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l'BRAIRIE DU SPECTACLE
GARNIER ARNOUL
39, Rue de Seine, PARIS
Âci, ixty-t
•J.
*^- /fiK
^fi 'A oî-^ M fit.
/ ^ V- V-,
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R A CI NE.
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MEMOIRES
SUR SJ VIE.
tome premier,
A Lausanne et a CsN^svEt
ChezMAEC-MicHEL BousQ.UBTȉlc
Compagnie.
M. DCC. XLVII.
I
1 AVERTISSEMENT.
I
CO M H X M. l’Abbé d’OIivét , qui
avoic Id quelques-unes des Lettres
iuivantes , en a parlé dans Ton Hiftoire
dÊ l’Académie Françoife , en difanc
qu’elles font pleines d’e/prit , & écri*
tes avec une exactitude & une beau*
- té de Ityle , qui efl ordinairement le
fruit d’un long exercice , on me fçau* r
roit mauvais gré H je ne les faifoii
pas connoître; & quoiqu’elles foient
peu férieufes , loin d’avoir de la répu-
gnance à les donner , je n’ai pas un
meilleur moyen pour détromper ceux
qui s’imaginent que celui qui a fî bien
peint l’amour dans fes Vers , en étoit
toujours occupé. S’il y eût été livré ,
même dans fa jeunelTe , il ne fe fut pas
rendu capable de le peindre fi bien.
Voici des Lettres écrites en toute
liberté, & en fortant de Port* Roy al ,
dont il n’avoit plus à craindre les re-
montrances : on les peut apeler fes ^u-
venilia. Il les écrit à un jeune ami >
-* qu’il foupçonne quelquefois d’être
amout
AVERTISSEMENT.
timoureux : il ne s'atrendoic pas qa'ellet
duflencécre lues par d’autres : il n’aja*
mais fça qU!on les «ûx /çonfervées.
IVi. Jbupin , qül'l^ avoit re>
cueillies , nous les a tendues. Dans ces
Lettres cependant , écrites librement ,
.. le badinage eft ü innocent , que je n^ai
; ; js^mak rien trouvé qui ait dû m’obliger
' jr'èn fuprimer une feule. On y voit un
jeune homme enjoué aimant à rail*
1er , ne fe préparant pas à l’état Ecclé<
fiaflique par efprit de pieté , confer>
vant toujours néanmoins des ibntimens'
de piété dans le cœur , quoiqu’il pa<
roilTe content de n’être plus fous la fé.
vére difcipline de Port -Royal ; plein
de tendrefle pour les amis , fuyant le
monde & les plaifirs-par raifbn, pour
fe livrer tout entier à l’étude ,JSc à fon
unique pafliop } qui écoit celle des
Vers.
.. - >
LETTRES
2
D ISCOUHS P RONONC E
par M.' R A e I N E, à P Académie
Françoi/è , à la féception da M.
T Mbé C O £ b' £ & X , \t 30 OSo-
irf 2678.
ONSIEÜR,
Il tn’eft fans doote très- honorable
de nie vou ^ tête de ceite célébré
Compagnie; & je dois beaucoup au ,
hazard, de m’avoir mis dans un place
où le mérite ne m’auroit jamais élevé.
Mais cet honneur ii grand parlai mê«
aae, me devient, je l’avoué', encore
plus confidérable , quand, je ibngé que
la première fonâion que j’ai à faire
dans la place où je fuis , c’ed de vous
expliquer les fentimens que l’Académie
a pour vous.
Vous croïez lui devoir des remerci«|
jaeas, poux l’honneor que vous dîtes
a ■ qu’elle
I
fl Discours
.qu’elle vous a fait j mais elle a au(fi
Ides grâces à vous rendre. £)!e vous
cfl obligée , non • feulement de l’hoa-
Jieur (}ue. vous lui faites, maù encore
de celui que vous avez déjà fait à tou-
te la République des J^ettres..
Oüi^, Monsieur, nous fçavons
combien elles vous font redevables. Il y
a long tems que l’Académie a les yeux
fur vous. Aucune de vos démarches ne
lui a été inconnue. Vous portez ua
nom que trop de raifons ont rendu fa-
cré pour les gens de Lettfe^. Tout ce
qui regarde votre illuftre Maifbn , ne
leur fçauroit plus .être ni inconnu , ni .
indifférent.
Nous avons confîdëré avec attention
les progrès que vous avez faits dans
les Sciences ; mais li vous aviez ex
cité d’abord notre carioüté , vous n’a-
vez guère tar.dé à exciter notre admi-
•7 ration. Et quels aplaudiffemens n’a t’oa
point donnez à- cette exeélente Philo- '
fophie, que vous avez publiquement
enfeignée / Au lieu de quelques termes
barbare^ , de quelques frivoles quef-
tions que l’on a voit accoutumé d’en-
- tendre dans les Ecoles , vous y avez
fait entendre de folides vérkez , les
pins
A L* A C A S £ M I E. 3
plas beaux (ècrets de la nature , les
plus importans principes de la Méta<
phyGque. Non , Monsieur y vous
ne vous êtes point borné à fuivre une
route ordinaire. Vous ne vous êtes
point contenté de l’écorce de la Phi*
lorophie ,'vous en avez aprofondi tous
tes fecrets. Vous avez raflemblé ce
que les Anciens & - les Modernes
a voient de folide & d’ingénieux. Vous
avez parcouru tous les liédes pour
BOUS en raporter les découvertes. L’o*
ièrai-je dire ? Vous avez fait connoi-
cre dans les Ecoles , Ariftote même »
dont on n’y voit fouvent que le fan*
tâmc.r
Cependant , «eon f^avante Philofo*
phie n’a été poar vous qu’un paiTage<
pour vous élever à une plus noble
science ; 'je veux dire la fcience
de la Religion. Et quel progrès n’avez*
TOUS point fait dans cette étude la-
ctée l Avec quelles marques d’eRime -
la plus fameufe Faculté de l’Univers
TOUS a*t’elle adopté , vous a t’elle alTo* -*
cié dans fon corps ! L’Académie a
pris part k tous vos honneurs. Elle
aplaudiflbit à vos célébrés aâions ;
suais , Monsieur , depuis qu’elle
a a vous
4 Discours
vbvis a rû monter en Chaire , -qa^ene
vous a eqtendu prêcher les véritez^ de
l’Evangile , non- feulement avec toute
la force de l’éloquence » mais même
avec toute la judelTe & toute la po>
liteiïe de notre langue , alors l’Aca-
démie ne s*e(t plus contentée de vous
admirer , elle a jugé que vous lui étiez
néceflaire. Elle vous a choifi, elle vous
a nommé pour remplir la première
place qu’elle a pô donner. OOi , M o N-
SIEUR, elle vous a choiü : car nous
voulons bien qu^on le fçache , ce n’efl:
point la brigue , ce ne font point les
follicitations qui ouvrent les portes de
l’Académie. Elle va elle*même au«de>
I vant du mérite; elle lui épargne l’em-
barras de fe venir o/Frir , elle cherche
les fujets qui lui font propres. Et qui
pouvoit lui être plus propre que vous ?
Qui pouvoit mieux nous féconder dans
le deHein que nous nous fommes tous
propofé de travailler à immortalifer
les grandes allions de notre Augufte
Proteéleur ? Qui pouvoit mieux nous
aider à célébrer ce prodigieux nom-
bre d’Exploits , dont la grandeur nous
accable ; pour ainfi dire, & nous met
dans l’impuiflance de les exprimer?
A- K* A O A B i V r ^ f
H noas f^ut des années entières pour
écrire dignement une. feule de fea^
aâions.
Cependant chaque année chaque-
mois , chaque journée même , nout'
prefenre une foule de nouveaux mi*
racles. Etonnez de tant de triomphes ^
nout penOons que la guerre eût porté-
fa gloire au plus haut point où elle
pouvoir monter. En effat , après tant
de Provinces (i rapidement conquifes^.
tant de Batailles gagnées , les Villes
emportes d’affaut, les Villes (âuvées
du pillage , & toutes ces grandes ac-
tions dont vous nous avez fait une (t
vive veinture , auroit on pû s’imagi-
ner 90e cette glowa dût encore croî»
tre ? La Paix qu7/ vient de donner à
VEurope nous prefente quelque choie
de plus grand encore que tout ce
qu’il a fait dans- la Guerre. Je n’^
garde d’entreprendre ici de faire l’é-
loge de ce Héros , après l’éloquent
difcours que vous venez de nous fai-
re entendre. Non - feulement nous, y
avons reconnu l’élévation de votre-
efprit , la fublimitë de vos penfées f
nais on y voit briller fur tout ce zèle
peur voue Fiince , & cette ardente-
» 9 paffîoa^
s DiseooKS'
pour fa gloire ». qui eft la mr»-
que Ci particulière à laquelle on re»
connoît toute votre iliuftre Famille»
Tandis que le Chef de la maifon •
rempli de ce noble zèle » ne donne
point de relâche à Ton infatigable* gé>
nie ; tandis qu’il jette on œil péné^
trant iufqoes dans les moindres befoi ns
de l’État : avec quelle ardeur» quelle
vigilance , fes Ënfans , Tes. Freres
fes Neveux , tout ce qui lui apar-
tient » s’emprefle t?il à. le foulager
^ â le féconder ? Lim travaille heureu»
fement à> foutenir la. gloire de la Nà»
vigation ; l’autre fe fignale dans les
premiers emplois de la Guerre'; l’au»
nre donne tous fes foins à la Paix ».
& renverlè tous les obflades que
quelques deferpérez vouloient aporter
â ce grand ouvrage» Je ne finirois
point fi je vous mettois devant les
yeux tout ce qnil y. a d’illuflre dans-
vôtre Maifon.. Vous entrez »..Mon-
stEOR ,. dans une Compagnie que*
vous trouverez pleine de ce même
efprit , de.ce même zèle. Car » je le ré-
pété encore, nous fommes tous rivaux
dans la paflion de contribuer quelque
chofe à la g}oire d’on ûgçand Prince.
Chacun.
M t’AcADBMTX. 7
Cfaacuo- y emploie les diffürens taleiu
que la Nature lui a donnez. Et ce tra«
vail même qui nous eft commun , ce
Diâionnaire, qui de foi-mëme femble
une occupation fi féche & fi êpineufe,.j
nous y travaillons avec plaifir. Tous
les roots de la Langue , toutes les fylla-
bes nous paroifient ptécieufes ,■ parce
que nous les regardons comme autant
d*inltrumens qui doivent fervii à la
ÿoire de notre AuguAe Proteâeor.
PLAtfl
IN- DU I
d'Ifhigenie
<ici Je feul fr
les papiers d
r que pour f
ère il drejfoh
entreprenoU.
fé les cinq A
que fa Trag
ÎIGENIE
Acts
vgénie v}eiit
t y qui s'èmn
nde fi elle ejl
Diane Je pc
<)u*»n y »«fia I
/yaura que le Cr
enie , oo giixott
JPBI&ENIB EN TaVRÎDI. 9
h aucun étranger. Ta peux croire ,
Iphigénie , ü c’efl-là un fentiment digne
de ia fille d’Agàmemnon^Tu fçais avec
quelle répugnance j’ai préparé les
férables que l’on a facrifiez depuis
que je préfide à ces cruelles céré*
monies. Je me fai fois une joye de
ce que ia fortune n’avoit amené
aucun Grec pour cette journée , &
je trion>phois de la douleur commu*
ne » qui eft répanduë dans cette lûe ,
où l’on compte pour un préfàge fu«
nefte de ce que nous manquons de
▼iâimes pour cette fête> Mais je ne
pois réfifier à la fecrette triftelFe dont
je fun occupée depuis le fisnge que
j*ai fait cette nuit. Vai cru que j’étois
à Mycéne dans la maiTon de ihoa pe>
xe. Il m'a femblé que mon pere & ma
mere nageoient dans le fang , & que
moi même je tenois un poignard à la
main pour en égorger mon frere Ôrel^
te. Hélas , mon cher Orefte ! Mais »
Madame , vous êtes trop éloignez l’uit
de l’autre pour craindre l’accompliflè-
ment de votre fonge. Et ce n’eil pas.
aufli ce que je crains : mais je crains
avec raifon qu’il n’y ait de grands mal-
heurs dans ma. famille. Les Rois font
fujeta
VO iPHieSNIK
fiijets à de grands changemens. Ah f
fi je c’avois perdu , mon cher frere
Orefte , fur qui leul J’ai fondé mes
efpérances. Car en6n , j’ai plus de fa«
jet de t’aimer que tout le refie de ma
famiile. Tu ne fus point coupable d&
ce facrifice où mon pere m^avoit con*
damnée dans l’Aulide. Tu étois un en-
fimt de dix ans. Tu as été élevé avec:
moi , & tu es le feul de toute la-
Grèce que je regrette tous les jours.
Mais , Madame , quelle aparence qu’il
^ache Fétat où vous êtes ? Vous êtes
dans une Ifle détefiée de tout le mon-
de : fi le hazard y amene quelque*
Grec y oii- le facrifie. Que ne renoo*
'èez-vous à la Grèce ? Que ne répon-
dez-vous ù'l’amour du Prince ? £h que
me ferviroic de m’y attacher ? Son-
pere Thoas lui défend de m’aimer ^ il
ae me parle qu’en tremblant , car ils
ignorent tous deux ma naifiance , &
je n’ai garde de leur découvrir une
chofe qu’ils ne croiroient pas. Car ^
quelle aparence qu’une fille que des '
Pirates ont enlevée dans le moment
qu’on l’alloit facrifier pour le falut de
k Grèce , fût la fille du Général de la-
Grèce l Mais- Voici ce Prince.
SCENE
E M T A tr « I S t. IX
SCENE II.
Qu*ave2‘Vous ^ Prince ? d’oà vient
ce defordre , & cette émotion ? Ma*
dame , je fuis caufe du pins grand
malheur du monde. Vous fçavez com*
bien j’ai détefté avec vous les facrifi?
ces de cette Ifle ; je me réjoûifTois de
ce que vous feriez aujourd’hui difpen*
fée de cette funelle occupation ; &
cependant je fuis eau le que vous avez
aujourd’hui deux -Grecs à lâcrifîer.
Comment , Seigneur ? On m’eft venu
avertir que deux jeunes hommes étoienc
•environnez d’une .grande fouIe.de peu-
ple , contre lequel ils fe défendoient.
J’ai couru fut \e bord de la mer : je
les ai trouvez à la porte du Temple »
^ vendoient chèrement leur vie , &
<}ui ne fongeoient chacun qu’à la dé-
feule l’un de l’autre. Leur courage m’a
piqué de générofité. Je les ai défen-
dus moi-même : j’ai defarmé le peu-
ple , & ils (è Ibnt rendus à moi. Leurs
habits les ont fait paffer pour Grecs:
ils l’ont avoué. J’ai frémi à cette pa-
role : on les a menez malgré moi à
mon pere ; & vous pouvez juger quel-
le fêta leur deflinée. La joïe e(l ual-
verfelle »
\
X£ I P B 1 G E M I « ’
Terfelle , & on remercie les Dieax
■d’une prife qui me met au defefpoir.
Mais enfin , Madame', ou je ne pour-
rai , ou je vous affranchirai bien^tôc
■de la malheureufe dignité qui vous en-
;gage à ces lacriôces : mais voici le Rui
mon pere.
SCENE III.
0
Quoi , Madame , vous êtes encore
ici ? Ne devriez-vous pas être dans le
. Temple , pour remercier la Déeflfe.
de ces deux viâimes qujelle nous a
envoyées ? Allez préparer tout pour le
Sacrifice , & vous reviendrez enfuite «
afin qu’on vous remette entre les mains
«es deux étrangers.
SCENE IV.
Iphigénie fort ^ le Prince fait quel»
^es efforts pour obtenir de f on pere la vie
de ces deux Grecs , afin qu'il ne les ait
pas Jàuvez inutilement. Le Roi le mal»
traite , & lui dit que ce font là des feU'
4imens qui lui ont été ir^pirez par la jeune
Crecque ; il lui reproche la pajjîon qu'il
ü pour une e/clave. Et qui vous dit, Sei-
gneur,
* N T A O R I D *. 13
gneur , que c’eft une efclave ? Et quel-
le autre qu’une efclave , dit le Roi ,
auroit été choifie par les Grecs poiir
^re facrifiée ? (^uoi I ne vous fouvient*
il plus des habilletnens qu’elle avoic
lorlqu’on l’amena ici ? Avez-vous ou-
blié que les Pirates l’enlevèrent dans
le moment qu’elle alloit recevoir le
coup mortel ? Nos Peuples eurent plus
de comp^on pour elle que les Grecs
n’en avoient eu : & an lieu de la làcii-
fier à Diane , ils la choifirent pour
préGder elle-méme à fes facrifices. Le
Frince fort , déplorant fa malheureufe
gènitofiti , qui a fauvé la vie à deux
Grecs pour la leur faire perdre plut
erueUement.
4
S CE N E V.
If Roi témoigne à fon confident qu*il
je fatt violence en maltraitant fon fils.
Mais quelle apareoce de donner les
mains à une pafüon qui le deshono-
re ? Allons , âc demandons à la Déef-
iê parmi nos prières , qu’elle donne à
mon fils des lêntimens plus dignes de lut
JRn dit premier A£te.
b EXTR.
1
«4
. EXTRAIT
DU TRAITE’ DE LUCIEN ,
inticujé , comment il faut écrire
PHiJîoire. (i)
V
L’Hiftoire «ed toute diffîrente de la
Poëde. Le Poëce a belbin de tous
les Dieux quand il veut peindre Aga>
memnon ; il lui faut la tête & les
yeux de Jupiter , la poitrine de Nep-
tune 4 le boudiet; de Mars. L’Hifto-
sien peint Philippe borgne , comme il
.^toit.
Alexandre jetta dans l’Hyda/pe
l’Hiftoire d’Ariftobule , qui lui faifoit
faire des aâions merveilleufes ) qu’il
n’avoit point faites lui dit qu’il
lui faifoit grâce de ne l’y pas faire jet*
^er lui-même.
Il y a des Hidoriens qui croyen(
faire grand plaidr à un Prince en ra-
^ valant
T ( i\ torfqu*il fut nommé pour écrire l*Hiiloire du
3loi 9 il fie cec E%crak , comme il eft die dans ft
wiSéi pour fc mccuic dcvunc yeux jpeis
EzTR. do TaJOTE* DE Ldciem. ÏS
valant le mérite de Tes etinemis. Achil»
le feroit moins grand s’il n’avoit pas
dé£ût an Heâor. D’éptres inveâivenc
centre ■ les Chefs ennemis , comme
s’ils vouloient les dé£ure la plume à
la main.
Un autre remplira fon Hiftoire de
petits détails , & de mots de l’art ,
comme feroit un foldat ou un ouvrier
qui auroit travaillé dans le camp : un
autre employera tout fon tems à faire
d'ennuyeufes deA:riptions , de l’imbil-
lement , ou des armes du Général ,
oo d’un bois ^ quand ils viennent aux
grandes affaires , ils y font tous neufs.
IJm penfent attraper le merveilleux
en écrivant des c^(et contre le vrai*
femblab/e ^ des bleÛmes prod|gieafes ,
des morts incroyables.
L’on fè fert qodqoefois de phrafes
belles & magnifiqaeé , comme pour*
roic faire ou Poète , & tombe tout à- _
«oup dans -de baffes expreffions. C’eff ;
nn homme qui a un pied chauffé d’un^
brodequin , & une fandale à Tautre
pied.
Un autre décrit corieufement & fort
an long les petites chofes , & paile
Iraéremeiu; Air les gruides.
b a Voila
i
î5 Extrait 00 Tiait**
Voilà les principales fautes où peut
tomber un HiÆorien. Voici les prio>
cipales qualitez qu’il doit avoir.
Les deux plus néceflaires , ce font
un bon fens pour les cbo&s du mon-
de , & une agréable expreffion. La
première efl: un dôn du del. L’autre
fe peut acquérir par un grand travail ^
& une grande leélure des Anciens.
Il faut -qu’un Hiftorien ait vû une
armée , des foldats rangez en bataille;
ce que c’efk qu’une aîle , un front ,
des bataillons , des machines de guer-
re , &c. & qu’il ne s’en raporte pas
aux yeux d’autrui.
Sur • tout il doit être libre , n’efpé»
tant , ni ne craignant rien ; inacceilî-
ble aux prelens & aux récompenfes ;
ne faifant grâce à perfonne ; juge
équitable & indifférent , fans pars ,
& fans maître , «W/awt»?. Qu’il dife
. les choies comme elles font ^ fans les
. farder , . i les déguifer ; car il n’elb
pas Poëté , il eft narrateur , & par
conféquent n’eil poipt refponfable de
ce qu’il raconte : en un mot , il faut
qu’il facrifie à la feule vérité , &
qu’il n’ait pas devant les yeux des ef-
pérances au0î coartçs que celles de
cette
DS LirCIEK, ‘ If
cette vie , mais l’eftime de tome la
poftérité. Qu’il imite cet Architeâc
du Phare d’Egypte y qui mit fur
du plâtre le nom du Roi qui l’en»
P oyoit ) mais deflbus ce plâtre foa
propre nom , fçachanc bien que
le plâtre tomberoit ^ & que Ton
nom iè yerroit écernellemenc fur la
pierre.
. Alexandre a (ht plus d’une fois : O
fne ne puis je revenir dans 3 ou 400 ans ,
pour entendre de quelle manière les hom-
mes parleront de moi !
11 ne faut pas fe mettre en tête
d’avoir on fiyle fi magnifique ; il
fzvix. s’y prendre plus familièrement.
Que le fens & \a vérité Toit preiTé ,
qu’il y ait du fens ât des chofes par*
tout 3 mais que l’expreiiion foit clai-
re t & comme parlent les honnêtes
gens. Car , comme l’Hifiorien ne
doit avoir dans l’efprit (jue la liber*
té & la vérité , il faut aufil qu’il
n’ait pour but dans Ton fiyle que la
netteté , & de reprefenter les cho*
fbs telles qu’elles font. En un ttiot ,
que tout le monde l’entende , St
que les Sçavans le louent : ce qui ar>
rivera s’il le fert d’exprefllons qui ne
b 3 foiens .
I
f
ig Exvkaxt DD Traîts’
foiènc point trop reirbeichées ^ ni auffi
trop commones,
11 faut pourtant que l’Hiftorien
ait quelque chofe du Poëce dans les
penfées , fur-tout lorfqu'il viendra à
décrire une Bataille , des Années
qui vont fe choquer ^ des Vaideaux
prêts à combattre ; c’eÆ alors qu’il
a befoin , pour ainfî dire , d’un vent
poétique qui enfle les voiles , & -qui
fafle groflir la mer. Il faut pourtant
que rexpréflioa ne s’élève guère de
terre.
N’avoir point trop foin de l’harmo-
nie & du fon : mais aufli ne pas écor-
cher les oreilles.
Il faut bien prendre garde de qui
on prend des Mémoires , & ne con-
fulter que des gens non fufpeâs oa
de haine ou de complaifance » foit
pour eux -mêmes , foit pour les
autres.
Quand on a fait provifîon de bons
Mémoires , alors il faut les coudre »
& faire comme un corps id’Hiftoi-
re , fec & décharné ' d’abord , pour
y mettre enfuite la chair de les cou-
leurs.
11 faut t comme le Jupiter d’Ho**
mére>
» £ L tf e 1 1 ir>
fdére » ^ue THiftorien porte les yeax
de cous côcez , & qu’il voye suffi* bien
ce qui fe pafle dans le parti ennemi ,
^ue dans l’autre parti.
Il doit être comme un miroir pur
& fans tache , qui reçoit les Objet»
tels q^u’ils font , ne mettant rien da
fien • qu’une expreffion naïve , fan»
fe meure en peine de quelle nature
eû ce qu’il die , mais de quelle ma-
nière il le doit dire.
Sa narration ne -doit pas être dé'
eouAiê ; non*feulement les choies doi>
▼ent fe fuivre y mais fe tenir le^ unes
amz autres..
fi faut içavoif ne pokit s’étendre
dans les àefciipüons : témoin Homé'
re f qui en a pù faire de fi belles ',
& qui a fi ibuvent paffié par • deflus
courageufement. Ne croyez point
que Teucydide foit long di^s la def*
cription de la peite t fongez de ^elfe
importance efi tout ce qu’il dit : il-
fuit les choies , mais les chofes l’arrê'
tent malgré lui.
On peut s’élever , & être Orateur
dans les harangues * pourvû qu’elles
conviennent à celui qui parle.
JI faut être court & circonfpeét
b 4
20
Extrait, &c.
dans les jugemens : jamais calomnia*
teur. Il faut toujours être apuyé de
preuves. L’Hiftorien n’eft point de-
vant des Juges pour faire le procès
à ceux dont il parle : il ne doic
point être accufateur , mais HUto-
rien.
FRAGMENS
FRAGMENS HISTORIQUES.
JE ne donne quî une. petite partie de cet
fragmens , dont je ne releve le prix , ni
pour le fond , ni pour la forme. Quant ait
fond , on n'y trouve rien de curieux : ce-
qui pouvoit Pêtre du tenu de lü Auteur , 9
iti écrit depuis par différetu Hiflwiens»
Quant à la former ce ne font que de cour»
tes Obfervatiatu <pie P Auteur y qui en
devait faire ufage dans la fuite , jettoit
fur le papier fans Jlyle Q* fans ordre^
Cette raif on m'oblige encore à n'en don»
ner qu'une petite partie , pujf. qu'on ignore
l’ufage ^’uR Auteur devait faire des
çbofes-'qu'on trouve après fa mort , écri»
ses par lui fans ordre y qu'il rsécrivoip
que peur lui feuL 11 peut avoir écrit tel
fait y RO» comme véritable , mais comme:
débité de Jon. tems y & dans le dejfeinde
k détruire.
Ce ne font ici que des membres épars-
& déchantez , que PHiJiorien devait raf»
Jembler (ÿ animer : & je niai d'autre'
objet en les faijant connoUre , que de dé»
tromper ceux qui croyent qu'il ne s'oecu»
poit point do PÜiJloirei du Roi ou qu'il'-
U 5^
22
Fraghkni Histos;
ne touloit donner qu'un éloge bijlorîque dSr
ce Prince. Il paroît au contraire par lef
Extraits qu'il a faits de Vittorio Siri , ^
de plufieuTs Mémoires , qu'il s'étoit for»-
mé un plan très ■ vajle , ^ que fe met»
' tara au fait des affaires étrangères , corn»
me de celles de lintérieur , il embraffoît
fon grand objet dans toute fon étendu^ ^
& compioit faire l'ilijloire du Royaume
fous le régne de Louis XIK E en avoie
déjà compofé plufieurs grands morceaux r
mais , comme je l’ai dit , ils périrent dont-
l'incendie , par laquelle tout ce que M. de
Valincour confervoit dans fa Maifon de Sm.
Cleud fut confommé en un moment ^ ma>r
gno cum Muf»:um mœrojre»
I
*3
«
Vîpy* iWWiiW
F R A G M E N s.
HIS T ORIQUES.
QUaod le Cardinal Mazaria forcit
de France , il demanda un hmnme
de confiance à M. le TelUer ; qui lui
donna Colbert , en priant le Cardinal
que qpand il recevroic de lui des Let-
tres mcrette» , il ne les gardât point ,
mais les reniUc à Coibort. Un jour le
Cardinal en vonlot garder nne« Col-
bert liû réfifta , jufqp’à le mettre en
colère.
Le Cardinal Mazarin <£c à VilIer<H
^atre jours- avant fa mort : On fmt
Utn des cbofes en cet itet , qu’on ne fiat
fax Je portant bien. Le lendemain il vit
M. le Ftince , lai parla long-tems , &
fort affeduenfoment. M; le Prince re-
connut après , gu-’il ne Im avmt pat
dàt un mot de vraù
11' recommandn au Roi trois
mes , Coltert , Lefcot Jouailler ^
Ratabon ^s Mrîmensk
Jd^ Colbert diTotti-qt^àp «onmien*
bd «emeai
24 Fragukks
cernent que le Roi prit connoilTaoce
des affaires , ce Prince lui dit & aux
autres Miniffres : Je vous avoué frasi-
ÿ ebement que j'ai un fort grand penchant
\pour les platfirs ; mais fi vous vous aper»
'cevez qu’ils me fajjent négliger mes affai-
’res , je vous ordonne de m'en avertir.
La Reine Mere fçavok qu’on arré«
.teroit M. Fouquet. On Tavoit dit à
Laigue , pour le dire à Madame de
Chevreufe » aËn qu’elle y difpofât la
Reine , ce qui fe à Danapierre. Vil-
leroi le fçut aulli. Le Roi vouloit le
faire arrêter dans Vaux ; Quoi , au mû’
lieu d'une fête qu*il vous donne ! lui die
la Reine.
Le Roi , pea avant le jugement de
M. Fouquet , dit à la Reine dans foa
Oratoire. , qu’il vouloit qu’elle lui pro«
mit une chofe qu’il lui demandoit , c’é-
toit fi Fouq.ùet é.toit condamné , de ne
lui. peint demander fa grâce. Le jour
de l’arrêt , il dit chez Mademoifelle la
. Valliére : S'il eût été condamné à mort ^jt
Maurois laijfé mourir. Il amt dit à M*
de Turenne très>fortement y de ne
.plus fe mêler de cette affaire.^
Le Roi fe nettoyant, le» pieds , oa
.Valet* de t chambre qui tenoit' la bou-
gie*
Hïstobiq,oes. 25
ffe , lui laifla tomber fur te pië de la
dre toute brûlante : il dit froidement ;
Tu aurais aujji bien fait de la laijfer tant»
ber à terre,
A un autre Valet d&cfaambre , qui
en hiver aporta fa chemite toute froi-
de , il dit encore fans gronder. Tu me
la dknneras brûlante à la canicule.
Un Portier du Parc qui a voit été
averti que le Roi devoit fortir par cet^
te porte , ne s’y trouva pas , & fè fie
long teffls chercher. Comme il venoie
tout en courant , c’étoit 4 qui lui dirait
des injures. Le Roi dit : Pourquoi la
grondez-vous , croyez vous qu’il ne fait
pas ajfez affligé de rn avoir fait attendra 2
Le Nonce lui dît que Ci le Doge de
Genes , & quatre des prindpaux Séna-
teurs venoient , la République deroeu*
reroit fans cheft pour la gouverner. It
répondit t Ils (prendront à mieux gou»
vtrner,
£n donnant Tagrément & la diipea»
iê d’âge 4 M. Chopin pour la charge
de Lieutenant • Criminel , le Roi loi
dit ; Jevour exhorte àfuiwoplûtêt les ma^
xitnes de vos- ancétrea , que les exemflex
êe vot prédéceffèurr.
■ Xb’Bvéqoe da MetX'*| revenant de
F ft A G M » » »'
fen Séminaire ». o» H avoit piSS dix
jour* » parloit devant le Roi avec exa^
gération- du défintéreflement de toua-
&s EccIeQaftiqoes » qui ne faifoient au*
eun cas » difoit41 , ni de Bénéfices , ni
de richeûes ; & qui même , s’en moc*
qqoienc : Finu vous- mocpiez donc bie»
ifseje » Jui dit le Roi.
A foD lever l’Archevêque d’Ambran>
k>uoit beaucoup la harangue de l’Abbé
Colbert. Le Roi dit à M. de Maule^
vrièr ^i’rommez>»iei dette pas dite urs
mot à Colbert de tout ce que va dire l'As»
ebevêque: dAmbrun : oi enfuite il dit
à l’Archevêque » Contimez tant q^U
vous plaira.
• Le Chevalier de LOTrmne , obligé de '
& retirer »- dit au Roi » en prenant
congé de lui qu’il ne vouloit plus fonr
ger qu’à fon falut. Quand il fut for^ ^
le Roi dk ; he Chevalier de Lorrainà
Jonge à faire une reiraite & emmene avec
hâ le Pere Nantouillet.
|T Quand je lui eus récité mon difcoars^
R me dit : Je vous louerais davtmtage y
^ vous ne' m'aviez pas tant Joué» .
k: On prétend que les remontrances
que lui faifoit M. Colbert au fujet des
bâtiment ;^ravoienc chagriné^. jurques-
Hzt ^
&qu*il dit «aefoi»à Mani^d : Oh m»
dmm trop dt dégoût ijo ne veux plus [on-
ger à bâiis^
11 écrivit à M. Colbert peu de jours>
avant là mort », pour lui commander
de manger & de prendre foin de luû
M. Colbert ne dit pas an root après
qn*on lui eut Id cette lettre* On lu»
aporta an bouillon , & U lerefuTa. Ma»
dame Colbert lui dit : ÎUt voulez-^vouo
ftu répondre au Rot 2 U lui dit : R ejt
Air» tem de cela , e'efi au Roi des Rù»
§ue je finge à répondre^ Comme elle li»
dilmt une autrefois quelque cbofo
de cette nature , il lui dit : Madame
quand j'itm data ce ceéiaet A travailler
pont les araires du Roi , mvous m lep
sutre* n'ofitz y etartr y fÿ maintenauii
qu’il faut pu je travaille aux traites èf
monjoha , vous ne me laiffèz poitO^en re^
pou Le Vicaire de Saint Euftache vins
loi dire qu’il avertirrot fos Paroiffieos-
de prier Dieu pour fa fanté. Non pax
cela ydit M. Ct^bert , qv^tis prient ûien
é me faire mi/ériewàe*
\
•XAILX-E^
zS Fraqkbk(
TAILLES.
En 56 million!.
' "n 1678 40.
in 1679 34.
En i^8o 32.
Eni(î8i 35.
. En -ii585 35^
4. ■ •
« - *
La dépenfe des bâtimens en 1685. »
nooc« à id millions.
. Le Nonce Roberti dilbit ; Bifogna in
farinarji di Ibeotogia è far un fonda dipo»
litica.
Le même Nonce difoit à M. TAbbé le
Tellier , depuis Archevêque de Reims »
qui lui foucenoic l’autorité du Concile
àu-dedus du Pape : Ou n’ayez qu’un
Bénéfice , ou.çroyez^ à l'autorité du Pape, >
; * M. l’Archevêque de Reims léppn*^
dit à l’Evêque d’Autun , qui lui mon»
troit un beau buffet d’argent ^en lui
. difant qu’il étoit pour les pauvres : P!buf
pouviez leur en épargner la façon,.
Quand U fut Coadjuteur fous le titre
de Naziance , les R. Peres..» lui vin^
ren: demander fk proteâion. H leur
lUc:^ n'ai point de pouvoir à Rems ;
maie
Hl ST0KIQ.ÜE9. Z9>
mais à NazSance tant que vous voudrez.
On dit qu’à Strasbourg , quand le
Roi y fit fon encrée , les Députez des
SaiflTes l’étant venu voir, l’Archevêque
de Reims , qui vid parmi eux l’Evê*
qne de Bâle , dit à Ton voifîn : Cejl
quelque miférable aparemment , que cet
Evêque. Comment , lui dit i’Autré , il a
cent mille livres de rente. Ob , oà , dit
l'Archevêque, c'eji donc un honnête hom^
me , il lui fit mille careffes.
* Milord Rouflel , qui a eu depuis
peu le col coupé à Londres , en .mon-
tant à réchafiàut , donna fa montre aa\
M'miftre qui l’exbortoit à la mort : 7>- j t
tiez , dit-il , voila qui Jert à marquer le 1 f
tems y je vais compter par Vétemïié. Ce /
Minière étoit M. Burnet.
** Dikfeld a avoué à on Danois nom*
mé M. Schell , que ce Grandval qui fut
exécuté en Hollande., pour avoir voulu
aflafiner le Prince d’Ôrange , avoit dé-
claré en mourant , que jamais le Roi de
France n’avoic eu connoiffance de fon
deflein , & que s’étant même voulu
adreffer à M. de Louvois , celui ci lui
dit , que fi le Roi fçavoit qu’il eût une
pareille penfée , il le feroit pendre.
* On penfa commencer la guerre
dès
3» F K A G H B N »
'dés 1 666. Le Roi en avoic fort envie' f
mais il n’y avoic rien de prêt. Lorfqu’on'
la commença , l’artHlerie n’étoit pae
prête , & ce fut une des raifons qui fie
qu’on s’arrêta à réparer Charleroi : de>
là le Roi alla à Avênes , où on fit ve*
air la Reine ôc Madame de Moncefi-
jpan.
* En 1^72. le Roi vouloir que Mef-
fieurs de Malthe fe déclaraflenc aufii
contre les Hollandois ; il dirent qu’ila
ne fe déclaraient jamais que contre le
-.Turc.
* Vitrî. (i) Affeftions des habitans
'' feux dé joïe , lanternes à toutes les fe«
^ . sêtres. Us arrachèrent de l’EgUfe où le-
Roi devoit entendre la mefle , la tom-
be d’un de leurs Gouverneurs , qui
avoit été dans le parti de la ligue , de ** |
peur que le Roi ne vît dans leur Egli- i
îe le nom & l’épitaphe d’un Rebelle;
Sermaife , vilain lieu. Le fauteuil du
Roi pouvoir à peine tenir dans fa cham-
. bre.
. Commercy , Le bruit de la Cour ce’
jour là étoit qu’on retourneroit à Paris.r
Trof. ,
(0 F^cce 4e petic Jonrnal».
J
HisTonidu 3Ei
tbuL On fïjourna un jour. Lç Roi &
]e tour de la ville , vifita les fortifica*
tions f & ordonna deux battions du cô»
té de la rivière.
Metz. On fèjourna deux jours. Le
Maréchal de Créqui s’y rendit , & eut
ordre de partir le lendemain. Quantité
d’Officiers^eurenc ordre de marches
vers Thion ville. Le Roi vifita enco-
re les fortifications , qu’il fit réparer»
Grand zèle des habitans de Metz pouc
Je Roi.
Verdun, Le Roy y trouva Monfieur »
qui avoir une grotte fièvre, il alla vifi-
ter la citadelle.
Stenay.Le Roi y arriva avant la ReL
ne, & alla voir les fortifications de la
citadelle. Le Roi quitta la Reine , ôc
partit le matin à cheval. Il ne trouva
point Ton diné en chemin ; il mangea
fous une balle , & but d’un très mau*
vais vin.
Aubignj , méchant village. Le Roc
coucha dans une fermé } il vouloit al-
ler le lendemain à Landrecies : mais
tout le monde cria que c’étmt trop
loin. Il envoya les Maréchaux des Logis
à Guife y il dîna le lendemain à une
Abbaye , & fit jazec un Moine pouc
fe (fivertir» Cui/u
3 2 F R A G ]f £ K s
Gütfe. Grand nombre de charîtezi
qu’il faifoit en chemin. Une vieille
femme demanda où étoit le Roi : on
Je lui montra; & elle lui dit ; Je vous
avais déjà vü une fois , vous êtes bien
changé. Le Roi aprochant de Valenciei^
nés reçut nouvelle que Gand étoit in«
vefti. À une lieuë de Valenciennes le
Roi m’a montré fept villes tout d une
vûé , qui font maintenant à lui } il me
dit ; Fous venez Tournai , qui vaut bien
que je hazarde quelque cboje four le côn-
ferver. Le Roi en arrivant à Valencien-
nes , fe trouva fi las , qu’il ne pouvoir
“ fe réfoudre à monter jufqu’à fa cham-
bre.
Gand , 4 Mars. ' Le Roi trouv*
Gand inverti par le Maréchal d’Hu-
mieres. Il dîna & alla donner les quar-
tiers , & faire le tour de la^lace. Le
quartier du Roi étoit depuis le petit
Efcaut, jufqu’au grand Efcaut. M. de
Luxembourg depuis le grand Efcaut
jufqa’au canal du Sas de Gand. M. de
Schomberg entre ce canal & le canal
de Bruges. M. de Lorges entre le ca^
nal de Bruges & le petit Efcaut. La Lys
pafibit au travers de fbn quartier. M.
le Maréchal d’Humieres étoit dans le
' quartier
Hi«toriq.v«$. 33
^oartier da Roi. Les lignes de cir<
convallation écoienc communes , & le
Roi les fît achever ; elles étoient de
fepc lieuës de tour. On commença dès
le foir à préparer la tranchée. M. de
Maran fit faire un boyau « dont on
s'eft fervi depuis , & qui a été l’atta*
que de la droite , qu’on a apellé l’at«
taque de Navarre. Le lendemain 5 la
tranchée fut ouverte fur la gauche par
■le régiment des Gardes.
Le Roi a dit après la prife de Gand ,
qu’il y avoit plus de crois mois que
le Roi d'Angleterre avoit mandé à
ViUa-Hermofa , qu’il avoit fur tout i
craindre pour Gand.
Miférable état des Efpagnols ; ils
fe rendirent famé de pain. Le Gou-
verneur , vieil & barbu , ne dit au
Roi que ces paroles : ^ viens rendre
Candà F. M. c'ejl tout ce que j'ai à lui dire,
* Pendant que les armes du Roi
profpéroient en Allemagne , (1 ) Tes
forces maritimes s’accrpifToient confi-
dérablement , jufqu’à donner déjà de
l’inquié-
(1) Toutes ces ob(êrvaûons font douchées Icsuncf
VIUCS4 ^
F il A C M E K «
l’inquiëtude à Tes Alliez. Ils s’ëtoîçnt
xnëcquez de tous les projets qu’on fai>
iôit en France pour fe rendre puiflans
fur la mer , s’imaginant qu’on ie re*
buteroit bien-tôt par les difficultés qui
ib rencontreroient dans rëxëcution •
& par les horribles dëpenfes qu’il fal-
loir faire. Ils ne voyoient dans les
ports que deux galëres , <Sç une dou-
zaine de vaifleaux 4 dont plus de la,
moitië tomboient pour ainiî dire , |
par pièces. Les arfenaux & les maga-''
fins entiërement dégarnis , &c.
* Frëdiëtions de Campanella fur la
grandeur futiue du Dauphin , ( depuis
Louis XIV. ) Préfages fur la même
ehofe. Grotius. La conftellation du
Dauphin xompofée de neuf ëtoiies :
les neuf Muf^ fuivant les Aflrolo-
gues , environnée de l’aigle , grand
génié , du Pegaze ^ puHTant en cava-.
lerie : du Sagittaire , Infanterie : de
i’Aquarius , PuffiTance maritime : du
Cygne > Poëtes , Hiftoriens ,, Orateurs
qui le chanteront. Le Dauphin tou-
che rSquateur , Juflice. Né le Diman*
che y jour du foleil. Æ folis infiar bea-
turus fuo colore ac Itmine Galliam , Gai-
iiague cmicos^ Delpkinusjam nonam m-
trken
H 38 T OR I 0^02*.
tmtnfugit : aufugmnt omnes , quhd mam^,
aas earum male traiiet. i. Janv. 1639*
* Le Parlement eompUmenta par
Dépatés le Roi Henri IV. fur la mort
de Madame Gabrielle. Le P- PréQdeac
de Hulay rendant compte de fa dé«
putation « dit : Laqueus contritus ejl ,
6f nw liberMÜ futnuu
* Plullears chofes eatravagantec
trouvées après la mort de Mezerai
dans Ton Inventaire ; entr’autres dans
uu fac de mille francs , ce billet : (.‘H
Cejl tci le dertiHr argent que fat reçu du
R#i i aujjt depuis ce $ems4à n’aHejatnais,
dit de bien de lui. *
I^ns un fac d’écus d^or ) il y avoîc
on écu d’or envelopé fcul dans un pa-
pier où étoît écrit : Cet écu d’or ejl du
ion Roi Louis XII. 6* je l’ai gardé pour
louer une place ddk je puiffe voir pendre
le plus^ fameux Financier de notre Jiécle»
On lui trouva plus de 50 mille fratica
en argent derrière des livres » & de
tous côtez.
U fit an Cabatetier de la Cirapelle*
fo&l^taire univerfel.
*M.
(0 Oa im £i pcafion«
3^ Fraghbns
* M. Feuillet regardoit Monfieur
faire collation en Carême. Monlîeur ,
en forçant de table , lui montra un pe<
tic bifcuic qu’il prit encore fur la ta-
ble , en difant : Cela n'ejl pas rompre le
I jeûne , n*ejl il pas vrai ? Feuillet lui re-
^ pondit ; Mangez un veau tÿ f oyez Ciré*
Mien.
* AlexMdre VIII. n’étant encore
que Monugnor Ottobon , & ayant
grande envie d’être Cardinal , fans qu’il
lui en coûtât rien , avoit un jardin
près duquel la Dona Olympia venoit
.fouvent. Il avoit à la Cour de cette
Dame un ami , par le moyen duquel
il obtint d’elle qu’elle viendroit un jour
faire collation dans Ton jardin. Il l’at-
tendit en eSèt avec une collation fort
propre , & un beau buffet tout aux
armes d’Olympia. Elle s’aperçût bien-
tôt’ de la chofe , & compta dga le
buffet pour elle : car c’étoit la mode
de lui envoyer des fleurs ou des fruits
^dans des baffins de vermeil , qui lui
deroeuroient auffi. Au fbrtir de chez
Ottobon , l’ami commun dit à ce Pré-
lat , qu’OIympia comprenoit bien Ton
ddTein galant , & en iétoit charmée;.
Celui-ci mena fou ami dans fon cabi>
net ,
Histork^obi. 37
aet , & ]ai montra un très beau collier
de perles , en difant : Ceci ira encere
avec la creienza , le buffet. Quinze
jours après il y eut une promotion,
dans laquelle Octobon fut nommé ,
& il renvoya au(fi*tôt le collier de
perles chez le marchand , & fit ôter
de fa vaiflelle les armes d'Olympia.
* M. Pignatelli ^ maintt^ant Pape ,
an retour de fa Nonciature de Polo*
gne , n'étoit guère mieux iollruit des
affaires de ce Pays-ià , que s’il n’eût
jamais fort! de Rome. Un jour qu’on
parloir du fiége de Belgrade , le Pape
Innocent X. qui avoir fort à cœur la
guerre du Turc , dit à M. Pignaiel-
li , qu’il vint Vaprès dînée l’entrete*
nir fiir la iltuation de. Belgrade. Le
bon Prélat fort embarrafle , fe confia
i on Capitaine Suifle de la garde du
Pape , qui avoir fervi quelques années
en Hongrie. Ce Capitaine fit ce qu’il
put pour lui faire comprendre là litua*
lion de cette place , & lui ouvrant les
deux doigts de la main , lui difoit :
Eccovi la Sava , ecco il Danuvio ; &.
dans la fourche des deux doigts ; Ecco
Selgrada. Pignatelli s’en alla à l'audien*
ce , tenant fes deux doigts ouverts ,
c &
SS F R A « M 6 N il
. & répétant la leçon da SaifTe : mais
fur le point d’entrer , il oublia lequel
de Tes deux doigts étoit la Save & le
Danube > & revint au Suiflè lui déman*
der la pofition de ces deux rivières.
Du relie Pape de grande piété , & ai*
niant fort l’Èglife.
* Le Courier de l’Evêque de Mar-
ièille 4 Fourbin , qui aporta en Fran-
ce la nouvelle de l’éleâion deSobief*
xy 4 pour Roi de Pologne , alla del^ -
cendre chez M. le Tellier , & fut ren-
voyé en Pologne avec use Lettre du
Cardinal de Bonzy pour là Reine. Ce
Cardinal loi mandok , que 11 le Roi
fon mari vouloir , on lui donneroic
cent mille écus pour nommer au Car*
dinalat un fujet qui aoroit tout l’apui :**'
qu’on pouvoir delirer pour faire léuf*
fit cette|nomination : & ce fujet étoit
M- l’Archevêque de Reims.
• Le Roi de Pologne Sobielky né
fongeoit point à rèconnoître le Prin-
ce d’Orange pour Roi d’Angleterre ,
n’ayant ni hefoin de lui , ni affaire à
lui. Un Polonnois qui avoit beib.in en
Hollande d’une recommandation
près du Prince d’Orange , donna
piAoles à un Religieux qui étoit au-
près
Hl s TO B.I 0.0 s s.
près do Roi de Pologne , & le Roi le.
laifTa gagner par ce Reli^eux.
Comme le Roi de Pologne fut mon-
té à cheval pour aller fecoorir Vien-
ne, la Reine le regardoic en pleurant,
& embraflant un jeune fils qu’elle avoic.
Le Roi lui dit : (^'avez-vous à pleurer ,
Madame ? Elle tépondic : pleure de
ce que cet enfant rfeft pas -en état df nous
/unre cemme les autres. Le Roi s’adref>
fant au Nonce , lui die : Mandez au
pe que vous m'avez vû â cheval , que
yienne ejl fecouruÿ. .Après la levée do
fiége il écrivit au Pape : Je fuis venu
fai vA , Dieu a vaincu. Il avoit mandé
à l’Empereur , qu’il n’y avoit qu'à ne
point crûndre les Turcs , de aller à
eux.
J’ai (Æi dire i M. le Prince , aux
premières nouvelles de ce fiége , que
fila tète n’avoit pas entièrement tour*
né aux Allemands , le plus grand bon-
heur pour l’Empereur , étoit que les
Turcs eufiTent attiégé Vienne.
Infbience des Bourgeois d’Anvers ,
qui dans un feu d’artifice reprefentér
rent le Grand Turc , un PÎince de:
l’Europe , & le Diable , ligués , tous
trois , qu’on faifoit fauter en l’air.
c 2 Les
40 F«agmens'
Les Cardinaux ont envoyé à PEnri'
pereur cent mille écus } les Dames Ro-
maines autant ; & le Pape deux fois
autant.
Le Roi , dès qu’il eut reçù la nou-
velle du fîége levé , l’envoya dire au
Nonce.
Lé Roi de Pologne jonë tous les
foirs à Colin Maillard : on le fait jouer
fde peur qu’il ne s’endorme.
* La raifon pourquoi le Cardinal
Mazarin différoit tant à accorder les
grâces qu’il avoit promifes , c’eR qu’il
/étoit perfuadé que l’erpérance eR bien
/plus capable de retenir les hommes
^ dans le devoir , que non pas la recon-
> soiflance. Siri dit que les fecrets de
ce Cardinal étoient fouvent trahis
& révélez aux Ennemis , par des do>
ineRiques infidèles & interreflez. Il
fermoit les yeux pour ne pas voir leur
friponnerie : & c’écoit là la plus gran-
de récompenfe dont il payoit leurs
fervices , comme il puniflbit leur in-
fidélité , en ne leur payant point leurs
gages.
11 ne donna rien au Courier qui lui
aporta la nouvelle de la paix de Munf-
ter , & ne lui fit pas même payer
Ibn
Hl STORI <l.1T > & 41
Iba voyage : au lieu que l’Empereur
donna un riche prefenc , & mille écus
de penfîon à celui qui la lui aporta.
La Reine de Suède fie noble fbn Cou*
rier. Servien écoh au- defefpoir. Siii ,
qui die encore que ce Cardinal écoic
maître de eoutes fes paffions , eicep»
té de l'avarice , ajenite , qu’il avoir
l’artifice de trouver toujours quelques
défauts aux plus belles aéiions des Gé-
néraux d’armée , non pas tant pour
les rendre plus vigilans à l’avenir ,
que pour dimirruer leurs lèrvices , âc
délivrer le Roi de la necelfité de les
lécompenfer.
* Dans le premier volume des Jkfé-
fMrte Recondite , Siri charge Fra-Paolo
de n’avoir pas été bon Catholique. }*ai
relû avec attention cet endroit de fou
hiftoire : fa narration m’a paru fort -
embarraflTée , & de tout ce qu’il dit ,
je ne vois pas qu’en puifle tirer aucu*
ne démonflration contre la pureté de
la foi de Fra-PUolo.
Il dit même deux chofes qui fêm«
blent. fe contredire } l’une , que dans
le coeur Fra-Paolo étoit Luthérien :
Fauire , qu’il étoit en commerce avec
des Huguenots de France. Il avance
c 3 fe
4* F X A & X E K «
le premier fait furunftaipleoQi<dIre;.
il apuje le fécond fur des dépêches
de M. firulart , AmbaiTadeur de Fran-
ce à Venife , qui font dans la Biblio-
thèque du Roi. Ces dépêches por-
tent^ die Siri ^ que le Nonce du Pape
en France , ayant furpris des Lettres
de Fra-Paolo à des Huguenots »
forma le delTein de le déférer à fin-
quifiiion de Venife , & en même-tems
d en donner avis au Sénat , afin que là
République connut de quel Théolo-
gien elle iè fervoit : car Fra*PaoIo
avoit la qualité de Théologien dé la
République. Mais le Nonce ayant fait
réfi^ion qu’étant Miniftre du Pape ,
le Sénat n’auroit pas grand égard à
fon témoignage , s’adreifa à M. Bru-
lart , pour le prier de fe t^harge^ de
la chofe , & de fe ^aindre , tant au
nom du Roi fon maître , que pour
l’intérêt de la Religion , des caballes
que Fra-Paolo ^ faifoit avec le$ Cal-
vin! (les de France. M. Brulart con-
noiflant à quel point la République
étoit prévënuë pour Fra-Paolo , ne ju-
gea pas à propos d’intenter cette ac-
cufktion. Cet AmbaiTadeur en arrivant
à Vemfe , dit Siri ^ avoit eu la cu-
rioûté
Hl s T 0 K 1 4$
rioficé. de voir un homme auflü fa-
meux , & voulue lui rendre vifite :
mais Fra-Paolo , qui fe tenoit toû*^
l’ours fur fes gardes fit dire à l’Ambaf
fadeur , qu’écanc Théologien de la
République , il ne lui. étoic pas per-
mis . d’avoir commerce avec les Mi-
niftres des Princes , fans permifiloa
de fes SupérleuTs ; c’eft-à dire ^ du
Sénat. Siri. ajoute que l’AmbalTadeur
fçaehant d’ailleurs que c’étoit un hom-
me fans foi» fans Religion , fans conf
clence » & qui ne çroyoit pas l’im*
mortalité de l’ame , ne fe foucia. plu»
de le connoitre , & que la ehofe - es
demeura là. Il dit encore , que l’Am.
baûadear avoit aporté pour Fra-Paolo
des Lettres de M. de Thou , & de
M. l’Echafiier , Avocat au Parlement ,
comme voulant infinuer que c’étoienc
des Calvinifies. Tout cela , ce me fem.-
ble y ne prouve pas grand ehofe. Il
faudroit avoir raporté quelques-unes
de ces Lettres , pour juger fi elles
étoient Hérétiques. Un homme peut
écrire à des Huguenots fans être
Huguenot lui-même } d’autant plus
que Siri , comme j’ai déjà remarqué ,
l’accolè d’avoir été de la confeiliott
c 4 d’Aus-
44 FaA6HENT9
d’Ausbourg. Siri aaroit mieux fait i
ou de bien prouver la chofe , ou de
ne pas noircir légèrement la mémoire
d’un homme qui vaut infiniment mieux
que lui , âc qui peut • être , avoit plus
de religion que Siri même. Je pe fçaî
11 cen’ell pas même faire tort.àla Re«
ligion , de dire qu’un homme fi géné*
râlement ellimé , n’a point eu de Reli*
gion. Les impies peuvent abufer.de cet
exemple.
* C’étoit fur le Penfionnaire Wit que
rouloit la principale conduite des Etats ,
homme zélé pour la République y &
ennemi de la Maifon d’Orange , qu’il
tenoit le plus bas qu’il pouvoir. 11 avmc
hérité ces fentimens de Ton pere , vieux
Magifirat de Dort, qu’on regardoltau*
trefois comme le Chef du parti opofé
au Prince Guillaume. Ce- Prince , jeu*
ne & entreprenant , fier de l’alliance
du Roi d’Angleterre , qui lui avoir
donné fa fille , regardoit le titre de
Gouverneur & de Capitaine général
des Etats , comme trop au ■ defibus de
-lui , & afpiroit afiez ouvertement à la
r Monarchie. Il fit arrêter Wit dans
.fon hôtel à la Haye , & l’envoya pri*
foonier avec cinq des principaux de
ce
V
Histork^xti 8< 4:
ce Parti \ dans Ton Château de Louvel
tein. En même tems, il marcha vei
Amfterdam, qu’il avoit fait inveftir, <!
ne manqua que de quelques heures I
prilè de cette grande Ville. On pet
dire avec aflTez de certitude , qu’il n’
avoit plus de République en Hotlande
fi la more de ce Prince, qu’on cro:
même avoir été avancée par quelqu
breuv^e , n’eût interrompu tous ft
defleins. il iaifià fa femme enceinte d
Prince qui vie aujourd’hui , dont el
accoucha deux mois après la mort d
ion mari. La Zélande & quelques ai
très Provinces , vouloient qu’iUùca
dâc à toutes les d^nitez de (bn Pere
mais \a Province de Hollande , où I
£a£Uoa de Wit étoit la plus forte et i
pécha que cette bonne volonté n’e!
aucun effet. La Charge de Gouverne
& de Capitaine Général,, ne fnt po ;
remplie , & les Etats s’emparèrent > '
de là nominaüon dés Magift rats , !
de tous les autres Privilèges attac :
à cette Charge. On prétend qui I
vieil Wit, avant que de mourir, ne
(bit d’encourager fon fils à l’ab<
tuent de cette- Mailbu, dont il r
éoic l’âévatioa comme la ruine '
CS iik '
4<S F E A 6 M B H S
»
liberté , & qu'il lui répétoit fbavene
ces paroles : Souviens- toi ttnon fils , de
la prifon de Louveftein.
* Au Cége de Cambrai , Vauban n'é*
toit pas d’avis qu'on attaquât la demi*
lune de la Citadelle. Du Metz , brave
homme , mais chaud & emporté , per*
fuada au Roi de ne pas différer davan*
tage. Ce fut dans cette contellation »
que Vauban dit au Roi: Fous perdrez,
peut • être à cette Mtaque , tel homme qui
vaut mieux que la Place. DuMetzl'em* ^
porta , la demi • lune fut attaquée Sc
prife : mais les ennemis y étant reve-
nus avec un feu épouvantable, ils la
reprirent , & le Roi y perdit plus de
400 hommes , & 40 Officiers. Van-
ban , deux jours après l'attaqua dana
les formes , & s'ea rendit maître fana
y perdre que trois hommes. Le Roi
lui promit qu'une autrefois il le laiffe*
roit faire.
* C’étoit M. d'Erpenau , que M. le
Frince & M. de Turenne, firent Gou-
verneur de Philisbourg , & qui dans le
teras même qu’ils lui déclaroient qu’ils
l’avoieilt choili pour cela f & qu'ils lui
recoromandoient de bien faire Ibn de-
toir, les interrompit pour aller chalTer
une
Historkioes.
une chèvre ^ai mangeoit un choux fur i
un Baftion.
* Depuis Tannée i6^. jufqu’au lo
Oâobre 1695, on a fait pour quatre
cens Ipixanie & dix nûllions d’afifaireS
extraordinaires.
* Le Roi avmt cette année près de
cent mille chevaux , & 450 mille hom*
mes de pied tc’étolc quarante mille
chevaux de plus qu’U n’avcût dans la
guerre de Hbllande.
h/L de Feuquierres avcHt parré tous
Phyver de l’avantage qu’on trouveroit
i porter le fort de la guerre en Alle^
magne. Lorfqu’on fut arrivé au Quef»
ooi , & qu’on fqut la prife de Heidetv
berg, ces difcours furent remis fur le
tapfs. Le Roi demanda à €faàn1ay un
Mémoire , où il expliquât les raifons>
pour la Flandre & pour l’Allemagne.
Chanlay avoué qu’il apuya un peu trop*
pour l’Allemagne. Ainfi on réfolut dès-
lors de poufiêr de ce côté là; & le dé-
tachement de Monleigneur rélblu»
Le Roi apric cette réfolution à M.de
Luxembourg , près de Mons.
M. le Maréchal de Lorges , dît qu’iS
avoit propofé tout l’hiver le lïége de.-
Mayence : comme beaucoup pl»w
*' c ^ poitanUy»
4S F t A G K E K s
portant) j& plus aifé même que cela!
de Heidelberg. Il prétend auifi que
Monfeigneur lui ayant demandé au*
delà du Rhin , çe qu’il y avoit à faire ,
il lui répondit, qu’il falloic faire ce que
Céfar avoit fait en Efpagne contre les
Lieutenans de Pompée ÿ c’eftàdire)
faire périr l’Armée de M. Bade, en
lui coupant les vivres & les fourages.
M. de Boufflers fut de fon avis. M. de
ChoifeQil dit , cela me paffi. La chofe
auroit pourtant été exécutée : mais les
nouvelles d’Italie firent prendre d’au*
très réfolutions.
** Dans le commencement, Turenne
étoit fort haï des Minières, qu’il bra-
voit tous les jours. M. le Tellier en*
voyoit toujours demander Ir Humier*
res où l’on alloit camper. Il avoit dé-
crié dans refprit du Rm plufieurs Ma*
réchaux , fur>tout le Maréchal de Gra*
mont , qui étoit au defefpoir , & qui
monta la tranchée à la tête des Gardes.
Il pouflbit Duras , & le favorifoit en
toutes rencontres ; il voulut faire at-
taquer le Château (te Toumay, par Lah*
2un , déjà favori , quoique d’Humier*
res fût de jour. Bellefonds , qui ét<HC
auffî fort favorifé du Roi & de M. de
Turenne.
/ ^
HisToaK^o.fif. 49
Torenne, ne vooloic poinc da Gou»
fernemenc de Liile » poar ne pas qoit?
ter la Cour ^ & Turenne le fie don*
Ber à Humierres » qui fe remit en grâce
avec lui. Après la pais, Turenne eut
bien du defibas : il demanda quartier
w CooHe-de Gramont , qqi 1-acCabloit
de piaifanceries devant le Roi, & di*
foie , que M. le Prince entendoit bien
aûeos les iiéges que Turenne»
l«e Cardinal Mazarin deftinoitàTih
lenne , s’ü eût voulu fè faire Catboli*
que, les plus grands Emplms, & les
premières dignitez du Royaume , avec
une de Tes lûéces : mais Mademorfelle
de BoQUlon , que la converfion de fou
frere a\nè avoit mortellement affligée »
fit Aa pofSUe pour traverfer cette fe*
coode converfioD.
Le Brevet qui fit Meffleurs de Boffll*.
Ion Princes , ne fat point eoregifiré ,
comme l’échange l’a été. Ce fut de*
puis ce Rrevet queM. de Turenne ne.
voulut plus prendre la qualité de Ma*
léchai de France ; & ce tut Mademoi*
felle de Bo^llmi fa fœur qui l’en dé*
çouToa. Il ne fe trouva plus aux alTent*
blées des Maréchaux , & envoyoie mè*
Be leur tecômniaBdes les affaires pour
J lerqueUes
S9 F X A O H E M S
* *
lefqaelles ou le follicitoit. Les Maré-
chaux furent fur le point de le citer »
inaiAils- n*ofâ’ent.
* VelTeilini étoit d’abord Chef de»
mécontens. Après lui Telekt : ptfis ce*
lui-ci s’étant tiré adroitement d’affaire *
Teleki prit Ht place : feoame de fore
bonne mailbn , Seigneur d’Uniade,*âc
des defeendans du fameux Hunia^ ;
ion pere étoit Chevatier de la Toifbn.
Il étoit tout )eune quand on fit le Pro-
cès à Nadafti « & au Comte de Serin»
s’enfuit de Vienne pour fe retirer
en Tranffylvanie.
Le Grand Seigneur ne fongemc à
rien moins qu’à la réduétion des Co*
iàques » quand ils lui envoyèrent de-
mander fa proteâion. Il ècoic à la
chalTe à LariOe » vers, la fin du fiége
de Candie. Ce fut le général Tetera »
Chef des CoTaques » qui s’y en alla ».
pour fe venger des Poldnois, qui
avoient pris le parti de Ton Secr^re »
révolté contre lui. Le Grand Seigneur
feur donna un étendait , pour marque
qu’il les prenoit en fa proteéfion.
Vers le même tenas , les Hbngroi*
irritez de la mort du Comte de Serin >
envoyèrent aufii demander au Gran^
Seigneur fa proteâion*. L’£mr
HxSTOI^iatrfil» fl
L’Empereur t pour ramener lei mé«
contens , leur écrivoit pour les exh'or*
ter , à venir partager avec lai de grands
butins qu’il faifoit en France.
* Catherine de Médicis étoit fille de
Laurent de Médiris , Duc d’Urbain , âi
de Msdeleme de la: Toiur , de la Mai-
fon de Boulogne. Le Pape Clément VIL
Ion oncle , la dotta , en la mariant ,
d’aoe fomnie de cent raille écas comp^
tant : & Magdelaine. de la Tour dé<
dara dans ran Ctmtrat de Marine »
qu’elle lui donnoit & fabilituoit Ton
oroit de Succeflion aux Comtez d’Au*<
▼ergne& de Lauraguais , Baronnie de
la Tour , & autres Terres pofifëdées
alors par Anne de la Tour fa fœur aî-
née, laquelle n’avoit point d’enfans;
En effet, après la mort de cette Anne,
Catherine , comme umqœ héritière de
la Mailbn de Boulogne, entra en pof>
feliion de toutes ces Terres en Pannée
1559. Le Roi Henri II. Ibn mari étant
Bort , le Duché de Valois lui fut affi*
gné. En r5Bs,' elle décjcba de ceDu<
cbé la Terre de la Ferté • Milon , &
l’engagea à Madame de Sauve , depuis
Marqaifè de Nbirmoutier , pour une
rie dix okUle écus d’or , que la
Keine
5% F R A 0 n B N r
Reine Catherine , lui avotc accordée
pour récompenfe de fes l'ervices. Le
Roi Henri 111. Ton fils, continua de»
puis , & la donation & rengagemene.
Catherine mourut en 158P • & le Rot
Henri III. lui furvécut de huit ou neuf
mois. Âinfi, ce Prince a été ou a di^
être Ton héritier. Il elt vrai que Ca-
therine fit don par Ton Teftament , des
Comtez d'Auvergne & de Lauraguais,
à feu M. le Duc d’Angoulême , qut
en prit même alors le nom de Comte
d’Auvergne. Mais en x6ot5. lafitmeu-
k Reine Marguerite, reliée feule des
enfans, fit déclarer ce Tèfiament nulr
& en vertu de fa donation par forme
dé fubflitution fiipulée dans le Contrat
de Mariage de Catherine-, fe fit adju-
ger . par le Parlement de Paris , toutes
les Terres que la Reine fa mere avoic
polTédées, & aufli-tfit en fît prefent ata
Dauphin , qui depuis a été Louis XIIL
de telle Aqon que, ces Comtez & cet?
te Baronie , ont été rétinies à la Cou»
sonne-.
HiSTOan^VBt. 5^
M. DE SCHOMBERG.
Son grand’Pere amena des'Trwpet
aa fecvice d’Henri IV. lorfque le Prince
Cafîmir en amena , & M. de Schem*
berg, prétend qu’U lui ell: encore dû
de ^argent.
Son Pere fut Gouverneur de l’Elec
leur Palatin , depuis Roi de Bohême ,
celui qui alla en Angleterre négocier
le Mariage avec la PrincelTe Elizabeth#
Il eut beaucoup de part aux Partis
qui fe formèrent en Bohême, pour l’E-
leReut , & tnourut à 33 ans , avant que
ce Prince fût élù Roi.
M. de Schomberg n’aVoit que 7 oa
8 mois à la mort de fon Pere. Il dit
qoerEleâeur voulut être fon Tuteur,
& nomma quatre Commiflaires pour
adminidrer fon bien. 11 prétend de
grandes fommes dé M. l’Eleâeur Pa*
latin, pour cette adminidration , dont
on ne lui a pas rendu compte.
Il fe trouva à 16 ans à la bataille
de Nortlingue ; il fe trouva aufli à la
fameufè retraite de Mayeince ; il fe
trouva à la retraite de devant 'Dole
fous M. de Rantzau , qui loi avoic
donné
J
54 Feagicen»
donné une Compagnie dans Ton Rd'*
gtmenc.
Hermenftein ayant été pris par les
ennemis , le Cardinal de Richelieu , pic>
qné an vif de cette perte , donna or«
dre à M. de Rantzau , de lever en AI'
lemagne la mille hommes. Rantzau
fit cette levée fort lentement , s'amu/à
vers Hambourg ^ fe maria à (a coufine ,
âc fe laifla enlever un quartier. Four
avoir fa revanche, il envoya Schonz-
berg avec des Troupes, pour enlever
un quartier des ennemis qui étoienc
dans Northauven. 11 tomba Air une
. garde de Dragons qm étoient hors de
la place , & entra dedans pèle • mêle
.avec les fuyards.
Schomberg, fe maria , & parce que
.l’Empereur a voit fait confiîquer tous
fes biens « il quitta le fervice de laFran-
.ce. Ennuyé d'étre fans rien faire , il
alla en Hollande , où le Prince Henri*
Frédéric lui donna une Compagnie de
Cavalerie. M. de Turentie avoit alors
un Régiment d’infanterie. Il entra
dans la confidence du Prince Gaillaa»
me , qui lui communiqua Ton defièin
fur Amflerdam , qui fut entrepris de
concert avec la France & la Suede.
Schora*
Hx 8 T0BIQ.171 s. 55
0
Sdiomberg donnoit avis de toutes cho*
fés à Servien. Ce fut lui qui arrêta dix
00 douze des Etats , du nombre d^
quels étoit le Pere de Wiht.
LePrince Guillaume mourut. Schom*
berg avoit promis de mener des Trou*
pes en Ecoâe , au' fervice du Roi d*An<
gleterre ; mms ce Prince ayant perdu
la Bataille de Vorcefter ^ vint à Paris,
oà il confeilla à Scbomberg , qu’on re-
gardoit comme Anglais ; & dont la
mere étoic Angloife en effet , d’acbe*
ter la Compagnie des gardes Ecoffoi*
lès do Comte de Giey. Scbomberg en
donna lo mille &ancs', avec fix cens
^«8 -de penfion viagère.
Au commencement des guerres civi«
les, le Cardinal Mazariu l’envoya en
Poitou, delà il vint au Gége de Rhe»
tel, où M. de Turenne loi donna te
commandement de Vlnfanterie , en l’ab«
fènce des Officiers Généraux , qui n’é«
toient pas encore arrivez.
Au recours dArras , il commandoii
la. Gendarmerie. Le Cardinal lui avoit
donné une Commidion de Lieutenant-
Général , pour l’expédition de Guel*
dres. Il fervit en cette qualité au fié-
ge de Landteeies , puis au fiége d&
Saint
SS F K A 6 M E N s
Saiat Guillain , où il fut bleflfë ; il eue
le gouvernement ide la Place. Il fervie
encore au Hége de Valenciennes en
qualité de Lieutenant • Général. Son
fils aîné fut tué tout roide dans la tran-
chée à fa vue ; & comme il lui coo>-
mandoit de pofer une fafcine à un en-
droit découvert : il commanda qu’on
remportât , & continua à donner Tes
ordres.
Il écoit de jour lorfque M. le Prince
attaqua les lignes : il penfa être pri-
ibnnier , & fit enfin fa retraite jufqu’aa
Quefnoy , avec un bon nombre de Ré*
gimens: M.deTurenne n’ayant donné
aucun ordre pour la retraite.
A la Bataille des Dunes , il corn-
mandoh la fécondé ligne de l’aîle gau<
chel comme il vid que les Anglois de
la première ligne écoient maltraitez fur
les Dunes , par les Efpagnols , il vint
prendre le fécond Bataillon des Anglois
dans la fécondé ligne , & les mena au fe*
cours des autres , qui chafTérent de dé-
firent les Efpagnols.
Enfuite on afliégea Bergues > dont
il eut le gouvernement ; de>là, il fut
commandé pour les fléges d’Oudenar*
de & de Gràvelines. 11 employoit vo-
lontiers
HiSTomQ.vx8. 57
looders Vauban dans tous ces flëges ,
parce que le Chevalier de Cherville
n'alloic point lui • même voir les tra*
vaux, & que Vauban fe trouvoit par*
touu
Après la défaite du Prince de Ligne , -
Scbpmberg eut ordre de marcher vers
la Knoque, & d'inveftir Ypres. On
lui avoit promis que toutes les Places
qu'on prendroit de 'ce côté «là , fe*
loient de Ton Gouveroemeoc de Ber*
gués. Cependant, M. de Turenne fit
donner Ypres à M. d’PIumiéres, qui
étoit dans fes bonnes grâces. Schom*
berg, fçut encore que M. de Turen*
ne avoit écrit à la Cour, pour faire que
M. Liiiebonne commandât en qualité
de Capitaine-Général : ainfi il n’auroit
été que fubalterne. Voilà les premiers
néconteotemens qu'il eut de M. de
Turenne, &c.
♦
PIERRE DE MARCA.
n fut noutri de lait de Chèvre les
quatre premiers mois. Il fe maria ,
eut plufieurs enfans , & demeura veuf
en 16^2. Il ' écoic alors Confeiller au
Coafdl de Pau » & lorfqu’en 1640.
Loüis
5$ Fraghivs
Lofiis XIII. érigea ce Confeil en Par-
lement f il fit Marca Prélident.
On difoit que le Cardinal <de Rî>
chelieu , dans le deflein de fe faire Pa-
triarche en France, avok fait faire par
M. Dupuy le Livre des Libertez de
l’Eglife Gallicane. Il parut un Livre
intitulé, Qptatia iSallus , contre le Li-
vre de M. Dupuy. Marca répondit à
ce Livre par ordre du Cardinal ; & ce
fut le fujet qui lui fit faire fon Livre
ée Concordia Sacerdotii 6? Imperii l’an
1641. La même année, le Roi le nom-
ma à l’Evêché de Conferans. On lui
refufa alTez long - tems Tes Bulles , à
eaufe de ce Livre , dont plulieurs en-
-droits avoient choqué la Cour de Rome.
Après la mort d’Urbain VIII. Inno-
cent X. fit encore examiner ce Livre,
& aportoit bien des longueurs aux Bul-
les de Marca , qui en ce tems-làméme,
fit un Ecrit pour expliquer fon defiein
fur la publication du Livre de Concor--
cardia y &c. le foumettre à l'autorité &
à la cenfure du Saint Siège , & prou-
ver que les Rois étoient les Défen-
feurs , & non pas les Auteurs des Ca-
nons; que les Libertez de l’Eglife Gal-
licane , confiftoient dans la pratique
H I 8T ORIQ.USS.
des Canons , & des Bécrécales , &
beaucoup d’autres chofes peu avança*
geufès aux Rois. Il envoya ce dernier
Livre à Innocent X. avec un Lettre oà
il delavoQoic beaucoup de chofes qu’iJ
avoic avancées dans le premier , de-
mandoic pardon des fautes où U y étoit
tombé; éi déclareit qu’à l’avenir, il
fomiendroit de toute fa force les Droits
de l'Eglife. Tout cela , comme il l’a-
ToOoic lui* même dans une autre Let-
tre ^ pour avoir les Bulles, qu’il eue
en 1647. Il n’écoitque tonitiré; il fê
fit ordonner Prêtre, après avoir reça
fes Bulles h Barcelone, où autrefois
Saint Paulin fut ordonné Prêtre , mais
malgré lui.
Peu de tems après , il ‘écrivit
gulari Primatu Pétri , pour faire plai*
(ir à Innocent X. Enfuite une Lettre
de l’autorité des Papes envers les Con*
ciles généraux.
En 1644. il avoit été fait Viiieeur
général de la Catalogne , avec une ju«
rifdiftion fiir tes Troupes , & avec le
foin des- Finances. ' En 1651. il partit
de Barcelone , <& fit fon entrée à Con*
férans. L’année d’après , il fut nommé
k PArcbevêché de Touloufe. 11 écrivit
fort
<$b FRAèMEirr
fort humblement à Innocent X. pour
avoir Tes Bulles , & fe comparoit à un
Exupere ^ qui ayant été , difoit*il , Pré>
iident en Efpagne , fut élevé par Inno-
cent 1. à l’Évêché de Touloufe. Sur
quoi Baluze remarque que fon Mece*
nas , car c’eft ainfî qu’il apelle toujours
Marca , fit un nvenfonge de deflein for*
taé y pour chatouiller les oreilles du
Pape ; car l’Exupere , qui fut Evêque
de Touloufe , n’étoit point l’Exupere
qui exerça la Magillcature en Efpagne.
Baluze raporté qu’ayant apris qu’un
Auteur l’avoit accufé de s’étre trompé
fur ce fait d’Htftoire ; il rioit de la fim-
plicité de cet Auteur y qui n’avoit pas
pris garde, qu’il s’agifibit d’avoir fes
Bulles , & qu’il falloir tromper le Pape ,
qui ne lui étoit pas d’ailleurs fort fa-
Torable.
Le Pape le foupçonnoit fort mal à*
propos d’être Janfénifte) & ne lui en-
voyoit point fes Bulles : mais heureu*
lement ce Pape ayant publié alors fa
conûitution contre Janfénius , & Mar-
ca l’ayant reçuè* avec grande joie , on
lui envoya fes Bulles.
En xdyé. il fut député à l’AiTemblée
do Clergé , où. il foutint fi vi^ooreufe-
ment
H iSToaniiTBS. <Si
nent les intérêts da Saint Siège qne le
Pape Alexandre VU. l’en remercia par
on Bref. C’écoit lui qui écrivoic toutes
les Lettres du Clergé au Pape.
Comme il avoit honte d’être fi long-
tems ablent de Ton Oiocèfe , pour lever
ion feruguie, on le fit MiniAre d’Etat.
Durant les Conférences de la Paix , il
fut un des CommilTaires , pour ri^ler
les limites des deux B.oyaumes du cô«
té des Pyrénées. Ses dédfions furent
loi vies; c*eA-à-direy que les Comtez
deRouffillon , de Conflans, le Capfir,
& le Val de Querol , avec une grande
partie de la Cerdagne , demeurèrent à
la France. Après la mort du Cardi*
nal , le Roi k nnt de fon Confeil de
CoaCcience^ avec l'Archevêque d’ Auch,
l’Evéque de Rhodez , & le P, Annat.
Peu ae tenu après , il fit un Ttoité de
finlâillibilité du Pape, qui eA ion der*
nier Ouvrage.
Le 25 Février 1662. laDucheflfe de
RetzaportaauRoi la démiflion duCardi* '
nal de Retz pour l’Archevêché de Paris ,
^o’ilavok fignée à Comraercy le 13 Fé-
vrier. Le jour même, le Roi apelaMarca
dans Ibn cabinet , lui dit qu’il le faifbic
Archevêque de Paris, & écrivit lui-mê-
d
6i Tragmens H1STORIQ.ÜES.
me au Pape pour avoir Tes bulles. 11
tomba malade le 10 Mai fuivant , re«-
çut le 12 Juin des Lettres de Rome , •
qui raiTuroient de fa tranflation à l’Ar* -
cbevéché de Paris , en témoigna une
grande joïe , & mourut le 2 8 Juillet ,
laiflant un £ls qui avoit fa charge de
premier Préfident , & l’Abbaye .de S.
Albin d’Angers. Marca mourut à 6z
ans , & fut enterré dans le Chœur de
Notre Dame, au-deiTous du trône Ar«
chiepifcopal.
REFLEXIONS.
«t JOi ^ tg»A tf^rt
\^^^4*!of '*e3f '*r3î w5^ * îÇî^ ^V3f rK^ JR^
REFLEXIONS PIEUSES
SUR. QUELQUES PASSAGES
DE L’ECRITURE SAINTE, (i)
Pf. 77. AcB)uc efca erant in ort ipfbrtm
éf ita Dei afcendit fuper eos. Combien de
gens ayant travaillé toute leur vie pour
parvenir à quelque fortune, à une char*
ge , &c. meurent dans le moment qu’iltf
efpérent en jouir ayant encore le mor*
ceau dans /a bouche !
Pf. 105. Et dédit eis petitienem tp*b-
fum ,&c. C’eR dans fa colere que Dietf
accorde la plupart des chofes qu’on de>
lire dans ce monde avec pailion.
ir^e 54. Quare appentis argentum
tm in paniittt. , &c. Pourquoi fe donner
tant de peines pour des chôfes qui nous
d 2 ntfra-
I Je a*ea donae qiPtm très petit nombre , pour
«Dafirmer feulement ce que )*ai èic dent £1 vie ^
««ipeaons de piccd*
À
^4 B.BriïsioN8
raflaHent G peu « & qui nous lailTent
mourir de faim ? L’enfant prodigue
fouhaitoit au moins pouvoir ie raflaiier
de gland , & encore ne peut on par*
venir à avoir de ce gland». Venite , emite
abjque argento , dit Ifaïe. Nous n’avons
qu’à nous tourner vers Dieu , il *nous
donnera de quoi nous nourrir en abon-
dance.
'PÜiuî hominis non venit mmiJlTari ,fed
mini/lrare , Math. 20. Belle leçon pour
nous faire ibuifrir toutes les négligen*
ces de nos domefliques. 11 n’y a qu’à
Sé bien mettre dans l’efprit , qu’on
n’ell: point né pour être fervi » mais
pour fervi r.
Jean ii. J?". 9. Nonne duodecm funt
hora diei , &c. Jefus Chrift entend par*
1er du tems que fon Pere a prefcrit à la
vie mortelle , & la coinpare à une jour-
née, comme s’il difoit : Tant que le jour
luit , on peut marcher fans péril ; mais
quand la nuit ell: venue , on ne peut
marcher fans tomber : ainli les Juifs
ont beau me vouloir perdre , ils n’ont
aucun pouvoir de me faire du mal ,juf
qu’à ce que la nuit , c’efl: à dire» le tems
des ténèbres foit venu.
Idemc. J 8. f» i.TranstomntemCe-
dm.
<0R 1,’Ecs.ITVSK SAIMtE 6%
km. Orocias croît qu’il étoit ainQ
nommé à caufe qu’il y a7oîc eu des
Cèdres dans cette vallée. En Grec c’efb
le torrent des Cèdres. J. C. accomplit ici'
ce qai le figura en la perfonne de
David , quand ce Roi fuyant Abfalon ,
pafla ce torrent , étant trahi par Achi*
tophel.
'k. 6. Abiermt retrorf'um. David a dit ,
Pf* 3S- A'ùertantur retrorlum : & Ifaie
37. Codant retrorfim. Quelle terreur
n’imprimera- t’il point quand il viendrai
juger y s’il a été fi terrible étant près d’è>
tre jugé ?
Refponfum nm dédît et. c. rp. "k. ^
Il lui en avwt aflez dit , en lui dt-
fant que fon Royaume n’étoit pas de ce
monde ; âc d’af/leurs Pilate » en faifant
nTaltraiter on homme qu’il croyoit in»
nocent , s’étoit rendu indigne qu’on l’é-
claircit davantage , ne s’étoit-il oas mê-
me rendu indigne que J. C. lui répondît
maintenant , Tut qui lui ayant demandé
ce que c’étoit que la vérité n’avoit pas
daigné attendre la réponfe ? Les gens
qui ont négligé de fçavoir fa vérité «
quand ils la pouvoient aprendre , ne
réfrouvent pas toûjonrs l’ocafîon qu’ils
ont perdué»
d X Nefdt
I
€6 R E F X. E X 1 O s f
Kejcis quia poUjlatem babeo » &c. '9'm
1 0. Puifqu’il efl en Ton pouvoir de le fau»
ver , il fe reconnoit donc coupable de
& more f à laquelle il ne fouferit que
par une lâche coraplaifance.
Non babmus Regem , &c. 15. Les
Juifs reconnoiflehcdoncquele tems du
MeŒe eft venu , puifque le feeptre n’efl
plus dans Juda , & en même tems ils
renoncent à la promelTe du Meflie.
■ Quod fcripH ,Jcripji. C’étoit comme la
&ntence du Juge , à laquelle on ne pou*
voit plus rien changer. D’ailleurs Phi>
Ion a remarqué que Pilate étoit d’un e(^
prit inflexible. Dieu fe fert de tout ce-
la pour faire triompher la vérité en dé-
pit des Juifs.
Miferunt fortem. i^. 24. Cette tuni-
que qui n’eft point déchirée , eft runi*
té qu’on-ne doit jamais rompre.
Statut . i^. 25. La Sainte Vierge étoit
debout , & non - pas évanouie , comme
les Peintres la reprefentent. Ellefefou-
venoit des paroles de l’Ange , & fça*
voit la divinité de Ion fils. Et dans le
chapitre fuivant , ni dans aucun Evan-
gélifte , elle n’eft point nommée entre
les faintes femmes qui allèrent au fépul-
cre ; elle étoit alTurée que J. C. n’y
étoit plus. fépa-
AOR t'ECRITVRB SaINTI. 6?
Separatm inwiutum. c. 20. 7. Les
linges aiofî placez & réparez les uns
des autres , marquoienc que le corps
o’aroic point été enlevé par des voleurs.
Ceux qui volent font les choPes plus
turaultuairement.
M fratres meos. f. 17. Il les apelle
Freres , pour les confoler du peu de
courage qu’ils onuémoigné. Narraio W-
m ■« tuurn fratribus mis. Il Temble que
J. C. ait eu ce verfet en vûë , en les
aoelaot fes freres , comme tout ce qui
p écéde dans ce même Pfeaume a été
dae prédiâioQ de Tes fouffraaces.
