confeille  de  me  les  adref- 
fer,  de  peur  que  le  prix  qui  lai  en  cou- 
teroit  ne  dimlllllë  DeWcoüjp  le  prix 
’1(ftfilll6'tfe“tout  ce  que  vous  pourriez 
loi  mander  ( i).  N’apprehendez  pas 
de  m’ennuyer  par  la  longueur  de  vos 
lettres  j elles  me  font  un  extrême 
plaifir , & nous  font  d’une  très-gran* 
de  confolation  à votre  mere&  à moi, 
& mêmes  à toutes  vos  Imurs  , qui  les 
- écoutent  avec  une  merveilleufe  atten* 
tion  , en  attendant  l’endroit  où  vous 
^rez  mention  d’elles. 

11  y ^aura  demain  trois  femaines  que 
je  ne  fuis  forti  de  Paris , à caule  de 
cette  efpèce  de  petite  éréfypele  que 
j’ai.  Vous  ne  fauriez  croire  combien 
je  me  plais  dans  cette  efpèce  de  re- 
SÊmÊmÊÊrnmmmmmÊmmmmmimmmmmmm 


( I ) Il  S dit  dani  une  Lettre  précéiènie  > qu*il 
^ic  aller  achtici  itii-m^fUie  chez  Tiueraj , lc«  Fables  d« 
Ta  Fontaine  > de  peur  c^u'on  ne  voulut  pas  prendre  fbn 

mg/nirSKi  4i£i(tcw4c  cdiiidcMiiwi. 


. A s O K F I I,  s.  375 
traite  , & avec  quelle  ardeur  je  de^ 
mande  au  bon  Dieu  que  vous  foyez 
.en  état  de  vous  paiTer  de  mes  petits 
‘fecours  , (i)  a6n  que  je  commence 
'un  peu  à me  repofer  , & à mener 
une  vie  conforme  à mon  âge , & mê> 
me  à mon  inclination.  M.  Defpréaux 
m’a  tenu  très-bonne  compagnie.  Tou- 
tes vos  fœurs  font  en  bonne  fanté  » 
auffi-bien  celleequi  font  ici , que  celles 
qui  font  au  .couvent  , & qui  témoi- 
gnent toutes  deux  une  grande  ^ 
veur  pour  achever  de, fe  confacrer  a 
Dieu.  Babiêt  m’^rit  les  plus  jolies  Let- 
tres du  monde , & les  plus  vives , fans 
beaucoup  d’ordre , comme  vous  pou- 
vez croire  ; mais  extrêmement  con- 
formes au  caraflère  que  vous  lui  con- 
noiflez.  Elle  noos  demande  avec  grand 
foin  de  vos  nouvelles.  Adieu  , mon 
cher  fils , je  vous  écrirai  plus  au  long 
line  autrefois.  J’ai  fi  mal  dormi , que 
je  n’âi  pas  la  tête  bien  libre  : ti’ayez 
fur-tout  aucune  inquiétude  fur  ma  fan- 
té  , qui  au  fond  efi  très-bonne  (2). 


Cl)  œ qu'il  «|tcii4oit  tfcc  impiticace  p pôil| 
& tetixer  de  la  Cour. 

(-a  ) Sa  «itSi 

4I  l^^VOdioii  ) 


37<$  Lettres  se  Raciitb: 


ji  Farif  le  id.  . 

Votre  relation ' dà  voyage  qoe 
vous  avez-  fait  à Amfterdam , 
in’a  foit  un  très  grand  plaiflr.  Je  n’ai 
pû  m’empêcher  œ la  lire  à M.  de  Va* 
linconr  & à M.  Derpréaoz.  Je  me 
gardai  bien  en  la  lifant , de  leur  lire 
Fét  range  mot  de  tenuüf,  que  vous 
avez  appris  de  queiqpe  Hollandois  , 
& qui  les  auroit  beaucoup' étonnés; 
dn  refteje  pouvois  tout  lire  en.(Ûre> 
.té  , & il  n’y  avoitrien  qui  ne  fût  fe* 
I Ion  la  tangue  , &felon-là  raiibn.  M. 
Perpréaux  aflore  fort  qu’il  n’aura 
point  de  regret  au  port  que  ltti^pou^ 
sont  coûter  vos  Lettres  ; mais  Jçe  crois 
que  vous  ferez  aufli-bien  d’attendre 
quelque,  bonne  commodité  pour.  Im 
écrire  Votre  mere  efl  fort,  touchée 
du  fouvenir  que  vous  avez  d’elle.  El'e 
iêrôit  ailèz'  aife  d’avoir  votre  beurre; 
mais  eNe  craku  également , & de  vous 
donner  de  l’embarras  , & d’être  em* 
barraflée  pour  recevoir-  votre  prélên^ 
qui  fe  gâieroic  pent*ê^  ea  chenÙB* 


1 s 0 M Fils.  377 

M.  de  R.  m’a  appris  que  ia  Cham- 
meilai  étoit  à i’extrémicé  , de  quoi 

|)TuT  aaiiff ani»  e’eft  dequoi  il  ne  fe 
'TOÜîfîè  guère,  je  veux  dire  l’obdination 
avec  laquelle  cette  pauvre  malheureu* 
le  refufe  de  renoncer  à la  Comédie , 
ayant  déclaré, à ce  qu’on  m’a  dit,  qu’eU 
le  trou  voit  très 'glorieux  pour  elle'de 
mourir  Comédienne.  Il  faut  efpérer 
que  quand  elle  verra  la  mort  de  plus 
près , elle  changera  de  langage , com* 
me  font  d’ordinaire  la  plûpart  de  ces 
«ns qui  font  tant  les  fiers,  quand  ils 
M portent  bien.  Ce  fut  Madame  de 
Caylus  qui  m’apprit  hier  dette  parti» 
cularité , dont  elle  étoit  efiFrayée , & 
qu’elle  à fie  de  M.'  le  Curé  de  Saine. 
Sulpice. 

Un  Moufquetaire , fils  d’un  de  nos 
camarades , (*  i ) a eu  une  afiàire  alTez 
bizarre  avec  M.  de  V.  qui  le  prenant 
pour  on  de  Tes  meilleur^  amis , lui  don* 
na  en  badinant  “un  coup  de  pié  dans 
le  derrierre , puis  s’étant  apperçû  de 
fon  erreur  , lui  fit  beaucoup  d’excu» 
fes  : mais  le  Moufquetaire  , fans  le 


(i  j D*aa  GeatilbiDiiuce  otdiiiaiie« 


V 


878  LBTfRBS  DE  RAOrKE 
payer  de  ces  raifons , prit  le  moment 
qu'il  avoit  le  dos  tourné  lui  don^ 
na  aufli  un  coup  de  pié  de  toute  fa 
force  ; après  quoi  il  le  pria  de  Texcu* 
1er , difant  qu’il  l’avoit  pris  aufli  pouc 
un  de  Tes  amis.  L’aâion  qui  s’efl  paf* 
fée  fur  le  petit  degré  de  Verfailles, 
par  où  le  Roi  revient  de  la  chaflè , a 
paru  fort  itrange.  On  a fait  mettrele 
Moufquetaire  en  prifon.'il  eft  parent 
' de  Madame  Quentin  ; & cette  paren- 
té  ne  lui  a-pas  été  infruébueuiè  en  cet* 
te  occafion.  M.  de  Boufflers  acconk> 
moda  promptement  les  deux  parùesi 
Je  fais  toujours’  réfolution  de  vous 
^crire  de  longues  Lettres  ) mais  je  m’7 
Iprens  toujours  trop  tard  : iffaut  que 
fe  finifle  malgré  moi.  Je  me  porte  biei^ 
& toute  la  famille.  Adieu.. 


A SON  Fils.  373^ 


ji  Verf ailles  le  15.  hùn. 

Le  Roi  a renvoyé  M l’Abbé  de 
Langeron , & M^l'Abbé  de  Beau- 
mont. La  querelle  de  M.  de  Cam- 
brai ell  caufe  de  ce  remue  ménage. 
On  adonné  une  de  ces  pîaces'âU  Rtc- 
teur  de  l’Univerfité , nommé  M.  Vic- 
tement,  qui  0c  une  fort  belle  harai^ 
gue  au  Roi  fur  la  paix.  M.  de  Puy- 
iéguf  eft  nommé  pour  on  des  Genti^s• 
hommes  de  la  manche.  Je  ne  puis 
vous  cacher  Tobligacion  que  vous 
.avez  à M.  Te  Maréchal  de  Noaillest 
il  avoit  fongé  à vous  , & en  avoic 
même  parlé  ; mais  vous  voyez  bien, 
par  le  choix  de  M.  de  Puyfégur , que 
M.  le  Duçde  Bourgogne  n’étant  plus 
un  enfant  , on  v.euc  meure  auprès 
de  lui  des  gens  d’une  expérience  con- 
fommée,  fur- tout  pburîa  gtiefFSfr'^ 
Vqus  voyez  du  moins  que  vous 
avez  ici  des  proteélïeurs  qui  ne  vous 
oublient  point,  & que  (i  vous  voulez 
continuer  à travailler  & à vous  met- 
tre en  bonne  réputation , l’on  ne  màù- 


/ 

3^0  Lettre?  DS  Ricins 
quera  point  de  vous  mettre  en  œavre 
dans  les  occaHons.  Vous  ne  parlez 
plus  de  Tétude  que  Vous  aviez  com- 
mencée de  la  langue  Allemande. 
Vous  voulez  bien  que  je  vous  dife  « 
que  j’appréhende  un  peu  cette  faci- 
lité avec  laquelle  vous  embrallez  de 
bons  defleins  ; avec  laquelle  aufli  vous 
vous  en  dégoûtez  quelquefois.  Les 
Belles  • Lettres  , où  vous  avez  pris 
tou  jours  aiTez  de  plaidr , ont  un  cer- 
tain charme  qui  fait  trouver  beau- 
coup de  sècherelTe  dans  les  autres 

f études  : mais  c’eft  pour  cela  même 
qu’il  faut  vous  opiniâtrer  contre  le 
penchant  que  vous  ayez  à ne  faire 
que  les  chofes  qui  vous  plaifent.  Vous  , 
avez  un  grand  modèle  devant  vos 
yeux:  je  veux  dire  M.  l’AmbafTadeur, 
je  ne  faurois  trop  vous  exhorter 
jùvous  former  fur  lui  le  plus  que  vous 
pourrez.  Je  fais  qu’il' ÿ a beaucoup  | 
de  Aijets  de  dîftraâion  & de  diflipa- 
tiôn  à la  Haye  ; mais  je  vous  crois 
l’efprit  maintenant  ^fpp  fAlîda , p<^iir 
vous  lai/ler  détourner  des  occupa- 
tioris  Ime  M..l’AhiDafradeur  veut  bien 
vous  donner  : autrement  il  vaudroit 
mieux  revenir  j que  d’étre  à charge 


A 8 O N F I I S.  381 
an  meilleur  ami  que  jVie  au  monde. 

Je  vous  dis  tout  ceci  , non  point 
que  j’aie  aucun  fujet  d’inquiétude  • 
étant  au  contraire  très  • content  des. 
témoignages  qu’on  rend  de  vous;  mais 
comme  je'  tfeille  continuellement  à 
ce  qui  vous  ell  avantageux , j’ai  pris 
cette  occafion  de  vous  exciter  à faire  ' 
de  votre  part  tout  ce  qui  peut  facili* 
ter  les  vûes  que  mes  amis  pourront 
avoir  pour  vous.  Te  fuis  chargé  de 
beaucoup  de  compnmens  de  tous  vos 
petits  amis  de  ce  pays*ci  : je  dis  pe- 
tits amis  , en  compaf'aifon  des  pro- 
teéleurs  dont  je  viens  de  vous  par- 
ler. ; 

J’ai  lailTé  votre,  roere  , & toute 
la  famille  en  bonne  fanté , excepté 
que  votre  fœur  eft  toujours  fujette  à 
lès  migraines  : je  cmns  bien  que  la 
pauvre  fille  ne  puifle  pas  acccnnpli^ 
les  grands  defleins  qu’elle  s’étoit  mis^  | 
dans  la  tête  ; & je  ne  ferai  point  du- 
tout  furpris  quand  il  faudra  que  nous 
prenions  d’autres  vûes  pour  elle. 


I/BTTRES  DE  ÎIACInE 


A taris  le  2^  Juitt. 

Votre  mere  sXl.  fort  attendrie  à la 

leûwre'deTotre  dSnriere^emeç 

où  voia  mandfô?*qgHnîfe~de  Vorpte 
grandes  confolations  étoit  de  rece* 
■voir  de  nos  noureUes.  £Ue  eil  très* 
contente  de  ces  marques  de  votre  boa 
naturel  : mais  je  puis  vous  aâ^irer 
qu’en  cela  vous  nous  rendez  bien 
ce , & que  les  Lettres  que  nous  re> 
cevons  oe  vous  font  toute  la  joie  de 
la  famille , depuis  le  plus  grand  jnf.  i 
qu’au  plus  petit  : ils  m’ont  tous  prié  ' 
aujourd’hui  de  vous  faire  leurs  com* 
plimens  : & votre  fœur  aînée  corn* 

^ me  les  autres.  La  pauvre  fille  me  fait 
afiez  de  pitié  , -par  l’incertitude  que 
je  vois  dans  Tes  céfolutions  , tantôt 
) à Dieu  , tantôt  au  monde , & crai- 
‘ gnant  de  s’engager  de  façon  ou  d’au- 
tre : du  relie  elle  efl  fort  douce.  Jôla- 
delon  a eu  une  petite* vérole  voiame  : 
je  crains  bien  pour  votre  petit  fre- 


A S O » F î X S.  gSj 
le;  (i  )il  eft  très-joli , apprend  bien,' 
& quoique  fort  éveillé  , ne  nou^.doa'^ 
ne  pàs'tâ  môîfitffé  péîhe^^ 

J’allai  dîner  il  y a trois  jours  à.  Au- 
teuil  « où  M.  de  Termes  amena  le 
nouveau  Muficien  Deftouches  , qui 
fait  un  nouvel  Opéra  pour  Fontaine- 
bleau. Il  en  chanta  pludeurs  endroits,' 
dont  la  compagnie  parut  charmée  , 
& fur-tôut  M.  Defpréaux  , qui  pré-' 
tendoit  l’entendre  bien  diftinâement, 
(2)  & qui  raifonnâ  fort  à fon  ordi- 
naire fur  la  Mufîque.  Le  Muficien 
fut  très-étonné  que  je  n’eufle  pas  vil' 
ibn  dernier  Opéra  , & encore  plus 
dtonnédes  raifons  que  M.  DerpréauC 
Jui  en  dit , ('  3 ) & qui  peut-être  ne 
tlè  fatisflreht  pas  beaucoup. 

I On  me  demanda  de  ves  nouvel- 
les,  & M.  Defpréauît  affûra  la  com- 
pagnie , que  yous  feriez  un  jour  très- 
digne  d’être  aimé  de  tous  mes  amis. 
(4)  Vous  favez  que  les  Poètes  fe 


(i  ) Il  ëtoit  aifemeiit  content  de  fçs  ^efifans  , qu*il 
^fTùatoît  foojoufs'chdfiTfans. 

( X ) Il  étoit  un  peu  fonrd^  de  (èeonnoiflbitfon  pc« 

.«tlhTnnfiqiic. 

(3)  Qü  alloît  pas  par  fcrupulc. 
f 4 ] Il  a voit  dit  apparenunent  » if«  finpert^  ce 


3^4  Lsttrss  de  Racine 
piquent  d’être  Prophètes  ; mais  ce 
n’ell  que  dans  l’entbouûafine  de  leur 
poë'fie  qu’ils  le  font  ; & lSk4.  Def- 
préaux  parldii  en  profe.  Ses  prédic* 
tions  ne  laüTerent  pas  néantmoins  que 
de  me  faire  plaifîr  ;c’eft  à ^ous , mou 
cher  fils , à ne  pas  faire  pafler  M. 

