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Full text of "Lettre sur quelques poissons peu connus du gulfe de G©®nes, adress©e © M. Faujas-de-Saint Fond"

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HARVARD  UNIVERSITY 


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LIBRARY 


OF  THE 

Muséum  of  Comparative  Zoology 


MUSÉUM  OF  COT'  !VE   ZOOLOGV 


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MUS.  COMP.  ZOOL 
L1BRARY 


HARVARD 
T    FTTl^  F  UNIVERSiTY 

Sur  quelques  poissons  peu  connus  du  Golfe  de 
Gènes,  adressée  à  M.  Faujas  - de  -  saint- 
Fond  (  i  ) , 

par  m.  maximilien  spinola. 


Gênes  ,   10  avril   1807. 


JL/epuis  votre  départ,  Monsieur,  je  me  suis  occupé  des  pois- 
sons de  la  Méditerranée.  Notre  mer  est  très-riche  :  et  quoique 
le  golfe  de  Gènes  passe  pour  être  peu  poissonneux ,  en  compa- 
raison de  l'Archipel  et  du  canal  de  Constantinople  ,  je  suis  l'onde 
à  croire  que  toutes  les  espèces  de  ces  parages  paroissent  plus 
ou  moins  souvent  sur  nos  côtes ,  et  y  peuvent  être  regardées 
comme  indigènes.  M.  Viviani  vous  a  remis  un  catalogue  de 
soixante-onze  espèces  :  il  est  très-incomplet  ;  mais  ce  profes- 
seur ne  l'a  lui-même  donné  que  comme  un  aperçu  des  pois- 
sons les  plus  communs  dans  nos  marchés  et  sur  nos  tahles  , 
et  il  n'y  a  point  fait  entrer  plusieurs  autres  espèces  un  peu 
plus  rares,  parce  quepeu  recherchées  parles  consommateurs  , 
elles  n'ont  pas  même  des  noms  vulgaires.  Je  me  permettrai ,  à 
la  (in  de  cette  Lettre,  d'ajouter  un  supplément  à  ce  petit  ca- 
talogue, mais  je  n'aurai  pas   plus  que  le  professeur  Viviani , 

■ — I : j îs 

(  1  )  Voyez  planche  28. 

I 


no 

la  prétention  d'embrasser  toute  l'ichthyologie  du  golfe:  ce  tra- 
vail est  au-dessus  de  mes  forces,  et  demanderoit  un  temps 
que  je  ne  puis  pas  y  employer.  Je  me  bornerai  maintenant  à 
vous  entretenir  de  quelques  espèces  qui ,  si  elles  ne  sont  pas 
absolument  nouvelles ,  sont  du  moins  trop  confusément  dé- 
crites pour  ne  pas  rester  dans  le  nombre  de  ces  espèces  obs- 
cures qui  font  le  tourment  des  naturalistes. 

Les  descriptions  que  je  vais  vous  donner  sont  desti- 
nées a  dissiper  celte  obscurité  ;  je  souhaite  qu'elles  vous  pa- 
roissent  remplir  mon  but  :  je  les  ai  accompagnées  de  dessins 
faits  avec  soin  sous  mes  yeux  ,  par  M.  Tagliafico.  Vous  les  re- 
cevrez par  ce  même  courrier.  Venons  à  nos  poissons. 

j.°  Sparcs  tric.uspidatus  (  Spare  à  trois  aiguillons  ). 
Spams  squamulis  tribus  inter  pinnas  ventrales  in  cuspidern 
productis. 

Spare  muni  de  trois  écailles  situées  entre  les  nageoires  du 
ventre  et  prolongées  en  aiguillon. 

Ce  poisson  a  tous  les  caractères  des  spares,  troisième  genre 
de  M.  de  Lacépède.  La  nageoire  de  la  queue  est  en  croissant; 
il  pourroit  former  la  soixante-douzième  espèce  du  premier 
sous-genre.  Les  trois  aiguillons  situés  entre  les  nageoires 
du  ventre,  séparent  cette  espèce  de  toutes  ses  congénères.  Ce 
caractère  est  à  mes  yeux  si  important,  que  s'il  étoit  répété  dans 
un  certain  nombre  d'espèces,  on  pourroit  le  prendre  pour  un 
caractère  générique,  avec  autant  de  fondement  que  lès  ai- 
guillons de  la  queue  des  nageoires  pectorales,  etc.  etc.,  qui  ont 
sulli  pour  séparer  des  chélodons  les  acanthures  ,  les  aean- 
ihopodes ,  les  acanthinions ,  etc.  etc. ,  et  pour  établir  plusieurs 
autres  genres  très- naturels,  nouvellement  introduits  par  M.  de 
Lacépède.  Chaque  nageoire  ventrale  a  dix  rayons  dichotomes , 