On met ici les Hymnes fuivanter ^
quoique déjà imprimées y parce qu'elles
font peu connu'és , ne fe trouvent que
dans un Livre devenu fort rare , où elles
font confondues avec dfautres Traductions
^'Hymnes d'un ftile différent. Ceux qui
dans celles-ci ne trouveront point la Po'éjie
qu'ils attendent de l'Auteur , doivent faire
attention que le Poète n'ef: que Traducteur
de Pièces Latines dans lef^elles il régne
plus de piété que de Po'êjîe , où les mêmtx
tlofes font trèsfouvent répétées.
69
LE LU N'D IA M ATI N E Si
Sdmtna refeSit artubus , &C.
T ANDIS que le fômmeîl réparant Ta
tare ,
Tient enchaînés îe travail & le bruit
Vous rompons Tes liens , ô clarté toujours pare^
Pour te louer dans la profonde nuit.
Que dèa notre réveil notre voix te bénilié r
Qu’à te chercher notre cœur empreffé
T’effre fes premiers vœux ,& que par toi finifle*
Le louT par toi faintement commencé.
L’Astee dont la prefenco écarte la nuit fom^
brc.
Viendra bien-tôt recommencer Ton four f
O vous 9 noirs ennemis qui vous gtiflez dan$^
Tombre,
Dirparoiiïez à l’aprochô du jour.
Hbus t’implorons , Seigneur , tes bontez font-
nos armes:
De tout péché rends nous purs à tes yeux ;
Jais que t’ayant chanté dans ce féjour de larmes-^.
Nous te chantions dans le repos des ci eux»-
E X AU c E ,.Pere fâiot/notre ardente prière*^»
Vexb&fon Elis 9,Efpdt leur nœud divin »*
70 Hymnes
ï)ieu qui tout éclatant de ta propre lumière ^
Régnés au ciel fans principe & fans tin*.
ji L AU DES.
, Splenâor paterrus gloriœ ^
Source ineffable de lumière,
“Verbe.cn qui l’Eternel contemple fa beauté
Ail) e , dont le Soleil n’efl que l’ombre groffiéie^
Sacré jour dont le jour em prunte fa clarté :
L c V E-T ai , Soleil adorable ,
Qui de réternité ne fait qu’un heureux jour^
Fais briller à nos yeux ta clarté^fecourable ,
£t répands dans nos cœurs le feu de loa amours
P R ï O N s-auiH Taugutie Perc ,
Le Pere dont la gloire a devancé les tems ^
Le Pere tout-purffant en qui le monde efpérc^
Qu’il foutienne d’en haut fes fragiles enfans.
D 0 N N E-N o U s un ferme courage >
Brife la noire dent du Serpent envieux r
Que le calme, grand Dieu, fuive de près l’orager
Fais-nous faire toujours ce qui plaît à ces yeux..
Guide notre ame dans ta route ;
kends notre corps docile à ta divine Lof^
Femplis-nous d’un efpoir qui n*él»:anle aucuia
doute ,
£t que Jamais Terreur Ji*eltèie notre foL
DU Brèuiaire Rohaik. 71^
Que Cbrift foie notre pain célefte ;
Que l’eau d*une foi vive abreuve notre cœur :
Yvres de ton efprit , ibbres pour tout [erefte ^
Daigne à tes combattans infpirer ta vigueur.
Q U E la pudeur chafte & vermeille
Imite fur leur front la rougeur du matin :
Aux clartez du midi que leur foi foit pareille z
Que leurperfévérance ignore le déclin.
L’A ü F. O RE luit fur Vhémifphére :
Que Jefus dans nos cosurs daigne luire aujour-
d'hui,
Jefus » qui tout entier eft dans Ton divin Fere^
Comme Ton divin Pereeft tout entier en lut.
G L 0 1 R E à Toi ^ Trinité profonde ,
Pere , Fils , Efprit Saint : qu'on t’adore toujours ,
Tant que VAftre des tems éclairera le monde.
Et quand les iiédes même auront fini leur cours.
LEMjéRDIAMAriJSfES.
Ç^nfors paterni luminii , &c.
V E R. B E , égal au Très-haut » notre unique
eff^rance •
Jour éternel de la terre & des Cieux ,
De la paüible nuit nous rompons le filence :
Divin Sauveur , jette iur nous les yeux. ,
Retands fus nous le feu de ta grâce puifi^tep
Qoetogtl’EoferCufeaafon de ta voix.
7^ -Htm kjr g
Dif^pe ce fommeil d'une ame languiflânte ,
Qui la conduit. dans roüblî de tesloix.
Q- C H R I s T , fois favorable à ce peuple iîdelle^
Pour te bénir maintenant aflemblé ;
Reçois les chants qu'il offre Ita gloire immor-'
telles..
Kt de tes dons qu'il retourne comblé.
Exauce , Pere Saint, notre ardente prière^
Verbe Ton Fils , Efprit leur nœud. divin ,
Dieu , qui tout éclatant de ta propre lumière ^
Régnes au ciel fans principe & fans fin
■■■ - - - I • ,,
' A L A U D E S: ,
Aks diei numius^ &c.
T
^’0:I SEA ü, vigilant nous réveille,^
Et fes chants redoublez femblent chaffer la nuîCcr
Jfefus fé fait entendre à Pâme qui fommeille
Et lîapelle à la^ vie où ion jour nous conduit*
Quittez, dit-il, la couche oîfive ,
©ù vousenfévellt une molle langueur ;
Sobres , chaftes & purs , l'œil & Pâme attentive,.
Veillez., je fuis tout proche , & frape à votre*
cœur*
Ç>'e donc Pœîl à fa lumière
Rêvons vers ce Sauveur & nos maîns& nos yevtXf,,
Pleurons àgémiffons ; une ardente prière
Kcsmcele (bmmeii&géniétre Icscieux».
BD B-sivrArRB RbMAiir. 75
O C HR I &T ÿ 6 Soleil, de Juflice »
De nos coeurs endurcis romps ràflbupkTement::
DUIipe Tombre épailTe ou les plonge le vice.
Et que ton divin jour y brille à tout moment»
G L O I R-E iToi , Trinité profonde ,
Pere , Fils , Efprk Saint ; qu’on t’adore toûjours^.
Tant que l’Aflre des tems éclairera le monde
Et quand les fiécles même auront fini leur cours»
lE MERCREDI A MATINEE
Birum Creator aptime , &a
^JrAN.D'Dîcu par qui de.rien toute chofe
eft formée
Jette les yeax fur. nos befoins divers ^
Eoinps ce fatal fommeil ,.par qui l’ame charmée:
Dort en repos fur le bord des enfers..
Saigne , 6 divin Sauveur., que notre voix îoit-
plQFC ,
Prendre pitié des fVagtles mortels
Et vois comme, du lit, fans attendre l’Aurore
Le repentir nous- traîne à. tes Autels.
C* £ 8 T-]àqae notre troupe.affligée , inquidoe ,,
levant au.cieJ &. le cœur &Jes mains <
Jblite le grand Paul , &fait ce. qu!ut¥ Prophète?
Jfeiis a.jÿefcrit.daps Tes Captiqiiçs Sainc&..
*74 H Y M K * •
K O U s montrons à ces yeux nos maux Siios
larmes.
Nous Gonfeffons tous nos crimes fecrets
Nous t'offrons tous nos vœux , nous^y
nos larmes :
Que ta bonté réroquetes arrêts»
Exauce, Pere Saint , notre ardente prîére>
Verbe Ton Fils , Ëfprit leur nœud ffivin
Dieu , qui tout éclatant de ta propre lumière
Régnes au ciel fans {>rincipe & fans ôn»
A LAUDES.
Nox ^ Ê? tenebrœ , nubüa , 5tc»
Q
^^QMBRE nuit , aveugles ténèbres,
y
Fuyez » le jour s’aproche & l'olympe blanchity
£t vous , Démons , rentrez dans vos prifons îw-
nèbres ;
De votre empire affireux un Dieu nous affran*
chit.
L E Soleil perce l'ombre oblcure ,
£t les traits éclacans qu^il lance dans les airs
Rompant le voile épais qui couvrolt la Nature»
Redonnent la couleur & l'ame à FUnivers»
"O Christ^ notre unique lumière ,
Nous ne reconnoiûTons que tes faintes elarter^
Notre efprit t*eft fournis ; entends notre prière»
£tfous ion divin jougrange nos voioiKe&
Soumssar
SV Breviiire Româik. 75
Souvent notre ame criminelle
Sur fa faufle vertu téméraire s'endort :
Hâte*coi d’éclairer , ô Lumière éternelle ,
Des malheureux aiSs dans l’ombre de la mort»
Gloiee àtoiÿ Trinité profonde , &c*
LE JEUDI A MATINES.
N»x a$ra retum toraegis, &c.
33e toutes les couleurs que didlogaoit h rué^.
L’obfcure nuit n*a fait qu’une couleur ;
Jade Juge des cœurs , notre ardeur aflldué
Demande ici tes yeux & ta faveur.
Q U* A I N s 1 prompt àguérir nos mortelles ble&
fures >
Ton feu divin dans nos cœurs répandu ^
Confume pour jamais leurs paillons impures y
Pour n’y laifler que l’amour qui t’eft dit
Effrayez des péchez dont le poids les stccar
bie.
Tes ferviteurs voudrolent fe refever :
Ib implorent ^Seigneur , ta bonté iècourabfr^
Et dfins ton fang ils Perchent à fe lavert
8 E c ON nn teurs efforts ; dfiTIpe Tombre noirev
Qui dès Iong*teœs les tienrenvelopez ;
Et que l’heureux féjour d’une immortelle gloire^
Soitrobjet fettl de kura cœtua dêtrompeZi-
7 H T M ir B ff'
ïxytucE, Peie Saint , nqtie ardente ptt?r«'^
Verbe fon Fils , Efprit leur nœud divin
Dieu y.quii;out éclatant de ta propre lumière^
Régnes aa ciel fans principe & (ans fin»
A L. A U D E s:
Lux ecce fargit auna > &c;
T
-*^ES portes du jour font oiivertes>
Le Soleil peint le ciel de rayons éclatans
Loin de nous cette, nuit » dont, nos âmes coti«^
• vertes-
Dans le cheipin dïi crîme onrerré G long.temsv
Im>itons la lumière pure
De TAftre étincelant cjui commence fon cours^,,.
Ennemis du menfonge & de la fraude obfcure 9»
Et que la vérité brille en tous nos difcourSk
N Q U E ce jour le pafle fans crime,
Que nos langues , nos mains ,.nos yeux fôient
rnnocens , .
Que tout foit chafte en nous , & qju*un frein
gttime
Aux loix de la raiTôn aflervifli les fénS;
D U haut de fa fainte demeure i
Un Dieu coujoufs veillant nous regarde marcher^,
ÜHous voit , nous entend , noos obfecveàtoar
te heure
Btlâ plus fombre nuit nefçaurolt nous cacher».
à toi xTtimté. profonde , &c.
XMi BfiLEviAiRE Romain. 77
LE VENDREDI A MATINES.
Tu Trinitatis unitas ^ &c*
U T E ü R de toute chofe , Eflence en trois
unique ,
Dieu tout-puîflant , qui régis l’Univers ^
Dans U profonde huit nous t’offrons ce Canti*-
que ^
Ecoute nous , & vois nos inaoR^dlvers.
Ta JTDi s que du fommeU le charme nécelTaite
Ferme les yeux. du relie des humains^
Le cœur tout pénétré d’une douleur amére
Nous implorons tes fecours fouverains.
Q ü B tes feux de nos cœurs chaflent la nuit fa^
tak ;
Qü’i /eur éclat foîcnt d’abord dîffipez.
Ces objets dangereux que la rufe infernale
Dans un vain fonge offre à ooS feiis trom^
pez.
Q OR notre corps ibit pur ; cju’une îndoîenco
ingrate
Ne tienne point nos cœurs enfévelîs ;
Que par l’impreffion du vice qui nous flâte ,
• _
Tes feüx facrez n’y fofent point affbiblis.
Qu’ AINSI, divin Sauveur , tes lumières céleffes
Dans tes rentiers affermifTantnospas ,
Kous (jétournent toujours de ces pièges funeftes».
Que le Démon couvre de mille apas.
JiXAiUC®
78 Hymnes
.Exauce, Pere Saint , notre ardente prière ^
. .yerbe Ton Fils , Efprk leur nœud divin ,
Dieu , qui tout éclatant de ta propre lumière
Régnes au ciel fans principe & fans ân.
— ■■ IL. ■■ W , I
A L A U D E S.
Æterna cali gloria » &c»
ST R E que Tolyrope révéré ,
Doux efpoir dts Mortels rachetez par ton ftng ^
Verbe , Fils éternel du redoutable Pere ,
Jefus , qu*une humble Vierge a porté dans foa
flanc :
Affermis ]*ame qui chancelle ,
Fais que levant au ciel nos innocentes mains ^
Flous chantions dignement & ta gloire immar*
telle.
Et les biens dont ta grâce a comblé leshumalnt.
L’ A s T E E , avant-coureur de TÀurore ,
Du Soleil qui s’aproche annonce le retour ;
Sous le pâle horifon Tombre fe décolore ;
Leve-toidans nos cœurs , chafte & bienheureux
jour.
Sois notre inféparable guide ^
Du fiécle ténébreux perce robfcure nuit;
Défends-nous en tout tems contre l’attrait per-
fide
De ces plaiflrt trompeurs dont la mort efl le
fruit.
V Que
]>ir B&eviairb HouAXK. 79
Que la fof dans nos cœurs gravée »
D'un rocher immobile aie la fiabilité ;
Que fur ce fondement refpérance élevée ,
Porte pour comble heureux l'ardente charité.
G LO I R E à toi , Trinité profonde ,
Perc, Fils , Efprit Saint : qu^on t'adore toujours^
Tant que TAflre des tems éclairera le inonde ^
It quand les fiécles même auront fini leur courte
LR S JM ED I A MATINES.
SumiM Dew W#msnh'e»&c.
O
Toi qui d'un œil de clémen ce »
Vols les égaiemens des fragiles humains ; ..
Toi dont l'Etre un en trois ^ le même en pulF»
fittce,
A aéé ce grand Tout foütenu par tes mains r
£ T E I N s ta foudre dans les larmes
Qu'un jufle repentir mêle à nos chants facrer »
Et que puiffe ta grâce où brillent tes doux chaa*
mes.
Te préparer un temple en nos cœurs épurez.
B au L E en nous de tes falntes fiâmes
Tout ce qui de nos fens excite les tranfports ;
Afin que toûjours prêts nous puiflSons dans no»
âmes
Du Démon de la chair vaincre tous les efforts.
POVE
H Y M K e" f
Pour chanter ici tes louanges
Kotre zèle , Seigneur, a devancé le jour r
îaisqu’ainjî nous chantions un jx)ur avec tet
Anges'
Les biens qu’à tes^ Elus aflure ton. amour.
Pe RE des Anges & des Hommes,
^acré Verbe, Efprit Saint , profonde Trinité^
Sauve nous ici bas des périFs ou nous fommes
Et qu on loue àjamais ton imiûenfe bonté.
A laudes,
Aurora jam fpargit polum ,
-L'* A UR O R E brillante &’ vermeille*
Prépare le chemin au SoIeH qui la fuit ,
Toucritauxpremîers traits du jourquife réveiller
Retirez-vous , Démons , qùî volez dans la nuit.
F ü Y jç z: , fonges troupe menteufe ^
Dangereux ennemis par la nuit enfantez ,
- Et que fuye avec vous la mémoire honteufe»
Des objets qu’à nos fens vous avez prefentez*^
Chantons P Auteur de la lumière ,
Jufqu’au jour où fon ordre a* marqué notre fin v
Et qu’en le bénifiant notre aurore dernière
Sé perde en un midi fans foir^à fans matin.
Gloire à toi , Trinité profonde ,
I *
Pere, Fils, E^rit Saint ; qÿ’on t’adore toujours^
Tant que l’Adre des teras éclairera le monde
«
£t les llécles même auront fini leur cours.
tJT
DV Brxviairx Romain. Si
LE LUNDI A V gS? RES.
• %
îmmenfe cœH condhor , &c.
Gr R A N D Dieu , qui vis les deux fe for-
mer fans matière
h ta voix feulement ;
Ta réparas les eaux , leur marquant pour bar*
riére
Le vafte Firmament,
S I la voûte célefte afes plaines liquides^
La terre a Tes ruiffeaux,
Qui contre les chaleurs portent aux champs arî*
des
Le fecours de leurs eaux.
SsiGNEua, qu*alnû les eaux de ta grâce fé-
conde
' I
Réparent nos langueurs :
Que nos fens déformais vers les apas du monde
N*entrainent plus nos cœurs/
Fi I s briKer de ta foi les lumières propices
A nos yeux éclairez :
Quelle arrache le voile à tous les artifices
Des Enfers conjurez.
R E O N e , ô Pcre éternel , Fils , Sagefle ino^éée »
Efprît Saint , Dieu de paix ,
Qui fais changer des tems rinconftante durée ,
Et ne changes jamais.
Hymne*
LE MARDI A V ES? K ES.
/
Tellurît ingens cenditor , &c.
Ta fagefle ^ grand Dieu» dans Ces œuvres
tracée
Débrouilla le cahos ;
Et fixant fur fbn poids la terre balancée ,
La répara des flots»
F A R-r. A , Ton fein fécond , de fleurs & de feuil-
lages
L’embellit tous les ans ;
L'enrichît de doux fruits , couvre de plturages
Ses valions & fes champs.
S £ I O N E U R » fais de ta grâce à notre ame ab«
battüë
Goûter les fruits heureux ;
Et que puifienr nos pleurs de la chair corrompuS
Eteindre en nous les feux»
Que fans cefTe nos cœurs , loin du fentier des
vices ,
Suivent tes volontés S
Qù^lnnocens â tes yeux fondent leurs déGcQi
Sur tes feules bon»ea.
R£oit£,^Fere éternel 9 &e»
LS
\ 9Ü Breviai&i Rohaim. 83
LS MERCREDI A VSSPRES,
CbU Deus fatiSiffint , &c.
w R A N D Dieu , qui fais briller fur la voûte .
étoilée
Ton Trône glorieux t
Et d*ané"blancheur vive à la pourpre mêlée
Peins le centre des Cieux ,
Pm Toi roule i nos yeux Air un cbar de la«
J&iére
Le clair flambeau des Jours ; .
Détint d’aflres par Toi la Lune en fa carrière ,
Vok le différent cours.
Ainsi font réparez les jours des nuits prochaU
ncs ;
Par d'immuables loix :
Aafi Tu fais conooitre i des marques certaines ,
Les faifons dt les mois. ^
Sbi Gvxua, répands fur nourta lumière cé«
lefle.
Guéris nos maux divers : ^
Qae ta main fea>arable , aux Démons fi funefie, :
Brife enfin tous nos fera.
Rz'gsb, 6 Pere éternel 9 &c«
24
H T M N E 8
*
LE JEUDI A FÉ S P R ES.
Mûgnæ Deus p9$eraiœ , &c.
Seigneur, tant d*anîmaux par Toi des
eaux fécondes
Sont produits à ton choix ,
Que leur nombre infini peuple ou les mers pio»
fondes ,
Ou les airs ou les bois.
Ceu x-LA font humeétez des flots que la mer
roule ,
Ceux ci de Teau des Cîeux,
Et de la même fource ainfi fortis en foule
Occupent divers lieux,
F A X 6 , À Dieu tout-puiflTant , fais que tous les
. fidelles
A ta grâce fournis.
Ne retombent jamais dans les chaînes cruelles
Oe leurs fiers ennemis.
Q U Epar Toi foutenus, le jougpefant des vices
Ne les accable pas ; .
Qu’ün orgueil téméraire en d*afFreux précipices
N'engage point leurs pas,
E 1 0 N E I ô Pere ét ernel , &c.
%
I
»a Brxviairx Romain.
LE VENDREDI A V ES PRES.
Plafmator bmîms Dm , &c.
• *“>1 “«« . fo«-
Dece vafteünims,
dafein de Ja twe , A ton ordre , vit naître
Tant d’animaux divers ;
^ “'■-P* nombre & différens d’ef.
Animez â ta voîx ,
l'homme fut éubli par ta haute fageflê
Pour impofer fes loix.
«cor-
^égne dans notre cœur ;
nal excès hoâteàx , que nulle impure idée
^ chafle la pudeur.
<2 D O N ûint raviffement éclate en Mtre zèle ;
/ Guide toujours nos pas ;
Fa» d'nnepaix profonde â ton peuple fidèle
Goûter les doux apas.
&<«»£ , à Pere étemel , &c.
^6 Hymnes do B&ev. Roi*.
LE Su4MEI>l A VESPRES.
\
O luy ^ beata Trînitas &c»
S
^ O ü KCE éternelle de lumiéte ,
'Trinité fouverame & tris-fainte Unité,
•Le vifible Soleil* va finir fa carrière ;
Fais luire dans nos cœurs Tinvifible clarté.
Q u’a U doux concert de tes loûanges
l^otfe voix commence & finifle le jour^
que notre ame enfin chante avec tes faînes
Ânges
Le Cantique;étemel de ton célefie amour.
A D O R O K s le Pere fuprême ,
Principe fans principe , abîme de fplendeur ,
Le Fils . Verbe du Pere , engendré dans lui mé*
L!£(prit des deux qu'il lie , amour , don paix •
ardeur.
OUVREES
ATTRIBUÉS
A JÊAN RACINE
I
41'
/
, DIS COURS
Irmmi à la tête du Clergé ,
l’Abbe.’ Colbert,
par
S
IRE,
L % Clergé de France qnï ne s’»'
prochoit autrefois de fes Souverains ,
^oepour leur retracer de trilles image»
de la Religion oprimée & gémilTante,
▼ient aujourd’hui , la recc^poiflance
& la joïe dans le coeur, fiiire paroî'
treàVoTRE Ma|bste’, cette ra^
me Religiontoute couverte de la glcHr-e
quelle tient de votre piété.
^le a para durant plus d’un fîécle
fur
^ Cedifcoarg fc trouve diuiilç Recueil des Memoi**
Tes du Clergé^
«s
5ro I 9 c 0' O K fk
fbr le penchant de- (à ruâie : ott V»
Tuë déchirée par fes propres enifans ^
trahie par ceux qui dévoient la- foute*-
nir & la défendre , eii i^oïe à fes plua-
cruels Knnemis. Enfin , après une Ion*
gue-& femelle opreffion-, elle refpirss:
peu detems avant votre -naiflance heu>
reufe ; avec Vous elle commença de re«
vivre , avec Vous elle monta fur le-
iTrône. Nous comptons les années de
fon accroifiemenc par les années de-
votre Régne ^ & c’efe fous le plus flo«
riiTant Empire du monde , que nous la
voyons aujourd’hui plus florifiante que
jfamais.
Si elle fe fonvient encOrexle fes trou«
blës & de fes malheurs p^ez , ce n’eÆ
plus que pour mieux goâter -le-parfeic
bonheur dont vous- ta fiâtes joQir ; elle
eft faoülagi cation & fans crainte 4
- Rombre de votre autorité-} elle eft mê«
me , fî j’ofe ainfî dire , fans ■ defirs
puifi)ue votre zèle ne lui laifle pas le
tems d’en former , & que- votre bonté-
va n fouvent au-delà de fes fouhaits. <
Ce zèle ardent pour la Foi , cette
bonté paternelle dans tous les befoins
de l'Eglife , qualitez fi rares dans les
Princes , font , S i ns , le véritable fiir
jet de nos éloges. Noos
Dr$ceiTRK. sTiE
I^ous laiffoQs à vos Sujets alTez d’au-
tses vertus à admirer en vous. Les uns
vous reprefenceront comme un Mo*
Marque bienfaifant , libéral,.magnifique».
fidèie dans Tes promeiTes , ferme & in*
flexible contre toute forte d’injuftice ,
droit & équitable, jtifqués à prononcer
contre fes propres intérêts , véritable*
ment maître de fes Peuples & plus
toaître eacore de lui-même;
Les autres vousrelpeâeronc comme
•0 Roi , toujours fage & toujours vic-
torieux ÿ -dont les impénétrables def-
feins font plûtdc exécutez que connus ;>
^oi ne T^ne pas feulement fur fes
Sujets par fon autotité fbuveraihe ,
nais Au /baConfeil par la fupérioritê
dé fôn ^aie, mais fur les cœurs de
fes VoiAas-, par la^ pénétration de foiv
efprk, & par la fagefiè do«t il fçair
iflUruire fes Miniftres ; qui pouvant
tout par luî-méme , fçait fe palfer des<^
plus grands hommes ; & fans eux ,
téfoudre, entreprendre, exécuter fqui<
donne la loi fur la Mer, auffi-bien que-
fer la Teire; qui lance- quand il lut
plaît la foudre jufques fur les bords de-
FAfrique ; qui fçait à fon gré humilier
fes Nations fepetpes , & réduire de»
e 4 Souve*
\
ps D I s C O V & 8.
Souverains à venir aux pieds de Ton
Trône , reconnoicre Ton pouvoir , Sc
implorer fa clémence.
Vos Ennemis mêmes , Sire , ne pen-
vent s’empêcher de louer vos aêèions
. héroïques ; ils font contraints d’avouer
que rien n’ed capable de vous réfiftcr ,
& le mérite du Vainqueur , adoucit en
. quelque forte le malheur des vaincus.
Ce n^efl pas à nous , Si re , à parler
des progrès étonnans de vos Armes
triomphantes , nous ne devons pas' con-
fondre leclat d’une valeur qui n’eft que
l'objet de l’admiration des hommes»
avec ces œuvres faintes qui font en
eflime devant Dieu. Le Clergé, Sîre»
s’attacheta fur tout à loQer en vous cet-
te piété, qui toujours attentiveaux
térêts de la Religion , n’obmet rien de
ce qui fient être néceflaire pour la re-
lever dans les lieux où elle e(l abat-
. tuë » pour l’étendre au-delà' des Mers »
dans les fieux où elle eft inconnuë»
pour la faire triompher dans l’un &
l’autre monde. '
Mais , que dis - je 9 l’Eglife ne doit-
elle pas elle même confacrer des vic-
toires , que vous avez fi heureufement
fait fervir à la propagation de la foi »
âc
I
Discours. 93
■A à rextinâion de l’héréûe ? II femble
vous n’ayez combattu & triomphé
^ue pour Dieu , & le fruit que vous
avez tiré de la Paix, nous fait aOez
connoîcre quel étoit le principal but de
▼os Viâoires. C'ed par ces victoires
que vous avez, établi cette rédoutable
puiiïancé. qui tenant déformais vos
Voifins en bride, ôte aux Hérétiques
de votre Royaume , & l’audace de fe
révolter, & J’e/poir de Je maintenir
par de féditieux commerces avec les
Ennemis de l'Eàat.
Si c’eût été la feule ambition' qui yons
eôt armé , jufqu’où n’auriez vous point
étendu votre Empire ? Vous vous êtes
. hâté, de finir la guerre r iorfque voue
en pouviez tirer de plus grands avan-
tages ; ne Içait-on- pas que ce n’a été-
que par l’empreflement que vous aviez
de donner tous vos. foins au progrès
•de la Religion ? La converfion. de tant
d’ames engagées dans l’erreur vous a
paru la plus belle de toutes les Conquê-
tes , & le tfiom^ue le plus- digne d’um
Roi Très - Chrétien. .
Mais quelle.quefoit votre puilfance,.
elleavoit encore- befoin - du. fecours de
■ fOU& bonté, t.c’eft.en gagnant le cœur*
e 5, des»
P4 Discours.
des Hérétiques , que vous domptes:
l’obilination de leur efprit; c*eft par
vos bienfaits que vous combattez leur
endurcilTement , & ils ne /croient peut*
être jamais rentrez dans le fein de TE-
glife par une autre voye , que par le
chemin femé de fleurs que vous leur
avez ouvert.
Aufli Faut -il avoüer, Sire, quel-
que ' intérêt que nous ayons à î’ex-
tinâion de rhéréfîe , notre joïe l’etii-
porteroit peu fur notre douleur , fl pour
furmonter dette hydre une fâcheuie;
néceflité avoit forcé votre zèle à re-
courir au fer & au feu , comme on la.
été obligé de faire dans les régnes pré*
cédenSi Nous prendrions part à une-
guerre qui feroit fainte, & noos eta-'
aurions quelque- horreur -, parce qu’elle
feroit fanglànte : nous ferions des voeulc
pour le fuccès de vos Armes facrées p,
mais nous ne verrions qu’avec trem-
blement, les terribles exécutions dont:
,1e Dieu des vengeances vous feroit l’in/*
trument redoutable#en/în , nous ro^
lèrions nos voix aux acclamations pu-
bliques fiir vos Viftoires , & nous gÔ
mirions en /ecret fur un triomphe >
qui^ avec^la défaite des Snnemis det
l’Eglife:
B 18 C O V K 9;- PS
fEglifê» êaveloperoit Ja perce dé nos
freres.
Aujourd’hui donc que vons ne com*
battez l’orguëil de l’héréfie que par la
douceur & par la fage/Ie du gouver»
nemenc ; que vos loix foutenu& de vos
bienfaits, font vos feules Armes, &
ipieles avantages que vous remportez »
ne font dommageables qu’au démon de
Ja révolte & du fchifme ; noos n’avons '
que de pures aâioos de grâces à ren*
dre au Ciel, qui a infpiré à Votrb-
Majest M.* , ces doux & fages moyens <
de vaincre l’errèur , & de pouvoir , .
'en mêlant avec peu de- févérité beau*
coup de grâces & de faveurs, rame»'
jaer à TEglife ceux qui s’en trouvoient .
zna/heureu/êmenc féparé$<
Nous le confeflbns, SiREj t’eft i-
Votre Majesté-’ feule, que nOûs>
devons bien • tôt le rétabliffemeht en*
' tier de là Foi de nos Peres iaulli ne -
falloic-il pas que l’Etat vous devant dé*’
ja ion fàîut & fa gloire , l’Eglife dûté .
nu autre qu’à.vous , fa . victoire & foh '
triomphe : fans cela votre régne , que
le: Ciel a voulu qu^l fût un régne de -
SBCTveilles» nuroitinanqué dëfon plus-
bel emexoeixc :: t^^aucok bien dit un»
p6 D r S c 0 V ft fl
jour de Votre Majesté’, ce que
l’Ecriture dit de plufîeurs grands Rois
de Juda : il a terraflié lès Ennemis , Sc
xelevé la Monarchie : il a autorifé &
rérormé les Lois : il a fait ré^ier la
Jullice ; mais on auroit ajouté ce que
le S. Ëfprit reproche à ces Princes : R
n’a pas aboli les' facrifiices qui fe fai*
ibient fur k Montagne-
Que votre nom , Sire , .fera éloigné-
de ce reproche! Ce que votre zèle a
déjà fait la- poRérké: le regardera tou*-
jours comme laTource de vos profpé*
ritez , & le comble de votre gloire.
Mais ce n’ell pas au rétabliflement
des Temples & des Autels, que îêr
borne votre zèle-; vo^s avez entrepr»-
de faire revivre- la piété & les bonnes-
mœurs ; & c’eft à quoi- Votre,
-M A JE s T e’ , travâille avec fuccès , au*
tant par fon exemple que par Tes ot*
dresL €*eflr un honneur mainteRant. de
pratiquer la venu , & fî le vice n’eft:
pas tout-à fait détruit , au moins efl>U
réduit à fe cacher, & lesvoHes donc
H fe couvre , épargnent aux gens de-
^bienun fâcheux fcandale, & fauve les
-âmes Ibibles. du pécil d’une contagioife
i&neâe^
Ne
'Drscotrxr* PT*
^e penibns plus à ces jottt's de tënè^
bres où la plûpart de ceux qui étoienc
encore dans le fein de l’Eglife , fent*
bloient i>’y être demeurez que^ pour
l’outrager de plus près f où les blaf*
phêmes & les ratllecies de cequMl ya
de plus faine ^ éclatoienc a^ec audace r
ces noonflres d’infidélité ont difpartt
fous votre régne heureux > & fi les re«
jnomrances tant de fois réitérées fiir ce
fojet ne nous donnoient. conaoi fiance
de ce défordre y nous l'ignorerions é
jamais.
Qu’eft devenu cet autre monftre pro<
doit par l’efprit de vengeance , toujoun
altéré du fang des hommes , mais plus,
encore de celai de la Noblefiê françoi*
fo ? Nous n’avons qu’à le laifier.dana
l’oubli éternel » où depuis tant de rems-
vousl’avez enféveli : vous Pavez étoufiié^
tout indomptable qu'51 paroiflbit. Vo>
TU Majest]^ a rçurenverfer les'fauflet^
- amximes de l’honneur & de la honte ; âc
'autant qu’une décelkable erreur avo|c
xms de fimfie gloire àife venger, ao^
tant y auroit il d’ignmniine ù-ne^vonn.
-pasebénr; creft ainfi que votre voloa>-
té- feule l’emporte, fbr.la coacume-in-
vétérée dta mal lue. le^ penchait
: oripiind des hommes.. ^
S^i
/
Le Gler^é ne fe dirpafe plus
être le fpeâateur de là fin de toil*
tes vos faintes-. entreprifes r après «a^
avoir admiré de fi heureux commet!*
eemens ,ii céfTe d’ufer de remontras*
ces rs’il a encore quelques befoins ,
vous les connoiflez , cela lui fuffît. 11
vient encore de reflentir en cette-
Afiemblée d’infignes efièts de votre
proteâion Royale ; & perfuadé que
vous lui avez defiiné une longue fuite
ile grâces dans d’autres tems , & avec
les circonfiances dont vous feul les fçà*
vez fi bien, accompagner , il craindRoit^
par fes' demandes « où de troubler Tor*
dte que votre fagefFe y a établi , ott:
. peut-être de tàettre des bernes oà y&‘
tre ^lé h’èn : a p<^t mis. . '
L’unique afFairê qui nous occupe ».
c’efi l’obligation de rendre à- Votiue
Ma jute’ de très • humbles aâions de -
grâces. Après un fi jufte devoir , afio»
. ïez quenous femmes de votre puifianoe
t.proteélion , nous pouvons nous fépa»
fans inquiétude. Nous allons dans-
les Provinces de votre Royaume , fat»
te retentir les loüànges que l’EglMê"
«bit à votre zèle. Chaque Pafieur aUnt
de ieocoa\i«r pia vos foins ,
. .. . . fcceupéait^
D r B e O tf K s« $9}
troupeau plus nombreux qu’il ne l’avoît
lailTé , & chacun de nous redoublera*
fes vœux pour obtenir du Ciel qu’il re-
double Tes béoédiéfcions en. faveur d’ua*
Prince.qui fe les attire par desafkions IL
glorieiifes « & ü. uûles à-la Eeligioa*
LA Relatton Rivante , imprimée in-fo-
lîo , p/ïT ordre du Roi y chez Thierry eh'
^ Kîpa , e(i attribuée à feu M.- Racine
par quelques perfonnes qui prétendent qua
le Public trompé par un ftile (piil riat-'
tendoit pas d’une plume poétique , u’ere
foupçonna pas l'Auteur Q* parus même'
goûter davantage VlBfione du même évé»
nement ^ faite dans un ftile très différent
par M. de VifL Quoi qu'il en foit , oir
a crû devoir imprimer ici cette Relation ,
parce qjt’eUe ejt devenué fort rare ,
quelle a raport à plujieurs cBoJês qtti fr
trouvent, dans les Lettres écrites du Camp>
iemtA Namur , par M. Racine à Boileau-
/
SELAXXQSV
!
ïoi
RELATION
D E
CE QUI S’EST PASSE*
AU SIEGE DE NAMUR.
IL y avoit prés de quatre ans que I9
F rance foutenoit la guerre contre tou-
tes les Puiiïances , pour ainü dire , de
l’Europe , avec un fuccès bien différent
de celui dont les ennemis s’étoient flâ»
tez. Elle avoir bon-feulement renverfé
9
tous les projets de la fameufê Ligue
d’Ausbourg, mais même parla fagefle
de là conduite <St par la vigueur de fa
téfUlance , elle avcûc réduit les Confé-
dérez , d’agrefleurs qu’ils étoient » à
la bonteufe néceflitë de fe défendre.
Tout le monde voyoit avec étonnement
qu’une Nation attaquée par tant de
peuples conjurez contre elle , & dont
. ils avoient par avance partagé la dé-
po&ille » e&t d heuieufement fait re-
tomber
202
ReCA T tO-N
tomber Air eax les malheurs qu’ils lut
préparoienc ; qu’elle eût vaincu dans-
tous les lieux oà ils l’avoienc obligée
de porter fes armes ; & qu’enhn tant de
puilTancesréünies pourl’accabler n’eof*
fènt que fournir par tout de la ma*
tiére à Tes conquêtes & à Tes triomphes.
En effet , depuis cette derniere guer-
re , fans parler des célèbres journées-
de Fleuru , de Staffardè & de Leuze ».
où ils avoieut perdu leurs meilleures-
troupes : fans compter auffi plufleu^s-
de leurs Places prifes & rafées » ils-
avoient vd pafTer fous la domihation-
de la France Philisbourg en Allemagne».
Nice & Moiimelian en Savoye, &eiH-
£n Mons dans les Pays-Bas..
Mais malgré les avantages coodhaeTv
que le Roi remportoit Air eux » ils fe-
Ââtoient tous les ans. de quelque révo-
lution en leur faveur. Ils croyoient qne-
la fortune felafleroitde fuivre toujoufs-
le même parti ; & qu’enAn la France
feroit contrainte de Aiccomber & à la:
force ouverte , qu’ils lui opofoient an-
dehors , & aux atteintes fecrettes qu'ils
tâchoient de lui porter au- dedans.
La principale efpérance de leur Li*-
g,ue écoic fondée Aie la haute opinionv
quer
Btr $i£^B 17a m ixr> -lexx^
tous ceux qoi la compofent aToieot
do graad géaie du Prince d'Ocange »
qui en eft comme le chef & le premier
mobile ÿ âc luiméme ne manquoit pas-
de les flâter par toutes les illufions donc
il les croyoic capables de fe lailTer pr^
?enir. 11 leur avoic fait eTpérer d’al^rd
que le premièr effet de Ton établüTe*
ment fur le Trône d’Angleterre , feroic
t^abaiflement de la France. U s’étoit.
depuis excofè'du peu de fecoars qu’ils-
avcnent reçû dé lui , fur la nécefCté oiit
il s’étoit vA d’em^>loyer & la réduébion
de V Irlande h meilleuce partie de fea
forces. Mais enfin fe voyant paifîbler
pofTeSeuc des ucus Royaumes , & en
^tatde fe donner teot entier à laCaufer
commune » il avoic marqué l’année
1692. comme l’année fatale à la Fran«
ce , & ohles Révohitions ülong>-tems at-
^dues dévoient arriver. Pour joindr»
l’éxecution aux promefies , il eroployoin
aux grands aprécs de la Campagne pro»
chaîne les foranaes exceffives qn’il ti-
roit des A nglois & des Hbllantfois . Et
h Ton exemple , Tes Alliés faifbient auffiî
tous les efforts poffibles pour pro«
fiter d’une fi favorable conjbnfilure..
^ Roi vers la fin de l’année i6pu-
infiruin
S04 Rekatiok
dé leurs préparâtes , jugea
.^qa’il falloit Bon-feiilementoporer la for-
-ce à la force pour parer les coups doue
i|s le menaçoient , mak qu’il falloit mâ-
me leur en porter aufquels ils ne s’at-
'tendilTeot pas , & les forcer par quek
que entreprife éclatante , ou à faire la
■paix , où à ne pouvoir faire la guerre
;qu’avec d’estrêmes diificuliez. 11 étoic
,exa6lemene informé de l’état de leurs
forces , tant de terre que de mer. Il
n’ignoroit pas que le Prince d’Orange
dans les Pays-Bas pouvoit avec fes
troupes & avec celles de les Alliés
mettre enfemble jufqu’àdx vingt mille
hommes. Mais connenifant fe.s propres
forces, il crut que ce nombre ^ quelque
'grand qu*il fût » ne ferok pas ca-
■pable d’arrêter, fes progrès; & réfol»
d’ailleurs de combatre fes Ennemis,,
s’ils fe prefentoienc , il ne douta poinc
.de les vaincre.*
• Il ne crut pas même devoir fe borner
-à une médiocre Conquête ; & Namur
‘étant la plus importante Place qui leur
reliât , & celle dont la prife pouvoit le
-plus contribuer à lés aflToiblir & are*
haufler la réputation de fes armes , il
réfokitd’en.formçrleSi^e. .
Namur
90 SlBOE DE N'aÉDE. XO&
Namar , Capitale de Pane des dix*
ièpc Provinces des Paÿs*Bu , à laquelle
elle a donné le nom , avoir été regar*
dée de tout tems par nos Ennemis ,
comme le plus fort rempart , non feu-
lement du Brabant , mais encore da
Pays de Li^c , des ProvinceS'Unies ,
& d’une partie de la Ba0e* Allemagne. '
£n effet , outre qu’elle aflûroit la com-
mmiication de tontes ces Provinces »
on peut dire que par' fa fituation , an-'
Confluent de la Sambre & de lalldei^
lé , qui la rend maitreffe de ces deux
rivières , elle étoit également bien pla-
cée & pour arrêter les entreprifes que
la France pourrmt faire contre les Pays
que je viens de nommer , & pour bi-
âtiter ceiles qa’on pourroit faire, contre
la France même. Ajoutez à ces avanta-
ges' l’affiete roerveilleufe de fon Châ-
teau , efcarpé & fortifié de toutes parts ,
& eliimé imprenable ; mais fur tout ki
difpofition du Pays , auifi inacceflible è
ceux qui voudroient attaquer la Place ,
que favUtable pour les fecours ; & en-
fin le grwd nombre de toutes fortes de
provifions que les Confédérés y avoient
jettées & qu’ils avcâem dcflein d’y
jetter encore pour la fiibüûance dq
Jeoie Armées. Le
J
R B £ A T J O K
Le Roi , après avoir examiné tomes
jes diffîcultez qui fe prefemoient -, dans
cette entreprife, donna Tes ordres , taiK. -
pour établir de grands magafi ns devi- :::
vres & de 'munitions le lotig de la
JkÆeufe & dans lès Places frontières des i
Pays'Bas, que pour faire.hy veriier com* i
modément dans les Provinces voillnes i
de grands corps de troupes , fous pré-
texte d’obferver celles Ennemis qw
J groflüToient continuellement^ 11 fie
aufli des augmentations eonfidérables- j
de Cavalerie & d’infanterie , & dif-
.pofa enfin toutes cbolbs avec fa pré-
croyance prdinake.
Mais! mémertems il préparoit ooe,
* puifiante diveifion du côté de PAngle-.
terre y où il prenoic des œelùreapour y
rétablir fur le trône 1er légitime Sou-
verain.
• Les Alliez de. leur côfié ne for-
«loient pas , oconme. }’ai dit , de po>
tics preyets; Le Pdnce d/’Qra(%eet|)
pafTaiit la. mer Favoit anlfi, fût; re*«
pai&e ù ^ meilieuces troupe» >. & en.
aflembloit de toutes parts un ^and
sombre d’autm quSl- établifibit. dans
tpucés les Places (te Ion pacti les plus
proches de (miles de Eranc& Il avotc
' fwR
1» O SiSGS b B Nauvr. 1-07
foin lur-couc d’en remplir les Places
CSS Efpàgnols , defquelles par cç
ayyen il (e propo/oic de iè rendre
iarenfiblement le maître.
II le cenoic de continuelles Coa*
férences à' la Haye entre lui âe les au*
très Confédérez fur l’emploi -qu’ils de*
voient faire de leurs forces , nq (e
prometcanc pas moins que de faire
■une irruption en France au commen*
■cernent du. Princeras. Dans cette vûë
ils ^foient travailler à un prodigieux
amas de tout ce qui elt néceffaire.
pour une grande expédition , & fe
tenoient tellement sûrs du fuQcès , ■
qu’ils ne daignoient pas même cacher
les délibérations qui le prenoient dans
leurs Aûemblées.
Ces Conférences finies , le Prince
d’Orange s’étoit retiré à Loô' , mat*
fon de plaifance qu’il a dans le pays
de Gueldres , lieu- folitaire- & con*-
forme à Ibn humeur Ibmbre & mé*
lancoUque , oi| d’ailleurs il trouvoic<
le plus de facilité pour entretenir fet
correfpondai^es fecrettes. £.edéplai*
fir qn’il ayoic eu l’année précédemte^
de voir prendre Mons en<.fa prefenoe « ‘
iàiis avoir pÀ rien £ure pourrie fiseon».
X«8 . B. B t A T < 0 N
rir , donnoit lieu de croire qu’il pren*
droit des mefures pour fe mettre hors
d’état de recevoir un pareil affront.
En effet , il préiendoit avoir A bien
difpofé toutes chofes , qu’il pouvoic
affembler en peu de jours toutes les
forces de fon parti , ou pour tomber
fur les Places dont il jugeroit à pro-
pos de Aùre le Siège , ou pour courir
au lècours de. celles que la France
entireprendroit d’attaquer.
AinA en attendant la fai fon pro*
pre pour agir , il affeâoit de mener
a Loô une vie fort tranquille , y pro-
mut prefque tous les jours le divertif-
fetnent de la chaffe , & paroiffant auifi
peu émilk de tous les avis qu’il recevoic
des grands préparatifs de la France fur
mer Sc fur terre , que A «He eût été
hors d’état de rien entreprendre , ou
qu’il eût été le maître des événemens.
Cette tranquilité aparente , à la veille
d’une Campagne A importante pour les
deux partis , éioit fort vantée par Tes
admirateurs , qu’ils attribuoient à une
grandeur d’am& extraordinaire. Et Tes
iUliés la croyant un effet de fa pénétra-
tjon^&delajuAefledes meAires qu’il
vroicprilès pour ailÛrer le fucçés de
fes
DU Sl£CE DE N AMÜK. tOp
ks delleins , fe mocquoient eux- mêmes
de toutes les inquiétudes qu’on leur
vouloic donner , & demeuroienc dans
une pleine confiance qu’il ne leur pou?
voie arriver aucun mal.
Au commencement du niois de Mal ,
ils aprir^t que le Roi fuivi de toute
fa CoujjKtoit arrivé auprès de Mons ,
où. étoile rendez. vous de Tes Armées
de riandres. £n même tems ils fçurenc
qu'une autre Armée étoit fur les côtes
de Normandie, y prête à pailer la Mer
avec le Roi d’Angleterre ; qu’un grand
nombre de Bâtimens de charge étoienc
ù \a Hogue , avec toutes les Proviüons
nécelTaites pour faire une deicente dans
ce Royaume; & qu’enfin^ une Flotte
de foixante gros Vaifleaux dedinée
pour apuyer le paflage & le débar>
quement des Ttoupes , n’attendoit à
Bred , & dans les autres Ports , qu’un
vent favorable pour entrer dans la
Manche.
!.« Prince d’Orange commença alors
à fe repentir de fa faulTe confiance. D’ua
côté y il prévit Forage qui alloit fondre
dans le Pqys Bas , & jugea dès-lors qu’il
Jui /eroit fort difficile de l’empêcher
De l’autre j il n’ignoroic pas que tous
f lé*
Jes Ports d’Angleterre étoient ouverts ;
^u’il n’avoit encore ni Flottes pour cou«
vrir les côtes du Royaume , ni Armée
pour combattre les François à ladefcen-
te ; qu’il leur feroit aifé d’aller jufqu’à
Londres , où ils trouveroient la plôparc
des Seigneurs mécontens de lid , & les
peuples fatiguez des grandeslbmmes
qu’il exigeoit d’eux. Én un mot , il
apréfaendoic ' que le Roi Ton beau*
pere ne trouvât autant de facilité à
fe rétablir fur le Trône, qu’il lui avoic
été facile de l’en chaOer; Dans cet em*
barras , il feignit pourtant de ne longer
qu’à fauver la Flandres , &- alTembla en-
diligence & avec grand bruit un corps
de troupes fous Bruxelles. Mars en mê-
me tems il dépêcha le Lord Portiand
à Londres , pour concerter avec la
Princeffe d’Orange & avec fonCon-
feil , les moyens de garantir l’Angle*
terre de l’invafion des François. Il
donna ordre qu’on armât toutes les mi*
lices du Royaume , & qu’on y fît re*
palTer les troupes refiées en Ecofle de
en Irlande ; qu’on arrêtât toutes les
perfonnes Ibupçonnées d’intelligence
avec les Ennemis ; & qu’enlin on af<
femblâc la plus oombreufe Armée
qu’oa
s D SlECE DE NaMOR. III
m’on pourroit , tant pour contenir le
dedans du Royaume que pour border
les côtes où l’on foupçonnoic , que les
François voudraient tenter la defcen*
te. Sur-tout il preCa rarmetneiu de Tes
Flottes. , & voulut qu’on y travaillât
nuit & jour , n’epargnant pour cela ni
Targent des Anglois & des Hollan*
dois , si celui de tous fes Alliés. Non
content de ces précautions , il fit re*
marcher à WillemRac entre l’embou^
cfaure de l’Efcaut & de la Meufe , uns
partie des Régimens qu’il avoit ame*
nés d’Angleterre « pour- être en état
d’y repafier au premier ordre ; & corn*
ma.nda qu’on lui tint un vailTeau tout
prêt pour y repafier lui-mème. Toutes
ces précautions étoient un peu tardi>
ves , & couroient rilque de lui, être
abfohinieat inutiles^ fi les vents euf*
fènt été' alors auffi favorables au Fraa*
çois f qu’ils leur étoient contraires.
Sur ces entrefaites , le Roi durant
anq jours ayant afiemblé fes Armées
dans les plaines de Gevries , entre les
rivières de Haifne & de Trouille , it
en fie le vingt«uniéme de Mai la revûS
générale. Il les trouva complettes , &
dans Je meilleur état qu’il pouvoit (bu-
f a haiitar.
fis ]^XtATIOir
haitter. li trouva auiH que conformé*
ment à Tes ordres on avoit chargé à
Mons de munitions de guerre & de
bouche , plus de Gx mille chariots ti*
rés des pays conquis. Tellement qu’il
fe vit en état de fe mettre en marche
deux jours après cette revûë.
L’armée deHinée pour faire le Siège
de Namur , & qu’il avoit réfolu de
commander en perfonne, étoitdequa*
rante Bataillons , & de quatre-vingt*
dix Ëfcadrons. L’autre Armée comman*
dée par le Maréchal Duc de Luxem-
bourg , compofée de foixante-Gx Ba-
taillons & de deux cens Neuf Ëfca-
drons , devoir tenir la Campagne , &
obferver les Ënnemis » qui , à caufe
de cela l’ont depuis apelée l’Armée
d’obfervation.
Les Lieutenans'généraux de l’Ar-
mée du Roi étoient le Duc de Bour-
bon , le Comte d’Auvergne , le Duc
' de Villeroi , le Prince de Soubize , les
rMarquis de TilUdet & de Boufflers , &
le Sieur de Rubentel. Le Marquis de
Bou£9ers étoit nommé auGi pour com-
mander une autre Armée que dans ce
teros*là même il aGembloit dans le
Condroz. Les Maréchaux, de Camp
étoient
I
üü SlEGK D*! NAtfVK* II)
éoient le Duc de Roquelaure, le Mar-
quis de Montrevel , le Sieur de Con-
gis , les Comtes de Montchevreuil , de
Galfé , & de Gufcar , & lê Baron de
Brefle. Au relie leDaaphmde Prance,
le Duc d’Orieans- , le Prince de Condé ,
& le Maréchal de Humieres avoienc
le principal comandement fous le Roi,
LeSieurde Vauban , lieutenant Géné^-
ral , étoit chargé de la direflion .des
attaques.
Le Maréchal de Luxembourg avoic
pour Lieutenans- Généraux , le Prince
de Conty , le Duc du Maine , le Due
de Vandôme , le Duc de Choifeuil , le
Comte du Montai , & le Comte de Ro^
fes , Mellre de Camp général de la
Cavalerie légère : Et pour Maréchaux
de Camp le Chevalier de Vandôme,
Grand Prieur de France ; les Marquis
de la Valette , & de Coigny : les Sieurs
de Vatteville , & de Polaftron. Le Ba»
ron de Bufca , auili Maréchal de Camp ,
commandoic particuliérement la Mai-
fon du Roi. Le Corps de réfêrve étoit
commandé par le Duc de Chartres.
Ces deux Arihées partirent .donc le
vingt troifîéme de Mai. Celle du Ma-
réchal qui écok campée le long du ruil>
f 3 fea»
/
II4 R B L A T 1 O N.
feaa des Eflines , alla paffer la Haiihe
entre Marlanwelz fous Marhnont , &
Mouraige , & campa le fair à Féluy
& à Arquennes , proche de Nivelle.
Celle du Roi traverfa les plaines de
Rinche ; & ayant pafTé la Haifne à Car*
BÎeres , alla camper à Capelle d’Herlai*
mont le long du ruilTeau de Piéton. . Le
Roi menoic avec lui une partie de fon
artillerie & de les munitions. L’autre
partie acconvpagnée d’une grolTe efcor*
te , alla palTer la Sambre à la Buffiére
pour marcher à Philippeville , & de là
au Siège qui devoir être formé.
Le lendemain vingt-quatrième , le
Maréchal alla camper entre l’Abbaye
de Villey & marbais , |Mroche de la
grande chaulTée , & le Roi dans- la plai-
ne de Paint Amand , entre Ligni &
Fleura.
La nuit niivanteyi! détacha le Prince de
Condé avec fix mille chevaux & quin*
ze cens hommes de pied pour aller in*
veflir Namur , entre le ruiffeau de Ri(^
nés & la Meufe , du côté de la Hesbaye.
Le Sieur Quadt avec fa Brigade de Ca* .
Valérie l’inveBit depuis ce ruilTeau juC-
qu’à la Sambre.. Le Marquis de Bouf*
fiers avec quatorze Bataillons & qua* -
« quarante*
ftO SiEGS SB NAXnTK.
)(|QaraBte*buic Efcadrons , (aifant pu*
tie de l’Armée qu’il afifembloic , parut
en même tem« devant la Pl<ice de l’an*
frecété de la Meufe ; & enfin le Sieur de
Ximènes avec les troupes qu’il venoic
de tirer de Philippeviiie & de Dînant ,
•ufqueües le Marquis de Bouffiers ajoiW
ta encore douze efcadrons.,- in vedit la
-Place du côté du Château, occupant tout
Je terrain qui efl entre Sambre &. Meo*
fe ; en telle forte ^ue Namur fe troavft
en' même tems entouré de tous cotez.
Le vingt cinqui^ne, l’Armée du Ma*
rêchal de Lusenbourg. alla camper for
le ruifleau d’Aurenaulc dans hi plaine
de Gémbloura dit ce'le du Roi auprôa
-de Mflont & de Golzenne au delà des
Mæis , -d’oâ U envoya ordre au Maré»
cfaal de détacher le Comte de Montai
avec quatre mille chevaux pour aller
fe pofler àLoi^-champ , & à Genne*
voux , peoche des fources de la Me»
haigne , & le Comte de Coigny avec
an pareil détachement , pour aller fe
pofter à Chafielet jrfès de Charleroy.
Le premier devoit couvrir le Camp, de
Roi dû côté du Brabant i & l’autre fe*
vorifer les convois de Maubeuge ,
Fhilippeville & de Dinant > & tenir en
f 4 bride
MtS Relation.
bride la garnifon de Charleroy , & fe»
corps de troupes que les Ennemis y
pourroient envoyer.
Le vingt- fîxiéme le Roi arriva fur
les Hx heures du matin devant Namur.
11 reconnut d’abord les environs de la
■place depuis la Sambre jufqu^au ruif-
feau de Wedrin , examina la difpofi-
tion du pays , lés hauteurs qu’il faltoic
r)ccuper , & les endroits par où il falloir
faire pafTer les lignes. Il donna fes or-
dres pour la conftruftion des ponts de
bateaux fur la Sambre & fur la Meufe ,
'& régla enfin tout cé qui concernoit
■rétablilfement & la fureté des Quar-
tiers. Il choifit'le fien entre le village de
Fiawine , & une Métairie apellée la
Rouge Cenfe , un peu au-deffus de
l’Abbaye de Salzenne. Enfuite il s’a-
vança furia hauteur de cette Abbaye
pour confidérer laficuation de la Place’,
& les Ouvrages qui la couvroient de ce
"côté là. En réconnoiflant tous ces en-
droits , il admira fa bonne fortune , &
le peu de prévoyance des Ennemis ; &
confefla lui même , qu’en portant feu-
lement de bonne heure quinze mille
hommes, ou fur les hauteurs du Châ-
teau , ou fur celles du ruiffeau de We-
drin ,
su 5iZ6£ B£ NakDR. II7
drin , ils aaroient pu faire avorter tous
fes defleins , & mettre Namur hors
d’état d’être attaqué. Il ordonna au
Comte d’Auvergne de fe faifîr de l’Ab-
baye de Saizenne , & des Moulins qui
en font proches. Ce qui fut aufli-tôc
exécuté. Le Marquis de Tilladet eue
aufli ordre de vifiter tous les gués qu’il
pouvoir y avoir , dans la Sambre depuis
le Quartier du Roi jufqu’à la Place. Et
k Marquis d’Alegre avec on corps de
Dragons fut envoyé pour fe faifir du
pafTage de Gerbizé , polie important
fur le chemin de Huy & de Liège dis
côté de la Hesbaye.
Cependant l’allarme étoit parmi les
Ennemis. Comme ils ignoroient encou-
re où aboutiroic la marche du Roi , ils
& hâtoient de renforcer les garnirons-
de toutes leurs Places. Ils craignoient
for-tout pour Charleroy , pour Ath »-
pour Liege , & pour Bruxelles mêmei
Mais à l’égard de Namur , l’Elefleur
de Bavière fe confiant & à là bonté de
la Place , & à la grolTe garnifon qui
étoit dedans y fouhaicoit qu’il prit envie
au Roi de l’afliéger. Le rendez-vous de
kor Armée étoit aux environs- de Bru^
Belles ^ & il y: arrivoitt tous les jours^
£ 5; U»
ii8 Rxlatxon
un fort grand nombre de troupes de
toute forte de Nations. Elles faifbtenc
déjà près de cent mille hommes , dont
le principal commandement & la direc*
don prefque abfoiue , écoient entre les
mains du Prince d’Orange, l’Eleéleur
de Bavière n’ayant dans cette Armée
qu^ne autorité comme fubalterne.
On peut juger combien des forces fi
prodigieufes enS oient le cœur des Con-
fédérés. Ils demandoient qu’tm les flËt
marcher au plus vite , & fe tenoient
fùrs de rechafler le Roi jufques dans le
cœur de fon Royaume. 11 étoit <fhea*
se en heure exaaement informé & de
leur marche & de leur nombre * & (e
mettoit de ion côté en état de les bien
recevoir.
f
L’Armée devant Namur.étoit fépa>
sée par les deux Rivières en trois prin^
eipaux Quartiers , dont le premier »
c’ efl à Içavoir celui du Roi , occupoic
tout le côtédtt K*abant , depuis la Sao>
bre jufqu’à la Meufe ; le fécond , qui
ëcoitçeluldu Marquis de Boufflers ,s’é-
tendeit dans le Cbndroz, depuis la Meu-
le au deflbus de Namur , jufqu’à cette
meme Rivière audelTu» & le treiGè-
»e fi)u& le Sieur de Xii^es - tenoit
le
su SiEGB DE N'aiTU'K. tT9'
h pays d^encre Sambre & Meafe. Aa
refte, le Quartier du Roi étoit diviféea
plufîears autres Quartiers. Car outre le
Dauphin & le Duc d’Or!éans qui cam*
poienc tout auprès de fa perfonne > il
avoit aufli dans Ton Quartier le Prince
de Condé , le Maréchal de Humiéres «
& tous les Lieutenans Généraux , à la
xéferve du Marquis de Boufflers. £t ils-
y avoient chacun leur pofle ou leur
quartier le long des Lignes de cis*
eonvallation.
Le Roi dès le premier jour donn»
fes ordres pour faire tracer ces Lignes-
for un circuit au moins de cinq lieues.
Elles commençoient à la Sambre dw
(Côté du Brabant . on peu au-delTus du>
village' de Flawine ; & traverfant un*
Ibrt grand nombre de Bois , de Villa*
ges , & de RuilTeaux^ , en deçà & au--
delà de la Meufe , palToient dans la
Forêt de Marlagne & revenoient finie
à la Sambre , entre l’Abbaye de Malô*'
gne , & une efpéce de petit Château'
qu’on apeloit la Blanche Maifon.
Le vingt feptiéme , e'efi à dire le len»
demain de l’arrivée du Roi devant la
Place- il alla- vifiter le Qjartier du
Piioce-' de: Confié ,.entre le ruifleau- de:
6 4 WèdriiD
120 R E -c i T I 0 ir “
Wedrin & la Meufe , & y vicies parcs
d’arciNerie & de munitions. £>e là s’é^
tant avancé avec le Sieur de Vauban
fur la hauteur du Quefnâ de Bouge y
qui commande d’alTez près la Ville em
tre la Porte de Fer & celle de S. Ni.
colas , la réfolutioB fut prife d’attaquer
cette dernière Porte. Ce même jour les
ponts de batceaux furent par tous ache>
vez & la communication des Quartiers
fentièrement établie.
11 reftoit encore les Quartiers de ,
Bôofflers & de Ximènes à vifîter. Le
Roi s’y tranfports donc le Vingt hiaf*
tiéme , & ayant paiTé la Sambre- à le
Blanche- Maifoe , & la Meufe ao-deA
fous du vi H âge de Huépion , reconnut
tout le côté de ha Place qiri regarde le
Condroz , reconnut auffi le Fauxbourg
de Jambe, où les Ennemis s’étoient
retranchées au bout du pont de pier*
xe qu’ils y avoient fur la Meufe ; Si
ayant remarqué le long- de cette rivié^-
le une petite hauteur d’où on voyoit à.
revers les Ouvrages de la Porte de Sk
Nicolas qui e£t de Kàutre côté , H çon>-
manda qu’on y élevât desbatteries. Ges
derniers jours & les fuivans , les eon^
Vois d’artillerie & de toute forte de.
munitions:
BO SiBOE 1>E NaKOK. l%t
Enanitions arrivèrent à Philippeville
par terre , & de Dinant par la Meufe ,
& on commença à ct^re le pain dans le
Camp pour la fubfiAaace des deux Ar-
mées.
■ Ce fut vers ce temsdà qoe plufîear»
Dames de qualké de la PrO'vince qui s’é»
toienc réfugiées dans l<IamuK » ot plu-
fleurs des Dames mêmes de la Ville »
firent demander par une Trompette la
permifOon d'en fortir y, ce qu’on ne].)»*
gea pas à propos de leur accorder..
Mais ces paui^es Dames fe confiant à
ia générofité du Roi , & la peur dea
bombes l’emportant en eHes fur tou»
te autre confidération , elles ibrtirent
à pté par la porte du Château , fui*
tries feulement de quelques unes der
leurs femmes qui portoient leurs har-
des & leurs enfans » & fe prefentérent
à la garde proéhatne , Les fbldats lér
menèrent d’abord à la Blanche Maifou,.
près des Ponts qu’on avoit feits iùr la
Sambre , d’où le^i qui eut phié d’ek
ies & qui les fit traiter favorablement^
les fit conduire le lendemain à l’Ab-
baye de Malogno^& dedà ù Philippe-
Tille.
Vingt mille Fionnien; commandez
Rs&ATICMi
dans les Provinces conqnifesitantanfi-
vez alors à l’Armée Hs fusent auffi>tôt
cmployez-aux lignes de circonvallation^
aux abbatis deboû , & aux rej[>araciona
de chemins.
Les Afliégez avoiânt encore quelque
Infanterie dans les bois au-delfus de»
Moulins.ls papier de S>. Servais. Mais le
Roi ayant ordonné qu’on Ten chaffit
elle ne tint point ^ dt fe renferma fort
vite dans la Ville.^
- La Garnifbnétoicdeneufniîile deux
cens quatre vingt hommes en dix fèpt
R^innens d’ihfanterie de plufieurt
Nations , fçavohr cinq> Allemans des>
Croupes (fe Brandebourg & de Lune*-
bourg y cinq Holiandoia , trois Ëfpa*
gnols , quatre Wallons 6t en un Ré^
giment dé Cavalerie , ât quelques Cou»
pagnies franches. Le Pfince de Barbant
yon. Gouverneur de la Ih'ovince,r& '
toit suffi de la Ville & dii Château ; de
toutes ce» troupes avoient ordre de lui
obéir. Ou nedoutoit pas qu’étant pour»
vûés de toutes, les ^ofes nécefTaire»
pour fbutenir un long Si^e, & ayant
à'défendre une- Place, de cette téput»
CBKT^ élément bien fortifiée & par
iTatt dtpar la-ffiuure' ^ ime. Garnifon fS
L-. . Bombreufe:
ou SiBOE S« NaMU». »2)
Hombreufè ne fe fignalât par ane vi-
goureufe râlUlaace, d’autant plus qu’elle
n’ignoroit pas les grands aprêu qui fe
faifoient pour la lècourir.
Le Roi , pour ne point accabler fês
troupes de trop de trarail , n’attaqu»
d’abord que la Ville feule. On y fit
deux attaques différentes ; mais d y ea
avoit une qui nfétoit proprement qu’oM’
fauffe attaque. Et c’étoic celle qui étoit
tde delà la Meufe. La vériiabte étoit en*
deçà. Il fut réfblo <Fy ouvrir trois
tranchées qui ft rejoindroient enfuite
par des lignes parallèles f la- première
le long du bord de là Meofe ;^la fectmde
h my côte de la hauteur de Souge ; &
la troifiéme par on grand fond qui abois»
tiflbit à la Place àa. Côté de là Force
de fer. .
Toutes ebofi» étant donc prëparéiev
là trandiée fut ouverte la nuit do vingt*
neuvième au trentième Mai. Trois
taillons avec un Lieutenant Général ât
Un Brigadier, montèrent à la vérita*
ble attaque , & deux à- la faoffe, avec
un Maréchal de Camp. Ce qui fut coo>
tinué jufqu’à la prife de la Ville; Le
Comte d'Auvergne , comme le plue
anciee Lieuconaqt. C^nérid ».mpa(ta le
ptemiése
124 RE£AvTXOV
première garde^ Dès cette nuit , ov
avança le travail j.ufqu’à quatre «vingt
toifes du glacis. On travailla en même
tems avec tant de diligence aux bat*
teries » tant fur la hauteur de Bouge*
que de l’autre côté de la Meufe , que
les unes & les autres fe trouvèrent
bien tôt eâ état de tirer & de prea>
dre la fiipérlorité fur le Canon de la
Place;
- ' La nuit fuivante, le travail qu’oa*
avoit fait , fut perfeâionné.
La nuit du trente- unième Mai , on
travailla à s’étendre du côté de la Meu-
le pour reflerrer d’autant plus les AT-
Æégez f. & les empêcher de faire des-
Ibrties.
Le premier de Juin y on continua 1er
travaux à la fape , l’Artillerie ruinant
cependant les défenfes des Afliégex
qui étant vôs de front & à revers de
plufieurs endroits , n’ofoient déjà plus-
paroftre dans leurs Ouvrages.
La nuit du premier au deuxième*
Juin , on fe- logea fur un* avant chemin
«ouvert en deçà de l’avant folTé , que*
formoient les eaux- des ruifTeaux de
Wedrin & de Rifnes. On tira enfuite
ue ligne parallèle pour faire la com-
municatioiiL
I
DV SlE6£ DE Namdr. 115
inanication de toutes les attaques , &
on éleva de l’autre côté de la Meufe
fur le bord de l’eau , deux batteries
qui commencèrent à tirer dès la poin*
te du jour contre la branche du demi
ballion , & contre la muraille qui ré«
gnent le long de cette Rivière. Ce mê-
me jour , fur les huit heures du matin i
\e ^rquis de Boufflers fit attaquer le
Pauxbourg de Jambe que les Ennemis
occupoient encore , & s’en rendit maî-
tre. Sur le ^midi , l’avant fofle de la
porte de Saint Nicolas fe trouvant
comblé , & toutes chofes difpbfées
pour attaquer la Contrefcarpe , les Gar-
des Suifles & le Régiment de Stopa
de la même Nation , qui étoient de
tranchée foas le Marquis de Tilladet ,
Lieutenanp Général de jour , y mar-
chèrent l’épée à la main , & l’empor-
terent. lis prirent aufli une petite lu-
nette revêtue qui défendoit la contreA
cape ) & fe logèrent en très peu de
tems fur ces dehors , fans que les En-
nemis qui faifoient de leurs autres Ou-
vrages un fort grand feu , ofafTent faire
aucune tentative pour s’y établir. On
leur tua beaucoup de monde en cette
aélion.
Le
R s Z À TI & ir
Le fbir <ffi deuxième Juin ^ le "Mzx*
quis de Boufflers éuat de garde à la
tranchée , on s’aperçue que lus Affié-
gez atoient auffi abandonné une demi*
lune de terre qui couvroit la porte de
Saint Nicolas. Comme le foiTé n’ea
étoic pas fort profond » il fut bien tôc
comblé ; & quoique la demie lunç; fûc
fort expofée , & que les Ennemis ci*
raflent fans difeontinuer de dellus le
renjpart , on fe logea encore dans
cette demi • lune fans beaucoup de
perte.
Les batteries bafles de la Meufe con*
tinuoient cependant à battre en ruine
la branche du demi baflion & la mu*
^raille , qui écoient , comme j’ai dit
Je long de cette rivière. Comme fe&
eaux écoient alors alTez bafles , on s’étoic
flatté de pouvoir conduire une cran*
•chée le long d’une langue de terre »
qu’elle laiflbic à découvert au pied dis
rempart , & on auroit ainfl attaché
Lien tôt le Mineur au corps de la Pla*
ce. Mais la Meufe s’étant enflée tout*
à'coup par les grandes pluyes qui fur*
vinrent , & qui ne difeontinuérent pref^
que plus jufqu’à la fin du Siège , on fut
obligé d’abandoner ce deflein , & de
> . s’attacher
DU SiZGE DB N-AHOR. 127
s*attacher uniquement aux Ouvrages
que Ton avoit devant foi.
L’artillerie ne cefla pendant le troi»
iiéme & le quatrième Juin , de battre
en brèche la face & la branche du de*
mi baflion de la Meufe , & y fit enfin
une ouverture confîdérable. Les Afiié»
gez tèmoignoient à leur air beaucoup
de réfolution & travailloient même àfe
retrancher en- dedans. Mais on les
voyoit , qui dans la crainte vraifembla*
ment d’un afîaut , tranfportoient dans
le Château leurs munitions & leurs
meilleurs effets. A la fin , comme ils vi*
rent qu*on ètoit déjà logé fur la pointe
du demi baftion ; le cinquième dô jutfr"'
au matin le Duc de Bourbon étant de
jour , ik battirent tout à coup la cha*
made , & demandèrent à capituler.
Après quelques propofitioofs qui furent
rejettées par le Roi , on convint en*
tr 'autres articles ; Que- les foldats de la
Garhifon entreroient dans le Château
avec leurs familles & leurs effets : Qu’il
y auroit pour cela une trêve de deux
jours , & que pendant tout le refie du
Siège , on ne tireroii point ni de la Vil*
le fur le Château , ni du Château fur la
Ville , avec liberté aux deux partis de
rompre
xsS RziATroK
rompre ce dernier article lorfqu’ils Te
jugeroient à propos , en avertiffant
néanmoins qu’ils ne le vouloienc plu»
tenir.
La Capitulation lignée , le Régi-
ment des Gardes prit aufli-tôt poflef^
fion de la Porte de Saint Nicolas. Ain^
lî la fameufe Ville de Namur défem-
duë par neuf mille hommes de Gar-
nifon fut en fix jours d’attaques , rétif-
due à trois ou quatre Bataillons de
tranchée , ou , pour mieux dire , k
un feui bataillon; puifqu’il n’y en eut
jamais plus d'un à la tranchée le long
de la Meufe , qui fut celle par où lï
Place fut emportée. On peut même
remarquer qu’on n’eùt pas le tems de
perfeftionner les lignes de circonval-
lation , & qu’à peine on achevoit d’y
mettre la dernière main , que la Vil-
le étant prife l’on fut obligé de les ra>
fer , pour tranfporter les troupes de
l’autre côré de la Sarabre.
Pendant que la Ville capitoloit , otj
eut nouvelle qu’enfin les Alliez s’a-
vançoient tout de bon pour faire le*
ver le Siège. Au premier bruit que
le Roi étoit devant Namur , ils s’é-
toient hâtez d’unir enfemble toutes
leurs
I
BIT SlEGE JDI.N&MÜR. 12^
leurs forcés. Ils avoient dépécbé aux
Généraux Flemtning & Sereiaës > donc
le premier alîembloit les troupes de
Brandebourg aux environs d’Aix la*
Chapelle , & l’autre celles de Liège
dans le vniGnage de cette Ville, avec
ordre de les venir joindre ; & le Pria*
ce d’Orange avec l’Elefteur de Ba-
vière à la tête de l’Armée Confédé-
xée, ajant palTé le canal de Bruxel-
les , étoit venu camper à Dighom ,
puis à Lefdaël & à WoHêm , de là à
l’Abbaye du Parc & au Château
■ B Heverle près de Louvain. Il féjour-
na quelque tems dans ce derniet
Camp , ou pour donner le tems à toil-
es Tes forces de le joindre , ou n’o-
Cuit s’engager trop avant dans le pays
ni s’éloigner de la mer dans l’inquié-
tude où il étok de la defcente donc
l’Angleterre étoit menacée. Il apric
enfin que fa Flotte jointe à celle de
Hollande , faifant enfemble quatre-
vingt-dix Vailleaux de guerre , étoit
à la mer avec un vent favorable j ÔC
qu’au contraire le Comte de TourvU-
le n’ayant pû être; joint par les Efca-
dres du Comte d’Ëllrée. , du Ccanbe
de Chateauregnauc ,, t & du JHàfquis
t30 RssATIOIt
de ]a Porte , n'avoit que quarante*
quatre Vai/Teauz avec lefquels il
a’effoc^it d’entrer dans la Manche.
Alors voyant fe» affaires vraifembla*
blement en fûreté de ce côté • là ,
Il feignit de n’y plus fonger , & ne
parla plus que d’aller fecourir Na^
mur.
11 partit des environs de Lou-
'Vain le cinquième Juin , & vint
camper à Meldert de à Bavecbem.
11 campa le lendemain fixiéme aur
près de Hougaerde de de Tirleroont ;
le feptiéme entre- Orp & Momenac»
kem , au*delà de la rivière de Ghete ,
& enfin le huitième fur la grande chauf*
fée entre Thinnes dt Breff , à la Vâe
idu Maréchal de Luxembourg. La pri*
fe de la Ville ayant mis le Roi en
état de faire des dètachemens de foa
Armée , il avoit envoyé à ce Maré-
chal le Comte d’Auvergne de le Duc
■ de Villeroi , Lieutenans Généraux «
avec une partie des troupes qui fe
troùvoieot campées du côté du Brà*
bant.
- Four lui « la trêve qu’il avoit accor*
^dée aux Afliégez étant expirée, il a voie
<<pal£é de l’autre côté de la Sambre,
ave
su St£GB Sx NaMUA. 131
avec ce qui lui écoit reftë de troupes
au delà de cette rivière. C’étoit le fep*
tiéme de Juin qu’il quitta Ton premier
Camp pour eu venir prendre un autre
entre Sambre & Meufe dans la Forée
de Marlagne. Voici de quelle manié*
re ce nouveau Camp étoit dirpofé :
Le Quartier du Roi étoit auprès d’un
Convent de Carmes , qu’on apeloit le
De/èrt; il y avoit une ligne de trou*
MS qui s’étendoit depuis l’Abbaye de
Marlagne fur la Sambre , jufqu’au pont
conllruit fur la Meufe à Huépion : Une
autre ligne de dix Bataillons qui compo*
ibîent la Brigade du Régiment du Roi »
eut fonCamp marqué fur les hauteurs du
Château pour en occuper tout le front,
qui eft fort reOerré par les deux ri*
viéres , & pour rejetter ainli les £n«
Demis dans leurs Ouvnges. '.Mais il
D’étoic pas facile de les dépoAer de
ces hauteurs , ôe moins encore des re*
tranefaemens qu'ils y avoient-faits à la
&veur de quelques ra^ifoîis , & entr’au*
très d’un Hermitage ou’ils avoient
fortifié en forme de Redoute. Néan^
moins ia Brigade du Roi eut ordise
de les aller attaquer.
‘ Les troupes qui avoient crû ce jounii
I
13» Rblatiôm
là n’avoir autre chofe à Taire qu’à s’é-
tablir paifîblement dans leur nouveaa
Camp , & qui dans ce moment • là
portoient leurs tentes & leurs autre»
bardes fur leurs épaules , jettérenc
aulfi tôt à terre tout ce qui les em«
barralToit , pour ne garder que leurs
armes , & grimpant en bon ordre & '
fur un mSroe front , malgré l’extrême
roideur d’un terrain raboteux & iné«
gai , arrivèrent fur la crête de la mon*
tagne au travers d’une grêle de coups
de moufquet , que les Ennemis leur
tiroient avec tout l’avantage qu’oa
peut s’imaginer. Le foldat , quoique
tout hors d’haleine , renverfa leurs
polies avancez , & les pourfuivit juA
ques à une leconde hauteur , non
moins elcarpée que la première , où
leurs Bataillons étoient rangez en bor.,
ordre pour les foutenir. Mais rien nt
put arrêter la furie des François. Le >
Bataillons furent aulfi chalfez de ce fc
cond polie , & menez battant répé\
dans les reins jufques à leurs retran-
chemens , qui même couroient rifqu:.
d’être forcez , li le- Prince de Soub
ze t Lieutenant-Général de jour , & r.
Sieur , de Vaubag ^apelant les trow
' pes#
t 4
BV SiEGX DE NaMUK. X33
pes , De les euflent obligez de Te con*
tenter du pofte qu’elles avoient occu*
pé. Cette aâton , qui fut fort vive
& fort brillante dans toutes fes cir*
confiances , coûta à la Brigade du
Roi douze ou quinze Officiers , & quel*
ques cent ou fix vingts foldats , ou
tuez ou bleflez.
Aulli'tdt on travailla à fè bien éta*
bûir fur cette hauteur , & on y oa*
▼rit une tranchée , laquelle fut tous
les jours relevée par fept Bataillons.
Il ne fut pas poflibie les jours fuivans
d'avancer beaucoup le travail , tant
à caufe du terrain pierreux <k diffici-
le qu’on rencontra en plufieurs en-
droits , que des orages effroyables &
des pîujet continuelles qui rompirent
tous les chemins , & les mirent pref-
que hors d’état d’y pouvoir conduire
le canon. On ne put auili achever les
batteries qu'avec d'extrêmes difficul-
tez. Cependant les Affiégez profitèrent
peu de tous ces obllacles , 6c firent
feulement quelques forties fans aucun
effet.
Enfin le treiziéme Juin , les travaux
ayant été pouffez jufqu’aux retranche-
neos> il fut refelu de les attaquer.
g con*
134 RsIA T30M
contenance des -Ennemis qu’on
voyoit en bataille en pluGeurs endroits
derrière ces rctranchemens , & qui
«voient tout Pair de Te préparer à une
l’éGftance vigoureufe , obligea le Roi
de leur opofer fes meilleures troupes^
& de fe tranfporter lui-même fur la
hauteur pour régler Tordre de Tatta*
<gue.
Le fignal donné fur le midi , deux
cens Moufquetaires du Roi à la droi-
te , les Grenadiers à cheval à la gau>
che , & huit Compagnies de Grenat*
diers d’infanierie au milieu , marché*
renc aux £innemis l’épée à la main ,
foutenus des fept Bataillons de tran>
chée , & de dix de la Brigade du Roi,
qu’il avoit fait mettre en bataille fur
la hauteur à la tête de leur Camp. Les
AGiégez jufqu’alors fi fiers s’effrayè-
rent bien- tôt. Ils firent feulement leur
décharge , & abandonnant la Redou-
te & les retrahchemens , fe retirèrent
en defordre dans les chemins couverts
des Ouvrages qu’ils. avoient derrière
cu*« Ils perdirent plus de quatre cens
hommes , la plupart tuez de coups de
main , & entr’autres plufieurs Officiers.
& plufieurs gens de difiinâion. Les.
François
DO SiZOB OS NamÜR. . 135
François eurent quelque cent trente
bommes , & quarante tant Officiers
que JNiuufquetaires tutz ou b eOez.
Le Comte de Touloufe , Amiral de
France , jeune Prince âgé de quator*
ze ans , reçut une contuflon au bras
i côté du Roi , & pluOeurs perPonnes
de la Cour furent auffi bleflees autour
de lui. Le Duc de Bourbon qni étoic
Lieutenant Général de jour, donna Tes
ordres avec non moins de fageffie que
de valeur. Les troupes animées par
h prefence dû Roi , le. fignalérent b
l’envi l’une de l’autre les moindres
Grenadiers de l’Armée difputérenc
d'audace avec les Moufquetaires , de
l’aveu des Moufquetaires mêmes. On
accorda aux Affiégez une fufpennon
pour venir retirer leurs Morts. Mais
on ne lai fia pas pendant cette trêve
d’aiTurer le logeiQ^nt , & dans la re*
doute & dans tou^ les retranchemens
iqu’oD venoit d'etnpts^ter.
Entre ces retranchemens & là pre*
antére envelope du Chitea.u , nommée
par les Efpagnols Ytrra nova , on tton*
voit fur le côté de la montagne qui
defcend vers la Sambre , un Ouvrage
irrégulier que te Prince d’Orange avoir
g s fût
RïiAïioiî
fait conftruire J’année précédente, Sc
qu’on apeloit à caufe de cela le Fort»
neuf, ou le Fort-Guiilaume. 11 étoit
fttué de telle façon , que bien qu’il
parut moins élevé que les hauteurs
qu’on avoit gagnées , il n’en étoit
pourtant point commandé; & il fem«
bloit fe dérober & au canon & à la
vue des Aiïïégeans , à mefure qu’ils
s’en aprochoient. Ce fut de toutes les
Fortifications de la Place , celle dont
la prilè coûta le plus de teins & de
peine , à caufe de la grande quantité
de travaux qu’il ^Ilut faire pour l’em*
brafler.
La nuit qui fuivit l'attaque dont
nous venons de parler , le travail fut
avancé plus de cinq cens pas vers la
gorge de ce Fort. Le quatorzième on
s’étendit fur la droite , & l’on y dref*
fa deux batteries , tant contre le Fort*
neuf que contre le vieux Château. Ce
même jour les Afliégez abandonnèrent
ùne ihaifon retranchée qui leur relloit
encore fur la montagne , & ainfi oa
n’eut plus rien devant foi que les Ou*
yrages que je viens de dire.
Le quinziéme , les nouvelles batte*
fies démontésent prefque entièrement
Oü SiEQl DE NaKü'r* 137
le canon des AiSégez , mais elles ne
£renc que très -peu d’effet contre le
Fort-neuf.
1^ nuit fui vante on ouvrit au- def*
/us de l’Abbaye de Saizenne une nou-
velle tranchée pour embralTer Ce Fort
par la gauche , & le travail fut pouffé
en\nron quatre cens pas.
Pendant qu’on preffok avec cette
vigueur le Château de Natnur, le Prin-
ce d’Orange ècoit , comme j’ai dit
arrivé fur la Méhaigne. Il donna d’a-
bord toutes les marques d’un homme
qui vouloir paffer cette rivière , & at«
laquer l’Armée du Maréchal de Luxem-
bourg , pour s’ouvrir un chemin à
Namur. Plufieurs raifons ne laiffoienc
pas lieu de douter qu’il n’eût ce def-
fein ; Ton intérêt & celui de lès Alliez ,
l’état de Tes forces , fa réputation , à
laquelle la Mons avoir déjà
donné que^ue atteinte , en un mot ,
les vœux unanimes de Ton Parti , &
fur-tout les preffantes foliicitations de
l’Elefteur de Bavière , qui ne pouvoic
digérer l’affront de fe voir à Ton arri-
vée dans les Fais, bas , enlever I4
plus forte Place du Gouvernement qu’il
veooic d’accepter.
g 3 Ajou.
13$ Rxcation
Ajoutez à toutes ces raifons les bon-
nes nouvelles que les Alliez avoienc
reçues de la Bataille qui s’étoic don*
' fiée fur Mer. Car bien que le combat
n’eût pas été fort glorieuK pour les
Hollandois & pou^ les Angloîs , mais
fur ' tout pour ces derniers ; & qu’il
fût jufqu'alors inoüi qu’une Armée de
quatre-vingt dix VailTeaux , attaquée
par une autre de quarante • quatre »
n’eût fait , pour ainfi dire , que fou-
tenir le choc , fans pouvoir pendant
douze heures remporter aucun avait-
' tage : néanmoins , comme le vent en
féparant la Flotte de France , leur
avoit en quelque forte livré quinze de
fes Vaifibaux qui ayoienft été obligez
de fe faire échoüer , & où. iis avoieot
• mis le feu , il y avoit toute forte d’a-
parence que le Prince d’Orange faifi-
roit le moment où il fein*
bloit que la fortujiâ commençât à le
déclarer contre les François. Il recon*
nut donc en arrivant tons les environs
de la Méhaigne , fit fonder les guez»
pofla fon Infanterie dans les Villages
& dans tous les endroits qui pou-
voient favorîTer fbn paflage; & enfin
fit jetter une infinité de ponts fur cet-
te
' N
Dü SiiCfX ÔE'N'AMüa. ^13?
te rîvére. On remarqua pourtant aveç
/urprile , que dans le tems qu’il fai-
foit conflruire cette grande quantité
de ponts de bois , il failîMt démolir
tons les ponts de pierre qui fe troa*
▼oient fur la Méhaîgne.