, Defpréaux  pour  un  fiiox  Prophète. 

! Je  vous  l’ai  dit  plofieurs  fois  , vous 

^ êtes  à la  fource  du  bon  fens  , & de 

toutes  les  belles  connoiiTances  pour 
le  monde  & pour  les  afiFaires. 

. . J’aurois  une  joie  fenfible  de  voir  la 

) maifon  de  campagne  dont  vous  faitet 

! tant  de  récit  » & d’y  manger  avec 

vous  des  grofeilles  dé  Hollande.  Ces 
grofeilles  ont  bien  fait  ouvrir  les  oreü* 
les  à vos  petites  lœurs  , & à votre 
' mere  elle*  même  , qui  les  aime  fort. 

Je  ne  faurois  m'empêcher  de  vous 
dire  > qu’à  chaque  chofe  d’un  peu 
bon  que  l’on  nous  lèrt  fur  notre  ta* 
ble  , il  lui  échappe  tqojoursde  dire  : 
Racine  en  nuo^ereit  velmtiers.  ( i ^ Je 
n’ai  jamais  vû , en  vérité , une  G bon* 
ne  mere , ni  fi  digne  qtie  vons 

£ 1 3 Tout  cct  «ndioit  ^ Im  uUcau  J au  BiUicu  de  & 

fiinille, 

yoffè 


t 


k » î)  H Fit*;  3!^ J 

VMïe  polTible  potnr  reconnoître  foa 
affilié.  Au  moment  que  je  vous  écris» 
vos  deux  petites  ftburs  me  viennent 
apporter  un  bouquet  pour  ma  fête  > 
qui  fera  demain  , & qui  fera  auiü  la- 
votre.  Trouverez -vous  bon  que  je 
vous  falTe  fouvenix  que  ce  même 
Saint  Jean , qui  eft  notre  Patron  »eft 
aufli  invoqué  par  TEglife  comme ‘le 
patron  des  gens  qui  font  en  voyage  » 
& qu’elle  lui  adiefle  pour  eux  une 
priere  qui  eft  dans  l’Itinéraire  » & que 
]*ai  dite  plufieurs  fois  à votre  imea* 
non  ? Adieu  , mon  cher  fils. 


ji  Paris  le  26.  hun. 

4 

J’Aireçû  la  Lettre  que  voosm’avet 
écrite  d’Aixda-Chapelle  » ^ j’y  ai 
■eû  avec  beaucoup  de  plaifir  la  deferi* 
ption  que  vous  3»  failiez  des  fingula* 
fités  de  cette  ville  , & fur-tout  de 
cette  prôceflion  où  Charlemagne  af« 
£(la  avec  de  (i  belles  cérémonies. 

J’arrivai  avant  hier  de  Marli  » dfe 
f*ai  trouvé  toute  la  famille  en  bonne 
ifaflté.  U m’a  paru  que  ysstte  fisurai* 
Ttm  /,  R 


JiBjS  LBTTt«jB  DE  RACI^WS 
née  reprenoit  âOes  volontiers  les  p^ 
cits  aju{temens  auxquels  elle  avoit  (i 
fieretaent  renoncé^  & j’ai  lieu  decroi* 
sre  que  fa  vocation  à la  Religion  pour* 
Toit  bien  s’en  aller  avec  celle  que  vous 
aviez  eue  pour  être  Chartreux.  Je  n’eu 
fuis  point  du  tout  furpris  , connoif' 
Ant  l’inconRance  des  jeunes  gens,& 
l|e  peu  de  fond  qu’il  y a i faire  fut 
rieurs  rêfolutions  , fiir*tout  quand  el* 
’Res  font  fi  violentes , & fi  fort  audef* 
'Tus  de  leur  portée.  11  n’en  efi:  pas  ainfi 
de  Naneue:  comme  l’Ordre  qu’elle  a 
embraflié  efi  beaucoup  plus  doux , fa 
vocation  fera  auffi  plus  durable.  Tou- 
tes fes  Lettres  marquent  une  grande 
perfévérance  ; & elle  parole  même 
s’impatienter  beaucoup  des  quatre 
mois  que  fon  Noviciat  doit  encore 
durer,  fiabet  fouhaite  auHS  avec  ar- 
deur que  fon'  tems  vienne  pour  fe 
confacrer  à Dieu.  Toute  la  mailbnoù 
elle  eft  > l’aime  tendrement  ; & toutes 
les  Lettres  que  nous  en  recevons , ne 
parlent  que  de  fon  zèle  & de  fà  lagef- 
iè.  On  dit  qu’elle  efl  fort  jolie  de  fa 
perfonne.  Vous  jugez  bien  que  nou» 
ne  la  làifièrons  pas  s’eng^er  l^ére* 
fans  être  bien  aiSrds  cfune 


â s O H F f L ».  3^7" 

vocation.  Vous  jugez  bien  aufli  que 
tout  céla  n’efl  point  un  petit  embar- 
ras pour  votre  mere  & pour  moi;  & 
^ue  des  enfans,  quand  ils  font  ve- 
nus en  âge  , ne  donnent  pas  peu 
d’occupation.  Je  vous  dirai  fincere- 
ment  que  ce  qui  nous  confole  quel- 
quefois dans  nos  inquiétudes' , .c’e^ 
d’apprendre  que  vous  avez  envie  dé  ' 
bien  faire , & de  vous  inltruire  des 
'^chofes  qui  peuvent  convenir  aux  vûes 
sque  l’on  peut  avoir  pour  vous.  Son- 
gez toujours  que  'notre  fortune  eft 
trés-médiocre  , (i)&  que  vous  de* 
vez  beaucoup  plus  compter  fur  vo- 
tre travail  , que  fur  une  fucceflioa 
qui  fera  fort  partagée.  Je  voudrois 
avoir  pd  mieux  faire.  Je  commencé 
à être  d’un  âge  où  ma  plus  grande 
application  doit  être  pour  mon  falut. 
Ces  penfées  vous  paroîtront  peut-être 
un  peu  férieuiês  ; mais  vous  favez 
que  j’en  fuis  occupé  depuis  fort  long*, 
tepis.  Comme  vous  avez  de  la  raifon,- 
j’ai  crû  vous  devoir  parler  avec  cette 


^ t ) U ^totctrop  tnodefte  pour  dire  comme  Cicdroti  4k. 
1.  2-  Bp-itf.  Péliêmnfuü  Mmflum  fétfinmium 
in  mtm$riân9minit  rm^ 


Rz 


I 


LVT7RSS  DE' Racine 

feanchife,  il’occafion  de  votre  fœor, 
&ut  maintenant  fonger  à établir. 
Huais  enfin  nous  efpérons  que  Dieu, 
•qui  ne  noas  a point  abantiomiés 
•qu’ici , continuera  à nous  affifter , & 
à prendre  foin  de  nous , -(  i ) fur-^out 
£ vous  ne  ^abandonnez  pas  vous-tnê- 
Die , & 'fi  'Votre  plaifir  ne  ^remporte 
ÿoint  fur  les  bons 'fentknéns  qù’ooa 
tâché  de  vous  infpirer.  j\dieu  , mon 
•cher  fils , ne  vous  laiflez  manquer  de 
vien  de  ce  qui  vous  efi:  néceilàire. 


^4  Fans  U 7.  Jailla. 

JE  puis  vous  aiTârer  que  M.  de  To^ 
cy  ne  laiflera  échapper  aucune  oc> 
cafion  de  vous  rendre  de  bons  o£t 
ces.  Comme  il  efijme  extrêmement 
]d.  l’Ambafiadeur , ilajoûtera  une  foi 
entière  aux  bons  témoignages  qu’il  loi 
fendra  de  vous,  Je  lui  ai  lû  votre 
deroteré  Lettre  , aufii  bien  qu’à  M. 

le  Maréchal  de  Koailles;  ils  ont  été 

\ 

i£i]  fumais  £cs<«cifanf  aa  befoia  1 

4iis,0ocitsdcsaUcaiixU4onM2mj^  AsbaSu 


j[.  $ e K F 1-  L ^91 
efiarmés  & effrayés  de  la  defcriptioa 

3ue  vous  y faites  do  grand  travail , Se& 
e J’applicatiou  continuelle  de  M.- 
rAmbaffadeur.  Je  lifbis  , ou  je  relU- 
fois  ces  jours  paffés  »pour  la.  centiè- 
me fois  , les  Epitres  de  Cicéron  à fes- 
amis.  Je  voudrois  qu’à  vos  heures  per^ 
dues  vous  en-  pûiliez  lire  quelques 
unes  avec  M.  l’Ambaffadeor  ; je  luis- 
afllàré  qu’ellesferoient  extrémementde- 
fbn  goût,  d’autant  que  plus  fans  le  flat- 
.ter, .je  ne  vois  perfonne  qui  ait  mieux 
attrappé  que  lui  ce  genre  d’écrire  des- 
Lettres,  également  propre  à parler 
ferieufement  & folidement  des  graa- 
.des  affaires  , & à badiner  agréablé- 
‘znent  fur  les  petites  chofes.  Croyez 
que  dans  ce  dernier  genre  Voiture  eff 
beaucoup  au  deffous  de  l’un  & de.- 
.J’autre.  Lifez  enfemble  les  Epîtres 
éd  Trebatium  ^ ad-  Marimn  ^ ai  Papy^- 
rim»  Pattm  , <&  d’autres  que  je  vous 
marquerai  quand  vous  voudrez.  LtleZ- 
mêmè  celle  de  Cælius  à Cicéron  : vous 
ferez  étonné  de  voir  un  homme  auffi 
vif  & aufli  élégant  que  Cicéron^même;. 
mais  il  faudroit  pour  cela  que  vous  euf> 
fiez  pû  vous  farolliarHer  ces  Lettres., 
par  la  cooaoiffaace  de  l’hiffoire  de  ce 

R3 


'390  Lbtyrbs  d b Racirb 

jhems'là  , à quoi  les  vips  de  Plutarcpe 
Ipeuvent  vous  aider.  Je  vous  cônfeilie 
île  faire  la  dëpenfe  d’acheter  l’é^tioD 
de  ces  Epîtres  par  Grævius  , en  Hol* 
lande  in-  8".  Cette  le6lure  eft  excel* 
lente  pour  un  homme  qui  veut  écrire 
des  Lettres  , foit  d’affaires  , foit  de 
chofes  moins  férieofes. 

J’irai  denjain  coucher  à Autenil , 
^ j’y  attendrai  le  lendemain  à fooper 
votre  mere  avec  fa  faniillel  Votre 
fœureft  rentrée  dans  fa  première  fer» 
veur  pour  la  piété  ; mais  je  crains 
qu’elle  ne  poofle  les  choies  trop  loin  : 
cela  eft  caufe  même  de  cette  petite 
inégalité  qui  (è  trouve  dans  Tes  fenti» 
I mens  ; les  chofes  violentes  n’étant  pas 
fiie  nature  à durer  longteros.  Votre 
i petit  frere  n’a  pas  manqué  de  gagner 
la  petite* vérole  ; mais  elle  ell  fî  lége* 
re , qu’il  n’a  pas  même  gardé  le  lit , 
& qu’il  ne  s’en  lève  que  plus  matin. 

Je  ferai  de  petits  reproches  à M. 
Defpréaux , de  ce  qu’il  n’a  pas  en* 
voyé  à M.  l’AmbalTadeur  fa  derniere 
édicion;vous  jugez  bien  qu’il  l’enverra 
fort  vite.  Votre  mere  eft  très-édifiée 
■de  la  modeftie  de  votre  habit  ; maÎ! 
«pus  ne  vous  prefcrivons  rien  là*def 


%# 


I 


r 

» 


à s O K F I t 9. 

Ibs  ; c’eil  à vous  de  faire  ce  qui  e{ft 
A)  goût  de  M.  l’AmbafTadeur  : furr  ' 
tout  ne  lui  fbyez  point  à charge  , & 
xnandez*nous  à qui  il  faudra  que  nous» 
donnions  l’argent  dont  vous  aurez  be*' 
loin. 


^ P4ris  le  ZI  Juülee^ 

CE  fut  pour-  moi  une  apparition 
agréable  de  voir  entrer  M.  d& 
Bonnac  dans  mon  cabinet  ; mais  ma 
joie  fe  changea  bientôt  en  chagrin  , 
quand  je  le  vis  réfolu  à ne  point  loger 
chez  moi , & à refufer  la  petite  chain> 
bre  que  ma  femme  & moi  nous  Te  priâ* 
mes  d’accepter.  Nous  recommen^â* 
mes  nos  inflances  le  lendemain  ; <Sc 
j’allai  juiqu’à  le  menacer  de  vous  man* 
der  d’aller  loger  à l’auberge  à la  Haye: 
il  me  repréfenta  qu’il  fer'oit  trop  loin 
du  quartier  de  M.  de  Torcy , chez  le- 
quel il  devoit  le  trouver  à point  nom- 
mé, quand  il  arrivoit  à Paris.  11  a bimi 
fallu  me  payer  , malgré  moi , de  ces 
raifon's  ; & vous  pouvez  vous  aflûrer, 
que  ma&mmfr ep  a été  du  moins  aul- 

R 4 


'Mes  LtTriiSs  RAcims 
U chagrine  que  moi  : vous  favez  eoi» 
ne  ^He  eft  recopnoifi^te  , âc  corn* 
ne  elle  a I&  cœur  fait.  14  n’y  a cholè 

fît  pour  témoi- 

%paiut  combien  elle 
dt  fenfible  aux  bontés  qu’il  a pool 
vous.  Elle  efl  charmée , comme  moi , 
JeM.  de  Bonnac  , & de.  toutes  iss 
maniérés  pleines  d’honnêteté  6t  de  po* 
tlg^e..£llè  fèia  au  comble- de  là  joie» 
TxTVSus  pouvez  parvenir  à lui  reuem* 
'Mer  » & fi  vous  rapportez  l’air  & kt 
maniérés  qu.dle  adraireen  lui.  Il  noos 
donne  de  grandes  efpérances  fur  vo- 
tre fiiiet  ; de  vous  êtes  fort  heureux 
d’avoir  en  lui  uii  ami  il  plein  de  bonne 
: yolioaîé  vous-  S’il  ne  nous  fiatte 
point , &.  fi  les  témoignages  qu’il  nous 
rend  de  vous  font  bien  fincéres , nous 
avons  de  grandes  grâces  à rendre  aa 
bon  Dieu , & nous  efpérons  que  vous 
:aous  ferez,  d’une  grande  confblation. 
il  nous  afiureque  vous  aimez  le  travail, 
•quela  promenade  dt  la  leâure  font  vos 
' l^us  grands  divertiflemens,  & fur-tout 
Ja-converfation  de  M.  l’Ambafiadeur , 
que  vous  avez  bien  raifon  de  préférer 
.à.  tous  les  plaifirs  du  mondeidu moins 
Je  l'ai  toujours  trouvée  telle ,,  dt  oqo 


. A.  S'.O  K F 1. 1-  *.  39J' 

foufemenc  moi , maü  toat  ce  qu’il  j,'  9: 
ici  de  perfonnes.de  meilleur  efprit  g St-  :, 

\ de  meilleur  goût. 

a’ai  ofé  lui  demander  fî  vous 
penfieA  un  peu  au  bon  Dieu  : j'ai  eu 
peiir  que  la  réponfe  ne  fut  pas  telle-- 
qpe  je  l’aurois  fouhahée. . Mais  enfîa 
je  veux  me  flatter  que  faifant  votre 
i teoffible  pour  devenir  un -parfaitemenC  ' 

' %onnête  Homme , vous'  concevrez  ' 

. qp’onne  peut  l'êtrefans  rendre  à .Diéa 
I ce  qu’on  lui  doit.  Vous  connoiflèz  la- 
Religion  : je  puis  même  dire  que  voüs  ' , 
la  .cdnnoillèz-  belle  & noble  comme- 
eile  eft':  ainffil  n’efl  pas  polfibleqnert 
vous  ne  l’aimiez.  Pardonne^  fi  je  vous 
nets  quelquefois  fur  ce  chapjtreA:: 
vous  favez.  combien  il-  me.  twnt  ài- 
cœur  y.  & je  puis  vous  ; aiTCfrer  que.v 
plus  je  vais  ea  avant  , plus  jp,  r 
trouve  qu’il  h’ÿ  a rien  de  fî  doux  aifi 
' inonde  que  le  repos  de  la  confcienc«^ 
Si  de  regarder  Dieu  comme  .un  pere^fi 
qui  ne  nous  manquera^  pa&  dans-.mw.f  t 
befoins.  M.  Defpréaux que  vouss 
aimez,  tant  pjus:  que  jamais-dana» 

I ces  fentimens. , fur- tout  depuri-qu’Jb 

âfait-fwAtroimtléDieu.;  db.Je  ppiSi; 
vous  alTûrer  qu’il  cfLuès-tien  p^rfua* 


SP4  Lettres  ete  Rrcine 
dé  lui-tnémè  y des  vérités  dont  il  a voa^ 
in  perfuader  les  autres.  Vous  trou- 
vez quelquefois  mes  Lettres  trop 
courtes  ; mais  je  crains  bien  que  vous 
>uviez  celle-ci  trop  longue. 


i 

% 


jiPàns  U 14.  Jmliet. 

