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Full text of "Lettres inédites de Sainte-Beuve a Charles Labitte (1834-1845)"

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LKTTRES    INKDITKS 


SAINTE-BEU 


A  CHARLES  LABITTE 

(1834-1845) 
AVEC    UNE    INTRODUCTION    ET    DES    NOTES 


Georges    SANGNIER 


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LlBRAlRIh    ANCIENNE    HONORE   CHAMPiON,    ÊDITEUl| 

5,    QUAI    MALAQIJA.IS,    5 
J912 


PQ  2391 

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1911       ^^^-o^^a 

U.B.C.  LIBRARY 


U.B.C 


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LETTRES    INEDITES 


SAINTE-BEUVE 

A  CHARLES  LABITTE 

(1834-1845) 
AVEC    LWR   IXTBODUCTION   ET   DES    yOTES 


Georges    SANGNIER 


PARIS 

JBHAlBIh     \\<   ItNNh     HONORE    CHAMPION.    Kl^llKl.K 

5,    QUAI    MALAQUAIS,    5 
1912 


2391 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  British  Columbia  Library 


http://www.archive.org/details/lettresinditeOOsain 


THE  LIBRARY 


THE  UNIVERSITY  OF 
BRITISH  COLUMBIA 


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LETTRES  INEDITES 


DE 


SAINTE-BEUVE  A  CHARLES  LABITTE 

(1834-1845) 


EXTRAIT  DE  LA  CORRESPONDANCE  HISTORIQUE 
ET  ARCHÉOLOGIQUE 


-A-nnée      1  O  1  1 


LETTRES   INÉDITES 


SAINTE-BEUVE 

A  CHARLES  LABITTE    [^(^'(^  ^  ^/-^ 

(1834-1845) 
AVEC    UNE  INTRODUCTION  ET  DES   NOTES 


Georges    SAN6NIER 


PARIS 
LIBRAIRIE    ANCIENNE    HONORÉ   CHAMPION,    ÉDITEUR 

5,    QUAI    MALAQUAIS,    5 
1911 


INTRODUCTION 


La  figure  de  Sainte-Beuve  est  trop  connue  pour  qu'il  soit 
utile  d'essa^'^er  d'en  retracer  les  grands  traits.  Disons  un  mot 
seulement  du  destinataire  des  lettres  que  nous  publions, 
Charles  Labitte,  et  des  rapports  qu'il  eut  avec  lui,  mot  utile 
pour  la  bonne  intelligence  de  la  correspondance. 

Nous  ne  croyons  mieux  faire,  pour  atteindre  ce  but,  que  de 
demander  la  collaboration  de  Sainte-Beuve  lui  même  :  le 
grand  critique  a  consacré  à  la  mémoire  de  son  ami  quelques 
pages  qu'il  fit  paraître  dans  la  Revue  des  Deux-Mondes  en 
1846,  et  dont  nous  extrayerons  ci-après  certains  passages. 
Les  appréciations  de  Sainte-Beuve  sur  le  caractère  et  le  talent 
de  Charles  Labitte,  que  nous  donnerons  dans  cette  intro- 
duction ou  dans  les  notes  qui  l'accompagnent,  offriront  l'avan- 
tage d'un  jugement  exact  et  montreront  parfaitement  la 
manière  dont  Sainte-Beuve  comprenait  son  ami. 

Charles  Labitte  naquit  à  Château-Thierry  en  1816  ;  mais 
son  père,  qui  était  magistrat,  étant  venu  s'installer  à  Abbe- 
ville,  c'est  au  collège  de  cette  ville  qu'il  fît  ses  études  secon- 
daires. Grand  lecteur  déjà  dès  sa  prime  jeunesse,  Labitte  «  ne 
se  croyait  pas  encore  voué  à  un  rôle  de  critique;  il  eut  là  de 
premiers  printemps  qui  sentaient  plutôt  la  poésie,  et  j'ai  sous 
les  yeux  une  suite  de  lettres  écrites  par  lui  dans  l'intimité 
durant  les  années  1832-1836,  c'est-à-dire  depuis  l'âge  de  seize 
ans  jusqu'à  celui  de  vingt,  dans  lesquelles  les  rêveries  aima- 
bles et  les  vers  tiennent  la  plus  grande  place.  Les  lettres  sont 
adressées  à  l'un  de  ses  plus  tendres  amis,  M.  Jules  Mac- 
queron,  qui  faisait  lui-même  d'agréables  vers  ;  Labitte  lui 
rend  confidences  pour  confidences,  et  il  y  mêle  d'utiles  conseils 
littéraires  :  l'instinct  du  futur  critique  se  retrouverait  par  ce 


0  INTRODUCTION 

coin-là  )>  (1).  Ajoutons  que  nous  avons  de  lui  plusieurs  cahiers 
de  poésies  inédites  agréablement  tournées. 

En  1834  il  s'installa  à  Paris  «  sous  prétexte  d  y  faire  son 
droit,  mais  en  réalité  pour  y  tenter  la  fortune  littéraire  »  (2). 
Il  adressa  des  vers  à  M™'  Tastu  ;  à  Lamartine,  dont  il  fut  très 
fier  d'obtenir  une  réponse  —  chose  qui  n'arrivait  que  rare- 
ment, paraît-il  ;  —  à  Nodier  ;  à  Sainte-Beuve  lui-même.  La 
réponse  bienveillante  (3)  que  Sainte-Beuve  fit  à  ses  vers 
l'enhardit.  «  Ce  jeune  homme  de  dix-huit  ans,  élancé  détaille, 
et  dont  la  tête  penchait  volontiers  comme  légèrement  lassée, 
blond,  rougissant,  se  montrait  d'une  timidité  extrême  ;  après 
une  visite  où  il  avait  écouté  longtemps,  parlé  peu,  il  vous 
écrivait  des  lettres  pleines  de  naturel  et  d'abandon  :  plume 
en  main  il  triomphait  de  sa  rougeur  »  (4),  nous  dit  Sainte- 
Beuve.  Il  composa  incontinent  une  nouvelle  pièce  de  vers 
pour  accepter  le  rendez-vous  et  que  Sainte-Beuve  reçut  trois 
heures  après  que  Labitte  eut  pris  connaissance  de  la  lettre  de 
son  futur  ami. 

«  Mais  c'était  la  critique  qui  le  partageait  et  qui  allait 
l'enlever  tout  entier.  Il  s'était  fort  lié  avec  son  compatriote 
M.  Charles  Louandre,  fils  du  savant  bibliothécaire  d'Abbe- 
ville,  et  les  deux  amis  avaient  projeté  de  concert  une  Histoire 
des  Prédicateurs  du  Moyen-Age  »  (5i .  La  rédaction  définitive 
ne  fut  jamais  réalisée;  mais  Labitte  en  tira  des  articles  qu'il 
fît  paraître  plus  tard  dans  la  Revue  des  Deux-Mondes  et  la 
Revue  de  Paris.  Il  collabora  aussi  au  JournaZ  de  l'Instruction 
Publique,  a  la  France  Littéraire,  au  Dictionnaire  de  la  Con- 
versation, etc.,  etc.  Il  publia  en  collaboration  avec  Ch.  Louan- 
dre :  Essai  sur  C affranchissement  communal  dans  le  Comté 
de  Ponthieu  (Abbeville,  1836,  in-8''). 

«  Après  avoir  été  chargé  quelque  temps  d'un  cours  d'histoire 
au  collège  de  Charlemagne  et  à  celui  d'Henri  IV,  Charles 
Labitte  avait  été  envoyé  à  la  faculté  de  Rennes  par  M.  Cousin 
(avril  1840)  pour  y  remplir,  provisoirement  d'abord,  la  chaire 
de  littérature  étrangère  dont  il  devint  plus  tard  le  titulaire  »  (6). 


(1)  Sainle-Beuve,  Notice  sur  Charles  Labitte,  1846. 

(2)  Sainte-Beuve,  op.  cit. 

(3)  Voyez  la  lettre  I  de  ce  recueil. 

(4)  Sainle-Beuve,  op.  cit. 

(5)  Sainte-Beuve,  op.  cit. 

(6)  Sainte-Beuve,  op.  cit. 


INTRODUCTION  7 

Sa  thèse  de  doctorat  ès-lettres  De  la  Démocratie  chez  les 
Prédicateurs  de  la  Ligue  (1841  )  eut  un  certain  retentissement  ; 
et  il  fut  choisi  par  Tissot  pour  le  suppléer  au  Collège  de 
France,  dans  sa  chaire  de  poésie  latine.  Il  donna  alors  à  la 
Revue  des  Deux-Mondes,  à  la  Revue,  comme  Ton  disait,  de 
nombreux  articles  de  critique  ;  et  les  plus  grands  noms  litté- 
raires d'alors  appréciaient  (et  redoutaient  parfois)  son  juge- 
ment, comme  le  témoignent  les  nombreuses  lettres  de  ses 
contemporains  qu'il  avait  conservées  et  qui  nous  sont  parve- 
nues (1).  Sainte-Beuve  —  on  s'en  rendra  facilement  compte 
par  les  lettres  qui  suivent  —  et  Philarète  Chasles  étaient  ses 
familiers  (2);  et  «  notre  ami  était  donc  en  train  d'attacher  ses 
travaux  à  des  sujets  et  à  des  noms  déjà  éprouvés  et  les  moins 
périssables  de  tous  sur  cette  terre  fragile  ;  il  voguait  à  plein 
courant  dans  la  vie  de  l'intelligence  ;  des  pensées  plus  douces 
de  cœur  et  d'avenir  s'y  ajoutaient  tout  bas  (3),  lorsque  tout  à 
coup  il  fut  saisi  d'une  indisposition  violente,  sans  siège  local 
déterminé,  et  c'est  alors,  durant  une  fièvre  orageuse,  qu'en 
deux  jours,  sans  que  la  science  et  l'amitié  consternées  pussent 
se  rendre  compte  ni  avoir  prévu,  sans  aucune  cause  appré- 
ciable suffisante,  la  vie  subite  lui  fit  faute,  et  le  vendredi, 
19  septembre  1845,  vers  six  heures  du  soir,  il  était  mort  quand 
il  ne  semblait  qu'endormi  »  (4).  Ainsi  s'éteignit  à  moins  de 
vingt  neuf  ans  ce  jeune  homme  plein  d'avenir,  qui  écrivait 


(1)  «  Lorsqu'il  arriva  à  Paris  au  sortir  des  premières  études  et  comme  tout 
frais  encore  des  soins  maternels,  ce  jeune  homme  de  dix-huit  ans,  doux, 
modeste,  rougissant,  était  déjà  plus  instruit  que  ne  le  sont  la  plupart  après 
de  longues  années  ;  il  avait  tout  lu,  tout  dévoré,  il  aurait  pu  s'appeler  déjà 
érudit  ;  et  il  n'a  cessé,  durant  les  douze  années  qui  suivirent,  d'accroître, 
d'enrichir  ce  premier  fonds,  de  le  fertiliser  et  de  le  mûrir  en  tous  les  sens. 
Et  tout  cela  il  le  faisait  avec  une  aisance,  une  facilité,  j'oserai  dire  une  gaîté 
pleine  de  fraîcheur  qui  est  le  plus  heureux  signe  des  vocations  naturelles.  » 
(Sainte-Beuve,  Discours  prononcé  sur  la  tombe  de  Charles  Labitte,  23  sep- 
tembre 1845). 

(2)  «  Charles  Labitte  était  l'ami  préféré  de  Sainte-Beuve  »,  dit  M.  Léon 
Séché  dans  une  note  de  la  Correspondance  inédite  de  Sainte-Beuve  avec 
M.  et  M'"^  Juste  Olivier.  Voir,  à  l'appui  de  ce  dire,  les  nombreuses  protesta- 
tions d'amitié  contenues  dans  les  lettres  de  ce  recueil,  ou  bien  les  bonnes 
nouvelles  données  en  primeur,  comme  celle-ci  où  Sainte-Beuve,  revenant 
de  Lausanne,  annonce  son  arrivée  à  Paris  :  «  Cher  Labitte,  me  voilà  arrivé  ; 
si  vous  pouvez  monter  demain  matin  un  moment  Cour  du  Commerce,  nous 
nous  embrasserons.  Ne  dites  encore  à  personne  que  je  suis  arrivé,  n 
(Lettre  XXIX). 

(3)  Charles  Labitte  devait  se  marier  au  mois  d'ociobre  1845. 

(4)  Sainte-Beuve,  op.  cit. 


8  INTRODUCTION 

dans  la  Revue  des  Deux- Mondes  avant  vingt  ans,  à  l'érudition 
et  au  jugement  de  qui  Sainte-Beuve  s'abandonnait  volon- 
tiers (1)  et  qui  à  vingt-six  ans  professait  depuis  plusieurs 
mois  déjà  au  Collège  de  France  ! 

La  publication  des  lettres  adressées  par  Sainte-Beuve  à 
Charles  Labitte  ne  pouvait  manquer  d'être  intéressante  en 
raison  même  de  la  qualité  de  l'auteur  et  de  celle  du  destina- 
taire. 

Si  Sainte-Beuve  fut,  comme  il  le  dit  lui-même,  «  volage  en 
vers  comme  en  amours  »  (2),  et  s'il  est  démontré  de  plus  qu'il 
ne  fut  pas  toujours  constant  dans  ses  amitiés  (3),  il  faut  recon- 
naître que  jamais  ses  relations  avec  Charles  Labitte  ne  subi- 
rent la  moindre  tiédeur,  et  qu'il  se  montra  toujours  pour  lui 
ami  fidèle  et  dévoué  (4). 

C'est  à  propos  de  l'envoi  de  vers,  nous  l'avons  vu  plus  haut, 
que  la  connaissance  se  fit.  Sainte-Beuve  fut  séduit  par  la  belle 
intelligence  de  celui  qui  demandait  à  être  son  protégé  ;  et  les 
relations  devinrent  plus  étroites  et  plus  intimes.  Les  lettres 
que  nous  publions  nous  montrent  toute  la  gamme  de  senti- 
ments allant  depuis  la  politesse  bienveillante  du  début  jusqu'à 
l'étroite  intimité  qui  survient  peu  après,  et  que  tout  nous  fait 
entrevoir  :  les  appellations  :  Monsieur,  Monsieur  et  Ami, 
Mon  cher  Monsieur  Labitte,  Mon  cher  Labitte,  Cher  Ami, 
Cher  ;  le  ton  de  la  lettre,  très  correct  dans  les  premiers  mois, 
puis  dans  lequel  il  entre  un  certain  laisser-aller  qui  n'en  a 
d'ailleurs  que  plus  de  charme  et  qui  prouve,  de  toute  façon, 
une  sincérité  absolue  ;  Vécriture  qui  s'efforce  (sans  y  réussir 
toujours...)  d'être  lisible  durant  les  premiers  rapports  de 
Sainte-Beuve  et  de  son  correspondant,  et  qui  par  la  suite  est 
souvent  capricieuse,  émaillée  même  parfois  de  fautes  d'ortho- 

(1)  (1  Je  vois  Labitte  souvent  et  nous  tenons  de  grands  discours' littéraires, 
des  projets  d'articles.  Il  m'est  d'une  amitié  bien  secourable  dans  tout  ce  tra- 
vail d'érudition  quand  il  s'agit  d'assaisonner  le  bas  des  pages  de  Port-Royal.  » 
Correspondance  inédite  de  Sainte-Beuve  avec  M.  et  il/""  Juste  Olivier.  Lettre 
du  20  août  1839. 

(2)  Voyez  la  lettre  XV  de  ce  recueil. 

(3)  Voyez  l'introduction  à  la  Correspondance  inédite  de  Sainte-Beuve  avec 
M.  et  iI7""  Jvste  Olivier. 

(4)  Sainte-Beuve  donna  une  nouvelle  preuve  d'attachement  à  la  mémoire 
de  son  ami  en  choisissant  ses  principau.K  articles  de  critique  parus  dans 
difiérentes  revues  et  qu'il  fit  précéder  d'une  intéressante  notice.  Ces  articles 
ont  été  publiés  sous  le  titre  d'^^udes-  Littéraires  (Paris,  1846,  2  vol.  in-S"). 
La  Démocratie  chez  les  Prédicateurs  de  la  Ligue  a  été  réimprimée  en  1866 
(Paris,  in-S"). 


INTRODUCTION  9 

graphe  que  nous  respecterons  scrupuleusement  (Sainte-Beuve 
n'a  pas  à  craindre  pour  sa  réputation),  ce  qui  montre  un  défaut 
de  lecture  après  la  rédaction,  négligence  qui  n'est  admissible 
qu'entre  amis  ;  le  format  même  du  papier  à  lettre  qui  arrive  à 
être  réduit  à  un  chiffon  de  papier  de  7  cm.  sur  8  (1),  ou  de  13  cm. 
sur  10  1/2  lorsque  la  longueur  de  l'épître  (écrite  sur  le  recto 
seul)  l'exige  (2).  Tous  ces  détails  pourraient  paraître  insigni- 
fiants au  premier  abord  :  ils  contribuent  au  contraire  à  mon- 
trer sous  leur  vrai  jour  les  relations  de  Sainte-Beuve  et  de 
Charles  Labitte,  à  établir  l'intimité  dépourvue  de  conventions 
qui  existait  entre  eux. 

Intimité  dépourvue  de  conventions  :  voilà  ce  qui  caractérise 
bien  les  lettres  que  nous  publions.  Nous  voyons  Sainte-Beuve 
s'intéresser  aux  travaux  de  son  ami  comme  s'ils  étaient 
siens  ;  et  il  sait  lui-même  que  ceux  qu'il  entreprend  ne  laissent 
pas  Ch.  Labitte  indifférent,  car  il  y  fait  souvent  allusion,  et  a 
recours  à  l'érudition  de  son  ami  pour  faire  des  recherches  pour 
étayer  ses  leçons  ou  ses  articles  (3).  Il  se  réjouit  de  ses  succès 
littéraires  autant  que  des  siens  propres,  il  s'intéresse  à  tout 
ce  qui  le  touche,  et  souffre  même  d'un  mouvement  de  vivacité 
de  Ch.  Labitte  envers  un  tiers  ;  il  le  lui  reproche  et  en  est 
tellement  peiné  qu'il  se  substitue  inconsciemment  à  la  victime, 
et  termine  comme  pour  faire  la  paix  par  ce  mot  parti  du 
cœur  :  «  Je  n'en  puis  plus  de  tout  ceci  et  mon  plaisir  (si  plaisir 
il  y  a)  est  bien  empoisonné.  Embrassons-nous  donc,  voulez- 
vous  »  (4).  Encore  une  fois,  Sainte-Beuve  a  pu  se  montrer, 
dans  d'autres  circonstances  et  principalement  vers  la  fin  de 
sa  vie^  plus  ou  moins  fidèle  à  ses  amis,  plus  ou  moins  chan- 
geant :  ses  bons  rapports  avec  Charles  Labitte,  qui  durèrent 
onze  ans  (de  1834  à  1845)  furent  constants  et  jamais  la  moindre 
humeur  ne  vint  assombrir  ce  tableau  d'intimité  si  étroite  qu'il 
n'est  pas  jusqu'à  la  nature  même  des  confidences  faites  par 
l'ami  à  son  ami  qui  ne  le  prouve  :  il  est  même  une  lettre  qui 
mettait  en  cause  un  grand  nom  d'alors,  relatant  un  péché  de 

(1)  Lettre  XXIX. 

(2)  Lettre  XXI. 

(3)  Voyez  la  note  1  de  la  page  8.  Sainte-Beuve  termine  son  premier  volume 
sur  Port-Royal  par  cette  note  :  «  ...Il  ne  lui  est  pas  possible  (à  l'auteur)  de 
publier  le  présent  volume  sans  y  attacher  l'expression  de  sa  reconnaissance 
pour  trois  de  ses  amis,  MM.  Charlea  Labitte,  Ghabaille  et  Louandre  qui  l'ont 
aidé  d'une  manière  suivie  par  leurs  conseils  et  leurs  avertissements.  ». 

(1)  Lettre  LXX. 


10  INTRODUCTION 

jeunesse  :  nous  avons  dû  la  supprimer  car  il  est  sans  intérêt 
de  mettre  au  jour  certains  détails  de  la  vie  des  hommes, 
quand  ces  détails,  d'un  ordre  tout  autre  que  celui  qui  les  a 
rendus  célèbres  à  nos  yeux,  ne  peuvent  que  jeter  une  tâche 
fâcheuse  sur  eux  et  diminuer  leur  vrai  mérite  (ij. 

Les  lettres  qui  vont  suivre  présentent,  à  un  point  de  vue 
plus  général,  un  intérêt  capital  :  un  certain  nombre  d'entre 
elles,  et  les  plus  importantes  comme  longueur,  ont  été  écrites 
par  Sainte-Beuve  lorsqu'il  était  à  Lausanne  et  qu'il  faisait 
ses  leçons  sur  Port-Royal,  et  d'où  est  sorti  le  grand  ouvrage 
qu'il  publia  par  la  suite.  Elles  mentionnent  la  façon  dont 
Sainte-Beuve  entrevit  et  réalisa  son  cours  ;  elles  font  préjuger 
de  la  somme  énorme  de  travail  qu'il  dût  déployer  :  recherches 
très  nombreuses,  lectures  très  étendues,  puis  coordination, 
condensation  et  appréciation,  etc.,  etc.  Aussi  pensons-nous 
que  ces  lettres  sont  uniques  à  ce  point  de  vue;  et  ce  ne  sera 
pas  un  des  moindres  intérêts  que  présentera  leur  lecture. 

Autant  que  nous  avons  pu  le  faire,  nous  les  avons  classées 
par  ordre  de  date;  mais  à  peine  une  sur  cinq  porte  une  indi- 
cation complète.  Nous  y  avons  suppléé  dans  la  mesure  du 
possible  en  prenant  la  date  du  timbre  de  la  poste,  lorsque 
celui-ci  existe  ;  ou  bien,  dans  la  négative,  nous  nous  sommes 
aidé  du  texte  pour  indiquer  l'époque  approximative  où  les 
lettres  ont  été  rédigées.  Parfois  nous  avons  été  obligé  de  faire 
suivre  ce  renseignement  d'un  point  d'interrogation,  pour  bien 
montrer  dans  ce  cas  notre  manque  de  certitude.  De  toute 
façon^  tout  ce  qui  n'est  pas  daté  par  Sainte-Beuve  lui-même  a 
été  mis  entre  crochets  [  1. 

Quelques  notes  exphcatives  nous  ont  paru  utiles  pour 
éclaircir  le  texte  en  différents  endroits. 


(1)  «  Les  indiscrétions  posthumes  sont  à  la  mode  aujourd'hui.  L'histoire,  la 
grande  histoire  en  a  pu  faire  son  profit  quelquefois  :  mais  le  temps  ne 
serait-il  pas  venu  de  poser  des  bornes  à  cette  manie  de  confesser  impituya- 
blement  les  grands  hommes  et  de  troubler  pour  ainsi  dire  le  repos  de  ces 
morts  illustres  ?  Il  serait  bon,  je  crois,  de  prendre  son  parti  de  laisser  dans 
l'ombre  certains  côtés  de  leur  vie  mortelle.  Pascal  disait  que  le  froid  est 
agréable,  «  pour  se  chauffer  »  ;  de  même,  l'ombre  est  utile,  amassée  sur 
quelques  points,  ne  fut-ce  que  pour  mieux  éclairer  les  autres.  Les  grands 
hommes,  assurément,  sont  des  hommes,  nous  le  savons,  et  par  certains 
côtés  des  hommes  comme  nous  ;  mais  précisément  il  y  a  tout  avantage  pour 
eux,  pour  nous,  pour  tout  le  monde,  à  ne  pas  les  regarder  par  ces  certains 
cùtés-là.  »  Ferdinand  Brunetière,  Eludes  critiques  swr  l'histoire  de  la  litté- 
rature française,  V  série,  Les  dernières  recherches  sur  la  vie  de  Molière. 