Une autre circonïlance fit encore
mieux voir qu’il n’avoit pas- grande
envie de combattre. Le Roi qui ne
vouloit point qu’on engageât d’un
bord de rivière à l’autre , uû combat bCi
fa Cavalerie n’auroit point eu de part ,
manda au Duc de Luxembourg de fe
retirer un peu en arriére , '& de lail*
fer le paflage fibre aux Ennemis ; &
la chofe fut ainfi exécutée. C’étoit en
quelque chofe les défiier , & leur ou.-
vrir le champ -pour donner bataille
s’ils vonloient. Mais le Prince d’O-
range demeura toujours dans fon pre*
mier polie 5 tantôt s’excufant fur-lea
pluyes qui firent déborder la MéhaL
gne pendant deux jours ; tantôt pu»
bliant qu’il ferbit périr l’Àrmée du
Maréchal làns' là combattre , ou du
moins qu’il la réduiroic à décamper
faute defbbfillance. .
Il forma néanmoins un projet qui
auroic été de quelque éclat s’il eôt
g 4. réiUlL
.140 RblatioN
réüdi. Il détacha le Comte SerclaSs
de Tilly avec cinq oii fix miHe che-
vaux du côté de Huy. Ce Générxl
ayant pris encore dans cette Place
un détachement confidérab^e de I’Iq-
fanterie de la garnifon , pafia la Meu-
fe , qu’il fit remonter à fon Infante-
rie ) dans le deiTein de couper le pont
de batteaux qui étoit fous Nainur ,
& qui faifoit la communication de
Bos deux Armées. Lui cependant mar-
cha avec fà Cavalerie pour attaquer
le quartier du Marquis de Soufflera ,
. & brûler le pont de la haute • Meufe
avec toutes les munitions qui fe trou-
veroient fur le Port , & qu’on avoit
. fait defeendre par cette rivière. Le
Roi eut bien tôt avis de ce deffein. Il
fit fortifier la garde des ponts , & le
Quartier de Boufflers ; & ayant ra-
ptlé un corps de Cavalerie de l’Armée
du Maréchal , il fit fortir fes troupes
hors des lignes , & les rangea lui-mê-
me en bataille. Mais Serclaës qui en
eut je vent , retourna fort vite paffer
la Meufe , & alla rejoindre l’Armée
confédérée. ^
Le Prince d’Orange , après avoir
. demeuré inutilement quelques jours
fur
DU Su GE DE NaHU&. 141
fur la Méhaigne , en décampa touc*
à-coup y & remontant le long de cet*
te rivière jufqu es vers fa fource , vint
camper , fa droite à la Cenfe de Glinne,,
près du Village d*Afche, & fa gauche
au-delTus de celui de Branchon.
Le Maréchal de.Luxembourgquiob*
fervoit tous les mouvemens des Enne-
mis pour régler les Gens , ne les vit pas-
plutôt en marche que de fon côté il re»
monta audl la riviere , en tefe forte que
ces deux grandes Armées , féparées
feulement par un médiocre ruiffeàu ,
majchoient à la vue l’une de l’autre ,
éloignées feulement d’une demie por-
tée de canon. Celle de France campa
la droite à Henrech , îa gauche à Tera*
ploux, ayant à peu près dans ibn cen-
tre le Village de Saint Denis.
Le Prince d Orange fit encore en cet
endroit des démonfirations' de vouloir
décider du fort de Namur par une Ba-
taille. Il fit élargir les chemins qui
étoient entre les deux Armées , & en-
voya l’Eleveur de Bavière pour recon*-
noîtrelui-méroele Camp des François;
L’Elefteur paGà la rivière àTAhbaye dè-
Bonneffé , & fé mit en devoir d’obTer--^
ver l’Armée du Maréchal. Mais on ne-
fi s: ^
»42 R E L A T 1 0 H
lui lai (Ta pas le tems de fatisfaire fi
cariofîté, âc il fut obligé de repafler
fort brufquetnent la Mébaigne à l’apro>
che de quelques troupes de Carabi*
niers qu’on avoit détachez pour l’é»
loigner de la vue des lignes.
A dire vrai , le Maréchal ne fut pas
fâché d’ôter aux Ennemis la connoiflan.
ce de la dirpolition de Ton Camp , cou*
pé de plufieurs ruiflfeaux & de petits
marais qui rendoient la communication^
de fes deux Ailes fort difficile, & d'ail*
leurs commandé de la hauteur de S. De*
nis , d’où les Ennemis auroient pû in*
commoder de leur canon le centre de-
fon Armée , âe engager enfin dans un^
païs ferré & embarraiTé de bois , u»
combat particulier d’Lifànterle , où ils^
auroient en tout l’avantage du lieu. Le-
Roi qui fçut l’inquiétude où il étoit ,,
lui envoya propofer un autre polie ^
que le Maréchal alla reconnoître } &
il.Ie trouva fi avantageux , que fans at*
tendre de nouveaux ordres il y fit
auŒ'tSt marcher fon Armée. H n’àtten*
dit pas même fon Artillerie , dont les
chevaux le trouvoient alors au fbura*-
ge , & fe contenta de laifTer une pa»
tie de &D Iniwceile poor la garder.
U
IDIT SiB 6E DE NaMOR. I43
plaça fa gauche au Châteaù de MiU
mont , la couvrant du ruilTeau d’Âure*
naut , & étendit fa droite par Tem-
ploux âc par le Château de, la Falize ,
jufqu’auprès du ruüTeau de Wedrin ,
au delà duquel il jetta Ton corps -de ré-
ferve. De forte qu’il fe trouvoit tout
proche de l’Armée du Roi , & tout pro-
che aufli de la Sambre di de la Meule
dont il tiroit la fubridaDce de fa Cava-
: lerie , cou vroit eiltiérement la Place , &
réduifoit les Ennemisà venir l’attaquer
dans fon front par des plaines ouvertes
& propres à faire mouvoir fa Cavalerie
qui étoit fupérieure en toutes chofesà
celle des Ennemis.
Il fit en plein jour cette marche ,
Taas qu’i/s fè miffent en devoir de l’in-
quiéter , & lans qu’ils le prelentaffent
feulement pour charger fon arrière-
garde. Le Prince d’Orange- décampa-
quelques jours après II palfa le vingt-
deuxième de Juin le Bois dès Cinq-Etoi-
les ;& ayant fait faire à fes troupes une
extrême diligence ,, alla- fe porter la-
droite à SombrefFv&^ la'ganche pro-
che de Marbàis furîa -grande CHaulTée..
Cette démarche-,, qui le met, toit enj
état de pafleren un j$mr la Sambre pour:
g 6 tomber.*
144 R E l A T I O K.
tomber fur le Camp du Roi , auroîE
. pû donner de l’inquiétude à un Géné>
. ral moins vigilant & moins expérimen*
té. Mais comme il avait penfé de bon*
ne heure à tous les mouvemens que les
Ennemis pourroient faire pour l’inquié*
ter ,-il ne les vit pas plûtôt la tête tour*
née vers Sombreff , qu’il envoya le
Marquis de Boufilers avec un corps de
troupes dans le païs. d’entre Sarobre &
, Meufe Et après avoir fait teconnoîtse
les Plaines de Saint Gérard & de Fol»
fe , qui étoient les feuls chemins par
où ils auroient pû venir à lui, il ordon*
na à ce Marquis de le failir du poUe
d’Auveloy fur la Sambre. Il fit en mê-
^ me-tems jetter un pont lur cette rivia-
' re entre l’Abbaye dé FlotelF &. Jemep*
pe , vers l.’ernb.ouchûre du ruiflfeaa
. d’Aurenaut , ou la gauche du. Mare*
chai de Luxembourg étoit apuyée. Par
ce moyen il mettoit ce Général en.
état de palier aifément la Sambre dq»
que les Ennemis voudroient entrepren*
dre la même chofe du côté de Char*-
leroy & de Farfiennes. La feule chq*
fe qui étoit à craindre c’eft que le^
corps de troupes qu’il avok donné an
Marquis de BoufSlers », ne fût. pas fu(^
fifani
9V Sl&GE QK NlMtTB. I.
fifant .pour dirputer aux Ennemis
paflage de la Sambre , & que s'ils
tentoienc là près de lui , oa n’eût {
le tems de faire pafTer d’a>utre5 Trc
pes pour le fuutenir.
. Pour obv'ier à cet inconvénient ,
Maréchal eut ordre de lui envoyer f
corps de réferve , qui fut fuivi peu
tems après dés Brigades- d Infante
de Cbanapagtie & de Bourbonnois y
enfin de l’aîie droite de la fécondé
gne, commandée par le Ouc de Vt
dôme. Toutes ces troupes furent p
tées fur le bord de la Sambre, proc
des Ponts de Bâteaux , à portée ou
pafTer en très peu de tems dans les P
nés de FofTe. & de S. Gérard , ou
repa/lèr à l’Armée, du Maréchal ,
km le parti que prendraient les £n
mis.
Pendant ces. difFérens monvemi
dés Armées , les attaques du Chât(
de Namur fe cbntinuoLenc avec to
.la diligence que les pluyes pouvoi
•permettre, les Troupes, ne témoign
pas moins de patience, que de va!e
Depuis lefeiziéme de Juin , Les Alliéj
fe trouvoient extrêmement reflèr
daûs le Fortmetif . où ils commençpi
*4(î REK-ATrO-W
même d’être envelopez. Le matin dw
dis - feptiéine , ils firent une forcie de
quatre cens hommes de Troupes EL
pagnoles & de Brandebourg furj’aitao
que gauche, & y cauférent quelque
defordre. Mais les Suifles qui y êtoient
de garde les repouflérent auffi*tôt , &
rétablirent en très peu de teras le tra-
vail. Il y eut quarante ou cinquante
hommes tuez de part & d’autre. Le
'dix - huitième & le dix • neuvième, les
•coramunica'ions du Fort . neuf avec le
'Château, furent prefque entièrement
■ètées aux Afliégez, & leur Artillerie
renduë'inutile ; & enfet le vingtième,
toutes les communications des tran*
chées étant achevées , on fe vit en état
d’attaquer tout à la fois, & le Fort &
le Château. Mais comme vraifemblable-
mens , on y auroit perdu beaucoup de
inonde , le Roi voulut que les chofe»
‘fe fiffent plus rarement. Ainfi on em-
ploya toute la nuit du vingtième &
le jour fuivant , à élargir & à perféc-
'tionner les travaux. Et le foir du
■vingt unième, toutes chofes étant
prêtes pour l’attaque , on réfolut de la
■feire , mais feulement: au * dehors de
TOuvnge neofs
Huit
00 S^riGB DS ITahoiu ht
Huit Compagnies de Grenadiers-
eotàmandëes > avec les fept des Batail--
k>ns de la tranchée , commencèrent fur
ks fis heures à occuper tous les boïaux
qui envelopoient les deux Ouvrages.
Le Duc de Bourbon fe trouvoit encore
à cette attaque , Lieutenant • Général
de jour, fe croyant ;fbrt obligé 13'
fortune de ce qu'en un même Siège»
elle lui donnoit tant d’occafîons de
s’expofer. Le lignai donné un pet»
avant la nuit , il fit avançer les déta^
eheroens foutenus des corps entiers. Il»
marchèrent en même teras au premier
chemin-couvert ; &, en ayant chaflé iea
Afdégex , les forcèrent encore dans le
fiïcond , & le folTé n’étant par fort
profond , les pourfuivirent jufqu’ao"
corps de TOuvrage » dans lequel même
quelques Soldats étant montez par une-
fort petite brèche, les Ennemis bat»
ûrent à l’inlbant la chamade , -& leura
étages furent envoyez au Roji. Maie
pendant qu’ils faifoient leur Capitula*
tion-, on ne laifia pas de travailler
dans les dehors de l’Ouvrage,. & d’y
commencer des logemens contre lé:
Château^
JLe Jendenuîa ils lotirent du Fort ;
I4S R s t A T I O 9
au nomtxre de quatre-vingt Officiera
& de quinze cens cinquante Soldats
en cinq Régimens , pour être conduit»
à Gand. De ce nombre étoit un Ingé-
nieur Hollandois, nommé Cohorne,
fur les defleins duquefle Fort avoit été-
conflruit , & H en fortit bleffé d’un
éclat de bombe. Quelques Officiers des
Ennemis demandèrent à encrer dans le
vieux Château pour y fervir encore
jLifqu'à la fin du Siège. Mars cette per-
milîîon ne fut accordée qu’au feul Witn-
berg qui commandoit les Troupes Hofc»
tandoifes.
Le Fort Guillaume pris , on donna
Un peu plus de relâche aux Troupes-,
'& fa tranchée ne fut plus relevée que
par quatre Bataillons. Mais leChâteaq
n’en fut pas moins vivement prelTè ,
& les attaques allèrent fort vîte , n’é-
tant plus inquiétées par aucune diver»
fibn.
. Dès le vingt troifîéme on'éieva dans
la gorge du Fort neuf , des batteries de
Bombes & de Canon.
Le vingt quatrième & Té vingt- cin-
quième, on embrafla tout le front de
FOuvrage à- cornes,: qui failbit, com-
iuej[*ài dû> la pcemiéie envelope du
' Château;
s.
SD SiEGE SI NaMCR. 145^
Château ; & on acheva la communica*
tion de la tranchée qu’on avoit con-
duite par la droite \ fur la hauteur qui
regarde la Meufe , avec la tranchée
qui regardoit la gauche du côté de la
Sambre. Le Roi al'a le vingt-cinquiè-
me vilîter le Fort neuf & les travaux.
Comme il avoit remarqué que fa pre>
fence Tes avançoic extrêmement , il fie
ia même chofe prefque tous les jours
fuivans , malgré les incommoditéz du •
tems & l’extrême difficulté des che-
mins, s’expofant non • feulement au
moufquet des Ennemis , mais encore
aux éclats de fes propres Bombes qui
retomboient fouvent de leurs Ouvra-
ges avec violence , qui tuèrent ou
blc/Térent plufieurs perfonnes à fes cô-
tez & derrière lui.
Le vingt • lixiéme , les fapes furent
pouflees jufqu’au pied de la paliiïade
du premier chemin couvert. A mefure
qu’on s’aproeboit, ia tranchée devenoic
plus dangereufe, à caufe des Bombes &
des Grenades que les Ennemis y fai-
ibiem rouler à toute heure , fur-tout dn
côté du fond qui alloit tomber vers ia
Sambre, & qui féparoit les deux Forts.
Le vingt • fepiiéme, les travaux fu-
ient
150 Rblat.ion
renc perfeftiotinez. On drefla deirx
nouvelles batteries pour achever dé
fuïner les défenfes des Ailiégtz, pen>
dant que les autres battoient en ruïne
les pointes & les faces des deux demi*
basions de TOuvrage : & on-difpofa
enfin toutes cbofes pour attaquer à la
fois tous leurs dehors. Tant d’attaques
qui fe fuccédoient de fi près , auroient
dû , ce femble , lafier la valeur des
Troupes ; mais plus elles fatigooient ,
plus il fembloit qu’elles redoublafient
de vigueur : & en efiêt , cette dernière
aâion ne -fut pas la moins hardie , ni
la moins éclatante de tout le Siège.
Le Roi voulut encore y être prefent»
& fe plaça entre les deux Ouvra'*
' ges. Ainfi le vingt • huitième à midi ,
le fignal donné par trois falves de Bom*
bes , neuf Compagnies de Grenadiers
commandées , avec quatre des fiataib
Ions de tranchée , marchèrent avec
leur bravoure ordinaire , l’épée à la
main , aux chemins couverts des Affié-
gez. Le premier de ces chemins fe
trouvant prefque abandonné , elles pafi
férent au fécond làns s’arrêter ^ tuèrent
tout ce qui dfa les attendre, & po«r-
fiiivirent te cefile julqu’à un fous ter»
rata '
DO SlEG£ SE NaXSS. I5I
rain qui les déroba à leur furie. Lef
Ennemis ainfi chalTez, reparurent en
grand nombre fur les brèches , quel-
ques-uns même avec l’épée &le boa*
cher , & s’eflForcéfent à force de Grena-
des & de coups de Moufquec, de pren-
dre leur revanche fur nos Travailleurs.
Cependant quelques Grenadiers de la
Compagnie de- Saillant du Régiment
des Gardes , ayant été commandez pour
reconnoître la brèche qui écoit ao de-
mi- baltion gauche, ils montèrent juf-
qu’en haut avec beaucoup de réfbla-
lion. Il y en eut un entr’autres qui ÿ
demeura fort long • tems , & y rechar-
gea plufieurs fois fon fufîl, avec une in-
trépidité qui fut admirée de tout le
monde. Mais la brèche fe trouvant
encore trop efcarpée, on fe contenta
de fe loger dans les chemins couverts,,
dans la contre garde du demi ballioa
gauche, dans une lunette qui étoit ai»,
milieu de la Courtine , vis • à • vis di»
chemin fous - terrain ; & en un^ mot ,
dans tous les dehors. La perte des Af-
fîègez monta à quelques trois cens hom-
mes , partiq tuez dans les dehors , par-
tie accablez par les Bombes dans l’Ou-
vrage même. Les Afilégeans n’eurent:
guère
15» Relation.
guère moins dé deux ou de trois cens y
tant Oi^ciers que Soldats , tuez oa
blelTez , la plupart après Taéliion , &
pendant qu’on travaiîloit à fe loger.
Peu de tems api ès , les Sapeurs firent
h dèfcente du foffé. Et dès le foir , les
Mineurs furent attachez en plufieurs
endroits , & on fe mit en état de faire
fauter tout à la fois les deux demi baf*
tions , la Courtine qui les joignoit , &
la branche qui regardoit le Fort neuf; &
de donner un afiaut géne'rah
Néanmoins , comme on lé tenoic
alors fûr d’emporter la Place , on ré-
folut de ne faire jouer qu'à la dernière
.extrémité les fourneaux, qui^ en ou»
vrant entièrement le Rempart, auroient
obligé à y faire de fort grandes répa>
.rations. On efpéra qu’il fuffiroit que le
Canon élargit les brèches qu’il avoit
déjà faites aux deux faces & aux poin<
tes des demi ballions ; & c’ed à quoi
on travailla le vingt neuA'iéme.
La nuit du trentième, le fieur de Ru-
bentel , Lieutenant Général de jour ,
fit monter fans bruit au haut de labré*
chèdu demi baftion gauche, quelques
Grenadiers du Régiment Dauphin ,
pour épier la contenance des Ennemis.
Ces
t)V SiZGE DE N'aMDX. 153
\
Ces foldats ayant remarqué qu’ils n’é-
toieot pas fort fur leurs gardes , &
qu’ils s’éioient même retirez au*dedans
de l’Ouvrage , apelérent quelques autres
de leurs camarades , qui étant aufC tôt
montez , ils chargèrent avec de grands
cris les Âffiégez , & s’emparèrent d’un
retranchement qu’ils avoient commeO'*
cé à la gorge du demi baflion , où iis
commencèrent à fe retrancher eux>
mêmes. Ceux des Ennemis qui gar<
doient le demi baflion de la droite ;
voyant les François dans l’Ouvrage,
& craignant d’être coupez , cherché»
rent comme les autres leur falut dans
]a fuite , & laifTèrent les Âfïiègeàns en»
tièrement maîtres de cette première
envelope. Il refloit encore deux autres
Ouvrages à peu près de même efpéce ,
non moins difficiles à attaquer que les
premiers , & qui avoient de grands fof>
fez très > profonds '& taillez dans le
Roc. Derrière tout cela , on trouvoit
Je corps du Château , capable lui feul
d’arrêter long tems on Ennemi , & de
lui faire acheter bien cher les derniers
pas qui lui refleroient à faire.
Mais le Gouverneur qui vit fa gap>
iiifoû intimidée , tant par le feu contip
. nuel
I
154 Relation
nuel des Bombes & du Canon , qaé
par la valeur infatigable des AlTiégeans,
reconnoilTanc d’ailleurs le pêu de fonds
qu'il y avoit à faire fur les vaines pro*
snefles de fecours dont le Prince d'O*
range l’entretenoit depuis un mois ,
De longea plus qu’à faire fa compofi*
tion à des conditions honorables , &
demanda à capituler.
Le Roi accorda fans peine toutes
les marques d’honneur qu on lui de>
mandat & dès ce jour, une porte fut
livrée à fes Troupes. Le lendemain
premier jour de juillet, la Garnifon
ïbrtit , partie par la brèche qu'on ac*
commoda exprès pour leur en faciliter
la defcente , partie par la porte , vis*
-à'vis du Fort neuf Elle ètoit d’environ
«leux mille cinq cens hommes , en don*
se Régimens d Infanterie , un de Ca-
valerie , & quelques Compagnies fran*
-ches de Dragons , lefquels joints aux
feizecens qui fortirent du Fort neuf,
Caifoient le refte des neuf mille deux
cens hommes , qui , comme j'ai dh , fe
troovoient dans la Place au commence*
ment-du Siège. Ils prétendaient qu’ils
en avoiept' perdu huit ou neuf cens
par la defertion , toue le reRe avoir
• X r *
/
90 SlEOl DE Na«OR. 155
péri par l’Artillerie > ou dans les atta-
ques.
Quelques jours avant que les Allié*
gez baitilTent la chamade , le'< Confé-
dérés étoient partis tout* à -coup de
Sumbreffÿ & au lieu de faire un der-
nier effort , (înon pour fauver la Place,
au moins pour fauver leur réputation ,
ils avoient en quelque forte tourné le
dos à Namur , & étoient allez cam-
per dans la Plaine de Brunehaut , la
droite à Fleura , & la gauche du côté
de Frafoe & de Liberchies. Pendant
le féjour qu'ils y firent , le Prince d’O*
range ne s'étoit apliqué qu'à ruiner les
environs de Char'eroi , comme fi dès»
lors il n'avoit plus penfe' qu’à empê-
cher le Roi de pafier à de nouvelles
Conquêtes.
Enfin le foir dudernter jour de Juin,
ils aprirenc par trois falves de l’Armée
du Maréchal de 'Luxembourg , & de
Celle du Marquis de Boufflers , la trille
nouvelle que Namur étoit rendu. Ils
CD tombèrent dans une conflernation
qui les rendit comme immobiles du-
rant piufieurs jours ; jufques-là que le
Maréchal de LuxeGohourg s’écant rais
tS6 RirATioM
en devoir de repaHèr ia Satnbre , ils
ne rongèrent ni à Je troubler dans fk
marche, ni à le charger dans fa re>
traite. Il Vint donc tranquiietnent le
poiler dans la Plaine de S. Gérard ,
tant pour f avori fer les réparations .les
plus preflantes de la Place , & les re-
mifes d’Artillerie , de munitions &
de vivres qu’il y falloir jetter , que
pour donner aux Troupes fatiguées
par des mouvemens continuels , par
Te mauvais tems , & par une allez Ion*
gue difette de toutes choies , les moyens
de fe rétablir.
Le Roi employa les deux jours qui
fuivirent la reddition du Château , à
donner tous les ordres néceUaires pour
la fureté d’une fi importance Conqué- "
te. Il en vifita tous les Ouvrages , &
en ordonna les réparations. Il alla trou*
ver à Floreft le Maréchal de Luxem-
bourg, qu’il laifibit avec une puilTante
Armée dans les Païs fias , & lui ex-
pliqua lés intentions pour le relie de
la Campagne. Il détacha différens corps
pour rÂllemagne , & pour alTurer lès
Frontières de Flandres & de Luxem*
bourg. Il avok déjà quelques quarante
Efeadrons
PREMIER RECUEIL.
L E TT R E S
!
Eorices dans fa jeanelTe i
quelques Amis.
A M. LE VASSEUR.
Tans te 5 Septembre z 660.
][ j’Odeefl faite, ( i ) & jePai don^
zvée à M. Vicarc pour la. faire voir à
M. Chapelain. S'il n’étoit point G tard,
j’en fêirois uiie autrecopie pour vous; .
znais il eft dix heures w foir, & d’ail*
leurs je crains furieulèment le chagrin
où vous met votre maladie,d^ qui vous
f r ) L*Ode •iofSfafée U ffrmfbê ét UStétie» M* V|«
tan (bn Onde U pona à dtapclain Ce M. le Vaf-
iêoi • lî mâiBe ami alon de mon fefe » 6e ent îMtt
da même âge , étoic un finit de. M* VicaMa
Terne L A
, 1. * T T * B « .
:rendFoit peut* être allèz difficile «pow
me rien trouver de bon danstnon Ode.
Cela m’enibarrafTeroit , •& Pautorité
I oue vous avez fur moi pourroic pro*
Itduire en cette rencontretm auffi mau>
j rvais. effet qu’elle en produit de bons
en toutes les autres. Néanmoins corn?
me il y a efpérance j]ue cette maladie
me durera pas,je vous enverrai demam
mne Copie. Je erains encore que vos
motes ne viennent tard.
^Quoiqu’il en foît , je vais vousecrî-
ire par avance une Stance & demie.
Cem’eff pas que je les croïe les plus bel-
les ;mais c’elc qu’elles font fur l’entrée
4le la Reine.
*
#
X * ) fài&itlïeau voir en cefupcf-
bejour^ *
^îi fut im char conduit par la Paix Sc TA^
mour J
Votre illttfire beauté triompha fur mes rivesf
ï*e$difcords après vous fewyoient encfaal-
4iés.
( I ^ Quoiqu'il paroillc fi content de ces vers. Une
..donfeivs pas les preoders- On lui eritiwa apsiem-
Inent V/ difcfrdi^ mot qn\ lui plaifbir , oc par Ieqii4
44 vouloitiniitei MaUieibe. la Suncerfit&vaiitc cftttUe
ihbfifie aii/(HU(l4iai*
]> B- R â C I N B.
Mais hélas 1 que d’ames captivei
yîtentanffi leurs cœurs en triomphe menés I
Tout i’or dont fe vante le Tage »
Tout ce que l’Inde fut fes bord*
Vit jamais briller de tréforSf
Sembloit être fur mon rivages
Qu’étoit^e tout^is de ce grand aparei!,'
Dès qu’on Jettoh les yeux fur féclat non-
pareil ,
Dont vos feulesbeautésvousavoient entou-
rées » • •
Je ffais bien-que Junon parut moins belle
aux Dieux
Etmoins digne d’être adorée,
Loifqtfen nouveUe Reine, eOe entra dan*
les Cieoz.
k* trouverez - vous d’autre*
Strophe* , qui ne vous paroftrom pas
nom* belles.
Je ne fçai Û vous avez connoilTance
ï L®***’®» font un grand
VÛ& , mais en des maini
dont je ne pouvois les tirer. On craint
i Paris quelque chofe de plus fort
«
L E f T E S-
AU M £ S M E.
*
U i Stfumbre i:6tfo.
• 9
JE vous envoyé mon Sonnet > f i }
c^eft-à-dire on nouveau Sonnet. Car
je l’ai tellement ebangé hier au foir,
que vous le méconnoîtrez. Mais je
crois que vousne l’en apr-ouvèrez pat
moins. £n eâTetcequi le rendtn^con-
noiflable , e(l ce qui vous le-doit rendre
plus agréable, puifque je ne l’ai fi défi*
gu ré que pour le rendre plus beau , Sc
plut conforme aux régies que vous me
prefcrivites hier , ^i lènt les r^les
mêmes du Sonnet. Vous ti'oovlez
étrange que la fin fut une iùite fi dif*.
férente du commencement. Cela me
choquoit fie même que vous. Car les
t’oè’tes ont cela des hypocrites , qu’üs
défendent toujours ce qu’ils font , mais
(t) Il il eir nkéme tent Je Sonnet , .que j’«
Mté dans fa vie, & qti’ü apelle dans la Xettieiui-
tance , fon trifii ^ caiife des rdpiimaod^s qui
lui vinrent de Pon-Rc^ai j iorfqu'oii 7 apdt
laUpit dcsITciS*
/
V B Rie r N "B. ^ 1
(foe leur confcience ue les laifle jamais
en repos. J’avojs bien reconnu ( t ^
ce défaut « quoiçpie je fifife tout mon
poflibie pour montrer, que ce n’en
étoic pas .un : la forcé de vos raifoos
étant ajQÛtée àeeUedema confckocê
a achevé de me convamcre.|e me fuis
rangé à la raifmi , St j'y ai auffi rangé*
mon Sonnet. J'en ai c^ngélapointe*
ce qui eft le plus confidérabledans ces
ouvrages^ J’alfak comme un nouveau
Sonnet; ma confcience ne metreprq*
che .plus rien , & j’en {M’ens on affez
bon augure. Je fouhaite qu’il vous fa*
tisfafle de mlnàe.
J’ai lû tonte la Callipédie , ^ a ) & Je
Fai admirée.11 mefénkue cp»’on nepeue
Caire déplus beaux Vers Latins. Bal>^
zacdiroit qu’ilsfentent tout-à-fait l’an*
cienne Rome« & la Cour d’Aogufte)&
que le Cardinal du Perron les aurott
lûs de bon cœur. Pour moi>qui ne ^aié
pas fî bien quel étok le gôûtde ce Car-
dinal , & qui m’én foucie fort peu , Je
me contente de vous dire mon fenti*
( 1 j Le Sonnet paroit bien ItMivxage d*ùn.tièi-{eanc
WniJiie} maii cette léfiexioBÛ JoÛe eft. tctùUwMif
un Poète fi jeune.*
Fomc LtôncompofdptfQgillet.
A s
C L K r r R t 9
ment. Vous trouverez dans cette Le^>
•'■.s^tre plufîeurs ratures ; mais vous les de*
|Vez pardonner à un homme qui fort
)àe table. Vous fçavez que ce ir’eft pas
Me tems le plus propre pour concevoir
les chofes bien nettement je puis
dire avec autant de raifon que l’Auteur
•de la Callipédie, qu’il ne faut pas le
mettre k travailler ûtôt aiurès le repas.
« •'
Nttninim crudam £ ad Itea cnbil» portas
Ffitdiceniyicc.
Mais il ne m’importe de quelle
fcon je vous écrive , ponrvô que j’aïe
*je plaifîr de vous entretenir ; de même
qu’il me feroit bien difficile d’attendre
après la digellion de mon foôper , fi je
me trouvois à la première nuit de mes
nôces. Je ne fuis pas alTez patient pour
obferver tant de formalités cela efl;
pitoyable de fe priver d’un entretien
pour trois ou quatre ratures. Mais M.
• Vitart monte à cheval , & il faut que
je parte avec lui; je vous écrirai plus
I au long une autrefois. P^aU & vive» •'
I
» H KkCTTÜ.'t^ Y)
A U M E s M E.
*
* f
jt Tsm U Septmin i66o»-
Pourquoi ne voulez-vourphis me
venir voir, é; aimez-vous mieux
ne parler par Lettres 9 NIeibce point
que vous vous imaginez que vous en=
aurez plus d'autorité fur moi , & que
vous enconférverez mieux la majeilii^:
de l’Empire ? iloghKjno revenir
«MfcCroyeznoi ,^^Monfieur,)l n’eil pas
be(bin-ae cette politique ; vos raifons^
font trop bonnes d’elles>inémes , fans
^reapoyéesdeces fecoors étrangers.-
'Votre prefence me fèroit plus utile-
que votre abfence, car l’Ode étant
prefque imprimée , vos avis arrive*
ront trop tard.
Elle a été montrée à M. Chapelain;
il a marqué quelques cbangemens à
faire , je les ai faits , & j’étois trés-em*
barraifé pour fçavoir fi ces change*-
mens n'étoient point eux * mêmes à
changer. Je ne Içavois à qui m’adref-
iêr. M. Vitart eft rarement capable de
donner fon attention à quelque choiè.
s L E T T il B ar
M. l’Avocat n’en donne pas beaucoup
non plus à ces fortes de chofes. Il aime
mieux ne voir jamais une pi^e » quel*
que belle qu’elle foit , que de la voir
une féconde fois , fi Ûen que j'étois
prés de confulter , comme Malherbe ,
une vieille fervante , fi je ne m’étois
uperçû qu’elle efl; Janfénifte comme
ifon maître , & qu’elle pourroit me dé-
celer, (x ) ce qui feroit ma ruïneen-
tiére: vû que je reçois encore tous les
jours lettres fur lettres , ou pour mieux
dire , excommunications rar excom-
munications , à caufe de mon trifie
Sonnet. Ainfi j’ai été obligé de m’en
raporter à moi féuj de la bonté de mes
Vers. Voyez combien votre prefence
nfauroit fait de bien;mais puifqu’il a’j
a plus de remède, il faut que je vous
rende compte de ce qui s’efl palTé. Je
. ne fçais fi vous vous y interreUèz,mais
je fois fi accoutumé à vous faire part
de mes fortunes , bonnes ou mauvai-
fes, que je vous punirois moins que
moi-même , en vous les taifant.
M. Chapelain a donc reçû l'Ode avec
(t) Cet endroit fait cohnoitxe combien il ctaignoit
ét déplaire à Fort-Royal , où Ton ac voiüoit poiac
lü de Ycia.
X» s R A C 1 N E. 9
la plus grande bonté du monde : touc
malade qu’il étoh , il fa retenuè' trois
jours , & a fait 'des remarques par
écrit^que j’ai fort bien fuivies» M. V>
tart n’a- jamais..ét'é fî ailé qu’après cec«
te viGce il me peaia confondre de re-
proches , à caufequeje-me plaignois
de la longueur de M. Chapelain. Je
Toudrois que vous éuilîez vû la cha-
leur & l’éloquence avec laquelle il me
querella. Cela foit dit en paffant^.
Au (brtir.dê chez -M> Chapelain , â
alfa voir .M; Perrault , contre notre
defTein , comme .vous fçavezcil ne s’en
pût empêcher , & je n’en fuis pas mar-
ri à prefent. M. Perrault hii dît auilr
de fort bonnes chofes i qu’il itdt par
écrit, & que j-’ai encore toutes fitivies^
à uncou deax près , ou je ne fuivroi»
pas Apollon lui -même. ( i) C’eft la
comparaifon de Venus ot de Mari
qu’il recule, à eaulè que Venus eft une
Erollituée. Mais vous-fâvez que quand-
» Poètes parlent des Dieux , ils les
. trmttest en Divinités , & par ceinré>
qpent comme des &res parfaits, p
CiyOfAtiquc docile qu'il f&t , t^avOit, JaUOB d#
M ftâ- i*difc. cène ctittquc pitoj>btot
A s
XO L. B T T R E t
n’ayant même jamais parlé de leurs
crimes , comme s’ils euflent été des
crimes , car aucun ne s’eft avifé de re*
procher àjupiter & à Ven us leurs adul>
I tères , & fi cela étoit,il ne faudroit plus
introduire Tes Dieux dans la Poè'fie, vû
qu’à regarder leurs aélions , il n’y en a
pas un qui ne méritât d’être brûlé , fi
on leur faifoit bonne juftice.
Mais en un mot, j’ai pour moi Mal>
herbe , qui a comparé ta Reine Marie
'à Venus , dans quatre Vers aufli beaux
qu’ils me font avantageux , puifqu’U
y parie de l’amour de Venus.
t Telle n’eli point la Cytiierée »
. Quand d’un nouveau feu s’allumant
l' Elle fort pompeufeûc parée
4 Pour la conquête d’un Amant
Voilà ce qui regarde leur cenfure.’je
ne. vous dirai rien de leur aprobation., -
linon que M. Perrault a dit que l’Ode
étoit très-bonne , & voici les paroles
4e M. Chapelain » ( i ) que je vous
( t ) Ohapcbia était «lots le fouveiain Juge du Pit-
mSIi : lamais PoSte vivant n’a été en fi gunde tUC*
Mfion. V faaaf^ tfiviw «MM, i
D E R A G 1 N E. n
raporterai comme le texte de l’Evan-
gile , fans y rien changer. Mais auffi
c'ejiM. comme difpit à cha*
quemot'M. Vitart. VOde efijm belU,
fin pdetifue y (^ily abeancoHodeStapees
y<r/ »e féuvent Sn-emieH». Si Te» repitffe
le peu d endroits que fai murquéty on en
féru une fin belle pièce. 11 a tant preffé
M. Vitart de lui en nommer l’Auteur^
que M. Vitart veut à toute force me
mener chez-lui. Il veut qu’il me voïe.\
Cette vjë njiira bien lans^ute JlJ.’sI; i
time qu’il a pû concevoir de moi, j
Ce qu^il y a eu 3e plus confidérable à
changer y ç’à été une Stance entière ^ .
qui eft celle des Tritons. Il s’eft trour
vé que les Tritons n’a voient jamaia
logé dans les fleuves , mais feulement
dans la mer. Je les ai fouhaité bien
des fois noyés tous tant qu’ils font ^
pour la peine qu’ils m’ont donnée.'
J’ai donc refait' uni autre Stance.
lais P0t che du tutti i loti ho pieu» if fi^
gl» y adieu. Je fuis , &c.
A6
A U M £ s M E.
^Bahjiotu i6 jMvifr. i6Si,
JE fais que M. l’Avocat vous pro»
pofa hier de me venir voir ; & que
cette propoHiion vous effraya. Vous
n’êtes pas d’humeur à quitter les Da>
mes , pour aller voir des prifonniers.
”Dieu vous garde de l’être jamais. Je
0ure par toutes les divinitez qui préu«
fdent aux prifons ( je crois qu’il n’y en
a point d’autres que la Juffice , ou
Thémis en ternies de Poètes ) je jure .
donc par Thémis , que je n’aurai ja«
mais le moindre mouvement de pitië
pour vous., & que je me changerai
en pierre , comme Niobé , pour être
auffi dur pour vous , que vous l’avez
été pour moi ; aqlîe.u que M. l’Avo»
cat ne fera pas plutôt dans un des
plus noirs cachots de la fiaftille ( car
^ i; 1i étoit aloft à Clicvrealè , comme îCvl*ai dit
dans fa Vie 9 & il date de Babylone par plailànienc »
aottc faire entendre qa*ü y eft captif, èe Qii*il a*y emiaic
Siuai foe Ici Jnif«i*ciifioyoieAt à Babjlottc«
I
D B Racine. xs
un homme de (à confëc^uence ne fau-
f oit jamais être prifonnier que d'Etat^
il n’y fera pas plutôt , eu vérité , que
l’irai m’entermer avec lui : & croyez
que ma r econooiflance ira de pùr avec
mon reilèmiment.
Vous vous attendez peut être que
je m’en vais vous dire que je m*en<i
ouïe beaucoup à Babylone , & que je’
vous dois reciter les lamentations qu^!
Jéremie y a autrefois compofées.
Msûs je ne veux pas vous faire pitiés
puilque vous n’en avez pas déjà eûê
pour moi ; je veux vous braver au
contraire , & vous monter que je
pafle fort bien mon tems. Je vais au
cabaret (_ i ) deux Ou trois fois le jour.
Je commande à des Matons » à dea
vitriers , & à des MenuiOers , qui
m’obéilTent affez exa6iement , & me
demandent de quoi boire. Je fuis dans
la chambre d’un Duc & Pair ; voilà
pour ce qui regarde le fade : car dans
un quartier comme celui-ci , oàil n’y
a que dés gueux , c’efl grandeur que
(9) CéicU 4u caùict , coiaaio^
fin Jm»
/
*
t4 L fe T T R E- S ■
d’aller au cabaret. Tout le inonde n’jT
peut aller;
J’ai des divertifièmens plus fotides,
quoiqu’ils paroilFent moins ; je goûte
tous les plaifîrs dè la vie folitaire : je
. fuis tout feul » & je n’entens pas le
^moindre bruit : il eu vrai que le vent
f en fait beaucoup, & même jufqu’à faU
I re trembler la maifon j mais il y a un
* Poète qui dit :
P quàm-jucundum efi recubantem andire
' fufurios
yentorum , Sc fonmos imbre juvante »
fequil
» • •
4
Ainii,n je vouIois,je tirerois ce vent à
non aA^antage ; mais je vous aflÛre
qu’il m’empêche de dormir toute la
nuit , & je crois que le Poète vouloit
parler de cea Zepbirs i^atteurs ^
‘ -4 ■
: Che debattendo Fali
Lufingano il fonno demortali.
* 4 * -
" 9 *
Je lis des Vers , je tâche d’en faire; je
lis les aventures del’Ariolle, &jene
iÇiia pas mo>roême fansRventure.Uoe
l)ame me prit hier pour un Sei^tikU
OK RaCIMI. Z5
Venez me voir, nous irons au cabaret
enfêmble ; on vous prendra pour uqi
Commiilaire y & nous ferons trembler -
tout Je quartier, faites ce que vous
voudrez , mais ne faites rien par pitié,
car je ne vous en demanoe pas le
moins du monde.
AU MESME.
VOas vous êtes&ic, Monfieur, un
terrible ennenii. M. de la Charles
commença hier contre vous une ha* «
Tangue qui ne finira qu'avec fa vie , fi l
vous n’y donnez ordre , & que vous 1
ne lui fermiez la bouche , par une Let* ’
tre d’excufes , qui falle le même effet
que cette miche dont Enée remplit 1|
triple gueule de Cerbere. Pour moi dés
que je Je vis commencer , je n’âtten-
dis pas que l’exorde de la Harangue ^
fût fini ; je crus que le feul parti que je
devois prendre,c’étoît de m’enfuïr, eü
difant , MonÇinrM raifcn . pour ne pat
tomber dans cet inconvénient où mé
L B T T s B «
rfettftMitrefaM ledur elTai de fa mear«
prière éloquence.
à l’Hôtel de Babylone q|uand
M. l’Avocat y apporta vos Leures.
Mademoifellé Vitart lifant que vous
alliea prendre les eaux de Bourbon , ne
pût s’empêcher de crier comme fi
vpus étiez déjà mort. Blledit cela avec
' chaleur : M. Vitart s’en appergût , prie
la Lettre » & après s’être frotté les
yeux.
«
.Trevolto , 8c quatre e fei leflè lo feritta.
* *' * ^ .
Et ayant regardé enfuite Mademoi*
feUe Vitart » il fui demanda «m H cigli»
fermunte marcittyCQ qiie tout cela vou>
Joit dire; elle fut obligée de fur dire
quelques mots à rbreilfe, quejen’en-
tendis pas.
Mais je fais réfiexion que je ne vous
parle point de votre Boëfîe ; j’ai tort ,
je l’avoué' , & je devrois confidérec
au’étant devenu Pofte , vous êtes
evenu fans doute impatient c’éfi
une qualité inféparabfe des Poètes,
aulTi bien que des Amoureux , qui
Veulent qu'on laifie toutes chofes ,
pour ne leur parler ^delcûrpafiion
»B Racine. 17
& de leurs ouvrages. ( i ) Je oe vous
Earlerû point de votre amour : ou
omme auili délicat que vous ne fau-
Toit manquer d’avoir fait un beau
choix » & je fuis perfuadé que votre '
Belle mérite les adorations de tous tant >
que nous fommes , puifque vous l’avez
jugée digne des vôtres , jufqu’à deve>
nir Poëte pour elle. Cela me confirme
de plus en plus que l’amour efi celui de
tous les Dieux qui fait mieux le che*
xnin du ParnalTe. Avec im G bon eon>
duâeur vous n’avez garde de mao*
quer d’y être bien reçû : d’ailleurs.
Jes Mules vous connoiiToient déjà de
.reptKattoB , & fachant que vous étiez ^
bien venu parmi toutes les Dames , U î
ne faut point douter qu’elles ne vous
ayenc fait Je plus obligeant accpêil du
inonde.
Vtque viro Phebi cRorus aflitrrexerït omnîr.
Us ne ibnt pas (eulement amoureux , la
juftefle y eft to.oteentiere.Néanmoins
fi j’ofe vous dire mon fentiment fur
^ • fie û âiffdc k ^Uifaa(jC«
if Lettres
deuE 6a trois mots , celui de nJiîtùjt
eft un peu trop antique pour un homr
me tout frais fortidu Parnafle : j’aii>
rois tâché de mettre impérieiHe- , on
* quelque autre root.. J’aürois auflit re^
tranché ces deux Vers , Ainfifi emmêr
ima t & le fuivant; ou je leur aurois-
donné un fens , cor il me lèmblequ’il9
n'en ont point.
Vous m’accuferez peut-être de.'
trop d-inhumanité de traiter fi rude^-
ment les fils aînés de votre Mule & de
votre Amour je ne veux pt» dire les-
fils uniques : la Mufe & rÂmour n'én^
demeuréront pas là ; mais au moinsce-
la vous doit faire voir réciproquemene
f eue je n*ai rien de caché pour vous ^
I & que ce n’efi point par flatterie que
' je vous loué » puif^ue jè prens là liber-
té de vous cenfurer. Seito etm
Jiem f ^ loHdkbhHrmMximè.E^i eiFeC
quand une chofé ne vaut rie«>«^
alors qu’on la lôuë détnéluréroent
& qu’on n’y trouve rien à redirei parce
que tout y efi: également à blâmer, fi
n’en eft pasde même de vos Vers , ilv
font auffi naturels qu’on le peut defi-
rer , & vous ne devez pas plaindre le
fang qu’ils vous ont coûté. Ne'vous
»• E R A C I K E. 15*’
amafez pas pourtant à VOUS épuifer les I -
▼eines , pour continuer à faire |
Vers > ( I )-C ce n’eft qu’à l’exerople
de la femme de Seneque , vous ne
vouliez témoigner la grandeur de vo-
tre amour ; mais je ne crois pas que le»
beaux yeux qui vous ont blefifé , foient
fi fanguinaires , & queces marques de
votre amour lui foient plus agréable»,
qu’une fanté forte &robulle.
M. du Chêne efï votre fervitew. ,
M. d’Houy eft ivre, tant je lurai fait^
boire de fantés : & moi je fuis tout à '
vous.
f t ) On ?oît pat plaficurè tiaits , tépandus datia^M.
-XÀlK»« ^ cew éciivoit dtok nétailkaf.
!
90
S T T R B S
\
AU M E S M E», , .
< l *
ji Parts fei.jM/niéSii . .
^ N • ' . ' • t f »
ï I
M. rAyocat vient 4è m'apporteit
une de vos Lettres >.& veut ab-
folument que nous fo3fens réconciliés
tenfemble : je gagne trop à cette réa*
jnion pour m’y oppofer. Aufli bien
comme les choies imparfaites récber»
chent naturelTement de fé joindre avec
les plus parfaites , je fèrois un monf>
tre dans la nature , fi étant crasse ( i )
comme je fuis, ^refiifois de me join-
dre Sc de m’attacher au folide , tandis
que ce même folide tâdie d’attirer k
lui ce même creux ,
t
Qyod quoniam périeaecpieat coaitare^ae»
eeflè eft “
Hærere.
CefI de Locreceqn*efî cette maxime ;
fl) Ces plaiTanterics (ur le mot de cr«Hx roulent Aie
ce que vocat avoit toujours ce mot k la boacUes
four 4in matjie , fdvolc^ icct
'Rieurs. s't
& c'en: dç lui que j’ai appris qu'il fàlo
k>it me réunir avec M. l'Avocat. Et H
&UC bien que vous l’ayez lûaofli »car
il irç fetnble que la léme que vous
stvez écrite à ce grand partifan du foli>
de , eft toute pifeine des maximes de
Aton Auteur. Il dit ^ounmq vous qu’â
ne faut pàs que tout foit tellement fo>
lidç 31 qu'il n’y ait un peu de creux par*
ihLnôus.'
ê
Dec tamenunâiqne corporel fBpata teneor
tut
Onmiaàatutâ y namque efiin tebus inane.
Mais fortons de cette matière « qui
elle-même eft trop iblide , & mêlons*
y un peu de notre creux.
. Avouez , M. que vous êtes pris , &
que vous laiflèrez votre pauvre cœur à
Bourbon. Je vois bten que ces eaux ont
la même force que ces fameufes eaux
de Bayes : c’eft un lac célèbre én Ita*
lie » . quapd B -ne le ferok que par les
loQanges.d!HDracey & des autres Poë*
tes Latins. On y alloit en ce tems.,
peut-être y va-t’on encore , comme
vos TeralBables vont à Bourbon & à
Forges. Ces eaux font chaudes com*
»
îta L £ T T II IS §
me lesvôtres , & il y a Autetir qui
rapporte une plaifante raifon. Je
voudrois, pour votre fatisfa£lion, que
^et Auteur fût ,ou Italien, ou Efpa*
^nol ; mais la deftinée a voulu encore
3 lie célui:ci fût Latin. 11 parle donc
U lac de Bayes , ^8c voici ce qu*il ea
dit à peu près.
C’eft là Tiii^vec le Dieu d^amoux
Venus fe prosnenoit un jour.
En£n fe trouvant un peu
Elle s’ai&t fur le^azon :
Mais ce mauvais petit garçon
Qui ne peut fe tenir en place ,
Lui répondit t C’a votre grâce ,
Je ne fuis point las comme vous.
Venus fe mettant en courroux ,
Lui dit : Fripon , vous aurez fur la joue.
Il fallut donc qu’il filât doux ,
. Et vint s’afl*eoir à fes genoux.
Cependant tous fes petits freres ;
Les Amours qu*on nomme vulgaires^
Peuple qu’on ne fàuroit nombres ,
Paflbient le tems à folâtrer.
«
X
Ce feroît le perdre à crddk que n’a*
inufer à vous faire le détail de tous
leurs jeux : vous vous ima^inex bieii
D « R * C î IT «. «3
quels peuvent être les pafle^tems d’u-
ne troupe d’enfans qui font abandon-
nés à leur caprice.
yoa$ jugez1>ien auffi que les Jeux IBc lesBisÿ'
Dont Vàius ^t&s fitvoris-,'
Et qui gouvernent fon emplie^
He naanquoient pasée jouet éc de rite.'
A M. DE LA FONTAINE.
^!AVfex.Uii.NoveviBre i66i. {ï)
a
J* Ai bien VU du pays 8c fai bien voyagé
Deptiisque de vos yeux les miens prirent
congé.
Mais toot céi ne ni*a pas empêché de
fongertolHours autant à vous, que je
j&ifois torique nous nous voyions tous
les jours.
(i) Le VOICI arrivé en Languedoc s d’oà (a premieit
X^ttre eft «didlée à la Foottine. -Il lui en avoit uns don«
te édite p'aficmt autres , mais^on ne les » pas trouvées.
X*£diteiir des Oeuvres pofthumes de la Fonuioe , quiy
a infetéceile-ci » dit «f^on voit bien qa*clle eft de (à fe^
Bdlèj mais que de lut tout eft précieux pour le public.
J*en retiancbe cependant quelques enoioits qui ùmn
Macilcf«
' L E T T k Ë I ■ *
4
Avant qif une fievre importune
Nous fît courir même fortune ,
Et nous mit chacun en danger
De ne plus jamais voyager.
* . ^ *
''Je ne fais pas fous queHe conftellatîon
je vous écris' pnêfêntement, mais je
vous aiBüre que je h’ai point encore
fait tant de Vers depuis ma maladie.
Je croyois même en avoir tout-à-faic
'oublié le métier. Seroit-il poflîble que
les Mufes euiTent plus d’empire en ce
pays , que fur les rives de la Seine ?
^ous le reconnoîtrotir dans la fuite.
Cependant je .commencerai à vous
dire én orofe . que mon voyage a été
plus heureux que je ne penfois. Notre
comi^gnie étcntgaïe; nous étions au
nomo^re de neuf ou dix. Je ne manquois
pas tous le foirs de prendre le galop
devant les autres pour aller retenir
mon lit , ainfl j’ai toujours été bien
couchéj & quand jefuisarrivé àLyon,
je ne me fuis (ieoti non pkis fatigué ,
que fi dù quartier de Sainte Gene-
viève , j’avois été à celui de la rué
■Galande.
A Lyon je ne fuis reAé que detn
jo“»s
V
D'ï" R â c î k’ e; ijf
f oers , & je ra’embai’qàai fur le Rhône
avec deux Moufquetaîres'. Nouscou*
châmes à Vienne & à Valence. J’a-
vois commencé dès Lyon à ne plus
gaère entendre le langage du pays »
& à n’ôtre pins intelligible moi*mé«
me : ce. malheur s’accrut à Valence »
^ Dieu voulut qu’ayant demandé à
^ne Servante un pot-de-chambre , elle
mit un réchaut fous mon lit. Vous
pouvez vous imaginer les fuites de '
cette maudite aventure , & ce qui peut . .
arriver à un homme endormi qui (è
fert d’un réchauc. Mais c’efl; encore
bien pis dans ce pays. , Je vous jure
que i’ai autant befoin d’un interprette»
qu’un Mofcovite en auroit befoindans
Paris. Néanmoms je commence à
m’apercevoir que c’eft un langage,
mêlé d’Eipagnol & d’Italien > ât corn*
me j’entens aifez bien Ces deux lan>.
gués , j’y ai quelquefois recours pour
entendre les autres , & pour me faire
entendre. Mais il arrive fouvenc que
je perds toutes mes mefures , comme
Il arriva hier qu’avant befoin de petits
clous à broquette pour ajufter ma
chambre , j’envoyai le valet de mon
oncle en ville , pc lui dis de m’achetr
T»m /. R
r
^ f I» f T *. * •
isrdemrou crois ceos de bro^nettei'p
î il m’apporta incoatiseat ^crois bottes
f^d'alumecces.
^ ÂH refte pour la fîtuation d’UfeZf
^ous iaurez qu’elle eft fiir une mon*
t^gnefort haute , & cette montagne
p’eft qu’pn rocher continue}, fî bien
^u’en quelque tems qu’H fafle ,*on peut
aller à pied fec tout autour de la ville^
Æ^s campagnes qui l’environnent foni
toutes couvertes d’oliviers, qui por>*
^ent les plus belles olives du monde ,
mais bien trompeufes, car j’y ai été
attrapé moi>même. Je voulus en cueil-
iir quelques-unes au premier olit^er
•que je rencontrai , & je les mis dans
ma bouche javec le plus grand apetk
2u’on puifle avoir,* mais Dieu me pre>
;rve de fentir jamais une amertume
• pareille à celle que je fentis^ j’en eus
' la bouche toute perdue plus de quatre
lieures durant & l’on m’a apris de*
puis qu’il falloit bien des lelSves & des
4!érém<mies pour rendre les olives dou*
ces. comme on les mange. . L’huile
qu’on en tire fert ici de heure , &
j’apinrehendois bien ce changement ;
mais j’en ai goûté ai^ourd’hui dan^
jjlesiàul&s,& lansmejuiril n’y a nea
SB Raciitb. ty
<3emeilleur. On fent bienmoiosrhui*
le , qu’on ne iendroic le meilleur be^-
re de France. Mais c’eft aflèz vous
parler d’huile , & vous pourrez me
reprocher plus juflemenc qu’on ne
faifok à un ancien Orateur , que mes
ouvrages fentent trop l’huile.
Je ne faurois m’empêcher de vous
dire un mot des Beautés de cette pro-
vince. Si le pays avoit un peu plus
de délicatelTe , & que les rochers y
fuûent un peu moins fréquens , on le
prendroit pour un vrai pays de Cythe-
re. Toutes les femmes y (ont éclatan-
tes , &. s’y ajuftent d’une façon qui
leur eft la plus naturelle du monde.
Mais comme c’eft la première choie
dont on m’a dit de me donner de
’ garde , je ne veux pas en parler da-
vantage ; aufli bien ce feroit profaner-^
une maifon de Bénéficier comme cel-
le oh je fuis , que d’y faire de longs
difcours fur cette matière. Dot/m mes
imutt erstinüt. C’efl; pourquoi vous
devez vous attendre que je ne vous
en parlerai plus du tout. On m’a dit :
Soyez aveugle ; (i je ne le puis être
tout-à-fait, il faut du moins que je
fois muec. Car , voyez-vous , il faut
B %
A g L' B !(• T R E s V
fétrerë^Heravec les Réguliers, (A
f comme j’ai été loup avec vous , <x
(I avec les autres loups vos comperes.
. Adieufîas. '
A. M. V I T A R T.
«
■ ’jl Vffz.U 15 iJwmbre i6<îi.
ILy a aujourd’hui huit jours que je
partis du Pont âaint-Efpric , & que
je vins à U fez , où je fus repù de moQ
Oncle avec toute forte d’amitié. 11
m’a donné une chambre auprès de
jui , & il prétend que je 1^ foulagerai
'un peu dans le grand nombre de Tes
^affaires ;je vous aiTûrequ’ilen abeau-
(Cpup. Non feulement il. fait toutes
celles du Diocèfe, mais il a même l’ad*
jniniftration de tous les revenus da
^Chapitre , jjùfqu’à ce qu’liait payé 80
jmillè livres de dettes où le Ch^ltre
Ved engagé. Il s’y entend tout*à-fait,
il n’y a point de D. Côme (2) dans
* r I ) 11 cBoic «hez Ion Oncle, Chanoine ^'nte
^encvieve.
^ (1 } Moine dont il fe plaint encore dans laiôite ^ 6c
iÿà k txavcrfa dansla poatfiûie d*oa fidoâicct
S S R A C I N/E.
Son affaire. Arec tout cet embarras ^
il a encore celui de faire bâtir. If eli
fort fâché de ce que je n’ai point ap>.
porté de démilloire : il m’aurok déjà,
mené à Avignon pour y. prendre lai
toniiire , & la raifon de cela , -eô que,
]e Bénéfice qui viendra ir va,quer elt
à fa nomination. Si vous pouviez me.
faire avoir un démiflbire vous m’o-
bligeriez. infiniment il faudra l’enr
voyer demander à Soillons. Âureflev
sous ne ImlTerons pas d’aller à A vi^
gnon , car mon Oncle veut m’ache».
ter des livres, & il veut que j’étudie..
Je ne demande pas mieux , & je vous-,
ailtire que je s’ai pas encore eû la
coriofîté de voir la ville d’Ufez, ni
quelque pérfoBne que ce ibk. 11 efb
bien aife que j’apprenne un peu de
Théologie dans Saint Thomas ,('!)&,
J’en fuis tombé d’accord fort volon-
tiers. Enfin je m’accorde le plus aifé-
ment du monde à tout ce qu’il veut :
il me témoigne toutes les tendrefles
poflibles. 11 me demande tous les jour»
mon Ode ^ la Paix, & non-ieule-
( 1 1 Un Inné Poète devoii irooeer cette leAutetncif
ikehe -, maisUji'Uiiiab9ie l'ètode.
B 3
go Lettres
ment lai , mais tous les Chanoines
m’en demandent. J’avois négligé d’en
apporter des exemplaires : fî vous
en avez encore , je vous prie d’en fai-
re bien couper les marges & de me les
éiivoyer.
On me fait ici force careflès, à
caufe de mon Oncle ; il n’y a pas un:
Curé ni un maître d’école qui ne m’ait
I fait le compliment gaillard , auquel je
' liéTaurois répondre que par des reve-'
rences, carjen’èntehs pas le François-
' de ce pays-ci , & on n’y entend pas le
mien. Ainfi je tire le pied fort humble-
ment, & je dis quand tout eft fait,
j(ldioi^4s. Je fuis marri pourtant de
ne les point entendre; car fî je contP
nue à nè leur point répondre , j’au-:
rai bientôt la réputation d’un inci-,
vil , bu d’un homme non lettré. Je.
fuis perdu fî cela efî, car en ce pays
les civilités font encore plus en ufage*
qu’en Italie. Je fuis épouvanté tous‘
lés jours de voir des villageois pied-’
niis, ou enfabotés (ce mot doit bien
pafler , a pafîe )’
qui font des révérences comme s’ils
avoient appris à danfer toute leur vie :
outre cela ils caufent des mieux , de
Ë K M ff f u t.-
Ij'efpere que l’air- du pays me va raf-
finer de moitié, car je vous ailBre
qu’on y efl: fin & délié. J*al cru qu’iti
rallok vous in Aruire de tout ce qui fe;
'pafie ici : une autrefois j’abuferai«
moins de votre loifir.
A M, LE VASSEÜK.
#
jiVfix^le 44. J9n»ndirri'66T, ■
JE ne me plains pas encore de vous
car je crois bien que c’eAtoot<an« .
plus fi vous ayez maintenant reçÏÏ”/
aflUTpremiere Lettre. Mais je ne vous-
f répons pas qne dans huit jours je ne-
commence à gronder , fi je ne reçois'
point de vos nouvelles. Epargnez»
‘,xnoi donc cette peine, je vous fup<
' plie> & épargnez* vous à vous-même '
de grofi*es injures , que je ponrrois*
bien vous dire dans ma mauvaife hu-
meur. centemptus amortnrethUiktk
J’ai été* à Nîmes , & il faut que je
vous en entretienne. Le chemin d'i-
ci à Nîmes eA plus diabolique paille
fois que cdui des diables à Nevers »
B4
S> Lettres
a la ruè‘ d'Ënfer , & tels autres che*»
mins réprouvés ; mais la Ville eflaf^
incrément aufll belle , & aufii ftlidt- ^
comme on dit ici, qu’il y en ait dans
le Royaume. 11 n-^ -a point de diver-
tiflemens qui ne s'y trouvent.
Suoni , canti , veflir., givochi, vivande ,
jQuantopuè cor pcniàr, puè chiéder bocca<
«
J’allai voir le feu de joîe , qu’un hom-
me de ma connoilTance avoit entre-
pris.LesJéfuitesavoient fourni les de*
vifes , qui ne valdient rien du tout r
ôtez cela, tout alloit bien. Maisje>
I n’y ai pas pris alTez bien garde, pour-
vous en faire le détail : j’étois détour-^
né par d’autres fpeâacles. II y avoic-f
tout autour de moi des vifages qu’on
voyoit à la lueur des fufées , & dont
vous auriez bien eû autant de peine ^
à vous défendre que j’en avois. Il n’y
en avoit pas une à qui vous n’eufTiez
bien voulu dire ce Compliment d’un
galand du temsde Néron : Neftfiidûu
hmittem peregrinitm inter atltores ttut
admitttere : inventes religioftm ,fite ndo» .
rari fermiferis. Mais pour moi je n’a*,
vois garde d'y penfer , je ne les regar-^
DE Racine. 93
dois pas même en Tûreté, (1) j'ëtois
en la compagnie d’un R. Pere de ce
Chapitre , qui n’aimoic point fort à rire..
E parea-pitieb alcun fpflê mai fiato
Di conlcienza icrupulofa è fchiira.
It falloir être fage avec lui , ou da
moins le faire. Voilà ce que vous au*
rieEtrouvéde beau dans Nîmes ;mais
j'y trouvai encore d’autres chofes qui
sne plurent fort , fur tout les  rênes.
C’efl un grgnd Amphithéâtre un
peu en ovale , tout bâti dé' prodigieu-
Ms pierres longues de deux toifesy^
qui fe tiennent là depuis plusdefeize;
' çens ans fans mortier , & par leur feu*
^le pefànteur. Il ell tout ouverten.de*
hors par de ^andes arcades ^ <Sç en.
dedans ce ne font autour que de grands-
lièges où tout le peuple s’alleyoit pour
voir lès ctunbats des bêtes , & des
g.Iadiateurs ; mais c’ell allez vous
parler de . P^mes & de fes raretés..'
Peut-être' même trouverez- vous quet
f 1) pra6eoit traits lipandut dans ces Lettres font
gkyllétoUdwiâjcuntflfe^férc dC'toajmiii»
B'5
g4 Lettres
j’en a! trop dit ; mais de quoi tou>
lez- vous que je vous entretienne ? De
«vous dire qu’il fait ici le plus beau
; tems du monde : vous ne vous en.
I mettez guère en peihe. De vous dire
qu’on doit cette femaine créer des
Confuls : cela vous touche fort peu.
Cependant c’efl une belle chofe de
voir le compere Cardeur , & le Me-
nufOer Gaillard avec la robbe rouge ,
comme un Préfident , donnèr des Ar-
rêts, & aller les premiers à î’dfFran-'
de. Vous ne voyez pas cela à Paris.
A propos de Confuls , il faut que
je vous parle d’un Echevin de Lyon,
3ui doit l’emporter fur les plus fameux
ifeurs decolibets. Je l’allai voir pour'
' avoir uii billet de fortie ; car fans bil-
let les chaînes du Rhône ne fe lèvent'
point. Il me fit mes dépêches fort gra-'
vement ; & après, quittant un peu'
cette gravité magifirale qu’on doit
gvder en donnant de télles Ordon-
nances, il me .demanda, Qutd novil
iitu de V affairé Σ jingleterre 7 Jé
■ répondis qu’on ne favoic pas encore
quoi le Roi fe réfoudroit. ^ fi/re
ta guerre f dit-il, C4urU tte/ipaspareitt-
du Fere Seuffranf, Je fia bien paroîtrèr
D B Racine. 35
2ue'je ne l’étois pas non-plus ; je lui
s la révérence , & le regardai avec
un fîroid qui montroic bien la rage o&
j*étois de voir un grand quolibetier I
ifnponi. Je n^ai pas voulu en enrager f.
toat leul , j’ai voulu que vous me tinl^ r
fiez compagnie , & c’efi pourqüi je
TOUS fais part de cette marauderie.
Énragez-donc , âc fi vous ne trouvez
point de termés aflez forts pour f^rru
des imprécations^ dites avec l’ëm»'
phatîüe Brébeüf > -
A qui , Dieux tout-puiflauS) qui gouverner^
la terre ,
A quitdetyez-vous les éclats du tonnerre t '
• 4
Si vous ne vous hâtez de m’écrire , je*r
TOUS ferai enrager encore par de fem-^
blables nouvelles. Adieu.^
A MADEMOISELLE VITART,
^ V/fZ Iriô. Decmbrt 166t. ■'
JE penfois bien me donner Thon*
neor de .voys écrire , il y z huit
Jeu», fiiais-iline fnt-impomblede lz
B6
U t, T T R B « ■
faire ; je ne fais pas même fî j’en poor*.
rai tenir à bouc aujourd’hui. Vous
faurez , s’il vous plaît , que ce n’eft
pas à préfent une petite affaire pour
moi que de vous écrire. Il a été ua
tems que je le faifois allez exaêle*
ment, & il ne me falloit pas beaucoup,
de tems pour faire une Lettre affet
pallable ; mais ce tems*li efl: paffé
pour moi. Il me &ut fuer fang & eau
pour faire quelque cbofe qui mérite,
de vous l’adrefler , encore fera-ce ua
grand hazard li j’y réuflis. La raifon
de cela ell que je fuis un peu plus
éloigné de vous que je n’étois lors.
Quand je fongeois feulement que je
n^étois qu’à quatorze ou quinze lieuè's
dé vous , cela me mettoit en train ,
& c’étoit bien autre chofe quand je
vous voyois en perfonne. C’étoit.
alors que les paroles ne me coutoienc
rien, & que je eau fois d’affez bon
cœur ; aulieu qu’aujourd’hui je ne
vous vois qu’en idée, & quoique jé
fonge affez fortemept à vous je ne
faurois pourtant empêcher qu’il n’y
ait 150 lieuësentre vous & votre idée.
iVinfi il m’elt un peu plus difficile de .
m’échauffer, & quand.
A
s
I
i>i| Ricin fe. 37
fêroieoc aflez heureufes pour voui
plaire, que me fert cela ? J’atmeroisf
mieux recevoir un fbufilet, ou on coup I
de poing de vous, (i) comme celar
m'étoic affez ordinaire, qu’un grand-;
merci qui viendroit de fi loin. i\prés*
tout il vous faut écrire , & il en faut
revenir là ; mais que vous mander ?
Sans mentir , je n*en fais rien pour
le préfent. Faites-moi une grâce , don-
nez-moi tems jufqu’au premier ordi-
naire pour y fonger , & je vous pro-
mets de faire merveille ; j’y travail-
lerai plutôt jour & huit. Aulfi bien
vous avez plufieurs affaires ; vous
avez à préparer le logis au Saint E&
prit , (27 qui doit venir dans huit jours
à. l’Hôtel de Luyhes ; travaillei^-donc
à le recevoir cohime il mérite , ôc
moi je travaillerai à vous écriré com-' ,
me vous méritez. Comme ce n’eft
pas une petite entrepriiè , vous trou-
verez bon que je m’y préparé avec*
tm peu plus de loifir. Ne foyez point;
rn rp j’ai tant tardé à'
m’acquitter de ce que je vous dois.-
(1) Mjàdeniotfelle Yuan écoit ft COofinCa
. i.» ÎM.lannitQlÊCwnfk, . i\ :
38: if * T T B.. i s»
Ceft bien aflez qae je fois fi loin de
votre préfence, fans me bannir eii'
eore de votre efprit.
AM. LE VASSEUR.
'A Vfex.le i8. Décmlve i66u .
D ieu merci , voici de vos lettres..
Que vous en êtes devenu grand
I ménager ! J’ai vÛ que vous étiez libé-
ral,& il nefe paflbit guèrede fomaines,
forfque vous étiez à Bourbon^que voua
ne m’écrivifiiez une fois ou deux , &
i|00 feulement à moi , mais à des gêna
même à qui vous n’aviez prefque ja-
mais parlé , tant lés Lettres vous cpu«
toient peu. Maintenant elles font plus
dair-femées , & c’dt beaucoup d’en-
recevoir une en deux mois. J’étois très
en peine de ce changement , âi j’en-
rageois de voir qu'une fi belle .amitié
feiût mnfi évanouie-» en dtxtrA
m’éçriois-je ,
à
cor pien cU foQnr parea un MongibeSop
Lon qu^heurêofemeiK voa» -Letura
; D ïj R A c I N E. 39
m*e(t venu tirer- de toutes cès inquië-'
tildes , & m’aapris que ia raifon pour-
quoi vous ne m’écriviez pas , c’eft
que mes Lettres étoienc trop belles,
v^u’à cela ne' tienne , Moiifieur , H'
me fera fort aifé d’y remédier ; &’
il m’eÛ: fî naturel de faire de mé-
chantes Lettres , que j’efpere , avec
la grâce -de Dieu , venir bientôt à'
bout de n’en faire pas de trop belles.
Vous n’aurez pas fujet de vous plain-
dre à l’avenir , & j*atcens dès*à»pré^
lent des féponfes par tous les ordi-
naires.Mais'pàrlonsplusferieufem^nt;
avouez que tout au contraire , vous
croyez les vôtres' trop belles , pour
être fî facilement communiquées à d^
pauvres Provinciaux comme nous.*
Vous avez raifon , fans doute , Sà
ê’eft ce qui me fâche le plus ^ car’
il ne vous efî pas aifé , comme à-
moi, de faire de mauvaifes Lettres
& ainfîje fuk fort eh dihger den’ed^
guère recevoir. ' - - -
. Apté»Mitt('iÂ790fi* fîMsies. k naAi
niere dont je les reçois , vous verriez
qu’ellea ne font pas profanées pour
tpmber entre' mes mains ; car outré
que je les reçois avec conte 1» véné<*
40 -L E T T-ft s s
T?iùoïï que méritent les belles ehofes»
c’eft qu’elles ne demeurent pas long.*
tems , & elles ont le vice dont vous
accufez les miennes injultement
eft de courir les rues : & vous diriez
qu’en venant en Languedoc , elles le
veulent accommoder à l’air du pays i
elles fe communiquent à tout le mon*
de , & ne craignent point la médi*
lance : auffi favent-teHes bien qu’elles
en font à couvert : chacun les veut
voir ÿ & on ne les Ut pas tant pour
«prendre ' des nouvelles , que poos
fvoir la façon donc vous les favez
débiter.
. ContinueZ'donc , s’il vous plaît » oa
plûtôt commencez tout de bon à. m’é?
crire , ^und ce ne lêroit q.ue par
charité, je fuis en danger, d’oublier
bientôt le peu de françois qjue je fais i
je le défaprens tous les jours , & je
ne parle tantôt plus que le langage dé
de pays , qui elt aulB peu François
que le bas Breton. ( i j .
'Cl) Ccsphinte$»rexaélitudede Toitographe decct
Lcttici écrites Ma bâte , les coups de ftajton qu’mon trou**
^ede lui Tur les ^cipar^ues 8e le (^inte-Cuice de Vau-
Scias , prouvent combien U a?ôicà cœiudeldclip«fflF«
t
SB R .A C; I N E. 41
Jpfè mihi ▼ideorjam dediciflè Latlnè',
Nam didici Geticè Sarmatkèque loqui.
J’si cm qii’Ovide vous fiufoit pitié
quand vous fondez qu’un Ir galant
oonvise que lui . étoit obligé à- parler.
Scythe, lorfqu’il étoit relégué parmi
ces barbares : cependant il s’en faut
beaucoup qu’il fut fi à plaindre quer
moi. Ovide' polTédoii fî bien toute
l’élégance Romaine j.qu’^ae.lapou-;
voit iamais oublier ; ài qnand’ii. feroit,
revenu à Rome après un exil de vingt,
années , il auroit toûjours fait taire
les plus beaux efprits de la Cour .d’Au-
gttile : au lieu quçr^n’ayant qu’unçt
petite teinture du bon- ^rançois^^'^
fois en danger de tout perdret^pni j
moins de fix mois , & de n’être plua
intelligible fi je reviens jamais h
ris. Quel plaiiir aurez * vous quand je
lèrai devenu .le plusgrand payfan.du
monde î Vous ferez bien mieux de
m’entretenir un peu dans le langage
qu'on parle à Paris : vos Lettres me
tiendrontlieu de livres.& d’Académie.
Mais à propos d’Académie , que
le pauvre Pelifibn eft à plaindre , Sc
que la Conciergerie eft un méchant
42 Lettres
pofte pour un bel efprit ! Tous lest
beaux efprits du inonde ne dévroient'
ils pas faire une folemnelle députation
au Roi pour demander fa grâce
Les Mufes élles-mêntes ne devroienc**
elles pas iè' rendre vifibles , afin dd-
follîciter pour lui ?
Nec voc , Pierides,nec ftirps Latonia, vefiro^
Doâa Sacerdotiturba.tuliftis opam? '
•
Mais on voit peu de gens que'Iâpro»
teétion des Mufes ait fauvés des roains^
de la Juftice : il eût mieux valu poufi
lui qu’il ne fe fut jamais mêlé que de'
belles chofes , & la condition de Roi<^
telet en laquelfe il s’étoit Métamor-^
pbofé , lui eut été bien' plûravante^
geiifè que celle de Financier. Cela doiè
apprendre à M. l’Avocat ( i ) que
le fobde n’eft pas toujours le plus fûr
puifque M. Peiiflbn ne s’eft perdu que
oue pour l’avoir préféré au creux,
; fans mentir quoiqu’il fafTe bien creux
fur le Parnaffe , on y efl pourtant plus
à (bn aile que dans la Gonciergerier
& il ny a point de plaidr d’avoir
( 1 ; XI en veuc toojours à ce l'Avocat > 9ui avoic
iâas cefle à la bouche k O.OC de.ô*(«Ar.
SE R A d I N E. 43>
place dans les hidoires tragiques, duf-
/ent>el)es être écrites de la main de-
M. PelilFon lui même.
Je fàlue M. l’Avocat , & je 4iffere
de lui écrire , afin de laiflêr un peu
paflèr ce reftede mauvaife humeur ,
que fa maladie lui a lailTée , & qui lui
feroit peut-être nialtraiter les Lettres
que je lui enverrois. Il n’y a point
de plaiOr d’écrire à des gens qui font
encore dans les remèdes , oe c’ed'
trop expofer des Lettres. Je falue très-
homblement toute votre mailbn ,
Matf 4ÜS4S pHlcherrima Di J»,
Nous uvonstà''ifàiITknce du Dau>
phin. J’aurois peut-être chanté quel*
que chofede nouveau fur cette matiè-
re,fi j’euflè été àParis ; mais ici je n’ai
pû chanter rien que le Te Deum. Man-*
dez-moî , s’il vous plaît , qui aura le.
mieux réufli de tous lès Chantres du'
•
Farnafie. Je ne doute pas qu’ils n’em-
ployent tout le crédit qu’ils ont.ahprès
des Mufes , pour en recevoir dé belles
magnifiques infpîrations. Si *elles
^continuent à vous favorifer , comme
elles avoient commencé à Bourbon ,
faites quelque choTe.
Incipe , il quidhabes ; 8t tefecere Pbêtam
Piérides.
44
.Lettres
4
A M. V I T A R r.
P
Ç^iVfeic 2^.J-anvi«r 1 6621^
LEs plus beaux jours que vous ddn>
nent )e printetns , ne valent pas
ceux que l’byver nous laifle ici : & jà-
inais le mois dé Mai ne vous paraît Ir
agréable , que l’eft pour nous le nrais
oe- Janvier.
i
Le SoIeifeU toujours riant^
Depuis qu’il part de l’Orient
Four venir éclairer le monde ,
Julqu’à ce que fon char foit defcendu dana'
Fonde.
la vapeur des brouillards ne voile point les
deux
Tous lès iftatins. un vent officieux.
En écarte. toutes les nues
Ainfi nos jours ne font jamais cou-,
verts ;
Et dans le plus fort des Hyvers,
Nos campagnes font revêtues
Defleurs ,,&d’arbres toujours verds.
. . . D ^ ' R i c i îl 8.
X.es ruiiTemx refpeâent leurs rivest
Et leurs ^Tayades fugitives
Sans fortir de leur Ut natal
Srrent paifiblement , & ne font point tap^
tives
Sous une prifon de crilUil.
Tous nos oifeaiut diantent à FordS*
naire ;
Xèurs goüers notant pc^bt glacésf
Et nVtant pas forcés
De fe cacher ou de fe taire^
Ssfbnt l’amour en libené
D’hyrereonane l’été.
£nfinlorfque la nuit a déployé fes voiles j
La lune au vilage diangeant
Faroît fur un trône d’argent »
Et tient cercle avec les étoiles.
Le Cid eil toujours clair tant que 4ure fou
cours -,
Et nous avons des nuits plos bdles que vos
jours.
J*ai fait nne afiez longue pofe en
<rer endroit , parce que lorfque j’écri-
vois ces Vers , üy ^.huit jours ,1a
xhaleur de la Poêûe m'emporta û loin.
4-6 Lettres
que je ne m’apperçus pas qu’il ëtoit
trop tard pour porter mes Lettres à
la pofte^ Je recommence aujourd'hui
34 Janvier : mais il eft arrivé un aflcz
jxlaifant changement , car en relifant
mes Vers , je reconnois qu’il n’y en
a pas un de vrai II ne ceiTe de
t pleuvoir depuis crois jours , & l’on
I diroit que le teras a juré de me faire
' mentir. J’aurois autant de fujet de
faire ün deicripdon du mauvais tems ,
comme j’en ai fait une du beau ; mais
j’ai peur que je ne m’engage encore
Il avant , que je ne puiflent achever
cette Lettre que dans huit jours , au*
quel tems peut-être , le ciel fe fera
remis au beau. Jen’aurois jamais fait;
cela m’apprend que cette maxime eft
bien vtaie vita al fi» , il di.hda la
fera.
Cette ville eft la plus maudite ville
du monde ; ils ne travaillent à autre
chofe qu’à fe tuer tous tant qu’ils font,
ou à fe faire pendre .* il y a toujours
ici des CommilTaires ; cela eft caufe
Îjueje n’y veux faire aucune connoif*
ànce , puifqa’en faifant un ami , je
m’attirerois cent ennemis: ce n’eft pas
qu’on ne m’ait prefiéplufieurs fois, âc
fi ,Ë R À e f R E. 47
^u*on ne me foie venu Iblliciter , moi
indigne, de venir dans les compagnies;
car on a trouvé mon Ode ( t) chez
une Dame de la ville , & on eu venu
me faiuer comme Auteur mais tout
cela ne fert de 'Tien /mtftit km*
Je n’anroM jamais cru être ca-
pable d’une (î grande folitude:: & voua
même n’aviez jamais tant efperé de
ma vertn.
Jepaflbtout letems avec monO%
de , avec faint Thomas & Virgile;
je fais force -extraits de .Théologier»
éh qaelques-uns de Poë'fîe. Voilà contr
me je paflê le tems , & je ne m’enir
nuie pas , fur- tout quand j’ai reçû
quelques Lettres de vous ; elle me |
mrt de compagnie pendant deuxjours. '
Mon Oncle a toute forte de bons
deflèins pour moi ; mais il n’en a point
encore d’aUûré , parce que les affaires |
du Chapitre font encore incertaines- '
J'attens toûjours un démiflbire. Ce-
pendant il m’a fait habiller de noir
depuis les pieds jufqu’à la tête. La
«ode de ce pays eft de porter un drap
d’Efpagne qui eff fort beau , & qui
Uÿtpft,
, 4^ ■ t i % T » E S ‘ _
coûte 23 livres ; il m’en a fait fairft
«n habit. J’ai maintenant la mine ^’utt
des meilleurs bourgeois de la viHe. Il
attend toujours l’oecafion de me pour-
voir de quelque chofè , & ce fera alors
que je tâcherai de payer une partie
de mes dettes » ü je puis , car je ne
puis rien faire, avant ce tems. ^tne
remets devant les 7etix toutes les im-
portunités que vous avez reçûes de '
' Ihoi^ j’en rougis à l’heure que je vous
parle , tmJmitfHeri^falva res efi. Mais
mes affaires nien vont pas mieux ,
& cette fentence éft bien fauflfe , fi
de n’eft .que vous vouliez prendre
cette rougeur pour recorinoilfance de
tout ce queü^e vous dois , dont je me
foAviendrai toute ma vie.
t - . .
* A MADEMOISELLE. VITART.
ji Vfeii le 24. Jasrvier 1662.
CE billet n’efi qu’une continua-
tion de promeflès , & une nou-
, velle obj^tion. Je m’étois engagé de
vous écrire une Leure raifonat^ , &
après
I
SE Racine.' 49
après quinze jours d’intervale , je fuis
il malheureux que de n’y pouvoir fa*
lis faire encore aujourd’hui ^ & je fuis
obligé de remettre à un autre jour.
.Toutes iès remiiès ne font pour moi
fqu’un furcroit de dettes dont il me
1 Kra fort difficile de m’acquitter : car
vous attendez peot*être de recevoir
quelque chofe de beau , puifque je
prenstantdetems pour m’y préparer.
Ayez la charité de perdre cette opi*
nion , & de vous attendre plûtôc à
être fort mal payée , car je vous ai
dqa avertie que je itiis un trés-mau«
vais payeur. (Quanti je n’étois pas Q
loin dé vous, je vous payois alTez bien,
ou du moins je le pou vois faire , Car
vous, me fourniffiez aflez libérale-
inent de quoi m’acquitter envers vous:
j’enteos de paroles i vous êtes trop
riche & moi trop pauvre pour vous
pouvoir payer d’autre chofe. Cela
veut dire
Que j’ai perdu tout mon caquet»
Moi qui ià^oit fiait bien écrire »
Et jalèi comme un perroquet.
^ Mais quand je faurois encore jaibr
Tmel. fi
1
JO » T T » E s
des mieos il faut que je ine taife
é préfent ; le tneflager va partir , & il
«e faut pas faire attendre le meflager
d’une grande ville comme eft Ufez;
Pardonnez-dtmc, & attendez encore
ihuit jours.
A LA MESME.
[A V fis /e 31. jAnvîer,
QUe votre colère eft charmante ■,
Belle 8c géndreüfe Amarante I
Qu’il vous fied bien d’être en courouxl
Siles Grâces jamais fe mettoient en colère ,
Le pourroient-elles faire
De meilleure grâce que vous ?
Je confeflefincerement
Que je vous avois offenfée *
Et cette cruelle penfée.
M'étoit un horrible tourment.
Mais .depuis que vous-même en avez pris
vengeance.
Un fi glorieux châtiment
Me paroît une rêcompenfc
jLes reproches même ibnt doux
B B Racine. yt.
Venant d^une bouche fi chere »
Mais fi je méritois d’être loué de vous.
Et que je fiiffe un jour capable de vous
plaire ,
Combien ferois- je de jaloux !
Je m'en vais donc faire tout mon pof«
fible pour venir à bout d’un G grand
deOein. Je ferai heureux G vous pôu-
Ivez vous louer de moi avec autant de
juftice que vous vous en plaignez:& je
ferois de mon côté un fort bel ouvra*
ge , G je favois dire vos vertus avec
autant d’efprit , que vous dites les
miennes. Je ne vous accuferai point
de me flatter , vous les dites au naïfl
Je me Ggure que vous parlez de même
à M. le Vaflèur , & que vous favez
également peindre cet amoureux > ad-
mirant le portrait de fa Belle.
Je me l’imagine en effet , '
Tout lai^uiflant Sc tout dé&it »
Qui gémit fie foupiie aux pieds de cette
inu^e.
n contemple fon beau vifage,
•H admkeiss mains > il adore fes yeux •;
IUd(â&ttetout l’ouvrage..
C a
/
♦
^ ' '
Jto , L ï T T K E s '
,^îs comme fi FAmour le rendoîf flirleux; J
' V- ' Je Fentcns.s’eerienQue cette imagé efti>éllé!%
que la Belle même efl bien plus belle
qtfelle! ' ^
^ Le peintre h’a bien in^ / -
.• “ ^Que fon infenfibilité.