M.  de  Bonnâc  vous  dira  de  nos 
nouvelles,  nous  ayant  fait  l’hon- 
neur de  nous  voir  fouvent , & mê- 
me de  dtner  quelquefois  avec  la  petit 
te  famille.  Il  vous  pourra  dire  qu’ellé 
eft  fort  gaie,  à la  réferve  de  votre 
fœnr , qui  eft  toujours  accablée  de  Tes 
migraines  : je  la  plains  bien  d’y  être 
il  lujette  , cela  eft  canlé  de  l’irréfo- 
lotion  où  elle  eft  fur  l’état  qu’elle  doit 
embrallèr.  Je  fais  mon  pomble  pour 
lia  réjouîr  ; mais  nous  menons  une 
Ivie  ü retirée , qu’elle  ne  peut  guère 
^ âtrouver  de  divertifiemens  avec  noos. 
Elle  prétend  qu’elle  ne  fê  foocie 
point  de  voir  le  monde  ; & elle  n’a 
gqère  d’autre  plaiftr  que  dans  lalec- 
cure  , n’étant  que  fort  peu  lènfîble  k 
tout  le  refte.  Le  tems  de  la  profeUton 


A SON  P r £ S.  sçs 
de  Nanette  s’avance»  & elle  a gran- 
de impatience  qu’il  arrive.  Babet  té- 
moigne la  même  envie  i mais  nous 
avons  réfolu  de  ne  la  plus  laifler  qu’uni 
an  au  couvent  ; après  quoi  nous  la* 
reprendrons  avec  nous  pour  bi^ 
examiner  fa  vocation.  Fanchon  veut  ' 
aller  trouver  fa  fœur  Nanette  » & ne 
parle  d’autre  chofe.  Sa  petite  fœur  n’a 
pas  les  mêmes  impatiences  de  noua 
quitter , & me  paroît  avoir  beaucoup' 
de  goût  pour  le  monde  : ( i ) elle  rai> 

Ibnne  fur  toutes  chofes  avec  un  e& 
uit  qui  vous  furprendroit  » & eft  fore 
ailleufe  » de  quoi  je  lui  fais  fouvent 
1 guerre.  Je  prétens  mettre  votre 
petit  frere  l’année  qui  vient  avec  M. 
Kollin,  à qui  M.  l’Archevêque  a con- 
fié les  petits  Meflieurs  de  Noailles. 
M..  Rotlin  a pris  un  logement  au  Col- 
lege de  Laon  '»  dans  le  pays  Latin.  ^ 
Notre  vqiûn  y.  vouloir  aum  mettre^'' 
fon  fils  ; mais  on  a trouvé  le  petiet 


« 

( f ) Elle  n'éteit  alors  que  dix  tn»;  8r  rlfè  x » 
râge  de  b railbv,  bien  méprife  le  meode.  Elle  ne  voa« 
lut  » oi  fe  faire  Rcligieutè , ni  fe  marier , & eâ  morte 
.à  5 $ eux  » après  a vaufOiypxxtYdcii  Âim-la  mratie  de 
«ttvxetdepiétd* 

R â 


# 


"SQtf  'LBTTKBS  DS  RiMriKB 
gar$oo  trpp  éveillé  , de  quoi  iepeiB 
eil  fort  offenfé. 

' Tous  nos  confrères  les  ordinaires  ' 
do  Roi  me  demandent  fouvent  de  vos 
.nouvelles  y aulfi  bien  que  plufieurs 
Officiera  des  Gardes.  Il  n’y  a queM. 
qui  me  paroîc  fort  majeftueux  : 
^ ne  fai  H c’ell  par  indifférence , ou 
^ar  timidité. 

' M.  de  Bonnac  vous  dira  combien 
'M.  Defpréaux  lui  témoigna  d’amitié 

- pour  vous  : il  élt  heureux  comme  un 

• Roi  dans  fa  fo.litude  , ou  plutôt  dans 
' Ibn  Hôtellerie  d’Auteuil  : je  l’appelle 

ainfi  y pai^e  qu’il  n’y  a point  de  jouis 

- où  il  n’y  ait  quelque  nouvel  écot  y & 
jbuvent  on  ne  fe  connoit  pas  les  uns 

• les  autres.  Il  ell  heureux  de  s’accom* 
moder  ainfi  de  tout  le  monde  : pour 
moi  jlaurois  cent  fois  vendu  la  maifon. 

Bour  nouvelles  académiques  y je 
voua  dirai  que  le  pauvre  M.  Boyer 
cffi  mort,  ^é  de  ou  84  ans.  On 
prétend  qu’il  a fait  plus  de  vingt  mil- 
le vers. en  fa  vie:  je  le  crois  , parce 
qu’il  ne  faifoit  autre  chofe.  Si  c’étoit 
la  mode  de  brûler  les  morts  comme 
parmi  les  Romains  « on  auroit  pû  lui 
sûre  ks  mêmes  funérailles  qu'k  ce 


à.  s>o  H F I.  L.  $.  597 

Cai&u^  « à.  qpi  il  ne  fallut  d’aucre 
bûcher  que  tes  propres  ouvrages.» 
dont  on  fît  un  fort  beaufeu.  Le  pauvre 
M.  Boyer  efî  mort  fort  chrécienner 
oient  :.fur  quoi  je  vous  dirai  en.  pair 
iànt , que  je  dois. réparation  à la.mé.» 
moire  de  la  Chanunélay,  qui  mourut 
a.v.ec  d’.afleZ'  bons,  ièntimens aprèf 
avoir  renoncé  à la. Comédie  , t;ès*re* 
pentante  de  fa  vie  paflee  ;.mais  fur?* 
tout  fort  affligée  de.  mourir.:  du  moins 
AL.Defpréaux.me  L’a  dit  ainfî.,  l’ayant 
appris  du  Curé.d’Âuceuil , qui  rafîSt 
■fu  à. la. mort)  car.  elle  efl  morte  4 
Auteuil.  Je  crois  que  M.  l’Abbé  Ge? 
neft  aura.  la.  place  de  M.  Boyer  : il 
ne  fait  pas  tant  de  vers,  que  lui } mais 
il  les  fait  beaucoup  meilleurs. 

Je  ne  crois  pasquejefafîe  le  voyar 
ge  de  Compiégne,, ayant  vû  alTez  de 
troupes  & dé.  campemens  en  ma 
vie,  pour  n' être  pas  tenté  d’aller  voiir 
celui-là  ( 1 je  me.  réferverai . pour 
le.  voyage  de  Fontainebleau , & me 
xepoferai  dans  ma  famille,  où. je  me 
jlais  plus  qpé  je  n’ai  jamais  fait.  M» 

f'i  }*Le  Coaagîégpç  qate  fic  pM»  Mi  li 


Lettres  DB  Racine 
de  Torcy  me  paroîc  plein  de  bonté 
pour  Vous  ; & je  fuis  perfuadë  qu’il 
vous  en  donnera  des  marques.  M.  de 
Noailles  fera  ravi  aufli  de  s’employer  | 
pour  vous  dans  tes  occaHons  ; dt; 
vous  jugés  bien  que  je  ne  négliger» 
point  ces  occafîons  « n’y  ayant  plus 
rien  qui  me  retienne  à la  Cour , que 
Tenvie  de  vous  mettre  en  état  de  n’y 
avoir  plus  befoin  de  moi.  Votre  me- 
le , qui  a vâ  la  Lettre-que  votre  fœur 
vous  écrit , dit  qu’elle  vous  y parle 
des  affaires  de  votre  confcierrce  ; 
Vous  pouvés  compter  qu’elle  l’a  fait 
de  fon  chef. 

M.  de  Bonnac  a bien  voulu  fe  char* 
jger  pour  vous  de  30  loûis  neufs,  va* 
lant  420  livres.  Je  voulois  en  don- 
ner 40,  fur  la  grande  idée  qu'il  nous 
a donnée  de  votre  œconpmie  ;-mais 
votre  mere.  a modéré  la  fomme , '&  a 
cm  que  c’étoit  affés  de  30.  Nous 
avons  réfolu  de  donner  4000  liv.  à 
votre  fœur , qui  fe  fait  Religieufe  , 
avec  une  penlion  de  200  liv.  Elle 
n’en  fait  encore  rien , ni  fon  Cou» 
vent  non-plus  ; mais  M.  l’ilrchevê» 

Sue  de  Sens,  h qui  j’en  ai  fait  confi» 
eoce , a dit  que  cela  étoit  magnifi» 


A SON  Fils. 
y & qu’on  feroit  content  de  moi  : 
il  s’opoferoit  même  G je  doonois  da* 
vantage.  • 

Ma  fanté  e(t  afTés  bonne , Dieu 
merci;  mais  les  chaieors m’ont jetté 
dans  de  grands  abattemens , & je  fens 
bien  que  le  teros  aproche , où  il  faut 
fonger  à la  retraite  ; mais  je  vous  ai 
tant  prêché  dans  maderniere  Lettre, 
que  je  crains  de  recommencer  dans 
celle-ci.  Vous  trouverés  donc  bon 
que  je*  la  Gnifle , en  vous  difant  que 
je  fuis  très  content  de  vous.  Si  j’ai 
quelque  chofe  à vous  recommander, 
particulièrement , c’eft  de  faire  tout 
de  votre  mieux  pour  vous  rendre 
agréable  à M.  l’AmbaGadeur , & pour 
contribuer  à fon  foulagement , dans 
les  motnens  où  il  eG  accablé  de  tra* 
vail.  Je  mettrai  fur  mon  compte  tou* 
tes  les  complaifances  que  vous  aurés 
pour  lui  ; & je  vous  exhorte  à avoir 
pour  lui  le  même  attachement  que 
vous  auriés  pour  moi  , avec  cette 
différence , qu’il  y a mille  fois  plus  k 
‘proGter  & à aprendre  avec  lui  qu’avec 
moi. 

J’ai  reconnu  en  vous  une  qualité 
que  j’eftime  fort  : c’eG  que  vous  en^ 


4PP  LpxT.SrSs  Raçinr 
tendé&  très*  bien  raillerie  ,jquand  d’aih 
ftses  qne,  nioi  vous  font  la  guerre  Oit 
i vos  petits  défauts  mais  ce  n’efl  pas 
' alTéa  de  fouffrir  en  galant  homme  les 
^tites  plaifanceries  ,,il  faut  les  met* 
tre  à profit.  Si  j’bfois  vous  biter  mon 
exemple  * je  vous  dirois.  qp’une  des 
ehofes  qui  m’a  fait  le  plus  de-  bien  , 
c’elt  d’avoir  pafiTé.  ma  jeunefle  avec 
une  Société  de  gens  qui  fe  difoient 
alTés  vobntiers.  leurs  vérités  , .&  qui 
ær^’ï^JigOoient  guère  Tes..juns  I« 
autres  fur.  leurs . defauts  avols 
de  foin  de.  me  .corriger  de  ceux 
qqe  i’on-xrouvoit  en  .moi , qui  étoient 
en  fbrt  gr^nd  nombre , &'qui  auroient 
pû  .me  rendre;  alTés  difficile  pour  le 
. commerce  du  monde. 

Jldubliois.à  KOU&  dire.  que  j’apré* 
bende  qqé  vous,  ne?  fdyés  im  trop 
grand  acheteur  de'  livres.  Outre  que 
.la  multitude. ne  feft  qu"à  dilTîper , & 
i faire,  Vohiger  de.  connoiffiÎBces  en 
, connoiflknces  fou  vent,  ailes  ipatiles  ; 
vous  prendriés  même,  l’habitude  de 
TOUS  laülèr  tentetde  tout  ce  qpe  vous 
'trouveriés.  Jé  me  louviens  d’un  pa(^ 
fage  des.Oâces  de  .Cicéron»  que  M. 
'0iO)le.  me.  citoit  fouvcAC  j^^our  me 


A $.  O >r  F » i ÿ.  4CX 
éetatmer  de  la  fancaide  d’acheter 


eks  livres , *****  *jf^  itBitliil  ~ 

*Æ-C*eft  un  gîa^ia  revenu  queden  ai- 
xner  point  à acheter  ; mais  le  moc 
^(raM«vwe(l  trèst-beiàib , & a un  grand 
fens. 

Je  m’imagine  qne  vous  oovrirés 
de  fort  gratis  yeux  quand  vous.ver* 
ré9  powrla  première  fois  le  Roid’Aa* 
eleterre.  Je  fai  combien  les  hommes 
fameux  excitent  votre  attention  & vo> 
tse  curiofité.  Je  m’attens  que  vous  me 
lendréscomptede  ce  quevous  aurésvû. 

Je  reçois  la  Lettre  où  vous  me 
mandés  l’accident  qui  vous  efl  arrivé.. 
Vous  avés  .beaucoup-  k retBercier 
Dieu  d’en  être  échapé  à û bon-  mas* 
ché  ; mais  en  même-tems  cet  accf- 
dent  vous  doit  faire  fouvenir  de 
deux  chofes  :•  l’une  , d’être  plus  cic- 
confpeâ  que  vous  n’êtes  , d’autant 
plus  qu’ayanLla.  fort  ba/Iè  i^J^ous  \ 
êtes  plus  obligé  qu’un ‘autre' a né'riep  - \ 
•faire  averprécipitation  ; & l’autre  , 
qu’il  faut  être  toujours  en  état  de  n’ê* 
tre  point  furpris  parmi  tous  les.  acct* 
dens  qui.nous  peuvent  arriver, quand 
BOUS  y penlbns  le  moins. 

Vottq  mere  vient  dq  Saint  Sulpi> 


402  Lstties  de  Racinx 
ce , où  elle,  a rendu  le  pain  béni  : fi 
TOUS  n'étiés  pas  fi  loin , elle  vous  au- 
roit  envoyé  de  la  brioche. 