INTRODUCTION  11 

Enfin,  nous  avons  cru  bien  faire  d'ajouter  trois  lettres 
adressées  au  père  et  au  frère  de  Ch.  Labitte  après  la  mort  de 
ce  dernier,  ainsi  que,  en  appendice,  une  lettre  inédite  de 
J.  Olivier  à  Ch.  Labitte.  Cette  dernière  donne  des  détails 
particulièrement  intéressants  sur  le  cours  que  fit  Sainte-Beuve 
à  Lausanne  en  4837-1838,  et  complète  heureusement  les  ren- 
seignements que  Sainte-Beuve  envoyait  lui  même  à  son  ami. 

Georges  Sangnier. 


LETTRES   INEDITES 


DE 


SAINTE-BEUVE 

A  CHARLES  LABITTE 

1834-1845 


Ce  3  décembre  1834. 
Monsieur, 

J'ai  à  vous  remercier  d'abord  de  la  confiance  si  obligeante 
que  vous  avez  mise  en  moi  (1),  et  de  cette  sympathie  que  vous 
me  marquez  et  que  je  voudrais  mieux  mériter  par  quelque 
chose  en  quoi  je  vous  fusse  utile.  Le  jugement  que  vous  me 
demandez  est  bien  grave  et  il  ne  m'appartient  pas  de  le 
porter.  Il  faut  en  ce  monde  que  chacun  se  décide  soi-même  et 
se  déchiffre  péniblement  l'oracle  de  sa  destinée,  au  risque  des 
tatonnemens  et  des  contre-sens  ;  mais  il  est  bon  sans  doute 
d'entendre  les  uns  et  les  autres  autour  de  soi.  J'ai  lu  vos  vers 
nés  d'une  sensibilité  vraie,  avec  grand  intérêt,  et  je  serai 
heureux  d'en  causer  avec   vous.  Voulez-vous  que    ce   soit 


(1)  Ch.  Labitte  venait  d'adresser  une  pièce  de  vers  à  Sainte-Beuve  et  lui 
demandait  ses  impressions. 


14  LETTRES   INÉDITES   DE   SAINTE-BEUVE 

dimanche  ?  Je  serai  rue  du  Mont-Parnasse  à  4  heures  1/2(1) 
Mille  compliments. 

Sainte-Beuve. 


II 


Monsieur  Charles  Labitte,  chez  Monsieur  son  père, 
Magistrat  à  Abbeville. 


[5  septembre  1835]. 

Je  ne  veux  pas  attendre  votre  retour  (2),  Monsieur  et  Ami, 
pour  vous  remercier  de  votre  aimable  souvenir  et  de  vos  vers 
si  pleins  d'affection  que  j'ai  lus,  comme  ceux  que  vous 
m'aviez  déjà  adressés,  avec  une  reconnaissance  bien  sentie. 
Votre  ami  M.  Clément,  ne  n"avant  pas  trouvé  au  passage, 
m'a  laissé  un  mot  mais  sans  adresse,  de  sorte  qu'il  m'a  été 
impossible  de  réparer  ce  contre-temps  en  prenant  heure  pour 
causer  avec  lui.  Vous  allez  en  Angleterre  et  vous  y  êtes  déjà 
peut-être  maintenant.  J'aime  beaucoup  ce  pays,  je  l'ai  vu  il  y 
a  sept  ans,  en  1828,  ou  du  moins  j'ai  passé  deux  mois  alors 
chez  des  amis  aux  environs  d'Oxford  dans  de  délicieuses 
petites  campagnes  qui  sont  si  d'accord  avec  les  fraîches  des- 
criptions des  poètes  anglais.  Je  n'ai  vu  Londres  que  pendant 
quinze  jours,  en  été  c'est  à  dire  pendant  l'absence  de  toute  la 
gentry  et  nobility,  pendant  la  fermeture  de  tous  les  monu- 
mens  publics,  seul  et  dans  des  accès  de  spleen  que  j'ai  été 
heureux  de  retrouver  plus  tard  dans  une  page  d'André  Ché- 


(1)  Charles  Labitte  accepta  de  grand  cœur  l'invitation  de  Sainte-Beuve  (voir 
introduction,  page  6)  :  et  voici  les  impressions  de  sa  première  visite  :  «  Il  me 
reçut  très-bien,  me  donna  beaucoup  plus  d'encouragemens  que  je  n'en  vaux 
et  il  m'engagea  à  l'aller  revoir.  Il  est  fâcheux  qu'il  soit  très-rarement  à 
Paris.  —  Je  lui  ai  parlé  de  journaux.  11  m'en  a  beaucoup  détourné,  me  con- 
seillant de  travailler  eucore  un  an  ou  deux,  en  tâchant  de  faire  quelques  con- 
naissances utiles  et  bonnes.  —  Je  n'insistai  pas  cette  fois.  —  Il  est  d'ailleurs 
froid  au  premier  abord  :  petit,  commun  et  fort  ordinaire  (ce  qu'on  ne  croirait 
pas  à  ses  livres).  Je  crois  qu'il  a  peu  d'élan  et  de  spontanéité,  ou  du  moins 
l'écorce  est  dure,  il  faut  l'user.  »  i  Lettre  de  Ch.  Labitte  à  son  père,  9  décembre 
1834).  —  ((  J'ai  fait  la  connaissance  de  Sainte-Beuve.  Il  m'a  très  bien  reçu  » 
(Charles  Labitte  à  Jules  Macqueron,  9  décembre  1834). 

(2)  De  Londres. 


A   CHARLES   LABITTE  13 

nier  également  ennuyé  et  morose  à  Londres  où  il  était 
d'ailleurs  secrétaire  d'Ambassade;  mais  la  pauvreté  et  la 
jfierté  lui  gâtaient  cette  position.  Vous  devez  aimer,  ce  me 
semble,  avec  la  nature  de  vos  goûts,  le  paysage  anglais, 
cette  verdure  ornée,  cette  vie  domestique  un  peu  agreste,  les 
cottages  ayant  tous  leur  grand  rosier  qui  les  cache,  ces 
bruyères  fréquentes  entrecoupées  de  jardins  et  de  culture, 
les  presbytères  qui  rappèlent  (sic)  le  vicaire  de  Wakefield  ou 
le  cimetierre  (sic)  de  Gray,  les  petites  aiguilles  gothiques  si 
bien  conservées  et  s'élevant  dans  des  bouquets  d'arbres  ; 
hélas  !  tout  ce  cadre  gracieux  et  reposé  est  bien  près,  je  le 
crains,  d'éclater  et  de  se  rompre  dans  la  tourmente  politique 
que  tous  les  efforts  de  la  prudence  humaine,  très  grande  il 
est  vrai  chez  nos  voisins,  ne  pourront  sans  doute  conjurer 
que  pour  quelques  temps  encore.  Jouissez  en  durant  votre 
voyage  et  prenez  en  occasion  de  lire  ces  poètes  délicieux, 
même  ceux  du  18'^  siècle  comme  Gray,  Beattie,  Goldsmith, 
Collins,  Cowper,  précurseurs  classiques  des  Crabbe  et  des 
Wordsworth.  Je  n'ai  fait  cette  année  d'autre  excursion  hors 
de  Paris  qu'une  promenade  de  quinze  jours  sur  la  Loire  jus- 
qu'à Nantes  ;  mais  j'en  ai  ressenti  de  bons  et  poétiques 
effets.  Vous  avez  eu  à  Abbeville,  sans  vous  en  douter  peut- 
être,  Victor  Hugo  qui  y  est  passé,  admirant  vos  vieilles 
pierres. 

Adieu,  Monsieur  et  Ami,  gardez  moi  cette  affection  que 
vous  me  marquez  et  qui  m'est  bien  précieuse,  et  croyez  en 
retour  à  tous   mes  sentiments  d'amitié  et  de  dévouemen. 

Sainte-Beuve. 
Ce  0  septembre. 


III 

[Eté  1836]. 

Pourquoi  n'écririez  vous  pas  à  la  Revue  des  2  mondes  ? 
Voulez-vous  que  j'en  parle  ?  Il  me  semble  que  ce  ne  serait  pas 
difficile  d'arranger  cela.  Nous  en  causerons  (1). 

(1)  Simple  billet  écrit  au  crayon. 


16  LETTRES   INÉDITES   DE   SAINTE-BEUVE 

IV 

Monsieur  Labitte. 

[1836]. 
Mon  CHER  Monsieur  Labitte, 

On  vient  de  me  demander  si  je  connaîtrais  un  Elève  de 
TEcole  des  Chartes  instruit  suffisamment  au  déchiffrement 
des  vieilles  chartes  et  manuscrits,  et  aussi  en  histoire,  pour 
pouvoir  aller  dans  un  château  de  Touraine  faire  un  dépouille- 
ment d'archives  précieuses  jusqu'ici  intactes.  11  s'agirait  d'y 
aller  pour  quelque  temps  et  d'3'^  faire  un  petit  établissement 
pendant  le  temps  du  classement  des  pièces.  Je  connais 
l'illustre  dame  propriétaire  de  ces  trésors  ;  et  ce  serait  une 
occasion  utile  et  agréable  pour  un  jeune  homme  d'esprit  et  de 
savoir. 

Tâchez  d'y  penser  et  de  me  dire  votre  avis  si  souvent  essen- 
tiel. 

Tout  à  vous. 

Sainte-Beuve. 

Ce  lundi. 

Merci  du  Delille. 

Sauriez- vous  pas  non  plus  une  place  quelconque,  si  petite 
qu'elle  fût,  à  un  collège,  n'importe  où?  chez  un  libraire... 
commis,  n'importe,  pour  un  pauvre  jeune  homme  de  ma  con- 
naissance qui  est  réduit  à  zéro  et  qui  mérite  intérêt.  Par 
malheur  il  ne  sait  pas  les  chartes. 


V 

Monsieur  Labitte,  M ,  (sic)  rue  des  Maçons  Sorbonne. 

[9  juillet  1836]. 
Mon  cher  Monsieur  Labitte, 

Je  viens  encore  vous  demander  un  service,  non  pour  moi, 
mais  pour  INL  de  Senancourt  qui,  du  reste,  ne  sait  rien  de  ce 


A   CHARLES   LABITTE  17 

que  je  fais.  Il  a  mis  la  dernière  main  a  une  nouvelle  édition 
toute  prête  des  libres  méditations  religieuses:  il  n'y  manque 
que  Véditeur.  Mon  libraire  ordinaire  Renduel  n'est  guère  dis- 
posé, je  pense,  à  le  prendre.  Pourtant,  il  serait  bon  que  le 
livre  parût,  et  quelque  libraire  non  surchargé  pourrait  être 
content  d'avoir  le  nom  de  M.  de  Senancourt,  un  livre  qui  est 
sur  d'un  succès  lent,  et  de  plus  on  aurait  affaire  à  des  préten- 
tions fort  modestes.  Vous  qui  connaissez  plusieurs  libraires, 
M.  Ebrard  et  autres,  et  qui  êtes  si  obligeant,  pourriez-vous  à 
l'occasion  vous  informer  et  voir  s'il  y  aurait  espoir  de  placer 
l'ouvrage  dont  j'ai  lu  des  pages  nouvelles  d'une  haute 
beauté. 

Il  y  a  bien  longtemps  que  je  ne  vous  ai  vu.  Votre  article 
est  à  l'imprimerie  (1). 


Mille  amitiés. 
Ce  vendredi. 


Sainte-Beuve. 


VI 

Monsieur  Ch.  Lahitte,  chez  Monsieur  son  père,  Magistrat, 

Abbeville. 


Ce  9  octobre  [183G]. 

J'ai  bien  tardé  moi-même,  mon  cher  Monsieur  Labitte,  à 
vous  remercier  de  tout  ce  que  votre  lettre  contient  d'amitiés 
et  de  services.  J'ai  été  à  la  campagne  proche  de  Chantilly,  à 
peu  près  six  semaines  en  tout  avec  de  courtes  interruptions 
et  retours  à  Paris.  Je  me  trouvais  très-bien  de  ce  calme  nou- 
veau pour  moi,  lorsque  les  pluies  qui  ont  perdu  si  tôt  la  sai- 
son m'ont  chassé  et  ont  gâté  pour  ma  santé  le  bon  effet  de  la 
campagne  en  me  donnant  sur  les  entrailles.  J'ai  fait  des  vers 
à  la  campagne,  d'abord  une  assez  longue  pièce  qui  a  été  mise 
dans  le  l"^"^  n"  de  septembre  du  Magasin  pittoresque  :  c'est  un 


(I)  «  Ecrivainp  précurseurs  du  siècle  de  Louis  XIV  :  Gabriel  Naudé  »,  pre- 
mier article  de  Charles  Labitte  paru  dans  la  Revue  des  Deux-Mondes 
(15  août  1836). 

2 


18  LETTRES   INÉDITES   DE    SAINTE-BEUVE 

genre  d'Epître  morale  moderne  (1)  dont  je  compte  suivre 
l'idée  :  une  dizaine  d'dpîtres  comme  cela  feraient  un  volume. 
J'ai  de  plus  fait  un  petit  poème  assez  long,  un  ipcu  janséniste 
comme  vous  verrez  :  il  paraîtra  aussi  dans  ce  Magasin,  dans 
quinze  jours  ou  un  mois  :  cela  a  plus  de  700  vers  et  je  suis 
tout  fier  d'avoir  fourni  en  rimes  si  longue  carrière  (2).  Je  me 
suis  enfin  mis,  remis  à  Port-Royal  et  compte  en  fournir  aussi 
une  bonne  traite  sans  désemparer.  Merci  de  tout  ce  que  vous 
faites  pour  moi  et  de  toutes  vos  peines  au  sujet  du  manuscrit 
d'Hecquet.  Voici  à  quoi  je  voudrais  que  vous  bornassiez  vos 
bons  soins  :  J°  fixer  en  quelques  phrases,  autant  que  possible 
empruntées  au  texte,  le  but  et  l'occasion  de  ce  nouvel  écrit  ; 
2"  voir  si  dans  le  détail  de  la  polémique  il  n'y  a  pas  d'indica- 
tion sur  les  personnes  avec  lesquelles  Hecquet  est  en  dissi- 
dence et  sur  les  noms  propres  d'auxiliaires  ou  d'adversaires. 
Ne  prenez  d'ailleurs  que  de  courts  extraits  ou  d'ailleurs  n'en 
prenez  pas^  la  matière  ayant  été  épuisé  (sic)  dans  le  volume 
du  naturalism.e  des  convulsions  et  dans  les  pièces  imprimées 
qui  en  dépendent.  Je  ne  compte  pas  dans  Port-Royal  com- 
prendre une  histoire  détaillée  de  cette  affaire  des  convulsions  ; 
je  ne  veux  qu'en  indiquer  l'ensemble,  et  noter  surtout  les 
gens  de  sens,  vraiment  dignes  de  Port-Royal,  qui  s'en  sépa- 
rèrent, —  Je  vous  remercie  de  votre  indication  sur  Madame 
de  la  Fayette  :  mon  article  sur  elle  a  paru  (3),  et  quoique 
j'eusse  feuilleté  le  Menagiana,  cet  endroit  m'avait  échappé  : 
mais  j'en  ferai  usage  à  la  réimpression.  —  Ce  n'est  pas  moi 
qui  ai  fait  la  revision  de  l'article  Gabriel  Naudé  (4)  ;  c'est 
Buloz  ou  Bouzenot,  j'étais  à  la  campagne.  L'article  a  produit 
bon  effet.  Continuez  de  travailler  comme  vous  faites  et 
d'amasser  tant  de  connaissances  positives  avec  le  goût  d'en 
acquérir  toujours.  J'ai  par  momens  de  grands  dégoûts  de 
travail  dont  je  rougis,  il  est  vrai  que  j'ai  ensuite  des  reprises. 
Mais  l'essentiel  est  dans  la  première  forte  et  bonne  habitude 
qu'on  s'est  donnée,  et  vous  y  êtes.  Si  quelques  vers  vous 
viennent,  ne  les  repoussez  pas  ;  vous  êtes  en  vacances,  et 
votre  pensée  peut  se  permettre  quelques  légers  retours  :  c'est 

(1)  Le  titre  en  était  :  Pensée  d'août. 

(2)  Il  parut  dans  le  quatrième  numéro  de  novembre  1836  :  Monsieur  Jean, 
maître  d'école. 

(3)  Revue  des  Deux-Mondes  du  !•='  septembre  1836. 

(4)  Voyez  la  note  de  la  page  précédente. 


A   CHARLES   LABITTE  19 

une  langue  qu'il  est  bon  de  pouvoir  toujours  parler.  — Ména- 
gez aussi  vos  yeux.  —  Adieu,  mon  cher  Monsieur  et  ami  ;  ne 
restez  plus  trop  longtemps  absent,  et  gardez  moi  toujours 
cette  amitié  jeune  et  bonne,  que  je  voudrais  mieux  recon- 
naître, mais  à  laquelle  la  mienne  du  moins  répond  bien  entiè- 
rement. 

A  vous. 

Sainte-Beuve. 


VU 

Mo7isieur  Labitte,  n°  II,  rue  des  Maçons  Sorboiine. 

[5  décembre  1836]. 

Mon  cher  Monsieur  Labitte, 

Veuillez  me  faire  le  plaisir  de  venir  dîner  chez  ma  mère 
dimanche  prochain  à  5  h.  1/4,  sans  cérémonie.  Je  vous 
remercie  bien  de  vos  aimables  vers.  Je  n'ai  toujours  pas  vu 
M.  Daunouqui  d'ailleurs  nous  serait  de  peu  de  secours.  Buloz 
n'a  presque  rien  pour  son  prochain  n"  :  vous  pourriez  le  voir 
pour  retenir  place. 
Tout  à  vous  d'amitié. 

Sainte-Beuve. 
Ce  lundi. 


VIII 

Monsieur  Labitte,  11,  rue  des  Maçons  Sorbonne. 

[1836  ou  1837]. 

Mon  cher  Monsieur  Labitte, 

La  remie  se  composera  de  Souvestre,   Quinet,  un  article 
politique,  Mignet,  Planche,  Guizot,  moi  peut-être  :  ainsi  ne 


20  LETTRES   INÉDITES   DE   SAINTE-BEUVE 

VOUS  inquiétez  pas  de  votre  épreuve.  Ce  retard  peut  servir  à 
qque  chose.  A  propos  des  Templiers,  Madame  Guizot  a  dû 
faire  des  feuilletons  signés  P.  dans  le  piibliciste,  elle  doit  être 
bien  et  caractéristique  de  jugement  et  à  opposer  à  Geoffroy, 
qu'elle  a  peut-être  combattu.  Il  faudrait  les  retrouver  dans 
une  collection  du  publiciste.  Au  pire  on  pourrait  faire  deman- 
der à  M.  Guizot  le  recueil  qu'il  en  a.  Si  de  plus  vous  vouliez 
reprendre  et  me  confier  votre  épreuve,  je  pourrais  vous  indi- 
quer peut-être  qques  petites  suppressions  possibles  au  com- 
mencement. 

A  vous. 

S.unte-Beuve. 
Samedi. 


IX 

Monsieur  Làbitte,  11,  rue  des  Maçons  Sorbo7i7ie.  Paris. 

[1836  ou  1837)- 

Mon  cher  M.  Labitte  je  regrette  bien  d'avoir  été  sorti  ce 
matin.  Remerciez  bien  M.  Guénard  pour  moi,  je  ferai  en  sorte 
de  lui  écrire.  Quant  à  la  réimpression  de  Valérie,  la  question 
est  difficile.  Madame  de  Krûdner  a  un  fils,  M.  Paul  de  Krûd- 
ner,  qui  est  dans  les  ambassades  russes;  on  saurait  où  à 
l'ambassade  d'ici.  Son  autorisation  est-elle  nécessaire  ? 
pourrait-il  se  prévaloir  d'un  droit  de  propriété  ?  Le  mieux 
serait  de  s'assurer  de  son  consentement  ?  le  malheur  c'est  que 
ces  pauvres  russes  sont  si  dépendans  de  l'autorité  que  dès 
qu'on  les  interroge  sur  Madame  de  Krûdner  ils  restent  muets 
et  ne  répondent  pas  où  n'ont  rien  entendu.  Le  fils  serait  peut- 
être  comme  les  autres.  —  J'ai  revu  Madame  de  R.  et  j'ai 
donné  votre  adresse  pour  que  Madame  de  la  R.  puisse  vous 
écrire  directement. 

Pas  de  remerciemens  entre  nous,  c'est  bien  moi   qui  vous 
en  devrais  de  reste. 
A  vous. 

Sainte-Beuve. 

Ce  8. 


-  A  CHARLES   LABITTE  21 

X 

Monsieur  Labitte^  11,  rue  des  Maçons  Sor bonne. 

[Début  de  janvier  1837]. 

Mille  remerciemens  de  tous  vos  bons  soins  et  aussi  de  la 
part  de  ma  mère  de  votre  cadeau  si  crustiUant.  —  Je  vous 
reparlerai  pour  les  ofires  de  M.  Olivier.  Voici  le  n^  de  Naudé 
qui  me  tombe  juste  sous  la  main.  Je  suis  tout  à  vous  pour  le 
Rajnouard  (1). 
A  bientôt  et  mille  amitiés. 

Sainte-Beuve. 
Ce  vendredi  matin. 

XI 

Monsieur  Lahitte,  n^  11,  rue  des  Maçons  Sorhonne^  Paris. 

[4  mai  1837]. 

IMon  cher  Monsieur  Labitte,  en  y  réfléchissant  il  me  semble 
qu'il  vaudrait  mieux  ne  pas  citer  Nisard  et  ne  pas  le  prendre 
à  partie  dans  cette  phrase.  —  Vous  pourriez  à  propos  du 
derrière  dont  Voiture  ne  craint  pas  de  parler,  et  en  disant 
que  si  poli  et  si  factice  de  quintessence  que  soit  un  petit 
monde  on  est  toujours  de  son  siècle,  naturam  expellas  furcà; 
rappeler  que  Louis  XIV,  le  majestueux,  recevait  même  des 
ambassadeurs,  je  crois,  ou  du  moins  des  grands  seigneurs, 
sur  sa  chaise  (percée). 

Il  faudrait,  ce  me  semble,  dire  vers  la  fin  à  propos  de  ces 


(1)  Article  de  Labitte  publié  dans  la  Revue  des  Deux-Mondes  du  1"  février 
1837. 


22  LETTRES   INÉDITES   DE   SAINTE-BEUVE 

querelles  :  «  Ainsi  les  funérailles  de  l'homme  le  plus  poli 
furent  célébrées  par  des  cuistres  en  colère  ;  passe  encore 
quand  ce  n'était  que  Sarrazin,  le  spirituel  émule  ;  mais  Cos- 
tar,  mais  Girac  ;  ce  fut  le  commencement  de  cette  longue 
injure  qui  n'a  cessé  de  peser  sur  la  mémoire  d'un  esprit  char- 
mant et  gâté,  sur  une  mémoire  que  nous  n'avons  eu  nul 
dessein  de  relever,  mais  que  nous  avons  voulu  éclaircir  (1).  » 
Mille  amitiés. 

Sainte-Beuve. 


XII 

Monsieur  Labittc,  11,  rue  des  Maçons  Sorbonne. 

[Mai?  1837]. 

