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Full text of "Lexique de Ronsard, précédé d'une étude sur son vocabulaire, son orthographe et sa syntaxe, et d'une préface par M. Petit de Julleville"

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University  of  Ottawa 


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LEXIQ.UE  DE  RONSARD 


PARIS.  TYP.  DE  E.  PLON,  NOURRIT  ET  C'«,   RUE   CARANCIKRE,  8. 


LEXIQ.UE^^'^^^ 


C^ 


^97:^. 


DE  RONSARD 

PRÉCÉDÉ    d'une 

Étuàt  sur  son  vocabulaire,  son  orthographe 
et  sa  syntaxe 


L.   MELLERIO 

Ancien  élève  de  l'École  normale  supérieure 
Professeur  agrégé   au   lycée  Janson  de   Sailly 

ET    d'une  préface   PAR   M.    PETIT  DE  JULLEVILLE 


PARIS 

LIBRAIRIE    PLOiSr 

E.  PLON,  NOURRIT  et  C'%  IMPRIMEURS-ÉDITEURS 

Rue  Garancière,  lo 

MDCCCXCV 


MBUOTHECA 


PQ 


PRÉFACE 


Il  faut  remercier  M.  Mellerio  du  service 
•qu'il  rend  à  l'histoire  de  la  langue  et  de  la 
poésie  française  en  publiant  cette  étude  sur 
le  style  et  le  vocabulaire  de  Ronsard.  Grâce  à 
lui,  nous  allons  pouvoir  enfin  juger  sur  pièces 
un  procès  qui  est  resté  pendant  depuis  trois 
siècles. 

C'est  surtout  en  grammaire  qu'un  préjugé 
régnant  est  difficile  à  ébranler.  Montaigne 
avait  dit  de  son  style  :  «  Que  le  gascon  y 
aille,  si  le  français  ne  peut.  »  On  l'a  cru  sur 
parole,  et  Victor  Cousin,  qui  toutefois  avait 
dû  lire  Montaigne,  écrivait  :  «  Le  style  de 
Montaigne,  piquant  mélange  de  gascon,  etc.  » 
Nous  savons  aujourd'hui  combien  il  y  a  de 
mots  gascons  dans  Montaigne.  Sept.  Il  suffisait 
de  les  compter.  C'est  toujours  là  qu'il  en  faut 
venir;  ou  plutôt  c'est  par  là  qu'il  faudrait 
•commencer;  mais  on  aime  mieux  disserter 
d'abord. 

Éoileau,  qui  probablement  n'avait  pas  lu 
Ronsard,  car  on  cessa  de  le  lire  juste  à  l'épo- 
que où  Boileau  apprenait  ses  lettres;  Boileau 


viij  Préface. 

ayant  dit  de  Ronsard  que  sa  muse  en  françaii 
parlait  grec  et  latin,  tout  le  monde  l'a  cru  et  l'a 
répété.  Cependant  Ronsard  lui-même  sem- 
blait avoir  pris  soin  de  mettre  en  garde  la 
postérité  contre  cette  injuste  sentence.  Il  disait 
dans  son  Artpoétlaae,  dans  les  deux  Préfaces  de- 
là Franciade  :  «  C  est  un  crime  de  lèse-majesté 
d'abandonner  le  langage  de  son  pays,  vivant  et 
florissant,  pour  aller  déterrer  je  ne  sais  quelle 
cendre  des  Anciens...  Tu  ne  rejetteras  point 
les  vieux  mots  de  nos  romans...  C'est  sottise 
de  tirer  des  Romains  une  infinité  de  vocables, 
vu  qu'il  y  en  avait  d'aussi  bons  dans  notre 
propre  langue.  »  De  telles  déclarations  ne 
conviennent  guère  à  un  auteur  qui  parlait 
grec  et  latin  en  français.  Mais  Boileau  s'est 
trompé,  peut-être.  Depuis  trente  ans  déjà,  on 
le  soupçonnait  d'erreur;  pour  l'en  convaincre 
aujourd'hui,  M.  Mellerio  nous  apporte  un 
lexique  de  Ronsard. 

Les  résultats  de  son  enquête  sont  ici  très 
clairement  exposés;  s'ils  ne  justifient  pas  tout 
à  fait  l'opinion  de  ceux  qui,  par  une  réaction 
naturelle,  allaient  jusqu'à  dire  qu'il  n'y  a  m 
grec  ni  latin^  dans  Ronsard,  ils  abrogent  défi- 
nitivement l'arrêt  de  Boileau,  vraiment  injuste 
et  excessif.  Mettons  à  part  les  noms  propres; 
les  adjectifs  tirés  des  noms  propres;  les  termes 
techniques,  employés  comme  tels,  sans  inten- 
tion de  les  faire  entrer  dans  le  vocabulaire 
commun;  il  reste  dans  Ronsard  une  douzj^ine 
de  mots  grecs;  le  double  de  mots  latins;  au- 
tant de  vieux  mots  français;  quelques  vocables 
italiens  et  espagnols,  dont  pas  un  seul,  peut- 


Préface.  ix 

être,  n'a  été  introduit  par  lui;  des  termes  de 
vénerie,,  nombreux  pour  désigner  avec  préci- 
sion les  choses  de  la  vénerie;  rares  dans  l'em- 
ploi métaphorique.  Il  a  créé,  par  une  dériva- 
tion facile,  une  trentaine  de  verbes;  il  a  créé 
surtout  des  adjectifs  (en  eux^  en  irij  en  art)  ; 
environ  vingt-cinq  de  ces  diminutifs  qui  plai- 
saient au  goût  de  son  temps;  enfin  une  cen- 
taine de  ces  fameux  adjectifs  composés  (tels 
que  porte-ciel^  rase-terre,  tue-lions),  faits  de  deux 
mots  français,  par  un  procédé  bien  français, 
mais  dont  il  a  un  peu  abusé,  créant  par  ce 
moyen  des  adjectifs  épithètes,  tandis  que  la 
langue  aime  à  les  employer  plutôt  comme 
substantifs.  Tels  sont  les  éléments  particuliers 
de  la  langue  de  Ronsard.  Le  reste  est  fran- 
çais, pur  français  de  Paris  et  de  son  temps. 
Encore  peut-on  dire  que  parmi  ces  mots  qui 
étonnent  par  leur  figure  insolite,  plusieurs 
probablement  n'appartiennent  pas  plus  à  Ron- 
sard qu'à  ses  contemporains.  On  les  trouve 
chez  lui;  une  recherche  attentive  les  ferait 
rencontrer  ailleurs.  Tout  le  monde  sait  qu'il 
est  téméraire  d'affirmer  qu'un  mot  n'est  qu'à 
un  auteur. 

Le  lexique  de  M.  Mellerio  nous  aidera,  je 
l'espère,  à  faire  rendre  enfin  justice  à  Ronsard, 
ce  très  grand  poète,  trop  exalté,  sans  doute, 
par  ses  contemporains  enthousiastes,  qui  l'ont 
mis  d'abord  au-dessus  d'Homère,  au-dessus 
de  tout;  mais  ensuite  indignement  trahi, 
presque  au  lendemain  de  sa  mort,  par  le  plus 
extraordinaire  des  revirements  d'opinion  dont 
fasse  mention  l'histoire  littéraire.  Après  trois 


X  Préface. 

siècles,  il  est  vraiment  temps  que  sa  mémoire 
trouve  enfin  le  repos  dans  la  gloire  mesurée 
qui  lui  est  due.  Il  a  eu  quelques  parties  d'un 
poète  de  premier  ordre;  une  magnifique  ima- 
gination; un  don  très  singulier  de  faire  jaillir 
des  choses,  même  les  plus  humbles,  ce  qu'elles 
renferment  de  poésie.  Mais,  quoi  qu'en  ait  dit 
Boileau,  ce  qu'il  y  a  eu  de  plus  précieux  chez 
lui  et  de  plus  étonnant,  c'est  sa  langue,  dont 
rien  ne  surpasse  la  richesse,  la  variété,  la 
souplesse,  la  force,  et  quelquefois  la  préci- 
sion. C'est  bien  lui  qui  a  dénoué  le  rythme  du 
vers  français;  et  nos  grands  poètes  classiques, 
Molière  aussi  bien  que  Corneille,  et  Racine 
autant  que  Boileau  lui-même,  sont,  sans  le 
savoir,  ses  disciples  et  ses  héritiers.  Sans 
doute,  leur  style  est  à  eux  ;  et,  après  Ronsard, 
ils  ont,  pour  ainsi  dire,  remis  le  vers  français 
à  la  forge;  mais  le  métal  dont  ils  l'ont  forgé 
leur  vient  de  Ronsard,  à  qui  reste  l'honneur 
d'avoir  créé  en  français  la  langue  poétique. 


Petit  de  Julleville. 


ÉTUDE  SUR  RONSARD 


[ONSARD  est  certainement  le  poète 
envers  lequel  longtemps  la  postérité 
s'est  montrée  le  plus  injuste.  De 
i^^o  à  1^8^  il  jouit  sur  la  litté- 
rature et  la  poésie  d'une  souveraineté  abso- 
lue qui  ne  souffrit  ni  adversaires  ni  rivaux. 
Ses  contemporains  accueillirent  avec  un  en- 
thousiasme sans  bornes  ce  poète  si  plein  de 
l'antiquité  dont  ils  étaient  eux-mêmes  si 
épris.  Tout  le  seizième  siècle  subit  son  in- 
fluence et  vit  en  lui,  selon  l'expression  d'un 
de  ses  panégyristes,  le  Génie  et  l'oracle  de  la 
poésie  française.  Et,  pendant  près  de  cinquante 
ans,  le  Phœhus  des  Français,  V Apollon  de  la 
Source  des  Muses  exerça  sur  le  goût  de  ses  con- 
temporains une  autorité  presque  sans  conteste. 
Il  semblait  qu'il  n'y  eût  pas  d'honneurs  assez 
éclatants,  de  distinctions  assez  rares  pour 
glorifier  son  génie. 

Comblé  de  faveurs  par  les  plus  grands 
princes  de  son  siècle,  il  recevait  du  Pape  des 
félicitations  publiques  ;  les  poètes  étrangers 
venaient  lui  demander  des  avis  et  soumettre 


xij  ÉTUDE   SUR   Ronsard. 

leurs  œuvres  à  son  approbation  (Le  Tasse,  par 
exemple,  pour  sa  Jérusalem  déiivréé)\  ses  poésies 
étaient  lues  publiquement  et  commentées  dans 
les  écoles  de  France,  d'Angleterre,  de  Pologne 
et  même  d'Allemagne.  Bien  plus,  cet  enthou- 
siasme pour  notre  poète  donnait  naissance  au 
dicton  :  Donner  un  souffleta  Ronsard,  exprimant 
métaphoriquement  Tidée  de  «  faire  une  faute 
contre  la  pureté  du  langage». 

On  pourrait  former  un  volume  des  éloges 
qu'il  reçut  de  son  vivant,  des  oraisons  funè- 
bres et  des  épitaphes  qu'on  lui  consacra  après 
sa  mort. 

'  Ronsard  devait  payer  cher  cette  faveur  ex- 
traordinaire et  presque  sans  précédent  :  vingt- 
cinq  ans  après  sa  mort  il  était  oublié.  Sous 
Louis  XIII  il  a  encore  quelques  partisans 
attardés,  quelques  admirateurs  enthousiastes  : 
ce  sont  surtout  des  universitaires,  des  mem- 
bres des  parlements  de  province,  enfin  quel- 
ques gentilshommes  campagnards,  qui  par 
suite  de  leurs  études  ou  de  leur  tour  d'esprit, 
de  leurs  fonctions  ou  de  leur  éloignement  de 
la  capitale,  ou  de  leur  répugnance  à  suivre  la 
mode,  étaient  restés  à  l'écart  du  mouvement, 
et,  ne  voulant  pas  brûler  ce  qu'ils  avaient 
longtemps  adoré,  se  refusaient  à  humilier 
Ronsard  devant  Malherbe.  C'est  à  la  piété  de 
ces  partisans  attardés  du  poète  vendômois, 
que  l'on  doit  attribuer  ses  deux  éditions  pos- 
thumes de  1609  (un  volume  in-folio)  et  de 
1623  (deux  volumes  in-folio);  elles  furent 
comme  une  tentative  de  réaction  contre  la 
réaction  antironsardiste  de  Malherbe. 


ÉTUDE   SUR   Ronsard.  xiij 

Mais  cette  tentative  échoua  :  car  si  la  der- 
nière moitié  du  seizième  siècle  procède  de 
l'école  de  Ronsard  et  suit  les  théories  poé- 
tiques de  la  Pléiade,  les  premières  années  du 
dix-septième  siècle  marquent  le  terme  de  cet 
engouement,  et  dès  162^  la  nouvelle  École 
poétique,  l'École  de  Malherbe,  s'est  emparée 
du  Parnasse  français. 

Dès  lors,  pour  la  majorité,  Ronsard  est  bien 

Le  poète  orgueilleux,  trébuché  de  si  haut, 

dont  parle  Boileau.  Il  a  attaché  son  nom  à 
une  entreprise  hardie,  il  est  vrai,  mais  cou- 
verte de  ridicule,  parce  qu'elle  n'a  pas  été 
comprise,  et  pour  laquelle  on  a  inventé  les 
mots  Ronsardiser,  Ronsardisme  et  Ronsardiste. 

Pourquoi  cette  réaction  s'est-elle  faite  ?  On 
l'a  attribuée  à  Malherbe  ;  c'est  un  tort.  Mal- 
herbe ne  l'a  pas  faite  ;  il  l'a  plutôt  enregistrée  '  ; 
il  a  été  l'homme  de  la  situation,  sans  pour  cela 
l'avoir  provoquée. 

Quelles  en  furent  alors  les  causes  ?  On 
peut,  ce  me  semble,  en  signaler  deux  :  la  pre- 
mière, le  besoin  de  réaction  naturel  aux 
hommes  après  un  mouvement  d'enthousiasme  ; 
la  seconde,  les  excès  de  certains  disciples  ou 
imitateurs  maladroits  de  la  Pléiade  (du  Bartas 
par  exemple),  qui,  par  recherche  de  l'origina- 
lité, n'hésitaient  pas  à  violenter  la  langue  et 
le  génie  français. 

I.  y.  à  ce  sujet  la  thèse  de  M.  F.  Brunot  sur  Malherbe, 
et  l'article  de  M.  Brunetière  {Revue  des  Deux  Mondes  du 
I  j  décembre  1892). 


xiv  ÉTUDE   SUR   Ronsard. 

Quoi  qu'il  en  soit,  du  jour  où  Malherbe, 
dans  un  accès  d'humeur,  biffa  vers  par  vers 
les  œuvres  du  Cygne  vendômois,  Ronsard  fut 
condamné  à  l'oubli  au  point  que  cent  ans  plus 
tard,  en  171 5,  un  écrivain  pouvait  dire: 
a  Personne  n'oserait  se  vanter  de  posséder  un 
Ronsard,  et  encore  moins  de  l'avoir  lu.  » 
(La  Monnaye,  Menagiana.) 

Mais  déjà  dès  le  dix-septième  siècle,  on  ne 
parle  plus  guère  de  lui  que  pour  rappeler  l'in- 
succès de  sa  tentative.  Le  poète  que  le  cardi- 
nal du  Perron  appelait  le  «  grand  ornement 
des  Muses  et  de  la  France  »  inspire  à  Boileau 
les  vers  injustes  que  l'on  connaît  :  Ronsard, 
dit-il, 

Réglant  tout,  brouilla  tout,  fit  un  art  à  sa  mode 
Et  toutefois  longtemps  eut  un  heureux  destin. 
Mais  sa  Muse,  en  français  parlant  grec  et  latin^ 
vit,  dans  l'âge  suivant,  par  un  retour  grotesque, 
Tomber  de  ses  grands  mots  le  faste  pédantesque. 
Ce  poète  orgueilleux,  trébuché  de  si  haut, 
Rendit  plus  retenus  Desportes  et  Bertaut. 

{Art  poétique,   124  et  suiv.) 

Quelques  années  après,  François  Gacon 
(1667- 172 5),  poète  satirique  aujourd'hui  ou- 
blié, qui,  peut-être  pas  plus  que  Boileau, 
n'avait  lu  Ronsard,  lui  fait  le  même  reproche 
à  peu  près  dans  les  mêmes  termes  : 

Le  célèbre  Pierre  Ronsard 

Avec  tout  le  génie  et  l'art 

Qu'il  faut  pour  faire  un  grand  poète, 

Que  si  ses  vers  n'ont  eu  qu'un  très  faible  destin, 

C'est  qu'il  a  très  souvent  besoin  d'un  interprète, 

Et  qu'il  parle  français  moins  que  grec  et  latin. 


ÉTUDE   SUR   Ronsard 


XV 


Notre  siècle  a  eu  le  mérite  d'appeler  de 
nouveau  l'attention  sur  ce  poète  qu'on  ne 
connaissait  plus  guère  que  de  nom  ou  par  le 
jugement  de  Boileau.  Mais  malgré  la  brillante 
et  solide  étude  de  Sainte-Beuve  sur  Ronsard, 
malgré  les  éditions  de  M.  Blanchemain,  de 
M.  Becq  de  Fouquières,  etc.,  malgré  les 
travaux  plus  récents  sur  le  seizième  siècle,  il 
semble  que  le  jugement  de  Boileau  soit  resté 
sans  appel.  Pour  ne  citer  qu'un  exemple,  le 
grand  Dictionnaire  de  Larousse,  imprimé  en 
1866,  reproduit,  en  la  développant,  la  sévère 
condamnation  de  Ronsard  prononcée  par 
Boileau.  Après  avoir  cité  le  célèbre  passage 
de  Joachim  du  Bellay  :  «  Là  donques,  Fran- 
«  cois,  marchez  courageusement  vers  cette 
a  superbe  cité  romaine,  et  des  serves  dé- 
fi pouilles  d'elle,  comme  vous  avez  fait  plus 
«  d'une  fois,  ornez  vos  temples  et  vos  au- 
«  tels...  Pillez-moi  sans  conscience  les  sacrés 
«  trésors  de  ce  temple  delphique...  »  l'auteur 
du  Dictionnaire  ajoute  :  «  On  sait  si  Ronsard, 
G  à  qui  Boileau  plus  tard  reprochait  d'avoir 
«  parlé  grec  et  latin  en  français,  suivit  ces 
«  conseils  qu'il  avait  donnés...  Ses  odes  dites 
«  pindariques,  d'une  tournure  laborieuse  et  sa- 
«  vante,  divisées  en  strophes,  antistrophes  et 
«  épodes,  à  la  mode  grecque,  hérissées  de  néolo- 
(f  gismes  helléniques  et  d'une  enflure  extraordi- 
a  naire,  pèchent  par  la  complication  et  l'obs- 
«  curité.  » 

En  admettant  même  que  ces  assertions  fus- 
sent vraies  pour  quelques  odes  pindariques 
(ce  qui  est  encore  fort  contestable),  elles  se- 


XXVJ  ÉTUDE    SUR     RONSARD. 

à  plaisir  les  trésors  d'une  érudition  peut-être 
indigeste;  et  certaines  pages  de  ses  œuvres 
sont  inintelligibles  ou  peu  s'en  faut,  sans  le 
secours  d'un  dictionnaire  d'histoire  ou  de 
mythologie  :  les  dieux,  les  héros  des  légendes 
viennent  à  tour  de  rôle  défiler  devant  les 
yeux  du  lecteur  et  défier  sa  sagacité.  Il  n'y  a 
pas  un  sentiment,  pas  une  idée  qui  ne  prenne 
comme  d'elle-même,  en  ses  écrits,  la  forme 
d'une  fable  ou  d'une  allégorie  mythologique; 
la  forme  même  est  souvent  purement  grecque. 

La  langue  s'en  ressent  parfois,  il  est  vrai  ; 
mais  les  emprunts  que  Ronsard  a  faits  au 
grec  et  au  latin  sont  beaucoup  plus  rares 
qu'on  n'a  dit. 

D'ailleurs,  sans  parler  de  tout  son  vocabu- 
laire mythologique  qui  est  le  même  (ou  peu 
s'en  faut)  que  le  nôtre,  les  quelques  mots 
nouveaux  qu'il  a  tirés  du  grec  et  du  latin 
peuvent  être  rangés  en  trois  catégories.  Ce 
sont  : 

1°  Des  noms  propres; 

2"  Des  termes  techniques  qu'il  a  employés 
comme  tels  sans  chercher  à  les  franciser; 

3<*  Des  mots  (substantifs,  adjectifs  ou  ver- 
bes), qui  sont  en  très  petit  nombre  et  qui 
d'ailleurs  presque  tous  sont  restés  dans  notre 
langue. 

Pour  s'en  assurer,  il  suffit  d'entrer  dans  le 
détail  et  de  décomposer  pour  ainsi  dire  le  vo- 
cabulaire de  Ronsard  en  ses  principaux  élé- 
ments constitutifs  :  l'on  verra  ainsi  tour  à  tour 
ce  qu'il  doit  au  grec  et  au  latin,  à  l'espagnol 
ou  à  l'italien,  au  vieux  français  ou  aux  dia- 


ÉTUDE   SUR   Ronsard.         xxvij 

lectes  provinciaux,  aux  métiers,  et  enfin  à  sa 
propre  invention. 


ELEMENTS    GRECS. 

Nous  ne  parlerons  plus  du  fameux  vers 

Ocymore,  Dispotme,  Oligochronien  ; 

on  a  vu  ce  qu'il  faut  en  penser. 

Il  serait  à  souhaiter  que  Ton  pût  de  même 
décharger  la  mémoire  de  Ronsard  des  épithètes 
Carpime^  Evaste,  Agnien,  Manique^  Lenéan,  Nomian, 
Nyctelian,  Evien,  et  autres  semblables,  qui  toutes 
ont  besoin  d'un  commentaire  et  sembleraient 
(si  ce  n'étaient  des  qualificatifs  mythologiques) 
justifier  le  reproche  de  Boileau. 

Mais  si  nous  citons  le  qualificatif  P/zjAzè?g_, 
appliqué  à  Apollon,  les  noms  de  Cronien, 
donné  à  Neptune,  de  Phiiïen  et  Xénien,  à  Jupi- 
ter, de  Pithon  ou  Python,  à  la  déesse  de  l'élo- 
quence, et  une  vingtaine  d'autres,  dont  on 
trouvera  plus  loin  i'énumération',  nous  au- 
rons épuisé  la  liste  des  noms  mythologiques 
grecs  que  Ronsard  emploie  et  qui  sont  tombés 
la  plupart  en  désuétude  :  il  ne  faut  pas  oublier 
Anangé,  employé  par  le  poète  pour  désigner 
la  déesse  aveugle  de  la  fatalité  ('Avayxrj). 

On  peut  encore  relever  les  quelques  mots 
suivants  qui  ont  la  même  origine  et  n'ont  pas 
eu  plus  de  succès  :  Charité  (Xapt;)  (qui  cepen- 

I.  Duliche,  Eraton,  Ménétie,  Ariadne,  Die,  Lacëne,  Pega- 
sis,  Semele,  Eryce,  Cleion  et  Cleio,  Phtinopore,  Trieie, 
Bassar,  Enyon. 


xviij  ÉTUDE   SUR   Ronsard. 

vendômois.  On  en  a  profité  pour  l'accuser 
d'avoir  voulu  asservir  notre  langue  au  grec  et 
au  latin,  et,  pour  justifier  cette  assertion,  on 
a  faussé  le  sens  de  quelques-uns  de  ses  vers. 
Quand  il  s'écrie  : 

Ah  !  que  je  suis  marry  que  la  Muse  françoise 
Ne  peut  dire  ces  mots  comme  fait  la  Grégeoise, 
Ocymore,  Dispotme,  Oligochronien... 

[Tombeau  de  Marguerite  de  France,  t.  VII,  p.  178.) 

ce  n'est  pas  un  regret  qu'il  exprime,  à  vrai 
dire  :  il  constate  l'impossibilité  de  parler 
grec  en  français.  Il  ne  s'aveugle  pas  sur  la 
valeur  de  ces  mots,  que  l'on  a  si  souvent 
cités  pour  le  condamner;  dans  l'édition  de 
I  ^75  on  lit  cette  note  de  Ronsard  :  «  Ces  mots 
a  grecs  seront  trouvez  fort  nouveaux,  mais 
«  d'autant  que  nostre  langue  ne  pouvoit  ex- 
«  primer  ma  conception,  j'ay  esté  forcé  d'en 
«  user,  qui  signifient  une  vie  de  petite  durée.  » 

(VII,  p.  178.) 

Mais,  dit-on  souvent,  si  l'on  accuse  Ron- 
sard d'avoir  en  français  parlé  grec  et  latin ^  l'ac- 
cusation peut  paraître  fondée,  puisqu'elle 
repose  sur  un  aveu  fait  par  Ronsard  lui- 
même  : 

Les  François  qui  mes  vers  liront, 

S'ils  ne  sont  et  Grecs  et  Romains, 

En  lieu  de  ce  livre  ils  n'auront 

Qu'un  pesant  faix  entre  les  mains.  (III,  p.  2J2.) 

Il  suffit,  pour  s'entendre,  de  prendre  au 
figuré  ces  vers  qu'on  a  pris  trop  longtemps  à 
la  lettre.  Loin  d'avouer  qu'il  parle  grec  et 
latin  en  français,  Ronsard,  dans  ces  quatre 


Etude   sur   Ronsard.  xix 

vers,  fait  allusion,  non  pas  à  la  langue  qu'il 
parle  et  qui  est  parfaitement  française,  mais 
■aux  idées  qui  sont  développées  dans  sa  poésie, 
et  encore  plus  aux  faits  qu'elle  rappelle  et 
aux  allusions  qu'elle  renferme.  Il  déclare  qu'on 
ne  pourra  comprendre  ses  vers  que  si  l'on 
connaît  à  fond  les  littératures  et  la  mytholo- 
gie anciennes.  H  écrit  en  français,  mais  il 
pense  en  grec  et  en  latin  ;  et  en  cela,  il  est 
bien  de  son  siècle. 

On  l'accuse  d'avoir  préféré  les  langues  an- 
ciennes à  la  langue  maternelle;  il  faudrait 
plutôt  lui  savoir  gré  de  son  amour  pour  le 
français.  C'est  lui,  ne  l'oublions  pas,  qui, 
dans  la  préface  de  la  FrancLuiey  écrit  contre 
les  «  latineurs  et  grécaniseurs  »  de  son  temps 
ces  lignes  pleines  de  sens  : 

«  Je  te  conseille  d'apprendre  diligemment 
«  la  langue  grecque  et  latine,  voire  italienne 
«  et  espagnole  :  puis,  quand  tu  les  sçauras 
a  parfaitement;  te  retirer  en  ton  enseigne  comme 
«  un  bon  soldat,  et  composer  en  ta  langue  mater- 
«  nelle...  Car  c'est  un  crime  de  lèze  majesté 
«  d'abandonner  le  langage  de  son  pays  vivant  et 
«  florissant  pour  vouloir  déterrer  je  ne  scay 
«  quelle  cendre  des  anciens...  »   (III,  p.   3^.) 

Ainsi  le  chef  de  la  révolution  poétique  au 
seizième  siècle  a  combattu  pour  l'indépen- 
dance et  l'intégrité  de  la  langue  maternelle, 
et  comme  le  dit  le  manifeste  de  la  Pléiade, 
pour  sa  défense  et  son  Illustration. 

Il  faut  avouer  cependant  qu'il  tenta  de  la 
modifier,  et  voulut  créer  pour  la  poésie  une 
langue  plus  noble,  plus  riche,  plus  exprès- 


XX  ÉTUDE  SUR  Ronsard. 

sive  que  la  prose.  Mais  loin  d'emprunter  ex- 
clusivement, comme  on  l'a  dit  à  tort,  des  mots 
au  grec  et  au  latin,  c'est  surtout  en  puisant  à 
ses  sources  nationales  qu'il  entend  enrichir 
notre  langue. 

Il  encourage  le  poète  à  connaître  les  dialec- 
tes provinciaux,  et  à  ne  pas  craindre  d'y  re- 
courir pour  compléter  et  enrichir  son  vocabu- 
laire :  «  Je  te  conseille  d'user  indifféremment 
«  de  tous  les  dialectes...  »,  dit-il  dans  la  pré- 
face de  sa  Franciade;  et,  dans  son  Art  poétique, 
il  développe  la  même  idée  qu'il  serait  peut- 
être  imprudent  d'approuver  sans  réserves  : 
«  Tu  sçauras  dextrement  choisir  et  approprier  à 
«  ton  œuvre  les  mots  plus  significatifs  des  dialectes 
a  de  nostre  France,  quand  mesmement  tu  n'en 
«  auras  point  de  si  bons  ny  si  propres  en  ta 
ce  nation  ;  et  ne  te  faut  soucier  si  les  vocables 
ce  sont  Gascons,  Poictevins,  Normans,  Man- 
te ceaux,  Lionnois,  ou  d'autres  pais,  pourveu 
«  qu'ils  soient  bons  et  que  proprement  ils  si- 
ce  gnifient  ce  que  tu  veux  dire.  » 

Ces  idées  du  maître,  furent  reprises  par 
l'un  de  ses  adorateurs^  Vauquelin  de  la  Fres- 
naye,  qui,  dans  son  Art  poétique,  s'exprime  à 
peu  près  dans  les  mêmes  termes  : 

L'idiome  Norman,  l'Angevin,  le  Manceau, 
Le  François,  le  Picard,  le  poli  Tourangeau 
Apprens,  comme  les  mots  de  tous  ars  mécaniques, 
Pour  en  orner  après  tes  phrases  poétiques... 

(Vauquelin  de  la  Fresnaye,  Art  poétique, 
t.  I,  p.  12  et  13.) 

Ronsard  va  plus  loin  encore.  Gomme  plus 
I .  Le  mot  est  de  Vauquelin. 


ÉTUDE   SUR   Ronsard.  xxj 

tard  devaient  le  tenter  Fénelon  et  La  Bruyère, 
il  veut  faire  revivre  les  mots  expressifs  du 
vieux  français  qui  tombent  ou  déjà  sont  tom- 
bés en  désuétude  :  «  Tu  ne  rejetteras  point 
«  les  vieux  mots  de  nos  romans,  dit-il  dans 
«  son  Art  poétique,  ains  les  choisiras  avec 
«  meure  et  prudente  élection.  »  Si  nous  reve- 
nons à  la  préface  de  la  Franciade,  où  Ron- 
sard a  exposé  la  plus  grande  partie  de  ses 
théories  poétiques,  nous  trouvons  encore  ce 
passage  significatif  :  «  Je  t'adverti  de  ne  faire 
«  conscience  de  remettre  en  usage  les  antiques 
«  vocables  et  principalement  ceux  du  langage 
«  wallon  et  picard,  lequel  nous  reste  par  tant 
ot  de  siècles,  l'exemple  naïf  de  la  langue  française, 
«  j'enten  de  celle  qui  eut  cours  après  que  la 
«  latine  n'eut  plus  d'usage  en  nostre  Gaule, 
a  et  choisir  les  mots  les  plus  pregnans  et  significa- 
«  tifs  non  seulement  dudit  langage,  mais  de 
«  toutes  les  provinces  de  France  pour  servir 
«  à  la  poésie  lors  que  tu  en  auras  besoin...  » 
Ronsard  recommandait  encore  (et  après  lui, 
Vauquelin  de  la  Fresnaye  reprit  cette  idée) 
l'emploi  des  termes  de  métier,  de  vénerie,  d'agri- 
culture, etc.  :  «  Tu  praticqucras  bien  souvent 
«  les  artisans  de  tous  mestiers,  comme  de  Ma- 
«  rine,  Vénerie,  Fauconnerie,  et  principale- 
ce  ment  les  artisans  de  feu.  Orfèvres,  Fon- 
ce deurs,  Mareschaux,  Minerailliers;  et  de  là 
c(  tireras  maintes  belles  et  vives  comparaisons 
a  avecques  les  noms  propres  des  mestiers  pour 
«  enrichir  ton  œuvre  et  le  rendre  plus  agréa- 
«  ble  et  plus  parfait...  » 

{Art poétique,  t.  VII,  p.  321.) 


xxij  ÉTUDE   SUR   Ronsard. 

On  le  voit,  la  langue  que  Ronsard  rêvait 
de  créer  pour  la  poésie  était  une  langue  arti- 
ficielle de  formation,  mais  française  dans  ses 
éléments.  Loin  d'être  latineur  ou  grécanizeur,  à 
cette  époque  où  maint  écrivain  despume  la  ver- 
boclnation  latlale\  Ronsard  défendit  toujours 
avec  un  soin  jaloux  l'intégrité  de  notre  langue. 

Et  à  ce  propos,  d'Aubigné  raconte  que  Ron- 
sard disait  à  ses  disciples  :  «  Mes  enfants, 
«  deffendez  votre  mère  de  ceulx  qui  veulent 
«  faire  servante  une  damoyselle  de  bonne 
«  maison.  Il  y  a  des  vocables  qui  sont  fran- 
«  cois  naturels,  qui  sentent  le  vieux,  mais  le 
«  libre  françois  comme  doiigé^  tenue,  empoiir, 
«  dorne,  baager,  bouger  et  autres  de  telle  sorte. 
«  Je  vous  recommande  par  testament  que  vous 
«  ne  laissiez  point  perdre  ces  vieux  termes, 
«  que  vous  les  employiez  et  defFendiez  hardi- 
ce  ment  contre  des  maraux  qui  ne  tiennent  pas 
«  élégant  ce  qui  n'est  point  escorché  du  latin 
«  et  de  l'italien  et  qui  aiment  mieux  dire 
«  collauder,  contemner,  blasonner,  que  louer,  mes- 
«  priser,  blasmer  :  tout  cela  est  pour  l'escholier 
«  limousin.  Voilà  les  propres  termes  de  Ron- 
i'  sard.  ))  (Tragiques  :  avertissement.) 

Ainsi  non  seulement  il  ne  cherchait  pas  à 
parler  grec  et  latin  en  français,  mais  encore 
il  recommandait  de  ne  point  écorcher  le  latin, 
«  comme  nos  devanciersqui  ont  trop  sottement 
«  tiré  des  Romains  une  infinité  de  vocables 
«  estrangers,  veu  qu'il  y  en  avoit  d'aussi  bons 
«  dans  nostre  propre  langue  ». 

I.  Expression  de  Rabelais. 


ÉTUDE   SUR   Ronsard.  xxiij 

En  effet,  si  l'on  examine  les  quatre-vingt- 
dix  ou  cent  mille  vers  que  Ronsard  a  compo- 
sés, on  est  frappé  du  petit  nombre  de  mots 
étrangers  qu'il  a  admis  dans  ses  œuvres.  La 
langue  est  presque  toujours  pure  et  puisée  à 
la  bonne  source  française. 

Est-ce  à  dire  que  Ronsard  se  soit  abstenu 
de  toute  innovation  dans  la  langue  .^  Non  :  il  a 
créé  quelques  mots  nouveaux,  surtout  des 
dérivés  ou  des  composés  ;  et  c'est  en  lui  prê- 
tant à  tort  des  innovations  dont  il  n'était  pas 
coupable  que  ses  contemporains  et  ses  succes- 
seurs l'ont  exposé  aux  critiques  qui  l'accablent 
depuis  près  de  trois  siècles. 

Ronsard  autorise  la  création  de  mots  nou- 
veaux :  (f  Je  te  veulx  bien  encourager  de 
«  prendre  la  sage  hardiesse  d'inventer  des 
«  vocables  nouveaux  »,  dit-il,  mais  il  ajoute 
aussitôt  cette  restriction  qui  atténue  son  audace 
et  manifeste  une  fois  de  plus  sa  préoccupation 
constante  de  ne  pas  forcer  le  génie  de  notre 
langue  :  a  pourveu  qu'ils  soient  moulez  et 
«  façonnez  sur  un  patron  desjà  receu  du  peu- 
«  pie...  »  {Franciade,  préface,  t.  III,  p.  32.) 
Et  il  en  donne  la  raison  :  «  Il  est  fort  difficile 
«  d'escrire  bien  en  notre  langue,  si  elle  n'est 
<(  enrichie  autrement  qu'elle  n'est  pourlepré- 
«  sent  de  mots  et  de  diverses  manières  de 
«  parler...  » 

Quelquefois  même  il  prêche  d'exemple,  et, 
pour  faciliter  la  besogne  aux  auteurs  qui,  dit- 
il,  «  sçavent  bien  à  quoy  s'en  tenir  »  sur  la 
difficulté  d'écrire  en  français,  il  leur  conseille 
ce  qu'il  appelle  le  provignement,  c'est-à-dire  la 


xxiv  Etude   sur   Ronsard. 

formation  de  dérivés  d'un  usage  commode^ 
tirés  de  mots  qui  tombent  en  désuétude. 
«  Si  les  vieux  mots  abolis  par  l'usage  ont 
'(  laissé  quelque  rejetton,  comme  les  branches 
«  des  arbres  couppez  se  rajeunissent  de  nou- 
«  veaux  drageons,  tu  le  pourras  provigner, 
«  amender  et  cultiver,  afin  qu'il  se  repeuple 
«  de  nouveau  :  exemple  de  lobbe  qui  est  un 
«  vieil  mot  françois  qui  signifie  mocquerie  et 
«  raillerie.  Tu  pourras  faire  sur  le  nom  le 
«  verbe  lobber,  qui  signifiera  mocquer  et  gau- 
«  dir,  et  mille  autres  de  telle  façon.  »  (Art 
poétique.) 

Le  malheur  pour  Ronsard  est  qu'il  ne  s'en 
tint  pas  là  :  il  crut  que  l'on  pouvait  former 
en  français  des  mots  composés  à  la  façon  des. 
Grecs  et  des  Latins  :  ajoutons,  pour  sa  dé- 
charge, qu'il  les  formait  exclusivement  d'élé- 
ments français,  ce  qu'on  oublie  généralement 
d'ajouter.  «  Ta  composeras,  dit-il,  hardiment 
«  des  mots  à  l'imitation  des  Grecs  et  Latins,  pour- 
ce  veu  qu'ils  soient  gracieux  et  plaisans  à  l'au- 
«  reille,  et  n'auras  soucy  de  ce  que  le  vulgaire 
«  dira  detoy...»  (Art  poétique,  t.  III,  p.  53^.) 

Il  est  vrai  de  dire  qu'il  n'usa  de  la  permis- 
sion qu'avec  mesure;  mais  il  a  suffi  de  quel- 
ques mots  bizarres  formés  par  lui  pour  lui 
assurer  une  réputation  de  barbarie  qu'il  ne 
méritait  certes  pas  :  c'est  ce  que  prouve  l'étude 
de  son  vocabulaire  et  de  ses  éléments  consti-^ 
tutifs. 


ÉTUDE  SUR   Ronsard.  xxv 


VOCABULAIRE  DE  RONSARD 


Il  faut  distinguer  dans  le  vocabulaire  de 
Ronsard  deux  parties  :  l'une  lui  est  commune 
avec  ses  contemporains,  et  tout  travail  d'en- 
semble sur  la  langue  du  seizième  siècle  peut 
en  rendre  compte;  l'autre  est  plus  originale, 
elle  est  son  œuvre,  sa  création  propre  :  celle- 
ci  seule  nous  intéresse. 

Les  études  que  Ronsard  fit  sous  la  direction 
du  savant  Daurat  au  collège  de  Coqueret 
eurent  la  plus  grande  influence  sur  le  déve- 
loppement de  son  génie  :  on  peut  dire  qu'il  en 
est  sorti  tout  entier.  Ronsard,  dit  un  de  ses 
biographes,  «  demeurait  sur  ses  livres  jusqu'à 
deux  ou  trois  heures  du  matin,  et  en  se  cou- 
chant, réveillait  Baïf  (ils  habitaient  la  même 
chambre),  qui  se  levait  aussitôt  et  ne  laissait 
pas  refroidir  la  place  «.  Cette  fièvre  de  "tra- 
vail, cet  enthousiasme  pour  l'antiquité  que  la 
Renaissance  inspirait  à  tous  les  esprits  culti- 
vés d'alors,  et  qui  dévoraient  notre  poète, 
l'entraînaient,  le  jour,  dans  les  bibliothèques 
publiques  et  privées.  S'assimilant  toutes  les 
œuvres  des  anciens,  il  en  tira  la  «  substanti- 
fique  moelle  «^qu'elles  contenaient;  il  s'ap- 
propria ainsi  bientôt  leur  langue,  leurs  idées, 
leur  tour  d'esprit  même;  et  dés  qu'il  entreprit 
d'écrire,  il  écrivit  comme  un  ancien  eût  écrit. 
Les  idées,  les  souvenirs  de  la  Grèce  et  de 
Rome  inondèrent  sa  poésie  ;  il  y  versa  comme 


XXVJ  ÉTUDE    SUR    RONSARD. 

à  plaisir  les  trésors  d'une  érudition  peut-être 
indigeste;  et  certaines  pages  de  ses  œuvres 
sont  inintelligibles  ou  peu  s'en  faut,  sans  le 
secours  d'un  dictionnaire  d'histoire  ou  de 
mythologie  :  les  dieux,  les  héros  des  légendes 
viennent  à  tour  de  rôle  défiler  devant  les 
yeux  du  lecteur  et  défier  sa  sagacité.  Il  n'y  a 
pas  un  sentiment,  pas  une  idée  qui  ne  prenne 
comme  d'elle-même,  en  ses  écrits,  la  forme 
d'une  fable  ou  d'une  allégorie  mythologique; 
la  forme  même  est  souvent  purement  grecque. 

La  langue  s'en  ressent  parfois,  il  est  vrai  ; 
mais  les  emprunts  que  Ronsard  a  faits  au 
grec  et  au  latin  sont  beaucoup  plus  rares 
qu'on  n'a  dit. 

D'ailleurs,  sans  parler  de  tout  son  vocabu- 
laire mythologique  qiii  est  le  même  (ou  peu 
s'en  faut)  que  le  nôtre,  les  quelques  mots 
nouveaux  qu'il  a  tirés  du  grec  et  du  latin 
peuvent  être  rangés  en  trois  catégories.  Ce 
sont  : 

r°  Des  noms  propres; 

2"  Des  termes  techniques  qu'il  a  employés 
comme  tels  sans  chercher  à  les  franciser; 

3"  Des  mots  (substantifs,  adjectifs  ou  ver- 
bes), qui  sont  en  très  petit  nombre  et  qui 
d'ailleurs  presque  tous  sont  restés  dans  notre 
langue. 

Pour  s'en  assurer,  il  suffit  d'entrer  dans  le 
détail  et  de  décomposer  pour  ainsi  dire  le  vo- 
cabulaire de  Ronsard  en  ses  principaux  élé- 
ments constitutifs  :  l'on  verra  ainsi  tour  à  tour 
ce  qu'il  doit  au  grec  et  au  latin,  à  l'espagnol 
ou  à  l'italien,  au  vieux  français  ou  aux  dia- 


ÉTUDE   SUR   Ronsard.         xxvij 

lectes  provinciaux,  aux  métiers,  et  enfin  à  sa 
propre  invention. 


ELEMENTS    GRECS.  _y 

Nous  ne  parlerons  plus  du  fameux  vers 

Ocymore,  Dispotme,  Oligochronien  ; 

on  a  vu  ce  qu'il  faut  en  penser. 

Il  serait  à  souhaiter  que  Ton  pût  de  même 
décharger  la  mémoire  de  Ronsard  des  épithètes 
Carpime^  Evaste,  Agnien,  Manique,  Lenéan,  iXomian, 
Nycteliarij  Evien,  et  autres  semblables,  qui  toutes 
ont  besoin  d'un  commentaire  et  sembleraient 
(si  ce  n'étaient  des  qualificatifs  mythologiques) 
justifier  le  reproche  de  Boileau. 

Mais  si  nous  citons  le  qualificatif  Pluncîe, 
appliqué  à  Apollon,  les  noms  de  Crânien, 
donné  à  Neptune,  de  Philien  et  Xénien,  à  Jupi- 
ter, de  Pithon  ou  Python,  à  la  déesse  de  l'élo- 
quence, et  une  vingtaine  d'autres,  dont  on 
trouvera  plus  loin  ï'énumération',  nous  au- 
rons épuisé  la  liste  des  noms  mythologiques 
grecs  que  Ronsard  emploie  et  qui  sont  tombés 
la  plupart  en  désuétude  :  il  ne  faut  pas  oublier 
Anangé,  employé  par  le  poète  pour  désigner 
la  déesse  aveugle  delà  fatalité  ('Avay^r;). 

On  peut  encore  relever  les  quelques  mots 
suivants  qui  ont  la  même  origine  et  n'ont  pas 
eu  plus  de  succès  :  Charité  (Xapi'ç)  (qui  cepen- 

I.  Duliche,  Eraton,  Ménétie,  Ariadne,  Die,  Lacëne,  Pega- 
sis,  Semele,  Eryce,  Cleion  et  Cleio,  Phtinopore,  Triete, 
Bâssar,  Enyon. 


xxviij        ÉTUDE   SUR   Ronsard. 

dant  tend  à  reprendre  vie  aujourd'hui),  Enté- 
Uchic,  Pdsithcej  Népenthe,  Pyralide,  Lychnite,  Scid' 
mâches. 

Enfin  les  autres  mots  grecs  que  Ton  peut 
signaler  dans  ses  œuvres  sont  restés  dans  la 
langue  avec  le  sens  qu'il  leur  attribue.  Ce 
sont  :  idole,  enthousiasme^  métamorphose,  phare, 
prognostique,  sympathie,  et  ce  dernier  seul  est  de 
son  invention. 


ELEMENTS    LATINS. 

Les  mots  purement  latins  sont  plus  nom- 
breux que  les  mots  grecs  dans  le  vocabulaire 
de  Ronsard.  Encore  y  en  a-t-il  fort  peu  qui 
lui  soient  particuliers.  Beaucoup  en  effet  appar- 
tiennent à  la  langue  des  quinzième  et  seizième 
siècles. 

Quelques-uns  remontent  aux  origines  du 
français,  comme  ancelle,  ardre,  arène,  carme, 
coulpe,  ire  (et  ses  dérivés  iré,  ireux)^  occire,  par- 
ger,  querelle,  tourbe,  et  bien  d'autres  qu'Userait 
oiseux  d'énumérer. 

Un  très  petit  nombre  est  de  l'invention  de 
Ronsard.  Ce  sont  :  ariole,  blandice,  élargir  (lar- 
giri),  exercite  (cité  par  Palsgrave),  dace,  manicles, 
partir  [partiri],  famé  (fama),  glix  (glis.),  mercerie 
{merces),  moleste  (subst.  dér.  de  molestus).  Orque 
{orcus),  perennel  (perennis),  pronube  {pronuba  Juno), 
roter  (eructare),  semestre  (employé  adjectivement), 
subrertir  (subrertere),  vitupère  (subst.  déjà  cité 
par  Palsgrave,  repris  par  Ronsard).  Ajoutons 
encore  aspérir,  indole,  macter,  musser,  tollir,  vate 


ÉTUDE  SUR   Ronsard.  xxix 

(vates)  ;  et  nous  aurons  à  peu  près  tous  les  mots 
de  forme  latine  dont  Ronsard  ait  fait  particu- 
lièrement usage'. 

Il  ne  nous  reste  plus  à  signaler  que  quel- 
ques adjectifs  en  eux  tirés  d'adjectifs  latins  en 
osas  {oblLvieuXj  etc.),  ou  formés  sur  ce  patron 
{odoreux,  présagieux),  et  quelques  autres  adjec- 
tifs à  terminaisons  variées  comme  facond, 
erratique,  disert,  aime,  tusque. 

En  somme,  par  l'examen  attentif  de  ces 
listes  de  mots  l'on  peut  déjà  se  faire  une  idée 
exacte  de  ce  qu'a  été,  sur  Ronsard  au  point  de 
vue  du  vocabulaire,  l'influence  grecque  et 
latine;  et  l'on  sera  forcément  amené  à  con- 
clure que,  pour  ce  qui  concerne  le  grec  et  le 
latin,  l'accusation  de  Boileau  ne  repose  sur 
aucun  fondement  sérieux. 

Ronsard  certes  a  employé  un  plus  grand 
nombre  de  mots  venus  du  grec  et  du  latin  ; 
mais  ceux-là  faisaient  partie  du  fonds  com- 
mun à  tout  le  seizième  siècle,  et  ses  contem- 
porains en  ont,  comme  lui,  fait  usage.  Ceux 
qui  viennent  d'être  signalés  sont  les  seuls 
qu'il  dut  créer  ou  tenter  de  faire  revivre;  et  si, 
à  côté  de  quelques  termes  barbares  et  peu 
utiles,  d'ailleurs  en  très  petit  nombre,  il  a  su 
inventer  et  faire  vivre  quelques  mots  élégants 
de  forme  et  répondant  à  un  besoin,  il  serait 
injuste  de  lui  en  faire  un  crime  :  je  n'en  veux 
pour  preuve  que  le  joli  mot  de  sympathie  dont 
il  est  l'auteur. 

Si  maintenant  nous  poussons  plus  loin  notre 

I .  Voir  pour  le  sens  de  ces  mots  le  Lexique. 


XXX  ÉTUDE    SUR     RONSARD. 

examen,  nous  verrons  combien  peu  PvOnsard 
a  subi  les  influences  étrangères;  et  nous  se- 
rons forcés  d'avouer  que  sa  préoccupation 
dominante,  unique,  a  bien  été  toujours,  non 
d'implanter  en  France  une  langue  poétique 
hétérogène,  mais  d'en  créer  une  exclusive- 
ment nationale,  composée  exclusivement  (ou 
presque)  d'éléments  français. 


ELEMENTS  ESPAGNOLS  ET  ITALIENS. 

On  sait  Tinfluence  que  les  événements  poli- 
tiques ont,  au  seizième  siècle,  donnée  à  l'Es- 
pagne et  à  l'Italie  sur  les  affaires  de  la  France, 
sur  ses  mœurs,  et  même  sur  sa  langue. 

Cependant  le  vocabulaire  particulier  de 
Ronsard  ne  comprend  qu'un  très  petit  nombre 
de  mots  empruntés  à  l'espagnol  :  ils  sont  au 
nombre  de  sept  :  abricot,  guiterre  (aujourd'hui 
guitare),  vasquine  (aujourd'hui  basquine),  tru- 
chemant,  parangon  et  son  dérivé  parangonner  : 
tous  ces  mots  étaient  employés  avant  lui  ou 
se  trouvent  dans  les  œuvres  de  ses  contempo- 
rains; le  seul  mot  d'origine  espagnole  qui  lui 
soit  propre  est  le  terme  technique  de  Riagas 
(sorte  de  poison). 

On  le  voit,  l'influence  espagnole  sur  Ron- 
sard a  été  presque  nulle;  plus  grande  a  été 
l'influence  italienne,  et  en  cela  il  n'a  fait  que 
suivre  la  mode  :  car  les  guerres  du  quinzième 
et  du  seizième  siècle  avec  l'Italie,  les  alliances 
contractées  par  nos  rois,  avaient  eu  pour  effet 
d'introduire  dans  notre  langue  une  foule  de 


ÉTUDE   SUR   Ronsard.  xxx{ 

mots  italiens  (termes  de  métier  militaire,  de 
cour,  etc.). 

Ainsi  les  mots  suivants  que  Ronsard  a  em- 
ployés comme  ses  contemporains  :  brare^  colo- 
nely  escrimer j  morioriy  mousquette,  pennache,  qua- 
drdie,  scadron,  soldat,  artichaut,  courtisan  et 
courtiseur,  madrigal,  accort,  h  aster ,  chiourme, 
garhe. 

Les  emprunts  personnels  qu'il  a  faits  à  l'ita- 
lien se  réduisent  à  quatre  :  les  deux  verbes 
dênerver  et  déveiner,  le  participe  forussis  (italien 
fuorusciti,  bannis)  et  le  substantif  serée  (ita- 
lien 56Tc7_,  soir). 

D'accord  avec  Henri  Estienne,  Ronsard 
croyait  à  la  précellence  de  sa  langue  maternelle 
sur  le  langage  français  italianisé,  et  il  n'eût  pas 
désavoué  cette  déclaration  de  son  contem- 
porain :  c(  Ces  vocables  estrangers  doivent 
servir  de  passe-temps  plustost  que  d'orne- 
ment ou  enrichissement  ;  et  le  langage  de  ceux 
qui  en  usent  autrement  doit  estre  déclaré^ 
non  pas  françois,  mais  gaste-françois.  » 


EMPRUNTS    AU    VIEUX    FRANÇAIS. 

C'est  en  puisant  à  ses  sources  nationales 
qu'il  entendait  enrichir  la  langue,  en  remet- 
tant «  en  honneur  les  antiques  vocables  » .  Il 
ne  se  contentait  pas  de  donner  les  préceptes 
de  cette  restauration;  il  prêchait  d'exemple, 
enchâssant  dans  ses  poésies  les  vieux  mots 
qu'il  jugeait  dignes  de  vivre;  et  Ton  peut  re- 
trouver dans   ses  œuvres   une  trentaine  de 


XXXij  ÉTUDE     SUR     RONSARD. 

mots  qu'il  a  repris  au  vieux  français  et  qui 
depuis  ont  disparu. 

Ce  sont  :  les  adjectifs  cauty  coïntj  le  compa- 
ratif greigneur,  la  préposition  envis,  les  verbes 
avaller,  chaloir,  cuider,  béer,  douloir,  souloir,  et 
les  substantifs  arroy,  déduit,  gucrdon,  hoir,  loz, 
est  et  tançon. 

Il  faut  encore  citer  les  mots  suivants  d'un 
usage  moins  général  :  embler,  hucher,  d'où 
huchet,  ribler,  mire,  brehaigne,  faitif  et  mehaigne. 
A  ce  dernier  mot  Ronsard  a  joint  une  note 
où  éclate  sa  préoccupation  constante  :  «  Nos 
critiques,  dit-il,  se  mocqueront  de  ce  vieil 
mot  françois;  mais  il  faut  les  laisser  caqueter... 
Je  suis  d'opinion  que  nous  devons  retenir  les 
vieux  vocables  significatifs  ^  jusques  à  tant  que 
l'usage  en  aura  forgé  d'autres  nouveaux  en 
leur  place...  » 


EMPRUNTS    AUX    DIALECTES    DE    LA    FRANCE. 

Pour  déterminer  les  emprunts  que  Ronsard 
a  faits  aux  dialectes  du  centre  de  la  France, 

I .  Des  six  mots  cités  par  d'Aubigné,  Ronsard  n'a  employé 
que  dougé  (V.  Lexique)  et  son  dérivé  dougément.  Dorne  est 
dans  l'Aunis  le  nom  du  tablier  (V.  Littré).  Quant  aux  autres, 
ils  se  rattachent  :  bouger  (prov.  bolegar ;  ital.  buikare)  à 
bouillir  (V.  Scheler  et  Littré),  bauger  à  bauge  (V.  Lexique), 
empour  à  empérier  (empereur).     . 

En  l'absence  de  contexte,  il  est  difficile  de  préciser  le  sens 
de  tenue.  Est-il  pris  dans  une  de  ses  rares  acceptions  :  tenue 
noble,  fief  relevant  d'un  autre  fief?  ou  avec  le  sens  qu'il  a 
dans  le  Berry  ?  Il  signifierait  alors  une  portion  de  territoire 
d'une  commune  comprenant  des  propriétés  de  même  nature 
(V.  Littré). 


ÉTUDE   SUR   Ronsard.        xxxiij 

il  suffit  de  s'en  rapporter  à  Henri  Estienne 
{Prie,  du  lang.  fr.),  aux  notes  que  nous  de- 
vons aux  commentateurs  de  Ronsard  ou  à 
Ronsard  lui-même  :  à  l'aide  de  ces  renseigne- 
ments, grâce  aussi  aux  thèses  et  ouvrages  ré- 
cents publiés  sur  les  dialectes  delà  France,  il 
est  possible  de  relever  dans  les  œuvres  de 
notre  poète  sept  mots  empruntés  aux  patois 
tourangeau,  blaisois  et  vendômois. 

Ce  sont  :  astelles  (éclats  de  bois,  aujourd'hui 
en  Champagne  et  en  Lorraine  des  ételles), 
bers  (première  forme  de  berceau,  subsiste  dans 
le  dialecte  blaisois) ,  crouillet  (loquet,  subsiste 
à  Blois  sous  la  forme  courrouil  dont  il  est  le 
diminutif  comroadletj  abrégé  en  crouillet),  dougi 
et  dougément  (termes  de  métier,  V.  Lexique), 
harsoir  (corruption  de  hier  soir  dans  le  dialecte 
blaisois) ,  rabas  (revenant) ,  enfi  n  besson  (  j  u  meau) , 
qui  subsiste  encore  dans  le  patois  du  Berry. 

TERMES    DE    VÉNERIE. 

Après  les  mots  empruntés  aux  patois  pro- 
vinciaux, les  termes  de  vénerie  et  de  faucon- 
nerie jouent  un  rôle  important  dans  le  voca- 
bulaire de  Ronsard.  Il  suffit  de  citer  un 
passage  des  vers  d'Eurymédon  et  Callirhée 
(t.  I,  p.  2^5),  pour  voir  qu'il  en  avait  une 
connaissance  approfondie  :  dans  ces  vers,  qu'il 
a,  comme  à  plaisir,  bourrés  de  termes  techni- 
ques, il  fait  le  portrait  d'un  parfait  chasseur: 

C'estoit  un  Meleagre  au  mestier  de  chasser  : 
il  sçavoit  par  sus  tout  laisser-courre  et  lancer, 

Lex.  Ronsard.  c 


XXXiv  ÉTUDE    SUR     RONSARD. 

Bien  desfnesler  d'un  cerf  les  ruses  et  la  feinte^ 

Le  bon  temps,  le  vieil  temps,  Vessuy,  le  rembuscher. 

Les  gaignages,  la  nuict,  le  lict  et  le  coucher, 

Et  bien  prendre  le  droict  et  bien  faire  l'enceinte; 

Et  comme  s'il  fust  né  d'une  nymphe  des  bois, 

Il  jugeoit  d'un  vieil  cerf  di  la  perche,  aux  espois, 

A  la  meule,  andouillers  et  à  Vembrunisseure, 

A  la  grosse  perleure,  anxgoutières,  aux  cors. 

Aux  ^^^ue5,  aux  broquars  bien  nourris  et  bien  forts,     j 

A  la  belle  empaumeure  et  à  la  couronneure. 

Il  sçavoit  for-huer  et  t/e/z  /7(3r/er  aux  chiens, 

Faisait  bien  la  trijee,  et  le  premier  des  siens 

Cognoissoit  bien  le  pied,  la  sole  et  les  alleureSy 

Fumées,  hardouers  et  frayoirs,  et  sçavoit. 

Sans  avoir  veu  le  cerf,  quelle  teste  il  avoit, 

En  voyant  seulement  ses  erres  eifouleures. 

En  joignant  à  ce  fragment  une  pièce  du 
Bocage  royal,  dédiée  au  roi  Henri  III  et  inti- 
tulée Songe  (t.  III,  p.  288-293),  et  quelques 
termes  de  chasse  disséminés  dans  ses  différents 
écrits,  on  aurait  à  peu  près  la  liste  des  termes 
les  plus  usités  jadis  dans  la  vénerie  et  qui  le 
sont  d'ailleurs  encore  aujourd'hui.  Notons 
encore  le  verbe  sïller  (l'orthographe  étymolo- 
gique serait  ciller,  dérivé  de  cil),  comme  em- 
prunté à  la  fauconnerie  :  c'est  proprement 
couvrir  d'un  chaperon  la  tête  du  faucon  pour 
l'aveugler;  mais  Ronsard  l'emploie  toujours 
dans  le  sens  figuré. 