(3  ) 

réunis  par  uue  membrane  disposée  circulairemeut ,  et  décrois- 
sant graduellement,  ensorte  que  le  rayon  antérieur  est  le  plus 
allongé.  Les  deux  nageoires  sont  réunies  par  une  écaille  trian- 
gulaire ,  unissant  en  pointe ,  libre ,  aplatie  et  flexible  ;  du  côté 
extérieur  de  chacune  des  nageoires ,  et  de  leur  base ,  part 
une  autre  écaille  libre  pareillement,  finissant  en  pointe  ,  mais 
plus  allongée ,  et  représentant  un  aiguillon.  Notre  poisson  est 
presque  le  seul  à  présent  qui  ait  ce  caractère  singulier  :  sem- 
blable en  tout  le  reste  à  la  plupart  des  spares  ,  très-commun 
sur  les  côtes  de  Gènes ,  il  doit  se  trouver  dans  beaucoup  de 
cabinets  ;  peut-être  même  a-t-il  un  autre  nom  systématique. 
Mais  comment  le  reconnoîtredans  cette  nombreuse  famille  de 
spares  ,  sciènes ,  labres,  perches ,  etc.,  où  non-seulement  les 
espèces  sont  en  général  problématiques,  mais  où  les  lignes  de 
démarcation  de  chaque  genre  n'étoient  pas  exactement  tracées 
avant  M.  de  Lacépède? 

Les  nageoires  pectorales  sont  un  peu  allongées  et  composées 
de  vingt-trois  rayons  dichotomes:  la  nageoire  dorsale  a  onze 
piquanssans  filets  ramentacéset  dix  rayons  flexibles.  L'anale  a 
trois  piquanset  neuf  rayons.  La  nageoire  de  la  queue ,  enfin  ter- 
minée en  croissant ,  est  formée  de  dix-sept  rayons  multifides. 
La  tête  courte,  en  pente,  recouverte  d'écaillés,  a  à  peu  près 
les  mêmes  dimensions  que  dans  les  espèces  congénères  :  la 
bouche  en  mouvement  s'avance  de  sept  à  huit  lignes  5  les  lèvres 
un  peu  charnues  ne  sont  point  extensibles 5  les  mâchoires  sont 
d'égale  grandeur  et  garnies  de  dents  incisives ,  courtes,  aiguës, 
droites,  serrées  entre  elles,  et  disposées  sur  plusieurs  rangs. 
Point  de  molaires  \  les  yeux  ronds ,  blanc  d'argent ,  ont  la 
prunelle  brun-noir.  Les  opercules  sont  couvertes  d'écaillés: 
chaque  écaille  du  dos  est  carrée,  taillée  en  biseau  et  striée  à 


(4  ) 

son  bord  extérieur.  La  ligne  latérale  part  de  la  seconde  pièce 
des  opercules ,  et  arrive ,  sans  interruption  et  sans  se  dévier ,  jus- 
qu'à la  nageoire  de  la  queue  ;  parallèle  au  dos,  elle  en  est  trois 
fois  plus  rapprochée  que  du  ventre.  Elle  est  couverte  d'écaillés 
semblables  aux  autres,  mais  beaucoup  plus  renflées  en  dessus. 

Les  couleurs  de  ce  beau  poisson  disparoissent  après  sa 
mort:  les  individus  que  je  vous  envoie  ne  vous  présenteront 
plus  qu'un  gris- foncé  sur  le  dos  et  un  blanc- jaunâtre  sur  le 
ventre.  Le  spare  à  trois  aiguillons  est  cependant  un  des  plus 
jolis  poissons  de  la  Méditerranée.  La  partie  supérieure  de  sa 
télé  et  son  dos  sont  d'un  beau  vert  de  bouteille;  cette  couleur, 
plus  foncée  près  de  la  nageoire  dorsale ,  s'éclaircit  en  s'en 
éloignant,  et  vient  par  degrés  se  réunir  au  blanc  argenté  qui 
fait  briller  le  ventre  de  l'éclat  du  diamant;  une  tache  noire 
rectangulaire  se  fait  remarquer  de  chaque  côté,  au-dessous  de 
l.i  ligue  latérale.  La  tête  est  embellie  par  deux  bandes  bleu 
d'azur  qui  partent  des  opercules  et  passent ,  l'une  au-dessus , 
l'autre  au-dessous  des  yeux;  les  nageoires  delà  poitrine  et  du 
ventre  sont  d'un  blanc-jaunàlre.  Les  autres  sont  presque  noires, 
ornées  de  petites  taches  bleu  d'azur,  qui  auroient  pu  faire  donner 
au  poisson  le  nom  à' argus-,  si  celui  de  tricuspidatus  ne  tenoit  pas 
à  un  caractère  plus  constant  et  plus  remarquable. 