A Pétris  U I.  Aoàt, 


La  derniefe  Lettre  qne  je  tous  ai 
écrite  étoit  fi-  longue , que  voos 
Ipe  trouverés  pas  mauvais  que  celle* 
Id  Toit  fort  courte.  Il  ne  s’eft  rien 
' pafifé  de  nouveau  que  la  querelle  que 
M.  le  Grand -Prieur  a voulu  avoir 
avec  M.  le  Prince  de  Conti  à Meu- 
don.  11  s'eft  tenu  OfFenfié  de  quelques 
paroles  très  • peu  offenfanteâ  que  M. 
le  P.  de  Contl  avoit  dites  : & le  lên* 
demain,  fans  qu’il  fiât  queftion  de 
rien , il  l'ell  venu  aborder  dans  la 
cour  de  Meudon  , le  chapeau  fur  la 
tête  & enfoncé  jufqu’aux  yeux,  com- 
me s’il  vouloit  tirer  raifon  de  lui.  M. 
le  Prince  de  Conti  le  fit  fouvenir  du 
refpeâ  -qu’il  lui  devoit.  M.  le  G. 
Prieur  lui  répondit  qu’il  ne  lui  en  de- 
Toit  point.  M.  le  P.  de  Conti  lui 


Iparla  avec  toute  la  hauteur-  & en 
iméme-tems  avec  toüte  la  fagellè  dont 


‘ â s O w F I t ÿ.*  403 

SI  efl  capable.  Commé  il  y avoit  d» 
inonde,  cela  n’eut  point  d’autre  fui* 
te  : mais  Monlèigneur , qui  fût  la  cho* 
fe  un  moment  après , & qui  fe  fentk  i 
irrité  contre  M.  le  G.  Prieur , envoya 
M.  le  Marquis  de  Gèvres  pour  en 
donner  avis  au  Roi } & le  Roi  fur  le 
champ  envoya  chercher  M.  de  Pont- 
chartrain  , à qui  i)  donna  fes  ordres 
pour  envoyer  M.  le  G.  Prieur,  à Iq 
Baflilie.  Tout  le  monde  louë  M.  lé 
P.  de  Conti. 

Votre  mere  & toute  la  petite  fa* 
mille  vous  fait  des  complimens.  Vo* 
tre  fœur  demande  confeil  à tous  fes 
Direâeurs  , fur  le  parti  qu’elle  doit 
prendre , ou  du  monde , ou  de  la  Re*‘ 
ligion  ; mais  vous  jugés  bien  que 
quand  on  demande  de  femblables.1 
confeils , on  eft  déjà  déterminé.  Nous  * 
cherchons  férieuiement  votre  mere 
& moi  à la  bien  établir.  Elle  fe  con* 
doit  avec  nous  avec  beaucoup  de 
douceur  & de  modeftie. 

J’ai  réfolu  de  ne  point  aller  à Com* 
piégne , où  je  n’aurai  guère  le  tems  de 
taire  ma  cour  : le  Roi  fera  toujours 
à cheval , & je  n’y  ferois  jamais.  Mî 
le  Comte  d’Ayen  eft  pourtant  bie4 


Lettres  DS  Ragiits 
ficbë  que  je  n’aille  pas  voir  ipn 
giment , qui  fera  magnifique.  Adieu, 


LETTRE  DE  SA  FEM  ME. 

i ’ui- Péris  U lo.  jitü, 

’ \ 

\j  Otre  pere  étant  un  peu  iocom* 
• modé , je  vous  écris , mon  cher 
fils , pour  vous  témoigner  la 
nous  avons  de  l’aplication  qu’ii  nous 
femble  que  vous  donnez  au  travail. 
Soyez  perfuadé  que  vous  ne  (auriez 
nous  faire  plus  de  plaifir  que  de  vous 
, lemglir  l’efprit  de  cbofes  propres  à 
vous  faire  bîen  exercer  votre  char- 
ge. Je  ne  puis  afiez  vous  témoigner 
combien  je  fuis  fenfible  à. toutes  les 
bontés  que  M.  l’AmbalTadeur  a pour 
vous.  Vous  me  manderez  à votre  loi. 
.fir  le  prix  de  ta.  toile  & dentelle  que 
vous  avez  achetée-  pour  voscbemtlès. 
Votre  petit  frere  vous  fait  bien  des 
complimejis  : le  pauvre  petit  nous 
promet  bien  qu’il  n’ira. pas.  à.  la  Co- 
médie comme  vous.  Dans  la.  Lettre 
que  VQU&  m’ave4  écjitejt^’VQus.  me  de* 


%mv 


I 1 O » F ï X ï.  40s 

‘mandez  de  prier  Dieu  pour  vous  : fi 
prières  étoienc  éxaucées , voas 
‘ lèriez  bientôt  un  parfah  Chrétien, 
jhiîrque  je  ne  Toohaite  rien  avec  plui 
'd’ardeur  que  votre  faiut  : mais  ion* 
igés , mon  bIs  , que  les  perfcs  & meres  j 
il  enrt  beau  p'«er  le  Seigneur  pour  leurt  | 
enfans , fi  lea  enfans  ne  travaillent  paa  I 
i la  bonne  éducation  qu’on  tâche  da 
leur  donner.  Adieu  , mon  cher  fils  : 

' je  vous  embrafie.  Bftjkhe  tfi  éerit'dt 
' main  ât  ^taoine  malade  : Je  d’aiinâte 
qu’un  mot  à la  Lettre  de  vo^reme^ 
re,  pour  vous  dire  que  j’aprouve  le 
confeil  qu’on  vous  ^ donné  d^pren- 
dre  TAllemand.  J’én  ai  dit  un  mot  à 
Al-  de  Torcy , qui  vous  exhorte  aufil 
de  Ton  côté , & qui  croit  que  cela 
vous  fera  extrêmement  utile.  Tout- 
ce  que  j’aprens  de  vous , fait  la  plus 
grand&confolation  que  je  {ntüBè  ævoir. 
11  ne  tiens  p^  à M.  de  Bonnac  'que 
vous  ne  palliez  ici  pour  un  fort  ha« 


bile  homme  ^ vous  i»i  avez  des"’ 
obH^îons  infinies.  Aflurés-le  de  ma 
recoiinoinance  > &de  l’extrême  envie 


mie  j au  rois  de  me  trouver  .entre  lut 
■a;  vous  avec  M.  l’Ambafladeur.  Je 
crois  qué  je  projSteiois  looi-méme- 


Lettres  de  Racine 
.l^aucoup  en  fi  bonne  compagnie; 
{Adieu. 


3 


A Paris  U ig.  AtSf, 

rAvois  réfolu  de  vous  écrire  Ven* 
dredi  dernier  ; mais  il  fe  trouva  que 
c’étoit  le  jour  de  l’Afiomption  ; & 
vous  favés  qu’en  pareils  jours  un  pere 
<le  famille  comme  moi , efl;  trop  oc- 
cupé , fur-tout  le  matin  , pour  avoir 
Je  tems  d’écrire  des  Lettres.  Votre 
mere  éfk  fort  aife  que  vous  ibyés 
content  de  la  vefie  qu’elle  vous  a 
envoyée.  Elle  vous>remercie  de  la 
bonne  volonté  que  vous  avez  de  lui 
aporter  une  robe,  mais  elle  ne  veut 
point  d’étofie  d’or.  Elle  vient  d’a- 
pi«ndre  que  votre  fieur  , qui  eft  à 
Melun , avoit  une  grofle  fièvre , & 
elle  efi  réfoluë  d’y  aller.  Vous  voyez 
qu’avec  un^  grofle  famille  on  n’eft 
pas  fans  embarras , & qu’on  n’a  pas 
trop  le  tems  de  refpirer , une  aflTaire 
fuccédant  prefque  toujours  à une  au- 
tre ) fans  compter  la  dpuleur  de  voir 
ibiÀric  les  perfbn&es  <^u’on  aime. 


A s 0 N F 1 L s.  407, 
fuis  bien  flatté  du  bon  accaè’il  | 
«|ue  voas  a foit  le  Roi  d’Angleterre.  ) 
Je  fais  fort  obl%é  i M.  rAmbafla- 
. deur  y & de  vous  avoir  attiré  ce  bon 
traitement , & d’en  avoir  bien  vou- 
lu rendre  conapte  au  Roi.  M.  de  Tor- 
cy  m a pronus  de  le  fervir  de  cette 
occaflon  pour  vous  rendre  de  bons 
offices.  M.  Oefpréaux  efl  fort  con- 
tent de  tout  ce  que  vous  écrivez  du 
Roi  d’Angleterre.  Vous  voulés  bien 
que  je  vous  dife  en  paflant , que  quand 
je  lui  Iis  quelqu'une  de  vos  Lettres  , 
j’ai  foin-d’en  retrancher  les  mots 
£ici^  dt  Ik  ^ & dr  M , que  vous  répé- 
tés jufqu’à  fept  ou  huit  fois  dans  une 
même  page  : ce  font  de  petites  né- 
gligences qu’il  faut  éviter , & qu’il 
eil  fort  aile  d’éviter  : du  refle  nous 
fommes  très*contens  de  la  maniéré 
naturelle  dont  vous  écrivés. 

■ <1^  ^ VW»  - g 

' Mi  de  Torcy  m’a  montré  le  Livre 
du  pur  amour  que  M.  l’Ambafladeut 
lui  a envoyé  ; mais  il  n’a  pû  me  le 
prêter  : cette  affaire  va  toujours  fort 
lentement  4 Rome. 

M.  de  Bonnac  ell  trop  bon  d’être 
ü content  de  vous  : j’aurois  bien  vou- 
lu üûre  aokux, pour  lui  témoigner 


4&'8  LsTVRfiS  m RiciwE 
tdate  l’etHme  que  j’ai  pour  loi  -,  ]p 
quelle  eit  Fort  augmentée  depuis  que  , 
j'ai  eu  l’honneur  de  Pentr-eteoir  à 
fond  , & que  j’ai  découvert non* 
Æulement  toute  la  netteté  & la  foli* 
jdité  de’  fon  erprit  -,  mais  encore  la 
[bonté  de  fon  cœur  , & la  fenfibilité 
qu’il  a pour  Tes  amis.  ^ 

Vous  ne  œ’avés  rien  mandé  de  M> 
4e  Tallard  ; comment  eft-on  content 
4e  lui?  On  m’a  dit  qu’il  logeroit  à 
Utrecht  , pendant  que  le  Koi  d’i\n* 
gleterre  fera  à Loo.  Faites  bien  des 
amitiés  au  fils  de  Milord  Montaigu. 
Je  vous-confeilleauffî.  d’écrire  au 'Âdi* 
^tord  fon  pere. 


Pém  le  12.  Seftmhre, 

JÊ  ne  vous  écris  qu’on  mot , poqr 
vous  dire  feulement  des  nouvellei 
de  ma  fanté  & de  toute  la  famille 
J’ai  été  encore  incommodé , mais  j'ai 
tout  fujet  de  croire  que  ce  n’eft  rien  , 
<&  que  les  pqr^aÙAn^tpfipr^^^ 
toiftee  cés.  peûtes  iodijfpofi tiens  : le 
btal  «ft  qu’d  me  iurvirat  toujoun 

quelque 


t BOIT  Fils.  409T 

quelque  affaire  , qui  m’ôte  te  loiiir 
de  penfer  bien  férieufement  à ma  fan> 
té.  Votre  mere  revint  hier  de  Me- 
lun , où  elle  a laiffé  votre  fœur  par- 
faitement guérie.  La  cérémonie  de 
fa  profeflion  fe  fera  vers  la  fin  d’Oc- 
tobre.  Nous  lui  donnons , avec  fa  pen- 
fion  viagère  de  200  iiv.  cinq  mille 
livres  en  argent  : nous  penfîons  n’en 
donner  que  quatre,  mais  on  a tant 
chicané , qu’il  nous  en  coûtera  cinq , 
tant  pour  lui  bâtir  & meubler  une 
cellule  , que  pour  d’autres  petites 
choies , fans  compter  les  dépenfes  du 
voyage  & de  la  cérémonie. 

Nous  fongeons  auff  à marier  vo- 
tfe  f%^ûr , de  fi  une  affaire  dont  on 
nous  a parlé , réOflSt , cela  pourra  fe 
faire  cet  hyver.  Elle  eft  fort  tranqniU 
le  la-delTus , ot  iranl  vanité  ni  am- 
-WtioiiTCt  J'ai  tout  Iféu  ' d^fe  con% 
tent  «Telle. 

J’ai  penfé  vous  marier  vous-même, 
(ans  «me  vous  en  lûlfiez  rien  , & U 
s’en  eu^peu  faljuqueja  chofe  n’aiç 
été  engagée  ; 'inais  quand  c’ell  venu 
au  fait.  &.au  prendre  ,Je^flLli  pnin»- 
trouvé  l’affaire  auflî  avantageufe 
éo*elte  le  paroiSbk  ; elle  le  pourra 

Tm«l  S 


axiÿ  Lett%b«  D£  E.Ar|i«e 
tre  dans  vingt  ans  ; & cependant 
yoQS  auriéseaà  fouffrir , & vous  n*ao> 
nés  pas  été  fort  à votre  aife.  Je  n’au< 
rois  pourtant  rien  fait  fans  avoir  votre 
aprobation.  Ceux  de  mes  amis  que  j’ai 
çonAiltés , m’ont  dit  que  c’écoit  vous 
^rompre ‘ât  empêcher  peut- 
■être  votre  fortune  que  de  vous  marier 
>4i  jeune  , en  vôiïs  donnant  un  éta- 
fcliflèment  (i  médiocre , dont  les  ef 
nérances  ne  (qi^t  (][ue  flSnT  vi^S^Shs. 
Jlf  IJfl  Vo'üs'auroîs  rien  mtffdïf'îlfr'tout 
éela«  n’étoit  que  j’ai  voulu  vous  fai< 
re  voir  combien  je  fonge  à vous.  Je 
tacherai  de  faire  en  forte  que  vous 
foyés  content  de  nous  ; & nous  vous 
aiderons  en  tout  ce. que  nous  pour* 
fons.  Ceft  à vous  de  votre  côté  k 
vous  aider  auffî  vous*même , en  con* 
tinuantà  vous  apliquer.  Je  vous  man* 
^eraiune  autrefois , pour  vous  diver* 
tir  le  détail  de  l’affaire.  Tout  cequeje 
vous  puis  dire , c’ell  que  vous  ne  con* 
lioifles  pas  la  perfonne  dont  il  s*agi(^ 
foit , & que  vous  ne  l’avés  jamais 
vûe.  C’eA  même  une  des  raifons  qui 
m’a  fait  aller  bride  en  mun  .nuiAiu’il 


à s 0 >f  F I L s.  4JCX 
I ^ Textrênie  amitié  que  votre  mere 
I a peur  vous  ; & vous  ne  fauriés  en 
avoir  trop  de  reconnoiflânee. 

Vous  n’étes  pas  le  feul  à qui  il  ar« 
rive  des  malheurs.  Votre  mere  & 
votre  Asur  me  vinrent  chercher,  U 
y a huit  jours , à Auteuîl , où  f avoir 
dîné.  Un  orage  épouvantable  les  prit , 
comme  elles  étoient  fur  la  chauffée  i 
la  grêle , le  vent  & les' eciairs , hrênC 
«me  telle  peur  aux  chevaux , que  le 
cocher  n’en  étoit  plus  le  maître.  Vo- 
tre fœur  qui  fe  crût  perduë* , ouvrit 
la  portière , & fe  ietta  k bas  fans'  fa- 
voir  ce  qu’elle  faifoit  ; le  vent  & la 
^êle  la  jettérent  par  terre  j & la  firent , 
U bien  rouler  qu’elle  alloit  tomber  à 
bas  de  la  chaufiTée , fans  mon  laquais 
qui  courut  après , & la  retint.  On  là 
remit  dans  le  caroflè  toute  trempée 
& toute  effrayée  : elle  arriva  à Au- 
teuil  dans  ce  bel  état.  M.  Defpréaux 
fit  allumer  un  grand  feu  : on  lui  trou- 
va une  chemife  & un  habit.  Nous 
la  ramenftines  à la  lueur  des  éclairs , ' 
inalgré  M.  Delpréaux  , qui  vouloi.t 
ia  retenir  : elle  le  mit  au  lit  en  arri- 
vant , y dormit  douze  heures  : il  a fal- 
lu lai  acheter  «Vautres  jupes  ,^'c’eft- 

S A 


41S  Lettres  de  Racine 
.tout  lestas  grand  mal  defon  aven* 
nïeu,  mog  ther  fils. 