TERMES    DE    METIER. 

Quant  aux  termes  de  métier  que  l'on  peut 
signaler  dans  les  œuvres  de  Ronsard,  ce  sont 
des  noms  d'instruments  :  besaigaë^  havet,  do- 
louère,  sarcloëre  (sarcloir),  maillet,  le  mot  estaim, 


ÉTUDE   SUR   Ronsard.         xxxv 

pour  désigner  la  laine  cardée,  et  enfin  un 
terme  de  marine,  la  commande,  pour  dénommer 
le  câble  ou  la  chaîne  qui  retient  un  bateau  à 
quai. 


MOTS    NOUVEAUX    FORMES    PAR    RONSARD. 

Ronsard  ne  s'est  pas  contenté  d'emprunter 
des  mots  tout  faits  aux  langues  anciennes  ou 
aux  dialectes  provinciaux;  il  en  a  créé 
aussi  de  nouveaux  :  ce  sont  surtout  des  verbes 
et  des  adjectifs. 

Les  premiers,  il  les  forme  de  préférence 
avec  le  préfixe  en  qu'il  fait  suivre  d'un  verbe 
de  la  première  conjugaison  (ex.  emparfumer). 

Les  autres  sont,  ou  formés  de  mots  racines 
(substantifs  ou  verbes)  en  ajoutant  les  suffixes 
eux,  in,  ard,  ler,  ou  composés  à  la  façon  grec- 
que de  deux  mots  accouplés  (ex.  chasse-soucy, 
serpens-pied) .  NovLS  allons  examiner  tour  à  tour 
ces  deux  catégories  de  mots  nouveaux. 

Verbes.  Les  verbes  composés  par  Ronsard 
sont  presque  tous  de  la  première  conjugaison, 
la  seule  vivante  au  reste,  puisque,  aujourd'hui 
encore,  tout  verbe  qu'on  crée  lui  appartient 
fatalement.  Il  faut  signaler  cependant  quelques 
verbes  composés  appartenant  à  la  seconde 
conjugaison  :  enaigrir,  s'enfiévrir,  enfleurir,  em- 
brunir,  s'emmaigrir,  envieillir.  Ceux  de  la  pre- 
mière sont,  avons-nous  dit,  plus  nombreux  : 
empaner  et  empenner,  emparfumer,  engemmer  et 
emperler^  empierrer  (pétrifier),  encharner,  encorder 
(jouer  sur  les  cordes  de  la  lyre),  endemener, 


XXXVJ  ÉTUDE    SUR    RONSARD. 

eneauer,  s'enfeuiller,  enfieller,  enfouer,  englaccTy 
enjoncher,  enluminer  (éclairer),  enlustrer  (éclai- 
rer), enmanner,  ennouer,  s'ennuer,  enonder,  entê- 
ter, enrocher,  ensaffraner,  enserrer,  entomherK 

Enfin  l'on  aura  la  liste  à  peu  près  complète 
des  verbes  créés  par  Ronsard  ou  détournés  de 
leur  sens,  si  l'on  ajoute  à  ceux-ci  les  suivants  : 
blondoyer,  rousoyer,  vanoyer,  soarcer,  montagner 
et  planer,  verdeler  et  printaner. 

Adjectifs.  C'est  surtout  dans  la  création  de 
nouveaux  adjectifs  que  Ronsard  a  lâché  la 
bride  à  sa  fantaisie  :  il  faut  cependant  remar- 
quer qu'il  les  dérive  la  plupart  du  temps  de 
mots  français  et  qu'il  les  forme  à  l'aide  des 
suffixes  eux,  in,  ard,  al,  er,  is,  etc.,  qui  tous 
remontent  à  l'origine  même  de  notre  langue. 

A  l'aide  du  suffixe  eux,  Ronsard  a  créé  un 
assez  grand  nombre  d'adjectifs  dérivés,  et  il 
faut  avouer  qu'en  général  ses  innovations  ne 
sont  guère  heureuses. 

Voici  la  liste  de  ces  adjectifs  : 

Aigueux,  Grateleux, 

Arbreux,  Haillonneux, 

Areneux,  Impiteux, 

Argenteux,  Larmeux, 

Crineux,  Miauleux, 

Despiteux,  Myrteux, 

Espouvanteux,  Nectareux, 

Fromenteux,  Nouailleux, 

Germeux,  Oblivieux  et  oublivieux, 

Gemmeux,  Odoreux, 

Glandeux,  Ondeux, 

Glueux,  Perleux, 

I .  V.  Lexique  pour  tous  ces  mots. 


ÉTUDE  SUR   Ronsard, 


Peupleux,  Rameux, 

Pieteux,    '  Saigneux, 

Pluyeux,  Sueux, 
Poisseux   (couleur   de  la    Tétineux, 

poix),  Ventueux  et  venteux, 

Pommeux,  Ventreux. 
Présagieux, 

Les  adjectifs  en  in,  aussi  nombreux  et  plus 
estimés  peut-être  de  Ronsard  et  de  ses  contem- 
porains, nous  paraissent  presque  tous  bizarres, 
et  donnent  en  général  aux  vers  une  apparence 
d'affectation  sentimentale  qu'il  est  difficile  de 
goûter  aujourd'hui.  Ce  sont  : 


Achillin, 

Méandrin, 

Adonin, 

Medusin, 

Aimantin  et  adamantin, 

Mercurin, 

Albastrin, 

Mitouin, 

Ambrosin, 

Musin, 

Bouquin, 

Mvrtin, 

Chiennin, 

Orin, 

Colombin, 

Pegasin, 

Cyprin, 

Poupelin, 

Géantin, 

Pourprin, 

Hélénin, 

Rosin, 

Herculin, 

Sauvagin, 

Ivoirin  et  yvoirin, 

Titanin, 

Marbrin, 

Tourterin. 

Mariandin, 

Les  adjectifs  en  ard  ou  art  sont  beaucoup 
moins  nombreux  :  on  en  peut  compter  environ 
une  dizaine  : 


Frétillard, 

Rosart, 

Jazard, 

Rouhard, 

Mangeard, 

Sommeillard. 

Raillard, 

Songeard. 

xxxviij      ÉTUDE   SUR   Ronsard. 

A]omons-y  pillard,  qui  subsiste  comme  sub- 
tantif,  et  hraguard,  devenu  trivial. 

Il  faudrait  encore  citer  : 

1°  Quelques  adjectifs  en  al,  comme  étêal, 
nultalj  nymphal,  etc. 

2°  Quelques  autres  en  ier,  comme  bletier, 
hocager,  ramagcr,  escamier. 

3°  Quelques-uns  terminés  en  is  :  tords,  trai- 
tis. 

Enfin  notons  l'adjectif  Mu/ic«n>/z  (de  Munster), 
et  Albion,  employé  comme  qualificatif  :  les 
Albionnes  arènes  (II,  p.  300). 


DIMINUTIFS. 

Les  diminutifs  étaient  fort  en  honneur  au 
seizième  siècle.  Dans  sa  Précellence  du  lan- 
gage françois,  H.  Estienne  est  fier  de  pouvoir 
prouver,  même  sur  ce  point,  la  supériorité  du 
français  sur  l'italien  :  «  Estant  chose  asseurée 
«  et  notoire  que  les  mots  qu'on  appelle  dimi- 
«  nutifs  tiennent  le  premier  lieu  en  mignar- 
«  dises,  je  prie  les  Italiens  ne  trouver  mauvais 
a  si  je  dis  que  nous  en  avons  meilleure  provi- 
«  sion  qu'eux...  »  (H.  Estienne,  Précellence  du 
langage  français,  p.  9^,  éd.  Feugère),  ce  qu'il 
prouve  aussitôt  en  citant  une  foule  de  dimi- 
nutifs employés  par  Remy  Belleau.  Belleau, 
en  effet,  les  a  prodigués  jusqu'à  la  satiété. 

Sans  en  avoir  fait  un  usage  immodéré, 
Ronsard  a  suivi  sur  ce  point  le  goût  de  son 
époque  :  on  pourrait  citer  comme  un  des 
modèles  du  genre  les  vers  qu'il  adresse  à  son 


ÉTUDE   SUR   Ronsard.        xxxix 

âme  (VII,  p.  31^),  imitation  des  fameux  vers 
d'Adrien  :  Animula  blandula.., 

Amektte  RonsardektU, 
Mignonneîte,  doucektte, 
Très-chère  hostesse  de  mon  corps, 
Tu  descends  là- bas  foibkktte, 
Pasle,  maigrekttc,  seukîk, 
Dans  le  froid  royaume  des  morts. 

En  plus  de  ceux-ci,  les  diminutifs  que  Ron- 
sard emploie  le  plus  volontiers  sont  ks  sui- 
vants, dont  fort  peu  d'ailleurs  sont  des  néolo- 
^ismes  : 

Argentelet,  Mignardeiet, 

Blanchet,  Mollet, 

Blondelet,  Mousselet, 

Brunet  et  brunelet,  Noiret, 

Camuset,  Paillardelet, 

Doucet  et  doucelet,  Pou-peret, 

Grasset,  Rouget, 

Greslet,  Tendret  et  tendrelet, 

Jeunet,  Verdelet, 

Jumelet,  Vermeillet. 

A  cette  liste  d'adjectifs  il  faut  ajouter  les 
diminutifs  des  noms,  ex.  :  archet  et  archclet 
(petit  arc),  archerot  (le  petit  archer  :  l'Amour), 
et  les  verbes  sauteler,  voleter,  trembloter,  pinçotcr, 
qui  sont  en  réalité  des  diminutifs  des  verbes 
sauter,  voler,  trembler,  pincer.  (H.  Estienne, 
Prie,  éd.  Feugère,  p.  ici.) 

Jusqu'ici  les  innovations  de  Ronsard  ne 
sont  pas  bien  nombreuses  :  il  n'en  est  pas  de 
même  des  adjectifs  composés. 


xl  ÉTUDE  SUR   Ronsard. 


ADJECTIFS    COMPOSES. 

Pour  créer  ses  adjectifs,  composés  à  la  façon 
des  Grecs,  il  a  recours  à  trois  procédés  diffé- 
rents. 

Il  les  forme  : 

r  En  accouplant  deux  substantifs  unis  ou 
non  par  un  trait  d'union  —  ou  deux  adjectifs 
—  ou  un  substantif  et  un  adjectif; 

2°  En  accouplant  un  adverbe  et  un  adjectif 
ou  un  participe  pris  adjectivement; 

3°  En  accouplant  un  verbe  à  un  mode  per- 
sonnel avec  un  substantif,  ou  un  adjectif  ou 
plus  rarement  un  adverbe. 

Premier  procédé.  —  Le  premier  de  ces  procé- 
dés est  moins  que  le  troisième  conforme  au 
génie  de  la  langue  française  :  c'est  aussi  celui 
que  Ronsard  a  le  moins  souvent  employé  :  il 
n'y  a  guère  dans  ses  œuvres  qu'une  vingtaine 
d'adjectifs  composés  de  cette  façon  :  dans  les 
uns  la  fusion  s'est  faite  entre  les  deux  parties 
du  mot;  dans  les  autres,  à  défaut  de  fusion, 
la  composition  est  marquée  soit  par  le  trait 
d'union,  soit  par  la  préposition  de.  Ce  sont  : 

Claire-voix,  Front-cornu, 

Chèvre -pied  et  pied-de-    Humble-fier  et  fier-humble, 

chèvre,  Homme-femme, 

Cuisse-né,  Pailevermeil, 

Dosailé,  Piedvite  et  vistepied, 

Doux-amer,  Sage-preux, 

Doux-fier  et  fier-doux,  Serpenspied, 

Fils-de-pluye,  Souple-jarret, 

Fils-d'œuf,  Verdgay. 


ÉTUDE  SUR  Ronsard.  xlj 

Deuxième  procédé.  —  Ronsard  a  formé  une 
cinquantaine  d'adjectifs  composés  à  l'aide 
d'un  adverbe  et  d'un  adjectif  ou  d'un  participe 
employé  adjectivement;  on  pourrait  dire 
qu'en  réalité  ce  ne  sont  pas  là  des  mots  com- 
posés :  car  on  peut  toujours  placer  un  adverbe 
de  manière  devant  un  adjectif  pour  en  modi- 
fier le  sens;  la  juxtaposition  devient  fusion  ou 
non  ;  ce  n'est  qu'une  question  d'orthographe. 
Mais  ce  qui  prouve  que  Ronsard  avait  bien 
l'idée  de  créer  de  cette  façon  des  mots  compo- 
sés, c'est  le  soin  qu'il  prend  régulièrement 
d'unir  par  un  trait  d'union  les  deux  parties 
des  mots  ainsi  formés. 

Les  adverbes  qu'il  emploie  de  préférence 
sont  bien  et  mal.  C'est  ainsi  qu'il  crée  : 

Bien-disant,    '  Bien-parlant, 

Bien-flairant,  Bien-chéri, 
Bien-appris  et  mal-appris,    Mal-plaisant, 

Bien-peigné,  Mal-pudique, 

Bien-né,  Mal-rongné, 

Bien-tournant,  Mal-caut, 

Bien-volant,  Mal-accoustré, 

Bien-aisé,  Mal-basty, 

Bien-ouvré,  Mal-paré, 

Bien-accompiy,  Mal-agencé, 

Bien-uni,  Mal-façonné, 

Bien-tourné,  Mal-rassis, 

Bien-habile,  Mal-tourné. 
Bien-germeux, 

Il  y  en  a  encore  quelques-uns  composés 
avec  la  négation  non,  suivie  d'un  adjectif  : 

Nompareil,  Non-oisif, 

Non-ocieux,  Non-dit. 


xlij  ÉTUDE   SUR   Ronsard. 

D'autres  enfin  formés  avec  demy,  haut,  aigu, 
peu,  tout,  toujours,  et  même  avec  deux-fois 
comme  préfixes  : 

Aigu-tournoyant,  Haut-tonnant, 

Demi-ceint,  Haut-célébrant, 

Demy-fleury,  Haat-élevant, 

Demy-grison,  Peusobre, 
Demy-panché  et  my-pen-    Tout-oyant, 

ché,  Tout-voyant, 

Deux-fois-né,  Toujoursverd. 

Troisième  procédé.  —  Le  troisième  mode  de 
formation  pour  les  adjectifs  composés  est  celui 
qui  est  le  plus  dans  le  génie  de  la  langue  ;  c'est 
aussi  celui  qui  se  rapproche  le  plus  du  pro- 
cédé grec  :  il  consiste  à  accoupler  un  verbe  à 
un  mode  personnel  (indicat.  prés,  y  pers.  du 
sing.)  avec  un  substantif,  un  adjectif  ou  un 
adverbe.  C'est  d'après  ce  système  de  forma- 
tion que  se  sont  jadis  constitués  les  mots 
couvre-chef,  garde-malade ,  garde-chasse,  etc.,  et 
bien  d'autres  encore  usités  aujourd'hui. 

Ronsard  en  a  créé  un  certain  nombre  qu'il 
emploie  comme  qualificatifs,  comme  épithètes 
de  nature  énonçant  un  trait  caractéristique 
d'un  être  ou  d'une  chose.  Remarquons  encore 
que  les  éléments  dont  il  forme  ces  adjectifs 
composés  sont  toujours  des  éléments  français  : 
ce  sont  tous  des  verbes  de  la  première  conju- 
gaison comme  aimer,  chasser,  irriter,  porter,  etc. , 
tantôt  suivis,  tantôt  précédés  d'un  substantif. 
Ex.  :  porteciel  (Atlas),  irriter  mer  (Aquilon), 
ronge-poumon  (la  toux),  etc. 

On  ne  peut  noter  qu'un  exemple  d'adjectif 


ÉTUDE   SUR   Ronsard.  xliij 

composé  d'un  verbe  et  d'un  adjectif  :  grippe- 
tout,  et  lés  deux  adjectifs  composés  marche-tard 
et  tire-loirij  créés  à  l'aide  d'un  verbe  et  d'un 
adjectif  employé  adverbialement  ou  d'un  ad- 
verbe. 
Voici  la  liste  de  ces  adjectifs  composés  : 


Aime-ris, 

Ajme-laine, 

Aime-fil, 

Aime-estaim, 

Ayme-rochers, 

Ayme-bois, 

Ayme-bal, 

Ayme-son, 

Brise-tombe, 

Chasse-nue, 

Couvre-cerveau, 

Domte-poullain, 

Donne-blé, 

Donne-vin, 

Donne-vie, 

Embrasse-terre, 

Esbranle-rocher, 

Guide-dance, 

Grippe-tout, 

Irrite-mer, 

Jour-apporte, 

Mange-sujet, 


Marche-tard_, 

Oste-soif, 

Oste-soin, 

Porteciel, 

Porte-epy, 

Porte-flame, 

Porte-brandon, 

Porte-proye, 

Porte-laine, 

Porte-maisons, 

Porte-couronnes, 

Porte-lance, 

Porte-fléau, 

Pousse-terre, 

Rase-terre, 

Ronge-pampre, 

Ronge-poumon, 

Songe-creux, 

Tire-loin, 

Tu-géans, 

Tue-Iyon, 

Trouble-cerveau. 


Cette  dernière  forme  de  composition  est 
éminemment  française.  La  vieille  langue  s'en 
servait  pour  créer  des  noms  propres  et  des 
noms  communs,  dont  on  retrouve  de  nombreux 
exemples  dans  les  chansons  de  gestes,  les 
fabliaux,  et  plus  tard  dans  les  œuvres  de  Vil- 
lon, de  Rabelais  et  de  leurs  contemporains. 


xliv  ÉTUDE  SUR  Ronsard. 

L'innovation  de  Ronsard  fut  de  créer  d'après 
ce  procédé  des  adjectifs  épithètes  :  ainsi  le 
vieux  français  avait  le  substantif  :  couvre-chef. 
Ronsard  en  fit  l'épithète  couvre-cerveau.  Ex.  :  la 
toge  couvre-cerveau. 

On  sait  maintenant  ce  qu'est  le  vocabulaire 
de  Ronsard  et  quel  rôle  secondaire  y  jouent, 
quoi  qu'on  en  ait  dit,  les  influences  gréco- 
latines  et  étrangères  :  il  nous  reste  à  conclure. 

Auparavant,  il  n'est  peut-être  pas  sans  inté- 
rêt de  rappeler  une  appréciation  que  porte 
sur  notre  poète  une  des  plus  renommées  parmi 
les  histoires  de  la  littérature  française  : 
c(  Venu  après  Rabelais  et  Calvin,  il  n'apprit 
«  pas  d'eux  à  tirer  son  langage  non  de  sa 
«  mémoire,  mais  de  son  cœur  et  de  sa  raison. 
«  De  là  cet  amalgame  de  langues  savantes  et  de 
«  patois  provinciaux,  bariolé  d'italien,  de  grec 
«  et  de  latin,  de  mots  savants  et  de  mots  de 
«  boutique;  vrai  pêle-mêle  d'audace  et  d'im- 
«  puissance,  d'inexpérience  et  de  raffinement, 
«  de  paresse  et  de  labeur,  qui  a  donné  à  Ron- 
ce sard  une  sorte  d'immortalité  ridicule...  C'est 
«  à  bâtir  ce  monstrueux  édifice  qui  devait 
«  crouler  après  lui,  que  Ronsard  passa  une 
«  assez  longue  vie...,  qualifié  de  prodige  de 
a  la  nature  et  de  miroir  de  l'art...  ;  pourcom- 
«  ble  de  fortune  mourant  avant  que  Malherbe, 
«  qui  avait  alors  trente  ans,  s'avisât  d'être 
a  poète...  »  Par  malheur  pour  M.  Nisard,  si 
ses  antithèses  sont  bien  pondérées,  son  affir- 
mation est  loin  d'être  exacte  et  conforme  à  la 
vérité. 

Car  non  seulement   Ronsard  et  son  école 


ÉTUDE   SUR   Ronsard.  xlv 

n'ont  pas  «  parlé  grec  et  latin  en  français  », 
mais  pour  qui  a  sans  parti  pris  étudié  les 
œuvres  de  la  Pléiade,  il  est  évident  (et  on  l'a 
démontré  contre  l'avis  de  Boileau...  et  de 
M.  Nisard)  que  la  Pléiade  a  réagi  contre  la 
tendance  qui  entraînait  les  écrivains  du  sei- 
zième siècle  à  abandonner  la  langue  nationale 
«  pour  déterrer  je  ne  sçay  quelle  cendre  des 
anciens  ».  Son  tort  principal  a  été  de  ne  voir 
les  idées  et  les  sentiments  modernes  qu'à  tra- 
vers le  voile  de  l'antiquité  et  de  ne  les  expri- 
mer qu'à  la  façon  des  Grecs  et  des  Latins  : 
c'est  ce  qui  explique  l'insuccès  de  sa  réforme. 
Mais  son  but,  ne  l'oublions  pas,  c'était  la 
défense  et  rdlustration  de  la  langue  :  cela  ressort 
clairement  du  manifeste  de  l'école  rédigé  par 
Joachim  du  Bellay. 

Si  quelques-uns  de  ses  amis  se  sont  peu  à 
peu  écartés  de  ce  programme,  Ronsard  ne 
peut  en  être  responsable;  car  pour  lui,  il  l'a 
fidèlement  accompli  et  a  su  s'affranchir  de 
semblables  erreurs  :  c'est  déjà  évident  pour  la 
forme  de  sa  poésie  :  car  s'il  invente  des  mètres 
qui  depuis  ont  été  repris  avec  succès  par 
l'école  romantique,  il  n'a  guère  imité  certains 
poètes  de  la  Pléiade  qui  cherchaient  à  modi- 
fier notre  prosodie  et  à  faire  des  vers  mesurés  à 
la  façon  des  Grecs  et  des  Latins  (Baïf  par 
exemple). 

C'est  encore  plus  évident  maintenant  pour 
la  langue  même  qu'il  emploie  :  car  l'on  voit 
ce  qu'il  faut  penser  de  ce  «  monstrueux  édi- 
fice »  de  langage  «  bariolé  d'italien,  de  grec 
et  de  latin  »  qu'on  lui  reprochait... 


xlvj  ÉTUDE   SUR   Ronsard. 

On  ne  peut  nier  que  Ronsard  ait  créé  des 
mots  nouveaux  (il  s'en  fait  gloire),  qu'il  en  ait 
même  voulu  créer  un  trop  grand  nombre;  et 
l'on  est  forcé  de  reconnaître  avec  Fénelon, 
dont  le  jugement  en  somme  est  assez  modéré 
et  assez  juste,  que  «  Ronsard  avait  trop  en- 
ce  trepris  tout  à  coup.  Il  avait  forcé  notre 
«  langue  par  des  inversions  trop  hardies  et 
«  trop  obscures...  Il  y  ajoutait  trop  de  mots 
((  composés  qui  n'étaient  point  encore  intro- 
«  duits  dans  le  commerce  de  la  nation...  » 

Passons  condamnation  sur  les  mots  compo- 
sés dont  Ronsard  a  peut-être  fait  abus  :  mais 
n'oublions  pas  que  ce  sont  là  presque  ses 
seules  innovations,  et  rappelons-nous  surtout 
que  ces  mots  sont  toujours  formés  d'après  le 
génie  de  la  langue  et  composés  d'éléments 
français...  Tout  se  réduit  d'ailleurs  à  une 
question  de  chiffres  :  tout  compte  fait,  et  en 
comprenant  dans  ce  total  les  mots  composés, 
les  noms  propres  et  leurs  dérivés,  il  n'y  a  guère 
dans  l'œuvre  de  Ronsard  que  deux  ou  trois 
cents  mots  grecs  ou  latins  (ou  formés  à  l'instar 
des  mots  composés  grecs),  aujourd'hui  dispa- 
rus, dont  la  plupart  étaient  couramment  em- 
ployés de  son  temps  et  qu'il  a  disséminés 
dans  plus  de  quatre-vingt  mille  vers.  Si  l'on 
voulait  reprendre  la  piquante  comparaison 
faite  par  M.  A.  Darmesteter  (Thèse  :  De  la 
création  actuelle  des  mots  nouveaux,  p.  173),  l'on 
verrait,  non  sans  surprise  peut-être,  que  Ron- 
sard emploie  moins  d'expressions  et  de  mots 
latins  que  nos  classiques  du  dix-septième 
siècle  en  général  et  que  Boileau  en  particulier,. 


ÉTUDE  SUR   Ronsard.  xlvij 

et  qu'une  page  de  Boileau,  qui  renferme  plus 
de  mots  de-  création  savante,  est  d'apparence  plus 
latine  et  plus  grecque  qu'une  page  du  poète 
condamné  par  lui. 

Il  est  vrai  que  cette  même  page  de  Ronsard 
offrira  peut-être  plus  de  difficultés  à  l'inter- 
prétation ;  mais  ces  difficultés,  loin  de  tenir  à 
son  vocabulaire,  proviendront  surtout  de  deux 
causes  :  V orthographe  et  la  syntaxe. 


xlviij         ÉTUDE  SUR   Ronsard, 


ORTHOGRAPHE 


Au  seizième  siècle,  l'orthographe  est  très 
capricieuse,  et  l'absence  de  règles  fixes,  de 
principes  immuables,  permet  de  dire  qu'elle 
n'existait  pas.  L'un  des  auteurs  de  la  Pléiade, 
Joachim  du  Bellay,  déclare  que  «  parmi  nous 
l'orthographie  estoit  aussi  diverse  qu'il  y  avoit 
de  sortes  d'escrivains  » .  {Œuvres  inédites^  in-8% 
1573,  f.  44.)  Chacun  avait  donc  son  orthogra- 
phe particulière  :  bien  plus,  le  même  écrivain 
ne  se  faisait  aucun  scrupule  de  varier  pour  le 
même  terme  sa  façon  de  l'écrire,  et  l'on  trou- 
vera, souvent  dans  la  même  page,  le  même 
mot  écrit  de  plusieurs  façons  différentes.  C'est 
ainsi,  par  exemple,  que  Rabelais  orthographie 
indifféremment  huile,  huyle,  huille,  de  même 
que  chez  Ronsard  bouclier  s'écrit  aussi  bien 
bouder  y  bouclalr,  que  bouclier. 

Déjà,  dès  cette  époque,  deux  écoles  contraires 
se  trouvaient  en  présence  :  l'une  qui  ralliait 
alors  la  plupart  des  écrivains  et  des  impri- 
meurs, et  qui  prônait  l'orthographe  étymolo- 
gique; l'autre,  n'ayant  qu'un  petit  nombre 
d'adeptes,  voulait  que  l'orthographe  fût  con- 
forme à  la  prononciation.  Les  chefs  de  cette 
école  furent  Maigret,  Pelletier,  Ramus;  mais 
leurs  efforts  échouèrent  ;  et  ce  qui  contribua 
surtout  à  l'insuccès  de  leur  réforme,  c'est 
qu'ils  étaient  d'origine  différente,  l'un  Lyon- 
nais, l'autre  Manceau,  le  dernier  Parisien,  et 


ÉTUDE   SUR   Ronsard.  xlix 

qu'ils  ne  purent  se  mettre  d'accord  sur  le  fon- 
dement même  de  leur  théorie,  sur  la  pronon- 
ciation. 

En  principe,  Ronsard  est  partisan  des  théo- 
ries orthographiques  de  Maigret,  et  nul  doute 
que,  sans  l'opposition  de  ses  amis  et  peut-être 
sans  une  certaine  prudence  naturelle,  il  les 
eût  appliquées  exactement  dans  ses  ouvrages. 

Il  dira  bien  au  début  de  son  Advertissement 
au  lecteur  (t.  II,  p.  14)  :  «  J'avois  délibéré, 
lecteur,  de  suivre  en  l'orthographe  de  mon 
livre  la  plus  grand'  part  des  raisons  de  Louys 
Maigret,  homme  de  sain  et  parfait  jugement 
■qui  a  le  premier  osé  dessiller  les  yeux  pour 
voir  l'abus  de  nostre  escriture...  »;  mais 
«  l'opiniastre  avis  des  plus  célèbres  ignorans 
de  son  temps  »  l'en  empêcha,  et  cette  décla- 
ration, présentée  à  l'état  de  plus-que-parfait, 
restera  platonique;  car  après  avoir  loué  si 
expressément  la  tentative  de  Maigret,  il  termi- 
nera en  nous  annonçant  qu'on  ne  trouve  en 
ses  écrits  que  «  quelques  marques  de  ses 
raisons  ». 

En  réalité,  Ronsard  n'appartient  à  aucune 
école  orthographique.  Ainsi  que  l'a  remarqué 
M.  Becq  de  Fouquières  (Œuvres  choisies  de  Ron- 
sard, préface),  «  comme  tous  les  poètes  de 
son  temps,  Ronsard  en  use  fort  librement  avec 
l'orthographe  ;  il  la  modifie  à  chaque  instant, 
parfois  sans  nécessité,  écrivant  un  mot  de 
trois  ou  quatre  façons  différentes,  mais  le  plus 
souvent  pour  la  mesure  ou  pour  la  rime, 
ajoutant  ou  rejetant  des  lettres,  faisant  per- 
muter les  unes  avec  les  autres,  modifiant  les 

Lex.  Ronsard.  d 


j  Etude   sur   Ronsard. 

sons  et  ne  faisant  aucune  distinction  entre  les 
nasales...  « 

C'est  dans  son  Abrégé  de  l'Art  poétique  (t.  VII^ 
p.  317)  et  dans  V Advertlssement  au  lecteur ,  mis 
en  tête  des  Oties  (t.  II,  p.  14),  que  Ronsard  a  ré- 
sumé ses  théories  orthographiques;  et,  à  pre- 
mière vue,  l'on  peut  remarquer  qu'il  se  préoc- 
cupe peu  de  concilier  ses  principes  avec  ceux 
de  Maigret,  dont  il  se  dit  si  fort  partisan.  S'il 
réclame  en  effet  la  suppression  de  Vy  étymo- 
logique, sauf  dans  les  noms  grecs  non  encore 
francisés,  des  consonnes  superflues  comme  le 
double  ce  dans  accorder  (qu'il  écrit  acorder), 
du  ph  qu'il  remplace  par  /  selon  l'orthogra- 
phe italienne,  d'autre  part,  en  nombre  de  cas,, 
il  adopte  l'accent  aigu  et  réclame  la  création 
de  nouveaux  signes  pour  i  et  u  consonnes 
(j  et  v),  pour  //  mouillé,  gn  {n  espagnol)  et 
ch,  ainsi  que  la  restitution  du  k  et  du  z,  qu'il 
demande  «  de  remettre  en  leur  premier  hon- 
neur ». 

En  outre,  beaucoup  d'exemples  permettent 
de  constater  chez  Ronsard  la  préoccupation, 
de  faire  revivre  certaines  lettres  que  l'étymo- 
logie  réclame  et  que  l'usage  avait  dès  lors 
supprimées.  Il  est  vrai  que  cette  préoccupation 
de  l'étymologie  ne  lui  est  pas  particulière  : 
elle  est  commune  aux  écrivains  de  son  siècle; 
mais  souvent  Ronsard  s'y  astreint  dans  des  cas 
où  des  contemporains  se  sont  montrés  plus 
indépendants.  C'est  ainsi  qu'il  écrit  sans  ex- 
ception dette  pour  dette,  aureilles  pour  oreilles. 

Mais  souvent  aussi  il  arrive  que,  sous  pré- 
texte de  rétablir  l'orthographe  étymologique. 


ÉTUDE  SUR  Ronsard.  Ij 

Ronsard,  comme  ses  contemporains  d'ailleurs, 
a  surchargé  certains  mots  de  lettres  inutiles  et 
parfois  même  de  lettres  qu'ils  n'ont  eu  ou 
n'auraient  dû  avoir  à  aucun  moment  de  leur 
existence. 

Néanmoins,  malgré  cette  libre  fantaisie 
appliquée  à  l'orthographe,  Ronsard  est  en 
somme  assez  modéré;  et  tout  compte  fait,  il 
se  trouvera  encore  plus  voisin  de  l'orthographe 
moderne  que  tels  de  ses  contemporains,  Ro- 
bert Estienne  par  exemple  ou  Rabelais. 

A  l'occasion  aussi,  et  cela  assez  souvent,  il 
s'affranchit  délibérément  de  ses  scrupules  :  il 
semble  même  en  ce  cas  faire  effort  pour  s'éloi- 
gner le  plus  possible  de  l'orthographe  étymo- 
logique, et  pour  en  donner  aux  mots  une  qui 
soit,  à  son  sens  du  moins,  plus  véritablement 
française,  plus  conforme  au  génie  original  de 
la  langue  :  «  Tu  éviteras,  dit-il,  toute  ortho- 
graphie superflue  et  ne  mettras  aucunes  lettres 
en  tels  mots  si  tu  ne  les  profères  :  au  moins 
tu  en  useras  le  plus  sobrement  que  tu  pourras 
en  attendant  meilleure  réformation.  »  {Art 
poétique,  t.  VII,  p.  334.)  C'est  l'orthographe 
rationnelle  qu'il  recommande  ici  en  proposant 
d'orthographier  écrire  et  non  escripre.  Tantôt 
aussi  il  admet  une  sorte  de  compromis  entre 
l'orthographe  française  et  la  latine;  c'est  à 
cette  fluctuation  de  ses  principes  qu'il  faut 
attribuer  les  mots  écrits  comme  ny  pour  nid 
(de  nidam)y  œle,  aile  ou  œsle  pour  aile  (de  alam). 
Le  respect  de  l'étymologie  lui  fera  employer 
couramment  e  dans  les  mots  comme  meur, 
seur  (mûr,  sûr),  d'où  il  a  disparu  aujourd'hui, 


lij  ÉTUDE   SUR   Ronsard. 

remplacé  par  l'accent  circonflexe,  et  dans  les 
participes  de  la  quatrième  conjugaison.  Ex.  : 
reçeu,  repeu,  pour  reçu,  repu. 

Par  contre,  la  tendance  opposée  l'entraînera, 
ainsi  que  nombre  de  ses  contemporains,  à 
mettre  dans  les  syllabes  finales  )'  à  la  place  de 
i.  Ex.  :  icy^  ny,  soarcy,  j'uy,  'fentendrayj  etc. 

De  même  il  redoublera  volontiers  certaines 
consonnes,  en  particulier  /  et  t,  pensant  par  là 
donner  aux  mots  qu'il  emploie  plus  de  nom- 
bre et  d'harmonie;  et  c'est  ainsi  qu'il  écrira 
parolle,  fidelle,  souhaitte,  planette,  etc. 

Parfois  aussi,  pour  «  faire  sa  rime  plus  so- 
noreuse  ou  parfaite  »  {Advertissement  au  lecteur, 
t.  II,  p.  17),  Ronsard  substitue  une  voyelle  à 
une  autre  et  change  e  en  a  ou-  a  en  e.  C'est 
ainsi  qu'il  écrit  indifféremment  empaner  et  em- 
penner,  parrein  et  marreine  i^our  parrain,  marraine, 
veincu,  veinqueur,  evidant;  ardant,  etc.  «  Et  si 
quelqu'un,  dit-il,  par  curieuse  opinion  plutôt 
que  par  raison,  se  colère  contre  telle  honteuse 
liberté,  il  doit  apprendre  qu'il  est  ignorant 
en  sa  langue,  ne  sentant  point  que  e  est  fort 
voisin  de  la  lettre  a,  voire  tel  que  souvent, 
sans  y  penser,  nous  les  confondons  naturelle- 
ment, comme  en  vent...  »  [Advertissement  au 
lecteur,  l.U,  p.  17.)  C'est  une  liberté  concédée 
aux  poètes,  et  si  le  lecteur  ne  se  contente  pas 
de  ces  raisons,  «  qu'il  regarde,  ajoute-t-il,  la 
liberté  des  Grecs  et  des  Latins,  qui  muent  et 
changent,  changent  et  remuent  les  lettres  ainsi 
qu'il  leur  plaist,  pour  obéir  au  son  ou  à  la 
forçante  loi  de  leurs  vers,  comme  xpa^ia  pour 
xapSia,  oUi  pour  au...  )■>  (T   II,  p.  17.) 


ÉTUDE   SUR   Ronsard.  liij 

Aussi  n'hésite-t-il  guère  à  modifier  l'ortho- 
graphe usuelle  selon  ses  besoins,  et  à  l'occa- 
sion il  va  jusqu'à  transposer  dans  le  corps  des 
mots  certaines  lettres. 

Dans  les  mots  composés,  Ronsard  se  préoc- 
cupe le  plus  souvent  de  rappeler  distinctement 
les  éléments  de  la  composition;  pour  éveiller 
l'attention,  il  n'oublie  guère  le  signe  sensible, 
trait  d'union  ou  apostrophe.  Ainsi  il  écrit 
réassembler  y  r^  appeler ,  vray-semblablej  humble-fier 
et  fier-humble,  etc.  ;  rarement  les  deux  mots 
sont  entièrement  fondus  ensemble. 

Mais  ce  qu'il  y  a  certainement  de  plus  cu- 
rieux à  noter,  ce  sont  les  façons  diflférentes 
dont  Ronsard  écrit  chaque  nom  propre  ;  là  en 
effet  il  se  permet  à  peu  près  toutes  les  libertés  : 
on  aura  par  exemple  tantôt  Anchilochej  tantôt 
Archiloc  (ArchWoque) jHerodes,Brenne  (Brennus), 
Perse  (Persée),  Béart  (Béarn),  Rosne  (Rhône), 
Chambour  (Chambord),  Lucresse  (Lucrèce),  Dele 
(Délos),  Couligny  et  Colligny,  Narssis  et  Narcisse, 
Neptan  et  Neptune,  Valecluze  (Vaucluse),  Noroué- 
gue  (Norvège).  Il  est  juste  de  dire  que  généra- 
lement ces  modifications  orthographiques  ne 
sont  que  des  sacrifices  faits  à  la  mesure  et 
surtout  à  la  rime. 

On  sait  là-dessus  quelle  était  l'opinion  de 
Ronsard.  Il  jugeait  que,  pour  la  rime,  il  était 
permis  au  poète  d'ajouter  selon  le  besoin  ou 
de  retrancher  dans  les  mots  certaines  lettres, 
et  il  usa  largement  de  cette  liberté. 

Dans  son  Abrégé  de  l'Art  poétique  (t.  III, 
p.  328),  on  lit  ceci  :  «  Tu  mettras 

Contre  Mezance  Ené'  branla  sa  picque. 


liv  ÉTUDE   SUR  Ronsard. 

«  Autant  en  est-il  des  vocables  terminez  en 
oue  et  ue,  comme  roue,  joue,  nue,  venue,  et 
mille  autres  qui  doivent  recevoir  syncope  au 
milieu  de  ton  vers.  Si  tu  veux  que  ton  poème 
soit  ensemble  doux  et  savoureux,  pource  tu 
mettras  rou\  joa',  nu\  contre  l'opinion  de 
tous  nos  maistres  qui  n'ont  de  si  près  avisé  a 
la  perfection  de  ce  mestier...  »  Puis,  quelques 
lignes  plus  loin,  pour  les  mois  fort,  ort,  accort, 
renart,  art,  s'ils  doivent  rimer  avec  or,  char,  etc., 
il  permet  de  supprimer  «  par  licence  la  der- 
nière lettre  »  f  du  mot  fort,  d  du  mot  fard,  etc., 
et  de  mettre  «  simplement  for  avec  l'apostro- 
phe/or'  »  ;  de  même  pour  far',  s'il  rime  avec 
char. 

Ronsard  autorise  encore  la  syncope  de 
corne  (comme)  en  corn',  de  donnera,  sautera,  et 
autres  formes  analogues  en  don'ra,  saufra. 

«  Tu  pourras,  dit-il  ailleurs,  à  la  mode  des 
Grecs  qui  disent  ouvoLta  pour  ovo;jia,  adjouter 
un  u  après  un  o  pour  faire  la  ryme  plus  riche  et 
plus  sonante,  comme  troupe  pour  trope,  Callioupe 
pour  Calliope.,.  »  {Abrégé  de  l'Art  poétique, 
t.  VII,  p.  329.) 

Mais  par  contre,  si  la  rime  le  demande,  il 
supprimera,  sans  le  moindre  scrupule.  Vu 
après  l'o  et  écrira  aussi  bien  trope  pour  troupe, 
espose  pour  espouse. 

Si  la  rime  autorise  bien  des  modifications 
dans  l'orthographe  des  mots,  la  mesure  du 
vers  en  autorise  d'autres.  Ainsi,  comme  nous 
l'avons  vu  plus  haut,  on  peut  syncoper  don- 
nera, sautera,  ruera,  en  don'ra,  saut'ra,  ru'ra,  etc. 
Souverain,  tourterelle,  devïennQnl  souv'rain,  tour- 


ÉTUDE  SUR   Ronsard.  Iv 

frelle.    Animoit    (imparf.    indic.    de    animer) 
s'abrège  en  a'moit. 

Les  pronoms  mêmes  subissent  des  abrévia- 
tions; pour  les  pronoms  de  la  troisième  per- 
sonne Icy  la,  cela  n'a  rien  d'étonnant  et  est 
conforme  à  la  règle;  mais  Ronsard  va  plus 
loin  :  car  selon  le  besoin  elle  deviendra  eW  ou 
^r.  Ex.  :  «  Eli'  s'arme.  » 

Un  des  exemples  les  plus  frappants  de  la 
liberté  que  Ronsard  prend  avec  les  mots  est 
fourni  par  le  verbe  avoir.  Ce  verbe  fréquem- 
ment employé  dans  notre  langue,,  puisque, 
indépendamment  de  son  sens  propre,  il  sert 
d'auxiliaire  à  une  foule  d'autres  verbes,  peut 
dans  certains  cas  être  gênant  pour  la  mesure 
du  vers  :  que  fait  alors  Ronsard  t  il  l'abrège, 
et  de  l'interrogation  Avez-vous^  il  fera  par 
syncope  «  A' vous ^  »  (T.  I,  p.  19.) 

La  mesure  réclame-t-elle  un  mot  de  trois 
syllabes,  alors  que  le  vocabulaire  ne  lui  four- 
nit qu'un  dissyllabe  pour  exprimer  son  idée, 
Ronsard  ne  sera  pas  plus  embarrassé  :  ce  mot, 
il  le  transformera  en  un  trissyllabe  en  redou- 
blant la  syllabe  initiale  :  ainsi  flottant  devien- 
dra, flo-flotmt.  (T.  Il,  p.  348.) 

Enfin  il  nous  reste  à  signaler  la  plus  impor- 
tante peut-être,  mais  certainement  la  plus 
utile,  des  innovations  orthographiques  de 
notre  poète  :  c'est  d'ailleurs  la  seule  qui  lui 
ait  survécu. 

Préoccupé  par-dessus  tout  de  donner  à  ses 
vers  un  tour  harmonieux,  il  avait  été  frappé 
de  ce  qu'offre  de  rude  et  de  désagréable  à 
l'oreille  la  rencontre  du  verbe  dans  ses  formes 


Ivj  ÉTUDE   SUR   Ronsard. 

terminées  en  a,  aura,  aima,  a,  aimera,  et  d'un 
des  pronoms  //  ou  elle;  l'ancienne  langue 
n'avait  rien  fait  pour  l'éviter,  et  jusqu'à  lui 
l'on  disait  et  l'on  écrivait  couramment  : 
aime-il,  aime-elle  (ici  l'élision  faisait  disparaître 
l'hiatus),  aima-il,  aima-elle  ,  a-il,  a-elle.  Dési- 
reux de  supprimer  la  cacophonie  qui  résulte 
de  cet  hiatus,  Ronsard  créa  le  t  euphonique 
qui,  intercalé  entre  les  deux  voyelles,  en 
adoucit  le  son.  Ex.  :  au  lieu  de  a-elle,  a-t-elle 
(t.  I,  p.  206,  Var.  et  note  2)  ;  aymera-t-il  et 
non  aymera-il,  modification  heureuse  qui  a  été 
conservée. 

C'est  Rémi  Belleau,  dans  ses  Commentaires 
sur  le  second  livre  des  Amours  (  i  ^  60  et  i  ^  67),. 
qui  attribue  à  Ronsard  l'invention  du  t  pho- 
nique. Peut-être  y  a-t-il  quelque  inexactitude 
dans  cette  assertion  :  car  l'on  trouve  déjà 
dans  Pathelin  : 

A'vous  mal  aus  dens,  Maistre  Pierre  ? 

■.'Cet  usage  n'a-t-il  pas  plutôt  commencé  par 
le  peuple,  qui  dut  prononcer  aima-t-il  par  ana- 
logie avec  finit-il,  reçut-il,  puis  aime-t-il,  bien 
avant  qu'on  l'écrivît  ?  Ronsard  n'aurait  eu 
alors  que  le  mérite  de  généraliser  cet  usage 
par  l'exemple  qu'il  donna. 

Tels  sonf,  sauf  erreur,  les  points  les  plus  frap- 
pants et  les  plus  caractéristiques  de  l'ortho- 
graphe de  Ronsard.  Pour  ce  qui  est  de  l'or- 
thographe de  son  siècle,  on  n'a  qu'à  se  reporter 
aux  nombreux  travaux  faits  sur  l'orthographe 
et  la  prononciation  au  seizième  siècle.  (Ambr. 
F.  Didot,   A.  Darmesteter,   C.  Thurot,  etc.) 


ÉTUDE  SUR  Ronsard.  Ivij 

Nous  n'ayons  enregistré  ici  que  les  particula- 
rités orthographiques  propres  à  notre  poète  : 
encore  ne  faudrait-il  pas  croire  qu'il  soit 
constamment  resté  fidèle  à  ses  principes.  Il 
prend  d'ailleurs  soin  de  s'en  excuser  lui-même 
{Advertissement  au  lecteur,  t.  II,  p.  17)  :  «  Si  tu 
m'accuses,  dit-il,  d'estre  trop  insconstant  en 
l'orthographe  de  ce  livre...,  tu  t'en  dois  cole- 
rer  contre  toy  mesme,  qui  mefaisestre  ainsi, 
cherchant  tous  les  moyens  que  je  puis  de  ser- 
vir aux  oreilles  du  sçavant,  et  aussi  pour 
accoustumer  le  vulgaire  à  ne  regimber  contre 
l'éguillon  lors  qu^on  le  piquera  plus  rudement, 
monstrant  par  cette  inconstance  que,  si  'festois  reçeu 
en  toutes  les  saines  opinions  de  l^ orthographe,  tu  ne  ■ 
trouverois  en  mon  livre  presque  une  seule  forme  de 
hscriture  que  sans  raison  tu  admires  tant,  t'assu- 
rant  qu'à  la  seconde  impression  je  ne  feray  si 
grand  tort  à  ma  langue -que  de  laisser  estran- 
gler  une  telle  vérité  sous  couleur  de  vain 
abus...  »  C'est  bien  ainsi  que  devait  s'expri- 
mer un  partisan  des  «  doctes  opinions  »  de 
Maigret  :  pour  ne  pas  effaroucher  les  partisans 
des  usages  reçus,  pour  accoutumer  peu  à  peu 
le  lecteur  aux  modifications  profondes  que 
préconisait  Maigret,  il  devait  lui  présenter 
cette  inconstance  même  dont  il  s'accuse  comme 
la  conséquence  des  idées  préconçues  du  public. 
Il  était  encore  dans  son  rôle  en  lui  annonçant 
des  changements  plus  grands  encore  dans  ses 
éditions  subséquentes.  Mais,  comme  bien  des 
novateurs,  Ronsard  montra  plus  d'audace  que 
de  persévérance,  et  l'examen  de  ses  oeuvres 
prouve  que  sa  ferveur  se  refroidit  vite...  La 


Iviij  ÉTUDE   SUR   Ronsard. 

tentative  de  Maigret  avait  d'ailleurs  bientôt 
avorté,  combattue  par  Guillaume  Des  Autels 
que  soutenait  le  public,  et  tuée  par  le  ridicule. 
Aussi  voit-on  le  plus  souvent  la  pratique  de 
Ronsard  en  désaccord  ou  même  en  opposition 
avec  sa  théorie  :  il  eut  trop  de  prudence  pour 
s'obstiner  à  défendre  une  cause  perdue  d'avance, 
et  trop  de  fantaisie  pour  s'astreindre  à  des 
règles  fixes  :  ou  plutôt  il  n'eut  de  règle  que 
son  caprice  ;  et  l'on  peut,  pour  conclure  cette 
étude  sur  son  orthographe  particulière,  dire 
qu'il  y  eut  en  lui  deux  hommes  :  l'un  prônant 
avec  ardeur  une  méthode  qu'il  jugeait  très 
digne  d'illustrer  la  langue,  l'autre  trop  éclairé 
•et  trop  circonspect  pour  la  pratiquer  résolu- 
ment. 


ÉTUDE   SUR   Ronsard.  lix 


SYNTAXE 


C'est    une    opinion    communément    reçue 
qu'à  toutes  les  époques  de  notre  littérature 
nos  meilleurs  écrivains,  et  surtout  les  poètes, 
ont  su  s'affranchir  des  règles  étroites  de  la 
grammaire,  et  l'on  va  répétant  que  par  d'heu- 
reuses hardiesses  de  pensée  et  d'expression, 
par  l'emploi   de  tours  de  phrase  habilement 
choisis  ou  inventés,  la  plupart  se  sont  créé, 
en  quelque  sorte,   une  syntaxe  particulière. 
Mais  ne   confond-on  point  en  pareil  cas  la 
syntaxe    et   le  style  t   Si  l'on  veut  dire  que 
chaque  écrivain   a   sa  manière,  qui    lui    est 
propre,  d'exposer  ses  idées  et  ses  sentiments, 
rien  n'est  plus  vrai,  et,  selon  le  mot  de  Buffon, 
a  le  style,  c'est  l'homme  même  j)  ;   mais  si 
l'on  en  veut  conclure  que  chacun  a  sa  gram- 
maire particulière,  rien  ne  sera  plus  contes- 
table.JPour  Ronsard,  en  particulier,  ce  serait 
absolument  faux  :  car,  à  très  peu  de  chose 
près,  sa  syntaxe  est  conforme  à  celle  de  ses 
contemporains;  et  si  parfois  elle  semble  ca- 
pricieuse et  fantaisiste,  il  ne  faut  pas  oublier 
qu'avec  un  poète  de  verve  et  de  premier  jet 
l'on  ne  doit  point  trop  s'embarrasser  de  scru- 
pules grammaticaux,  et  que,  d'ailleurs,  ces 
scrupules  seraient  d'autant  moins  justifiés  que 
la  syntaxe  encore  incertaine  et  hésitante  au 
seizième  siècle    autorisait   plus   de   licences 
qu'aujourd'hui. 


Ix  ÉTUDE  SUR  Ronsard. 

Nous  nous  bornerons  à  signaler  les  parti- 
cularités syntaxiques  propres  à  Ronsard,  en 
passant  en  revue  tour  à  tour  les  différentes 
parties  du  discours. 


ARTICLE. 

Dans  l'état  actuel  de  la  langue,  l'article  sert 
à  déterminer  tantôt  des  substantifs  concrets j 
tantôt  des  substantifs  abstraits. 

Les  substantifs  concrets  se  subdivisent  en 
noms  propres,  noms  communs  et  noms  de  matière. 

Les  noms  propres  comprennent  les  noms 
géographiques  (noms  de  pays,  de  fleuves,  de 
montagnes,  etc.)  et  les  noms  de  personnes. 

Avec  les  noms  géographiques,  l'ancienne  lan- 
gue supprimait  l'article,  habitude  qui  subsista 
durant  la  première  moitié  du  seizième  siècle. 

Ronsard  omet  quelquefois  l'article  devant 
les  noms  géographiques,  mais  il  préfère  l'em- 
ployer :  c'est  ainsi  qu'on  trouve  dans  ses 
œuvres  : 

SUPPRESSION    DE    l'ARTICLE. 

Ceux  qui  habitent  Niphate.  (II,  p.  19J.) 
Les  gras  rivages  d'Euphrate.  (II,  p.  19J.) 
•  Ceux  de  Vendomois... 
Ceux  d'Anjou...  (I,  p.  230.) 

EMPLOI    DE    l'article. 

Ton  premier  aisné  François 

Régira  l'Europe  sienne.  (II,  p.  194.) 

Le  Loir  tard  à  la  fuite,  (il,  p.  155.) 

Pour  commander  seul  à  la  France.  (II,  p.  23.) 


ÉTUDE   SUR   Ronsard.  Ixj 

Avec  les  noms  propres  de  personnes  on 
n'emploie  pas  l'article  :  mais  souvent  chez 
Ronsard  les  héros  ou  les  dieux  de  la  mytho- 
logie sont  désignés  par  des  surnoms,  des  ad- 
jectifs pris  substantivement  :  en  ce  cas  ces 
surnoms  devraient  être  précédés  toujours  de 
l'article.  Ex.  : 

...  la  harpe  du  Delien.  (II,  p.  75.) 

La  contentieuse  querelle 

De  Minerve  et  du  Cronien.  (II,  p.  75.) 

Mais  Ronsard  le  supprime  aussi  devant 
certains  surnoms  plus  usités  : 

Mais  les  soucis  et  les  pleurs 

Sont  sacrez  à  Cytherée.  (II,  p.  270.) 

Avec  les  noms  communs  la  suppression  de 
l'article  est  plus  rare  :  cependant  on  la  con- 
state dans  les  cas  011  l'usage  pratique  l'autorise 
encore. 

i"  Quand  il  équivaut  à  l'indéfini  quelconque  : 

Rocs,  eaux,  ne  bois,  ne  logent  point  en  eux 
Nymphe  qui  ait  si  follastres  cheveux.  (I,  p.  25.) 

2"  Devant  les  substantifs  attributs  ou  régi- 
mes pris  dans  un  sens  tout  à  fait  indéfini. 
Ex.  : 

Le  style  prosaïque  est  ennemi  capital  de  l'éloquence 
poétique. 

Tu  enrichiras  ton  poème  par  varietez  prises  de  la  nature. 

(Fr.,  préface.) 
Le  peuple  oisifj  pour  nouvelles  apprendre, 
Droit  en  la  place  en  foule  se  vint  rendre.  (III,  p.  6j.) 
Heureux,  cent  fois  heureux,  si  le  Destin 
N'eust  emmuré  d'un  rempart  aimantin 
Si  chaste  cœur  dessous  si  belle  face.  (I,  p.  4.) 

f 


Ixij  ÉTUDE  SUR   Ronsard. 

w  Avec  les  noms  de  matière,  Ronsard  supprime 
aussi  quelquefois  l'article  : 

Trèfle  et  sain-foin  leur  donna  pour  pasture.  (III,  p.  68.) 

Dans  son  Art  poétique,  Ronsard  écrit  :  «  Tu 
n'oublieras  jamais  les  articles  et  tiendras  pour 
tout  certain  que  rien  ne  peut  tant  défigurer 
ton  vers  que  les  articles  délaissez.  »  Cette 
déclaration  ne  l'empêche  pas  à  l'occasion  de 
supprimer  l'article  avec  les  noms  abstraits, 
conformément  à  l'usage  de  l'ancienne  langue  : 

Nature  ornant  Ja  dame...  (I,  p.  2.) 

Et  toutefois,  Ronsard,  ils  disoient  vérité.  (V,  p.  190.) 

Enfin  l'on  constate  couramment  au  seizième 
siècle  et  par  suite  chez  Ronsard  l'absence  de 
l'article  défini  avec  les  adjectifs  indéfinis  même 
et  tout  et  de  l'article  indéfini  avec  autre  et  tel. 
Ex.  : 

Incontinent  par  toute  Chaonie 

Se  respandit  une  tourbe  infinie.  (III,  p.  61.) 

Ceux  que  tu  vois  d'un  visage  si  blesme 

Couchez  icy  ont  eu  fortune  mesme, 

De  mesmeVûle,  issus  de  mesme  part.  (III,  p.  104.) 

Cherchons  autre  chemin.  (V,  p.  181.) 

Pource,  Troyen,  ne  commets  tclU  faute.  (III,  p.  242.) 


SUBSTANTIF. 

.3: 

-L'emploi    des    substantifs    chez    Ronsard 
donne  lieu  à  deux  sortes  de  remarques  : 
1°  Relativement  à  leur  genre. 
2°  Relativement  à  leur  fonction. 


ÉTUDE   SUR   Ronsard.  Ixiij 


GENRE. 

Dans  son  Esclaircissement  de  la  langue  fran- 
çaise, au  début  du'  seizième  siècle,  Palsgrave 
constate  que  six  noms  seulement  sont  du  genre 
commun,  c'est-à-dire  tantôt  masculins,  tantôt 
féminins  :  affaire,  évangile,  meurs,  navire,  val, 
gent.  A  la  fin  du  seizième  siècle,  le  nombre  en 
avait  considérablement  augmenté,  et  l'on  en 
pouvait  compter  une  cinquantaine  environ  : 
Ronsard  n'en  offre  qu'un  petit  nombre.  Voici 
les  principaux  :  abysme,  âge,  erreur,  espace,  hor- 
reur, image,  navire,  œuvre,  ombre,  poison.  (V.  Lexi- 
que.) 

FONCTION. 

Au  point  de  vue  de  leur  fonction,  on  notera 
la  remarques  suivante. 

A  l'exemple  du  grec  et  du  latin,  Ronsard 
emploie  fréquemment  le  substantif  d'une  ma- 
nière absolue,  sans  préposition,  pour  marquer 
une  circonstance  de  temps,  de  lieu,  de 
manière,  etc.  Ex.  : 

si  est  ce  que  la  voix  des  plus  braves  poètes 
De  peur  fut  enrouée,  et  le  vent  de  leur  sein 
Ne  sortit  pour  enfler  la  trompette  d'airain, 
Chacun  craignant  sa  vie  en  saison  si  douteuse. 

Encore  ici  peut-on  admettre  qu'il  emploie 
le  verbe  craindre  comme  transitif  :  ailleurs 
l'exemple  est  plus  probant  et  vraiment  de 
tournure  grecque  : 


Ixiv  ÉTUDE   SUR   Ronsard. 

Là  vénérable  en  une  robe  blanche, 
Et  couronné  la  teste  d'une  branche, 
Divin  Muret,  tu  nous  liras  Catulle.  (VI,  p.  176. 


ADJECTIF. 


Pour  les  adjectifs,  il  y  a  à  considérer  leur 
accord  avec  le  substantif  et  leur  place. 

Accord.  —  L'adjectif  grand  persiste  sous  sa 
forme  ancienne  pour  le  féminin  grand.  Ex.  : 

Par  les  forests  erre  ceste  grand  bande.  (III,  p.  61.) 
...  de  grands  fiâmes  ardantes.  (V,  p.  197.) 
...  de  grands  cruches  profondes.  (V,  p.   197.) 

Les  autres  adjectifs  se  conforment  à  la  règle 
actuellement  existante  ;  mais  dans  certains 
cas  Ronsard  les  fait  accorder  là  où  la  langue 
moderne  a  supprimé  l'accord.  Ex.  : 

En  rechignant  s'en  est  allée 

Nuds  pieds  et  toute  eschevelée.  (II,  p.  29.) 

Dans  d'autres  cas,  pour  la  rime,  Ronsard 
fera  accorder  l'adjectif,  employant  une  tour- 
nure grecque  vicieuse  en  français.  Ex.  : 

...  vous  jurastesvos  yeux 
D'estre  plutost  que  moi  ce  matin  esveillée  : 
Mais  le  dormir  de  l'aube,  aux  filles  gracieux, 
Vous  tient  d'un  doux  sommeil  encor  les  yeux  sillà. 