Quant  aux  proportions  respectives  des  différentes  parties  , 
les  dessins  vous  les  feront  connoître  mieux  que  mes  descrip- 
tions. De  tous  les  individus  que  j'ai  vus,  le  plus  gros  n'avoit 
que  neuf  pouces  de  longueur.  Nos  pêcheurs  en  prirent  beau- 
coup l'année  passée,  au  mois  de  juin  et  de  juillet  (les  femelles 
avoient  déposé  le  frai  )  ;  ils  le  nommoient  o  tocco,  et  parois- 
soient  le  regarder  comme  une  espèce  peu  commune  et   qui 


(5) 

ne  paroit  pas  tous  les  ans.  Au  surplus ,  elle  a  mauvais  goût , 
et  elle  se  vendoit  à  bas  prix. 

i.°  Centropomus  rubens (  le  Centropome  rouge).  Centro- 
pomus  rubens ,  squamis  lœvibus ,  pinnd  dorsali  anteriore,  ra- 
diis  sex  aculeatis. 

Centropome  rouge  à  écailles  lisses ,  et  six  aiguillons  à  la 
première  nageoire  dorsale. 

Est-ce  un  centropome?  est-ce  un  diptérodon  ?  Ces  deux 
genres  ne  sont  séparés  que  par  la  dentelure  des  opercules. 
Notre  poisson  pourroit ,  sous  ce  rapport,  former  le  passage, 
car  il  n'y  a  que  trois  ou  quatre  dentelures  très-courtes ,  très- 
émoussées  à  l'extrémité  de  la  première  pièce;  en  sorte  que 
celle-ci  paroit  plutôt  à  trois  échancrures  que  dentelée.  Les 
diptérodons  ont  cependant  un  habitus  différent  ;  leur  tête  est 
un  peu  aplatie  en  dessus,  elle  reborde  sur  les  côtés ,  et  le  front 
s'avance  au-delà  de  la  mâchoire  supérieure.  Aucun  de  ces  ca- 
ractères ne  se  retrouve  ici  :  et  c'est  cette  considération  qui  m'a 
décidé  à  faire  de  notre  espèce  un  centropome. 

On  voit  six  aiguillons  à  la  première  nageoire  du  dos;  un 
aiguillon  et  neuf  rayons  dichotomes  à  la  seconde;  dix-neuf 
rayons  à  la  nageoire  de  la  queue  ;  deux  aiguillons  et  huit  rayons 
à  celle  de  l'anus  ;  un  aiguillon  et  cinq  rayons  aux  ventrales,  et 
douze  aux  pectorales.  Ce  thoracin  a  le  front  nu ,  la  bouche 
assez  grande,  et  dont  l'ouverture  un  peu  oblique  va  de  bas 
en  haut;  sa  mâchoire  inférieure  un  peu  plus  avancée,  l'infé- 
rieure légèrement  échancrée;  des  dents  en  haut  et  en  bas ,  très- 
menues  et  très-serrées,  disposées  sans  ordre  sur  plusieurs  rangs. 
Les  yeux  sont  proportionnellement  fort  grands: les  opercules 


(6) 
sont  couvertes  de  grandes  écailles.  La  première  pièce,  comme 
je  l'ai  dit  plus  haut ,  a  une  espèce  de  dentelure  à  son  extré- 
mité j  l'autre  a  son  bord  parfaitement  lisse.  La  membrane 
branchiostège  est  gâtée  dans  l'individu  que  je  décris.  Le  ver- 
tex  est  remarquable  par  une  petite  éminence  osseuse  qui 
paroit  le  rudiment  d'un  aiguillon  libre.  Tout  le  corps  est 
couvert  de  grandes  écailles  plates,  un  peu  striées  à  leur 
bord  extérieur  ,  parfaitement  lisses  et  douces  au  toucher  : 
elles  sont  imbriquées  et  disposées  en  lignes  obliques  et  brisées; 
en  sorte  que  le  sommet  de  l'angle  est  tourné  vers  la  tête  et 
situé  précisément  sur  la  ligne  latérale.  Cette  ligne  part,  comme 
dans  l'espèce  précédente,  de  la  dernière  pièce  des  opercules, 
parfaitement  parallèle  au  dos  :  elle  arrive  aussi,  sans  interrup- 
tion ,  à  la  nageoire  de  la  queue.  Elle  est  formée  d'écaillés  un 
peu  plus  grosses  que  celles  qui  recouvrent  le  reste  du  corps  , 
carénées  longitudinalement ,  et  dont  la  surface  est  inégale  et 
raboteuse.  L'anus  est  à  égale  distance  de  la  tête  et  de  la  na- 
geoire de  la  queue. 