A F*ns  U if.  Septembre. 

J’Ai  enfin  rompu  emiereroent , avec 
l’avis  de  mes  mçil'eurs  amis , le 
mariage  qu’on  m’ayoic\p£opof^  pour 
vous.  Vbus'auries  eu  quatre  raille  li- 
vres de  rente  » &.  autant  à efpérer 
après  la  mort  de  beau-pere  & belle- 
mere;  mais  ils  font  encore  jeunes  , 
Uous  deux  peuvent  vivre  au  moins 
lune  vingtaine  d’années , & même  l’un 
l’autre pourroient  fe remarier  : ainfi. 
* vous  couriez  rirgue  dé  n’a  voir  très- 
jkmgtems  que  ^(^itrr^JTïvfes , 
chargé  peut-être  de  bnitbû  "dix  en- 
fans,  avant  que  vous  edflh^  trente 
ans.  Vous  n’auriés  pû  avoir  équipa- 
ge , les  habits  & la  nourriture  auroienc 
■ tout  a^|brbé  ; cela  vous~dëtonnirtt 
des  efpéranCes  que  vous  pourrés  jut 
cernent  avoir  par  votre  travail  , & 
par  l’amitié  dont  M*  de  Torcy  &L 
M.  i’Ambafladeur  vous  honorent. 
AJoûtés  à cela  l’humeur  de  la  fille  > 


I 


3o*on  (fit  qui  aime  le  fafte . le  mo{|p 

t‘  J Rr  tnug  l^s  ^pirt!/ 

jje  . '&  qui  vous  a.urqit  peut-être  mis 
au  dérefpbir  par  beaucoup  de  contra- 
tiétés.  Tout  ce  que  je  puis  voua  di- 
re , c’eil  que  des  perfonnes  fort  jraî* 
foQuabies,  & qui  vous  aiment , nous 
ont  embrafTés  trés-cordialement , ma 
femme  & moi , quand  elles  ont  ftî  que- 
je  de  ' CeKeaff^ire. 

Taî'rtïSr lieu  de  croire,  qu'en  vous 
faifant  part  du  peu  de  bien»  & du  reve* 
nu  que  Dieu  nous  a donné  » vous  férés 
cent  fois  phis  heureux , & plus  ei» 
état  de  vous  avancer.  Je  ne  vous 
nomme  point  les  perfoUnes  qui  m’a> 
voient  fait  cette  j^rqpq0don.,  je  vous 

ne  dois  lai 


?ëpour  la  bonne^volonté  qu’ils 
Vtt’OIrt Tïffeîgn ëe*  en  cette  pccafîon. 
Votre  mère  a été  dans  tous  lès  mê* 
mes  (entimens  qiie  moi  ^.elfe  doutoit 
même  que  vous  eufliés  voulu  confen- 
tir  à cette  affaire , parce  qu’elle  vous 
a fouvent  entendu  dire  que  vous  voo* 
]iés  travailler  à votre  fortune  avant 
'que  de  fonger-  à vous  marier.  Soyés 
bien  perfui^é  que  nous  ne  voas  laÜ^ 

S a 


I 


^T4  L'STTISS  db  Raciivs 
KToûs  manquer  de  rien  , & que  je 
Jais  dans  la  dirponUon  de  faire  pour 
pous  garçon , les  mêmes  choies  que 
TC  prétendois  faire  en  vous  mariant, 
^infî  abandonnés  - vous  à -Diéu  pre- 
mièrement , à qui  je  vous  exhorte  de 
TOUS  attacher  plus  quë  jamais  : & 
après  lui , repofés-vous  fur  l’amitié 
que  nous  avons  pour  vous , qui  aug- 
mente tous  les  jours  beaucoup  , par 
la  perfuation  où  nous  fommes  de  vos 
- bonnes  incKnations , & de  l’envie  que 
TOUS  avés  de  vous  occuper , & de  vi- 
vre en  honnête- homme. 

Votre  mere  mena  hier  à la  foire 
toute  la  petite  famille.  Le  petit  Lion- 
val  eût  belle  peur  de  l’Elephanc,  (i) 
& fit  des  cris  effroyables  quand  il  le 
vit  qui  mettoit  fa  trompe  dans  la  po- 
che du  laquais  qui  le  tenoit  par  la  main. 
Les  petites  filles  ont  été  plus  hardies , 
& font  revenués  chargées  de  pou- 
pées, dont  elles  font  charmées.  Je 
ne  fuis  pas  entièrement  hors  de  mes 
maux  ; cependant  je  diffère  toujours 
à me  purger. 


( I i Je  fqutipn  fnçau  de  c(ue  fiayem. 


’ JL'  » O » Fit» 

Je  ne  fai  point  ce  que  c’eft  que 
cette  biftoire  du  Janféniftne  qu’on; 
imprime  en  Hollande  ÿ vous  ne  m^- 
soadés  pas  H c'ell  pour  ou  contre  ^ 
mais  je  vous  confeiiie  de  ne  témoi* 
gner  aiicone  curiofîté  , afié 

qu’on  ne  puifTe  vous  nommer  ea 
rien.  Vous  voul.és  bien  que  je  vous 
fafle  une  petite  critique  fur  un  iboè 
de  votre  . Lettre.  M^ea  tmtc  p»i- 
Sitejfe , il  faut  ^ire , il  irt  à Qa 
ne  dit  -point  U e»  a bien,  agi  clefl; 
vue  mauvàife  façon  de  parier. 


A Farts  le  51.  Seftemfrr^ 

J’Avois  déjà  vû  dans  la  Gazette  tou- 
tes les  magnificences  de  l’entrée  de 
M.  l’AmbafTadeur  ; & je  n’ai  pas  lail* 
fé  de  prendre  un  grand  plaifir  au  ré- 
cit que  vous  en  avés  fait.  Pavois- 
commencé  cette  Lettre  dans-  le  def^ 
fein  de  la  faire  longue  ; mais  je  fuis- 
obligé  de  me  mettre  dans  mon  lit 
pour  prendre  médecine.  Je  vous  écrir 
rai  au  long  la  première  fois.  Votrq- 
mere  & tout  le  monde  vous  fàlu^ 

S4 


4i(S  Lettres  de  Racins 
L’Abbé  Geneft  a été  é!û  à rAcadé> 


mie  à la  place  de  Boyer.  Votre  cou- 
lin  l’Abbé  du  Pin  a eu  des  voix  pour 
lui  » Ht  pourra  l’être  une  autre  fois  , 
de  quoi  il  a grande  envie.  J’ai  doo> 
né  ma  voix  à l’Abbé  Geneft , à qui 
je  m’éto^  engagé. 


^ Paris  te  8.  OSoht, 

J’Ai  la  tête  fî  épuifée  de.toot  le  fâng 
qu’on  m’a  tiré  depuis  cinq  ou  fix 
jours , qoe  je  laillè  à.  ma  femme  le 
loin  de  vous  écrire  de  mes  nouvelles. 
Ne  foyés  cependant  .en  aucune  in* 
quiétude  fur  ma  Iknté  ; elle  eft , Diea 

Iiperci , beaucoup  meilleure , & j’ef* 
ptere  êlrê'ëfi  ét'aTTâtfer  dans'hfuic  jours 
à Fontainebleau.Vous  favezmafîncé* 
irité , & d’ailleurs  je  n’ai  aucune  rai- 
fon  de  vous  déguifW  l’état  où  je  fuis. 
Soyez  tranquille , & fongez  un  peu 
au  bon  Dieu.  Eft/iàte  efi  écrit  de  Ue 
nain  de  fi  femme.  J'ai  pris  la  plume 
à votre  pere  ; il  eft  dans  fcn  lit:  il  a 
ièulement  voulu  commencer  cette 
Lettre  > afin  que  vous  ne  vous  figix* 


. L s-o  H Fils.  417 
nflIeL  pas  qu'il  eH  plus  mal  qu’il 
n’eil  : il  a eu  une  fièvre  continué' , âc 
pn  a été  obligé  de  le  faigner  deux 
fois  : il  a eu  une  bonne  nuit , & il  eft 
ce  matin  fans  fièvre  ; il  ne  lui  relie 
plus  qu’une  douleur  dans  le  côté 
droit  ( 1 )<»  quand  on  y touche , oit 
qu’il  s’agite.  11  elt  fort  content  de 
vos  réflexions  au  fujet  de  l’établif*. 
fement  que  nous  avons  été  fur  le- 
point  de  vous  donner.  U nousa  pa- 
ru  cependant  que  le  bien  que  cette 
fille  vous  aportoit,  avoit  £sit  un  pea« 

■ trop  d’imprelfion  fur  votre  efprit , de 
que  vous  n’aviez  pas  afl*és  penfé  fur 
ce  que  votre  pere  vous  avok  mandé- 
de  l’humeur  ^ iaperlbnnedont  ils’a^| 
giflbit.  Je  yo)s  bfen,  mon  fila^,  que-, 
vous  ne  favez  pas  de  quelle  impçr» 
tance“*ç^;  élT 

Ÿlé  t c'eÛ  pour taiit'œ  qui  nous  afitiri 
rompre.  Ne  croyés  point  que  nooSf 
ayons  ^vèhepd^  de  .n.qqa>incomeBo^ 
der  , cela  ne  ndut-  elt  ' pas  tombé- 
dau»  fefprit  d’ailiieurailiie  nen». 
en  couton  guere  plua-quil  noos  ea« 
cqutera.  pour;,  vpua  faire  .fubfiâe» 


4i8  Lettres  se  Rac'ine 
Votre  pere  'eft  H content  de  vous^ 
qa’il  fera  toutes  chofes  afin  que  vous 
foyés  content  de  lui , pourvû  que 
Vous  foyés  honnête  homme , & que 
TOUS  viviés  d'une  maniéré  qui  ré- 
ponde à l’éducation  que  nous  avons 
tâché  de  vous  donner.  Votre  pere 
eft  bien  fiché  de  la  néceilité  où  vous 
nous  marquez  être  de  prendre  la  per- 
ruque ; il  fouhaiteroit  que  vous  pûf- 
iiez  garder  vos  cheveux  : mais  il  re- 
met cettè  aflFsure  au  confeil  que  vous 
donnera  M.  l’Affibafladeur , & s’il  le 
faut , il  enverra  chercher , quand  il 
iè  portera  bien , un  habile  Perruquier. 
J’efperequ’il/ecazuétatde  vous  écri- 
re au  premier  ordinaire.  Adieu  » mon 
fils  : fongèz  à Dieu  k gagner  le 
CieL 


’ "-uf  fms  Irh  6.  OSohr, 

: <j:’ ’ !i  » ’ 

Ctiti'  'Ltttiùr  'efi  citnmtKfi  pdt  ttte, 

■'tf  ■ ' ii't  ■■  , '-'i  ■ 

» 

Votre  pere  Af  nioi  iommes  en 
peine  votre  fiuité.  Depoia  ' 
plufieurs  jours  nous  n’avons  re$fl  de 


« 

A S O N 1 t S.  4T9 
Vos  nouvelles.  Il  croie  quelquefois 
que  vous  avez  pris  le  parti  de  venir 
luire  ici  un  cour  : il  auroit  bien  de  k 
joye  de  vous  voir  ; mais  il  feroit 
ché  que  vous  euffiez  pris  .cette  réfo*  ' 
lutioQ  fur  la  Lettre  que  je  vous  ai  écri* 
te,  puifque  les-Médecins  le  croyent' 
fans  péril-;  ils  difent  feulement  que' 
fa  maladie  pourra; être  longues 
eonferve  toujours  une  petite  fièvre  ;; 
mais  la  douleur  de  côté  eft  beaucoup» 
diminuée.  Nous  avons  pafTé  aujour* 
d’hni  une  partie  de  l’aprés-dinée  fur; 
la- terralTe  à nous  promener  ; atnfii 
vous  voyés  qu’il  e(t' eu  meilleur  dif* 


" ffSBknu , il  n’y-  faut  plus  fongeri  La^ 
profeifion  de  votre  fœar  nous  embart  - 
rafle  ;jnaisil  faudra  bien  qu’elle  fou  f*» 
fg-e  avec  patience  ce  retardement. 

Jkite  là  mêi»  dt  Âaciiu,-  Jo- 

zne  perte  beaucoup  mieux.  Dieu  mer- 
J.efpere  de- vous  écrire  pas  lé  prfr<H 
xpkr  or^àaire  une  longue  Lettre , qpii 
vous  dédomagera  de  toutes -celtes  que* 
je  ne  vous  ai  point  écrites;  Je  fuis  fort 
fupris  de  votre  filence  ; de  cehiê’ 
de  i\^.J^/nbapdwsr^j>ei»  s’«0  faut 
que  je  ne  vous  croye.  tous  plu»  ma- 

S 6 


420  Lettres  SE  R A CI  MB 
lades  que  je  ne  l’ai  été.  Adieu , mo8 
cher  nls , je  fuis  tout  à voua. 


jt  F*rit  te  xo  (XUbrf. 

✓ 

♦ ; 

Lettre  emmemee  p4T  pt  femmes 

JE  vous  écris, -mon  cher  fils , atN 
près  de  votre  pere  , qui  le  vouloir 
fiûre.  lui*tnêine  : je  l’en  ai  empêché  , 
parce  qu’il  éfl  fort  fatigué  de  l'étné* 
tique  qu’on  Jui  a fak  'prendre,  & qui 
a eu  tout  te  fuccés  qu’on  en  pouvoir 
efpërer  , de  maniéré  que  îes  Méde* 
cins'difent  qU'il  n’a  plus  qu’à  fê  tenir 
en  repos , n’ayant  plus  rien  à cram> 
;dre.  N’ayés  point  d’inquiétude  fur 
lui  : la  lîenne  efl,  que  vous  né-  pre- 
,1  niés  quelque  parti  précipité,  qui  vous 
'fdetourneroit  de  vos  occupations , êt 
y ne  lui  feroit  d’aucun  fbulagetnent  r ii 
r-efpére  Vous- écrire  Vendredy,  On  lui 
concilie  de  prendre  ici  les  eaux  de 
Ssûnt  Aroand , en  attendant  qu’il  pui(^ 
fe  au  printems  les  aller  prendre  fur 
les  lieux  ; & fi  M.  l’Aml^adeur  ve-  ‘ 
soit  àufli  les  prendre , il  vous  ame- 


A S .0  N F I L S.  - 421 

roif.  M.  Fûiot  (fit  qu’if  connoîc  le 
tempéramment  (]â  M.  de  Bonrepaux , 
St  qu’il  a mat  fait  d' aller  prendre  les 
eaux  d’Aix-  la- Chapelle  qpe  celles  de 
Saint  Amant  hii  conviennent  : il  doit 
en  écrire  à M.  Fagon.  Ea/mte  Récrit, 
df  la  mai»  dt  Racine.  J’embralle  de 
tout  mon  cœur  M.  l’Ambafiadeur. 
(Quoiqu’il  ne  fbit  nullement  néceflai^ 
te  que  vous  me  veniez  voir , fî  néant* 
moins  M.  l’ArabaiFadeur  avoit  quel* 
qtic  dépêche  en  peu  importante  à- 
fairc  paner  au  Roi  , il  fe  pourroit 
ftire({ae  M»  rAmbalTadeur  toutne- 
roh  la  chofe  <f  une  telle  maniéré , que 
Sa  Majefté  ne  trouverou  pas  hors  de; 
taifon  qu’il  vous  en-  eût  chargé  : (ti* 
tes-loi  feulement  ce  que  je  vous  man* 
■de  y & laifieZ'le  &ire.  Adieu  ^ mon 
cher  ffls  j’ai  bien  fbngé  à vous  , & 
fuis  fort  aif^  que  nous  foyons  enco*' 
te  en  état  de  nous  voir  , s’il  plaît  à 
l^ieu.  Fmtdè  la  main  dt  [a  femme.  Ne 
Vous  étonnez  pas  fi  l’écriture  de  vo- 
tre pere  n’eft  pas  bonne  ; il  éfl  dana 
fon  lit  ; fans  cela  il  écriroit  à l’oçdi- 
naire.  Adieu. 