Les  adjectifs  terminés  au  féminin  par  une 
voyelle  conservent  cette  voyelle  dans  la  for- 
mation des  adverbes  en  ment.  Ex.  :  vrayemenî, 
gayementj  sanglantement. 

Aujourd'hui,  tout  adjectif  (adj.  indéf.,  arti- 
cle)  qui    modifie   plusieurs  substantifs    doit 


ÉTUDE  SUR   Ronsard.  Ixv 

être  répété  devant  chacun  d'eux  :  la  syntaxe 
au  seizième  siècle  laissait  plus  de  liberté  à 
l'écrivain  :  la  répétition  n'était  pas  obligatoire, 
et  c'est  ainsi  que  Ronsard  a  pu  dire  : 

...  le  bon  poète  jette  tousjours  le  fondement  de  son  ouvrage 
sur  quelques  vieilles  annales  du  temps  passé  ou  renommée 
invétérée.  (III,  p.  23.) 

...  Discours  de  /'altération  et  changement  des  choses 
humaines.  (VI,  p.  125.) 

La  langue  moderne  exagérait  la  répétition 
de  l'indéfini  quelques  dans  le  premier  exemple 
et  de  l'article  le  dans  le  second. 

Place.  —  Chez  Ronsard,  comme  chez  ses 
contemporains,  la  place  de  l'adjectif  est  à  peu 
près  la  même  que  dans  la  poésie  moderne. 
Mais  quand  l'adjectif  est  une  épithète  de  nature 
ou  qu'il  énonce  une  qualité  propre  et  essen- 
tielle d'un  être  ou  d'une  chose,  il  précède 
presque  toujours  le  substantif.  Ex.  : 

Le  chœur  des  Piérides  Muses.  (II,  p.  95.) 
Tu  tri'ras  les  plus  vaillans 

Bataillans 
De  \di  française  jeunesse.  (II,  p.  194.) 
Les  dons  d'Apollon  dont  se  vid  embellie 
Quand  Pétrarque  vivoit,  sa  native  Italie. 

(^,  XXXIII,  t.  IV,  p.  3J7.) 


La  langue  moderne  exige  que  deux  adjectifs 
1  qualifiant  un  seul  et  même  substantif  soient 
\  unis  par  la  conjonction  et  :  au  seizième  siècle 
T\\\  n'en  était  pas  de  même,  et  Ronsard  emploie 
I  couramment  deux  adjectifs  pour  qualifier  un 
"^   même  nom. 

Une  diverse  amoureuse  langueur.  (I,  p.  86.) 
Lex.  Ronsard.  t 


Ixvj  ÉTUDE  SUR   Ronsard. 

Pluriel.  —  La  formation  du  pluriel  dans  les 
noms  et  les  adjectifs  n'offre  rien  de  remarquable, 
si  ce  n'est  que  les  noms  en  é  et  les  participes 
passés  forment  leur  pluriel  en  ez  (v.  ci-dessus 
Orthographe)  :  prez,  eveschez,  préparez. 

Enfin  les  adjectifs  composés  sont  souvent  em- 
ployés par  Ronsard  avec  un  complément  :  ce 
complément,  s'il  est  adjectif,  s'accorde  avec 
la  dernière  partie  du  mot  composé  ;  s'il  est 
substantif,  il  en  est  complément  déterminatif. 
Ex.  : 

Saincte,  qui  fais  une  frayeur  avoir 
Au  cueur  malin  qui  risque  tes  mystères, 
Ayme-rochers,  ayme-bois  solitaires, 
Mère,  déesse,  ayme-bal,  ayme-son 
De  ces  guerriers.  (III,  p.  57.) 


PRONOM. 

Il  y  a  quelques  remarques  à  faire  sur  l'em- 
ploi des  pronoms  personnels,  relatifs  et  indé- 
finis. 

PRONOM    PERSONNEL. 

Ronsard  omet  fréquemment  le  pronom 
sujet  quand  il  est  suffisamment  indiqué  par  le 
contexte.  Ex.  : 

Peuple  troyen,  dardanienne  race. 

Ce  jouvenceau  qui  par  la  populace 

vit  sans  honneur,  Astyanax  nommé. 

Est  fils  d'Hector,  que  tant  avez  aimé.  (III,  p.  66.) 


Sujet  sous-entendu  :  vous. 


ÉTUDE   SUR   Ronsard.  Ixvij 

Mais  j'esperoy  que  d'un  masle  courage 

Iroit  un  jour  des  Gaules  surmonter 

Le  peuple  rude  et  fascheux  à  douter.  iIII,  p.  5  $.) 

Sujet  sous-entendu  :  il. 

Puis  en  lisant  l'ingénieux  Ovide 

En  ces  beaux  Vers  011  d'Amour  est  le  guide 

Regagnerons  le  logis  pas  à  pas.  (VI,  p.  87.) 

Sujets  sous-entendus  :  il  et  nous. 

Il  omet  aussi  quelquefois  le  pronom  réfléchi 
quand  ce  pronom  est  complément  direct  : 

...  soudain  je  sens  nouer 
La  langue  à  mon  palais...  (II,  p.  171.) 
Et  jà  de  peu  a  peu  sent 
Haute  eslever  sa  ceinture.  (II,  p.  233.) 

Pronom  relatif.  —  Aujourd'hui,  le  pronom 
relatif  doit  suivre  immédiatement  son  anté- 
cédent. Au  seizième  siècle,  la  construction 
était  plus  libre,  et  Ronsard  a  pu  écrire,  par 
exemple,  en  séparant  le  relatif  de  son  antécé- 
dent : 

Des  puissans  Dieux  la  plus  gaillarde  troupe 

Estoit  assise  au  sommet  de  la  croupe 

Du  mont  Olympe,  oii  Vulcan  à  l'escart 

Fit  de  chacun  le  beau  palais  à  part, 

Qui  contemploient  la  troyenne  jeunesse.  (III,  p.  87.) 

Souvent  aussi  éjui  est  employé  soit  comme 
complément  d'une  préposition,  soit  se  rappor- 
tant à  un  nom  de  chose.  Ex.  : 

Ce  règne  heureux  et  fortuné 

Sous  qui  l'heureuse  destinée 

Avoit  chanté  dès  mainte  année 

Qu'un  si  grand  prince  seroit  né.  (Odes,  I,  p.  2.) 

Dequoy  est  toujours  employé  à  la  place  de 
l'expression  de  ce  que. 


Ixviij         Etude  sur   Ronsard. 

Enfin  il  arrive  parfois  que  Ronsard  fait  sui- 
vre le  pronom  relatif  d'un  nom  construit  en 
apposition.  Ex.  : 

Qui  compaignon  ses  pas  alloit  suivant.  (III,  p.  173.) 

PRONOMS    INDÉFINIS. 

Aucun,  personne,  rien,  ont  conservé  leur  sens 
étymologique  et  ne  donnent  lieu  à  aucune  re- 
marque particulière. 

Même^  contrairement  à  l'usage  moderne, 
est  placé  devant  son  substantif  quand  il  a  le 
sens  de  ipse  (et  non  de  idem)  : 

Et  rien  ne  vit  en  moy  que  la  mesme  douleur. 

(El.,  V,  t.  IV,  p.  248.) 

Un  certain  nombre  de  pronoms  (person- 
nels, démonstratifs,  etc.)  sont  parfois  em- 
ployés d'une  manière  redondante  :  les  exemples 
sont  nombreux  surtout  pour  l'indéfini  quiconque 
que  Ronsard  fait  souvent  suivre  d'un  autre 
pronom.  Ex.  : 

Quiconque  fut  le  Dieu  qui  la  mit  en  lumière, 

// fut  premier  auteur  d'une  grande  misère.  (I,  p.  144.) 

Mais  quiconque  a  le  scavoir 

Celuy  doit  l'honneur  avoir. 

(Odes,  I,  XIV,  II,  p.  iio.) 


VERBE. 

Le  verbe  ne  donne  lieu  qu'à  un  petit  nom- 
bre de  remarques. 

Conjugaison.  —  La  conjugaison  est  généra- 


ÉTUDE   SUR   Ronsard.  Ixix 

lement  régulière  :  mais  souvent  on  constate 
l'emploi  de  formes  anciennes  déjà  tombées  en 
désuétude  à  son  époque  et  que  Ronsard  tentait 
de  remettre  en  honneur.  Souvent  aussi  les  dési- 
nences sont  modifiées  pour  faciliter  la  rime 
(ex.  :  je  ren,  je  respan}^  ou  la  forme  verbale 
abrégée  pour  la  mesure  du  vers  (ex.  :  mons- 
fray),  conformément  à  la  théorie  qu'il  expose 
dans  son  Art  poétique  (v.  Orthographe). 

Voix.  —  Il  n'est  pas  rare  de  voir  tel  verbe 
ordinairement  transitif  employé  intransitive- 
ment par  Ronsard  ou  vice  versa,  ou  encore 
de  trouver  sous  une  forme  réfléchie  un  verbe 
habituellement  transitif  et  même  intransitif. 
Ainsi  aboyer  (actif),  s'apparaistre^  se  combattrcj 
craindre  à,  despouiller,  eschapper  quelque  chose, 
exceller,  laisser  à,  oublier  à,  penser  en,  ressembler 
quelqu^un,  se  sourire  de... 

Modes.  —  Ce  qu'il  faut  encore  remarquer, 
c'est  l'emploi  fréquent  de  l'infinitif  comme 
substantif,  tantôt  comme  sujet,  tantôt  comme 
complément  direct  ou  indirect.  Ex.  :  le  ronfler, 
le  mourir,  mon  dormir,  le  marcher,  au  dormir  de 
la  mort,  au  décocher,  au  flamboyer,  etc. 

Employé  comme  complément,  l'infinitif  qui 
se  construit  aujourd'hui  avec  à,  de,  etc.,  est 
souvent  construit  sans  préposition.  Ex.  : 

...  car  tout  homme  dès  le  naistre  reçoit  en  l'âme  je  ne 
sçay  quelles  fatales  impressions  qui  le  contraignent  suivre 
plustost  son  destin  que  sa  volonté.  (Fr.,  préface,  t.  III,  p.  17.) 

...  Le  dessein  des  carmes  que  nous  entreprenons  composer 
{Art  poétique,  t.  VII,  p.  320.) 

...  à  la  composition  desquels  je  te  conseille  premièrement 
Vexerciter...  (Art poétique,  t.  VII,  p.  325.) 


Ixx  Etude  sur   Ronsard. 

Je  les  absous  du  fait,  je  serois  bien  contant 
La  demander  dix  ans  et  la  garder  autan. 

(EL,  XIV,  t.  IV,  p.  283,) 

A  l'imitation  du  latin,  Ronsard  emploie  la 
proposition  infinitive,  après  les  verbes  espérer, 
penser,  croire,  estimer,  etc.  Ex.  : 

si  j'esperois,  après  un  long  espace, 
Venir  à  moi  l'Hercule  de  ta  grâce 
Pour  délacer  le  moindre  de  mes  nouds. 

(Am-,  I,  XIII,  t.  I,  p.  9.) 
Chantant  l'homme  estre  bien-heureux. 

(Odes,  I,  XI,  t.  II,  p.  104.) 
Ses  frenaisies,  lesquelles  il  pensoit  estre  vrayes. 

(Fr.,  préface,  t.  III,  p.  22.) 
Estimans  les  vers  estre  les  plus  beaux. 

(Fr.,  préface,  t.  III,  p.  23.) 

Le  participe  présent  et  le  participe  passé 
suivent  l'usage  commun  au  seizième  siècle  ; 
les  modes  personnels  de  même  :  une  seule 
remarque  importante  serait  que  souvent  dans 
la  même  phrase  on  constatera,  pour  plusieurs 
propositions  subordonnées,  l'emploi  de  modes 
différents  sans  qu'aucune  nuance  de  doute  ou 
d'interrogation  les  distingue.  Ex.  : 

Dont  toutes  deux  devriez  rougir  de  honte 

D'avoir  destruit  un  royaume  si  beau, 

Fait  qu'llion  n'est  plus  qu'un  grand  tombeau, 

Fait  que  Priam,  meurdri  dessus  sa  race. 

De  son  sang  tiède  ensanglantast  ma  face.  (Var.) 

(Fr.,  I,  t.  III,  p.  46.) 

C'est  par  une  licence  analogue  que  Ronsard 
donnera  à  un  seul  mot  des  compléments  de 
nature  différente  :  Ex.  : 

L'un  lassé  de  voler  et  l'autre  de  la  chasse.  (I,  p.  255..) 
Trois  fois  reprenant  cœur,  mes  armes  et  L'audace. 

(I!I,  p.  90.) 


ÉTUDE   SUR   Ronsard.  Ixxj 

Car  dans  Ronsard   la   construction    de   la 

phrase  est  le  plus  souvent  conforme  à  l'usage 

commun  :  cependant  il  faut  noter  parfois  dans 

ses  écrits  une  très  grande  liberté  d'allure,  la 

.    hardiesse  constante  de  l'inversion,  et  l^emploi 

\   assez  fréquent  de  la  syllepse. 

çj&     Ainsi  Fr.,  III,  t.  III,  p.   146  : 

. .  .Le  jour  luisait. 

Quand  les  deux  sœurs,  ainçois  deux  beaux  printemps, 

Sortent  du  lict.  Ils  demeurent  longtemps 

A  se  peigner,  s'attifer... 

Le  sujet  du  verbe  demeurent  est  ils  pour 
printemps.  Ronsard  par  syllepse  passe  de 
l'idée  de  sœurs  à  l'idée  de  printemps  qui  est 
comme  le  nom  distinctif  qu'il  leur  donne. 

Telles  sont  les  seules  particularités  syn- 
taxiques qu'il  y  ait  lieu  de  signaler  dans  les 
Œuvres  de  Ronsard  :  l'on  peut  encore  ici  con- 
stater la  différence  profonde  que  nous  signa- 
lions précédemment  (v.  Orthographe)  entre  la 
théorie  de  Ronsard  et  sa  pratique.  Si  dans  sa 
deuxième  préface  de  la  Franciade  il  conseille 
au  poète  de  «  franchir  la  loy  de  grammaire  «, 
il  a  le  premier  donné  l'exemple  de  la  modé- 
ration et  de  la  prudence  :  à  tel  point  que  l'on 
peut  avancer,  à  quelques  exceptions  près, 
que  sa  syntaxe  n'est  autre  que  la  syntaxe 
poétique  généralement  reconnue  et  usitée  à 
son  époque. 


Ixxij  ÉTUDE   SUR   Ronsard. 


CONCLUSION 

f  L'examen  des  théories  de  Ronsard  sur  la 
/  langue,  l'étude  de  son  vocabulaire,  de  son 
orthographe  et  de  sa  syntaxe,  nous  ont  per- 
mis de  montrer  de  quelles  préventions  Ronsard 
a  été  longtemps  la  victime,  et  combien  étaient 
injustes  en  somme  les  reproches  sous  lesquels 

on J'avait  accablé. . ^ — 

Ce  qui  le  prouve  encore  d'une  manière 
surabondante,  c'est  le  témoignage  même  de  ses 
contemporains  :  à  l'époque  où  sévissait  le 
néologisme,  Henri  Estienne  dans  sa  Précellence 
du  langage  françois,  dans  ses  Dialogues  du  nouveau 
langage  françois  italianisé^  où  il  s'élève  contre 
cette  manie  d'innovation,  ne  l'impute  jamais 
à  Ronsard,  non  plus  qu'à  Desportes,  ni  aux 
«  excellens  poètes  du  temps  »  ;  il  les  propose 
au  contraire  en  exemple  et  les  loue  de  leur 
modération  (Sainte-Beuve,  Tableau  de  la  poésie 
française  au  seizième  siècle)  ;  témoignage  d'autant 
plus  précieux  à  retenir  que,  pour  beaucoup  des 
contemporains  de  Ronsard,  rien  n'était  parfait 
s'il  n'était  conforme  à  l'antiquité,  et  que  dans 
leur  ardeur  d'imiter  les  anciens,  certains  se 
laissaient  aller  à  les  copier  presque  servile- 
ment. «  Heureux,  s'écriait  au  contraire  notre 
«  poète,  et  plus  qu'heureux,  ceux  qui  culti- 
«  vent  leur  propre  terre,  sans  se  travailler 
«  après  une  estrangère,  de  laquelle  on  ne 
«  peut  retirer  que  peine  ingrate  et  malheu- 


ÉTUDE   SUR   Ronsard.         Ixxiij 

ce  reuse  pour  toute  récompense  et  honneur  !  » 
{Art poétique,  t.  VII,  p.  323.) 

Aussi  est-on  en  droit  de  s'étonner  que  Ron- 
sard seul  ait  été  rendu  responsable  des  erreurs 
ou  des  exagérations  contre  lesquelles  il  s'éle- 
vait lui-même,  et  l'on  est  naturellement  amené 
à  se  demander  si  son  influence  a  été  aussi 
grande  et  surtout  aussi  complète  et  universelle 
qu'on  l'a  prétendu.  Le  contraire  paraît  plus 
vraisemblable. 

Car  s'il  compta  parmi  ses  plus  zélés  parti- 
sans les  rois  Henri  II,  François  II  et  Charles  IX, 
la  cour,  le  chancelier  de  THospital,  Etienne 
Pasquier,  Montaigne,  il  eut  des  ennemis  non 
moins  nombreux  et  des  adversaires  acharnés, 
parmi  lesquels  se  rangèrent,  à  des  époques 
différentes,  Mellin  de  Saint-Gelais,  Rabelais 
et  Malherbe.  Ce  n'est  donc  pas  seulement 
après  sa  mort  qu'il  tomba  en  discrédit  ;  de  son 
vivant  même  il  eut  des  détracteurs,  et  il  eut 
la  douleur  de  voir  son  astre  pâlir  et  son  in- 
fluence décroître.  En  effet,  le  Caprice  à  Simon 
Nicolas  {Recueil  des  poèmes  retrouvés,  t.  VI, 
p.  326-331),  qui  semble  posthume  et  qui 
fut  certainement  écrit  sous  Henri  III,  nous 
montre  le  vieux  poète  se  résignant  difficile- 
ment à  l'oubli.  Car,  bien  qu'il  eût  été  ap- 
pelé par  Henri  III  à  faire  partie  de  l'Aca- 
démie du  Palais,  la  mode  n'était  plus  à  Ron- 
sard ,  le  goût  de  la  cour  avait  changé  ;  et 
c'est  apparemment  de  son  prieuré  de  Saint- 
Cosme  ou  de  sa  retraite  de  Croix-Val  ou  du 
collège  de  Boncour,  qu'il  écrivait  ces  vers  où 
il  regrette  amèrement 


IxxiV  ÉTUDE     SUR    RONSARD. 

Un  si  bon  temps  où  la  Muse  brunette 
Avoit  en  cour  tant  de  lustre  et  de  prix  ! 

Farceurs,  boufons,  courtisans  pleins  de  ruses 
Sont  maintenant  en  la  place  des  Muses. 

L'  «  ignorance  »  et  la  «  barbarie  »  revien- 
nent importuner  la  France,  et  malgré  tout  il 
conseille  à  son  ami  de  ne  pas  céder  au  torrent, 
de  suivre  son  exemple  «  en  dépit  de  l'envie  » 
et  de  fuir 

...  ces  vulgaires  façons, 
Ces  vers  sans  art,  ces  nouvelles  chansons 
Qui  n'auront  bruit,  à  la  suite  des  âges, 
Qu'entre  les  mains  des  filles  et  des  pages  !  (VI,  p.  329.) 

C'est  «  Tenvie  » ,  c'est  «  l'opposition  du 
vulgaire  »  qui  a  paralysé  ses  efforts  et  fait 

Que  nostre  langue  en  est  moins  embellie.  (VI,  p.  329.) 

Et  cette  plainte  s'accorde  avec  ces  mots  du 
cardinal  du  Perron  :  «  Lesaureilles  des  cour- 
te tisans  françois,  qui  n'estoient  pas  encore 
«  accoutumées  à  ces  ornements  estrangeis,  fai- 
«  soient  quelque  difficulté  de  les  supporter, 
«  rejettant  tantost  la  hardiesse  des  conceptions 
«  qui  estoient  poétiques  et  eslevées,  tantost 
«  la  licence  des  constructions  et  des  façons  de  par- 
«  1er  qui  estoient  imitées  et  empruntées  des 
<(  autres  nations,  et  tantost  la  nouveauté  des 
a  mots,  lesquels  il  se  voyoit  contraint  d'inven- 
«  ter  pour  tirer  nostre  langue  de  la  pauvreté  et 
«  de  \di  nécessité.  «  (Du  Perron,  Oraison  funèbre 
de  P.  de  Ronsard,  t.  VIII,  p.  189.) 

Malgré  ses  efforts,  il  laissait  «  nostre  lan- 
gage pauvre  et  manque  de  soy  »  {Art  poétique, 


ÉTUDE  SUR  Ronsard.  Ixxv 

t.  VII,  p.  336);  et  il  mourut  avec  le  regret 
de  n'avoir  pu,  comme  il  l'entendait,  illustrer 
sa  langue  maternelle. 

Il  avait  eu  pourtant  raison  de  chercher  à 
enrichir  le  Vocabulaire  poétique  ;  il  s'était, 
on  l'a  vu,  montré  toujours  assez  prudent  dans 
l'exécution  de  son  projet.  Le  malheur,  pour 
lui,  est  que  ses  amis  ou  ses  disciples  exagé- 
rèrent ses  idées  :  leurs  excès  devaient  néces- 
sairement amener  une  réaction  violente  : 
«  l'excès  choquant  de  Ronsard  nous  a  un  peu 
jetés  dans  l'extrémité  opposée;  on  a  appauvri, 
desséché  et  gêné  notre  langue  » .  On  ne  peut 
violenter  la  langue  ;  avec  elle  il  est  besoin  de 
grands  ménagements. 

C'est  pour  avoir  négligé  ces  ménagements 
que  là  Réforme  tentée  par  la  Pléiade  échoua; 
elle  pouvait  aussi  bien  réussir,  si  les  novateurs 
eussent  écouté  et  suivi  le  sage  conseil  d'un 
contemporain,  H.  Estienne  {Préc,   éd.   Feu- 

gère,  p.  I  56)  ;  t^  /.-^p'^  ^^î  GT^eipsiv  'aÀXà  u.y;  ôXw 

Tw  ÔuXàxw  :  c'est  à  petites  poignées  qu'il  faut 
semer,  et  non  à  plein  sac. 

L.  Mellerio. 


L  E  X  I  QJJ  E 


DE   RONSARD 


i4,  préposition,  employée  avec  le  sens  : 
1°  de  la  préposition /Jour. 

Je  suis  celuy 

Qui  te  veux  faire  avant  le  soir  sentir 

A  ton  malheur  que  peut  un  repentir,  (III,  p.  126.) 

2°  de  la  préposition  de. 

Fille  à  Téthys (II,  p.  347.) 

Frère  à  Jupin (III,  p.  88.) 

3**  de  la  préposition  ûV£c  ou /«jr. 

Guindent  le  mast  à  cordes  bien  tendues.  (III,  p.  82.} 

A  bas,  loc.  adverb.,pour  en  bas,  ici-bas. 

Puisse  arriver,  après  l'espace  d'un  long  âge 
Qu'un  esprit  vienne  à  bas (I,  p.  231.) 

Aboyer  et  Aboyer  ou  abbayer,  employé  comme  verbe 
transitif. 


mon  mastin  qui  l'abaye.  (IV,  p.  10. 


Lex.  Ronsard. 


2  L  E  X  I  QJJ  E 

Aboyant  tant  seulement 

Les  nourrissons  des  neuf  Pucelles.  (II,   p.  loj.) 

Abbayer  les  verves  des  trespassez.  (III, p.  35.) 

Abricot,  s.  masc,  venu  au  xvr  siècle  de  l'espagnol 
albaricoque. 

Achète  des  abricôs.  (Od.  II,  18,  t.  II,  p.  163.) 
Ronsard  supprime  le  t  final  au  pluriel. 

Abysme,  subst.  masc,  dans  Paisgrave  et  Nicot,  est 
féminin  le  plus  souvent  au  xvr  siècle. 

Entr'ouvrait  l'eau  d'uneabysme  profonde.  (III,  p. 9}.) 

au  fond 

De  l'abysme  la  plus  profonde.  (II,  p.  76.) 

Acagnarder  QiAccagnarder,  v.  trans.  (Nicot,  Trévoux, 
Littré.)  Accoutumer  quelqu'un  à  une  vie  obscure,  fai- 
néante ou  libertine.  Nicot  dérive  ce  mot  de  cagnard 
«  qui  est  un  lieu  à  l'abri  du  vent  ou  exposé  au  soleil, 
où  les  gueux  s'assemblent  pour  fainéaiAer,  qu'on 
appelle  pour  cela  c a gnardins  et  cagnardiers  ■:! .  (Tré- 
voux.) Ex.  : 

Nous  tiendras-tu  sur  ce  bord  solitaire, 

Acagnardez  en  paresseux  séjour 

A  boire,  à  rire,  à  démener  l'amour  ? 

(Fr.  III,  t.  III,  p.  183.) 

Accointable,  adj.,  abordable,  affable. 

Estre  sobre  en  habits,  estre  prince  accointable. 

(III,  p.  281.) 
visage  accointable.  (V,  p.  184.) 

Accointance,  subst.  fém.,  fréquentation,  commerce 
d'amour. 

Bacchus  ne  luy  est  plus  doux, 

Ny  de  Venus  l'accointance.  (II,  p.  354.) 

Accoiser,  v.  trans.,  vieux  mot  dérivé  de  Co/(quietus), 
calmer,  apaiser. 


DE   Ronsard.  5 

Et  par  les  prez  les  estonnez  ruisseaux 

Pour  l'imiter  accoiseront  leurs  eaux.  (VI,  p.  177.) 

S'employait  aussi  comme  verbe  réfléchi  :  S'accoisir. 
Et  tous  muets  s'accoisent  les  ruisseaux. 

(Am.  I,  221,  t.  I,  p.  124.) 

Accort,  adj.  quai.  (Nicot,  Pasquier).  Avisé,  clair- 
voyant. 

Car  en  tous  lieux  la  douce  courtoisie 
Du  peuple  accort  gagne  la  fantaisie. 

(Boc.  Roy.,  t.  III,  p.  363.) 

Accouarder,  v.  trans.,  t  mot  nouveau  inventé  par 
Ronsard  1  (note  de  Belleau).  L'ancienne  langue 
avait  l'adj.  couard,  le  verbe  couarder,  se  montrer 
lâche,  et  accouardir  (cité  par  Palsgrave),  rendre 
lâche. 

Accouardant  mon  âme  prisonnière.  (I,  p.  215.) 
Ronsard  a  d'ailleurs  employé  le  part,  passé  à' ac- 
couardir, t.  II,  p.  3  j  1. 

A'ccravanter,  v.  trans.,  vieux  mot.  Écraser,  accabler 
sous  un  poids  excessif.  Trévoux  :  a  Ce  mot  est 
vieux  et  vient  du  latin  aggravare.  Autrefois  on 
disait  même  aggravanter,  et  c'est  de  là  que  s'est 
formé  accravanter,  en  changeant  g  en  c.  t  Ex.  : 
(I,  p.  127,  et  III,  p.  301.) 

Accrestre,  pour  accroistre,  selon  la  prononciation 
d'alors  (0/  =  aï). 

Et  soing  dessus  soing  accrestre.  (II,  p.  163.) 
Ailleurs  Ronsard  emploie  l'orth.  accroistre,  mais 
la  prononciation  était  la  même. 

Le  vray  commencement  pour  en  vertus  accroistre. 

(VII,  p.  36.) 

Accusement,  s.  masc,  signalé  comme  peu  usité  pai- 
Nicot  :  Accusation.  Ex.  : 

Le  riche  dessous  toy  ne  craint  aucunement 


4  Lexique 

Qu'on  luy  oste  ses  biens  par  faux  accusement. 

(Hymnes  IV,  t.  V,  p.  68.) 

Acertener,  v.  trans.,  vieux  mot.  (Trévoux  et  Nicot, 
ex.  de  Marot.)  On  écrivait  plutôt  acertainer,  assu- 
rer, certifier.  Ex.  :  Odes,  II,  ii,t.  II,  p.  150. 

Achée,  s.  fém.,  0  sorte  de  ver  qui  sert  à  nourrir  les 
oiseaux  et  à  amorcer  les  hameçons  des  pêcheurs  » . 
(Trévoux.) 

. . .  pour  apporter  la  bechee 
A  tes  petits  ou  d'une  achée 
Ou  d'une  chenille  ou  d'un  ver.  (II,  p.  438.) 

Achil,  nom  propre,  orth.  de  Ronsard,  pour  Achille. 
(H,  p.  474-) 
Ailleurs  :  Achillès.  (VI,  p.  416.) 

AchilUn,  adj.,  d'Achille.  Pris  substantivement,  il  signi- 
fie :  le  fils  d'Achille  :  Ex  : 

...  il  receut  en  sa  gorge  frappée 
De  l'Achillin  le  revers  de  l'espée.  (III,  p.  46.) 

De  même,  t.  III,  p.  426'. 
Adjectivement  Ronsard  emploie  plutôt  Achillien. 
(V,  p.  144  et  294.) 

Acouardy.  (V.  accouarder.) 

Acquêts,  s.  masc.  pi.,  vieux  mot  conservé  dans  la  lan- 
gue de  la  jurisprudence.  Ronsard  l'emploie  dans  le 
sens  de  conquêtes. 

...  je  vous  donne  en  ceste  carte  icy 
Les  acquêts  de  Henry  et  les  vostres  aussy. 

(VIII,  p.  147.) 

Actuel,  adj.  quai.,  employé  par  Ronsard  au  sens  éty- 
mologique du  mot  :  qui  agit,  réel,  effectif  et  effi- 
cace. S'opposait  à  virtuel  ou  ^potentiel,  en  ce  sens. 
Ex.  : 

Poudre,  l'honneur  de  Cypre,  actuelle  à  résoudre 


DE   Ronsard.  5 

L'ulcère  qui  s'encharne  au  plus  creux  de  mon  sein. 
(Sonnets  pour  Hélène,  XLI,  t.  I,  p.  304.) 

Adenté,  part,  passé  du  vieux  verbe  adenter,  renverser. 
Trévoux  :  «  Adenter  un  vaisseau,  c'est  mettre  son 
orifice  en  bas  et  le  fond  en  haut.  Ce  terme  est  po- 
pulaire. i> 

Ronsard  l'emploie  pour  :  abattu,  renversé,   en 
parlant  de  l'homme. 

L'un  dessus  l'autre  adentez  tomberont. 

(Fr.,  IV,  t.  III,  p.  226.) 

Adeixlé,  adj.  quai.,  vieux  mot.  Attristé,  accablé  de 
douleur  :  Un  seul  exemple  : 
...  au  point  du  jour  voicy 
Un  passant  à  ma  porte,  adeulé  de  soucy, 
Qui  de  la  triste  mort  m'annonça  la  nouvelle. 

(I,  p.  232.) 

Adextre,  adj.,  vieux  mot  encore  en  usage  au  XVI" 
siècle.  {Rom.  du  Renard,  Villon,  Jodelle)  :  adroit. 
Combien  l'effort  de  ta  main  dextre, 
Maniant  le  fer,  est  adextre 
A  briser  l'horreur  des  dangers.  (II,  p.  38.) 
...  soit  pour  le  faire  adextre.  (II,  p.  61.) 
Ronsard  orthographie  aussi  adestre  (cité  par 
Nicot.) 

...  c'est  le  tout  que  d'estre 
Des  mains  aux  armes  adestre.  (II,  p.  6$.) 

Adiré,  part,  passé  du  vieux  verbe  adirer  (bas  lat.  adi- 
rare,  probablement  dérivé  de  aderrare).  (Roman  de 
la  Rose,  BonaventuredesPériers,  Littré)  =  égaré, 
perdu. 

Voicy  venir  Bellin,  qui  seul  avait  erré 

Tout  un  jour  à  chercher  son  bélier  adiré. 

(Éclog.,  IV,  t.  IV,  p.  82,  et  de  même,  ibid.,p.  86.) 

Ne  s'emploie  plus    aujourd'hui   qu'en  jurispru- 
dence :  titre  adiré. 


6  Lexiq^ue 

S'adoîorer,  v.  réfl.  (Nicot  :  se  douloïr.) 

Et  l'espousé  ne  s'adolore  pas 

De  voir  mourir  sa  femme  entre  ses  bras.  (VI,  p.  17  j .; 

Adonc,  adverbe,  vieux  mot  qui  signifiait  :  alors^  ainsi 
ou  donc,  couramment  employé  par  Ronsard. 

Adon,  nom  propre,  orth.  de  Ronsard  pour  Adonis. 
.    (I.p.éS-) 

Adonin,  adj.  d'Adonis. 

Ou  tel  que  fut  de  la  playe  Adonine 

Le  sang  fardeur  de  la  rose  pourprine.  (III,  p.  134.) 

Ailleurs  Ronsard  emploie  l'adj.  Adonien. 
Le  pourpre  esclos  du  sang  Adonien.  (I,  p.  107.) 

Adoniser,  v.  trans.,  dérivé  d'Adonis.  (Nicot,  Littré, 
Académie.)  Parer  avec  beaucoup  de  soin  et  de  re- 
cherche. (Ex.  contempor.  Dancourt,  Th.  Gautier.) 
Employé  aujourd'hui  comme  verbe  réfléchi  ou  avec 
un  complément  direct.  Ronsard  l'emploie  avec  deux 
régimes. 

Quand  d'un  bonnet  son  chef  elle  adonise.  (I,  p.  14.) 

Affecter,  v.  act.  (lat.  affectare).  Aspirer  à,  entrepren- 
dre. 

Puis  affectant  un  oeuvre  plus  divin.  (II,  p.  128.) 

Affoler,  V.  act.,  blesser  (Palsgrave,  Nicot),  et  aussi 
rendre  fou  (Roman  de4a  Rose). 

Premier  sens  : 

Je  sens  guarir  une  amoureuse  rage 

Qiai  me  r'affole  au  plus  verd  de  mes  mois.  (I,  p.  6.) 

Deuxième  sens  : 
Ainsi  disoiî  la  nymphe  qui  m'affolle.  (I,  p.  13.) 
Cet  oiseau,  c'est  amour  qui  vole. 
Qui  toujours  les  hommes  affole 
Et  jamais  ne  fait  que  du  mal.  (I,  p.  43$.) 


deRonsard.  7 

Age,  subst.  masc.  aujourd'hui,  est  quelquefois  fémi- 
nin. 

Seize  ans  estoit  la  fleur  de  votre  âge  nouvelle. 

(I,  p.  403.) 
Quand  sur  l'âge  première  elle  se  voit  aimée. 

(I,  p.  191.) 

Aggraver,  v.  trans.,  a  eu  jusqu'à  la  fin  du  xir  siècle  le 
sens  du  latin  aggravare,  rendre  plus  lourd,  plus 
pesant,  alourdir.  Ronsard  lui  attribue  le  sens  de 
couler  à  fond.  (II,  p.  96.) 

Agnien  {^vôC),  pur,  saint,  dont  les  rites  sont  purs. 
Un  des  surnoms  de  Dionysos  que  Ronsard  traduit 
parDenys.  (V,  p.  237.) 

Aguetter,  v.  trans.,  vieux  mot  dérivé  du  substantif 
aguet,  déjà  vieilli  du  temps  de  Ronsard  :  guetter, 
surveiller,  garder.  (Am.,  I,  CXXX_, t.  I,p..  73.) 

Ahan,  s.  masc,  mot  pittoresque  et  expressif,  cou- 
ramment employé  dans  l'ancienne  langue,  aujour- 
d'hui tombé  en  désuétude. 
\°  Grand  effort. 

Puis  du  dos  et  des  bras  efforcés  par  ahan 
Fait  sauter  le  froment  bien  haut  de  sur  le  van, 

(Disc,  t.  VII,  p.  123.) 

2°  Fatigue  extrême. 
Trois  fois,  recreu  d'ahan,  jem'estends  sur  la  place. 

(m,  290.) 
Ahan  avait  formé  le  verbe  ahanner,  faire  un  grand 
effort,  et  au  fig.  souffrir  une  peine  extrême.  Ron- 
sard emploie  ce  verbe  au  sens  propre.  (II,  p.  41 1 .) 

Ahontant,  part,  prés.,  de  l'ancien  verbe  ahonter,  faire 
honte,  déshonorer.  Nous  avons  conservé  éhontéqui 
exprime  l'idée  contraire.  (III,  p.  153.) 

Aigre-doux,  adj.  composé,  appartient  au  vieux  fonds  de 


8  Lexiqjje 

la  langue.  Épithète  de  Vénus  considérée  comme 
déesse  de  l'amour  parce  qu'il  a  ses  plaisirs  et  ses 
peines. 

Et  le  doux  fiel  de  Vénus  aigre-douce.  (III,  p.  347.) 

Aigu,  adj.  quai.,  employé  par  Ronsard  comme  syno- 
nyme de  perçant  pour  qualifier  les  yeux  de  l'aigle 
de  Jupiter. 

...  adonc  tu  vas  charmant 
Ses  yeux  aigus...  (II,  p.  127.) 

Aigueax,  adj.  créé  par  Ronsard,  syn.  de  aqueux. 
L'humeur  aigueuse.  (El.  XXXII,  t.  IV,  p.  353.) 

Aigu- tournoyant,  mot  composé  par  juxtaposition, 
mnovation  de  Ronsard  qui  l'applique  à  la  foudre  de 
Jupiter.  (Odes  l,  X,  t.  II,  p.  79.) 

Ailer,  v.  trans.,  donner  des  ailes  ;  employé  aussi  par  du 
Bellay. 

Ailera  ses  pieds  à  la  fuite.  (II,  p.  86.) 

Aimantin  et  adamantin,  adj.  quai.  Ronsard  emploie 
indifféremment  l'une  ou  l'autre  forme. 

(I,  p.  14;  III,  p.  312;  V,  p.  14.) 

Aime,  3^  pers.  du  sing.  du  prés,  de  l'ind.  du  verbe 
aimer,  employé  par  Ronsard  comme  préfixe  dans  la 
composition  des  mots.  Il  l'écrit  tantôt  aime,  tantôt 
ayme. 

Ayme-bal,  adj.  comp.,  créé  par  Ronsard.  (III,  p.  57.) 

Ayme-bois,  adj.  comp.,  créé  par  Ronsard. 

(ni,p.  57.) 

Aime-estaim,  adj.  comp.,  créé  par  Ronsard.  Il  l'ap- 
plique à  la  quenouille,  qui  aime  à  filer  la  laine. 

(V.  Estaim.) 
Quenouille,  des  deux  bouts  et  greslette  et  menue, 


DE  Ronsard.  9 

Un  peu  grosse  au  milieu  où  la  filace  tient, 
Aime-laine,  aime-fil,  aime-estaim... 

(Am.  Il,  la  Quenouille,  t.  I,  p.  220.) 

Aime-fil, did].comp.,  créé  par  Ronsard.  (V.  ci-dessus.) 

Aime-jour,  adj.  comp.,  innovation  de  Ronsard.  Épi- 
thète  qu'il  applique  au  coq.  (VI,  p.  365.) 

Aime-laine,  adj.  comp.,  créé  par  Ronsard.  (V.  ci-des- 
sus.) 

Aimant,  s.  masc,  fer.  (V.  Littré,  étymologie  du  mot 
diamant.) 

Zephyre  avoit  un  rhé  (filet)  d'aimant  laborieux. 

(V,  p.  I77-) 

Aime-ris,  adj.  comp.,  créé  par  Ronsard.  Qui  aime  le 
rire,  folâtre. 

Sans  toi,  Nymphe  aime-ris,  la  vie  est  languissante. 

(Am.  II,  XXIII,  t.  I,  p.  168.) 

Ayme-rochers,  adj.  comp.,  créé  par  Ronsard. 

(III,P-S7-) 
Ayme-son,  adj.  comp.,  créé  par  Ronsard.  (III,  p.  57.) 

Ainçois,  vieux  mot  =  mais  bien  plutôt. 

Las!  mais  mon  cœur,  ainçois  qui  n'est  plus  mien. 

(I,  p.  30.) 

Ains,  conjonction,  vieux  mot  qui  signifiait  :  giais,  mais 
bien,  mais  bien  plutôt;  fréquemment  eniployé  par 
Ronsard. 

Ains  que,  locution  conjonctive,  vieux  mot  :  avant  que. 
Quand  j'estois  libre,  ains  que  l'amour  cruelle 
Ne  fust  éprise  encore  en  ma  mouelle.  (I,  p.  214.) 

Alaigre,  adj.  orth.  de  Ronsard  pour  allègre. 

...  mon  bouc  qui  sautoit  si  alaigre.  (IV,  p.  88.) 


10  Lexiq^ue 

Alainer,  v.  trans.,  pour  haléner,  agiter  de  son  haleine, 
éventer  ;  vieux  mot. 

Et  Zephire  y  alaine 

Les  myrtes  et  la  plaine.  (II,  p.  252.) 

Alan^oré,  part,  passé  du  vieux  verbe  alangorer  qui 
existait  concurremment  avec  alangourir  et  s'alan- 
gourir  plus  usités.  (Nicot,  Littré.)  k  Affaibli  par 
une  grande  maladie  ou  affliction.  >  (Trévoux.)  Ex.  : 

Et,  quoy  qu'il  soit  alangoré 

De  voir  sa  femme  morte  et  pale.  (II,  p.  415.) 

Albasîr'm,  adj.,  blanc  comme  l'albâtre. 

Col  albastrin  emperlé  de  bonheur.  (I,  p.  76.) 

Albionnes,  adj.  fém.  plur.,  employé  une  fois  par  Ron- 
sard, d'Albion,  de  l'Angleterre. 
...  aux  bords  escumeux 
Des  Albionnes  arènes.  (II,  p.  309.) 

Alenter,  v.  trans.,  vieux  mot  qui  existait  concurrem- 
ment avec  alentir.  (Ex.  de  d'Aubigné.)  Rendre  plus 
lent,  ralentir.  (Am.,  Il,  XXII,  t.  I,  p.  167.) 

Ce  verbe  s'employait  aussi  comme  verbe  réfléchi  : 
^''alenter,  se  ralentir,  s'apaiser. 

Sa  fièvre  s'alentoit. 

(Am.,  Pièces  retr,,  XI,  t.  I,  p.  394.) 

Il  avait  formé  le  dérivé  ralenter,  ralentir. 

...  ralente  tes  pas.  (Am.  i,  CLVII,  t.  I,  p.  91.) 

Allégeance,  s.  fém.,  vieux  mot.  (Nicot,  Trévoux, 
Littré.)  Employé  au  figuré  :  soulagement,  adoucis- 
sement, consolation. 

...  je  vous  tiendray  souvent 
Entre  mes  bras,  prenant  quelque  allégeance 
En  vostre  vaine  amoureuse  semblance. 

(VIII,  p.  124.) 

Allumelle  ou  alumelle,  vieux  mot.  (Trévou.x,  Littré.) 


DE  Ronsard.  i  i 

Épée,  lance,  fer  d'une  lance  ou  d'une  épée.  On 
appelle  encore  aujourd'hui  en  art  militaire  allnmelle, 
l'épée  minx;e  et  déliée  dont  on  se  servait  au  moyen 
âge  pour  percer  l'ennemi  au  défaut  de  son  armure. 
(Hymnes,  m,  t.  V,  p.  62.) 

Allures  o\xAlkures,  s.  fém.  plur.,  terme  de  vénerie.  Ma- 
nière différente  dont  marchent  les  bêtes  ;  longueur 
de  leur  pas. 

Cognoissoit  bien  le  pied,  la  sole  et  les  alleures. 

(I,  p.  255.  Vers  d'Eurym.  et  Callirhée.) 

Aime  (lat.  almns).  Nicot  signale  ce  mot  comme  une 
innovation  de  Ronsard.  Ex.  : 

Aime  soleil,  demain  avant  ton  heure 
Monte  à  cheval  et  galoppe  bien  fort. 

(Am.  1,  LXXX,  t.  î,  p.  47.) 
Aime  Vénus.  (Franc.  II,  t.  III,  p.  109.) 
Père  aime,  nourrissier  des  hommes  et  des  Dieux. 

(Élég.  IX,  t.  IV,  p.  262.) 

Altiloque,  adj.  quai.,  innovation. de  Ronsard,  du  latin 
altiloûuus  :  qui  a  un  langage  élevé,  sublime. 

(VII,  p.  330.) 

Alumelle,  s,  fém.,  vieux  mot  qui  signifiait  au  moyen 
âge  la  lame  de  l'épée.  (V.  Allumelle.) 

Donne  que  hors  des  poings  eschappe  l'alumelle 
De  ceux  qui  soustiendront  la  mauvaise  querelle. 

(VII,  p.  16.) 

Amadoneur,  s.  masc,  terme  familier,  celui  qui  ama- 
doue, qui  flatte  par  des  caresses.  (Nicot,  Trévoux, 
Littré.)  Ex.  :  (Am.  Piec.  retr.,  Il,  t.  I,  p.  389.) 

Amasser,  v.  trans.,  employé  dans  le  sens  de  ramasser. 
...  un  bouquet  luy  tomba  de  son  sein... 


Je  l'amasse  et  l'attache  au  bord  de  mon  chapeau. 

.     (IV,  p.  52.) 


12  Lexiq_ue 

Ambrosie  et  ambroisie.  (Nicot,  Littré.)  Les  deux 
formes  étaient  également  usitées.  Note  de  Muret  : 
«  C'est  la  viande  des  dieux,  et  nectar  le  breuvage. 
Tous  les  deux  signifient  immortalité.  » 

Je  pais  mon  cœur  d'une  telle  ambrosie.  (I,  p.  7.) 
II,  p.  118. 

...  se  soûler  d'ambroisie.  (III,  p.  26 j.) 

Ambrosin  et  ambroisin,  adj.,  tiré  du  mot  ambroisie. 
Ronsard  emploie  ces  deux  formes  concurremment 
avec  une  troisième  :  ambrosien.  Ex.  : 
D'une  si  rare  et  douce  ambrosine  viande 
Mon  espérance  vit.  (I,  p.  308.) 
Baiser  ambroisin,  que  j'adore.  (II,  p.  486.) 

...  embasmer  l'air 
De  ne  sçay  quelle  ambrosienne  haleine.  (I,  p.  13J.) 

S'amenuiser,  v.  réfl.,  encore  employé  au  sens  propre 
aujourd'hui  :  être  rendu  plus  mince,  plus  menu  (en 
parlant  d'un  bois  qu'on  travaille),  est  employé  par 
Ronsard  au  figuré. 

De  jour  en  jour  suivant  s'amenuisoit  ma  vie. 

(III,  p.  435.) 

Amiable  et  amyabk,  pour  aimable,  ortti.  de  Ronsard, 
forme  ancienne  du  même  mot. 

Voicy  les  champs  ou  l'amiable  effort 

De  ses  beaux  yeux  ordonne  que  je  meure.  (I,  p.  47.) 

Vien  avccques  ta  fille,  amyable  et  bénigne. 

(Ed.  III,  t.  IV,  p.  68.) 

Amignoter,  v.  trans.,  employé  concurremment  au 
xvi^  siècle  avec  amignarder  :  rendre  caressant. 

Vénus... 

Amignota  de  ses  yeux  les  regards.  (III,  p.  1 10.) 

(V.  Mignotise.) 
Amodérer,  v.  trans.,  vieux  mot.  (Nicot,  Trévoux.) 


DE   Ronsard.  13 

Dérivé  de  modérer  :   tempérer,  modérer.  Ex.  : 
Et  si  le  fiel  n'amoderoit  un  peu 
Le  doux  du  miel.  (I,  p.  7.) 

A'moit,  pour  animait. 

Dont  la  main  industrieuse 

A'moit  d'amours  et  de  pleurs 

La  carte  laborieuse.  (Var.  1587.)  (II,  p.  341.) 

Et  Ronsard  ajoute  cette  note  :   i  A'moit,  c'est 
ce  qu'on  dit,  escorchant  le  latin,  animoit.  » 

Amoureau,  s.  masc,  ancien  diminutif  d'Amour  :  petit 
amour.  Employé  par  Ronsard  au  pluriel. 
Un  nouveau  scadron  furieux 
D'amoureaux...  (II,  p.  487.) 

Amourée,  s.  fém.,  vieux  mot  cité  parPalsgrave,  vient 
du  verbe  amourer,  rendre  ou  devenir  amoureux  : 
synonyme  de  amante. 

Comme  un  taureau  par  la  prée 

Court  après  son  amourée.  (II,  p.  161.) 

Amphithéose,  s.  fém.,  orth.  de  Ronsard  pour  emphy- 
téose,  terme  de  jurisprudence  :  cession  d'un  fcJ^ds, 
d'un  héritage,  pour  un  certain  temps  moyennant 
une  redevance  annuelle  (du  grec  ètxçuTEUG-i;),  action 
de  planter  :  le  preneur  a  le  droit  de  planter  et  la 
certitude  de  jouir  des  produits  de  ses  plantations. 

(VIII,  p.  171 0 

Ampoullé,  adj.  quai.,  employé  par  Ronsard  pour  qua- 
lifier les  fiots  des  torrents  :  enflé,  gonflé. 

...  le  dos  escumeux  des  ondes  ampoullées. 

(VI,  p.  247.) 

Anangé  ('AvdYxy]),  la  fatalité,  innovation  de  Ronsard. 

Tu  mets  les  dieux  au  joug  d'Anangé  la  fatale. 

(Hymnes  i,  VIII,  t.  V,  p.  142.) 


14  Lexiq^ue 

Ancelle  (lat.  ancllla),  servante,  terme  fréquent  au 
moyen  âge,  par  exemple  dans  les  mystères.  Est  un 
des  termes  anciens  que  Ronsard  a  tentés  de  remettre 
en  honneur.  Il  ne  l'a  employé  qu'une  fois.  (Suite  de 
l'Épitaphe  de  Loyse  de  Mailly,t.  VII,  p.  26^.) 

Le  poète  imagine  que  la  Foy  pleure  avec  la  Cha- 
rité sur  le  tombeau  de  Loyse  de  Mailly,  répétant 
que  : 

...  Loyse  fut  celle 
Qu'elle  choisit  en  Dieu  pour  sa  très  humble  ancelle. 

Andomller,  s.  masc,  terme  de  vénerie.  Espèce  de 
petite  corne  qui  vient  au  bois  du  cerf,  du  daim  et 
du  chevreuil,  I,  255.  (V.  Vénerie.) 

Angelette,  s.  fém.,  ancien  diminutif  de  ange,  au  masc. 
angelet.  (Littré.)  Terme  d'affection,  de  caresse 
mignarde  dont  on  se  servait  jadis  en  parlant  ou 
écrivant  à  une  jeune  fille. 

Où  fuis-tu,  mon  angelette?...    (Am.  div.  I,  p.  378.) 

Anterot,   nom  masc.    dérivé   par  Ronsard  du   grec 
'Avtépto;,  dieu  ennemi  d'Eros. 
Anterot,  preste  moy  la  main... 


Il  faut  que  pour  moy  tu  renverses 

Cet  ennemy  du  genre  humain.  (II,  p.  373.) 

Anterotiaue,  adj.  quai.,  tiré  par  Ronsard  du  grec  'Avté- 
pcoç,  du  dieu  ennemi  d'Eros,  Ex.  : 

...  d'Amour  je  rompray  les  traits 
Dessus  l'autel  anterotique.  (II,  p.  374.) 

Antiquaire,  adj.  quai.,  antique,  vieilH. 

...  vous  paissez  seulement  de  fumées 
Et  d'un  titre  venteux,  antiquaire  et  moysi. 

(III,  p.  308.) 

Antrine,  s,  fém.,  nom  de  Nymphe  de  l'invention  de 
Ronsard.  (VI,  p.  140.) 


DE   Ronsard.  i^ 

S'apparoistre,  v.  réfl.,  pour  apparaître,  v.  intr. 
Ils  faillent  de  penser  qu'à  Luther  seulement 
Dieu  se  soit  apparu...  (VII,  p.  41.) 

Appenderois,  forme  ancienne  du  conditionnel  du  verbe 
appendre  :  e  repris  à  l'infin.  latin. 
J'appenderois  mon  âme  pour  offrande. 

(Am.,  I,  CXXVIII,  t.  I,  p.  72.) 

-1        Exemples  assez  nombreux  de  formes  analogues. 

S'appethser,  v.  réfl.  d'oii  le  dérivé  se  rapetisser,  qui 
subsiste  encore. 

Ton  Telemach,  qui  se  plaint  et  lamente 

Que  jour  à  jour  s'appetisse  sa  rente.  (VI,  p.  77.) 

Appointer,  v.'mivd.ns.,  venir  en  conciliation.  Nicot  le 
traduit  par  transiger,  de  !à  le  terme  juridique  : 
appointements  transaction. 

...  après  ta  colère 
Très  justement  conceue  encontre  Agamemnon 
Il  t'a  fait  appointer  pour  ton  mort  compagnon. 

(IV,  p.  283.) 

Il  s'employait  aussi  comme  verbe  réfléchi. 

Tant  de  fois  s'appointer,  tant  de  fois  se  fascher. 

(I,  p.  293.) 

Apprenti/,  ancienne  orth.  du  subst.  apprenti. 

Et  en  donnant  la  charge  aux  nouveaux  apprentifs. 

(VII,  p.  2$. ) 

Arbreux,  adj.  créé  par  Ronsard  qui  l'applique  à  la 
massue  d'Hercule,  faite  d'un  arbre  entier,  a.  l'ar- 
breuse  massue. t  .  (VI,  p.  126.) 

Archerot,  s.  masc.  diminutif  de  archer,  pris  absolu- 
ment signifie  le  petit  archer,  l'Amour. 

...  l'archerot  me  jette 
Le  plus  agu  de  son  trait  esmoulu.  (I,  p.  29.) 


I  6  L  E  X  I QJJ  E 

Archète,  s.  masc,  du  grec  àpxÉTaç,  chet,  roi,  épi- 
.    thète  de  Bacchus. 

Ardre,  v.  act.,  brûler  (lat.  ardere),  usité  dès  lafornja- 
tion  de  la  langue.  Ronsard  l'emploie  à  l'infinitif,  et 
aux  deux  participes,  présent  et  passé. 
Par  l'effort  d'un  bras  souverain 
A  fait  ravaller  la  tempeste 
Et  ardre  à  l'entour  de  ta  teste 
Un  air  plus  tranquille  et  serain. 

(Odes  I,  I,  t.  II,  p.  24.) 
Ars,  prins,  lacé,  par  eux  faut  que  je  meure. 

(Am.i,  s.  XVII,  t.  I,  p.  II.) 
Tandis  Amour,  qui,  petit,  se  cachait 
Folastrement  dans  le  sein  de  la  belle, 
En  l'oeil  humide  alloit  baignant  son  aile. 
Puis,  en  Tardant,  ses  plumes  il  sechoit. 

(Am.  I,  CXCVI,  t.  I,  p.  m.) 

Arène  (lat.  arena),  sable.  (Odes  II,  XVI,  t.  II,  p.  161.) 

Areneux,  adj.  quai.,  innovation  de  Ronsard  :  qui 
pousse  dans  le  sable,  qui  aime  les  terrains  sablon- 
neux. 

...  la  framboise  areneuse. 
(Poèmes  i,  La  lyre,  t.  VI,  p.  64.) 

Argentelet,  adj.  diminutif  d'argenteux,  créé  par  Ron- 
sard. (VI,  p.  392.) 

Argenteux,  adj.  quai.,  vieux  mot.  (Ex.  :  de  Marot.) 
Employé  par  Ronsard  qui  lui  attribue  deux  sens. 
(Nicot,  Littré.) 

r  Couleur  de  l'argent,  argenté.  Ex.  : 
Sous  le  crystal  d'une  argenteuse  rive. 

(Am.  I,  XCI,  t.  I,  p.  52.) 

2"  Qui  produit  de  l'argent,  qui  procure  la  ri- 
chesse. 

Ou  bien  embrasse-moy  l'argenteuse  science. 


DE  Ronsard.  17 

Dont  le  sage  Hippocrate  eut  tant  d'expérience. 

(Poèmes  n,  t.  VI,  p.  190.) 

Argive,  adj.,  traduction  du  lat.  argivm,  grec. 

...  assez  avons  esté 
Foulés  aux  pîeds  de  ceste  argive  audace.  (III,  p.  58.) 

Ar go-nochers,  nom  propre,  forgé  par  Ronsard  pour 
désigner  les  Argonautes. 

...  ces  nobles  gensd'armes  _ 
Fameux  Argo-nochers,  qui,  hardis,  les  premiers 
Sillonnèrent  la  mer...  (III,  p.  42$.) 

Ariole,  s.  masc.  (arîolus  ou  harlolm),  devin.  Em- 
ployé une  fois  par  Ronsard. 

Tu  es  de  Jupiter  l'esprit  et  l'interprète. 
Des  songes  conjecteur,  Ariole  et  prophète... 

(Hymnes  ii,  X,  t.  V,  p.  253.) 

Arondeau,  s.  masc,  vieux  mot  qui  s'est  dit  jadis  pour 
désigner  l'hirondelle  mâle  et  aussi  les  petits  de  l'hi- 
rondelle.  (Nicot,  Littré.)  C'est  en  ce  dernier  sens 
que  l'emploie  Ronsard. 

Faisant  tel  bruit  que  font  en  la  nichée 
Les  arondeaux  attendans  la  bêchée. 

(^Fr.  II,  t.  III,  p.  109.) 

Arondelle,  s.  fém.,  diminutif  de  aronde  (lat.  arundo)  : 
hirondelle.  (Nicot,  Littré.) 

Vous,  à  la  gorge  rouge,  estrangere  arondelle, 

(I,P.  34I-) 

Arraisonner,  vieux  mot.  (Villon,  Marot,  le  dernier 
ex.  :  Mézerai.)  S'employait  comme  verbe  transitif 
et  réfléchi. 

Verbe  transitif,  il  signifiait  :  entretenir  quelqu'un, 
raisonner  d'une  chose  avec  quelqu'un. 

Verbe  réfléchi,  s'entretenir  avec  quelqu'un;  vou- 
loir lui  faire  entendre  raison.  Ex.  :  Il  faut  comman- 

Lex.  Ronsard.  2 


1 8  L  E  X  I  Q^U  E 

der  aux  valets  et  non  pas  s'arraisonner  avec  eux. 
(Trévoux.) 

Ronsard  l'emploie  absolument  dans  le  sens  de  : 
s'entretenir  avec  soi-même.  (I,  p.  69.  Ibid.,  p.  70.) 

Arrqy,  vieux  mot.  (Nicot,  Littré.)  Ordre,  arrange- 
ment; puis  équipage,  appareil. 

L'autre,  qui  vient  en  magnifique  arroy 
Qui  de  maintien  représente  un  grand  roy, 
Est-il  des  miens?  (Franc,  iv,  t.  III,  p.  239.) 
Et  s'approchant  de  près  elle  vit  un  grand  Roy 
Que  deux  tigres  portoient  en  magnifique  arroy. 

(Hymnes  n,  t.  V,  p.  198.) 

Artizane,  s.  fém.,  inusité,  du  mot  artisan,  employé 
par  Ronsard  et  repris  depuis  par  quelques  écrivains 
modernes  (G.  Sand,  Brizeux,  H.  Rigault)  :  ou- 
vrière. 

...  l'araigne  artizane  admirable. 

(Hymnes  iv,  t.  V,  p.  79.) 

Asien  et  Asian,  adj.,  créé  par  Ronsard.  Asiatique. 
...  avec  une  grande  trope 
D'Asians  pour  domter  la  plus  part  de  l'Europe. 