Mon  cher  Mons.  Labitte,  j'ai  bien  du  regret  de  la  peine 
inutile  que  vous  avez  prise  hier  et  «l'autre  jour.  Veuillez, 
quand  vous  passerez  cour  du  Commerce,  forcer  la  consigne 
pour  que  je  vous  dise  bonjour.  Je  n'ai  pas  encore  eu  le  Jas- 
min (2)  qui  est  prêté,  pour  le  faire  lire  à  M.  Dessalles.  Je  suis 
de  plus  en  plus  contrarié  car  par  suite  de  Maupratl]e  Mille- 
voye{3)  court  risque  de  ne  pas  passer.  Voici  le  Tliurot  dont 
F.  Denis  vous  a  parlé  avec  prière  d'une  petite  note.  Merci  du 
magasin  que  j'ai  tant  gardé  (pardon  je  le  garde  encore  !) 
Mille  amitiés. 

Sainte-Beuve. 


(1)  Cet  article  sur  Voiture  et  dont  Ch.  Labitte  était  l'auteur  parut  dans   le 
numéro  du  9  juillet  1837  de  la  Revue  de  Pans. 

(2)  Voyez  la  Revue  des  Beux-Mondes  du  1"  mai  1837. 

!3)  Il  ne  parut,  dans  la  même  revue,  que  le  1"  juin  1837. 


A   CHARLES   LABITTE  23 

XIII 

Monsieur  Labitte,  11,  rue  des  Maçons  Sorhonne. 


[Juin  1837]. 

Cher  Monsieur  Labitte, 

Voici  enfin  cette  revue  pour  M.  Dessalles.  Elle  me  rentre 
seulement.  Excusez-moi  près  de  lui,  et  ayez  la  bonté  de  le 
prier  qu'il  vous  la  fasse  remettre  après  l'avoir  lue  car  vous 
savez  que  YAchéron  est  avare  et  qu'on  n'est  pas  prodigue  de 
n°^  Et  vous  !  dites  moi  bonjour  au  passage,  et  notre  monsieur 
de  S'-Louis,  est-il  capable  ?  Mille  amitiés. 

Sainte-Beuve. 

Vous  savez  que  l'Edition  paraît  sans  notre  Millevoje  (1). 


XIV 

Monsieur  Labitte. 

[Juin-Août  1837]. 

Mon  cher  Labitte, 

Merci  pour  vous  et  pour  M.  des  Salles  des  deux  volumes, 
il  ne  me  reste  plus  qu'un  scrupule,  c'est  sur  l'opinion  que 
vous  m'avez  exprimée  d'après  M.  des  Salles  que  Jasmin 
arrangeait  souvent  le  patois  à  sa  guise.  Une  personne  d'Agen 
même  et  qui  sait  très-bien  ce  patois  particulier  m'assurait 
encore  hier  que  Jasmin  3^  était  très-pur  et  en  observait  fidè- 
lement le  peu  de  règles.  Je  voudrais  savoir  en  quel  sens  pré- 
cis M.  des  Salles  lui  reproche  de  ne  pas  faire  sur  ce  point  ce 
qu'il  faudrait,  ce  qui  se  pourrait  pour  rendre  ce  patois  plus 
digne  de  sa  langue  première.  Dans  les  pièces  non  politiques, 
il  emploie  les  mots  dans  leur   vraie  acception   et  leur  grâce 

(!)  Voyez  la  note  3  de  la  page  précédente. 


24  LETTRES   INÉDITES   DE   SAINTE-BEUVE 

native  :  le  vocabulaire  est  excellent.  Est-ce  par  rapport  aux 
cas,  aux  temps,  qu'il  pêche  ?  mais  il  paraît  qu'il  observe  le 
reste  de  règles  comme  il  est  d'usage  dans  le  pays  d'Agen.  Si 
vous  pouviez,  d'un  mot,  éclaircir  cete  difficulté  de  M.  Des- 
salles je  lui  serais  et  vous  serais,  mon  cher  Frœsidium  et  auxi- 
Ihim,  très  obligé  comme  déjà. 

Sainte-Beuve. 


XV 


Ce  4  [septembre  1837]. 

Mon  cher  Labitte,  M.  Louandre  (1)  dit  à  ma  mère  qu'il  vous 
écrit  et  j'en  profite  en  toute  hâte.  Je  suis  ici  depuis  3  jours  ; 
plusieurs  choses  m'ont  rassuré.  J'imprime  mon  petit  volume 
de  vers  (2),  chez  Renduel  d'habitude  :  ce  sera  fait  dans  trois 
semaines  et  paru  dans  le  mois,  s'il  veut.  Je  n'ai  plus  qu'une 
pièce  finale  à  rimer,  et  j'ai  demain  l'épreuve  de  la  première. 
Je  suis  de  plus  bien  en  anxiété,  ayant  à  répondre  sur  un 
point  grave  :  irai-je  cet  hiver  professer  durant  7  mois  (du 
ie"-  novembre  au  31  mai)  à  l'Académie  de  Lausanne  un  cours 
sur  Port-Royal  ?  c'est  ce  qu'on  (3)  m'offre  de  négocier  presque 
à  coup  sûr,  si  je  consens  sérieusement.  Je  suis  tenté,  je  suis 
effrayé,  je  me  rejette  dans  Paris  que  je  détestais  comme  en 
un  lieu  chéri.  Je  ne  sais  trop  encore  ce  que  je  dirai,  et  il  faut 
que  je  réponde  demain.  Le  grand  avantage  serait  de  revenir 
de  là  sûrement,  avec  le  livre,  sinon  fait,  du  moins  entièrement 
bâti  ;    il  n'y  aurait  plus  que  les  finesses  de  st3-le  et  d'érudi- 


(1)  Le  nom  de  Louandre  sera  souvent  cité  dans  ce  recueil  de  lettres.  Né  à 
Abbeville  en  1812,  Charles  Louandre  fut  attiré  d'abord  vers  la  poésie  :  mais 
il  entreprit  bientôt  des  travaux  d  histoire,  d'économie  politique,  d'archéolo- 
gie, de  critique  littéraire  ;  traduction  des  œuvres  complètes  de  Tacite,  de  la 
Guerre  des  Gaules  de  César  ;  éditions,  avec  introductions  et  annotations,  des 
grands  classiques  du  xvii=  siècle  :  collaboration  îi  la  Revue  des  Deux-Mondes, 
à  la  Revue  de  Pari:^,  etc.  ;  rédaction  en  chef  du  Journal  de  l'Instruction 
publique,  etc.  Etroitement  lié  avec  Charles  Labitte  dont  il  avait  été  le 
camarade  au  collège  d'Abbeville,  il  devint  ainsi  l'ami  de  Sainte-Beuve. 

(2)  Pensées  d'août. 

(3)  Juste  Olivier,  de  Lausanne.  Voyez  la  Correspondance  inédite  de  Sainte 
Beuve  avec  M.  et  i/"»  Juste  Olivier.. 


A   CHARLES   LABITTE  25 

tion  à  y  ajouter.  De  plus,  comme  de  loin,  j'aurai,  en  tout  cas, 
grand  besoin  de  vous  pour  ce  cher  Port-R.oyal,  auquel  je 
finirai  par  me  consacrer  aussi  sérieusement  que  votre  amitié 
le  désire  et  que  mon  véritable  intérêt  le  commande,  mais  le 
diable,  c'est  d'être  poète  et  volage  en  vers  comme  en  amours 
à  travers  ces  études  qui  veulent  être  graves  et  sans  relâche. 
Comment  êtes-vous  là  bas  sous  ces  vieux  ombrages  qui  ont 
caché  jadis  de  si  jeunes  amours  ?  Jehan  de  Saintis  vous  est-il 
apparu,  dans  quelque  manuscrit  du  moins  ?  Avez-vous  fait 
quelque  trouvaille  de  Communes  (1),  à  défaut  d'un  joyau  che- 
valeresque ?  dites  moi  quelque  chose  ;  et  aussi,  si  la  noble 
châtelaine  d'Ussi  y  est  en  ce  moment,  veuillez  me  rappeler 
respectueusement  à  elle. 

Adieu,  mon  cher  Antiquaire,  et  partout  croyez  moi  à  vous 
tout  entier, 

Sainte-Beuve. 


XVI 

Monsieur  Lahitte,  11,  rue  des  Maçons  Sorbonnt. 

Ce  Dimanche  [1837]. 
Mon  cher  Labitte, 

Je  suis  tout  à  vos  convenances  pour  ce  diner  d'aimable  pers- 
pective. Excepté  demain  lundi,  je  suis  libre  les  autres  jours. 
Choisissez  donc  et  faites  que  vos  amis  puissent  y  être,  car  il 
me  sera  bien  agréable  d'y  retrouver  M.  Ravaisson,  et  d'y 
faire  mieux  connaissance  avec  M.  Leudière  (c'est  je  crois  son 
nom).  Je  commence  à  entrer  dans  mes  préparatifs  de  départ, 
et  à  descendre  cette  pente  sombre.  Encore  quelques  bonnes 
heures  du  moins  avec  vous, 
Vôtre 

Sainte-Beuve. 


(1)  Charles  Labitte  venait  de  publier  dans   les  Mémoires  de   la    Société 

d'Emulation  d'Abbeville.  en  collaboration  avec  Ch.  Louandre  :  Essai  sur   le 

Mouvement  comiminal  dans  le  Ponthieu.  —  Mém  de  1836-1837.  —  V.  intro- 
duction. 


26  LKTTRES   INÉDITES   DE   SAINTE-BEUVE 


XVII 

Monsieur  Ch.  Lahitte,  chez  Monsieur  Làbitte, 
magistrat  à  Ahbeville. 


Lausanne  ce  27  octobre  [1837]. 
Cher  Labitte, 

Me  voilà  arrivé,  installé  presque,  et  à  l'ouvrage.  J'ai  trouvé 
ici  d'excellentes  personnes  et  une  obligeance  désintéressée, 
infinie.  Il  faut  cela  pour  rendre  tolérable  labsence  de  tant  de 
choses  et  d'amis  qui  sont  ctiers.  iVu  fond  soyez  bien  assuré 
que  je  ne  m'en  distrayerai  jamais.  J'ai  presque  fait  mon  dis- 
cours d'ouverture  qui  aura  lieu  le  6  :  mais  il  n'est  pas  encore 
écrit.  Je  vois  déjà  une  quantité  de  petites  questions  sur  les- 
quelles votre  amitié  et  votre  érudition  me  seront  indispen- 
sables. Voulez- vous  que  je  vous  pose  tout  d'abord  quelques- 
unes  de  ces  questions.  Ne  répondez  qu'à  celles  que  vous 
aurez  un  peu  sous  la  main  :  ce  sont  des  curiosités,  après  tout, 
plutôt  que  des  nécessités  de  mon  sujet. 

1.  —  Y  a-t-il  dans  Pierre  Corneille,  dans  sa  vie  ou  dans  les 
vers  chrétiens,  quelque  trace  de  liaison  avec  Port-Royal,  ou 
du  moins  avec  Arnauld  d'Andilly,  son  contemporain  et  rival 
en  vers  dévots? 

2.  —  Quel  est  le  passage  de  la  Clélie  de  Mademoiselle 
de  Scudéry  qui  fait  l'éloge  des  solitaires  de  P.-R.  et  qu'on  se 
passade  main  en  main  au  dire  malicieux  de  Racine  dans  ses 
petites  lettres  contre  Nicole?  l'éloge  doit  être  sous  des  noms 
empruntés. 

3.  —  Y  a-t-il  dans  Fontenelle  quelque  pièce,  lettre,  etc., 
relative  à  Port-Royal  ?  dans  ses  éloges  a-t-il  eu  à  louer  quel- 
que notable  janséniste  ? 

4.  —  Dans  Lamotte  il  y  a  une  lettre  du  1"  janvier  1714 
adressée  à  Fénelon  sur  la  grâce  ?  n'y  a-t-il  que  celle-là?  Vou- 
loir bien  l'analj^ser  ou  en  extraire  des  passages.  Quelles 
étaient  les  opinions  religieuses  de  Lamotte  ? 


A   CHARLES    LABITTE  27 

5  . —  Dans  l'ouvrage  de  Joseph  de  Maistre  sur  les  libertés 
gallicanes  qui  est  imprimé  (2*  édition)  à  la  suite  des  considé- 
rations sur  la  Révolutio7i  française,  il  y  a  un  violent  et 
furieux  passage  contre  Port-Royal  et  Pascal  ?  pourriez-vous 
m'en  copier  le  principal. 

6.  —  Quel  est  le  titre  exact  de  l'ouvrage  de  M.  de  Sacy, 
l'orientaliste,  sur  les  principes  généraux,  les  langues  de 
l'Orient. 

7.  —  Camus  de  l'assemblée  constituante,  le  janséniste, 
était-il  prêtre  ou  d'une  congrégation  religieuse  ?  a-t-il 
écrit  ? 

8.  —  Au  tome  12  des  ouvrages  de  morale  et  de  politique  de 
l'abbé  de  S'-Pierre,  il  doit  se  trouver  (je  ne  sais  comment) 
un  jugement  de  Nicole  sur  Madame  de  Longueville.  Vouloir 
bien  me  le  transcrire  et  m'indiquer  comment  cela  se  trouve 
inséré. 

Voilà  bien  des  questions,  cher  Labitte  ;  j'y  joindrai  la 
prière  de  me  trouver  de  chez  Patin  une  petite  vie  de  Rollin 
que  vous  remettriez  à  ma  mère  pour  joindre  au  prochain 
envoi.  Pourriez-vous  aussi  savoir  s'il  n'y  aurait  pas  moyen 
d'avoir  un  3e  et  un  6^  volume  de  Tallemant  (j'ai  les  deux  pre- 
miers et  les  4  et  5  ne  contiennent  rien,  ce  me  semble,  sur 
P.-R.  et  ses  personnages).  C'est  Levavasseur  qui  est  le 
libraire.  Pourriez-vous  vous  informer  là  si  on  pourrait  retirer 
les  volumes  à  part  et  combien  ils  coûteraient,  comme  pour 
libraire.  M.  Ollivier  vous  rendrait  peut-être  le  service  et  à 
moi. 

Il  a  bien  voulu  m'envoyer  la  veille  de  mon  départ  3  exempl. 
de  Valérie  ;  j'en  ai  fait  don  aussitôt,  et  n'ai  qu'eu  le  temps 
d'entrevoir  votre  amicale  préface. 

—  Je  suis  toujours  fort  bousculé  là  bas  pour  ces....  (1). 
Pensées  :  c'est  bon  signe,  je  ne  croyais  pas  que  cela  paraîtrait 
si  neuf.  Pourtant  je  sens  bien  l'inconvénient  de  ne  tenir  à 
rien,  d'être  sans  position  à  part  et  sans  place  forte  dans 
cette  anarchie.  Je  voudrais  avoir  ne  fut-ce  que  Pont-de-Cé  ou 
le  Havre  comme  M.  de  Pongerville  pour  me  moquer  des 
mazarins  ou  de  ceux  des  halles.  Mais  je  n'ai  réussi  qu'à  être 
un  arbre  en  plein  vent.  Je  doute  que  Lausanne  fasse  de  moi 
un  espalier. 

(1)  Un  fragment  de  la  lettre  manque. 


28  LETTRES   INÉDITES   DE   SAINTE-BEUVE 

Adieu,  mille  bonnes  amitiés  et  tout  à  vous  de  cœur.  Ami- 
tiés à  tous  aussi,  à  M.  Ravaisson,  etc. 


Sainte-Beuve. 


Dites  moi  ce  que  vous  faites. 


XVIII 

Monsieur  Charles  Labitte. 

Lausanne  ce  C  novembre  1837. 
Cher  Labitte, 

Je  vous  écris  encore  comme  à  mon  secours.  Ne  vous 
donnez  pas  la  peine  de  me  répondre  sur  Camus  :  j'ai  trouvé 
ici  tout  ce  qu'il  me  faut  dans  la  Biographie.  Mais  voici  du 
mieux  : 

1.  —  Voudriez-vous  voir  dans  les  Mémoires  latins  de  Huet 
Commentarius  de  rehus  ad  seipsum  pertinentibus,  à  la  table 
qui  est  bien  faite,  s'il  ne  dit  rien  d'Arnoldus  de  Fortus-Regius 
de  Sancycianus,  enfin  s'il  n'a  pas  eu  qque  relation  avec 
P.  R.  et  lesquelles. 

2.  —  Il  y  a,  si  je  ne  me  trompe,  dans  Narville  (mémoires) 
une  phrase  sur  le  style  grand  et  étendu,  à  Vespagnole,  de 
d'Andilly  :  pourrais-je  l'avoir  de  vous? 

3.  —  Il  doit  y  avoir  dans  la  correspondance  de  Ninon  et 
de  S^-Evremond  un  endroit  sur  le  comte  de  Grammont  qui  se 
convertit.  Ceci  m'intéresse,  car  le  C'^  de  Grammont  tient  par 
sa  femme  à  P.-R.  En  vérité  !  et  s'il  s'est  converti,  c'est 
que  le  petit  doigt  de  P.-R.  était  là  :  il  y  a  une  petite  édition 
de  cette  correspondance  de  Ninon  et  de  S'-Evremond  édi- 
tion de  Léopold  CoUin,  1806,  in-d8. 

—  Mille  remerciemens  de  tout  ce  que  vous  ferez  et  pour 
tout  ce  que  vous  ne  trouverez  pas. 

4.  —  Il  doit  y  avoir  encore  dans  les  plaidoyers  de  Patru  un 
plaidoyer  contre  Antoine  Arnauld  pour  une  abbaye,  voudriez- 
vous  seulement  vous  assurer  du  fait  et  m'indiquer  la  date  et 
en  gros  le  sens  du  plaidoyer? 

5.  —  Y  a-t-il  eu  quelque  chose  comme  une  histoire  litté- 


A   CHARLES   LABITTE  29 

raire  des  jésuites,  un  livre  où  Ion  trouve  un  peu  l'histoire  de 
leurs  littérateurs  du  17°  siècle  et  du  18",  Bouhours,  Tourne- 
mine,  Rapin,  etc  ? 

6.  —  Y  a-t-il  eu  une  vie  à  part  de  Bourdaloue.  Vouloir  bien 
me  l'indiquer. 

Je  suis  bien  reçu  ici  et  j'y  trouve  de  bien  bonnes  gens 
et  des  hommes  de  mérite.  On  y  sait  beaucoup  ;  la  bibliothè- 
que y  est  bien  fournie,  et  toutes  les  choses  essentielles  3^  sont. 
Mais  ce  qui  me  manque  c'est  vous,  Paris  et  les  anciens  amis, 
et  les  libres  habitudes  et  le  loisir  vague  et  rêvant.  Nous  y 
reviendrons. 

J'ai  rencontré  dans  une  soirée  M.  de  la  Tour-du-Pin-Gou- 
vernet,  des  amis  de  Madame  de  la  Rochejaquelin  :  elle  n'est 
pas  de  retour  et  ne  le  sera  guère  peut-être  de  longtemps.  Je 
ne  pourrai  d'ailleurs  voir  que  bien  peu  et  bien  rarement  du 
monde  :  tout  mon  temps  est  pris.  Je  sortirai  de  là  fort  vrai- 
ment sur  Port-Royal.  A  partir  de  ma  seconde  leçon,  j'impro- 
vise et  me  livre  à  toutes  chances  en  plein  sujet;  je  n'aurais 
pas  le  temps  d'écrire  d'ailleurs,  et  la  nécessité  fait  loi  (1). 

—  Je  viens  de  faire  ma  1"  leçon  ;  cela  a  assez  réussi  et  j'ai 
lu  distinctement  et  assez  à  l'aise  ;  c'est  maintenant  des  sui- 
vantes qu'il  s'agit.  Si  Rendue!  le  trouve  bon  et  si  Buloz  s'en 
accommode,  je  donnerai  à  ce  dernier  mon  discours  pour  la 
revue  :  mais  il  s'en  souciera  peut-être  peu  à  cause  de  tous 
les  complimens  de  nécessité  et  de  convenance  au  Conseil 
d'Etat,  au  Recteur,  etc.  toutes  choses  essentielles  et  qui  ne 
peuvent  se  supprimer  à  l'impression.  Or  cela  attirera  à  Buloz 
et  à  votre  serviteur  les  quolibets  des  petits  journaux  ;  et 
Buloz  tient  à  ce  que  ses  articles  aient  du  succès  (2). 

—  Un  mot  encore  de  service  à  me  rendre.  Si  M.  Ollivier, 
le  libraire,  a  réellement  cru  qu'il  devait  donner  pour  Valériz 
quelque  chose  comme  100  francs,  ce  me  serait  d'un  mer- 
veilleux secours  qu'il  vous  les  donnât  pour  payer  là  bas 
de  petites  dettes  que  je  vous  dirais.  Négociez  ceci  avec  votre 
discrétion. 

—  Bonjour,  cher  Labitte,  amitiés  à  ceux  qui  vous  parle- 


(1)  La  lettre  a  été  interrompue  en  cet  endroit.  Ce  qui  suit   est  d'une  écri- 
ture un  peu  dilïérente. 

(2)  Buloz  publia  tout  de  même  le  discours  d'ouverture  de  Sainte-Beuve. 
(Revue  dea  Deux -Mondes  du  15  décembre  1837.) 


30  LETTRES   INÉDITES    DE    SAINTE-BEUVE 

ront   de   moi,   et  un    mot   sur    vos  travaux,    sur  ceux   des 
autres. 

Du  fond  du  cœur, 

Saixte-Belve. 


XIX 

MoTisieur  Labitte,  rue  des  Maçons  Sorborine.  Paris. 

Ce  mardi  o  décembre  1837]. 

Mon  cher  Labitte, 

Je  vous  écris,  sans  trop  d'espoir  que  cette  lettre  vous 
trouve  à  Paris,  mais  à  tout  hasard.  C'est  comme  à  l'ordinaire 
pour  un  service  que  je  ne  puis  demander  à  personne  autre. 
Il  s'agirait  de  prier  Buloz  (en  lui  montrant  ce  mot)  de  vous 
donner  25  francs  qu'il  mettrait  sur  mon  compte  ;  vous  vou- 
driez bien  porter  ces  25  francs  chez  Madame  Ladame,  la  maî- 
tresse de  mon  hôtel  cour  du  Commerce  n°  2,  en  lui  disant  que 
je  la  prie  de  les  garder  jusqu'à  ce  que  Mademoiselle  Cantor 
(qu'elle  connaît  bien;  vienne  les  lui  demander  et  les  prendre 
d'elle.  Vous  voudriez  bien  ne  dire  mot  de  tout  ce  détail  à  ma 
mère.  —  Voilà  qui  est  bien.  —  J'ai  vu  Madame  de  La  Roche- 
jaquelin  qui  m'a  dit  que  vous  étiez  dans  un  château  de  Picar- 
die :  vous  aurez  reçu  de  moi  bien  des  demandes  ;  ne  répondez 
qu'à  celles  qui  sont  à  votre  portée  immédiate  sans  vous  occuper 
des  autres.  Je  suis  content  de  mon  cours  ;  j'en  suis  à  la 
13'  leçon  ;  seulement  je  suis  un  peu  fatigué  de  parler  ;  et  il 
me  faut  garder  le  silence  en  détail  pour  faire  des  économies 
de  voix  à  dépenser  dans  cette  grande  heure.  Comme  j'ai  leçon 
demain,  je  ne  puis  que  vous  dire  ce  peu  de  mots,  vous  serrant 
la  main  bien  cordialement. 
A  vous  de  cœur, 

S.unte-Beuve. 