A SON  F I .£  S.  423 
car  on  a en  tète  que  ces  eaax>Ià  me 
font  très-bonnes,  aufli  bien  qu’à  lui. 

La  profeffion  de  votre  fœur  a été 
retardée , de  quoi  elle  a été  fort  affli- 
gée : elle  a mieux  aimé  pourtant  re- 
tarder , & que  je  fufle  en  état  d'j 
afflfter.  Je  loi  ai  mandé  que  ce  feroic 
pour  la  première  femaine  du  mois 
de  Novembre.  Je  ferai  alors  (1  près 
de  Fontainebleau  , ( i ) que  d’autres 
que  moi  lêroient  peut-etre  tentés  d’y 
aller  ; mais  faffifterai  feufemenc-  4 la 
profefflon  de  votre  fœur , & je  re- 
viendrai le  lendemain  coucher  à Pâ- 
tis. 

Votre  mere  eft  en  bonne  fanté  , 
Dieu  merci , quoiqu’elle  ait  pris  bien 
de  la  peine  après  moi  pendant  ma 
maladie.  Il  n’y  eut  jamais  de  garde 
fi  vigilante , ni  fi  adroite,  avec  cet- 
te différence , que  tout  ce  qu’elle  fai- 
foit , partoit  du  fond  du  cœur , Si  fai- 
foit  toute  ma  cônfolation,  Cen  eil 
une  fort  grande  pour  moi , que  vops 
connoiffiez  tout  le  mérite  d’urie  fi 
bonne  mefe  : & je  fuis  perfuadé  que 


Cl)  Blte  friioii  fsof(Biii«â  ki  uruiluK»  ée 
Mdim. 


>E  Riciirs 
usuelle  retrouve^ 
mitié.  & toute  \t 
le  trouve  mainte* 
je  Valincour  6t  \ 
ot  m'ont-  tenu  la  . I 
e du  monde  ; je 
re  autifca  y parce 
i bougé  de  ma 
^x-oe  m a point 
i grands  périls  ; I 
n a été  moini  vi*  I 
:e  retrouver  foo 
-cher  Auteuil , & j!ai  trouvécelatrès* 
làifonoabie  n’étant  pas  juQe  au 'il 
perdhj/la  belle  iaifon  au  tour  ai^ 
CQOvaleicent,  qui  n’avoit  pas  même 
U voix  aflêa  forte  pour  l’entretenii 
Idogt^ns  : ou  relie  il  n’v  a pa»  un 
'vtBéilleùç  amî^%i  un^ meilleur  homme 
.au^anonde. -Faites  mille  complûnens 
pour  moi.  à M.  rAmbaiTadeur  ».  <St  à . 
* de  ijipnnac.  Je  leur.fuisbien  oblt* 

. r^téret  qu’ils  ont  pris  à ma 
tnaladiè..  Je  fuia  auiïï.fbrt,  touché  de 
' toutes  .les  inquiétudes  qu’elle  vous  a 
4Caurées.j  fr'celafié  coniribiiEpa»  peu 
8 augmenter  la  tendreflê  que  j’ai  euë 
. ^^o«»vous  toute  ma  vie-.  vous 
a^âdesai  wie  autrefois  des  nouvelles. 


VOus  pouvez  vous  afn^rçr  » njofk* 
cher  fils , qrte  ma  faniéêft , 0i0è 
merci , en  train  de  lè  rétablir  . eptié- 
rement  : j*ai  été  purgé  pour  larder-  ^ 

, & mes  iVlédecins'oi^,prfÜ  4 
congé  de.  moi  » en  me  reçomniâà- 
dantnéàotmoins  unè  très- grande  diét>  ' 
te  pendant  quelque  tems  , & 
coup  de  régie  dan^  mes  repM  jpçjié  ; ' ' ' 
4oQte  ma  vie , ce  qtû  ne  me^tVpas.  ■ 
fort  difficile  à .obferver  : Je  ne.ctakn,  , . . 
ique  les  tables  de  la  maîsjel^it^  ^ 
trop  heureux  d’avoi>  un  préteve 
Viter  les  grands 'mpas  f àuxqueu  n 

bien  je  ne  prens  pas  un-  fort 

plaifir.  J’ai  réfblu 'même  d;êere  •î^- 

iris  le  plus  fouvènt  que  Je  ^ ■*  ' 

non-feulement  pour  y avoir  •foin’’d4  . , 

ma  fanté  , mais  pour  n’être  pcunt 
'danr  cette  tmrribje_jfiffipatisa^_^^ft 
l’on  né  pèqt''Svi{er'<rilf^'li'  la^ui'ïr 
^ous  partirons  Mardi  prochain  pour 
la  profefilon  de  ma  chere  fille  f que*  - 
je  ne  veux  pas  faire  languir  davmta<  • . 


> •• 


v“ 


* 


J 


t r 


426  LeTTHES  de  îtA'CllTE 

ge.  M.  l’Archevêque  de  Sens  vett 
abfolumenc  faire  la  cérémonie  : j'aU' 
rois  bien  autant  aimé  qu’il  eût  donné 
cette  cômmifllon  à un  autre  , cela 
nous  aurok  épargné  bien  de  l’embac* 
'ras  & de  la  dépenfe,  M.  Mbbé  Boi^ 
kau  a voulu  auffi,  malgré  toutes  mes 
inftances , y venir  prêcher  . jSt  cela 
avec  toute  I amuié 

Nous  allâmes  l’autre  jour  (Kner  à 
Auteuil  avec  toute  la  petite  famille  , 
que  M.  Defpréaux  régala  Te  mieux 
/du  nmnde.  Enfuhe  il  mena  Lionv^ 
I & Madelon  dans  le  bois  de  Bou/o« 
: gne , badinant  avec  eux  , <ât  leur  dî> 
: fant  qu’il  vouloir  les  mener  perdre  r 

! P pas  un  mot  de  tout  ce 

que  ces  jaqvrÆA Jjttfani^liH-dilbient  f 

c’eü  le  meilleur  homme  du  monde* 
M.  HeffeÎD'a  un  procès  aflés  bi^ 
zarre  contre  un  Confeiller  de  la  Cour 
des  Aides,  dont  les  chevaux  ayant 
pris  le  frein  aux  dents  , vinrent  don- 
tner  tête  baiBée  dans  fon  carolTe,  qur 
l]marcboit  fort  paifibletnent.  ^ choc 
t lut  fi  violent , que  le  timon  du  Con- 
f feiller  entra  dans  le  poitrail  d’un  des 
chevaux  de  M.  Heflein , & le  perça 
de  parc  en  parc , en  telle  forte  que 


A SON  Fils. 
le  pauvre  cheval  mourut  au  bout  d'u- 
ne heure  : il  a fait- afiigner  le  ConfeO- 
1er  , & ne  doute  pas  qu’il  ne  le  fafle 
condamner  à payer  Ton  cheval.  Fai- 
tes part  de  cette  aventure  à M.  l’Am- 
bauadeur  ; mais  qu’il  fe  garde  bien 
d’en  plaifanter  dans  quelque  Lettre 
avec  M.  Heflein . car  il  prend  la  choie 

torttugimjgigigot. 


ji  tms  U 10.  Ntvmbrt, 

/ 

J’Arrive  de  Melon  fort  fatigué.  J’à- 
vois  crû  que  l’air  me  fortifieroit , 
mais  je  crois  que  l’^aaleineot  du  câ- 
m*a  b*>onrniip  incQmmQ^gf^’yiÛ 
ne  laiflb  pourtant  pas  «i'allef  & de 
venir , & les  Médecins  m’a(Tûrent 
que  tout  ira  bien , pourvû  que  je  fois 
exaâ  à la  diette  qu’ils  m’ont  ordon- 
née , & je  l’oblèrve  avec  une  atten- 
tion incroyable.  Je  voudrois  avoir  Iq 
tems  aujourd’hui  de  vous  rendre 
compte  du  détail  de  la  profeflion  .do  . 
votre  fœor  ; mais  fans  la  flatter  vous 
pouvez  compter  que  c’efl;  un  Ange. 
Son  efprit  de  fon  jugement  font  ex- 


f 


423  Lettres  de  Racine 
-trémement  Formés  : elfe  a une  mé- 
moire prodrgieufe  , & aime  paRroa- 
nément  Tes  bons  'livres  : mais  ce  qui 
eR  de  plus  charmant  en  elfe  , c'eft 
lune  douceur  & une  égalité  d’efprit 
jmérveilieufe.  Votre  mere  & votre 
'fœur  aînée  ont  extrêmement  pleuré: 
& pour  moi  je  n’ai  celfé  de  fangid- 
ter  ; je  crois  même  que  cela  n’a  pas 
peu  contribué  à déranger  ma  fbible 
Janté.  Ne  vous  chagrinez  pas  fi  je 
' ne  vous  e'cris  pas  davantage  $ j*'ai 
bien  des  chofes  à faire , & .en  véri- 
té je  ne  fuis  guère  en  état  de  fonger 
jtmes  affaires  les  plus  preffées.  Votre 
mere  & toute  la  famille  vous  embraf^ 
fs.  C’eft  à pareil  jour  cjue  demain 
'que  voulmes  baptizé,'  àt  que  Wus  fî- 
tes un  Ferment  Folemnel  à J.  C.  defe 

fertir  de  tout  votre  ’cceur^ 

,1 

. 9 

1 

4.  A 


A son  Fils.  429 


i 


N 


ji  la  Mtre  Sainte  ThecU  Racine^ 

Ji  Tans  le  11.  NevenAre,  . 

J’Ai  beaacoap  d’impatience  , ma 
chere  Tante , d’avoir  i’honneur 
de  vous  voir , pour  vous  dire  tout 
le  bien  que  j’ai  vû  dans  ma  chere 
enfant , que  je  viens  de  faire  Reli* . 
gieufe.  Je  vous  dirai  cependant  en 
peu  de  mots , que  je  lui  ai  trouvé 
l’efprit  & le  jugement  extrêmement, 
formé , une  piété  três-Hncére , & fur- 
tout  une  douceur  ^ une  tranquilité 
d’efprit  merveilleufe.  C’efl  une  gran- 
de confolation  pour  moi , ma  chere. 
Tante  , qu’au  moins  quelqu’un  des 
mes  eofans  vous  relTerobie  par  quel- '1 
que  petit  endroit.  Je  ne  puis  m’em-  t 
pécher  de  vous  dire  un  trait  qui  vous 
marquera  tout  enfemble , & fon  cou- 
rage, & fon  naturel. 

Elle  avoit  fort  évité  de  nous  re- 
garder fa  mere  & moi  pendant  la 
cérémonie  , de  peur  d’étre  attendrie' 
du  trouble  oü  noiis  étions.  Comme 


430  LsTTitB$  DE  Racine 
ce  vint  le  moment  où  il  falloh  qu’el* 
Je-embraiTâc , félon  la  coûtume,  tou< 
tes  les  fœurs  f après  qu’elle  eût  em* 
braflè  la  Supérieure , on  lui  fit  em- 
brailèr  fa  mere  & fa  fœar  aînée  qui 
étoiem  auprès  d’elle , fondant  en  lar* 

igJe'r'Xcétte  vûê  ; elfene  îaiUa 


acné  ver,  ia..cecemnnie  .aBec-ie,  me< 
me  air  modefle  & tranquille  qu’elle 
«voit  eu'  depul^”'l8  'COtmiteiieeraent  : 
mais  dès  que  tout  fût  fini , elle  fe  re* 
tira  dans  une  petite  chambre , où 
elle  laifTa  aller  le  cours  de  Tes  larmes, 
dont  elle  vetfa  un  torrent , au  fou- 
venir  de  celles  de  fa  mere.  Comme 
elle  ètoit  dans  cet  état  on  lui  vint 
<fire  que  M.  l’y\rchevêque  de  Sens 
l’attendoit  au  parloir  avec  mes  amis 
& moi.  jilUns , Mms , dit'Clle , il  n'e/l 
p4s  terni  de  pleurer.  Elle  s’excita  elle* 
même  à la  gayeté , & fe  mit  à rire 
de  la  propre  roiblefle , & arriva  en 
effet  en  fouriant  au  parloir,  comme 
fi' rien  ne  loi  fût  arrivé.  Je  vous 
avoué*,  ma  cbere  Tante , que  été 
touché  de  cette  fermeté , qui  me  pa* 
roît-aflèg- au-deffus.  de  fon  âge. 


Le  ierœon  ide  M.  l’Abbé  Boiteaii 


â SON  Fils.  431 
fut  très-beau  , & très-plein  de  gran- 
des vérités.  Tout  cela  a fait  un  terri- 
ble effet  fur  i’efprit  de  ma  fille  aînée  ; 
& elle  paroît  dans  une  fort  grande 
agitation , Jufqu’idire  qu’elle  ne  fera 
jamais  du  monde  : mais  je  a’ofe  guè- 
re conter  fiir  /•«»«  dfi-mmivft. 

xnehs  oui  peuv^ny  paflèr- 

J oùuliUls  ' 'ffe  vous  dire  que  celle 
qui  vient  de  fe  faire  Religleufe  aime 
extrêmement  la  leâure  ^ & (ùr  • tout 
des  bons  livres , & qu’elle  a une  mé- 
snoire  furprenante.  Êxcufez  un  peu 
xna  tendrefle  pour  un  enfant  dont  je 
ij’ai  jamais  eu  le  moindre  iùjet  de 
plainte , & qui  s’eft  donnée  à Dieu 
de  fi  bon  coeur , quoiqu’elle  fût  af> 
ibrément  la  plus  jolie  ,de  tous  mes 
enfans , & celle  que  le  monde  auroic 
le  plus  attirée  par  lès  dangereulès  ca- 
reffes. 

Ma  femme  & nos  petits  enfeos 
vous  alIÛreot  tous  de  leur  refpeèt.  11 
zn’efi:  relié  de  ma  maladie  une  dureté 
au  côté  droit , dont  j’avois  témoin 

fné  un  peu.  d’inquiétude  : mais  M. 

lorin  m’a  affûré  que  ce  ne  feroit 
vien , & qu’il  la  feroit  paflèr  peu  à 
^ea  par  de  petits  remèdes.  Du  refie 


43%  Lettres  DB ’Racims 

je  fuis  aflez  bien  , Dieu  merci. 

Je  n\i  poim  été  furpris,  jie-la-môrt 
de  M.  du  FolTéÿm»i»  j’en  SI  été  très* 
^toxiçhé.  C’étoit  pour  ainfi  dire , le 
'^plus  ancien  ami  que  j’eun^umnnJek' 

tniPtiv  prnfim 

des  grands  exemples  de  piété  qu’il  ma 
donnes  ! Je  vous  demande  pardon 
d’une  fi  longue  Lettre , & vous  prie 
toujours  de  m’afiiüer  de  vos  prières. 


A S O N FILS. 

'ji  Paris  le  17.  Novembre» 

JE  crois  qu*i1  n’eft  pas  befoin  que 
j’écrive  à M.  l’Ambafladeur^pouT 
lui  témoigner  l’extrême  plailir  que 
I je  me  fais  d’avoir  bientôt  rhonneur 
* de  le  voir  ( s ).  Ma  joie  fera  com» 
plette  , puifqu’il  a la  bonté  de  vous 
amener  avec  lui.  Dites  - loi  qa*ii  me 
fbroitie  plus  Tenfibleplaifir  doiponde, 
fi  dans  le  peu  de _j|jgpr  qu’il  fera  à 


(t!  Il  trvim , MOI  tue  ttatvin  d<  fi  mon  qfaaue 
moi*  «fit».  ^ . 