J!ai peîhe à croire 4tie vous ayez aflêz
de puiflaocèpour rompre ce charme^,
vous «fUi'étiez accoutumée à lé char- ^
merluiHrâême autrefois, .aufli-bien que ; .
. beaucoup d’autres. Pofledé comme il ■
féft- décettè idée* il ne fautpas s*éttm^ • * •••
jier s'il a voulu-iriarier M. d’Houy à ' .
tmefille hydropique: il n’y penfoit pas, ' '
. à moins qu’il Q*ait voulu marier -l’eau . :
avecle'TM; ’ >•
On m’a mandé ^ue ma tante Vitart
écoit allée à£hevreufe ; je crois qu’elle
ne fe repofera. pas de longtems , H elle
attend que vous vous repofiez toutes.
Peut être qu’autrefoîs je n’en aurbis ,
pas tant dh impunément ;.mais je fuis* .
è couvert des coups : vous pouvez
néantmoins vous adrefleràmon Ljeu*
tenant M.' d’Houy ; il ne tien^a par
cette qualité à déshonneur. .
Vous m’avez mis èn uain , comme
0
» E R A C I « E. 5J.
VOUS voyez, 4^ vos Lettres ont fur moi
h force qb’ayoit autrefois votre vÔe;
/ mais je fuis obiigéde finir plutôt que je
•ne vOùdrois , parce que j’ai encore
cinq Lettres à écrire»' J'efpere que
vous ine donnerez , en vertu de ces
• .cinq Lettres y lapermiflloh de finir
:'en vectù-de lafoumiilion &durefpeâ
’ que j’ai pour vous^, la permiffipn dp
ine dire votre .pafiionné 1er vîtéur»
Vous m’excuforezfîj’arplas brouil-
lé de papier à dire de-mécbantês cho-
ies , que vous n’qn aviez employé à
écrire les^lusbdles choies du mondé-
A M. L E VA SS EUR.
\
'^Vxjble i fivriff_i662,
J’Avoue que ma réponié ne vient
que huit jours après votre Lettre :
•tcaàs à quoi bon m’exçufer pour uu
^ délai de huit jours ? Vous ne faites
^int tant de cérémonies quand vous
avez étè .deux mois fans fonger feuie-
menc fi je fuis au monde. C'eft allez
i^QUj: vous de dire froidement que
54 Lettre*
vous avez perdu la moitié de votre ef-
-prit depuis que je ne fuis plus en votre
compagnie. Mais à d'autres , il fau-
droit que j’eufle perdu tout le mien, fî
je recevois de telles galanteries en
payement. Je fais ce qui vous occupe
il fort , & ce qui vous fait oublier de
pauvres étrangers comme nous, jimar
non tdU cur^tt : oui c’eft cela même qui
vous occupe.
t
0
j^or che folo, i cor leggladri invelce.
Et je ne m’étonne pas qu’un cœur fi
tendre que le vôtre & (1 difpoféÀje*
cevoir les douces impreffions de l’a*
mour , fok enchanté d’une fl belle
perfopne.
Socrate s’y trouveroit pris «
Et malgré fa philofophie
Il feroit ce qu’a fait Paris ,
Et le feroit toute fa vie.
Je n’ai pas peur que vous vous lafQez
de voir tant de Vers dans une feule
Lettre. Teamernofiri ^ TottMKmonMn^
tm reddidit.
Loin de trouver à redire à votre
» E R A C I M E, Sf
amoU'rJe vous loue d’un fi beau choix,
&d’aitner avec-tant de difcernement,
s’il peut y avoir du difcernement ea
amour^Vous êtes bien étoignéde vous
ennuyer comme moi : l’Amour vous-
tient bonne compagnie. li.ne m6 fait
/pas tam d’honneur.quoique j’aie aflez^
sbefbin de compagnie en ce pays ;
iznais j’aime mieux être feul q^ue d’a-
jvoir un hôte fi dangereux.
Je fuis confiné dans un pays qui a
quelque choie de moins fbciable que’
le Pont-Euxin : le fens commun y eft
rare , & IgifidéM ji!y. eft point da
tûu^ line faut qu’un quart d’heure de
converfation pour vous faire haïr on
faoiaméi anfii qppiou’on m'ait fotivehc
prejSe d’aiieren compagnie, je ne mé
fuis point encore produit ; il n’y a ici
perfonne pour moi. Nbtt hmo^ fiâlip'
tm y Mque fiUtudomera. Jugez fi'
vos lettres feront bien reçûes ; mais
vous êtes attaché ailleurs.
Il cor ptefo ivi corne pefce à Thamo.
AU M £ S M £
ÏA^%.Marsl66^.
G N ne parle ici qae de la inerveil*
leufe conduite du Roi, du grand
ménage de M. Colbert, & du procès de
M. Fbnquet : cependant vous ne m’en
ipandez rien du tout ; mus pour vous
dire le vrai , j’mme encore mieux que
vous me mandiez de vos nouvelles
particulières.'
J’ai eu tout le loifîr de lire l’Ode de
M. Perraut:^uffi l’ai-je relûë pluGeurs
fois y & fiéantmoins j’ai eu bien de la
peine à y reconnoître Ton ftyle , & je
ne crokois pas encore qu’elle fût de
lui , fi vous ne m’en alTuriez. 11 m’a
femblé que je n’y trouvois point cette
facilité naturelle qu’il avoit à s’expri*
mer ; je n’y ai point vû , ce me fem«
^ ble , aucune trace d’un eîprit aufli net
A que le fien m’a toujours paru , ,â:
’ j^eufie gagé que cette Ode avoit été
taillée comme à coüps de marteau ,
piMi UQ homme qui n’avoit jamais fait
DE Racine. 57
qae de méchants Vers.^ Mais je crois
fue refprit de M. Ferrant efii coujonrs
le même , & que le fujet feulement loi
a manqué , car en effet il y a longteme
que Cicéron a dit ^ que c’étoit une ma>>
tkre bien fterile que l’éloge d’un en-
fant , en qui l’on ne pouvoit louer que
l’efpérance » & toutes ees efpérances
font tellement vagues , qu’elles ne
peuvent fournir des penfées folides*
Mais je m’oublie ici , & je ne fonge
pas que je dis cela à un hommequi s’y
entend mieux que moi. Si je juge mal ,
& que mes penfées foient éloignées
des vôtres , remettez cela fur.la bar-
barie de ce pays » Ôi fur mé longue abn
fence de Paris , qui m’ayant féparé de
vous , m’a peut-être entièrement pri-
vé de la bonne connoilTance des cho-
fes.
Je vpus dirai pourtant encore qu’iC
y a un endroit oùj’aireconnu M..Per-
raut ; c’ed lorfqu’il parle de Jefùé, âi
qu’il amène là l’Ecriture fàinte..Je lui
ai dit une fois qu’il méttoit trop la Bi-
ble en jeu dans fes Poëfîes ; mais il me
dit qu’il la lifoit fort , & qu’il ne pou-
voit s’empêcher d’en inferer quelque
palTage.' Four moi je crois que la 1^
Cs
5S Lettres
ture en eft fort bonne , mais que lad*
tation convient mieux -à un rrédica*
teur qu’à un Poëte.
Je vous envoyé ma piece , ( i )
dont on approuve le deiTein & la con*
duite. Je n’ofe dire qu’elle eft bien ,
que vous ne me l’ayez mandé.’écrivez*
moi en détail ce que vous jugerez des
Grâces , des Amours , & de toute la
Cour de Venus qui y eft dépeinte. Si
vous la montrez , ne m’en dites point
l’auteur : mon nom fait tort à tout ce
que je fais ; mais montrez-moi ce que
c’efl qu’un ami , ( s ) en me décou*
vrant tout votre cœur.
( I ) €*cft la ptcée dont il eft parlé dans la Lettre fui-
vante , & qu'il a voit intitulée les bains de y inus , piece
très- inconnue , fie qu*tl a l'ans doute fupriinée dans la
iüite.
( a ) On voit avec quelle ardeur il (buhaiteun Critu
nue fincerede fea ouvrages; il le âtSiiva bien* tôt • en fau
iam connoifianœ avec Boileau.
1
V
]> E Racine.' sÿ
AU M £ S M £.
Lf 30. jivril.
JE ne vous demandoîs pas des lonan*
ges quand je vous ai envoyé le petit
oovrage des basni de Fenus , mais je
vous demandois votre fen ciment; ce-
pendant vous vous êtes contenté de
dire comme ce flatteur d’Horacé
Fdchri , btal , retli : & Horace dit fort
bien qu’on loue ainfl les méchants ov>^
••• vrages , parce qu’il y a tant de chofes
/.,-à reprendre , qu’on . aime mieux
\”toot louer qne d’examiner. Vous m’a-^^
vez traité de la forte , & vous me louez^
comme un vrai demi-auteur, qui a plus
de mauvais endroits que de bonsrfoyeÉj
un peu plus équitable , ou plutôt ne
ibyez pas fî parefleux; vous avez peur
de tirer une Lettre en longbeur.
Vous me foupçonnez d’amour t
croyez que fî j’avois reçû quelque
bieflure en ce pays , je vous la dé>
couvrirois naïvement , & je ne pour-
lois pas même m’en empêcher .'Vous
C 6
6ù Lettres
’ifivez que les blelTures du cœur de-
. toandenc toujours quelque confident,
i à qui on puiiTe s’en plaindre , & fi
i' j’en avois une de cette nature, je ne
' xn’en plaindrois jamais qu’à vous ;
mais Dieu merci je fuis libre en-
core , ( I ) & fi je quittois ce pays,
je reporterois mon cœur auffi faip &
aufii entier que je l’ai apporté : je vous
dirai pourtant une ailëz plaifante ren-
contre à ce fujet.
Il y a ici une Demoifélle fort bien
faite , & d’une taille fort avantageule;
ellepafie pour une des plus fages, & je
connois beaucoup de jeunes gens qui
foupirent pour elle du fonds de leur
vœur. Je ne l’avois jamais vûcqûe de
5 ou 6 pas , & je l’a vois toujours trou-
vé fort belle ; fon teint me paroifToic
vif & éclatant, les yeux gran^ ^ d’un
beau noir. J’en avois toujours quelque
idéeaflez tendre & alfez approchante
d’une inclination ; mais je ne la voyois
qu’à l’Eglife , car je fuis très-folitaire.
Enfin je voulus voir fi je n’étois
point trompé dans l’idée que j’avois
(t ) C'cû ce q«'tl a pîl toujours dize , malgré U vi va*
dté de fou cazaâiie s i'ap^ de i*dtttdc Ta ûavd dca
]> s Racine. 6t
d’elle , & j’en trouvai une occafîoa
fort honnête. Je m’approdiai d’elle
& lui parlai : je n’avois d’autre de(^
fein qae de voir quelle réponfe elle
me feroit ; elle me répondit d’un air
fort doux & fort obligeant : mais ea
l’en vifageant je fus fort interdit , je .
remarquai fur fbn vifage des taches, ]
comme fi elle relevoit de maladie , de !
cela changea bien mes idées ; je (us ‘
bien aife de cette rencontre, qui fer*
vit du moins à me délivrer de quelque
commencement d’inquiétude : car je
m’étudie maintenant à vivre un peu
plus rmfonnablement » ( i ) & à ne
me pas lailTer emporter à toutes for*
•fês g dbjetsr Je commence mon nôvi-
oat, cependant je vois que je n’ai plus
à prétendre ici que quelque chapelle
de 20 ou 25 écus ; voyez ù cela vaut
la peine que je prens : néantmoins je
fuis rélblu dé mener toujours le même
train de vie , & d’y demeurer jufqu’à
ce qu’on me retiré pour quelque meil*
leure efpérance. Je gagnerai cela du
( r ) Ce dit id , 8c ce qui fuit, fait voir que qaoU
Que fort jeune, il penfoit (blidement, connoiÛbic le
jLngex^ctpafliont , l'avantatt der^ui^e a h
àft coAtolnocct,
6t Lettrés
moins , que j’étudierai davantagè,
& que j’apprendrai à me contraindre ,
ce que .je ne favois point du tout.
Je ne (àis (i mon malheur nuira eo*
core à la négociation qu’on entre*
prend pour le Bénéfice d’Ouchiesril
lèmble que je gâte toutes les affaires
où je fuis intéreffé. Quoiqu’il en foit,
croyez que ü l'on me procure quelque
chofe. Vrbm ^uam fitum vtftra efi.
A MADEMOISELLE VITART.
Lt 15. Mm 1 662.
JE fuis donc tout * à - fait dîlgracié
auprès de vous : depuis plus de trois
mois , vous n’avez pas donné la moin*
dre marque que vous me connoifiiez
feulement. Pour quelle raifon votre
bonne volonté s’efl;*elle fitôt éteinte?
Je fondois ma plus grande confolation
fur les Lettres que je pourrois rece-
voir quelquefois de vous , & une feule
par mois auroit fuffi pour me tenir
dans la meilleure humeur du monde, &
dans cette belle humeur , je vous au*,
rois écrit mille belles chofes : les vers
D E R A C I N E. >6%
ne m’aurolent rien coûté , & vos Let-
tres tu auroient iofpiré un génie ex-
traordinaire ;c’eft pourquoi H je . ne
fais rien qui vaille , p renez- vous-en à
vous - même. On dit que vous allez
pafler les fêtes à la campagne avec
bonne compagnie : je ne m attens pas
à les palTer fi à mon aile.
Jirai parmi les oliviers, * ;
Les chênes verds & les figuiers ,
Chercher quelque reinè(j|e à mon inquiétude)
Je chercherai la folitude ,
Et ne pouvant être avec vous ,
Les lieux les plus afiieuz me feront les plus
doux.
Exculèz fi je ne vous écris pas davan-
tage ; en l’état où je fuis je ne faurois
vous écrire que pouf me plaindre , âc
c’eft un fujet qui ne vous plairoit pas;
doimez-moi lieu de vous remercier ,
& je . m’étendrai plus volontiers fur
cette matière , auili bien je ne vous
demande pas des chofes trop dérai-
ibonables , ce me lemble, en vous
priant d’écrire tine ou deux lignes
«par charité. Vous écri vez.fi bien dç
lu fat^ement î quand vous voulezL
1> E R 1 CINE. 6s
^u'en aucun autre pays do monde.
lependant , excepté trois ou quatre
perfopnes qui font belles , on n’y voit
prefque que des beautés fort commu*
nés. La lien ne efl des premières ; il
m’en eft venu parler fort au long » &
m’a montré des lettres, des difcours,&
même des vers , fans quoi ils croyenc
que l’amour ne fauroit aller. Cepen»
oant j’aimerois mieux foire l’amour
en bonne profe , que de la foire en mé*
chans vers ; mais ils ne peuvent s’y
réfoudre , & ils veulent être Poètes,
à quelque prix que ce foit. Pour mon
malheur ils croyent que j’en fuis un ,
& ils me font juge de tous leurs ou>
vragês. Vous pouvez croire que je
n’ai pas peu à fouffrir , car le moyen
d’avoir les oreilles battuës de tant de
mauvailes chofes , & d’être obligé de
dire qu’elles font bonnes ? J’ai un peu
appris à me contraindre , & à raire
beaucoup de révérences & de coin*
plimens à la mode de ce pays* ci.
Adieu , mon cher ami , & comme dit
PElpagnoI , imems fMS mulâdt»
3
A M. VITARxf
'AVtés le i6. Mm 1662»
»
J E ne vous renouvelle point les pro-
teftations d’être honnête • homme
& très-reconnoiffant ; vous avez aflèe
de bonté pour n’en point douter; je
vous remercie de la peine que vous
avez prife de m’envoyer un démif-
fpire ; je ne l’aurois jamais eu , fi je
ne rëufTe reçû que de D. Côme ; Tes
miférables Lettres font perdre toute
efpérance à mon oncle.
J’écrirat k ma tante la Religieiift'
puifque vous le voulez : fi je ne l’ai
point encore fait , vous devez m’excu<-
lèr , & elle aufli : car que puis-je lui
mander C’efl; bien alfez de faire ici
l’hypocrite ,fans le faire encore par
Lettres, où il ne faut parler que de dé-
votion , & ne faire autre chofe que
de fe recommander aux prières. Ce
n’eft pas que je n’en aye bon befoin,
( I ) mais je voudrois qu’on en fit pour
( t) On voit un jeune homme un peu éloigné de U dé«
DE Racine. (S7
moi fans être obligé d’en taotdetnan»
der. Si Dieu veut que je fois Prieur,
j’en ferai pour les autres autant qu’on
en aura fait pour moi. '
On tâche ici de me débaucher pour
me mener en compagnie. Quoique je
n’aime pas à refufer , ie me tiens pour*
tant fur la négative, «^ïîë Tors point;
je m’en confole avec mes livres;
comme on fait que je m’y plais , on
m’en apporte tous les jours , de Grecs,
d’Efpagnols , dt de toutes les langues.
Pour la compofitipn , je ne puis m’y
mettre. jtM Uhris me delefh , ejmrwn
habeo fefiivmn coptmn s auf te co^itOi A
fcribende frorfits abhorrée animtu. Cicé*
ron mandoit cela à Atticus ; mais j’ai
une raiibn particulière de ne point
compofer;je fuis trop embarraffé du |
mauvais fuccés de mes affaires , &
cette inquiétude feche toutes les pen*
fées de Vers.
, mais dont le cœur pas gâ'é. U lent bien
qa'il a toit , 8c c*eft pour cela q iMl a de la tépugnance
à édite à laçante éc Porc Koayl.
X
€8 Lettres
AU M E S M E.
Xe
» h ^ ^ ' |j
M oncle , qoi veut tfaîter fb^
dans un grand appareil»
cfl; allé ^ Avignon pour acheter ce
qu’on ne pourroit trouver ici » & U
xn^ lailTé la chara de pourvcûr ce-
pendant à tontes chofes. J’ai de fort
beaux emplois, comme vous voyez»
& je fais quelque chofe de plus que
manger ma foupe , puifque je la mù
faire apprécier. J’ai apris ce qu’il faut
^donner au premier» aii fécond» & aa
; troiQéraeTeWice»les éntremêts qu’ily
faut mêler , & encore quelque chofe
nous prétendons taire un
^^l^^tq^re fer vices, fans compter
le (Èiîert. J’ai la tête û remplie- de ~
toutes ces belles chofès » que je vous
en ppurrois faire un long entretien ;
mais c’eil uhe ntatiere trop creujè
fur le papier , outre que n’étant pas
bien confirmé dans cette fcience»je
pourrois bien faire quelque pas de
clerc» fij’eaparlois encore longtems. ^
DK R A C I N t. ($9.
Je vous prie de m’envoyer les Let-
tres Provinciales. Nos Moines font
de fots ignorans , qui n’étudient point
du tout; aulfi je ne les vois jamais,
& j’ai conçû une certaine horreur
pour cette vie fainéante de Moines ,
we je ne pourrai pas biêïrdlHimuler.
Pour mon oncle il eft fort f^e,forc
habile hmnme, peu Moine , & grand
Théologien. On parle beaucoup d’ua
Evêque qui elt adoré dans cette pro-
vince. M. Je Prince de Conti ( i ) va
bire fes Pâques chez lui.
Je vous dirai une petite hiftoire allez
étrange. Une jeune fille d’Uzés , qui
JogeoitaSez prés de chez nous ,s’em-
poifonna hier elle-même, avec de 1*»:-
lènic, pour fe vanger de Ibn pere , qui
l'avoit querellée trop rudement : da
relie elle étoit très • fage. Telle elt
l’humeur des gens de ce pays-ci ; ils
portent les palfions au dernier ex-
cès.
«
Je tvàs fott ferviteur de la beHe Manon^
Ët de la petke Nanon #
U étek Gottfccnctti 4a I4B|iic4pc,’
70
Lettres
Car je crois que c'efllà le nom
Dont on nomma votre fécondé :
Et jefaiueauffi ce beau petit mignon
Qui doit bientôt venir au monde.
A U M E S M £• .
>
Le 6. Juin.
MOn onde efl encore malade,
ce qui me toucbe fenfiblement ;
car je vois que fes maladies ne vien*
ment que d’inquiétude & d’accable-
ment : il a mille affaires toutes em*
barraffantes ; il a payé plus de trente
mille livres de dettes , & il en décou-
vre tous les jours de nouvelles : vous
diriez que nos Moines avoient pris
plaifir à fe ruiner. Quoique mon on-
cle iè tue pour eux , il reconnoîc de
plus en plus leur mauvaife volonté ;
& avec cela, il faut qu’il diflimule
tout. M. d’Uzés témoigne toute for-
te de confiance en loi , mais il n’en
attend rien : cet Evêque a des gêna
affamés à. qui il donne tont. Mon on-
b s R A c I M E. 7r
cleeft/i lalléde tant d’embarras , qu’il
me prefla hier de recevoir Ton -fiéné*
ficepar réOgnation. Cela me fit trein«
hier, voyant l’état où font les affaires ,
& je fus fî bien lui repréfenter ce que
c’étoit que de s’engag» dans des pro-
cès, & au bout du conte demeurer
Moine fans titre & fans liberté , que
loi-même -dl le premier à m’en détour-
ner; outre que je n’ai pas l’âge, par-
ce qu’il faut être Prêtre : car quoi-
qu’une di(j>enre foit aifée, ce feroit
nouvelle matière de {U’ocès. Enfin il
en vient jufques-là , qu’il voudroie
trouver un Bénéficier féculier qui vou-
lût de Ibn Bénéfice , à condition de
me réfîgner celui qu’il auroit. 11 efi:
réfblu de me mener à Avignon , pour
me faire tonfurer , afin qu’en tout cas ,
s’il vient quelque Chapelle , il la puif-
le impétrer. S’il venoit à vacquer quel-
que chofe dans votre difiriâ , fouve-
nez-vous de moi. Je crois qu’on n’en
murmurera pas à Port-Royal , puifi*
qu’on vok bien que je fuis ici dévoué
à l’Eglife. Excufez fi je vous impor-
tune , mais vous y êtes accoutumé.
7»
L £ T T R s s
(
m
AU M E S.M E.
Le 13. J»».
J’Ecrivis la feniaine palTée à D. Cô>
me , pour le difpofer à nous aban>
donner le Bénéfice ; il répond qu’il efi;
fl fa bienféance : il feroit à ma bien*
iéanoe autant qu’à la fienne. La mé«
chante condition que d’avoir^aiiaSe
ÿTTTôme ! je crois que cet homme-
là efi: né pour ruiner toutes mes af-
fiiires.
On fait ici la moiiïbn : on voit un tas
^ de moifibnneurs rôtis du foleil , qui
travaillent comme des démons , &
quand ils font hors d’haleine , ils le
jettent à terre au foleil même , dor-
un moment , & fe relevent auC^
iitôt. Je ne vois cela que de mes fe-
nêtres : je' ne pourrois être un mo-
ment dehors fans mourir , l’air ell aufiS
chaud que dans un four allum^ Pour
m’achever , je fuis tout le jour étourdi
4’une infinité de Cigales , qui ne font
^ue chanter de tous côtés > mais d’ua
chanç
DK R A C 1 N *. 7^
chant le plus perçant & le pins im>
portun du monde. Si j’avois autant
d’autorité fur elle qu’en aycHt le bon
Saint François, je ne leur dirois pas
comme lui , Chantez, fiMfatHr U Cigale ;
mais je les prierois bien fort de s’en
aller faire un tour jufqu’à la Ferté>
Milon , ü vous y êtes encore , pouir
Vous faire part d’une fî belle harmonie.
Notre Évêque a toujours Ton pro>
jet de Réforme ; mais il appréhende
d’aliéner les efprits de la Province ;
il fe voit déjà défèrt , ce qui le fâché ;
il recohnoît bien qu’on ne fait la cour
dans ce pays-ci, qu’à ceux dont on
attend du Uen : s’il établit une fois
la Réforme , il fera abandonné même
de Tes valets. On lui impute qu’il aimé
à dominer, & qu’il aime mieux avoir
dans Ton Fglife des Moines , dont il
prétend difpolèr, quoique peut-ôtre
il fe trompe , que des Chanoines fôcu«
liers , qui le portent un peu plus haut.
Les politiques en ces fortes d’anaireé
difent que les particuliers font plus
maniables qu’une Communauté, &
que les Moines n’ont pas toutedéfé;
len^ce pour les Evêques. . ^
T*me /.
n
JL E T T R B f
A M. VASSEUR.
Vzit U 4. Jtùilet i66t.
aüe vous tenez bien votre gra-
vité Efpagnole \ Il paroît bien
qu’en apprenant cette langue, vous
‘âvez pris un peu de l’humeur de la
nation. Vous n’aHez plus qu’à pas con-
tés , & vous écrivez une Lettre en
trois mois. Je ne vous ferai pas davan-
tage de reproches, quoique j’êufle'
Bien ïéfolu ce matin de vous en faire,
l’avais étudié tout ce qu’il y a de plus
tude & de plus injurieux dans les cinq
langues que vous aimez ; mais votre
Lettre eâ; arrivée à midi , & m’a fait
perdre la moitié de ma colère. N’étes-
Vous pasfort plaifant avec vos cinq lan-
gaesfV ousvoudfiez juilementque mes
Lettrés fufiènc des Calepins , & enco-
re des Lettres galantes , pour amuler
vos Dames. Ne croyez pas que ma
Bibliothèque foitfort grofle ; le nom-
bre de mes livres eft très-borné, en-
core ne fbnt ce pas des livres à con*
1
» B K A e I M B.' Vft
ter dearettes : ce font des Sommes
de Théologie Latine , Médications
Efpagnoles , Hîftoires Italiennes , Pe«
res Grecs , & pas un François : voyez
où je trouverois quelque chofe d’a<
gréable à vos Belles.
Entretenez toujours Mademoifelle
Vitartdans l’humeur de recevoir de
mes Lettres ; je crains bien qu’elle ne
s’en ennuie, Tvrtjne mi raxane$ nt deven
fer manjétr par tan fitbtil entendimient*
çmoelfi^e.
. M. de la Fontaine m’a écrit , & me
mande force nouvelles de Poêfîe, &
fur*tout de pièces de théâtre. Je m’é-
tonne que vous ne m’en difiez pas
un mot : il m'exhorte à faire des Vers ,
je lui en envoie aujourd’hui ; man-
dez- moi ce que vous en penferez , de
ne me payez pas d’exclamations , au-
trement je n’enverrai jamais rien. Fai-
tes des Vers vous-roéme, & .vous
verrez fi je ne vous manderai pas
au long tout ce que j’en pourrai dire.
Envoyez mes bains de Venus à M.
de la Fonuine.
Mes affaires n’avancent point ,ce qui
me délefpere.|e cherche quelquefujeC
de théâtre, &.je Ibrois afièz difpofé
Di
" L‘ * T T E S ■
à y travailler ; mais j’ai trop de ftijet
d’être mélancolique , & il faut avoir
refprit plus libre -que je ne l’ai : aufli*
bien je n’aurois pas ici une perfonne
comme vous pour me lècourir. Et
i’il faut un paflage Latin pour vous
mieux exprimer cela, je n’en faurois
trouver un plus propre que celui-ci :
îJihil rnihi nmefcito tant deejfe qnam hè~
mifiem eirnty tjHtctm tmnia me ad
alitjua afficimtt , Huacommmicem ^ qui mt
omet , qui fapiat, ^Htenm ego colloquar^:
ttihilfingam , nihii diffimulem ; mh$l ebte-
&e. Quand Cicéron eût été à
Uzés , & que vous euiliez été à la pla*
ce d’Atticus, eât-il pû parler autre'
ineat?
Je vous dirai , pour finir par l’en-
droit de votre Lettre , qui m’a le plus
Atisfait , que j’ai pris une part véri-
table à la paix de votre famille , &
je vous alTôre que quand je ferois ré-
concilié avec mon propre pere , fi
j’en' avois encore un , je n’aurois pas
dté plus aile qu’en apprenant que vous
étiez remis parfaitement avec le vô-
tre , parce que je fuis perfuadé que
vous vous en eûimez parfaitemeoc
heureux. Adieu.
/
I
3>E RieiNX. if
h M. VITART.
Zhtés U 9 JuiUct i66st.
VOcve Lettre m’a fait un grand
bien , & je palTerois aflez don-n
cernent mon tenu , fi j’en recevois fou*!
vent de pareilles, je ne f^ache rien qui '
me puiilè mieux confoler de mon éloi'
gnement 'de Paris ; je m’imagine mê>
me être au milieu du Parnafle , tant
vous me décrivez agréablement tout
ce qui s’y paSfe de plus mémoiable »
mais je m’en trouve fort éloigné , dt
c’eÆ fe mocquer de moi , que de me
porter, comme vous faices,à y retour»
ner ; je n’y ai pas fait alTez de voyages
pour en retenir le chemin , & ne m’en
louvenant plus , qui pourroit m’y re»
mettre en ce pays-ci ? J’aurois beau
invoquer les Mufes elles font trop
loin pour m’entendre ; elles font toû».
jours occupées auprès de vou^ autres
Meffieurs de Paris : il arrive rarement
qu’elles viennent dans les Provinces t
on dit même qu’elles .ont fait ferment
7? L E T T R E al
de n’y plus revenir , depuis l’infolence
de Pyrenée. Vous vous fouvenez de
cette hilloire.
*
Cétoit an fiuneux homicide,
n javoit conquis la Phocide,
Et faifoit des courfes , dit-on ,
Jufques au pied de rHélicon.
Un jour les neuf fjavantes Sorats»
Aflèz près de cette montagne,
S’amulknt i cueillir des fleurs , '
Se promenoient dans la campagne»
Tout d’un coup le Ciel fe couvrit »
Un épais nuage s'ouvrit,
U plut à gnmds flots , de l'onze
Les mit en mauvais équipage.
Le barbare aflèz près dC'Ià
Avoir établi fa demeure,
U le vit, 6c les apella.
Vous fçavez la fuitè , vous fçavez que
ce malheureux Pyrenée voulue faire
violence aux Mules , & que pour les
en garantir, les Dieux leur donnèrent
des ailes, de elles revôléient aufli- tôt
vers le ParnaiTe.
RâeiNS. yp
Lorfqa’elles fuient de retour ^
Coniidérant le mauvais tour
Que leur avoir joué cet infidèle Prince ,
Elles firent ferment que jamais en Provjnce
£Uer ne- fooient leur £éjour«
Ea eiBfet fe trouvant des ailes fur le dos»
Elles jugèrent à propos
Des*en aller à là même heure
Ob Pallas.fiüfoit la demeure.
Elles 7 demeurèrent long-tems ;
Mais lorlque lesRomaîns devinrent édatan^
Etqu'ils eurent conquis Athènes ,
Les Mules le firent Romaines.
Enfin par Tordre du deftih ,
Quand Ronse alloit en décadence^
Les Mufes au Pays Latin
Ne firent plus leur réfidence»
Paris le liège des Amours ,
Devint aufli celui des filles de mèmoirci
Et Ton a grand lujet de croire
Qu'elles ÿ refieront toûjours.^
/Quand jq parle de Paris , j’y comprens
/les beaux pays d’alencour ; car elles en
: lorienc de tëms en tems pour prea-
D 4
S6 Lettres
dre l’aîr de la Campagne.
Tantôt Fontainebleau les voit
Le long de fes belles cafca'des:
Tantôt Vincennes Iles reçoit
Au milieu de fes palifTades.
Elles vont fouvent fiir les eaux.
Ou de la Marne ou de la Seine :
« Elles étoient toûjours à Vaux >
Et ne Font pas quittdûuis peine.
»
Ne CToyez pas pour cela que les Pro>
vinces manquent de Foëtes , elles en
ont en abondance:mais que cesMufes
font differentes des autres ! Il eft vrai
qu’elles leur font égales en nombre, &
le vantent d’être prefque auffl ancien*
nés , au moins font-elles depuis long*
tems en poffeffiondes Provinces. Vous
^êtes en peine de fçavoir qui elles font :
fouveoez-vous des neuf filles de Pie-
rus ; leur hiffoire eft connue au Par-
nalle, d’autant que les Mules prirent
leurs noms après les avoir vaincuè’s ,
comme les Romains prenoient les
noms des pays qu’ils avoient conquis.
Les filles- de Pierus furent changées
en Fies.
DE Racine. 8t
Ces oifeaux plus importuns
Mille fois que les Chouettes ^
Sont caufe que les Poètes ^
Sont devenus fi communs»
Vous fçaves» >que toutes Pies
Dérobent fort volontiers:
Celles^-ci comme Harpies
Pillent les livres entiers»
On dît même qu^à Paris
Ces faufies Mufes font rage»
Et que force beaux efprits
Se font à leur badinage.
Lorfqu'elles font attrapées
Les ailes lèurs font coupées»
Et leurs larcins confifquésr
Et pour finir cette hifioire».
Tels oifeaux font reléguée
De-là les rives de Loire-
Cell où Furetîere relegue lèur géri^
. ral Galimatbias » & il e(l bien jufte
qu’elles lui tiennent compagnie ; mais
je ne fonge pas que vous me condam*^
lierez peut-être à y efemeurer comme
elles» Éneffet j’ai bien peûf que ceci
. 92 L E T T & & s
n’aprOche fort de leur fbyle , & qt
^ous n’y reconnoiOiez plûcôt le caqui
|impoctun des Pies , que l’agréable fac
des Mufes. Renvoyez-mot ceti
bagatelle des bains de Venus n
mandez ce qu’en- penfe votre Acad'
mie deCbâteau-Thiery , fur-tout M
demoifelle de la Fontaine. Je ne 1
demande aucune grâce pour mesVet
Qu'elle les traite rigoureurement;ma
qu’eUe me fafie au moins la grâce 4’
gréer mes refpeéts.
A U M E S M E. '
, Ji Vfix. le x$ SnilUt i66z.
Votre derniere Lettre m’aextr
memenc confolé , voyant q;
TOUS preniez quelque pajr à l’affli
tion ou j’étois de la trahifon de D. C<
me. Je ne lui écrirai plus de ma vii
& je ne parlerai plus à mon onde <
réugnation , parce que j’ai pe^r qu
ne me croie interrefré. Cependant
doit bien s'imaginer que je ne luis p;
venu de û loin pour ne rien ^goe
V É R A C I K k. f|
Jelai ai jufqu’ici tant témoigné de fou>
inîfüon & d'ouverture de cœur , -qu'il
à crû que je voudrois vivre avec lui
long-tems de la forte , fans aucunein*
tendon, fur fon^énéfice ; ( ï ) je von-
drois bien, qu’il euttoûjourscettebon*
ne opinion de moi. II n’y a rien à faire
auprès de M. l’Evêque: il donne à Tes
gens le peu de Bénéfices qui vacquent
•r ■ t
ici.
. Je fuis fort allarmé de votre refroi-
difleraent avec le pauvre Abbé le Vaf-
/èur;ceia m’affligeroit au dernier point
■ii je ne f^avois que Votre amitié eft
-.trop forte pour être fi long-tems re-
froidie , & que vous êtes trop, géné- ^
reux r.un & fautre pour ne pas pafi
for par deflûs de petites chofes, qui -
peuvent avoir caufé cette méfintelli-y
gence. Je fouhaite que cèt accord fo*
fafie au plûtôc : ayez la bonté de m’eib
mander au(fi-tôt la nouvelle ; car je
mourrois de déplaifir^fî vous rom-
piez tout-à-fait , je pourrois bien dire
comme Chiméne »
* ^ I > Il avoue ingénument fes (eniimcnt^ U avoU\
Mande envie du Bénéfice ; 4a néoefitté de fe- fairt^Ké*
ffuller l'dffnypit. Cependant uoe ptosnande
nêÜB&é 1*011 Mit QOnÜBBût isiottt s
JUt ffloitléde ma vie anus fautie au tom*
’ bMU.
«
Mais vous n’en viendrez pas juf-
qu’à cette extrémité ; vous êtes trop
pacifiques tous deux.
J’ai peine à croire que Mademoi*
felle Vitart ait la moindre curiofité
de voir quelque chofe de moi , puif>
qu’elle ne m'en arien témoigné: vous
fçavçz bien vous-même que les meil-
leurs efprits le trouveroient embar-
raflés ) s’il leur falloir toûjours écrire,
fans recevoir de réponfe. £crivez-moi
fouvent, vos Lettres me donnent cou-
rage , & m’aident à pouilèr le tems
par l’épaule , comme on dit dans ce
pays-ci.
M. le Prince de Conti efi à trois
lieuè's de cette ville , & fe fait furieufe-
ment craindre dans la Province; il fait
rechercher les vieux crimes , qui font
en fort grand nombre : il a fait empri-
fonner plufieurs Gentilhommes^ & en
a écarté beaucoup d’autres. Une trou-
pe de Comédiens s’étoit venu établir
dans une petite ville proche d’ici, il
lesachafféS} ilsofit xépapleiüi^
DE Racine. 85'
ne. Les gens du Languedoc ne font
pas accoûtumés à pareille réforme. Il
f^uc pourtant plier.
Je ne fçaurois écrire à d’autres qu’à
TOUS aujourd’hui , j’ai rèfprit embar*
ralTé ; je ne fuis en état que de parler
procès , ce .qui fcandaliferoit ceux à
qui j’ai coutume d’écrire : tout le mon*
. de n’a pas la patiencè que vous avez
pour fouffrir mes folies : outre que
mon oncle eH: au lit , & que je fuis
fort aflSdu auprès de lui , il e(l tout*
à-fait bon, & je crois que c’eflle feid
de fa Communauté qui ait l’ame ten*
dre & généreufe. Je fouhaite qu’il faf>
fe quelque chofe pour moi ; je puis ce-
pendant vous protefter que je ne fuis
pas ardent pour les Bénéfices ; je n’en
fouhaite que pour vous payer au
moins quelque méchante partie de
tout ce que je vous dois. Je meurs
d’envie de voir vos deux Infantes, '
Un Gentilhomme voiün de cette
ville annonçoit avec tant de confian*
ce, que l’enfant dont fa femipe dévoie
accoucher feroit quelque chofe de
grand | que je m’attendois à voir naS*
tre dans le château quelque géant ; &
il û’eü fille» Ce a’eft pu
L s T T s E s
qu‘une fille foit peu de chofe , m
' )e pere parloit bien plus haut ; c
lui apprend à s'humilier. |'aioQi'd
à un Prédicateur, que Dieu chani
roit piûtôt un garçon en 61ie av;
qu’il futné,que de ne point humil
tin homme qui s’en fait accroire,
n’ed pas qu’il y aie du miracle di
l’affaire de ceGentilhomme,& je cri
fort bonnemenequ'il n’a eu que ceqi
a fait. Adieu.
A M. LE VASSEUR.
'A Pont,
La renmmU a été afJèz heureui
( 1 ) M. le Comte de Saint Aigm
la trouve fort belle ; il a demandé m
autres ouvrages, & m’adêmandémt
même: je le dois aller faluer demain. ^
ne l’ai pas trouvé aujourd'hui au lev<
D E R A C I N B. , 87
du Roi: mais j’y ai trouvé Molière ,
à qui le Roi a donné ailèz de loüan<
ges ; & j’en ai été biep aife pour lui :
il a été bien aile aoffî que jj fulTe pre*
fent.
LesSuifles iront Dimanche à No>
tre>Dame ; & le Roi a demandé la Co«
médie pour eux à Molière , fur quoi
M. le Duc a dit qu’il fuffifoit de
leur donner jrtt Rhii bien enfariné,
parce qu'ils o’entendoient point le
François.
• Adieu : vous voyez que je fuis à de*
.mi courtifan , mais c’emà mon gré un
métier allèz ennuyeux.
Pour ce qui regarde les fnrts^ ils
(bns avancés : ( i ) le quatrième a6ie
étoit fait, mais je ne go ûtois point
toutes fes épées tirées ; ajnfi il a falta
les faire rengainer , & pour cela ôter
plus de deux cens vers , ce qui n’eft
pas aifé.
1 1'} 11 parle de la Tragélie dct Frexes ettnemit.
(S0
a
ê
‘ V *
«8
Lettre?
AU M E S M e.
J)e Tmt.
\
Ne vous attendez pas à aprendre
de moi aucune nou velle:car quoi*
que j’aie vû tout ce qui s’efl: pàiTé à
Notre-Dame avec Melüeurs les Suif*
fes , je n’ofe pasufurperfur le Gaze-
tier l’honneur de vous en faire le récit.
J’ai tantôt achevé ce que vous
fçavez , & j’efpére que j’aufai fait
Dimanche ou Lundy : j’y ai mis des
Stances qui me fatisfont alTez ( i ) $
en voici la première ^ je n’ai point de
meilleure cbofe à vous écrire.
Cruelle Ambiticm dont la noire malice
Conduit tant de monde au trépas j
Et qui feignant d’ouvrir le trônefous nos pas
Ne nous ouvres qu’un précipice^
Que tu caufes d’égaremens !
Qu’en d’étranges inallieurs tu plonges tes
amans I
(.() VM d n%afiit Atiifiûti «Tcc
%
i
SE Racine. 8p
, Que leuts ckûtes font déplorables !
Mais que tu fais périr d’innocens avec euz>.
B tu fais de miférableç
mt un ambitieux!.
C’eft on lieu commun qui vient bien
à mon fujet , ne le montrez pas.
Adieu,jefoühaite que ma Stance vous
tienne Keu d’une bonne Lettre. Mont-
fleury a fait une Requête contre Mo* f'
. Hère , & l’a prefentée au Roi , li ac*
cu(e Molière d’avoir époufé fa pro*.
pre fille; mais Mont-âeury n’efl point,
écouté à la Cour.
A ü M E S M E. •
JDr Pdrtt,
JE n’ai pas grandes nouvelles à vous
mander : je n’ai fait que retoucher
continuellement au cinquième Aêle ;
il eft achevé : j’en ai changé toutes les
Stances avec quelque regret. On m’a
dit gue ma Princeffe n’étoit pas en
tuatioa de s’étendre for des lieux com>
«
90 LETTVEi^
rouns : j’ai donc toat réduit; à trois
Stances, & j’ai ôté celle de l’Ambition^
qui me fervira peut-être ailleurs.
On annonça hier la Thébaïde à
FHÔtel; mais on ne la promet qu’a-
prés trois autres pièces.
Je viens de parcourir votre belle
& grande Lettre , où j’ai trouvé des
difficultés qui m’ont arrêté. Je fuis
pourtant fort obligé à l’Auteur des
Remarques , (’ i ) & je l’elÜme in-
finiment. Je ne fais s’il ne me fera
point permis quelque jour de le con-
noitre. Adieu , Monueur.
'fl) Cet endroit eit remarquable, il parle des cri-
tiques iîir (bti Ode de la Renom mée *, faîtes'par Boi*
leau, à qui M. le Vailbur avoit montré cette Odes.
Ces critiques lui infpiféreiit de l'eftimepour Boileau ,
de une grande envie de le connoltre* M- le Vallcuz
le mena chez Boileau , 6c dans cette premteie viûie.
eDmmcnfa leux famcoie le conftame anûtié.
91
AVERTISSEMENT.
' \
ON verra dans les Lettres
fuivances, tout commun
encre les deux hommes qui s’écrL
vent , amis, intérêts , fencimens,
ôc ouvrages. On verra auffi mon
Pere plus occupé à la Cour i de
Boileau que de lui-même. Cette
union,qui a duré près de quaran»
te ans « n’a jamais été un ^ul jour
refroidie.
: Les premières Lettres furent
écrites dans le tems que Boilean
ctoit allé â Bourbon , où les Mé>
decins l’avoient envoyé prendre
les eaux : remède aflez bifarre
(pour une excinâion de voix. Il
î’avoit perduë entièrement , de
tout>àrCoup , à la fin d’un vio>
lent rhume : & fe regardant com»
me un homme inutile au monde ,
il s’abandonnoit à fon a£Bidi<»u
AVERTISSEMENT,
Mon Pere le conloloit , en l’alTu*
ranc qu’il recrouveroic la voik
comme il l'avoit perduë, & qu’au
moment qu’il $*y atcendoit le
moins , elle reviendroic. La pré-
diâion fût véritable : les remè-
des ne firent rien , & la voix fik
xuois après , revint tout-à-coup.
Les autres Lettres font {Mreique
toutes écrites dans le tems^que
mon P ere fui voit le Roi dans fès
Campag^es^Boileaune pouvant
à caufe de la foiblelTe de là làn^
té , avoir le même honneur ,jlba'
Ccdlégue dans Pemploi d’écrire
cette Hiftoire t àvoft attention
de l’inftruirè de tout ce qui le
palToit. Il lui écriypit à la hâte ,■
& Boileau lui répondoit de mdi
me. Ces Lettres dans lefquelles.
ils ne cherchent point l’efprit»
font connoîcrc leur coeur.
SECOND RECUEIL-
«
LETTRES A BOILEAU,
Et les Rèponfes de Boileau.
DE BOILEAU.
^ Boutim U II. Juillet.
jTl’Ai été faigné , purgé , &c. & il ne
manque plus aucune des forma*
Imalités précenduès néceflaires pour
prendre les eaux. La médecine que
j’ai prifè aujourd’hui , .m’a fait , à ce
qo’on dit , tous les biens du monde ;
car elle m’a fait ’ tomber quatre ou
cinq fois en foiblefle , & m’a mis en
tel état qu’à peine je puis me foûte-
nir. C’elx demain que je dois com*
xnencer le grand chef • d’œuvre ; je
veux dire que demain je dois corn*
^4 Lettres os BeiLSAV
mencer à prendre des eans. M. Bour»
^ier , mon Médecin , me remplit toû-
jours de grandes efpérances ; il n’eft
pas de l’avis de M. Fagon pour le
î[)ain , & cite même des exemples de
gens qui loin de recouvrer la voix
par ce remède , l’ont perduê pour s’ê-
tre baignés : du relie on ne peut pas
faire plus d’eltime de M. Fagon qu’il
èn fait, & il le regarde comme l’Ef
culapë de ce tcms. j’ai fait connoif-
fance avec deux ou trois malades ,
qui valent bien des gens en fanté.
Ce ne fera pas une petite affaire pour
moi que la prilè des eaux , qui font ,
dit- on , fort endormantes , & aveclef-
Iquelles néanmoins il faut abfolumenc
Vetnpêcher de dormir : ce fera un
noviciat terrible : mais que ne fait>on
point pour contredire M. Charpen-
tier ? ( I )
Je n’ai point encore eu de tems
pour me remettre à l’étude , parce
que j’ai été allez occupé des remèdes,
pendant lefquels on m’a défendu ,
lur-tout , l’application , les eaux , dit-
( I } Il diffiuoU Ibaveu i l’Aeadcmie cMUe M.
Chaifcntict.
* T » B R A C I H S. Ç<f
en ^ me donneront plus de loîHr , &
ipourvû que je ne m’endorme point,
on me laifle toute liberté de lire , &
même de compolèr. Il y a ici un Tré-
forier de la Sainte Chapelle, qui me
vient voir fort fouvent ; il elt hom-
me de beaucoup d’efprit, & s’il n’a
pas la main G prompte à répandre les
bénédiâioBS que le fameux M. Cou- ;
tances , il a en récompenfe beaucoup '
plus de Lettres <St de folidité. Je fuis
toûjours fort affligé de ne vous point
voir j mais franchement le féjour de
Bourbon ne m’a point paru , jufqu’à
préfent, fi honible-que je me l’étois
imaginé: je m’étois préparé à une fi
grande inquiétude , que je n’en ai pas
la moitié de ce que j’en croiois avoir.
Je n’ai jamais mieux conçâ combien
lé voiis aime , que depuis .notrê'trîHÇ^
réparation. Mes recommandations au
'Félix , ât je vous fuplie ,
quand même je Taurois oublié dans
quelqu’une de mes Lettres , de fup-
pofer toujours que je vous ai parlé de
lui , parce que mon cœur l’a fait , il
ma main ne l’a pas écrit.
çf6 Lettres de Boileav
A BOILEAU.
»
Taris le 25. JstilUt,
\ *
JE commençois à m’ennuyet beau-
coup de ne point recevoir de vos
nouvelles , & je ne favois même
répondre àquamité de gens quim’en
demandoienc. Le Roi , il y a trois
jours, me deihanda à Ton (fîner , com-
ment alloit votre extinftion de voix:
je lui dis que vous étiéz. à Bourbon.
^Monfleur prit àufii-tôt la parole , &
• me fit là-delTus force queftions , auf-
^fi-bien que Madame j & vous fîtes
l’entretien de plus de la moitié du dî-
ner. Je me trouvai le lendemain fur
le chemin de M. de Louvois , qui
me parla aufli de vous ; mais avec
beaucoup de bonté, &. me difant eu
propres mots , qu’il étoit très- fâché
que cela durât fl long-tems. Je ne
vous dis rien de mille autres qui me
parlent tous les jours de vous ;& quoi-
que j’efpere que vous retrouverez
l^en-tôt votre voix toute entière ,
vou«
B T » E B. A C t N E.'
VOUS n’en aurez jamais affez pour fuf>
fire à tous les remercimens que vous
aurez à faire.
Je me fuis laUTé débaucher par M.
Félix pour fuivre le Roi à Mainte-’
non : c’efl un voyage de quatre jours.
M. de Termes nous mène dans foa
carofle : & j’ai auffi débauché M.
HeUein pour faire le quatrième : il fe
plaint toujours beaucoup de lès va-\
peurs, & je vois bien qu’il efpere
ibulager par quelque dilpute de Ion- j
gue haleine ; ( i ) mais je ne fuis guè-
re en état de lui donner contente-
ment, me trouvant aflez incommodé
de ma gorge , dés que j’ai parlé un pea '
de fuite. Ce qui m’embarrallè , c’eli:
que M. Fagott, & pIuGeurs autres
Médecins trés-habiles , m’av.oient or-
donné de boire beaucoup d’eau de
Sainte Reine , & des ptifannes de*
( chicorée. Et j’ai trouvé chez M. Ni-
HÈBRr anTSÆédecin qui me paroît fort.
6nfé , qui m’a dit qu’il connoiiToic
mon mal à fisnd;. qu’il en âvoitdéja
'J. ^ ^ < Jcat ami comoit» » fie Frc«
de la Sablière , avoit beaucoup d*cf-
pffit 'lc de Lettitf : maii.U aimoit à difpiitcc fil i
«olurtdire.
Tmf /, Ë
^ ti« T T ECt IIFE B 01 L 1 AV
;^uéri plufieurs^ & que je ne guérir
aeois jamais , tant que je boirois ni eau
aii ptifanne j que le feul moyen de
Ærtir d’afiàire^ étoit de üè boire que
^ur la feulé nécelfité , tout - au»
plus pour détremper ‘les alimens dans
Teftomach. Il .a appuyé cela de quel*
^ues Taifonnemens qui ‘ m’ont para
aflez folides. Ce qui eft arrivé de-là^
«’eft que je n’exécute., ni Ton otdoo-
Aance , -ni celle de M. Fagon .* je ne
jne noyé plus dleau comme je fai»
ilbis, je bois à ma foif , & vous jugez
;biei) que par le tems qu’il fait , on a
tbt^ours foif ; cîeft • à - dire franche*
vienc^ que je me fuis remis dans mon
train de vieotdm«re je m’en trou-
ve aflèz bien. Tje même Médecin m’a
aflbré que fi les eàus de Bourbon ne k
«dus guériiToient pas , il vous guéri-
ncdt infailliblement; Il m’a cité l’e-j
xemple d’nn Chantre de Notre » Di-j
me , à qui nn rhume avoit Êiit per-
dre iémieronent la -vo» -d^uis lîx
mois vi& ü étoit prêt de ie retirer p
ceJMédedn l’entreprit , & avec une'
ptilànne d’une herbe qu’on apelle ,
crois , , le tira d’affaire , "ss
W teile forte que non-feulemeat il’
%t os RâeiKE. ^
sarle , mais il chante , & a la voix auf*
V forte qu’il Fait jamais eue. J’ai con-
té la chofè aux Médecins de la Cour :
ils a voilent que cette plante d’^ti/g-
rntum eft très-bonne posflâ'poitnne ;
mais ils dilênt qu’ils ne trroyoient pas
qu’elle «ût la vertu que dit mon Mé-
^écin. C’eft le même qui a deviné
Je mal de M. Kicole : ( i ) il s’apel-
Je M. Morin\, & il efl; à Mademoi-
Jèlle.de Guilê. M. Fagon ^ fait un
fort grand cas. J’efpere que vous
n’aurez pas befoin de lui ; mais tou-
jours cela eft bon il favoir : & fi le
malheur voidoit que vos eaux ne fif-
fent pas tout l’effet que vous fouhai-
tez t voüà encore une affez bonne
confolation que je vous donne. Je ne
vous manderai pour cette fois d’au!>
très nouvelles que celles qui regar-
dent votre fauté & la mienne.
ftj II étolt de TAcadémie des Sciences» de (bu
dloge cft im des f Kiuiefi de «ei» qu'a fait dA
JEMttaBlie.
too Lettres de Boiliav
DE BOILEAU. .
A Buirion ie 29.. Juillet.
SI la perte de ma vojx ne m’avoit
fort guéri de la vanité , j’au-
Tois été très • fenfîble à tout ce que
TOUS m’avez mandé de l'honneur que[
m’a fait le plus grand Prince de la ter*;
re, en vous demandant des nouvel*!
les de ma fanté. Mais l’impuiflaa*
ee où ma maladie me met de répon*
dre par mon travail à toutes les bon-
lés qu’ilme témoigne , me fait un fur
Jet de. chagrin , de ce qui devroit fai-
re toute ma joye. Les eaux jufqu’ici
m’ont fait un fort grand bien , fui-
vant toutes les réglés , puifque je les
^ends ' de relie , & qu’elles m’ont ,
.pour ainû dire , tout fait fortir du V
«orps,exceptéla.maladiepour laquei-^
le je les prens. M. Bourdier , mon ^
Médecin , foutient pourtant que j’ai
la voix plus forte que quand je fuis
arrivé.: & M. Baudierre , mon Apo-
cicaire , qui eÆ encore meilleur jur
F
BT DE RACINEr fOC
ge qae IhL puifqu’il eft fourd , pré-
«fend âiiîmamême chofe j mais pouf
moi je fuis perAiadé qu’ils me flat-
tent , ou plûtôc qu'ils k flattent eux-
mêmes. Quoi qo’il en fbit, l’irai JuA
qu’au bout , & je ne donnerai point
occafîon à M. Fagon & à M. Félix de;
dire que je me fuis impatienté. Au pi$
aller nous elKiierons cet byv.er YEri-
fàmm: moD Médecin. & mon Apo-
ticaire » àqni j’ai montré l’endroit de
, votre Lettre , oà vous parlez de cet-
te plante , ont témoigné tous deux en
faire grand cas j mais M. fiourdier
prétend qu’elle ne peut rendre la voix
qu’à des gens qui ont le goiler attai» .1
qué ydt non pas à on homme comme /
moi , qui a tous les mufcles embar-'^
Taifés. Peut-être que fi j’avoisle go<>
zier malade , prétendroit-il que Y EH'
firnurn ne fauroit guérir que ceux qui
ont la poitrine attaquée. Le bon de
]*afiàîree(l qu’il perfide toujours dans
la penfée que. les eaux de Bourbon me
rendront bientôt la voix ; fi cela arri-
ve , ce fera à moi , mon cher Mon-
fieur, à vous confoler, puifquede la
maniéré dont vous me parlez de.vo-'
cre mal de gorge , je doute qu’il puif*
E 3
102 Lettiss oe BoiiEixr
fe être guéri fitôt , fur-tout fi vont
■vous engagez en de longs wyageï
avec M. Heffein. Mais laiflèz-moi fai-
re, fi la voix me revient, j’efpéredc
vous foulager dans les difputes que
vous aurez avec fui , iauf à perdrq^
encore une fécondé fois pour voua
. rendre cet ofiSce. Je vous prie pour-
taiit de lui faire bien des amkiés de ma
part , & de lui faire entendre que
fes contradiâions me feront tou-
jours beaucoup plus agréables que lea
complaifences & les aplaudifTemens
fades des amateurs du bel Efprit. U
a’eft trouvé ici parmi les Capucins un
de ces amateurs qui a fak des Vers
i ma loüange. padmire ce que c’efe
que des hommes. Vtimtas mn»f»
vdnit4s. Cette fentence ne m'a jamais
paru fi vraîe qu’en fréquentant cea
bons & cralTeux Peres. Je fuis bieft
fâché qiie-vourne fbyéz point enco-
re établi à Auteuil , où , Tpfite
ipfrhâe voe^héutti c’eft-à-dire,
'OÙ mes des deux puits ( i J & mes
abricotiers vous apellent.
(1) Il n'avoit pas d'autres eaux dans ccUe pc.ûtt
inaifoa dont il faifoit Tes délices*
f
f
Y T v .B K A e r H S. to)fi
Vous faites rrès-bien d’aller à Main*-
* cenon avec une- compagnie auffî
agréable qur celle dbnt vous me parr
lez , puifque vous y trouverez votre
utilité Si. votre plailiri. Qpme tufip'
pmEltm , &CV-
Je n’ai pû deviner là Cfitiqne que
vous peut faire.M. l’Abbé Tailemanr
for l’Épitaphe^ N’eft- ce poinr qu’il*
prétend que ces termea , Ùfitt t$ornmf^,
Kmblent dire que l<( Roy Louis XIIR
a tenu M. lo TeHier fur les fonts- de'
Jfoptênie ; m> bî^ ms c’éft tnÿ di^^-
.que le Roy lè choiut pour remplir
la charge,,^, parce que c’eft la
charge qui a rempli M. le Tellier y Sc
non pas M; le Tellier qui a rempli la
charge-: parla même raifon que c’eft
la ville qpi entoure lés ft^a- » ^
non pas ies folTés qui encourent la-
ville. G’ell à vous à m’expliquer ceo-
te énigme.
Faites bien, je vous prie^esbaiiè*
mains au P. Bouhours , & à- tous nos
amis ; mais fur-tout térooignezhien k
I M. Nicole la profQade,véaàration que
I j’^1 P°°F, fon mérite pour la finir -
*'^cîté dé fes moeurs t encore plus adr
nûr abJe que fon mérite. V oilà , ce ms
£ 4
104 Lettres de Bdiieeu
femble,uneafle2 longue Lettre pour
vn homme à qui on défend les Ion*
goes aplications. J'ai appris par la Ga*
zette que M. l’Abbé de Choify étoit
agréé a l’Académie. Voici encore une
vo!e que je vous envoyé pour lui , ^
les trente-neuf ne fuffifent pas. Adieu ,
aimez moi toujours, & croyez que
je n’aime rien plus que vous. Je paf-
fe ici le tcms , Sic m
av vrimus tm poffm.
m
A BOILEAU.
lAférU et 4. A^»
JE n’ai point encore vô M. Fagon
depuis que j’ai re$û de vos nou*
Telles : oOi bien M. Daquin , qui trou-
ve fort étrange que vous ne vous
foyez pas mis entre les mains de M.
des Trapieres: il eil même bien en
peine qui peut vous avoir adreiTé à
M. Bourdier. Je jugeai à propos , tant
il étoit en colère , de ne lui pas dire
tin mot de M. Fagon.
^ J'ai fait le voyage de Maioteooo ,
«
ST SS R A e I H S. 105
&ftris fort eofitenc des ouvrages qpe.
j’y ai vûs ; ils font prodigieux , & di>
fies en vérité de la nlagnificence du
oi. Les arcades qui doivent joindre
les deux montagnes vis-à-vis Mainte^*
non , font prefque faites , ü y en a qua-,
rante-huit,' elles font bâties pour l’é»
ternité : je voudrois qu’on eôt autant
d’eau à faire paflfer deflùs ^ qu’elle»
font capables d’en porter. Il y a là.
près de trente mille hommes qui tro-^
Taillent, tous gens bien faits, & qui ^
fi la guerre recommence , remueront
plus volontiers la terre devant quek
que place fur la frontière , que dansi
les plaines de BeaulTe.
J’eus l’honneur de voir Madame.
deMaintenon, avec qui je fus une
bonne partie d’une après-dînée ; &
elle me témoigna même que ce tems>
là ne lui avoit point duré. Elle ell
toujours la même que vous l’avez,
vûè' , pleine d’efprit , de raifon , de
piété , & de beaucoup de bonté pour*
nous. Elle me demanda des nouvel>
les de notre travail : jelui dis que vo^
tre indlfpoiîtlon & la mienne , mon,
voyage à Luxembourg, & votre voya-*
ge à Bduibdn , nous àvoient un pea
üi S
I
iù6 Lett&es de Boileav
recalés ; mais que nous ne perdions
pas cependant notre tems. ( i }
A propos de Luxemboarg , je viens
de recevoir un plan , & de la place ,
& des attaques , & cela dans la der-
niere exaéhtode. Je viens de rece>
voir en même*tems une Lettre , où
l'on me mande une nouvelle fort fur»
' prenante & fort affligeante pour vous
& pour moi : c’eft la mort de notre
ami M. de Saint Laurent , ( 2 ) qui a
!jé.téemporté d’un feul accès de colique
^Wphrétique, à quoi il n’avoit jamais
eîeTujet en fa vie. Je ne crois pas ,
qu’excepté Madame , on en foit fore
.affligé au Palais Royal. Les voilà dé*
barralTés d'un homme de bien.
Je laiflè volontiers à la Gazette à
vous parler de M. l'Abbé de Choify.
11 fut reçû fans oppofîtion ; il avoic
pris tous les devants qu’il Jajloit au*
près des gens qui auroieht pû lui^-
( 1 ; Ib ne le pejrdroient pas j mais les grands
morceaux qu*ils avoient faits , ont ftd bt&Iés dans
]*iAGcndic arrivée chez M. de VaUncoor.
f z) Homme d*une grande piéie , Précepteur du
jeune Duc de Chanres , depuis Monfîcur le Due
d'Orléans Récent. Une Lettre fuivante fera connot*'
tte Icsrcsteu do jeune Prince, de £i douleur de cette
Mit)
4
IT T D E R A C I n S. 107
re de la peine. Il fera le jour de Saint
Loüis fa harangue, qu’il m’a montrée :
il y a quelques endroits d’efprit i je
lui ai fait ôter quelques fautes de ju*
Îrement. M. Bergeret fera la répon*
e ; je crois qu’il y aura plus de juge-
ment.
Je fuis bien aife que vous n’ayez
pas connu la Critique dé M. l’Abbé
l^leraant ; c’eR ligne qu’elle ne vaut
rien. Sa Critique tomboh for ces motst-
/f e» ctmmnf a les'fmSioas f -’û préten--
doit qu’il falloit dire néceflàirement ::
M emmtifa s :e» faire Us JmStütte,' Le '
P. Bouhours ne le deviiiB point, non-^
plus que vous ; & quand je lui dis la^
difficulté, il s’oi mocqua.
M. Heifeinn’a point changé ; nous >
fumes cinq jours enfemble. Il fut forc^
doux dans les quatre premiers jours
& eût beaucoup de complaifance *
pour M. de Termes , qui ne l’avoic*'
jamais vû> & qui étoit charmé- de ùt-
douceur. Le dernier jour M. Hcireia <
ne lui laiffii pas paflfer un mot fensle ‘
coDtreffire ; &: même quand il noos ^
voyoit fatigués & endormis, H avan-'
$oit malicieufemenc quelque parado-.-
xe , qu’il làvoic bien qu’on ne lui
£6.
loS Lettres SE Boileau
feroic point pafler. En un mot , il
eut contentement : non-feuiementon
âifpata , mais on querella , & on fe
tfépara fkns avoir trop d'envie de fe
revoir de plus de huit jours. Il me
lembla que M. de Termes avoit tou-
jours raifon ; il lui fembla auffi la mê-
me chofe de moi. M. Félix témoigna
ppn pta- df> hiitnté p'>ur M. Heflein,
& aima mieux nous gronder tous , que
de feréfoudre à le condamner. Voilà
comment s’eft pafTé le voyage. Mon
mal de gorge n’efl point encore fini ;
mais je n’y fais plus rien. Adieu , mon
cher Monfieur, mandez>moi au plû-
tôt que vous parlez: c’efi la meilleu-
re nouvelle que je puifle recevoir en
ma vie.
DE BOILEAU.
r
\A Bourbon le 5. Aoit,
JE vous demande pardon du gros
pacquetque je vous envoyé : mais
M. Bourdier , mon Médecin , a crû
qu’il étoit de fi>n devoir d’écrire 3 M.
Et DE Ë.ACINE. 109
Fagon fur ma maladie. Je lui ai dit
qu’il falioit que M. Dodart vit auffi
la cbofe,; ainû nous femmes conve*
nus de vous adrefler fa relation. Je
vous envoyé un compliment pour M.
de la Bruyere.
J’ai été fenliblement affligé de la
mort de M. de Saint Laurent. Fran-
chement notre fiécle fe dégarnit fort
de gens de meateStHe vertu.: & fana
ceux qu’on écarte fous un faux pré-
texte, en voilà un grand nombre que
la mort a enlevés depuis peu.
Ma maladie efl: de ces fortes de cho-
fes , no» recipjlHat mngis, & minus ,
puifque je fuis environ au même état
que j’étois lorfque je fois arrivé. On
. me dit cependant toûjoura, comme à
Paris , que cela reviendra , & c’eft ce '
qui me défefpére , cela ne revenantl
point.Si je favois quejedûlTeêtre fana ■
voix toute ma vie , je m’affligerois ,
fans doute mais je prendrois ma ré-
lolution , & je ferois peut-être moina
malheureux que dans un état d’incer-
titude , qui ne me permet pas de me
fixer , & qui me lailTe toûjours comme
un. coupable qui attend le jugement ^
de fbtt procès. Je m’efforce cepen-~
no Lettres de Boileav
dant de traîner ici ma tniférable viè '
da mieux que je puis , avec un Abbé ^
trèS’honnéte homme , mon Médecin »
& mon Apoticure. Je pafiè ie tems
avec eux , à pen près comme D. Qui*
xotte le paflbit »n Mtt lKgdr dt U Mmu
cfM avec Ton Curé , Ton Barbier , Sc
le Bachelier Sanfon Caralco. J'ai
auili une fervame : il me manque une
nièce ; mais de tous ces gens-là , celui
qui joué* le mieux (bn perfonnage,c’eft
moi qui fuis prefque aufli fou que I>.
Quixotte , & qui ne dirois guère moins
de fottiles, fi jepouvois me faire eo»
tendre.
Je n'ai point été fbrpris de ce que
vous m’avez mandé de M. Hefiein :
futtMmm exptUÀs furcà , tmcn ufqtte re-
tarreu 11 a d’ailleurs de très - bonnes
qualités ; mais à mon avis , puilque je
fuis fur la citation de D. Quixotte, il
n’eft pas mauvais de garder avec lui
les mêmes mefiires qu’avec Car*
denio. Comme il veut toûjours con-
tredire, il ne fèroit pas mauvais dé
lie mettre avec cet homme que vous
mvez de notre aflèmblée , qui ne dit
j|amais rien , qu’on ne doive contre*
I dtre:ils ièroient mervéjQeux eaTemhle^
E T DERACINE. XII
J’ai déjà formé mon plan pour l’an*
née 1667. ( i) où je vois de quoi ou*;
vrir un beau champ à Teiprit : mais
à ne vous rien déguUèr « il ne. faut
pas que vous falfiez un grand fonds
îiir moi , tant que j’aurai tous les ma-
tins à prendre douze verres d’eau >
qu’il coûte encore plus à rendre qu’à
avaler , & qui vous laillènt tout étour*
di le refl;e du jour » fans qu'il vons
foit permis de fommeiller un mo*-
ment. Je ferai pourtant du mieux que
je pourrai , & j’efpére que Dieu m’ai-
dera.
Vous faites bien de cultiver Mada-
me de Maintenon ; jamais, perfonne
ne fût fî digne qu’elle du poAe qu’el- .
Je occupe , & c’eft la Jèole vertu où je ’f
n’ai point encore remarqué de défaut.f^
L’eftime qu’elle a pour vous , e(l une'
marque de fon bon goût. Pour moi je
ne me compte pas au rang des chofes
vivantes.
Vox qnoque l\iœrim
Jàm fugit ipfa : lupi Mœrinj xidere prîoiesa
(t J 11 pà4ie de rtliûoiie do Sloi * dont
mcAC mi 4«ts cmrtnttcHciacnt occnpds»
ji2 Lettres i>e Boileau
*v
\
tsBsssssssBssssaaBSBSSSSsa
A BOILEAU.
P4ris ce S. Aeit,
t
MAdatne , votre fœar vint avant-
hier me chereher ,.fort allarmée
d’une Lettre <}ue voua lui avez écri-
te^ & qui eft en effet bien différente
de celle q.ue i’ai re$ôê de vous. J’aO^
T09 déjà été à Verfailles pour entre*
tenir M. Fagon : mais le Roy eft à
Marli depuis quatre jours' , & n*en
reviendra que demain au foir j; ainft
je n’irai qu’aprés demain matin ^ &
je vous manderai exa£i;ement tout ce
qu’il m’aura dit. Cependant je me Bat-
te que ce dégoût & cette laftitude'
dont vous vous pla.ignez , n’auront
point de fuite , & que c’eft feulement
mn effet que les eaux doivent produire
'quand Teftomach n’y eft pas encore
nccoûtumé' que il elles continuent à
Vous faire mai , vous favez ce que
tout le monde vous dit en
qu’il falloit les quitter en ce cas , ou
tout diunoias les imerroippre. Sipar.
ET DE Racine. 113
ftalheur elles ne vous guériiTent pas,
il n’y. a point lieu encore dé vous dé-
courager , & vous ne feriez pas le
premier quf n’ayant pas été guéri fur
les lieux, s’efl trouvé guéri étant de
retour chez lui. £n tout cas le firop
é' Erijmum Xi point affurément une
vifion. M. Dodart, à quij’eti parlai ,
il y a trois jours, me dit & m’aflliràep
confcience, qire ce M. Morin , qui
m’a parlé de . ce remède, eft fans doii-
te le plus habile Médecin qui foit
d/ins Paris^S le moinj.C.harîa tan. Ij
eït confiant què- pour moi je me trou-
ve infiniment mieux, depuis que par
fon confeil j’ai reQoocé à tout ce lai-
vage d’eaux qu’oo m’avoit ordon-
nées, & qui m’àvoient prefque gâté
entièrement l’efiomach , fans me gué'
rir mon mal de gorge.
M. de Saint Laurent eft mm’t d'n-
ne colique de miferert , non point
d’un accès de néphrétique, comme je
vous avois mandé. Sa mort a été fort
chrétienne , & m^me aufli finguliére
qne le refie dç fa vie. Il ne confia qu’à
M. de Chartres qu’il fe trouvoit mal ,
&. qu’il alloit s’enfermer dans une
chambre pour fe repofer > conjurant
XI4 Lettkes DB Boileav
inilaminenc ce jeune Prince de ne
point dire où il étoit , parce qu’il na
Touloit voir perfonne. £n le quittan(
il alla ^ire fes dévotions , c’étoit un-
Dimanchet & oe dit qu-’n les faifoie
tous les Dimanches ; puis il s’enfer*
na dans une chambre jufqu’à trois
beures après midi , que M. de Char*
très f. étant en inquiétude de fa fan*
té , déclara où.il étoit. Tancret y fut ^
qui le trouva tout habillé, fur un lit ^
fouffrant aparemm^nt beaucoup , &
néanmoins fort tranquille. Tancret
se lui trouva point de pouls : mais»
M. de Saint ^«urent lui dit que cele
ne l’étonnât point, qu’il étok vieov»-
& qu’il n’ayoir pas naturellement le
pouls fort élevé. II voulat être faigné
il ne trint point dè fang. Peu der
|tems après il fe mit fur fon féant ,,
«puis dit à fon valet de le pancher ua«
peu fur fon chevet & auflitôt Tes?
pieds le mirent à trépigner contre 1&-
plancher, & il expira dans le moment
même. On trouva dans fa boarfe un<
billet parlequelil décjaroitoù l’on trou«
veroit fon teftament.Jè croisqu’il don-.-
ne tout fon bien aux pauvres. Voilk>
eommeil ell more : & voici ce qui fait,.
ETOs Racine. 115
ce me femble , allèz bien Ton éloges
Vous favez qu’il n’avoit prefque d’au-
tre foin auprès de M. de Chartres que
de l’empêcher de manger des frian-
difes ; qu’il l’empêchoit le plus qu’il
pouvoir d’aller aux Comédies & aux
Opéra ; & il trous a conté lui-même
toutes les rebuffades qu’il hii a folio
cffuyer pour cela , & comment tou-
te la maifon de Monsieur étok déchal^
née contre Jur , Gouverneur , Sousf
Plécepieur , ( i ) Valets-de-eharabre»
Cèpendant on a été- plus de deu«
jours fons ofer aprendre fa mort à ce
même M. de Chartres ; & quand
Monsieur ehffn la lui a annoncée »
y a jetté des cris effroyables » le jeCt
tant, non-point fur foa lie , mais fur
k lit de M. de Saint Lackent » qui étoit
encore dans fa chambre , âc l’apeK
lant à haute voix comme s’il eût en»
core été en vie : tant la Vertu> quand
elle elb vraie, a de force pour-fe foi-
re aimer. Je fuis alHiré-que cela voua
fera plaiûr , non-feulement pour la
(I ) Le SouswPr^eptear étoit alocs M. 1* Abbé du
Boii I depuif Cacdinal > j^temicr Miniûre«
ji6 Lettres ns BoitEAtr
iRémoire de M. de Saint Laurent ,
mais même pour M. de Chartres.
Dieu veüilie qu’il perfille long tems
'jdans de pareils fencnnens'. Il me fem-
We que je n’ai point d’autresnouvel*
Ks à vous mander.
M. le Duc de Roanncz eft venu ce
matin pour meparler de fa riviere , &
pour me prier d’en parler. Je lui ai de*
^andé s’il ne fçavoit rien de nouveaur
jil m’a dit quenon , & il faut bien , puif^
I qu’il ne fçait point de nouvelles , qu’H
|»’y enait point;^car ilen fçait toûjours
iplus qu’il n’y en a. On dit feulement
fque M. de Lorraine a palTé la Drave
& les Turcs la Saverainfî il n’y a point
de riviere qui les fépare. Tant* pis ap-
paremment pour les Turcs;je les trou*
Te merveilleufement accoôtumés à
être battus. La nouvelle qui fait ici I9
plus de bruit , c’ed l’embarras des €o»
médiens , qui font obligés de déloger
de la rue de Guenegaad , à caufe que
Meilleurs de Sorbonne , en acceptant
)e Collège de* quatre Nations , etü
demandé pour première condition
qu’on les éloignât de Ce Collège.
ont déjà marchandé des places dans
cinq ou endroits j mais par-tout où
E T D B R A C I K E. II7
üs vont , c’eû merveilles d’entendre
comme les Curés crient. Le Curé de
Saint Germain de l’Auzerois a déjà
obtenu qù’ils ne feroient point à rHÔ>
Kl de Sourdis, parce que de leur théâ-
tre on aurok entendu tout à plein lei .
orgues ; & de l’Eglife on aurok parfai-
tement bien entendu les violons. En-
fin ils en font à la rue de, Savoie dans
la paroàilè de Saint A^dré. Le Curé
a été auffi au Roi , lui reprefentec
^u’iln’y a tantôt plus dans fa Paroiflèy
re des Auberges & des Coquetiers ,
les Comédiens y viennent , que foa
Eglife (êra deièrte. Les grands Auguf-
tins ont auflî été au Roi , & le Pere
Lembrocbons Provincial , a porté la
parole; mais on prétend que les Co-
inédiens ont dit à Sa MajeHé, que ces
inêmes Auguftins , qui ne veulent
point les avoir pour voiiins , ibnt -fort
aflldus fpeélateurs de la Comédie , &
Iqu’ils ont même voulu vendre à la
kroupe des mailbns qui leur appartien-
(nent dans la rqê d'Anjou , pour y bâ-
m un théâtre ,& que-le marché feroit
i^ja conclu fi le lieu eût été plus com-
mode. M. de Louvok a ordonné à M.
(it laChapelle de lui envoyer le plan du
tll LéTTRS*
jieuoù th veulent bâtir dans la ruê de
Savoie- Ainfi on attend ce que M. de
touvois décidera. Cependant l’allar-
ire eft grande dans le quartier ; tous
les Bourgeois , qui font gens de Palais ,
trouvant fort étrange qu’on vienne
{eorembarralTer leurs rues. M. Billard
fur-tout qui fe trouvera vis à-vîs de
' la porte du parterre , crie fort haut ;
, ^ quand on lui a voulu dire qu’il en
iauroit plus de commodité pour s’aller
Invertir quelquefois , il a répondu fort
tragiquement, are di~
ifim'r. >^dîeU} Monfieur , je fais nioi«
inêpe ce que je puis pour vous diver-
tir, quoique j'aie le cœur fort trifte
^^is la Lettre que voos avez écrite
i Madame votre fœur. Si vous croiez
^ue je puifle vous être bon à quelque
bon , n’en faites point de
?z-le moi , je vôlerai pour
1ÊT »E RACÎTST*
D E B O I L E A ü.
^ Moidim îe ij Atit.
* *
M On Médecin a jagé â propds
de me laiiler repofer deux jours
& j’ai pris ce tems pour -venir voir
Moulins , -où j’arrivai hier au matin^
& d’où je m’endois-retourner aujour*
d ’hui au .fdir. C'eft .unc Ville très- raar-
èhande & très-peuplée^ & oui n’eft
pas indigne d’avoir -on Tréforier de
France comme vous, ün M. de Chamt
blain^ ami de M. l’Abbé de Baies , qui
y eft venu avec moi , m’y donna hier
a fouper fort magnifiquement. Il fe
dit grand ami de M. de Poignant , &
connoît fort votre nom , auBi bien que
tout le mondede cette Ville, qui s’ho*
aiore fort d’avoir on Magiflrat de, vô-
tre force, qui efl fi peu à charge { i ^
/(Je vous ai envoyé par le dernier or-
tdinaire une très-longue déduâioo de
ctna maladie, que M. Boardier moa
\ - •
(j ) Parce ny alioit jamaît.
:I2D LeTTKSS SE BoiLEAV
Médecin écrit à M. Fagon ; ainli vous
en devez être inftruit à l’heure qu’il eft
parfaitement. Je vous dirai pourtant
que dans cette relation ü ne parle point ^
de la laffitude.de jambes» & du pea ^
oTapétit , fi bien que tout !e profit que
j’ai fait jufqu’ici à boire des eaux , fe- £
Ion iuî, coniille.à un éclairciffetnent a
de teint, que le liâledu voyage m’a- 1
voit jauni plfitôt que la maladie: car à
vous fçavez bien qu’en partant de Pa- i
ris , je n’avois pas le vifage trop mau-
vais, &^je ne vois pas qu’à Moulins ,
dù je fuis , on me félicite fort préfen-
tement de mon embonpoint. Si j’ai j
écrit une Lettre fi trifte à ma fœur ,
cela ne vient point de ce que je me
fente beaucoup plus mal qu’à Paris ,
■puifqu’à vous dire le vrai , tout lé bien
dit tout le mal mis enfemble > je fuis
environ au même état que quand je
partis; mais.daps le chagrin de ne point
; guérir, on a quelquefois des thomens
où Ja mélancolie redouble & je lui ai
• écrit dans un de ces momens; Peut-
être dans une autre Lettre verrà-t’elle
que je ris. Le chagrin eft comme une
jfiévre , qui a fes redoublemens & lès
Tuipenfions.
M
« T B* R A Cl NE. Xtt
La’ mort de M. de. Saint Laurent
efl: tout-à-faic édifiante: il me paroîc
qu’il a fini avec toute l’audace d’ua
Pbilofophe, & toute l’humilité d’un/
Chrétien. Je fuis perfiiadé qu’il y a des .
Saints canonifés , qui n’étoient pas
plus faints ^ue lui : on le verra un
jour , ielon toutes ^les apparences ,
dans les Litanies. Mon embarras eft
feulement comment on l'appellera, &
fi on lui dira fimplement Saint Lau-
rent , ou Saint Saint Laurent. Je n’ad-
mire pas feulement M. de Chartres ,
mais je l’aime , j’en fuis fou. Je ne
fçais pas ce qu’il fera dans la fuite ;
mais je fçais bien que F-enfance d’A-
lexandre , ni de Conflantin , n’ont ja-
mais promis de fi grandes cbofes que
la fieone , & on pourroit beaucoup
plus jufiement faire de lui lesprophé-
ties que Virgile , à mon avis , a fait
aflèz à la légère du fils de PoUion.
Dans le temsque je vous écris ceci,
M. Amiot vient d’entrer dans ma
chambre: il a précipité , dit*il. Ton
retouj à Bourbon pour me venir ren-
dre ^rvice. Il m’a dit qu’il avoit vû ,
avant que de partir , M. Fagon, &
qu’ils perfifioient l’un & l’autre dans
J, £
l.ETTR E5'l>E BdlIrSiir
!la penfée du demi-bain quoiqu'ea
^uifTent dire MrsBourdier^ Baudie-
-re: c’eftune affaire qui fe décidera de.
main à Bourbon. A-vous dire le -vrai^.
jnon cher Moniieur ., 'c’eft 'quelque
>cbore d’affez fâcheux que de fe voir
ainû le jouet d'une fcience très-con-
je£turale , & où l’un dit blanc , & Tau-*
trenoir : car ies deux derniers ne fou-
tiennent pas-feulement q'ueiebainn’cft
pas bon-à moif mal;mais ils prétendent
^u’il y va de la -vie ,& .citent fur ce-
la des exemples funeffes. Mais enfin
me voilà livré à la Médecine , & il
n’eft plus tems de reculer. Ainfi ce
^ue je demandé à Dieu , ce n’efi; pas
^u’il me rende la voix, -mais qu’il me
donne la vertu & la piété deM.dêSaint
Laurent, ou de M. Nicole, ou mê-
me la vôtre, puifqu’àvec cela on fe
mocque des périls. -rS’il y a quelque
malheur dont on fe puiffe réjofiir ,•
.c’eft à mon avis, de celui des Co-
médiens : fi on continué' à les traiter
comme on fait, il faudra qu’ils s’ail-
îe'nt établir entre la Villette & la por-
te Saint Martin: encore ne Içais-je
c’îB fr’awemt point fur les bras le Cu-
ffé dé Saint Lnurenb Je vous ai une
ST SE Racine, xsj
tîbligation infinie du foin que vous
prenez d’entretenir un niirérabIecom>
nie moi. L’ofi^re ^ue vous me faites
de venir à Bourbon e& tout-à-fait hé-
roïque ^ obligeante^ «rais il n’efb pas
nécefifaire que vous veniez vous en-
terrer inutilement dans le plus vilain
lieu du monde; & le chagrin que veus
auriez infailliblement de vous y voir ,
lie feroit qu’augmenter celui que j’ai
d’y être. Vous m’êtes plus néceffaire
à Paris qu’ici , & j ’aime mieux ne vous
point voir, que^e vous voir trille
& affligé. Adieu , mon ch«- Mon-
fleur. Mes recommandations à M.
Félix , à M. de Termes , & à tous
nos autres amis.
a
A B O I L E A U,
j4 Pdrh le 1} Août.
JE he vous écrirai auj.ourd’huî que
deux mots ' car outre qu'il eft ex-
trêmement tard , je reviens chez moi
pénétré de frayeur*^ ^^plflin*-T*‘
focs de chez le pauvre M. Heli'ein
!
X24 Lettres DE Boileau
^ue j’ai laiiTé à l’extrêinité. Je doute
j^’à tnoios d’on miracle je le retrou-
ve demain en vie. Je vous conterai
fa maladie une autrefois , & je ne vous
parlerai maintenant que de ce qui
Vous regarde, v ouïs êtes un peu cruei
à mon égard , de me laifler fi long-
tems dans l'horrible -inquiétude oà
vous avez bien dû juger que votre
Lettre à Madame votre fœur me pou-
voir jetter. J’ai vû M. Fagon , qui
fur le récit ^ue je lui ai fait de ce qui
eft danseette Lettre, ajugé qu’il fal-
loir quitter fur le champ vos eaux. 11
dit que leur e€et naturel efl: d’ou-
vrir l’apetît bien loin de l’bter. 11
croît même qu’à l’heure qu'il efi: vous
les aurez interrompuë's , parce qu’oa
B*-CT prend jamais plus de vingt jours
de fuite. Si vous vous en êtes trouvd
confidérablement bien , il eft d’avis
qu’a'près les avoir lailTées pour quel-
que tems vous les recommenciez r fi
elles ne vous ont fait aucun bien , il
croit qu’il les faut quitter endérement.
Le Roi me demanda avant hier au
foir fi vous édez revenu : je lui ré-
pondis que non , & que les eaux juf-
qu’ici ne vous avoient pas fort fou-
£T SE Racine; X2jr .
fejgé. II me dit ces propres mots : Üf
fira mieux de fi remettre à fon train dd{
vie «rdinaire , la voix lui reviendra lorfiX
fuily fenfira le meias. Tout le mon* .
de a été charmé de la bonté que Sa
Majefté a témoi^eë pour wus en
parlant ainfi. Et tout le monde eft
d’avis que pour votre fanté, vou$;
ferez bien de revenir. M. Feli^t efl;
de cet avk. Le premier Médecin ,
& M. Morean en font entièrement.