(II,  p.  21.) 
D'Afriq'  sera  couronné 

Ton  puisné, 
Toy  de  la  terre  asienne.  (II,  p.  194.) 

Asprït,  3e  pers.  sing.  du  parf.  défini  du  vieux  verbe 
asprir,  hérisser,  du  latin  asperare;  d'où  le  verbe 
exaspérer. 

...  horrible  en  sonarmet 
Que  la  Gargonne  asprit  de  mainte  escaille. 

(Fr.  Il,  t.  III,  p.  4J.) 

Asserer,  v.  trans.,  innovation  de  Marot,  du  latin  asse- 
rere.  0  Le  rendre  maître  de  quelque  chose,  la 
prendre.  »  (Trévoux.)  Ici  assigner. 

...  et  que  leur  bande  asserre 


DE  Ronsard.  19 

Des  chappeaux  de  laurier,  de  myrte  et  de  lierre 
Pour  ceux  qui  vous  feront  présent  d'un  bel  ouvrage. 
(Sonnets  divers  :  au  roi  Henri  II.) 

Assisons-nous,  conj.  irrég.  de  i'impér.,  pour  asseyons- 
nous.  La  diphtongaison  supprimée  a  été  remplacée 
par  \'s  euphonique. 

Assisons-nous  sur  ceste  molle  couche.  (I,  p.  218.) 

Assomement,  s.  masc,  innovation  de  Ronsard,  exem- 
ple unique. 

...  une  aspre  maladie 
Par  ne  sçay  quel  destin,  me  vint  boucher  l'ouie 
Et  dure  m'accabla  d'assomement  si  lourd 
Qu'encores  aujourd'huy  j'en  reste  demi-sourd. 

(IV,  p.  300.) 

Assom'resse,  fém.  adj.,  créé  par  Ronsard. 

...  ses  mains  assom'rèsses...  (V,  p.  JJ.) 

Astelks,  s.  fém.,  éclats  de  bois,  du  latin  hastella, 
petit  bâton. 

Dans  l'édition  de  1 560  Ronsard  l'explique  par 
cette  note  :  «  Astelks  est  un  mot  de_  Vandomois 
qui  signifie  des  petits  coupeaux  de  bois  fandus  en 
long  et  menus  qu'on  appelle  à  Paris  des  esclats.  t 

Il  n'en  offre  qu'un  exemple  : 

Adonques  le  vieillard  esdata  des  astelles. 

(Hymnes  i,  II,  t.  V,  p.  28.) 

Dans  certains  de  nos  pays,  spécialement  dans  le 
Vendômois  et  en  Lorraine,  on  dit  encore  ételles 
dans  le  même  sens. 

Trévoux  :  Astèks,  s.  fém.,  fragments  de  lance 
jPerceval),  et  de  là  vient  le  mot  de  Languedoc  este- 
les,  c'est-à-dire'  coupeaux,  et  estela,  petites  pièces 
de  bois  dont  on  garnit  une  jambe  cassée  et  qu'on 
y  attache  pour  faire  q^ue  les  os  se  reprennent  plus 
aisément.  Les  chirurgiens  disent  :  atteks. 


20  Lexique 

Trévoux  :  Eteles,  s.  fém.,  vieux  mot,  copeaux. 
C'est  un  mot  fort  usité  en  Champagne.  Il  ne  l'est 
pas  moins  en  Bourgogne. 

Dans  les  patois  ce  mot  subsiste  sous  la  forme 
ételle,  en  chirurgie  et  dans  certains  métiers  (sellerie, 
céramique)  sous  la  forme  attelle.  Il  est  devenu  esteille 
en  métallurgie  et  s'applique  aux  coins  de  bois  c^ui 
assujettissent  un  marteau.  Il  a  donné  comme  dérivé 
le  mot  attelet  ou  hattelet,  terme  de  cuisine,  sorte  de 
petite  broche. 

A  tant,  adv.,  vieux  mot  repris  par  Ronsard,  signifiait: 
alors. 

A  tant  les  filles  de  Mémoire 

Du  luth  apaisèrent  le  son.  (II,  p.  80.) 

A  tant  Jupiter  enfla 

Sa  bouche...  (II,  p.  86.) 

Attaquer,  v.  act.,  employé  dans  le  sens  de  affronter, 
se  jeter  dans... 

...  bravement  attaquer  les  allarmes.  (II,  p.  223.) 

Attendre,  employé  absolument  dans  le  sens  du  réfléchi, 
s'attendre  à... 

Je  me  cachay  sous  l'herbe  au  pied  d'un  arbrisseau 
Attendant  que  la  soif  ameneroit  l'oiseau. 

(Éd.  I,  t.  IV,  p.  15.) 

Attenter,  v.  trans.,  employé  par  Ronsard  avec  le  sens 
étymologique  du  lat.  attentare,lQn\.tr,  entreprendre 
quelque  chose.  (Trévoux,  Littré.)  Trévoux  :  «  Ce 
verbe  n'est  que  neutre,  Vaugelas  a  pourtant  dit 
activement  :  il  a  attenté  le  plus  grand  de  tous  les 
crimes.  >  Ex.  : 

L'œuvre  est  grand  et  fascheux,  mais  le  désir  que  j'ay 
D'attenter  un  grand  faict  m'en  convie  à  l'essay. 

(Hymnes  i,  t.  V,  p.  14.) 

Atterrer,  v.  trans.,  est  un  exemple  frappant  des  modi- 


DE  Ronsard.  21 

.  fications  de  sens  que  subissent  les  mots  en  vieillis- 
sant. Il  signifiait  jadis,  au  propre  :  jeter,  renverser 
par  terre.  Il  ne  s'emploie  plus  cju'au  figuré.  (Nicot, 
Trévoux,  Littré.)  Abattre,  jeter  dans  l'abatte- 
ment. Ronsard  l'emploie  au  propre. 

(Fr.  IV,  t.  III,  p.  226.) 

Attourner,  v.   trans.  (Palsgrave,    Nicot.)   Atournèr. 
(Trévoux.)  Vieux  mot  :  parer,  orner. 
Cybelle, 
Qui  as  le  chef  de  citez  attourné.  (III,  p.  $7.) 

Attrainer,  v.  trans.,  employé  par  Ronsard  et  Calvin, 
dans  le  sens  du  latin  attrahere,  entraîner,  amener 
là... 

Un  banc  estait  de  sablon  amassé, 


Haut  de  falaize  et  de  bourbe  attrainée.  (III,  p.  97.) 

Aubifoin  {ht.  A Ibîfœnum),  s.  masc,  terme  de  bota- 
nique, espèce  de  centaurée  qui  croit  dans  les  blés 
et  qu'on  nomme  plus  habituellement  bluet,  barbeau. 
On  l'appelle  aussi  petit  aubifoin,  par  opposition  au 
grand  aubifoin,  grande  centaurée  bleue  aes  monta- 
gnes. (IV,  p.  21.) 

Aubin,  s.  masc.  (Nicot,  Trévoux,  Littré.)  Vieux  mot 
qui  désignait  le  blanc  de  l'œuf,  l'albumine. 

(Poèmes  l,  t.  VI,  p.  128.) 

Augée,  nom  propre,  orth.  de  Ronsard  pour  Augias. 
Certes,  j'aimeroy  mieux  dessus  le  dos  porter 
La  hotte  pour  curer  les  estables  d'Augée 
Que  me  voir  serviteur  d'une  dame  rusée. 

(I,  p.  144.) 

Aumosner,  v.  trans.,  vieux  mot.  (Nicot,  Littré.) 
Construit  avec  un  double  régime  :  donner  en  au- 
mône à  quelqu'un. 

Tu  nousaumosnes  cecy.  (II,  p.  36.) 


22  LEXiaUE 

Aumosnier,  adj.  quai.,  qui  fait  l'aumône. 
...  de  cruels  charitables, 
De  larrons  aumosniers...  (VII,  p.  27.) 

Aureiller,  v.  trans.,  vieux  mot,  cité  par  Palsgrave, 
Nicot,  employé  dans  le  Roman  de  la  Rose,  repris 
par  Rabelais  et  Ronsard  dans  le  sens  du  latin  aus- 
'  cultare,  prêter  l'oreille. 

A  ces  chansons  les  chesnes  aureillez 

Abaisseront  leurs  chefs  émerveillez.  (VI,  p.  177.) 

Austrogots,  s.  masc.  pi.,  orth.  4e  Ronsard  du  mot 
Ostrogoths.  (VII,  p.  61.) 

Avaller,  v.  trans.,  abaisser. 

...  quand  je  voy  pendre  en  bas 
Les  nuaux  avaliez,  mardi  ne  sera  pas. 
Si  mouillé  qu'aujourd'hui... 

(Odes  III,  XV,  t.  II,  p.  218.) 

S'avaler,  v.  réfl.,  s'abaisser. 

(Am.  I,  CCV,  t.  I,  p.  116.) 

Avant-chien,  nom  composé,  forgé  par  Ronsard  pour 
désigner  la  canicule. 

...  l'avant-chien  qui  tarit  jusqu'au  fond 
Les  tiedes  eaux,  qu'ardant  de  soif  il  hume.  (I,  p.  70.) 

Avant-jeu,  s.  masc,  Nicot  cite  Ronsard  et  du  Bel- 
lay :  prélude. 

...  en  bruyant  tu  marques  la  cadance 
D'un  avant-jeu  le  guide  de  la  danse.  (II,  p.  127.) 

Avant-messager,  s.  masc,  mot  composé,  créé  par 
Ronsard  sur  le  modèle  de  :  avant-coureur,  dont  il 
a  la  signification. 

(Poèmes,  11,  la  Paix,  t.  VI,  p.  219.) 

Avant-portier,  s.  masc,  mot  composé,  créé  par  Ron- 
sard. 

Mes  lèvres,  les  avant-portiers 

Du  baiser...  (I,  p.  124.) 


DE  Ronsard.  23 

Aveindre,  v.  trans.,  vieux  mot  :  atteindre,  prendre... 
(Nicot,  Littré.)  Ce  mot,  qui  est  devenu  vieux  et 
familier,  et  qui  en  1690  était  déjà  traité  comme 
étant  «  du  dernier  bourgeois  »,  est  encore  très 
usité  dans  nos  campagnes,  011  il  remplace  prendre, 
atteindre,  avec  une  certaine  énergie. 

Deux  exemples  dans  Ronsard  : 

Au  prés,  dusubj.,  que  ]'aveigne.  (I,  p.  126.) 

Et  à  l'imparf.  de  l'ind.,  elle  l'aveignoit. 

(V,p.  211.) 

Avérer,  employé  comme  verbe  intr.,  par  Ronsard, 
pour  s'avérer  :  être  reconnu  vrai... 

...  je  te  puis  asseurer 
Que  tu  verras  bien  tost  ce  miracle  avérer. 

(Boc.  Roy.  Songe,  t.  III,  p.  292.) 

Averiiner,  v.  trans.  V.  avertineux. 

Avertineux,  adj.,  atteint  de  Yavertin  (lat.  avertere,  dé- 
tourner, égarer),  maladie  de  l'esprit  qui  rend  opi- 
niâtre, emporté,  furieux.  Saint  Mathurin  est  le 
patron  des  avertins. 

Ce  mot  subsiste  dans  l'art  vétér.  comme  syn.  de 
tournis,  maladie  particulière  aux  mouions. 
Et  pource,  prédicant,  faisons  une  neufvaîne 
Oi!i?  à  sainct  Mathurin;  car  à  nous  voir  tous  deux. 
Nos  cerveaux  éventez  sont  bien  avertineux. 

(Disc,  t.  VII,  p.  124.) 

Ronsard  emploie  le  verbe  ^v^r/m^r  transitivement 
pour  :  troubler  l'esprit.  (VI,  p.  1 16.) 

Avette,  s.  masc.  (apicula),  vieux  mot.  On  disait  aussi 
apette  :  abeille.  Ex.  :  Les  blondes  avettes. 

(I,p.l82.) 

S'aviander,  v.  réfl.,  prendre  sa  pâture  en   parlant 


24  Lexique 

d'une  bête  sauvage,  terme  de  vénerie  dérivé  de 
viander, 

...  une  beste  sauvage 
S'aviandant  de  glands.  (Songe  III,  289.) 

V.  viande. 

Avitailler,  v.  trans.  (Nicot,  Trévoux,  Littré.)  On  a 
dit  aussi  avktuailler  :  approvisionner  de  vivres  et 
de  munitions.  Aujourd'hui  on  n'emploie  dans  le 
même  sens  que  le  dérivé  ravitailler.  (VII,  p.  183.) 

Avorter,  employé  comme  verbe  transitif  pour  :  faire 
avorter... 

De  mon  printemps  il  avorte  le  fruit.  (I,  p.  109.) 

Ayes,  anc.  forme  de  la  2'  pers.  de  l'imp.  du  verbe 
avoir. 

Ayes  pitié  d'une  fille  amoureuse.  (III,  p.  181.) 

Ayme-bal,  ayme-bois,  etc.  V.  aime-bal,  etc. 

Azurer,  v.  act.,  peindre  d'azur,  colorer  en  bleu. 

0  beau  crystal  murmurant 

Que  le  ciel  est  azurant 

D'une  belle  couleur  blue...  (II,  p.  343.) 

Aznrine,  s.  fém.,  nom  de  Nymphe  de  l'invention  de 
Ronsard.  (VI,  p.  140.) 


Bailler,  v.  trans.,  vieux  mot  encore  en  usage  dans 
certaines  locutions  et  qu'on  entend  encore  dans  cer- 
taines provinces.  (I,  p.  413.) 

Baller,  v.  intr.,  ancien  mot  :  danser. 
La  Marion  balloit...        (I,  p.  183.) 


DE  Ronsard.  25 

Ronsard  emploie  indifféremment  ballerj  danser 
et  caroler... 

Ces  trois  verbes  se  trouvent  réunis  dans  ce  vers 
du  Roman  de  la  Rose  (10 117)  :  «  Caroler,  dan- 
cier  et  baler.  i 

Balleur,  s.  masc,  dérivé  de  baller,  danser  :  danseur. 
Tout  le  ciel  respondant  sous  le  bruit  enroué 
Des  balleurs  qui  chantoient  Evan,  iach,  Evoé  ! 

(V,  p.  234.) 

Se  bander,  v.  réfl,,  se  raidir. 

Un  peuple  se  bandoit  contre  l'autre  irrité. 

(IV,  p.  17.) 

Banquetage,  s.  masc;  Nicot  indique ^^n^u^f^r/V et  ban- 
quetement;  innovation  de  Ronsard  :  c'est  ainsi  qu'il 
désigne  le  banquet  des  dieux. 

(Poèmes  i,  la  Lyre,  t.  VI,  p.  59.) 

Barbasse,  adj.  quai.,  synonyme  de  barbu,  qui  a  une 
longue  barbe.  Ex.  : 

Un  bouc  barbasse...        (VI,  p.  405.) 

Barde,  s.  fém.,  vieux  mot  qui  signifiait  autrefois  l'ar- 
mure d'un  cheval  de  gens  d'armes.  (Trévoux.) 
Le  beau  poulain... 
La  barde  aux  flancs  et  au  dos  l'homme  d'armes. 

(III,p.  3J8.) 

Bas,  employé  dans  différentes  locutions. 
\°  A  bas  pour  en  bas.  (Nicot.) 

Qu'un  esprit  vienne  à  bas,  sous  l'amoureux  ombrage 
Des  myrtes...        (I,  p.  231.) 

2°  Çà-bas  pour  ici-bas . 
De  l'Hospital,  mignon  des  Dieux, 
Qui  çà-bas  ramena  des  Cieux 
Les  filles  qu'enfanta  Mémoire.  (II,  p.  69.) 

Ceux  d'abas  :  les  morts,  les  habitants  des  enfers. 

(VII,  p.  249.) 


26  Lexiqjje 

Bassare  ou  Bassar,  adj.  quai.,  qui  porte  la  bassare,  robe 
de  femme.  Bassaréus,  surnom  de  Bacchus  tiré  du 
long  vêtement  de  peaux  de  renard  que  ce  dieu 
portait  dans  ses  voyages.  (V,  p.  255.) 

Bassement,  adv.,  employé  dans  un  sens  particulier  : 
dans  une  condition  humble.  Ex.  : 
Si  j'aime  depuis  naguiere 
Une  belle  chambrière, 
Je  ne  suis  pas  à  blasmer 
De  si  bassement  aimer.  (Odes  11,  XX,  t.  II,  p.  166.) 

Nicot  l'indique  comme  synonyme  de  bas,  et  Ron- 
sard l'emploie  pour  signifier  :  tout  bas,  à  voix 
basse.  (I,  p.  327.) 

Basseur,  s.  fém.   (Nicot,   Trévoux,  Littré.)  Vieux 
mot.  Ronsard  l'emploie  au  sens  propre  comme  con- 
traire de  hauteur  :  défaut  d'élévation.  Ex.  : 
La  déesse,  ennemie  aux  testes  trop  superbes. 
Qui  les  grandeurs  égale  à  la  basseur  des  herbes. 

(Boc.  Roy.,  t.  III,  p.  266.) 

Marot  l'avait  employé  au  figuré  :  manque  de 
prix,  de  valeur. 

Baster,  v.  intr.,  de  l'italien  bastare,  suffire,  usité  cou- 
ramment au  seizième  siècle  :  a  survécu  dans  l'ex- 
clamation baste! 

...  les  ondes  des  ruisseaux 
Ne  bastoient  à  fournir  breuvage  à  tes  chevaux. 

(Boc.  Roy.,  t.  III,  p.  294.) 

Bast'dlon,  s.  masc,  diminutif  du  subst.  bastille,  qui  se 
disait  au  moyen  âge  de  tout  ouvrage  détaché  de 
défense  ou  d'attaque,  puis  d'un  château  fort  défen- 
dant l'entrée  d'une  ville.  Bastillon  est  devenu  bas- 
tion. Ronsard  l'emploie  au  figuré,  comme  nous 
employons  aujourd'hui  rempart. 

(Odes  IV,  I,  t.  II,  p.  240.) 
Ailleurs  (Hymnes,  Prière  à  la  Fortur',  t.  V, 


DE  Ronsard.  27 

p.  294)  il  rapproche  les  deux  mots  rempart  et  bas- 
tillon. 

Battu,  part,  passé  du  verbre  battre  ;  terme  de  métier  : 
c'est  ce  que  les  lamineurs  appellent  écacher. 
...  au  riche  corps  vestu 
D'un  or  broché  en  la  soye  battu.  (III,  p.  ij8.) 

Bauge,  s.  fém.,  terme  de  vénerie  :  lieux  fangeux  oiî 
le  sanglier  se  retire. 

Dedans  faisoit  sa  bauge  une  beste  iuuvage. 

(-.oc.  Roy.,  III,  288.) 

De  là  le  verbe  réfléchi  se  bauger. 
Au  plus  fort  du  taillis  un  gros  hallier  estoit, 
Où  pour  bien  se  bauger  le  sanglier  se  mettoit... 

(Songe,  III,  290.) 

Bajfe,  s.  fém.,  comptait  autrefois  pour  deux  syllabes. 
L'orthographe  de  ce  mot  a  beaucoup  varié  :  il  s'est 
écrit  bée,  baie,  baye...  (V.  Littré,  Histoire  delà 
langue  française,  II,  p.  31,  pour  l'historique  de  ce 
mot.)  Bourde,  tromperie. 

Ou  d'une  autre  faveur  lui  donnoit  une  baye 
Ou  bien  un  attendez,  ou  bien  //  m'en  souvient. 

(VI,  p.  248.) 
Et  V,  p.  192. 

Bêchée,  s.  fém.,  pour  becquée  :  les  deux  mots  se  trou- 
vent dans  Nicot. 

...  les  petits  oiseaux 
Voletans  par  les  bois  de  rameaux  en  rameaux 
Amassent  la  bêchée...        (I,  p.  183.) 

Béer,  v.  neut.,  «  ouvrir  la  bouche  sans  parler  ». 
Vieux  mot.  (Nicot,  Littré.) 

Ainsi  qu'on  void  les  fantaumes  de  nuit 
Béer  en  songe  et  ne  faire  aucun  bruit. 

(Fr.  m,  t.  III,  p.  174.) 
Bien  que  le  vulgaire  l'estime 
Et  en  béant  l'aille  adorant.  (Odes  retr.,  II,  p.  462.) 


28  Lexique 

Bellet,  fém.  bellette,  adj.,  diminutif  de  beau,  bel..., 
cité  déjà  par  Palsgrave. 
L'autre  maigre  pucelette 
A  voir  n'est  pas  si  bellette.  (VI,  p.  355.) 

BelUque,  adj.  quai.  (lat.  bellicus),  innovation  de  Ron- 
sard :  belliqueux,  guerrier. 

Par  un  assaut  bellique.  (II,  p.  76.) 
Et  VI,  p.  276. 

Bellïqueur,  adj.  nual.,  pour  belliqueux,  pris  substanti- 
vement. 

Toi  qui  fais  tant  du  belliqueur.  (II,  p.  369.) 

Berceau,  s.  masc.  «  Les  anciens  appeloient  le  poinçoi| 
oij  on  mettait  le  nouveau  vin,  le  berceau  de  Bac- 
chus,  >  (Note  de  Ronsard.) 

Comme  on  voit  en  septembre  es  tonneaux  angevins 

Bouillir  en  escumant  la  jeunesse  des  vins. 

Qui  chaude  en  son  berceau,  à  toute  force  gronde. 

(HI,  p.  399.) 

Bergerette,  s.  fém.,  diminutif  de  bergère,  créé  par 
Ronsard. 

Icy  la  bergerette,  en  tournant  son  fuseau, 
Desgoise  ses  amours,  et  là  le  pastoureau 
Respond  à  sa  chanson...      (I,  p.  172.) 

Bergerot,  s.  masc,  vieux  mot.  (Nicot,  Trévoux.)  Di- 
minutif de  berger  :  petit  berger.  IV,  p.  4. 

Le  féminin  était  :  bergerotte.  (Ex.  :  d'Amyot.) 

Bers,  s.  masc.  C'est  la  première  forme  de  berceau. 
(T.  I,  p.  78;  III,  p.  ,00.) 

Au  livre  II  de  la  Franciade  (t.  III,  p.  116), 
Ronsard,  parlant  de  l'enfance  de  Jupiter,  nous 
montre  : 

Autour  du  bers  les  anciennes  races  , 

Des  Corybans... 


DE   Ronsard.  29 

Trévoux  :  vieux  mot.  On  ne  s'en  sert  plus  que 
.  dans  quelques  provinces. 

l\  subsiste  entre  autres  en  Savoie,  dans  le  Blai- 
sois  et  le  Vendômois,  dans  son  sens  primitif  :  ber, 
berceau. 

Dans  la  marine,  ber  signifie  un  appareil  de  char- 
pentes et  de  cordages,  en  forme  de  berceau,  placé 
sous  un  grand  bâtiment  pour  le  supporter  et  qui 
glisse  sur  la  cale,  lorsqu'on  lance  ce  bâtiment  à 
l'eau.  (Larousse.) 

En  charronnerie,  bers,  s.  masc.  pi.,  signifie  les 
ridelles  d'une  charrette.  (Larousse.) 

Besagu'è,  s.  fém.,  pour  besaignë,  outil  de  fer  acéré  par 
les  deux  bouts,  qui  sert  particulièrement  à  faire  des 
mortaises  et  des  tenons.  (VI,  p.  412.) 

Besson,  onne,  adj.  Ronsard  l'emploie  partout  où  nous 
mettrions  aujourd'hui /um^-^tz.  Le  mot  subsiste  dans 
le  patois  berrichon  auquel  G.  Sand  ^Petite  Fa- 
dette)  l'a  emprunté. 

Ils  sont  fort  éveillez,  peu  farouches  et  semblent 
Estre  frères  bessons,  tant  bien  ils  se  ressemblent. 

(Le  Cyclope  amoureux,  t.  IV,  p.  113.) 

T.  I,  p.  55  et  424;  t.  V,  p.  45,  etc. 

Trévoux  le  signale  comm:  .n  mot  hors  d'usage. 
Il  a  cependant  subsisté  en  Berry  et  dans  quelques 
provinces. 

On  appelait  autrefois  signe  des  Bessons  la  con- 
stellation des  Gémeaux  {gemelli,  jumeaux). 

Bestial,  s.  masc,  pour  bestiail,  anc.  forme  du  mot 
bétail.  (Nicot.) 

Ton  ombre  est  épaisse  et  drue. 
Aux  pasteurs  venans  des  parcs. 
Aux  bœufs  las  de  la  charrue 
Et  au  bestial  espars.  (II,  p.  149.) 


30  Lexiqjje 

Bézien,  adj.  quai.,  tiré  par  Ronsard  du  nom  de  Théo- 
dore de  Bèze,  l'un  des  chefs  du  parti  réformé  en 
France. 

Et  bien  tost  s'ouvrira  l'escole  Bezienne.  (VII,  p.  27.) 

Biberon,  s.  masc,  buveur. 

Tu  es  un  trop  sec  biberon 

Pour 'un  tourneur  d'Anacréon, 

Belleau...  (Odes  11,  XXII,  t.  II,  p.  169.) 

Richelet  après  ces  vers  ajoute  cette  note  :  «  Ron- 
sard se  rit  de  Belleau  qui  ne  boit  point  et  qui 
néanmoins  se  mesle  de  traduire  le  plus  grand  beu- 
veur  de  poète  qui  ait  jamais  esté,  s 

Trévoux  :  biberon,  onne,  s.  masc.  etfém,  t  Celui 
qui  aime  le  vin  et  en  boit  beaucoup,  potor  acer, 
bibax.  Ex.  :  Les  Allemands  sont  de  grands  bibe- 
rons. Ce  mot  est  populaire.  » 

La  Fontaine  l'a  employé  en  ce  sens  : 
La  biberonne  eut  le  bétail. 

(II,  20.  Testament  expliqué  par  Ésope.) 

Encore  usité  comme  subst.  et  comme  adj. 
c'est  un  biberon. 
Il  eût  suivi  l'escouade  biberonne.  (Fr.  Michel.) 

Bien,  adv.  de  manière,  sert  à  la  formation  de  certains 
adjectifs  compos^<^  Ex.  :  bien-disant,  bien-flairant, 
bien-appris,  bien-pd^né.  De  même  : 

Bien-né.  (II,  199.) 

Bien-tournant.  (II,  188.) 

Bien-volant.  (III,  71.) 

Bien-aisé.  (III,  276.) 

Bien-accomply.  (III,  ^23.) 

Bien-ouvré.  (III,  178.) 

Bien-uni.  (IV,  134.) 

Bien-tourné.  (IV,  148.) 

Bien-habile.  (V,  206.) 

Bien-germeux.  (V,  231.)  .     • 

Bien-parlant.  (VI,  102.) 

Bien-chéri.  (VI,  135.) 


DE    RONSARL.  31 

Bien-heur er ,  v.  trans.,  vieux  mot,  taire  ou  rendre  heu- 
reux. (Nicot,  Littré.) 

Donc  si  ton  cœur  tressaute  d'une  envie 

De  bien-heurer  le  reste  de  ta  vie.  (VI,  p.  172.) 

Bien-veigner,  v.  trans.,  vieux  mot  qui  se  trouve  dans 
Nicot  et  qui  signifie  saluer  quelqu'un,  le  féliciter 
sur  quelque  bonheur  qui  lui  est  arrivé,  le  recevoir 
avec  bienveillance  et  affection.  (Trévoux.)  Ex.  : 

Dicée... 

Vint  caresser  Francus  outre  la  porte, 

Le  bien-veignant...  (Fr.  11,  t.  III,  p.  113.) 

Ett.  V,  p.  211. 

Blandice,  s.  fém.  {blanditia),  vieux  mot.  (Nicot.) 
Caresse,  flatterie. 

...  Voyez  Hélène  après 
Qu'Ilion  fust  bruslé  de  la  flamme  des  Grecs 
Comme  elle  amadoua  d'une  douce  blandice 
Son  badin  de  mary  qui  pardonna  son  vice. 

(Am.  II,  Élégie,  t.  I,  p.  144.) 

Ronsard  va  jusqu'à  personnifier  les  Blandices,  et 
les  mettre  dans  le  cortège  de  Vénus. 

Vénus  et  ses  enfants  volent  tout  à  l'entour 
La  douce  mignardise  et  les  douces  Blandices. 

(Élégie  du  Printemps,  t.  I,  p.  276.) 

On  le  trouve  encore  dans  le  même  sens,  t.  IV, 
p.  166,  230. 

Blandlssant,  adj.  verbal,  tiré  du  latin  blandiri,  flatter, 
charmer  (l'oreille),  cité  par  Nicot. 
Ta  lyre  blandissante.  (I,  [p.  22.) 
Ronsard  dit  aussi  : 

...  pris  de  ton  œil  blandissant. 

(Chanson,  t.  I,  p.  112.) 

Cf.  Blandice. 
Blasonner,  v.  trans.  Ce  verbe  offre  cette  particularité 


32  Lexique 

de  présenter  deux   sens   exactement   contrairt». 
Dérivé  de  blason,  il  signifiait  primitivement  expli- 
quer le  blason  ;  de  là  vint  le  sens  figuré  de  parler  de 
quelqu'un,  le  décrire  avec  ses  bonnes  ou  mauvaises 
qualités,  et  particulièrement  avec  les  mauvaises.  Ce 
sont  les  deux  sens  que  lui  attribue  Ronsard. 
1°  Célébrer  poétiquement,  louanger. 
Il  me  suffit  si  l'honneur  d'un  seul  verre, 
Lequel  tu  m'as  pour  estraines  donné, 
Est  dignement  en  mes  vers  blasonné. 

(Le  Verre,  III,  p.  403.) 
2°  Détracter,  railler. 
Tu  te  moques  de  moy  et  me  viens  blasonner 
Pour  un  pauvre  accident...  (VII,  p.  102.) 

Blesmi,  adj.,  blême,  épithète  appliquée  à  la  Parque. 
{Pall'ida  Mors.) 

Avant  que  la  Parque  blesmie 

M'envoye  aux  éternelles  nuits.  (II,  p.  162.) 

Bletier,  adj.  quai.,  créé  par  Ronsard,   «  qui  préside 
aux  blés  s .  (Note  de  Belleau.) 

...  Ceres  la  bletière.  (I,  p.  154.) 

Blonde,  adj.  quai.,  innovation  de  Ronsard,  de  couleur 
blonde.  Ex.  : 

Ses  cheveux  blondez.  (Gayetez  m,  t.  VI,  p.  35  j.) 

Blondelet,  adj.,  diminutif  de  blond  :  légèrement  blond. 
...  un  poil  blondelet, 
Nouvelet, 
Autour  de  sa  bouche  tendre 
A  se  frizer  commençoit.  (II,  p.  190.) 

Blondement,  adv.,  dérivé  de  blond,  de  couleur  blonde, 
créé  par  Ronsard.  (Am.  l,  179,  t.  I,p.  102.) 

Blondissant,  part.  prés,  du  verbe  blondir,  qui  blondit, 
qui  prend  la  teinte  blonde.  Ex.  : 

(Sonn.  div.  xxvil,  t.  V,  p.  318.) 


DE  Ronsard.  33 

Blondoyant,  part,  prés.,  employé  adjectivement  du 
verbe  blbndoyer,  cité  par  Nicot  comme  synonyme 
de  blondir.  Ex.  : 

...  les  plages  blondoyantes. 

(Am.  I,  LXVI,  t.  I,  p.  39.) 

Blue  pour  bleue,  orth.  conforme  à  la  prononciation 
d'alors. 

Une  belle  couleur  blue.  (II,  p.  343.) 
Ailleurs  bleues  rime  avec  nues.  (II,  p.  87.) 

Bocager,  adj.  quai.,  employé  par  Ronsard  pour  qua-' 
lifier  les  oiseaux  :  qui  habitent,  qui  fréquentent  lés 
bocages. 

Forest,  haute  maison  des  oiseaux  bocagers. 

(Él.xxx,t.  IV,  p.  347.) 

Quand  Avril  tend  l'oreille  aux  complaintes  légères 
Des  oiseaux  amoureux,  sereines  bocageres. 

(El.  XXXIII,  t.  IV,  p.  357.) 

Boivard,  adj.  quai.,  innovation  de  Ronsard  :  qui  boit 
facilement.  Comparer  avec  le  mot  buvard  (papier 
buvard). 

...  la  cendre  boivarde.  (III,  p.  166.) 

Bolvon,  forme  irrégulière  de  la  i"  pers.  plur.  de  l'impé- 
ratif, employée  par  Ronsard  pour  ^évo^zs  ou  beuvons. 
En  ce  bon  vin  verson  ces  roses 
Et  boivon  l'un  à  l'autre.  (II,  p.  291.) 

Bonneter,  v.  actif,  saluer  du  bonnet,  saluer.  C'est  en 
ce  sens  au'il  a  formé  le  dérivé  bonnetade,  s.  fém., 
employé  aans  un  passage  de  Montaigne  :  Quand  il 
sera  en  jalousie  et  caprice,  nos  bonnetades  le  re- 
mettront-elles ? 

Au  sens  figuré  :  »  Solliciter  quelqu'un,  lui  faire  la 
cour  en  lui  faisant  bien  des  révérences...  Cela  est 
du  style  familier.  >  (Trévoux.) 

Lex.  Ronsard.  } 


J4  Lexiqjje 

C'est  ainsi  que  Ronsard  l'emploie. 

c  Bien  que  telles  gens  foisonnent  en  honneur  et 
qu'ordinairement  on  les  bonnette  pour  avoir  quelque 
titre  de  fayeur,  si  mourront-ils  sans  renom  et  répu- 
tation. I  Épitre  au  lecteur,  II,  14. 

Bordlne,  s.  fém.,  nom  de  Nymphe  de  l'invention  de 
Ronsard.  (VI,  p.  140.) 

Boucler,  s.  masc,  ancienne  forme  de  bouclier. 
Autres,  chargés  de  grands  bouclers,  baloient 
Un  branle  armé...  (III,  p.  57.) 

Bouffir  et  Bouffer,  existaient  simultanément  comme 
verbes  trans.  et  intr.  Ils  signifiaient  au  propre  et 
au  figuré  gonfler,  enfler.  Ronsard  offre  un  exemple 
de  chacun  d'eux. 

Bouffir,  au  figuré.  Ex.  : 
...  sans  bouffir  son  cœur  d'une  noire  colère. 

(Boc.  Roy.  t.  III,  p.  267.) 

Bouffer,  orth.  boufer,  et  employé  comme  verbe 
réfléchi. 

Un  seul  Bacchus  doit  se  boufer  de  haine 

Contre  ton  isle...       (Boc.  Roy.,  t.  lil,  p.  331.) 

Cf.  l'expression  :  bouffer  de  colère  (Trévoux), 
qui  se  disait  familièrement  de  celui  qui  témoigne  sa 
colère  par  la  mine  qu'il  fait. 

Bougette,  s.  fém.,  vieux  mot  (Nicot,  Trévoux,  Lit- 
tré),  dérivé  de  bouge.  (E.  Pasquier,  Rech.  VIII,  2.) 
On  a  dit  primitivement  boulge,  du  latin  bulga  (ex. 
de  Lucilius  cité  par  Trévoux),  petit  sac  ou  poche 
qu'on  porte  en  voyage.  H.  Estienne  {De  latinltate 
jalso  suspecta,  VIII)  observe  qu'on  disait  de  son 
temps  :  //  a  bien  rempli  ses  bouges,  pour  dire  :  il 
a  fait  un  gros  gain.  Le  mot  bougette  passé  en  Angle- 
terre y  est  devenu  budget. 


DE  Ronsard.  3$ 

Le  latin  bulga  vient  lui-même  du  celtique  bolga, 
bourse,  sac  de  cuir.  Ex.  : 

(Hymnes,  11,  de  l'or,  t.  V,  p.  225.) 

Bouler,  employé  aujourd'hui  dans  la  langue  populaire 

comme  verbe  transitif  (faire  rouler   comme  une 

boule)   et  comme  verbe  intransitif  (rouler  comme 

une  boule),  est  soit  actif,  soit  réfléchi  chez  Ronsard. 

Bouler  est  actif.  (Odes,  v,  IX,  t.  II,  p.  337.) 

Et  réfléchi.  (Fr.  iv,t.  III,  p.  249.) 

Bouquin,  adj.  quai.,  aux  pieds  de  bouc. 
Le  dieu  bouquin.  (II,  p.  128.) 

Bourrache,  s.  fém.,  orth.  de  Ronsard  pour  bourras- 
que. Ex.  :  (Poèmes,  i,  Hylas,  t.  VI,  p.  137.) 

Bour relie,  s.  fém.  de  bourreau,  vieux  mot. 
Meschantes  mains,  bourreiles  de  ma  vie. 

(VI,  p.  nj.) 

Et  VII,  p.  115. 

Bourrier,  s.  masc,  fétu.  Trévoux  :  a  Mot  usité  dans 
quelques  provinces  et  qui  n'est  pas  français.  Il  ne 
se  prend  pas  seulement  pour  les  ordures  qui  sont 
dans  le  blé,  mais  pour  toutes  sortes  d'ordures...  » 

Et  le  vanneur  mi-nud,  ayant  beaucoup  secoux 
Le  blé,  de-çà  de-là,  de  sur  les  deux  genoux 


Sépare  les  bourriers  du  sein  de  la  Déesse. 

(VII,  p.  123.) 

Boursette,  s.  fém.  (Nicot,  Trévoux,  Littré),  ou  bour- 
cette,  en  botanique,  nom  vulgaire  du  thlaspi,  bourse 
à  pasteur  et  de  la  mâche  commune.  Ex.  : 

(Poèmes  l,  La  Salade,  t.  VI,  p.  87.) 

Bouteille,  s.  fém.,  bulle  d'air.  Trévoui  :  t  se  dit  de 
ces  espèces  d'ampoules  ou  balles  remplies  d'air  qui 


^6  Lexique 

se  forment  sur  la  surface  d'un  fluide  par  l'addition 
d'un  fluide  semblable,  comme  quand  il  pleut...  > 
Telle  enflure  se  voit  es  torrens  des  vallées 
Quand  le  dos  escumeux  des  vagues  ampoullées 
S'enfle  dessous  la  pluye  en  bouteilles,  qui  font 
Une  monstre  d'un  rien,  puis  en  rien  se  deffont. 

(VI,  p.  247.) 

Brand,  s.  masc,  vieux  mot  (Nicot,  Trévoux,  Littré), 
d'oij  est  dérivé  le  verbe  brandir. 

Il  signifiait  une  grosse  épée  d'acier  qu'on  ma- 
niait à  deux  mains. 

Il  s'est  écrit  aussi  bran,  branc,  brant. 
Trévoux  indique  en  outre  brance,  s,  fém.,  comme 
ayant  le  même  sens  et  une  autre  orth.  du  masc. 
brans.  Ex.  : 

...  un  brand  armé  de  doux 
A  la  poincte  d'acier,  qui  trenchoit  des  deux  bouts, 

(V,-p.  22.) 

Branle,  s.  masc,  a  trois  acceptions  différentes. 
1°  Danse.  Ex.  : 
Autres,  chargés  de  grands  bouclers,  balcient 
Un  branle  armé...       (III,  p..  57.) 

2°  Airs  de  danses.  Ex.  : 
Despendez  la  musette,  et  de  branles  divers 
Chantez  à  ce  Chariot  des  chansons  et  des  vers. 

(IV,  p.  66.) 

3"  Secousse  légère. 
A  petits  branles  d'ailes...      (IV,  p.  273.) 

Branler,  v.  trans.,  employé  par  Ronsard  comme  syn, 
de  secouer,  brandir. 

...  et  d'un  bras  forcené 
Branloit  un  dard  de  pampre  environné.  (III,  p.  189.) 

Branler,  v.  act.,  pris  substantivement,  «  un  branler 
de  teste  >.  (I,  p.  142.) 


DE  Ronsard.  37 

Brave,  adj.  (italien  bravo).  Ronsard  l'emploie  dans  un 
sens  différent  du  sens  moderne  et  du  sens  italien  : 
ce  mot  signifie  pour  lui  :  fier,  superbe.  Ex.  : 
De  ce  palais  éternel 
Brave  en  colonnes  hautaines. 

(Odesi,  X,  t.  II,  p.  73.) 

Il  signifie  ailleurs  :  rigoureux,  impitoyable. 
Et  bref  vous  me  serez  ou  gracieuse  ou  brave^ 
Je  demourray  tousjours  vostre  fidèle  esclave. 

(El.  xxiii,  t.  IV,  p.  279.) 

Il  est  l'équivalent  de  fier  dans  l'exemple  suivant. 
Brave  de  faire  un  œuvre  qui  vous  plaise. 

(Rem.  I,  t.  VI,  p.  20.) 

De  là  le  verbe  se  braver  de  :  s'enorgueillir  de 
quelque  clfose. 

...  boire  à  longs  traits  les  eaux  de  la  fontaine 
Qui  de  vostre  beau  nom  se  brave. 

(Sonnets  pour  Hélène,  t.  I,  p.  363.) 

Brebiette,  s.  fém.,  diminutif  de  brebis.  (IV,  p.  1 17.) 

Brehalgne,  adj.  fém.,  «  femelle  qui  ne  conçoit  point, 
qui  est  stérile  » .  (Nicot.) 

C'est  un  des  a  antiques  vocables  >  que  Ronsard 
a  le  plus  souvent  emp"oyés. 

...  une  truye  infertile  et  brehaigne.  (III,  223.) 

(IV,  48  et  356...) 

Trévoux  :  i  (Quelques-uns  disent  brehagne  qui 
n'engendre  point.  Le  peuple  le  dit  quelquefois  au 
substantif  des  femmes  stériles  :  C'est  une  brehagne.  > 

Étym.  Brahaing,  celtique  de  brah-{germe)  et 
anc  {sans)  :  (stérile). 

Employé  encore  de  nos  jours  :  carpe  brehaigne, 
carpe  femelle  sans  œufs,  ou  mâle  sans  laite. 
Balzac  a  dit  par  plaisanterie  :  une  demoiselle  heureu- 
sement brehaigne. 


^8  Lexique 

Brezil,  s.  masc,  ou  Brésil,  ou  encore  Brézî  (Littré), 
s.  masc,  quartier  de  bœuf  séché  à  la  cheminée. 
Ex.  :  (VI,  p.  398.) 

Brigade,  s.  fém.,  troupe  de  gens  de  guerre,  puis  par 
extension,  troupe,  compagnie.  On  disait  la  brigade 
poétique  pour  la  Pléiade...  (Nicot,  Littré;) 

Tes  boccages  soient  tousjours  pleins 

D'amoureuses  brigades 

De  satyres  et  de  sylvains.  (II,  p.  160.) 

Bril,  s.  masc,  orth.  de  Ronsard  pour  brie  (?),  fromage 
de  Brie.  (VII,  p.  275.) 

Brisée,  s.  fém.,  terme  de  vénerie,  employé  aujourd'hui 
plutôt  au  pluriel. 

Branche  d'arbre  que  rompt  le  veneur  ou  qu'il 
sème  sur  son  chemin  pour  reconnaître  l'endroit  où 
gîte  la  bête,  où  elle  a  été  détournée. 
...  faisoit  bien  la  brisée... 

(Vers  d'Eurym.  et  Callirhée,  I,  p.  25  j.) 

Brise-tombe,  adj.  comp.,  créé  par  Ronsard  et  employé 
substantivement.  (VII,  p.  122.) 

Broncher,  v.  intr.,  employé  par  Ronsard  avec  l'auxi- 
liaire être... 

Le  bois  estant  bronché.  (lU,  p.  61.) 
(C'est-à-dire  étant  abattu.) 

Broguart,  s.  masc,  terme  de  vénerie,  cerf  d'un  an, 
chevreuil  qui  en  est  à  son  premier  bois. 
Il  jugeait  d'un  vieil  cerf 

Aux  broquars  bien  nourris  et  bien  forts. 

(Vers  d'Eurym.  et  Callirhée,  I,  p.  254.) 

Brosser,  v.  intr.  (Nicot,  Littré),  terme  de  vénerie 
encore  usité  aujourd'hui  :  courir  à  travers  les  bois, 
les  buissons,  dérivé  du  mot  :  Brosses  :  bruyères  ou 


DE  Ronsard.  39 

broussailles  ou  menus  taillis  qui  poussent  sur  les 
.  terres  incultes  ou  à  l'entrée  des  forêts.  Aujourd'hui 
brousse.  Cf.  broussailles,  autrefois  brossailles. 

Le  fer  au  poing  je  brossay  par  le  bois. 

(Am.  I,  s.  142,  t.  I,  p.  81.) 

Bruire,  s'employait  également  comme  verbe  transitif 
et  comme  verbe  intransitif. 

1°  Intransitif  :  il  signifie  :  rendre  un  son  confus. 
Ex.  : 

Oyes,  canards  et  cygnes  aux  cols  longs 
Estendent  l'aile  et  s'esplument  et  cryent, 
Qui  haut,  qui  bas  ;  les  rivages  en  bruient. 

(Fr.  I,  t.  III,  p.  72.) 

Remarquer  l'emploi  peu  habituel  delà  3*  personne 
du  pluriel  :  bruient.  Cf.  avec  bruissent,  forme  encore 
usitée  aujourd'hui  et  qui  semble  dérivée  d'un  verbe 
bruisser,  ainsi  que  bruissais,  bruissant,  etc. 

2^  Transitif  :  parler  de  quelqu'un  ou  de  quelque 
chose  avec  éclat,  avec  retentissement,  célébrer. 

Mais  ma  lire 

Bruira  l'amour  qui  me  paint.  (II,  p.  419.) 

Réjouy  d'entendre  bruire 

Ses  louanges  sur  la  lyre.  (II,  p.  42.) 

Le  dérivé  rebruire  a  le  même  sens.  (II,  p.  20.) 
L'infmitif  de  bruire   est    employé   substantive- 
ment :  le  bruire  des  cymbales. 

(Odes  retr.,  t.  II,  p.  471.) 

Brutesse,  s.  fém.  Nicot  l'indique  en  même  temps  que 
brutalité.  Ronsard  l'emploie  dans  le  sens  de  sauva- 
gerie, naturel  indompté.  Ex.  : 
Ores  les  chevaux  il  donte, 
Et  leur  brutesse  il  surmonte 
Par  un  doux  commandement. 

(Odes  m,  II,  t.  II,  p.  180.) 

Buissonnet,  s.   masc,  diminutif  de  buisson  :  petit 


40  Lexiq^ue 

buisson.  (Nicot,  Trévoux,  Littré,  ex.  de  Marot.) 

Les  petits  buissonnets  n'ont  sève  ny  puissance. 

(Ed.  V,  t.  V,  p.  97.) 

Buje,  s.  fém.  Nicot  indique  la  forme  buie.  On  a  dit 
aussi  buire  etbuirette.  Buire  subsiste.  Ex.  : 

(II,  p.  152.) 


Cà  bas.  V.  bas. 

Cachettes  (à),  locution  employée  par  Ronsard  pour 
en  cachette.  (Nicot,  Littré.)  (III,  p.  392.) 

Caduc,  adj.  quai.,  employé  substantivement  par  Ron- 
sard: l'âge  caduc,  l'extrême  vieillesse.  (VI,  p.  420.) 

Caillette,  s.  fém.,  s'est  dit  familièrement  d'une  femme 
frivole  et  babilîarde  :  a.  C'est  la  Caillette  du  quar- 
tier, n  On  l'a  dit  aussi  d'un  homme  de  même  cai^ac- 
tère.  Claude  Garnier  l'explique  ainsi  :  «  Badin, 
niaiz  :  ainsi  les  femmes  du  vulgaire  de  Paris  inju- 
rient ceux  qu'elles  noisent.  Cela  peut  venir  de  las- 
che  et  mol,  comme  sont  les  caillettes  du  mouton.  » 
Ex.  :  (Disc,  t.  VII,  p.  131.) 

Caillotter,  v.  trans.,  dérivé  de  caillot  par  Ronsard  et 
employé  comme  synonyme  de  cailler.  Ex.  : 

(I,  p.  45,/^/^.,  94;  et  IV,  p.  113.) 

Calfonrchons  {à),  orth.  de  Ronsard  pour  l'expression 
adverbiale  :  à  califourchon  (du  bas  latin  :  calofur- 
cium,  fourches,  gibet)  :  dans  la  position  de  l'homme 
à  cheval.  Ex.  :  (VI,  p.  73.) 

Callimach,  nom  propre,  pour  Callimaqiie,  orth.  de 
Ronsard.  (Odes  i,  IV,  t.  II,  p.  51.) 


DE  Ronsard.  41 

Calvïnal,  adj.  quai.,  digne  de  Calvin. 

Là  monstrez  par  effect  vos  vertus  calvinales. 

(VII,  p.  26.) 

Camisade,  s.  fém.,  attaque  brusque  faite  la  nuit  pour 
surprendre  l'ennemi.  (VI,  p.  42.) 

Cancre,  s.  masc.  (Nicot,  Littré),  du  latin  cancer, 
écrevisse.  C'est  le  signe  du  zodiaque  qui  correspon- 
dait autrefois  à  la  constellation  du  même  nom  et 
dans  lequel  le  soleil  entre  au  commencement  de 
l'été.  Ex.  : 

Le  Cancre  chaleureux.  (V,  p.  71.) 

De  là  le  dérivé  :  'Cancreux  :  de  l'espèce  des 
écrevisses.  Ex.  :  (VI,  p.  346.) 

Capelan,  s.  masc,  vieux  mot,  forme  provençale  du 
mot  chapelain  :  pauvre  prêtre  françois  qui  vit  à 
peine  du  revenu  ae  l'église  qu'il  dessert.  (Lacombe, 
Dict.)  Ex.  :  (VII,  p.  114.) 

Caracon,  orth.  de  Ronsard,  ou  Carracjuon  (les  deux 
sont  dans  Nicot),  s.  masc,  dérivé  de  Caracjue  ou 
Carramie  (Littré),  diminutif  de  forme  italienne  : 
sorte  ae  navire  rond  de  fort  tonnage  qui  fut  quelque 
temps  en  usage  au  seizième  siècle. 

On  appela  ainsi  spécialement  le  vaisseau  qui  fai- 
sait le  voyage  du  Brésil  et  des  Indes  orientales 
(Trévoux),  et  celui  des  chevaliers  de  Rhodes  qui 
faisait  partie  de  l'escadre  envoyée  devant  Tunis 
par  Charles-Quint  en  1530.  (Nicot.)  Ex.  : 

(VII,  p.  180.) 

Ne  pas  confondre  la  Caraque,  et  le  Caracon 
avec  la  Caracore  (esp.  =  Caracora),  embarcation 
pontée,  longue  et  étroite,  en  usage  aux  Moluques, 
et  qui  se  manœuvrait  à  la  voile  et  à  l'aviron. 

Cargue,  s.  fém.  (Nicot,  Littré),  ancienne  forme  du 
mot  charge,  mouvement  d'une  troupe  armée  qui 


42  Lexîclue 

se  précipite  à  l'attaque  de  l'ennemi  (VII,  p.  34); 
subsiste  comme  terme  de  marine. 

Carme,  s.  mdisc.' {Carmen),  vieux  mot.  (Nicot.)  Vers. 
Ennius...  au  milieu  des  alarmes 
Marchait  et  ne  cessait  de  murmurer  ses  carmes. 

(Sonn.  div.,  t.  V,  p.  327.) 

On  le  trouve  aussi  dans  Y  Abrégé  de  l'art  poé- 
tique. (VII,  p.  320.) 

Carolle,  s.  fém.,  danse.  Les  commentateurs  dérivent 
ce  mot  de  x^pô?  (étym.  douteuse).  D'où  le  verbe 
Caroller.  (V.  ce  mot.) 

On  trouve  déjà  Caroleur,  chez  Froissart  et  dans 
le  Roman  de  la  Rose. 

Chantons,  dansons,  que  chascune  s'avance 
Et  la  carolle  elle-même  commence. 

(Fr.  IV,  t.  III,  p.  200.) 

Caroller,  v.  intr.,  vieux  mot,  danser.  Le  vers  ici  17 
du  Roman  de  la  Rose  renferme  les  trois  verbes 
synonymes  :  Caroler,  dancier  etbaler.  (V,  p.  234.) 

Carpime,  •/.âpTciij.oç,  qui  porte  des  fruits,  fertile;  un 
des  surnoms  de  Bacchus.  (V,  p.  237..) 

Carquan,  s.  masc,  vieux  mot,  collier,  subsiste  sous 
la  forme  carcan,  instrument  de  torture. 
Et  tantost  son  beau  col  elle  vient  enfermer 
D'un  carquan  enrichy  de  coquilles  de  mer.  (IV,  p.  10.) 

Cassandrette,  diminutif  créé  par  Ronsard  du  nom  de 
Cassandre  et  appliqué  à  une  fleur  :  belle  fleur  rouge 
qui  communément  s'appelle  la  gantelée  (note  de 
Belleau).  Ex.  : 

Du  nom  Cassandre  elle  eut  nom  Cassandrette. 

(I,p.65.) 

Cautj^à].  quai,  (lat.r^uto),  vieux  mot  :  prudent,rusé. 

...  l'innocente  et  peu  caute  jeunesse.  (I,  p.  380.) 


DE  Ronsard.  43 

De  là  le  s.  fém.  cautelle,  usité  dès  le  moyen  âge 
et  repris  par  Ronsard  :  ruse,  artifice. 
Un  cruel  oiseleur,  par  glueuse  cautelle, 
L'a  prise...  (I,  p.  211.) 

Et  l'adverbe  cantement  :  par  ruse. 
...  pour  prendre  cautement 
Flore  que  le  Printemps  aimoit  ardeiitement. 

(V,  p.  178.) 

Cavalcadour,  s.  masc,  forme  espagnole  cavalgador. 
Cf.  chevaucheur  :  cavalier,  écuyer.  Ex.  : 

(V,  p.  58.) 

Caver,  v.  act.  {Cavaré),  creuser.  (Nicot,  Littré.) 
Ronsard  ne  l'a  employé  qu'une  fois  au  participe 
passé. 

Près  ce  bocage  une  fosse  cavée. 

(Fr.  II,  t.  III,  p.  214.) 

Après  Ronsard  il  a  été  employé  par  Malherbe, 
Saint-Simon,  entre  autres. 

Ceinturette  ou  Ceincturette  (Nicot),  diminutif  ancien 
de  ceinture.  Ex.  :  (VI,  p.  392.) 

Céleste,  adj,  employé  substantivement  par  Ronsard 
pour  désigner  les  habitants  des  cieux. 
...  pour  célébrer  les  gestes 
De  nos  roys,  que  j'ay  mis  au  nombre  des  célestes. 

(III,  p.  400.) 

Célestielj  adj.  quai.,  employé  par  Ronsard  comme 
synonyme  de  céleste. 

Maudit  soit  Promethé,  par  qui  fut  dérobé 
Le  feu  célestiel...        (VI,  p.  213.) 

Cemetaîre,  s.  masc,  cimetière.  Nicot  indique  «  cerne- 
tière  et  c'imiiière  :  un  dortoir  (gr.  xoifjiriTr.piov),  que 
les  chrestiens  appellent  ainsi  à  cause  de  l'espoir  de 
la  résurrection.  »  Ex.  :  (El.  IV,  p.  374.) 


44  Lexiq^ue 

Ailleurs  Ronsard  emploie  la  forme  inusitée  même 
a\ors\  cimetaires  (VI,  p.  172),  et  P.  de  Marcassus 
qui  a  commenté  les  Poèmes  ajoute  cette  note 
(1623)  :  tt  On  dit  cimetières;  mais  il  a  esté  con- 
traint de  mutiler  le  mot  pour  adjuster  les  deux 
rhythmes.  « 

Çen   dessus  dessous,  orth.  logique  et  conforme  à 
l'étymologie   de  la   locution   qu'aujourd'hui    nous 
écrivons  à  tort  :  sens  dessus  dessous. 
Le  désir,  l'avarice  et  l'erreur  insensé 
Ont  c'en  dessus  dessous  le  monde  renversé. 

(VII,  p.  14.) 

Cercher,  ancienne  forme  du  verbe  chercher  :  les  deux 
se  trouvent  dans  Nicot  et  chez  quelques  contem- 
porains de  Ronsard. 

Accompagnez  d'un  nain,  cerchant  leur  aventure. 

(IV,  p.  120.) 

Et  I,  p.  430- 

Cercler,  v.  trans.,  employé  par  Ronsard  pour  sarcler. 

(III,  p.  264.) 

Cerne,  s.  masc,  usité  au  seizième  siècle,  signifiait 
cercle,  subsiste  avec  ce  sens  dans  le  dialecte  blaisois 
et  en  français  dans  un  sens  plus  restreint. 

Il  fit  trois  petits  feux  en  cerne  tout  en  rond. 

(Hymnes,  i,  II,  t.  V,  p.  28.) 
Comme  d'un  cerne  d'or  son  chef  environna. 
D'un  chapelet  de  fleurs...  (II,  p.  21.) 
De  là  le  verbe  cerner,  v.  trans.  :  entourer  : 
...  l'air  qui  cerne  tout  autour 
Le  rond  du  grand  parc  où  nous  sommes. 

(Odes  I,  I,  t.  II,  p.  25.) 

Cest,  fém.  ceste,  pour  icest,  iceste,  pronom  démonstra- 
tif, fréquemment  employé  par  Ronsard. 

Ceston,  s.  masc,  dérivé  de  ceste  (lat.  cestas,  grec 


DE  Ronsard.  45 

xeffToç),  ceinture  et  particulièrement  ceinture  de 
Vénus. 

Si  tost  que  Venus  l'entendit, 
Son  beau  ceston  elle  vendit 
A  Vulcan  pour  la  délivrance 
De  son  enfant...      (II,  p.  285.) 

Chaillant,  part.  prés,  du  verbe  challoir.  Ex.  : 

(IV,  p.  94-) 

Chaire,  s.  fém.,  ancienne  forme  (Nicot  Littré)  du 
mot  chaise.  Ex.  :  (IV,  p.  251.) 

Chalemle,  s.  fém.,  vieux  mot.  (Nicot,  Trévoux,  Lit- 
tré.J  Chalumeau.  On  a  dit  aussi  chakmée,  s.  fém., 
chalemel,  s.  masc,  chakmelk,  s.  fém.,  et  chaleme- 
ler  (Nicot),  jouer  du  chalumeau.  Ex.  : 

(IV,  p.  57,  et  VI,  p.  62.) 

Chaleureux,  adj.  employé  au  sens  propre  (Nicot  : 
astuosus),  n'est  plus  usité  qu'au  figuré  aujourd'hui. 
Ex.  : 

L'esté  chaleureux.  (I,  p.  194.) 

Le  Cancre  chaleureux.  (V,  p.  71.) 

Chalït,  s.  masc,  encore  usité  aujourd'hui  (Littré), 
bois  de  lit.  Nicot  l'écrit  challct  et  chasUt,  on  l'a 
écrit  aussi  chalitz.  (Lacombe,  Dict.)  (II,  p.  410.) 

Challoir,  v.  intr.,  usité  jusqu'au  milieu  du  dix-septième 
siècle,  sous  la  forme  unipersonnelle  ;  inusité  aujour- 
d'hui, sauf  dans  l'expression  :  Il  ne  m'en  chaut,  si- 
gnifiant :  Il  ne  m'importe. 

...  de  rien  ne  me  chaut.  (I,  p.  8.) 

...  et  vous  en  chaut  bien  peu.  (I,  p.  66.) 