Le  centropomus  rubens  est  très-rare  sur  les  cotes  de  la 
Ligurie:  j'hésite  même  à  le  regarder  comme  une  espèce  indi- 
gène 'f  je  n'en  ai  jamais  eu  qu'un  individu.  Les  pêcheurs  qui 
me  l'ont  remis  le  connoissoient  peu  et  le  nommoient ,  je  ne 
sais  pourquoi ,  castagnena  rossa.  Ce  poisson  n'a  aucun  rap- 
port avec  la  castagnena  ordinaire,  qui  est  le  spams  chromis 
des  naturalistes.  Aussitôt  après  en  avoir  fait  l'emplette ,  je  l'ai 
remis  à  mon  préparateur  ,  sans  observer  si  l'individu  étoit 
mâle  ou  femelle,  et,  dans  ce  dernier  cas,  s'il  avoit  ou 
n'avoit  pas  déposé  le  frai.  L'histoire  de  ce  joli  poisson  laisse 
donc  beaucoup  à  désirer  :  il  mérite  qu'on  l'étudié.  Sa  tête  , 


S? 


(7  ) 
son  corps,  ses  nageoires  sont  d'un  beau  rouge,  plus  foncé  sur 
le  dos,  et  plus  clair  sous  le  ventre.  La  teinte  est  à  peu  près 
celle  du  spams  eijtluinus.  L'individu  que  je  décris  a  quatre 
pouces  de  longueur. 

3.°  Holocentrus  argus  (  l'Holocentre  argus).  Holocentrus 
versicolor ,  pinnis  obscuris  rubro-ocellatis . 

Holocentre  à  couleurs  changeantes  et  à  nageoires  foncées, 
tachetées  de  rouge;  taches  en  forme  d'ceil. 

Pas  de  doute  sur  le  genre  :  les  dentelures  de  la  première 
pièce  des  opercules,  les  deux  piquans  delà  seconde,  la  forme 
du  corps  ,  la  nageoire  du  dos  unique ,  en  font  un  holocentre 
pour  Bloch  et  pour  M.  de  Lacépède. 

Cepoisson,  très-commun  dans  nos  marchés,  méprisé  par  les 
consommateurs  parce  que  sa  chair  n'a  point  un  goût  délicat , 
négligé  pareillement  par  les  pécheurs  qui  n'apprécient  jamais 
les  poissons  que  par  les  demandes  des  consommateurs,  paroit 
avoir  échappé  aussi  aux  naturalistes,  qui  quelquefois  ont  besoin 
eux-mêmes  d'être  avertis  de  ce  qu'ils  ont  à  étudier.  Linné, 
sans  doute  ,  en  auroit  fait  une  perche  ,  peut-être  même  Gmelin 
en  a-t-il  fait  mention  dans  ce  genre  obscur  et  presque  indé- 
chiffrable :  cette  espèce  est  trop  commune  d'ailleurs  pour  qu'elle 
n'ait  jamais  été  connue.  Rondelet  paroît  en  avoir  parlé  et  en 
avoir  donné  une  planche  aussi  mauvaise  que  sa  description  , 
éd.  lat.  lib.  6 ,  pag.  175,  Turdorum  secundwn  genus,Jig.  sup. 
Ne  seroit-ce  pas  aussi  la  phyces  oxxfulaàe  Salviani , /?/.  227, 
p.  92  ,  espèce  très- distincte  du  blennius  phyces ,  Gmel.  Hist. 
nat.  I  ,  11 79 ,  7  ?  Je  soupçonne  enfin  que  cette  espèce  est  la 
même  que  le  labrus  argus  dont  M.  Viviani  vous  a  parlé.  Si 


(  8  ) 
cela  est,  je  serois  lâché  d'aller  sur  ses  brisées;  mais  M.  Vivia- 
ni  est  trop  mon  ami  et  celui  de  la  vérité  pour  ne  pas  con- 
venir qu'il  a  vu  ce  poisson  chez  moi  pour  la  première  lois; 
que  c'est  moi  qui  lui  fournis  alors  l'occasion  de  l'observer , 
et  que ,  curieux  dans  la  suite  de  l'étudier  et  de  le  faire  con- 
noître,  j'ai  fait  seul  quelques  recherches  qu'il  avoit  crues  in- 
différentes. 

L'holocentre  argus  a  dix  aiguillons  et  quinze  rayons  dicho- 
tomes  à  la  nageoire  du  dos  ;  quinze  rayons  à  celle  de  la  queue  , 
qui  est  tronquée  à  son  extrémité;  trois  aiguillons  et  sept  rayons 
à  celle  de  l'anus  :  le  second  aiguillon  est  le  plus  épais  et  le 
plus  fort.  Les  ventrales  finissent  en  pointe,  et  sont  composées 
d'un  aiguillon  et  de  cinq  rayons  :  les  pectorales ,  qui  sont 
très-allongées,  ont  treize  rayons  mous  et  flexibles. 