JVf. dit Tartre croirqu’ablbiument le»
eaux de Bourbon ne ibntpasbonne».
pour votre poitrine , & que vo» laffî»
tüdes en font une marque. Tout ce*
ta , mon cher Monfietur, m^a donné
«ne furieufe envie de vous voir de
retour. On dit que vous trouverez de
petits remèdes innoçens qui vous ren-
dront infailliblement la voix , & qu’el-
le reviendra d’elle-même quand vou»
ne feriez rien. M. le Maréchal de
Bellefont m’enfeigna hier un remér
de dont il dit qu’il a vû plufieurs gens
guéris d’une extinâion de voix : c’eit
de laillèr fondte dans fe bouche un
peu de myrtbe , la plus tranfparen-
te qu’on puiflfe trouver. D’autres le '
font guéris avec la ûmple eau de pon-
F 5
is($ Lbt^kes de Boileâd
kts , fans conter YErifirntm^ Enfin'
tout d’une voix tout le monde voua
confeille de revenir. Je n’ai jamais,
vû une fanté plus généralement
foubaitée que la vôtre. Venez donc,
je vous en conjure. Et à moins qu&
TOUS n’ayez déjà un commence-
ment de voix gui voua donne des af-
jfûrances que vous achèverez de gué*
rir à Bourbon , ne perdez pas un mo-
ment de tems pour vous rédonn^r à
vos amis , & à moi fur-tout qui fui»
înconfolable de vous voir fl toin ^
, & d’être des kmaines entie-
res fans favoir fi vous êtes ea4«wA^
pu non. Plus je vois décroître le nom-
bre de mes amis , plus je deviens fen-
fible au peu qui m'en re^e j & il me
ièmble , à vous parler franchement ,
qu’il ne me refie prefque plus que
vous. Adieu , je crains de m'attendrir
follement en m’arrêtant trop fur cette
réfiexiom
E T » e R Af C I N E. 1%Ÿ
DU M E S M E.
W
''A Paris et 17 Août.
T’Allai hier au foir à Verfailles ,
.J j’y allai tout exprès pour voir M.
Fagon , & lui donner la confultation<
de M. Bourdier. Je là lûs auparavant-
avec M; Félix, & je la trouvai très*
crpyqis trouver en queique-
pagç Nttmm Dim impart gauder.
M. Fagon me dit que du momenc
qu’il s’agiflbic de la vie , & qu’élift:
pouvoit êtreen compromis, il s’écon--
noit qu’on mit en queftion fi voup-
pre'ndriez- le demi-bain. 11 en écrira à
M. Bourdier : & cependant il m’a
chargé de vous écrire au plus- vite
de ne point vous baigner , même
fl les eauxv vous ont incommodé, de
les quitter entièrement,, & de voua-
en revenir. Je vous avois déjà man-
dé Ton avis là|defrus , & il y perfifté^
toûjours. Touue monde crie que vous
£ 4
favante-y dépeignant votre tempéram
lÜ'èht’ÎS^votre mal en termes très- éner
Iî8 Ltt'tRXS DE BoilElVr
devriez revenir , Médecins , Chirur-
giens , hommes , femmes. Je voifs
avois mandé qu’il falloir un miracle
pour fauver M. Heflein ; ii efl fàu*
vé , & c’efl votre bon ami le Quin-
quina qui a fait ce miracle. L’éméci-
^^ue Tavoit mis à la i— ihnAI. Fagon
arriva fort à propos , qui le croyant
à demi-mort , ordonna au plus vite
Je Qiiinquma. Il eft prefentement
iàns fièvre : je l’ai même tantôt fait
rirejufqu’à la convulfion , en lui mon-
trant l’endroit de votre Lettre , o&
vous parlez duBachelier,duCnré,& dû
Barbier. Vous dites qu’il vous manque
une nièce : voudriez- vous qu’on vous
envoyât Mademoifelle Defpreaux
( 1 ) ? Je m’en vais ce foir à Marly.
M. Félix a demandé permiflion au
■ Roi pour moi , &j’y demeurerai juf'
qu’à. Mercredi prochain.
M. le Duc de Charofi m’a tantôt
demandé de vos nouvelles d’un ton de
voix' que je vous fonhaiterois de tout
mon cœur. Quantité de gens de nos'
amis font malades , entre autres M.
( I ; Petit liait de raillexic. in*aimoit pis beaucoup
cette Alice,
K T SE RâClNE. X2>
le Duc de Chévreufe , & M. de Chati*
hy i totn deux ont la fièvre double-
tierce. M. de Chaiilay a déjà pris le
Quinquina. M. de Chévreufe le pren<>
dra au premier jour. On ne voit à la
Cour que des gens qui ont le ventre
plein de Si cela ne vous^
excite p^ayrevenir , je ne fçai plus
ce qui vous peut en donner envie. M.
HeUein ne l’a point voulu prendre
des Apoticaires , mais de la propre
nain de Cbmith. J’ai vû ce Chmith'
chez lui ih a le vifage vermeil & bou-^
tonné , & a bien plus l’air d’un maî-
tre Cabaretier que d’un Médecin. M..
Hefiein-^dit qu’il n’a jamais rien bi^-
de . plus agréable y. & qu’à chaque foi»
qu’iJ en prend , il fent la- vie defcen-
dre dans fon «fiomach.- Adieu , monr
cher MonfieUr ^ je commencerai &
finirai toutes mes Lettres , en vou»
dilant devous.hâter de revenir.
B T D B R'a C I KTE. I3I
les fois que vous vous prefentez de-
vant lui. Il rie fâuroii guère rien arri-
ver de plus glorieux « je ne dis pas à
un ntifèrabie comme moi , mais à tout
ce qu’il y a de gens plus conOdérables
àla Conr } & je gage qu’il y en a plus
«te vingt d’èntr’eux, qur,à l’hettre qu’il
efl: , envient ma bonne fortune , & qui
voudroient avoir perdu la voix , âc -
même la parole , â ce prix. Je ne man- J
querai pas , avant qu’il Toit peu , de |
profiter du bon avis qu’un (f grand '
Prince me donne
Bourdièr mon meuecin .
tendent maintenir contre lui , que les
eaux deBourbcm font admirables pouS
rendre la voix. Mais jé m’imaginé
qu’ils réufliront dans cette emreprife ,
àpeu près comme toutes les Puitfan--
ces de l’Europe ont réofli' à lui empé- -
cher de prendre Luxembourg , & tant '
d’autres villes. Pour moi je fu» per-
fuadé qu’il fait bon fuivre Tes ordon-
nances , en fait même de médecine..
3’accepte l’augure qu’il m’adonné , en
vons difant que la voix me fevi en-
droit lorfque penterois le rooinSi.
Un Prlnceuitt «exécuté de ch»»
F ^
13® Lettres d'è B or lï ait
fes miraculeufes , efl; vraifemblable-''
inént infpiré du Ciel , & toutes les
chofes qu’il dit font des oracles. D’ail*'
leurs j’ai encore un remède à eflayer ,
où j’ai grande efpérance , qui eft de
me préfenter à Ton paflage dès que je
AMi.de retour j car je crois que l’en«
vie que j’aurai dej
trouver
me des paroles éloquentes. CependiFt
je vous dirai que je fuis aufli muet que
jamais , quoiqu’inondé d’eaux & de
remèdes. Nous attendons la rëponfe
de M. Fagon fur la relation que M.
fiourdier lui a envoyée.. Jufques>là je
ne puis rien vous dire fur mon départ.
On me fait toujours efpérer ici une
guérifon prochaine , & nous devons
tenter le demi-bain , fuppofé que M.
Fagon perfifte toujours dans l’opinion
qu’il me peut être utile. Après cela je
prendrai mon parti.
^VoMs ne fauriez croire combien je
^ous fuis obligé de la tendreile que
'vous m’avez témoignée dans votre
derniçreLeur&iJ||^^
refqne v^|«^
ùdon que j’eufie faite de quitter le
' CT DE Racine. 133
inonde , fùppofé que la voix ne me
revînt point , cela m'a entièrement
fait changer d*avis.; c’e(t-à-direen un
mot, que je me fens capable de quitter
touteschofes, hormis vous.Âdieu, mon
cher Moniteur, excufez fi je ne vous
écris pas une plus longue lettre
chement ie fuis fort abattu. Je n’ai
iambes
jéuiis toujours accablé dq
de fommeil. Je me fiatte pourtant en*
core de refpérance que les eaux de
Bourbon me guériront. M. Amiot elt
homme d'efprit , & me raffûre fort.
Il fe fait une affaire très-férieufe de me
guérir , aufB*bien que les autres Mé*
decins. Je n’ai jamais vû de gens fi'
affectionnés à leur malade » &' je crois
qu’il n’y en a pas un d’entre eux qui
se donnât quelque chofo de là faiité
pour me fendre la mienne. Outre leur
affe6lion;îly vade leur intérêt, parce
que- ma maladie fait grand bruit dàcjé
Bourbon. Cependant ils ne font poiilf
d’accord , & M. Bourdier lève tou4
joaM'dMv^mux^rés-trifies' au Ciel
quaad ofljaae^^âîiy^ôŸ qu’il en
foit f je leufSs^ge wTcûfs foin
*34- Lettkibs DE 0ori-E*v
& de leur bonne volonté ; & quan<i
vous m’écrireE , je vqus prie de raedw
re quelque choie qui
1* 1» ■ :^yz
»*■*•*.-
ettre tort obligeante > & m'envg]
•^RmeCfS IhlCTjtiQnà’ïïîr Télq^^
me prie de dire mon avi». EfTIÏlIilé '
paroiflènt toutes < fort fpirituelles ;
mais je ne faucois pas lui mander
pour ceets fois , ce que jY trouve
a redire, ce lèra pour le premier or-
dinaire. M. Bourfaute , ( i ) . que je
lcroyois mort » me vint voir il y a cinq
linu Ox jours , & m’apparut le foir aflèz
/fubitemeot. II me dit qu’il s’étoit dé*
tourné de trois grandes lieues duiche*
min de Mont- Lapon ,'ojù' il alloit , Ôs
où il efl habitué pour avoir le bon^
heur de me faluer. Il me ht offre de
toutes chofes , d’argent , de commo-
i «[ r ] Bourfault tftoit alôxs EfüâKur des •Betmes k
moM-luçoa , d*cà , àroccftiumde (bn emploi , il éori.
V vit une T.etfre afTev. conauc. Boileàu l’avcÂi attaoué dant
?
vit une Lettre alTez connue. Boileàu l*avdii attaqué dant
fes Satyres. Bqurfanlt, poui s*c» venger « &iirpiii£Ci
[contre lui une Commédie intiiuléfc , Satne eUs i>atjre$.
' Oepetfdant , quand il tut BolleamnaUdé a^^rbnn > i|
sjla le yoif > ^ Ini fifrit fa bouzfe. Boileau j fefifible à
ce trait degénérdikë, dtatUASlâfuuc defe» Sataid
BT » B R A e I K -B. 135
dités , de chevaux. Je lui répondis
.avec les mêmes honnêtetés , & voit-
>our le lendemain à dî<
dit Qu’il étoû oblii
nous îeparames amis a outran.
__ a * ^ ^ y
prie , à tous nos amis coto-
mUns. Dites bien à M. Quinaut que
je lai fuis infiniment obligé delbnfou*
venir, <St des choies obligeantes qu’il a
écrites de moi à M. l’Abbé de Salles»
Vous pouvez l’alTûrer quejelecomp
tepréfentementau rang de mes meil^jj
..... . .. j
me le plus le cœur & l’efprit. Ne vousV
* O
leurs amis , (i)&de ceux dontj’elli>
étonnez pas fi vous recevez quelque
fois mes Lettres un peu tard , parce
que la pofie n’ell point à Bourbon , &
que fouvent , faute de gens pour en»
voyer à Moulins , on perd un ordinai»
re. Au nom de Dieu , mandez-moi
avant toutes chofes des nouvelles de
M. Hefifein.
[iJ Cei cndioit doit décrom^i ceux qui croyent QQf
BoiImu ê lOBjottit dié l'«4Qemi de ^utneut.
V
i
13^(5 Lettres de Boieead
DU M £ S M
\A Bourbon le xf Aoih.
i
ON me vient avertir que la poil»
eft de ce foir à BourlMU.. C’eft ce
qui fait que je prens la- piame à Pheu* .
xe qu’il eft., c’eft- à-dire , à dix heures
du foir , quieft une heure fort.extra^
.ordinaire aux malades de Bourbon ,
jpour vous dire que malgré les tragi^
ques' remontrances de M. Bourdier »
je me fuis mis aujourd’hui dans le de-
mi-bain ,.par le confeil de M. Amiot,
& même de M. desTrapieres, que j’ai
appellé au confeil. Je n’y ai été qu’u-
ne heure. Cependant J’en luis forti
beaucoup en meilleur ^at que je n’y
ëtois entré c’eft-à-dire , la poitrine
beaucoup plus dégagée , les jambes
plus légères , l’e^ric plus gai : & mê-
me mon laquais m’ayant demandé
quelque chom , je lui ai r^JSSïfaorua ^
mn à pleine voix , qui l.’à fuxpris lui-
même , aufli-bien qu’une fervante qui
étoit dans la chambre » & pour moi
E T D E R A C I N El 137
j’ai crû l’avoir prononcé par enchan*
tement. 11 eft vrai que je n’ai pû de»
pais ratraper ce ton-là : mais comme .
vous voyez , Monfieur , c’en efl: affez
pour me remettre le cœur au ventre ,
puifque c’efl: unë preuve que ma voix
n’eft pas entièrement perdue , & que
lebain m’elt très-bon. Je m’en vais pi-'
qœr de ce c6té-là , & je vous mande-
rai le fuccès.' Je ne fais pas pourquoi
M. Fagon a molli fi aifément for le»
objeéiions très-fuperftitieafes de M.
Bourdier. 11 y a tantôt fis mois que j& i
D’ai eu de véritable joie que ce foin f
Adieu , mon cher Monfieur. Je dors
en TOUS écrivant. Confervex-moi vo-
tre amitié , & croyez que fi je recou-
vre-la voix , je l’emploierai à publier
à toute ht terre la reconnoilTance que ■
j’ai des bontés que vous avez pour
moi , & qui ont encore accrô de beau- -
coupla véritable efiime , & la fincè-
re amitié que j’avois'pour vous. J’ai
été ravi, charmé , enchanté du foccè»
, & ce qu’il a fait fur
WWeamTHeflein m’engage encore
pHts dans fe»iq|^rêts , qué lagaérilon
de ma fièvre double-tierce»
T
13g Lettres FE BortEàir
4
D E R A G I N E.
\ ' • • <
- • t 0 • » • ■
ui Part ftt 2,4. jioMt,
JE vous dirai avant toutes choiçSr^
que^M. tieflein , excepté quelque'
Eetit refte de foibleâê,eli:. entièrement
ors d’affaire , & ne perdra plus que
huit jours du (^inquinsvit moins qu’il
n’en prenne pour fbn* pliifir.. Car la'
ehofe devient à la mode on comr
mencera bien-tôt » à la fin de!S/epâs,i
k krvir comme lé cafiTë St lé chocol.a&
L’autre jour' à Marlyr, Monfeigneur » .
après un fort grand déjeuner avec
Madame la- Frinceffe de Conti , Sc
d’autres Damés , en envoya quérir
deux, bouteilles chex; les Apoticaires
du Roi , & en bât le prenûer un grand
verre , ce qui fut fnivi par toute la
compagnie , qui trois heures après ;
n’en dîna que mieux» Il me femblel
même que cela leur avoit donné un j
plus grand air de gaieté ce jour là ; &.
à ce même dîner , Je coptai au Roi
votre embarras entre vos deux. Mé-*
ET DE RaCTNE. I3Ü
dscins y & la confukation très-favan*
te de M. Bourdier. Le Roi eut la:
bonté de me demander ce qu’on voua
répondoit là-delTus , & s’il y avoic à
<lélibécer. Oh ptimnoi- , s’écria naturel-
lement Madame la PrincelTe de Contt,
qui étoit à table à côté de Sa Majeflé ,
faimeroh mÙHx- titpâder de trente 4ns_ ^
^neetexpefir ahifima vie ponrreeouvreri»'
farole. Le Roi , qui venoit de faire la
guerre à Monfeigneur fur fa débau-
che de Quinquina , lui demanda s’if
ne voudroit point aufll tâter des eaux
de Bourbon. Vous ne fauriez croire
combien cette Maiiba de Marli elb
agréable.. La Cour y eR » ce me ien»^
ble f toute autre qu’à Verrailles. Il y
a peu de gens , & le Roi nomme toua
ceux qui. l’y doivent fiiivre. Ainfi tous
ceux qui y (ont le trouvant fort ho-
norés d’y être , y font auffi de fort
bonne humeur. Le Roi même y efo
fort libre , & fort carefiànt. On di-
(roit qu’à Verfailles il eft tout entier
aux affaires , & qu’à Màrli il elbtout
à lui , & à fon plailir. il m’a fait l’hon-
neur plufieurs fois, de me parler , &
j’en fuis forti à mon ordinaire , c’eft-
à-üire, fort charmé de lui
[S40 LBtTRES BE BoiLEATT
feipoir contre mol: car je ne me trotW
▼e jamais fi peu d’efprit, que dans ces
momens où j'autois le plus d’envie
d'en avoir.
Do relie, je'üiis revenu riche de bons
l^émoires (i). J’y ai entretenu tout
à mon aife les gens qui pouvôient me
dire le plus de chofes de la campagne
de Lille; J’eus même l’honneur de de*
mander cinq ou- fix éclaircilTemens k
M. de Louvois qui me parla avec
beaucoup de bonté. Vous favez fa
manière ^ & comme toutes fes parof
les font pleines de droit fens , & vont
au fait. En un mot j’en fortis très*là*
vant & trèS'Content. IT me- dît que
tout autant de difficultés qpe nous au*
rions , il nous écouteroit avee plaifir.
Les quellions. que je lui lis ,.regar*
doient Charleroi &. Douai. J’étois en
peine pourquoi on alla d’abord à Ghar*
feroi ,, & fi on avoit déjà nouvelles
que les Efpagnols l’eulTent rafé : car
en voulant écrire , je me fuis trouvé
arrêté tout-à-coup , & par cette dif*
ficulté , & par beaucoup d’autres que
Tl] 11 ne perdôit aucune^ccafion de raÆcmblei des.
IléAOûes pom rHifioixe du
f T S £ R A C I £. X4t|
je vous dirai. Vous ne me trouverez I
peut-être , à caufe de cela , guère plus ¥
avancé que vous ^ c’eft'ii* dire , beau* I
coup d’idées » & peu d’écriture. Fran» |
chement je vous trouve fort à dire «
& dans mon travail ,& dans mesplai*
firs. Une heure de converfation m’é«
toit d’un grand fecours pour l’un , âc
d’un grand accroiflêment pour les au-
tres.
Je viens derecevoir une Lettre de
vous. Je ne doutd’pas que vous n’ayez
préfentement reçû celle où je vous
mandois l’avis de M. Fagon ,& que
M. Bourdier n’ait reçû des nouvelles
de M. Fagon méme,<qui ne fervironc
pas peu à le confirmer dans fon avis.
Tout cq^ue vous m’écrivez de votre
peu d’appétit , & de votre abattement
efi: très confidérable , & marque tou-
jours de plus en plus que les eaux ne
vous conviennent point. M. Fagon ne
manquera pas de me répéter encore
qu’il les fôut quitter , & les quitter aa
plus vite : car je vous l’ai mandé. U
prétend que leiireffetnaturel eft d’ou-
vrir l’appétit , &'de rendre les forces.
Quand elles font le contraire , il y faut
nsnoncer. Je ne dotue donc pu qu
Lettres se Bsiléav
TOUS ne vous remettiez bientôt eir
-chemin pour revenir. Je fuis perfua-
dé comme vous , que la joye de re-,
Toir un Prince qui témoigne tant de
bonté pour vous , vous plus de
bien que tous les remèdes. OVI. Roze
m’avoit d^a dit de tous mander de
fa part , qu’aprés -Dieu le üLoi étoic
}e plus grand Médecin du monde, &
je fus même fort -édifié queM. Roze
voulût bien mettre Di^m^ll^t le Roi*
Jecommence à fbupçonner qu'
roit bien être en-diet dans la dévotion.
M. Nicole a doni^ depuis'deux jours
au public , deuK Tomes de Réfiéxions
fur les Epitres '& fur les Evangiles ,
qyi me femblent encore plus forts ôc
plus édifiants -que tout ce qu’il a fait.
Je ne vous les envoie pas , parce que
j’efpere que vous ferez bientôt de re-
tour ,4t vous les trouverez infailiible-
mentchezvous. Il n’a encore travail-
lé que fur la moitié des Epîtres & des
Evangiles de l’année ; jtfpere qu’il
achèvera le refie , pourvû qu’il
plaife à Dieu. de lui làiffer encore
un an de vie. .
Il jî’y a point de nouvelles de Hon-
grie , que celles qui font dans, la Ga-
«TP 1> E Kl r !I N î. 14 J
r :^ette. M. de Lorraine en paflanc la
Il >Drave , a fait , ce me femble , une
* entreprife de fort grand éclat, & fore
t inutile. Cette expédition a bien de l’air
d^e celle qu’on fit pour fecourir Philk-
bourg'. lia trouvé au-delà delà riviere
P un bois-, & au-delà de ce bois les
L énnemis rétranchés jufqu’aux dents.
I M. de Termes efi: du nombre de ceux
l^e je vous ai mandé , -qui avoient
^ B’èftomach'fi^jdeQuinquina.Grovez-
vWIÏ*^Fle^^inquina , qui vous a
R fauvé la vie , -ne vous rendroit point
[ la voix-! Il devroit du moins vous êtrC'
^ plus favorable qu’à un autre , vous qui
vous êtesenroué tant defois aie louer.
Les Comédiens , qui vous font fi peu
de pitié , -font pourtant toujours fur
* le pavé ; & Je crains , comme vous,
I qu’ils ne foient obligés de s’alla -éta-
blir auprès des vignes de féu M. votre
Pere. Ce feroit un digne théâtre pour
les œuvres de M. Pradon.'' J’alloié
ajoû-ter de M. Bdorfaolt ;mais je fuis
ti>op -touché des honnêtetés que vous
avez tout nouvellement reçôes de lui..
Je ferai tantôt à M. Quinaut celles
que vous me mandez dé lui faire. Il
me femble que vous avancez furieu-
i
^44 Lettrss de BeiLSàO
ffeinent dans le chemin de perfeâion.
fVoilà bien des gens à qei ireus avez
pardonné.
~ On ma dit cliez M. votre Sœur ,
que M. Marchand partoic Lundi pro<
Chain pour. Bourbon, fini vtrmmt
^kid uittdria 4ffortet'nulil Franche*
ment j’£q>prehende un peu qu’il ne
vous retienne. B mmeibrt Ibn plaifir.
Cependant je fuis alFûréque M. Booe-
j dier même vous dira de vous on aller,
f Le bien que leseaux vous pourroient
. faire eft peut-être fait. E^Ies auront
mis votre .poitrine en bon train. Les
fmèdes ne font pas toujours fur le
amp leur |Beio effet , & nulle gens
i étoient allés à Bourbon pour des
ibleflès de jambes , n’ont commencé
à bien marcher que lorsqu’ils ont été
de retour chez eux. Adieu > mon cher
Monfieor., vous medemandez pardon
de m’avoir écrit une Lettre trop cour-
te vous avez raifon de me le de-
mander; & moi je vous le demande
d’en avoir écrit une trop longue , ^
j’ài peut-être auüi raifon.
I
I
I
;
DK
ET DE Racine. 143;
DE BOILEAU. ?
^ Bonfion le 28. ^Sut.
JE ne m’étonne point , MonOeur »
que Madame la Prlncefle de Conti
foit dans le fentiment où elle eft.
Quand elle auroit perdu la voix , R
lui refleroit encore un million de char4
mes pour fe confoler de cette perte d
& elle feroit encore la plus parfaite
chofe que la nature ait produite depuis
longtems. Il n’en eft pas ainfi d’i^
miférable qui a befoin de fa voix po^
être fouffert des hommes , & qui^
quelquefois à difputer contre M.Char«
penûer. Quand ce ne feroit que cette
derniere raifon , il doit rifquer quel*
que chofe » & la vie n’eft pas d’ua
U grand prix qu’il ne la puiUe bazar-
der , pour fe mettre en état d’inter-
rompre un tel Parleur. J’ai donc tenté
l’aventure do demi • bain avec toute
l’audace imaginable: mes valets faifanc
fiie leur frayeur fur leurs vifages,& M.
Bourdier s’étant retiré pour n’être
Toute l, G
t4^ Lsttxb< oe Boitsâv
jpoiflt témoin d’une entrepnïe H téme-
taire. A vous dire vrai , cette aven-
ture a été un peu femblable à celle
<]es Maillotins dans D. Quixotte , je
veux dire, qu’aprés bien des allarmes,
iLs’eft trouvé qu’il n’y avoir qu’à rire,
puilque non • feulement le bain ne m’a
^oint augmenté la fluxion lur la poi-
trine , mais qui me l’a même fort fou-
lagée , & que s’il ne m’a rendu la voix^,
il m’a du moins en partiel gfldtfta fan-
té. Je ne l’ai encore efTayé que quatre
fois , & M. Amyot prétend le pouller
jufqu’à dix. Après quoi G la voix ne
me revient, il me donnera mon congé.
Je conçois un fort grand plaifîr à
\ vous revoir , &-à vous embrafler;
mais vous ne fauriez croire pourtant
tout ce qui fe préfehte d’affreux à
mon eiprit , quand je fonge qu’il me
faudra peut • être repaifer muet par
iCes hôtelleries , & revenir fans vois
dans ces mêmes lieux , où l’on m’a-
voit tant de fois affûré que les eaux
de Bourbon me guériroient infailli-.,
blement. 11 n’y a que Dieu & voàli
eonlblations qui me puiilent foutenir
dans une fl Julie occaflon de délel-
STss Racine.
J*ai été fort frappé de l’agréaÛe
débauche de Monfe%neur chez Ma*
dame la Princellb de Conti. Mais ne
fonge • t’il point à Tinfulte qu’il a faite
par • là à tous MelSeurs de la Fa*
culté ? PaHè pour avaler le Quinqui^
na fans avoir la fièvre : mais de le
prendre fans s’être préablement fait
faigner & purger, c’efi une chofe qui
jeance , & il y a une efpece
~ 'à ne fe point trouver
mal après un tel attentat contre toutes
Jes régies de la Médecine. Si ' Mon*
feigneur , & toute fa compagnie i
avoient avant tout , pris une doze de
fené dans quelque iyrop convenable,
cela lui auroit à la vérité coûté quel*
ques tranchées , & l’auroit mis, lui die
tous les autres , hors d’état de dîner ;
mais il y auroit eu au moins quelques
formes gardées , & M. Bachot auroit
trouvé le trait galant. Aulieu que de la
maniéré dont la chofe s’eft faite , cela
ne iàuroit jamais être approuvé que
^es gens de Cour & du mondé , &
pon point des véritables difciples d’Hi-
pocrate , gens à barbe vénérable , &
qui ne verront point aflhrément ce
qu’il peut y avoir eu de plaifant à
G s
%4S Lettres £>e Boilfav
tout cela. <^ue n perlbmie n’en a été
malade, ils vous répondront qu’il y a
eu du fortilège^ & en effet , Monfieur,
de la maniéré dont vousmej peignez
Marli , c’eft un véritable lieu a en-
(chantement. Je ne doute point que les
Féés n’y habitent. En un mot, tout
ce qui s’y dit & ce qui s’y fait , me
* par(^t enchanté ; mais fur-tout les
difcours du Maître du Château ont
quelque chofe de fort enforcelant ,
Oi ont un charme qui fe fait lèntic
jufqu’àBourbon.De quelque pitoyable
maniéré que vous m’ayez conté la
difgrace des Comédiens , je n’ai pû.
m’empêcher d’en rire. Mais dites-.moi,
MonGeur , fu|»pofé qu’ils aillent habi-
ter où je vous ai dit , croyez- vous
qu’ils boivent du vin du cru. Ce ne
feroit pas une mauvaife pénitence à
propofer à M. de Chammellé, ( i )
pour tant de bouteilles de vin de
Champagne qu’il a bûes : vous favez
au dépens de qui. Vous avez raifon
de dire qu’ils auront là un merveil-
leux théâtre pour jouer les pièces de
L Ù] ^ Maxi de la Ciiaoiineilé, gr^nd
-ET IX S R A C I N EV 149
M. Pradon : & d’ailleurs ils y auront
une commodité , c’ed que .quand le
Sou£Sieui‘.aura oublié d’apporter laco?
pie de ces ouvrages, il en retrouvera
infailliblement une, bonne partie dan»
les précieux dépôts qu’on apporte tousi.
les matins en cet endroit. M. Fagonl
n’a point écrie à M. Bourdier. Faites I
bien des complimens pour moi à >
Roze. Les gefts de fon tempéram-
ment font de fmrt dangereux ennemis;
mais il n’y a point auffi de plus chauds
amis , & je fai qulil a de l’amitié pour
moi. Je vous félicite des converfa-r
tions fraâueoTes que vous avez eues
avec M. de Louvois , d’autant plus -
que j’aurai part à votre récolte. Ne
craignez point que M. Marchand
m’arrête à Bourbon. Quelque amitié
que j’aie pour lui, il n’entre point ea
balance avec vous , & l’Andrienne
n’apportera aucun mal. Je meurs d’en-
vie de voir les Réflexions de M. Ni-
cole ; & je m’imagine que c’eft Dieu
qui me préptue ce livre à Paris , pour
me confoler de mon infortune. J’ai
fort ri de la raillerie que vous me faites
fur les gens à qui j’ai pardonné. Ce^
pendant lavez-vous bien qu’il y a &
XSO LBTtRES b£ BoiIE'AV
/ceiaplas de mérite que vous ne cro>
i^ez , fi le proverbe Italien eft véri-
^ûble, que , ChiafftndentnptrdmM ) ( i )
' L’aaion de M.de Lorraine ne me
paroît point fi inutile qu’on fe veut
imaginer , puifque rien ne peut mieux
confirmer l’aflurance de Tes troupes ,
2ue de voir que les Turcs n’ont ofé
)rtir de leurs retranchemens , ni mê*
me donner fur fon arriere-garde dans
là retraite' : & il faut en effet que ce
loient de grands coquins pour l’avoir
ainfi lailTé repaffèr la Drave. Croyez*
moi iis feront battus ; & la retraite de
M. de Lorraine a plus de rapport à la
retraite de Céfar, quand il^écampa de*
vant Pompée , qu’à l’affaire de Philis*
bourg.Quand vous verrez M. Heflein>
faites'le reflbuvenir que nous Tommes
freres en Quinquina , puifqu’il nous a
fauvé la vie à l’un & à l’autre. Vous
penfez vous mocquer, mais je ne fai
pas fi je n’en eflayerai point pour le
recouvrement de ma voix. Adieu ,
inon cher Moniteur j aimez-moi tou-
jours,& croyez qu’il n’y a rien au mon-
de que j’aime plus que vous. Je ne fai
£il U avoue ou'd les a otfenfili^
ET 0 B R A e I n E. fjf
où vous vous êtes mis en tête que vous }
m’aviez écrit une longue Lettre , car L
je n’en ai jamais trouvé une fi courte.r
DU M E 3 M E.
A Bturion U 2. Septemhrf,
Ne vous étonnez pas, MonfTeuTÿ
fi vous ne recevez pas des répons
fes à vos Lettres, auffi promptemenc
que peut-être vous fbuhaitez , parce
que la poAe efi; fort irrégulière à Boud< '
bon , & qu’on ne fait pas trop biar
quand il faut écrire. Je commence à
ronger à ma retraite. Voilà tantôt '
la dixiéme fois que je me baigne ; '*
& à ne vous rien celer , ma voix
efi: tout au même état que quand je
fuis arrivé^ Le moDofyllable que j’ai
prononcé n’a été qu’un effet de ces
petits tons que vous favez qui m’é»
chappent quelquefois quand j’ai bean-
coup parlé , & mes valets ont été un-
peu trop prompts à crier miracles
La vérité efi pourtant que le bain m’e
renforcé les jambes , & fortifié la poi^
G 4
IrETTKBS DE BoiLEiV
trine. Mais pour iipaiJgoiK>DUe,ljgij^^^
âsi la boifibn des eaax,ne in’3^,pDW-^
«en fervi. U fanr^nc ’s’en aller d6 .
feourbon aufli rouet que j’y fuis arrivé,
ge ne faurois vous dire quand je partî-
rai ; je prendrai brufqueroent mon par*
ti, &Dieu veuille que le déplaifir ne
ne tuë pas en chemin. Tout ce que
je vous puis dire, c’eft que jamais exi-
lé n’a quitté Ton pays avec tant d’af*
fliâion que je retournerai au mien. Je
TOUS dirai encore plus , c’efl: que fans
votre confidération , je ne crois pas
que j’eulTe jamais revû Paris , ou je
ne conçois aucun autre plaidr que
celui de vous revoir. Je fuis bien fâ-
ché de la juûe inquiétude que vous
donne la fièvre de M. votre jeune fils.
J*erpere que cela ne fera rien. Mais
U quelque chofe me fait craindre pour
lui , c’efl le nombre de bonnes qualités
qu’il a, ( I ) puilque je n’ai jamais
fl accompli en
toutes chof». M. Marct^^d efî.arrj^-.
vé ici Samedi. J’ai été mrt aile de le
voir } mais je ne tarderai guère à le
quitter. Nous faifons notre ménage
«nfemble.
^ i) 11 ^It de oion fcdic aind.
»
E T » E R A C f K E IS%^
anffi méchant homme Que iamais. J’ai
bon yaontje nSItwewiyas un mot à fonf
'Ünîvée. Votre relation de l’afFmre de^
Hongrie m’a fait un très-grand plaifir j|
& m’a fait comprendre en très-pev
de mots , ce que les plus longues rela»
lions ne m’auroient peut-être pas ap»
pris. Je l’ai débitée à tout Bourbon ,
o£i il n’y avoit qu’une relation d’un
Commis de M. Jacques, où après
avoir parlé du Grand- Vifir , on ajoû<>-
toit entre autres chofes , que leMt fV.
fir voulant réparer le gritf qm hü avoit itê
fait , <Stc. Tout le relie étoit de ce fly*
le. Adieu, mon cher Monfieur, aimezi»
moi toujours , & croyez que vous feui
^es maconfolation.
■ Je vous écrirai en partant de Four<>
bon , & vous aurez de mes nouvelles
en chemin. Je ne fai pas trop le parti
igue Je prendr» à Paris. Tous mes li^
vres font à Auteuilÿ«()^jgif^fli§^PI4^
dérormais aller lès hivers. J’ai réfolus
pe^rSfSIf^^Blogement pour moi-feul..
( 1 J Je fuis las franchement d’ent'en-
t54 LSTtHSS DE Bdijleao
dre le tintamare des nourrices & del
fervantes. Je n’ai qu’une chambre &
point de meubles au Cloitre.T out ceci
ibit dit entre nous ; mais cependant
I je vous prie de me mander votre avis.
N’ayant point de voix , il me faut du
moins de la tranquillité. Je fuis las de
Ime facrifier au plaifir & à la commo-;
dité d’autrui, lln’eflpas vrai que je net;
puiflê bien vivre & tenir feul moni
'ménage. Ceux qui le croyent fe trom>
peut groffierement. D’ailleurs je pré*
tens défô'rmais mener un genre de vie
dont tout le monde ne s’accommodera
.pas. J’avois pris desmefures quej’au*
rois exécutées , fl ma voix ne s’étoit
point éteinte. Dieu ne l’a pas voulu.
J’ai honte de moi>même, & je rougis
des larmes que je répans en vous écri*
vant ces derniers mots.
/
DE RACINE.
A Taris ee /. Septembre.
J’Avois defliné cette aprés-dînée â
vous écrire fort au long , mais nos
CsijlSa abafottt etm fiSehettx parenfag»^
KT ©E Racine, isf
eft'vena malbeureufement rae voir,'
& il ne fait que de fortir de chez mm.
Je ne vous écris donc que pour vous
dire quejer^s avant nier une Lettre»
de vous. Le P. Bouhours & le P. Rapim |
étoient dans mon cabinet quand je 1» |
reçûs. Je leur en fis la leélure en la dé- I
^cachetant , &je leur fis un fort grand/
«laifîr.Je regardai pourtant de loin,.|
à mefure que je la lifois , s’il n’y avoic|
rien dedans qui fût trop Janfenifle. Je*
vis vers la fin le nom de M. Nicole ,
je fautai bravement , ou , pour mieux
dire , lâchement , par deflus. Je n’ofat*
m’expofer à troubler la grande joie,.
& même les éclats de rire , que leur
cauferent plufieurs chofes fortplaiiàn*
tes que vous me mandiez-. Noos au<>.
rions été tous trois les plus contens du
inonde, fi noos euflions trouvé à 1»
fin de votre Lettre , que vous parliez
à votre ordinaire , comme nous troui- '
vions que vous écriviez avec le mémo
efprit que vous avez toujours eu. Ijs
font , je vous aflÛre , tous deux forfi-
de vos amis , & même fort bonne»
gens ( X ) . Nous avions été le matin
mmmmtmnÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊÊmÊÊÊÊÊÊKÊÊÊiÊÊÊÊÊÊm^
( I ) Ces pfifoanef ifcftiahoieiit ôc s’almoica^
fincéicmciUi
G 6
/
i$6 Lbttkbs db Boilbav
entendre le P. de ViHiers , qui
I rOraifon funèbre de M. le Prince ,•
Grand-Pere de M. le Prince d’aujour-
d’hui. Il y a joint les louanges du der-
nier mort, & il s’eft enfoncé jufqu’au
Icou dans le combat de Saint Antoine :
^pieu fait combien judicieufement. £a
wérité il a beaucoup d’efprit ; mais
il auroit bien befoin de fe laifler con-
duire. J’annonçai au P. Bouhonrs un
nouveau livre , qui excita fort fa curio-
fité. Ce font les Remarques de M. de '
Vaugelas , avec les Notes de Thomas
Corneille. Cela ell ainfi affiché dans
Paris depuisquatre jours. Auriez- vous
E* mais crû voir enfemble M. Vauge-
s & M. de Corneille le jeune , don-
nant des régies fur la Langue ?
l’enfle bien voulu vous pouvoir man-
der que M. de Louvois efl: guéri , en
TOUS mandant qu’il a été malade. Mais
maFemme, qui revient de voir Ma-
dame de là Chapelle , m’apprend qu’il
a encore de la fièvre. Elle étoit d’a-
bord comme continue , & même aflez
grande. Ellen’eft préfentement qu’in-
termittente , & c’eft encore une des
obligations que nous avons au Quin-
quina. Jelpere que je vous mande*
ET DE Racine. 15T
rai Lundi qu’il ad abfoiument guéri.
Outre l’intérêt du Roi , & celui du i
Public , nous avons , vous & moi , '
un intérêt très-particulier à lui fouhai*
ter une bonne fanté. On ne peut pas
nous témoigner plus de bonté qu’iL
nous en témoigne ; & vous ne faurie^
croire avec quelle amitié il m’a touf
jours demandé de vos nouvelles. Bon
fpir , mon cher Monfieur. Je falue de
tout mon cœur M. Marchand. Je vous
écrirai plus au long Lundi. Mon filseft
guéri.
D E RA CINE.
, ^ iMxmbmr^ ce M*j,
Votre Lettre m’auroit fait beau»
coup plus de plai(ir,n les nouvel*
les de votre fanté euilent été un peu *
meilleures. Je visM.X)odart comme je
venoisde la recevoir, & la lui montrai*
Il m’alTûra-quevous n’aviez aucun lieq
de vous mettre dans refprit,que votre
voix ne reviendra point , & me cita
même quantité de gens qui font fortis
15S Lettre» DE Boilea tr
, fort heureufement d’tin femblable ac-
s. cident. Maia fur toutes chofes ,il vous
recommande de ne point faire d’effort
'' pour parler , & , s’il fe peut , de n’a-
voir commerce qu’avec des gens d’u-
ne oreille fort fubtile , ou qui vous
entendent à demi-mot. Il croit que le
fyrop d’abricot vous eff fort bon » âc
qu’il en faut prendre quelquefois de
pur , & très-fou vent de mêlé avec de
l’eau ,en l’avalant lentement, & goûte
à gqye. Ne-Po|pt boire trop frais , ni
rie yin q^ fort trempé j du reftevous
tenir l’^rînôujours gaiJfpUüfsHfc^
près le confeil ( i ) que M. Menjoc
me donnoit autrefois. M. Dodart ap-
. prouve beaucoup votrellait d’aneffe ,
mais beaucoup plîii' encbre ce que
vous dites de la vertu M ... Il ne la
croit nullement propre à votre mal f
& àfldre même qu’elle y feroit très»
nuifible. Il m’ordonne prefque tou-
jours les mêmes chofës pour mon mal
dégorgé , qui va toujours fon même
trsin } & il me confeille un régime qui
(I) lltacomoit oiian4 U vooTbit tire , qu*un
CÎQ lui ayant dtfièiidii de boire du vin a demascer de la
viande a de liis ,&de s'appliquer à la moindie Cll0«.
tjoata » d» tfjh »
E T D B R A C I N E. I59
peut-être me pourra guérir dans deux
ans , mau qui infailliblement me ren-
dra dans deux mois de la taille donc
vous voyez qu’eit M. Oodart lui-mê-
me ( j). M. Félix étoit préiènt à tou-
tes ces ordonnances , qu’il a fort ap-
"prouvées ; & il a auili demandé des re-
mèdes pour fa famé , fe croyant le pllis
malade de nous trois. Je vous ai man-
dé quül avoit vifité la boucherie de
Châlons. Il e(l à l’heure que je vous
parle au marché,où il m’a ditqu’il avoit
rencontré ce matin dëTëcrevilfëT^e .
fort bonne mine. Le voys^ie*€Iï pro-
Tonge de fVoïs jours , & on demeure-
ra ici jufqu’à Lundi prochain. Le pré-
texte eft la rougeole de M. le Comte
de Touloufi^BSîfUfrrtfèfl: apparem-
ment que le Roi a pris goût à fa con-
quête ,& qu’il n’eil pas fâché de l’exa-
miner tout à loifir. Il a déjà conOdéré
toutes les fortifications l’une après
l’autre , eft entré jufques dans les con-
tremines du chemin couvert , qui fonc
fort belles , & fur-tout a été fort aiiè
de voir ces fameufes redoutes entre
(ij Le pcre du prcmiei Mddcdn du Hol. 11 ctoic cx-
HlnciiicM inaigw.
i6o Lettres de Boileatt
)es deux chemins couverts , lefquelles
ont tant donné de peine à M. de Vau-
ban. Aujourd’hui le Roi va examiner
la circonvallation ; c’eft-à-dire , faire
un tour de fept ou huit lieues. Je ne
vous fais point le détail de tout ce qui
m’a paru ici de merveilleux. Qu’il
vous fuffilè que je vous en rendrai bon
compte quand nous nous verrons , &
que je vous ferai peut-être concevoir
les chofes comme H vous y aviez été.
JVl. de Vauban a été ravi de me voir ,
& ne pouvant pas venir avec moi, m’a
donné un Ingénieur qui m’a mené par-
tout. Il m’a aulfi abouché avec M.
d’Efpagne , gouverneur de Thionvil-
)e , qui fe Ognala tant à Saint Godard ,
& qui m’a fait fouvehir qu’il avoit
fouvent bû avec moi à l’auberge de
M. Poignant , & que nous étions ,
Poignant & moi , fort agréables avec
feu M. de Bernage , Evêque de GrafTe.
Sérieufement ce M. d’Efpagne ell un
fort galant homme , & il m’a paru un
grand air de vérité dans tout ce qu’il
m’a dit de ce combat de Saint Godard,
^ais , mon cher Monûeur , cela ne
s’accorde, ni avecM.de Montecuculli,
oiaveC M. de BÜly , ni avec M. de
BT DE Racine. j6t
làFeuillade, & je vois bien que la véri-
té qu’on nous demande tant, efl bien
plus difficile à trouver qu’à écrire (i).
J’ai vû aufli M. de Charüel, qui étoic
Intendant à Gigeri. Celui-ci fait appa-
remment la vérité , mais il fe ferre les
lèvres tant qu’il peut , de peur de la di-.
re ; & j’ai eu à peu près la même pei-
tie , à lui tirer quelques mots de la bou-
che , que Trivelin en avoit à en tirer
de Scaramouche , Muficien bègue. M.
de Gourville arriva hier , & tout en ar-
rivant me demanda de vos nouvelles.
Je ne finirois point (i je vous nommois
tous les gens qui m’en demandent tous
les jours avec amitié. M. dé Chevreu-
fe entre autres , M. de Noailles , Mon-
feigneur le Prince, que je devrois nom-
mer le premier j fur-tout M. Moreail
notre ami , & M. Roze; ce dernier ,
avec des expreffions fortes , vigoureu-
iês , & qu’on voit bien , en vérité , qui
Çi^ Sur qutlle Hiftoire peut-ôn coirpter ? Tel Ecri«
?ain a chérché la vérité, fans la trouver. Tel autre ne
s*eft point donné la £eine de la chercher ; d'autres n'ont
point longé i la dire. Qui ne croirolt qu'un homme
comme M. de Valincourt n*a rien écrit qued'exaél fut
on ami qu'il avoir toujours fréquenté } j'ai cependant
fait voir qu'il n'y avoit p<ûni d'cJtaélicudc dans û Lettre
àiâüriqiic futiuon Pere.
ï64 Lettres 6e Boileav
Coartenaf , qui a été trouvé mort daiff
la paliflade de la. demi- lune. Car quel*
ques Moofquetaires pouiTerent ju&
ques dans cette demi>lune , malgré la
défenfe exprefle de Vauban & de M.
de Maupertuis , cro;ÿant faire , fans
doute , la même chofe qu’à V alencien*
nés. Ils furent obligés de revenir fort
vîte fur leurs pas:&.c’eft>là que la plû*
part furent tués ou bleifés. Les Gre»
nadiers , à ce que dît M. de Mauper»
tais lui- même, ont été aufli braves que
les Moufquetaires. De huit Capitai>
nés , il y en a en lepc tués ou bleifés.
J’ai retenu cinq Ou avions ou pa»>
rôles de ilmples Grenadiers , dignes
d’avoir place dans THiitoire , . & je
▼ons les dirai quand nous nous rever*
rons. M. de Chafteavillain , fils de M,
le Grand Tréforier de Pologne , étoic
.à tout , & efi: un des hommes de l’ar-
mée le plus efiimé. La Chefnaye a aufli
fort bien fait. Je vous-les nomme tous
deux , parce que vous les connoiflez
particulièrement. Mais je ne vous puis
dire aifez de bien du premier , qui joint
beaucoup d’efprit à une fort grande
Valeur. Je voyoia toute l’attaque fort
à mon , d’un peu lem à la vérité ,
ET Di. Racine. i6s
mais j’avois de fort bonnes lunettes ,
que je ne pouvois prefque tenir fer-
mes,tant le coeur me battoit à voir tant
de braves gens dans le péril. On fit une
fufpenfion pour retirer les morts de
part &d’autfe.On trouva denosMouf-
quetaires morts dans lech^in cou-
vert de la demi-lune. Deux Moufque-
taires blelTés s’étaient couchés parmi
ces morts, de peur d’être achevés.Ils le
levèrent tout-ji-coup fur leurs pieds ,
pour s’en revenir avec les morts qu’oa
remportoit. Mais les ennemis préten-
dirent qu’ayant été trouvés fur leur
terrain , ils dévoient demeurer pri-
fonniers. Notre Officier ne put pas en
difconvemr f mais il voulut au moins
donner de l’argent aux £fpagnoIs,afin
de faire traiter ces deux Moufquetai-
res. Les Efpagnols répondirent : lU
ffnmt mieux traités parmi mus ejue par-
mi voMsjdr nous avons de l’argent plus qu'il
nenfautpournoui & peureux. Le Gou-
verneur fut un peu plus incivil ; car
M. de Luxembourg lui ayant envoyé •
une lettre par un Tambour , pour s’in-
former fi le Chevalier d’Ellrade , qui
s’ell trouvé perdu , n’étoit point du
DLombre des prifonniers qui ont été
i
•
17s Lettrss DE Bôiieaü
Teçû de.' Aies nouvetlcs.
J’ai Qub'ljé de't:oùi dîfie , cjue pea-
dant qijél’ètois fùcle mont Pagootte,
^ à régaEjfer l’aitaqae , le PT de la
Chaife étoit dans la^trancnre , flic
même fort près de l’attaque , pour la
vpir plus dHlinèiemeot. J’en parlois
hier le foir à fon Frere , qui me die
tout naturellement : Il fs fera mer m
de ces jours. Ne diteffiëh ’ de celiT à •
çerronne,car on croiroit la eholè in-
ventée , & elle e&'très - vraie , Sc
très - férieu/ê.
DU MES ME.
jiu Camp de Gévriesle 2 1 . Mai,
ILjaut que J’aime M. Vigan autant
que je fais , pour ne lui pas vouloir
beaucoup de mal du contretems dont
dont il a été caufe. Si je n’avois
pas eu des embarras tels que vous
pouvez vous imaginer, je vous au-
rois été chercher à Auteuil. Je ne
vous ai pas écrit pendant le chemin,
..parce que j’étois chagrin au dernier
point
■8 T IV B Ricins. i(^
point d’un vilain clouquim’efl: vena
au menton, gai m’a fait de tort grandes
dou i^urs , jufqu’à me donner la fièvre
deux jours de deux nuits. Il eil percé.
Dieu merci, & il ne me refte plus
qu’une emplâtre , qui me défigure ,
& dont je me confolerois volontiers ,
fans toutes les queftions impor-
tunes que cela m’attire à tout mo-
ment.
Le B oi fit hier la revâe de Ton ar-
mée, & de celfo de M.deLuxembourg.
C’étoit aflhrément le plus grand fpec-
tacle qu’on ait vû depuis plufieurs
TîéSles. Je rie me fouviens point que
, les Romains en aient vû un tel. Car
leurs armées n’ont guère palTé , ce-
rne femble , quarante , ou tout-au>plus
cinquante mille hommes ; & il y avoic
hier fix-vingts mille hommes enfem-
ble for quatre lignes. Comptez qû’à
la rigueur il n’y -avoit pas lâ defius
trois mille hommes à rabattre, je
commençai à onze heures du matia
rà marcher. J’allai toûjours au grand
I pas de mon cheval , & je ne finis
; qu’à huit heures du foir .Enfin on étoit
deux heures à aller du bout d’une
ligne à l’autre. Mais û on n’a jamais
- Tme L , H
Lettres bb Boixeiv
vûtancde troupes enfemble, aiTûre£>
vous ^u’oh n’en a jamais vûde fi bel>
les. Je vous rendrois un fort bon comp«
te des deux lignes de l’armée du Roi ,
& de la première de l’armée de M. de
Luxembourg. Mais quant à la fecon-
4ie ligne , je ne vous en puis parler
que fur la foi d’autrui. J’étois fî las ,
fl éblouï de voir briller des épées &
des moufquets , fl étourdi d’entendre
des tamboursydes trompette s, des tim-
bales ^ qu’en vérité je me ladlbis con-
duire par mon cheval , fans plus avoir
/ d’attention à rien ; & j’ende voulu
. 4c tout mon cœur que tous les gens
que je voiois euflênt été chacun dans
^ur chaumière^ ou dans leur maifon«
' ^vec leurs femmes & leurs enfans , &
• thoi dans la ruë des Maçons avec ma
famille. Vous avez peut- être trouvé
dans les Poèmes épiques les revûes
dtarmées fort longues & fort en-
jnuyeufès ; mais celle-ci m’a paru tout
autrement longue , & même , par-
donnez-moi cette efpéce de blafphé-
Sne , plus lalTante que celle de la Pu-
Celle. J’étois au retour à peu prés dans
le même état que nous étions vous &
tnoi dans ia cour de l’Abbaye de Saine
* . '
s T E Racine. 171
i^mand. A cela près je ne fus jamais
ft charmé & fi étonné , que je le fus
de voir une puifiance fi formidable.
Vous jugez bien que tout cela nous
prépare de belles matières. On m’a
donné-^un ordre de bataille des djux
armées. Je vous l’aurois volontiers
envoyé ; mais il y en a ici mille copies,
de je ne doute pas qu’il n’y en aie
bientôt autant à Paris. Nous fommes
ici campés le long de la Trouille, à
deux lieues de Mons. M. de Luzem*
bourg efi campé près de fiinche ,
partie fur le ruifieau qui pafle aux £f*
tives , & partie fur la Haifne , où ce
ruifleau tombe. Son armée efi de 66
bataillons , &de 209 efeadrons. Celle
du Roi de .46 bataillons , & de 9e
efeadrons. Vous voyez par-là que
celle de M. de Luxembourg occa-
poic bien plus de terrain que celle
du Roi. Son quartier général ,j’entens
celui de M. de Luxembourg , efi à
Thieufies. Vous trouverez tous ces
villages dans la carte. L’une & l’au*
tre fe mettent en marche demain; Je
pourrai bien n’être pas en état de
vous écrire de cinq ou fix jours ; c’eR
pourquoi je vous écris a^ourd’hui
ne Lettres de Boileau
une n longue Lettre. Ne trouvez
point éuange le peu . d’ordre que
vous y trouverez ; Je vous écris au
.bout d’une table environnée de gens
qui raifonnent de nouvelles , & qui
veulent a tous momens que j’entre
dans la converfation. 11 vint hier de
Bruxelles un Rendu , qui dit que M.
le Prince d’Orange alTeinbloit quel*
ques troupes à Auderleck , qui en, eft
à trois quarts de lieues. On demanda
au Rendu ce qu’on, dilbit à Bruxel*
les. 1| répondit qu’on y étoit fort en
^repos , parce qu’on étoit perfuadé
qu’il n’y avoit à Mons qu’un camp
volant ; que le Roi n’étoit point en
Flandres ; & que M. de Luxembourg
dtoit en Italie.
Je ne vous dis rien de la Marine.
Vous êtes à la fource , & nous ne
favons qu’apiès vous. Vraifembla^
blement j’aurai bientôt de plus gran*
des chofes à vous mander qu’une je*
yôe , quelque.grande À quelque mà>
gnifique qu’eHe ait été. M. de Ca-
voie vous baife les mains. Je ne (ai
ce que je, ^rois fans lui. 11 faudroic
en vérité que je renonçaflè aux voya>
^s & an plaifir de voir tout ce que
je voi^ M. de Luxembourg , dés le
%
«
ÉT »E Racine.’ 173'
premier jour que nous arrivâmes » en*
. voya dans notre écurie un des plus
commodes chevaux de la (renne, pour
m’en fervir pendant la campagne.
Vous n’avez jamais vû un homme
de cette bonté , & de cette magnifî*
cence. Il e(I encore phis à Tes amis>
& plus aimable à la tête de fa formi*
dable armée , qu’il n’eft à Paris & àf
Verfailles. Je vous nommerois au
contraire certaines gens qui ne font
pas reconnoüTables en ce pays > ci ,
& qui tout embarrafTés de la figure
qu’ils y font , font à peu près comme
vous dépeigniez le pauvre M. Jan-
nart , quand il commençoit une cou*
rante. Adieu , mon cher Monfieur,
, voilà bien du verbiage ; mais je vous
écris au courant de ma plume, &
; me laifie entraîner au plaifir que j’ai
de caufer avec vous , comme fi
, j’écois dans vos allées d’Auteuii. Je
vous prie de vous fouvenir de mol
dans la petite Académie , & d’aOhrer
M. de Fontchartrain de mes très*
humbles refpeâs. Faites aulli mille
complimens pour moi à M. de la
Chapelle. Je prévois qu’il aura bien*
tôt matière à des types plus magui»
H3
174 Lbttrbs se Boileatt
éques qu’il n’en a encore imaginés. ■
Ecrivez > moi le plus fonvent que vous
pourrez-, & forcez votre parefTe.'
rendant que j’elTuiè de longues mar> -
ches , & des campemens fort incom/
modes , ferez • vous fort à plaindre
3uand vous n’aurez que la fatigue:
’écrire des Lettres bien à votre aife.
dans votre cabinet ?
St
D U M E S M E,
»
Ç4mp de Gévries le 22. Mai,
* J * » %
COmme j’étois fort interrompq
hier en vous écrivant , je fis une
grande faute dans ma Lettre , dont
je ne m’apperçûs que lorfqu’on l’eût
portée à la polie. Au lieu de vous
dire que le quartier principal de M.
de Luxembourg étoit aux hautes £f>/.
tives , je. vous marquai qu’il étoit à
Thieufies , qui eil un Village à plus
de trois ou quatre lieues de-là , & où
il devoit aller camper en partant des
■Eftivês à ce qu’on m’avoit dit. On
parloit même de cela autour de moi
E r ir E R A <f r N i. i-jt
pendant que j’écrivois. J’ai donc cr»
que je vous ferois plaifir de_.yauft'
détromper , & qû’il valoit mieuS
qu’il vous en coûtât un petit port de
lettre , que quelque groHe gaj^re oit
vous pourriez vous engager mal • à -
propos , Ou contre M. de la Chapelle^,
ou contre M. Heflein. J’ai fur • touc
pâli quand j’ai fongé au terrible in*
convenient qui arriveroit fi ce der*
nier avoit quelque avantage fur vous.
Car je me fouviens du bois qu’il met»
toit à la droite opiniâtrément , inal*:
/gré tous les fermens & toute la raifoq
! de M. de Guilleragues , qui en penfit
devenir fou. Dieu vous garde d’avoir
Jamais tort contre un tel Homme.
Je monte en carrofle pour aller i
Mons , où M. de. Vauban m’a pro-
mis de me faire voir les pouveauE
ouvrages qu’il y a faits. J’y allai l’au-
tre jour dans ce même defiein ; mais^
je fouffrois alors tant de mal , que je*
ne fongeai qu’à m’en revenir au pluÿ;
vite-
I7tf Lettres de Boileiü
\
DU M E S M £.
Cmf devMt N/murle 3. Juin.
J’Ai été 11 troublé depuis huit jours
de la petite*vérole de mon fils,
que j’appréhendois qui ne fut fort
dangereufe , que je n’ai pas eu le cou-
rage de vous mander aucunes nouvel-
les. Le liège a bien avancé durant
ce tems-là , & nous fommes à l’heure
qu’il ell au corps de la Place. 11 n’a
point fallu pour cela détourner là
Meufe , comme vous 'm’écrivez qu’on
le difoit à Paris , ce qui feroit une
étrange entreprilè. On n’a pas même
en befoin d’appeller les Moulquetai-
res , ni d’expofer beaucoup de braves
gens. M. de Vauban , avec Ton ca-
non & Tes bombes , a fait lui feul toute
l’expédition. Il a trouvé, des hauteurs ‘
au* deçà & au-delà de la Meufe, où
il a placé fes batteries. 11 a conduit fa ^
principale tranchée dans un terrain
aflez relTerré , entre des hauteurs , &
line elpéce d’étang d’un côté , & la
ÏT »É Racine. 177
Meafè de l’aatre. En trois jours ii a
poulTé fon travaii jufqu’à un petit
ruiflèau qui coule au pied de la con-
trefcarpe , & s’eft rendu maître d’une
petite contre-garde revêtue , qui étoic
en - (feça de la contrefcarpe , oc de- là,
' en moins de feize heures , a emporté
.tout le chemin couvert qui étoitgar*
' ni de plufteurs rangade paliflades , a
comblé un folTé large de dix toifes ,
& profond de huit pied», & s’eft
logé dans une demi-lune , qui étoit an-
devant de lacourtine ^ entre un demi'
baflion qui efl fur le bord' de laMeufb,
à la gaucho deaafliégeans , & un baf-
tioir qui efl: à leur droite. En telle
ibrte , que cette Place lî terrible , e»
un mot Namur, a vft tous-fes dehcnc»
enaportés dans le peu de temaque je
vous ai dit, fans qu’il en ait coûté ait
Koi plus de trente hommes.Ne croyez
pas peur cela qu’on ait eu affaire
à des poltron». Tous ceux de no»
gens qw ont été à'ces attaquess fbnt
étonné du courage des afliégés.
Mais voue jugerez de l’effbr terrible
du canon a des- bombes , quand jer
vous dirai , fur le- feul rapport d’utt
Officier£fpagnol,q,uifua]^is hier dan»
H ^
178 Lettres xte Boileav
les dehors , que notre artillerie leUf
a tué en deux jours douze cens bon><
sues. Imaginez-vous trois batteries qui
qui fe croiient , & qui tirent conti-
nuellement fur de pauvres gens qui
font vûs d’enhaut,& de revers , & qui
ne peuvent pas trouver un~f&I coin
où ils foient en fÛreté. On dit qu’on a
trouvé les dehors tout pleins de corps
dont le canon a emporté les têtes ,
comme fî on les avoit coupées avec
des fabres. Cela n’empêche pas que
pludeurs de nos gens n’ayént fait des
allions de grande valeur. Les Grena-
diers du Régiment des Gardes Fran-
coifes , & ceux^ des Gardes Suides , fe
^nt entr’autres extrêmement didin-
gués.On raconte pludeurs aâions par-
ticulières , que je vous redirai quelque
|our,& que vous entendrez avec plai-
4'£r. Mais en voici une que je ne puis
différer de vous dire« oc que j’ai oQi
f onter au Roi même.Un foldat du Ré-
giment des Fuziliers , qui travailloit à
la tranchée , y avoit porté un gabion;
.un coup de canon vint qui emporta
fon gaÛon : audîtôt il en alla pofer
ù la même place un autre , qui fut fur
le champ emporté par un autre coup
l T 1) B R A cr i: N E.
dè canon. Le foldat , fans rien dire »
en prit un troiüénie , â: fallapofer^
nn troifîéme coup de canon emporta
ce troiOéme gabion. Alors le foldae
rebuté fë tint en repos ; mais fon
0£Bcier lui commanda de ne point
laifler cet endroit fans gabion. Le fol*
dat dit : l irai , mais fy ferai ta(. Il y
alla , & en pofant fon quatrième
gabion , eut le bras fracaflé d’un coup
de canon. Il revint , foutenant fon
bras pendant avec l’autre bras , & fè
contenta de dire à fon Officier:
Faveis bien dk. Il fallut lui couper le
bras , qui ne tenoit prefque à rien.'
]1 fouffrit - cela fans defierrer leà^
. dents , & après l’opération, dit froide>>
/ment : Je jfkii 'dmc hors tthat de tra*
\ voilier , e’efi maintenant a» Roi- kmot
'miirrir; Je crois que vous me pardon-*,
nerez le peu d’ordrë de cette narra-''
tioD , -mais afl&rez^vous qu’elle elB
fort vr^. M; de Cavoie me prefle
d’achever ma Lettre. Je vous' diral*^
donc en deux mots , pour l’acheveri^
qu’àpparemment la ville fera prife enr>
^ux josrs.Il y adé^ une grande brév
che qu baflion , & même un Officïtipr
vitnO) .di£-on monter avec dcatr
B S
1^84 Lettres se Boileav
ta par terre de deux coups de fa per-
tuifane , qui ne le blefiêrent pourtant
point. On a fort loué la fageflè de
M. de Maupertuis. Mais il faut vous
dire aufli deux traits de M. de Vau-
ban , que je fuis afluré qui vous plai-
ront. Comme il connoît la chaleur du
fbldat dans ces fortes d’occâfîons, 9
leur avoit dit: Mt% tnftms, m ne vcm
défend f as de fmrfmvre les ennemis ejuased
ils s'enfiürmt , mais je ne vestx jras qm'
qine votes aUkx. votes faire éeki^ner mal-
à-propos Jim la contrejcarpe de lettrs an-
tres ouvrages. Je retiens donc a met e$-
tés cinq tambutrs , potm vues rapeller
quand il fera tms. Dès que vous les
entendrez , nemanqnez pasde revenir^
ehaéten 4 vos pefi-es. Cela fut fait com-
me il l’avoit concerté. Voilà pour la
première précaution. Voici la fécon-
dé. Comme le retranchement qu’on
attaquok avoit un fort grand front ,
il fit mettre far notre tranchée des
. efpéces de jallons , vis*à*vis defquels
chaque çorpa devok attaquer , & le
' loger t pour éviter la confufion. Et
la chofe réüflit à merveilles. Les en-
nemis ne foutinrent point , & n’at*
tendirent pas même nos gens. Ils
£T DE Racine. 1S5
s’enfuirent après qu’ils eurent fait
une feule décharge , & ne tirèrent
plus que de leurs ouvrages à
On en tua bien quatre ou cin
encr’autres un Capitaine £f]
fils d’un Grand d'Efpagne .
nomme le Comte de Lemo
qui le tua étoit un des Grer
chçva! , nommé Smii râiftn. Voua un
vrai nom de Grenadier. L’Efpagnol
lui demanda quartier, & lui promit
cent pi{loles,lui montrant même fa
bourfe, où il y en avoit 35. Le Gre-
nadier qui venoit de voir tuer le
Lieutenant de fa Compagnie , qui
étoit un fort brave homme, ne vou-
lut point faire de quartier, & tua
fon Efpagnol. Les ennemis envoyé-'
rent demander le Corps , qui leur fut
rendu, & le Grenadier Sans- r^ifouTtn-
dit aulfi les 35 pifioles qu’il avoit
prifês au mort, en difant : w/-
Iâ fm 4rgtnt , dmt jt nt veux peint ,
Us Grennaiers ne mettent U mnin fnr Ut
gens que peur Us tuer. Vous ne trou-
verez point, peut-être, ces détails
dans les relations que vous lirez; &
je tn’aflure que vous les aimerez bien
autant qu’une fuputatlon exacte du
i8tf Lettres de BortEAir
Dom d^s bataillons , & de cbaquer
eoinpagnie des gens détachés , ce
que M. l’Abbé Dangeaù ne manque*
roit pas de rechercher très-curieufe*
ment. Je vous ai parlé du Lieuter
nanc de la compagnie des Grenadiers-
qui fut tuéy& dont Sém-raifi» ven-r
gea la- mort. Vous ne ferez peut*êtrer
fpas fâché de favoir qu’on lui trouva
lin cilice fur le corps. Il étoit d’un&
piété fînguliére , & avoit même fait
fes dévotions le Jour d’auparavant ^
refpeâé de toute l’Armée pour fa va-
leur , accompagnée d’une douceur
& d’une fagelTe mervèllleufe. Le Roi
l’eftimolt beaucoup a. dit après fa-
mort, que c’étoit un homme qui pou- -
voit prétendre à tout. Il s’apelloit
Roquevert. Croyez - vjous que Frere-
Roquever^t ne valoir pas bien Frere-
Muce ? £t fî M. de la Trape l’avoit
connu , auroit-ii mis dans la vie de
Frere Muce, que les Glrenadiers font
profeflion d’être les plus grands fce-
îérats du monde ? Effeêlivement on*
dit que dans cette Compagnie il ÿ a
^s gens fort réglés. Pour moi je'
n’entends guère de- MeiTe dans le
Camp , qui ne foit fer vie par quel-
ET BE Racine. 187
que Moufqaetaire , & où i) en ait
quelqu’un qui communie , & cela de
U maniéré du tnonde la plus édi>
£ante.
Je ne vous dis rien de la quantité
de gens qui reçûrent des coups dé
moufquet , ou des contuHons tout au-
près du Roi. Tout le monde le fart,
& je crois que tout le monde en fré-
mit. M. le Duc étoit Lieutenant>Gé-
néral de jour, & y fît à la Condé ,
c’eft tout dire. M. le Prince , dés qu’il
vit que l’aftion ailoit commencer , ne
put s’empêcher de courir à la tran-
chée, & de fe mettre à la tête de
tout. En vmlà bien aflfez pour un
jour. Je ne puis pourtant finir fans
vous dire un mot de M. de Luxem-
bourg. Il ell toujours vis-à-vis des
ennemis , la Méhaigne entre deux ,
qu’on ne croit pas qu’ils ofent pafîer.
On lui amena avant hier un Officier
Efpagnol , qu’un de nos partis avoic
pris , & qui s’étoit fort bien battu. M.
de Luxembourg lui trouvant de l’ef-
prit , lui dit : Faut utttrts Efpagnalt ,
je fais que vaut faites la guerre en haitr-
ttêsetgent, & je la veux faire avec veut-
de mime, Enfuite il le fit ^ner avec
i88 Lsttkes se Boileav
lui , puis lui fit voir toute fon arnrée.
i^près quoi il le congédia , en loi di«
fant : Je ve$ts rende votre libeni : niiez
trouver Ai, le Prince <£ Orange , & dt~
tes-hû ce qne vont avez vu. On a fil
auffi par un Rendu , qu'un de nos
foldats s’étant allé rendre aux enne-
mis , le Prince d’Orange lui demanda
pourquoi il avoit quitté l’Armée de
M. de Luxembourg : Ce^ ^ le
foldat y qu'on y meurt de faim ; maii
avec tout cela , ne fajfez pas la rivière ,
car afurimettt ils votes battront. Le Roi
envoya hier fix mille faes d’avoine »
& cinq cens bœufs à l’Armée de M.
de Luxembourg : & quoi qu’ait dit le
déferteur y je vous puis afiiirer qu’oa
y efl fort guaî , & qu’il s’en faut bien
qu’on y meure de faim. Le Général
a été trois jours fans monter à cheval,
paflanr le jour à jofier dans fà tente.
Le Roi a eu nonvélle aujourd’hui, que
le Baron de Serclas , avec cinq ou Hz
mille chevaux de l’Armée du Prince
d’Orange , avoit pafifé la Meufe à
Huy , comme pour venir inquiéter le
quartier de M. de Bouffiers; Le Roi
prend fes mefures pour le bien rece-
voir.
S^T SE RaCINC. 189
Adieu , Mandeur , je vous mande*
rai une autrefois des nouvelles de la
vie que je mene , puifque vous en vou*
kz favoir. Faites , je vous prie, parc
de cette Lettre à M. de la Chapelle ,
fi vous trouvez qu’elle en vaille la
peine. Vous me ferez même beau*
coup de plaifir de l’envoyer à ma
Femme , quand vous l’aurez lûë. Car
i je n’ai pas le tems de lui écrire , &
Vela pour réjoOir elle & mon fils. On
eft fort content de M. de Bonrepaux.
< J’ai écrit à M. de Pontchartrain le
fils par le confèil de M. de la Cha-
pelle. Une page de complimens m’a
plus coûté cinq cens fois » que les huit
pages que jè vous viens d’écrire.
Adieu , Monfieur ,, je vous envie
bien votre beau tems d’Auteuil ; car
il fait ici le plus horrible tems du
monde.
Je vous ai và rire afiez volontiers,
de ce que le vin fait quelquefois fai* ;
re aux yvrognes. Hier un boulet de
canon emporu la tête d’un de nos
Suiflès dans la tranchée. Un autre
Suilîe , fon camarade , qui étoit au*
près,. fe mit à rire de toute fà. force,'-
en difant i Hi^hS ^ etU efi fUijtmt : H
ipo Lettres DE BoiLEATf
reviendra fans tête dans te eam^.
On a fait aujourd’hui trente prî-
fonniers de l’Armée du Prince d’O-
■range , & ils on tété pris par un Parti
de M. de Luxembourg. Voici la diP-
■ pofition de l’Armée des Ennemis,
M. de Bavière a la droite avec des
Brandebourgs , & autres Allemands.
M. de Valdeck eft au Corps de Ba*
taille avec les Hollandois ; & le Prin-
■ce d’Orange , avec les Anglois , eft à
3a gauche. J’oubliois de .vous dire,
•que quand M. le Comte de Touiou»
fe reçût fon coup de mdufquet , on
«ntendic le bruit de la baie : &'le Roi
demanda fî quelqu’un étoit bleflé. H
me femêle , dit en fouriant le jeune
Prince , que quelque chofe m'a touché»
Cependant la comuGon étoit aflez
grofle, & j’ai vû la marque de la baie
fur le galon de la manche , qui étoit
tout noirci , comme G le feu y avoit
paGTé. Adieu , MonGeur , je ne fçau-
rois me réfoudre à finir quand je fuis
avec vous.
. En fermant ma Lettre , j’aprens que
la PréGdente Barantin , qui avoit
époufé M. de Courmaillon , Ingé»
sieur, a été pillée par un Parti de
«T Bt RACÎNB. 19I
Charleroi. Ils lui ont pris Tes chevaux
de carroiTe , & fa caflette , & l’ont ■
'laiiTée dans le chemin à pied. Elle
ivenoit pour ^tre auprès de fon maii '
tqui avoit été bleflé. Il efb mort.
A U M E S M E.
'jt» Camp prit de Namr le 14.. Jiàn:
JE laiflè àM. de'ValincourtJe foin
de Vous écrire la prilb du Château
neuf. Voici feulement quelques cir>
confiances qu’il oubliera peut-être
dans fa relation. Ce Château neuf ell:
apellé autrement, le Fort Guillaume,
parce que c’efl le Prince d’Orange
qui ordonna l’année paffée de lé faire ’
conflruire , & qui avança pouf cela
dix mille écus de fon argent. C’elt
ain grand ouvrage à cornes , avec
quelques redens dans le milieu de la
courtine , félon que le terrein le de-
tnandoit. II efl utué de telle forte ,
4}ue plus on en aproche , moins on le
découvre. Et depuis huit ou dix jours
42ue notre canon le battoit , il n’y avoit
içi Lettres de Boileav
fait qu’une très-petite brèche à paflêr
deux hommes , & ii n’y avoit pas une
paliflade du chemin couvert qui fût
tompuë*. M. de Vauban a admiré lui-
même la beauté de cet ouvrage. L’In-
>génieur -qui l’a tracé, & qui a con-
duit tout ce qu’on y a fait , eil un Hol-
landois nommé Cohorne. Il s’étoic
. enfermé dedans pour le défendre, &
y avoit même fait creufer le foflé ,
. difanf qu’il s’y vouloir enterrer. Il
en fortit hier avec la garnifon , bief-
le d’un éclat de bombes. M- de Vau-
ban a eu la curiofîté de le voir,&après
lui avoir donné beaucoup de loüange ,
lai a demandé s’il jugeoit qu’on eût pû
l’attaquer mieux qu’on n’a fait. L’au-
tre fit réponfe , que fi on l’eût atta-
qué dans les formes ordinaires , &
en.conduifaht une tranchée devant la
courtine , & les demi-bafiions , il fe
feroit encore défendu plus de quin-
ze jours , & qu’il noos en aufoit coû-
té bien du monde ; mais que de la
maniéré dont on l’avoit embralTé de
' toutes parts , ii avoit fallu fe rendre.
La vérité ell , que notre tranchée eft
quelque chofe de prodigieux, embrafi-
fm
ET D b" R' A C 1 N B.'
fane à la fois plufieurs montagne« »
& plufieurs vallées , avec une infi«
nité de détours & de retours «autant
prefque qu’il y a de rues à Paris.' Les
Gens da Cour commençoient à
s’epnuyer dé voir fi longtems remuer
la terre. Mais enfin il s’efi trouvé que
dès que noos avons attaqué la con-
trefearpe , les ennemis « qui crai-
gnoient d’être coupés , ont abandon-
né dans l’inftant tout leur chemin
couvert; & voyant dans leur ouvrage
vingt de nos Grenadiers , qui avoient
grimpé par un périt endroit , où oa
ne pouvoit Inonter qu’un à un, ils
- ont auiTi-tôt battu la chamade. Ite
étoient encore quinze cens hommes ,
tous gens bienfaits , s’il y en a au mon-
de. Le principal Officier qui les c<Hn«
Biandoit , nommé M. de Vimbergue,
efb âgé de prés de go ans. Comme U
étoit d’ailleurs fort incommodé des fa-
tigues qu’il a fottffiertes depuis quinze
jours, & qu’il ne pouvoit plus marcher,
jl s’étoit fait porter fiir la petite br^
che , que notre caqoo avoit fitite, ré-
folu d’y mourir l’épée à la main. C'eft
lui qui a fait la capitulation ; & Il y a
fait mettre qu’il lui iStroit permis d’ea-
Tnutl I
%
*94 Lbtt^ss ae Boileav
trer dans le vieux Château , pour s*y
défendreencore jufqu’i la fin do fiége.
Vous voyez par-là à quels gens nous
avons affaire , & que l’art & les pré-
cautions de M. de Vauban ne Ibnt pas
Inutiles pour épargner bien de braves
gens , qui s’iroient faire ruer mal-à-
propos. C’étoit encore M. le Doc qui
étoit Lieutenant-Général de jour : âc
voici la troifiéme affaire qui paflê par
fes mainsi Je vondrois que vous eoi^.
fiez pft entendre de quelle manière
aifée , & même avec quel eipiit ii
m’a bien voulu raconter une partie
de ce que je vous mande ; les répon-'
&s qu’il fit aux Offiden qui le via-
tent trouver pour capitula: ; &. com-
me , en leurfaifant imlle honnêtetés ,
il ne laiffoit pas de les intimider. On
a trouvé le chemin couvert tout plein
de corps morts , fans tous ceux qai>
étoient à demi enterrés dan« l’ouvra*
vrage. Nos bmnbes ne fes laiffcwu;
pas refpirer. Ils voyoient fauter à
i tout momens en l’air leurscamarades^
leurs valets , leur pain , leur vin
étoient fi las de & jetter par terre »
comme on fidc quand il tombe une
bombe^ que les tina le tpnoient de*
t 9 B R A C I N si ipS
boüc , au hazard de ce qui en pour«
roit arriver ; les autres avoient creu-
fë de petites niches dans des retran».
chemens qu’ils avoient faits dans le
inilieu de l’ouvrage , & s’y tenoienc
plaqués tout le jour. Ils n’avoient d’eau
que celle d’un petit trou qu’ils avoient
creufé en terre, & ont paué ainfi quin*
ze jours entiers. Le vieux Château eit
compofé de quatre autres Forts , l’un
derrière l’autre , & va toujours en
s’étrecilTant , en telle forte que celui
de ces Forts > qui eft à l’extrémité
de la montagne , ne paroît pas pou-
voir contenir trois cens hommes.
Vous jugez bien quel fracas y feront
nos bombes. Heureulèment nous ne
craignons pas id’en manquer {i*tôt.
On en trouva hier chez les R. Pe*
res Jéfuites de Namur , douze cens
foixante toutes chargées , avec leurs
amorces. Les bons Peres gardoiènt
précieufemenc ce beau dépôt, fans en
rien dire, efpérant vraifembiablement
de les rendre aux Efpagnols , au cas
qu’on nous fie lever le fiége. Ils pa^
roifilbient pourtant les plus contens
du monde d’être au Roi •; & ils me
1 2
zpd Lettres DE^BottCiv
dirent à ihoi-même , d'un air riant dt
'Ouvert, qu’ils lui étoient trop obligés
de les avoir délivras de ces maudits
/ Proteftans, quidtoient en garnifon
! à Namur , & qui avoient fait .ua
! Prêche de leurs Ecoles. Le Roi a Sli>
I voyé le P. Reâeur à Pôle. Mais le
' P. de la Chaize dit lui-mênve que le
R.0I eft trop bon , & -que les Supé-
rieurs de leur Compagnie feront plus
révères que lui. Adieu , MooGeur.
J’oubliois de vous dire que je vis
pafler^s dgux Otages que ceux du
dedansde l’ouvrage à cornes en-
voyoient au Roi. L’un avoit le bras
en écharpe ; l’autre la mâchoire à
demi emportée, avec la tête bandée
d’une ^harpe noire ; le dernier efl;
«U Chevalier de Malthe. Je vis aufli
huit prifonniers qu’on amenoit du
chemin couvert. Ils faifoient horreur.
l.’un avoit, un coup de fiayonnette
dans le côté : un autre , un coup de
moufquet dans la bouche. Lesfixaù-
sres avoient le vifage & les mains
toutes brûlées du feu qui avoit pris à
la poudre qu’ils avoient dans; leurs ha>
vcefacs. ...
* T I» E Racine; ipy
■ ! * .
. A S A F E M M E. (i) '
C4tt4U CMubrtJts le j^de r jijcenjten*
J’ A vois commencé à vous écrire hier
au foir à Saint Quentin » mais jé
fus averti que la polie étoit partie dés
midi 'y ainll Je n’achevai point. Je
viens de recevoir vos. Lettres, qui
m’ont fait, un fort grand plaiGrl Je
me porte bieo , Dieu merci. Les Gar-
dons de M. Roche m’ont piqué mon
petit cheval en deux endiroits en le
ferrant , dont je fuis fort en colere
contr’eux, & avec raifon. Heureu*
fement M. de Cavoie mène avec lu|
pn Maréchal , qui en a pris foin ; &
on m’afliire qUe ce ne fera rien. Nous
' allons demain au Quefnoi , où on lail^
ièra les Dames au Camp prés de Mons.
L’herbe eR bien courte , & je crois
que les chevaux ne . trouveront pas
(i ) C*eft U feale Lettre confovée de toiitet celles
i|n*il lai s édites^ Comme il a*a?oît rien de cachd*
Sr elle , il ne pas spatemment qu'elle
£9
Lettre? si Bdiieav
beaucoup de fourage. Le bled eft fort
Tenchéri. Votre Fermier fera riche",
& devroit bien vous donner de Tar-
gent , puifque vous ne l'avez point
prèfl*é de vendre fon bled lorfqu’il
i^toit à bon marché. Le Roi eut hier
des nouvelles de fa Flotte. Elle elb
Sortie de Brefl do p. Mai. On la croit
maintenant à la Hogue en Norman*
die ; & le Roi d’Angleterre embarquéi.
ôn mande de Hollande , que le Prin*
ce d’Orange voit bien que c’eR tout
de bon qu’on va faire une defcente ,
& qu’il paroît étonné. Il a envoyé en
Angleterre le Comte de Po'rtland foa
favori, acontremandé'toisRégimens
prêts à s’embarquer pour la Hollan^
de ; & on dit qu’il pourroii bien ré*
paffer lui-même en Angleterre. M;
de Bavière efl fort inquiet de la ma*
ladie du Prince Clément fon Frere ,,
oui efl: , dit-on , à l’extrémité. Il lè
fera bien davantage dans quatre jours,
iorfqu’il verra entrer dans les Pays-
bas plus de cent trente mille hommesl
Le Roi eft dans la meilleure famé
du monde. Il a eu nouvelle aujour*
' d’hui que M. le Comte d’Etrées avoit
brûlé ou coulé à fond quatorze Vai£*
4
t r & B R 1 e t ir B.
feaax marchands Angiois furies edeea
d’ECpagne, & deux VaiiFeaux de gaet'
re qui lea efeortoient. Cela le çon fo-
ie » avec raifon , de la perte de deux
Vaillèaox de l’Elcadre du même
Comte d’Étrées, qut ont péri par la
tempête. Voilà d’heureux commeo-
cemens. Il faut efpérer que Diea
continuëra de fe déclarer pour nous.
Faites part de ces nouvelles à M. De{r
préaux , à qui je n’ai pas te tem»
d’écrire aujourd’hui.J’m rencontré a,a--
jourd’hui M. Dodart pour lapremiere
fois : il fe porte à noerveilles. M.
^Tartre fe trémouflè à fon ordinaire, &
' a une grande épée à fon côté , avec
j un nœud magnifique. U a tout-à'faic
■Taird’un Capitaine. Adieu, mon cher
cœur : embraflè tes enfans pour moi.
Exhorte ton fils à bien étudier , ■&
à lervir Dieu. Je fuis parti fort con-
tent de lui. J’efpére que je te ferai
encore plus à mon retour. Ecris-mqi
fouvent , ou lui. Adieu encore un
coup.
l
LBTTRIS 9B BoiItEAV
A BOILEAU.
^ Gmhtours te 9. Jum»
J’A vois commencé ane grande Le t>
tre , où je prétendois vous dire
mon lèntiment fur quelques endroits
(des Stances ( i ^ que vous m’avez en*
voyées. Mais comme j’aurai le plai-
Ür de vous revoir bien*tôc , puifque
noos nous en retournons à Paris ;
j’aime mieux attendre à vous dire de
vive voix tout ce que j’avois à vous
snander. Je vous dirai feulement en
un mot , que les Stances m’ont paru
très'belles, & très-dignes de celles qui
les précédent , à quelque peu de ré*
pétitions près , dont vous vous êtes
aperçû vous-même. Le Roi fait un
jgrand détachement de fès Armées ,
& l’envoye en Allemagne avec Mon*
lèigneor.ll ajugéqu’il falloit profiter
de ce côté-)à d’un commencement de
campagne qui paroît fi favorable ,
%
(1 ) Qii€l(|iKf SuBces de l*Ode dç Namiu#
ET DE. Racine. 2di
d*aatant plos qae le Prince d’Orange
«’c^niâcranc à demeurer fous de
groflês places , & derrière des canaux
& des rivières, la guerre auroit pÀ
devenir ici fort lente , & peut-être
moins utile que ce qu’on peut faire
■au-delà du Rhin. Nous allons demain
coucher à Namur. M. de Luxeni:-
bourg demeure en ce pays-ci avec une ^
Armée capaUe, non- feulement défais
■re tête aux Ennemis, mais même de
leur donner beaucoup d’embarras.
Adieu , mon cher Monfieur , je me
fais un grand plaifir de vous embraft
fer bien-tôt.