Chamailler,  v.  trans.,  ancien  mot  (Nicot),  qui  signi- 
fiait «  frapper  à  coups  d'épée,  de  hache,  etc.  » . 
(Nicot.)  Ex.  :(V,p.  61.) 


46  Lexique 

Chambour,  nom  propre,  orth.  de  Ronsard  pour  Cham- 
bord.  (II,  p.  301.) 

Chancrer,  v.  trans.,  formé  par  abréviation  du  verbe 
échancrer   (de  e  préfixe   et  de  chancre),    évider, 
tailler  ou  creuser  en  dedans,  sur  le  bord.  Ex.  : 
(robe)  chancrée  à  la  poitrine.  (VI,  p.  81 .) 

Chanter  de...  prendre  pour  sujet  de  ses  chants. 
Je  pensois... 

Que  ses  cordes  par  long  usage 
Chantoient  d'amour... 

Quelques  vers  plus  haut,  Ronsard  emploie  ce 
verbe  dans  le  même  sens  avec  un  régime  direct. 
Mon  luth  pincé  de  mon  doy 
Ne  vouloit  en  despit  de  moy 
Que  chanter  Amour...  (II,  p.  273.) 

Chanteresse,  s.  fém.    de   l'anc.   s.   masc.  chanteres. 
(Palsgrave.)  Ronsard  emploie  d'ailleurs  fréquem- 
ment le  féminin  en  eresie,  pour  euse. 
Ah  !  vous  m'avez,  maistresse, 
De  la  dent  entamé 
La  langue  chanteresse 
De  vostre  nom  aimé.  (Odes  11,  V,  t.  II,  p.  142.) 

...  les  filles  d'Achelois, 
Les  trois  belles  chanteresses.  (Odes  v,  III,  t.  II,  p.  308.) 

Chape,  s.  fém.,  manteau  court.  Cf.  Cape,  autre  forme 
du  même  mot.  (Littré.) 

Laisse  prendre  à  ton  dos  ta  chape...  (IV,  p.  64.) 

Chapelet,  s.  masc,  petite  coiffure,   puis  guirlande, 
couronne.  Ex.  : 

La  Grâce  pour  son  chef  un  chapelet  compose 
De  ta  feuille...  (I,  p.  152.) 

Chappean,  s.  masc,  couronne. 

Des  chapeaux  de  laurier,  de  myrte  et  de  lierre. 

(Sonn.  div.  au  roy  Henri  II.  V,  p.  303.) 


DE  Ronsard.  47 

ChapperoUy  s.  masc,  bonnet.  Chapperon  fourré  = 
bonnet  fourré,  et  au  figuré  docteur. 

Gros  chapperons  fourrez,  grasses  et  lourdes  testes. 

(VII,  p.  59-) 

Chantes,  les  Grâces.  Sauf  de  rares  exceptions,  Ron- 
sard donne  toujours  aux  Grâces  leur  nom  grec  de 
Charités. 

Ny  son  beau  corps,  le  logis  des  Charités. 

(Am.  I,  XLVIII,  t.  I,  p.  29.) 

De  même  (III,  p.  6)  et  (IV,  p.  32.) 
Deux  fois  seulement  il  emploie  le  mot  Grâces. 
En  prudence  Minerve,  une  Grâce  en  beauté. 

(Sonnets  à  Hélène,  t.  I,  p.  347.)* 

Et  en  parlant  du  sein  de  sa  maîtresse  : 
Des  Grâces  le  séjour.  (II,  p.  276.) 

Charité,  au  singulier,  nom  qu'il  donne  à  sa  dame, 
que  ce  soit  Cassandre  ou  Hélène  : 
«  Ma  douce  Charité  » 
Piqué  du  nom  qui  me  glace  en  ardeur 
Me  souvenant  de  ma  douce  Charité. 

(Am.  I,  106,  t.  I,  p.  60.  Hymne  à  la  nuit.) 

Charité  se  trouve  dans  Passerat  avec  un  emploi 
analogue. 

Arreste  donc.  Aurore  au  teint  vermeil. 
Ton  jaune  char,  et  celui  du  Soleil, 
Pour  un  amant,  un  amant  qui  mérite 
D'estre  à  son  aise,  au  sein  de  sa  Charité. 

Chasse,  s.  ièm.,  doublet  de  caisse  (lat.  capsa),  c'est 
l'enveloppe  du  bouton  d'une  fleur,  l'espèce  de  cap- 
sule qui  1  enveloppe... 

...  ainsi  qu'au  printemps  nouvelet 
Pommelent  deux  boutons  que  leur  châsse  environne. 

(I,p.  148.) 

Chasse,  3*  pers.  sing.  du  prés,  de  l'ind.  du  verbe 


48  Lexiq_ue 

chasser,  employé  comme  préfixe  par  Ronsard  dans 
la  composition  de  certains  mots. 

Chasse-mal,  adj.  composé,  créé  par  Ronsard,  «  qui 
chasse  le  mal...  •»  Un  seul  exemple  :  (Am.  div. 
Sonn.  à  Villeroy,  IL) 

L'Hercule  chasse-mal  des  bons  esprits  françois. 

(I,  P-  372.) 

Chasse-nue,  s.  composé,  créé  par  Ronsard.  Épithète 
de  l'Aquilon  qui  pousse,  qui  chasse  devant  soi  les 
nuages. 

Brave  Aquillon,  l'horreur  de  la  Scythie, 
Le  chasse-nue...        (Am.  i,  202,  I,  p.  1 14.) 

Chasse-peine,  adj.  composé,  créé  par  Ronsard  qui 
l'applique  à  l'or  (syn.  de  richesse);  la  richesse  qui 
chasse  la  misère.  Ex.  :ï  or  chasse-peine.  {W  ^'p.  222.) 

Chasse-soncy ,  adj.  composé,  créé  par  Ronsard  qui 
l'applique  au  sommeil. 

...  le  dormir  ocieux, 
Chasse-soucy,  leur  vint  siller  les  yeux... 

(Fr.  n,  t.  III,  p.  99.) 

Chasserot,  s.  masc,  diminutif  de  chasseur,  créé  par 
Ronsard. 

Ganymede  délectable, 
Chasserot  délicieux.  (II,  p.  388.) 

Chéant,  part.  prés,  du  verbe  'cheoir  (Nicot,  Littré), 
inusité  aujourd'hui.  Ex.  :  (III,  p.  394.) 

Chenu,  adj.  (Nicot,  Littré),  dérivé  du  latin  canutus, 
signifiait  au  propre  :  blanc  de  vieillesse,  est  em- 
ployé au  figuré  :  plein  d'expérience  et  de  sagesse. 
Chenu  de  mœurs.  (Odes  i,  XVI,  t.  II,  p.  116.) 

Chesneteau,  s.  masc,  diminutif  de  chêne.  (Trévoux, 
Littré.)  Encore  usité  en  sylviculture. 


DE  Ronsard.  49 

Trévoux  :  «  Jeune  chêne  ou  baliveau  au-dessous 
de  trois  pies  de  tour.  Ord.  des  eaux  et  forêts.  1 
Ex.  :  (IV,  p.  90.) 

Chevaucheur,  s.  masc,  dérivé  du  verbe  chevaucher  : 
celui  qui  chevauche. 

...  tu  n'as  point  encore 
Trouvé  quelque  bon  chevaucheur.  (II,  p.  288.) 

Chevestre,  s.  masc,  vieux  mot  (Nicot,  Littré),  licol, 
d'où  le  verbe  enchevêtrer.  Ex.  :  (IV,  p.  10.) 

Chèvre-pied,  adj.  composé,  créé  par  Ronsard.  Pan, 
le  dieu  chèvre-pied.  (IV,  p.  58.) 

Mais  Ronsard  a  créé  aussi  l'adjectif  composé 
pieds-de-chèvre.  (V.  ce  mot.) 

Chevreul,  s.  masc,  orth.  de  Nicot  et  de  Ronsard 
pour  chevreuil. 

Plus  le  cerf  solitaire  et  les  chevreuls  légers 
Ne  paistront  sous  ton  ombre...  (IV,  p.  348.) 

Chiche-face,  s.  masc,  ancien  mot  composé  (Tré- 
voux, Littré),  s'est  appliqué  à  une  sorte  de  croque- 
mitaine  populaire  au  moyen  âge,  mais  signifiait 
primitivement  :  un  avare  au  visage  sec,  jaune,  ren- 
frogné. Trévoux  traduit  :  a  tetrico  et  macilento  vultu 
spirans  avaritiam.  >  C'est  en  ce  sens  que  Ronsard' 
l'emploie.  (VII,  p.  287.) 

Chiennin,  adj.  quai.,  innovation  de  Ronsard,  qui  lui 
attribue  le  même  sens  qu'à  l'anc  adj.  canin. 

...  les  Égyptiens... 
Ont  adoré  leurs  Dieux  sous  chiennine  figure. 

(VI,  p.  52.) 

Chiorme,  s.  fém.,  est  resté  dans  la  langue  moderne 
sous  la  forme  chiourme,  avec  un  sens  restreint.  Au 

Lex.  Ronsard.  a 


^o  Lexiq^ue 

seizième  siècle  il  signifie  troupe,  foule.   Un   seul 
exemple  : 

Amour  ainsi  que  vous  aux  liens  me  contraint, 
A  la  chiorme  amoureuse  ainsi  que  vous  m'enferre. 

(I,  P-  2J9.) 

Chouan,  s.  masc.  (V.  Littré  :  étym.  de  chat-huant), 
c'est  encore  le  nom  donné  en  ornithologie  au 
moyen  duc. 

Si  nous  oyons  crier  de  nuict  quelque  chouan, 

(IV,  p.  306.) 

CM,  pronom,  ancienne  forme  :  celui. 

Comme  cil  qui  ne  veult  pour  les  dames  s'armer. 

(IV,  p.  282.) 

Cimetaire.  V.Cemetaire. 

Cimetere,  s.  masc.(lat.  cœmeter'mm,  dugr.  xot[xr]Tyîpiov), 
orth.  de  Ronsard  pour  cimetière. 
Les  testes  des  cimeteres.  (I,  p.  7).) 
V.  Cemetaire. 

Cimeterre,  s.  masc.  (Nicot  et  Littré),  sabre  recourbé, 
est  employé  deux  fois  comme  féminin  par  Ron- 
sard. Ex.  :  (III,  p.  106  et  201.) 

Claire-voix,  adj.  composé,  créé  par  Ronsard  :  qui  a  la 

'  voix  claire,  perçante... 

Lors  les  hérauts  claire-voix  ont  sonné 
De  toutes  parts  le  conseil...  (III,  p.  65.) 

Clair  té,  s.  fém.,  clarté;  on  prononçait  et  on  écrivait 
indifléremment  clarté,  clerté,  clairté. 

...  tels  qu'on  voit  au  milieu  de  l'esté 
Les  moucherons  voler  sous  la  clairté. 

(III,  p.  109.  Var.) 

Claqueter,  v.  trans.  (Nicot),  fréquentatif  de  claquer. 

(II,  p.  210.) 


DE  Ronsard.  $i 

Cleion  et  Clion,  pour  Clio,  orth.  de  Ronsard.  (Odes 
ll,23,t.  II,  p.  170.) 

Clîner,  v.  trans.,  anc.  forme  (Lacombe.  Dict.)  du 
verbe  cligner,  signifiait  baisser,  courber,  incliner. 
Ronsard  l'emploie  comme  verbe  réfléchi. 

(Odesi,I,t.  II,  p.  25.) 

Cliquant,  part,  du  verbe  cliquer,  ancien  mot  déjà  cité 
par  Palsgrave,  faire  du  bruit,  du  cliquetis. 
Au  son  du  cistre  et  de  cliquantes  armes 
S'entre-choquant...  (III,  p.  100.) 

Cliûuer,  v.  intr.,  aujourd'hui  inusité  (Nicot,  Littré), 
aont  il  nous  reste  le  dérivé  cliquetisj  faire  du  bruit, 
du  cliquetis. 

Clouant,  pdiTt.  prés,  du  verbe  clore,  inusité.  Un  seul 
exemple  : 

Clouant  mes  yeux.  (Fr.  i,  III,  p.  7$.) 

Coche,  subst.,  était  de  genre  indécis  au  seizième 
siècle.  Ronsard  l'emploie  au  féminin  : 

Et,  dessus  une  coche,  en  belles  tresses  blondes, 
Par  le  peuple  en  honneur  déesse  vous  iriez. 

r.       •„  y  (I,  P-'95.) 

Et  ailleurs  au  masculin  : 
Coche  cent  fois  heureux,  où  ma  belle  maistresse 
Et  moy  nous  promenons.  (I,  p.  307.) 

Cofin,  s.  masc,  pour  coffin.  Trévoux  :  vieux  mot. 
Corbeille,  petite  corbeille  ou  panier. 

Et  portoit  en  la  main  un  cofm  plein  de  fleurs. 

(V,  p.  178.) 

Coi  ou  Cojy,  adj.  quai.,  vieux  mot  dérivé  du  latin 

quietus  :  tranquille,  paisible.  (Nicot.) 
Au  féminin  coye.  Ex.  :  (II,  p.  337.) 
Avait    formé   l'adverbe   coiment  ou   coyement} 

(Nicot.)  Ex.  :  (I,  p.  100.) 


52  Lexiqjje 

Cointj  adj.   (lat.  comtus),   vieux  mot  employé  par 
Ronsard  :  beau,  bien  ajusté,  agréable. 

Sans  toy  rien  n'est  de  beau,  de  vaillant  ny  de  coint. 
(Am.  II,  XXIIl,  t.  I,  p.  i68.) 

De  là  l'adverbe  cointement,  soigneusement. 

J'ay  soucy  tant  seulement 
De  parfumer  cointement 
Ma  barbe...      (II,  p.  276.) 

Colllgny  ou  Couligny,  nom  propre,  orth.  de  Ronsard 
pour  désigner  l'amiral  de  Coligny. 

(V,  p.  42,  et  V,  p.  168.) 

Colloquer,   v.   trans.,   vieux  mot  (Nicot,   Littré)  :^ 
placer  (lat.  collocare).  Ex.  :  (II,  p.  456.) 

Colombeau,  s.  masc,  diminutif  de  co/om^^  pigeon. 
V.  Coulomb. 

...  voyez  les  colombeaux; 
Regardez  le  ramier,  voyez  la  tourterelle. 

(I,  p.  171.) 

Au  féminin  :  colombelle.  (I,  p.  230.) 

Colombin,  adj.  quai.  Ronsard  l'emploie  comme  épi- 
thète  du  baiser. 

Les  baisers  colombins  ne  vous  défaillent  point. 

(IV,  p.  213.) 
De  même  : 

...  mille  baisers  d'Amour, 
Colombins,  tourterins...  (IV,  p.  289.) 

Colonne,    s.   fém.,  employé   métaphoriquement   par 
Ronsard  pour  désigner  le  corps,  la  taille... 

A  vous  de  ce  lierre  appartient  la  couronne. 
Je  voudrois,  comme  il  fait,  et  de  nuict  et  de  jour 
Me  plier  contre  vous,  et,  languissant  d'amour. 
D'un  nœud  ferme  enlacer  vostre  belle  colonne. 

(I,P.  3JÎ.) 


DE  Ronsard.  55 

Comblement,  s.  masc,  vieux  mot  (Nicot)  :  action  de 
combler  {cumulatio).  Ex.  :  (I,  p.  47.) 

Commande,  s.  fém.,  terme  de  marine,  grosse  corde 
qui  tient  le  bateau.  Les  Grecs  l'appelaient Trpujjivriaiov, 
les  Latins  rudens. 

...  permets  que  je  coupe 
Sous  heureux  sort  la  commande  qui  tient 
Ma  nef  au  bord...  (Fr.  i,  t.  III,  p.  80.) 

Commander,  v.  employé  intransitivement  par  Ron- 
sard qui  l'applique  aux  astres  dans  le  sens  de  :  pré- 
sider à  la  destinée.  Ex.  : 

L^astre  qui  commandoit  au  poinct  ou  je  fus  né. 

V.  Maistnser  et  Saturne. 

Commune,  s.  fém.,  employé  dans  l'acception  ancienne 
que  signale  Nicot  :  la  foule,  le  vulgaire  (yulaus). 
Ex.  :  (VII,  p.  316.) 

Compaîng,  s.  masc,  anc.  cas  sujet  du  mot  compa- 
gnon. 

J'oy  l'aubade 
De  nos  compaings  enjouez.  (VI,  p.  559.) 

Compas  {par),  locution  ancienne  remplacée  depuis  par 
l'expression  au  compas  (Nicot,  Trévoux,  LittréJ, 
pour  désigner  ce  qui  est  fait  avec  une  exactitude 
méticuleuse  :  bien  mesuré,  et,  appliqué  à  la  musique, 
bien  rythmé.  Ex.  :  (Odes  i,  XXII,  t.  II,  p.  127.) 
De  là  le  sens  du  verbe  compasser  :  mesurer, 
rythmer.  Ex.  : 

...  soit  qu'elle  compassé 
Au  son  du  luth  le  nombre  de  ses  pas.  (I,  p.  76.) 

Compisser,  v.  trans.,  vieux  mot.  (Nicot,  Littré.) 
Nicot  :  «  C'est  plus  que  pisser  et  comme  si  on 
disoit  pisser  par-tout  et  tout  souiller...  1 

(IV,  p.  339-) 


54  Lexique 

Composeur,  s.  masc,  celui  qui  compose,  compositeur, 
auteur. 

Composeur  de  rimes  barbares.  (II,  p.  357.) 

Condemner,  v.  trans.,  forme  savante  du  verbe  con- 
damner. Ex.  :  (III,  p.  370.) 

Condigne,  adj.  cjual.  (Nicot),  dérivé  de  digne  dont  il 
a  la  signification.  Ex.  :  (V,  p.  69.) 

Conforter,  v.  trans.,  ancien  mot  (Nicot,  Littré),  qui 
subsiste  dans  son  composé  réconforter. 

Il  signifiait  au  propre  :  donner  des  forces,  du 
courage  {confirmare,  Nicot),  ou  au  figuré  :  consoler 
{solari,  Nicot).  C'est  en  ce  dernier  sens  que  Ron- 
sard l'emploie.  (VI,  p.  26.) 

Conjecteur,  s.  masc,  tiré  par  Ronsard  du  latin  con- 
jector. 

Des  songes  conjecteur.  (V,  p.  253.) 
C'est-à-dire  :  qui  interprète  les  songes. 

Connin,  s.  masc,  vieux  mot.  (Nicot,  Trévoux,  Lit- 
tré.) Lat.  cuniculus,  lapin.  On  a  dit  aussi  connil, 
conil,  conin,  connilk,  conille.  Ce  mot  avait  formé 
des  dérivés  nombreux  :  le  diminutif  connilleau  ou 
conilkau,  lapereau,  le  verbe  conniller  ou  coniller,  se 
cacher  comme  les  lapins  et  au  figuré  user  de  dé- 
tours, de  subterfuges  ;  les  substantifs  conilleur  ou 
connilleur,  au  figuré  poltron  ;  et  conillère  ou  connil- 
1ère,  garenne,  clapier.  Ex.  :  (VII,  p.  250.) 

Conquéreur,  s.  masc,  usité  concurremment  avec  son 
synonyme  conquérant  :  les  deux  sont  dans  Nicot. 
Ronsard  emploie  l'un  et  l'autre.  Ce  mot  se  trouve 
encore  dans  Coefîeteau.  (Trévoux.)  Ex.  : 

Que  de  la  Gaule  il  sera  conquéreur.  (III,  p.  187.) 
De  même,  (VII,  p.  211.) 
Ailleurs  :  conquérant.  (III,  p.  230.) 


DE  Ronsard.  55 

Conquester,  v.  trans.,  vieux  mot,  qui  subsista  jusqu'à 
l'époque  de  Malherbe.  Conquérir. 
Et  ton  bel  arc  qui  le  monde  conqueste. 

(III,  p.  Ml.) 

Consommer,  v.  trans.,  employé  pour  consumer  :  con- 
fusion fréquente  au  seizième  siècle...  Consumer, 
dissiper. 

Douce  rosée  qui  consommes 

La  chaleur  qui  trop  nous  ardoit... 

(n,  p.  ?5.) 

Conte,  conter,  confusion  fréquente  avec  compte  et 
compter. 

Dont  tu  ne  fais  non  plus  de  conte 

Que  d'un  prisonnier  enchaisné...  (I,  p.  170.) 

Si  tu  peux  me  conter  les  fleurs 
Du  printemps...      (II,  p.  439.) 

Contentieux,  adj.  quai,  (du  lat.  contenderé),  qui  cause 
des  discussions.  (II,  p.  75.) 

Contre-aîmé,  part,  passé,  créé  par  Ronsard  pour  dé- 
signer un  amour  partagé.  (I,  p.  157.) 

Contre-bas,  loc.  adv.,  vers  le  bas,  dans  une  direction 
vers  le  bas... 

Comme  une  fleur  qui  languit  contre-bas.  (I,  p.  90.) 

Contre-erreur,  s.  fém.,  innovation  de  Ronsard  :  erreur 
réciproque.  (I,  p.  424.) 

Contre-imiter,  v.  act.,  mot  composé  employé  par 
Ronsard  avec  le  sens  du  simple  imiter. 

(IV,  p.  179.) 

Contremont,  adv.,  vieux  mot.  Nicot  :  «  C'est  pro- 
prement devers  amont...  dont  l'opposite  est  con- 
treval  ou  contrebas,  -a  Ces  adverbes  s'employaient 


0  Lexique 

absolument  comme  amont,  aval,  ou  avec  un  com- 
plément, contremont  l'eau,  contreval  l'eau. 

Contremont.  (III,  p.  48;  IV,  p.  36.) 
Contreval.  (IV,  p.  351.) 

Contr'eschange,  s.  masc,  vieux  mot,  échange. 

Tu  veux  bien  faire  un  contr'eschange 

De  tes  vers  latins  qui  sont  d'or 

Aux  miens  moindres  qu'airain  encor...  (II,  p.  334.) 

En  contr'eschange  de,  locution  prépositive,  en 
échange  de. 

De  mon  labeur  en  contr'eschange.  (II,  p.  356.) 

Contre-rescrîre,  v.  intr.,  mot  composé  par  Ronsard  : 
répondre  par  lettre.  Ex.  :  (III,  p.  257.) 

Contre-respondre,  mot  créé  par  Ronsard.  Ex.  : 

(III,  299.) 

Controuveur,  s.  masc,  dérivé  par  Ronsard  du  verbe 
controuver,  imaginer  une  fausseté,  une  imposture. 
Non  abuseur,  non  controuveur  de  ruses. 

(Boc.  Roy.  III,  p.  314.) 

Convoy,  s.  masc,  employé  dans  un  sens  très  particu- 
lier dérivé  du  sens  primitif  escorte  :  accompagne- 
ment. 

Et  voyant  le  bateau  qui  s'enfuyoit  de  moy, 

Parlant  à  Marion,  je  chantay  ce  convoy.  (^I,  p.  188.) 

Convoyer,  v.  trans.,  ancien  mot  (Nicot,  Littré), 
accompagner,  conduire  (deducere). 

Où  son  destin  l'appelle  et  le  convoyé. 

(Fr.  I,  t.  III.  p.  67.) 

Cor,  s.  masc  a  En  terme  de  chasse  se  dit  des  pointes 
ou  chevillures  sortans  du  marrein,  de  la  tête  des 


DE  Ronsard.  SI 

■    cerfs  sur  chaque  branche  au  dessous  du  surandouil- 
1er.  >  (Trévoux.) 
V.  le  mot  Vénerie. 

Cordât  Coural,  s.  masc,  corail. 
...  ayant  le  teint  pareil 
Ou  de  la  rose  ou  du  coural  vermeil.  (I,  p.  î  J5 .) 

...  ta  bouche 
Plus  rouge  que  coral.  (I,  p.  225.) 

Cornichon,  s.  masc,  diminutif  de  corne  :  petite 
corne. 

...  elle  avoit  sur  le  front 
Deux  petits  cornichons  comme  les  chevreaux  ont. 

(V,  p.  198.) 

Coronel,  s.  masc,  ancienne  forme  du  mot  colonel. 

(IV,  p.  373.) 

Corrommble,  adj.,  innovation  de  Ronsard  pour  cor- 
ruptible. 

...  juge  non  corrompable.  (III,  p.  367.) 

Corsage,  s.  masc,  dérivé, de  corps,  employé  dans  le 
sens  très  particulier  de  taille,  corpulence  (corporis 
habitas). 

Quand  leur  gueule  dévore  un  cerf  au  grand  corsage. 

(VII,  p.  34.) 

Corsaire,  subst.  employé  au  féminin  par  Ronsard  et 
au  figuré  pour  désigner  :  une  maîtresse  dure  et 
impitoyable.  Ex.  :  (I,  p.  356.) 

Cosser,  V.  trans.,  en  parlant  des  bêtes  à  cornes  :  frap- 
per en  poussant,  donner  de  la  tête  contre.  Ex.  : 
En  parlant  d'un  cerf. 

...  et  de  sa  corne  essaye 
De  cosser  brusquement  mon  mastin  qui  l'abaye. 

ÙV,  p.  10.) 


58  Lexique 

Cossi,  mot  créé  par  Ronsard  qui  l'emploie  substanti- 
vement. Onomatopée  destinée  à  représenter  le  cri 
de  l'hirondelle. 

Si  fait  bien  l'arondelle  aussi 

Quand  elle  chante  son  cossi,  (VI,  p.  3J0.) 

Costektte,  s.  fém.,  diminutif  de  côte  et  employé  dans 
le  sens  de  côte.  (VI,  p.  395.) 

Cottonner  et  Cotonner,  v.  trans.  Nicot  le  traduit  par  : 
ferlre  gossipio,  c'est-à-dire  ouater.  Ronsara  ne 
l'emploie  qu'en  parlant  de  la  barbe  naissante  qui 
couvre  le  visage  de  duvet. 

Si  tost  qu'un  poil  follet  leur  menton  cottonna. 

(Hymnes,  II,  t.  V,  p.  19.) 

Ailleurs  il  lui  donne  comme  sujet  un  nom  de  per- 
sonne. 

(les)  Princes,  qui  cotonnent 
D'un  jeune  poil  leurs  mentons, 

(Disc.  Prière  à  Dieu,  t.  VII,  p.  ijj.) 

Couardeté,  s.  fém.,  innovation  de  Ronsard  pour 
couardise.  Ex.  :  (VI,  p.  3$-) 

Coudre^  s.  masc.  aujourd'hui,  était  alors  de  genre 
commun.  Ronsard  l'emploie  au  féminin. 

Gentil  rossignol  passager 

Qui  t'es  encore  venu  loger 

Dedans  ceste  coudre  ramée.  (II,  p.  420.) 

Coudre  avait  formé  le  diminutif  coudrette  (même 
sens).  (II,  p.  421.) 

Coulomb,  s.  masc.  (Nicot,  Littré),  vieux  mot,  pigeon 
(VII_,  p.  1 16),  a  formé  les  dérivés  colombe,  colom- 
beau,  colombelle  et  l'adjectif  colombïn. 

Coulpe,  s.  fém.  (lat.  calpa),  vieux  mot  français,  faute. 

Sa  coulpe  luy  soit  tant  qu'il  vive 

Représentée!  (Odes  retr.,  t.  II,  p.  4 j 9.) 


DE  Ronsard.  $9 

Coupeau,  s.  masc,  vieux  mot,  signifiait  le  sommet 
d  une  montagne. 

...  lecoupeau 
Du  chevelu  Parnasse.  (II,  p.  244.) 

Cour  aller  ou  Courratier,  fém.  couratlère  ou  cour  ra- 
tière. Nicot  indique  :  courretier,  d'où  courtier.  ■ 
Jeanne  la  Grise  de  Venus  courratière.  (IV,  p.  346.) 
El  aumasculm  couratier.  (V,  p.  251.) 

Couronnure,  s.  fém.,  terme  de  vénerie,  sorte  de  cou- 
ronne formée  par  la  disposition  des  menus  cors 
d'un  cerf,  vers  le  sommet  du  bois. 

(I,  p.  255.  Vers  d'Eurym.  et  Cailirhée.) 
V.  le  mot  Vénerie. 

Courre,  ancienne  forme  de  l'infinitif  du  verbe  courir. 
(Nicot,  Littré.)  Ex.  :  (I,  p.  151.) 

Cours,  s.  masc,  employé  par  Ronsard  avec  deux 
acceptions  très  particulières. 
1°  Action  de  courir.  Ex.  : 
Bientost  je  t'aurois  mis  le  frein. 
Puis  te  voltant  à  toute  bride 
Soudain  je  t'aurois  fait  au  cours.  (Il,  p.  288.) 

2^  La  suite  d'une  destinée,  la  poursuite  d'une 
entreprise.  Ex.  : 

...  asseurant  ma  fortune  et  mon  cours 
M'as  présenté  ta  fille  et  ton  secours.  (III,  p.  15$.) 

Court  ou  Cour.  Ronsard  emploie  indifféremment  ces 
deux  orthographes  alors  en  usage.  Ex.  : 
...  un  basteleur  de  court... 
Et  quelques  vers  plus  loin  : 
Qui  presse  sous  les  pieds  la  Cour  et  l'avarice. 

(III,  p.  421.) 

Courtil,  s.  masc,  vieux  mot  (Nicot,  Littré),  jardin. 
Ex.  :  (IV,  p.  .9.) 


6o  Lexiq^ue 

Courtisan  et  Courtiseurj  s.  masc. 

...  un  plaisant  courtiseur.  (III,  p.  401.) 

Couteau,  s.  masc. ,  prononciation  du  centre  pour 
coteau.  Ronsard  orthographie  coutau  et  Cousteau. 

...  ny  aux  coutaux  voisins 
Jamais  Bacchus  n'y  fait  verdeler  ses  raisins. 

(VI,  p.  42.) 

Coutelace.  V.  Coutelas. 

Coutelas,  s.  masc.  On  appelait  ainsi  jadis  une  épée 
de  fm  acier  fort  tranchante  d'un  côté  seulement  et 
qui  va  un  peu  en  se  courbant.  (Trévoux.) 

Il  est  du  masculin  dans  Nicot  aussi,  et  Ronsard 
l'emploie  une  fois  au  masculin.  (VI,  p.  206.) 

Mais  ailleurs  il  en  tait  un  s.  fém.  sous  la  forme 
Coutelace.  (Fr.  il,  t.  III,  p.  131.) 

CoutVere,  s.  fém.,  semble  être  de  l'innovation  de  Ron- 
sard pour  désigner  un  coteau  garni  de  vignes, 
Ex.:(V,p.  235.) 

Couverture,  s.  fém.,  au  figuré  (Nicot,  Trévoux,  Lit- 
tré),  prétexte  qui  sert  à  couvrir,  à  déguiser  un  des- 
sein ou  à  excuser  une  faute.  Ex.  : 

(I,  p.  273  et  355.) 

Couvre-cerveau,  adj.  comp.  La  vieille  langue  avait  le 
substantif  couvre-chef.  Ronsard  a  créé  l'adjectif 
couvre-cerveau. 

...  la  toge  couvre-cerveau.  (Fr.  t.  III.) 

Crampe,  s.  fém.,  contraction  convulsive  des  muscles 
de  la  jambe  :  ici  ruade... 

Nature  fit  présent  de  cornes  aux  taureaux, 

Et  pour  armes  de  crampe  et  de  sole  aux  chevaux. 

(VI,  p.  271.) 

Craqueter,  v.  intr.,  ancien  verbe  aujourd'hui  inusité 


DE  Ronsard.  6i 

(Nicot,  Littré),  fréquentatif  de  craquer.  C'est,  dit 
Nicot,  «  craquer  dru  et  menu,  sape  crepitare  i . 
Ex.  :  (III,  p.  62  et  304.) 

Ce  verbe  avait  formé  le  dérivé  craquetis  (Nicot, 
Littré),  qui,  dit  encore  Nicot,  »  est  de  la  même 
façon  que  diauetis  1  (V.  ce  mot),  et  signifie  le 
bruit  que  fait  la  chose  qui  craque.  Ex.  : 

(V,  p.  24.) 

Crespe,  adj.,  vieux  mot,  bouclé,  frisé. 

Quand  au  matin  ma  déesse  s'habille 

D'un  riche  or  crespe  ombrageant  ses  talons. 

(I,p.  2J.) 

De  là  les  mots  :  crespa,  crespela,  crespillon. 

Ni  le  soleil  ne  rayonna  si  beau 
Quand  au  matin  il  nous  monstre  un  flambeau 
Tout  crespu  d'or.  (I,  p.  38.) 
Ny  de  son  chef  Iç  trésor  crespelu.  (I,  p.  28.) 
Or  les  frizant  en  mille  crespillons.  (I,  p.  2j.) 
Et  le  verbe  cresper. 

Le  soleil  en  crespa  sa  chevelure  blonde. 

(V,  p.  221.) 

Crin,  s.  masc,  employé  au  figuré  par  Ronsard  pour 
désigner  le  feuillage  des  arbres.  Ex.  : 

Le  haut  crin  des  bois 

Qui  vont  bornant  mon  fleuve  Vendomois. 

(Odes  I,  XXII,  t.  II,  p.  128.) 

CrineuXydià].  quai.  Ronsard  l'emploie  au  sens  propre 
et  au  figuré. 

Au  sens  propre  il  signifie  :  qui  a  les  cheveux 
longs.  Ex.  : 

...  on  veid  parmi  nos  villes 
Errer  soudain  des  hommes  incognus, 
Barbus,  crineux,  crasseux  et  demi-nus... 

(Disc,  t.  VII,  p.  82.) 


Gi  Lexique 

Au  figuré  :  s'appligue  à  la  trace  lumineuse  que 
laisse  dans  le  ciel  derrière  elle  une  comète.  Ex.  : 
. . .  une  comète, 
Qui,  glissant  par  le  ciel  d'une  crineuse  traite, 
Tombe  dessus  un  champ... 

(Boc.  Roy.,  t.  III,  p.  277.) 

Ou  encore  à  l'Aurore.  Ex,  : 
Quand  plus  crineuse  elle  embellit  le  ciel. 

(Am.  I,  94,  t.  I,  p.  MO.) 

Cronierij  de  Kpoviwv,  fils  de  Gronos,  surnom  de  Nep- 
tune. 

La  contentieuse  querelle         ' 
De  Minerve  et  du  Cronien. 

(Odesi,  X,  str.  VI,  t.  II,  p.  75.) 

Crosse,  adj.  quai.,  ou  crocé  (Nicot,  Littré)  :  s'appli- 
auait  aux  prélats,  évêques  ou  abbés  ayant  le  droit 
de  porter  la  crosse. 

Ma  lyre  crossée.  (II,  p.  273.) 

Crouillet,  s.  masc,  subsiste  encore  dans  le  Blaisois, 
sous  la  forme  courrouil,  dont  il  n'est  que  le  dimi- 
nutif courroaillet,  et  par  abréviation  crouillet  :  c'est 
le  loquet. 

En  poussant  le  crouillet...  ouvre  l'huis. 

(R.  t.  V,p.  II.) 

De  là  le  dérivé  :  descroiiiller,  v.  trans.,  tirer  le 
loquet,  ouvrir.  (II,  p.  1 19.) 

Cm,  adj.  quai.,  employé  par  Ronsard  à  l'imitation  du 
latin  : 

Jam  senior,  sed  cruda  deo  viridisque  senectus. 

(Virg.  En.,  VI,  304.) 
Et  du  grec  : 

(I)[JiOYépovta  ôé  (xiv  çatr'  efXfjLevai. 

(Hom.  II.,  XXIII,  791.) 

Nous  disons  encore,  employant  une  métaphore 
analogue  :  une  verte  vieillesse... 


DE  Ronsard.  63 

Ici  :  vends,  vigoureux... 
Les  crus  vieillards  d'un  grand  et  large  tour 
Ici  dansoient  a  testes  couronnées...  (III,  p.  57.) 

Cruche,  s.  fém.,  terme  populaire  signifiant  stupidité, 
bêtise^  et  employé  par  Ronsard  pour  opiniâtreté. 

(Il,  p.  43'-) 

Guider,  vieux  mot  employé  le  plus  souvent  par  Ron- 
sard dans  le  sens  de  l'ancien  verbe  oultrecuider,  dont 
le  dérivé  outrecuidance  subsiste  encore.  Pris  sub- 
stantivement, l'infinitif  de  ce  verbe  est  pour  lui 
synonyme  de  présomption.  Ex.  : 

...  tout  le  mal  qui  vient  à  l'homme  prend  naissance 
Quand  par  sus  la  raison  le  cuider  a  puissance. 

(VII,  p.  35.) 

Ronsard  l'emploie  cependant  au  sens  de  :  pen- 
ser. (I,  p.  47.) 

Cuisse-né,  adj.  composé  créé  par  Ronsard.  Il  l'appli- 
que à  Bacchus,  par  allusion  à  sa  double  naissance 
légendaire. 

Bacchus  cuisse-né.  (V,  p.  235.) 

Cuissette,  s.  fém.  (Nicot),  diminutif  de  cuisse.  Ex.  : 

(I,p.  182.) 

Cuit,  part,  passé  du  verbe  cuire  pris  dans  le  sens  de 
brûler  ardemment.  L'adjectif  verbal  cuisant  a  encore 
conservé  ce  sens  aujourd'hui. 

N'a  pas  eu  la  poitrine  cuite 

Par  un  amour...  (II,  p.  II  j.) 

Curer,  v.  act.  (curare),  soigner,  guérir. 

Dans  ce  sens  il  ne  se  trouve  qu'une  fois  : 
Et  n'y  a  main,  tant  elle  soit  experte 


Qui  puisse  bien  la  curer  de  son  mal. 

(Boc.  Roy.,  t.  III,  p.  34$. ) 


64  Lexique 

Cyprien,  adj.,  de  Cypre  ou  plutôt  de  Vénus,  déesse 
de  l'amour,  particulièrement  honorée  à  Cypre. 

0  bienheureux  pigeons,  vray  germe  cyprien. 

(I,  p.  301.) 

Cyprine,   s.   fém.    Épithète    de    Vénus,   déesse  de 
Cypre. 

Belle  déesse,  amoureuse  Cyprine.  (I,  p.  385.) 


Dace,  s.  fém.  Nicot  ne  signale  pas  ce  mot.  Moreri  le 
dérive  de  datio  :  il  signifierait  :  contribution,  taxe. 
Ceux  ont  en  main  les  plus  gras  bénéfices, 
Daces,  imposts  et  les  meilleurs  offices. 

(Poèmes  11,  t.  VI,  p.  266.) 

Ronsard  n'en  offre  pas  d'autre  exemple. 

Dague,  s.  fém.,  terme  de  vénerie  :  bois  du  cerf  après 
la  première  année.  (I,  p.  254.) 
V.  le  mot  Vénerie. 

Damoiseau,  généralement  employé  comme  substantif 
(Nicot),  est  adjectif  (I,  p.  107.) 

Debteur,  s.  masc.  (Nicot,  Littré),  ancienne  forme  de 
débiteur.  Ex.  :  (VI,  p.  155.) 

Déceptif,  adj.,  fém.  décepîive  (lat.  deceptivus),  trom- 
peur. Vieux  mot  encore  en  usage  au  seizième  siècle. 

...  une  ruse  déceptive. 

(Odes  IV,  X,  t.  II,  p.  263.) 

Decevance,  s.  fém.,  vieux  mot  usité  durant  tout  le 
moyen  âge  et  synonyme  de  déception.  Les  deux 
sont  dans  Nicot.  Ex.  :  (I,  p.  170.) 


DE  Ronsard.  6^ 

Déchoir  (Se),  employé  comme  verbe  réfléchi,  est  pris 
au  sens  propre  de  tomber,  choir,  par  Ronsard. 
Nicot  inaique  seulement  le  sens  figuré  :  tomber  en 
décadence.  Ex.  :  (II,  p.  191.) 

Découpé,  part,  passé,  épithète  appliquée  par  Ronsard 
aux  habits,  à  la  toilette  :  frangé.  Ex.  : 

Parfumez,  découpez,  courtisans,  amoureux. 

(VII,  p.  42.) 

Decrucher,  v.  trans.,  employé  par  Ronsard  pour  dé- 
crocher, détacher,  faire  tomber.  Ex.  :  (III,  p.  96.) 

Déduit,  passetemps,  plaisir,  vieux  mot. 

Au  reste  elle  est  en  danse,  en  festins  et  déduit. 
(Boc.  Roy.,  la  Vertu  amoureuse,  t.  III,  p.  413.) 

Son  plaisir,  son  déduit,  ses  jeux,  ses  passetemps. 

(I,  p.  254.) 

De  en,  pour  dedans.  Ex.  :  (VIII,  p.  157.) 

Defaroucher  ou  Desfaroucher,  v.  trans.  (Nicot),  inno- 
vation de  Ronsard  :  apprivoiser.  Ex.  : 

(VI,  p.  215.) 

Defrauder,  v.  trans.  (lat.  fraudare),  priver,  ravir  de 
force.  (Nicot.) 

Ne  défraudant  les  ouvrages 

Du  laboureur  attendant...  (II,  p.  433.) 

Degout,  s.  masc,  formé  par  Ronsard  à  l'imitation  du 
verbe  dégoutter,  couler  goutte  à  goutte. 

Et  l'eau  croissant  du  degout  de  tes  pleurs. 

(I,  p.  22.) 

Dehacher,  v.  trans.,  s  à  coups  de  hache  mettre  en 
pièces...  car  il  est  composé  de  hacher...  et  ^^^  pré- 
position augmentative  équipolant  à/tzni/to,  omnino, 
ainsi  qu'elle  est  en  ceux-ci  :  Détrencher,  détailler  > . 
(Nicot.)  Ex.  :  (III,  p.  80.) 

Lex.  Ronsard.  '  5 


GG  Lexiq_ue 

Dde,  nom  propre,  orth.  de  Ronsard  pour  Delos, 
l'une  des  Cyclades. 

De  tels  cheveux  le  dieu  que  Dele  honore 

Son  col  de  lait  blondement  ne  décore.  (I,  p.  102.) 

Délivre,  adj.  quai.,  ancien  adjectif  (Palsgrave,  La- 
combe),  n'était  plus  usité  du  temps  de  Ronsard,  si 
ce  n'est  dans  l'expression  adverbiale  à  délivre 
(Nicot)  :  il  signifiait  libre  de.  Ex.  : 

(I,  p.  51,  248  et  403.) 

Demenrance  ou.  Demourance  (Nicot),  vieux  mot,  syno- 
nyme de  demeure.  Ronsard  emploie  demenrance. 
Ex.  :  (I,  p.  67.) 

Demi-ceint,  s.  masc,  mot  composé.  Nicot  :  ceinture. 
Les  Grâces  en  ont  fait  leur  demi-ceint  boucler. 

(V,  p.  222.) 

Démuselé,  part,  passé  d'un  verbe  démuseler  qui  sem- 
ble être  de  l'invention  de  Ronsard  :  qui  a  perdu  ses 
muscles.  Ex.  :  (VII,  p.  312.) 

Demy-eheval,  mot  composé  par  Ronsard  pour  dési- 
gner les  Centaures.  (III,  p.  405.) 

Demi-fleury,  adj.  composé  :  à  moitié  couvert  de  fleurs. . . 
Ex.  :  (VII,  p.  190.) 

Demy-panehé  et  My-panché,  adj.  composé  créé  par 
Ronsard.  (I,  210.) 

Dé-nerver,  v.  trans.  formé  par  Ronsard  sur  le  modèle 
du  verbe  italien  disnervare,  couper  les  nerfs,  éner- 
ver, épuiser.  (Am.  I,  53,  t.  I,  p.  32.) 

Denys,  nom  propre,  traduction  de  Dionysos,  nom 
grec  du  dieu  Bacchus.  (V,  p.  237.) 

Deparesser,  v.  trans.,  innovation  de  Ronsard  :  faire 
sortir  quelqu'un  de  son  état  de  paresse.  Ex.  : 

(VI,  p.  48,) 


DE  Ronsard.  67 

Départir  {Se),  v.  réfl.,  peut  avoir  deux  acceptions, 
r  Se  séparer... 

...  mon  cœur  du  siçh  s'est  départi.  (IV,  p.  229.) 
2"  Partager... 
...  le  bien  de  l'Église  aux  enfans  se  départ. 

(VII,  p.  42.) 

Depoulpé,  part,  passé  d'un  verbe  depoulper  :  innova- 
tion de  Ronsard  :  qui  a  perdu  le  pouls,  dont  le 
cœur  ne  bat  plus.  Ex.  :  (VII,  p.  312.) 

Dépraver  ou  Despraver  (Nicot,  Littré),  v.  trans.,  cor- 
rompre, gaster,  au  propre  et  au  figuré.  Ronsard 
lui  attribue  le  sens  de  falsifier.  Ex.  :  (II,  p.  298.) 

Déprisonné,  part,  passé  du  verbe  déprisonner  (tirer  de 
prison),  formé  par  Ronsard  à  l'imitation  du  verbe 
emprisonner.  , 

Nos  corps... 
Deprisonnez  de  l'humaine  closture.  (III,  p.  108.) 

Dé-reter  ou  Desrester ,  v.  trans.  (Nicot),  innovation 
de  Ronsard  :  c  deslivrer  et  desvelopper  des  rets  » , 
et  Muret  l'explique  par  t  deslier  » .  Ex.  : 

(I,  p.  123.) 

Des-augmenter,  v.  trans.,  semble  être  de  l'invention 
de  Ronsard.  C'est  le  contraire  d'augmenter  :  dimi- 
nuer, s'amoindrir.  Ex.  :  (I,  p.  57.) 

Deschaux,  adj.,  vieux  mot,  déchaussé,  nu. 

Et  l'autre  à  pieds  deschaux  gâche  le  vin  nouveau. 

(IV,  p.  94-) 

Descœuvre,  ?'  pers.  sing.  prés.  ind.  du  verbe  décou- 
vrir. On  employait  couramment  alors  cœuvre  pour 
couvre. 

Dans  la  var.  (1587)  même  page  Ronsard  em- 
ploie descouvre.  (II,  p.  147.) 


68  Lexiq^ue 

Descrouiller .  V.  Crouillet, 

Désembraser,  v.  trans.,  semble  être  une  innovation  de 
Ronsard.  C'est  le  contraire  de  :  embraser.  Ex.  : 

(I,  p.  27.) 

Desensevelir,  v.  trans.  (Nicot),  faire  sortir  de  l'oubli, 
au  figuré.  (II,  p.  408.) 

Desguiser,  v.  trans.  (Nicot  :  aller  are),  employé  au 
figuré  pour  :  changer,  modifier,  modeler  sur. 
Ex.  :  (I,  p.  130.) 

Des-machoirer,  v.  trans.,  innovation  de  Ronsard  : 
arracher  la  mâchoire.  Ex.  :  (I,  p.  127.) 

Desnoircir j  v.  trans.,  semble  être  de  l'invention  de 
Ronsard.  C'est  le  contraire  de  noircir  :  blanchir. 
Ex.  : 

...  desnoircir  un  More.  (I,  p.  217.) 

Despendre,  v.  trans.,  forme  plus  ancienne  que  despen- 
ser (Nicot,  Littré).  Ex.  :  (II,  p.  357.) 

Despit,  adj.,  vieux  mot. 

Il  peut  avoir  deux  significations. 
/     1°  Qui  a  du  dépit. 

...  je  désire,  fontaine, 
De  plus  ne  songer  boire  en  toy 
L'esté,  lorsque  la  fièvre  ameine 
La  mort  despite  contre  moy. 

(Odes  III,  X,  t.  II,  p.  208.) 
2"  Irascible. 
Ne  soyez  point  chagrin,  despit,  ne  furieux. 

•(VII,  p.  38.) 

Despiter,  employé  comme  verbe  actif  :  causer  du  dé- 
pit à... 

Pour  les  dieux  despiter.  (Odes  iv,  V,  t.  II,  p.  255.) 
et:(I,  p.  293.) 


DE  Ronsard.  69 

Despiteux,  adj.  quai.,  opposé  à  piteux,  qui  excite  ou 
qui  éprouve  de  la  pitié.  Signifie  impitoyable.  Ex.  : 
Non  celle  qu'Apollon  vid,  vierge  despiteuse, 
En  laurier  se  former. 

(Am.  div.  ch.  m,  t.  I,  p.  384.) 
De  même  : 

La  mort  despiteuse  (II,  p.  2  5  5). 
L*Orque  despiteux  (V,  p.  109). 

Desrober,  v.  trans.,  employé  pour  le  verbe  réfléchi  se 
dérober  à,  se  soustraire  à,  éviter. 

Nul  ne  desrobe  son  trespas.  (II,  p.  292.) 

Desrobe-flenr,  adj.  composé,  créé  par  Ronsard  pour 
désigner  l'abeille  qui  Lutine  de  fleur  en  fleur. 
...  la  desrobe-fleur  avette.  (Il,  p.  146.) 

Dessanvager,  v.  trans.,  innovation  de  Ronsard  comme 
défaroucher  (V.  ce  mot)  :  apprivoiser.  Ex.  : 

(VII,  p.  203.) 

Desserrer,  v.  trans.,  sens  primitif:  relâcher  ce  qui  était 

serré  (lat.  relaxare). 

Le  ciel  qui  le  jour  desserre.  (VI,  p.  364.) 

Dessommeiller,  v.  trans.,  éveiller,  tirer  du  sommeil... 

Presque  d'un  temps  le  mesme  esprit  divin 
Dessommeilla  du  Bellay  l'angevin.  (VI,  p.  44.) 

Dessur,  employé  comme  préposition  pour  sur,  dès  le 
moyen  âge;  encore  usité  au  seizième  siècle. 

Disant  quelque  chanson  en  filant  dessur  toy. 

(I,  p.  219.) 

Des-vier  et  dévier,  v.  intrans. ,  vieux  mot  dérivé  de  vie  : 
cesser  de  vivre,  mourir... 

...  et  là  je  fus  ravy 
De  ses  beaux  yeux  par  lesquels  je  des-vie.  (I,  p.  92.) 
...  la  fleur,  qui  si  tost  dévie.  (II,  p.  401.) 


70  Lexique 

Détacher,  employé  intransitivement  pour  le  réfléchi  se 
détacher. 

L'avarice  jamais  de  son  col  ne  détache.  (IV,  p.  222.) 

Detrancher,  v.  trans.  (Nicot),  couper  en  tranches. 
V.  Dehacher.  Ex.  :  (III,  p.  80.) 

Deubs,  part,  passé  masc.  pi.  pour  dus,  orthographe 
dite  étymologique  :  rétablissement  du  b  latin  {debi- 
tus). 

...  ainsi  le  froid  giron 
De  la  tombe  assoupit  tous  les  sens  de  nature 
Qui  sont  deubs  à  la  terre  et  à  la  pourriture. 

(IV,  p.  219.) 

Deuïs  {Je  me).  V.  Douloir. 

Deux-fois-né  ou  Deax-fois-nay,  adj.  composé  créé 
par  Ronsard,  épithète  qu'il  applique  à  Bacchus 
(I,  p.  329),  traduction  du  grec  Aiyovoç. 

Devant,  devers  confondus  couramment  au  seizième 
siècle  avec  les  prépositions  avant,  vers;  fréquent 
chez  Ronsard. 

Devanteau,  s.  masc,  tablier  de  femme,  ancien  mot  : 
Nicot  indique  les  trois  formes  devantier,  devantel, 
devanteau.  La  troisième  seule  se  trouve  dans  Ron- 
sard. Ex.  :  (III,  p.  163,  et  VIII,  p.  170.) 

Dé-veiner,  v.  act.,  formé  par  Ronsard  sur  le  verbe  ita- 
lien svenare,  couper  les  veines,  tuer,  etc.,  à  l'exem- 
ple du  verbe  denerver  (v.  ce  mot). 

(Am.  I,  53,t.I,  p.  32.) 

Devenir  en.  Le  verbe  devenir  pouvait  être  suivi  d'un 
complément  précédé  d'une  des  prépositions i^  en... 
Ex.  :  devenir  à  rien  (Nicot),  devenir  en  herbe 
(Nicot).  De  même  chez  Ronsard  :  devenir  en  jau- 
nisse. Ex.  :  (I,  p.  275.) 


DE  Ronsard.  71 

Devideau,  s.  masc.  ;  on  disait  aussi  dev'idet,  dévidoir 
(Nicot)  :  ce  dernier  a  subsisté. 

Ne  tourne  plus  ce  devideau.  (II,  p.  373.) 

Dextre,  adj.,  vieux  mot  (lat.  dexter). 

1°  Droit. 

...  l'effort  de  ta  main  dextre.  (II,  p.  38.) 

2"  Qui  est  à  droite  etfig.  favorable. 

...  le  ciel,  témoin  de  saparolle, 

D'un  dextre  éclair  fut  présage  à  mes  yeux. 

0,  p.  13.) 

Didascaliaues,  adj.  quai.,  mot  d'origine  grecque  : 
aujoura'hui  didactique.  (III,  p.  19.) 

Dieu-messager,  s.  masc,  sorte  de  nom  composé  par 
juxtaposition  créé  par  Ronsard,  épithète  de  Mer- 
cure. (V,  p.  360.) 

Dinne,  orth.  de  Ronsard  pour  digne  {gn  =  nn). 

(II,  p.  94.) 
Il  l'écrit    même    dine   (II,    p.    339).    Ortho- 
graphe parfaitement  conforme  à  la  prononciation 
d'alors. 

Dires,  s.  fém.  {dira),  imprécations,  malédictions. 
Ronsard  n'en  offre  qu'un  exemple. 

(IV,  p.  338.) 
C'est  le  titre  de  l'Élégie  XXIX  :  encore  prend- 
il  la  précaution,  qui  n'est  pas  inutile,  de  faire  suivre 
ce  mot   du  commentaire  :    «.  Dires  ou  Impréca- 
tions. 1) 

Discord,  s.  masc,  vieux  mot  (Nicot,  Littré)  :  dis- 
corde, dissension.  Ex.  :  (III,  p.  17$.) 

Disnée,  s.  fém.,  et  disner,  s.  masc,  synonymes  em- 
ployés simultanément.  Ex.  :  (VI,  p.  106.) 


72  Lexique 

Dispost,  adj.,  pour  dispos,  féminin  disposte  :  léger, 
alerte. 

Luy,  fait  oiseau,  dispost,  de  saut  en  saut 
Poursuit  en  vain  l'objet  de  son  martyre.  (I,  p.  97.) 
...  entre  les  mains  d'une  disposte  fille 
Qui  dévide,  qui  coust,  qui  mesnage  et  qui  file. 

(I,  p.  219.) 

Dhpotme,  mot  forgé  par  Ronsard  :  a  qui  signifie  une 
vie  de  petite  durée  s .  (VII,  p.  178.) 

Dizenierj  pour  Dizainier.  (Nicot.) 

...  le  flot  dizenier.  (III,  p.  130.) 
Marcassus  :  «  Les  Latins  l'appellent  unda  deçà- 
mana;  c'est  la  dixième  vague,  la  plus  horrible  et  dan- 
gereuse de  toutes.  » 

Dodonéen  et  Dodonois,  adj.,  dérivé  du  nom  de  la  forêt 
sacrée  de  Dodone.  Ronsard  emploie  indifféremment 
les  deux  formes. 

Dedans  Buthrote,  en  les  champs  oii  la  vois 
Vit  prophétique  es  chesnes  Dodonois.  (III,  p.  48.) 
Adieu,^  chesnes,  couronne  aux  vaillans  citoyens, 
Arbres  de  Jupiter,  germes  Dodonéens.  (IV,  p.  848.) 

Dolouëre,  s.  fém.,  pour  dololre,  instrument  qui  sert  à 
aplanir  et  à  amincir  le  bois.  (VI,  p.  411.) 

Domte-poullain,  adj.  composé  créé  par  Ronsard. 

Castor  domte-poullain.  (VI,  p.  48.) 

Donne-blé,  adj.  composé  créé  par  Ronsard. 
Été  donne-blé.  (V,  p.  187.) 

Donneur,  s.  masc.  (Nicot),  encore  usité  (Littré)  : 
celui  qui  donne.  Ex.  :  (II,  p.  58.) 

Donne-vie,  adj.  composé  créé  par  Ronsard. 
...  l'or  donne-vie.  (V,  p.  222.) 


DE  Ronsard.  73 

Donne-vin,  adj.  composé  créé  par  Ronsard. 
Été  donne-vin.  (V,  p.  187.) 

Don'rai  {je),  pour  je  donnerai  :  abréviation  fréquente 
au  moyen  âge  et  autorisée  par  Ronsard.  (Abrégé 
de  y  Art  poétique.) 

Je  te  don'ray  pour  te  servir  de  page 
Le  Jeu  mignard...  (III,  p.  m.) 

Dorloter,  v.  trans.,  ancien  mot(Nicot,  Littré),  dérivé 
du  picard  dorlot,  affiquets,  parure,  ornements;  d'où 
dorloter  :  orner,  parer  et  au  figuré  caresser.  Ex.  : 

(I,  p.  129.) 

Dos-ailé,  adj.  composé  créé  par  Ronsard  pour  dési- 
gner Pégase  dont  le  dos,  selon  la  légende,  était 
garni  d'ailes. 

...  le  dos-ailé  Pégase.  (VI,  p.  123.) 

Doucekt,  adj.,  diminutif  de  doux.  Ronsard  emploie 
auési  doucet. 

Sa  belle  peau  doucelette.  (Il,  p.  349.) 

Dongé,  adj.  ;  dougément,  adv.  Ronsard  les  a  employés 
chacun  une  fois. 

Au  milieu  d'elles  (les  Parques)  estoit 
Un  cofre  où  le  Temps  mettoit 
Les  fuzeaux  de  leurs  journées 
De  courts,  de  grands,  d'allongez, 
De  gros  et  de  bien  dougez. 

(Odesi,  X,  t.  II,  p.  91.) 
Je  te  puis  assurer  que  sa  main  délicate 
*  Filera  dougément  quelque  drap  d'escarlate. 

(Am.  i:,  la  Quenouille,  t.  I,  p.  220.) 

Remy  Belleau  fait  suivre  ce  dernier  vers  de  ce 
commentaire  :  a  Dougément,  subtilement,  à  filets 
prins  et  menus.  Dougé  est  un  mot  d'Anjou  et  de 
Vendomois  propre  aux  filandières,  qui  filent  le  fi! 
de  leur  fuseau  tenu  et  menu,  u 


74  Lexiq_ue 

Trévoux  signale  l'adjectif  dougé  comme  un  mot 
hors  d'usage  :  a  Dougé,  ée,  vieux  mot  :  fin,  délié.  > 
Ex.: 

Le  corps  est  droit,  gent  et  dougé. 

€  Ménage  remarque  que  l'on  dit  aussi  du  fil 
dougé  et  de  la  toile  dougée.  » 

Cet  adjectif  a  formé  le  terme  technique  en  usage 
aujourd'hui.  Dougé,  s.  masc,  ciseau  plat,  très 
mince,  servant  à  fendre  les  ardoises. 

Douillet,  adj.  quai.,  doux  au  toucher,  délicat. 

De  main  douillette  et  de  mignonne  peau. 

(III,  p.  126.) 

Douloir  {Se),  v.  réfl.,  souffrir,  se  plaindre  (lat.  dolere), 
vieux  mot  usité  pendant  tout  le  moyen  âge. 

...  et  si  n'ay  pas  envie 

De  me  douloir...  (Am.  i,  VII,  t.  I,  p.  6.) 

...  le  mal  dont  je  me  deulx. 

(Am.  1,  173,  t.  I,  p.  99.) 

Plus  ils  en  ont,  plus  se  plaignent  et  deulent. 