A   CHARLES   LABITTE  31 

XX 

Monsieur  Ch.  Labitte  [i). 

iMi-décembro  1837]. 

Bonjour,  cher  Labitte  ;  ne  vous  donnez  pas  la  peine  de  me 
chercher  le  passage  de  Clclic;  je  l'ai  trouvé  ici.  Ne  cherchez 
rien  non  plus  sur  Corneille,  j'ai  fait  toute  cette  partie  déjà  et 
avec  soin.  J'ai  trouvé  ce  qu'il  fallait.  —  dites-moi,  savcz-vous 
et  sait-on  de  qui  est  la  préface  en  tète  de  l'Edition  in-folio  de 
Balzac,  cette  longue  préface  sur  lui  et  sans  style.  —  Je  suis  à 
ma  17'"  leçon,  et  devenant  très  fort  je  vous  assure  :  mon  livre 
se  fait. 

—  Amitiés. 

Sainte-Bkuve. 

XXI 

Monsieur  Labitte. 


Ce  29  décembre  [18371. 

Cher  Labitte,  merci  de  toutes  vos   bonnes   indications  et 
nouvelles.  Je  suis  bien  et  tout  au  travail  qui  doit  ensuite  me 


(1)  Madame  Sainte-Beuve  qui  avait  (ait  rcmotlrp  cotte  lettre  à  Ch.  Labllte 
avait  écrit  en  tête  ce  qui  suit  : 

«  Je  regrette  de  n'avoir  pas  trouvé  lo  livre  du  10*  siècle  de  jacob.  quo  vous 
aviez  demandé. 

Dans  la  lettre  de  Sainte  Beuve  il  me  dit  : 

«  Buloz  m'écrit  qu'il  dirait  A  Cousin  son  fait.  Cousin  n'a  pas  afji  précisé- 
ment contre  moi,  mais  il  a  dit  de  cis  pctid^  wo/s  porfidt>s  et  malveiilans  qui 
vont  li'ur  chemin  ot  font  trou  à  polit  bruit  dans  l'esprit  des  gens.  » 

Madame  Sainte  Beuve  souhaite  lo  bonjour  k  Monsieur  Labitte,  elle  lui 
envoyé  un  petit  extrait  de  la  lettre  de  son  lils.  » 


32  LETTRES   INÉDITES   DE   SAINTE-BEUVE 

ramener  à  Paris  et  à  vous.  Ne  dites  pas  que  je  vis  pour  moi  ; 
je  sens  bien  le  besoin  des  autres  et  le  souci  de  vous.  J'aurai 
un  vif  bonheur  quand  je  me  retrouverai  à  ces  habitudes  d'au- 
trefois. J'ai  fini  ma  22'  leçon  ;  tout  est  écrit.  J'ai  fait  le 
Poljeucte  de  Corneille,  le  S'-Genest  de  Rotrou  ;  François  de 
Sales,  Balzac,  un  peu  Vauvenargues  (dans  une  parenthèse) 
en  fait  de  littérature  pure  que  j'ai  rattachée  à  mon  sujet.  J'en 
suis  à  l'année  1643  au  livre  de  la  fréquente  communion 
d'Amauld.  Mon  grand  résultat  jusqu'ici  a  été  la  figure  de 
M.  de  S^-Cj^ran  que  je  crois  avoir  posée  et  réhabilitée  (comme 
on  dit)  d'importance.  Ronsard  et  lui  me  seront  un  jour  égale- 
ment imputés.  —  Je  vois  qquefois  Madame  de  la  R.  (1) 
trop  peu  pour  le  plaisir  que  j'y  aurais,  mais  la  fatigue  des 
yeux  ou  de  la  poitrine  est  impérieuse  le  soir  et  il  faut  aller  au 
lit  pour  être  à  l'œuvre  dès  6  heures  du  matin.  — Mille  amitiés 
à  nos  amis.  Si  M.  Ravaisson  voulait  adresser  au  Semeur  son 
livre  avec  l'adresse  et  un  mot  pour  M.  Vinet  (2),  tôt  ou  tard 
il  en  ressortirait  un  article.  Il  devrait  aussi  l'adresser  pour  la 
bibliothèque  universelle  de  Genève  à  M.  Adolphe  Pictet  (3) 
qui  en  écrirait  à  Genève  :  je  prends  ceci  sous  mon  bonnet, 
mais  presque  à  coup  sûr.  Amitiés  à  M.  Chabaille  (4)  avec  qui 
je  retravaillerai  un  jour.  Vous,  cher  ami,  menez  à  bonne  fin 
toutes  vos  études  si  vastes  et  les  doctes  matériaux.  Bien  des 
choses  à  M.  Louandre.  J'écris  deux  mots  à  Buloz.  —  Quant 
aux  100  francs  voici  ce  que  je  voudrais  :  vous  auriez  la  bonté 
de  remettre  10  francs  à  Céleste  la  bonne  de  ma  mère  pour 
étrennes  de  ma  part.  Vous  auriez  la  bonté  d'envoyer  ou  de 
porter  40  francs  à  Madame  Vergue  rue  des  Poitevins  n°  5,  de 
ma  part  avec  complimens  pour  remettre  à  M.  D.  elle  saura 
bien  qui.  Vous  remettriez  les  50  autres  restans  à  M.  Toulouse 
libraire  rue  du  foin  S^-Jacques  n°  16,  ou  6,  pour  acoinpte  de 
ce  que  je  lui  dois.  Voilà  bien  des  soins.  —  Quant  aux  Talle- 
mant,  il  s'agirait  simplement  de  mettre  sous  bande  les  2  ou 
3  volumes  en  inscrivant  dessus  et  déclarant  le  nombre  des 
feuilles  d'impression  et  de  me  faire  arriver  par  la  poste.  S'il 

(1)  Madame  de  la  Rochejacquelin. 

(2)  M.  Vinet  était  professeur  à  l'Académie  de  Lausanne. 

(3)  Officier  supérieur  d'artillerie  dans  l'armée  suisse,  il  publia  des  travaux 
d'histoire  et  de  linj^uistique. 

(4)  Compatriote  abljevilloisde  Charles  Labitte  (1796-1863).  Il  a  publié  entre 
autres  :  Roman  du  Renart,  suppléinent,  variantes  et  corrections  (Paris, 
1833). 


A   CHARLES   LABITTE  33 

fallait  payer  le  port,  et  aussi  pour  le  prix  du  Tallemant 
(auquel  je  ne  pensais  pas)  vous  prélèveriez  sur  les  50  francs 
de  M.  Toulouse  à  qui  alors  vous  ne  remettriez  que  ce  qui 
resterait,  30  ou  40,  etc.  —  Mille  pardons,  mille  remerciemens, 
mille  vœux  du  cœur,  mon  cher  Labitte. 

Sainte-Beuve. 
Vous  m'écrirez  encore  bientôt. 


XXII 

Monsieur  Labitte. 

[Janvier  1838]. 
Cher  Labitte, 

Ceci  est  pour  vous  dire  un  court  bonjour  comme  toujours 
tant  j'ai  peu  d'instans.  Je  serais  heureux  d'un  mot  de  vous  si 
court  qu'il  soit,  ne  vous  croyez  pas  tenu  pour  m'écrire  d'avoir 
répondu  à  mes  questions.  Ecrivez  toujours,  ne  serait-ce  que 
pour  me  dire  comment  vous  êtes. 

—  Si  M.  Olivier  a  vu  difficulté  aux  dOO  francs,  dites-le  moi, 
et  n'en  parlons  plus  :  je  crains  d'avoir  eu  tort  de  le  remettre 
là  dessus,  il  ne  s'y  attendait  peut-être  plus. 

Quant  au  Tallemant,  dans  aucun  cas  ne  l'envoyez  par  la 
poste.  Je  vous  ferai  dire  un  moyen  prochain  et  moins  coûteux. 

Je  ne  vois  pas  mal  et  en  suis  à  Pascal;  mais  ne  voyant  ici 
personne  qu'en  masse  à  mon  cours,  et  en  idée  à  Paris. 

Que  faites-vous  ?  Et  Chabaille,  avec  ce  bouleversement  de 
comités  ? 

A  vous. 

Sainte-Beuve. 


34  LETTRES   INÉDITES   DE   SAINTE-BEUVE 

XXIII 

Monsieur  Labitte,  11,  Rue  des  Maçons  Sorbonne,  Paris. 

[Février  1838]. 

Mille  remerciemens,  cher  Labitte,  de  tous  vos  bons  soins  ; 
je  les  sens  mieux  que  je  ne  vous  le  dis,  et  j'en  profite  comme 
d'une  chose  toute  simple,  tant  je  compte  sur  votre  amitié 
acquise.  Je  suis  si  absolument  occupé  que  vous  ne  pourrez 
avoir  de  moi  que  des  bouts,  ainsi  aujourd'hui  je  suis  plongé 
dans  Montaigne  qui  m'a  tiraillé  avec  toutes  ses  diversités  plus 
qu'il  n'a  jamais  fait  aux  humains  ;  il  jouirait  bien  s'il  me 
voyait,  moi  l'ami  et  le  champion  de  Pascal  contre  lui,  ainsi  en 
peine  et  en  perplexité  à  son  sujet.  Il  faut  en  trois  jours  tirer 
de  lui  quelque  chose  de  coordonné,  de  nouveau  un  peu,  de 
vrai  pourtant  —  ainsi  je  n'ai  perdu  aucune  occasion  de  droite 
et  de  gauche,  d'élargir  mon  sujet  ;  je  vais  au  fond  et  aux  pièces 
importantes;  les  détails  d'érudition  curieuse  se  retrouveront 
à  Paris.  Montaigne  fait  (que  je  trouvais  là  au  seuil  de  Pascal), 
je  vais  pousser  celui-ci  et  vivre  bien  des  jours  à  ses  dépens. 
J'ai  fait  30  leçons  ;  ce  n'est  pas  la  moitié.  —  Tout  est  écrit, 
mais  j'improvise  devant  mon  cahier,  avec  variations. — Je 
ne  vois  personne  qu'en  masse  à  mon  cours  ;  je  suis  si  bas  ou 
de  poitrine  ou  d'yeux  alternativement  qu'il  me  faut  coucher 
d'ordinaire  à  8  heures.  Je  n'ai  pas  vu  Madame  de  La  Roche- 
jaq.  depuis  un  mois  et  ne  sais  de  quel  portrait  il  s'agit.  Si 
gâté  que  vous  prétendiez  que  je  suis,  je  ne  vis  pas,  je  travaille, 
la  vie  est  ajournée  à  là-bas.  J'ai  à  me  louer  beaucoup  de  l'at- 
tention sérieuse  et  bienveillante  d'une  portion  du  public,  des 
dames  surtout  ;  en  somme  je  dois  être  profondément  recon- 
naissant à  Lausanne,  mais  mon  vœu  est  vers  Paris,  et  je 
compte  les  minutes.  Voilà  le  vrai.  Je  ne  puis  espérer,  malgré 
mon  désir,  de  faire  un  article  pour  Buloz  ;  même  ceux  qui  sont 
faits  comme  Montaigne  ou  S'  François  de  Sales  ou  Balzac, 
me  demanderaient  pour  être  recopiés  et  condensés,  plus  de 
temps  que  je  n'en  aurai  eu  tous  ces  trois  mois.  Il  n'y  a  plus 


A   CHARLES   LABITTE  35 

un  seul  jour  de  congé  jusqu'à  la  fin.  Point  de  Pâques  ici,  ce 
n'est  qu'un  dimanche.  Il  faut  aller  sans  débrider.  —  Vous 
avez  été  bien  aimable  pour  le  discours  si  bien  corrigé  aux 
épreuves  et  pour  cette  note  en  tête,  merci.  — 

—  Quant  à  Planche,  je  ne  lui  en  veux  aucunement,  mais  je 
trouve  qu'il  a  abusé  du  ton,  et  que  de  plus,  dût-il  arriver  aux 
mêmes  conclusions,  il  n'a  pas  pris  la  peine,  vers  la  fin,  de 
comprendre  ma  méthode  de  style  en  poésie.  Or,  si  des  criti- 
ques artistes  ne  le  font,  qui  le  fera  ?  rassurez-le  au  reste  sur 
ma  disposition  qui  ne  tiendra  pas  à  notre  première  ren- 
contre (1).  /. 

—  Ce  S'-Evremond  peut-être  est  à  l'ancien  cabinet  de 
Madame  Vergne,  mais  ce  n'est  plus  que  par  curiosité,  car  j'ai 
passé  l'endroit. 

—  Si  vous  avez  les  Tallemant,  voudrez-vous  les  faire 
remettre  à  M.  Toulouse  libraire  rue  du  foin  S^-Jacques,  ^6  ; 
il  a  qque  chose  à  m'envoyer  dans  peu  de  jours. 

—  Je  vois  les  nouvelles  de  Paris  par  les  journaux  que  je  lis 
très  en  l'air;  la  comédie  me  paraît  plus  grosse  à  distance. 
Michel  Chevalier  et  la  Rue  jouant  au  volant  dans  les  débats 
avec  des  balles  de  plomb,  et  tutti.  —  Pourquoi  Michelet 
n'aime-t-il  pas  mieux  être  de  l'académie  française  ;  je  l'aime- 
rais mieux  là  (2).  Je  regrette  bien  le  cours  d'Ampère  sur  les 
troubadours  et  nos  géorgiques  de  Patin.  Enfin  l'exil  finira. 
—  Que  fait  Lamartine  ? 

—  Aimez-moi,  cher  Labitte,  et  écrivez-moi  quand  vous  le 
pourrez  à  travers  tous  vos  travaux  ;  faites  vous  encore  la 
classe  pour  M.  Pilon  ?  Amitiés  à  M.  Louandre,  à  Chabaille, 
Ravaisson,  Buloz,  Planche,  etc. 

Votre 

Sainte-Beuve. 

Puisque  les  100  fr.  viennent,  vous  serez  bien  bon  d'en  faire 
les  petits  emplois./.  Adieu. 


(1)  La  Revue  des  Deux-Mondes  du  V  octobre  1837  avait  publié  un  article 
de  Planche  :  Pensées  d'août,  par  M.  Sainte-Beuve.  Le  1"  novembre  suivant 
un  anonyme  taisait  paraître  :  Réponse  aux  critiques  des  Pensées  d'août  de 
M.  Sainte-Beuve. 

(2)  L'on  sait  que  Michelet  entra  à  l'Académie  des  Sciences  Morales. 


36  LETTRES   INÉDITES    DE   SAINTE  BEUVE 


XXIV 


Ce  la  Mars  [1838]. 
Cher  Labitte, 

Je  vous  accable.  Mais  à  qui  m'adresserai-je  sinon  à  vous 
pour  certaines  choses  toutes  de  confiance  ?  Veuillez  mettre 
cette  lettre  ci-incluse  à  lapetiteposte  de  manière  qu'elle  arrive 
à  sa  destination  vers  o  heures  du  soir.  C'est  à  dire  en  la 
mettant  à  la  petite  poste  entre  midi  et  une  heure  je  crois. 
Veuillez  de  plus  en  oublier  l'adresse  et  dire  à  votre  pensée  : 
ne  va  pas  plus  loin. 

Je  ne  vais  pas  mal,  bien  que  fatigué  et  au  fond  mortellement 
triste. 

J'ai  fait  52  leçons.  Adieu  de  cœur. 

Sainte-Beuve. 


XXV 

Mo7isieur  Labitte,  11,  Rue  des  Maçons  Sorbonne,  Paris, 

Jeudi  [Avril  1838]. 

Merci,  cher  Labitte,.  de  votre  si  aimable  note  et  de  tous  les 
soins  dont  je  vous  ai  surchargé  et  que  vous  prenez  pour  moi. 
Vous  voyez  combien  j'en  use,  et  c'est  presque  ma  seule 
manière  de  vous  en  marquer  ma  reconnaissance,  en  la  redou- 
blant. Je  commence  enfin  à  entrevoir  le  terme.  Je  n'ai  plus 
que  2  mois  et  des  6  parties  ou  6  livres  dans  lesquels  j'ai  divisé 
tout  mon  sujet,  je  suis  entré  hier  dans  le  5'"^  J'espère  tomber 
juste  à  la  fin  et  ne  rien  laisser  en  dehors  d'important  :  de  sorte 
que  je  reviendrai  avec  le  tout  bâti,  —  mais  fait,  je  ne  sais 
quand  cela  sera  !  voilà  mes  6  divisions  : 

—  Un  discours  d'ouverture. 


A   CHARLES   LABITTE  37 

l^"  livre.  Renaissance  de  P.-R, 

2«  livre.  P.-R.  de  S^-Cj'^ran. 

3"  livre.  Pascal. 

4"  livre.  Les  Écoles  de  P.-R. 

bo  livre  (où  je  suis).  2"  génération  de  P.-R. 

6^  livre.  P.-R.  finissant. 

—  Un  discours  de  conclusion. 

Je  suis  plus  que  jamais  déterminé  à  laisser  en  dehors  This- 
toire  prolongée  du  Jansénisme  au  18^  siècle  :  depuis  que  mon 
sujet  est  tombé  en  épilepsie  (par  les  convulsions)  je  ne  puis 
plus  qu'en  avoir  dégoût,  et  on  ne  me  fera  pas  passer  pour  un 
empire  par  ce  cimetierre  (sic)  misérable  de  S^-Médard. 

—  à  l'appui  de  ce  dont  je  vous  ai  prié  sur  Madame  Val- 
more  (i),  je  vous  dirai  qu'elle  a  3  enfants,  deux  filles  et  un  fils 
de  17  ans  qui  vient  de  terminer  sa  philosophie  à  Grenoble,  je 

crois  ;   les  demoiselles  ont  16  et  (2)  et    pas  un  sou  de 

fortune,  et  son  mari  (3) de  bon  sens,  instruit  et  honnête 

homme,  mais  sans  position  fixe  ;  l'odéon  fermé  demain,  il  n'a 
rien. 

Amitiés  à  Chabaille  à  qui  je  n'écris  pas,  à  M.  Louandre, 
à  M.  Ravaisson,  Danjou,  Buloz...  que  devient  Prométhée  et 
qu  est-il  ? 

Où  en  sont  vos  travaux,  votre  cours?  vous  ne  m'en  dites 
rien.  J'ai  lu  la  petite  note  sur  M.  Daunou  ;  son  cœur  de  vieux 
nocher,  je  le  conçois,  a  dû  être  déridé. 

Amitiés  de  cœur. 

Sainte-Beuve. 


—  Avez  vous  reçu  une  lettre  directe  de  moi  d'il  y  a  15  jours 
adressée  rue  des  J/açons  5o7'6o7ine.  Un  mot,  s'il  vous  plaît  pour 
me  le  dire./. 


(1)  Madame  Valmore  était  la  femme  du  régisseur  de  l'Odéon.  (Voyez  les 
articles  de  Sainte-Beuve  sur  Madame  Desbordes-Valmore,  Revue  des  Deux- 
Mondes  du  1^'  août  1833  et  du  1"  janvier  1839). 

(2)  Un  fragment  manque. 

(3)  Id. 


38  LETTRES   INÉDITES    DE   SAINTE-BEUVE 

XXVI 

Monsieur  Labitte,  Rue  des  Maçons  Sorbonne,  11. 

1"  mai  [1838]. 
Mon  CHER  Labitte, 

Auriez  vous  la  bonté,  si  vous  ne  pouvez  vous  même,  de 
prier  M.  Chabaille  de  ma  part  de  me  rendre  le  service  que 
voici.  —  Je  dis  me  rendre,  parce  que  c'est  pour  mon  meilleur 
ami  d'ici,  M,  Olivier  qui  fait  une  histoire  savante  et  poétique 
à  la  fois  du  canton  de  Vaud. 

—  Il  s'agit  de  rechercher  comme  la  note  ci-jointe  l'indique, 
aux  archives  du  ministère  des  affaires  étrangères  ce  qui  se 
pourrait  trouver  dans  les  lettres  de  l'ambassadeur  de  France 
à  Berne  en  1723  sur  l'entreprise  du  major  Davel. 

—  Le  major  Davel  voulut  alors  délivrer  le  canton  de  Vaud 
de  l'oppression  de  Berne  ;  il  ne  réussit  pas  et  fut  décapité. 
C'est  une  noble  figure,  puritaine,  patriotique,  un  vrai  grand 
homme  et  martj^r./. 

—  Buloz  vous  indiquerait  à  qui  Chabaille  devrait  s'adresser 
au  ministère  pour  cela,  et  lui  donnerait  au  besoin  pour  vous 
une  petite  lettre  d'introduction./. 

—  Je  touche  enfin  au  terme,  j'en  jouis  peu  encore  toutefois, 
ayant  trois  gros  morceaux  à  finir,  Malebranche  —  Duguet  — ■ 
et  sur  Racine  —  aussi  ce  mois  finira  vite,  car  il  se  passera 
comme  les  autres  dans  une  grande  plénitude  de  travail. 

—  Comment  êtes  vous  ?  y  a-t-il  quelque  nouveauté  ?  au 
reste  nous  expédierons  tout  cela  à  mon  arrivée  en  quelques 
conversations  les  coudes  sur  la  table. 

A  vous  de  cœur, 

Sainte-Beuve. 

Mille  amitiés  à  nos  amis  M.  Ravaisson,  Chabaille,  Danjou 
et  Buloz  à  qui  je  serai  dès  mon  retour. 


A   CHARLES    LABITTE  39 

XXVII 

Monsieur  Labitte,  11,  rue  des  Maçons  Sorbonne. 

Ce  12  [mai  1838j. 

Mille  remerciemens,  cher  Labitte,  de  toutes  vos  bonnes 
communications.  Nous  en  aurons  d'autres  bientôt.  Je  vois 
enfin  le  port  ;  je  n'ai  jamais  tant  aimé  la  bulle  Unigenitus  que 
depuis  qu'elle  marque  le  terme  de  ma  navigation  :  Italiam, 
Italiam.  Dans  huit  jours  j'aurai  fini  toutes  mes  préparations, 
et  n'aurai  plus  que  deux  ou  trois  leçons  à  débiter.  Je  ne  pour- 
rai cependant  revenir  que  dans  la  1"^^  quinzaine  de  juin.  Je 
serais  heureux  de  parler  de  VAnge  déchu,  s'il  n'est  pas  réelle- 
ment déchu,  mais  s'il  se  soutient  a  morte,  mais  comme  j'arri- 
verai trop  tard  pour  en  parler,  l'exécution  sera  probablement 
déjà  faite  par  Planche.  —  Madame  de  Fontanes  est  à  Paris. 
Mais  elle  m'attendra  pour  commencer  le  travail  (1).  Comme 
il  faut  qu'elle  vende  assez  bien  ces  volumes  qui  sont  destinés 
à  entrer  parmi  les  classiques,  il  faudrait  un  libraire  qui  n'eut 
pas  trop  de  roideur  ;  car  elle  s'entend  sans  doute  assez  peu  à 
ces  négociations  de  librairie.  Ne  pourriez  vous  faire  sonder 
Gosselin  ? 

Vous  m'apportez  de  bien  des  personnes  des  messages  obli- 
geans  que  je  vous  prie  de  leur  rendre  en  amitiés  fort  recon- 
naissantes, surtout  près  de  M.  Villemain,  de  Madame  Ville- 
main  avec  toutes  sortes  de  respects,  à  Le  Prévost,  Geruzez, 
à  tous  enfin. 