A ü M E S M E.
I
lAt ^faoi U 30. Mm,
Le Roi fait demain fes dèvotîOES;.
Je parlai- hier de M. le Doyen-an
-.P- de la Chaize. . U me dit qu’il avoir
jejû votre Lettre > me demanda de»
Douvelles de votre famé , ôl m’afftib
ra qu’il ètoit fort de vos amis, & de
tonte la famille. J’ai parlé ce tnatàà
I
*1
2oB .LeTTRIS SE-BeiZrEAV
! confer^tion de fa propre perfon-
vt? Je f$ai qu’il a pour lui 1’^
xemple ides Aléxaodres & des Céfass »
qui s^expofoient -de là forto ; mais
, avoient-ils railbn de le faire ? Je doa«
I te qu’il aitlô ce vërs -d’Horace : De*
' eipit exmflsr vitiis imhaiSe, Je fuie
I ravi d’aprendre qoe vous êtes dans
;ui) Couvent , en même cellule que M>
'de Cavoie f car bien que . le logeœefic
ibit un ' peu- étroit , Je na’imagMie
^u’on n’y garde pas tropétroitemeoc
-1^' régies i âc qu’on n’y iait . pas la *
-lediure pendant le dîner , fi ce n’eft
peut-être de Lettres pardlles à la
mienne. Je vous- dis bien en partant
que Je ne vous pb^nms plus , puif^
, que vous faifîez - le voyage avec ua
^ ^mme tel qae lui,-aupi^s duquel oa
trouve toutes fortes de cdtnaudités»
& dont la 'Compagnie pourroit eoti>
Ibier de toutes fortes d’kicommodt-
s^ Et puis je vois bimi qu’à l’heure
qu’il- efi y vous êtes un foldàt parfaîT
tement aguerri ^ceinire les périls de
contre la ^igue. 'Je vois bien > dia*
iev que vous allez recouvrer votre
lionoear à Mtms y âc qiœ toutes les
wàqvaifes plaüàateries du voy^e!de
X T D B R 1 C I K.E.' 209
Gand ne tomberont plus qoe*fur moi.
]M. de Cavoie a déjà iSez bien çoi^
inencé à m’y préparer. Dieu veüine
feulement que. je les puifle entendre
au bazard même d’y ma) répondre.
Mais à ne. vous tien céler notfrfeu-
Jement mon mat ne finit point , mais
je doute même qu’il guérifiè. En ré-
compeofe me voilà fort bien guéri
4’ambition & de vanité. Et en véri-<
té je ne fçai fi cette guérifon-Ht ne v
yaut pas bien l’autre , puiiqu’à mefure^.
Îiue les honneurs . & les biens, me
nient » il me femble que la traoqui- '
Uté me vient. JTai été une fois à no- •
tre Afleroblée depuis votre départ'
M. de la Chapelle ire manqua pas »
comme vous vous le figurez bien, de
propofer d’abord une Médaille fur. le
fiége de Mons : & j’en imaginai ùn^
fur le, &c. •
i
SIC lettres DR Boileeit
DU M E s M £.
^ jitttiüd te 7 OSetm.
JE vous écrivis avant hier (i à la
bâte » que je ne fçai ii vous aurez
bien conçû ce qùe je vous écrivois »
c ’eft ce qui m’oblige à vous récrire
aujourd’hui. Madame Eacine vient
d’arriver chez moi , qui s’engage à
vous faire tenir ma Lettre. L’aâioa
de M. de Lorges eft très>grande. St
très- belle } & j’ai déjà re$û une Lefi^
tre de M. l’Abbé Renaudot , qui me
mande queM. de Pontchartrain veut
qu’on travaille an plûtôt à faire une
Médaille pour cette aèfion. Je croi^
que cela occupe déjà fort M. de .la
Chapelle ; mais pour moi je crois qu’il;
fera allez à tems d’y penfer vers la
Saint Martin.
Je vous mandois te dernier jour
que j’ai travaillé à la Satyre des fem-
mes pendant huit jours , cela eR vé-
ritable ; mais il elt vrai aulfi que ma
fougue poétique eR paiTée prefque
f R K3crfvt b. 211
anfli vice qa’dle eil- veouë , & que
K n’y penfe plus à l’heure qu’il efl.'
Je crois que lorfque j’aurai tout amaf>
, il y aurabieo centvera nouveaux
d’ajoûtés; mais je ne fçais fi je n’en
ôterai pas bien vingit^cinq ou trente
4e la defcription du lieutenant <Sc
de la Lieutenante Criminelle. C’eft
un ouvrage qui me tue , par la mul>
titude des trandcions , qui^fqnt , à
nion lêns , le plus diiÇcile chef-d’œ(^>
vre de la Poè'fle. Comme je m’ima>
gine que vous avez quelquë ' impa-
tience d’en voir quelque cbofê , je
veux bien vous en tranfcrire ici vingt
ou trente vers; mais c’eft à la char-
ge que ifbi d’bonnêté homme vous hé
les montrerez à ame vivante , parce
que je veux être al^olument maitre
d’en faire ce que je voudrai ; & que
d’ailleurs je ne f$ai s’ils font encore
en rétat où ils demeureront ( z ).
Mais afin qùevous en puifiîez voir
la fuite, je vais vous niettre la fin
de l’biftoire de la- lieutenante , &.de
la manière que je l’ai achevée.
fij 11 a ca tSct changé quct^ne» Veti.'
Stt LeTTRtES 9£
Mais peut-être j'invente une fable frivole^
Soutien donc tout Paris ^ qui prenant la pac-
tole.
Sur ce fuiet eifeore de bons témoins poiur
A' » «
VU, ' ■
Tout prêt àüe prouver , te dfra', îcTai vû.
Vingt ans fâivû ce couple uni d'uhniè^
me vice ,
A tous mes habitant montrer que TAva-
^ nce,
« - ' • ^
Peut faire, dans les biens trouver la Pair-
' I ♦ * . • ■
vrefé.
Et nous réduire à pis la mendicité;
Deux Voleurs qui chez eux pleins d’efpé;
tançp :cnti#renta,
Enfin un beau matin tous tes mafiàf
crérentr
r ' ■ •
pjgne Sc funefie firuit/da nœud te plus
affieuxr
Pont PHimen ait jamais uni deun mair
heureax;r
Ce récit paife un peu Pordinaire meibfe';
Mais un exemple en£n il digne de cenfure^
fout'il dans la Satyre occuper, moks de
mots T
{Chacun ton métkbSuiyon? notre pro^
po*.
' Ë ^ Ë R i c I ir Ë,' Ëxs.
Nouveau Prédicateur , aujourd’hui , je l'a,
voue.
Vrai difciple, ou fdàtôt , finge dé Bourda-
louë,
#
Je me plais à remplir mes Sermons de por«
traits , '
En voilà déjà trois peints d'aifea iieureuz
traits.
La Louve, la Coquette, 8cla par&ke Avare.
U £sut 7 jomdrèencore la revêche bkçure.
Qui fans cefle d\m ton par la colère aigri^
<konde , choque , dément , contredit un
Mari;
Qui dans tous &s difcours par Quolibets
s’exprime;
A toujours dans la l^oucbe un |>royeibe,
une rime ; . .
Et d*un roulement d’yeux audi-tôt aplau-
dit.
Au! mot aigrement fou qu*au hazard die
a dit
B n’eftpointderepos,nide|>aixavecdl^i
Son mariage n’eft qu’une longue querelle.
Laifle-t’elleun moment refpirer fonEpouxf
Ses Valets font d’abord Tobjiet de ion cour-
soux.
sitf Lettres DS BoiLEAtf
eût de la diminution. Mais je lui ai
dit que nous étions trop contens. J’ai
plus apuyé encore Air vous que fur
znot£ & j’ai dit au Roi que vous pren-
driez la. liberté-de lui écrire , pour le
remercier » n’ofant pas lui venir don-
ner la peine . d’éiever fa voa^ i )
pour vous parler. J’ai dit en propres
paroles ; 5/r«,// 4 fins ^ejprit qnejom
m^s , fins de tèle pour votre Mujefté,
tir plus ^ envie de travailler pour votre
gloire , y«V/ n'en a jamais eue. Vous
enfin~que~^ choies ont été
îégré'es comme vous l’avez foubaité
vous-méme..Je .ne.laifle, pas d’avoir
une vraïe peine de ce qo’U femble
que- je gagne à cqla plus que vous ( 2 J.
Mais outre les dépenfes & les fati-
gues des voyages dont je fuis allez
aifé vous loÿez délivré ; je vous
jconnois A noble & A plein d’amitié,
l^ü'é- je fuis àlToréqim vous ibuhaite-
^ I riez de bon cœur que je fulTe encore
'ini^x traité. Je ferai très-commt fi
vous
V i J Balcsu commfenjoit ^ iewiis un {ràn fbatd.
' (X) Qae'ceüuiVHk cftdcvctM
Se’Letucx.
I T D B R A e 1 K B. 217
VOUS l’êtes en effet. J’efpére vous re*
voir bien-tÔt. Je -demeare ici pour
voir de quelle manière la chofe dctic
tourner : car on ne m’a point encore
dit (i c’eft par un brèvet , ou fl c*eft
à l’ordinaire fur la caflette. Je fois
entièrement à vous. II n’y a rien de
nouveau ici. On ne parle que du
voyage, & tout le monde n’eft oc*
cupè que de Tes équipages. Je vous
confeille d’écrire quatre lignes aa
Roi , & autant à Madame de Main*
tenon , qui aflbrèment s’interreile
toâ jours avec beaucoup d’amitié à
tout ce qui vous touche. Envoyez*
moi vos Lettres par la polie , ou par .
votre Jardinier , comme vous le ju*
gerez à propos.
D E B O I L-E A U. .
t
'ji P^rit et 9. Avril»
•Bn Stes vous fou , avec vos compH*
Hiény Ÿ Ne lijavea- vous pas bien
que c’efl moi qui ai, pour a nfi dire ,
prefcrit la chofe de la manière qu’eU
TvmU Kl
«Ig' Lcttkibs OE BoitEAV
le t’efl: faite ? Et poarez-vous doa«
ter que je jigjfois parfaitetn£iic con-
tent d’une 'affaire où* l’on m’accorde
tout ce que je demande ? Tout va
, le mieux du monde , & je Aiis en-
I core plus réjoQi pour vous que pour
moi^même. Je vous envoyé deux
«Lettres, que j’écris , fuivant vos con-
ièils , l’une au Roi , Ôc Pautre à Ma-
dame de Maintenon. Je les ai écrites
&ns faire de broütllon , & je n’û
point ici de confeil. Ainfi je vous
prie d'examiner (i elles font en état
d’être données , afin que je les réfor-
me fi vous ne les trouvez pas bien.
«Je vous les envoyé pour cela toutes
décachetées; & fupoié que vous trou-
viez à propos de les prefenter, pre-
nez la peine (Ty mettre votre cachet.
Je'vé^ai aujourd’hui Madame Raci-
ne pour la féliciter. Je vous donne le
bon jour , & fuis tout à vous. Je ne
reçûs votre Lettre qu’hier tout au
foir , & je vous envoie mes trois
Lettres à huit heures, par la porte.
Voilà , ce me femble , une. allèz
grande diligence pour le plus pareA
ifeux de tous les hommes.
4
«
ST SB RACLIMB., Slÿ
DE It A C 1 N E.
"A FerfülUs ce 1 1 . Ami.
JE vous renvoyé vos deux Lettres
avec mes remarques , dont vous
ferez tel ufage qu’il vous plaira. Tâ»
chez de me les renvoyer avant fis
heures , ou pour mieux dire , avant
cinq heures & demie du foir , a6n
que je les puifle donner avant que
le Roi entre chez Madame de
Maintenon. J’ai trouvé que U trm-
fttte & les fmrds étoient trop joüés^
( I ) & qu’il ne falloit point trop
apuyer fur votre incommodité , moins
encore chercher de refprit fur ce fu-
jer. Do relie les Lettres fenont fore
bien , & il n’en faut pas davantage.
Je ro’aflure que vous donnerez oa
meilleur- tour aux cfaofes que j’ai ajoû»
tées. Je ne veux point taire attendre
votre Jardinier. Je n’ai point encore
de nouvelles de k manière dont no*.
( 1 ) Boileia avoic apftreiDinent £ût fîif Ta rafdité^'
4ael^ue pUirantexic qui ne pat à Ta rii dont îl
tùSait ioa june.
K B
fa® LitT**8 Dt BoiiEAtr
tre affaire fera tournée. M. de Cbé-
vreufe veut que je le^laiflfe achever
te qu'il a commendé , & dit que nous
nous en trouverons bien. Je vous coii"
feille*de lui écrire un root à-voire loi-
lir. On ne peut j?as avoir plus d'a-
mitié qu'il en a pour vous.
A U M E S M E.
V6s deux lettres font à merveil-
les , & je les donnerai tantôr.
M. de Pontchartrain oublia de parler
]tier,& ne peut parler que Diman-
che. Mais j’en fus bien aife , pârce
que M. de Chévreufe aura le teros
de le voir. M. de Pontchartrain me
parla de notre autre penfion , & de la
petite Académie ; mais avec une bon-
té incroyable^ en me difant que dans
un autre teros il prétend bien faire
d’autres chofes pour vous & pour
moi. Je ne crois pas aller à Auteuil ;
ainfi ne ro’y attendez point. Je ne
' crois pas même aller à Paris encore
• demain : & en ce cas je vous prie de
, tout mon cœur de faire bien mes es-
1 T 1> t R A C I N I. 73X-
cufes à M. de Pontchartræn , qiue j’ai
une extrême impatience de revoiri
Madame fa mere me demanda hier
fort obligeamment , fi noua Q’ailions
ioûjoora chex liu. ^ loi dis -qosf
^toit bien notre dellêia de recom»
nencer à y aller.
J’envoie à Paris pour tm volume
de M. de Noailles , que mon Laquais
prétend avoir reporté chez lui , ds
Îiu’on n’y trouve point. Cela me dé<
oie. Je vous prie de loi dire fi . vous
ne croyez point favoir chez vous*
Je vous donne le bon jour.
A U M £ S M £.
▼
'A Cmi^effte U 4. Mék . .
M. Des Granges m’a dit qu’il
avoit fait figner hier nos Ordoa*
nançes , & qu’on les feroic viièr par
le Roi après demain , qu’enfuite ü
les enverroit à M. Dongois , de qui
vous les pourrez retirer. Je vous prie
de use garder la mienne lufqu’à mon
retour. 11 n’y a point ici de nouvelf.
• ♦ KT —
3;î2 LSTTRES se HoiLBAV
ks. Qaelaues gens veulent que le ûê~
ge de Calai foit levé ; mais la chofe
eft fort douteuk , & on n’en fçait
tien de certain. Six Armateurs dç
Saint Malo ont pris dix-fept Vaif^
ibaux d’une flotte marchande des en-
nemis, & on Vaifleau de guerre de
pièces de canon. Le Roi efl en par-
faite fanté , & les troupes merveil-
kofes. Quelque horreur que vous ayez
pour les méchans Vers , je vous ex-
corie à lire Judith , & fur tout la Pré-
face , dont je vous prie de me man-
der votre fentiment. Jamais je n’ai
tien vû de fi méprifé que tout
^la l*eft en ce pays*ci ; & toutes vois
prédiélions font accomplies. Adieu,
MonfieUr , je fuis entièrement à vous.
A U M E S M E.
PontaineblenH le i. OSebre.
Votre ancien Laquais , dont j’ai
oublié le nom , m’a fait grand
plaifir ce matin , en m’aprenant de vos
nouvelles. A ce que je vois y vous
ET 0 B R 1 C I N e; E25
£tes dans une fort grande folitude
iVuteüi), & vous n’en partez points
£ft il pofllblé que vous puiffiez êtrOr
fl long^ceiDs féal , & ne point faire
du tout de Vers ? Je m’attends qu’is
mon retour je trouverai votre fatyre
des Femmes entièrement achevée^
Pour moi il s’en faut bien que je foiv
aufli Iblitaire que vous. M. de
voie a voulu encore à toute forcé
que je logeafle chez lui , & il ne m’a:
pas été poflible d’obténir de lui qué
je fiife tendre un lit dans votre mai-
îbn , où je n’aurois pas été fî ma«
gnifiquement que chez lui ; mais j’y
aurois été plus trahquilement , & avec
plus de liberté;
On reçût hier de bonnet nouvel
tes d’Allemagne. M. le Maréchal dé
Lorge ayant fait afliéger , par un dé^
tachement de Ton Armée , une petitè
ville nommée Fforzeim, entre PHilié>
bourg âc DoUrlarch , les Alfemans
ont voulu s’avancer pour la recou-
rir. Il a eu avis qu’ün corps de qua-
rante efcadrons avoit pris les devants,-
& n’étoit qu’à une lieuë & demie dé*
lui , ayant devant euB un rUilTeau af>
&z difficile à pafier. La ville a été prl^
I
t*ZTTS£S HE hOlCkiLV
dàt le premier joiir , & jooi boni-
’ Ue» qui étomnt dedans ont été >fai ts
toriionniers de guerre. Le leodemain
M. de l^rae a marché avec toute .
fon armée jur ces quaranteefcadrons
^ue je TOUS ai dit, & a fait d’abord
pafler le ruHlêau à feize de Tes efca-
drons foutenus du relie de la cava*
lerie. Les ennemis voyant qu’on al»
ïoit à eux avec cette vigueur- , s’ea
Xont fuis iVauderoute « aoandonnant
leurs tentes!^ 4eur bagage, qui a été
pillé. On leur.a pris deux pièces de
canon , deux paires de timbales , <Se
neuf étendarts quantité d’Officiers ;
entre autres ieur'Général , qui eH on-
cle de M. de Virtemberg , & admi>
pUlrateur de ce Duché , un Général'
idajor de Bavière & plus de treize
cens Cavaliers. Ils en ont eu pfés
de neuf cens tués fur la place. B ne
sous en a coûté qn’un Maréchal'des-
Logis , ùn Cavalier., & fix Dragons.
de Lorge a ^^àhdonné au pillage'
la ville de PA^xim , ài, une au»e
petite ville auprès de laquelle étoienc
campés les ennemis. C'a été comme
vous voyez, une déroute, &. il n’y
a pas eu à proprement parler , aucun
• • • I
IT DE R À C I NE. #25
Coop de tiré de leur part. Tout ce
qu’on a pris & tué, ç*a été ed les
pourfuivant. Lé Frince d’Orange eft
parti pour la Hollande. Son armée
â^eft raprochée de Gand,& appa-
remment fe réparera bien-tôt. M. de
Luxembourg me mande qu’il éfl: en
parfaite l«inié. Le Roi fe porte à
merveilles.
!
AU ME S ME.
'A Mariy t^6, AoAt âu m*ti».
J E' ferai vos pelens ce matin Je
ne fripas bien encore quand je
vous reacerrai , parce qu’on attend k
toute heure des nouvelles d’Allema-
gne.-La victoire de M.. dé Luxem--
bourg eft bien -plus- grande que nous*
^e pen fions- Ôt nous> n’en fça-
yiona na^ 1^. moitié. Le Roi reçoit
^üs lèsjourscfêsTettres de Bruxel-;
les , &-de mille autres endroits , par oit
il âprend que les ennemis n’avoienr .
pas une troupe enfembte le lende^'
faain de la bataille;’ Flrefque toute
' * K S
tstS LzTtAni i>E Boilbàv
rinfanterie qüi reftoit avoit jetcé Tes
armes. Les croupes Hoilandoifes Ib
font la plûparc enfuies jufqu’en Hol»
lande. Le Prince d’Orange , qui pen-
fa être pris , après avoir fait des mer-
veilles , coucha le foir , lui huitième,
avec M. de Bavière , chez un Curé
ÿrès de Loo. Nous avons 25 ou 36
drapeaux , 55 étendarts , 76 pièces de
canon , 8 mortiers , 9 pontons , fans
tout ce qui efl; tom'bé dans la riviere.
Si'nos chevaux , qui n’avoient point
znar^é depuis deux fois 24 heures ,
eufli^t pû marcher, il ne refteroic pas
un corps de troupes aux ennemis.
Tout en vous écrivant il me vient en
penfée de vous envoyer deux Lettres ^
une de Bruxelles , l’autre de Vilvorde ,
& un récit du combat en général , qui
me fut diélé hier au foir par M. d’Al-
bergotti. Croyez que c’efl comme û
M. de Luxembourg l’avoit diSlé lui-
même. Je ne fai H vous le pourrez li-
re j car en écrivant j’étois accablé de
fommeil , à peu près comme étoit M.
Fuy-Morin , en écrivant ce bel Arrêt
fous M. Dongois (i). Le Roi efi tranf>
,iij M» Dongoii 4um de la noie i
/ tt Ei B Racine. 227
porté de joie « & tous fes Minières »
'de la grandeur dé cette aélion. Vous
^ me feriez un fort grand plaiSr , quand
vous aurez lû tout ceta , de renvoyer
bien cacheté , avec cette même Let*
tre que je vous écris , à M. l’Abb^
Renaudot , afin qu'il ne tombe poinc
dans l’inconvénient de l’année paiTée. ■
Je fuis aifuré qu’il vous en aura obli*
gation. 11 pourra difiribuer une pàrtié -
des chofes que je vous envok en pru>
fieurs articles , tànt^ fous celui dé;
Bruxelles., tantôt fous celui de Lan--
■ defermé où M. de Luxembourg : -
campa le 31 Juillet , à demi lieue du <
Champ-de-bâtaille , tantôt même ifoüs >
l’article de Malines , ou de Vilvôrde.
Il faura d’ailleurs lés actions de» :
principaux particuliers , Comme , qué-
M. de Chartres chargea trois ou quar -
tre fois à la tête de divers efcàdrons » <
& fut débarailë des ennemk*-, ayant :
bieiTé de fa main Tun d’eux'qui !ewvbu> -
WÊÊÊIKIK^ÊÊÊÊÊÊIÊÊÊBÊtÊÊÊiÊÊlÊIÊÊÊÊ^ÊBÊÊÊÊtÊÊKÊÊÊimÊi
drclTer le difpofiûf d^ttâ Ariét d’ordir, di^ottà
Puy- Morin , fierede BoiLefltt.s ^ M
dciivoit ù promptemeiit que M. DÔnSQis droit d(6n«
ni qoe cc |eunc homme eut tant' de dirpofifioti poui^
la pratique. Après avoû diâé pendant deun heures,
il voulut tiré rAtfét Bc trouva que fêune Puy«
Motûi n'ayoU ^oh>lh dexaicn/mot< du
phiafc*
K 6
A
228 Lettres DE Boileait
loit emmener ; le pauvre Vacoigne ,
tué à Ton côté ; M. a Arci , Ton Gou-
verneur , tombé aux pieds de les '
chevaux , le Tien ayant été bleilë ,
la Bertiére Ton Sous • Gouverneur ,
aufli blelTé. M. le Prince de Conti
chargea aufli plufîeurs fois , tantôt
avec la Cavalerie , tantôt avec l’In-
fanterie y & regagna pour la troilié-
me fois le fameux Village de Nervin-
de, qui donne le nom à la bataille,
& reçut fur la tête un coup de fabre
d’un des ennemis , qu’il tua fur le
champ. M. le Duc chargea de même ,
regagna la fécondé fois le Village , à
la tête de l’Infanterie , & combattit
encore à la tête de plufleurs Efca-
drons de Cavalerie. M. de Luxem-
bourg étoit , dit*on , quelque chofe de
plus qu’humain , volant par>tout , &
même s’opiniâtrant à continuer les
attaques, dans le xems que les plus
braves étoient rebutés , menant en
perfonne les Bataillons & les Efca-
drons à la charge. M. de Montmo-
renci , fon fils aîné , après avoir com-
battu plufieurs fois à la tête de fa Bri-
gade de Cavalerie , reçut un coup de
jBooufquei dans le tems qu’il fe mec-
B T S B Racine. 229 >
toitaa-devantde fon Perepourle cou*
vrir d’uoe décharge horrible que ie$
ennemis firent fur lui. M. le Comte
fon Frere , a été blefifé à la jambe ;
M. de la Rocheguyon au pied , &
tous les autres que fait M. l’Abbé ; M*
le Maréchal de Joyeufe blefle aufli à
la cuifie , & retournant au combat
après fa bleflure. M. le Maréchal de
Villeroi entra dans les lignes ou re«
tranchemens, à la tête de la Maifoa
du Roi.
Nous avons 1400. prifbnniers , eot
tre lefquels 165. Officiers , plufieurs
Officiers Généraux , dont on aura fans
doute donné les noms. On croit le
pauvre Ruvigni tué ; on a fes éten*
darts , & ce fut à la tête de fon Ré>
giment de François , que le Prince
d’ Orange chargea nos Ëfcadrons , en
renverla quelques-uns , & enfin fut
xenverfé lui • même. Le Lieutenant*
(Colonel de ce Régiment , qui fut pris ,
dit à ceux qui le prenoient , en leur,
montrant de loin le Prince d’Orangé:
Tenez., MeJftenrj , voilà eetui qu'il voeu
fiUloit prendre. Je conjure M. l’Abbé.
Renaudot , quand il aura fait fon ufà*
ge de tout ceci , de bieniecacheterii
Lettres oe Bpieeav
& cette Lettre , & mes Mémoires i
& de les renvoyer chez moi.
Voici encore quelques particularr^
tés. Plufieurs Généraux des ennemis-
étoient d’avis de repailèr d’iabord' la
rivière. Le Prince d’Orange ne vou-
lut pas : l’Eleéleur de Saviere dit qu’il
falloit au contraire rompre tous les
ponts , & qu’ils tenoient à ce coup
les François. Le lendemain du com-
bat M. de Luxembourg a envoyé à
Tirlemond , où il étoit refié plufieurs
, Officiers ennemis bleffiés , entre autres
le Comte de Solms , Général de l’in*
fanterie , qui s’efl fait couper la jam-
be. M. de Luxembourg , au lieu de
les faire tranfporter en cet état , s’eft
contenté de leur parole, & leur a fait
offrir toutesfortes de rafraichilTemens.
^ Scelle Nation ejf la vStrt ? s’écria le
Comte de Somis , en parlant au Che-
valier du Rozel t Fous vous hattex. com»
me des Lions , & vosss traitez, les vainetst
'Comme sus /soient vos meilleurs amis.
Les ennemis commencent à publier
que la poudre leur manoua tout-à»
coup , voulant par-là excufer leur dé-
faite. Ils ont tiré plus de neuf mille
c^ups de canon , nous quelques
£T DE RaCIMB.
cinq ou Ox mille.
Je fais mille complimens à M. I’Ab«
bé Renaudoc ; & j’exciterai ce matia
M. de Çroifly à empêcher , s’il le peut,
le malheureux Mercure galant , de dé>
figurer notre viâoire.
Il y avoit fept lieues du camp dont
M. de Luxembourg partit^ jufqu’à
Nervinde. Les ennemis avoient .55.
bataillons , & itio. efcadrons.
DE BOILEAU.
Paris ce
JE vous écrivis hier au foir une aflez
longue Lettre , & qui étoit toute
remplie du chagrin que j’avois alors ,
caufé par un tempë^arpmeht fombre
qtrrme domîîîôîrr^T^r un relie de
infllaHiv-'i mai*? je vnns en -v"?
aujourd’hui toute pleine de la joïe que
m’a caufée l’agréable nouvelle que J’ai
reçûë. Je ne faurois vous exprimer
l’allégrelTé qu’elle a excitée dans tou*
te notre famille. Elle a fait changer
de caraftère .à tout le. inonde. M|
• ’ • , • • • i V * *
Le'ETRES BE BffILEJbIf
Dongois le Greffier efl prefentement
I un homme joml & folâtre. M. l’Ab-
bé Dongois , un bouffon & ûn badim j
Enfin il n’y a perfonne qsi ne fe fi-
gnale par des témoignages extraordi-
naires de plaifir & de fatisfaâion ,
& par des loQanges & des exclanaa-
lions fans fin fur votre btmté ^ votre
géoérofité, votre amitié , &c. A mon
fens néanmoins , eeHsi qui doit être
le plus fatisfait , c’eft vous , & le con-
tentement que vous devez avoir en .
vous même d’avoir obligé fi efficace-
mentdans cette affaire , tant de per-
fonnes qui vous eftiment & qui vous
honorent depuis fi long-tems , efi on
plaifir d’autant plus agréable , qu’il
ne procède que de la vertu , & que
les âmes du- commun ne fauroient ni
. de Tatthrer ni le fenthr. Tout ce que
j’ai à vous prier maintenant , c'en de
me mander les démarches que vous
croyez qu’il faut que je faffe à l’égard'
du Roi , & du P. & la Chaize ; & non
feulement s’il- faut , mais à peu prés
ce qu’il faut que je leur écrive. M. le
Doyen de 5ens ne fait encore rien de
ce qu’on a iak ^ur lui. Jugez de ffi
furprife , quand il apreoàrn tout d’oQ
£ T D £ Racine. 133
Ctoop Icbien itnprévû <Sé excelSf que
TOUS lui avez fait. Ce que j’admire i&
p]us , c’ed la félktcé de la circonftan*
ce , qui a fait que demandant pour lui
la moindre de toutes les Chanoiniet
de la Sainte Chapelle , nous lui avons
obtenu la meilleure, O faSum bent.
Vous pouvez compter que vous au*
rez déformais en lui un homme qui
dîïputêTffiaveïr aâôTde ^le & d^ami-
-tië-:pour vous. J'avQÎsL riéibltt . de, ne
TOUS, envoyer' [à fuite de mon Ode
Tut Namur , que quand je l’aurois
milè en état de n’avoir plus befoin
que de vos correélions. Mais en vé*
rité .vous.m!avez.fait trop de plaifir»
pour ne pas fatisfaire fur le champ
la curionté que vous avez peot>êcre
conçûè’ de la vqir. Ce que je vous
prie > c’ed de ne la montrer à per*
ibnne , & de ne la point épargner. J’y
ai hazardé des chufes fort neuves ,
jufqu’à parler de la plume blanche
que le Roi a fur Ton chapeau. Mais
à mon avis , pour trouver des expref*
(ions nouvelles en Vers , ü faut psr<
1er de chofes qui n’ayent point été
dites en vers. Vous en jugerez , fauf
à tout changer , fî ceU vous dépMw
S34 Lettxes de Boileaet
( 1 ) L’Ode fera de dix- huit Stances.
Cela fait cent quatre • vingt vers. Je
ne croyois pas aller fi loin. Voici ce
que vous n’avez point vû. Je vais le
mettre fur l’autre feüillet.
♦
Déployez toutes vos rages ^
Princes » vents, peuples, frimatv»
RamafTez tous vos nuages ,
RaiTemUez tous vos foldats.
Malgié vous Namur en poudre
' S*en va tomber fous k foudre
Qui dompta Lille , Couitray ^
Gand , la confiante Eipagnole,.
Luxembourg , Beûmçon , Dole ^
Ipres , Maftiicbt, & Cambray*
Mes préfages s’aCcompMent ,
n commence à chanceler.
Je vois fes murs quifirémiflènt^
Déjà prêts à s'écrouler.
Mais en feu qui les domine.
De loin fouffle leur ruine :
Et les bombes dans les airs
( I ) On aprend pai ces Lettres » fle par celle dans
laquelle mon Pere loi demandç Ton avis fut un de fci-
Cantiques (piiituels , de quelle maniéré ces deux amis
ÜB flQfliiilMiefti muiNcUeiBCAt lUt Ifiuts Ouvxsgcs.
ST DE R A Ç IN E. 235
«
Allant chercher le tonnerre ,
Semblent tombant fur la terre
Vouloir s'oùvrir les Enfers.
' Aprochez, troupes altières »
Qu’unît un miêmé devoir :
A couvett de ces îdvieres.
Venez > vous pouvez tout voir.
Contemplez bien ces aproches ;
Voyez détacher ces roches,"
Voyez ouvrir ce terreîn ,
Et dans les eaux > dans la flamme,
L O U 1 S à tout donnant Tame ,
Marcher tranquille 8c ferein.
'Voyez dans cette tempête.
Par-tout fe montrer aux yeux
La plume qui cehn fa tète
D’un cercle fi glorieux.
A fa blancheur remarquable ,
Toujours un fort favorable
S’attache dans les combats ;
Et toujours avec la gloire.
Mars, 8c fa fœur la Vièloirç,
Suivent cet aflre à grands pas.
Grands défenfeurs de TEfpaghe,
Accourez tous , il ell tems.
* «
Mais déjà vers la Méhaigne-t
Â
Lettres de Bôileau*
Je vois vos drapeaux flottans»
Jamais fes ondes craintives
N'ont vu fut leurs foibtes rives »
Tant de guerriers s'amaffer.
Marchez ^nc^troupe héroïque ( i
Au-delà de ce Granique ,
Que tatdez*vou» d'avances I
Loin de fermer le paflage »
A vos nombreux Bataillons f
Luxembourg a du rivage
Reculé fcs pavillons.
Hé quoi, fon afpeél vousgfacel
OU font ces Che£s pleins d'audace >
Jadis fi prompt à marcher »
Qui dévoient de la Taimfe»
Et de la Drave foumife^
Jufqu’à Paris nous chercher ^
Cependant Tefifroi redouble
Sur les remparts de Namur ;
Son Gouverneur qui fc trouble
S'enfuit fous fon dernier mur.
Déjà }ulî]pes à les portes
Je vois nos fieres cohortes
S'ouvrir un large chemin ;
Et fur les monceaux de piques,
C 1 J Ob iiottvc id pluüeuzs Vos qjw l’Ameur a
dMBgél.
« i; ïr ï ' R A c I N s.
De corps mortSyde rocs,&de briques^
Monter le (abre à la main.
C'en eft fait , je viens d’entendre
Sur les remparts eperdus <
Battre un fignal pour fe rendre»
Le feu cefTe. Us font rendus»
• Eapellez votre confiance »
Fiers ennemis de la France ;
Et déformais gracieux «
Allez à Liège» à Bruxelles»’
Porter les humbles nouvelles »
De Kamur pris à vos yeux.
Pour moi que Phébus anime
De fes tranfports les plus doux »
Eempli de ce Dieu fublime
Je vais , plus hardi que vous »
Montrer que fur le Parnaflè »
Des bois fréquentés d’Horace «
Ma Mufe fur ion déciin
S^t encore les avenues»
Et des fources inoonnués
A l’Auteur du Saint Paulin. < i )
(t) On vcrw dans la Lciirc fuivantc que iBoilcia
reconnut bien tèt des negt gences qui lui êioiei i écha-
pifcs dans le morceau précédent , & qûM a eu erand
fpin de coir gei. Les meilleurs Poètes ne s'en àpcr»
ftttvenc pas OaAS la chateux de b cOApofitiou. ^
S38 Lettres' de b ott.Eitr
Je vous demande pardon de la
peine que vous aurez peut-être à
déchiffrer tout ceci , que je vous ai
écrit fur un papier qui boit. Je vous
le récrirois bien ; mais il efl près de
midi, & j’aipeur que la pofte ne par-
te. Ce fera pour une autre fois. Je
vous embraue de tout mon cœur.
DU M' £ S M £.
■ A Paris le 9. Juia.
J£. vous écrivis hier avec toute la
chaleur qu'lnfpire une méchante
nouvelle , le refus que fait TAbbé de
Paris de le démettre de fa Chanoinie.
AinO vous jugerez bien par ma Let-
tre , que ce ne font pas à l’heure qu’il
efl des remercimens que Je médite ,
puifque Je fuis même honteux de ceux
que j’ai déjà faits. A vous dire le
vrai , le contretems eft fôcheuz ; ôc
quand je fonge aux chagrins qu’il m’a
déjà caufés , je voudrois prefque n’a*
voir jamais penfé à ce bénéfice pour
mon frere. Je n’aurois pas la douleur
BT Be RaçINB.
^ voir que vous vous foyez peut*
être donné-tant de peine fî inutile*
ment. Ne croyez pas toutefois , quoi
^’il puifTe arriver , que cda diminue
«n moi le fentiment des obligations
-que je vous ai. Je feras bien qu’il n’y
a qu’une étoile bizare & infort
qui pût empêcher Je fuçcès d^une aP
faire 'tî"“bten conduite , & où vous
avez également fîgnalé votre pruden*
ce & votre amitié. Je vous ai mandé
par ma derniere Lettre , ce que M.
de Pontchartrain avoic répondu à M.
l’Abbé Renaudot touchant nos Or*
donnances; comme il a fait de la dif-
tinâion entre les raifons que vous
aviez de le prefler, & celles que j’a*
vois d’attendre.
Je ne doute point , Monlkur , que
vous ne foyez à la veille de quelque
grand & heureux événement ; & (i
je ne me trompe , le Roi va faire la
plus triomphante campagne qu’il ait
jamais faite, llf^a grand plaifîr à M.
■' de la Chapelle , qui , fi nous l’en vou-
lions croire , nous engageroit déjà à
imaginer une Médaille fur la prifede'
Bruxelles ^ dont je fuis perfuadé qu’il
a déjà fiic le type en lui-même. Vous ■
»4o Lettres de Boieeâv
n’avez fort réjoQi de ne mander la
part qu’a Madame de Maintenon dans
notre affaire. Je ne manquerai pas de
ne donner l’honneur de lui écrire;
nais il faut auparavant que notre em«
barras foit éclairci , & que je fâche
s’il faut parler fur le ton gai pu fur
le ton trille. Voici la quatrième Let-
tre que vous devez avoir reçûe de moi
depuis Hz jours. Trouvez bon que
je vous prie encore ici de ne rien .
^ montrer à perfoone du fragment in-
forme que je vous ai envoyé & qui
èft tout plein des négligences d’un
Ouvrage qui n’eft point encore digé-
ré. Le mot de y ell répété par-
tout jufqti’au dégoût. La Stance ,
Grands difenfenn deJL'Éfpagnt ^ &ç. re-
bat celle qui dit .j4frochez. tt roMf es él^
titres, &c. Celle fur la plume blanche
• duKui ell encore un peu en maillot, &
je ne fai (i je la iaifferai zv^cAfars &pt
jSr«r/«^<Swre.J’aidéjaretouché à tout
çea ; mais je ne veux point l’achever
quejen’aye reçû vos remarques , qui
fûremeni m’éclaireront encore l’ef'
prit*' Après quoi je vous enverrai
fouvrage complet. Mandez • moi fi
vous croyez que Je doive parler de
tT OS RACIMS; 341
M. de Luxembourg. Vous n’ignorez
« pas combien notre Maître eft cha>
‘ toQilieu'x fur les gens qu’on afibcie à
I fes loQanges. CependantJ’ai fuivi moa
I inclination. Adieu , mon cher Mon-
fieur, croyez qu’heureux ou malheu*
reux , gratifié ou non gratifié , payé
ou non payé , je ferai toujours tout
à vous.
pu M £ S M £.
'jiPmsU IJ. Suât i(5p3.
JE ne fuis revenu que ce matin d’Au-
teuil , où j’ai'été pafifer durant qua*
tfe jours la mauvaiie humeur que m’a*
voit donné le bizarre cqntretems qui
noos efi; arrivé dans Tafiaire de la
Chanoiaie. J’ai reçâ , en arrivant à
Paris, votre derniere Lettre , qui m’a
fort confolé . aufli bien que celle que
vous avez écrite à M. l’Abbé Don*
gois. J’ai été fort. furbrJs d’aprendre
que M- de chanlai n avoit point eiû
"cote ïcçû le compliment que je lui
ai envoyé fur le t^amp , & quiaété
Tmt i, L
£42 Lettres se Boiibav
port'ë à la pofte en inêm'e-tems qœ
la Lettre que j'ai écrite au R. P. de
la Chaize. je lui en écris un nouveau ,
afin qu’il né mefoupçonne pas de pa«
relie dans une occauon où il m’a ft
bien marqué , & fa bonté pour moi ,
& fa diligence à obliger mon frere.
Mais de peur d’une nouvelle raépri*
/.fe,jevous l’envoye, ce compliment',
’À empaqueté dans ma Lettre , afin que
vous lui rendiez en main propre. Je •
ne fiuirois - vous exprimer la joie que
j’ai du retour du Roi. La nouvelle bon»
té que Sa-Majefté m’a témoignée, en
accordant à mon frere le bénraceque
nous demandons , a encore augmenté
le zèle dit la pafiion très fincère que
|*ai pour elle. Je luis ravi de voir que
fa lacrée Perfonne ne fera point en
danger cette campagne:& gloire pour
S gloire , il me femble que les lauriers
ont aulfi bons à cueillir fur le Rhin &
fur le Danube , que lur l’Efcaut & fur
la Meufe. Je ne vous parlé point du
plaifir que j’aurai à vous embraifer
plutôt que je ne. croyois ; car cela s’en
va fans dire.
Vous avez bien fait de ne me potnt
envoyer par écrit vos remarques fur
ï T 1» é R A e 1 1} E.
mes Stances , & d’attendre à m’en en-
tretenir que vous foyez de retour ,
puifque pour en bien juger , il faut
que je vous aie communiqué aupara-
vant les différentes maniérés dont je
ies pois tourner , & les retranche-
mens , ou les augmentations que j’y*
puis faire. Je vous prie de bien témoi-
gner au R. P. de la Chaize , l’extrême
reconnoiffance que j’ai de toutes fes
bontés. Nous devons encore aller
Lundi prochain , M Dongois & moi,
{Rendre Madame Racine , pour la
mener avec nous chez M. de Bie , qui
ne doit être revenu de la campagne
que ce jour-là. J’ai fait ma follicita-
tion pour vous à M. l’Abbé Bignon.
Il m’a dit que c’étoit Une chofe un
peu diffidie à l’heure qu’il eft , d’être
payé aù Tféfor Royal. Je lui ai repré-
ienté que vous étiez aâuellement dans!
le fervice , & qu’aind vous étiez an
même droit que les Soldats & les au-
tres Officiers do Roi. Il m’a avoué que
je difois vrai , & s’eft chargé d'en par-
ler très-fortement à M. de Pontchar^
train. Il me doit rendre répontb au-
jourd’hui à notre Affemblée. Adieu le
Type de M. delà Chapelle fur firuxel-
L Z
»44 Lettres se Boilbav
les. 11 étoit pourtant imaginé forthea»
retifement , & fort à propos. Mais à
sion fens , les Médailles prophétiques
dépendent un peu du hazard , & ne
font pas toojours (lires deréuflir. Nous
voilà revenus à Heidelberg. Je propo-
jé pour inot , HticUlbtrgd dehta t &
nous verrons ce foir ü on l'acceptera ,
ou les deux Vers Latins que propofe
M. Charpentier, & qu’il trouve d’un
goût merveilleux pour la Médaille.
Les voici ; Servareftlm ^ferderefijMfhm
tnjgM. Or comment cela vient à Hei-
delberg , c’eli: à vous à le deviner; car
ni moi , ni même , je crois , M. Char- ,
pentier , n’en favons rien. Je ne vous
parle prefque point , comme vous
voyez, de notre chagrin fur la Cbanoi-
nie , parce <^e vos Lettres m’ont ra(^
fêré , & que d’ailleurs il n’y a point
de chagrin qui tienne contre le bon-
heur que vous me faites efpérer de
vous revoir buntôt ici de retour.
Adieu , mon cher Mondeur , aimez-
xnoi toujours , & croyez w’il n’y a
perfonne qui vous honore & vous ré-
véré plus que moi.
»
i
ht. r DE Racine. 245
A ü ME SME.
, • ♦
ji P4ris JeuJidUtfiir.
JE ne faurois , mon cher Monfienr,
vous exprimer ma farprife , & quot*
qiie j’eufle les plus grandes efpéran-
ces du monde , je ne laiflbis pas en-
core 'de me défier de la fortune de M.
le Doyen. C’eft vous qui avez tout
fait , puifque c’efi à vous que nous
'devons rheuréafê proteâikmde Ma-
dame dé Maintenon. Tout mon em-
barras maintenant efi: de favoir com-
ment je m'acquitterai de tant d'obliga-
tions que je vous ai. Je vous écris ce-
ci de chez M. Dongois le Greffier »
qui eft fincerement tranfportéde joie,
auffi-bien que toute notre famille ; <Sc
de l’humeur dont je vous connois , je
Yuis fûr que vous feriez ravi vous më-
me de voir combien d’on feul coujp
- vous avez fait d’heureux. Adieu ,
mon cher Monfieur , croyez qu’il n’y
a perfonne qui vous aime plus fince-
rement , ni par plus de raifon que moi.
Témoignez bien à M. de Cavoie , la
L 3
X4<^ Lettres ob BoiXbav
joie que j'ai de fa joie ; & M. de
Luxembourg mes profonds refpe€ls'>
Je vous donne le bon foir , & fuis au-
tant que je le dois , tout à vous.
DE RACINE A M. de Bomrefeavz.
»
^ P4ris et iSJuiUet.
MOn abfence hors de cette
eilcaufe que je ne vous ai point
écrit depuis dix jours. Il s’eR pour-
tant paué beaucoup de chofes trés-
dignes de vous être mandées. M.
de Luxembourg , après avoir battu un
Corps de cinq mille chevaux , cota-
mandé par le Comte de Tilly , a mis
le Hége devant Huy , dont il a pris
la Ville & le Château en trois' jours »
& de-là a marché au Prince d’Oran-
ge , avec lequel il elt peut-être aux
mains à l’heure qu’il eft. Monfeigneur
a pafle le Rhin , & s’étant mis à la
tête d’une armée de plus de 66 mille
hommes , a marché droit au Prince
de Bade ; en intention de le chercher
partoutpour le combattre , & de l’ae-
I
(X. T » « R ;A C I N E ®47
taoiier même dans Tes retranchemens^
s’il prend le parti de fe retrancher.
Mais ce qui a le plus réjouï tout le
public , c’eft la déroute de la flotte de
Hollande & d’Angleterre , qui efl:
tombée au Cap de Saint Vincent eiv-
tre les mains de M. de Tour ville. J’en- .
tretins hier fon Courrier , qurefl le
Chevalier de Saint Pierre , frere du
Comte de Saint Pierre , lequel fut calTé !
il y a deux ans. Je vous dirai en paf-
fant , qu’on trouve que M. de Tour-
Tille a fait fort honnêtement d’en-
Toyer dans cette occaflon le Chevalier
de Saint Pierre : & on efpere que lat
bonne nouvelle dont il eft chargé
fera peut-être rétablir fon frere. ^uoi
qu’il en foit > la flotte » qu’on appelle
ce Smyrne , a donné tout droit daqa
Pembufcade. Le Vice-Amiral Roufl^
qui l’efcortoit ^ d’aufli loin qu’il a de-
couvert notre armée navale , a pris
la fuite , & il a été impoflible de Ije
joindre. 11 avoic pourtant 26 ou 27’
vailTeaux de guerre. Les pauvres Mar-
chands fe voyant abandonnés , ont
fait ce qu’ils ont pû pour fe fauver.
Les uns fe font échoués à la côte (je
Lagps^ les autres fous les murailles tfô
L4
148 Lettres de BcriVtiv
Cadis , & il y «n a eu quelque trente-
fiz qui ont trouvé moyen d’entier dans
le port. On leur a brûlé ou coulé à
fond 45 Navires Marchands , & deux
de guerre : & on leur a pris deux bons
vaifleauz de guerre Holiandois tous
neufs de 66 pièces de canon , & 25
Navires Marchands , fans compter
deux vaifleaux Génois , qui étoienc
chargés pour des Marchands d’Amf^
terdam , & dont le Chevalier de Saint
Pierre , qui eA verni defTus jufqu’à Ro»
ièsj eftime la charge au moins fix cens
mille écus. On ne doute pas qu’une
perte fi confidérable n’excite de gran>
des clameurs contre le Prince d’Oran>
« , qui avoit toujours aflÛré les AI*
liés , que nous ne mettrions cette an*
née à la mer que pour nous enfuir , de
nous empêcher d’être brûlés. Le Che-
valier de Saint Pierre a rencontré le
Comte d’Etrées à peu près à la hau-
teur de Malque, & prêt à entrer dans
le Détroit. 1^ Roi a été trés*aifê de
cette nouvelle, que l’on a fçûe d’abord
par un Courier du Duc de Grammond,
èc par des Lettres des Marchands. On
parle fort ici des mouvemens qui fe
font au pays vous êtes } &ilparoic
'et DE Racine. 349
qU'^on en eft fort content par avance,
^ous fouplmes hier, M. ^ Cavoie &
moi , chez M. &c.
r
A BOILEAU.
yiffùUes It P J$üUet,
JE vÿis aujourd’hui à Marli , oû fe
Roi demeurera près d’un mois
mais je ferai detemsen tems quelques
'voyages à Paris , & je choiOrai les
jours de ta petite Académie. Cepen*
dant je fuis bien fôché que vous ne
m’ayez pardonné votre Ode : j’au-
Tois peut'être trouvé quelque occa-
fîon de la lire au Roi. Je vous con^
feille même deme l’envoyer, il n’y a
pas plus de 2 lieues d’Autentf à Marli.
Votre Laquais n’aura qu’à me demad-^
dbr & me chercher dans l’apparte»
ment de M. Félix. Je vous prie de red*
voyer mon fils à faraere ; j’apprehen-
deque votre grandebomé , ne vous
coûte un peu trop dincommodité. Je
fuis entièrement à vous.
s66 Lettres de Boi\e«v
avoit aufli préfenté au Roi v & aoZ
Miniftres , une nouvelle éd\lon du
Diélionnaire de Fureüere , qd a été
très - bien reçû. C’eft M. de
& M. de Pomponne qui om préfenté
Léers au Roir Cela a paru un allez
bizarre contretems pour le Di£fcion>
naire de Meadémie , qui -me paroSt
n’avoir pas tant de partifans que i’ai>>
tre^ J’avois dit plufieurs- fois à Mk
Thierry , qu’il aureit dû faire queb
ques pas pour ce derâier Diélion*
naire ; & il ne lui auroit pas été di£fr
cile d’en avoir le Privilège. Pent-'être
même il ne le feroit pas encore. Oa
commence à dire que le voyage de
‘Fontainebleau pourra être abrégé de
huit ou dix jours', à caufe que le Roi
[ y.£R fort, incommodé de la goutt&
ill en elt au lit depuis trois ou qfuatre
jjours.II ne fbnffre pas pourtant bean*
^up , Dieu merci & il n’ell arrê>
té au lit que par la foibie^ qu’il a
encore aux jambes.' Il me paroh par
les Lettres de ma femme , que mon
fils a grande envie de vous' aller voir
à Auteuil. J’en ferai fort aile , pourvû
qu’il ne vous embarrallè point du tout.
Je prendrai énœêffie.tem» la Mbeité
I
AU M Ë S M £.
A FtHhàtuhltM U 3. OSohre,
JE vous fuis bien obligé de là prom*
titude avec laquelle vous m'avez
faii^ réponfe. Comme je fuppolè que
TOUS fl'avez pas perdu les vers que je
TOUS ai eavoyës , je vais vouulue.
mon ièntiment far vos difficultés
le tems vous coimmmi^uêir
vèi LBTTRtS DE BoiIEiV
pluOeufs changemens que i’avois dëîa
fcir« (TimrÎTiprnf»- Car VOUS Jav^
on homme qui compoiè , fait fou-
vent ion thème en plufieurs façons.
Quand par une fin foudaine ,
Détrompes d’une ombre vaine
Qui pa& 6c ne revient plus.
^ai cboifi ce tour, parce qn’il efl con-
forme au texte qui parle de la fin im-
prévue des Réprouvés ; & je vou-
drois bien que cela fut bon , & que
vous pufliez pafier & approuver ,
Ufte fin fmdaine ^ qui dit précifé-
ment la chofe. Voici comme j’avois
DÛS d’abord ,
/
Quand déchus d’un bien firivole •
Qui comme Tombre s’envole >
Et ne revient jamaisplus.
Mais ce jamais me paroît un peu mît
pour remplir le vers ; au lieu que
p/ÿfe & ne revient pins , me (embloic
allez plein & afiéz vif. D’ailleurs j’ai
mis a la troifiéme Stance , Pottr trotever
ein kien fragile f & c’eft la même choie
qu’un bien frivole. Ainfi tâchez de
ET SB RâCZNB. 2^3
VOUS accoutumer à la première ma-
niéré, -ou trouvez quelque autre choie
qui vous ratisfafle. Dans la fécondé—
Stance 4
Mifétal>Ies que nous fommes «
Ou s’égaEoient nos elprits ?
infirtwiù m’étoit venu le premier ;
mais le mot de Miftr/ârlet , que j’ai
employé dans Phèdre , à qui je l’ai
mis dans la bouche , & que l’on a trou-
vé aflêz bien , m’a paru avoir de la
force, en le mettant aufli dans la bou-
che des Eéprouvés , qui s’humilient
& fe condamnent eux • mêmes. Pour
le fécond vers j’avois mis ^
Diront-'ils avec des cris.
Mais fai crû qa’oa pouvait leur faire
tenir tout ce difcours , fans mettre ,
Âirtnt.iU, & qu’il fufiiroit de mettre
il la fin fAhtfi dtw$e noix fUintkx , &
le relie , par où on fait enienure , que
tout ce qui [irécédeell le difcours des
Réprouvés. Js crois qu’il v en a des
exemples dans les Ottes d’Horace.
g&f. Lettres de Boiieav
£t voilà que trîonq>han$.
Je me fuis lailTë entraîner an texte J
JEccg ipumodo cmputati fimt inter Filiu
Dei\ & j’ai crû que ce tour marquoit
mieux la paflîon. Car j'aurois pû met*
tre : Et mnimenant trimpham y &c.
I^ans ia troiüéme Stance y
Qui nous montroit la carriese
De la bienheureuiè paix»
On dit la carrière de la gloire , la car*
riere de l’honneur ; c’eft-à-dire , par
où on court à la gloire , à l'honneur.
Voyez fi l’on, ne pourroit pas dire de
même la carrière de la bienheureufe
Paix. On dit même la carrière de la
Vertu. Du refie je ne devine pas corn*
nient je le pourroismieux dire.Il refie
la quatrième Stance. J’avois d’abord
' mis 1e mot de Repentance ; mais ou-
tre qu^on ne diroit pas bien , les Re>
mords de la Repentance, au lieu qu’on
dit les Remords de la Pénitence ; ce
mot de Pénitence , en le joignant
avec tardive, efi a^z confacrédant
ia langue de l’Ecriture , feti pceniten-
tùtm
Z r PE Racine. 265
^/tm agentes. On dît la Pénitence d^An-
tiochus , pour dire une Pénitence
tardive & inutile., On dit auilî dans
ce fens , la Pénitence des damnés.
Four la fin de cette Stance , je Tavois
changée deux heures après que ma
Lettre fut partie. Voici la Stance ea-*
tiere. '
Ainfi d'une voix plaintive
Exprimera fes remords
La Pénitence tardive
Des inconfolables morts.
Ce qui fitifoit leurs délices ;
Seigneur , fera leurs fupplices;
Et par une égale loi ,
L.es Saints trouveront descharmci
Dans le foùvenir des larmes
Qu’ils verfent ici pour toi.
Je vous conjure de m’envoyer votre
fentiment fur tout ceci. J’ai dit fran-
chement que jlatteodois votre criti-
que , avant que de donner mes Vers
au MuHcien ; & je l’ai dit à Madame
de Maintenon , qui a pris de>là occa-
fîon de me parler de vous avec beau-
coup d’amitié. Le Roi a entendu
chanter les deu:K autres Cantiques , &■
TmuL M
t68 Lettres D« BoitEAV
' part qu’à ceux que vous voudrez ; à
Îieribnne'mêine ,iî vous le fouhaittez.
e crois pourtant qu'il fera trés-bon
que Madànie de Maintenon voie ce
que vous avez imaginé pour fa mai*
fon. Ne vous mettez pas en peine,
je le lirai du ton qu’il faut j & je ne
ferai point tort à vos vers.
11 n’y a ici aucune nouveRe. L’ar*
née ae M. de Luxembourg com-
nence à fe féparer , & la ^valerie
entre -dans des quartiers de fourage.
Quelques gens vouloienc hier que le
Duc de Savoie penfàt à affiéger Ni*
ce à Taide des Galeres d’Eipagne.
. ISfais le Comte d’Eftrées ne tardera
guère à donner la chafle aux Galeres
& aux Vaiileaux Efpagnols , & doit
arriver inceflamment vers les côtes
d’Italie. Le Roi groflit de 40 j>atail-
lons fon arm^'de Piémont pour Tan-
née prochaioe , je i» doute .pas
qu’il ne tire une rude vengeance des
pays de M. de Savoie.
Mon fils m’a écrit une afl^ jolie
Lettre for le plailîr qu’il a eu de vous
aller voir , & fur nné- converfation
qu’il a eue avec vous. Je vous ibis
plus obligé que vous ne le foutiez
ET Dë RACIKE. ,
ire , de vouloir bien voo» ainufer avec
hii. LcpIûfîrqu’H prend d’être avec !
vous,tncdonne allèz bonne opinion de
Ini;& s’il eft jamais aflez heureux pour'
rous entendre parler detems en tems^
je fuis perfaadé , qu’avec l’admira» '
don dont h eft prévenu , cela lui fe»
ra le pins grand bien du monde. J’ei^
pere que cet hiver vous voudrez bien ^
faire chez moi dè petits dînés , dont I
je prétens tirer tant d’avantages. M.. v
de Cavoie Vous fait fes complimens; '
J’appris hier la mort du pauvre Ab»
1^ de Saint Réal.
A U M R S M £.
jt Fmtiùn«6le4» te 8. OSoiir,
»
JE vous demande pardon fî j’ai étd
fi hongtems fans vous faire répon^
k : mais j’ai*4^u avant toutes ch(>
fes prendre un tems favorable pour
recommander M. Manchon (i)àM.
I. (1] Bcwi.û«re de SoUtan.
M a
. LBTrRES ifB BoitEAtr
de Bafbezieux. Je l’ai fait , & il m’a
fort afÏÏlré qu’il feroit Ton poffible
pour me témoigner la coofidéracion
qu’il avoic pour vous & pour moi. U
m’a paru que le nom deM. Manchon
loi étoit aflez inconnu ; & je me fuis
rappellé alors qu’il avoic un autre
nom , dont je ne me fouvenois point
du tout. J’ai eu recours a M. de la
Chapelle , qui m’a fait un Mémoire «
3ue je préfemèrai à M. deBarbeaieux
ès que je le verrai. Je loi ai dit que
M. l’Abbé de Louvois vondroic biea
joindre Tes prières aux nôtres , &je
crois qu’il n’y aura point de mai qu’4
loi en écrive un-mot. V
Je fuis bien aife que vous ayez don*
né votre Epître à- M. de Meaux , &
que M. de Paris foit difpofé à vous
donner une approbation autbenti<]ue.
Vous ferez furpris quand je vous di>
tai -que je n’ai point encore rencon-
tré M. de Meaux , quoiqu’il foix ici ;
mais je ne vais guèrd^x heures . où
il va chexle Roi ; cVft à-dire, au le
ver & au coucher : d’ailleurs la pluie ,
prefque continuelle , empêche qu’on
ne fe promene dans les cours & dans
les jardins , qui font tes endroits où
B T D^E R A,. C I n; E. ZJX,
Ton a de coutume de- fe rencontrer.-
Je fai feulement qu’il a préfenté atf>
Roi l’Ordonnance de M. l’Archevê-
que de Rheimt. Elle m’a paru très-'
force & il y explique très-nette^
ment la doêbrine qu’il condamne. Vo^
tre Epître ne peut qu’être trèa-biem
reç.ûë t & il me. femble que vous n.’ar
vez rien p^du pour attendre , Sa
qu’elle paroîtra fort à propos, On ^
eu ooqvelle aujourd’hui que M. le^
Prince de Conti.écoit arrivé en For
fogne : mais oit n’en fait pas davan^
tage , n’y ayant point encore de cou»
zier qui foie venu de lapart. M. l’Ab»
hé Renaudot vous en dira' pinS' qoç’
je ne faurois vous en écrire. Je n’ai,
pas fort avancé le Mémtùre donc
TOUS me pariez. Je crains même d’ê»
O'-e entré dans des détails quiTallon»-
geronc bien plus que je ne croyois.
D’ailleurs vous favez la dî0ipatioB de
ce pays-ci. Pour m’achever vj ^i ms-
iêconde fille à Mélun , qui prendre
l’habit dans huit jours. J^ai fait.deue
voyages pour efTayer de la- détourner
de cette réfolution , ou du moins-
pour obtenir d’elle qu’elle difl'erât en-
core fix mois jamais ie l’ai trouvée
M e
Lbtties de Boiiead
inébranlable. Je foubaitè qu’elle (ê
trouve auili heureufe dans ce nouvel
état t qu’elle a eu d’emprelTement
pour y entrer. M. l’Archevêque de
Sens s’eft offert de venir faire la cé-
rénronie » & je n’ai pas ofé refufer une
tel honneur. J’ai écrit à M. l’Abbé
Boileau pour le prier d’y prêcher f Sc
|1 a l’honnêteté de vouloir bien par*
tir exprès de Yerfailles en polie poiu
xne donner cette fatisfaâion. Vous
jugez que tout cela caufe affez d’em*
barras à un homme qui s’embarrailê
aufli aifément que moi. Plaignez*moi
un peu dans votre profond loifir d'Au*
teuil , & excufez fi je n’ai pas été plus
exaêl à vous mander des nouvelles.
La paix en a fourni d’affez confidéra-
bles , & qui nous donneront affez de
matière pour nous entretenir quand
j’aurai l’honneur de vous revoir. Ce
fera au plus tard dans quinze jours :
car je partirai deux ou trois jours
avant le départ du Roi. Je fuis entie*
xement à vous.
XT »eRaCIK8.
AU M £ s M £.
*
\
DEnys d’HalicarnaiTe , poar mon-^
trer que la beauté du flyle con-
fiée principalemeot dans l’arrange*
ment des mots , cite un endroit d^
l’OdyfTée , où UlyiTe de Eumée étant
fur le point de fe mettre à table pour
déjeûoer , Telemaque arrive tout-à*
, coup dans la' maifon d’Eumée. LeS'
(' chiens qui le Tentent approcher , n’a*
boyent p^t , mais remuent la queuë,-
ce qui fak voir à Uiyffe que c’eft
quelqu'un de connoiflance qui efl: fur '
te point d’entrer. Denys d’Halicar-
nafle ayant rapporté tout cet endroir^.
fait cette réflexion : Que ce n’eft
; point 1e choix des mots qui en fait
Tagrément ; là plûpart de ceux qui y
font employés , étant , dit-il , très*
vils & très*bas r% ^ TwTFeuf-'
T«^*T ,mots qui font tous les jour»
dans là bouche des moindres labou-
reurs , & desmoindresartifans : maia
qu’ils ne lailTent pas de charmer , par
te maniéré dont le Fbêtra eu foio dà.
M 5
^74^ Lbtties BoiEEAtr
les arranger. En lifant cet endroit , je
m fuis fouveno que dans une de vos
nouvelles Remarques , vous avances
que jamais on n’a dit qu’Homere ait
employé un fênl mot bas. C’eR à
vous de voir fî cette remarque de
i)eoys d’HalicarnalTe n’ed point con-
traire à la vôtre , & s’il n’eft pointa
craindre qu’on ne vienne vous cbi-
canner là-deflus. Prenez la peine de
lire toute la réilezion de Denys d’Ha-
licarnafre , qui m’a paru très-belle ,
& merveilleufêment exprimée. C*eft
dans fon Traité icH Qtiiiftmt wfti'ltn,
à la troifiéme page.
J’ai fait réflexion aulfl , qu'au lieu
de dire que le mot d’âne efl: en Grec
un mot très-noble vous pourriez
vous contenter de dire , que c’eft ua
mot qui n’a rien de bas , & qui eft
comme celui de cerf , de cheval , de
brebis , &c. le tm-mblt me paroSt ua
peu trop fort.
Tout ce traité de Denys d’Hali-
carnaflê , dont je viens de vous par-
ler y & que je relus hier tout entier
avec, un grand plaiflr , me fit fou ve-
nir de l’extrême impertinence-d^ M.
l’errault» qui avimce. qqe la (ourdfif
' ®r C E R A e i M K S75
jtaroles ne faic rien pour l’éloquence,
&■ qu’on ne doit regarder qu’au fens ;
& c’ell' pourquoi il prétend qu’on
peut mieux juger d’un Auteur pzp'
ibn Traduâeur , quelque mauvaia^
quMl foit , que par la léâure tk l’Au-
teur même. Je ne me fouviens points
çue vous ayex relevé cette-extrava'-
gance , qui vous- donnoje pourtant-
beau jeu pour le tourner en ridicule. -
Pour le morde , qvi
quelquefois- la lignification -que voua,
favez , il fîgnifie fouvent converfer *
iîmplement. Voici des exemples ti-
rés de TEcrhure. Dieu dit à Jérufa-
lém , dans Ezechiel : Congrtgabo tihii
tuntuvres tmn cm» ^bnt comntfia
&c. Dans le Prophète Danià , les <
déux- Vieillards racontant comme ils ^
ont furpris Sûfànne en adultère , dî-
fent , pariant d’élle & du jeune hom-
me qu’ils prétendent qui écoit avec'
elle : Vidimiu ett jmriter ctmrnifierL J\s ■
dilent aufli à Sulanne .•
bis y & eommiJçerFttohiJcm», \^oi\k am^ -
mifetrr dans le premier fens. Voici des
exemples du (ecqnd lens. Saint Paul '
dit aux Corinthiens : Né cmmïfieM*
miiû-' finûcarm tJUiaex, dt.
M é
276 Lettres de Boieeav
merce avec les fomicatettrs. Et èxpl^
quant ce qu’il a voulu dire par-là , il
dit qu’il n’entend point parler des for»
nicateurs qui font parmi les Gentils ;
autrement, ajoute- t-il , il faudroit re*
noncer à vivre avec les hommes :
mais quand je vous ai mandé de n’a-
voir point de commerce avec les for-
nicateurs , non cmmifceri , j’ai enten-
du parler de ceux qui fe pourroient
trouver parmi les fidelles , & non-
feulement avec les fornicateuFs , mais
encore avec les avares , & les ufur-
pateurs du bien d’autrui , &c. Il en
eil de même du mot cognofcere , qui
fe trouve dans ces deux fensen mille
endroits de l’Ecriture.
Encore un coup , je me pallêrois de
la faufle érudition de T uflanus , qui eft
trop clairement démentie par l’endroit
des ierVântis~3èl^HWiÇi^*M. Per-
rault ne peut-il pas avoir quelque ami
Grec qui lui fournifle des Mémoires ?
A M. LE PRINCE.
Monseigneur ,
C’eil avec une extrême recoosoif^
1 T D E R A C 1 N E. 272!
fance que j’ai reçû encore au coin*
xnencement de cette année la grâce
que Votre AltelTe Sereniflltne m’ac-
corde fi libéralement tous .les ans.
(i) Cette grâce m efi: d’autant plus
cbere » que je la regarde comme une
fuite de la proteâion glorieufe donc
vous 'm’avez honoré en tant de ren-
contres , & qui a toujours fait ma
plus grande ambition. Audi en coi^-
lervant précieufement les quittances
du droit annuel dont vous avez bien
voulu me gratifier , j’ai bien moins en
vûe d’aflurer ma charge à mes enfans,
que de leur procurer un des plus
Aeaux titres que je leurpuiile laifièr ,
|e veux dire , les marques de la pro-
teâion de V. A. S. Je n’ofe en di-
re davantage ; car j’ai éprouvé plus
d’une fois que les remercimens vous
fatiguentpmqueautanc que leslouan-
■ges. Je fuis avec un profond refpeâ ,
Monseignbvr» &c.
[ I 3 Sa Charge de Tidtbrici de France à Moulin»
dtoic dans te cafiiel de M« le Prince , qui lui faU|oi|^
donna tons Us ans une qaiiunce de la Faulette.
/
i78 E'TTREÏ i)E Bbll.'EE1T'
J’Ai parcouru tout ce que les an^-
. ciens Aoteurs-oRt dit de la Déefie
Ifîs , & je ne trouve point qu’elle ait
été adorée en aucun pays fous la figu*
re d’une vache ; mais feulement ibus
]a figure d’une grande femme tome
couverte d’un grand voile de diffe*
rentes couleurs , & ayant au front
deux cornes en forme de croiffant*
Les uns difent que c’étoit la Lune ,
les autres Cerés , d’autres la Terre >
& quelques autres cette même lo ,
qui fut changée en vache par Jupi>
ter.
Mais voici ce que je trouve di>
Dieu Apis , qui fera » ce me femble^
beaucoup plus propre à entrer dans
les ornemens d’une Ménagerie. Ce
Dieu étoit , dit-on , le même qu’O-
liris , c’eft-à-dire , ou le mari » ou le
fils de la Déeflè Ifis. Non-feulemene
ü étoit reprefenté par un jeune Tau-
reau , mais les Egyptiens adoroieni
fia eSet , feus le nom d’Apis , aa
.iT DE Racine. 279
.jeune Taureau bien bûvanc & bien
mangeauE ; & ils avoient foin d’en
.fubfticuer toujours un autre en la pla*
ce de celui qui mouroie. On ne le
iaiflbit guere vivre que julqu’à l’âge
d’environ huit ans , après quoy ils le
noyoienc dans une certaine fontaine,
£t alors tout le peuple prenoit le
deuil , pleurant ôc faifant de grandes
lamentations pour la mort de leur
Dieu , jufqu'à ce qu’on l’eût retreu*
vé. On étoit quelquefois aifez long-
tems à le chercher. 11 falloir qu’il
ooir par tout le corps., excepté une
tache blanche de figure quarrée au
milieu du front , &, une autre petite
tache blanche au flanc droit , faite en.
forme de croilTant. Quand les Prêtres
l’avoieot trouvé , iis en donnoienc
avis au peuple de Memphis : carc’é-
toit principalement en cette ville que
Je Dieu Apis étoit adoré. Alors on
alioit en grande cérémonie au-devant
de ce nouveau Dieu j & c’efl. cette
efpèce de proceffion , qui pourrok
fournir de fujet à un affez beau ta-
bleau.
Ces Prêtres marchoient habillés dé
sobbes de lin ayant tous la céie
280 Lettkes x>'e Boiceev
fe , & étant couronnés de chapeaux
de fleurs , portant à la main , les uns
un encenfoir , les autres un fiflre ;
c'étoit une efpéce de tamboor*de'
bafque. Il y avon aufli une troupe
de jeunes enfans habillez ^ tin , qui
danfoient & chantoieat des Garni'
ques ; grand nombre de joueurs de
flûtes « & de gens qui portoient à
manger pour Apis dans des corbeib
les ; & de cette forte on amenoit le
Dieu jufqu’à la porte de fon Tem>
pie y ou pour mieux dire , il y aTok
deux petits Temples tout environ'
nés de colomnes par dehors , & aux
portes , des Sphinx y à la maniéré des
Egyptiens. On le taiflToit entrer (kns
celui de ces deux Temples qu’il vou'
loit , & on fondoit même for fon
choix de grandes conjeâures ou de
bonheur , ou de malheur pour l’ave-
nir. 11 y avoit auprès de ces- deux
Temples un puits , d’où l’on tiroit de
l’eau pour fa boiiron : car on ne lui
laii&it jamais boire de i’eao do Nik
On confultoit même ce plaifant Dieu ;
& voici comme on s’y prenoit. On
lui préfentoit à manger : s’il .en pre-
soit > c’étoit use répoolè sréo'favo;
• I
etdeRacike. sH
xabie ; tout au contraire , s’il n’en
prenoit point. On remarqua même j
dit-on , qu'il refufa à manger de la.
main de Germanicus , & que ce Prii>
ce mourut à deux mois de-là.
Tous les ans on lui amenoic à cer-
tain jour une jeune Genifle , qui avoit
aufli Tes marques particulières. Et ce-
la fe faifoic encore avec de grandes
cérémonies.
Voilà , Mons eignevr , le pe>
tit mémoire que V. A. S. me deman-
da il y 3 trois jours. Je me tiendra
in£niment glorieux toutes les fois
qu’elle voudra bien m’honorer de fet
ordres , & m’employer dans toutes
les chofes qui pourront le moins dit
monde contribuer à Ton plaifîr. Je
fuis I avec un profond refpeâ >
DeV.A.S.
I
♦
sg2 Lettres &e Boilbeit
LETTRE ECRITE A M. RACINE
par M. i>E Güilleragües ,
Ambaf^deurde France àCoa&kB*
tinople.
jht lalah de Vrtmee.
'^PeP4lef,Jnmi6t^
I
Ï’Ai été fenfîblement attendri. &
flatté y Monfieur , à la le&ure de
|a Lettre qse tocs m’avez fait l’hon-
neur de m’écrire. Eloigné, de vous ,
& des repréfentations qui peuvent en
/knpofer fur vos Tragédies , & très-
I dégoûté des pays fameux, que vous
avez chantés ; vos oeuvres cependant
me paroiflent plus belles que jamais^
Oüi, Monfieur , je fuis très^égoû-
té de ces pays , dont les Postes & les
Hifioriens de l’antiquité ont dit de fi
belles choAfS ; & je vois qu’ils n’é-
toient pas d’exaéls obfervateursdela
vérité.
Le Scamandre & le Simoîs font
iêc dix mois de l’année : leur lie
ST DS RaCINB. 29s
n'ed qu’un foffé. L’Hébre eR une
riviere du quatrième ordre. La Nato-
Jie , le Font, la Nicomédie, l’Itaque»
préientetnent la Céphalonie,Ia Macé-
doine , le terroir de LariiTe , & celui
d’Atbéues , ne peuvent jamais avoir
fourni la quinziéme partie dea hom-
mes dont lés Hiftoriens font mentiom
Il eil impoiüble que ' tous ces pays j,
cultivé» avec des foins imagin^les>
aient jamais été fort peuplés. Le tei>^
Toir eft prefque par-tout pierreux;,,
ntide , & fans riviere. On y voit de»
montagnes & des côtes pelées, plu»
miciennes que tous les Ecrivains. Le
port d’Aulide , abfolument gâté , peut
avoir été bon i mais il n’a jamais p(|
contenir les mille vaidèaux des Grecs4
ni mille barques. Délos eil un miféra-T
ble rocher. Cythère & Paphos foncl
des beux affreux. Cythère , ou Céri-'
que, eft une petite Iffe , la plus défa-
gréi^le & la plus infertile qui foit an
monde.- Il n’y a jamais eu un air plus
corrompu que celui de Paphos, abfo*
lument inhabitée. .Naxe ne vaut pas
mieux. Les Poètes apparemment met-
toient Vénus dans les lieux où ils
avokntJeurs makceilès i mais ils
584 LÉTTftES DE B01LEATr^
très-mal placée. Je ne vous parle point
de deux mille Evêchés en Grèce ,
nommés dans ThiftoireEccléfiaftiquei
qui ne peuvent avoir eu douze parois
fes chacun.
J’eufle voulu que vous fouvenant
de l’attadiement que j’ai pour tout
ce qui vous touche , vous m’èuQiez
.écrit quelque chofe de votre famille.
Jè crois te petit Racine bien vif: je
Î)révois qu’à mon retour je n’olèrM
’attaquèr fur le Grec ancien ; mais je
J’étonnerai avec le Grec vulgaire ,
tangue auffi corrompue & auffi mifé^
râble que l’ancienne Grèce l’eft de-
venue.
Adieu , mon cher Monfîèur , con-
tinuez de me donner des marques de
fouvenir dp notre àndenne amitié ,
& écrivez - moi , quand même vous
devriez encore nae traiter de Monlèi-
gnepr. Je ne fais pourquoi vous me
donhez libéralenaent quelque parc à
vos Tragédies, quoique je n’en aie
jamais eu d’autre que celle de la pre-
mière admiration. Vous m’avez ap
pris bien des choies , au • lieu que je
ne vous en ai jamais appris qu’une..
|e*vous ai découvert qu’un TréiR>
ST DB Racine. 295
tier de France prend )e titre de Che*
valier , & a le droit honorable d’être
enterré avec des Eperons dorés. H
se doit donc pas prodiguer légère*
ment le titre de Monfeigneur. Vous;
Be me marquez pas fi vous voyez]
foaveat M. le Marquis de Seignelai. ;
Adieu , mon cher Monfieur.
DE RACINE, A BOILEAU. J
ji Verfd^fs U. 4. Avril i6ç&.
JE fuis très -obligé au P. Boohours
de toutes jes honnêtetés qu^il vous a
prié de me faite de fa part & dçJa parc
de fa Compagnie. Je n’avois point en-
core entendu parlâr de la bàrangue de
leur Régem:& comme ma conlcience
Be me reprocboit rien à l’égar^ desjé-..
fuites , je vous avoue que j’ai été'oti
peu furpris que Pon m’eût déclaré la
guerre chez eux. Vraifemblàblemenc
ce bon Régent efi: du nombre de ceux
(1 ) Dans fil vie U efi dit l quelk occadeuxette Letm
»S8 Lettres >e Boileav
iQ’empêcha d'exécuter ce projet:
j’efpere qu’il ne fera que différé. En
attendant , fî vous nous jugiez dignes
de lire vos derniers Ouvrages , & que
vous vouluffiez nous les envoyer^ je
trouverpis mon pauvre petit prélent
}>lu6 que payé. Notre ami M. Racine
kit notre adreffe , quoiqu’il ne s’en
lerve point ; mais vous êtes tous fi
dévots, que je ne fuis point étonnée
de vous perdre de vûe. Cependant
je ne vous eftime & ne vous hono*
re pas moins.
L&TTRE DEBOILEAU
aM. DE M ONO HBSMAl. Cl)
« •
PUifque vous vous détachez de
l’intérêt du Ramoneur, je ne vois
pas , Monfîeur , que vous ayez aucun
fujet
( I ) Je mets ici eettelettre , ntm • ièaleinciit parce
qa*elle appiend reffet que produifircnt deux vers de
9ritannîcus > mais parce qu'elle comienc la chèfîe que
( Boileau foutim devant M. Arnaud * comme je Tai lap-
'porté dans la vie de mon Pere. Il avoir (butenu la me-
me thèfe , en préfence du P . Maffilion , contre M. de
Bionchefnai ,*auteizr du BoIæana> qui lui envoya enlbiic
'line di^fcttatioA fui cette xnattcie ; &ie paquet fntpottc
ET 1>E RÂCIKE..
fejet de vous plaindre de moi , pour
avoir écrit que je ne pouvois juger
à la hâte d’ouvrages comme les vô>
très , & fur • tout à l’égard de la quef-
tioti que vous e^amez fur la Tragé*
die , & fur la Comédie que je vous
avoué néantmoins que vous trai*
tiez avec beaucoup d’efprit. Car pui{-
qu’il faut vous dire le vrai , autant
que je puis me relTouvenir de votre
^rniere pièce , vous prenez le chan*
ge , & vous y confondez la Comé-
dienne avec la Comédie , que dans
mes raifonnemens avec le P. Maffîl-
Ion , j’ai y comme vous favez, exaâe*
ment féparées. Du relie , vous y
avancez une maxime qui n’eft pas ,
ce mé'femHè ,'fôutenable $ c’eft k
lavoir , qu’une chofe qui peut pro-
duire quelquefois de mauvais effets
! dans des efprits vicieux , quoique non
I vicieufe d’elle-même , doit être abfo-
; 1 liment défendue , quoiqu’elle puiflc
pai ;ttn Ramoneur. Boileao , forprisdu mcflàger , en fît
otwlqr^siaillencs. M- de Moac^fitai en éQnrThèinoé
lui derme une Letue que je ne rapporte point , parce
qu*elle ne contient que des plaifanteries (ur le R.amo«
iieiir , & que cet plaifanteries n'ont rien d'ssréable. Lâ
»j^me de l'aotcui du Mrnuun'dtoit pu légère.
Tfml,
XÇO LkTTXES de BoiLEltr
il’aiileors lervir au délafletneut, & x
l’ioftruâion des hommes. Si cela eft,
ÿ De fera plus permis de peindre dans
les Egtifes des Vierges Maries , ni
^es Suzannes , ni des Magdelaines
agréables de vifage , puifqu’il peut
fort bien arriver que leur afpeâ exci-
te la concupifcence d’un ^prit cor-
rompu. La vertu convertit tout en
bien , & le «vice tout en mal. Si vo-
tre maxime eft reçâe , il ne -^udra
plus non- feulement voir repréfenter
ni Comédie , ni Tragédie , mais il
n’en faudra plus lire aucune ; il ne
faudra plus lire , ni Virgile , ni Théo-
<crite , ni Terence , ni Sophocle , ni
Homere;^ & voilà ce que demandoîc
Julien rApoflar^.& qui lui attira cette
épouvantable diffamation de la parc
^s Peres de l’Eglife. Croyez - moi ,
Mpnfieur , attaquez nos Tragédies
■âl nos Comédies , puifqu’elles fonc
«ordinairement fort vicieufès ; mais
i\!attaquez point la Tr^édie & la
Comédie en*général , puisqu’elles font
d’elles - mêmes' îhdifiereM«»TOomme
Je Sonnet.& les Odes , & qu’elles onc
jquelquefois reêlifié l'homme plus que
jEQdJleuces prédicaÔQos poiur
Ht » E R 1 c !» a: zpt
vous en donner an exemple admira-
ble , je vous dirai qu’un grand Prin-
ce qui avoir danfé à pludeurs ballets A
ayant vû jouer le firitannicus de /
Racine , où la fureur de Néron à 7
monter fur le Théâtre eft fi bien atta-^
quée y il ne danfa plus à aucun bal-/
iet , non pas même au cems du caryi
naval, fl n’eft pas concevable de com-/
bien de mauvaifes chofes la Comédie
a guéri les hommes capables d*^ètre
guéris : car j’avoue qu’il y en a que
tout rend malades. Enfin , Monfieur,
je vous foutiens , quoi qu'en dife le
F. Mafiillon , que le Poëme dram:^
tique efi: une Poëfie indiâTérente dé
foi • même , & qui n’eft mauvaile qtie
par le mauvais ùfage qu’on en fait.
Je foutiens que l’amour , exprjraé
chaftement dans cette Poëfie , non
feulement n’infpire point l’amour;
mais peut beaucoup contribuer Ù
guérir de l’amour les eCprits bien faits;
pourvû qu’on n*y repande point d’ima-
ges , ni de fenttmpn» v^liipEîîipnT.
<ÿe yir y 1 IJ&elqu'un qui ne laiflè
pas , malgré cette précqulioa-rdc s’v
corrompre , la fâute^^vient de lui « de
aôn pES dé laXbmêdtô. Du refte je
Ns
«
«9^ LeTTRBS ITB BaiLEAÜ
^us abandonne le jPassé^ieQ « & Is
-plûpart de nos Poëtes^ & même M.
llacine en plufîeurs de fea pièces.
Enfin , Monfieur , fouvenez-vous que
llamoar d’Hèrode pour Mariane dans
Jofeph ^ eft peint avec tous les traits
les plus ienfibles de la vérité. Oepea*
dant -quel ell le fou qui a jamais «
pour cela , défendu la leèture de Jo-
ieph ? Te vous barbouille tout ce ca*
tievas de dilTertations , afin de vous
montrer que ce n’efi: pas fans raifoa
Î|ue j’ai trouvé à redire à votre rai*
bnnemeoL J’avoue cependant que
votre Salure efi pleine de vers bien
trouvés. Si vous voulez répondre à
. mes objeâions , prenez la peine de
Ale faire de bouche , parce qu’autre-
\^ent cela traSneroit à l’infini : ( t)
mais fur -tout trêve aux louanges;
je ne les mérite point , & n’en yeux
point.; j’aime qu’on me life, & noa
qu’on me Joue. Je fiiis , &c.
( I ) ’M. de Moncbernaî avokfait des 'Satyres dans
€ê Lettre de plainte à Boileau fur des plaifaiiteiie» qu*il
«voit faites à l-occafion du Ramoneur^ il lui rappelloit
que dans fies Satyres , fon nom fe trouvoit fbuveot avec
dloge. Sa longue léponfe à cette Lettre de Boileau > fe
«couve dans les MémoUes de Littcnuiue dpiindspu Jhs
r T DE 11 A C I ir B.
LETTRE DE ROU&SEAU
A BoIImEA V*. I
VOus me dîtes , Moniïeur ^ kB
dsrniere fois qae j’eas l’honneur
de vous voir , que vous n'aviez point-
l'édition qui a* été faite en fiollan^
de votre dialogue fur les Romans, petv
ai cherché' -un exemplaire , que j’aà
feit copier par un homme véritable-
ment qui feroit excellent pour écrire:
fous un Minière les fecrets de l-’Etat^
J’ai corrigé du mieux que j’ai pû les
&utes de ce rare copilte ; & je- foo-
haite que vous perGfliez dans le delV y
fein de corriger celles qui appartiea/
nent aux perfonne» qui ont fait im-
primer l’ouvrage même. Tel qu’il ell,.
je neconnois perfonnequî n’eût été-
fi-appé dés plâifanteries ingénieu(es<
qui y font répandues. II n’y a que vous
au monde qurfoyez capable de faire* -
ibntir dans un aulli- petk nombre der
pages , tout le ridicule d'une infinité^
prodigieufe de gros volumes : & on
: æ croira jamais que vous ayez ptt
N g.
* t DE R A C I sr I.