(Poèmes  11,  t.  VI,  p.  265.) 

Subjonctif:  que  je  me  deuille.  (II,  p.  391.) 

Douter,  v.  trans.,  pour  redouter. 

Il  ne  doute  les  loups,  tant  soient-ils  redoutables. 

(IV,  p.  II.) 

C'est  d'ailleurs  le  sens  du  substantif  doute  dans 
le  passage  suivant  oi!i  il  tient  lieu  du  mot  crainte  : 

Mais  i'ay  grand  doute  qu'à  l'instant 
Que  d'homme  parfait  auras  l'âge 
Ce  mal- heureux  oyseau  volage 


Sans  y  penser  te  surprendra.  (I,  p.  435.) 
Douteux  à...  (Nicot),  hésitant  à...  Ex. 


(I,P.  237-) 


DE  Ronsard.  75 

Doux-amer,  adj.  composé,  innovation  de  Ronsard. 
Épithète  de  l'amour  :  qui  est  doux  et  amer  en 
même  temps. 

Non,  ce  n'est  point  une  peine  qu'aimer, 
C'est  un  beau  mal,  et  son  feu  doux-amer 
Plus  doucement  qu'amèrement  nous  brusle. 

(Am.  1,  LXVII,  t.  I,  p.  40.) 

Doux-fier,  adj.  composé  créé  par  Ronsard,  cruel  et 
doux  en  même  temps  en  parlant  des  flèches  de 
l'Amour. 

Le  doux-fier  trait  qui  me  tient  languissant. 

(Am.  I,  139,  t.  I,  p.  79.) 
Ronsard  a  créé  de  même  fier-doux. 

Doux-soufiant,  adj.  composé  créé  par  Ronsard  :  au 
son  harmonieux. 

...  les  flûtes  doux-souflantes.  (II,  p.  30J.) 

Doy,  orth.  de  Ronsard  pour  doigt... 

...  mon  luth,  pincé  de  mon  doy.  (II,  p.  273.) 

Dr  niant,  adj.  verbal  dérivé  du  verbe  driller,  terme  po- 
pulaire qui  avait  encore  cours  au  dix-septième 
siècle  et  signifiait  :  courir  vite,  au  figuré  pressé, 
diligent. 

Deux  camps  drillants  de  fourmis 

Se  sont  mis 
En  garnison  sous  ta  souche.  (II,  p.  275.) 

Au  sens  propre  (I,  p.  155). 

...  les  estoiles  drillantes. 
Ronsard  l'emploie  comme  synonyme  de  mobile 
apphqué  à  l'oreille  du  cheval.  (VI,  p.  121.) 

Droict,  pour  droit,  s.  masc.  En  vénerie  s'entend  des 
différentes  parties  de  l'animal  tué  qui  reviennent 
soit  au  maître  de  lâchasse,  soit  aux  valets,  soit  aux 
chiens. 

V.  Vénerie. 


76  Lexique 

Droitement,  adv.  tiré  par  Ronsard  de  l'adjectif  droit 
=  directement,  tout  droit.  (II,  p.  96.) 

Drolturier  ou  Droicturier  (Nicot  :  redus,  jnteaer,  in- 
corruptas)y  Trévoux  :  vieux  mot  qui  signifie  celui 
qui  a  les  intentions  droites,  qui  rend  justice  sans 
acception  de  personnes. 

...  prince  droiturier.  (III,  p.  420.) 

Duire,  v.  intr.,  vieux  mot  dont  Ronsard  offre  un 

exemple  à  l'infinitif  (lat.  ducere)  (Nicot). 
Estimeront  les  martiales  flames 
Eniire  plustost  aux  gendarmes  qu'aux  femmes. 

(III,  p.  336.) 
V.  Duisant. 

Duîsant,  part.  prés,  du  verbe  'daire  (lat.  ducere), 
vieux  mot  :  convenable,  propre  à... 

Guignant  de  l'œil  les  arbres  les  plus  beaux 

Et  plus  duisans  à  tourner  en  vaisseaux.  (III,  p.  61.) 

Etll,  p.  182. 

...  les  arcs  duisans 
Aux  pucelles  de  Taygète. 

Dullche,  adj.,  dérivé  par  Ronsard  du  nom  de  Dali- 
ch'mm,  une  des  îles  Echinades,  dépendante  d'Itha- 
que, avec  laquelle  elle  formait  le  royaume  d'Ulysse. 
C'est  actuellement  la  petite  île  de  Néochori. 

Ex.  :  le  diiliche  troupeau  (les  compagnons  d'Ulysse 
changés  en  bêtes).  (I,  p.  43.) 

Dure,  nom  propre  pour  d'Eure,  rivière  d'Eure. 
Desportes,  qu'Aristote  amuse  tout  le  jour, 
Qui  honores  ta  Dure  et  les  champs  qu'à  l'entour 
Chartres  voit  de  son  mont.  (ÉI.  n,  t.  IV,  p.  220.) 

Du  tout,  locution  ancienne  équivalent  à  tout  à  fait, 
entièrement. 

...  puis  du  tout  oubliant 

Frères,  père  et  pays.  (IV,  p.  297.) 


DE  Ronsard.  77 


Egaîl,  s.  masc,  synonyme  de  aiguail,  rosée  du  matin 
qui  demeure  par  petites  gouttes  sur  les  fleurs  et 
sur  les  brins  d'herbe.  Ces  vers  de  Racan  en  indi- 
quent nettement  le  sens  : 

...  a  quelle  fin 
Voulez-vous  aujourd'hui  vous  lever  si  matin? 
Le  soleil  n'a  pas  bu  l'aiguail  de  la  prairie. 

Ronsard  l'écrit  égail. 
Comme  il  mettoit  à  bout  à  l'égail  du  matin 
La  ruse  d'un  vieil  cerf. 

(I,  p.  2$ s.  V.  d'Eurym.  et  Callirhée.) 

Aujourd'hui  usité  encore   en  vénerie  :  l'aiguail 
ôte  le  sentiment  aux  chiens. 

Elabouré,  part,  passé  du  verbe  élabourer,  vieux  mot. 
Trévoux  :  a  N'est  plus  en  usage,  si  ce  n'est  au  par- 
ticipe, oiî  il  ne  se  dit  qu'en  plaisantant.  »  Au  sei- 
sième  siècle  et  chez  Ronsard  :  travaillé  avec  soin. 
Nous  avons  conservé  élaborer. 

Et  ses  maisons  en  marbre  elabourées 
Voisineront  les  estoiles  dorées .  (III,  p.  50.) 

De  même  :  (Am.  i,  128,  t.  I,  p.  72.) 

Elargir,  v.  act.  (lat  largior),  donner  largement;  se 
trouve  deux  fois  dans  les  œuvres  de  Ronsard. 

Le  ciel  ne  t'a  pas  seulement 

Elargi  prodigalement 

Mille  présens...  (Odes  retr.,  t.  II,  p.  423.) 

Que  tardes-tu,  veu  que  les  Muses 

T'ont  eslargi  tant  de  sçavoir.  (II,  p.  469.) 

Elochant,  part.  prés,  du  verbe  elocher  ou  eslocher, 


78  Lexiqjje 

V.  trans.  (Nicot)  :  synonyme  de  ébranler.  Ex.  : 

(II,  p.  278.) 

Embarquage,  s.  masc.  créé  par  Ronsard  :  synonyme 
d'embarquement. 

Dieu  d'embarquage. 

C'est-à-dire  :  Dieu  qui  préside  à  l'embarquement 
et  à  la  navigation.  (Fr.  I,  t.  III,  p.  80.) 

Embas,  orth.  de  Ronsard  et  de  Nicot  pour  en  bas. 
Soit  d'enhaut  ou  d'embas.  (IV,  p.  i  j  i .) 

Embesogner,  v.  trans.  Trévoux  :    «  Vieux  mot  qui 
signifiait  autrefois  occuper  à  quelque  besogne.  Il 
n'est  plus  usité  qu'au  participe  et  par  plaisanterie.  > 
Lorsqu'à  son  luth  ses  doigts  elle  embesogne. 

(Am.  I,  CXIV,  t.  i,p.  6$.) 

Embler,  v.  act.,  a  le  sens  de  ravir,  prendre. 

Nicot  le  traduit  par  furari.  Ronsard  dit  en  par- 
lant du  laurier  : 

Si  quelqu'un  par  finesse  une  fueille  en  dérobe, 
La  fueille  le  decelle,  et  ne  veut  que  le  prix 
Des  fronts  doctes  et  beaux  soit  emblé  ny  surpris. 

(V,p.  202.) 

Nous  avons  encore  la  locution  d'emblée  qui  se 
rattache  à  la  même  racine. 

Trévoux  :  vieux  mot  et  hors  d'usage,  sinon  en 
ce  commandement  de  Dieu  :  L'avoir  d'autrai  tu 
n'èmbleras. 

D'emblée  est  employé  une  fois  par  Ronsard. 
Amour,  trop  fin,  comme  un  larron  emporte 
Mon  cœur  d'emblée,  et  ne  le  puis  r'avoir. 

(Am.  I,  176,  1. 1,  p.  ICI.) 

Emboufis,  adj.  quai.,  innovation  de  Ronsard,  syno- 
nyme de  bouffi,  gonflé. 

Les  despensiers  em-boufisde  bombance.  (VI,  p.  57.) 


DE  Ronsard.         ■  79 

Embrassée,  s.  fém.,  innovation  de  Ronsard  pour  em- 
brassement. 

Comme  une  tendre  vigne  à  l'ormeau  se  marie 
Et  de  mainte  embrassée  autour  de  lui  se  plie. 

(III,  p.  69.) 

Embrasse-terre,  adj.  composé  créé  par  Ronsard  et 
employé  substantivement  comme  épithète  du  dieu 
Neptune  :  embrasse-terre  (qui  entoure  la   terre). 

(ni,p.  328.) 

Embranir,  v.  trans.,  formé  d'un  préfixe  en  et  du  verbe 
brunir  =  obscurcir.  (Trévoux,  Littré.) 

Puis,  alors  que  Vesper  vient  embrunir  nos  cieux. 

(Sonnets  pour  Hélène,  t.  I,  p.  363.) 

Embrunisseure  ou  Embrunissure  {eu  =  u),  s.  fém., 
dérivé  de  embrunir,  terme  de  vénerie  qui  désigne 
la  teinte  plus  ou  moins  foncée  du  bois  du  cerf.  Ex.  : 

(I,  p.  2^.) 

Emerveillable,  adj.  tiré  du  verbe  émerveiller,  admira- 
ble. 

Puis  en  rompit  le  moule  émerveillable.  (III,  p.  323.) 

Ronsard  emploie  de  même  le  mot  merveillable 
(merveilleuse). 

Il  admire  son  bras  et  sa  main  merveillable. 

(VI,  p.  242.) 

Emmaigrir  {S'),  v.  réfl.  formé  du  préfixe  en  et  du 
simple  maigrir,  a  le  même  sens. 

S'emmaigrissant  et  suant  sous  la  peine 
De  cultiver  ses  vignes  et  sa  plaine. 

(Poèmes  i,  t.  VI,  p.  134.) 

Emmanteler,  v.  act.,  employé  au  figuré  dans  le  sens 
d'envelopper.  (III,  p.  112  et  295.) 

\f  Emmieller,  v.  trans.,  enduire  de  miel.  (II,  p.  m.) 


8o  Lexique 

Emmonceler,  v.  trans.,  ancien  synonyme  de  amonce- 
ler. (II,  p.  109.) 

Emmurer,  v.  trans.,  «  entourer,  environner  de 
murs  ï  (Nicot);  au  figuré,  entourer,  enfermer, 
comme  dans  l'exemple  suivant  : 

Tout  à  l'entour  l'emmure 
L'herbe  et  l'eau  qui  murmure. 
L'un  tousjours  verdoyant, 
L'autre  ondoyant!  (II,  p.  25 1.) 

Empaner,  v.  act.  créé  par  Ronsard,  synonyme  de 
Empenner.  (V.  ce  mot.) 

Ex.  :  Empaner  la  mémoire.  (II,  p.  18.) 

Etll,  p.  364. 

Emparfumer,  v.  trans.,  synonyme  de  parfumer,  créé 
par  Ronsard. 

...  ceste  Marguerite 
Qui  ciel  et  terre  emparfume  d'odeur. 

(Am.  I,  CVI,  t.  I,  p.  61.) 

Empanmeure,  s.  fém.,  terme  de  vénerie.   «  C'est  le 
haut  de  la  tête  d'un  vieux  cerf  ou  chevreuil,  qui  est 
large  et  renversée  et  oiî  il  y  a  plusieurs  andouil- 
1ers.  »  (Trévoux.)  (I,  255.) 
V.  le  mot  Vénerie. 

Empenné,  adj.,  léger  comme  la  plume,  prompt,  ailé. 
Imitant  l'expression  grecque  iTtea  Tirspoévra,  Ron- 
sard a  dit  : 

Mais  leur  mère  . 

Pour  les  asseurer  les  flatoit 

De  ceste  parole  empennée.  (Odes  i,  X,  t.  II,  p.  71.) 

Emperler,  v.  trans.,  innovation  de  Ronsard,  orner  de 
perles  au  sens  propre. 

(Am.  I,  GLXXXIX,  t.  L,  p.  107.) 
V.  En  gemmer. 


DE  Ronsard.  8i 

Emperiere,  s.  fém.  de  empereur,  vieux  mot.  (Pals- 
grave,  Nicot.)  Ex.  :  (V,  p.  292.) 

Empierrer,  v.  trans.,  métamorphoser  en  pierre,  pétri- 
fier. 

(Ton  œil)  habile  à  ses  traicts  descocher 
Estrangement  m'empierre  en  un  rocher. 

(Am.  I,  VIII,  t.  I,  p.  6.) 

Appliqué  à  la  Gorgone.  (VI,  p.  48.) 

Empiéter,  v,  trans.,  terme  de  fauconnerie  :  en  parlant 
a'un  oiseau  de  proie,  saisir  avec  ses  serres. 

Un  pigeon  blanc  empiété  d'un  autour. 

(Ed.  III,  t.  IV,  p.  76.) 

Là  est  Ide  la  branchue 

Où  l'oyseau  de  Jupiter 

Dedans  sa  griffe  crochue 

Vient  Ganymede  empiéter.  (Odesretr.,  t.  II,  p.  388.) 

Empistolé,  adj.,  innovation  de  Ronsard,  armé  de  pis- 
tolets. 

Ne  presche  plus  en  France  une  Evangile  armée, 
Un  Christ  empistolé  tout  noirci  de  fumée. 

(VII,  p.  22.) 

Emplamer,  v.  trans.,  garnir  de  plumes.  (II,  p.  13J.) 

Empouper,  v.  trans.,  couramment  employé  au  sei- 
zième siècle  en  parlant  du  vent,  signifie  prendre  en 
poupe  un  navire.  (I,  p.  391.) 

b/    Empourprer,  v.  trans.,  teindre  en  pourpre. 
■        '    '      ^  '(II,p.  ié8.) 

Empris,  part,  passé  du  vieux  verbe  emprendre,  an- 
cienne forme  de  entreprendre. 
Les  deux  sont  encore  dans  Nicot.  Ex.  :  (I,p.  50.) 

Emprise,  s.  fém.,  vieux  mot,  pour  entreprise. 

(II,  p.  284.) 

Lex.  Ronsard.  6 


82  Lexique 

Enalgrair  (5'),  v.  réfl.,  formé  du  préfixe  en  et  du 
simple  aigrir  {s'). 

Et  tellement  s'en-aigrit  de  courrous. 

(Poèmes  i,  t.  VI,  p.  86.) 

Enceinte,  s,  fém.  Vénerie  :  Faire  l'enceinte  :  tendre 
des  toiles  ou  poster  des  chiens  et  des  chasseurs  au- 
tour d'un  bois  ;  a  faire  divers  ronds  autour  des  plus 
'fraîches  voies  et  allures  de  la  bête  pour  s'assurer 
où  elles  aboutissent  et  de  là  conclure  l'endroit  oîi 
elle  est  embûchée  » .  (Trévoux.) 
V.  le  mot  Vénerie. 

...  et,  comme  bon  veneur, 
Faire  bien  mon  enceinte  et  en  avoir  l'honneur. 

(Songe  III,  289.) 

En  ce-pendant,  locution  ancienne  déjà  citée  par  Pals- 
grave  :  cependant. 

En  ce-pendant  la  jeunesse  troyenne 
Haut  invoquant  la  Berecynthienne 
D'encens  fumeux  parfumoit  son  autel.  (III,  p.  56.) 


Encerner,  v.  act.,  vieux  mot  qui  signifiait  ceindre 
d'un  cercle  (anciennement  cerne.  V.  ce  mot),  en- 
tourer. (III,  p.  162.) 

Enchagriner,  v.  act.,  dérivé  par  Ronsard  du  verbe 
chagriner. 

...  c'est  bien  de  mes  malheurs 
Le  plus  grand,  qui  ma  vie  enchagrine  et  dépite. 

(VII,  p.  313.) 

Enchanter,  v.  trans.,  au  sens  étymologique  de  incan- 
tare  (Nicot,  Littré)  :  soumettre  à  un  enchante- 
ment. Ex.  :  (I,  p.  194.) 

Encharner,  v.  trans.  Ronsard  emploie  ce  verbe  dans 
le  sens.de  incarner,  entrer  dans  la  chair. 
...  la  douleur  de  ma  playe 
Qu'Amour  encharne  au  plus  vif  de  mon  soin. 

(Am.  I,  CXXIV,  t.  I,  p.  70.) 


DE  Ronsard.  85 

EncUner  ou  Incliner, -les  deux  verbes  sont  dans  Nicot. 
...  suivant  ma  destinée 
Qui  s'est  dès  mon  enfance  aux  Muses  enclinée. 

(Vil,  p.  112.) 

Encocher,  v.trans.,  en  parlant  d'une  flèche,  faire  en- 
trer dans  sa  coche  la  corde  de  l'arc.  Ce  mot  a 
vieilli  ;  nous  avons  conservé  son  contraire  :  déco- 
cher. 

Ayant  toujours  la  flèche  à  la  corde  encochée. 

(Am.  11,  LX,  t.  I,  p.  210.) 

Encontre-val  et  En-contreval,  loc.  adv.  comme  Con- 
treval. 

I*  En  aval.  Ex.  :  (I,  p.  401.) 

2°  En  bas.  Ex.  :  (V,  89.)  Cf.  Contre-bas. 

Encordeler,  v.  trans.,  entraver  dans  des  liens. 
Comme  en  ses  rets  l'amour  nous  encordelle. 

(Am.  I,  XXXVIII,  t.  I,  p.  23.) 

Encorder,  v.  trans.,  signifie  au  sens  propre  :  réunir  et 
nouer  les  cordes  d'un  métier  à  tisser.  Ronsard  lui 
donne  le  sens  de  :  jouer  sur  les  cordes  de  la  lyre. 

(II,  p.  426.) 

Encontre,  employé  pour  la  préposition  contre. 

Je  doute  qu'Artemis  quelque  sanglier  n'appelle 
Encontre  Eurymédon.  (I,  p.  264.) 

Ronsard  lui  attribue  aussi  le  sens  de  :  envers,  à 
l'égard  de. 

Tu  mesprisois  les  hommes  dont  l'audace 

Est  trop  cruelle  encontre  nostre  race.  (III,  p.  144.) 

Encothurné,  part,  passé  employé  adjectivement  du 
verbe  encothurner,  créé  par  Ronsard.  (VI,  p.  45.) 

Encottonner,  v.  trans.  (Nicot),  détourné  de  son  sens 
habituel  et  employé  comme  synonyme  de  cottonner. 
(V.  ce  mot.)  (V,  p.  24$.) 


84  Lexiq^ue 

Encourir  {S'),  v.  réfl.,  employé  dans  le  centre  de  la 
France  pour  :  se  mettre  à  courir. 

Et  s'en-courant  vers  sa  mère 

Luy  monstra  sa  playe  amère.  (II,  p,  27 1 .) 

Encourtiner,  v.  trans.,  couramment  employé  au  sei- 
zième siècle.  «  C'est  ombrager  ou  aussi  tendre  des 
courtines  et  tapisseries.  »  (Nicot.) 

Puis  quand  la  nuict  brunette  a  rangé  les  estoilles, 

Encourtinant  le  ciel  et  la  terre  de  voiles,  1 

Sans  soucy  je  me  couche.  (Disc,  t.  VII,  p.  113.) 

Encrouster,  v.  trans.  (Nicot),  signifiait  au  sens  pro- 
pre crépir.  Ronsard  emploie  le  dérivé  encrousture 
au  figuré  en  parlant  du  fard.  Ex.  :  (V,  p.  365.) 

Endemené,  part,  passé  du  verbe  endemener,  formé  par 
Ronsard  à  l'aiae  du  préfixe  en  et  du  verbe  {se)  dé- 
mener =  pétulant.  (Fr.  11,  t.  III,  p.  1 11.) 

En-eaiier,  v.  trans.,  mot  nouveau  créé  par  Ronsard, 
métamorphoser  en  eau.  (I,  p.  206.) 

Enjançon,  s.  masc,  ancien  diminutif  de  enfant. 

...  et  publioit  d'une  tremblante  voix 
De  son  jeune  enfançon  les  festes  et  les  loix. 

(V  ,p.  234.) 

Enfanter,  v.  trans.,  employé  comme  intransitif  par 
Ronsard  dans  le  sens  de  naître.  Ex.  :  (I,  p.  240.) 

Enfariner,  v.  trans.  (Nicot,  Littré),  au  sens  propre 
dans  Nicot;  deux  fois  au  sens  ligure  :  blanchir, 
dans  Ronsard.  (II,  p.  278  et  318.) 

Enferrer,  v.  act.,  au  seizième  siècle  :  charger  de  fers, 
aujourd'hui  percer  d'un  fer. 

Dedans  ses  fers  m'enferre  emprisonné.  (I,  p.  43.) 

Enfeuiller  {S'),  v.  réfl.,  en  parlant  d'un  oiseau,  se 


DE  Ronsard.  8$ 

cacher,  dans  le  feuillage,  innovation  de  Ronsard. 
(V.  Enfieller  et  enfiévnr.) 

...  un  jeune  oyseau 
Qui,  s'enfeuillant  dedans  un  arbrisseau. 

(Am.  I,  204,  t.  I,  p.  iij.) 

Enfieller,  v.  trans.,  innovation  de  Ronsard,  changer 
en  fiel,  rendre  amer  comme  le  fiel. 

Pour  enfieller  le  plus  doux  miel  des  hommes. 

(Am.  I,  CXVIII,  t.  I,  p.  67.) 

Trévoux  fait  suivre  ce  mot  de  cette  note  :  «  Ce 
mot  est  vieux.  C'est  Ronsard  qui  s'en  est  servi  ; 
mais  notre  langue  est  devenue  plus  sévère,  et  la 
poésie  ne  donne  plus  le  droit  de  faire  des  mots 
nouveaux.  « 

Enfiévnr  {S'),  v.  réfl.,  innovation  de  Ronsard. 

Le  Dictionnaire  de  Trévoux  ajoute  :  «  Ronsard 
a  dit  s'enfiévrir  pour  devenir  fier  ;  enfieurir  les  plai- 
nes pour  les  remplir  de  fleurs  ;  s'enfeuiller  pour  se 
cacher  dans  les  feuilles;  s'englacer,  etc.  (V.  ces 
mots.)  Tout  cela  est  vieux  et  n'est  plus  d'usage.  > 

Enfieurir,  v.  trans.,  formé  par  Ronsard  du  préfixe 
en  et  du  verbe  fleurir,  a  le  même  sens  que  le 
simple. 

Jamais  repas  ne  me  fut  agréable 
Si  ton  bouton  n'enfleurit  une  table. 

(Poèmes  1,  t.  VI,  p.  iio.) 
...  qu'on  enfleure  la  terre 
De  roses  et  de  lys,  de  lavande  et  de  jonc. 

0,  p-  159) 

En-fouer,  v.  trans.,  mot  nouveau  créé  par  Ronsard  : 
métamorphoser  en  feu,  enflammer.  (I,  p.  206.) 

Engarder,  v.  trans.  (Nicot),  empêcher.  (I,  p.  401.) 

Engemmer,  v.  act.,  innovation  de  Ronsard;  il  a  tiré 


86  Lexique 

ce  verbe  du  suhsUnùï  gemme,  perle  (lat.  gemma), 

En-glacer,  v.  trans.,  mot  nouveau  créé  par  Ronsard: 
métamorphoser  en  glaçons.  (I,  p.  206.) 

Engouer  {S'),  v.  réfl.  (Nicot,  Littré),  au  sens  propre  : 
s'embarrasser,  s'obstruer  le  gosier.  On  disait  aussi 
anouer  (Nicot),  dans  le  même  sens.  Ex.  : 

(V,p.  33-) 
Engonler,  v.  act.,  vieux  mot,  avaler. 

...  sans  avoir 
Premier  engoulé  l'amorce 
Qui  pendoit  de  ton  sçavoir.  (II,  p.  339.) 

Engraver,  v.  trans.,  vieux  mot  déjà  tombé  en  désué- 
tude au  dix-septième  siècle  :  graver  profondément. 
(Am.  I,  cm,  t.  I,  p.  59.) 

De  là  le  substantif  féminin  engravnre,  synonyme 
de  gravure.  (Fr.  li,  t.  III,  p.  1 10.) 

Enhorter,  v.  trans.,  vieille  forme  synonyme  de  exhor- 
ter. (VIII,  p.  115.) 

Enjoncher,  v.  trans.,  innovation  de  Ronsard,  syno- 
nyme dQ  joncher,  couvrir  de  fleurs,  de  feuillages. 

(Am.  I,  CLV,  t.  I,  p.  89.) 

Enluminer,  v.  trans.,  subsiste  dans  le  sens  restreint 
de  colorier,  orner  d'enluminures,  ou  au  figuré  :  parer 
d'ornements  qui  ont  plus  d'éclat  que  de  naturel  et 
de  goût.  Ronsard  lui  attribue  le  sens  étymologique  : 
remplir  de  lumière.  (I,  p.  4.) 

■Enlustrer,  v.  trans.,  éclairer,  illuminer.  (I,  p.  4.) 

En-manné,  vieux  mot  dont  s'est  servi  Ronsard,  pour 
dire  remplir  de  manne.  (Nicot.) 
Heureuse  fut  la  mamelle  enmannée 
De  qui  le  laict  premier  elle  receut. 

(Am.  1,  137,  t.  I,  p.  78.) 


DE  Ronsard.  87 

Ennouer,   V.   trans.,   innovation   de    Ronsard:  lier, 
nouer.  (Am.  i,  GXXVII,t.  I,  p.  71.) 

Ennuer  {S'),  v.  réfl.,  innovation  de  Ronsard,  en  par- 
lant du  soleil  :  se  couvrir  d'un  nuage. 

Le  soleil  s'ennua  pour  ne  voir  telle  mort. 

(Ed.  1,  t.  IV,  p.  20.) 

Ennuyer,  v.  trans.  (Nicot,  Trévoux,  Littré),  est  em- 
«      ployé  comme  intransitif  par  Ronsard.  Ex.  : 

(I,  P-  54-) 

En-onder,  v.  trans.,  mot  nouveau  formé  par  Ron- 
sard :  faire  onduler  ses  cheveux. 

...  les  rets  de  ses  beaux  cheveux  blons 
En  cent  façons  enonde  et  entortille. 

(Am.  I,  XLI,  t.  I,  p.  2J.) 

Enreter,  v.  trans.,  innovation  de  Ronsard,  prendre 
dans  des  rets,  dans  des  filets. 

Les  beaux  yeux  qui  l'ont  enreté. 

(Am.  I,  chanson,  t.  I,  p.  d,2.) 

Il  est  aussi  verbe  réfléchi.  (III,  p.  268.) 

En-rocher,  v.  trans.,  mot  nouveau  créé  par  Ronsard  : 
métamorphoser  en  rocher.  (I_,  p.  206.) 

Enroue,  fém.  du  part,  enrou,  innovation  de  Ronsard 
pour  enrouée. 

Pleine  de  bois,  la  charrette  attellée 

Va  haut  et  bas  par  mont  et  par  vallée, 

Qui,  gémissant,  enroue  sous  l'effort 

Du  pesant  faix,  le  versoit  sur  le  bord.  (III,  p.  61.) 

Enrouement,  ancien  adverbe  (Nicot),  dérivé  de  en- 
roué. Ex.  :  (II,  p.  416.) 

Ensaffranné,  adj.  comp.  créé  par  Ronsard,  qui  l'em- 


88  Lexiq_ue 

ploie  comme  épithète  de  l'aube  :  couleur  de  satran, 
jaune  comme  le  safran. 

Incontinent  que  l'aube  ensaffranée 
Eut  du  beau  jour  la  clarté  ramenée. 

(Fr.i,  t.  III,  p.  é$.) 

Enseigner,  v.  trans.,  employé  pour  instruire  avec  un 
régime  indirect. 

Nature  d'elle-mesme  à  l'amour  vous  enseigne. 

(I,p.  212.) 

Enserrer,  v.  trans.,  vieux  mot  :  enfermer.  (I,  p.  19.) 

Ensuivre,  v.  trans.,  a  le  sens  du  latin  insequi,  pour- 
suivre, suivre  sans  relâche. 

Et  de  doublement  ensuivre 

Les  deux  mestiers  de  Pallas.  (II,  p.  20$.) 

Entéléchie,  s.  fém.  Muret  l'explique  ainsi  :  a  Ma  seule 
âme,  qui  causez  en  moy  tout  mouvement,  tant  naturel 
que  volontaire.  Entéléchie,  en  grec,  signifie  perfec- 
tion. Aristote  enseigne  que  ceste  entéléchie  donne 
essence  et  mouvement  en  toutes  choses,  s 

Ronsard  l'emploie  ainsi  en  s'adressant  à  sa  maî- 
tresse : 

Estes  vous  pas  ma  seule  Entéléchie  ? 

(Am.  I,  LXVIII,  t.  I,  p.  41.) 

Ententif,  adj.,  vieux  mot.  {Roman  de  la  Rose.  J.  Le 
Maire,  Palsgrave.)  Attentif. 

Ces  trois  sœurs,  à  l'œuvre  ententives.  (I,  p.  91.) 
Tant  il  est  ententif  à  l'œuvre  commencé. 

(IV,  p.  14.) 

Enthyrsé,  adj.,  formé  par  Ronsard  pour  désigner  les 
thyrses,  javelots  ornés  de  pampre  et  de  lierre  qu'on 
portait  dans  les  fêtes  de  Bacchus.  Ex.  : 

(VI,p.  35I-) 


DE  Ronsard.  89 

Entomber,  v,  trans.,  synonyme  de  tomber,  innovation 
de  Ronsard. 

Un  peu  de  sable  entombé  sur  ce  bord. 

(Fr.  III,  t.  III,  p.  149.) 

Ronsard  l'emploie  aussi  pour  signifier  :  enterrer, 
mettre  dans  la  tombe. 

Entombe  si  tu  veux,  ou  donne  aux  chiens  ta  femme 
Ou  la  jette  en  la  mer,  ou  la  baille  à  la  flame. 

(III,  p.  302.) 

Même  acception  :  (VII,  p.  202.) 

Entomner,  v.  trans.,  synonyme  de  entourer. 

(III,  p.  117.) 

Entrecassé,  part,  passé  ;  Nicot  :  *  cassé,  mais  pas  tout 
à  fait.  » 

Car  leurs  beaux  ans  entrecassez  n'arrivent 
A  la  vieillesse,  ains  d'âge  en  âge  vivent. 

(VI,  p.   175.) 

Entre-deux,  ancien  adverbe  (Nicot,  Littré),  dans  l'in- 
tervalle... Ex.  :  (VI,  p.  18.) 

Entre-eveiller  (Nicot),  être  à  demi  éveillé.  Ex.  : 

(V,p.  105.) 
On  disait  de  même  entre-dormir  (Nicot),  dormir 
à  demi. 

Entre-parleur,  s.  masc,  interlocuteur,  dérivé  de 
entre-parler.  Nicot  indique  le  verbe  seul.  Ex.  : 

(VI,p.4«50 

Entusiasme,  s.  masc.  pour  enthousiasme,  semble  être 
de  l'innovation  de  Ronsard,  n'est  pas  indiqué  par 
Nicot.  Ex.  :  (VI,  p.  375.) 

Entre-semé,  part,  passé  employé  par  Ronsard  pour 
parsemé. 

Ayant  d'azur  la  robe  entre-semée.  (III,  p.  93.) 


90  Lexique 

Entre-rompre,w.  trans.,  ancienne  forme  du  verbe  in- 
terrompre. Entre-rompu,  interrompu,  dont  la  con- 
tinuité est  rompue. 

Mais  ce  portrait  qui  nage  dans  mes  yeux 

Fraude  tousjours  ma  joye  entre-rompue.  (I,  p.  i8.) 

Entr'oy  (/),  T^  pers.  du  prés,  de  l'ind.  du  verbe 
entre-oiur  ou  entr'ouïr  :  «  ouir  imparfaitement  » 
(Trévoux). 

J'entr'oy  desja  la  guiterre.  (VI,  p.  359.) 

En-verdurer,  v.  trans.,  mnovation  de  Ronsard  :  cou- 
vrir de  verdure.  Ex.  :  (II,  p.  234.) 

Envieillir,  v.  trans.,  formé  à  l'aide  du  préfixe  en  et  de 
l'adjectif  vieil,  signifiait  au  moyen  âge  paraître  ou 
devenir  vieux.  Ronsard  l'emploie  dans  ce  second 
sens.  (I^,p.  305.) 

Envis,  préposition  (du  lat.  invitas),  malgré,  vieux  mot 
encore  usité  au  seizième  siècle. 

Or  je  t'aimeray  donc,  bien  qu'envis  de  mon  coeur, 
Si  c'est  quelque  amitié  que  d'aimer  par  contrainte. 

(I,  p.  209.) 

En-voler,  verbe  habituellement  réfléchi,  est  employé 
par  Ronsard  comme  verbe  transitif. 

De  ton  baiser  la  douceur  larronnesse 
Tout  esperdu  m'envole  jusqu'aux  cieux. 

(Am.  I,  CCIX,  t.  I,  p.  118.) 

De  même,  en  parlant  d'Europe. 
...  cestela 
Que  le  taureau  sur  sa  croupe  envola.  (VI,  p.  18.) 

Épanir  {S')  ou  épanouir  :  les  deux  verbes  se  trouvent 
dans  Nicot  ;  épanir  est  la  forme  la  plus  ancienne. 

Je  vous  envoyé  un  bouquet  que  ma  main 
Vient  de  trier  de  ces  fleurs  épanies.  (I,  p.  397.) 


DE  Ronsard.  91 

Épesse,  orthographe  de  Ronsard  pour  épaisse,  fémi- 
nin de  l'adjectif  épais. 

Or'  que  l'hyver  roidit  la  glace  épesse 
Rechaufons-nous,  ma  gentille  maistresse.  (I,  p.  218.) 

Épinglier,  s.  masc.  (Nicot),  pelote  ou  étui  à  épingles. 
Ex.  :  (II,  p.  485.) 

Êpoin:onner,  v.  trans.,  vieux  mot  qui  signifiait  exci- 
ter, aiguillonner,  piquer  (Nicot). 

...  les  amours  qui  ton  âme  époinçonnent.  (I,  p.  86.) 
Synonyme  espoindre  (Nicot). 

Époingt,  orthographe  de  Ronsard  pour  espoint,  parti- 
cipe passé  du  vieux  verbe  espoindre  ou  epoindre. 
(Nicot.)  On  disait  aussi  espoinçonner  (Nicot). 
Ex.:(I,p.  53.) 

Équalement,  adv.,  ancienne  forme  de  également,  n'est 
pas  dans  Nicot,  qui  cite  cependant  e'^u^//7e  et  e^ua- 
liser.  Ex.  :  (IV,  p.  267.) 

Erratique,  adj.  quai.  (lat.  erraticus)  :  vagabond;  em- 
ployé par  Ronsard,  Rabelais,  subsistait  au  dix- 
septième  siècle  comme  terme  d'astronomie  appliqué 
aux  planètes  et  comme  terme  de  médecine  pour  dési- 
gner certaines  fièvres. 

De  la  Serene  antique 
Je  verray  le  tombeau 
Et  la  course  erratique 
D'Aréthuse...  (II,  p.  247.) 

V.  t.   V,  p.  159: 

Les  sept  feux  erratiques, 

pour  désigner  les  planètes.  Les  planètes  connues 
des  anciens  étaient  Mars,  Mercure,  Vénus,  Jupi- 
ter et  Saturne,  et  ils  donnaient  aussi  le  nom  de  pla- 
nètes au  Soleil  et  à  la  Lune. 


92  Lexique 

Erre,  s.  fém.,  au  singulier  signifie  :  la  suite,  le  cours. 
...  quand  la  lune  avec  ses  noirs  chevaux 
Creuse  et  pleine  reprend  l'erré  de  ses  travaux. 

(VI,  p.  191.) 

Erres,  s.  fém.,  au  pluriel,  terme  de  vénerie,  a  traces, 
vestiges...  On  appelle  aussi  erres,  les  lieux  par  où 
une  bête  s'enfuit  de  bon  temps  ou  de  mauvais  temps, 
ou  de  vieil  temps  (v.  ces  mots),  c'est-à-dire  comme 
une  jeune  bête,  ou  une  vieille  qui  est  recrue.  On 
appelle  aussi  erres  les  pieds,  routes  et  voies  du 
cerf...  »  (Trévoux.)  (I,  255.) 
V.  le  mot  Vénerie. 

Erreur,  subst.,  le  plus  souvent  masculin  au  seizième 
siècle,  est  du  genre  commun  chez  Ronsard. 
Et  me  remplit  le  cœur  d'ingénieuse  erreur. 

(V,  p.  191.) 
Le  désir,  l'avarice  et  l'erreur  insensé 
Ont  c'en  dessus  dessous  le  monde  renversé. 

(VII,  p.  14.) 

Es,  anc.  forme  contr.  pour   dans  les,  couramment 
employée  au  seizième  siècle  et  par  Ronsard. 
Je  veux  mourir  es  amoureux  combats. 

(I,  p.  28  et  passim.) 

Esbattre  à...  {S'),  v.  réfl.,  se  plaire  à  (Nicot). 
Celuy  que  Mars  horriblement  r'enflame 
Aille  à  la  guerre,  et  d'ans  et  de  pouvoir 
Tout  furieux,  s'esbate  à  recevoir 
En  sa  poitrine  une  espagnole  lame.  (I,  p.  46.) 

Esbranle-rncher,  mot  composé,  créé  par  Ronsard  et 
employé  substantivement  comme  épithète  de  l'A- 
quillon  :  s  qui  ébranle  les  rochers  s .  (I,  p.  1 14.) 

Escaillé,  adj.,  couvert  d'écaillés,  en  parlant  des  pois- 
sons. 

J'aimerois  mieux  vestir  un  poisson  escaillé. 

(IV,  p.  291.) 


DE   Ronsard.  93 

Ronsard  l'emploie  aussi  substantivement. 

Et  pendu  sur  le  bord,  me  plaisoit  d'y  pescher 
Estant  plus  resjouy  d'une  chasse  muette 
Troubler  des  escaillez  la  demeure  secrette. 

(I,  P-  363.) 
V.  Vestir. 

Escarce,  féminin  employé  substantivement  de  l'ancien 
adjectif  eschars  (Nicot),  echars,  escars  (Chronique 
des  ducs  de  Normandie.  Romande  Berthe  aux  grands 
pies)  :  avare,  chiche,  parcimonieux.  Épithète  de  la 
mort.  (II,  p.  350.) 

Nicot  cite  l'adverbe  eschar cément  (lat.  :  avare). 

Escarder,  v.  trans.,  forme  populaire  ancienne  pour 
carder. 

Les  fait  filer,  les  laines  escarder, 
Ourdir  et  coudre...  (III,  p.  144.) 

Escarmoucher,  v.  intr.  ou  réfl.,  s'escarmoucher,  vieux 
mot  déjà  employé  par  Froissart,  et  qui  remonte 
plus  haut  (Nicot,  Littré).  (V.  Diez,  Grammaire  : 
étymologie  de  ce  mot.  Cf.  italien  :  scaramucciare, 
espagnol  :  scaramuçar,  haut  allemand  :  skerman, 
combattre.)  Au  sens  propre  :  se  livrer  à  des  escar- 
mouches, au  sens  figuré  employé  par  Ronsard  :  en 
parlant  des  cheveux  follets  ébouriffés  sur  le  front. 

(I,  p.  IIO.) 

Eschanffaut,  s.  masc.  pour  échafaud,  «  ouvrage  de 
charpenterie  élevé  en  forme  d'amphithéâtre  pour  y 
placer  des  spectateurs  » .  (Tré/oux),  par  exten- 
sion :  théâtre,  scène. 

...  lors  Jodelle  heureusement  sonna. 
D'une  voix  humble  et  d'une  voix  hardie, 
La  comédie  avec  la  tragédie, 
Et  d'un  ton  double,  ore  bas  ore  haut. 
Remplit  premier  le  françois  eschauffaut.  (VI,  p.  45.) 


94  Lexique 

Eschekr,  v.  trans.  (Nicot),  forme  antérieure  à  escala- 
der dont  il  a  la  signification.  Ex.  :  (V,  p.  175.) 

Esclater,  v.  trans.,  briser,  rompre  :  innovation  de 
Ronsard  signalée  par  Marcassus.  Ex.  :  (V,  p.  152.) 

Esclater  {S'),  forme  réfléchie  du  verbe  éclater  employé 
au  seizième  siècle  pour  le  v.  intr.  (Nicot.) 

Maint  gros  tonnerre  ensoufré  s'esdatoit.  (Ill,  p.  93.) 

Esclouit,  3®  pers.  sing.  du  parf.  défini  du  verbe  es- 
clorre  (Nicot),  ancienne  forme  de  éclore.  Ex.  : 

(V,p.  23.) 

Escofion,  s.  masc.  (orth.  de  Ronsard),  ou  Escoffion 
(Trévoux)  :  bonnet,  »  coëffure  des  femmes  du 
peuple  I  (Trévoux).  Dans  Ronsard  :  bonnet  élé- 
gant. Ex.  :  (I,  p.  210.) 

Ailleurs  il  emploie  la  forme  scophion. 

(VI,-p.  81.) 

Escrageant,  part.  prés,  du  verbe  escrager,  pour  es- 
cràser  =  écraser,  aplatir  en  comprimant.  Ex.  : 

(VI,  p.  70.) 

Escrimer,  v.  n.  (italien  schermare),  faire  des  armes. ^ 

Regarde  en  s'esbatant  l'olympique  jeunesse 
Pleine  d'un  sang  bouillant  aux  joustes  escrimer. 

(Sonnets  pour  Hélène,  I,  p.  338.) 

En  escrimant...  (I,  375.) 

On  le  trouve  encore  ailleurs. 

Ny  escrimer,  combattre  a  la  barrière. 

(Odes  retr.,  t.  Il,  p.  4$$.) 

Ronsard  en  tire  le  substantif  escrimeur. 

C'est  l'épithète  qu'il  donne  à  Pollux. 

Après  avoir  prié,  dévotieux. 

Les  deux  jumeaux  qui  décorent  les  cieux. . . 


DE  Ronsard.  95 

L'un  escrimeur  en  vers  tu  descriras, 
L'autre  donteur  des  chevaux  tu  diras... 

(Odes  retr.,  t.  II,  p.  400.) 

Escnmler,  adj,  quai.,   épithète  de  Vénus,    née   de 
l'écume  de  la  mer. 

Escumière  Venus.  (I,  p.  168.) 

Je  l'accompare  à  l'escumière  fille.  (I,  p.  25.) 

Esgrafigner  ou  égraffigner,  forme  plus  ancienne  que 
égratigner  (Nicot),  dont  elle  est  synonyme. 

(III,  p.  98.) 

Esguière,  s.  fém.,  ancienne  forme  du  subst.  aiguière  : 
Nicot  indique  les  deux  :  esguière  vient  de  esgue^  qui 
existait  en  même  temps  que  aiguë,  d'oii  aiguière. 
(Fr.  II,  t.  III,  p.  116.) 

Esjoulr  {S'),  V.  réfl.;  nous  avons  conservé  le  dérivé  se 
réjouir. 

Dessous  leurs  pieds  la  campagne  arrosée 
S'éjouira  de  manne  et  de  rosée.  (IV,  p.  139.) 

Eslever  {S'),  v.  pron.  Ronsard  lui  attribue  le  même 
sens  que  se  lever. 

Si  tost  que  l'Aube  à  la  face  rosine 
Eut  le  soleil  tiré  de  l'eau  marine, 
Francus  s'eslève...  (III,  p.  108.) 

Esmorcé,  part,  passé  employé   par    Ronsard  pour 
amorcé.  Ex.  : 

...un  pistolet  bien  esmorcé.  (III,  p.  407,) 

Espace,  s.  masc.  et  fém. 

Devant  la  porte  en  assez  long  espace 
Large,  quarrée,  estoit  une  grand'  place. 

(Fr.  ii,t.III,  p.  Mj.) 
Pour  t'enfuir  longue  espace  devant 
Le  tard  vaisseau  qui  t'iroit  poursuivant. 
(Poèmes,  Regrets  de  Marie  Stuart  pour  elle-même. 

(VI,  p.  27. 


Ç}6  LEXIQ.UE 

Espasmé,  forme  ancienne  et  populaire  du  mot  :  pâmé. 

Ainsi  pleurant,  Francus  elle  accolla, 

Puis  espasmée  au  logis  s'en  alla.  (I,  p.  76.) 

Esparsement,  adv.  dérivé  de  espars  (Nicot),  appliqué 
aux  cheveux  de  l'Aurore  :  flottant  de  tous  côtés. 
Ex.  :  (I,  p.  $4.) 

Esparvanche,  s.  fém.  employé  par  Ronsard  pour  : 
pervenche. 

De  verts  lauriers  et  vertes  esparvanches. 

(Vil,  p.  201.) 

Espervier  et  Esprevier  (par  métathèse),  s.  masc, 
.    double  forme  du  même  mot  :  épervier.  Ex.  : 

(VIII,  p.  116  et  144.) 

Espoint,  part,  passé  du  verbe  transitif  espoindre  ou 
époindre,  vieux  mot  qui  signifiait  piquer,  aiguil- 
lonner. (Nicot.)  V.  époingt,  époinçonner. 

Celuy  qui  vit  en  ce  poinct. 

Heureux,  ne  convoite  point 

Du  peuple  estre  nommé  Sire, 

D'adjoindre  au  sien  un  empire 

De  trop  d'avarice  espoint.  (II,  p.  355.) 

Espoîs,  s.  masc,  terme  de  vénerie.  Epois  se  dit  de 
chaque  cor  ou  sommet  de  la  tête  d'un  cerf...  Il  y  a 
des  épois  de  coronure,  de  paumure,  de  trochure  et 
enfourchure  dans  le  bois  et  la  tête  d'un  cerf.  (Tré- 
voux.) (I,  254.) 

V.  le  mot  Vénerie. 

Espose,  abréviation  pour  espouse,  licence  que  Ronsard 
autorise  dans  son  Art  poétique.  (V.  Introduction  : 
Théories  de  R...) 

Espouvanteux,  adj.  quai,  créé  par  Ronsard,  synonyme 


DE   Ronsard.  97 

de  :  épouvantable,  qui  inspire  l'épouvante.  Un  seul 
exemple  : 

...  d'espouvanteuse  œillade.  (Disc,  t.  VII,  p.  83.)- 
Il  emploie  fréquemment  :  épouvantable. 

Esprit,  s.  masc.  employé  avec  le  sens  du  lat.  animas, 
dans  l'expression  animas  addere:  souffle,  ardeur. 
Tous  deux  de  garbe  et  de  courage  grans, 
Donnans  l'esprit  aux  chevaux  par  les  tlancs, 
D'un  masle  cœur  au  combat  s'esiancerent. 

(III,  p.  128.) 

Essein,  s.  masc,  orth.  de  Ronsard  pour  essain 
(Nicot)  {ei  =  ai)  :  essaim.  Ex.  :  (I,  p.  229.) 

Essorer  {S'),  v.  réfl.,  terme  de  -vénerie  :  prendre 
l'essor. 

...  un  jeune  oyseau 
De  branche  en  branche  à  son  plaisir  s'essore. 

(Am.  1,  CCIV,  t.  I,  p.  115.) 

Essueil,  s.  masc.  employé  par  Ronsard,  Rabelais, 
pour  seuil. 

...  àl'essueil  de  son  huis...  (VI,  p.  198.) 

Essuy,  s.  masc,  subsiste  comme  terme  de  métier  et 
signifie  le  lieu  011  les  tanneurs  mettent  sécher  le 
cuir.  Cf.  le  vieux  mot  françois  essoute,  s.  fém., 
lieu  où  l'on  se  met  à  couvert  de  la  pluie.  [Diction- 
naire de  Lacombe.)  Ici,  terme  de  vénerie  :  abri. 

Il,  255.) 
V.  Vénerie. 

Estaim,  s.  masc,  terme  technique,  partie  la  plus  fine 
de  la  laine  cardée  (lat.  stamen). 

Trévoux  :  «  C'est  le  plus  fm  de  la  laine  qui  n'est 
appelé  étaim  que  quand  il  est  tiré  de  la  laine.  t> 

Le  mot  subsiste  encore  de  nos  jours,  estaim  ou 
Lex.  Ronsard.  n 


98  Lexique 

étainij  c'est  une  sorte  de  longue  laine  qu'on  a  fait 
passer  par  un  peigne  ou  grande  carde.  Lorsque 
cette  laine  a  été  filée  et  qu'elle  est  bien  torse,  on 
l'appelle  fil  d'estaim,  et  c'est  de  ce  fil  qu'on  forme 
les  chaînes  de  tapisseries  de  haute  et  basse  lice.  De 
là  est  venu  le  mot  estame  (syn.  de  estaim),  employé 
dans  les  expressions  fil  d'estame,  gants  d'estame, 
bas  d'estame  (gants,  bas,  fabriqués  avec  cette  sorte 
de  fil). 

De  là  le  dérivé  estamet,  s.  masc,  petite  étoffe 
de  laine,  et  aussi  étamine. 

Ronsard  emploie  estaim  pour  désigner  la  laine 
cardée,  t.  I,  p.  220. 

Estofer,  v.  trans.,  «  signifie  en  général  employer  de 
bonne  étoffe,  de  bonne  matière,  et  n'épargner  ni  la 
qualité  ni  la  quantité  i .  (Trévoux.) 

Si  chasteaux,  si  citez  de  marbres  estofées, 
Vieillissent...  (III,  p.  259.) 

Nicot  cite  l'expression  :  bien  garnir  et  estofer 
les  villes  de  frontières. 

Estoiipé,  part,  passé  du  verbe  estouper,  garnir  d'é- 
toupe,  boucher  avec  de  l'étoupe  :  au  fig.  boucher. 
De  limon  et  de  sable  et  de  bourbe  estoupée, 
Claire  ne  couroit  plus  la  source  Aganippée. 

(III,  p.  274.) 

Estourbillon,  s.  masc,  vieux  mot  (Nicot),  tourbillon. 
Ex.  :  (VI,  p.  368.) 

Èstourdiment,  s.  masc,  abréviation  de  estourdisse- 
ment.  Ex.  :  (V,  p.  25.) 

Estrange,  adj.,  employé  dans  l'ancienne  langue  et  par 
Ronsard  avec  le  sens  d'étranger, 

...  et  i'estrange  arondelle 
Fait  contre  un  soliveau  sa  maison  naturelle. 

(I,p.  184.) 


DE  Ronsard.  99 

Estre,  s.  masc,  employé  pour  désigner  la  condition 
de  l'homme  sur  la  terre  : 

En  ce  bas  estre.  (VI,  p.  372.) 
En  ce  bas  monde. 

Etéal,  adj.  quai.,  créé  par  Ronsard  :  de  l'été. 
...  le  Chien  etéal  (la  Canicule).  (VI,  p.  410.) 

Ethlope,  adj.,  employé  par  Ronsard  pour  éthiopien, 
seul  indiqué  par  Nicot. 

...  la  conduit  jusqu'au  rivage  Ethiope.  (II,  p.  71.) 

Évangile,  s.  masc.  aujourd'hui,  a  été  longtemps  fémi- 
nin; cité  par.Palsgrave  comme  nom  de  genre  com- 
mun, il  est  employé  par  Ronsard  comme  féminin. 

Ne  presche  plus  en  France  une  Evangile  armée. 

(VU,  p.  22.) 

Évaste  (gr.  èuaaTfjç),  qui  célèbre  les  bacchanales,  un 
des  surnoms  de  Bacchus.  (V,  p.  237.) 

Éventer,  v.  trans.  (Nicot,  Trévoux,  Littré),  au  sens 
propre  signifie  :  exposer  au  vent,  et  au  figuré  : 
mettre  à  l'air,  au  jour,  divulguer.  C'est  dans  un 
sens  intermédiaire  entre  ces  deux  acceptions  que 
Ronsard  l'emploie.  (I,  p.  11.) 

Évesché,  s.  masc.  aujourd'hui,  a  été  féminin  jusqu'au 
seizième  siècle  et  est  employé  comme  féminin  par 
Ronsard. 

...  avoir  tout  le  chef  et  le  dos  empesché 
Dessous  la  pesanteur  d'une  bonne  evesché. 

(VII,  p.  98.) 

Evien  (grec  eOioç),  bachique,  inspiré,  prophétique. 
Eùi'oç,  surnom  de  Dionysos. 

Ronsard  dit  aussi  :  Evie  et  EvoUen. 

(VI,  p.  54,  et  V,^p^237.) 

MUOTHECA 


100  LEXIQ.UE 

Exercite,  s.  masc.  (exercitus),  armée. 

Ronsard  n'a  employé  qu'une  fois  ce  substantif. 

Qui  contera  l'exercite  des  nues. 

(Hymnes  retr.,  t.  V,  p.  287.) 

Il  existait  déjà  dans  la  vieille  langue.  Palsgrave 
(Grammaire  française,  II,  6)  en  cite  un  exemple 
tiré  de  J.  Le  Maire  :  «  Il  assembla  un  grant  exer- 
cite  et  merveilleux  peuple  de  toutes  gens  puis- 
sants... î 

Exer citer,  v.  trans. 

1°  Exercer,  pratiquer  un  art. 
Dedans  l'enclos  de  nos  belles  citez 
Mille  et  mille  arts  y  sont  exercitez. 

(Recueil  des  hymnes  retr.,  t.  V,  p.  287.) 

2°  S'exerciter,  v.  réfl.,  s'exercer,  prendre  de 
l'exercice. 

Ore  nager,  luitter,  voltiger  et  courir 
M'amusent  sans  repos  ;  mais  plus  je  m'exercite, 
Plus  amour  naist  dans  moy... 

(Am.  II,  XXV,  t.  I,  p.  171.) 


Face,  ancienne  forme  du  subjonctif  pour  fasse. 
...  que  la  chienne  cuisante 
Jamais  dedans  ton  vaisseau 
Ne  face  tarir  ton  eau!  (II,  p.  347.) 

Facond,did].  quai,  {ht.facundus),  éloquent.  Nous  avons 
conservé  le  subsi.  faconde  :  mais  l'adjectif  a  disparu  : 
Estimé  le  plus  sage  et  facond  de  son  temps. 

0,  p.  370-) 
Facond  est  déjà  cité  par  Palsgrave  :  il  appartient 
au  plus  ancien  fonds  de  la  langue. 


DE  Ronsard.  ioi 

Faconde,  s.  fém.,  vieux  mot  (Nicot,  Littré),  signi- 
fiait :  élégance  de  langage,  éloquence.  Pour  Ron- 
sard la  lyrique  faconde  est  la  poésie  lyrique. 

(II,  p.  62.) 

Facteur,  s.  masc.  {factor),  au  sens  étymologique  : 
créateur,  sens  que  n'indique  pas  Nicot.  Ex.  : 

(V,  p.  247.) 

Faillir,  v.  intr.,  a  deux  acceptions. 

i«  Faire  défaut,  manquer. 

Et  ne  partir  d'icy  jusqu'à  tant  qu'à  la  lie 
De  ce  bon  vin  d'Anjou  la  liqueur  soit  faillie. 

(I,  p.  191.) 

Z"  Pécher,  commettre  une  faute. 

Nos  ennemis  font  faute  et  nous  faillons  aussi. 

(VII,  p.  41.) 
Ils  faillent  de  penser  qu'à  Luther  seulement 
Dieu  se  soit  apparu.  (VII,  p.  41.) 

Faiscelle,  s.  fém.  (lat.  fasciculus)  ;  on  écrivait  aussi 
faisselle  et  fesselle  (Trévoux).  Cf.  le  mot  faisserie 
onfesserie  qui  se  disait  de  «  tout  ouvrage  de  van- 
nerie T>  (Trévoux)  :  paniers  d'osier,  claies  et  ici 
spécialement  vaisseau  (forme)  à  faire  des  fromages. 

Que  pleines  soient  nos  faiscelles 

De  fourmages  secs  et  mous.  (V,  p.  260.) 

Faitif,  adj.  Nicot  en  donne  deux  formes  :  faitifs  et 
faictiz  qu'il  traduit  pdiV  factitius,  bienfait. 

Ronsard  n'a  employé  que  la  première  : 

...  les  souliers  faitifs 
D'un  demi-pied  luy  estoient  trop  petits. 

(Poèmes  I,  Le  Satyre,  t.  VI,  p.  83.) 

Se  rattache  certainement  à  la  même  racine  que 
faitis  et  faitissier  (très  usité  en  Anjou  selon  Mé- 
nage), donnés  par  Trévoux  comme  synonymes  de 


102  Lexique 

factice,  et  que  l'adverbe  faïtis  dans  cet  exemple  de 
Pathelin  où  il  signifie  :  fait  exprès. 
Je  l'ai  fait  faire  tout  faitis  (Pathelin). 

Fallace,  s.  fém.  (fallacia),  tromperie. 

Ronsard  l'emploie  dans  son  Bocage  Royal  : 
Qu'on  le  jette  aux  chiens,  puisqu'il  a  par  fallace 
Trompeta  main,  tes  dieux,  ton  logis  et  ta  grâce. 

(III,  p.  301.) 

Le  mot  dont  il  se  sert  le  plus  souvent  en  ce  sens 
est  cantelle,  dérivé  aussi  du  latin  et  d'un  usage  cou- 
rant au  moyen  âge. 

Famé,  s.  fém.  (Jama),  la  Renommée. 
Ronsard  en  fait  un  fréquent  usage. 
...  la  Famé  qui  parle  et  vole  librement. 

(Hymnes,  t.  V,  p,  70.) 
...  et  la  Famé  emplumée 
Vivant  bruira  son  nom.  (V,  p.  121.) 

Mais  il  ne  l'emploie  que  pour  personnifier  la 
déesse  de  la  Renommée.  (V.  encore  VI,  p.  107.) 
De  cette  racine  la  langue  moderne  a  conservé  l'adj. 
fameux  et  le  participe  famé.  Ex.  :  mal  famé. 

Famine,  s.  fém.,  employé  comme  synonyme  de  faim. 
Après  qu'il  eut  du  tout  sa  famine  appaisée.  (V,  p.  33.) 

Fanir,  ancien  v.  intr.,  employé  par  Ronsard  comme 
verbe  de  la  2*  conjugaison  pour  se  faner. 
Pareils  aux  champs  qui  fanissent.  (II,  p.  37.) 
Ainsi  ta  fleur  ne  deviendra  fanie. 