La  tête  est  grande  est  dénuée  d'écaillés  ;  la  bouche  extensible 
comme  dans  les  spares,  à  grande  ouverture  droite;  la  mâ- 
choire inférieure  est  un  peu  plus  avancée  :  toutes  deux  sont  ar- 
mées de  dents  incisives,  aiguës,  disposées  sur  plusieurs  rangs. 
Dans  la  mâchoire  d'en-haut,  les  dents  de  devant  sont  les  plus 
fortes  et  les  plus  grosses  ;  dans  celle  d'en-bas  ,  c'est  tout  le 
contraire  :  de  petites  dents  très-courtes  et  très-serrées  entre 
elles ,  occupent  le  milieu,  et  d'autres  dents,  plus  grosses  du 
double,  presque  isolées,  sont  disposées  sur  les  cotés.  Tout  le 
corps  est  couvert  de  petites  écailles  assez  régulièrement  im- 
briquées. La  ligne  latérale ,  parallèle  au  dos ,  en  est  très  rappro- 
chée :  elle  part  de  la  dernière  pièce  des  opercules,  et  arrive  , 
sans  interruption,  jusqu'à  la  nageoire  de  la  queue;  au  surplus  , 
elle  est  assez  sensible. 

Les  couleurs  les  plus  élégantes  ornent  le  corps  de  ce  beau 
poisson.  Les  nageoires  du  dos  ,  de  la  queue  et  de  l'anus,  sont 


(9) 
tantôt  bleu  de  roi,  tantôt  d'un  gris  obscur  ,  mais  toujours  par- 
semées de  taches  rondes,  rouge-orange.  Les  pectorales  et  les 
ventrales  sont  blanchâtres.  Le  sommet  de  la  tète  est  foncé,  le 
dessous  du  corps  a  l'éclat  de  l'argent;  les  côtés  sont  variés  de 
bleu ,  de  violet  et  de  brun.  Ces  couleurs,  distribuées  par  la 
nature  avec  art ,  forment  des  espèces  de  bandes  transversales , 
et  donnent  au  poisson  un  aspect  changeant.  Ce  vêtement  est 
encore  moins  beau  que  celui  dont  le  mâle  est  revêtu  dans  la 
saison  des  amours:  alorsle  bleu  ,  le  brun  et  le  violet  prennent 
une  teinte  plus  claire  ;  le  sommet  de  la  tête  et  la  partie  anté- 
rieure du  dos  deviennent  rouge-vermillon  ,  et  la  pierre  de 
Labrador  est  changée  en  rubis.  Les  ichthyologues  auront 
de  la  peine  à  croire  cette  métamorphose.  J'ose  cependant  la 
leur  garantir: je  l'ai  vérifiée  sur  un  assez  grand  nombre  d'indi- 
vidus. La  femelle  conserve  toujours  ses  couleurs  foncées. 

Les  holocentres  argus  sont  communs  dans  nos  marchés: 
les  pêcheurs  les  nomment  bolaccio ,  et  n'en  font  pas  grand  cas. 
On  les  conserve  avec  du  vinaigre  et  des  herbes  aromatiques , 
et  alors  ils  ne  déparent  pas  nos  meilleurs  scabecci. 

4-°  Pleuronectes citharus  (le  Pleuronecte  guitare  ).  Pleu- 
ronéotes  oculis  approximatis  sinistris,  carinâ  intermedid , 
squamis  màximis ,  lineâ  laterali  cctrinatâ. 

Pleuronecte  aux  yeux  du  côté  gauche  rapprochés ,  séparés 
par  une  ligne  élevée,  à  écailles  très-grandes  :  celles  de  la  ligne 
latérale  carénées  dans  leur  longueur. 

Si  notre  citharus  n'est  pas  précisément  celui  d'Aristote,  qui 
étoit  cependant  un  pleuronecte,  je  suis  bien  sûr  au  moins  que 
c'est  celui  de  Rondelet ,  éd.  lat.  1 .  Ub,  1 1 ,  pag.  3 1 4-  La  planche 


(  io  ) 
est  à  l'inverse ,  et  présente  les  yenx  à  droite  ;  d'ailleurs  le  dessin 
est  bon  et  l'espèce  est  très-reconnoissable.  Tous  ceux  qui  savent 
combien  elleest  commune  dons  nos  marchés,  seront  surpris  sans 
doute  de  ne  pas  la  trouver  dans  les  recueils  systématiques;  mais 
ce  n'est  pas  le  seul  exemple  d'une  espèce  anciennement  connue 
et  tombée  ensuite  dans  l'oubli ,  parce  qu'elle  a  été  légèrement 
décrite  par  celui  qui  l'avoit  découverte. 