^cn fociété académique dep^uis plus de
vlngc années ; mais en relifanc vos»
admirables écrits , j’ai été cruelle-
ment détrompé par des correâions'
& des additions qui ne peuvent avoir
été faites fans que 'vous ayez fongé'
à l’intérêt que j’y pouvois prendre.
J’aprois patTé fous fllence le premier
de ces endroits , dont je me fens^
bleiTé , s’il s’étoit trouvé feul , quoi-
qu’on vérité laeirconftance rende la*
ehofe un peu dure à digerer. Voicii
Jes vers de vos précédentes éditions^
jirt.To€t, c.
»
Les vers ne Ibuffretit point de médibcte Au^
teur:
■ Set écrits en tous lieux font l’effiroi dir
leâeur:
Ck>ntre eux dans le Palais tes boutiques
murmurent,
Et les ais chez Billain à regret les endurent^ ■
Qui croiroit que de 11 beaux ver»-'
ctrllênt demandé quelque corre^onf’
Cependant la voici.
Q.uiditfroidEciivain, dit detefiable Au«
teui;;
N4
^^6 Lb'ttkbs i)B BorLEAxr
Beyer eft i Pinchene égal pour le Tee»
teur, &&
Je vous larde vous>tnême , Monfiear,
juge entre les vers que vous ôtez,
& ceux que vous mettez en leur
place. Voilà donc le pauvre Boyer,
quatre ou cinq, ans après fa mort,
mis par vous au nombre des Poëtes
détedables , puifque , félon vous ,
U foint de- degri d» médiocre a»
fire. Cependant , fans vous conteiler
fon mérite , vous favez qu’il a tou*
jours demeuré , & ed mort dans no-
tre maifon j maifon ad*ez aimée des
igens de Lettres. Je mé'ritois peo^
iétre bien tout feul que vous laiflaf
\£ez fon ombre en repos:
Venons à l’autre changement. Voî*
ci les vers de voa précédentes édi-
tions.
Bt qu’importe à nos vers que Perrin les ad-
mire ,
Que l’Auteur de Jonas s’eroprefl'e de les lir^
Fourvû qu’ils ûichent plaire au plus puiflàat
des Rois t
yoici l’addition-
k
1 T »• E R. JT C r W E.
Qu’ik dnrinent de Senlis lePoëteidiot > -
Ou lefec traducteur du François d’Amiot.
Qui ne voit que ces deux vers, voo»:
ont beaucoup coûté & que vous ner
ks avez ajoûtés que pour déshonoreir
vn homme ,.en le notant d’une igao-
fance. dont perfonne ne l’a accufé 'T
Je me fouviens que fur ce vers ^ que:r
vous n’avez point voulu perdre , &-
qu’un petit reilèntiment mal fondé-
TOUS avoit fait faire , feue Madame-
de la Sablière , & quelques autres per-
f6nnes,..vous-prierent de le fupprimer^
dt que vous le promîtes. U ne.Teftoîr.-
donc plus qpe moi ,,qu!il ne vous im-r
p.ortoii guère de fâcher. Caf comment
voulez- vous.que j’explique cette ad-r
dition ? Je ne veux, pas déhattrer
Tes dédiions de vos Dodieurs ; maia^
|é fais qu’en bonne loi de l’Evan-
gife , il n’ell' pas permis de fâcher pei—
Tonne, & moins encore un ami ^ .pour!
un bon mot. Je ne foutiendraipas non^
plus la traduttion que vous blâmer,
?ui e(l pourtant à la feptiéme éditionv
i). Je vous (Hrai feulement que c&:-
tHm^mÊÊÊÊÊmmimtimÊmÊÊÊtÊÊÊÊÊtÊÊÊÊÊÊÊÊmÊmÊiÊÊÊÊKÊÊÊKÊ$k-'
( 1 > Ce qui fait grand botincur \ PlnWque. Cettat
de Paul XaUemant, proche parent dcceito*
H s
yjtçS LsmEs ÔE Boile iir
Traducteur porte un nom , que vont
pouviez épargner., quand ce n’eûc été
que pour l’amour de moi. Je ne me
plaindrai à perfonne ; cette Lettre efl
écrite à plume courante. J’ai voulu
feulement vous décharger mon cœur;
& je ne veux d’autre vengeance de
vous , que le reproche fecret que vous
( vous ferez , malgré que vous en ayez ,
^d’avoir contrifté, de gayetédecœur,
%n homme avec qui vous avez tou-
jours vécu en amitié , & qui n’en eü
peut-être pas indigne , non plus que
de votre eflime. Je vous prie cepen-
dant d’étre perfuadé , que malgré le
que vous m’avez fait , je fuis
'très-chrétiennement ^ c’eft-à-dire ,
tréa-fîncerement, & fans détour » vo-
tre trés-humble , &c.
Joi qui a écrit cette Lettre , 0c qui éioit comme tiii de
l'Académie Franfoi(b.
E T D E R A C l'ir'tf. 299
DE BOILEAU A M. LE DUC DE ...
JE ne fais pas , Monseigneur , fur .
quoi fondé , vous croyez qu’il y a i
de l’équivoque dans mon procédé
votre égard , au fujet de ma Satyre
contre l’Equivoque. Vous favez bien
que vous êtes un des premiers à qui
j’en ai récité des vers dans le tems-
qu’elle n’étoit encore qu’ébauchée. Je
l’ai achevée en votre abfence ; &
vous aviez été à Paris , je n’auroiS '
pas manqué de vous la porter fur le'
champ , non pour m’attirer vos louan-
ges, mais pour recevoir vos avis. A ‘
votre défaut , je l’ai lâe à pluHeurs*
perfonnes que vous cornioifiez , & qui <
m’en ont tous parlé avec des éloges ■
- que je défefpére qu’elle puifle foute-
nir. M. le Cardinal de Noailles m’en'
a paru extrêmement fatisfait f maia<
en méme-tems , il a approuvé le def-
fein oît je lui ai dit que j’étois de la
tenir fecrette , & d’empêcher l’éclac
qu’elle alloit faire : car j’y attaque trés-
bardiment toute la morale des mauvais-
Cafuiftes.. . . N 6
A V E R T ISS EM E N T.
Le premier RecueiT a faio
connoîcre la vivacité dut
jeune homme qui n^ime que les.
Vers : dans Te fécond Riecueil; on
^ vd la cordialité avec lai
dans un âpe plus ay;^jicé ^ il écri-
iîme ami ; voici le
Pere de famiUeen déshabillé au:
milieu de fes enfans. Les Lettres,
fui vantes, par les petits- détaila
qn<*elles contiennentv& parleur
ityl'e fîmple , font mieux connol^
tre le caraâère de celui qui les a
écrites , que des Lettres plus tra>
caillées. Il aimoit également tous
iës enfans, n’étant occupé qu’à
entretenir l’union entre eux.
JLorfqu’il en voyoic un inconu
modéjil étoic dans desagitatiops.
çoncmuélles. Po,urquoi m
avertissement:
marié ? s’écrio*r.il > & il fe rappel,
loir ces deux Vers de Terencc;
iVah 1 quemquamne Kominem in animum
I iniUtuereaut
Iparare ^^uodfit carius , quàm ipfe eft iîbi l
C’eff cette tendrefle que re^i-
jrent les Lettres qu’on va lire.
TROISIE’ME RECUEIL-
*^10
^çJli3ÇJwJUÇ»AJÇâA^*CJL^^
LETTRES DE RACINE
A SON R I L S.
jIu Camp devant NuntHrle 31 Mai.
VOus avezpû voir, mon cheren»
fant , par les Lettres que j’écris à
votre mere , combien je fuis touché
de votre maladie , (i) & U peine ex-
trême que je relTens de n’ètre pas au-
près de vous pour vous confoler. Je
vois que vous prenez avec beaucoup
de patience , le mal que Dieu vous
envoie , & que vous êtes exaê); à faii%
tout ce qu’on vous dit : il efl: très-im-
portant pour vous d’être docile. J’ef-
pere qu’avec la^ace de Dieu , il ne
(i) MauftcfcatoîK alosa U ^le vetok.
3o<$ Lcttkes SB Kàcittz
TOUS faflent plaiGr , jufiju’à ce que le l
'"iMédecia voBS donne penuiffion à
recommencer votre travail. Faita
bien des amitiés pour moi à M. votre
Préceptenr , & faites enforte qu’il ne
•fe repente point de teutes les peines
qn’il a prHes pour vous. J’efpere que
j’aurai bientôt le plaifir de voas re
voir , & que la réunion du château
de Namur fuivra de près celle de k
ville. Adiea ». mon cher fils , faites
bien mes complimens à vos fœurs : je
ne fais pourtant fi on leur permet àt
vous rendre vifite ; attendez- donc à
leur faire mes complimens » quand
-vous f^ez en état de les voîTi..
uiu dè Thuufiet te J«/Vi
V Ous me faites- plaifir de me ren-
dre compte des leéhires que vous
.iaites mais je vous ezèorte à ne pas
donner toute votre attention aux Poè-
tes François. Songez qu’ils ne doivent
Ærvir qu’a votre récréation , & non
pas à votre véritable étude. Ainfije
Âuhaittereis que vous, priiliez quel-
 son Fil s.- go7
qaefois plaifir à m’entretenir
mère , de Quintilien , & des autres
Auteurs de cette natnre. Quant à vo>
tre Epigramme, ( i )je voudrois que
TOUS ne l'euiTiez point faite. Outre
qu’elle eil alTez médiocre , je ne fait*
rois trop vous recommander de ne
vous point laifl^r aller à la tentation
de faire des vers François » qui ne fer*
viroient qu’à vous dilTiper l’efprit :
fur-tout il n’en faut Ëiire contre per-
fonne.
M. Defpréaux a un talent qui lui efl
particulier , &qui ne doit point vouai
lervir d'exemple, ni à vous ni à qui quel
ce foit. Il n’a pas feulement reçû du i
ciel un génie merveilleux pour fa Sa-f
tyre ; mais ü a encore outre cela un «
jugement excellent , qui lui fait dif^ ?
cerner ce qu’H faut louer , & ce qu’il
faut reprendre. S’il a la bonté de vou*
loir s’amufèr avec vous , c’ell une des
grandes félicités qui vous puiflent ar-
river ; & je vous conleille d’en bien
profiter , en l’écoutant beaucoup , Sc
( I ) Mon fr0re • qui écoic alors en Rh^oriqoe , crut
le regaler en lui cnvoyjnt une Epigramme qu*tl avoig
faite ittt la difj^ute emte BoUuia U Piexiault»
Lettres de Racine
en décidant peu. Je vous dirai aoS
que vous .me feriez plaifîrde vous at-
tacher à votre écriture. Je veux croi-
re que vous ayez écrit votre Lettre
'} fort vîte : le caraâère en paroît bean-
V coup négligé. Que tout ce que je vois
|)is , ne vous chagrine pcnnt : car do
fefte je fuis très-content de vous- ; &
je ne vous- donne ces petits avis , que
pour vous exciter à faire de votre
mieux en toutes choies. Votre mère
vous fera part des nouvelles que je lui
mande. Adieu , mon cher fils y je ne
^is fi je Ibrai en état d’écrire » ni t
vous , ni à perfonne de plus de quatre
jours ; mais continuez àme donner-de
vos nouvelles. Parlez*moi aafli un pes
de vos fœurs ., que vous me ferez. plai-
fir d’embralTer pour mou
(
i, SON Fil s. 3 0^».
uiVontuinAleMile y.Oütbre, '
LÀ relation que tous m'avez em-
voyée m’a beaucoup diverti , &
je vous fais bon gré d’avoir Tongé à la
copier pour m’en faire part. Je l’ai
montrée à M. de Montmorenci , &
à JM. de Chevreufe. Je fuis toujours
^onné qu’on vous montre en Rhéto*
Tique les fables de Phèdre , qui fem>
blent une leâure plus proportionnée
à des jgens moins avancés. Il faut
pourtant s’en fier à M. Rollin , qui a
beaucoup de jugement & de capacité.
On ne trouve les fables de M. de la
Fontaine ^ue chez M. Thierry , ou
chez M. JBarbin. Cela m'embarralFe
un peu parce que j’ai peur qu’ils ne
veuillent pas prendre de mon argent.
Je voudrois que vous pûffiez emprun*
ter ces fables à quelqu’un jufqu’à mon
retour. Je crois que M. Defpréaux les
( I J & en ce cas il vous les préceroit
^r) Ces fables n*ëtolem pas encore dans toutes les
biÙliQtilCgueis mm «oûanieotJi’dioieat cUes pas dans
I
3T<> Lïtt«®s de Raiïini
volontiers: ou bien votre mere pom-
a^it aller av^ vous lâns façon chet
M. Thierry , & lui demander en les
■payant. Adieu , mon cher fils ' , diia
à vos fœurs que je fuis fort aifè qu’el-
les fefouviennent de moi , & qa’ellei
Souhaitent de me revoir. Je les ei-
horte à bien fervir Dieu , & vous fur-
tout , afin que pendant cette année de
Rhétorique , il vous foutienne ^ vous
fafle la grâce de vous avancer de plus
[en plus dans fa connoifiance & daor
jfon amour. Croyez-moi , c’eft-là a
■qu’il y a de plus folide au monde. Tout
le refte eft bien frivole.
i. m
À fmtMnthhtm le S.OHohre.
JE vouîois prefque me donner la
, peine de corriger votre verfion , &
vous la renvoyer en état où il faudroit
.Æu’elle. fût : mais j'ai trouvé que cela
|ue prendroit trop de tems , à caufe
delà quantité d’endroits où vous n’S’
•
les leurs ? La Fomaine etoit leur îmirre ami. torf<]ae
/èilUlixcs Um* *enfitappiendceplttfieiiispAi€flBitf*
s O Ht T I % s: $iT
^ezpas attrappé le -fens. Je vois bien
que les Ëpîtres de Cicéron font en-
core. trop difficiles pour vous , parce
que pour les bien entendre, il faut po& É
féder parfaitement l’hiKloire de cel
tems-là , & que vous ne la fa vez point. ^
Ainfi je trouverqis plus à propos que
vous me filïïez , à votre loiûr ^ une
rerfion de cette bataille de Trafy-
mène , dont vous avez été fi charttié,
à commencéf~ par la defcription de
l’endroit où elle fe donna : ne' vous
prefTez point , & tournez la chofe le
plus naturellement que vous pourrez.
J’approuve fort vos promenades à
Auteuil,* tnais faites bien^AOCeveir à
M. Defpréaux combien vous êtes re-
ronnoiflant de la bonté qu’il a de s’^-
baifler a'S’èhjôrëfeniriifi^
pouvez prendre _Voiture parmi mes
ivres , fi cela vous fait plaifir; mais
il faut un grand choix pour lire Tes
Lettres. J’airoerois autant , fi vous
voulez lire quelque livre François ,,
jue vous priffiez la traduftion d’Hé.^
•odote , qui eft fort divertiffante ,
mi vous apprendroit la plus ancienne
bifloire qui foit parmi les hommes ,
iprès r£aitur.e fainte. U me Jernhls
, 3T2 Lettres BBRiCtiVE
^u’à votre âge , il ne faut pas volb-
ger de leâure es leéture, ce qui K
ferviroit qu’à vous difliper l’efprit ,
& à vous embarraOer la mémoire.
N ous verrons celaplus àfbnd , quasi
je ferai de retour à Paris. Adieu , met
baife -nains à vos iburs.
â s & w ' F 1 1 s» 3tj
, car j’étois comme aflliré de
ravoir ici parmi mes livres.. Poirrpks
grande flireté , choifiiTez dam quel»
qu’im des Hx premiers livres la pre-
mière Lettre que vous voudrez tra»
deire .'ffiais dir*tout choiGflez-en une
qui ne foit pas sèche , coinme celle
que vous avez prife , où il n’efl;pre&
que parlé que d’affaires d’intérêt. Il y
en a tant de belles fur l’état où étoic
alors la République , & fur les chofes
de conféquence qui Te paffoient i
Rome. Vous ne lirez guère d’ouvra-
ge qui vous foit plus utile pour vous
former l’efprit & le jugement ; mais
fur-tout je vous confeille de ne jamais
traiter injurieufement un honjme aufli
digne d’être refpeété de tous les W
des què Cicéron. Il ne vous convient ^
point à votre âge , ni mêraé i per-
fonne, de lui donner ce vilain nom
de poltron : fouvenez-vous toute vo-
tre vie de ce paffage de Quintilien ,
qui étoit lui-même un grand perfon-j.
nage : IlU ft fnfedjfe Jciitt cni CtctrwÊh
^aldefl*cehit. AinG vous auriez mieux *
fait de dire Gmplement , qu’il n’étoic
pas aulfi brave ou auGl intrépide que
Caton. Je vous dirai même que ii
TVais O
SI4 Lbtt«s5 DE Racine
vous aviez bien lû la vie de Cicéroa
cdans Plutarque , vous auriez vQ qu’ü
snouruc en fort brave hoimne , &
•qu’appareimnenc il n’auroit pas fût
tant de lamentations que vous , £ M. i
Carmeline lui eût nétoyé les dena’
iVdieu , mon cher fils , faites fouvenit
votre-mere, qu'il faut entretenir us
peu d’eau dans mon cabinet , de peut
^ue les fouris ne ravagent mes livres,
i^and vous m’écrirez , vous pourrei
vous difpenler de toutes ces cérémo-
nies , & de tris ■ hmdfle firvitm.
Je connois même aifez votre écriture,
fans que vous foyez obligé de mettre
Votre nom.
f^téinebUm le $o. OUabre,
M. Defpréaux a raifon d’appré-
hender tjue- vous ne perdiez un
peu le goût des Belles • Lettres peu-
«ant votre cours de Philorophie ;
tnaîs ce qui me raifûre e£ la réfo-
iution où je vous vois de vous en
rafraichir fouvent la mémoire par la
lûâ^ve des. maillema Ameu^ D’#
â s Ô M Fil 9. 315
leurs vous étudiez fous un Régent
^ui a lui mêipe beaucoup de lettres &
d’érudition. Je contribuerai de mon
côté à vous faire reflbuvenir de tout
ce que vous avez lû ; & je me ferai
un plaifir de m’en entretenir fouvent
avec vous.
Votre fœur aînée fè plaint de vous;
& elle a raifon. Elle dit qu’il y a plus
de quatre mois qu’elle n’a reçû de vos
nouvelles. 11 me femble que vouai
devriez un peu répondre à l’amitié
fincere que je lui vois pour vous :
une I..ettre vous couteroit-elle. tant
à écrire ? Quand vous devriez ne
l’entretenir que de vos petites fosurs,
vous loi feriez le plus grand plaiGr
du monde. Vous avez raifon de me
plaindre du déplaifir que j’ai de voir
fouffirir fl loogtems un des meilleurs
amis que j’aie au monde ( 1 ). J’efpere
qu’à la fin , ou la nature, ou les re-
mèdes ..lui .dbnnsïbnt.qüdque Toulâ-
gement. J’ai la confplation d’entendre
dire aux Médecins , qu’ils ne voient
rien à craindre pour (à vie: fans quoi je
vous avoue quejeferois inconfolable.
O Z
( l ) MaNuOlCa
Le'TTRSS se RACtME
Comme vous ères carieux de noo>
velles , je voadroîs on avoir beaa*
«oup à vous mander. Je n’en fais que
^ux jufqa’ici qui doivent faire beau-
coup de plaifir : l’une eft la prile prd*-
^ue certaine de Diarléroi : fantre efi
ù. levée du fiége de Belgrade. Quand
je dis que cette nouvelle -doit fane
plaifir y ce n’-eft pas qu’à parler bia
chrétiennement 9 on doive fè rgoinr
des avantages des Infidelles ; mais
l’animoficé des Allraiands eft fi grande
contre noos , qu’on eft prefque obli-
gé de remercier Dieu de leur mau-
vais fuccés , afin qu’ils foient forcés
de faire leur paix avec la France, &
de confentir au repos de la Chrédes-
- sé , plutôt que de s’accommoder
avec les Turcs.
^ FonuûnthteoH le tf. Nevemhr.
/
MOn cher fils , vous me faites
plaifir de me mander des nou-
velles ; mais prenez garde de ne les
Êas prendre dans la Gazette de Hol-
inde : car ouue que nous les avons
JC SON F ï t sr. îfi.7
eomme vous ^ vous y pourriez ap-^
prendre certains termes qui ne valent
rien , comme celui de reentter , donc
vous vous fervez , au lieu de quoi
il faut dire,j^/>v des récriât-
moi des nouvelles de vos fœurs ^
il efl bon de diverGiier un peu , âc
de ne vous pas jêtter toujours fur
i’Irlande & fur l’Allemagne.
Le combat de M. de Luxembourg;
a. été bien plus conGdérable qu’on ne
le croyoic d’abord. Les ennemis ont
JaifTé 1 300 morts fur la place plus
de joo prifonniers, parmi lefquels on
compte près de cent Officiers. On
leur a pris auffi 36 étendarts & ils-- '
avouent encore qu’ils ont plus de deus
mille bleffé» dans leur armée. Cette
vièioire eG; fort glorieulé. La Maifon
du Roi a fait des chofes incroyables^
n’ayant jamais chargé l’ennemi qu’ài
coup d’épée. On dit que chaque Ca-
valier. efl revenu avec. Ton épée toute
iànglante. On a appris ce matin , que
M. de Boufflers avoit battu- auffi l’ar-
riere- garde d’un corps d’Allemands*
qui étoient auprès de Dinant. Ecrivez-
moi toujours ; mais que cela n’em-
pêche pas voue chere mere de m’écrtr
Oi ‘
3i8 Lettres be Racxhe
re y car je lêrois trop fâché de Di
point recevoir de lês Lettres. Adieu,
mon cher enfant , embrallêz - la pour
moi y 3c faites mes bailê- mains à vos
fœnrs.
^ FontMintblea» le lo.
JE ne faurois m’empêcher de vow
dire y mon cher fils , que je fuis
très-content de tout ce que votre
mere m’écrit de vous. Je vois par fes
Lettres que vous êtes fort atachéâ
bien faire , mais fur-tout que vocs
craignez Dieu , & que vous prenez
du plaifir à le fervir. C’efi; la plus
grande fatisfaéh'on que je poifle rece
«/voir y & en même tems la meilleure
Vvfortune que je vous puille (buhaiter.
yj’efpere que plus vous irez en avant,
Iplus vous trouverez qu’il n’y a ce
; véritable bonheur que celui-là. Pap
prouve la maniéré dont vous diftri-
buez votre tems & vos études; je
voudrois feulement qu’aux jours que
‘vous n’allez point au collège y vous
‘pâffiez relire Cicéron,- & vtnis ra-
jï s O K F r L Si gi5j»
fraichir la mémoire des plus beaux
endroits , ou d’Horace, ou de Vir-
gile; ces Auteurs étant fort propres
à voiis accoutumer à penièr & à
écrire avec juftefle & netteté.
Vous direz à votre mere que le'
pauvre M. Sigur aeo la jambe coupée^
ayant eu le pied emporté d’un coup
de canon. Sa femme , qui l’avoit épou-
fé pour fa bonne mine', a employé 1»
meilleure partie de fon bien à lui
acheter une chai^ ; & dès la prev
I zniere année il lui en coûte une jambe.
II a eu un grand nombre de Tes ca--
marades tués ou blelTés , je dis dea
Officiers de la Gendarmerie ; mais
en récompenfe la vi^ire a été for&
grande, & on en aprend tous lës jours*
de nouvelles circonftances très-avan-
tageufès. On fait monter la perte de&
ennemis à prés de dix mille morts. '
J’ai vû les drapeaux & les éten*
darts qu’ a envoyé M. de Catinat: &
& je vous confeille de les aller voir
à Notre • Dame. Il y a cent deux dra-
peaux , & quatre étendarts feulement ;^
ce qui marque que la cavallerie en-
nemie n’a pas fait beaucoup de réû-
âaoce , & a de bonne heure abanr
O 4
^19 Xettkss BE Racine
donné l’infanterie , laquelle a prefqHe
été toute taillée en pièces. Il y avoit
^es bataillons entiers d’Efpagnois qui
f fe jettoient à genoux pour demander
i quartier, & en l’accordoic à quelques-
uns d’eux , au lieu qu’on n’en faifoit
point du tout aux Allemands , parce
Îiu’il» avoient menacé de n’en poiot
aire. M. l’Archevêque de Sens aper-
du M. fon frere à la bataille.
^ FmMÎnthUaH U tf. Seftetnbrt.
i
JE vous fuis obligé du foin que vous
avez pris de faire toutes les choies
que je vous avois recommandées. Je
fuis en peine de la fanté de M. Ni-
cole , & vous me ferez plaifîr d'y
envoyer de ma part , <& de m’en
mander des nouvelles. Je croiois avoir
rois dans mon pacquet un livre , que
j’ai été fort fâché de n’y point trouver.
Ce font les Ffeaumes Latins de Va-
lable à deux colonnes , & avec des
-•4tetes /m-8*’. qui font à la tablette où
je mets d’ordinaire mon Diurnal : je
vous prie de le chercher, de l’empac-
A , SON F l L- S.
qpetter bien proprement dans du pa*
pier , & de me l'envoyer. J'écrirai de-
main à. votre roere ; faites - lui me»^
fmmplimeo8',.& àvoafœurs.
^ BontMntbU/tu-le 23. Mai,
JE vous priedè Ære à^M. Grima--
rets y qi^ j’ai lû fon Mémoire à-
M. le Chancelier*» qui a dit que M.-
Gouüa penfoit qu’on ne pouvoit rien
faire de. bon ni d’utile au public de -
te projet. Je verrai M. de Harlay ,
& lui demanderai s’il veut & s’il peut
fe mêler de cette affaire » & entre-
j^rendre de petluader M. le.Chance-
ber.'.
11 me paroît par votre Lettre que
vous portez un peu d’envie à Made-i
moifellede la C..de ce qu’elle a lû pli^J
de Comédies & de Romans que vous.
Je vous dirai avec la lincerité avecÂ
laquelle jç fuis obligé de .vous parler,»^
que j’ai un extrême, chagrin <jje voua
falTièz.tant de cas de toutes ces niyi-
lêries , qui ne doivent fervir totlTau-
déljài]^ ^elquefbis l’efprit^
3H Lettres de Racine
pourrez ; & faites mes complitoens
a votre roere. li n’y a ici aucune nou*
velle , fmoD «^ue le Roi a toujours
la goutte.
ui Pâtis ce 3, Jma.
’Eft tout de bon que nous par-
tons pour notre voyage de Pi-
cardie I ). Comme je ferai quinze
jours fans vous voir , & que vous
êtes continuellement preTent à mon
efprit ,|e ne puis m’empêcher de vous
répéter encore deux ou trois ehofès,
que je crois très • importantes pour
votre conduite.
La première , c’eft d’être extrê-
mement circonfpeét dans vos paro-
les , St d’éviter la réputation d’être
un Parleur , qui eft la plus mauvaife
réputation qu’un jeune homme puilTe
avoir dans le pays où vous entrez.
La fécondé eft d’avoir une extrême
alloit à Montdidicr, la patiie de ma mece. Toa«
les leil Lettres fuivantes ont été écrites à mon frcre , le-
fû en (uiTiva^ce de ia charge Gentil* homme otdi«
JMiXCb
.1
K SON F I t S, 325;
docUké pour les avis de M. & Ma*
dame Vigan , qui vous aiment com-
me leur enfant.
N’oubliez point vos études &
cultivez continuellement votre mé-
moire , qui a grand befoin d’être
exercée. Je vous demanderai compte
à mon retour de vos leâures^ât fur-
tout de l’HHloire de France , dont
je vous demanderai à voir vos ex-
traits.
Voua favez ce que je vous ai dit .
des Opéra Ôc des Comédies : oa en
doit jouer à Marly. Il efl; très- impor-
tant pour vous & pour moi - même
qu’on ne vous y voie point, d’autane
plus que. vous êtes prélentement à
Verfailles pour y faite vos exercices»
& non point pour aflUter à toutes
ces fortes de divertiHemens. Le Roi
& toute fa Cour favent le fcrupule
que je me fais d’y aller & ils au-
roient très-méchante opinion de vous»
fi à l’âge où vous êtes , vous aviez,
fi peu d’égard pour moi & poux'mes
fentimens. Je devois.avant toutes cho-
ies vous recommander de ibnger tou-
jours à votre falut , & de ne point per-
dre l’amour que Je vou4 aivùpou li|
|â5 Letthes DE R'ACiirE
Heiigion. Le plus grand déplaiOr qw
puifle m’arriver au monde , c’eft s’il
me revenoit que vous êtes un indé*
vot , Sc que Dieu vous eft devenu
[ indifférent. Je vous prie de recevoir
^ cet avis avec la même amitié que je
vous le donne. Adieu-, mon cher fils,
doanea-moi fouvent de vos nouvelles.
A Monàidier U p. Jmtf^
Votre Lettre nous a fait ici un
très-grand plaifir ; & qnoiqu’el-
ïe ne nous ait^s apris beaucoup de
nouvelles , elfe nous a du moins fait
juger qu’il n’y avoit pas un mot de
vrai de toutes celles qu’on débite dans
ce pays-ci. C’eft une plaifante chofe
que les Provinces : tout fe 'monde y
* eft nouyeliftedèsle.-berygi)n
ii’y rencontrez que gens qqi d^tenc
graVêmehT àffirmayx£p?i^ les
phrs~ fbt tes : cB'ô'i^’ du monde. Pouf
moT jè n’ai rien à-votis mander de ce
pays , qui foit capable de vous inter-
reffer , fi ce n’eft que je fuis tfès-con-
ténc des Dames de Vanwille » & que
A SON Fils. 3^7
Babet ( i ) a une grande impatience
d’entrer chez elles. J’efpere que jerè*
cevrai encore une Lettre de vous
avant que de partir.
Je Tousfais très-bon gré des égards
2ue vous avez pour moi au fujet des
>péra & des Comédies ; mais vous
'Voulez bien que je' vous dife que ma
joie feroit complette , fi le bon Dieu
entroit un peu dans vos confidéra*
lions. Je fais bien que vous ne ferez
pas deshonoré devant-Je» hommes en
y allànCrûiais comptez • vous-, pour
ftSfT3?VétlS Besfiohürêr’dëv^nt Dieu?
Penfez • vous , vous - même , que lés
hommes ne trouvaflenf pas^étrange
de vous voir à i^tre âge pratiquer
des maximes fi différentes des mien-
nes? Songez quPM. le Duc deBourgo-
gne , qui a un goût merveilleux pour
toutes ces chofes, n’a encore été à
aucun-fpeflacle ; & qu'il veut bien en
cela fe laiffer conduire, par les gens^
qui font chargez de Ton éducation.
Et quels gens trouverez- vous ^yu mon-
de plus fages & pluseftimés que ceux-
(1) Une de mes Soeurs <|ui £e fit Rcligieufe chçx
'ici VàoÊCtik Yaürvük » xmuc dt IronicTUii^* *
# %
4
• aSs Lettres de Rac'ike
là ? Du refte , mon fils, je fuis fort
content de votre Lettre relie n^anil
fait beaucoup de plaifir à votre me-
re , excepté l’endroit où- vous par
lez de la cire que vous avez- lailTc
tomber fur votre habit.
A: P^rû ce. Z.7* lutte.
ON m^avoit dé|à dit la nouvelle
delaprife d’Ath;& j’en ai beau*
coup de joye. Vous me ferez plaifir
de me mander tout ce que vous après-
diez de nouveau. Voici un temsaflez
vif,& où. il peut arriver à. toute heu-
re nouvelles importantes. 11 ü
pourroit bien . Caire que je vous iroû
voir Mercredi : car j’ai quelque envie
de mener votre Mere & vos Sœurs à
• Port>Royal , pour y être à la procef-
fion de rOâave , & revenir le lende-
main. Elles font toutes en bonne fao-
té , Dieu merci y & vous font leurr
complimens. J’allai hier aux Carméli-
tes avec votre Sœur aînée. Je vous ex-
horte à aller faire votre courà Mada-
fù& la CQffltdTe de Gramoad ^ & à
A SON Fils. 3.29
Madame la DuchelTe de Noailles ,
qtti ont l’une & l’autre beaucoup de
bonté pour vous. Votre petit frere
eft tombé ce matin la tête dans le
feu ; & fans votre mere qui l’a relevé
fur le champ , il auroit eu le vifage
perdu t il en a été quitte, pour une
brûlure à la gorge : nous fommes bien
obligés de remercier le bon Dieu de
ce qu’il ne s’eflpas fait plus de mal. Vo-
tre foéur fé prépare toujours à.entrer
aux Carmélites Samedi ; & tout ce que
je lui ai pâ.dire , ne Ta pâ perfuader de
différer au moiusjulqu’à un autretems.
Madame de F... eft à l’extrémité.
Vous voyez par^là que notre heure
cfl bien incertaine. & que le plua.
fbr eft d*y penfer le plus férieufementn
& le plus fouvent qu’on peut. Votrtf
mere aura foin de vous envoyer du
,-4inge à dentelle- Adieu.
\
33iï Lsttkes DB Ractn 7
confacrer à Dieu. Votre fœur Na-
nette nous accable tous les jours de
Lettres , pour nous obliger de con-
fentir à la laifTer entrer au novi-
ciat. J’ai bien des grâces ^t rendre à
Dieu , d’avoir kifpiré à vos fœurs
tant de- ferveur pour Ton ler\Mce>&
un n grand defîr de fe fauver. Je
. Toudrois de tout mon cœur que de
tels exemples vous. touchaiTenc afièz
pour vous donner envie d’être bon
Chrétien. (' i )• Voici- un tems où
vous voulez bien, que je vous exhor-
te par toute latendrelfe que j’ai pour
vous à faire quelques. rêSexions uo
.'peu férieùfes fur la néceffité qu’il y
a de travailler à fon falut, à quelque
état que l’on Ibit apellé. Votre me-
re , auffi bien que vos Iceurs , & vo-
tre petit frere , auroient beaucoup de
joye de vous revoir. Bon ibir mon
cher fils.
(i ) Cetce Icsttfe écrite, pendant .la. Scmaiae
.Sainte.
%
^ *
â i ON F I t s. 333
A MADEMOISELLE RIVIERRE
s A SOB V«. l'i)
A Tmt U 10 f4tiv}0r.
«
JE vous ëcns , ma chere'Sœar , pour
une aSàipe où vous pouvez avok
intérêt auffi bien -que moi , & fur la*
quelle je vous ftiplie de m’éclaircir le
plûtôt que vous pourrez. Vous fa*
vez qu’il y a on Edit qoi oblige tou»
ceux qui ont ou qoi veulent avoir des
armoiries fur leur vailTelleoo ailleurs ,
de donner une fomme qui va au plus
ù 35 livres, & de déclarer quelles
fontieurs armoiries. Je làis que cel-
les de notre fiami|le font un Cigne j
mais je ne fais pas quelles font les
couleurs de réoillon , & vous me
ferez un grand plaifir de vous en inf-
sruire. Je crois que vous trouverez
nos armes peintes aux vitres de la
é
»
( I J Je mets cette Lettre , parce qu’elle Ftit coa*
lioître la gën^ofité de mon pete envers de pauvres pa*
zens Elle eâ écticc à ma tante , qui a vdcu à la Eoc-
td Milofl 92 ans.
■«JL Lbttbbs de Racik^e
mifon que notre ««nd-pere bi
Vtîr T’ai oüi dire auffi à mon Oncle
^ Racine , qu’elles étÿnt Peintes aut
► vhres de quelque Eglife de
i té-Milon j tîwshez de vous en éclair-
• cir J’attens votre réponfe pour me
déterminera & pour potier monar-
^^'î-e jeune homme qui recherche et
tnariaee ma petite coufine M.i. m elt
venutrouver. Je lui ai promis de don-
®er à ma confine cent livres. Je lui
ai dit que dans l’état où font prefen-
«ement mes affaires , je ne i^v^
donner davanuge , & je lui ai dit
vrai, à caufe de tout l’argent que je
dois encore pour ma charge. Je do«
■fur - tout éooo livres qui ne portent
«oint d’intérêt; & l’honnêteté veut
• que je les rende le plûtôt que je pour-
xai . pour n’être pas à charge a ma
amis. J’efpereqne dansunau^teiM
ie ferai moins preffé , & alors je pour-
rai faire encore quelque peut prefent
à ma confine. ,
..Le coufin H. - - - - eft venu ici fait
comme un miférable, & a dit a ma
femme, en prefence de tous nosdo-
meffiques , qu’il éioit moa couCa
A S OT» F 1 1 S. 535f
Vous favez comme je ne renie point
mes parens , & comme je tâche à les
foulager : mais j’avoue qu’il eft un
peu rude qu’un homme qui s’efl: mis
en cet état piu* fes débauches & par
fa mauvaife conduite , vienne id
nous faire rougir de fa gueuferie. Je
lui parlai comme il le méritoit^ & liai
dis que vous ne le laifleriez manquer
de rien s’il en valoir la peine ; mais
qu’il buvoit tout ce que vous aviez
la charité de lui donner. Je ne laiflai
pas de lui donner quelque cbofe pour
s’en retourner. Je vous prie aufli de
ralTilter tout doucement , mais com*
me fi cela venoit de vous. Je facri» _
fierai volontiers quelque choie par \
mois pour le tirer de la néceflité. Je*^
vous recommande toujours la pauvre
Marguerite , à qui je veux continuer
de donner par mois comme j’ai tou*
Jours fait : fi vous croyez que l’autre
jjarente foit auill dans le befoin , don>
aieZ'lui par mois ce que vous jugerez
il propos.
Je ne fai fi je vous ai mandé que
xna chere fille aînée étoit entrée aux
<Carraelites : il m’en a coûté beaucoup
xie larmes i mais elle a voulu abfolu-
i
LbTTRB-S Bi RACtNB
ment fuivre ia réfolution qu’elle avok
prife. C’étoit de tous nos enfans cel*
le que j’ai toujours le plus aimée, &
dont je recevois le plus de -confoli*
tion : il n’y avoit rien de pareil à IV
mitié qn’eiie me témoignoic. Je l’â
été voir pluüears fois. £lle «ft char*
mée de la vie qu’elle mène dans ce
Monafliére , quoique cette vie foit
fort aullére ; & toute 1a maifbn el
\ charmée d’eHe. Elle eft infinimeix
'tpius gaye qu’elle n*a jamais été. Il
saut bien croire que Dieu la veut dass
cette maifon , puifqu’il fait qu’elle y
trouve tant de plaiGr. Votre petit
neveu ell toujours bien éveillé. Adies,
ma chere fœur , je fuis entièrement
à vous. Ne manquez pas de me tenir
parole , & de m’employer dans tou*
tes les chofes où vous aarcB befoû
de moi.
LETTRE
s son Fils. 337
4
— P— — ^
LETTRE DE REPRIMANDE
i fin Fils , qui étant chargé de per^
ter ht dépêches du Rey a M. de Bon-^
repaux , notre Ambaffadeur en Hollan»
de , t'arrha par curiojité à Bruxelles»
Toutes les Lettres fiuvantet Im jurent
écrites pendant fin féfour en Hollande^
A Farts et x6 Janvier i6pS»
VRai • femblablement tous avec
pris des Mémoires de M. de Cé-
ly , ( I ) pour avoir fait une courfe
aufli extraordinaire , que celle <]ue
vous avez faite. J’étois fort en peine
ie prenoier jour de votre voyage, dans
la peur où j’étois , que par trop d’en>
vie d’aller vite , il ne vous fut arri«
vé quelque accident ; mais quand j’a« ■
pris par votre Lettre de Mons , que'
vous n’étiez parti qu’à neuf heures
de Cambrai, oc que vous tiriez vani-
té d’avoir fait une li grande journée ,
( I ) Il U BOavclIe de la paix de H/fv
Jlfit 6 peu de diligence . m qquid il arriva, le
üinoif la Bouveye,
TmeA C
Lettres de Eacive
Je vis bien qu’il faüoit fe repofer fut
I TDus de la confervaciofi'de votre per*
I fpnne. Votre long féjonr à Bruxel*
I les , & toutes les vifites que vous y
s(vez faites , méritônt que vous en
donnièz une relation au public. Je
lie doute pas même que vous n’y ayez
été à rOpéra , avec les dépêches du
Koi dans votre poche. Vous rejettez
iR faute de tout fur M. Bombarde ,
comme fi en arrivant à Bru;^elles ,
TOUS n'aviez pas dû courir d’adord
chez lui , & ne vous point coucher
que vous n’eulliez fait vos affaires ,
pour être en état de partir le len-
demain matin. Je ne fais pas ce que
4iralà-deflùsM. de Bonrepaux^ mais
I Jé fds bien que vous avez bon befoin
. de réparer par one conduite fage à
la Haie, la cçnduite peu fènfôe que
vous avez eûë dans votre voyage.
I^ourmoiy je vous avoué’ que j’apré-
faende de, retournera la Coin*, <St fur*
toiit de paroîire devant M. de Tor-
cy , à qui vous jugez bien que je
lioferai paS demdnc^ d’ordonnance
pour votre voyage , n’étant point
Jufie que le Roi paye la curiofîté que
vous ive; eue de voir .les Chanoit
>* * . ,
X I d M. P 1 t s.
neflês de Mons , & la Cour de Bru*
zellea. Vous ne me dires pas un mot
d’un homme que vous auriez pû al-
ler voir à Bruxelles , & pour qui vous
favez que j’ai un très-grand refpéét.
Vous ne me parlez pas non plus dé
nos deux Plénipotentiaires pour qui
vous aviez une dépêche : cependant
je ne comprens pas par quel enchan-
itement vous auriez pû né les pas renr
krontrer entre Mons'& Buxeiles.
Comme je vous dis ' Banchement
ma penfée pour lé mal , je veux bien
vous la dire aoffi pour le bien. M*
l’Archevêque de Cambrai parolt très-
content de vous , & vous m’avez fait
plaifîr de m’écrire le détail des bonz
traitemens que vous avez reçûs de lui,
dont' ilne m’a voit pas mandé un moc^
témoignant même du déplaifir de ne
vous zvoir pas afiez bien fait les hon-
neurs de Ion Palais brûlé.
Cela m’oblige de lui écrire une
nouvelle Lettre de remerciment. Vous
trouverez: dans les balotsde M. l’Am-
baifadeur , on étui où il y a deux cha-
peaux pour vous , un caltor fin , 3c
un demi-c^or;-& vous y trouverez
luiH une paire ^ Ibuliecs desFreres.>
34^ Lettres ce Racine
Âa noiû de Dieu , faites un peu de
téflezion lùr votre conduite ; & dé*
fiez-vous fur toutes chofes d’une cer*
J^inefantaiGe qui vous porte toûjours
fatisfaire votre propre volonté , an
'^hazarddetoutcequi en peut arriver.
Vos fœurs vous font bien des com>
plimens , Sc fur-tout Nannette.
Paris le. ji.
Votre mere & toute la famille , a
eu une grande joye d’aprendre
que vous étiez arrivé en bonne fan*
té* Je n’ai point encore été à la Cour;
mais j’efpére d’y aller demain. Je
çrains toujours de paroître devant M.
ée Torcy , de peur qu’il ne me falTe
des plaiianteries fur la diligence de
votre courfe ; mais il faut me réfou*
dre à les elTuyer , & lui faire efpérer
qo’uneautrefois vous irez plus promp*
tement!^: fi' l’on veut bien vous con-
fier à l’avenir quelque choie dont on
ibit prelTé. Je vois que M. de Bonre-
paux a pris tout cela avec fa bonté
pnlioaire , ât . qu’il tâche même de
N
A SON Fit».
Voos excofer. Du refte vos Lettres
nous font beaucoup de plaifir ; & je
-ferai bien aife d’en recevoir fouvent.
Faites mille complimens pour moi à
M. de fionnac. ( i )
A MmU U 5. Février,
IL eft }u(le, mon fils , que je vous
faflè part de ma làtisfaâion , corn»
ne je vous ai fait fottffrir de mes
inquiétudes. . Non*feulemeDt M. de
Torcy n’a point pris ru mtd votre
féjour à Bruxelles ; mais il a même
approuvé tout ce que vous y avez
fah, & a été bien aile que vous ayez
fait la révérence à M. de Bavière^
Vous ne devez pcûnt trouver étrange
que vous aimant comme je fais, je fois '
Il facile à allarmer fur toutes les cho*
fes qui ont de l’air d’une faute , &qui
poiuToient faire tort à la bonne opi-
nion que je fouhaite qu’on ait de vous..
On mz donné pour vous une ordonp
nance de voyage : j’irai la recevoir
Neyca de M« de Bonirpaai.
LbTTKBS, DB R A CINE
quand je ferai à Paris , & je vom
en tiendrai bon compte. Mandez-moi
bien franchement tous vos be*
foins.
J’approuve au dernier point let
fentimens où vous êtes fur toutes les
§^tés de M. de Bonrepaux y & U
réfolution que vous avez prife de n’en
point abufbr. Témoignez à M. de
Bonnac ma reconnoiflance , pour Ta*
initié dont ii vous hoiibre : fon ' ex*
vrême honnêteté eft un beau modèle
toour vous j;& je né Ihurois aflTez loues
^Dieu de vous avoir procuré des amis
dé ce méricei Vous avez eu quelque
raifon d’atiibuer Theureux fuccès de
■Votre voyage , par un fi mauvais
■tems , au^ prières qu’on a faites pour
vous. Je compte les miennes pour
rien : mais votre mere & vos petites
fœtirs prioient tous les jours Dieu qu’H
vous préfervât de tout accident j &
•On faifôit la même chofe à P. R. Je
dôme que votre fœur puiflè y de*
■‘■meurer iongtems, à caufe de fesfré*
'quentés migraines, & à caufe qu’il y
a fî peu d'apparence qu’elle y puiiTe
reflier pour toute fa vie.
Je ne fais û vous favez que M.
A S O N F I t S. 3f45
Corneille , notre confrère , (i) eft
mort. 11 s’étoit confié à un Clfarlatao,
qui lui donnoit des drogues pour lut
difiToudre fa pierre. Ces drogues lui
ont mis le feu dans la. veffie. La fièvre
Ta pris , & il e(l mort. Sa famille de* *
mande fa charge pour Ion petit cou*
lin , fils de ce brave M. de Marfilly ,
qui fut tué à Leuze , & qui avoit épcTQ*
fé la fille de Thomas Corneille. Je
vous écrirai une autre fois plus au
long ; le jour me manque , & je fuis
parefleuz d'aUumer n» bougie.
ne pouvez m’écrire trop fouvent^
Vos Lettres nqelêmblent très* naturel
lement écrites ; & plus voua en écti*
rez , plus aulH vous aurez de facilkè>
J’ai lailTé votre raere en bonne lânté.
Vous ne fauriez lui faire trop de
d’amitié dans vos Lettres » car elle
mérite que vous l’aimiez, & que voua
lui en donniez des marques. J’ai lû k
M. le Maréchal de Noailles votre
deroiere Lettre , où vous témoignes
tant de reconnoifi^nce pour les bons
traitemens que vous avez reçûs de
W CcAtUtOmme oïdinv te » pafcat de CocacUIe;^
^44 Lettres de Râcike
M. le Prince & de Madame la Priace(
fe de Straerbak. M.deTorcy m’a ap-
pris que vous étiez dans la Gazette
de Hollande : fi je l’avois fû , je l’an-
rois fait acheter , pour la lire à voi
petites fœurs , qui vous croiroieni
devenu un homme de conféquence
^ F4r/s et 15. Fivrier.
JE crois que vous aurez été con-
tent de ma derniere Lettre, dtde
la réparation que je vous y faifois de
tout le chagrin que je puis vous avoir
donné fur votre voyage. J’ai reçû
votre ordonnance au Tréfor Royal;
mais quelques inftances que M. de
Chamlay , que j’avois mené avec moi,
ait pû raire à M. de Turmenies, je
n’en ai pû tirer que 900 livres : en
prétend même que c’efl beaucoup-
Nous vous tiendrons compte de cet-
te fomme ; & vous n’aurez qu’à prier
-M. l’AmbalTadeur de vous donner
l’argent dont voqs aurez befoin : j’au-
rai foin de le donner aux perfonnes
àquiil me mandera de le donner. J’ai
Jt s O w P 1 t s; 345"
ic^evé de payer ma charge , & nou»
ivons remboarfé Madame Qainauc y
nais vous jugez bien que cela nous
eflerre beaucop dans nos suaires ^
Sc qu’il faut qoe nous vivions d’cecq*
romie pour quelque tems. J’efperé’
nie VOUS' nous iûderez un peu en ccla^
St que vous ne fongerez pas à nouS'
^ire des dépenfes . inutiles , tandis^
que nous nous retranchons- fou-vent
le néceifaire;-
Vous êtes extrêmement obligé k
M. de Bonac de tout le bien qu’il manl
de ici de vous-: & tout ce que j’ai àl
fbuhaiter ,c’eft que vous fouteniezlai
bonne opinion qu’Ha conçûe de vous» I
Vous me ferez' an fenOble plaifirde
lui demander pour moi' une place
dans ftm amitié ,& de lui. témoigner
conabien- je fuis fenlible à toutes fes '
bontés. Jecrois qu’il n’eil pas befoin-
de vous exhorter à- n’en point abuferf
je vous ai toujours vh une grande ap»
prétenfion d^^^^ kchar^à^pepfoor.
c'eiï une des cho£es>qui me
pUifolenr le plus en vous»
J’ai trouvé à- Verfailles’ on tiroir
tout plein de livres , dont une-partie
ÿtoit 4 moi ^ & l^-^utre vous appar»
-V i S.
34<î Lettres d>e Racike
tient ; je vous les foubaiterois Cous à
la Haye , à la réferve de deux oo
Î trois y qui en vérité ne valent pas la
reliôre que vous leur avez donnée.
J’ai reçû une grande Lettre de votre
lœur ainée , qui étoit fort en peine
de vous , & qui nous prie inflain*
ment de la laifièr où elle eft. Cepen-
dant il n’y a guère d’apparance de
l’y laiiTer plus longtems : la pauvre
enfant me fait beaucoup de compaf-
£on , par le grand attachement qu’elle
a conçû pour une maifon donc les
portes vraifemblablement ne s’ouvri-
ront pas fîtôt. Votre fœur Nanette
eft tombée ces jours palTés , & s’eft
fait un grand inal^^u génoux : mais
elle fe porte bien , Dieu merci.
II me paroit par votre derniere Let-
tre que vous aviez beaucoup d’occu-
pation , & que vous étiez fort aife
d’en avoir. C’ed la meilleure nouvel-
,1e que vous me puilliez mander ; & je
ferai à la joye de mon cœur , quand
je verrai que vous prenez plaiGr à
vous inllruire , & à vous rendre ca-
pable. Ecriyez-moi toutes les fois que
cela ne vous détournera point de quel-
que meilleure occupation. Votre mere
X s O N F I t s.
ièroit Cürieare de Tavoir ce qui vous
cfl: refté de tout ce qu’elle vous avoic
donné pour votre voyage. M. Def-
préaux me demande toujours de vo»
nouvelles , & témoigne beaucoup»
d’amitié pour vous.
^ farii et 23, Pivritr,-
J’Ai attendu (î tard k commencer
ma Lettre , qu’i! faut que jelafadê’
fort courte , fi je veux qu’elle, parte-
aujourd’hui. M.. l’Abbé de Château*
neuf parle très-- obligeamment dfe'
vous ; il ed fur-tout très-édifié de la
réfolution où vous êtes de bien em*'
ployer votre tems. Il a* dit à M.-
Dacier , que le premier livre que voué-
aviez achetté en Hollande , o’étoit
Homere. Cela vous fit beaucoup
d’honneur dans notre petite Accadé--
mie , où M. Dacier dk cette nouN» '
velle : & cela donna fujèt à M. Def=
préaux de s’étendre fur vos louanges y;
c’eft • à - dhre , fur les efpérances qu’iï
a conçûes de vous: car vousfaveæ*
qu& Cicéron dit youe dans un bom»
P &
A son Fils.. 551
meilleur ménagerj!p.eL:SSJJU»a^^
& de vous (buventr que vous n’êces
pas le fils d’un Traitant , ni d’un pre*
mier valet de Garderobe. M. »
qui , comme vous favez , efl; le plus
pauvre des quatre, a marié depuis pei|
fa fille à un jeune homme extrême-
ment riche.
~\rntirr mnrr . mn efl: toujours por-
té^jàJMMÿ-'penrer de vousTcroit que
vous l’informerez de l’argent qui
vous refie , de l'emploi que vous avez
fait de celui que vous avez empor-
té , & que cela fera en partie le fujec
des lettres que vous lui promettez
de lui écrire :mais vraifemblablemene,
vous croyez qu’il n’efi pas du grandi-'
air de parler de ces bagatelles. Nouÿ;
autres bonnes gens de famille , noua
allons plus Amplement , & nou^
croyons que bien favoir Ton compte*,
n’efl; pas audelTous d’un honnête hom^
me. Serieufement vous me ferez plaU
llr de paroître un peu appliqué à vos
petites affaires.
M. Defpréaux a dîné aujourd’hiû
au logis , & nous lui avons fait très-
bonne chere , grâces à un fort bon
brochet , & une belle carpe . qu’oa
35% Lettres DE Racine
sous avoit envoyés dé Fbri>Royal;
^ Jtl. Defpréaux venok de toucher fa
t^nHon , & de porter chez M. Cail*
let , Notaire , dix müte francs , pour
fe faire 550 livres de rente fur la. Vil*
le. Demain M.-de Vaiincour viendra
encore dîner logis avec M. Def-
préaux. Vous jugez bien que cela ne
la vérité je fuisfort content de vous ;
éc vous le feriez- auflir- beaucoup de
votre mere , & de moi , fi vous fa*
viez avec quelle teridrefle nous nous
parlons fouvent de vous. Songez que
' notre ambition eft fort bornée du cô>
té de la fortune , & que la choie que
nouademandohs du meilleur coeur au
, bon Dieu , c’efb quül vous falfe la
’j|;nkce d-’étre homme de bien, <St d'a*
|vôir une conduite qui réponde à l’é*
Vacation que noos avons tâché de
Vous donner. J’ai- été on peu incom-
modé Ces jours palTés fcelâ n’a pas eu
de fuite : votre fœur Nannettc vous
avoit écrit une grande Lettre pfeine
d’amitié. Je ne vous l’envoie pas en-
core $ elle jgrp;fl^oâs>4ropTnon pac-
qoet. A£ètt y mos cher fils* R- me
EXTRAIT D’UNE LETTRE
A Mai>ame i>£ Maint smom.
M ADAME,
Javois pris le parti de vous écrire
8u fiijet de la taxe qui a fi fort déran-
gé mes petites affaires ; mais n’étant
pas content de ma Lettre , j’avois
fimpiement dreffé un Mémoire, dans
le deflein de vous fiûre fupplier de le
prefenter à Sa Majefté. . v Voilà »
M A D A M E ÿ tout naturellement com- *
ment je me fuis conduit dans , cette
affaire ; mais j'apprem que j’en- *ai
une autre bien plus terrible fur les
bras. . . Je vous avoué que lorfque
je faifois tant chanter dans Ëfiher ,
Xm , cbaffez. la catmnk , je ne m’at^
tendois guère que ^ ferois moKmê-
me un jour attaqué par la calomnie.
On veut me faire paffor pour un hotnr
me de cabale., & rébeile à
V
35*4 Lettres se Racine
Ayez la bonté de vous fbuvenir
Madame , -combien de fois vod
avez dit que la meilleure qualité qa
vous trouviez en moi , c’écoit m
foumiflion d’enfant pour tout ce qoj
FEglife croit & Ordonne, même dan
les plus petites cho&s. J’ait fait pi
votre ordre près de trois mille ven
fur des fujets de piété ; j’y ai parié
ailûrément de toute l’abondance de
mon cœur , & j’y ai mis tous les fen<
timens dont ^’étois le plus rempli.
V ous eft-il jamais revenu qu’on y eût
trouvé un leul endroit qui approchât
de l’erreur ?.. .
Pour la caballe , qui eft*ce qui n’eo
peut être acculé ,11 on en accufeuo
homme aufli dévoué au Roi que je le
fuis , un homme qui pafie fa vie à
.penlèr au Roi, à s’informer des gran-
des aéHons du Roi, &à infpirer aux
autres les ièntimens d’amour & d’ad-
miration qu’il a pour le Roi ? J’ofe
dire , que les grands Seigneurs m’ont
bien plus recherché qiie je ne. les re-
chercliois moi-même : mais dans quel-
que compagnie que je me fois trou-
vé , Dieu m’a fait la grâce de ne rou-
gir jaihEis , ni du Roi , ni de l’Evao-
t A s 0 F I i ». 355
( gîle. Il y a des témoins encore vi>
j vans , qui pourroient vous dire avec
; quel zèle on m’a vâ fouvent combatr-
^ tre de petits chagrins , qui naillènc
. quelquefois dans l’erprit de gens que
f le Roi a le plus comblés de fes gra-
\ ces. Hé quoi , Madame , avec quel*
■, le confcience. pourrai je dépofer à la
’ poftérité , que ce grand Prince n’ad-
^ xne’ttoit point les; faux rapports coor'
!. tre les: perfonnes qui lui étoient les
] plus inconnuës , s’il faut que je faffe
' xnoi'même une fî trille expérience dU
. contraire ? '
' Mais je fais ce qni a pû donner
lieu à une accufaiion fl injuHe. J’ai
; une tante qui e(l Supérieure de P. R»
' & à laquelle je crois avoir des obl>
gâtions inflnies. Ç’ell elle qui m’ap»
y] prit à connoître Dieu dès mon en*
fance ; & c’eR elle aulfi dont Dieu
s’ell fervi pour me tirer des égare-
mens & des mifères où j’ai été en*
, gagé pendant quinze années de ma
'' vie. Elle a eu recours à moi. . . Pour
’ vois-je , fans être le dernier des hon>
mes , lui refufer mes petits fecours
dans cette néceilité ? Mais à qui cfl-
; ce, Maoakx, que je m’adi^eflÀt
4
^5^. LBtTkES DE RiCIVE
de ce que vous ne lui écrivez point;
mais le commerce de Lettres entre
}ui& vous étant auffi cher qu’il. e(l,
vous ferez adffi làgement de ne vocs
pas ruiner les uns les autres ( i).
Votre mere fe porte bien : Ma(j^
Ion & Lionval (a) font un peu incom-
modés : & je ne fais s’il ne faudn
point leur faire rompre Carême J'ec
etois aflêz d’avis ; mais votre mere
croit que cela n’efl: pas nécelTaire.
Comme le tems de Pâque approche,
TOUS voulez bien que je fonge un pe:
à vous , & que je vous recommande
auffi d’y fonger. Vous ne m’avez en-
core rien mandé de la chapelle de M.
TAmbafladeur. Je fai combien il eil
attentif aux chofes de la Religion
qu’il s’en fait une affaire capitale. £(t-
tce des Prêtres féculiers par qui il ia
[fait dëfervir ? ou bien font-ce des R^
yigieux ? Je vous conjure de prendre
en bonne part fes avis que Je vou
donne là-deffiis , de vous iouvenir
que comme je n’ai rien plus à cœur
( I J Ce n*étoit point par avarice. Il loi recomiDaniicra
bientôt de lui adiellèr toutes les Lcîtret ^u*il desixa )
Boileau j âc il l'exboitc à lui éttixe,
( à ) C*étcit moi. ‘
"k s O K Fils.
ttt jamais remettre le pié au logis ;
elle prétend s’aller enfermer dans Gif,
& s y faire Religieufe , fi ^lle perd
l’efperance de l’être à P. R. Elle m’a
écrit là^deflus des Lettres qui m’ont
troublé & déchiré au dernier point ;
& je m’afliire que vous en feriez at«
tendri vous-même. La pauvre enfant
a eu jufqu’ici'bien des peines , & a
été bien traverfée dans le deflein
qu’elle a de fe donner à Dieu : je ne
fai quand il permettra qu’elle ménet
une vie un peu plus calme & plus
iieureufe. Elle étoit charmée d’être à.
P. R. & toute la maifon étoit aulR
très-contente d’elle. Il faut fè foumet*
tre aux volontés de Dieu. Je ne fuis
guère en état de vous entretenir fut
d’autres matières ; & j’ai eu mille pei«
ses à achever la Lettre que j’ai écrite,
à M. rAmbafiadeur. Je pars demain
pour aller à P. R. & régler toutes cho>
les avec ma Tante j de-là j’irai cou*
cher à Ver failles , pour aller coucher
Mercredi à Marli.
Je ne doute pas que vous nefoyez
fort aife du mariage de M. le Comte
d’Ayên : il nae témoigne toujours,
beaucoup d’amitié pour vous» Le voi« .
rmt l, ^ ® •
I
ÿfi LCTTXBS OS'.RAtflNB
là préfentement le plas riche Seignetf
<de la Cour. Le Roi donne à Mad6
iinoireUe d’Aubigné 800 mille francs,
4>atre cem -mille francs en pien»
ries. 'Madame de Maintenon all&'
re aufli à fa nièce Ihc cens mille
francs. On donne à M. le Comte
d’Ayen les furvivances des deox Goa*
verneroens , fans compter des pen-
üons. M. le Maréchal de N^oaillesaf*
fure 45 mille livres de rente à M. foD
fils , & lui en donne préiènteroeni
diX'huit mille. Voilà , Dieu merci,
^ grands biens ; mais ce que j'eih'me
Iplus que tout cela , c’efl qu’il efl fort
pUge y & très digne de la grande for-
nune qu’on lui fait. 'Adieu. Ecrivez-
Ü»ow-fewN?i»t*ydk>prioB M»XAflibaf-
iadeur de vouloir vous avertir une
iteure ou deux avant le départ defes
stourriers ,■ quand il fera obligé d’eo
envoyer, ^uand vous n’écririez que
ou douze lignes , cela me fera
fhujours beaucoup de plaifir. Lionval
a été un peu malade : vos petites fteurt
fiîât -en bonne' fanté': votre meré vous
j (écrira datm iie4ix jours. AlTôrez M. de
’ Sonnac de-toute la reconncûflànce
j*9ÎpoiU‘i’«iBk£édoiuii TOUS Jumore,
■ ■ il s © K T ï t ?. 3?^
Je Ten remercierai moi-même à lai
première occaGon , & lorfque j^aura!
refprit un peu plus tranquille que je
ne l’ai.
A tarif le Lamdi JU
J'Âilû avec beaucoup de plaiiirtoué
ce que vous me mandez de la ma>
niere édiGante dont le fervice fe faié
dans la chapelle de' M. fAmbafla-
deur , & fur les difpoGtions o& vouâ
étiez de bien employef ce faint tems.
Je vous aflüre que voü^'âürTez enco*
re penfé plus férieufement <jue vouç
ne faites fur Tinçertitude dé la morc^l
& fur le peu de cas doit fairrf .
de^ Vis , h vous aviez yù le trille
fpeflacle que nous venons d’avoir vo«
tre mere & moi cette aprè's-dînée. Lf
pauvre Fanchon s'étoitplsdntdie beau-
coup de maux de tête tout le matin i
on a été obligé , après le <finer de la
faire niettre fur fon lit; & fur les troi^
heures , comme je prenois mon Gvre
pour aller à Vêpres ,}’ai demandé dé
les nouvelles. Votre mere , qui la ve^
noit de t^itter , m’a dit qu’elle lui
trouvoit un peu de fièvre. J’ai été
'3^4 Lbttrss se Rac-zkb
pour lui tâcer le poüx ; je Tai tronv(
Tonverfée fur fon lit , fans la moind:
connoilTance , le vii^ge tout bouffi
avec une quantitt^ horrible d*eauxqi
llétouffbient , &.faifoient un bruit ei
froyable dans fa gorge ; enfin un
vraie apoplexie.' J’ai fait ûn'graoi
cri , ( I ) & je l’ai prife entre me
bras ; mais fa tête & tout ion corp
n’itoient plus que comme un ling(
iDOuillé. Un moment plus tard eik
étoit morte. Votre mere eft venue
toute éperdue , & lui a jetté quelques
poignées de fel dans la bouche. Os
l’a baignée d’efprit de vin & de vi*
migre ; mais elle a été plus d’une
^ande demi-heure entre nos bras dans
k même état ; & nous n*attendions
me le moment qu’elle alloit étouffer.;
$ous avons vite envoyé chez M. Ma-;
r4chal : il n’y..éto|y)qipt. A la fin , à
fojTçe de la tourmenter , & de lui faire;
avaler par force « tantôt du vin « tan*]
tôt du fel , elle a vomi une qpandu
épouvantable d’eaux qui lui étoieof
tombées du cerveau dans la poitrio
|i ) Cccliftttfignnd» ^u*il câ rcûc dau
f
â s 0 N F I L Si
elle a pourtant été deux heutes en*
tieres ians revenir à elle , & il n’y a
qu’une heure à peu près que la con:
xioiCTance lui efl revenue. Elle m’a en-
tendu dire a votre merè que j’alloia
vous écrire ; elle m’a prié de vous fai- •
re bien Tes coroplimens ; c’eft en quel-
que forte la première- marque de conrt
moiflance qu’elle' nous a donnée, ( i'}
■Je vous affûre que vous auriez été
^ufli ému que nous l’avons tous été*.
IMadelon en eft encore toute effrayée,
& a bien pleuré fa fœur , qu’elle
croyoit morte.
Je vais demain à P. R.d’où j*efpère
ramener votre fœur aînée. Ce fera en-
core-un autre 'fpeftacle fort trifte pour
I mot; & il y aura bien des larmes ver-
>fées à cette réparation. Nous avooa
j jugé qu’elle n’avoit point d’autre parti
à prendre qu’à revenir avec nous, fan»
aller de couvent en cou verrt. Du moins
elle aura le tems de rétablir fa fanté ^
'.qui s’efl fort affbibifè par les auftéri-
tés du Carême ; & elle s’examinera à
Joifir fur le parti qu’elle doit embraflèr, •
i Quel m pour CDgagec ua frere à aimer fcspetiCfift
* bml
^ 0.3
1
ftié Lbttkbs os RjICINE
Kous lui avons préparé la chambre
où couchoit votre petit frere y qui
couchera dans la vô^re avec fa mie.
Vos Lettres me font toujours un eX'
irêtne plaiGr , & même à M. Def
préaux > à qui je les montre quelque-
fois , & qui continue à m’aflurer que
j’aurai beaucoup de fatisfaâion de
VQOs , & que vous ferez des merveil-
les.' Votre. Laquais m’a fait demander
Àne augmentation de gages , difant
pour fes raifons , que le vin ell fort
cher en Hoilandç. Ni je ne fuis en état
d’augmenter fes gages ^ ni je ne crois
point fes fèrviçcs a^ez confidérables
pour les augmenter. Du relie ne vous
lailTez manquer de rien ; mandez-mm
tous vos befpins , & qroyez qu’on ne
peut vous aimer plus tendrement.
Û .» ff’» F .1 B g. *
ui Farit U 14 AoiK . .
. 1
Votre Aeuf comtoence ï fe racv
coutumer avec nous mais non*
pas avec le monde , dont elle paroit^'
toujours fort dégoûtée : eUe prend un*
fore grand A)tn de feÿ petites fgtnxv n
& de fon petit frété; & elle fut foof-
cela de la. meilleure grâce du^ monde*
Votre mere eft édifiée d’elle^ & en re-
çoit ua fort grand fouiagement. â 8(
mIIu bien des combats pour la réfou*
dre 'à porter d^ habits fort firoides&
fort modefbes j qu’elle a retrouvés dans •
ion armoire : & il a fallu au moins liir
promettre qu’on ne l’obligeroit jamais
à porter ni or ni argent. Où je met
trompe , ou vous n’étes pas tout-à-l
fait dans ces mêmes 'fentimens ; &]
vous traitez peut-être de grande foi* ;
blefiè d’efprit cette averfion qu’elle té*-^
xnoigne pour les ajuflemens , & pour'
la parure : j’ajoûcerai même pour la*
dorure. Mais que cette petite reflé*
xion que je fais ne vous effraie point.
Je fais aufli biep compatir à la petitt;
0.4
'3^ IrBTTRfiS SB RaCTXKE
vanité des jeunes gens , comme j
jais admirer la modeftie de votre fœoi
}'ai même prié M. l’Ambafladettr de
vous faire avancer ce qui vous fera
néceflaire pour un habit tel que vous
en aurez befoin : & je m’abandonot
fans aucune répugnance , à tout ce
qu’il jugera à propos.
J’ai été charmé de l’éloge que vous
ne faites de M. de Bonnac , & de la
noble émulation qu’il me femble que
fon exemple vous infpire. Ayez bien
foin de lui témoigner combien je l’bo*
nore , & combien je fouhaite qu’il me
I compte au nombre de fes (erviteurs.
’ Votre petit frere eft fort enrhumé,
aufli-bien que Madelon : tous deux ne
font que toufler. Fanchon ne le ref-
fent plus de fon accident , que M. Fa-
gon appelle un catarre fuffoquant.
Votre mere & votre fœur fe portent
fort bien , & vous font leurs compli*
mens. M. Defpréaux vous fait auffi
les fiens. Il ell à la joie de fon cœur
depuis qu’il a vû fon Amour de Dieu
imprimé avec de grands éloges dans
üdë'réponfe qu’on a faite au P. Dsh
niel. On m’a dit mille biens de plu*
£eurs EccléllalUques qui font en Hol|j
■J
â é 0 Ht F I t s. ^
fende. C’eft une grande confolation de
trouver des tens de bien , & de poa^
voir qdelquerois s’entretenir avec eux
des choies du falot , fur- tout dans un
pays où- l’on eft fi diflipé par les di«
vertifièraens & les affaires. Du refie
j'apprens avec beaucoup de plaiGp
que vous ne voyez que les mêmes-
fens que volt M. l’Ambafladeur ; Su
. vous fréquentiez d’autres comp»'
gnies que les fiennes , je fercMs dan»
de très-grandes inqu^tudes. ^ ne-
vous écrirai pas plus au long', me
trouvant accablé d'affaires au fujet
de l’argent qu’il firnt que jfe donne
pour ma taxe (i)- •
Paris U 15.
J’Ai été ibrrincommodë depuis fis
demiere Lettre quejevoosaiécri*-
te , ayant eu pUifieurs peritstnaux- ÿ.
dont il' n’y en avoir pas un ftul dah*
gefeux ; mais qui étoient tous aflêX^
j7o L^iTTRE's OS Racine
dooloureux pour tn’empécher de dpr« .
BUT la Duû 4 & de m’appliquer durant
te jour. Cet maux étoiepc un fort'grand
ihume • un rhumaiirme . & une petite
éryOpde , ou éréilpelç , qui m’inquié- I
te beaucoup de tems en tems. Cela a
donné occafîon à votre mere , & à
mes meilleurs amis , drm’infulter fut
hjpareiTe que j’^vois depuis fi long*
tems 'tte'Wre des remedes.' J’en ai
donc contraencé . quelques-uns. Vos
deux l^edtes fœurs prenoient hier mé-
decioe , pendapt qu’on me faignoit :
& il fallut quevotre mere me quittât ,
poiur allet Iqrcer.Fanchon à avaller là
médecine : elle a toujours été un peu
. incommodée depuis Ton catarre. Je lui
fi lô votre.4<ettfe- > elle fut fort tou*
chée de l’intérêt que vous peniez a
ia maladie , & du foin que vous pre-
niez de lui donner des confeils de fi
loin ; elte ne fait plus autre chofe de-
puis ce tems-là que de le moucher \
fait un bruit commis' fi elle vouloic
que vous l’entendifliez . & que vous
vifliez combien elle fait cas de vos
confeils.
' Votre fœur aîpée elt d’une humeur
l’on douce : j'ai tout fujet d’être édi*
A' S 6 M ï' I L S. 371?
fié de fa conduite &de fa grande pié«
té ; mais eft toujours fort farouche*
EDepenfa hier rompre en vifiere avec '
une perfonne qui lui faifoit entendre,
par maniéré de civilité , qu’il la trou*
voit bien faite : & je fus ôbligé même ,
quand nous fûmes fêuls, de lui en fai-
re une petite réprimande. £He vou-
droit .ne bouger de fa chambre , &
ne voir perfonne ; du refie elle efl'
aflêa gaie avec nous * & prend grand
foin de fes petites fceurs , & de foD
petit frere. Mais voilà afTez- vous par-
ler de notre ménage.
Vous ne ferez pas fort affligé d’ap -
prendre que R. l’Hüiffler de la cham-
bre * a été mis à la Raflille , & qu’on '
lui a ordonné defe défaire de fa char-
ge. Ses confrères feront fort aifes d’ê- -
tre délivrés de lui. Pour moi if ne- me-^
falttoit plus , & avoie toujours en vm|
de me fermer la porte au nez lorfque f
je venois chez le Roi. Aveccouc celad
je le plaindroiSjfi up homme infblentj
& qui cherchoicfi volontiers la hainei
de tous les honnêtes gens , pouvoitl
mériter quelque pitié. Il y a eu nneca-^
taflrophe qui a fait bien plus de bruit
que celle-là : c’eft celle d’un Breton.^.
37» LSTTRfiS SB R A«INS
qui n’étoit , pour ainG dire , connu de
perfonne , & que le Roi avoir non*
mé Evêque de Poitiers. Vous avez
entendu parler de cette afiFaire , qui
a été très-fâcheufe pour cet Evêque
de deux jours , & Ùen plus pour le
P. de la Cbaize fon proteâeur « qui a
eu le déplaiGr de voir défaire fon ou*
vrage. Âdille complitnens pour iboi
i M. deBonnac , qui efl; de tontesles
ecânpagnies que vous voyez . celle
^ue jè vous edvI&'le^lLbl^
% *■
k son V ILS. 35f3
Jt Farîtlt i Mitj»
Votre ineré & moi nous approu-
vons entièrement tout ce que
vous avez penfé fur votre habit , &
Dons fouhaitons même qu*on ait déjà
comntencé à y travailler , afin que
vous l’ayez pour rentrée de M. l’Am-
bafiadeur. Vous n^avez qu’à fe prier
de vous faire donner fargent dont
vous croyez avoir befoin , tant pour
l’habit y que pour tes autres chofes
^e vous jugerez néceOaires. J’ai ap-
prouvé votre conduite à l’égard des
Eccléfîafiiques dont je vous avois par-
!lé; vous me ferez plaifirde répondre
au mieux à leurs honnêtetés. Il peut
■même arriver des occafions où vous
ne ferez pas fâché de vous adreflèr à
eux , pour tes chofes qui regardent
votre fahit , quand vous ferez aflès
pnr y fnngPr fprignfrmeBt.
Une fe peut nen de plus fage que ta
conduite de M.l’Ambafiadeurenvers
eux. Il a an frere dont on m’a dit des
merveilles: oa ne l’appelle que küÙQt
374 Lst.tess de Raçine
folitaire. Je fuis fûr que M. l’Arobaf*
fadeur , avec tous les honneurs qui
l’environnent , envie fou vent de bon
coeu^ calme & la féiické de M. fon
frere. '
M. Defpréaux recevra avec joie
vos Lettres, quand vous lui écrirez,
mais je vous confeille de me les adref-
fer, de peur que le prix qui lai en cou-
teroit ne dimlllllë DeWcoüjp le prix
’1(ftfilll6'tfe“tout ce que vous pourriez
loi mander ( i). N’apprehendez pas
de m’ennuyer par la longueur de vos
lettres j elles me font un extrême
plaifir , & nous font d’une très-gran*
de confolation à votre mere& à moi,
& mêmes à toutes vos Imurs , qui les
- écoutent avec une merveilleufe atten*
tion , en attendant l’endroit où vous
^rez mention d’elles.
11 y ^aura demain trois femaines que
je ne fuis forti de Paris , à caule de
cette efpèce de petite éréfypele que
j’ai. Vous ne fauriez croire combien
je me plais dans cette efpèce de re-
SÊmÊmÊÊrnmmmmmÊmmmmmimmmmmmm
( I ) Il S dit dani une Lettre précéiènie > qu*il
^ic aller achtici itii-m^fUie chez Tiueraj , lc« Fables d«
Ta Fontaine > de peur c^u'on ne voulut pas prendre fbn
mg/nirSKi 4i£i(tcw4c cdiiidcMiiwi.
. A s O K F I I, s. 375
traite , & avec quelle ardeur je de^
mande au bon Dieu que vous foyez
.en état de vous paiTer de mes petits
‘fecours , (i) a6n que je commence
'un peu à me repofer , & à mener
une vie conforme à mon âge , & mê>
me à mon inclination. M. Defpréaux
m’a tenu très-bonne compagnie. Tou-
tes vos fœurs font en bonne fanté »
auffi-bien celleequi font ici , que celles
qui font au .couvent , & qui témoi-
gnent toutes deux une grande ^
veur pour achever de, fe confacrer a
Dieu. Babiêt m’^rit les plus jolies Let-
tres du monde , & les plus vives , fans
beaucoup d’ordre , comme vous pou-
vez croire ; mais extrêmement con-
formes au caraflère que vous lui con-
noiflez. Elle noos demande avec grand
foin de vos nouvelles. Adieu , mon
cher fils , je vous écrirai plus au long
line autrefois. J’ai fi mal dormi , que
je n’âi pas la tête bien libre : ti’ayez
fur-tout aucune inquiétude fur ma fan-
té , qui au fond efi très-bonne (2).
Cl) œ qu'il «|tcii4oit tfcc impiticace p pôil|
& tetixer de la Cour.
(-a ) Sa «itSi
4I l^^VOdioii )
37<$ Lettres se Raciitb:
ji Farif le id. .
Votre relation ' dà voyage qoe
vous avez- fait à Amfterdam ,
in’a foit un très grand plaiflr. Je n’ai
pû m’empêcher œ la lire à M. de Va*
linconr & à M. Derpréaoz. Je me
gardai bien en la lifant , de leur lire
Fét range mot de tenuüf, que vous
avez appris de queiqpe Hollandois ,
& qui les auroit beaucoup' étonnés;
dn refteje pouvois tout lire en.(Ûre>
.té , & il n’y avoitrien qui ne fût fe*
I Ion la tangue , &felon-là raiibn. M.
Perpréaux aflore fort qu’il n’aura
point de regret au port que ltti^pou^
sont coûter vos Lettres ; mais Jçe crois
que vous ferez aufli-bien d’attendre
quelque, bonne commodité pour. Im
écrire Votre mere efl fort, touchée
du fouvenir que vous avez d’elle. El'e
iêrôit ailèz' aife d’avoir votre beurre;
mais eNe craku également , & de vous
donner de l’embarras , & d’être em*
barraflée pour recevoir- votre prélên^
qui fe gâieroic pent*ê^ ea chenÙB*
1 s 0 M Fils. 377
M. de R. m’a appris que ia Cham-
meilai étoit à i’extrémicé , de quoi
|)TuT aaiiff ani» e’eft dequoi il ne fe
'TOÜîfîè guère, je veux dire l’obdination
avec laquelle cette pauvre malheureu*
le refufe de renoncer à la Comédie ,
ayant déclaré, à ce qu’on m’a dit, qu’eU
le trou voit très 'glorieux pour elle'de
mourir Comédienne. Il faut efpérer
que quand elle verra la mort de plus
près , elle changera de langage , com*
me font d’ordinaire la plûpart de ces
«ns qui font tant les fiers, quand ils
M portent bien. Ce fut Madame de
Caylus qui m’apprit hier dette parti»
cularité , dont elle étoit efiFrayée , &
qu’elle à fie de M.' le Curé de Saine.
Sulpice.
Un Moufquetaire , fils d’un de nos
camarades , (* i ) a eu une afiàire alTez
bizarre avec M. de V. qui le prenant
pour on de Tes meilleur^ amis , lui don*
na en badinant “un coup de pié dans
le derrierre , puis s’étant apperçû de
fon erreur , lui fit beaucoup d’excu»
fes : mais le Moufquetaire , fans le
(i j D*aa GeatilbiDiiuce otdiiiaiie«
V
878 LBTfRBS DE RAOrKE
payer de ces raifons , prit le moment
qu'il avoit le dos tourné lui don^
na aufli un coup de pié de toute fa
force ; après quoi il le pria de Texcu*
1er , difant qu’il l’avoit pris aufli pouc
un de Tes amis. L’aâion qui s’efl paf*
fée fur le petit degré de Verfailles,
par où le Roi revient de la chaflè , a
paru fort itrange. On a fait mettrele
Moufquetaire en prifon.'il eft parent
' de Madame Quentin ; & cette paren-
té ne lui a-pas été infruébueuiè en cet*
te occafion. M. de Boufflers acconk>
moda promptement les deux parùesi
Je fais toujours’ réfolution de vous
^crire de longues Lettres ) mais je m’7
Iprens toujours trop tard : iffaut que
fe finifle malgré moi. Je me porte biei^
& toute la famille. Adieu..
A SON Fils. 373^
ji Verf ailles le 15. hùn.
Le Roi a renvoyé M l’Abbé de
Langeron , & M^l'Abbé de Beau-
mont. La querelle de M. de Cam-
brai ell caufe de ce remue ménage.
On adonné une de ces pîaces'âU Rtc-
teur de l’Univerfité , nommé M. Vic-
tement, qui 0c une fort belle harai^
gue au Roi fur la paix. M. de Puy-
iéguf eft nommé pour on des Genti^s•
hommes de la manche. Je ne puis
vous cacher Tobligacion que vous
.avez à M. Te Maréchal de Noaillest
il avoit fongé à vous , & en avoic
même parlé ; mais vous voyez bien,
par le choix de M. de Puyfégur , que
M. le Duçde Bourgogne n’étant plus
un enfant , on v.euc meure auprès
de lui des gens d’une expérience con-
fommée, fur- tout pburîa gtiefFSfr'^
Vqus voyez du moins que vous
avez ici des proteélïeurs qui ne vous
oublient point, & que (i vous voulez
continuer à travailler & à vous met-
tre en bonne réputation , l’on ne màù-
/
3^0 Lettre? DS Ricins
quera point de vous mettre en œavre
dans les occaHons. Vous ne parlez
plus de Tétude que Vous aviez com-
mencée de la langue Allemande.
Vous voulez bien que je vous dife «
que j’appréhende un peu cette faci-
lité avec laquelle vous embrallez de
bons defleins ; avec laquelle aufli vous
vous en dégoûtez quelquefois. Les
Belles • Lettres , où vous avez pris
tou jours aiTez de plaidr , ont un cer-
tain charme qui fait trouver beau-
coup de sècherelTe dans les autres
f études : mais c’eft pour cela même
qu’il faut vous opiniâtrer contre le
penchant que vous ayez à ne faire
que les chofes qui vous plaifent. Vous ,
avez un grand modèle devant vos
yeux: je veux dire M. l’AmbafTadeur,
je ne faurois trop vous exhorter
jùvous former fur lui le plus que vous
pourrez. Je fais qu’il' ÿ a beaucoup |
de Aijets de dîftraâion & de diflipa-
tiôn à la Haye ; mais je vous crois
l’efprit maintenant ^fpp fAlîda , p<^iir
vous lai/ler détourner des occupa-
tioris Ime M..l’AhiDafradeur veut bien
vous donner : autrement il vaudroit
mieux revenir j que d’étre à charge
A 8 O N F I I S. 381
an meilleur ami que jVie au monde.
Je vous dis tout ceci , non point
que j’aie aucun fujet d’inquiétude •
étant au contraire très • content des.
témoignages qu’on rend de vous; mais
comme je' tfeille continuellement à
ce qui vous ell avantageux , j’ai pris
cette occafion de vous exciter à faire '
de votre part tout ce qui peut facili*
ter les vûes que mes amis pourront
avoir pour vous. Te fuis chargé de
beaucoup de compnmens de tous vos
petits amis de ce pays*ci : je dis pe-
tits amis , en compaf'aifon des pro-
teéleurs dont je viens de vous par-
ler. ;
J’ai lailTé votre, roere , & toute
la famille en bonne fanté , excepté
que votre fœur eft toujours fujette à
lès migraines : je cmns bien que la
pauvre fille ne puifle pas acccnnpli^
les grands defleins qu’elle s’étoit mis^ |
dans la tête ; & je ne ferai point du-
tout furpris quand il faudra que nous
prenions d’autres vûes pour elle.
I/BTTRES DE ÎIACInE
A taris le 2^ Juitt.
Votre mere sXl. fort attendrie à la
leûwre'deTotre dSnriere^emeç
où voia mandfô?*qgHnîfe~de Vorpte
grandes confolations étoit de rece*
■voir de nos noureUes. £Ue eil très*
contente de ces marques de votre boa
naturel : mais je puis vous aâ^irer
qu’en cela vous nous rendez bien
ce , & que les Lettres que nous re>
cevons oe vous font toute la joie de
la famille , depuis le plus grand jnf. i
qu’au plus petit : ils m’ont tous prié '
aujourd’hui de vous faire leurs com*
plimens : & votre fœur aînée corn*
^ me les autres. La pauvre fille me fait
afiez de pitié , -par l’incertitude que
je vois dans Tes céfolutions , tantôt
) à Dieu , tantôt au monde , & crai-
‘ gnant de s’engager de façon ou d’au-
tre : du relie elle efl fort douce. Jôla-
delon a eu une petite* vérole voiame :
je crains bien pour votre petit fre-
A S O » F î X S. gSj
le; (i )il eft très-joli , apprend bien,'
& quoique fort éveillé , ne nou^.doa'^
ne pàs'tâ môîfitffé péîhe^^
J’allai dîner il y a trois jours à. Au-
teuil « où M. de Termes amena le
nouveau Muficien Deftouches , qui
fait un nouvel Opéra pour Fontaine-
bleau. Il en chanta pludeurs endroits,'
dont la compagnie parut charmée ,
& fur-tôut M. Defpréaux , qui pré-'
tendoit l’entendre bien diftinâement,
(2) & qui raifonnâ fort à fon ordi-
naire fur la Mufîque. Le Muficien
fut très-étonné que je n’eufle pas vil'
ibn dernier Opéra , & encore plus
dtonnédes raifons que M. DerpréauC
Jui en dit , (' 3 ) & qui peut-être ne
tlè fatisflreht pas beaucoup.