(Am.  1,  CXXIX,  t.  I,  p.  73.) 

Fantaisie,  s.  fém.  (Nicot,   Littré),  avait  encore  son 
sens  étymologique  ('fav-raaia),  imagination. 
Ex.  :  En  parlant  de  l'Amour  : 
Il  blesse  les  fantaisies 
Et  des  hommes  et  des  dieux.  (II,  p.  361.) 


DE  Ronsard.  103 

Et(I,  p.  295.) 
De  là  le  sens  des  mots  '.fantastique  tl  fantastïqiier . 

Fantastique,  adj.,  esclave  de  sa  fantaisie,  de  son 
imagination. 

Je  ne  suis  courtizan  ni  vendeur  de  fumées, 

Je  ne  saurois  mentir,  je  ne  puis  embrasser 
Genoux,  ny  baiser  mains... 

...  je  suis  trop  fantastique.  (III,  p.  283.) 

Et  (I,  p.  440.) 

Fantastiquer,  imaginer,  et  comme  l'explique  Muret  : 
I  feindre  à  sa  fantaisie  s .  Sur  les  plus  beaux  fan- 
tastique un  exemple.  (Am.  I,  185.) 

Fardeur,  adj.,  dérivé  par  Ronsard  du  verbe  farder  : 
qui  farde. 

...  tel  que  fut  de  la  playe  Adonine 
Le  sang  fardeur  de  la  rose  pourprine.  (III,  p.  134.) 

Fasché  de,  ancienne  expression  synonyme  de  :  fatigué 
de,  ennuyé  de  (Nicot).  Ex.  :  (III,  p.  200.) 

Fatidique,  adj.  {fatidicus),  qui  prédit  l'avenir. 

Employé  une  fois  par  Ronsard. 

Telle  fut  Œnoné,  et  nostre  Melusine, 
Et  la  vieille  Manton,  fatidique  héroïne. 

(El.  XXIX,  t.  IV,  p.  339.) 

Faultier,  adj.  quai.,  pour  fautif  :  sujet  à  faire  des  fautes, 
et,  en  parlant  d'un  arc,  à  manquer  le  but.  (I,  p.  26 1 .) 

Favorit  (Nicot,  Littré),  ancienne  forme  du  mot 
favori.  On  retrouve  le  t  dans  le  féminin  favorite. 
Ex.  :  (III,  p.  397.) 

Feinte,  s.  fém.,  employé  par  Ronsard  avec  le  sens  du 
latin  simulacrum,  apparence  fictive. 

...  nous  ne  sommes 
Plus  ces  corps  vifs,  mais  feinte  de  c^  hommes 


104  Lexique 

Que  bien  armez  et  prompts  à  tous  hazards 
En  tes  vaisseaux  tu  choisis  pour  soldards. 

(III,  p.  io8.) 

Felntise,  s.  fém.,  vieux  mot,  a  deux  sens. 
1°  Dissimulation. 

...  et  masqué  de  feintise, 
Ma  vieille  barbe  et  mes  cheveux  mesprise. 

.        .,  .  0")  P-  '94-) 

2°  Air  artificieux. 

Encor  davantage  elle  a 

Je  ne  sçay  quelle  feintise.  (VI,  p.  355.) 

Femelle,  s.  fém.,  a  longtemps  gardé  son  sens  étymo- 
logique (lat.  femella,  diminutif  de  femina),  femme. 
Encore  usité  avec  ce  sens  dans  la  langue  populaire. 
Ex.  :  (II,  p.  167.) 
On  a  dit  rnssi  fume  lie. 

Fenestré,  adj.  quai.,  vieux  mot  (Nicot,  Trévoux, 
Littré),  percé,  ouvert,  où  il  y  a  des  fenêtres. 
Ex.  :  (III,  p.  365.) 

Fhe,  s.  fém.  {fera),  bête  sauvage. 

Ce  substantif  est  d'un  usage  commun  chez  notre 
poète  : 

...  Et  les  fères  troublées 
De  peur  se  vont  tapir  au  profond  des  vallées. 

(Hymnes  11,  VIII,  t.  V,  p.  236.) 

V.  aussi  Am.  I,  Sonn.  97,  1 1 1 ,  1 57,  et  t.  III, 
p.  115. 

Fermer,  v.  trans.,  employé  par  Ronsard  au  sens  du 
mot  italien  fermare,  arrêter,  fixer.  Ex.  : 

(VI,  p.  26.) 

Ferré,  adj.,  conserve  encore  le  sens  du  \^ÙTi  ferreus, 
de  fer. 

...  je  lui  feray  cognoistre 
A  coups  ferrez  combien  poise  ma  destre.  (IV,  p.  151.) 


DE  Ronsard,  105 

Ferut,  3*  pers.  du  sing.  du  passé  défini  de  férir;  on 
employait  alors  concurremment  une  forme  en  i  et 
une  forme  en  u  au  parfait  et  au  participe. 
Et  tellement  la  douleur  la  ferut 
Que  par  les  champs  hurlante  elle  courut. 

(III,  p.  189.) 

Feste,  orth.  ancienne  pour  faiste,  faîte. 

La  renversant  du  fond  jusques  au  feste.  (III,  p.  92.) 

Fevre^  s.  masc.  (de  faber),  vieux  mot,  artisan,'  ou- 
vrier. (VI,  p.  412.) 

Ailleurs  il  a  le  sens  de  forgeron,  serrurier. 

(II,  p.  105.) 

Fiance,  s.  fém.  (Nicot),  vieux  mot  dérivé  de  fidentla, 
synonyme  de  asseurance  (Nicot,  Littré),  confiance. 
Ex.  :  (VI,  p.  210.) 

Fier,  adj.  quai.,  a  le  sens  du  himferiis,  farouche, 
victime  de  l'Orque  noir, 
De  l'Orque  qui  ne  pardonne, 
Tant  il  est  fier,  à  personne.  (II,  p.  163.) 

Fier-doux,  adj.  comp.,  créé  par   Ronsard,  cruel  et 
doux  en  même  temps.  Épithète  de  Vénus  à  qui 
ailleurs  il  applique  celle  d' aigre-douce. 
Vénus  la  fière-douce.  (I,  p.  272.) 
V.  doux-fier,  doux-amer,  aigre-doux. 

Fier-humble,  adj.  comp.,  créé  par  Ronsard. 

Une  humble-fière  et  fière-humble  guerrière. 

(I,  p.  68.) 

Figuette,  s.  fém.,  diminutif  de  figue  :  petite  figue. 
Cf.  le  mot^o-on^  mâcheur  de  figues,  cité  par  Cot- 
grave  et  appliqué  aux  Milanais  par  allusion  à  la 
punition  que  leur  infligea  Frédéric  Barberousse. 
Ex.  :  (VII,  p.  298.) 


io6  Lexique 

Figuré,  part,  passé,  employé  avec  l'ancienne  accep- 
tion dérivée  du  latin  :  figuris  ornatus,  distinctus, 
orné,  couvert  de  figures. 

Elles  en  ton  honneur  d'une  boucle  azurée 
Graffaient  sur  leurs  genoux  leur  cotte  figurée. 

(V,  p.  234.) 

Fils-d'œuf,  adj.  comp., innovation  de  Ronsard;  appli- 
qué à  Castor  par  allusion  à  la  légende  mythologique 
de  Léda. 

Castor  fils-d'œuf.  (VI,  p.  48.) 

F'ds-de-pluye,  adj.  comp.,  innovation  de  Ronsard  qui 
l'applique  à  Persée.  t  II  faut  voir  en  ce  héros,  dit 
M.  yidiUry  {Histoire  des  religions),  une  image  des 
eaux,  qui  s'élevant  de  la  terre  par  l'évaporation 
solaire,  vont  se  condenser  dans  les  nues.  i> 
Perse  fils-de-pluye.  (VI,  p.  48.) 

Fine,  part,  passé  de  l'ancien  werbefiner  :  cesser,  finir 
(Nicot,  Littré). 

Au  moins  en  sa  douleur  l'homme  auroit  espérance 
De  vivre  aise  à  son  tour  après  le  mal  fine. 

(IV,  p.  M9-) 
Et  (II,  p.  477.) 

Flageol,  s.  masc,  vieux  mot  antérieur  à  flageolet. 
Qui  musette  et  flageol  à  ses  lèvres  usa 
Pour  te  donner  plaisir.  (I,  p.  184.) 
De  là  le  verbe  :  Flageoller  ou  Flageoler,  v.  trans., 
jouer  sur  le  flageolet. 

Flageollant  une  eclogue  en  ton  tuyau  d'aveine. 

(I,  p.  322.) 

Flair,  s.  masc,  odeur,  signification  vieillie  du  mot. 
Ex.  :(I,  p.  195.) 

Flammer,  v.  intr.,  pour  flamber  (Nicot),  synonyme 
de  flamboyer.  Ex.:  (VI,  p.  38.) 


DE  Ronsard.  107 

Flandroîs,^d].,  pour  flamand. 

...  au  rivage  flandrois.  {III,  p.  327.) 

Flateresse,  fém.  de  l'adj.  flatteur. 

...  la  tourbe  flateresse.- (VI,  p.  194.) 

Fleurer  bon,  répandre  une  bonne  odeur  (Littré). 
Ex.  :  (I,  p.  190.) 

D'où  Fkurage,  s.  masc,  détourné  par  Ronsard 
de  son  sens  pour  signifier  un  amas  de  fleurs. 

(I,  p.  89.) 

Flo-flotant,  part,  prés.,  formé  par  redoublement  de  la 
première  syllabe,  licence  que  se  permet  souvent 
Ronsard. 

D'une  flo-flotante  vois.  (Odes  v,  XII,  t.  II,  p.  348.) 

Fleuron,  s.  masc.  (Nicot,  Littré),  diminutif  de  fleur, 
fleurette.  Ex.  :  (II,  p.  168.) 

D'oii  le  verbe  Fleuronner,  v.  intr.  :  fleurir,  être 
dans  sa  fleur  (Nicot).  Ex.  :  (II,  p.  17.) 

Fluctueux,  adj.  quai.,  agité  par  les  flots. 
...  l'abîme 
De  leur  mer  fluctueuse.  (II,  p.  221.) 

Folleton,  adj.,  diminutif  de  follet  (qui  est  lui-même  un 
diminutif  de  fol,  fou). 

Poil  folleton  où  nichent  mes  liesses.  (I,  p.  1 17.) 

Fontaine-Bleau,  nom  propre,  orthographe  de  Ron- 
sard pour  Fontainebleau.  (II,  p.  301.) 

Fontanler  et  Fontainler,  adj.,  créé  par  Ronsard  qui 
lui  attribue  deux  sens. 

i"  Où  sourdent  des  fontaines. 
Et  ces  fontanières  prées 

Diaprées 
De  mille  tapis  herbus. 

(Voy.  d'Hercueil,  t.  VI,  p.  364.) 


io8  Lexique 

2°  Qui   habite  les  fontaines,   qui  préside  aux 
sources. 

Bien  tost  verras  tes  Faunes  et  tes  Pans 

Courir  après  tes  nymphes  fontainières.  (III,  p.  332.) 

Fontelette,  s.  fém.,  diminutif  de  fontaine. 

(Odesv,XII,t.II,  p.  345.) 
Quelques  vers  plus  haut,  Ronsard  dit  Fontenette 
(ibid.,  p.  344). 

Forbanni,  part,  passé  employé  adjectivement,  innova- 
tion de  Ronsard  pour  banni. 

Les  os  d'Hector  forbannis  de  l'Asie.  (I,  p.  42.) 

Forçable,  adj.  quai.,  employé  par  Ronsard  dans  le 
sens  de  :  qui  peut  être  forcé,  pris  d'assaut. 
Ce  chasteau  que  tu  vois  par  arme  n'est  forçable. 

(IV,  p.  130.) 

Forcener,  v.  intr.,  vieux  mot  (Nicot),  estre  forcené  : 

c'est-à-dire  «  estre  hors  du  sens  t  (for-sené).  Ex.  : 

(I,  p.  131,  t.  II,  p.  196.) 

D'oiî  les   substantifs  forcenement  et  forcenerie 

(Nicot). 

Forcenerie  est  dans  Ronsard.  (VIII,  p.  149.) 

Forcere,  s.  masc,  on  forçaire,  orthographe  de  Ron- 
sard pour  forçat.  (Un  exemple  aussi  ded'Aubigné.) 
. . .  d'un  prisonnier  enchaisné 
Ou  d'un  valet,  ou  d'un  forcere, 
Qui  est  esclave  d'un  corsaire.  (I,  p.  170.) 
Je  vous  servy  et  non  comme  forçaire. 

(Sonnets  pour  Astrée,  X,  t.  I,  p.  271.) 

Forestier,  adj.  quai.  (Nicot),  ancien  sens  du  mot  : 
qui  habite  les  forêts,  qui  préside  aux  forêts.  Ex.  : 

.     (V,  p.199-) 
For  huer,  v.  n.  ou  plutôt  forhuir  (Trévoux),  terme  de 


DE  Ronsard.  109 

vénerie  qui  signifie  donner  du  cor...  du  huchet,  pour 
rappeler  les  chiens. 
V.  Huchet  et  Vénerie. 

Je  descouplay  mes  chiens,  et  forhuant  après, 
Les  nommant  par  leurs  noms.  (I,  p.  2jj.) 

Fortiîude  {fortltudo),  s.  fém.  Courage;  employé  par 
Oresme,'  se  trouve  une  fois  dans  les  Œuvres  mé- 
dites en  prose  de  Ronsard  :  «  lesquelles  vertus  sont 
fortitade,  patience,  etc.  »  (VIII,  p.  156.) 

Fortaner,  v.  trans.  (lat.  fortunare)  (Nicot,  Littré), 
vieux  mot  que  rien  n'a  remplacé  :  rendre  fortuné, 
riche,  heureux.  Ex.  : 

Il  appartient  aux  astres,  mon  Astrée 

Luire,  sauver,  fortuner  et  conduire.  (I,  p.  266.) 

De  même  :  (II,  p.  104.) 

Forussis,  adj.,  formé  par  Ronsard  sur  le  modèle  ita- 
lien/uorujc/?/_,  bannis. 

(Naples).  Que  les  Chalcidiens  forussis  habitèrent. 

(Hymnes  i,  V,  t.  V,  p.  92.) 

Fosselu,  adj.,  marqué  de  fossettes;  fréquemment  em- 
ployé par  Ronsard. 

Ny  son  menton  rondement  fosselu.  (I,  p.  28.) 

Foule  {à}  (Nicot),  ancienne  expression  remplacée  par 
en  foule  (Littré).  On  disait  aussi  à  grand  foule. 
Ex.  :  (III,  p.  266.) 

Foulures,  s.  masc.  pi.  Vénerie  :  On  dit  ^ussi  foulées  : 
ce  sont  les  marcjues  que  le  pied  du  cerf  laisse  sur 
l'herbe,  les  feuilles,  le  sable.  On  appelle  ces  mar- 
ques la  voie  du  cerf,  quand  elles  sont  sur  la  terre 
nette.  (Trévoux.)  (I,  255.) 
V.  Vénerie. 

Fourière,  s.  fém.  de  fourrier,  a  Marot  appelle  l'Aurore 


110  LEXIQ.UE 

la  fourrière  du  soleil,  parce  qu'elle  précède  le  soleil, 
comme  les  fourriers  précèdent  la  Cour.  >  (Tré- 
voux.) 

Il  signifie  de  même  avant-coureur  pour  Ronsard 
qui  en  a  fait  un  emploi  analogue  : 

Mais  le  soir  est  venu,  et  Vesper,  la  fourière 
Des  ombres,  a  desja  respandu  sa  lumière. 

(IV,  p.  69.) 

Fourmi^  fém.  aujourd'hui,  a  été  longtemps  masculin. 
Mais  tu  vis  par  les  sillons  vers 
De  petits  fourmis  et  de  vers.  (VI,  p.  349.) 

Fouteau,  s.  masc,  ancien  diminutif  de /ou_,  hêtre  (lat. 
fagus),  d'oij  fagutilUus  (r*)^  faultiau,  fouteau.   On 
disait  mssifayard  (Littré),  fayant  ou.  hestre  (Nicot) 
et /au.  Ex.  : '(V,  p.  65,  et  VI,  p.  325.) 
Ailleurs  Ronsard  orthographie /oujf^au.  Ex.  : 

(III,  p.  165.) 
De  fouteau,  foutelaiej  lieu  planté  de  hêtres,  hêtraie. 

Fouyer,  s.  masc,  orthographe  et  prononciation  du 
Centre  pour  foyer. 

...  accroupis  dans  le  fouyer  cendreux.  (I,  p.  218.) 

Franchise,  s.  fém.  (Nicot,  Littré),  indépendance.  Sens 
ancien  de  ce  mot.  Ex.  :  (III,  p.  68.) 

Frayoir,  s.  masc,  terme  de  vénerie,  lieu  oiî  les  cerfs 

vont  frayer,  en  frottant  leur  bois  contre  les  arbres. 

Frayer  :  se  dit  des  cerfs  qui  frottent  leur  bois 

contre  les  arbres  pour  en  faire  tomber  la  peau  velue 

qui  le  couvre.  (I,  255.) 

V.  Vénerie. 

Frenaisie,  s.  fém.  (Nicot),  pour  frénésie  :  délire,  fu- 
reur voisine  de  la  folie.  Ex.  :  (I,  p.  278.) 

Frères-dieux,  mot  composé  créé  par  Ronsard,  Ex.  : 

(VII,  p.  162.) 


DE  Ronsard.  i  i  i 

Freskr,  v.  trans.,  vieux  mot  (Nicot),  de  fr  es  le,  fra- 
gile, fêler,  briser.  Cf.  la  forme  du  moyen  d.ge,frételé 
{Roman  de  la  Rose),  brisé,  puis  sali.  Ex.  : 

(III,  p.  338.) 

Fresnler,  fém.,  Fresnière,  adj.  quai.,  innovation  de 
Ronsard  :  de  bois  de  fresne.  (III,  p.  334.) 

Fretillard,  adj.  quai.,  pour  frétillant  (lat.  lascivus). 
Mi-tirant  sa  langue  fretillarde.  (I,  p.  106.) 

De  même  : 

...  elle  me  darde 
Sa  languette  fretillarde.  (Odes  11,  VII,  t.  II,  p.  146.) 

Fromenteux,  adj.  quai.,  qui  produit  le  froment.  Un 
exemple  : 

Voy  ces  rochers  au  front  audacieux, 
C'estoient  jadis  des  plaines  fromenteuses. 

(Poèmes,  t.  VI,  p.  128.) 

Front-cornu,  adj.  comp.,  créé  par  Ronsard  :  épithète 
qu'il  applique  aux  Faunes,,  aux  Satyres. 
...  les  Faunes  front-cornus.  (VI,  p.  372.) 

Fruitier,  adj.  employé  par  Ronsard  comme  synonyme 
de  riche  en  fruits. 

...  le  fruitier  automne.  (III,  p.  161.) 
Nous  avons  conservé  l'expression  :  jardin  frui- 
tier, et  le  subst.  fruitier,  fém.  fruitière. 

Fueillard,  orth.  de  Ronsard,  o\i  Feuillard^  s.  masc.  En 
termes  de  blason,  on  a  donné  ce  nom  aux  lambre- 
quins à  cause  de  leur  ressemblance  avec  les  feuilles 
d'acanthe. 

Ronsard  l'emploie  dans  un  sens  particulier  :  cou- 
ronne de  feuillage. 

...  un  dodonien  fueillard 
Faisoit  ombrage  aux  tresses  blanches 
De  leur  chef  tristement  vieillard. 

(Odes  I,  X,  t.  II,  p.  91.) 


112  L  E  X  I  Q_U  E 

Fuitif,  adj.  quai.,  forme  antérieure  à  fugitif  (Nicot  in- 
dique encore  les  deux). 

...  et,  sans  tenir  promesse, 
Marche,  fuitif,  où  l'orage  le  presse.  (III,  p.  145.) 

Fumées,  s.  fém.  pi.,  terme  de  vénerie  :  excréments  des 
cerfs  et  autres  fauves.  Ex.  :  (I.  255.) 
V.  Vénerie. 

Fum'ière,  s.  fém.,  vieux  mot  qui  signifiait /umeg  et 
fumier.  Ces  deux  mots  se  confondaient  sous  la 
forme  fumer  indiquée  par  Nicot  :  «  fumer,  voir 
fumée  et  fumier.  » 

Fumière  dans  Ronsard  signifie  fumée. 

(",P-443-) 

Fanerai,  adj.  quai.  (ht.  funeralis),  funèbre,  qui  se  rap- 
porte à  la  sépulture. 

Fit  des  tombeaux,  funérales  maisons.  (III,  p.  108.) 

Fuseau.  V.  Fusée. 

Fusée,  s.  fém.  (Nicot,  Littré). 

\°  Ce  qu'un  fuseau  contient  ou  peut  contenir  de 
fil.  Ex.  :  (IV,  p.  231.) 

2°  Le  fuseau  lui-même,  Ex.  :  (III,  p.  49.) 
Ronsard  emploie  aussi  fuseau.  Ex.  : 

(III,  p.  312.) 

Fust,  s.  masc.  ;  on  appelait  jadis  fût,  le  bois  de  la 
lyre. 

...  Après  avoir  usé 
Cordes  et  luth  et  fust,  je  me  suis  abusé 
A  louer  les  seigneurs.  (III,  p.  374.) 

Fuzil,  s.  masc,  on  fusil  (Nicot,  Littré),  signifiait  au 
propre  :  la  pièce  d'acier  qu'on  frappe  contre  un 
silex  pour  en  faire  jaillir  des  étincelles  ;  au  figuré 


DE  Ronsard.  115 

dans  Ronsard  :  cause   (emploi   analogue   du  mot 
brandon  ■mpnvà'hm).  (III,  p.  234.) 


Ga^er,  v.  trans.,  employé  dans  le  sens  très  particu- 
lier de  :  louer  à  gages. 

Tu  dis  que  j'ay  gagé  ma  Muse  pour  flatter  ? 

(VII,  p.  117.) 

Gaignages  ou  Gagnages,  s.  masc.  pi.  L'ancienne 
langue  possédait  les  deuxmots  gaignages  et  gai- 
gnesie,  s.  fém.,  pour  désigner  les  pâturages,  les 
prés  fauchés. 

En  vénerie,  se  dit  des  terrains  où  les  fauves  vont 
paître  ou  viander.  (I,  255.) 

Dedans  faisoit  sa  bauge  une  beste  sauvage 

Qui  jamais  autre  part  ne  cherchait  son  gaignage. 

(Songe  III,  p.  289.) 

V.  Vénerie. 
Gallant,  subst.  dérivé  de  l'ancien  verbe  galer,  se  ré- 
jouir :  signifiait  un  bon  vivant,  un  joyeux  compa- 
gnon, un  gaillard  (comme  on  dit  encore  aujour- 
d'hui). 

Meurs,  gallant!  c'est  assez  beu.  (II,  p.   164.) 

Garbe  (ital.  garbo),  aujourd'hui  galbe,  contour,  pro- 
fil d'une  figure  ;  déjà  du  temps  de  Henri  Estienne  la 
prononciation  galbe  tendait  à  prévaloir.  Ce  mot 
autrefois  féminin  est  aujourd'hui  masculin.  Ronsard 
n'en  offre  qu'un  exemple. 

Et  monstroit  à  son  port  quel  sang  le  concevoit. 
Tant  la  garbe  de  prince  au  visage  il  avoit. 

(Boc.  Roy.,  t.  III,  p.  307.) 

Lex.  Ronsard.  8 


114  Lexique 

Garni,  part,  passé.  Ronsard  lui  attribue  le  sens  perdu 
aujourd'hui  de  :  doué,  pourvu. 

Le  vieil  Amblois,  dont  l'âme  estoit  garnie 
De  prophétie...  (III,  p.  201.) 

Gauche,  adj.  quai.,  employé  par  Ronsard  dans  le  sens 
figuré  du  latin  slnister,  défavorables 
...  mais  vostre  fier  orgueil 
Ne  s'amollit  jamais  pour  larmes  ny  pour  dueil, 
Tant  d'une  gauche  main  la  Parque  ourdit  ma  vie. 

(I,p.  323.) 

Ailleurs  il  a  le  sens  de  :  favorable,  appliqué  aux 
présages  tirés  de  la  foudre.  Ex.  :  (V,  p.  71 .) 

Gaufré,  part,  passé  du  verbe  gaufrer  qui  signifiait  au 
sens  propre  faire  une  gaufrure  (Nicot)  :  «  gaufrure  en 
broderie,  c'est  quand  parmi  la  broderie  ou  ouvrages 
d'habillement,  une  étoffe  est  cueillie  en  toupeau, 
quelque  forme  que  ledit  toupeau  représente.  »  Ron- 
sard emploie  gaufré  au  figuré  pour  désigner  les  cel- 
lules des  abeilles  qui  semblent  tuyautées.  Ex.  : 

(III,  p.  336.) 

Gausser,  v.  trans.,  vieux_  mot  (Lacombe,  Littré), 
synonyme  de  gaudir  (Nicot),  signifiait  : 

1°  Railler. 

2"  Dire  des  plaisanteries. 

Ronsard  lui  donne  un  sens  voisin  de  :  reprendre 
un  refrain.  Ex.  :  (Fr.  Il,  t.  III,  p.  1 18.) 

Ga^ac,  s.  masc,  ou  ga'iac  (Littré).  Le  bois  de  galac 
jouissait  d'une  très  haute  réputation  pour  la  guéri- 
son  des  rhumatismes  et  des  maladies  scrofuleuses. 
Ex.  :  (V,  p.  220.) 

Géant,  subst.  (Nicot,  Littré),  est  employé  comme 
adjectif  par  Ronsard  :  pour  gigantesque  (Littré), 
ou  géantin  (Nicot).  Ex.  : 

Son  corps  estoit  géant...  (IV,  p.  106.) 


DE  Ronsard.  115 

Gêantin,  adj.  quai.  (Nicot),  gigantesque. 
Et  le  merveilleux  tour  de  ses  os  géantins. 

(V,  p.  57.) 
Gemme,  s.  fém.  {gemma),  perle. 

Ronsard  l'emploie  fréquemment  :  il  en  a  même 
formé  l'adjectif  gemmeux  et  le  verbe  actif  engem- 
mer.  (V.  ces  deux  mots.) 

Ny  dedans  l'or  les  gemmes  bien  encloses. 

(Am.  I,  LX,  t.  I,  p.  36.) 

Gemmeux,  adj.  quai.,  dérivé  du  subst.  gemme.  Ron- 
sard l'emploie  au  sens  propre  et  au  figuré. 
I**  Sens  propre  :  riche  en  pierres  précieuses. 
Ny  des  Indois  la  gemmeuse  largesse. 

(Am.  I,  189,  t.  I,  p.  107.) 

2"  Sens  figuré  :  émaillé  de  fleurs  qui  brillent 
comme  des  pierres  précieuses. 

Dessus  les  fleurs  d'une  gemmeuse  prée. 

\  (Fr.  n,  t.  III,  p.  112.) 

Au  sens  figuré  RonsaM  emploie  de  même  g^mme. 

Et  le  bel  esmail  qui  varie 

L'honneur  gemmé  d'une  prairie.  (II,  p.  342.) 

Génial,  adj.  (lat.  genlalis),  nuptial,  conjugal. 

Cueillir  dans  mon  panier  un  monceau  de  fleurettes 
Afin  de  les  semer  sur  ton  lict  génial.  (IV,  p.  68.) 

Géniture,   s.    fém.  (Nicot,   Littré).   Descendance, 
Hgnée,  fils. 
Je  serois  engendré  d'une  ingrate  nature 
Si  je  voulois  trahir  ma  propre  géniture. 

(Am.  II,  Élégie  à  son  livre,  t.  I,  p.  142.) 

Germer,  v.  trans.,  pour  gêner  pris  dans  le  sens  très 
particulier  de  fouler,  presser. 

...  tous  les  ans  il  voirra  sur  l'automne 
Bacchus  luy  rire,  et  plus  que  ses  voisins 
Dans  son  pressouer  gennera  de  raisins.  (III,  p.  406.) 


I  I  6  L  E  X  I QJJ  E 

Cent,  s.  fém.,  employé  avec  son  acception  étymolo- 
gique. 

0  heureuse  la  gent  que  la  mort  fortunée 

A  depuis  neuf  cents  ans  sous  la  tombe  emmurée. 

(VII,  p.  43.) 
Il  l'emploie  aussi  dans  le  sens  de  :  populace. 
Au  bruit  de  telle  gent,  qui  murmuroit  plus  haut 
Qu'un  grand  torrent  d'hyver,  (VI,  p.  249.) 

Gent,  adj.  quai,  vieux  mot,  signifiait  gentil  et  bien 
fait.  (Nicot,  Littré.) 

Aussi  je  ne  voudrois  que  toy,  quenouille  gente, 
Qui  es  de  Vendosmois  (où  le  peuple  se  vante 
D'estre  bon  ménager),  allasses  en  Anjou 
Pour  demeurer  oisive  et  te  rouiller  au  clou. 

(I,  p.  219.) 

Gente,  s.  fém.  (Nicot),  ancienne  orthographe  du  mot 
jante  :  chacune  des  pièces  de  bois  courbées  qui  for- 
ment le  cercle  d'une  roue.  Ex.  :  (III,  p.  199.) 

Gentement,  adv.,  vieux  mot  :  Gentiment  (Nicot). 
...  vous  avez  les  cheveux 


Gentement  tortillez  tout  autour  de  l'oreille. 

(I,  p.  148.) 

Gentil,  adj.  quai,  signifiait  beau,  joli,  mignon  {lepi- 
dus,  veniistus,  elegans),  puis  noble,  pur,  relevé 
{honestus,  venustus)  (Nicot,  Littré). 

Tant  vaut  le  gentil  soin  d'une  muse  sacrée 
Qui  peut  vaincre  la  mort  et  les  sorts  inconstans. 

(Sonnets  pour  Hélène,  11,  t.  I,  p.  363.) 

Germeux,  adj.  créé  par  Ronsard  du  mot  germe.  Il 
l'emploie  comme  épithète  du  dieu  qui  renferme  en 
lui  le  principe,  le  germe  des  êtres,  VAmour. 

Père  germeux  de  naissance.  (Fr.  II,  t.  III,  p.  117.) 
Ou  du  Priape  antique. 


DE  Ronsard.  117 

k..  grand  dieu  de  génération 
Père  germeux  de  toute  nation. 

(El.  XXVI,  t.  IV,  p.  323.) 

Ou  de  Vénus. 

...  la  germeuse.  (El.  xxix,  t.  IV,  p.  340.) 
Une  seule  fois  il  l'applique  à  la  terre  et  lui  attri- 
bue le  sens  de  féconde  : 

Sillonnant  par  rayons  une  germeuse  plaine. 

(El.  II,  t.  IV,  p.  219.) 

Glandeux,  adj.  quai.,  épithète  du  chêne,  qui  produit 
le  gland. 

...  un  chesne  glandeux.  El.  v,  t.  IV,  p.  241. 

dix,  s.  masc.  {glis,  gUrîs),  loir  (animal). 

Ronsard  est  le  seul  auteur  qui  ait  écrit  ce  mot  en 
français  :  aussi  son  commentateur  P.  de  Marcassus 
sent-il  le  besoin  de  l'expliquer  par  cette  note  : 
c  Petits  animaux  cendrez  semblaoles  presque  aux 
sourix,  qu'on  croit  dormir  six  mois  de  l'année.  » 
Ce  sont  les  loirs. 

Ha  que  les  Glix  sont  heureux,  qui  sommeillent 
Six  mois  en  l'an  et  point  ne  se  réveillent. 

(Boc.  Roy.,  t.  III,  p.  364.) 

Glongouter,  v.  intr.,  dérivé  de  glouglou,  onomatopée 
signifiant  le  bruit^  que  fait  une  liqueur  en  sortant 
d'une  bouteille.  Vieux  mot  populaire.  Ex.  : 

(II,  p.  444.) 

Glout,  ancien  adj.  quai.  (Nicot,  Littré)  :  glouton, 
employé  par  Ronsard  avec  un  complément.  Ex.  : 
...  glout  de  faim  extrême.  (IV,  p.  218.) 
Glout  avait  formé  l'adverbe  gloutement  (Nicot), 
goulûment,  avidement.  Ex.  :  (II,  p.  134.) 

Gloutenient.  V.  Glout. 

Glueux,  adj.  quai.,  créé  par  Ronsard.  Il  a  tantôt  le 


I  I  8  L  E  X  1  Q^U  E 

sens  de  gluant^,  épais  comme  de  la  glu,  tantôt  celui 

de  :  qui  a  recours  à  la  glu.  Ex.  : 
...  l'air  glueux.  (VII,  p.  163.) 
Un  cruel  oiseleur,  par  glueuse  cautelle. 
L'a  prise  et  l'a  tuée.  (I,  p.  211.) 

Gommeux,  adj.,  résineux. 

...  la  flamèche  gommeuse.  (III,  p.  166.) 
Des  bois  qui  sont  gommeux  de  leur  nature. 

(  (III,  p.  213.) 

Gorgondn,  adj.  quai.,  créé  par  Ronsard  pour  désigner 
le  bouclier  de  Pallas  orné  de  la  tête  de  la  Gorgone. 
Ex.  :  (VI,  p.  254.) 

Se  gourmer,  v.  réfl.,  employé  par  Ronsard  dans  un 
sens  très  particulier  dans  ce  passage  : 

Tel  voit-on  le  poulain,  dont  la  bouche  trop  forte 

Par  bois  et  par  rochers  son  escuyer  emporte 

Et  maugré  l'esperon,  la  houssine  et  la  main, 

Se  gourme  de  sa  bride  et  n'obéit  aufrein.  (VII,  p.  i  $ .) 

M.  B.  de  Fouquières  l'explique  ainsi  :  «  Se  fait 
une  gourmette  de  sa  bride,  la  saisit  et  en  paralyse 
les  effets.  Ici,  au  figuré  sans  doute,  se  moque  de  sa 
bride...  s  Ne  pourrait-on  l'expliquer  en  prenant  se 
gourmer  dans  son  sens  le  plus  habituel  :  a  faire 
l'important,  le  fier  à  l'égard  de...  mépriser,  etc.  »  ? 
On  ne  voit  point  aisément  la  bride  .devenue  gour- 
mette faciliter  les  révoltes  du  cheval. 

C'est  d'ailleurs  le  sens  de  se  gourmer  dans  un 
autre  passage  : 

Or  tu  as  beau  gronder... 

Te  gourmer  et  t'enfler,  comme  autresfois  au  bort 

La  grenouille  s'enfla  contre  le  bœuf.  (VII,  p.  132.) 

Gouspiller,  v.  act.,  synonyme  de  gaspiller  (Nicot), 
dépenser  follement,  dissiper. 

La  jeunesse  des  Dieux  aux  hommes  n'est  donnée 
Pour  gouspiller  sa  fleur...  (VII,  p.  312.) 


DE  Ronsard.  119 

Goy,  s.  masc.  On  écrivait  aussi  gouet  et  goué  :  grande 
et  forte  serpe  dont  les  bûcherons  se  servent  pour 
couper  le  bois.        ^ 

J'empoignay  d'allégresse  un  goy  dedans  la  main, 
Puis,  coupant  par  le  pied  le  bois  armé  d'escorce, 
Je  le  fis  chanceler...  (IV,  p.  13.) 

Grâce,  employé  dans  l'expression  de  votre  grâce  : 
par  votre  volonté. 

...  y  vit-on  mieux  d'accord  ? 

Mars  en  tous  lieux,  de  vostre  grâce  est  mort. 

(III,  p.  381.). 

Graffer,  v.  trans.,  abréviation  de  agrafer. 
Elles  en  ton  honneur  d'une  boucle  azurée 
Graffaient  sur  les  genoux  leur  cotte  figurée. 

(V,  p.  234.) 

Grand,  adj.,  a  conservé  sa  forme  invariable  au  féminin. 
Par  lesforests  erre  ceste  grand  bande.  (III,  p.  61.) 

Grasset,  adj.  diminutif  de  gras.  Nous  avons  conservé 
dans  la  langue  courante  :  grassouillet. 

Ny  le  reply  de  sa  gorge  grassette.  (I,  p.  28.) 
Ronsard  emploie  un  autre  diminutif  de  ce  mot  : 
grasselet. 

Pucelette  grasselette.  (VI,  p.  353.) 

Grateleux,  adj.  quai.,  qui  est  analogue  à  la  gale,  qui 
pousse  à  se  gratter  (Nicot). 

Tant  le  mal  grateleux  me  démange  à  tout'  heure. 

(Boc.  Roy.,  t.  III,  p.  284.) 

Graielle,  s.  fém.  (Nicot),  Grattelle  (Trévoux),  gale. 
Ex.  :  (VI,  p.  395.) 

Gratifier,  v.  trans.  aujourd'hui  (Littré),  dans  le  sens 
de  accorder  une  Hbéralité,  une  gratification,  est  in- 
transitif dans  Ronsard  avec  le  sens  de  :  agir  au 
gré  de...  Ex.  :  (III,  p.  233.) 


120  Lexique 

Gravelle,  s.  fém.,  employé  comme  synonyme  de  sable, 
gravier. 

...  et  son  limon  crasseux 
Pour  ce  jourd'hui  se  change  en  gravelle  menue. 

(I,  p.  i88.) 

Gref,  adj.  (lat.  gravis),  pesant,  dur,  pénible,  vieux 
mot  repris  par  Ronsard. 

Vous  me  laissez  tout  seul  en  un  tourment  si  gref. 

(Am.  II,  t.  I,  p.  193.) 

Greigneiir,  adj.  au  comparatif,  plus  grand;  vieux  mot 
encore  en  usage  au  seizième  siècle  (Nicot).  Ex.  : 

(I,  p.  76.) 

Grelissant,  part.  prés,  d'un  verbe  grelir,  dérivé  de 
grêle,  imaginé  par  Ronsard  :  qui  va  en  s'amincis- 
sant.  Ex.  :  (I,  p.  137.) 

Grenad,  s.  masc,  créé  par  Ronsard  par  abréviation 
du  substantif  féminin  grenade,  fruit  du  grenadier. 
Ex.  :(V,p.  285.) 

Grève,  s.  fém.,  vieux  mot  cité  par  Palsgrave,  signi- 
fiait la  partie  antérieure  de  la  jambe,  le  devant  de 
la  jambe  (Trévoux),  fréquemment  employé  par  Ron- 
sard. (III,  p.  161.) 

C'est  toy  qui  laves  sa  hanche, 

Sa  grève  et  sa  cuisse  blanche.  (II.  p.  345.) 

Griffu,  adj.  quai.,  n'est  ni  dans  Nicot  ni  même  plus 
tard  dans  Trévoux,  armé  de  griffes,  appliqué  par 
Ronsard  aux  soucis  qui  rongent  le  cœur,  par  allu- 
sion au  vautour  de  Prométhée.  Ex.  :  (I,  p.  438.) 

Gringoter  (Nicot),  ou  gringotter  (Trévoux,  Littré, 
Acad.).  On  disait  aussi  gringuenoter  (Nicot)  et 
gringuenotter  (Trévoux)  :  gazouiller,  en  parlant  des 
petits  oiseaux  et  principalement  du  rossignol.  Ex.  : 

..  (IV,  p.  273.) 
Nicot  cite  gringuenottis,  gazouillis. 


DE  Ronsard.  !2I 

Grippe-toat,  adj.  composé  par  Ronsard. 

...  le  plaideur  grippe-tout.  (V,  p.  260.) 

Guarir,  forme  ancienne  du  verbe  transitif  guérir. 

Guary  ma  playe  et  me  prens  à  mercy.  (III,  p.  196.) 

Guerdon,  s.  masc,  salaire,  récompense.  Ce  mot  usité 
pendant  tout  le  moyen  age_,  au  seizième  siècle  en- 
core et  plus  rarement  au  dix-septième,  a  disparu  de 
l'usage  courant. 

Que  mon  service  aura  quelque  guerdon. 

(Am.  I,  XXIV,  t.  I,  p.  15.) 

V.  aussi  (III,  p.  174.) 

De  là  le  verbe  guer donner,  et  son  participe  passé 
guerdonné  dont  Ronsard  présente  un  exemple. 

Les  poltrons  guerdonnés 

Des  plus  dignes  offices  (charges). 

{Œuvres  inédites,  t.  VIII,  p.  106.) 

Guide,  s.  masc.  aujourd'hui  pour  signifier  celui  qui 
guide,  s'employait  jadis  dans  le  même  sens  au  fé- 
minin (Nicot,  Littré).  Ex.  : 

La  guide  du  troupeau.  (II,  p.  159.) 

Guide,  subst.,  a  été  féminin  jusqu'au  dix-septième 
siècle  dans  le  sens  de  :  conduite  (Trévoux). 

Vien-t'en  heureux  ton  haleine  enfermer 
Dedans  ma  voile,  afin  que  sous  ta  guide 
J'aille  tenter  ce  grand  royaume  humide. 

(III,  p.  81.) 

Guide-dance,  adj.  comp.,  créé  par  Ronsard  à  l'imita- 
tion du  grec.  Épithète  d'Apollon. 

...  Apollon  le  guide-dance.  (VI,  p.  342.) 

Guimple,  s.  masc.  dans  Ronsard,  est  féminin  dans 
Palsgrave  et  Nicot  :  ce  dernier  indique  deux  for- 


122  Lexique 

mes  :  guîmple  et  guimpe,  qui  subsiste  seul  aujour- 
d'hui et  est  du  féminin. 

Puis  teste  et  col  d'un  guimple  elles  se  cachent, 
Qui,  bien  plissé,  jusqu'aux  pieds  leur  glissoit. 

(III,  p.  146.) 

Gulsien,  Gnisian  et  Guy  sien,  adj.  quai,,  tiré  par  Ron- 
sard du  nom  du  duc  de  Guise. 

...  des  Guisiens  le  courage  hautain.  (VII,  p.  47.) 
Voyant  le  Guisian  d'un  courage  indomlé. 

(VII,  p.  32.) 
Et  à  Mme  de  Guise  douairière. 
...  0  mère  de  Guysienne.  (IV,  p.  199.) 

Guiterre  et  guitterre,  s.  fém.  (espagnol  guitarra).  Le 
moyen  âge  disait  :  guiterne.  Ronsard  l'écrit  :  guit- 
terre ou  guiterre.  Aujourd'hui  guitare. 
...  Ne  sonner  à  son  huis 
De  ma  guitterre.  (Odes,  m,  XVI,  t.  II,  p.  220.) 
Ma  guiterre,  je  te  chante... 

(Odes  retr.,  3,  t.  II,  p.  387.) 


H 


Hagard,  adj.  quai.,  en  fauconnerie  s'applique  à  un 
faucon  qui  n'a  pas  été  pris  au  nid,  mais  après  plus 
d'une  mue  et  qui  est  difficile  à  apprivoiser.  Au 
figuré  :  rude,  farouche. 

Tu  ne  dédaignes  point  d'un  haussebec  de  teste 
Ny  d'un  sourcy  hagard,  des  petits  la  requeste. 

(I,  P-  370) 
Haillonneux,  adj.  quai.,  en  haillons. 
Il  te  faudra  d'un  habit  haillonneux 
Vestir  ton  corps...  (VI,  p.  78.) 


DE  Ronsard.  123 

Hain,  s.  masc,  vieux  mot.  Trévoux  donne  les  deux 
formes  hain  et  aîn  :  hameçon. 

Je  veux  mourir  pour  tes  beautez,  maistresse, 

Pour  ce  bel  œil  qui  me  prit  à  son  hain.  (I,  p.  27.) 

Halecret,  s.  masc,  cuirasse  légère  faite  de  mailles  ou 
de  lames  de  métal,  déjà  en  usage  sous  Louis  XI. 

C'était  une  armure  légère  et  complète,  en  fer 
battu  et  en  deux  pièces  ;  elle  régnait  depuis  le  col 
jusqu'aux  gants  et  jusqu'aux  genoux. 
Styx  d'un  noir  halecret  rempare 
Ses  bras,  ses  jambes  et  son  sein. 

(Odes,  I,  X,  t.  II,  p.  78.) 

Halené,  part,  passé  du  verbe  halener,  dont  la  respira- 
tion est  agitée,  haletante,  émue. 

Autour  de  Cassandre  halenée 

De  mes  baisers  tant  bien  donnez 

Vous  trouverez  la  rose  née.  (II,  p.  419.) 

Halenée,  s.  fém.,  vieux  mot  encore  usité  au  dix-sep- 
tième siècle  (ex.  de  Benserade),  surtout  en  mau- 
vaise part  (Nicot,  Trévoux)  :  t.  air  qui  sort  par  la 
respiration  »  (Trévoux),  souffle.  (IV,  p.  72.) 

Hallée,  s.  fém.,  haie.  Nicot  indique  les  deux  en  dis- 
tinguant leur  signification,  e  Hâle,  s.  masc,  signi- 
fie la  grande  ardeur  du  soleil  en  esté...  Hâlée, 
celuy  ou  celle  qui  ont  le  visage  bruslé  de  l'air 
chaud.  »  Ronsard  emploie  hallée  au  sens  abstrait  : 
aspect  du  visage  hâlé,  teint  halé.  Ex.  : 

(V,  p.  84.) 

Hannir,  v.  intr.,  orthographe  de  Ronsard  pour 
hennir.  (III,  p.  332.) 

Happer,  v.  trans.  C'est,  dit  Nicot,  un  verbe  naïf 
trançois  :  «  prendre  de  sursault  et  roideur...  1 
Saisir  vivement;  sens  plus  restreint  aujourd'hui 
(Littré).  Ex.  :  (V,  p.  30.) 


124  Lexique 

Haqnebatier,  s.  masc,  soldat  armé  d'une  arquebuse, 
qui  se  disait  primitivement  haquebute.  (III,  p.  52.) 

Hardouers  ou  plutôt  hardois,  s.  masc.  pi.,  terme  de 
vénerie  :  petites  branches  d'arbre  que  le  cerf  écor- 
che  Q.ïi  frayant  dNtz  son  bois.  (I,  255.) 
V.  Frayoir,  Frayer,  Vénerie. 

Harpeur,   s.  masc,  vieux  mot  {Roman  de  la  Rose, 
Palsgrave,  Nicot),  joueur  de  harpe. 
C'est  toy  qui  fait  que  Ronsard  soit  esleu 
Harpeur  françois...  (II,  p.  129.) 

Harqueboiize,  s.  fém.,  forme  ancienne  du  mot  arque- 
buse. On  disait  aussi  haquebute,  d'oiî  haquebutier. 
(V.  ce  mot.) 

A  coups  de  harquebouze  ou  à  coups  de  mousquette. 

(VI,  p.  41.) 

Harsolr,  adv.,  se  dit  encore  pour  hier  soir  dans  le 
dialecte  blaisois. 

Harsoir  en  se  jouant.  (IV,  p.  227.) 
J'attachay  des  bouquets  de  cent  mille  couleurs, 
De  mes  pleurs  arrosez,  harsoir  dessus  ta  porte. 

0,  P-  314) 

Hausse-bec,  s.  masc,  mouvement  de  la  bouche  pour 
indiquer  le  dégoût,  le  mépris,  le  dédain. 
Tu  seras  assez  tôt  des  medisans  moqué 
D'yeux,  et  de  hausse-becs  et  d'un  branler  de  teste. 

(I,  p.  142.) 

De  même,  t.  I,  p.  370. 

Hautain,  adj.  quai.,  employé  au  sens  primitif  du  mot 
haut.  ï  Ce  terme  s  est  pris  autrefois  en  bonne 
part,  comme  synonyme  de  grand,  élevé.  >  (Tré- 
voux.) 

De  ce  palais  éternel 

Brave  en  colonnes  hautaines.  (II,  p.  73.) 


DE  Ronsard.  12^ 

Haut-célébrant^  mot  composé  créé  par  Ronsard.  Ex.  : 
(Odes.l,  VI,  t.  II,p.  54,ett.IV,p.  288.) 

Haut-louer,  v.  trans.,  mot  composé  créé  par  Ron- 
sard, louer,  célébrer  hautement.  (VII,  p.  50.) 

Haut-parlant,  adj.  composé  créé  par  Ronsard  :  dont 
le  son  est  éclatant. 

Et  Les  trompettes  haut-parlantes 
Celebroient  les  victorieux.  (II,  p.  305.) 

Haut-tonnant,  adj.  composé,  appliqué  aux  chevaux  de 
Jupiter,  dieu  de  la  foudre. 

...  ses  haut-tonnants  chevaux.  (I,  p.  201.) 

Havement,  adv.  dérivé  du  verbe  haver,  havir,  saisir 
avidement  (Nicot  :  avide). 
Tout  ainsi  les  colombelles 
Trémoussant  un  peu  des  ailes, 
Havement  se  vont  baisant.  (II,  p.  146.) 

Haje  {^ue  je),  i^  pers.  du  prés,  du  subj.  de  haïr,  an- 
térieure à  que  je  haïsse.  Ex.  :  (IV,  p.  283.) 

Hébrieu,  adj.  quai.,  pour  hébreu,  hébraïque. 

(V,p.  119.) 

Hélénîn,  nom  propre  pour  Hélénus,  fils  de  Priam  et 
frère  de  Cassanare.  (I,  p.  390.) 

Herbine,  s.  fém.,  nom  de  Nymphe  de  l'invention  de 
Ronsard.  (VI,  p.  139.) 

Herbh,  s.  masc,  appartient  à  la  langue  du  moyen  âge 
(Lacombe,  DictS^  et  n'est  pas  cité  par  Nicot  :  lieu 
plein  d'herbes.  Ex.  :  (I,  p.  359.) 

Herculin,  adj.  tiré  du  subst.  Hercule  par  Ronsard  qui 
l'emploie  substantivement  comme  épithète  appliquée 
à  Charles  IX.  (III,  p.  312.) 


126  Lexiclue 

Et  d'ailleurs  à  Henri  de  Navarre  qui  fiit  plus 
tard  Henri  IV.  (V,  p.  318.) 

Hérisser,  verbe  employé  intransitivement  pour  le  verbe 
réfléchi  se  hérisser. 

Si  nous  oyons  crier  de  nuict  quelque  chouan 
Nous  hérissons  d'effroy...  (IV,  p.  306.) 

Héros,  s.  masc.  Le  seizième  siècle  n'observait  pas  en- 
core rigoureusement  la  distinction  entre  Vh  muette 
et  Vh  aspirée.  (Palsgrave.)  Ronsard  éhde  toujours 
l'article  devant  héros.  Ex.  :  (V,  p.  23  et  p.  295.) 

Heur,  s.  masc,  vieux  mot  employé  par  Ronsard  dans 
le  sens  de  gloire  (Nicot). 

A  ton  esprit  si  grand  ne  falloit  un  village, 
Ni  le  bord  incognu  de  quelque  bas  rivage, 
Mais  grand  ville  et  grand  fleuve  aggrandis  de  ton  heur. 

(V,  p.  352.) 

Heure  (à  la  bonne),  heureusement,  sous  une  heureuse 
influence. 

Vostre  vouloir  soit  fait  à  la  bonne  heure. 

(III,  p.  382.) 

Heurer,  v.  trans.,  ancien  mot  dérivé  de  heur  (Nicot), 
qui  avait  formé  heure,  heureté,  bien  heurer  :  rendre 
heureux.  Ex.  :  (II,  p.  311.) 

Hideuseté,  s.  fém.,  vieux  mot,*  synonyme  de  hideur 
(les  deux  sont  dans  Palsgrave). 

...  quand  elle  veit  saisie 
Sa  face  de  vieillesse  et  de  hideuseté.  (I,  p.  341.) 

Hierre,  s.  masc,  forme  primitive  du  mot  lierre.  (Voir 
Littré,  Histoire  du  mot  lierre.) 

J'ay  pour  maison  un  antre  en  un  rocher  ouvert, 
De  lambrunche  sauvage  et  d'hierre  couvert. 

(IV,  p.  48.) 


DE   Ronsard.  127 

/Ronsard  emploie  aussi  la  forme  :  lyerre. 

(III,  p.  320.) 

Hirlandois,  adj.  pour  Irlandais.  Ex.  :  le  nocher  hirlan- 
^0/5.  (III,  p.  327.) 

Hocher,  v.  trans.  (Nicot,  Littré),  secouer.  Ex.  : 

(VII,  p   262.) 

Hoir,  s,  masc,  héritier,  usité  encore  aujourd'hui  dans 
la  langue  de  la  jurisprudence.  (VII,  p.  198.) 

Hommace,  s.  fém.,  employé  par  Ronsard  pour  dési- 
gner l'automne.  (V,  p.  194.) 

Nous  avons  encore  hommasse  {ss  =  c)  (Littré), 
qui  se  dit  par  dénigrement  d'une  femme  dont  l'ap- 
parence et  les  manières  tiennent  plus  de  l'homme 
que  de  la  femme. 

Homme-femme,  adj.   comp.,  innovation  de   Ronsard 
appliquée  aux  Galles,  prêtres  de  Cybèle  qui  dans 
leurs  'accès  de  fureur  factice  allaient  jusqu'à  prati- 
quer sur  eux-mêmes  la  castration.  Il  les  appelle  : 
...  hommes-femmes  troupeaux.  (VI,  p.  114.) 

Horologe,  s.  fém.,  ancienne  forme  du  mot  horloge. 
On  disait  également  horiloge,  oreloge  et  horloge. 
Et  qui,  loin  de  la  ville  et  d'horologe,  a  mis 
Un  cadran  naturel  à  l'essueil  de  son  huis. 

(VI,  p.  198.) 

Horreur,  s.  masc.  au  seizième  siècle,  aujourd'hui  fémi- 
nin. 

Il  luy  souffla  un  horreur  dans  les  yeux.  (III,  p.  70.) 

Horribler,  v,  trans.,  innovation  de  Ronsard,  «.  rendre 
comme  sauvage  et  hérissé  s .  (Note  de  Richelet.) 
Horriblant  ton  corps  de  la  peau  ^ 

D'un  tigre...       .  (II,  p.  27.) 

(V.  III,  p.  177.) 


128  Lexîqjje 

Hostelage,  s.  masc.  (Nicot),  dérivé  du  vieux  verbe 
hosteler,  loger,  signifiait  hospitalité.  Ex.  : 

illl,  p.  95  et  228.) 
Ronsard  orthographie  aussi  :  hostellage. 

(V,  p.  50.) 

Houper  {Se),  v.  réfl.  (ex.  :  de  Marot),  se  garnir  de 
houppes... 

Le  bélier,  colonnel  de  sa  laineuse  troupe, 
L'eschine  de  toison  pour  les  autres  se  houpe. 

(IV,  p.  219.) 
Ronsard  en  dérive  l'adjectif  houpelu. 

(VI,  p.  39$-) 

Hacher,  v.  trans.,  vieux  mot  français  qui  signifie  appe- 
ler. 

Huche  les  vents.  (Fr.  i,  t.  III,  p.  55.) 
...  Hucha  les  sœurs  Néréides. 

(Odes,  IV,  X,  t.  II,  p.  261.) 

Ce  verbe  avait  formé  le  substantif  huchet,  cornet 
^  dont  on  se  servait  pour  appeler  les  chiens  à  la 
~  chasse. 

Trévoux:  hncher,  v.  act.,  vieux  mot  qui  signifiait 
autrefois  appeler,  nommer.  Clamore  accersere.  Il 
n'est  plus  en  usage  que  dans  les  provinces,  en 
picard  huqner. 

Trévoux  :  huchet,  s.  masc.  C'est  le  petit  cor 
d'un  chasseur  ou  d'un  postillon,  qui  sert  à  hucher, 
à  appeler  les  chiens,  les  lévriers  à  la  chasse  {vena- 
toria  buccina).  Ce  mot  vieillit,  et  en  sa  place  on  dit 
cor. 

On  se  sert  du  mot  kuchet  dans  le  blason.  Ex.  : 
Horn  porte  d'or  a  trois  huchets  de  gueules  viroles 
d'argent. 

Ces  deux  mots  subsistent  dans  la  langue  de  la 
vénerie. 


DE  Ronsard.  129 

Huer,  V.  trans.,  terme  de  vénerie.  Poursuivre  de  huées, 
de  grands  cris  le  gibier  pour  le  faire  sortir  de  sa 
bauge.  On  dit  encore  en  ce  sens  :  huer  le  loup. 

...  je  devance 
Ma  chasse  de  vingt  pas  ;  je  la  tance  et  retance, 
Je  la  presse  et  la  hue,  allant  tout  à  l'entour. 

(Songe  III,  290.) 

Huguenotiser,  v.  intr.,  dérivé  de  huguenot  :  faire  pro- 
fession d'être  de  la  religion  réformée.  Ex.  : 

(VII,  p.  72.) 

Huile,  s.  fém.  aujourd'hui,  était  de  genre  commun  au 
seizième  siècle  (Nicot).  Ronsard  l'emploie  au  mas- 
culin. Ex.  :  (III,  p.  229.) 

Huiler,  V.  intr.,  ancienne  forme  du  verbe  hurler.  Ex.  : 

(II,  p.  158.) 

Humble-fier,  adj.  comp.  créé  par  Ronsard.  Nicot  : 
»  humble  en  fait  et  en  maintien,  mais  fier  quand  on 
le  fasche...  1» 

Une  humble-fière  et  fière-humble  guerrière. 

(I,  p.  68.) 

Humblesse,  s.  fém.,  vieux  mot,  synonyme  d'humilité 
(les  deux  sont  dans  Palsgrave,  Nicot,  etc.). 

...  l'arrogance  est  pire  que  l'humblesse.  (I,  p.  380.) 
Et  VI,  p.  370. 

Humeur,  s.  fém.  (lat.  humor),  a  deux  acceptions  diffé- 
rentes. 

i"  Liquide  quelconque,  eau. 
Comme  un  pin  planté  sur  les  eaux, 
Bien  nourri  de  l'humeur  prochaine.  (II,  p.  199.) 

2"  La  rosée. 

La  douce  manne  tombe 
A  jamais  sur  sa  tombe 

Lex.  Ronsard.  9 


1^0  .    Lexiqjje 

Et  l'humeur  que  produit 
Enmoy  la  nuit!  (II,  p.  251-) 
Ronsard  emploie  humeur  au  masculin. 

(VII,  p.  133.) 

Hurter,  forme  picarde  du  verbe  heurter  (les  deux  sont 
dans  Palsgrave  et  Nicot). 

...  tant  ils  avoient  de  peine 
A  toute  force  en  hurtant,  d'esbranler 
Si  gros  fardeaux...  (III,  p.  63.) 

Hymenéan,  du  grec  T[j.£va'.oî,  dieu  du  mariage  ou  de 
la  joie,  un  des  surnoms  de  Dionysos. 
0  cuisse-né  Bacchus,  Mystiq,  Hymenéan. 

(v,p.  237) 


Idole,  s.  fém.  (Nicot,  Littré),  employé  par  Ronsard 
comme  synonyme  de  :  ombre,  image  d'un  mort. 
Un  exemple  :  (iV,  p.  235.) 

mage,  s.  masc.  au  seizième  siècle,  quelquefois  féminin 
(Nicot),  aujourd'hui  féminin.  Ronsard  l'emploie 
comme  masculin. 

Son  fils...,  en  qui  le  vray  image 

Du  grand  Hector  estoit  peint  au  visage.  (III,  p.  47.) 

L'image  feint...  (III,  p.  48.) 

Représentant  en  cent  divers  images 
Cent  vains  pourtraits.  (VI,  p.  2j8.) 