Au  surplus,  notre  pleuronectecitharus  a  environ  soixante- 
douze  rayons  mous  et  flexibles  '  à  la  nageoire  du  dos,  dix-sept 
à  celle  de  la  queue ,  quarante-quatre  à  celle  de  l'anus.  Les 
ventrales  ont  chacune  six  rayons  ;  et  les  pectorales,  égales  des 
deux  côtés ,  en  ont  dix. 

La  tête  est  grande,  ainsi  que  l'ouverture  de  la  bouche.  Celle- 
ci  est  dirigée  de  bas  en  haut,  presque  droite.  La  mâchoire  in- 
férieure est  plus  avancée,  finit  en  pointe,  et  est  un  peu  renflée 
sur  les  côtés.  Les  deux  mâchoires  sont  armées  de  dents  fortes, 
aiguës  et  recourbées  en  dedans.  Les  yeux  sont  de  médiocre 
grandeur  ,  très-rapprochés  ,  séparés  seulement  par  une  ligne 
carénée  qui,  partant  de  l'extrémité  du  museau,  va  en  dimi- 
nuant se  réunir  à  la  ligne  latérale.  Les  opercules  sont  cou- 
vertes de  grandes  écailles  :  la  première  pièce  a  une  ligne  élevée 
parallèle  au  contour  de  son  bord.  La  nageoire  dorsale  s'avance 
au-delà  des  yeux  ,  et  n'est  séparée  de  celle  de  la  queue  que  par 
un  très-petit  intervalle.  Cette  dernière  est  arrondie  à  son  ex- 
trémité! Les  deux  côtés  sont  couverts  de  grandes  écailles.  La 
ligne  latérale  est  marquée  par  des  écailles  semblables  à  celles 
qui  couvrent  le  reste  du  corps, mais  carénées  dans  toute  leur 
longueur.  Le  côté  gauche  est  jaune,  le  côté  droit  est  blanc. 

Ce  poisson  n'arrive  guère  à  plus  d'un  pied  de  longueur;  il 
vit  dans  les  bas-fonds,  où  on  le  pèche  dans  toutes  les  saisons. 


(  Il  ) 

Sa  chair  est  mollasse  et  a  le  goût  de  la  vase  ;  aussi  les  pécheurs 
en  font-ils  peu  de  cas  et  le  vendent-ils  toujours  à  has  prix. 
Ils  le  nomment  indifféremment  berrea  ou  lingua  bastarda, 
par  allusion  au  pleuronectes  solea ,  nommé  ici  lingua  et  qui 
est  bien  plus  recherché.  M.  Viviani  a  attribué  le  nom  de  lin- 
gua  bastarda  au  pleuronectes  limanda;  mais  il  s'est  trompé. 
Ce  dernier  poisson  est  fort  rare  dans  le  golfe  de  Gènes  :  je  ne 
l'ai  même  jamais  vu;  et  celui  que  M.  Viviani  m'a  montré,  est 
l'espèce  même  que  je  viens  de  décrire  (i). 

5.°  Lophius  budegassa  (  la  Lophie  budegasse). 

J'avois  toujours  regardé  tous  les  poissons  décrits  et  figurés 
sous  les  noms  de  lophius  piscatorius  ,rana  piscatrix ,  diable 
de  mer ,  baudroie  ,  etc.   comme  des  variétés  d'une  même  es- 
pèce ,  très-commune  dans  toutes  les  mers  de  l'Europe ,  lors- 
qu'une note  de  M.   Geoffroy-de-Saint-Hilaire ,   qui  m'a    été 
communiquée  par  mon  respectable  ami  M.  Latreille  ,  m'a  fait 
soupçonner  que  ce  préjugé  pouvoit  bien  être  détruit  par  l'ob- 
servation. J'ai  alors  tourné  mes  recherches  sur  des  poissons 
qui  jusqu'alors  n'avoient  excité  que  mes  dégoûts,  et  elles  ont 
été  assez  heureuses,  puisqu'elles  m'ont  fourni   les  preuves  de 


|  (1)  Cette  espèce  de  pleuronecte  paroit  la  même  que  Bloch  a  figurée,  pi.  190, 
sous  le  nom  de  macralepidotus  ,  sole  à  grandes  écailles.  Cependant  t  comme 
Gmelin(  Linné,  Syst.  natur.  )  a  confondu  ce  poisson  de  Bloch  avec  un  autre  très- 
différent,  figuré  par  Broussonet,  dans  sa  Décade  ichthyologique  ,  sous  le  nom  de 
mancus,  et  qu'il  a  cité  pour  synonyme,  d'après  Bloch,  le  pecten  de  Gesner 
[Icon.  animal,  page  97), qui  est  un  poisson  observé  à  Rome,  et  probablement  le 
même  que  décrit  M.  Spinola ,  la  description  que  l'on  trouve  ici  devient  impor- 
tante pour  la  science.  (  Note  des  Professeurs  du  Muséum.  ) 