Madame  de  la  Rochejaquelin  est  bien  polie  d'être  si  indul- 
gente envers  quelqu'un  qui  a  été  le  plus  saugrenu  des  Jansé- 
nistes. Mais  j'étais  accablé,  épuisé  de  paroles,  et  de  travail, 
et  dans  l'impossibilité  non  moins  morale  que  physique  d'en- 


(1)  «  Madame  Christine  de  Fontanes,  fllle  de  l'ancien  grand-maître  de 
l'Université,  habitait  ordinairement  Genève,  et  Sainte-Beuve  qui,  dès  le 
27  mars  1838,  avait  pris  rendez-vous  avec  elle  à  Paris,  s'occupait  de  la  publi- 
cation des  œuvres  de  son  père.  »  Correspondance  de  SainteBe'iive  avec  51.  et 
M°"  Juste  Olivier,  note  de  M.  Léon  Séché. 


40  LETTRES   INÉDITES    DE   SAINTE-BEUVE 

tretenir  aucune  relation  agréable  depuis  le  l^'  janvier  :  car  je 
ne  l'ai  pas  revue  depuis  cette  date. 

—  J'apprends  combien  vous  avez  été  bien  pour  Dan (1) 

mal  à  Magnin,  c'est  une  petite  iniquité  comme  fesaient  {sic) 
dans  leur  temps  les  Abel  Rémusat  ;  seulement  ici  en  sens 
inverse.  Ils  s'imaginent  frapper  en  Danjou  Raoul  Rochetteet 
ce  parti  ;  c'est  comme  si  on  avait  destitué  Magnin  en  J830  à 
cause  du  Globe.  Ils  se  conduisent  à  la  Bibliothèque  comme 
les  doctrinaires  après  juillet,  comme  les  Jacqueminot  à  la 
garde  nationale^,  comme  tous  ceux  qui  vexent  après  avoir  été 
vexés. 

—  Quand  vous  aurez  le  petit  renseignement  sur  le  major 
Davel,  vous  me  l'expédierez,  n'est-ce  pas  ? 

—  Amitiés  à  Chabaille. 

Je  reparlerai  encore  à  Ravaisson  de  Madame  Desbordes- 
'Valmore  ;  il  faudrait  qu'elle  arrivât  à  avoir  autant  que  Ma- 
dame Tastu  :  c'est  juste ,  n'est-ce  pas  ?  et  elle  a  moins  de 

ressources  d'ailleurs;  —  rien  que  VOdéon  que  gère  son  mari. 

Amitiés  du  meilleur  cœur. 

Sainte-Beuve. 


XXVIII 


21  [mai  1838]. 

Merci,  cher  Labitte,  de  toutes  vos  amitiés  et  complaisances. 

Mon  ami  Olivier  vous  remercie  extrêmement  de  ces  ren- 
seignements sur  le  major  Davel  ;  c'est  d'ailleurs  un  de  ces 
hommes  qui  mériteraient  d'être  obligés  en  tout;  poésie,  sens 
rassis,  cœur,  morale,  ils  ont  tout  et  ne  se  sont  retranché  que 
l'ambition  vaine. 

—  A^ous  trouverez  sur  ce  second  verso  un  fragment  de  lettre 
(copié  par  ma  mère)  de  Madame  Desbordes- Valmore  ;  comme 
le  paquet  était  un  peu  gros  ma  mère  me  l'a  copié.  Vous  juge- 
rez delà  situation  de  cette  pauvre  femme  obligée  de  s'aller 
ensevelir  dans  un  village  du  nord.  Faites  lire  ce  petit  frag- 

(1)  Un  fragment  de  la  lettre  manque. 


A  CHARLES   LABITTE  41 

ment  à  Monsieur  Ravaisson,  Si  Ton  pouvait,  —  tandis  que 
l'on  peut  encore. 

—  Je  suis  bien  sensible  à  toutes  ces  marques  d'une  amitié 
vraie  que  vous  me  mandez.  Je  tacherai  de  réparer  envers 
Buloz  ma  longue  inutilité.  Je  lui  sais  gré  vivement  de  toutes 
les  intentions  que  vous  me  dites  qu'il  a  et  que  je  ne  puis 
deviner, 

—  Pourquoi  la  revue  a-t-elle  traité  si  lestement  les  romans 
mystiques  de  Stéphens  dont  on  ne  parle  ici  qu'en  tirant  le 
chapeau.  Celui  qui  a  parlé  si  lestement  n'y  entend  rien,  me 
dit-on. 

—  Quant  à  mon  cours,  il  finit  cette  semaine  ;  81  leçons  en 
tout.  Je  l'ai  mené  depuis  les  commencemensde  P. -R.  jusqu'à 
la  ruine,  mais  sans  m'astreindre  à  une  biographie  de  couvent; 
j'ai  taché  d'y  faire  entrer  une  pensée  d'art  ;  j'ai  commencé  par 
la  journée  du  Guichet  (fameuse  journée  des  débuts  de  Port- 
Royal)  et  j'ai  couronné  le  tout  par  Athalie.  Les  parties  les 
plus  sérieuses  et  les  plus  profondes,  je  crois,  sont  celles  qui 
tiennent  le  plus  au  sujet  même,  les  figures  de  St-C3'^ran,  de 
M.  Lemaitre,  de  son  frère  Sacy,  de  Lancelot,  de  Singlin,  ces 
figures  sombres  et  grêles,  mais  où  j'ai  trouvé,  en  creusant, 
bien  des  teintes.  En  littérature,  j'ai  fait  chemin  fesant  (sic) 
Polyeucte,  S'  François  de  Sales,  Balzac,  Montaigne,  Tartuffe, 
Boileau  et  Perraut,  Racine;  mais  la  partie  originale  et  neuve 
ce  sont  mes  personnages  religieux,  mes  messieurs,  S'-Cyran, 
M.  Lemaitre,  M.  de  Sacy,  M.  de  Tillemont,  M.  Hamon, 
Duguet.  En  fait  de  femmes  les  deux  mères  Angélique,  tante 
et  nièce,  et  dans  les  dames  du  dehors  Madame  de  Longue- 
ville  ;  j'ait  fait  deux  leçons  sur  celle  ci.  —  Pascal  m'a  occupé, 
aux  prises  avec  Montaigne,  dans  un  développement  extrême. 
—  Le  Ecoles  de  Port-Royal  m'ont  occupé  aussi  très  au  long 
avec  les  livres  qui  y  appartiennent,  la  logique,  la  grammaire 
générale,  etc.  ;  M.  Tillemont  m'a  servi  de  type  pour  l'élève 
parfait,  l'élève  modèle  de  Port-Royal  (et  en  eiïet  il  l'est  bien 
plus  en  droiture  et  en  simplicité  que  P»,acine).  — Nicole  au 
long  comme  controversiste  et  surtout  moraliste  ordinaire  de 
Port-Royal.  Arnauldaulong  à  diverses  reprises,  j'ai  tâché  de 
faire  comprendre  sa  grandeur  sans  la  surfaire  ni  prétendre  la 
réhabiliter,  mais  en  y  montrant  le  moral  continu,  le  généreux 
dans  le  chrétien  ;  je  l'ai  défini  un  infatigable  chevalier  en  Sor- 
honne.  Finalement  je  l'ai  éti'dié  dans  sa  lutte  avec  Malebran- 


\2  LETTRES   INÉDITES    DE   SAIXTE-BEUVE 

che,  et  j'ai  développé  au  long  celui-ci  et  son  panthéisme  idéa- 
liste naissant  au  sein  du  christianisme  (j'ai  disséqué  le  cancer 
naissant).  Je  me  suis  fort  occupé  de  son  traité  de  la  nature  et 
de  la  grâce  qu'Arnauld  a  combattu.  Là  j'ai  fait  de  la  théologie 
souvent  encore  plus  que  de  la  littérature,  mais  sans  prendre 
parti  et  en  exposant.  J'ai  surtout  fait  de  la  morale,  de  l'his- 
toire naturelle  et  de  la  classification  naturelle  des  caractères  : 

—  S'-Cyran,  le  génie  fondateur  directeur. 

—  SinglinetSacy,  des  directeurs  avec  des  nuances  diverses. 
M.  Lemaitre,  le  pénitent  à  feu  et  à  sang,  le  pénitent  héroïque. 

—  Lancelot,  le  maitre. 

—  Tillemont,  l'élève. 

—  D'Andillj,  le  patriarche  qui  décore  de  ses  cheveux 
blancs. 

Autant  que  j'ai  pu  j'ai  eu  ainsi  en  chaque  genre  mes  chefs 
de  file  comme  je  disais.  —  Je  tiens  surtout  aux  vues  que  j'au- 
rais données  sur  l'histoire  même  de  P.-R.  et  sur  les  diverses 
phases  qu'elle  a  subies  par  l'esprit,  et  à  cette  classification 
naturelle  et  approfondie  de  personnages  :  sur  une  histoire 
purement  et  simplement  biographique  et  détaillée,  tout  le 
monde  la  pouvait  faire.  Mon  livre,  s'il  reste  tel  que  mon 
cours,  sera  surtout  œuvre  de  moraliste. 

—  Voilà  bien  des  détails,  cher  Labitte,  et  à  peu  près  incom- 
préhensibles dans  leur  mélange.  Ma  mère  pourra  vous  prêter 
un  article  dans  un  journal  de  Lausanne  (Le  narrateur  reli- 
gieux). Mais  ménagez  l'Eloge,  je  vous  en  conjure;  tâchez  de 
vous  tenir  au  fait  (1). 

Adieu,  adieu,  à  tantôt;  à  vous  de  cœur. 

Sainte-Beuve. 


XXIX 

Monsieur  Labitte. 

[1838]. 
Cher   Labitte,  me   voilà   arrivé  ;  si   vous  pouvez   monter 

(1)  Voici  l'explication  de  cette  phrase  :  «  C'est  à  lui  (Ch.  Labitte)  que  Sainte- 
Beuve  envoyait  des  notes  sur  son  cours  de  Lausanne,  pour  être  communi- 
quées à  la  presse  parisienne  ».  {Correspondance  de  Sainte-Beuve  avec  il.  et 
3/°"  Juste  Olivier.  Note  de  M.  Léon  Séché,  p.  35). 


A   CHARLES    LABITTE  43 

demain  matin  un  moment  Cour  du  Commerce,  nous  nous  em- 
brasserons. Ne  dites  encore  à  personne  que  je  suis  arrivé- 
A  vous  de  cœur. 

Sainte-Beuve. 

Ce  mercredi. 


XXX 

Pour  Labitte. 

Ce  22  juillet  [1838]. 

Je  lis,  cher  Labitte,  ce  que  vous  écrivez  de  moi  :  vous  ajou- 
tez donc  amitiés  sur  amitiés.  Comment  reconnaître  tant  de 
soins  ?  Je  vois  avec  plaisir  qu'Ampère  et  vous  souteniez  la 
revue  :  qu'est  donc  devenu  Planche  ?  Ma  mère  m'écrit  que 
Buloz  est  parti  pour  les  eaux  :  ceci  me  rappelera  avant  deux 
numéros  sans  doute.  Je  ferai  tout  ce  que  désirez  Retz,  Lesage, 
Voltaire  et  Jean- Jacques.  Je  ferai  mieux  Lesage  après  avoir 
vu  Naples  :  me  promener  dans  la  rue  de  Tolède  m'a  fait  l'ef- 
fet de  relire  Gil-Blas.  Si  vous  rencontrez  quelque  petite  note 
relative  à  Lesage  ou  à  Retz,  mettez  de  côté,  je  vous  prie. 
Nous  nous  mettrons  aussi  aux  historiens,  à  commencer  par 
Guizot,  le  père  de  tous  nos  modernes.  Et  puis  Port-Royal  ? 
vous  voyez  que  l'ardeur  ne  me  manque  pas.  J'achève,  en 
attendant,  quelques  rimes  de  voyage  :  c'est  une  chimère  tou- 
jours que  d'être  poète,  nous  enterrerons  cela  sous  tant  de 
volumes  de  prose  qu'il  n'en  sera  plus  question. 

Amitiés  à  Louandre.  —  Adieu,  à  bientôt. 

Dites  à  Bonnaire  que  je  lui  écrirai  et  lui  répondrai  pour  lui 
dire  :  présent. 

A  vous. 

Sainte-Beuve. 


44  LETTRES   INÉDITES   DE   SAINTE  BEUVE 

XXXI 

Monsieur  Lahitte,  11,  rue  des  Maçons  Sorbonne. 

Ce  vendredi  [fin  1838|. 
Cher  Labitte, 

Voici  le  Fontanes  (1)  que  je  remets  entre  vos  mains.  —  Je 
voulais  joindre  une  feuille  de  Port-Rojal  à  lire,  mais  j'ai 
encore  à  en  parler  avec  Chabaille.  Pensez  s'il  vous  plaît  à  ce 
Lépreux  de  Madame  Cottin  si  votre  mémoire  vous  a  rappelé 
qui  l'avait. 

Bien  à  vous  d'amitié. 

Sainte-Beuve. 

XXXII 

Monsieur  Labitte,  11,  rue  des  Maçons  Sorbonne. 

Ce  lundi  [fin  1838  ou  début  1839]. 

Cher  Labitte, 

Puis-je  ajouter  au  bout  de  la  note  que  vous  m'avez  donnée 
après  :  (traduit  de  Guillaume  Pépin  Sermones.  —  1536)  «  ces 
sermons,  pas  plus  que  ceux  de  Menot,  n'avaient  pas  été  pro- 
noncés en  latin  mais  on  les  mettait  en  latin  pour  les  impri- 
mer »  (2). 


(1)  «  Mon  Fontanes  va  paraître  dans  la  Revue  le  1"  et  le  15  décembre; 
lisez-le,  ce  sera  mon  chef-d'œuvre  classique  ».  [Correspondance  inédite  de 
Sainte-Beuve  avec  M.  et  51'^'  Justf  Olivier,  15  novembre  1838).  «  Sainte-Beuve 
avait  raison  d'appeler  son  Fontanes  classique.  C'est  vraiment  là  qu  il  rompit 
délibérément  et  définitivement  avec  les  romantiques.  Le  «  charme  »  avait 
cessé  ».  (Note  de  M.  Léon  Séché). 

(2)  Cette  note  a  été  imprimée  au  bas  de  la  page  53»  du  tome  P'  de  Port-Royal. 


A   CHARLES    LABITTE  45 

J'ai  besoin  d'ajouter  cela  pour  aller  au  devant  d'une  objec- 
tion du  lecteur  ;  mais  est-ce  exact  de  Pépin  comme  de 
Menot  ? 

Mille  amitiés.  Si  vous  avez  le  Guizot,  Céleste  le  prendra. 

Sainte-Beuve. 


XXXIII 

Monsieur  Lahitte,  n^  11,  rue  des  Maçons  Sorhonne,  Paris. 


Ce  8  janv.  1839, 


Cher  Labitte, 


Voilà  une  nouvelle  thèse  à  la  Sorbonne  des  plus  remar- 
quables, celle  de  M.  Ozanam.  Celle-là,  celle  de  Ravaisson, 
celle  de  M.  Huet,  je  crois,  sur  Bacon,  celle  de  Varin^  de 
Lenormand,  demanderaient  un  article  à  part  :  vous  pourriez 
y  joindre  le  travail  de  mon  Monsieur  de  Montpellier  sur  ^'£"5- 
clavage  :  dans  le  même  bulletin,  je  ferais,  moi,  toute  une  série 
de  poésies  récentes  Turquety  et  bien  d'autres  encore  :  j'ai  là 
dessus  un  point  de  vue  assez  joli  que  m'a  suggéré  la  leçon  de 
Patin  :  vous  pourriez,  vous,  réitérer  vos  conclusions  de  l'ex- 
cellent article  sur  Leclerc  (1).  Nous  ferions  un  bon  travail  à 
deux  :  si  vous  montez  je  vous  dirai  comme  je  conçois  le  con- 
cert de  ces  deux  choses  et  l'esprit  de  ce  petit  bulletin  qui 
pourrait  être  assez  capital  comme  critique.  Ainsi  nous  serions 
utiles,  si  l'on  peut  l'être  par  la  critique,  et  nous  ferions  hon- 
neur à  la  Revue  que  feuilletera  quelque  jour  un  érudit  curieux 
des  choses  oubliées  et  dont  on  ne  sait  plus  que  le  nom. 

Mille  amitiés. 

Sainte-Beuve. 

Venez  en  causer  au  passage. 


(1)  Voyez  la  Revue  de  Pans  du  6  janvier  1839  :  Les  journaux  chez  les   Ro- 
mains, par  M.  Victor  Le  Clerc.  Article  de  Charles  Labitte. 


4G  LETTRES   INÉDITES   DE   SAINTE-BEUVE 

XXXIV 

Monsieur  Lahitte,  19,  quai  Bourbon,  Ile  S^-Louis. 


[Février  1839?] 
Voici  les  feuilles,  cher  Labitte. 

Amitiés  (Et  n'allez  pas  à  Amiens)  et  mille  choses  à  Louan- 
dre. 

Sainte-Beuve. 

Bien  des  remerciemens  pour  la  note  sur  le  Bibliophile. 


XXXV 

Monsieur  Labitte,  n"  19,  quai  Bourbon,  lie  S^-Louis,  Paris. 

Ce  vendredi  1''  mars  [1839]. 
Cher  Labitte, 

Je  viens  de  m'apercevoir  que  grâce  à  l'énormité  habituelle 
de  mes  volumes  de  critique,  je  n'ai  pas  assez  pour  remplir 
mon  dernier  volume  :  il  me  faut  donc  ajouter  deux  ou  trois 
portraits,  je  vais  faire  Xavier  de  Maistre  (1)  :  aurez-vous  la 
bonté  de  me  dire  s'il  y  a  chance,  par  le  côté  que  vous  espé- 
riez, de  me  procurer  le  Lépreux  de  Madame  Cottin  ?  S'il  n'y 
a  pas  moyen,  je  tâcherai  de  l'avoir  par  la  bibliothèque.  Outre 
Xavier  de  Maistre,  je  ferai  aussi  Madame  de  Charrière  ;  pour 
celle-ci  j'ai  tout  ce  qu'il  me  faut  (2).  Et  peut-être  me  faudra-t- 

il  y  joindre  encore ,  pour  lequel  j'aurai  fort  besoin  de  votre 

secours. 


fl)  Cet  article  a  paru  dans  la  Revue  des  Veux-Mondes  du  1"  mai  1839. 
(2)  Voir  la  Revue  des  Deux-Mondes  du  lo  mars  :  Sainte-Beuve  mit  vraiment 
peu  de  temps  à  écrire  cet  article. 


A   CHARLES   LABITTE  47 

A  VOUS  d'amitié  :  un  petit  mot  de  réponse,  s'il  vous  plaît, 
sur  la  chance  du  Lépreux. 

Sainte-Beuve. 


XXXVI 

Monsieur  Charles  Labitte,  n"  19,  quai  Bourbon,  Ile  S^-Louis, 

Paris. 


Ce  20  soir  [mars  1839]. 
Cher  Labitte, 

Nous  avons  oublié,  parmi  les  livres  qui  vous  reviennent, 
le  plus  important  de  la  quinzaine  :  le  livre  de  l'abbé  Lacor- 
daire  sur  S^  Dominique.  Sx  vous  ou  M.  Louandre  le  vouliez 
faire,  c'est  un  point  capital  à  ne  le  prendre  qu'historiquement. 
Voyez  à  l'avoir,  s'il  vous  plaît.  En  feuilletant  Beuchot,  nous 
pourrions  bien  en  trouver  d'autre  encore  :  prenez  chez  Buloz 
ces  journaux  de  librairie,  s'il  vous  plaît.  —  A  vous  de  cœur. 

Sainte-Beuve. 
Amitiés  à  M.  Louandre. 


XXXVII 

Monsieur  Labitte,  n''  19,  quai  Bourbon,  Ile  S^-Louis,   Paris. 

[14  octobre  18391. 

La  notice  sur  M.  de  la  Romiguière  est  (comme  la  notice 
déjà  ancienne  sur  M.  Thurot)  une  manière  de  protestation 
contre  l'Académie  des  sciences  morales  {une  Académie  etc. 
qui  s'intitule...  (fin  de  l'article  la  Romiguière)  qui  semble  en 
effet  être  trop  le  pis  aller  de  ceux  qui  n'en  trouveraient  pas 
d'autre  et  dont  le  premier  début  très   malheureux  a  été   de 


48  LETTRES   INÉDITES    DE   SAINTE-BEUVE 

préférer  comme  organe  un  esprit  a^fresfe,  M.  Ch.  Comte,  au 
secrétaire  attique  tout  trouvé  dans  M.  Daunou. 
—  Bonjour. 

Saixte-Beuve. 


XXXVIII 

Monsieur  Labitte,  19,  quai  Bourbon,  Ile  S^-Louis,  Paris. 

Ce  23  [novembre  1839]. 

En  vertu  de  l'angle  de  réflexion  qui  est  parfaitement  égal  à 
l'angle  d'incidence,  je  puis  vous  dire  que  M.  Villemain  doit 
avant  cinq  semaines  vous  donner  quelque  chose  qui  vous 
sera  fort  agréable,  assure-t-il.  Il  ajoute  que  ce  ne  sera  que 
justice  envers  vous.  Si  la  demande  a  été  refusée,  çà  été  sur 
un  rapport  de  Cousin  ;  les  règlemens  étaient  là.  Mais  on  a  à 
cœur  de  faire  le  possible  (1). 

Amitiés  à  Louandre. 

Sainte-Beuve. 


XXXIX 

Monsieur  Labitte,  19,  quai  Bourbon. 

Ce  samedi  [1839  ?] 

Mon  cher  Ami, 

Je  suis  désolé  que  vous  ayez  pris  la  peine  de  venir  chez  ma 
mère  :  je  ne  comptais  plus  sur  vous.  Je  suis  très-fatigué  et 
j'ai  été  occupé  sans  relâche  à  écrire  cet  article  Deshoulières 

(1)  Sainte-Beuve  fait  probablement  allusion  à  la  nomination  de  Ch.  Labitte 
dans  une  faculté.  Labitte  ne  fut  envoyé  k  la  faculté  de  Rennes  qu'eu  avril 
1840,  comme  professeur  de  littérature  étrangère,  par  M.  Cousin,  ministre  dans 
le  cabinet  Thiers  depuis  le  1"  mars  1840. 


A   CHARLES   LABITTE  49 

qui  n'est  pas  encore  achevé.  Je  ne  puis  m'occupcr  de  cette 
tête  de  Revue  que  quand  je  saurai  ce  qui  y  entre,  et  pas  avant 
demain.  BuJoz  m'a  dit  que  n'aviez  rien  donné  encore  à  l'im- 
primerie. Si  vous  passiez  devant  chez  moi  ce  matin,  veuillez 
monter  un  moment.  Je  dois  sortir  à  2  heures. 

Amitiés. 

Sainte-Beuve. 

Dès  que  j'aurai  les  bonnes  feuilles  de  P.-R.,  vous  les  aurez. 


XL 

Ce  28  [1839  ou  1840|. 


Mon  cher  Labitte, 


Dans  nos  multiplicités  de  correction,  je  trouve  plus  court 

recourir  à  vous  pour  une  petite   continuation.    N'est-il  pas 

vrai  que  Newton  passe  pour  être  mort  uier^e  et  que  Voltaire 

plaisante  plus  d'une  fois  là  dessus  ? 

Amitiés  et  vœux. 

Sainte-Beuve. 

J'ai  pour  vous  un  petit  post-scriptum  additionnel  à  la  lettre 
de  mardi,  dans  lequel  post-scriptum  il  nomme  en  toutes  lettres 
Campanella. 


XLI 

Monsieur  Labitte^  19,  quai  Bourbon^  Ile  S^-Louis,  Paris. 