I On me demanda de ves nouvel-
les, & M. Defpréauît affûra la com-
pagnie , que yous feriez un jour très-
digne d’être aimé de tous mes amis.
(4) Vous favez que les Poètes fe
(i ) Il ëtoit aifemeiit content de fçs ^efifans , qu*il
^fTùatoît foojoufs'chdfiTfans.
( X ) Il étoit un peu fonrd^ de (èeonnoiflbitfon pc«
.«tlhTnnfiqiic.
(3) Qü alloît pas par fcrupulc.
f 4 ] Il a voit dit apparenunent » if« finpert^ ce
3^4 Lsttrss de Racine
piquent d’être Prophètes ; mais ce
n’ell que dans l’entbouûafine de leur
poë'fie qu’ils le font ; & lSk4. Def-
préaux parldii en profe. Ses prédic*
tions ne laüTerent pas néantmoins que
de me faire plaifîr ;c’eft à ^ous , mou
cher fils , à ne pas faire pafler M.
, Defpréaux pour un fiiox Prophète.
! Je vous l’ai dit plofieurs fois , vous
^ êtes à la fource du bon fens , & de
toutes les belles connoiiTances pour
le monde & pour les afiFaires.
. . J’aurois une joie fenfible de voir la
) maifon de campagne dont vous faitet
! tant de récit » & d’y manger avec
vous des grofeilles dé Hollande. Ces
grofeilles ont bien fait ouvrir les oreü*
les à vos petites lœurs , & à votre
' mere elle* même , qui les aime fort.
Je ne faurois m'empêcher de vous
dire > qu’à chaque chofe d’un peu
bon que l’on nous lèrt fur notre ta*
ble , il lui échappe tqojoursde dire :
Racine en nuo^ereit velmtiers. ( i ^ Je
n’ai jamais vû , en vérité , une G bon*
ne mere , ni fi digne qtie vons
£ 1 3 Tout cct «ndioit ^ Im uUcau J au BiUicu de &
fiinille,
yoffè
t
k » î) H Fit*; 3!^ J
VMïe polTible potnr reconnoître foa
affilié. Au moment que je vous écris»
vos deux petites ftburs me viennent
apporter un bouquet pour ma fête >
qui fera demain , & qui fera auiü la-
votre. Trouverez -vous bon que je
vous falTe fouvenix que ce même
Saint Jean , qui eft notre Patron »eft
aufli invoqué par TEglife comme ‘le
patron des gens qui font en voyage »
& qu’elle lui adiefle pour eux une
priere qui eft dans l’Itinéraire » & que
]*ai dite plufieurs fois à votre imea*
non ? Adieu , mon cher fils.
ji Paris le 26. hun.
4
J’Aireçû la Lettre que voosm’avet
écrite d’Aixda-Chapelle » ^ j’y ai
■eû avec beaucoup de plaifir la deferi*
ption que vous 3» failiez des fingula*
fités de cette ville , & fur-tout de
cette prôceflion où Charlemagne af«
£(la avec de (i belles cérémonies.
J’arrivai avant hier de Marli » dfe
f*ai trouvé toute la famille en bonne
ifaflté. U m’a paru que ysstte fisurai*
Ttm /, R
JiBjS LBTTt«jB DE RACI^WS
née reprenoit âOes volontiers les p^
cits aju{temens auxquels elle avoit (i
fieretaent renoncé^ & j’ai lieu decroi*
sre que fa vocation à la Religion pour*
Toit bien s’en aller avec celle que vous
aviez eue pour être Chartreux. Je n’eu
fuis point du tout furpris , connoif'
Ant l’inconRance des jeunes gens,&
l|e peu de fond qu’il y a i faire fut
rieurs rêfolutions , fiir*tout quand el*
’Res font fi violentes , & fi fort audef*
'Tus de leur portée. 11 n’en efi: pas ainfi
de Naneue: comme l’Ordre qu’elle a
embraflié efi beaucoup plus doux , fa
vocation fera auffi plus durable. Tou-
tes fes Lettres marquent une grande
perfévérance ; & elle parole même
s’impatienter beaucoup des quatre
mois que fon Noviciat doit encore
durer, fiabet fouhaite auHS avec ar-
deur que fon' tems vienne pour fe
confacrer à Dieu. Toute la mailbnoù
elle eft > l’aime tendrement ; & toutes
les Lettres que nous en recevons , ne
parlent que de fon zèle & de fà lagef-
iè. On dit qu’elle efl fort jolie de fa
perfonne. Vous jugez bien que nou»
ne la làifièrons pas s’eng^er l^ére*
fans être bien aiSrds cfune
â s O H F f L ». 3^7"
vocation. Vous jugez bien aufli que
tout céla n’efl point un petit embar-
ras pour votre mere & pour moi; &
^ue des enfans, quand ils font ve-
nus en âge , ne donnent pas peu
d’occupation. Je vous dirai fincere-
ment que ce qui nous confole quel-
quefois dans nos inquiétudes' , .c’e^
d’apprendre que vous avez envie dé '
bien faire , & de vous inltruire des
'^chofes qui peuvent convenir aux vûes
sque l’on peut avoir pour vous. Son-
gez toujours que 'notre fortune eft
trés-médiocre , (i)& que vous de*
vez beaucoup plus compter fur vo-
tre travail , que fur une fucceflioa
qui fera fort partagée. Je voudrois
avoir pd mieux faire. Je commencé
à être d’un âge où ma plus grande
application doit être pour mon falut.
Ces penfées vous paroîtront peut-être
un peu férieuiês ; mais vous favez
que j’en fuis occupé depuis fort long*,
tepis. Comme vous avez de la raifon,-
j’ai crû vous devoir parler avec cette
^ t ) U ^totctrop tnodefte pour dire comme Cicdroti 4k.
1. 2- Bp-itf. Péliêmnfuü Mmflum fétfinmium
in mtm$riân9minit rm^
Rz
I
LVT7RSS DE' Racine
feanchife, il’occafion de votre fœor,
&ut maintenant fonger à établir.
Huais enfin nous efpérons que Dieu,
•qui ne noas a point abantiomiés
•qu’ici , continuera à nous affifter , &
à prendre foin de nous , -( i ) fur-^out
£ vous ne ^abandonnez pas vous-tnê-
Die , & 'fi 'Votre plaifir ne ^remporte
ÿoint fur les bons 'fentknéns qù’ooa
tâché de vous infpirer. j\dieu , mon
•cher fils , ne vous laiflez manquer de
vien de ce qui vous efi: néceilàire.
^4 Fans U 7. Jailla.
JE puis vous aiTârer que M. de To^
cy ne laiflera échapper aucune oc>
cafion de vous rendre de bons o£t
ces. Comme il efijme extrêmement
]d. l’Ambafiadeur , ilajoûtera une foi
entière aux bons témoignages qu’il loi
fendra de vous, Je lui ai lû votre
deroteré Lettre , aufii bien qu’à M.
le Maréchal de Koailles; ils ont été
\
i£i] fumais £cs<«cifanf aa befoia 1
4iis,0ocitsdcsaUcaiixU4onM2mj^ AsbaSu
j[. $ e K F 1- L ^91
efiarmés & effrayés de la defcriptioa
3ue vous y faites do grand travail , Se&
e J’applicatiou continuelle de M.-
rAmbaffadeur. Je lifbis , ou je relU-
fois ces jours paffés »pour la. centiè-
me fois , les Epitres de Cicéron à fes-
amis. Je voudrois qu’à vos heures per^
dues vous en- pûiliez lire quelques
unes avec M. l’Ambaffadeor ; je luis-
afllàré qu’ellesferoient extrémementde-
fbn goût, d’autant que plus fans le flat-
.ter, .je ne vois perfonne qui ait mieux
attrappé que lui ce genre d’écrire des-
Lettres, également propre à parler
ferieufement & folidement des graa-
.des affaires , & à badiner agréablé-
‘znent fur les petites chofes. Croyez
que dans ce dernier genre Voiture eff
beaucoup au deffous de l’un & de.-
.J’autre. Lifez enfemble les Epîtres
éd Trebatium ^ ad- Marimn ^ ai Papy^-
rim» Pattm , <& d’autres que je vous
marquerai quand vous voudrez. LtleZ-
mêmè celle de Cælius à Cicéron : vous
ferez étonné de voir un homme auffi
vif & aufli élégant que Cicéron^même;.
mais il faudroit pour cela que vous euf>
fiez pû vous farolliarHer ces Lettres.,
par la cooaoiffaace de l’hiffoire de ce
R3
'390 Lbtyrbs d b Racirb
jhems'là , à quoi les vips de Plutarcpe
Ipeuvent vous aider. Je vous cônfeilie
île faire la dëpenfe d’acheter l’é^tioD
de ces Epîtres par Grævius , en Hol*
lande in- 8". Cette le6lure eft excel*
lente pour un homme qui veut écrire
des Lettres , foit d’affaires , foit de
chofes moins férieofes.
J’irai denjain coucher à Autenil ,
^ j’y attendrai le lendemain à fooper
votre mere avec fa faniillel Votre
fœureft rentrée dans fa première fer»
veur pour la piété ; mais je crains
qu’elle ne poofle les choies trop loin :
cela eft caufe même de cette petite
inégalité qui (è trouve dans Tes fenti»
I mens ; les chofes violentes n’étant pas
fiie nature à durer longteros. Votre
i petit frere n’a pas manqué de gagner
la petite* vérole ; mais elle ell fî lége*
re , qu’il n’a pas même gardé le lit ,
& qu’il ne s’en lève que plus matin.
Je ferai de petits reproches à M.
Defpréaux , de ce qu’il n’a pas en*
voyé à M. l’AmbalTadeur fa derniere
édicion;vous jugez bien qu’il l’enverra
fort vite. Votre mere eft très-édifiée
■de la modeftie de votre habit ; maÎ!
«pus ne vous prefcrivons rien là*def
%#
I
r
»
à s O K F I t 9.
Ibs ; c’eil à vous de faire ce qui e{ft
A) goût de M. l’AmbafTadeur : furr '
tout ne lui fbyez point à charge , &
xnandez*nous à qui il faudra que nous»
donnions l’argent dont vous aurez be*'
loin.
^ P4ris le ZI Juülee^
CE fut pour- moi une apparition
agréable de voir entrer M. d&
Bonnac dans mon cabinet ; mais ma
joie fe changea bientôt en chagrin ,
quand je le vis réfolu à ne point loger
chez moi , & à refufer la petite chain>
bre que ma femme & moi nous Te priâ*
mes d’accepter. Nous recommen^â*
mes nos inflances le lendemain ; <Sc
j’allai juiqu’à le menacer de vous man*
der d’aller loger à l’auberge à la Haye:
il me repréfenta qu’il fer'oit trop loin
du quartier de M. de Torcy , chez le-
quel il devoit le trouver à point nom-
mé, quand il arrivoit à Paris. 11 a bimi
fallu me payer , malgré moi , de ces
raifon's ; & vous pouvez vous aflûrer,
que ma&mmfr ep a été du moins aul-
R 4
'Mes LtTriiSs RAcims
U chagrine que moi : vous favez eoi»
ne ^He eft recopnoifi^te , âc corn*
ne elle a I& cœur fait. 14 n’y a cholè
fît pour témoi-
%paiut combien elle
dt fenfible aux bontés qu’il a pool
vous. Elle efl charmée , comme moi ,
JeM. de Bonnac , & de. toutes iss
maniérés pleines d’honnêteté 6t de po*
tlg^e..£llè fèia au comble- de là joie»
TxTVSus pouvez parvenir à lui reuem*
'Mer » & fi vous rapportez l’air & kt
maniérés qu.dle adraireen lui. Il noos
donne de grandes efpérances fur vo-
tre fiiiet ; de vous êtes fort heureux
d’avoir en lui uii ami il plein de bonne
: yolioaîé vous- S’il ne nous fiatte
point , &. fi les témoignages qu’il nous
rend de vous font bien fincéres , nous
avons de grandes grâces à rendre aa
bon Dieu , & nous efpérons que vous
:aous ferez, d’une grande confblation.
il nous afiureque vous aimez le travail,
•quela promenade dt la leâure font vos
' l^us grands divertiflemens, & fur-tout
Ja-converfation de M. l’Ambafiadeur ,
que vous avez bien raifon de préférer
.à. tous les plaifirs du mondeidu moins
Je l'ai toujours trouvée telle ,, dt oqo
. A. S'.O K F 1. 1- *. 39J'
foufemenc moi , maü toat ce qu’il j,' 9:
ici de perfonnes.de meilleur efprit g St- :,
\ de meilleur goût.
a’ai ofé lui demander fî vous
penfieA un peu au bon Dieu : j'ai eu
peiir que la réponfe ne fut pas telle--
qpe je l’aurois fouhahée. . Mais enfîa
je veux me flatter que faifant votre
i teoffible pour devenir un -parfaitemenC '
' %onnête Homme , vous' concevrez '
. qp’onne peut l'êtrefans rendre à .Diéa
I ce qu’on lui doit. Vous connoiflèz la-
Religion : je puis même dire que voüs ' ,
la .cdnnoillèz- belle & noble comme-
eile eft': ainffil n’efl pas polfibleqnert
vous ne l’aimiez. Pardonne^ fi je vous
nets quelquefois fur ce chapjtreA::
vous favez. combien il- me. twnt ài-
cœur y. & je puis vous ; aiTCfrer que.v
plus je vais ea avant , plus jp, r
trouve qu’il h’ÿ a rien de fî doux aifi
' inonde que le repos de la confcienc«^
Si de regarder Dieu comme .un pere^fi
qui ne nous manquera^ pa& dans-.mw.f t
befoins. M. Defpréaux que vouss
aimez, tant pjus: que jamais-dana»
I ces fentimens. , fur- tout depuri-qu’Jb
âfait-fwAtroimtléDieu.; db.Je ppiSi;
vous alTûrer qu’il cfLuès-tien p^rfua*
SP4 Lettres ete Rrcine
dé lui-tnémè y des vérités dont il a voa^
in perfuader les autres. Vous trou-
vez quelquefois mes Lettres trop
courtes ; mais je crains bien que vous
>uviez celle-ci trop longue.
i
%
jiPàns U 14. Jmliet.
M. de Bonnâc vous dira de nos
nouvelles, nous ayant fait l’hon-
neur de nous voir fouvent , & mê-
me de dtner quelquefois avec la petit
te famille. Il vous pourra dire qu’ellé
eft fort gaie, à la réferve de votre
fœnr , qui eft toujours accablée de Tes
migraines : je la plains bien d’y être
il lujette , cela eft canlé de l’irréfo-
lotion où elle eft fur l’état qu’elle doit
embrallèr. Je fais mon pomble pour
lia réjouîr ; mais nous menons une
Ivie ü retirée , qu’elle ne peut guère
^ âtrouver de divertifiemens avec noos.
Elle prétend qu’elle ne fê foocie
point de voir le monde ; & elle n’a
gqère d’autre plaiftr que dans lalec-
cure , n’étant que fort peu lènfîble k
tout le refte. Le tems de la profeUton
A SON P r £ S. sçs
de Nanette s’avance» & elle a gran-
de impatience qu’il arrive. Babet té-
moigne la même envie i mais nous
avons réfolu de ne la plus laifler qu’uni
an au couvent ; après quoi nous la*
reprendrons avec nous pour bi^
examiner fa vocation. Fanchon veut '
aller trouver fa fœur Nanette » & ne
parle d’autre chofe. Sa petite fœur n’a
pas les mêmes impatiences de noua
quitter , & me paroît avoir beaucoup'
de goût pour le monde : ( i ) elle rai>
Ibnne fur toutes chofes avec un e&
uit qui vous furprendroit » & eft fore
ailleufe » de quoi je lui fais fouvent
1 guerre. Je prétens mettre votre
petit frere l’année qui vient avec M.
Kollin, à qui M. l’Archevêque a con-
fié les petits Meflieurs de Noailles.
M.. Rotlin a pris un logement au Col-
lege de Laon '» dans le pays Latin. ^
Notre vqiûn y. vouloir aum mettre^''
fon fils ; mais on a trouvé le petiet
«
( f ) Elle n'éteit alors que dix tn»; 8r rlfè x »
râge de b railbv, bien méprife le meode. Elle ne voa«
lut » oi fe faire Rcligieutè , ni fe marier , & eâ morte
.à 5 $ eux » après a vaufOiypxxtYdcii Âim-la mratie de
«ttvxetdepiétd*
R â
#
"SQtf 'LBTTKBS DS RiMriKB
gar$oo trpp éveillé , de quoi iepeiB
eil fort offenfé.
' Tous nos confrères les ordinaires '
do Roi me demandent fouvent de vos
.nouvelles y aulfi bien que plufieurs
Officiera des Gardes. Il n’y a queM.
qui me paroîc fort majeftueux :
^ ne fai H c’ell par indifférence , ou
^ar timidité.
' M. de Bonnac vous dira combien
'M. Defpréaux lui témoigna d’amitié
- pour vous : il élt heureux comme un
• Roi dans fa fo.litude , ou plutôt dans
' Ibn Hôtellerie d’Auteuil : je l’appelle
ainfi y pai^e qu’il n’y a point de jouis
- où il n’y ait quelque nouvel écot y &
jbuvent on ne fe connoit pas les uns
• les autres. Il ell heureux de s’accom*
moder ainfi de tout le monde : pour
moi jlaurois cent fois vendu la maifon.
Bour nouvelles académiques y je
voua dirai que le pauvre M. Boyer
cffi mort, ^é de ou 84 ans. On
prétend qu’il a fait plus de vingt mil-
le vers. en fa vie: je le crois , parce
qu’il ne faifoit autre chofe. Si c’étoit
la mode de brûler les morts comme
parmi les Romains « on auroit pû lui
sûre ks mêmes funérailles qu'k ce
à. s>o H F I. L. $. 597
Cai&u^ « à. qpi il ne fallut d’aucre
bûcher que tes propres ouvrages.»
dont on fît un fort beaufeu. Le pauvre
M. Boyer efî mort fort chrécienner
oient :.fur quoi je vous dirai en. pair
iànt , que je dois. réparation à la.mé.»
moire de la Chanunélay, qui mourut
a.v.ec d’.afleZ' bons, ièntimens aprèf
avoir renoncé à la. Comédie , t;ès*re*
pentante de fa vie paflee ;.mais fur?*
tout fort affligée de. mourir.: du moins
AL.Defpréaux.me L’a dit ainfî., l’ayant
appris du Curé.d’Âuceuil , qui rafîSt
■fu à. la. mort) car. elle efl morte 4
Auteuil. Je crois que M. l’Abbé Ge?
neft aura. la. place de M. Boyer : il
ne fait pas tant de vers, que lui } mais
il les fait beaucoup meilleurs.
Je ne crois pasquejefafîe le voyar
ge de Compiégne,, ayant vû alTez de
troupes & dé. campemens en ma
vie, pour n' être pas tenté d’aller voiir
celui-là ( 1 je me. réferverai . pour
le. voyage de Fontainebleau , & me
xepoferai dans ma famille, où. je me
jlais plus qpé je n’ai jamais fait. M»
f'i }*Le Coaagîégpç qate fic pM» Mi li
Lettres DB Racine
de Torcy me paroîc plein de bonté
pour Vous ; & je fuis perfuadë qu’il
vous en donnera des marques. M. de
Noailles fera ravi aufli de s’employer |
pour vous dans tes occaHons ; dt;
vous jugés bien que je ne négliger»
point ces occafîons « n’y ayant plus
rien qui me retienne à la Cour , que
Tenvie de vous mettre en état de n’y
avoir plus befoin de moi. Votre me-
le , qui a vâ la Lettre-que votre fœur
vous écrit , dit qu’elle vous y parle
des affaires de votre confcierrce ;
Vous pouvés compter qu’elle l’a fait
de fon chef.
M. de Bonnac a bien voulu fe char*
jger pour vous de 30 loûis neufs, va*
lant 420 livres. Je voulois en don-
ner 40, fur la grande idée qu'il nous
a donnée de votre œconpmie ;-mais
votre mere. a modéré la fomme , '& a
cm que c’étoit affés de 30. Nous
avons réfolu de donner 4000 liv. à
votre fœur , qui fe fait Religieufe ,
avec une penlion de 200 liv. Elle
n’en fait encore rien , ni fon Cou»
vent non-plus ; mais M. l’ilrchevê»
Sue de Sens, h qui j’en ai fait confi»
eoce , a dit que cela étoit magnifi»
A SON Fils.
y & qu’on feroit content de moi :
il s’opoferoit même G je doonois da*
vantage. •
Ma fanté e(t afTés bonne , Dieu
merci; mais les chaieors m’ont jetté
dans de grands abattemens , & je fens
bien que le teros aproche , où il faut
fonger à la retraite ; mais je vous ai
tant prêché dans maderniere Lettre,
que je crains de recommencer dans
celle-ci. Vous trouverés donc bon
que je* la Gnifle , en vous difant que
je fuis très content de vous. Si j’ai
quelque chofe à vous recommander,
particulièrement , c’eft de faire tout
de votre mieux pour vous rendre
agréable à M. l’AmbaGadeur , & pour
contribuer à fon foulagement , dans
les motnens où il eG accablé de tra*
vail. Je mettrai fur mon compte tou*
tes les complaifances que vous aurés
pour lui ; & je vous exhorte à avoir
pour lui le même attachement que
vous auriés pour moi , avec cette
différence , qu’il y a mille fois plus k
‘proGter & à aprendre avec lui qu’avec
moi.
J’ai reconnu en vous une qualité
que j’eftime fort : c’eG que vous en^
4PP LpxT.SrSs Raçinr
tendé& très* bien raillerie ,jquand d’aih
ftses qne, nioi vous font la guerre Oit
i vos petits défauts mais ce n’efl pas
' alTéa de fouffrir en galant homme les
^tites plaifanceries ,,il faut les met*
tre à profit. Si j’bfois vous biter mon
exemple * je vous dirois. qp’une des
ehofes qui m’a fait le plus de- bien ,
c’elt d’avoir pafiTé. ma jeunefle avec
une Société de gens qui fe difoient
alTés vobntiers. leurs vérités , .& qui
ær^’ï^JigOoient guère Tes..juns I«
autres fur. leurs . defauts avols
de foin de. me .corriger de ceux
qqe i’on-xrouvoit en .moi , qui étoient
en fbrt gr^nd nombre , &'qui auroient
pû .me rendre; alTés difficile pour le
. commerce du monde.
Jldubliois.à KOU& dire. que j’apré*
bende qqé vous, ne? fdyés im trop
grand acheteur de' livres. Outre que
.la multitude. ne feft qu"à dilTîper , &
i faire, Vohiger de. connoiffiÎBces en
, connoiflknces fou vent, ailes ipatiles ;
vous prendriés même, l’habitude de
TOUS laülèr tentetde tout ce qpe vous
'trouveriés. Jé me louviens d’un pa(^
fage des.Oâces de .Cicéron» que M.
'0iO)le. me. citoit fouvcAC j^^our me
A $. O >r F » i ÿ. 4CX
éetatmer de la fancaide d’acheter
eks livres , ***** *jf^ itBitliil ~
*Æ-C*eft un gîa^ia revenu queden ai-
xner point à acheter ; mais le moc
^(raM«vwe(l trèst-beiàib , & a un grand
fens.
Je m’imagine qne vous oovrirés
de fort gratis yeux quand vous.ver*
ré9 powrla première fois le Roid’Aa*
eleterre. Je fai combien les hommes
fameux excitent votre attention & vo>
tse curiofité. Je m’attens que vous me
lendréscomptede ce quevous aurésvû.
Je reçois la Lettre où vous me
mandés l’accident qui vous efl arrivé..
Vous avés .beaucoup- k retBercier
Dieu d’en être échapé à û bon- mas*
ché ; mais en même-tems cet accf-
dent vous doit faire fouvenir de
deux chofes :• l’une , d’être plus cic-
confpeâ que vous n’êtes , d’autant
plus qu’ayanLla. fort ba/Iè i^J^ous \
êtes plus obligé qu’un ‘autre' a né'riep - \
•faire averprécipitation ; & l’autre ,
qu’il faut être toujours en état de n’ê*
tre point furpris parmi tous les. acct*
dens qui.nous peuvent arriver, quand
BOUS y penlbns le moins.
Vottq mere vient dq Saint Sulpi>
402 Lstties de Racinx
ce , où elle, a rendu le pain béni : fi
TOUS n'étiés pas fi loin , elle vous au-
roit envoyé de la brioche.
A Pétris U I. Aoàt,
La derniefe Lettre qne je tous ai
écrite étoit fi- longue , que voos
Ipe trouverés pas mauvais que celle*
Id Toit fort courte. Il ne s’eft rien
' pafifé de nouveau que la querelle que
M. le Grand -Prieur a voulu avoir
avec M. le Prince de Conti à Meu-
don. 11 s'eft tenu OfFenfié de quelques
paroles très • peu offenfanteâ que M.
le P. de Contl avoit dites : & le lên*
demain, fans qu’il fiât queftion de
rien , il l'ell venu aborder dans la
cour de Meudon , le chapeau fur la
tête & enfoncé jufqu’aux yeux, com-
me s’il vouloit tirer raifon de lui. M.
le Prince de Conti le fit fouvenir du
refpeâ -qu’il lui devoit. M. le G.
Prieur lui répondit qu’il ne lui en de-
Toit point. M. le P. de Conti lui
Iparla avec toute la hauteur- & en
iméme-tems avec toüte la fagellè dont
‘ â s O w F I t ÿ.* 403
SI efl capable. Commé il y avoit d»
inonde, cela n’eut point d’autre fui*
te : mais Monlèigneur , qui fût la cho*
fe un moment après , & qui fe fentk i
irrité contre M. le G. Prieur , envoya
M. le Marquis de Gèvres pour en
donner avis au Roi } & le Roi fur le
champ envoya chercher M. de Pont-
chartrain , à qui i) donna fes ordres
pour envoyer M. le G. Prieur, à Iq
Baflilie. Tout le monde louë M. lé
P. de Conti.
Votre mere & toute la petite fa*
mille vous fait des complimens. Vo*
tre fœur demande confeil à tous fes
Direâeurs , fur le parti qu’elle doit
prendre , ou du monde , ou de la Re*‘
ligion ; mais vous jugés bien que
quand on demande de femblables.1
confeils , on eft déjà déterminé. Nous *
cherchons férieuiement votre mere
& moi à la bien établir. Elle fe con*
doit avec nous avec beaucoup de
douceur & de modeftie.
J’ai réfolu de ne point aller à Com*
piégne , où je n’aurai guère le tems de
taire ma cour : le Roi fera toujours
à cheval , & je n’y ferois jamais. Mî
le Comte d’Ayen eft pourtant bie4
Lettres DS Ragiits
ficbë que je n’aille pas voir ipn
giment , qui fera magnifique. Adieu,
LETTRE DE SA FEM ME.
i ’ui- Péris U lo. jitü,
’ \
\j Otre pere étant un peu iocom*
• modé , je vous écris , mon cher
fils , pour vous témoigner la
nous avons de l’aplication qu’ii nous
femble que vous donnez au travail.
Soyez perfuadé que vous ne (auriez
nous faire plus de plaifir que de vous
, lemglir l’efprit de cbofes propres à
vous faire bîen exercer votre char-
ge. Je ne puis afiez vous témoigner
combien je fuis fenfible à. toutes les
bontés que M. l’AmbalTadeur a pour
vous. Vous me manderez à votre loi.
.fir le prix de ta. toile & dentelle que
vous avez achetée- pour voscbemtlès.
Votre petit frere vous fait bien des
complimejis : le pauvre petit nous
promet bien qu’il n’ira. pas. à. la Co-
médie comme vous. Dans la. Lettre
que VQU& m’ave4 écjitejt^’VQus. me de*
%mv
I 1 O » F ï X ï. 40s
‘mandez de prier Dieu pour vous : fi
prières étoienc éxaucées , voas
‘ lèriez bientôt un parfah Chrétien,
jhiîrque je ne Toohaite rien avec plui
'd’ardeur que votre faiut : mais ion*
igés , mon bIs , que les perfcs & meres j
il enrt beau p'«er le Seigneur pour leurt |
enfans , fi lea enfans ne travaillent paa I
i la bonne éducation qu’on tâche da
leur donner. Adieu , mon cher fils :
' je vous embrafie. Bftjkhe tfi éerit'dt
' main ât ^taoine malade : Je d’aiinâte
qu’un mot à la Lettre de vo^reme^
re, pour vous dire que j’aprouve le
confeil qu’on vous ^ donné d^pren-
dre TAllemand. J’én ai dit un mot à
Al- de Torcy , qui vous exhorte aufil
de Ton côté , & qui croit que cela
vous fera extrêmement utile. Tout-
ce que j’aprens de vous , fait la plus
grand&confolation que je {ntüBè ævoir.
11 ne tiens p^ à M. de Bonnac 'que
vous ne palliez ici pour un fort ha«
bile homme ^ vous i»i avez des"’
obH^îons infinies. Aflurés-le de ma
recoiinoinance > &de l’extrême envie
mie j au rois de me trouver .entre lut
■a; vous avec M. l’Ambafladeur. Je
crois qué je projSteiois looi-méme-
Lettres de Racine
.l^aucoup en fi bonne compagnie;
{Adieu.
3
A Paris U ig. AtSf,
rAvois réfolu de vous écrire Ven*
dredi dernier ; mais il fe trouva que
c’étoit le jour de l’Afiomption ; &
vous favés qu’en pareils jours un pere
<le famille comme moi , efl; trop oc-
cupé , fur-tout le matin , pour avoir
Je tems d’écrire des Lettres. Votre
mere éfk fort aife que vous ibyés
content de la vefie qu’elle vous a
envoyée. Elle vous>remercie de la
bonne volonté que vous avez de lui
aporter une robe, mais elle ne veut
point d’étofie d’or. Elle vient d’a-
pi«ndre que votre fieur , qui eft à
Melun , avoit une grofle fièvre , &
elle efi réfoluë d’y aller. Vous voyez
qu’avec un^ grofle famille on n’eft
pas fans embarras , & qu’on n’a pas
trop le tems de refpirer , une aflTaire
fuccédant prefque toujours à une au-
tre ) fans compter la dpuleur de voir
ibiÀric les perfbn&es <^u’on aime.
A s 0 N F 1 L s. 407,
fuis bien flatté du bon accaè’il |
«|ue voas a foit le Roi d’Angleterre. )
Je fais fort obl%é i M. rAmbafla-
. deur y & de vous avoir attiré ce bon
traitement , & d’en avoir bien vou-
lu rendre conapte au Roi. M. de Tor-
cy m a pronus de le fervir de cette
occaflon pour vous rendre de bons
offices. M. Oefpréaux efl fort con-
tent de tout ce que vous écrivez du
Roi d’Angleterre. Vous voulés bien
que je vous dife en paflant , que quand
je lui Iis quelqu'une de vos Lettres ,
j’ai foin-d’en retrancher les mots
£ici^ dt Ik ^ & dr M , que vous répé-
tés jufqu’à fept ou huit fois dans une
même page : ce font de petites né-
gligences qu’il faut éviter , & qu’il
eil fort aile d’éviter : du refle nous
fommes très*contens de la maniéré
naturelle dont vous écrivés.
■ <1^ ^ VW» - g
' Mi de Torcy m’a montré le Livre
du pur amour que M. l’Ambafladeut
lui a envoyé ; mais il n’a pû me le
prêter : cette affaire va toujours fort
lentement 4 Rome.
M. de Bonnac ell trop bon d’être
ü content de vous : j’aurois bien vou-
lu üûre aokux, pour lui témoigner
4&'8 LsTVRfiS m RiciwE
tdate l’etHme que j’ai pour loi -, ]p
quelle eit Fort augmentée depuis que ,
j'ai eu l’honneur de Pentr-eteoir à
fond , & que j’ai découvert non*
Æulement toute la netteté & la foli*
jdité de’ fon erprit -, mais encore la
[bonté de fon cœur , & la fenfibilité
qu’il a pour Tes amis. ^
Vous ne œ’avés rien mandé de M>
4e Tallard ; comment eft-on content
4e lui? On m’a dit qu’il logeroit à
Utrecht , pendant que le Koi d’i\n*
gleterre fera à Loo. Faites bien des
amitiés au fils de Milord Montaigu.
Je vous-confeilleauffî. d’écrire au 'Âdi*
^tord fon pere.
Pém le 12. Seftmhre,
JÊ ne vous écris qu’on mot , poqr
vous dire feulement des nouvellei
de ma fanté & de toute la famille
J’ai été encore incommodé , mais j'ai
tout fujet de croire que ce n’eft rien ,
<& que les pqr^aÙAn^tpfipr^^^
toiftee cés. peûtes iodijfpofi tiens : le
btal «ft qu’d me iurvirat toujoun
quelque
t BOIT Fils. 409T
quelque affaire , qui m’ôte te loiiir
de penfer bien férieufement à ma fan>
té. Votre mere revint hier de Me-
lun , où elle a laiffé votre fœur par-
faitement guérie. La cérémonie de
fa profeflion fe fera vers la fin d’Oc-
tobre. Nous lui donnons , avec fa pen-
fion viagère de 200 iiv. cinq mille
livres en argent : nous penfîons n’en
donner que quatre, mais on a tant
chicané , qu’il nous en coûtera cinq ,
tant pour lui bâtir & meubler une
cellule , que pour d’autres petites
choies , fans compter les dépenfes du
voyage & de la cérémonie.
Nous fongeons auff à marier vo-
tfe f%^ûr , de fi une affaire dont on
nous a parlé , réOflSt , cela pourra fe
faire cet hyver. Elle eft fort tranqniU
le la-delTus , ot iranl vanité ni am-
-WtioiiTCt J'ai tout Iféu ' d^fe con%
tent «Telle.
J’ai penfé vous marier vous-même,
(ans «me vous en lûlfiez rien , & U
s’en eu^peu faljuqueja chofe n’aiç
été engagée ; 'inais quand c’ell venu
au fait. &.au prendre ,Je^flLli pnin»-
trouvé l’affaire auflî avantageufe
éo*elte le paroiSbk ; elle le pourra
Tm«l S
axiÿ Lett%b« D£ E.Ar|i«e
tre dans vingt ans ; & cependant
yoQS auriéseaà fouffrir , & vous n*ao>
nés pas été fort à votre aife. Je n’au<
rois pourtant rien fait fans avoir votre
aprobation. Ceux de mes amis que j’ai
çonAiltés , m’ont dit que c’écoit vous
^rompre ‘ât empêcher peut-
■être votre fortune que de vous marier
>4i jeune , en vôiïs donnant un éta-
fcliflèment (i médiocre , dont les ef
nérances ne (qi^t (][ue flSnT vi^S^Shs.
Jlf IJfl Vo'üs'auroîs rien mtffdïf'îlfr'tout
éela« n’étoit que j’ai voulu vous fai<
re voir combien je fonge à vous. Je
tacherai de faire en forte que vous
foyés content de nous ; & nous vous
aiderons en tout ce. que nous pour*
fons. Ceft à vous de votre côté k
vous aider auffî vous*même , en con*
tinuantà vous apliquer. Je vous man*
^eraiune autrefois , pour vous diver*
tir le détail de l’affaire. Tout cequeje
vous puis dire , c’ell que vous ne con*
lioifles pas la perfonne dont il s*agi(^
foit , & que vous ne l’avés jamais
vûe. C’eA même une des raifons qui
m’a fait aller bride en mun .nuiAiu’il
à s 0 >f F I L s. 4JCX
I ^ Textrênie amitié que votre mere
I a peur vous ; & vous ne fauriés en
avoir trop de reconnoiflânee.
Vous n’étes pas le feul à qui il ar«
rive des malheurs. Votre mere &
votre Asur me vinrent chercher, U
y a huit jours , à Auteuîl , où f avoir
dîné. Un orage épouvantable les prit ,
comme elles étoient fur la chauffée i
la grêle , le vent & les' eciairs , hrênC
«me telle peur aux chevaux , que le
cocher n’en étoit plus le maître. Vo-
tre fœur qui fe crût perduë* , ouvrit
la portière , & fe ietta k bas fans' fa-
voir ce qu’elle faifoit ; le vent & la
^êle la jettérent par terre j & la firent ,
U bien rouler qu’elle alloit tomber à
bas de la chaufiTée , fans mon laquais
qui courut après , & la retint. On là
remit dans le caroflè toute trempée
& toute effrayée : elle arriva à Au-
teuil dans ce bel état. M. Defpréaux
fit allumer un grand feu : on lui trou-
va une chemife & un habit. Nous
la ramenftines à la lueur des éclairs , '
inalgré M. Delpréaux , qui vouloi.t
ia retenir : elle le mit au lit en arri-
vant , y dormit douze heures : il a fal-
lu lai acheter «Vautres jupes ,^'c’eft-
S A
41S Lettres de Racine
.tout lestas grand mal defon aven*
nïeu, mog ther fils.
A F*ns U if. Septembre.
J’Ai enfin rompu emiereroent , avec
l’avis de mes mçil'eurs amis , le
mariage qu’on m’ayoic\p£opof^ pour
vous. Vbus'auries eu quatre raille li-
vres de rente » &. autant à efpérer
après la mort de beau-pere & belle-
mere; mais ils font encore jeunes ,
Uous deux peuvent vivre au moins
lune vingtaine d’années , & même l’un
l’autre pourroient fe remarier : ainfi.
* vous couriez rirgue dé n’a voir très-
jkmgtems que ^(^itrr^JTïvfes ,
chargé peut-être de bnitbû "dix en-
fans, avant que vous edflh^ trente
ans. Vous n’auriés pû avoir équipa-
ge , les habits & la nourriture auroienc
■ tout a^|brbé ; cela vous~dëtonnirtt
des efpéranCes que vous pourrés jut
cernent avoir par votre travail , &
par l’amitié dont M* de Torcy &L
M. i’Ambafladeur vous honorent.
AJoûtés à cela l’humeur de la fille >
I
3o*on (fit qui aime le fafte . le mo{|p
t‘ J Rr tnug l^s ^pirt!/
jje . '& qui vous a.urqit peut-être mis
au dérefpbir par beaucoup de contra-
tiétés. Tout ce que je puis voua di-
re , c’eil que des perfonnes fort jraî*
foQuabies, & qui vous aiment , nous
ont embrafTés trés-cordialement , ma
femme & moi , quand elles ont ftî que-
je de ' CeKeaff^ire.
Taî'rtïSr lieu de croire, qu'en vous
faifant part du peu de bien» & du reve*
nu que Dieu nous a donné » vous férés
cent fois phis heureux , & plus ei»
état de vous avancer. Je ne vous
nomme point les perfoUnes qui m’a>
voient fait cette j^rqpq0don., je vous
ne dois lai
?ëpour la bonne^volonté qu’ils
Vtt’OIrt Tïffeîgn ëe* en cette pccafîon.
Votre mère a été dans tous lès mê*
mes (entimens qiie moi ^.elfe doutoit
même que vous eufliés voulu confen-
tir à cette affaire , parce qu’elle vous
a fouvent entendu dire que vous voo*
]iés travailler à votre fortune avant
'que de fonger- à vous marier. Soyés
bien perfui^é que nous ne voas laÜ^
S a
I
^T4 L'STTISS db Raciivs
KToûs manquer de rien , & que je
Jais dans la dirponUon de faire pour
pous garçon , les mêmes choies que
TC prétendois faire en vous mariant,
^infî abandonnés - vous à -Diéu pre-
mièrement , à qui je vous exhorte de
TOUS attacher plus quë jamais : &
après lui , repofés-vous fur l’amitié
que nous avons pour vous , qui aug-
mente tous les jours beaucoup , par
la perfuation où nous fommes de vos
- bonnes incKnations , & de l’envie que
TOUS avés de vous occuper , & de vi-
vre en honnête- homme.
Votre mere mena hier à la foire
toute la petite famille. Le petit Lion-
val eût belle peur de l’Elephanc, (i)
& fit des cris effroyables quand il le
vit qui mettoit fa trompe dans la po-
che du laquais qui le tenoit par la main.
Les petites filles ont été plus hardies ,
& font revenués chargées de pou-
pées, dont elles font charmées. Je
ne fuis pas entièrement hors de mes
maux ; cependant je diffère toujours
à me purger.
( I i Je fqutipn fnçau de c(ue fiayem.
’ JL' » O » Fit»
Je ne fai point ce que c’eft que
cette biftoire du Janféniftne qu’on;
imprime en Hollande ÿ vous ne m^-
soadés pas H c'ell pour ou contre ^
mais je vous confeiiie de ne témoi*
gner aiicone curiofîté , afié
qu’on ne puifTe vous nommer ea
rien. Vous voul.és bien que je vous
fafle une petite critique fur un iboè
de votre . Lettre. M^ea tmtc p»i-
Sitejfe , il faut ^ire , il irt à Qa
ne dit -point U e» a bien, agi clefl;
vue mauvàife façon de parier.
A Farts le 51. Seftemfrr^
J’Avois déjà vû dans la Gazette tou-
tes les magnificences de l’entrée de
M. l’AmbafTadeur ; & je n’ai pas lail*
fé de prendre un grand plaifir au ré-
cit que vous en avés fait. Pavois-
commencé cette Lettre dans- le def^
fein de la faire longue ; mais je fuis-
obligé de me mettre dans mon lit
pour prendre médecine. Je vous écrir
rai au long la première fois. Votrq-
mere & tout le monde vous fàlu^
S4
4i(S Lettres de Racins
L’Abbé Geneft a été é!û à rAcadé>
mie à la place de Boyer. Votre cou-
lin l’Abbé du Pin a eu des voix pour
lui » Ht pourra l’être une autre fois ,
de quoi il a grande envie. J’ai doo>
né ma voix à l’Abbé Geneft , à qui
je m’éto^ engagé.
^ Paris te 8. OSoht,
J’Ai la tête fî épuifée de.toot le fâng
qu’on m’a tiré depuis cinq ou fix
jours , qoe je laillè à. ma femme le
loin de vous écrire de mes nouvelles.
Ne foyés cependant .en aucune in*
quiétude fur ma Iknté ; elle eft , Diea
Iiperci , beaucoup meilleure , & j’ef*
ptere êlrê'ëfi ét'aTTâtfer dans'hfuic jours
à Fontainebleau.Vous favezmafîncé*
irité , & d’ailleurs je n’ai aucune rai-
fon de vous déguifW l’état où je fuis.
Soyez tranquille , & fongez un peu
au bon Dieu. Eft/iàte efi écrit de Ue
nain de fi femme. J'ai pris la plume
à votre pere ; il eft dans fcn lit: il a
ièulement voulu commencer cette
Lettre > afin que vous ne vous figix*
. L s-o H Fils. 417
nflIeL pas qu'il eH plus mal qu’il
n’eil : il a eu une fièvre continué' , âc
pn a été obligé de le faigner deux
fois : il a eu une bonne nuit , & il eft
ce matin fans fièvre ; il ne lui relie
plus qu’une douleur dans le côté
droit ( 1 )<» quand on y touche , oit
qu’il s’agite. 11 elt fort content de
vos réflexions au fujet de l’établif*.
fement que nous avons été fur le-
point de vous donner. U nousa pa-
ru cependant que le bien que cette
fille vous aportoit, avoit £sit un pea«
■ trop d’imprelfion fur votre efprit , de
que vous n’aviez pas afl*és penfé fur
ce que votre pere vous avok mandé-
de l’humeur ^ iaperlbnnedont ils’a^|
giflbit. Je yo)s bfen, mon fila^, que-,
vous ne favez pas de quelle impçr»
tance“*ç^; élT
Ÿlé t c'eÛ pour taiit'œ qui nous afitiri
rompre. Ne croyés point que nooSf
ayons ^vèhepd^ de .n.qqa>incomeBo^
der , cela ne ndut- elt ' pas tombé-
dau» fefprit d’ailiieurailiie nen».
en couton guere plua-quil noos ea«
cqutera. pour;, vpua faire .fubfiâe»
4i8 Lettres se Rac'ine
Votre pere 'eft H content de vous^
qa’il fera toutes chofes afin que vous
foyés content de lui , pourvû que
Vous foyés honnête homme , & que
TOUS viviés d'une maniéré qui ré-
ponde à l’éducation que nous avons
tâché de vous donner. Votre pere
eft bien fiché de la néceilité où vous
nous marquez être de prendre la per-
ruque ; il fouhaiteroit que vous pûf-
iiez garder vos cheveux : mais il re-
met cettè aflFsure au confeil que vous
donnera M. l’Affibafladeur , & s’il le
faut , il enverra chercher , quand il
iè portera bien , un habile Perruquier.
J’efperequ’il/ecazuétatde vous écri-
re au premier ordinaire. Adieu » mon
fils : fongèz à Dieu k gagner le
CieL
’ "-uf fms Irh 6. OSohr,
: <j:’ ’ !i » ’
Ctiti' 'Ltttiùr 'efi citnmtKfi pdt ttte,
■'tf ■ ' ii't ■■ , '-'i ■
»
Votre pere Af nioi iommes en
peine votre fiuité. Depoia '
plufieurs jours nous n’avons re$fl de
«
A S O N 1 t S. 4T9
Vos nouvelles. Il croie quelquefois
que vous avez pris le parti de venir
luire ici un cour : il auroit bien de k
joye de vous voir ; mais il feroit
ché que vous euffiez pris .cette réfo* '
lutioQ fur la Lettre que je vous ai écri*
te, puifque les-Médecins le croyent'
fans péril-; ils difent feulement que'
fa maladie pourra; être longues
eonferve toujours une petite fièvre ;;
mais la douleur de côté eft beaucoup»
diminuée. Nous avons pafTé aujour*
d’hni une partie de l’aprés-dinée fur;
la- terralTe à nous promener ; atnfii
vous voyés qu’il e(t' eu meilleur dif*
" ffSBknu , il n’y- faut plus fongeri La^
profeifion de votre fœar nous embart -
rafle ;jnaisil faudra bien qu’elle fou f*»
fg-e avec patience ce retardement.
Jkite là mêi» dt Âaciiu,- Jo-
zne perte beaucoup mieux. Dieu mer-
J.efpere de- vous écrire pas lé prfr<H
xpkr or^àaire une longue Lettre , qpii
vous dédomagera de toutes -celtes que*
je ne vous ai point écrites; Je fuis fort
fupris de votre filence ; de cehiê’
de i\^.J^/nbapdwsr^j>ei» s’«0 faut
que je ne vous croye. tous plu» ma-
S 6
420 Lettres SE R A CI MB
lades que je ne l’ai été. Adieu , mo8
cher nls , je fuis tout à voua.
jt F*rit te xo (XUbrf.
✓
♦ ;
Lettre emmemee p4T pt femmes
JE vous écris, -mon cher fils , atN
près de votre pere , qui le vouloir
fiûre. lui*tnêine : je l’en ai empêché ,
parce qu’il éfl fort fatigué de l'étné*
tique qu’on Jui a fak 'prendre, & qui
a eu tout te fuccés qu’on en pouvoir
efpërer , de maniéré que îes Méde*
cins'difent qU'il n’a plus qu’à fê tenir
en repos , n’ayant plus rien à cram>
;dre. N’ayés point d’inquiétude fur
lui : la lîenne efl, que vous né- pre-
,1 niés quelque parti précipité, qui vous
'fdetourneroit de vos occupations , êt
y ne lui feroit d’aucun fbulagetnent r ii
r-efpére Vous- écrire Vendredy, On lui
concilie de prendre ici les eaux de
Ssûnt Aroand , en attendant qu’il pui(^
fe au printems les aller prendre fur
les lieux ; & fi M. l’Aml^adeur ve- ‘
soit àufli les prendre , il vous ame-
A S .0 N F I L S. - 421
roif. M. Fûiot (fit qu’if connoîc le
tempéramment (]â M. de Bonrepaux ,
St qu’il a mat fait d' aller prendre les
eaux d’Aix- la- Chapelle qpe celles de
Saint Amant hii conviennent : il doit
en écrire à M. Fagon. Ea/mte Récrit,
df la mai» dt Racine. J’embralle de
tout mon cœur M. l’Ambafiadeur.
(Quoiqu’il ne fbit nullement néceflai^
te que vous me veniez voir , fî néant*
moins M. l’ArabaiFadeur avoit quel*
qtic dépêche en peu importante à-
fairc paner au Roi , il fe pourroit
ftire({ae M» rAmbalTadeur toutne-
roh la chofe <f une telle maniéré , que
Sa Majefté ne trouverou pas hors de;
taifon qu’il vous en- eût chargé : (ti*
tes-loi feulement ce que je vous man*
■de y & laifieZ'le &ire. Adieu ^ mon
cher ffls j’ai bien fbngé à vous , &
fuis fort aif^ que nous foyons enco*'
te en état de nous voir , s’il plaît à
l^ieu. Fmtdè la main dt [a femme. Ne
Vous étonnez pas fi l’écriture de vo-
tre pere n’eft pas bonne ; il éfl dana
fon lit ; fans cela il écriroit à l’oçdi-
naire. Adieu.
A SON F I .£ S. 423
car on a en tète que ces eaax>Ià me
font très-bonnes, aufli bien qu’à lui.
La profeffion de votre fœur a été
retardée , de quoi elle a été fort affli-
gée : elle a mieux aimé pourtant re-
tarder , & que je fufle en état d'j
afflfter. Je loi ai mandé que ce feroic
pour la première femaine du mois
de Novembre. Je ferai alors (1 près
de Fontainebleau , ( i ) que d’autres
que moi lêroient peut-etre tentés d’y
aller ; mais faffifterai feufemenc- 4 la
profefflon de votre fœur , & je re-
viendrai le lendemain coucher à Pâ-
tis.
Votre mere eft en bonne fanté ,
Dieu merci , quoiqu’elle ait pris bien
de la peine après moi pendant ma
maladie. Il n’y eut jamais de garde
fi vigilante , ni fi adroite, avec cet-
te différence , que tout ce qu’elle fai-
foit , partoit du fond du cœur , Si fai-
foit toute ma cônfolation, Cen eil
une fort grande pour moi , que vops
connoiffiez tout le mérite d’urie fi
bonne mefe : & je fuis perfuadé que
Cl) Blte friioii fsof(Biii«â ki uruiluK» ée
Mdim.
>E Riciirs
usuelle retrouve^
mitié. & toute \t
le trouve mainte*
je Valincour 6t \
ot m'ont- tenu la . I
e du monde ; je
re autifca y parce
i bougé de ma
^x-oe m a point
i grands périls ; I
n a été moini vi* I
:e retrouver foo
-cher Auteuil , & j!ai trouvécelatrès*
làifonoabie n’étant pas juQe au 'il
perdhj/la belle iaifon au tour ai^
CQOvaleicent, qui n’avoit pas même
U voix aflêa forte pour l’entretenii
Idogt^ns : ou relie il n’v a pa» un
'vtBéilleùç amî^%i un^ meilleur homme
.au^anonde. -Faites mille complûnens
pour moi. à M. rAmbaiTadeur ». <St à .
* de ijipnnac. Je leur.fuisbien oblt*
. r^téret qu’ils ont pris à ma
tnaladiè.. Je fuia auiïï.fbrt, touché de
' toutes .les inquiétudes qu’elle vous a
4Caurées.j fr'celafié coniribiiEpa» peu
8 augmenter la tendreflê que j’ai euë
. ^^o«»vous toute ma vie-. vous
a^âdesai wie autrefois des nouvelles.
VOus pouvez vous afn^rçr » njofk*
cher fils , qrte ma faniéêft , 0i0è
merci , en train de lè rétablir . eptié-
rement : j*ai été purgé pour larder- ^
, & mes iVlédecins'oi^,prfÜ 4
congé de. moi » en me reçomniâà-
dantnéàotmoins unè très- grande diét> '
te pendant quelque tems , &
coup de régie dan^ mes repM jpçjié ; ' ' '
4oQte ma vie , ce qtû ne me^tVpas. ■
fort difficile à .obferver : Je ne.ctakn, , . .
ique les tables de la maîsjel^it^ ^
trop heureux d’avoi> un préteve
Viter les grands 'mpas f àuxqueu n
bien je ne prens pas un- fort
plaifir. J’ai réfblu 'même d;êere •î^-
iris le plus fouvènt que Je ^ ■* '
non-feulement pour y avoir •foin’’d4 . ,
ma fanté , mais pour n’être pcunt
'danr cette tmrribje_jfiffipatisa^_^^ft
l’on né pèqt''Svi{er'<rilf^'li' la^ui'ïr
^ous partirons Mardi prochain pour
la profefilon de ma chere fille f que* -
je ne veux pas faire languir davmta< • .
> ••
v“
*
J
t r
426 LeTTHES de îtA'CllTE
ge. M. l’Archevêque de Sens vett
abfolumenc faire la cérémonie : j'aU'
rois bien autant aimé qu’il eût donné
cette cômmifllon à un autre , cela
nous aurok épargné bien de l’embac*
'ras & de la dépenfe, M. Mbbé Boi^
kau a voulu auffi, malgré toutes mes
inftances , y venir prêcher . jSt cela
avec toute I amuié
Nous allâmes l’autre jour (Kner à
Auteuil avec toute la petite famille ,
que M. Defpréaux régala Te mieux
/du nmnde. Enfuhe il mena Lionv^
I & Madelon dans le bois de Bou/o«
: gne , badinant avec eux , <ât leur dî>
: fant qu’il vouloir les mener perdre r
! P pas un mot de tout ce
que ces jaqvrÆA Jjttfani^liH-dilbient f
c’eü le meilleur homme du monde*
M. HeffeÎD'a un procès aflés bi^
zarre contre un Confeiller de la Cour
des Aides, dont les chevaux ayant
pris le frein aux dents , vinrent don-
tner tête baiBée dans fon carolTe, qur
l]marcboit fort paifibletnent. ^ choc
t lut fi violent , que le timon du Con-
f feiller entra dans le poitrail d’un des
chevaux de M. Heflein , & le perça
de parc en parc , en telle forte que
A SON Fils.
le pauvre cheval mourut au bout d'u-
ne heure : il a fait- afiigner le ConfeO-
1er , & ne doute pas qu’il ne le fafle
condamner à payer Ton cheval. Fai-
tes part de cette aventure à M. l’Am-
bauadeur ; mais qu’il fe garde bien
d’en plaifanter dans quelque Lettre
avec M. Heflein . car il prend la choie
torttugimjgigigot.
ji tms U 10. Ntvmbrt,
/
J’Arrive de Melon fort fatigué. J’à-
vois crû que l’air me fortifieroit ,
mais je crois que l’^aaleineot du câ-
m*a b*>onrniip incQmmQ^gf^’yiÛ
ne laiflb pourtant pas «i'allef & de
venir , & les Médecins m’a(Tûrent
que tout ira bien , pourvû que je fois
exaâ à la diette qu’ils m’ont ordon-
née , & je l’oblèrve avec une atten-
tion incroyable. Je voudrois avoir Iq
tems aujourd’hui de vous rendre
compte du détail de la profeflion .do .
votre fœor ; mais fans la flatter vous
pouvez compter que c’efl; un Ange.
Son efprit de fon jugement font ex-
f
423 Lettres de Racine
-trémement Formés : elfe a une mé-
moire prodrgieufe , & aime paRroa-
nément Tes bons 'livres : mais ce qui
eR de plus charmant en elfe , c'eft
lune douceur & une égalité d’efprit
jmérveilieufe. Votre mere & votre
'fœur aînée ont extrêmement pleuré:
& pour moi je n’ai celfé de fangid-
ter ; je crois même que cela n’a pas
peu contribué à déranger ma fbible
Janté. Ne vous chagrinez pas fi je
' ne vous e'cris pas davantage $ j*'ai
bien des chofes à faire , & .en véri-
té je ne fuis guère en état de fonger
jtmes affaires les plus preffées. Votre
mere & toute la famille vous embraf^
fs. C’eft à pareil jour cjue demain
'que voulmes baptizé,' àt que Wus fî-
tes un Ferment Folemnel à J. C. defe
fertir de tout votre ’cceur^
,1
. 9
1
4. A
A son Fils. 429
i
N
ji la Mtre Sainte ThecU Racine^
Ji Tans le 11. NevenAre, .
J’Ai beaacoap d’impatience , ma
chere Tante , d’avoir i’honneur
de vous voir , pour vous dire tout
le bien que j’ai vû dans ma chere
enfant , que je viens de faire Reli* .
gieufe. Je vous dirai cependant en
peu de mots , que je lui ai trouvé
l’efprit & le jugement extrêmement,
formé , une piété três-Hncére , & fur-
tout une douceur ^ une tranquilité
d’efprit merveilleufe. C’efl une gran-
de confolation pour moi , ma chere.
Tante , qu’au moins quelqu’un des
mes eofans vous relTerobie par quel- '1
que petit endroit. Je ne puis m’em- t
pécher de vous dire un trait qui vous
marquera tout enfemble , & fon cou-
rage, & fon naturel.
Elle avoit fort évité de nous re-
garder fa mere & moi pendant la
cérémonie , de peur d’étre attendrie'
du trouble oü noiis étions. Comme
430 LsTTitB$ DE Racine
ce vint le moment où il falloh qu’el*
Je-embraiTâc , félon la coûtume, tou<
tes les fœurs f après qu’elle eût em*
braflè la Supérieure , on lui fit em-
brailèr fa mere & fa fœar aînée qui
étoiem auprès d’elle , fondant en lar*
igJe'r'Xcétte vûê ; elfene îaiUa
acné ver, ia..cecemnnie .aBec-ie, me<
me air modefle & tranquille qu’elle
«voit eu' depul^”'l8 'COtmiteiieeraent :
mais dès que tout fût fini , elle fe re*
tira dans une petite chambre , où
elle laifTa aller le cours de Tes larmes,
dont elle vetfa un torrent , au fou-
venir de celles de fa mere. Comme
elle ètoit dans cet état on lui vint
<fire que M. l’y\rchevêque de Sens
l’attendoit au parloir avec mes amis
& moi. jilUns , Mms , dit'Clle , il n'e/l
p4s terni de pleurer. Elle s’excita elle*
même à la gayeté , & fe mit à rire
de la propre roiblefle , & arriva en
effet en fouriant au parloir, comme
fi' rien ne loi fût arrivé. Je vous
avoué*, ma cbere Tante , que été
touché de cette fermeté , qui me pa*
roît-aflèg- au-deffus. de fon âge.
Le ierœon ide M. l’Abbé Boiteaii
â SON Fils. 431
fut très-beau , & très-plein de gran-
des vérités. Tout cela a fait un terri-
ble effet fur i’efprit de ma fille aînée ;
& elle paroît dans une fort grande
agitation , Jufqu’idire qu’elle ne fera
jamais du monde : mais je a’ofe guè-
re conter fiir /•«»« dfi-mmivft.
xnehs oui peuv^ny paflèr-
J oùuliUls ' 'ffe vous dire que celle
qui vient de fe faire Religleufe aime
extrêmement la leâure ^ & (ùr • tout
des bons livres , & qu’elle a une mé-
snoire furprenante. Êxcufez un peu
xna tendrefle pour un enfant dont je
ij’ai jamais eu le moindre iùjet de
plainte , & qui s’eft donnée à Dieu
de fi bon coeur , quoiqu’elle fût af>
ibrément la plus jolie ,de tous mes
enfans , & celle que le monde auroic
le plus attirée par lès dangereulès ca-
reffes.
Ma femme & nos petits enfeos
vous alIÛreot tous de leur refpeèt. 11
zn’efi: relié de ma maladie une dureté
au côté droit , dont j’avois témoin
fné un peu. d’inquiétude : mais M.
lorin m’a affûré que ce ne feroit
vien , & qu’il la feroit paflèr peu à
^ea par de petits remèdes. Du refie
43% Lettres DB ’Racims
je fuis aflez bien , Dieu merci.
Je n\i poim été furpris, jie-la-môrt
de M. du FolTéÿm»i» j’en SI été très*
^toxiçhé. C’étoit pour ainfi dire , le
'^plus ancien ami que j’eun^umnnJek'
tniPtiv prnfim
des grands exemples de piété qu’il ma
donnes ! Je vous demande pardon
d’une fi longue Lettre , & vous prie
toujours de m’afiiüer de vos prières.
A S O N FILS.
'ji Paris le 17. Novembre»
JE crois qu*i1 n’eft pas befoin que
j’écrive à M. l’Ambafladeur^pouT
lui témoigner l’extrême plailir que
I je me fais d’avoir bientôt rhonneur
* de le voir ( s ). Ma joie fera com»
plette , puifqu’il a la bonté de vous
amener avec lui. Dites - loi qa*ii me
fbroitie plus Tenfibleplaifir doiponde,
fi dans le peu de _j|jgpr qu’il fera à
(t! Il trvim , MOI tue ttatvin d< fi mon qfaaue
moi* «fit». ^ .
' i s b W” Fît s. 4^3*'
F»is , il vouloit loger chez fftoi. Nous .
trouverons moyen de le mettre fort
tranqailement & fort commodément^
& du moins je ne perdrai pas un feul
^es momens que je pourrai le voir &
l^tfetenir. Vons ne me trouverez
pas encore parfaitement rétabli , à
Vcaufe d’une dureté qui m’eft reftée'
Jàii foie ; mais les Médecins m’aflU-
'irenc que je ne dois pas m’inquiéter,;
qu’en obfervam une diéie fort
iexàâe ,- ceia fe dHIrpera’peu à peu.
'Comme je ne fois guère en état de
faire de longs voyages à la Cour
vous viendrez fort à propos pour mç.
tiênir compagniejje ne vous empêche^
rai pourtant pas d’aller faire votre
60or. Je tfaVois pas beïoin dç Vekerti»
pie de Madame la Comtéifè d^A’n*
.vergne pour me modérer fur le Thé ;
'Ij’en ufe fobrement, ainfî në m’enap-
iportez pas. . • <■
' Si M. l’AmbaiTadeur fait quelque
cas de ces Mémoires dont Vous par»'
lez fur la paix de Rifwik ; vous pou»
vez les qchetèr. Si j’étois allez heu»;
reux pour le ^oir & l’entretenir fou»
vent y je n’aurois pas grand befoin
â’autres mémoires pour rbilloire dtr
/• T
Lettres x>b Racine
Roi ; il la fait mieux que tous.les Ara*
ba0adeurs ^ tous les Minières en-
femble ; & je fais ou grand fonds fur
Jes inftruâions qu’il a prmnis de me
^nner. Je ne crois point aller à Ver-
iâilles avant le voyage de Marly : j’ai
Itefoin de me ménager encore quel-
qne tems , afin d’être en ^tac d’y faire
«n plus long fé jour. Adieu , mmi cher
fils. Toute la famille eû dans la joie,
^puis qu’elle fait qu’ellevous reverra
bientôt. Tâchez , rai nom de Dieu ,
d’obtenir de M. l’Ambafiadear qu’fi
vienne defcendreau logis.
gaasaaaaaaasasassaaaaa^aa
^ f
Dr ÎM mm Samte ThecU Rtumcj^ Aîs-
dâme Raeine* '
/
CUire i Dim,.&c^
JE vous fuis tr^s - obligée , madiere
nièce , d'avoir, pris la peine de nous
mander vous-même des nouvelles de
notrechermalade.Danslâdouleur&Ies
fatigues où vous étés d’une fi longue
maladie , je crains beaucoup que vous
(be tombiez malade aufiL pbm de
â SOK Ÿ ït B*
DieacoofèrveZ'Vou» pour vos enfâns:
'Car je voia bien par l’état où vous '
me mandez qu’eft mon neveu , qu’ils
n^ont plus de pere (ùr la terre. 11 faut
adorer les decrets de Dieu & nous y-
foumettre, Que les penfées de la Foî-
nous Ibutiennent. Dieu nous fQutient,
lorfque nous efpérons en lui. On ne
peut être plus, touchée que je le fuis
de votre perte & de la mienne: prions
Dieu l’une pour l’autre»
DE LA MESME.
«
Ct 17. Jifai i6ppm
t
CMn il Dia$^ &c,
JE ibis bien ailé > ma très-cbere niè-
ce , du don que le Roi vous a fait»
21 n’importe guère que ce foit àvous,
ou à vos enl^s : une bonne & fage
Caere comme vous, aura toujours bien
loin d’eux. Tout ce que je vous de-
mande , c’eft de vous conlèrver : car
que lèroit'ce fi vous veniez à leur
flaanquer ?.Tâchez donc de vouscoa-
â
^6 Ll.TTaBï B B RaCIKS
ioler & de vous fortifier en regar-
<daot Dieu , qui efb le proteâeur des
'Veuves le pete des orphelins. J’ai
l>eroioauifi bien que vous de me tour-
ner vers 0ieu,‘(a J pour ne^as trop
«slTeatir eette réparation.
i • I ♦ s
) filicaiottiitl’atti^fiiWaiitCa
437
LE T TR E S V
• /
» • *
DE MADAME DE MAINTENjC>»,^
Lfs Dames dè t sllaflre inaifm de Sainte
Cyr , OH la mémoire de mon pere s' e fi cortu
fervee ^une maniéré qmfast connottn corrim 'j'
bien il s'itoit acquis d efiime ^fe font dorf^
né la peine de chercher parmi tomes lest
Lettres quelles ont de Madame de Main^
tfenon , celles^ ou H efi fitit mention de ^ lui'^. ^
& ont eu ta bonté de me^ les cornmÜhiqHèr..
Je les donne avec un)e grande fatisftSlton r
elles font eTunfiyle qui fera défirer toutep>\
les Lettres écrites de la mime main, Çép^
Pâmes en ont un recueil copJfdérnÜj^^'^ > *
i.
-43»
L E T T m B t
À MADAME DE BRINOK. ^i)
>.4 ChétmiUjU x8. Mâru
VQus avez raifbn de tout difpofer
pour la prife d’habit de notre fille
la Sœur Lalliè (a); mais comment
pouvez- vous être incertaine du jour?
rI*eft*iJ pas arrêté'avec celui qui prê-
che , & avec celui qui fait la céré-
monie ?Pour moi , je ferai également
^réte Jeudi ou Vendredi. M. Racine^
qui veut pleurer , aimeroit mieux que
ce fut Vendredi, ce qui ne doit pout-
tant pas vous obliser à rien changer..
AvertiiTez • moi leulément le plutôt
que vous pourrez.
Je n’écris point à Madame de la
Maifonfort ( 3 J. Que pourrois-jé lui
( x") C*eft U même Madaire Brinon dont il eft parlé
dans le moiceau des fouvtnirs de MadaHte la Comteffe
de Caylua . que pai rapporté
( a ) Mademoifcl'e de Lallie avoir fait le rôle d*AC-
itierus , de pat cette raifon mon Fere croyoït devoir af-
filier à fa prtfe d*habit ; mais il ne pouvoit ajfiiler à oae
pareille ceiéironie fans pleorex. .
^ I ) C4UC jçiêae ^erijoDM do«r le peu avoir
STB M. OTE Maimtbnon. 4^
écrire qu’elle ne fâche mieux que moi?
Piûç à Dieu, qu’elle ne fôt que J. C.
cr^i6é ; qu’elle pût oublier tout le;
refre , & fe donner à Dieu. & à nous
avec ce cœurfinceré & doux qu’elié
avoit, & même avec toutes Tes pre-
mières imperfeélions , que j’aimois
bien mieux que celles q.ue ladévotioi»
lui a données 1 - ,
Les bons témoignages que toits me
rendez de là Comnninauté me don-
nent une grande joie. Soyez ravie
Id’itre & cefpeâ^ pour l*b-
mour de Dieu , & renoncez à l’a-
mour propre qui voudroit s’attirer
cçs fenuroens pour lui-même. Quand
je vois nos cneres filles agir en el^
prit de foi , j’ai une grande efpéran-
ce qu’elles s’écablifient fur des ton dé-
mens folides. Dieu veuille les bénir
de plus en plus , afin qu’elles puiflèot
«lalhcumiz dant Ton biêh ^fut recommandée à Ma-
dame de Maintenoii , qui |uiiroa?ant beaucoup d*e{^
prie , la prit en afiFeélion Elle vécut quelque tems à f«
CquL , 6c enCuite entra à Saint Cyr , où Ton ne faifoic
pointVncorc de vœux. Comme elle écor fous fa dIrcAîoi»
de M-de Cambrai , 6c couiîoe de Madame Gujon_ »,
Oui la veno I voir fouvent , on craignit qu'elle n'intro»
duisitle Quîeiirme ù Saint Cyr. Elle eut ordre d'en fÎM>
tir , 6c Te rett ra dans un Couvent ù Meaux , cü'eUelao
fait h dtxeâioo de M. Boflliec . not onM vécue.
T4
r44P ' 'Lettres
par leurs foins & par leurs veilles ac-
croître Ton Royaume.
Je ne tous enverrai pas aujour-
d’hui vos conftitutioDS M. Raci-
ne & M. Defpréaux les lilènt , les
. admirent , &. y corrigent des fautes
de langage.
Vous recevez mes avis cotnnae
d’un Ange. Diea veuille que je vous
. les donne auffi parfaitement que voua
les recevez. Je fuis , &c.
DE LA MESME A MADAME
«
SS LA MaISONFORT. (l) ‘
JE vous prie , ma chere fille , de
vous fbuvenir que vous êtes Cbré-
tienne & Religieofe. Votre vie doit
être cachée > mortifiée , & privée de
^tous ks plaifîrs. Vous ne vous re-
pentez pas du parti que vous avez
cboifi ; prenez - le donc avec fes auf-
( 1 ) Cetic Lettre fat ëcitte , aînfi que la foivame , \
la ir cine rame , dont j*aî pailè dans la notte précésien*
te. Comme elle avoir beaucoup d’cfpnt , Madaii:c4e
J|aûi(<a(maai^(iUtoiiioiutq^u*cllèii*CDcât tioj^v
» E M. i>E Maintenon. 44.^r ^
térités &fes rUretés. Vous auriez ev
plus de pfaifir dans le monde ; & fe-4
.Ion les apparences vous vous y feriezi
perdue : ou Racine , en vous parlant *
du ... . vous y auroit entraînée ou.
,M. de Cambrai auroit contenté ,.oiv
.même renchéri fur votre déiicatellè p.
.& vous feriez Quiétille. Jouiflez donc:
du bonheur de la. fhreté. Aimeriezr
vous mieux que votre maifon fût plus^
éclatante que folide; & que vous fer<>
viroit d’y avoir brillé ».u vousAtiez:
abîmée avec elle ?
Pourquoi Dieu 'tmis a>t’iT donné:
tant d’efprit & de raifon ? Croyez-
^u$ que ce foit pour dHcourir^powr-
nire des chofes agréables , pour jugez'
Ides ouvrages de profe & de vers»,
• pour comparer les gens de mérite ^
& les auteurs le» uns aux autres>-*2f
Ces delfeins ne peuvent être de~ lui^
Il vous en a donné, pour fervir u».'
grand ouvrage établi pour fa^gloire:.;
tournez vos idées de cecôté>’lâ,..auffî:
folides que jes , autre» font fr-iwles».
Tout ce que vous avez re$ô yè(l poutr
le.faire profiter ;.voiis enrendrezjsomr
pte. Il faut que vôtre.efpritidevienne:
EU0I ümple qi^vque cœur. Que vou>-
JL ^
L B T T R B
drieZ'Toas apprendre ma çhere fille^
Je vous réponds fur beaucoup d’ex*
périence , qu’aprés avoir bien lû ^ |
vous verriez que vpus ne (auriez rien.
Vof re Religion doit être tout votre
favoir ; votre temsn’ed plus à vous.
2)ieu vous a donné toute la raifon
)que la leâure pourroit avoir donnée
à un autre. Je le remercie de ce que
vous aimez l'oraifon & l’Office. Je ne
vous y vois point fans regretter de
b’êcre pas Reiigiealè.
Maihteiion.
1
»
A LA M E S M E.
IL ne vous efl: pas tnanvàis de
vous trouver dans des troubles
d’efprit. Vous en ferez plus humble,
&. vous (bntirez par votre expérience,
que nous ne trouvons nulle reflburce
en nous^v quelque efprit que nous
nyons. Vous ne ferez jamais conten-
te , ma ch^e fille , que torique vous
aimerez Dieu de tout votre cœur , ce
que je ne dis pas par rapport à la pro-
B B Ml DE MA»?TE»Olir. 44$^,
'leflion où voas êtes engagée. Salo*
mon vous a dit, il y a longtem», qu’a-
près avoir cherché , trouvé , & goû-
'té de tous les plailirs , il confeflbiC
-que tout n’eft que vanité & affliêlioQ
d’efprit , hors aimer Bien & le fervir»
Que ne puis>je vous donner toute moi^
expériencé ! Que ne puis-je vous faite;
voir l’ennui qui dévore les Grands '
& la peine qu’ils ont à remplir leurs '
journées! Ne voyez-vous pas que je.
meurs de tri(léf& dans une fortune
qu’on auroit eu peine à imaginer ;
■éi qu’il n’y. a que le fecours de Dieu
qui .m’empêche d’y fuccomber ? J’as
‘Été jeune ’& Jolie j’ai goûté des-plai-
firs ; j’ai été aimée par • tout. Dans^
un âge un peu plusavancé, j^ai pafle-
des années dans le commerce deJ’ef-
pfll. ' Jé"fois vénii à la faveur , dt je
TotK protefte , ma chere foie , que
tous les états laiflênt un vuide- affreux^-
une inquiétude, une lafotude , une-
envie de connoitfe autre chofê, parée
’ qu’en tout cela rien ne fatisfoit entie-
.aemeiK. On n’efll en repos que loci^
qu’on s’eft donné à Dieu y mais avec
içette volonté déterminée dont je vous
parle ouel^efo». Aises on font qu’il
T 6
444 L « T T RrE S
(B- y a plus rien à chercher ; qu’on eSt
arrivé à ce qui feuJ e(l bon fur la terre.
. On a des chagrins , mais on a auifi
-une folide coniblation > & la paix au
fonds du cœuE au milieu des plus
grandes peines.
Mais vous me -direz , Se^ peut-on
iaire dévote quandon veut ? Oui , ma
chere Fille , on le peut ; & il ne nous
cft pas permis de croire que Dieu nous
-manque. Cherchez. & veut treavereJ^ t
iearte^àUftrte m vms l’mvrira. t
-.ce font les paroles ; nnais il faut le cjiei;-
-chetavec humilité & fiiaplicité. Saine
Paulpouvoit bien en favoir plusqu’A-
.IKioie. U vapourtant le trouver ap-
prend par lui ce qu’il faut qu’il falTe.
Vous ne le (aurez jamais par. vous-
. même. ïi &u£ vous humilier vous
4Vez un reûe d’orgueil, que vous dé-
. guifez à vous-méme fous le goût de
l’efprit : vous n’en devez plus avoir.;
mais vousdevez encore moins cher-
cher à le fatisfaire avec un Confisf-
. feur. ( X ) l«e.plu$. Ample ed le meil-
( i) Malgré cet avHcÛe me chercha pas les plus im-
pies , paifqu'clîc ftit conduire pac M. âcCattbui
loids a de cttfuice parJML* foiOMU
1>E, M. OtE MAlMTENOHr.
leur poar vous & vous devez voue'
y. roumettreenen^nt. Comment Air»
monterez-vous les croix que Dieu
vous enverra dans le cours de votre
vie fi uo accent Norman t ou Picard
vousaFTête : ou fi vous vous dégoûtez,
d’un, homme , parce qu’il n’eft pas
auffi Aiblime que Racine ? Il vous au*
soit édifié le pauvre homme , fi vous
. aviez vû fon humilité*dans fa maladie, I
• & fon repentir fur cette recherche de ,
l’efpric R ne chercha point dans ce
iems-.là un direfüeur à la mode ; il ne
vit qu’un-bon Prêtre de fikparoifle(i:)i.
J’ai vû un autre bel Efpris , qui avoic
fait de très-beaux- ouvrages , fans les
avoir fait imprimer , ne voulant pas
être furie pied d' Auteur til brûla tout,
& il n’efi refié de lui que quelques
Iragmens dans ma mémoire. Ne noos »
occupons point de ce qu’il faudra- tôt J
ou tard abjurer. Vous n’avez- encore
guère vécu & vous avez- pourtant
à renoncer à la tendrefie de votre
r 1 ) Ce Prêtre éioit depuis longicms fon Confeâèuc
•tdinaiBe » fie lefot|uiqu*i U fin. Cependant il eut dans
6 deeniere maladie » degcandes obljgijiona à- l’Abbd
Mleauto Pràttcaiciir) yenoitfi>oyéac luipaikt de
44$ Lettres
cœur , & à ta délicatefle de votre
efprit. AUez à Dieu > ma chere Fille ^
i& tout voas fera donné. AdreiTes-
VOU8 à moi tant que voua voudrez.
Je voudrois bien vous mener à Dieu;
je concribuerois à fa gloire ; je ferois
le bonheur d’ühe perfonne que j’ai
toujours aimée particulièrement ; Sc
je rendrois un grand fervice à un In^
ûtoc qui ae tn’^ pas indifférent.
Maintekon.
A MADAME la MARQUISE DE...
jtSaim Cyrie it 1717.
JE reconnois bien M. le Maréchal de
Villeroi dans la ibilicitation qu’il a
feite pour vous à M. le Duc d’Or-
léans, fiuis veusen rien dire. Il en ufa
de même pour moi à la mort de la
Reine Mere : il demanda au Roi une
penOon pour moi , quoiqu’une m’eûc
jamais parlé., R vient de m’écrire fiir
ce qui fe palTe , une Wtre en ftyre
|tl.u« tragique que eeliiide I;.ongeçwi^
SE M. SE MAiNTEirom 447'
re. Je voudrois bien être en tiers
^and vous pleurez avec Madame de
Chevreufe; Tes larmes font bien fîncè>
res , & elle a grande raifon. Comment!
M. Dangeau iè tire-t’il de l’état pré* •
•fenc du monde , lui qui ne veut rien
blâmer'? Dieu vous a fait une grande^
S 'race en vous donnant le goât de lai
blitude ; car vous êtes très-propre aul
monde ; (c’eft-à-dire aa monde que'
j’ai connu ). Ce n’eft pas la feule que
vous ayez re$ûe de lui ; âc je ne con*
sois perfonne qui lui doive tant de
feconhoiflance.
Dieu veuille que la reprélèntatibn
d’Âthalie fallè quelques converOons :
c’eft , je crois , la plus belle pièce qu’on
ait jamais vûe. Je fuis étonnée que M.
le Cardinal de Noaillesnes’oppofepas
à ces repréfentations faites par des
Comédiens. Vous jugez bien qu’on le
trouve très-mauvais à Saint Cyr.
\
44? Lettre
V
TOusles avis que mm Vert dans fia
Lettres àema a mon Frere’ pour fi
fiùre.ala<^our de p amis & des proteSeurp,
furent inutiles auu hommtquè dominoit /V
mour de la filitude qm ^ fitot qu'il fut
devenu fin maître , a fit Ja monde , quoi-
quil J fut fort\aimahle ^quand il était obli^
^4 dy paraître* AL de l'orcj< continuant
fis bontés pour lui , après la morrde mon
Vere ^ V envoya a Rame avec VAmbaJfa^
deur de France. Il y refia peu , & ayant
obtenu la permijfion de vendn/a charge
. de. Gentilhomme ordinaire^ il s'enferma
dans fin cabinet’ avec fis livres ^ & y a
vécu jufqua ùg ans \ fins prefque aucune
liai fin quiavec un ami , très^capable/à la
vérité de le dédommager durefie des hom^
mes. On a bien pu aire de lui ,.bene qui
îatuic bene vixit. Sans aucunetonihi*
tiàn , & mème fdm celte de devenir favantt,
fm feul plaifir fue de parcourir toutes leu
fciences , s'attachant particsdierement anse-
Bellos-Lettres , &. s’4tmt toujours contenté
de lire f . fans avoir jimais rien écrie ^ nù
on vers , ni en profe , quoiqu'il fût très- eut-
fabUstéfrin > & p^ f** comoiffancn^^.
D E M; Racine l’AisneV 445^
pir/m flyle. On en peut jn^er par cette het-
■tre ijuil m'écrivit lorfjue je lui fit remHtrt
le Poëme de U Rellgim pour l'examiner^ '
A Pariu ,
J’Ai lû votre ouvrage , rapidement
à la vérité , & Amplement pow
me mettre au fait du. Tout enfemble :
le projet eil beau. , bien exécuté , &
digne d’un Chrétien de. votre nom.
J’y ai trouvé une érudition , qui me
fait voir que je ne fuis point votre
aîné en tout. Je ne vous parlerai paa
de la verAfication : tout le monde
•
cpnviênt que vous favez tourner un
vers ; il n’y a rien que vous ne veniez;
à bout de dire en vers : il femble mê:*
me que la fechereffe & l’aridité des Aie
jets échauffent votre veine y & vous
tiennent lieu , pour ainA dire , d’A*
pollon. Le fond des chofes me fournie
la peut-être pluAeurs obfervations
que je vous ferai de vive voix. Je
vous dirai feulement aujourd’hui, que
. vous inAAez trop dans votre Axiéme
chant Air la. conformité de la morale
'450 L B T T & s
des Payens avec celle de l’Evangil&i
Comment ces deux loix , celle de l’E-'
Tangile , & la loi naturelle , ne iè>
xoient-elles pas conformes , puifqu’el-
KS.font tojutes deux l’ouvrage du mê-
me Légiflateur. ? Mais trouverez* vous,
dans la morale^des Payens , l’amour die
Dieu & l’amour de la Croix , ce qui
fait à la fois , & tout le pénible, & tou-
te la beauté de la loi de l’Evangile ?
Je ne puis vous pardonner qu’oix
aufli grand homme que Socrate vous-
fâfie pitié dans le plus bel endroit de
fa vie , lorfqu’il parle de ce coq qu’oik
doit facriêer pour lui à Efculape. Je
crains bien que voua n’ayez lâ>ceteii--
droit que dans le François de M. Da-
cier : de il n’eft pas .étonnant au’uu
-pareil Traduâeur vous ait indun en>
erreur. Socrate ne dit point à Crhoik
de facrifier un coq , mais fimpleinent »
'CritQtt , ntmt devons un coqn Efeuléspe ^
«AfxlpùoïK.Ne voyez- vous pas
que c’efl une plaifanterie , & que Pla-
ton , qui efb toujours Homérique , le
lait mourir comme il avoic vécu ,
c’eft à-dire , l’ironie à la bouche ?
C’étoit une façon de parler prover-
biale : quand quelqu’un étoit échappé
]>B M. Racine 45^1
de quelque grand danger , on lui di*
■ /bit : Oh , four le cuêp vms devex,ti»eùf
■ 0 EfaAape , comme nous difons , vous
,Mvm. mte MU ebMdeUe , &c. Voilà
tout le myftère. Socrate veut dire ,
Jteiu devons pourU coup mbeau ceefk Ef~
. ignlape ^ enr certninment me voilèt guéri de
tous mes maux. Ce qui éfl très confor*
neàl’idée qu’il avoit de la mort. Pou-
vez-vous croire que la derniere paro-
le d’un homme tel que Socrate ait été
une fottife ? 11 y a des noms 11 refpec-
tables , qu*on ne fauroit, pour ainfi di-
re, les attaquer , fans attaquer le genre
humain. PMvestdum efi curkati bmsinum^
<Ht fi bien Cicéron. M. Defpréaux ,
tout Defpréaux qu’il étoit , efiuya de
la part de Tes amis des critiques trés-
ameres , fur ce qu’il avoit dit de Scr- -
crate dans fon Equivoque. 11 s’en fau-
voit , en difant qu’il n’avoit pû im-
moler J. C. une plus grande vi£H-
me , qûe le plus vertueux homme du
Paganifme.
L’intérêt que je ptens à ce qui voua
Kgarde , l’emporteroit peut être fur
ma parefle , & m’engageroit à vous
écrire d’autres-réflexions ; mais le mé-
tier de Critique eft un défagréable
452 Lbttm deM. Racine VAisne”.
métier , & pour celui qui le fait , &
pour celui en faveur de qui pn le fait.
D'ailleurs je vous exhorte à chercbér
des cenfeurs plus éclairés & moins
imérefies que moi.
La manière dont il exfiùjue les derniè-
res f orales de Secrote ^,efl fort sngi-
nienfe , & efi peut-être véritable. Mais
M.. Dacier , M. Rollin , & fur-tout Ia
riponfe de Criton ^ tjoLprend ees mots dans
le fins naturel , m'ont perfuadé que fess
-émois pu dire ce que fen ai dit- , doutons
plus que Socrate ne parlant mime dans fis
‘ derniers momens , que eCmse façon ineer-
taine fur i immortalité dé l'ame ^ m'asoue-
jours par» un homme inconcevable»^
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