(  ij  ) 

l'existence  d'une  espèce  probablement  nouvelle.  Elle  a  pour 
caractère  constant  l'appendice  membraneux  du  premier  ai- 
guillon dorsal ,  qui  est  triangulaire  et  dilaté  à  son  extrémité. 
Malgré  sa  ressemblance  avec  les  baudroies  de  Blocb,  de 
M.  de  Lacépède,  et  surtout  avec  celle  de  Salviani,  elle  en 
est  séparée  par  plusieurs  caractères  bien  tranchés,  qu'une 
description  détaillée  feroit  aisément  ressortir.  Mais  puisque 
M.  Geoffroy  a  entrepris  un  travail  sur  les  baudroies  ,  je  ne 
■veux  pas  le  prévenir. 

La  mer  de  la  Ligurie  fourniroit  encore  un  grand  nombre 
d'espèces  qui  demanderoient ,  pour  être  mieux  connues  ,  une 
description  bien  circonstanciée  et  de  longues  discussions  de 
synonymies.  M.  le  professeur  Viviani  vous  en  fera  connoilre 
quelques-unes  remarquables  par  la  grandeur  de  leur  taille  et 
le  goût  exquis  de  leur  chair ,  telles  que  la  sciena  jigaro  ,  le 
gadus  morone  ,  etc.  Les  cinq  espèces  dont  il  vous  avoit  parlé  , 
ne  sont  cependant  pas  aussi  nouvelles  qu'il  avoit  cru  d'abord. 
Sa  trîgla  pygmea  n'est  à  mes  yeux  qu'une  triglà  hirundo  qui 
n'a  pas  encore  pris  son  accroissement  :  son  cyprinus  gigan- 
teus ,  en  génois  pesce  re,  est  le  zens  lima  ,  Lin.  ap.  Gmel.  i. 
ii25.  4  1^  chrysotosë  lune  de  M;  de  Lacépède,  l'opale  de 
Pennant ,  et  le  poisson-lune  de  Duhamel. 

Je  finirai ,  Monsieur ,  cette  longue  épître  par  un  petit  supplé- 
ment au  catalogue  que  vous  à  fourni  M.  Viviani.  Ne  croyez  ce- 
pendant pas  qu'on  puisse  vous  donner  les  noms  génois  de  toutes 
les  espèces  qui  habitent  nos  mers;  les  pécheurs  ne  donnent 
guère  qu'un  nom  vague  à  toutes  celles,  qui  ne  sont  pas  recher- 
chées par  les  consommateurs,  et  en  revanche  ils  multiplient 
les  dénominations  des  autres  ,  en  tenant  compte  des  moindres, 
différences  de  taille  et  de  couleur.  Chaque  petite  plage  de  nos. 


(  i3  ) 
côtes  a  sa  nomenclature  qui  n'est  plus  comprise  à  une  demi- 
lieue,  et  le  marché  de  Gênes  est  le  centre  où  tous  les  noms 
viennent  se  confondre  et  désespérer  celui  qui  veut  en  sur- 
charger sa  mémoire.  Lorsqu'une  espèce  d'un  genre  nombreux 
est  de  beaucoup  supérieure  à  ses  congénères  ,  les  vendeurs  de 
poissons  ajoutent  à  son  nom  l'épithète  de  veaxe  ,  véritable  , 
et  les  autres  ne  sont  plus  que  bastarde,  bâtardes.  De  là  Le  grand 
nombre  de  nasselli  bastardi^  leccie  bastarde  ,  laxerte  bas~ 
tarde,  etc.;  dénominations  vagues  qui  conviennent  à  plusieurs 
espèces.  Si  au  contraire  une  bonne  espèce  présente  quelques 
variétés  dans  ses  couleurs,  les  pêcheurs  sont  bien  aises  de  faire 
entendre  qu'elles  tiennent  à  une  différence  d'habitation  ;  de  là 
les  treggie  de  fondo ,  à'alga ,  à'arzillo  ,  de  scheuggio ,  etc. , 
qui  ne  sont  que  les  mullus  surmuletus.  Après  vous  avoir 
prévenu,  Monsieur ,  de  cette  confusion,  je  viens  à  ma  petite 
liste. 


NOMENCLATURE 

DE  M.  DE  LACÉPEDE. 

DE    LINNÉ. 

GÉNOISE. 

Murène  myrc 

Murxna  myrus. 

Teagallo  (  le  serpente  de 
ma  est  le  même  que  la 
biscia  de  ma ,  et  c  est  le 

Gade  sey» 

Gadus  VifénsY 

1 

mureena  serpens  ). 
Nassello    de    Corso  (  es- 

G  a  de  bib. 

Gadus  luscus. 

'     pèce  rare  ). 