Ce  jeudi  [janvier  1840]. 
Mon  cher  Labitte, 

Merci  de  vos  bonnes  indications.  Quant  à  l'académie,  si 
vous  ne  savez  rien  de  plus  particulier,  c'est  qu'il  n'y  a  rien  : 
il  faudra  soutenir  Hugo  et  indiquer  M.  Mole  (1),  ce  que  je  ferai 

(l)  M.  Mole  fut  élu.  Hugo  ne  le  fut  qu'un  an  après,  en  1841. 


oO  LETTRES   INÉDITES   DE   SAINTE-BEUVE 

en  quelques  lignes  de  préambule  où  je  parlerai  aussi  de  la 
comédie  de  Valeski  et  des  Guêpes.  —  Je  n'ai  qu'un  regret, 
c'est  pour  Michiels  pour  qui  un  ajournement  indéfini  équi- 
vaut au  silence  :  quand  vous  n'écririez  qu'une  demi-page  où, 
sans  entrer  dans  plus  de  détails,  vous  feriez  sentir  ces  qua- 
lités que  vous  dites,  ce  serait  bien.  Voyez  ce  qui  est  possible 
sans  vous  forcer  à  plus  de  lecture. 

Pourriez-vous  me  prêter  pour  quelques  jours  les  tomes  II 
et  V  des  Critiques  et  portraits  :  c'est  pour  en  copier  qques 
vers  à  mettre  dans  le  recueil  complet. 

Mille  amitiés. 

Sainte-Beuve. 


XLII 

Monsieur  Lahitte,  n"  19,  quai  Bourbon^  Ile  S^-Louis,  Paris. 


Lundi  [29  janvier  1840]. 
Cher  Labitte, 

J'ai  omis  de  vous  parler  de  plusieurs  petits  points. 

1"  J'ai  rencontré  le  fils  de  M.  Renduel  :  il  doit  faire  réim- 
primer/a  Société  poh'e  :  je  lui  ai  parlé  de  quelques  légères 
rectifications,  n'en  auriez  vous  pas  vous-même  ?  une  petite 
liste  serait  bonne  et  aiderait  à  rendre  le  livre  excellent. 

2"  Comment  vous  a  semblé  le  livre  de  Michiels  (1)  :  est-il 
possible  d'en  parler  dans  le  sens  où  je  le  désirerais  bien  vive- 
ment ? 

3"  Si  vous  ou  Louandre  aviez  quelque  remarque  particu- 
lière sur  le  livre  d'Ampère  (2),  je  vous  prierais  de  me  les 
communiquer  à  la  rencontre. 

4°  Enfin  priez  Louandre  de  me  dire  l'endroit  précis  où  il  a 
lu  ce  détail  sur  la  cécité  de  P.  le  Jeune. 

Voilà  bien  des  choses  mais  moindres  que  votre  inépuisable 
complaisance.  —  Amitiés. 


Sainte-Beuve. 


(1)  Eludes  sur  l'Allemagne  (1839,  2  vol.  in-S"). 

(2)  Histoire  littéraire  de  la  France  avant  le  III*  siècle. 


A   CHARLES   LABITTE  51 

Enfin  Bonnaire  me  dit  qu'il  y  a  dans  les  cancans  acadé- 
miques matière  à  dix  pages  :  je  ne  puis  croire  cela  à  moins 
que  vous  ne  me  l'affirmiez. 


»      XLIII 
Monsieur  Labitte,  quai  Bourbon,  19,  Ile  S^-Louis,  Paris. 


18  août  [1840]. 

MOX  CHER  LaBITTE, 

Merci  de  la  bibliothèque  ministérielle.  Cet  article  si  bien- 
veillan  est  de  M.  Diodati  (i),  je  savais  qu'il  en  avait  fait  un, 
mais  je  n'avais  pas  pu  mettre  encore  la  main  dessus.  —  Allez 
donc  voir  M.  Guénard  qui  me  parlait  de  vous  ce  matin  et  qui 
pourrait  vous  faire  avoir  peut-être  la  suppléance  de  M.  Le- 
tronne  au  Collège  de  France.  —  A  vous. 

Sainte-Beuve. 


XLIV 

Monsieur  Labitte,  19,  quai  Bourbon  {Ile  S^-Louis),  Paris. 


23  octobre  [1840]. 
Mon  cher  Labitte, 

Je  ne  vois  pas  que  Jansénius  soit  auteur  de  V Adnioyiitio 
qui  selon  Naudé  est  de  1622.  Il  l'est  de  Marc  Gallien  1633. 
Mais  en  1622  il  était  parfaitement  inconnu,  ce  n'est  qu'après 


(1)  «  M.  Diodati  avait  fait,  dans  la  Bibliothèque  universelle  de  Genève,  un 
grand  article  sur  Port-Royal  ».  Note  de  M.  Léon  Séché,  Correspondance  de 
Sainte-Beuve  avec  M.  et  M"'  Juste  Olivier.  Et  Sainte-Beuve  écrivait  le 
1"  septembre  :  «  J'ai  écrit  à  M.  Diodati  dont  j'ai  lu  l'article  si  bienveillant 
sur  moi  »  (id.). 


52  LETTRES   INÉDITES   DE   SAINTE-BEUVE 

ceci  qu'on  a  pu    songer  à   lui,    et  par  une   induction   très 
hasardée. 
A  vous. 

Sainte-Beuve. 


XLV 

Monsieur  Labitte 


Ce  22  décembre  (1840  ?] 
Mon  cher  Labitte, 

Buloz  me  dit  vous  avoir  remis  les  rapports  et  discours  de 
M.  Damiens.  D'un  autre  côté  M.  Damiens  m'écrit  pour  me 
prier  qu'on  en  parle.  Tâchez,  je  vous  en  prie,  que  dans  le  mot 
que  vous  en  direz,  il  n'y  ait  rien  que  ne  puisse  avouer  un  dis- 
ciple de  cet  excellent  homme.  Je  vous  le  confie. 

Bien  à  vous  d'amitié. 

Sainte-Beuve. 


XLVI 

Monsieur  Ch.   Labitte,  n°  19,   quai   Bourbon,  ILe  S^-Louis, 

Paris. 


Ce  vendredi  [22  janvier  [1841]. 
Mon  cher  Labitte, 

Il  est  très-urgent  que  vous  ne  souffriez  pas  qu'un  très-res- 
pectable parent  (1)  vote  pour  Ancelot  contre  Ballanche  (2). 
—  Agissez  sur  lui,  s'il  vous  plaît,  il  y  va  de  la  majorité.   On 


(1)  M.    de  Pongerville,  de   l'Académie   française,    parent   très-éloigné   de 
Ch.  Labitte,  mais  avec  qui  celui-ci  entretenait  des  relations  assez  suivies. 

(2)  C'est  Ancelot  qui  l'emporta  :  Ballanche  ne  fut  élu  qu'en  1842. 


A   CHARLES   LABITTE  53 

dit  qu'il  est  très  vacillant.  Un  coup  de  main  pour  l'excellent 
Théosophe,  s'il  vous  plaît  et  Yabhaye  entière  vous  en  con- 
jure. 

A  vous. 

Sainte-Beuve. 

On  dirait  que  c'est  rahcune  du  matérialiste  Lacroix  contre 
le  spiritualisme  :  oh  !  cela  ferait  très  mauvais  effet. 


XLVII 

Monsieur  Cli.  Labitte,  19,  quai  Bourbon,  Ile  S^-Louis,  Paris. 


Dimanche  [1841]. 
Mon  cher  Labitte, 

Recommandation  sur  recommandation  :  celle-ci  vient  de 
Madame  de  Ran....  qui  patrône  beaucoup  M.  Moreau  (son 
bibliothécaire  de  S^'^-Geneviève)  lequel  a  fait  la  préface  des 
prières  de  Madame  de  Duras.  M.  Moreau  (mon  ancien  cama- 
rade de  collège)  a  traduit,  et  très-bien,  les  Confessions  de 
S*  Augustin  avec  introduction  ;  il  concourt  à  l'Académie  pour 
le  prix  accordé  aux  meilleures  traductions.  Il  est  digne  de 
tout.  Veuillez  en  parler  à  M.  votre  oncle  (1)  qui  est  de  la 
commission. 

Bien  à  vous. 

Sainte-Beuve. 

XLVIII 

Monsieur  Ch.  Labitte,  n°  19,  quai  Bourbon,  Ile  S^-Louis, 

Paris. 

Ce  vendredi  [1841], 

Cher  Labitte, 

J'ai  vu  M.  Lauriel  :  nous  irons  ensemble  :  si  je  vous  voyais 
demain  un  instant,   nous    conviendrions  de    l'heure    pour 

(i(  M.  de  Pongerville. 


34  LETTRES   INÉDITES   DE   SAINTE-BEUVE 

dimanche.  Il  a  été  très-bien,  je  n'ai  articulé  aucune  demande 
précise,  mais  il  ma  promis  de  chercher  avec  vous  ce  qu'il 
aurait  de  renseignemens  sur  Dante  (1). 

Amitiés   et   à   Louandre   que  j'ai  le   regret   d'avoir  bien 
manqué. 

Sainte-Beuve. 


IL 

Monsieur  Ch.  Lahitte,  Professeur  à  la  Faculté  des  Lettres, 

à  Rennes. 


16  août  [1841]. 


Mon  cher  Labitte, 


Pourriez-vous,  si  vous  êtes  encore  à  Rennes,  me  savoir 
avec  quelque  précision  et  confidentiellement,  quelle  est  la 
capacité  de  M.  Boulian(2)  professeur  de  seconde  à  Stras- 
bourg :  (il  voudrait,  entre  nous,  devenir  professeur  de  litté- 
rature latine  à  Lausanne)  il  est  Elève  de  l'Ecole  normale, 
quelqu'un  de  vos  collègues  le  doit  connaître.  Tâchez  de  me 
savoir  cela,  s'il  vous  plaît,  et  de  me  le  dire  à  l'oreille.  On  me 
presse  là  dessus  de  là-bas.  Quel  homme  est-ce? 

Je  n'ai  pas  encore  appris  l'adresse  de  Mad.  de  la  Roche- 
jacquelin. 

Vous  voyez  que  la  Revue  ne  va  pas  mal.  Simon  a  donné  son 
article  Donald  qui  est  très-bon  (3)  ;  Bluze  a  égorgeté  les  frères 
Deschamps,  mais  enfin  l'article  n'est  pas  mauvais,  sil  est  un 


(1)  Ch.  Labitte  s'occupait  particulièrement  de  Dante  :  Biographes  et  tra- 
ducteurs de  Dante  (iler«e  des  Deî/.r-jT7ondes  du  1"  octobre  1841);  la  divine 
Comédie  avant  Dante  {Revue  des  D.-M.  du  l""  septembre  1842). 

(2)  Madame  Olivier  avait  écrit  quelques  jours  auparavant  à  Sainte-Beuve  : 
«  Vous  rendriez,  cher  ami,  un  grand  service  au  canton  de  Vaud  d'une  part  et 
de  l'autre  au  président  embarrassé  du  Conseil  d'Etat,  si  vous  parveniez  à 
découvrir  ce  qu'est  un  M.  Boulian  qu'on  nous  offre  comme  professeur  de  litté- 
rature latine.  Il  enseigne  en  cette  qualité  (ou  professeur  de  seconde)  à  Stras- 
bourg). Il  est  élève  de  l'Eécole  normale...  Mon  père  vous  prie  donc  de  vouloir 
bien  donner  sur  ce  point  toutes  les  lumières  qu'il  vous  sera  possible  de  réu- 
nir... etc.  »  (Correspondance  de  Sainte-Beuve  avec  M.  et  M""  Juste  Olivier). 

(3)  Voir  Revue  des  Deux-Mondes  du  13  août  1841  :  Philosophes  et  publicistes 
contemporains  :  M.  de  Bonald, 


A    CHARLES   LABITTE  55 

peu  méchant.  Buloz  grogne  toujours,  et  je  ne  le   vois  pas, 
pour  éviter  d'être  bourré. 

J'ai  assez  travaillé  ;  depuis  quelques  jours  pourtant  je  me 
relâche.  Il  laut  bien  profiter  de  ce  qu'on  appelle  nos  vacances 
et  qui  va  être  déjà  fini.  Au  fond,  mon  cher  Labitte,  je  souffre 
beaucoup  de  ma  position  qui  est  fausse,  contraire  à  mes 
goûts,  et  qui  le  devient  dt'plus  en  plus,  par  les  mille  liens  où 
la  résidence  m'engage. 

Oh  !  que  je  suis  un  mauvais  cheval  de  cabriolet,  et  que  je 
voudrais  faire  sauter  le  brancard  !  Je  n'ai  pas  vu  Louandre 
depuis  des  siècles.  Brizeux  vient  de  publier  son  volume  de 
poésies.  Nous  sommes  assez  bien  avec  Marmier  que  pour- 
tant je  ne  vois  que  peu.  Il  y  a  disparition  et  mort^  c'est  que 
vous  n'y  êtes  pas. 

Amitiés  de  cœur, 
et  à  votre  frère  s'il  est  là  près  de  vous, 
et  à  vos  collègues. 

Sainte-Beuve. 


Monsieur  Cli.  Labitte,  19,  quai  Bourbon,  {lie  S*-Louis). 

[Paris). 

1"  septembre  [1841]. 

Cher  Labitte, 

Le  Cras  séria  de  l'autre  jour  m'a  fait  oublier  dans  notre 
très  aimable  diner,  de  vous  prier  de  compléter  à  la  rencontre 
les  renseignemens  confidentiels  sur  M.  Bouiian  :  j'ai  écrit  à 
Lausanne  le  jugement  raccourci,  mais  je  ne  serais  pas  fâché 
d'avoir  encore  quelques  notes  à  l'appui,  (c'est  pour  être  pro- 
fesseur de  littérature  latine). 

Bien  à  vous  de  cœur. 

Sainte-Beuve. 


ou  LETTRES   INEDITES   DE   SAINTE-BEUVE 

LI 

Monsieur  Lahitte,  n°  14,  quai  Bourbon,  lie  S^-Louis. 

Ce  lundi  soir  [1842  ?] 

Mon  cher  Labitte, 

Dans  les  petites    notes  que  j'ai  recommandées  à    votre 

auxiliaire  amitié,  j'ai  omis  celle  de  consulter  le  Boileau,  S' 

sur  Polyeucte. 

Amitiés. 

Sainte-Beuve. 

Serez  vous   assez  bon  pour  me  mettre  aussi  au  passage 
la   Mézelie  de  Madame  Raybaud  ;  je  vous  dirai  pourquoi. 

LU 

Monsieur  Lahitte,  n°  19,  quai  Bourbon,  Ile  S^-Louis. 


[1842?] 

Cher  Labitte, 

Avez-vous  mes  feuilles  de  Port-Royal  ?  Je  vous  recom- 
mande aussi,  au  passage  vers  l'Arsenal,  Camus  Esprit  de 
St  François,  6  vol. 

Amitiés  de  cœur. 

Sainte-Beuve. 

Capefigue  un  de  ces  écrivains  décriés  prenait  dans  une 
époque  le  rôle  de  La  Beaumelle  et  consorts.  Les...  flétris  pour 
qu'il  ne  vienne  pas  un  jour  quelque  sot  impudent  qui  les  réha- 
bilite. 


A  CHARLES  LA  BITTE  57 


LUI 


Monsieur  Lahitte,  19,  quai  Bourbon. 


Ce  vendredi  [1842  ?] 
Cher  Labitte, 

Si  par  hasard  M.  Louandre  a  pris  la  peine  d'avoir  le  Cicé- 
ron,  qu'il  ne  prenne  pas  celle  de  venir  jusqu'à  chez  ma  mère 
ce  soir  :  j'ai  un  rendez-vous  bien  loin  à  7  heures  :  j'enverrai 
prendre  demain  matin  les  volumes  chez  vous.  —  Cet  article 
m'ennuie  bien,  et  à  mon  dégoût  de  cette  solide  érudition  je 
vois  bien  que  je  n'aime  que  les  bluettes. 

Merci  et  amitiés. 

Sainte-Beuve. 


LIV 

Monsieur  Ch.  Labitte,  15,  rue  des  Beaux- Arts. 


Ce  21  [1843]. 

Cher  Labitte, 

Auriez  vous  la  bonté  de  me  donner  ce  que  vous  m'avez  dit 
avoir  de  notes  sur  Gabriel  Naudé? 

—  De  m'indiquer  de  plus  la  date  de  la  Revue  des  2  mondes 
où  est  l'article  que  vous  avez  mis  sur  lui  ? 

—  J'y  suis  et  le  labeur  est  le  remède  en  tous  sens,  avec 
lenteur, 

—  Si  vous  n'avez  plus  besoin  de  Viollet-le-Duc,  vou- 
driez vous  aussi  me  le  rendre  ?  Je  refais  des  petits  amas  de 
x\V  siècle. 


(1)  Sainte-Beuve  préparait  un  article  sur  Gabriel  Naudé  qui  parut   dans   la 
Revue  des  Deux-Mondes  du  1"  décembre  1843. 


58  LETTRES    INÉDITES   DE   SAINTE-BEUVE 

—  Et  le  Chenier  ?  à  quand  (1)  ? 
A  vous  de  cœur, 

Sainte-Beuve. 


LV       ' 

[1843  ?] 


Mon  cher  Labitte, 


Etes  vous  assez  aimable  pour  remettre  la  lettre  de  Parny 
que  M.  Ravenel  fait  dire  qu'il  vous  a  donnée  ?  Je  suis  bien 
affairé  avec  l'article  Thiers,  et  veux  arriver  à  jour  fixe.  — 
Pourquoi  donc  ne  remplaceriez  vous  pas  M.  A....?  vous  n'au- 
riez plus  à  vous  soucier  de  votre  gorge  pour  parler  en  public, 
d'ailleurs  l'un  n'empêcherait  pas  l'autre.  Faites-en  donc  vite 
parler  à  M.  Villemain. 

A  vous,  cher, 

Sainte-Beuve. 

Ce  24. 

LVI 

Monsieur  Charles  Labitte,  17,  rue  des  Beaux-Arts. 


Ce  17  janv.  [1843  ?] 
Cher  Labitte, 

Pourrai-je  vous  devoir  encore  de  lire  la  Conférence  de 
Pie  VI  et  de  Louis  XVIII?  Prenez  vous  en  à  votre  excellent 
article  de  me  mettre  ainsi  en  goût  ?  —  Où  M.  Ravenel  l'a- 
t-il  publié  ?  Je  l'achèterais. 

A  vous  de  cœur. 

Sainte-Beuve. 


(1)  L'article  de  Ch.  Labitte  sur  M.  J.  Chenier  parut  dans    la    Revue   des 
Deux-Mondes  du  15  janvier  1844. 


A   CHARLES   LABITTE  59 

LVIl 

Monsieur  Labitte. 

[1844  ?] 

Cher  Labitte,  soyez  assez  bon  pour  joindre  ce  livre  aux 
autres  du  bulletin  :  je  m'intéresse  beaucoup  à  l'auteur,  bien 
qu'il  cite  Grenier  et  je  ne  sais  plus  qui  (bonhomie  de  provin- 
cial) il  est  d'un  meilleur  calibre,  ce  me  semble,  une  demi-page 
serait  bien  bonne.  —  Je  fais^  moi,  un  préambule  avec  la  pré- 
face de  Balzac. 
Amitiés. 

Sainte-Beuve. 

—  Pourriez-vous  me  prêter  pour  deux  jours  mes  portraits 
et  critiques  le  volume  de  Madame  de  Staël  et  le  1"  seconde 
édition  si  vous  l'avez. 

LVIII 
Monsieur  Charles  Labitte,  à  Abbeville  {Somme). 


Ce  16  [mars  1844] . 
Cher  Ami, 

En  toute  hâte,  tout  est  mieux  :  réconciliation  avec  Hugo  et 
Vigny.  Celui-ci  passera  la  prochaine  fois.  Il  y  a  promesse  de 
la  part  de  nos  amis.  Cela  a  aidé  à  l'élection  de  Mérimée.  A 
demain  le  reste. 

A  vous  de  tout  cœur,  cher  ami. 

Sainte-Beuve. 

Je  ne  veux  que  vous  informer  et  empêcher  toute  idée  hos- 
tile. Mes  respects  à  votre  bonne  mère. 


60  LETTRES   INÉDITES    DE   SAINTE-BEUVE 

LIX 

Monsieur  Ch.  Labitte^  15,  rue  des  Beaux-Arts. 


Ce  samedi  [mai  1844]. 

Mon  CHER  Labitte, 

Pourriez-vous  me  prêter  la  brochure  de  Frémy,  sur  la  litté- 
rature et  la  langue  française  (Thèse  de  doctorat),  ou  pourriez 
vous  l'avoir  de  lui  comme  pour  vous?  voici  :  je  veux  répon- 
dre peut-être  à  son  article  contre  A.  Chénier  qui  a  paru  dans 
la  Bévue  indépendante  (1),  et  je  ne  veux  pas  la  lui  demander 
moi-même.  Peut  être  Tavez-vous  ? 

Mille  amitiés. 

Sainte-Beuve. 

Lisez  dans  le  Supp.  à  la  biographie  universelle  l'article 
Michaud  qui  est  un  pamphlet  que  le  frère  a  fait  insérer  contre 
son  aine  et  dites  en  un  mot  dans  la  Revue  de  Paris  comme 
pendant  au  Pamphlet  contre  Nodier, 


LX 

[26  juin  1844]. 

Merci,  cher  Labitte,  je  renvoie  tout  cela.  Je  suis  bien 
affairé  à  ce  Daunou  (2),  que  votre  choix  me  rend  difficile. 
Vous  avez  accoutumé  nos  lecteurs  à  tant  de  choses. 

A  vous,  double  malheur  vaut  mieux  que  nos  tracas. 

Sainte-Beuve. 

Ce  26. 

(1)  '(  Un  factura  contre  A.  Chénier.  Réponse  à  un  article  publié  dans  la 
Revue  Indépendante  du  10  mai  1844,  par  M.  Arnould  Fremy  ».  Revue  des 
Deux-Mondes  du  1"  juin  1844. 

(2)  Voyez  la  Revue  des  Deux-Mondes  du  l"  août  1844. 


A   CHARLES   LABITTE  61 

La  date  précise,   s'il  vous  plaît,  de  votre  article  Chénier 
dans  la  Revue,  c'est  pour  une  citation. 


LXI 
> 

Monsieur  Ch.  Lahitte,  15  ou  \1 ,  rue  des  Beaux- Arts. 


Ce  12  [1844]. 
Cher  Labitte, 

Je  vous  tourmente  sans  cesse.  Vous  aurez  hier  trouvé  sur 
votre  table  le  Parny  avec  les  lettres:  j'en  ai  pris  copie,  et  je 
me  suis  procuré  un  Parny  d'ailleurs,  pour  ne  pas  abuser 
trop  longtemps  de  celui  de  M.  Tissot  (1).  —  Si  vous  pouviez 
savoir  de  lui  V adresse  de  M.  Desmarets  je  serais  au  comble  ; 
cela  achèverait  de  me  compléter  et  me  suffirait.  Ce  M.  Des- 
marets ne  demeure  t-il  plus  rue  iîic/ier. 

Mille  et  mille  amitiés. 

Sainte-Beuve. 


LXII 

Monsieur  Charles  Labitte,  15,  rue  des  Beaux-Arts. 


Ce  samedi  [1844-1845]. 
Cher  Ami, 

Je  suis  bien  touché  de  toutes  vos  démarches  et  amabilités. 
J  aurais  été  très  heureux  et  très  honoré  d'aller  demain  diner 
avec  vous  chez  M.  Villemain,  mais  je  suis  invité  à  dîner  chez 
Madame  de  Chègue,  là  où  précisément  je  devais  diner  il  y  a 
huit  jours  avec  lui. 