' i s b W”  Fît  s.  4^3*' 
F»is , il  vouloit  loger  chez  fftoi.  Nous . 
trouverons  moyen  de  le  mettre  fort 
tranqailement  & fort  commodément^ 

& du  moins  je  ne  perdrai  pas  un  feul 
^es  momens  que  je  pourrai  le  voir  & 
l^tfetenir.  Vons  ne  me  trouverez 
pas  encore  parfaitement  rétabli  , à 
Vcaufe  d’une  dureté  qui  m’eft  reftée' 
Jàii  foie  ; mais  les  Médecins  m’aflU- 
'irenc  que  je  ne  dois  pas  m’inquiéter,; 

qu’en  obfervam  une  diéie  fort 
iexàâe  ,-  ceia  fe  dHIrpera’peu  à peu. 
'Comme  je  ne  fois  guère  en  état  de 
faire  de  longs  voyages  à la  Cour 
vous  viendrez  fort  à propos  pour  mç. 
tiênir  compagniejje  ne  vous  empêche^ 
rai  pourtant  pas  d’aller  faire  votre 
60or.  Je  tfaVois  pas  beïoin  dç  Vekerti» 
pie  de  Madame  la  Comtéifè  d^A’n* 
.vergne  pour  me  modérer  fur  le  Thé  ; 
'Ij’en  ufe  fobrement,  ainfî  në  m’enap- 
iportez  pas. . • <■ 

' Si  M.  l’AmbaiTadeur  fait  quelque 
cas  de  ces  Mémoires  dont  Vous  par»' 
lez  fur  la  paix  de  Rifwik  ; vous  pou» 
vez  les  qchetèr.  Si  j’étois  allez  heu»; 
reux  pour  le  ^oir  & l’entretenir  fou» 
vent  y je  n’aurois  pas  grand  befoin 
â’autres  mémoires  pour  rbilloire  dtr 
/•  T 


Lettres  x>b  Racine 
Roi  ; il  la  fait  mieux  que  tous.les  Ara* 
ba0adeurs  ^ tous  les  Minières  en- 
femble  ; & je  fais  ou  grand  fonds  fur 
Jes  inftruâions  qu’il  a prmnis  de  me 
^nner.  Je  ne  crois  point  aller  à Ver- 
iâilles  avant  le  voyage  de  Marly  : j’ai 
Itefoin  de  me  ménager  encore  quel- 
qne  tems , afin  d’être  en  ^tac  d’y  faire 
«n  plus  long  fé jour.  Adieu , mmi  cher 
fils.  Toute  la  famille  eû  dans  la  joie, 
^puis  qu’elle  fait  qu’ellevous  reverra 
bientôt.  Tâchez , rai  nom  de  Dieu , 
d’obtenir  de  M.  l’Ambafiadear  qu’fi 
vienne  defcendreau  logis. 


gaasaaaaaaasasassaaaaa^aa 

^ f 

Dr  ÎM  mm  Samte  ThecU  Rtumcj^  Aîs- 
dâme  Raeine*  ' 

/ 

CUire  i Dim,.&c^ 

JE  vous  fuis  tr^s  - obligée , madiere 
nièce , d'avoir,  pris  la  peine  de  nous 
mander  vous-même  des  nouvelles  de 
notrechermalade.Danslâdouleur&Ies 
fatigues  où  vous  étés  d’une  fi  longue 
maladie , je  crains  beaucoup  que  vous 
(be  tombiez  malade  aufiL  pbm  de 


â SOK  Ÿ ït  B* 
DieacoofèrveZ'Vou»  pour  vos  enfâns: 
'Car  je  voia  bien  par  l’état  où  vous  ' 
me  mandez  qu’eft  mon  neveu , qu’ils 
n^ont  plus  de  pere  (ùr  la  terre.  11  faut 
adorer  les  decrets  de  Dieu  & nous  y- 
foumettre,  Que  les  penfées  de  la  Foî- 
nous  Ibutiennent.  Dieu  nous  fQutient, 
lorfque  nous  efpérons  en  lui.  On  ne 
peut  être  plus,  touchée  que  je  le  fuis 
de  votre  perte  & de  la  mienne:  prions 
Dieu  l’une  pour  l’autre» 


DE  LA  MESME. 

« 

Ct  17.  Jifai  i6ppm 

t 

CMn  il  Dia$^  &c, 

JE  ibis  bien  ailé  > ma  très-cbere  niè- 
ce , du  don  que  le  Roi  vous  a fait» 
21  n’importe  guère  que  ce  foit  àvous, 
ou  à vos  enl^s  : une  bonne  & fage 
Caere  comme  vous,  aura  toujours  bien 
loin  d’eux.  Tout  ce  que  je  vous  de- 
mande , c’eft  de  vous  conlèrver  : car 
que  lèroit'ce  fi  vous  veniez  à leur 
flaanquer  ?.Tâchez  donc  de  vouscoa- 


â 


^6  Ll.TTaBï  B B RaCIKS 
ioler  & de  vous  fortifier  en  regar- 
<daot  Dieu , qui  efb  le  proteâeur  des 
'Veuves  le  pete  des  orphelins.  J’ai 
l>eroioauifi  bien  que  vous  de  me  tour- 
ner vers  0ieu,‘(a  J pour  ne^as  trop 
«slTeatir  eette  réparation. 

i • I ♦ s 


) filicaiottiitl’atti^fiiWaiitCa 


437 


LE  T TR  E S V 

• / 

» • * 

DE  MADAME  DE  MAINTENjC>»,^ 

Lfs  Dames  dè  t sllaflre  inaifm  de  Sainte 
Cyr , OH  la  mémoire  de  mon  pere  s' e fi  cortu 
fervee  ^une  maniéré  qmfast  connottn  corrim  'j' 
bien  il  s'itoit  acquis  d efiime  ^fe  font  dorf^ 
né  la  peine  de  chercher  parmi  tomes  lest 
Lettres  quelles  ont  de  Madame  de  Main^ 
tfenon , celles^  ou  H efi  fitit  mention  de ^ lui'^.  ^ 
& ont  eu  ta  bonté  de  me^  les  cornmÜhiqHèr.. 

Je  les  donne  avec  un)e  grande  fatisftSlton  r 
elles  font  eTunfiyle  qui  fera  défirer  toutep>\ 
les  Lettres  écrites  de  la  mime  main,  Çép^ 
Pâmes  en  ont  un  recueil  copJfdérnÜj^^'^  > * 


i. 


-43» 


L E T T m B t 


À MADAME  DE  BRINOK.  ^i) 
>.4  ChétmiUjU  x8.  Mâru 


VQus  avez  raifbn  de  tout  difpofer 
pour  la  prife  d’habit  de  notre  fille 
la  Sœur  Lalliè  (a);  mais  comment 
pouvez- vous  être  incertaine  du  jour? 
rI*eft*iJ  pas  arrêté'avec  celui  qui  prê- 
che , & avec  celui  qui  fait  la  céré- 
monie ?Pour  moi , je  ferai  également 
^réte  Jeudi  ou  Vendredi.  M.  Racine^ 
qui  veut  pleurer , aimeroit  mieux  que 
ce  fut  Vendredi,  ce  qui  ne  doit  pout- 
tant  pas  vous  obliser  à rien  changer.. 
AvertiiTez  • moi  leulément  le  plutôt 
que  vous  pourrez. 

Je  n’écris  point  à Madame  de  la 
Maifonfort  ( 3 J.  Que  pourrois-jé  lui 

( x")  C*eft  U même  Madaire  Brinon  dont  il  eft  parlé 
dans  le  moiceau  des  fouvtnirs  de  MadaHte  la  Comteffe 
de  Caylua  . que  pai  rapporté 

( a ) Mademoifcl'e  de  Lallie  avoir  fait  le  rôle  d*AC- 
itierus  , de  pat  cette  raifon  mon  Fere  croyoït  devoir  af- 
filier à fa  prtfe  d*habit  ; mais  il  ne  pouvoit  ajfiiler  à oae 
pareille  ceiéironie  fans pleorex.  . 

^ I ) C4UC  jçiêae  ^erijoDM  do«r  le  peu  avoir 


STB  M.  OTE  Maimtbnon.  4^ 
écrire  qu’elle  ne  fâche  mieux  que  moi? 
Piûç  à Dieu,  qu’elle  ne  fôt  que  J.  C. 
cr^i6é  ; qu’elle  pût  oublier  tout  le; 
refre  , & fe  donner  à Dieu.  & à nous 
avec  ce  cœurfinceré  & doux  qu’elié 
avoit,  & même  avec  toutes  Tes  pre- 
mières imperfeélions  , que  j’aimois 
bien  mieux  que  celles  q.ue  ladévotioi» 
lui  a données  1 - , 

Les  bons  témoignages  que  toits  me 
rendez  de  là  Comnninauté  me  don- 
nent une  grande  joie.  Soyez  ravie 
Id’itre  & cefpeâ^  pour  l*b- 

mour  de  Dieu  , & renoncez  à l’a- 
mour propre  qui  voudroit  s’attirer 
cçs  fenuroens  pour  lui-même.  Quand 
je  vois  nos  cneres  filles  agir  en  el^ 
prit  de  foi , j’ai  une  grande  efpéran- 
ce  qu’elles  s’écablifient  fur  des  ton  dé- 
mens folides.  Dieu  veuille  les  bénir 
de  plus  en  plus , afin  qu’elles  puiflèot 

«lalhcumiz  dant  Ton  biêh  ^fut  recommandée  à Ma- 
dame de  Maintenoii , qui  |uiiroa?ant  beaucoup  d*e{^ 
prie  , la  prit  en  afiFeélion  Elle  vécut  quelque  tems  à f« 
CquL , 6c  enCuite  entra  à Saint  Cyr  , où  Ton  ne  faifoic 
pointVncorc  de  vœux. Comme  elle  écor  fous  fa  dIrcAîoi» 
de  M-de  Cambrai  , 6c  couiîoe  de  Madame  Gujon_  », 
Oui  la  veno  I voir  fouvent  , on  craignit  qu'elle  n'intro» 
duisitle  Quîeiirme  ù Saint  Cyr.  Elle  eut  ordre  d'en  fÎM> 
tir  , 6c  Te  rett  ra  dans  un  Couvent  ù Meaux  , cü'eUelao 
fait  h dtxeâioo  de  M.  Boflliec . not  onM  vécue. 

T4 


r44P  ' 'Lettres 
par  leurs  foins  & par  leurs  veilles  ac- 
croître Ton  Royaume. 

Je  ne  tous  enverrai  pas  aujour- 
d’hui vos  conftitutioDS M.  Raci- 

ne & M.  Defpréaux  les  lilènt , les 
. admirent , &.  y corrigent  des  fautes 
de  langage. 

Vous  recevez  mes  avis  cotnnae 
d’un  Ange.  Diea  veuille  que  je  vous 
. les  donne  auffi  parfaitement  que  voua 
les  recevez.  Je  fuis , &c. 


DE  LA  MESME  A MADAME 

« 

SS  LA  MaISONFORT.  (l)  ‘ 

JE  vous  prie , ma  chere  fille  , de 
vous  fbuvenir  que  vous  êtes  Cbré- 
tienne  & Religieofe.  Votre  vie  doit 
être  cachée  > mortifiée , & privée  de 
^tous  ks  plaifîrs.  Vous  ne  vous  re- 
pentez pas  du  parti  que  vous  avez 
cboifi  ; prenez  - le  donc  avec  fes  auf- 


( 1 ) Cetic  Lettre  fat  ëcitte , aînfi  que  la  foivame  , \ 
la  ir  cine  rame  , dont  j*aî  pailè  dans  la  notte  précésien* 
te.  Comme  elle  avoir  beaucoup  d’cfpnt  , Madaii:c4e 
J|aûi(<a(maai^(iUtoiiioiutq^u*cllèii*CDcât  tioj^v 


» E M.  i>E  Maintenon.  44.^r  ^ 

térités  &fes  rUretés.  Vous  auriez  ev 
plus  de  pfaifir  dans  le  monde  ; & fe-4 
.Ion  les  apparences  vous  vous  y feriezi 
perdue  : ou  Racine , en  vous  parlant  * 
du ... . vous  y auroit  entraînée  ou. 

,M.  de  Cambrai  auroit  contenté  ,.oiv 
.même  renchéri  fur  votre  déiicatellè  p. 

.&  vous  feriez  Quiétille.  Jouiflez  donc: 
du  bonheur  de  la.  fhreté.  Aimeriezr 
vous  mieux  que  votre  maifon  fût  plus^ 
éclatante  que  folide;  & que  vous  fer<> 
viroit  d’y  avoir  brillé  ».u  vousAtiez: 
abîmée  avec  elle  ? 

Pourquoi  Dieu  'tmis  a>t’iT  donné: 
tant  d’efprit  & de  raifon  ? Croyez- 
^u$  que  ce  foit  pour  dHcourir^powr- 
nire  des  chofes  agréables , pour  jugez' 
Ides  ouvrages  de  profe  & de  vers», 

• pour  comparer  les  gens  de  mérite  ^ 

& les  auteurs  le»  uns  aux  autres>-*2f 
Ces  delfeins  ne  peuvent  être  de~  lui^ 

Il  vous  en  a donné,  pour  fervir  u».' 
grand  ouvrage  établi  pour  fa^gloire:.; 
tournez  vos  idées  de  cecôté>’lâ,..auffî: 
folides  que  jes  , autre»  font  fr-iwles». 
Tout  ce  que  vous  avez  re$ô  yè(l  poutr 
le.faire  profiter  ;.voiis  enrendrezjsomr 
pte.  Il  faut  que  vôtre.efpritidevienne: 
EU0I  ümple  qi^vque  cœur.  Que  vou>- 

JL  ^ 


L B T T R B 

drieZ'Toas  apprendre  ma  çhere  fille^ 

Je  vous  réponds  fur  beaucoup  d’ex* 
périence  , qu’aprés  avoir  bien  lû  ^ | 

vous  verriez  que  vpus  ne  (auriez  rien. 
Vof re  Religion  doit  être  tout  votre 
favoir  ; votre  temsn’ed  plus  à vous. 
2)ieu  vous  a donné  toute  la  raifon 
)que  la  leâure  pourroit  avoir  donnée 
à un  autre.  Je  le  remercie  de  ce  que 
vous  aimez  l'oraifon  & l’Office.  Je  ne 
vous  y vois  point  fans  regretter  de 
b’êcre  pas  Reiigiealè. 

Maihteiion. 


1 


» 


A LA  M E S M E. 