Gade  lotéi 

Gadus  Iota, 

Blennie  pliyciS; 

Blennius  pbycës» 

Mostela  de  fondo-.. 

Blennie  lierre. 

Bleunius  ocellaris, 

Bavoca. 

. 

^                                            H 

(  »4) 

JBBBBJÉ9BSSBBBBBWBBCSBBBBBBBBBE3 


NOMENCLATURE 


DE  M.   DE   LACEPEDE. 


Blennie  coquillade. 
Blennie  pholis. 
Caranx. 


Coryphène  rasoir. 
Marcroure  berglax. 


Triglelyre. 
Trigle  hiror 
frigle  grondin. 


frigle  hirondelle. 


Chrysostose  lune. 
Mulle  surmulet. 
Mulle  rouget. 
Lutjan  anthias. 
Lutjan  olivàtfie. 
Lutjan  lapine. 
Lutjan  marseillois. 
Labre  merle. 
Labre  tourd. 
Labre  boisé. 
Spare  cantbère. 


Blennius  galerela. 
Blennius  pholis. 
Scomber  aculeatus.  Bloc. 


Corypha?na  novae  ula. 
Coryphaena  rupestris. 

Trigla  lyra. 

Trigla  birundo. 

Trigla  cuculus. 

Trigla  lineala. — Gmel.  i. 
i548.  12.  Bond,  page 
2y6.  Mullus  imberbis. 

Zeus  luna. 

Mullus  surmuletus. 

Mullus  barbatus. 

Labrus  anthias. 

Labrus  olivaceus. 

Labrus  lapina. 

Labrus  unimaculalus. 

Labrus  merula. 

Labrus  turdus. 

Labrus  tessellatus,  Lacép. 

Sparus  cantharus. 


Bavosa. 

Lecceà  (  espèce  distincte, 
confondue  par  les  pê- 
cheurs avec  le  scomber 
glaucus  ). 

Rasô  (  le  nom  de  pesce 
peteine  est  italien  ). 


Espèce  très-rare  (  je 

n'en  ai  vuqu'un  seul  in- 
dividu d'un  pied  de  long) 

Organo. 

Cheussano. 

Rubin 

Rosseise. 


Pesce  rè. 
Treggia  veaie. 
Cavouei. 
Pesce  luna. 

jLaggion  (  c'est  sous  ce 
nom  et  souscelui  encore 
plus  vague  de  pesce  de 
scheuggio ,  que  nos  pé- 
cheurs confondent  pres- 
que tous  les  poissons  de 
cette  tàmille  nombreuse 
et  obscure). 

Tanua. 


(  '•>  ) 


NOMENCLATURE 

DE  M.  DE  I.ACÉPEDE. 

DE    LINNÉ. 

GÉNOISE. 

Spbyrène  spet. 

Esox  sphyraena. 

Lussao  de  ma. 

Osnière  saure. 

Salmo  saurus. 

Agheu. 

Lepadogastère  de  Gouan. 



Bavosa  h  becco  d'acca(rar.) 

Syngnathe  aiguille. 

Syngnatlius  acius. 

Trombetta. 

Tetrodon  lune. 

Tetrodon  mola. 

Mena. 

Baliste  caprisque. 

Balestres  capriscus. 

Capron.  \ 

Squale  roussette.                ' 

Squalus  calulus. 
Squalus  canicula. 

Gatusso    (   nos    pêcheurs 
donnent  ce  nom  indiffé- 
remment à  tous  les  squa- 

Squale rochier. 

Squalus  stellaris. 

4 

les  tachetés). 

Squ;.le  glauque. 

Squalus  glaucus. 

Verdon. 

Squale  emissola. 

Squalus  mustellus. 

Nissena. 

Squale  humantin. 

Squalus  centrina. 

Pesce  porco. 

Squale  ange. 

Squalus  squatina. 

Pesce  angeo. 

Squale  aiguillât. 

Squalus  acanthias. 

Pesce  can  (  le  sq.   spinax 
est  si  rare  sur  nos  cotes, 

Squale  sagre. 

Squalus  spinal. 

qu'il  n'a  pas  de  nom  par- 
ticulier). 

Feraccia  (espèces  distinc- 

Raie aigle. 

Raja  aquila. 

tes,  mais  toujours  con- 
fondues parles  pêcheurs, 

Raie  pastenaque. 

Raja  pastinaca.                    j 

qui  n'en  font  aucuu  cas. 
parce  que  les  raies  sont 
toujours  à  bas  pris). 

Raie  bâtis. 

Raja  bâtis. 

Raza. 

Raie  miralet. 

Raja  miraletus. 

Raza  cappuccina. 

Raie  oxyrhinque. 

Raja  oxyrhincus. 

Raza  à  becco. 

Raie  bouclée. 

Raja  clayata. 

Raza  con  spine. 

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