(1)  L'article  de  Sainte-Beuve  sur  Parny  a  paru  dans  la  Revue  des   Deux- 
Mondes  du  l"  décembre  1844. 


62  LETTRES   INÉDITES    DE   SAINTE-BEUVE 

Veuillez,   s'il  vous  plaît,  m'excuser  auprès  de  lui   en  le 
remerciant,  en  attendant  que  je  l'aille  faire  moi-même. 
Tout  à  vous  de  cœur. 

Sainte-Beuve. 


LXIII 
Monsieur  Ch.  Labitte,  15,  rue  des  Beaux- Arts. 

[1844-1845]. 
Cher  ami  et  latinarian  elegantiarum  arbiter, 

Pour  dire  de  Victorien  Lalu  (?)  sortant  de  l'arène  vaincu,  et 
revenant  pousif  {sic)  —  voici  mon  vers  : 

Taurus  abit  mœrens  e  regnis  ecce  redit  bos 

(11  sortit  en  taureau  mais  il  revint  en  bœuf). 

Mon  vers  est-il  métriquement  et  latinement  sur  ses  pieds? 

A  vous,  cher 

Sainte-Beuve. 
Ce  mercredi. 


LXIV 

Monsieur  Ch.  Labitte,  15,  rue  des  Beaux-Arts. 


Ce  mardi  [février  1845]. 
Cher, 

Je  serai  à  6  heures  à  la  Revue,  nous  irons  (sans  rien  dire) 
diner  ensemble  et  je  vous  lirai  mon  discours.  Tout  le  monde 
est  enchanté  de  votre  article  :  c'est  un  vrai  succès.  Il  3'  a  un 
moment  où  le  talent  produit  ainsi  un  bouton  que  tout  le 
monde  se  met  à  montrer  du  doigt  quoiqu'il  ait  produit  déià 


A   CHARLES   LABITTE  63 

plus  d'une  fleur.  Votre  3férimée{i)  est  un  de  ces  boutons  très 
en  vue  :  ày.u.f[. 
A  vous. 

Sainte-Beuve. 


»     LXV 

Monsieur  Ck.  Labitte,  15,  rue  des  Beaux-Arts. 


[Février  18451 . 

Cher  Ami, 

J'ai  ce  regret  de  vous  manquer  hier.  Je  vous  en  supplie 
soyez  bien  pour  V.  Hugo.  Il  a  été  pour  moi  d'autant  mieux 
que  la  veille  je  lui  avais  résisté  sur  qques  points,  et  qu'il  a 
maintenu  tous  ses  éloges. 

A  vous  de  cœur. 

Sainte-Beuve. 


LXVI 

[1"  mars  1845]. 


Cher, 


Que  c'est  aimable,  que  c'est  flatteur,  que  c'est  délicat  pour 
vos  amis  (2)  !  Je  vous  sais  bien  du  gré  aussi  d'avoir  tenu 
compte  de  ce  que  ma  double  position  de  votre  ami  et  vis-à-vis 
de  Hugo  exigeait  de  ménagemens  :  vous  n'avez  mis  de  ména- 
gemens  que  là,  vous  m'avez  comblé  d'ailleurs.  Comment 
reconnaître  tant  de  témoignages  réitérés  et  infatigables, 
qu'en  me  sentant  de  plus  en  plus 

Vôtre, 

Sainte-Beuve. 
Ce  1" 


(1)  Voyez  Reime  des  Deux-Mondes  du  15  février  1845. 

(2)  Sainte-Beuve  venait  de  lire  l'article  que  Ch.  Labitte  lui  avait  consacré 
au  sujet  de  sa  réception  à  l'Académie  française,  qui  avait  eu  lieu  le  27  février 
précédent. 


64  LETTRES   INÉDITES   DE   SAINTE-BEUVE 


LXVII 


Monsieur  Ch.  Lahitte. 


[7  mars  1845?] 
Cher, 

Voilà  un  2=  volume  ;  le  premier  que  je  n'ai  pas  avec  le  fran- 
çais vous  arrivera  dans  deux  ou  trois  jours. 
A  ce  soir.  Mille  amitiés. 

Sainte-Beuve. 

Ce  7  mars. 


LXVIII 

Monsieur  Cli.  Lahitte,  n'^  15,  rue  des  Beaux-Arts. 

[Avril  1845]. 

Cher,  je  suis  pris  mardi  pour  dîner  chez  Vatin  :  n'en  êtes 
vous  donc  pas?  j'ai  de  plus  une  semaine  bien  envahie  par 
mon  Fauriel  (1)  et  par  mille  soin.s.  —  Mais  voyez  quelqu'autre 
jour.  —  Amitiés  à  Turquety. 

A  vous,  cher. 

Sainte-Beuve. 

Ce  lundi. 


(1)  Voyez  les  numéros  du  15  mai  et  du  1"  juin  1845  de  la  Revue  des  Deux- 
ilondex. 


A   CHARLES   LABITTE  65 

LXIX 

Monsieur  Lahitte  (Charles),  47,  rue  des  Beaux-Arts. 

Ce  15  [août  1845). 
Cher, 

C'est  de  Térence  qu'ont  été  traduites  3  comédies  (l'An- 
drienne,  les  Adelphes  et  le  Pharmion)  publiées  en  1647  sous 
le  nom  de  S'-Aubin. 

C'est  à  dire  Le  Maistre  de  Sacy. 

M,  de  la  Menée  dit  que  l'avocat  Le  Maistre  revit  cette  tra- 
duction de  son  frère. 

D'autres  y  donnent  une  part  à  Lancelot  et  à  Nicole. 

Mais  à  coup  sûr  c'est  M.  de  Sacy  qui  est  le  principal 
auteur. 

Il  y  eut  de  plus  une  comédie  de  Plante  Les  Captifs,  dont 
une  traduction  fut  publiée  en  1666.  Il  paraît  certain  que  cette 
traduction  est  de  quelqu'un  de  Port-Royal,  et  il  paraît  égale- 
ment qu'elle  est  d'un  M.  Guyot  maître  à  ces  Ecoles  et  sur 
lequel  Rabier  a  écrit  une  notice  (Magasin  Encyclopédique 
1813  tome  IV,  p.  275). 

Voilà,  cher,  toute  mon  érudition;  votre  Varron  est  char- 
mant (1)  et  ses  maximes  me  paraissent  des  sentences  d'or.  — 
Celle  du  cerf  qu'on  n'a  pas  tué,  vrai  récit  de  chasse,  devrait 
être  inscrite  sur  les  murs  de  l'Académie  des  Inscriptions, 
pour  tempérer  l'orgueil  des  Quatremère. 

Je  suis  souffrant  et  peu  propre  à  dîner.  Attendons  le  soleil 
—  pour  Bellevue. 

Mille  amitiés. 

Sainte-Beuve. 


(1)  Article  de  Ch.  Labitle  dans  la  Revue  des  Deux-Mondes  du  1"  août  1843 
Varron  et  ses  Ménippées. 

5 


66  LETTRES   INÉDITES   DE    SAINTE-BEUVE 


Mon  cher  Ami, 


LXX 

[1845?] 


Moi  aussi  j'ai  souffert  de  vous  entendre  non  pas  seulement 
hier,  mais  ce  matin,  si  irrité  pour  un  fait  qui,  je  le  crois  dans 
ces  circonstances,  n'est  pas  un  tort.  Je  reçois  au  même 
moment  la  plainte  de  M.  Lebrun  qui  est  fondée.  Voyez  quelle 
lettre  vous  lui  avez  écrite.  Cette  place  d'amphithéâtre  que 
vous  trouvez  peu  convenable,  est,  me  dit-il,  celle  où  il  envoie 
sa  femme  Madame  Lebrun,  eu  égard  à  la  détresse  d'un  mo- 
ment. Et  puis  parce  qu'un  homme  aurait  un  tort  de  ce  genre, 
si  atténué  par  les  circonstances,  est-ce  une  raison  pour  qu'un 
esprit  et  un  cœur  comme  le  vôtre  menacent  de  le  traiter  de 
médiocre  auteur  comme  si  ce  détail  changeait  sa  situation  lit- 
téraire. Il  faut  laisser  cette  manière  de  prouver  son  ressenti- 
ment à  qui  de  droit.  Pardon,  mon  cher  Labitte,  de  ma  propre 
vivacité  ;  mais  je  vous  assure  que  j'ai  souffert  d'entendre  ce 
matin  de  votre  bouche  ce  qui  m'avait  paru  hier  une  simple 
vivacité  du  moment.  Je  n'en  puis  plus  de  tout  ceci  et  mon 
plaisir  (si  plaisir  il  y  a)  est  bien  empoisonné. 

Embrassons-nous  donc,  voulez-vous. 

Sainte-Beuve. 


LXXI 

Monsieur  Ch.  Labitte,  15,  rue  des  (sic). 

[1843]. 

Cher, 

J'ai  vu  hier  M.  Cousin.  Nous  dinons  avec  lui  et  avec  vous 
vendredi  chez  Pinson  6  heures  :  vous  voilà  informé. 
Très  cher  à  vous, 

Sainte-Beuve. 

Ma  mère  me  charge  expressément  de  vous  remercier. 


A  CHARLES   LABITTE  G7 


LXXIl 


Monsieur  Charles  Labitte,  il,  rue  des  Beaux-Arts. 


(1845?] 
Cher, 

N'auriez  vous  pas  le  volume  de  Cousin  Les  fragments  litté- 
raires dans  lequel  se  trouvent  {sic)  le  discours  mortuaire 
prononcé  sur  la  tombe  de  Lojson  ? 

Mille  amitiés. 

Sainte-Beuve. 

Ce  17. 


LXXIII 

Monsieur  Ch.  Labitte. 


Cher  Ami, 

Pouvez-vous  me  donner  l'adresse  de  mon  ami que  je 

voudrais  remercier  d'un  cadeau  de  livres  qu'il  m'a  fait.  Je 
succombe  sous  l'article. 
A  vous. 

Sainte-Beuve. 
Ce  29. 


LXXIV 

Discours  prononcé  par  Sainte-Beuve,    le    mardi 

23  septembre  1845, 

sur    la    tombe  de   Ck.   Labitte 

Ne  quittons  point  cette  tombe  où  disparaissent  les  restes 
mortels  d'un  ami  si  cher,  sans  dire  au  moins  quelque  chose 


68  LETTRES   INEDITES    DE   SAINTE-BEUVE 

de  ce  que  tous  nous  ressentons,  sans  faire  entendre  surtout 
l'expression  bien  faible  de  ce  que  perdent  en  lui  les  Lettres 
auxquelles  fut  tout  entière  dévouée  cette  vie  si  pure,  si 
aimable,  si  désintéressée,  cette  vie  moissonnée  tout  d'un  coup 
avant  trente  ans.  Ce  qu'il  était  dès  l'enfance  et  dès  sa  plus 
tendre  jeunesse,  nous  le  savons  toi^s,  car  ses  jours,  de  bonne 
heure  remplis  par  le  travail,  se  ressemblaient  :  lorsqu'il 
arriva  à  Paris  au  sortir  des  premières  études  et  comme  tout 
frais  encore  des  soins  maternels,  ce  jeune  homme  de  dix -huit 
ans,  doux,  modeste,  rougissant,  était  déjà  plus  instruit  que 
ne  le  sont  la  plupart  après  de  longues  années  ;  il  avait  tout 
lu,  tout  dévoré,  il  aurait  pu  s'appeler  déjà  érudit  ;  et  il  n'a 
cessé,  durant  les  douze  années  qui  suivirent,  d'accroître, 
d'enrichir  ce  premier  fonds,  de  le  fertiliser  et  de  le  mûrir  dans 
tous  les  sens.  Et  tout  cela  il  le  faisait  avec  une  aisance,  une 
facilité,  j'oserai  dire  une  gaîté  pleine  de  fraîcheur,  qui  est  le 
plus  heureux  signe  des  vocations  naturelles.  L'amitié,  qui  fut 
avec  l'étude  son  plus  cher  partage  profitant  de  tout  ce  que 
l'autre  acquérait  :  ce  qu'il  était  encore  à  cet  égard,  est-il  besoin 
de  le  redire  ?  quel  ami  plus  prompt,  plus  ouvert  aux  études 
de  ses  amis,  plus  disposé  à  3^  entrer  à  chaque  instant  et  à  y 
verser,  sans  compter,  le  résultat  des  siennes  propres  !  I^  était 
aussi  heureux,  plus  heureux  de  ce  qui  se  faisait  autour  de  lui, 
que  de  ce  qu'il  faisait  lui-même  ;  il  aimait  les  Lettres,  les 
Etudes,  pour  ce  qu'elles  produisent  de  bon,  pour  cette  vive  et 
intime  satisfaction  qu'elles  procurent  au  cœur  qu'une  autre 
ambition  n'envahit  pas.  Et  c'est  une  consolation  du  moins 
qu'il  faut  se  redire  dans  ce  malheur  :  assurément,  dans  sa 
courte  vie,  il  leur  a  dû  de  longues  et  abondantes  jouissances. 
Ainsi  heureux  d'un  bonheur  qu'il  tenait,  ce  semble,  entre  ses 
mains  ;  au  moment  d'asseoir  plus  complètement  sa  destinée 
et  de  la  couronner  dune  pleine  félicité  domestique;  désigné 
par  la  confiance  et  l'amitié  de  ses  maîtres  pour  les  représenter 
et  les  continuer  avec  honneur  ;  marchant  au  premier  rang  de 
cette  génération  qui  a  le  droit  de  se  dire  jeune  encore  ;  connu 
du  public  par  des  œuvres  sérieuses  qui  n'étaient  pour  lui  que 
des  essais,  par  les  productions  faciles,  redoublées,  spirituelles, 
à  la  fois  solides  et  gracieuses,  d'une  plume  faite  pour  rendre 
la  science  accessible  et  aimable  ;  chéri  de  ses  nombreux  amis 
entre  lesquels  il  était  un  bien  actif,  incessant,  et  comme  un 
messager  perpétuel  d'union  littéraire  (car  beaucoup  d'entre 


A    CHARLES   LABITTE  69 

nous  qui  sommes  ici,  nous  nous  connaissions,  nous  nous 
aimions  par  lui  et  en  lui),  le  voilà  enlevé  à  tant  d'espérances, 
à  tant  d'avenir,  et  d'un  coup  si  soudain  que,  dans  ce  premier 
éclat  de  la  douleur,  c'est  peut-être  encore  l'étonnement  qui 
domine.  Accablants  mystères,  devant  lesquels  notre  faiblesse 
n'a  qu'à  s'incliner  !...  Sa  pensée  du  moins  ne  mourra  pas; 
l'amitié  emporte  de  lui  uiie  vivante  image,  et  les  Lettres,  qui 
sont  encore  ce  qu'il  y  a  de  plus  durable  parmi  les  choses 
mortelles,  sauveront  et  multiplieront  le  souvenir  de  celui  qui 
les  a  tant  aimées,  qui  ne  vivait  que  pour  elles,  et  que  leur  pure 
ardeur  a  dévoré  (1)  ! 


LXXV 

Paris  ce  mardi  [184S]. 


Monsieur  (2), 


Veyne  (3)  me  charge  de  répondre  en  peu  de  mots  à  votre 
douloureuse  et  déchirante  lettre.  Tous  les  malheurs  se  sont 
combinés  ici  ;  M.  Porphyre  (4)  est  absent  de  Paris  ;  il  n'est 
pas  encore  revenu  d'un  voyage  qu'il  a  dû  entreprendre  il  y  a 
quelques  jours,  ayant  été  chargé  par  la  faculté  de  médecine 
d'aller  faire  une  collection  d'histoire  naturelle.  On  attend  avec 
auxiété  son  retour  pour  remplir  les  tristes  vœux  de  votre 
douleur.  —  Les  restes  mortels  de  notre  pauvre  ami  sont 
déposés  provisoirement  dans  un  caveau  du  père  Lachaise, 
comme  l'a  indiqué  Madame  de  Pongerville.  Les  papiers  ont 
été  mis  sous  clé  dès  le  premier  moment  ;  depuis  il  y  a  eu 
apposition  de  scellés.  Tous  les  soins  ont  été  pris  à  cet  égard. 
—  Notre  douleur,  Monsieur,  comprend  la  vôtre,  celle  d'une 
mère;  nous  sommes  tous  consternés  et  frappés  du  même 


(1)  Un  autre  discours  fut  prononcé  également  par  M.  Tissot,  dont  Ch.  Labittc 
était  le  suppléant  au  Collège  de  France. 

(2)  Cette  lettre  est  adressée  à  M.  Alex.  Porphyre  Labitte,  père  de  Charles 
Labitte. 

(3)  Médecin  de  Sainte-Beuve  et  l'un  de  ses  bons  amis. 

(4)  Porphyre  Labitte  /1823-1885),  frère  cadet  de  Charles  Labitte.  11  s'occupa 
d'histoire  naturelle  et  fut  l'un  des  organisateurs  du  musée  Orfila.  Conseiller 
général  du  canton  sud  d'Abbeville  en  1871,  député  de  la  Somme  en  1876  et  en 
1882  sénateur. 


70  LETTRES   INÉDITES   DE   SAINTE-BEUVE 

coup.  Je  ne  trouve  pas  de  paroles  à  vous  dire  en  ce  moment 
et  ne  puis  que  vous  apporter  comme  triste  hommage  l'afflic- 
tion de  tous,  elle  est  universelle  et  bien  profonde. 

Sainte-Beuve. 


LXXVF 

Ce  18  mai  [18i6]. 


Monsieur  (1 


Rien  ne  pouvait  m'être  plus  doux  que  votre  témoignage  et 
le  sentiment  que  votre  cœur  était  satisfait  par  le  tribut  du 
mien  (2).  J'ai  vu  hier  Monsieur  Porphyre  ;  il  a  très  bien  réglé 
tout  ce  qui  doit  entrer  dans  les  volumes  et  aujourd'hui  même 
il  doit  remettre  le  tout  à  M.  Gendès  pour  commencer  l'im- 
pression (3).  J'espère  que  nous  n'aurons  pas  de  retard,  et  que 
ce  monument  qui  renfermera  les  meilleures  preuves  de  cet 
Esprit  solide  et  charmant  sera  bientôt  achevé.  —  C'est  un 
honneur  pour  moi,  en  même  temps  qu'un  devoir  triste  et 
doux,  que  mon  nom  s'y  trouve  attaché;  ce  qu'il  eût  fait  pour 
moi  et  ce  sur  quoi  j'aimais  à  compter  de  sa  part,  voilà  que  je 
l'ai  fait  pour  lui,  bien  trop  incomplètement,  mais  autant  que 
je  l'ai  pu. 

Je  me  suis  permis  puisque  vous  voulez  bien  m'y  engagez, 
de  réserver  pour  moi  quelques  notes  tirées  de  ses  riches 
dossiers,  et  j'ai  aussi  demandé  à  M.  Porphyre  deux  volumes 
sur  M.  Etienne  qui  m'ont  paru  offrir  beaucoup  d'intérêt. 
Offrez,  je  vous  en  prie,  à  Madame  Labitte  l'expression  de 
mes  meilleurs  et  de  mes  plus  respectueux  hommages  et 
agréez,  Monsieur,  mes  sentimens  bien  touchés  et  bien 
dévoués. 

•  Sainte-Beuve. 


(1)  Lettre  adressée  à  M.  Alex.  Porphyre  Labitte. 

(2)  Allusion  aux  remerciements  de  M.  A.  P.  Labitte,  à  l'occasion  de  la  notice 
de  Sainte-Beuve  sur  son  ami,  parue  dans  la  Revue  des  Deux-Mondes  du 
1"  mai  1846,  et  reproduite  ensuite  en  tète  des  Etudex  Littéraires. 

(3)  Ces  volumes  sont  les  Etudes  Littéraires  de  Ch.  Labitte.  V.  introduction, 
page  8,  note  4. 


A   CHARLES    LABITTE  71 

LXXVII 

Ce  25  juillet  [1846]. 
Cher  Monsieur  PcÎrphyre  (1), 

C'est  à  vous  que  je  dois  ce  buste  qui  m'est  si  cher  puisqu'il 
me  retrace  les  traits  d'un  ami  à  qui  je  pense  sans  cesse. 
Merci.  —  Dites  à  Madame  votre  Mère  que  je  l'aurais  été  voir 
si  je  n'avais  été  tous  ces  jours  extrêmemen  fatigué  et  souf- 
frant. Offrez  lui  mes  humbles  respects. 

—  On  doit  avancer  et  entrevoir  le  but  —  dans  cette  impres- 
sion du  2e  volume. 

Tout  à  vous  de  cœur. 

Sainte-Beuve. 

Quel  est  ce  M.  Sauvage  ? 

Je  ne  le  connaissais  pas. 


APPENDICE 

Lettre  inédite  de  J.  Olivier  à  Charles  Labitte, 

relative  au  cours  que  Sainte  Beuve  fit  à  Lausanne 

sur  Port-Royal. 


Monsieur  Labitte. 

[3  juin  1838], 


Monsieur, 


Comme  je  suis  bien  sûr  que  M.  Sainte-Beuve  ne  vous  don- 
nera pas  sur  son  cours  tous  les  détails  techniques  qui  inté- 
resseraient votre  amitié,  je  viens  vous  demander  la  permis- 

(1)  Porphyre  Labitte. 


72  LETTRES   INÉDITES   DE   SAINTE-BEUVE 

sion  d'y  suppléer  un  peu  :  c'est  une  petite  niche  à  laquelle  je 
vous  invite  pour  déjouer  sa  modestie. 

Je  ne  veux  d'ailleurs  pas  laisser  partir  notre  ami  sans  vous 
remercier,  Monsieur,  de  la  peine  que  vous  avez  bien  voulu 
prendre  pour  moi  aux  Archives (l).  11  m'était  précieux  de 
constater  qu'on  ne  trouverait  là,  sur  notre  major  Davel, 
aucun  fait  nouveau.  * 

Le  cours  a  eu  quatre-vingt-une  séances.  Dans  notre  Acadé- 
mie notre  leçon  est  d'une  heure  qu'étudiants  et  professeurs 
s'aident,  de  temps  immémorial,  à  rogner  de  dix  minutes.  Les 
leçons  de  M.  Sainte-Beuve  ont  presque  toujours  pris  cinq 
quarts  d'heure,  comme  celles  de  vos  cours  à  Paris.  Il  faut 
donc  compter  trois  de  celles-ci  ou  quatre  des  nôtres  par 
semaine  pendant  sept  mois,  sans  aucune  interruption  que 
sept  jours  au  nouvel-an  ,  et  deux  congés  d'une  leçon  que 
notre  sollicitude  parvint  à  lui  arracher  à  grand  peine.  Il  a  été 
incontestablement  de  tous  nos  professeurs  le  plus  infati- 
gable et  le  plus  assidu.  Tout  le  monde  l'a  remarqué,  tout  le 
monde  en  a  joui,  mais  tout  le  monde  aussi  en  était  inquiet. 
Sa  santé  en  souffrait.  Un  grand  nombre  de  ses  auditeurs  le 
prêchaient  contre  eux-mêmes  (M.  Vinet  en  tête)  et  le  sup- 
pliaient de  se  ménager,  d'interrompre  de  temps  en  temps 
comme  il  en  voyait  assez  d'exemples  à  l'Académie.  Nous  ne 
pûmes  rien  obtenir.  Il  est  vrai  que  les  brusqueries  extraordi- 
naires de  la  saison  contribuaient  peut-être  encore  plus  que  le 
cours  à  lui  faire  du  mal.  Ses  derniers  mois,  au  reste,  ont  été 
beaucoup  meilleurs.  Malheureusement  les  préparatifs  du 
départ  ont  assez  fatigué  M.  Sainte-Beuve  pour  que  nous  le 
voyions  se  mettre  en  route  avec  beaucoup  de  peine  en  ce 
moment. 