IL  ne  vous  efl:  pas  tnanvàis  de 
vous  trouver  dans  des  troubles 
d’efprit.  Vous  en  ferez  plus  humble, 
&.  vous  (bntirez  par  votre  expérience, 
que  nous  ne  trouvons  nulle  reflburce 
en  nous^v  quelque  efprit  que  nous 
nyons.  Vous  ne  ferez  jamais  conten- 
te , ma  ch^e  fille , que  torique  vous 
aimerez  Dieu  de  tout  votre  cœur , ce 
que  je  ne  dis  pas  par  rapport  à la  pro- 


B B Ml  DE  MA»?TE»Olir.  44$^, 
'leflion  où  voas  êtes  engagée.  Salo* 
mon  vous  a dit,  il  y a longtem»,  qu’a- 
près  avoir  cherché , trouvé , & goû- 
'té  de  tous  les  plailirs  , il  confeflbiC 
-que  tout  n’eft  que  vanité  & affliêlioQ 
d’efprit , hors  aimer  Bien  & le  fervir» 
Que  ne  puis>je  vous  donner  toute  moi^ 
expériencé  ! Que  ne  puis-je  vous  faite; 
voir  l’ennui  qui  dévore  les  Grands  ' 
& la  peine  qu’ils  ont  à remplir  leurs  ' 
journées!  Ne  voyez-vous  pas  que  je. 
meurs  de  tri(léf&  dans  une  fortune 
qu’on  auroit  eu  peine  à imaginer  ; 
■éi  qu’il  n’y.  a que  le  fecours  de  Dieu 
qui  .m’empêche  d’y  fuccomber  ? J’as 
‘Été  jeune  ’&  Jolie  j’ai  goûté  des-plai- 
firs  ; j’ai  été  aimée  par  • tout.  Dans^ 
un  âge  un  peu  plusavancé,  j^ai  pafle- 
des  années  dans  le  commerce  deJ’ef- 
pfll.  ' Jé"fois  vénii  à la  faveur , dt  je 
TotK  protefte , ma  chere  foie  , que 
tous  les  états  laiflênt  un  vuide- affreux^- 
une  inquiétude,  une  lafotude  , une- 
envie  de  connoitfe  autre  chofê,  parée 
’ qu’en  tout  cela  rien  ne  fatisfoit  entie- 
.aemeiK.  On  n’efll  en  repos  que  loci^ 
qu’on  s’eft  donné  à Dieu  y mais  avec 
içette  volonté  déterminée  dont  je  vous 
parle  ouel^efo».  Aises  on  font  qu’il 

T 6 


444  L « T T RrE  S 

(B- y a plus  rien  à chercher  ; qu’on  eSt 
arrivé  à ce  qui  feuJ  e(l  bon  fur  la  terre. 
. On  a des  chagrins , mais  on  a auifi 
-une  folide  coniblation  > & la  paix  au 
fonds  du  cœuE  au  milieu  des  plus 
grandes  peines. 

Mais  vous  me -direz  , Se^  peut-on 
iaire  dévote  quandon  veut  ? Oui , ma 
chere  Fille  , on  le  peut  ; & il  ne  nous 
cft  pas  permis  de  croire  que  Dieu  nous 
-manque.  Cherchez.  & veut  treavereJ^  t 
iearte^àUftrte  m vms  l’mvrira.  t 
-.ce  font  les  paroles  ; nnais  il  faut  le  cjiei;- 
-chetavec  humilité  & fiiaplicité.  Saine 
Paulpouvoit  bien  en  favoir  plusqu’A- 
.IKioie.  U vapourtant  le  trouver  ap- 
prend par  lui  ce  qu’il  faut  qu’il  falTe. 
Vous  ne  le  (aurez  jamais  par.  vous- 
. même.  ïi  &u£  vous  humilier  vous 
4Vez  un  reûe  d’orgueil,  que  vous  dé- 
. guifez  à vous-méme  fous  le  goût  de 
l’efprit  : vous  n’en  devez  plus  avoir.; 
mais  vousdevez  encore  moins  cher- 
cher à le  fatisfaire  avec  un  Confisf- 
. feur.  ( X ) l«e.plu$.  Ample  ed  le  meil- 


( i)  Malgré  cet  avHcÛe  me  chercha  pas  les  plus  im- 
pies , paifqu'clîc  ftit  conduire  pac  M.  âcCattbui 
loids  a de  cttfuice  parJML*  foiOMU 


1>E,  M.  OtE  MAlMTENOHr. 
leur  poar  vous  & vous  devez  voue' 
y.  roumettreenen^nt.  Comment  Air» 
monterez-vous  les  croix  que  Dieu 
vous  enverra  dans  le  cours  de  votre 
vie fi  uo  accent  Norman  t ou  Picard 
vousaFTête  : ou  fi  vous  vous  dégoûtez, 
d’un,  homme , parce  qu’il  n’eft  pas 
auffi  Aiblime  que  Racine  ? Il  vous  au* 
soit  édifié  le  pauvre  homme , fi  vous 
. aviez  vû  fon  humilité*dans  fa  maladie,  I 
• & fon  repentir  fur  cette  recherche  de  , 
l’efpric  R ne  chercha  point  dans  ce 
iems-.là  un  direfüeur  à la  mode  ; il  ne 
vit  qu’un-bon  Prêtre  de  fikparoifle(i:)i. 
J’ai  vû  un  autre  bel  Efpris  , qui  avoic 
fait  de  très-beaux- ouvrages  , fans  les 
avoir  fait  imprimer  , ne  voulant  pas 
être  furie  pied  d' Auteur  til  brûla  tout, 
& il  n’efi  refié  de  lui  que  quelques 
Iragmens  dans  ma  mémoire.  Ne  noos  » 
occupons  point  de  ce  qu’il  faudra-  tôt  J 
ou  tard  abjurer.  Vous  n’avez- encore 
guère  vécu  & vous  avez-  pourtant 
à renoncer  à la  tendrefie  de  votre 


r 1 ) Ce  Prêtre  éioit  depuis  longicms  fon  Confeâèuc 
•tdinaiBe  » fie  lefot|uiqu*i  U fin.  Cependant  il  eut  dans 
6 deeniere  maladie  » degcandes  obljgijiona  à-  l’Abbd 
Mleauto  Pràttcaiciir)  yenoitfi>oyéac  luipaikt  de 


44$  Lettres 
cœur , & à ta  délicatefle  de  votre 
efprit.  AUez  à Dieu  > ma  chere  Fille  ^ 
i&  tout  voas  fera  donné.  AdreiTes- 
VOU8  à moi  tant  que  voua  voudrez. 
Je  voudrois  bien  vous  mener  à Dieu; 
je  concribuerois  à fa  gloire  ; je  ferois 
le  bonheur  d’ühe  perfonne  que  j’ai 
toujours  aimée  particulièrement  ; Sc 
je  rendrois  un  grand  fervice  à un  In^ 
ûtoc  qui  ae  tn’^  pas  indifférent. 

Maintekon. 


A MADAME  la  MARQUISE  DE... 

jtSaim  Cyrie  it  1717. 

JE  reconnois  bien  M.  le  Maréchal  de 
Villeroi  dans  la  ibilicitation  qu’il  a 
feite  pour  vous  à M.  le  Duc  d’Or- 
léans, fiuis  veusen  rien  dire.  Il  en  ufa 
de  même  pour  moi à la  mort  de  la 
Reine  Mere  : il  demanda  au  Roi  une 
penOon  pour  moi , quoiqu’une  m’eûc 
jamais  parlé.,  R vient  de  m’écrire  fiir 
ce  qui  fe  palTe  , une  Wtre  en  ftyre 
|tl.u«  tragique  que  eeliiide  I;.ongeçwi^ 


SE  M.  SE  MAiNTEirom  447' 
re.  Je  voudrois  bien  être  en  tiers 
^and  vous  pleurez  avec  Madame  de 
Chevreufe;  Tes  larmes  font  bien  fîncè> 


res , & elle  a grande  raifon.  Comment! 
M.  Dangeau  iè  tire-t’il  de  l’état  pré*  • 
•fenc  du  monde , lui  qui  ne  veut  rien 
blâmer'?  Dieu  vous  a fait  une  grande^ 


S 'race  en  vous  donnant  le  goât  de  lai 
blitude  ; car  vous  êtes  très-propre  aul 
monde  ; (c’eft-à-dire  aa  monde  que' 
j’ai  connu  ).  Ce  n’eft  pas  la  feule  que 
vous  ayez  re$ûe  de  lui  ; âc  je  ne  con* 
sois  perfonne  qui  lui  doive  tant  de 
feconhoiflance. 


Dieu  veuille  que  la  reprélèntatibn 
d’Âthalie  fallè  quelques  converOons  : 
c’eft  , je  crois , la  plus  belle  pièce  qu’on 
ait  jamais  vûe.  Je  fuis  étonnée  que  M. 
le  Cardinal  de  Noaillesnes’oppofepas 
à ces  repréfentations  faites  par  des 
Comédiens.  Vous  jugez  bien  qu’on  le 
trouve  très-mauvais  à Saint  Cyr. 


\ 


44?  Lettre 


V 

TOusles  avis  que  mm  Vert  dans  fia 
Lettres  àema  a mon  Frere’  pour  fi 
fiùre.ala<^our  de p amis  & des  proteSeurp, 
furent  inutiles  auu  hommtquè  dominoit  /V 
mour  de  la  filitude  qm  ^ fitot  qu'il  fut 

devenu  fin  maître  , a fit Ja  monde , quoi- 
quil  J fut  fort\aimahle  ^quand  il  était  obli^ 
^4  dy  paraître*  AL  de  l'orcj<  continuant 
fis  bontés  pour  lui  , après  la  morrde  mon 
Vere  ^ V envoya  a Rame  avec  VAmbaJfa^ 
deur  de  France.  Il  y refia  peu , & ayant 
obtenu  la  permijfion  de  vendn/a  charge 
. de.  Gentilhomme  ordinaire^  il  s'enferma 
dans  fin  cabinet’ avec  fis  livres  ^ & y a 
vécu  jufqua  ùg  ans  \ fins  prefque  aucune 
liai  fin  quiavec  un  ami , très^capable/à  la 
vérité  de  le  dédommager  durefie  des  hom^ 
mes.  On  a bien  pu  aire  de  lui  ,.bene  qui 
îatuic  bene  vixit.  Sans  aucunetonihi* 
tiàn  , & mème  fdm  celte  de  devenir  favantt, 
fm  feul  plaifir  fue  de  parcourir  toutes  leu 
fciences , s'attachant  particsdierement  anse- 
Bellos-Lettres , &.  s’4tmt  toujours  contenté 
de  lire  f . fans  avoir  jimais  rien  écrie  ^ nù 
on  vers , ni  en  profe , quoiqu'il  fût  très- eut- 
fabUstéfrin  > & p^  f**  comoiffancn^^. 


D E M;  Racine  l’AisneV  445^ 

pir/m  flyle.  On  en  peut  jn^er  par  cette  het- 
■tre  ijuil  m'écrivit  lorfjue  je  lui fit  remHtrt 
le  Poëme  de  U Rellgim  pour  l'examiner^  ' 


A Pariu  , 

J’Ai  lû  votre  ouvrage , rapidement 
à la  vérité  , & Amplement  pow 
me  mettre  au  fait  du.  Tout  enfemble  : 
le  projet  eil  beau. , bien  exécuté  , & 
digne  d’un  Chrétien  de. votre  nom. 
J’y  ai  trouvé  une  érudition  , qui  me 
fait  voir  que  je  ne  fuis  point  votre 
aîné  en  tout.  Je  ne  vous  parlerai  paa 
de  la  verAfication  : tout  le  monde 

• 

cpnviênt  que  vous  favez  tourner  un 
vers  ; il  n’y  a rien  que  vous  ne  veniez; 
à bout  de  dire  en  vers  : il  femble  mê:* 
me  que  la  fechereffe  & l’aridité  des  Aie 
jets  échauffent  votre  veine  y & vous 
tiennent  lieu  , pour  ainA  dire  , d’A* 
pollon.  Le  fond  des  chofes  me  fournie 
la  peut-être  pluAeurs  obfervations 
que  je  vous  ferai  de  vive  voix.  Je 
vous  dirai  feulement  aujourd’hui,  que 
. vous  inAAez  trop  dans  votre  Axiéme 
chant  Air  la.  conformité  de  la  morale 


'450  L B T T & s 
des  Payens  avec  celle  de  l’Evangil&i 
Comment  ces  deux  loix  , celle  de  l’E-' 
Tangile  , & la  loi  naturelle  , ne  iè> 
xoient-elles  pas  conformes , puifqu’el- 
KS.font  tojutes  deux  l’ouvrage  du  mê- 
me Légiflateur.  ? Mais  trouverez* vous, 
dans  la  morale^des  Payens , l’amour  die 
Dieu  & l’amour  de  la  Croix  , ce  qui 
fait  à la  fois , & tout  le  pénible,  & tou- 
te la  beauté  de  la  loi  de  l’Evangile  ? 

Je  ne  puis  vous  pardonner  qu’oix 
aufli  grand  homme  que  Socrate  vous- 
fâfie  pitié  dans  le  plus  bel  endroit  de 
fa  vie , lorfqu’il  parle  de  ce  coq  qu’oik 
doit  facriêer  pour  lui  à Efculape.  Je 
crains  bien  que  voua  n’ayez  lâ>ceteii-- 
droit  que  dans  le  François  de  M.  Da- 
cier  : de  il  n’eft  pas  .étonnant  au’uu 
-pareil  Traduâeur  vous  ait  indun  en> 
erreur.  Socrate  ne  dit  point  à Crhoik 
de  facrifier  un  coq , mais  fimpleinent  » 
'CritQtt  , ntmt  devons  un  coqn  Efeuléspe  ^ 
«AfxlpùoïK.Ne  voyez- vous  pas 
que  c’efl  une  plaifanterie  , & que  Pla- 
ton , qui  efb  toujours  Homérique  , le 
lait  mourir  comme  il  avoic  vécu  , 
c’eft  à-dire  , l’ironie  à la  bouche  ? 
C’étoit  une  façon  de  parler  prover- 
biale : quand  quelqu’un  étoit  échappé 


]>B  M.  Racine  45^1 

de  quelque  grand  danger  , on  lui  di* 

■ /bit  : Oh , four  le  cuêp  vms  devex,ti»eùf 

■ 0 EfaAape , comme  nous  difons , vous 
,Mvm.  mte  MU  ebMdeUe  , &c.  Voilà 

tout  le  myftère.  Socrate  veut  dire , 
Jteiu  devons  pourU  coup  mbeau  ceefk  Ef~ 

. ignlape  ^ enr  certninment  me  voilèt guéri  de 
tous  mes  maux.  Ce  qui  éfl  très  confor* 
neàl’idée  qu’il  avoit  de  la  mort.  Pou- 
vez-vous croire  que  la  derniere  paro- 
le d’un  homme  tel  que  Socrate  ait  été 
une  fottife  ? 11  y a des  noms  11  refpec- 
tables , qu*on  ne  fauroit,  pour  ainfi  di- 
re, les  attaquer , fans  attaquer  le  genre 
humain.  PMvestdum  efi  curkati  bmsinum^ 
<Ht  fi  bien  Cicéron.  M.  Defpréaux  , 
tout  Defpréaux  qu’il  étoit , efiuya  de 
la  part  de  Tes  amis  des  critiques  trés- 
ameres , fur  ce  qu’il  avoit  dit  de  Scr-  - 
crate  dans  fon  Equivoque.  11  s’en  fau- 
voit , en  difant  qu’il  n’avoit  pû  im- 
moler J.  C.  une  plus  grande  vi£H- 
me  , qûe  le  plus  vertueux  homme  du 
Paganifme. 

L’intérêt  que  je  ptens  à ce  qui  voua 
Kgarde  , l’emporteroit  peut  être  fur 
ma  parefle , & m’engageroit  à vous 
écrire  d’autres-réflexions  ; mais  le  mé- 
tier de  Critique  eft  un  défagréable 


452  Lbttm  deM.  Racine VAisne”. 
métier  , & pour  celui  qui  le  fait  , & 
pour  celui  en  faveur  de  qui  pn  le  fait. 
D'ailleurs  je  vous  exhorte  à chercbér 
des  cenfeurs  plus  éclairés  & moins 
imérefies  que  moi. 


La  manière  dont  il  exfiùjue  les  derniè- 
res f orales  de  Secrote  ^,efl  fort  sngi- 
nienfe  , & efi  peut-être  véritable.  Mais 
M..  Dacier , M.  Rollin  , & fur-tout  Ia 
riponfe  de  Criton  ^ tjoLprend  ees  mots  dans 
le  fins  naturel , m'ont  perfuadé  que  fess 
-émois  pu  dire  ce  que  fen  ai  dit- , doutons 
plus  que  Socrate  ne  parlant  mime  dans  fis 
‘ derniers  momens  , que  eCmse  façon  ineer- 
taine  fur  i immortalité  dé  l'ame  ^ m'asoue- 
jours  par»  un  homme  inconcevable»^ 


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