Les  leçons  ont  été  très-régulièrement  et  très-nombreuse- 
ment  suivies.  Lausanne  est  une  petite  ville  de  12  à  14  mille 
âmes.  Le  public  littéraire  n'y  fait  donc  pas  foule  ;  il  est  de 
plus  assez  habitué  aux  Cours  pour  s'en  lasser  fort  vite  une 
fois  la  première  curiosité  passée.  M.  Sainte-Beuve  a  eu  pour- 
tant jusqu'à  trois  cents  auditeurs  et  plus  ;  et  par  des  temps 
affreux  de  boue,  de  vent  et  de  neige,  malgré  le  difficile  accès 
du  quartier,  une  abominable  salle  vaste,  lourde,  obscure  et 
froide,  nous  dépassions  toujours  de  beaucoup  la  centaine. 

(1)  Voyez  lettres  XXVI,  XXVII  et  XXVIII. 


A   CHARLES   LABITTE  73 

L'entière  publicité  des  séances  était  due  à  la  courtoisie  de 
M.  Sainte-Beuve.  Mais  elle  a  augmenté  sa  tâche.  L'auditoire, 
ainsi  beaucoup  plus  varié,  plus  incertain,  assez  changeant  du 
moins  sur  les  bords,  était  infiniment  plus  redoutable  ou  plus 
pénible  à  manier.  Vous  ne  sauriez  cependant  assez  vous  dire, 
Monsieur,  à  quel  point  ila^étépris.  Le  début  fut  passablement 
épineux.  Il  y  a  partout  des  hommes  que  le  sérieux  seul  jette  en 
fureur  bien  qu'ils  soient  les  gens  les  nmoins  véritablement  gais 
et  les  plus  tristes  du  monde.  La  gravité  du  sujet,  la  solidité  de 
l'enseignement  les  désappointèrent,  car  ils  espéraient  tout 
autrechose;  la  finesse,  la  pénétration  leur  échappait  sans  leur 
dévoiler  leur  pauvreté  grossière  :  heureusement  en  petit 
nombre,  à  notre  contentement  à  tous  ils  se  rebutèrent  bien 
vite.  Ceux  qui  n'avaient  été  qu'étonnés,  comme  quelques 
autres,  furent  bientôt  mis  au  pas,  et  les  beaux-esprits  tout 
faits  eurent  en  peu  de  temps  bouche  close.  Des  magistrats, 
des  professeurs,  des  étudiants,  des  théologiens,  des  avocats, 
des  étrangers,  un  très  grand  nombre  de  dames  ont  suivi  le 
cours  sans  interruption  et  avec  un  enchantement  que  je  vou- 
drais pouvoir  vous  dire,  mais  je  vous  griffonne  ceci  très  à  la 
hâte  n'ayant  que  quelques  moments  avant  le  départ  de 
M.  Sainte-Beuve  et  devant  me  borner  aux  renseignements 
tout  matériels.  Le  reste,  —  la  conscience  des  recherches, 
l'originalité  et  la  justesse  des  vues,  l'intime  et  pittoresque 
vérité  des  portraits,  vous  le  verrez  par  l'ouvrage  lui-même 
qui  devra  faire  l'effet  d'un  des  plus  originaux  et  des  plus 
substantiels  de  notre  temps  si  notre  temps  est  capable  de  le 
sentir  et  de  le  comprendre. 

Mais  ce  que  l'ouvrage  ne  pourra  rendre  ni  à  personne  ni  à 
nous,  c'est  le  cours  lui-même.  M.  Sainte-Beuve  a  très-mau- 
vaise opinion  de  l'épreuve  qu'il  vient  de  faire.  Quant  à  l'effet 
du  professorat  sur  sa  santés  il  est  possible  que  M.  Sainte- 
Beuve  ait  raison.  Mais  ne  lui  laissez  pas  dire  que  les  leçons 
n'ont  point  eu  d'autre  mérite,  d'autre  intérêt  que  le  livre  n'en 
aura  ;  et  s'il  vous  conte  qu'il  n'est  pas  orateur  répondez-lui 
de  notre  part  qu'il  est  éloquent.  Son  cours  avait  un  attrait 
que  je  n'ai  senti  nulle  part.  Le  livre  n'aura  rien  de  l'accent, 
du  geste,  du  timbre  de  la  voix,  du  souffle  de  l'âme,  du  jeu 
extérieur  de  la  pensée  ;  et  tout  cela,  joint  au  sérieux,  à  la 
grandeur,  à  la  beauté,  à  l'inconnu  du  sujet,  à  la  vérité,  à  la 
simplicité,  à  la  convenance  et  à  l'originalité  des  détails,  à  la 


i»         LETTRES    INEDITES   DE   SAINTE-BEUVE   A   CHARLES    LABITTE 

sympathie  du  professeur  et  de  ses  auditeurs  pour  les  person- 
nages, pour  leur  vie,  leurs  idées,  tout  cela  formait  un 
ensemble  que  je  crois  unique  et  j'ai  pourtant  entendu  de  bien 
célèbres  cours.  Que  de  choses  que  nous  ne  retrouverons  que 
dans  notre  souvenir  et  dont  nous  avons  malheureusement 
joui  seuls  !  Puisqu'il  fallait  qu'il  y  eut  un  choix,  j'ose  presque 
dire  que  nous  en  avons  été  dignes  par  l'attrait  profond, 
durable,  efficace  dont  ce  cours  avait  rempli  notre  hiver  lau- 
sannois, par  la  sympathie  d'esprit  et  de  cœur  avec  laquelle, 
une  fois  la  reconnaissance  faite  et  les  premirèes  difficultés 
passées,  les  esprits  les  plus  élevés  y  ont  répondu. 

Adieu,  Monsieur.  Voilà  l'heure  du  départ  de  notre  ami. 
Recevez  encore  mes  excuses  de  cet  informe  narré  dont  j'ai  eu 
l'idée  trop  tard,  et  tous  les  remerciements  de 
votre  obéissant  serviteur 

J.  Olivier. 
Lausanne,  3  juin  1838  (1). 


(1)  Charles  Labitte  dut  utiliser  cette  lettre  en  faveur  des  lecteurs  de  la 
Revue,  car  Sainte-Beuve  écrivait  le  6  juin  1838  :  «  J'ai  vu  Buloz  qu'on  avait 
saigné  le  matin  ;  les  épreuves  de  la  Revue  lui  avaient  donné  le  sang  dans  les 
yeux.  Il  a  été  content  de  me  revoir  et  en  ami  plus  qu'en  intéressé.  Il  avait 
reçu  plusieurs  lettres  de  Lausanne  sur  mon  cours  ;  je  suppose  qu'il  y  en  avait 
une  de  M.  Monnard  (sans  en  être  sur),  mais  j'ai  cru  reconnaître  l'écriture  sur 
l'adresse  ;  on  n'a  pas  voulu  me  nommer  les  bienveilians  indiscrets.  Je  crains 
bien  moi-même  d'avoir  porté  à  Labitte,  à  qui  Buloz  a  remis  toutes  ces 
dépêches,  une  dénonciation  de  plus  et  de  véritables  lettres  de  Bellerophon  ou 
d'Uri  ;  je  dis  ceci  pour  notre  cher  et  incorrigible  ami  Olivier.  Labitte  m'a  ri 
au  nez  en  lisant  la  lettre.  »  {Correspondance  de  Sainte-Beuve  avec  M.  et 
M"'  Juste  Olivier). 


TABLE  ALPHABETIQUE 


NOMS  DE  PERSONNES  CITES  DANS  CET  OUVRAGE 


Ampère,  35,  43,  50. 

Ancelot,  52. 

Angélique  (La  Mère),  41. 

Arnaull  (Antoine),  28,  32,  41,  42. 

Arnault  d'Andilly,  26,  28,  42. 

Augustin  (Saint),  53. 


Bacon,  45. 
Ballanche,  52. 
Balzac,  59. 
Balzac,  31,  32,  34,  41. 
Béattie,  15. 
Beuchot,  47. 
Bluze,  54. 
Boileau,  41,  56. 
Bonald  (de),  54. 
Bonnaire,  43,  50. 
Bouhours,  29. 
Boulian,  54,  55. 
Bourdaloue,  29. 
Bouzenot,  18. 
Brizeux,  55. 
Brunetière,  10. 


Buloz,  18,  19,  29,  30,  32,  34,  35, 
37,  38,  41,  43,  47,  49,  52,  54,  74. 


Camus,  27,  28,  56. 

Campanella,  49. 

Cantor  (M'"^),  30. 

Capefigue,  56. 

Céleste,  32,  45. 

César,  24. 

Chabaille,  9,  32,  33,  35,  37,  38, 

40,  43. 
Charrière  (M""^  de),  46. 
Chasles,  7. 
Chègue  (M^i^  de),  61. 
Chémier  (André),  14,  60. 
Chénier  (Marie-Joseph^,  58,  61. 
Chevalier  (Michel),  35. 
Cicéron,  57. 
Clément,  14. 
Collin  (Léopold),  28. 
Collins,  15. 
Comte  (Ch.),  48. 
Corneille  (Pierre),  26,  31,  32. 
Costar,  22. 
Cottin  (M'"^),  43,  46. 
Coupet. 
Cousin,  6,  31,  48,  66,  67. 


76 


TABLE  ALPHABETIQUE  DES  NOMS  DE  PERSONNES 


Cowper,  15. 
Crabbe,  15. 


Damiens,  52. 
Danjou,  37,  38,  40,  48. 
Dante,  54. 

Daunou,  19,  37,  48,  60. 
Davel,  38,  40,  72. 
Delille,  16. 
Denis,  22. 

Desbordes-Valmore.  Vot/e^  Val- 
more. 
Deschamps,  54. 
Deshouillières,  48. 
Desmarets,  61. 
Dessalles,  22,  23,  24. 
Diodati,  51. 
Dominique  (Saint),  47. 
Duguet,  38,  41. 
Duras  (M"»^  de),  53. 


E 


Ebrard,  17. 

Etienne,  70. 


Fauriel,  64. 
Fenelon,  26. 
Fontanes  (de),  44. 
Fontanes  (,M™«  de),  39. 
Fontenelle,  26. 
Frémy,  60. 


G 


Gendès,  70. 
Geoffroy,  20. 


Géruzez,  39. 
Girac,  22. 
Goldsmith,  15. 
Gosselin,  39. 
Grammont,  28. 
Gray,  15. 
Grenier,  59. 
Guénard,  20,  51. 
Guizot,  19,  20,  43,  45. 
Guizot  (M'"^),  20. 
Guyot,  65. 


Hamon,  41. 
Hecquet,  18. 
Huet,  28,  45. 
Hugo,  15,  49,  59,  63. 


Jacqueminot,  40, 
Jansénius,  51. 
Jasmin,  22,  23. 


Krùdner  (M-^^  de),  20. 
Krûdner  (Paul  de),  20. 


Labeaumelle,  56. 

Labitte    (Alexandre-Porphyre), 

69,  70. 
Labitte  (M'"^  Alex.-P.),  70. 
Labitte  (Porphyre),  69,  70,  71. 
Lacordaire,  47. 
Lacroix,  53. 
Ladame  (M«*),  30. 
Lafayette  (M™«  de),  18. 


TABLE  ALPHABÉTIQUE  DES  NOMS  DE  PERSONNES 


77 


Lalu,  62. 
Lamartine,  6,  35. 
La  Menée  (de),  65. 
Lamotte,  26. 
Lancelot,  41,  42,  65. 
La  Rue,  35. 

Lauriel,  53.  .> 

Lebrun,  66. 
Lebrun  {M""«),  66. 
Leclerc,  45. 
Lemaitre,  41,  42,  65. 
Lenormand,  45. 
Le  Prévost,  39. 
Le  Sage,  43. 
Letronne,  51. 
Leudière,  25. 
Levavasseur,  27. 
Longueville  (M"«  de),  27,  41. 
Louandre,  6,  9,  24,  25,   32,  35, 
37,  43,  46,  47,  48,  50,  54,  55,  57. 
Louis  XIV,  17,  21. 
Louis  XVIII,  58. 
Loyson,  67. 


M 

Machiavel. 
Macqueron,  5, 14. 
Magnin,  40. 

Maistre  (Joseph  de),  27. 
Maistre  (Xavier  de),  46. 
Malebranche,  38,  41. 
Marc  Gallien,  51. 
Marmier,  55. 
Mauprat,  22. 
Menot,  44. 
Mérimée,  59,  63. 
Michaud,  60. 
Michelet,  35. 
Michiels,  50. 
Mignet,  19. 
Millevoye,  22,  23. 
Mole,  49. 
Molière,  10. 


Monnard,  74. 
Montaigne,  34,  41. 
Moreau,  53. 


N 

Narville,  28. 

Naudé,  17,  18,  21,  51,  57. 

Newton,  49. 

Nicole,  26,  27,  41,  65. 

Ninon,  28. 

Nisard,  21. 

Nodier,  6, 60. 


O 


Olivier  (M.  et  M"^  Juste),  7,  8, 
11,  24,  38,  39,  40,  42,  43,  51,  54. 
71,  74. 

Ollivier  (le  libraire),  21,  27,  29, 
33. 

Orfila,  69. 

Ozanam,  45. 


Pany,  8. 

Parny,  58,  61. 

Pascal,  10,27,33,  34,37,  41. 

Patin,  28,  35,  45. 

Patru,  28. 

Pépin  (Guillaume),  44,  45. 

Perraut,  41. 

Pictet,  32. 

Pie  VI,  58. 

Pilon,  35. 

Pinson,  66. 

Planche,  19,  35,  39,  43. 

Plaute,  65. 

Pline  le  Jeune,  50. 

Pongerville  (de),  27,  52, 53. 

Pongerville  [M'^'  de),  69. 


78 


TABLE  ALPHABETIQUE  DES  NOMS  DE  PERSONNES 


Ouatremère,  65. 
Ouinet,  19. 


Rabier,  65. 

Racine,  26,  38,  41. 

Rapin,  29. 

Ravaisson,  25,  32,  35,  37,  38,  40, 

41,  45. 
Ravenel,  58. 
Raybaud  (M"«),  56. 
Raynouard,  21. 
Rem  usai,  40. 
Rendue!,  17,  24, 29,  50. 
Retz,  43. 
Rocheiacquelin  (M*"^  de  la),  29, 

30,  32,  34,  39,  54. 
Romiguière  (de  la},  47. 
Rochette,  40. 
Rollin,  27. 
Ronsard,  32. 
Rotrou,  32. 
Rousseau  (Jean-Jacques),  43. 

S 

Sacy  (de),  l'orientaliste,  27. 
Sacy  (de),  27,  41,  42,  65. 
Saint-Aubin,  65. 
Saint-Cyran,  32,  37,  41,  42. 
Sainte-Beuve  (M'"«),  31. 
Saint-Evremond,  28,  35, 
Saintis  (J.  de),  25. 
Saint-Pierre  (Abbé  de),  27. 
Sales  (Saint  François  de),  32,34, 

41,  56. 
Sarrazin,  22. 
Sauvage,  71. 
Scudéry  (M"ede),  26. 
Séché  :Léon),  7,  39,  42,  43,  51. 
Senancourt  (de),  16, 17, 


Simon,  54. 
Singlin,  41,  42. 
Souvestre,  19. 
Staël  (M"'<=  de),  59. 
Stephens,  41. 


Tacite,  24. 

Tallemont,  27,  32,  33,  35. 

Tastu  (M'"^),  6,  40. 

Térence,  65. 

Thiers,  48,  58. 

Thurot.  22,  47. 

Tillemont  (de),  41,42. 

Tissot,  7,  61,69. 

Toulouse,  32,  33,  35. 

Tour-du-Pin-Gouvernet  (de  la), 

29. 
Tournemine,  29. 
Turquety,  45.  64. 


Valeski,  50. 
Valmore  (M^"-;,  37.  40. 
Varin,  45. 
Varron,  65. 
Vatin,  64. 
Vauvenargues,  32. 
Vergue  (M-"^),  32,  35. 
Veyne,  69. 
Vigny  (A.  de),  59. 
Villemain,  39,  48,  58,  61. 
Villemain  [M'^'),  39. 
Vinet,  32,  72. 
Viollet-le-Duc,  57. 
Voiture,  21,  22. 
Voltaire,  43,  49. 

W 

VS^akefield,  15. 
W^ordworth,  15. 


TABLE    DES    MATIERES 


Pages 

[ntroduction 5 

I  à  LXXIII.  —  Lettres  inédites  de   Sainte-Beuve   à  Charles 

Labitte 13 

LXXIV.   —  Discours  prononcé  par  Sainte-Beuve   le   mardi 

23  septembre  1845,  sur  la  tombe  de  Ch.  Labitte 67 

LXXV  et  LXXVL  —  Lettres  inédites  de  Sainte-Beuve  à 
M.  Alexandre-Porphyre  Labitte 69 

LXXVIL  —  Lettre  inédite  de  Sainte-Beuve  à  M.  Porphyre 
Labitte 71 

Appendice.  —  Lettre  inédite  de  Juste  Olivier  à  Charles  Labitte, 
relative  au  cours  que  Sainte-Beuve  fit  à  Lausanne  sur 
Port-Royal 71 

Table  alphabétique  des  noms  de  personnes  cités  dans  cet 

ouvrage 75 


ABBEVILLE.    —   IMPRIMERIE   F.    PAILLART 


Uiiiversity  of  Britis 

DUE 

1  Coliimbia  Library 

DATE 

FORM   3IO 

UNIVERSITY   OF   B.C     LIBRARY 


3  9424  02275  5406 


EN  VENTE  A  LA  MÊME  LIBRAIRIE  ANCIENNE  H.  CHAMPION.  EDITEUR 

Castelnau  (Lettres  du  baron  de),  ollicier  de  carabiniers  (1728-1793). 
publiées  avec  notice,  notes,  index  et  fac  similés  par  le  baron  de  Blan 
DE  (jaïx.  Préface  de  M.  Arthur  (^liuquel,  membre  de  l'Inslftut.  ln-8 
de  viii-372  pages.  3  fr.  50 

Lt^s  lettres  intimes  el  fainiliril<'s  sont  d''S  dociiinenls  historiques  de  premier  ordre  et 
ccllesdii  liaron  de  Caslelnau,  ofllcier  de  caraliiniers,  app  irtienneul  à  cette  enlégorie 
de  correspondances.  Ce  militaire  a  (iris  p:irl  à  la  guerre  de  Sept  Ans  comme  corneîte 
el  lieiilcuanl.  C'est  un  hommu  d'iioiuienr,  un  vrai  ;;enlilhoiiime  d'incien  régime,  fort 
peu  .XVIII*  siècle,  très  provincial  el  tum  chrétien.  Ses  lellres  fournissent  des  détails 
intéres-ants  sur  le  niilitu  niilitairi-  ol  civil  f-quel  il  appartient,  sur  le  recrutement 
des  cadres,  les  dépenses  des  ofliciers.  les  sacrifices  dune  famille  de  gentilshommes 
provinciaux,  l'épargne  mériloire  de?  uns  el  des  autres,  leur  vie  priv(''e  el  kur 
sociabilité. 

«  On  croit,  dit  M.  Chuquet.  entendre  Alfnd  de  Vigny.  » 

(Champion  (Edmond).  Itinéraire  de  Paris  à  Jérusalem  par  .lulien, 
domestique  de  .\I.  de  ChatHaubriaad,  publié  d'après  le  manuscrit 
orii^'inal.  5'  édition.  IWj.  in  Ki  3  fr.  50 

Chateacbrianu.  Lettres  de  Chateaubriand  à  Sainte-Beuve,  publiées 

et  annotées  par  Louis  Thomas.  S.  d..  in-8.  1  fr. 

-   Correspondance  générale  de  Chateaubriand,    publiée    avec 

introduction,  notes  et  doubles  tables  par  L.  Thomas.  1911.  Tome  1. 

fort  vol.  in-8  de  400  p.  et  portrait  inédit.  10  fr 

Il  a  élé  tiré  10  exemplaires  sur  japon  à  30  fr.  et  100  i-xemplaires  sur  hollande  à 
20  fr. 

L'édition  paraîtra  à  raison  de  deux  volumes  par  an.  Klle  formera  environ  5  volumes 
(tirage  limité;  in  H°  raisin  de  40(J  paj;es  .chacun. 

Sur  les  300  lettres  que  coniprend  i-e  prernitT  volume,  plus  de  la  moitié  sont  inédites 
et  presque  toutes  ont  été  revues  s-ur  les  originaux,  ce  qui  en  fait  pour  ainsi  dire  des 
lettres  nouvelles. 

r.MDQUET  (Arthur),  membre  de  t'Instuut.  Lettres  de  1792.  1911,  in-8 

écu.  3  fr.  50 

Lettres  de  1793.  lUll    in-8  écu.  3  fr.  .")0 

-  Lettres  de  I  81  2.  1911,  in  8  ccu.  3  fr.  50 

—  Lettres  de  1815.  1911,  in-8  écu.  3  fr.  50 
CucHiN  (Henri).  Lettres  de  Francesco  Nelli  à  Pétrarque,  publiées 

d'après  le  manuscrit  de  la  Bibliothèque  nationale.  1892,  in-8.      3  fr. 

La  correspondance  de  Nelli  est  le  seul  groupe  compact  de  lettres  adressées  à 
Pétrarque  qui  nous  soit  parvenu  :  elle  s'étend  de  1350  à  1363  et  donne  une  foule  de 
renseignements  sur  le  groupe  des  premiers  tiumanistes  Florentins. 

<Jo.\iTE  lA.).  Lettres  d'Auguste  Comte  à  M.  Valat,  professeur  de 
mathématiques^  ancien  recteur  de  l'.Académiede  Rhodez  (1815-1844). 
1870.  in-8.  6  fr. 

—  Lettres  à  John  Stuart  Mill  (1^41-1846).  1877.  in  8.  10  fr. 
Correspondance   de   Madame,   duchesse  d'Orléans   (1672-1722), 

extraite  de  ses  lettres  originales  déposées  aux  archives  de  Hanovr*- 
et  de  ses  lettres  publiées  par  .M.  .Vl.-L.-W.  Holland.  Traduction  et 
notes  par  E.  Jaeglé.  2'  édition  revue  et  augmentée.  1890,  3  vol.  in-8, 
br..  avec  un  portrait  de  la  duciiesse.  10  fr.  30 

Ckoi'sli^;  (L.),  ancien  professeur  a'éioqnenre  française  à  la  Sni'horinf. 
Fénelon  et  Bossuet.  Etudes  morales  et  littéraires.  1894-1893. 
2  vol.  iu-8  (épuisé).  30  fr. 

--  Bossuet  et  le  protestantisme,  étudt.  historique.  1901,  in-8.     6  fr. 

-  La  vie  et  les  œuvres  de  Voltaire.  1899.  2  vol.  in-8.  20  fr. 

Bi-igraphie  de  Voltaire  il'une  très  grande  précision  :  examen  pénétrant  et  philoso- 
phique des  œuvres. 

DicRos  (Louis),  dorfen  de  la  Facullê  des  Lettres  d'Aix.  Les  Encyclo- 
pédistes. In-8.  7  fr.  50 

Abbevillf.        Impriiif.hie  F    Paill.krt. 


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