îmager,  s.  masc.  (Ronsard),  ou  Imagier  (Nicot),  les 
deux  formes  usitées  dès  le  moyen  âge  :  sculpteur. 
Ex.  :(V,  p.  75.} 


DE   Ronsard.  131 

Impiteux,  ad\.  quai.,  cruel,  impitoyable. 

Il  a  dedans  son  antre  à  Neptune  eslevé 
Un  autel  impiteux  de  meurdre  tout  pavé. 

(Hymnes  i,  II,  t.  V,  p.  48.) 

îmployable,  adj.  (Nicot  cite  Ronsard),  inflexible. 
Oppose  son  cœur  imployable.  (Il,  p.  96.) 
...  sur  nous  sa  sentence  imployable 
Aura  jette  le  juge  inexorable.  (II,  p.  431.) 

Impourveu  {à  l'),  ancienne  locution  adverbiale  :  à  l'im- 
proviste. 

...  la  maladie 


Me  happant  à  l'impourveu.  (II,  p.  164.) 

Incorporé,  part,  passé  du  verbe  incorporer  =  uni  à 
un  corps. 

L'esprit,  incorporé,  devient  ingénieux. 

(Sonnets  pour  Hélène,  L,  1. 1,  p.  308.) 

Incorruption,  s.  fém.  (Trévoux,  Littré).  État  de  ce 
qui  ne  se  corrompt  pas  et  ne  peut  se  corrompre. 
Un  exemple  :  (II,  p.  138.) 

Indocte,  adj.  (indoctus)  (Nicot),  ignorant. 
Où  est  l'aureille  bouchée 
De  telle  indocte  espesseur 
Qui  ne  rie  estant  touchée 
De  tes  vers  pleins  de  douceur?  (II,  p.  339.) 

Indole,  s.  fém.,  dérivé  du  latin  indoles,  innovation  de 
Ronsard  :  esprit,  naturel...  Un  exemple  : 

(IV,  p.  204.) 

Infant,  adj.  (lat.  infans),  employé  comme  synonyme 
de  :  enfantin. 

...  l'un,  par  vive  entreprise 
Veut  faire  abandonner  au  satyre  sa  prise. 
Et  d'une  infante  main  par  deux  et  par  trois  fois 
Prend  celle  du  bouquin...  (IV,  p.  12.) 


132  L  E  X I  Q_U  E 

Infélicité,  s.  fém.  (Palsgrave),  le  contraire  de  félicité, 
cause  de  malheur...  a  L'usage  n'a  pas  adopté  ce 
mot.  »  (Trévoux.) 

...  une  telle  cité 
Leur  seroit  quelque  jour  une  infélicité.  (VII,  p.  30.) 

Infortuné,  employé  comme  adjectif  par  Ronsard,  est 
substantif  dans  Nicot  :  il  est  composé  de  in  priva- 
tif et  ^Q  fortuné,  participe  du  verbe  fortuner  (v.  ce 
mot)  :  qui  est  poursuivi  par  la  mauvaise  fortune. 
Ronsard  l'emploie  dans  le  sens  de  a  qui  porte  avec 
soi  la  mauvaise  fortune  » .  Ex.  :  (I,  p.  251.) 

îngardable,  ad),  quai.,  créé  par  Ronsard  :  qui  ne  peut 
être  gardé. 

Il  a  gardé  des  places  ingardables.  (V,  p.  271.) 

Insenser,  v.  trans.,  formé  par  Ronsard  de  l'adjectit 
insensé,  rendre  insensé. 

(III,  p.  189,  et  VII,  p.  24.) 

Inspirer,  v.  trans.,  employé  au  sens  du  latin  inspirare, 
soufflero 

Inspire,  en  me  baisant,  ton  haleine  et  ta  grâce 
Et  ton  cœur  dedans  moy.  {\,  p.  383.) 

Intouchable,  adj.  quai.,  créé  par  Ronsard  :  qu'on  ne 
peut  toucher,  intangible. 

L'âme  est  parfaite,  intouchable,  immortelle. 

(VI,  p.  67.) 

Inventeresse,  fém.  d'inventeur  employé  par  Ronsard. 
...  Pallas  pour  estre  inventeresse 
D'un  olivier  se  fit  une  Déesse.  (V,  p.  271.) 

lo,  trad.  de  l'exclamation  grecque  'iw. 
lo,  voicy  la  prée  verdelette,  il,  p.  92.) 
lo!  garçon,  verse  encore.  (VI,  p.  374.) 
Io,'~io,  qu'on  s'avance.  (VI,  p.  375.) 


DE  Ronsard.  133 

Ire,  s.  fém.,  du  latin  ira,  colère,  vieux  mot  aujour- 
d'hui disparu,  emf^oyé  fréquemment  par  Ronsard 
comme  par  ses  contemporains. 

(I,p.  193,  369;  11,419;  111,44) 
De  là  les  adjectifs  iré  et  ireux. 
Mars  les  anime, 

Et  la  Discorde  irée.  (Odes  retr.,  II,  p.  413.) 
Ourdissons  une  corde  telle 
Que  celle  d'Archiloc,  ou  celle 
Qu'Hipponax,  ireux,  retordit 
Afin  que  Bubal  se  pendist. 

(Œuvres  inédites,  t.  VIII,  p.  149.) 

Irriter,  v.  trans.,  employé  dans  le  sens  de  :  exciter, 
pousser  à... 

Ou  d'irriter,  quand  les  pères  décèdent, 

Les  héritiers  à  cent  mille  procez?  (III,  p.  405 .) 

Irrite-mer,  mot  composé  créé  par  Ronsard  et  employé 
substantivement  comme  épithète  de  l'Aquilon  :  qui 
irrite,  qui  soulève  la  mer.  (I,  p.  1 14.) 

I taies,  s.  fém.  pi.,  innovation  de  Ronsard  :  Italie. 
Ex.  :(II,  j86,  et  t.  V,  p.  284.) 

Et  au  singulier,  même  sens  :  Italie,  (V,  p.  75.) 

Itylle,  nom  propre  pour  Itj's,  fils  de  Procné. 

(VI,  p.  128.) 

Ivoirin  et  Yvoirin,  adj. 

1°  Blanc  comme  l'ivoire. 

Ces  doigts  rosins  et  ces  mains  yvoirines.  (I,  p.  22.) 
2°  Fait  en  ivoire.  Ex.  : 

...  un  couteau  descendoit 
Du  long  la  gaine  ivoirine.  (III,  p.  6$.) 


134  Lexiqjje 


Jà,  ce  mot  aujourd'hui    perdu  indiquait  parfois  le 
temps  et  signifiait  déjà,  maintenant.  Ex.  : 
Lorsqu'il  trenchoit  d'un  bras  victorieux, 
Au  bord  du  Rhin,  l'espagnole  vaillance 
Jà  se  traçant  de  l'aigu  de  sa  lance 
Un  beau  sentier  pour  s'en  aller  aux  cieux. 

(I,  p.  I37-) 
Il  signifiait  aussi  :  bientôt,  ensuite... 
La  goutte  jà  vieillard  me  bourrela  les  veines. 

(VII,  p.  311.) 

Mais  souvent  aussi  il  est  purement  explétif. 
Et  jà  déjà  la  race  des  François 
Me  veut  nombrer  entre  ceux  qu'elle  loue. 

(II,  p.  128.) 

Jarij  s.  masc.  Marcassus  :  «  Coqu.  »  On  a  dit  avec  la 
même  acception  :  Janin  et  Jano,  dérivés  de  Jean, 
employé  comme  terme  de  mépris.  (Lacombe, 
Dict.)  Ex.  :  (VI,  p.  86.) 

Jartière,  s.  fém.,  forme  abrégée  du  mot  :  jarretière. 
Et  sans  jartière  à  mes  genous.  (II,  p.  172.) 

Jaunement  ou  Jaulnement  (Nicot),  adverbe  :  de  cou- 
leur jaune.  Ex.  :  (I,  p.  25  et  p.  418.) 

Jazardj  adj.  quai.,  dérivé  de  jazer  :  causeur,  bavard 
(lat.  garrulus). 

Taisez-vous,  ma  lyre  jazarde.  (II,  116.) 
L'eau  de  ta  source  jazarde.  (II,  p.  149.) 
Ronsard  emploie  aussi  l'adj.  fém.  Jazer  esse, 
...  la  vois 
D'une  fontaine  jazeresse.  (II,  p.  372.) 


DE  Ronsard.  13^ 

Josmîn  (Ronsard),  s.  masc,  pour  jasmin  (Nicot),  con- 
fusion commune  dans  la  prononciation  de  a  et  0. 
Ex.  :  (VI,  p.  iio.) 

JoUy  s.  masc,  orthographe  conforme  à  la  prononcia- 
tion du  mot  youg  (les  deux  sont  dans  Nicot). 
...  en  ce  pays  d'Anjou 
Où  maintenant  Amour  me  détient  sous  le  jou. 

(I,  P-  145.) 

Jour-apporte,  adj.  composé  créé  par  Ronsard,  épi- 
thète  de  l'Aurore,  de  l'aube... 

...  l'aube  jour-apporte, 

(Fr.,  H,  t.  III,  p.  121.) 

Journalier,  adj.  employé  par  Ronsard  avec  le  sens  du 
mot  éphémère,  qui  ne  dure  qu'un  jour. 

Les  enfans  de  l'esprit  un  long  siècle  demeurent, 
Ceux  des  corps  journaliers  ainsi  que  les  jours  meurent. 

(IV,  p.  4.) 
Les  hommes  journaliers  meurent, 
Les  Dieux  seulement  demeurent, 
Francs  de  toute  adversité.  (Odes,  i,  VI,  t.  II,  p.  57.) 

Jumelet,  adj.  diminutif  de  jumeau. 

Et  de  ces  yeux  le?  istres  jumelets.  (I,  p.  5 .) 

Just  ou  mieux  Jus  (Nicot).  Ronsard  emploie  les  deux 
formes.  Deux  sens. 

i°Suc.  Ex.:  (VII,  p.  513.) 
2°  Liqueur.  Ex.  :  (I,  p.  41.) 


Labeurij  3*  pers.  sing.  du  prés,   de  l'ind.  du  verbe 
labourer,  forme  ancienne. 

...  à  l'heure 
Que  le  bouvier  les  champs  labeure.  (II,  p.  438.) 


136  Lexiq^ue 

Lâcher  (Se),  v.  réfl.,  se  laisser  aller,  s'incliner. 
J'aime  un  bouton  vermeil  entr'esclos  au  matin, 
Non  la  rose  du  soir,  qui  au  soleil  se  lasche. 

(I,  p.  380.) 

Laidure,  s.  fém.,  vieux  mot   (nombreux  exemples  : 
Roman  de   la  Rose,   Rabelais,   Marot),   signifiait 
souillure,  flétrissure,  difformité. 
Et  que  jamais  le  chant  qui  dure 
En  juin  ne  te  fasse  laidure.  (II,  p.  342.) 

Lairra,  3^  pers.  du  sing.  du  fut.  de  l'ind.  Lairrai,  de 
laisser,  ancienne  forme.  Ex.  :  (III,  p.  243.) 

Laisser-coarre,  terme  de  vénerie,  a  On  dit  laisser 
courre  les  chiens  pour  dire  les  lâcher  après  la 
bête,  ti  (Trévoux.) 

Il  sçavoit  par  sustout  laisser  courre  et  lancer. 

(I,  p.  2^\.  Versd'Eurym.  et  Callirhée.) 

Lambnmche,  s.  fém.,  espèce  de  vigne  sauvage.  On 
disait  plutôt  lambruge,   lambruche  et  lambrusque. 
Ces  deux  dernières  formes  subsistent. 
Tu  es  vestu  jusqu'au  bas 
Des  longs  bras 
D'une  lambrunche  sauvage.  (II,  p.  27 j.) 

Lame,  s.  fém.,  employé  absolument  dans  le  sens  : 
pierre  sépulcrale. 

Le  temps  s'en  va,  le  temps  s'en  va,  ma  dame; 
Las  !  le  temps  non,  mais  nous  nous  en  allons, 
Et  tost  serons  estendus  sous  la  lame.  (I,  p.  397.) 

Il  est  employé  de  même  pour  tombe  par  Villon 
et  Marot. 

Lancer,  v.  trans.  en  vénerie,  faire  partir  la  bête  (Tré- 
voux), la  taire  sortir  de  son  fort,  de  son  gîte.  Ron- 
sard l'emploie  absolument. 

Il  sçavoit  par  sustout  laisser  courre  et  lancer. 

(I,  p.  254.  Vers  d'Eurym.  et  Callirhée.) 


DE   Ronsard.  i  J7 

Laqs,  s.  masc.  (Nicot),  ancienne  orthographe  du 
mot  lacs  (Littré)  :  filet.  Ex.  :  (I,  p.  364.) 

Larigot,  s.  masc,  espèce  de  flûte. 

Un  pasteur... 

Qui  tient  un  larigot  et  fleute  au  cry  des  bœufs. 

(V,  p.^  192.) 

Ce  mot  a  la  même  origine  que  larynx,  gosier. 
De  là  vient  l'expression  boire  à  tire-larigot,  c'est- 
à-dire  boire  comme  un  joueur  de  flûte. 

Larmeîette,  s.  fém.,  dérivé  créé  par  Ronsard  du  mot 
lar mette  (^\coi) ^  diminutif  de  larme.  Ex.  : 

(VI,  p.  396.) 

Larmeux,  adj.  quai.,  innovation  de  Ronsard  qui  l'ap- 
plique à  l'élégie  :  qui  fait  couler  les  larmes  (lat. 
flebilis). 

Ah!  larmeuse  Déesse.  (Épît.,  t.  VII,  p.  202.) 

Larrecin,  s.  masc.  (Nicot),  orthographe  ancienne  et 
primitive  du  substantif /arcm  (Littré).  Ex.  : 

(II,  p.  I54-) 

Larronnesse,  fém.,  employé  adjectivement,   créé  par 
Ronsard  :  qui  ravit,  qui  charme... 
De  ton  baiser  la  douceur  larronesse. 

(Am.,  I,  CCIX,  t.  I,  p.  118.) 

Et  VI,  p.  374.  On  trouve  aussi  le  féminin  lar- 
ronne  : 

Qu'est-ce  en  après  de  Charybde  larronne  ? 

(V,  p.  I75-) 

Léger  {De),  ancienne  expression  adverbiale  (Nicot), 

synonyme  de  legierement (Kicot)  :  facilement.  Ex.  : 

(III,  p.  195.) 

Lenean  (gr.  ).r5vo:,  pressoir,  d'oià  ).9ivat,  bacchantes,  et 
)>Yivaïoî,  relatif  à  Bacchus,  ou  aux  fêtes  de  Bac- 
chus).  (V,  p.  237.) 


138  L  E  X  I CLU  E 

Lerelot,  S.  masc,  créé  par  Ronsard,  onomatopée: 
tirée  du  refrain  de  certaines  ciiansons  populaires 
{lire,  lire,  h). 

J'escoute  la  jeune  bergère 

Qui  desgoise  son  lerelot.  (II,  p.  439.) 

Levreter,  v.  intr.  (Nicot),  aujourd'hui  levretter  (Lit- 
tré)  :  mettre  bas,  en  parlant  de  la  hase.  Ex.  : 

(III,  p.  270.) 

Lézarde,  fém.  du  mot  lézard  employé  adjectivement 
par  Ronsard  comme  épithète  de  la  langue.  Cf.  Fre- 
tillard.  Ex.  :  (IV,  p.  291.) 

Libertin,  s.  masc.  (lat.  liber tinus),  employé  par  Ron- 
sard avec  le  sens  étymologique  de  affranchi. 
Horace,  harpeur  latin, 
Estant  fils  d'un  libertin.  (Odes,  I,  XI,  t.  II,  p.  103.) 

Librairie,  s.  fém.,  signifiait  jusqu'au  dix-septième 
siècle  une  bibliothèque. 

Pren  ce  livre  pour  gage,  et  luy  fay,  je  te  prie, 

Ouvrir  en  ma  faveur  ta  belle  librairie 

Où  logent  sans  parler  tant  d'hostes  estrangers. 

(I,  P-  312.) 

Lichant,  part.  prés,  de  l'ancien  verbe  licher  (Nicot, 
Littré),  encore  usité  dans  la  langue  populaire.  On 
disait  aussi  leicher,  d'oii  lécher  (Littré).  Ex.  : 

(III,  p.  271.) 

Lignage,  s.  masc.  (Nicot,  Littré).  Nicot  :  «  extrac- 
tion de  lignée,  sang  et  parenté  j  ;  race,  famille. 
Ex.  :  (III,  p.  328.) 

Ligne,  s.  fém.,  avait  au  seizième  siècle  entre  autres 
sens  celui  de  :  lignée,  lignage  (Nicot).  Ex.  : 

(III,  p.  391.) 

Limande,  s.  fém.,  est  en  terme  de  charpentier  une 


DE   Ronsard.  139 

pièce  de  bois  de  sciage,  plate,  peu  large  et  peu 
épaisse. 

A  grands  esdats  fit  enlever  l'écorce 

Du  corps  du  pin  sur  la  terre  estendu 

En  longs  carreaux  et  limandes  fendus.  (III,  p.  61.) 

Limer,  v.  trans.  au  sens  propre  dans  Nicot,  au  figuré 
dans  Ronsard  :  corriger  avec  soin,  polir,  perfec- 
tionner. Ex.  :  (I,  p.  50.) 

Une,  nom  propre,  orthographe  de  Ronsard  pour 
Linus. 

Line,  que  t'ont  servy  les  accords  de  ta  lyre  ? 

(VII,  p.  203.) 

Lionneau,  s.  masc,  diminutif  de  lion,  lionceau.  Nicot 
indique  lionneau  et  lionceau  qui  seul  subsiste  (Lit- 
tré).  Ex.  :  (I,  p.  160.) 

Ailleurs  Ronsard  écrit  :  lyonneau.  (V,  p.  144.) 

Lit,  s.  masc,  terme  de  vénerie,  le  gîte  d'une  bête, 
encore  employé  aujourd'hui.  Ex.  :  Au  lit,  au  Ht, 
chiens!  cri  aes  veneurs  quand  ils  veulent  faire 
quêter  les  chiens  pour  lancer  un  lièvre. 

(V.  le  mot  Vénerie.) 

Locatif,  s.  masc,  synonyme  de  locataire,  habitant. 

Dieu  seul  est  esternel  :  de  l'homme  élémentaire 
Ne  reste  après  la  mort  ny  veine  ny  artère  ; 
Qui  pis  est,  i]  ne  sent,  il  ne  raisonne  plus, 
Locatif  descharné  d'un  vieil  tombeau  reclus. 

(El.,  II,  t.  IV,  p.  217.) 

Loge,  s.  fém.,  «  petite  hutte  faite  à  la  hâte  « .  (Tré- 
voux.) 

Et  dessous  mesme  loge  ensemble  dormirons. 

ilV,  p.  49.) 

Loin-loin,  répétition  du  même  adverbe  formant  comme 


140  Lexiqjje 

une  locution  composée  avec  valeur  du  superlatif  : 
très  loin.  Ex.  :  (II,  p.  523.) 

Loirée,  adj.  fém.,  innovation  de  Ronsard  :  delà  Loire. 
...  Tonde  Loirée.  (II,  p.  348.) 

Los  etLoZj  s.  masc,  vieux  mot  (lat.  laus). 
1°  Louange. 
Mon  traict,  qui  droitement  darde 
Le  riche  but  de  son  los.  (Odes,  i,  X,  t.  II,  p.  96.) 

2"  Gloire. 
Mais  moy  qui  suis  le  tesmoin 
De  ton  loz  qui  le  monde  orne. 

(Odes,  I,  IV,  t.  II,  p.  50.) 

Lote,  s.  fém. ,  pour  le  lotus.  (Am.,  I,  CLXIII,  1. 1,  p.  94.) 

Loyer ^  s.  masc,  signifiait  autrefois   salaire,   récom- 
pense. 

...  je  me  suis  abusé 
A  louer  les  seigneurs  :  aussi  je  n'en  rapporte 
En  lieu  de  mon  loyer  qu'une  espérance  morte. 

(III,  P-  374-) 

Lu'-esse,  nom  propre,  orthographe  de  Ronsard  pour 
Lucrèce.  (II,  p.  420.) 

Luitte  et  Lulcte,  s.  fém.,  ancienne  forme  du  mot  lutte 
(Palsgrave,  Nicot). 

Ou  à  l'escrime  ou  à  la  luitte  adestre.  (II,  p.  128.) 

Lychnlte,  orth.  de  Ronsard  pour  Lzcn/7g(Xt)cvîxyi(;),  dé- 
rivé de  Xtxvoç,  van. 

Le  van  qui  sépare  le  grain  de  la  balle  était  le  sym- 
bole des  mystères  de  Bacchus  purificateur,  qui  net- 
toyait l'âme  de  ses  souillures.  Épithète  donnée  à 
Bacchus. 

Je  te  salue,  0  Roy  !  le  lychnite  admirable 
Des  hommes  et  des  dieux...  (V,  p.  238.) 


DE  Ronsard.  141 

Ronsard  orthographie  Lychnite  comme  s'il  le 
dérivait  de  XuxvtTr,?  (flambeau,  lustre,  lumière),  ce 
Qui  ne  concorde  pas  avec  le  sens  des  vers  précé- 
dents : 

Purgez  de  ta  liqueur... 

(c'est-à-dire  purifiés  par  toi). 

LyerrCj  s.  masc,  pour  lierre. 
V.  Hierre. 

Lyonneau.  V.  Lionneau. 


M 


Macule,  s.  fém.  {macula),  tache.  On  ne  le  trouve 
qu'une  fois  dans  les  œuvres  de  Ronsard,  et  quelques 
vers  plus  loin  il  emploie  le  mot  français  :  tache. 

Aux  enfers  comme  un  songe  léger 
L'âme  dévalle  afin  de  se  purger 
Et  nettoyer  la  macule  imprimée 
Qu'elle  receut  dans  le  corps  renfermée. 

(Franc,  iv,  t.  III,  p.  222.) 

Magistrat,  s.  masc.  (Nicot,  Trévoux,  Littré),  se 
disait  collectivement  : 

1°  De  ceux  qui  avaient  le  soin  de  la  police  et  du 
gouvernement. 

2°  De  la  magistrature  elle-même.  Ex.  : 

(III,  p.  145.) 

Mahom,  nom  propre,  abréviation  de  Mahomet. 
...  vous  seul  en  aurez  la     ctoire 
Et  de  Mahom  effacerez  la  gloire. 

^Boc.  Roy.,  t.  III,  p.  320.) 

Maigret,  adj,  quai.,  diminutif  de  maigre. 

De  son  maigret  en-bon-point.  (II,  p.  353.) 


142  Lexiq_ue 

Ronsard  emploie  encore  un  autre  diminutit  de  ce 
mot  :  Maigrelet. 

Pucelette  maigrelette,  (II,  p.  353.) 

Mahtrier,  adj.,  vieux  mot,  digne  d'un  ouvrier  passé 
maître  en  son  art. 

Le  manouvrier,  ayant  matière  preste 


D'un  art  maistrier  les  vieux  sapins  transforme. 

(III,  p.  61.) 

Malstriser,  v.  trans.,  employé  par  Ronsard  dans  le 
sens  très  restreint  de  présider  à,  tenir  sous  sa  dé- 
pendance, en  parlant  des  astres  et  des  dieux.  Cf. 
Commander.  Ex.  :  (I,  p.  78  et  354.) 

Mal,  adv.  de  manière,  sert  à  la  formation  d'adjectifs 
composés. 

Mal-plaisant.  (III,  364.) 
Mal  pudique. 
Mal-rongné.  (III,  371.) 
Mal-caut.  (V,  171.) 
Mal-accoustré.  (V,  310.) 
Mal-basty.  (V,  310.) 
Mal  paré.  (V,  310.) 
Mal-agencé.  (V,  339.) 
Mal-façonné.  (VI,  1 56.)    . 
Mal-rassis.  (VI,  170.) 
Mal-tourné.' (VII,  183.) 

Mal-adestre,  adj.  quai.,  vieux  mot  repris  par  Ron- 
sard :  maladroit. 

...  à  courir  mal-adestre.  (^VI,  p.  4  10.) 

Mal-heurté,  s.  fém.,  cr  lé  par  Ronsard  pour  la  rime  : 
mallîeur,  infortune.  Ex.  :  (VI,  p.  327.) 

Mamelu,  s.  masc,  orthographe  de  Ronsard  pour 
Mameluk.  Nicot  indique  Mamaluc  et  Mamaluque. 
Ex.  :  (VI,  p.  125.) 


DE   Ronsard.  145 

M' amour,  -élision  pour  ma  amour. 

Ta  mort  sera  pour  m'amour  terminée.  (I,  p.  12.) 

Mandillon,  s.  masc.  (Trévoux,  Littré),  diminutif  du 
substantif  mandil,  ancien  mot  de  même  racine  que 
mantel.  Mandil  avait  formé  le  substantif  féminin 
mandllle,  d'où  mandillon  :  petit  manteau  court 
formé  de  trois  pièces  que  portaient  les  laquais,  les 
huissiers  et  les  personnes  de  basse  condition.  De 
là  l'expression  a  porter  la  mandille  i> ,  être  laquais 
(Boursault  cité  par  Trévoux). 

Ronsard  l'emploie  pour  désigner  le  mantelet  de 
Mercure,  qui  est  comme  le  valet  des  dieux.  Ex.  : 

(ni,p.  5  3-) 

Mandragore,  s.  fém.  dans  Nicot,  masculin  dans  Ron- 
sard, féminin  aujourd'hui  (Littré)  ;  mais  les  bota- 
nistes distinguent  deux  espèces  de  mandragore  : 
mâle  et  femelle  (Trévoux)  :  plante  narcotique  de  la 
famille  des  solanées.  Ex.  :  (III,  p.  214.) 

Mange-sujet,  adj.  comp.,  créé  par  Ronsard  et  signi- 
fiant :  qui  pressure  ses  sujets. 

•■C'est  Childéric,  indigne  d'estre  roy  ; 
Mange-sujet,  tout  rouillé  d'avarice.  (IH,  p.  235. 
(Cf.   ôrjtxoêopoç    paaiXeuç   (Iliade,    I,    231,    et 
Lai.,  X_,  5)  l'épithète  :  mangeurs  de  gens.) 

Manicles,  s.  fém.  pi.  (manicU),  menottes.  On  n'en 
trouve  qu'un  exemple  dans  Ronsard. 

Les  manicles  aux  mains,  aux  pieds  la  chaisne  dure. 

(V,  p.  241.) 
Dans  les  sonnets  à  Hélène  (II«  partie,  s.  26), 
il  les  appelle  des  manotes. 
...  De  manotes  on  lie 
Desfols  qui  ne  sont  pas  si  furieux  que  moy.  (I,  p.  3  3 1 .) 

Manique  (gr.  (xavixoç,  fou,  qui  inspire  la  folie),  un  des 
surnoms  de  Bacchus.  (V,  p.  237,) 


1 44  -    L  E  X I CLU  E 

Manotes,  s.  lém.  pi.  V.  Manicles. 

Manslne,  s.  fém.,  le  manche  de  la  charrue  (lat.  mani- 
cula). 

N'appose  point  la  main  à  la  mansine,  après 
Pour  ficher  ta  charrue  au  miheu  des  guerets. 

(Dern.  vers  de  R.,  VII,  p.  314.) 

Marbrin,  adj.,  qui  a  l'aspect  du  marbre. 

Tout  au  plus  haut  des  espaules  marbrines. 

(I,p.  136.) 
...  dans  ses  doigts  marbrins.  (IV,  p.  jj.) 

Marche-tard,  adj.  comp.,  créé  par  Ronsard  :    «  qui 
marche  lentement  » ,  en  parlant  de  la  tortue  : 
...  animal  marche-tard.  (VI,  p.  é$.) 

Marïandin,  adj.,  innovation  de  Ronsard,  du  pays  des 
Mariandynes,  peuple  d'Asie  Mineure  (Bithynie). 
Au  bord  Mariandin.  (V,  p.  21.) 

Marine,  s.  fém.,  signifiait  quelquefois  (Nicot,  Régnier, 
Marot)  la  plage,  la  côte  de  la  mer  (Trévoux)o 
...  un  peuple  en  armes  effroyables 


Va  frémissant  au  bord  de  la  marine.  (III,  p.  71.) 

Marre,  s.  fém.  (Nicot,  Littré),  sorte  de  pioche  ou  de 
houe,  avait  formé  le  verbe  marrer,  labourer  avec 
une  marre.  Ronsard  emploie  marre.  (VI,  p.  91.) 

Martelé  (V.  Littré,  hist.),  signifiait  moucheté,  tacheté. 

Je  le  desrobay  jeune,  au  fond  d'une  vallée, 
A  sa  mère,  au  dos  peint  d'une  peau  martelée. 

(IV,  p.  10.) 

Martyrer,  v.  trans.  (Nicot,  Trévoux),  et  Martirer 
(Ronsard),   vieux  mot  qui   signifiait  tourmenter, 


J 


DE  Ronsard.  14^ 

faire  soufirir,  martyriser  (ex.  de  Ronsard,  Marot, 
Voiture). 

Ronsard  orthographie  Martyrer   (I,  p.   63)  et 
Martirer  (I,  p.  407). 

Masqueure,  s.  fém.,  cité  par  Nicot  sans  équivalent 
latin  et  expliqué  par  Richelet  :  «  les  prestiges,  les 
illusions  s  des  Démons.  Ex.  : 

(Hymnes,  i,  VII,  t.  V,  p.  127.) 

Mûtassmer,  v.  intr.,  vieux  mot  (Littré),  gesticuler 
comme  les  Matassins  ou  Matachins,  nom  qu'on 
donnait  jadis  à  des  danseurs  bouffons. 

Matassiner  des  mains   (Nicot),  se  trouve  dans 
Ronsard.  (V,  p.  236.) 

Mathématique,  s.  fém.  au  sens  primitif  (gr.  iia.^\ia.\ 
signifiait  tout  ce  qui  est  objet  d'étude,  l'ensemble 
des  sciences.  C'est  ainsi  que  l'entend  Ronsard 
(II,  p.  46),  note  de  Richelet  :  «  Il  comprend  toutes 
les  espèces  de  la  science,  la  géométrie,  l'astrono- 
mie et  les  autres  qui  s'appellent  toutes  mathéma- 
tiques. 5 

Maudisson,  s.  fém.,  forme  populaire  du  mot  malédic- 
tion employé  par  Ronsard  et  dont  on  retrouve  des 
exemples  dans  J.-B.  Rousseau  et  Voltaire  (Tré- 
voux et  Littré).  Ex.  :  (III,  p.  149.) 

Mauvaistlé,  s.  fém,,  vieux  mot,  méchanceté. 
Qui  par  gloire  ou  par  mauvaistié 


Aura  tranché  de  l'amitié 

Le  saint  nœud  qui  deux  amas  presse. 

(H,  p.  335.) 
...  et  qui  sans  mauvaistié 
Garde  de  tout  son  cœur  une  simple  amitié. 

(I,  p.  145 

La.  Ronsard.  10 


146  Lexique 

Méandrin  ou  Méandrlen,  adj.,  dérivé  du  nom  du  fleuve 
Méandre. 

Et  chanter  son  obsèque  en  la  façon  du  cygne 
Qui  chante  son  trespas  sur  les  bords  Méandrins. 

(VII,  p.  314.) 

à  l'entour 

Du  bord  Méandrien (V,  p.  234.) 

Méchantement,  adv.,  pour  méchamment,  forme  popu- 
laire du  centre  de  la  France. 

Tu  mens  meschantement.  (VII,  p.  112.) 

Medusin,  adj.,  tiré  du  nom  de  Méduse,  l'une  des  Gor- 
gones. 

Au  regard  medusin  qui  en  rocher  me  mue. 

(I,  P-  JiJ-) 

Megnle,  s.  fém.,  vieux  mot  que  Ronsard  fait  revivre, 
=  famille,  ménage. 

«...  je  suis  d'opinion...  lorsque  tels  mots  grecs 
auront  longtemps  demeuré  en  France,  les  recevoir 
en  nostre  megnie,  puis  les  marquer  de  l'i  françois 
pour  monstrer  qu'ils  sont  nostres.  i 

(Adv.  au  lecteur,  II,  p.  15.) 

Mehaigne,  adj.,  perclus.  (III,  p.  150.) 

Ronsard  ne  l'emploie  qu'une  fois  ;  encore  a-t-il 
mis  la  note  suivante  : 

«  Mehaigne,  perclus,  ce  que  les  Grecs  appellent 
TîYipoç.  Nos  critiques  se  moqueront  de  ce  vieil  mot 
françois,  mais  ii  faut  les  laisser  caqueter.  i>  Et  il 
ajoute  aussitôt  : 

c  Je  suis  d'opinion  que  nous  devons  retenir  les 
vieux  vocables  significatifs  jusques  à  tant  que  l'usage 
en  aura  forgé  d'autres  nouveaux  en  leur  place...  » 


DE   Ronsard.  147 

On  trouve  aussi  un  exemple  du  participe  mehai- 
gneZj  rendus  perclus. 

Leur  mère,  adonc,  ah  !  mère  sans  merci, 
Fera  bouillir  leurs  jambes,  et  ainsi 
Tous  mehaignez  les  doit  jetter  en  Seine. 

(Fr.  IV,  t.  III,  p.  241.) 

Ces  mots  viennent  d'un  mot  mehain  que  Trévoux 
signale  comme  hors  d'usage,  ainsi  que  ses  dérivés  : 
mehaigner,  mehaigneur . 

Mehain,  Vieux  mot  qui  signifie  mutilation,  laquelle  rend 
un  homme  impotent  et  incapable  de  servir  à  la 
guerre. 

Mehaïgner,  vieux  verbe  actif,  estropier,  mutilare. 

Et  mourir  et  navrer  et  battre  et  mehaigner. 

(Roman  de  Bertrand  Du  Guesdin.) 
Diminuer  de  force,  tuer,  blesser. 

(Gloss.  des  Poésies  du  roy  de  Navarre.) 

Mehaîgnéj  adj.,  vieux  mot,  meurtri,  maltraité  de 
coups,  incommodé.  On  dit  aussi  mahaignié,  mahan- 
gné  et  mahaux. 

Mehaigneur,  s.  masc,  vieux  mot  qui  se  trouve  dans 
l'ancienne  coutume  de  Normandie.  Il  veut  dire  :  qui 
mehaigne,  qui  mutile,  qui  estropie.  ^ 

Mellinisé,  part,  passé  d'un  verbe  melliniser,  créé  par 
Ronsard  pour  désigner  les  critiques  acerbes  dont 
l'accabla  Mellin  de  Saint-Gelais.  Ex.  : 

(VIII,  p.  136.) 

Mémoratifj  adj.  quai.,  n'est,  dit  Trévoux,  tout  au 
plus  en  usage  qu'au  Palais,  n'est  pas  dans  Nicot. 
Ronsard  l'emploie  pour  signifier  :  qui  rappelle  le 
souvenir,  etc.  Ex.  :  (IV,  p.  173.) 

Mensonge,  s.  masc.  aujourd'hui,  a  été  féminin  jusqu'au 


148  Lexique 

seizième  siècle  :  il  est  masculin  dans  Nicot.  Ron- 
sard l'emploie  comme  féminin. 

...  une  plaisante  mensonge.  (II,  p.  439.) 

Menteresse,  féminin  de  l'adjectif  menteur. 
Hors  de  l'eau  menteresse.  (VI,  p.  243.) 

Mentir,  v.  trans.,  employé  par  Ronsard  comme  syno- 
nyme de  démentir. 

Du  beau  Paris  (dont  tu  n:ens  ta  lignée) 

La  beauté  fut  d'amour  accompagnée.  (III,  p.  188.) 

Mentonnler,  adj.  quai,  créé  par  Ronsard  :  qui  garnit 
le  menton,  est  resté  dans  la  langue  comme  terme 
scientifique. 

...  sa  barbe  mentonnière.  (IV,  p.  11.) 

Mercerie,  s.  fém.  (merces),  n'a  pas  le  sens  particulier 
qu'il  a  pris  de  nos  jours,  mais  bien  celui  plus  géné- 
ral du  latin  merces,  marchandise. 

La  mercerie  que  je  porte, 
Bertrand,  est  bien  d'une  autre  sorte 
Que  celle  que  l'usurier  vend. 

(Odes,  I,  XVI,  t.  II,  p.  114.) 

Ne  l'Inde,  riche  en  mercerie  estrange. 

(Hymne  à  la  France,  t.  V,  p.  284.) 

Mercurln,  nom  propre,  diminutif  de  Mercure,  pour 
Mercure  enfant. 

...  lors  que  Maie  Atlantide  enfanta 
Son  petit  Mercurin...  (V,  p.  250.) 

Merveillable.  V.  Émerveillable. 

Mésavenue,  s.  fém.,  dérivé  ancien  du  mot  mésadvenir. 
Nicot  ne  cite  que  mesadvenance  et  mesadventure  : 
mésaventure,  malheur,  accident.  Ex.  : 

(III,  p.  177.) 


DE  Ronsard.  149 

Meschef,-  s.  masc,  vieux  mot  (Palsgrave,  Nicot), 
accident,  mallieur,  mésaventure. 

Jamais  tes  vends  rameaux  ne  sentent  nul  meschef. 

(IV,  p.  253.) 

Meslage,  s.  masc,  innovation  de  Ronsard  pour  meS' 
lange  (Nicot),  pour  les  besoins  de  la  rime  :  mé- 
lange. Ex.  :  (II,  p.  318.) 

MesUer,  s.  masc.    Du   Gange    (Gloss.)  l'explique  : 
Mellerius-mespilus,  né/lier^  aliàs  à  mellier  ou  meslier. 
...  un  meslier  nouailleux.  (IV,  p.  48.) 

Mesnage,  s.  masc,  employé  par  Ronsard  dans  un 
sens  très  particulier.  On  disait  autrefois  ménage  de 
campagne  (Trévoux),  pour  désigner  tout  ce  qui 
sert  à  l'exploitation  d'une  terre  (charrues,  harnais, 
outils,  etc.).  Par  analogie,  Ronsard  applique  ce  mot 
.    ménage  à  l'ensemble  de  toutes  les  pièces  qui  con- 
stituent un  navire  (voiles,  mâts,  cordages). 
Et  toute  fois  l'advis  d'un  homme  sage 
Tout  seul  par  art  conduit  tout  ce  mesnage. 

(III,  p.  363.) 
Le  substantif  Mesnager  ou  Ménager  est  employé 
par  Ronsard.  (I,  p.  219.) 

Mesnager,  v.  intr.,  faire  le  ménage. 

...  une  disposte  fille 

Qui  dévide,  qui  coust,  qui  mesnage  et  qui  file. 

(I,  p.  219.) 

Mettre,  formait  au  seizième  siècle  une  foule  de  locu- 
tions aujourd'hui  inusitées.  On  trouve  dans  Ron- 
sard : 

Mettre  à  nonchaloir.  (Il,  p.  67.) 
Mettre  en  nonchaloir.  (II,  p.  62.) 
Mettre  à  desdain.  (II,  p.  170.) 
Mettre  à  mespris.  {II,  p.  4J4.) 


150  ^^     Lexiq_ue 

Meuble,  s.  masc,  pris  par  Ronsard  dans  un  sens  très 
particulier  pour  désigner  tout  l'équipage  de  chasse. 
Larges  espieux,  cordages  et  filets, 
Limiers  ardans,  cerfs  suivis  à  la  trace 
Et  tout  le  meuble  ordonné  pour  la  chasse. 

(III,  p.   ICI.) 

Meule,  s.  fém.,  en  termes  de  vénerie,  est  une  espèce 
de  bosse  sur  le  haut  de  la  tête  du  cerf  d'oiî  sort  sa 
ramure,  ou  bois,  ou  marrein.  Ex.  :  (I,  255.) 
V.  Vénerie. 

Meurdre,  s.  masc,  forme  ancienne  de  meurtre. 
Son  luth  doré  prenoit  entre  ses  mains 
Teintes  encore  de  meurdres  inhumains.  (I,  p.  126.) 

Mîauleux,  adj.  créé  par  Ronsard. 

Le  chat  cria  d'un  miauleux  effroy.  (VI,  p.  71.) 

MïelUer,  adj.  quai.,  créé  par  Ronsard,  en  parlant  de 
l'abeille,  qui  produit  le  miel. 
...  sa  diserte  bouche 
Où  jadis  se  logeoit  la  miellière  mouche.  (VII,  p.  51.) 

Mïgnarder,  v.  trans.  Ce  mot  signifiait  au  propre  : 
caresser,  flatter,  traiter  avec  délicatesse  (Trévoux). 
Ronsard  l'emploie  au  figuré  :  chanter  d'une  façon 
mignarde. 

. . .  Baïf,  d'une  flèche  plus  douce 

Espoint  au  cœur,  mignarda  de  son  pouce 

Des  jouissans  les  baisers  savoureux 

Et  de  la  nuict  les  combats  amoureux.  (VI,  p.  44.) 

(Cf.  Mlgnotter.) 

Mïgnonnet,  adj.,  diminutif  de  mignon.  Il  est  aussi 
pris  substantivement. 

Mon  petit  mignonnet...  jll,  p.  426.) 

Mignoterie,  dérivé  de  Mîgnoter. 
(V.  Mignotise.) 


DE  Ronsard.  151 

Mignotise,  s.  fém.   (Nicot),   vieux  mot  (Palsgrave, 
Rabelais)  :  grâce  mignonne. 
Tant  leur  mignotise  darde 
D'amours  à  qui  les  regarde.  (II,  p.  344.) 

(Synonyme  :  Mïgnoterie,  employé  t.  III,  p.  364.) 

Mignotter,  v.  trans.;  signifie  : 

i"  Au  sens  propre  :  Caresser.  Ex.  : 

Toy,  mignottant  ton  dormeur  de  Latmie.  (I,  p.  86.) 
Pour  désigner  la  lune  caressant  Endymion. 
2°  Au  figuré  :  Arranger  d'une  façon  mignonne, 
gracieuse. 

Et  mignottoit  un  bouquet...  (I,  p.  36.)  ^ 
(Cf.  Mignarder.) 

Milite,  nom  propre,  orthographe  de  Ronsard  pour 
Miletj  ville  d'Asie  Mineure. 

Près  les  murs  de  Milete  un  temple  s'élevoit, 
Où  Cérès  ses  honneurs  et  ses  autels  avoit. 

(Boc.  Roy.,  t.  III,  p.  295. 

Mi-nmct  et  Minulct  (Nicot),  s.  fém.,  double  orthogra- 
phe ancienne  de  Minuit.  Les  deux  formes  sont  dans 
Ronsard.  Ex.  :  (II,  p.  208,  et  III,  p.  162.) 

Mire,  s.  masc,  était  si  bien  tombé  en  désuétude  que 
Richelet  dans  son  commentaire  des  Odes  en  donne 
l'explication  :  Mires,  médecins,  vieux  mot  fran- 
çais. 

0  des  mires  le  roy  ! 

(Odes,  v,  VI,  à  Phébus,  t.  II,  p.  329.) 

Trévoux  :  Mire  ou  M^yre,  s.  masc,  vieux  mot 
qui  signifioit  celui  qui  exerce  l'art  de  guérir  les 
maladies.  Jusqu'au  règne  de  Louis  VII  il  n'y  avoit 
aucune  distinction  entre  le  médecin  et  le  chirur- 
gien. Ces  deux  termes  n'étoient  pas  encore  en 
usage.  Tous  ceux  qui  exerçoient  l'art  de  guérir  les 


152  LEXIQ.UE 

maladies  soit  internes,  soit  externes,  s'appeloient 
mires,  myres,  myeres,  puis  maîtres. 

Miro'èr  ou  Mirouër,  s.  masc,  orthographe  conforme 
à  la  prononciation  du  seizième  siècle  :  Miroir. 
Que  maudit  soit  le  miroër  qui  vous  mire. 

(I,  p.  90.) 
Le  mirouer  de  vertu.  (I,  p.  301.) 
Je  ressemble  au  mirouër.  (I,  p.  316.) 
Ronsard  l'écrit  aussi  miroir.  (III,  p.  269.) 

Mitouin,  adj.  quai.  (lat.  mids),  doucereux. 

(in,p.  365.) 

Rapprocher  ce  mot  du  substantif  M/Vou_,  vieux 
mot  qui  signifiait  un  chat  (Trévoux),  et  du  surnom 
de  Muis,  donné  au  chat  par  Lafontaine. 

Mixtionner,  et  plus  fréquemment  alors  Mistionner, 
V.  trans.  (Nicot),  mélanger.  Ex.  : 

(II,  p.  157,  et  V,  p.  285.) 

Moiteux,  adj.  quai.,  créé  par  Ronsard  comme  syno- 
nyme de  moite  qui  existait  et  avec  lequel  il  forme 
double  emploie  :  moite,  humide. 

Ainsi  ton  front  ne  soit  jamais  moiteux.  (I,  p,  114.) 
De  même.  (III,  p.  81.) 

Mais  il  emploie  aussi  moite. 

(Am.,  I,  197,  t.  I,  p.  112.) 

Moleste  (lat.  molestas),  adj.,  triste,  pénible  :  subst.  : 
chagrin.  Moleste  est  adjectif  le  plus  souvent. 

La  paix  adonc,  qui  du  trône  céleste 
Veit  les  effets  de  la  guerre  moleste. 

(Boc.  Roy.,  t.  II,  p.  344.) 
Je  ne  veux  par  escrit 
Vous  estre  plus  moleste. 

(Œuvres inédites,  t.  VIII,  p.  108.) 


DE  Ronsard.  .153 

Cependant  Ronsard  l'emploie  une  fois  comme 
substantif  féminin  :  ennui,  déplaisir. 
Si  m'en  croyez,  vous  passerez  le  reste 
De  vos  longs  jour?,  sans  peine  ny  moleste. 

(Boc.  Roy.,  t.  m,  p.  383.) 

Nous  avons  conservé  le  verbe  molester  qui  se 
rattache  à  la  même  racine. 

Moly,  s.  masc.  (du  gr.  [jl65>u),  plante  dont  parle 
Homère  et  à  laquelle  les  anciens  attribuaient  des 
vertus  merveilleuses,  telles  que  celle  de  dissiper  les 
enchantements  (Trévoux,  Littré).  Plante  bulbeuse 
de  la  famille  de  l'ail.  Ex.  : 

(I,  p.  43;  II,  p.  i24;VII,  p.  28.) 

Mondain,  adj.  quai.,  employé  au  sens  étymologique 
par  Ronsard  pour  désigner  ce  qui  est  de  ce  monde. 
Tous  les  règnes  mondains  se  font  et  se  desfont. 

(VII,  p.  36.) 

Monst'ray,  abréviation  pour  Monstreray,  l'^pers.  du 
sing.  du  futur  de  monstrer  (montrer).  Ex.  : 

(III,  p.  211.) 

Monstre,  s.  fém.,  orthographe  ancienne  de  montre  : 
apparence,  «  signe  qui  donne  quelque  espérance  j  . 
(Trévoux.) 

N'ayant  rien  du  passé  que  la  monstre  honorable. 

(III,  p.  284.) 

Montagner,  v.  intrans.,  créé  par  Ronsard  :  «  s'élever 
comme  montaignes.  s  (Muret.) 

(Am.  I,  CXL,  t.  I,  p.  80.) 

Montaîgnier,  adj.  quai.,  créé  par  Ronsard  :  qui  croît 
sur  les  montagnes. 

...  le  pin  montaignier.  (II,  p.  361.) 

Montelet,  s.  masc,  diminutif  de  montagne,  fréquent 
au  seizième  siècle  et  surtout  chez  Ronsard.  Ex.  : 

(VI,  p.  3  5  5-) 


154  Lexiq_ue 

Moreau,  adj.,  vieux  mot.  «■  Terme  de  manège  qui  se 
dit  d'un  cheval  qui  a  le  poil  d'un  noir  foncé,  vit  et 
luisant...  ^  (Trévoux.) 
En  parlant  d'une  cavalle  : 

...  elle  avoit  la  poitrine 
Blanche,  et  le  front,  le  reste  de  la  peau, 
Hors  le  pied  gauche,  estoit  de  poil  moreau. 

(III,  p.    122.) 

Morfontnre,  S.  fém.,  orthographe  que  Trévoux  signale 
comme  vicieuse  du  mot  morfondure.  a  Maladie  qui 
vient  aux  animaux  lorsqu'ils  ont  été  saisis  parle 
froid., „  Elle  consiste  dans  un  écoulement  de  ma- 
tière par  les  naseaux.  »  (Trévoux.) 
Garde  nos  petits  troupeaux 


De  tac  et  de  davelée 

De  morfonture.  (V,  p.  2$! 


Morion  (ital.  morlone),  casque  léger,  vieux  mot.  , 
. . .  fait  boire  aux  François 
Dans  leurs  creux  morions,  en  lieu  de  l'eau  de  Seine 
Les  ondes  de  la  Meuse.  (II,  p.  19.) 
Et  coiffer  d'un  morion  sa  teste.  (III,  p.  301.) 

Mort,  adj.  employé  substantivement  par  Ronsard  dans 
l'expression  en  son  mort  :  en  son  état  d'immobi- 
lité. Ex.  : 

Si  de  l'esprit  on  n'a  cure, 

Autant  vaut  quelque  peinture 

Qui  n'est  vive  qu'en  son  mort.  (II,  p.  205.) 

Mortel,  adj.  employé  substantivement  par  Ronsard 
pour  désigner  la  partie  mortelle  d'un  être. 

...  la  gentille  Euterpe,  ayant  ma  dextre  prise, 
Pour  m'oster  le  mortel  par  neuf  fois  me  lava 
De  l'eau  d'une  fontaine  oii  peu  de  monde  va. 

(V,p.  189.) 

Et  que  i'ay  peu  mon  mortel  despouiller.  (III, p.  64.) 


DE   Ronsard.  155 

Morte-paye,  s.  masc,  vieux  mot  (Nicot,  Littré)  : 
soldat  invalide  ou  vétéran  utilisé  dans  quelque  gar- 
nison peu  pénible  ou  ne  remplissant  plus  de  service 
actif.  Ex.  :  (III,  p.  282.) 

Mosquete  ^Ronsard)  et  Mosquette  (Nicot),  forme  an- 
cienne au  mot  mosquée.  Ex.  :  (III,  p.  376.) 

Motte,  part.. passé,  tapi  contre  une  motte  de  terre 
(en  parlant  du  gibier),  (VI,  p.  51.) 

Moucher,  v.  intr.,  emprunté  aux  dialectes  du  centre 
de  la  France  :  être  tourmenté  par  les  mouches, 
s'agiter,  s'affoler  sous  leur  piqûre. 

Comme  au  printemps  on  void  une  genice 


A  qui  le  tan  aux  aiguillons  trenchans 

Pique  le  flanc  et  la  pousse  en  furie, 

Ny  les  ruisseaux,  hostes  de  la  prairie, 

Forests  ni  fleurs,  bocage  ni  rocher 

Ne  lasçauroient  engarder  de  moucher.  (III,  p.  171.) 

Mourable,  adj.,  ancien  mot,  synonyme  de  moribond. 
(Nicot.)  Ex.  :  (V,  p.  232.) 

Mousquette,    s.    fém.    (ital:    moschetto),   aujourd'hui 
mousquet,  s.  masc,  signifie  1"  l'arme  : 
...  à  coups  de  mousquette.  (VI,  p.  41.) 
2"  Coup  de  mousquet. 
Ayant  rompu  l'os  de  la  jambe  dextre 
D'une  mousquette... 

Mousse,  adj.  quai.,  ancien  mot  encore  usité  (Littré), 
émoussé.  Ronsard  l'emploie  pour  qualifier  la  lune 
pleine,  sans  cornes.  Cf.  l'expression  usitée  encore 
en  économie  rurale,  chèvre  mousse,  chèvre  sans 
cornes.  Ex.  :  (V,  p.  160.) 

Muer,  V.  act.  (mutare),  changer.  Nous  ne  l'employons 
plus  que  comme  verbe  neutre  et  dans  un  sens  très 


1^6  Lexique 

restreint.  Ronsard  l'emploie  avec  son  sens  étymo- 
logique comme  équivalent  de  :  changer. 

Et  mon  malheur  je  mu'rois  en  bonheur. 

(Am.,  I,  84.) 

(V.  aussi  t.  I,  Sonnets  pour  Hélène,  I,  p.  58. 
—  Am.  div.,  I,  p.  369.  —  T.  VIII,  Œuvres  iné- 
dites, p.  1 10.) 

Magler,  v.  neutre  pour  Meugler,  miUgir. 
Tout  le  ciel  en  mugle  là  haut. 

(Odes,  I,  X,  t.  II,  p.  79.) 

Mugueter,  v.  trans.,  vieux  mot,  dérivé  de  muguet 
(Nicot)  :  «  faire  l'amour  à  une  femme  » ,  la  courti- 
ser. Ex.  :  (VI,  p.  310.) 

Muncérien,  adj.  aual.,  employé  par  Ronsard  pour  dé- 
signer l'une  des  sectes  du  parti  protestant  :  de 
Miinster. 

Et  l'autre  enrage  après  l'erreur  Muncerienne. 

(VII,  p.  27.) 

Masin,  adj.  quai.  Ronsard  lui  attribue  le  sens  de  : 
qui  suit  les  Muses,  qui  cultive  la  poésie  : 
Et  toute  la  musine  troupe.  (II,  p.  353.) 

Myrteax,  adj  quai.,  du  myrte,  qui  tient  du  myrte. 
Ronsard  emploie  aussi  myrt'in.  (VI,  p.  160.) 

Par  les  ombres  myrteux  je  prendray  mon  repos. 

(Sonnets  pour  Hélène,  t.  I,  p.  340.) 

Myrtln,  adj.  quai.,  formé  par  Ronsard  qui  l'emploie 
concurremment  avec  myrteux  (v.  ce  mot),  du  myrte. 
...  sous  les  branches  myrtines.  (I,  p.  383.) 


DE  Ronsard.  157 


N 


Nage  {A),  V.  Nou  {A). 

N'a^aeres  et  Naguiere,  pour  naguère,  forme  an- 
cienne. 

Regardant  tant  de  rois  en  sépulture  mis 

Qui  n'agueres  faisoient  trembler  toute  la  France, 

(m,  p.  374-) 
Si  j'aime  depuis  naguière 
Une  belle  chambrière, 
Je  ne  suis  pas  a  blasmer.  (II,  p.  166.) 

Nais,  part,  passé  du  verbe  naître,  forme  fréquente  au 
seizième  siècle.  On  écrivait  aussi  nay,  pluriel  nays. 
...  ses  pasteurs  sont  nais  avant  que  le  croissant 
Fust  au  ciel,  comme  il  est,  de  nuict  apparoissant. 

(IV,  p.  29.) 

Narcis  et  Narcisse,  nom  propre  ;  Ronsard  emploie  in- 
diftéremment  les  deux  formes. 
...  la  meurtrière  fontaine 
Par  qui  le  beau  Narcis  aima  son  ombre  vaine. 

(VI,  p.  241.) 

Et  quelques  vers  plus  loin  : 

...  Narcisse  aux  beaux  yeux. 

Narré,  part,  passé  du  verbe  narrer  (Nicot,  Littré), 
employé  substantivement  par  Ronsard  pour  récit, 
narration.  Ex.  :  (IV,  p.  210.) 

Naturel,  adj.  quai.,  employé  par  Ronsard  comme  sy- 
nonyme de  natai. 

...  ayant  esmeu  contr'  elle 
Et  contre  sa  grandeur  sa  terre  naturelle.  (VI,  p.  12.) 


1^8  L  E  X  I  Q_U  E 

Nau,  s.  masc,  au  féminin  Ne/,  vieux  mot  (Nicot, 
Trévoux,  Littré)  :  navire.  Ex.  :  (II,  p.  45 1.) 

Ailleurs  Ronsard  orthographie  iV^u/f  (au  pluriel). 

(III,  p.  105.) 

Naufrage^  s.  masc,  employé  par  Ronsard  pour  dési- 
gner non  la  perte  d'un  vaisseau,  mais  l'homme  qui 
a  fait  naufrage,  le  naufragé. 

Cet  estranger,  pauvre,  chetif  et  nu, 

Un  vif  naufrage  à  ma  rive  venu.  (III,  p.  194.) 

Naulage,  s.  masc.  (Nicot),  aujourd'hui  plutôt  Nolage 
(Littré),  signifiait  c  la  despence  et  fraiz  qu'on  paye 
pour  estre  mené  dedans  un  navire  »  (Nicot).  Ron- 
sard :  prix  du  passage  dû  à  Garon,  nautonier  des 
enfers.  Ex.  :  (VII,  p.  187.) 

Nautonnier,  employé  adjectivement  par  Ronsard  : 
habile  à  diriger  un  bateau. 

De  Charon  la  main  nautonnière.  (VI,  p.  408.) 

Navlgage,  s.  masc,  pour  navigation. 

...  un  long  navigage.  (III,  p.  328.) 

Navire,  subst.,  jadis  des  deux  genres,  est  le  plus  sou- 
vent féminin  dans  Ronsard. 

Dans  les  Champs  Elysez  une  mesme  navire 
Nous  passera  tous  deux.  (I,  p.  383.) 

Et  pour  les  éviter  tient  sa  navire  preste.  (I,  p.  162.) 

Navrer,  v.  trans.,  vieux  mot,  au  sens  propre,  blesser, 
faire  une  large  plaie,  subsiste  au  figuré. 

...  la  beauté  qu'en  l'âme  tu  sentois, 
Qui  te  navroit  d'une  playe  aigrissante.  (I,  p.  22.) 

Ne,  ancienne  forme  de  la  négation  Ni,  fréquemment 
employée  par  Ronsard. 


DE   Ronsard  i$9 

Ne  s'élide  quelquefois.  Ex.  : 

Là  nous  ne  verrons  prée 
Sans  leur  faire  un  autel, 
N'eau  qui  ne  soit  sacrée 
A  leur  nom  immortel.  (II,  p.  24$ .) 

Nectar  eux,  adj.  quai.,  doux  comme  le  nectar. 

...  la  fleur 
De  la  douce  vigne  sacrée 
Qui  de  sa  nectareuse  odeur 
Le  nez  et  le  cœur  me  recrée. 

(Odes,  II,  XXI,  t.  II,  p.  168.) 
A  quel  sucre  égalerons-nous 
Ta  nectareuse  poésie?  (Odes,  v,  VIII,  t.  II,  p.  333.) 

Népenthe  (vr,Tr£v6i;),  s.  masc,    breuvage   magique, 
charme. 

Nicot  constate  qu'il  n'a  été  employé  que  par 
Ronsard  et  se  contente  de  copier  l'explication  que 
le  poète  lui-même  en  donne  :  a  breuvage  ayant 
telle  vertu  que  quiconque  en  buvoit,  pour  ce 
jour  là  ne  pouvoit  sentir  en  son  esprit  aucune 
fascherie.  »  (Nicot,  Thrésor  de  la  langue  fran- 
çaise, éd.  1606.) 

Hélène  sceut  charmer  avecque  son  népenthe 
Les  pleurs  de  Télémaque. 

(Sonnets  pour  Hélène,  i,  V,  t.  I,  p.  284.) 

Ajoutons  à  la  décharge  de  Ronsard  qu'il  emploie 
ce  mot  comme  terme  technique,  pour  ainsi  dire,  et 
par  allusion  au  passage  d'Homère  où  il  est  question 
de  ce  fait. 

Neptan,  nom  propre  pour  Neptune,  orthographe  de 
Ronsard.  (III,  p.  77.) 

Neafard,  s.  masc,  pour  Nemfar,  ancienne  forme  du 
mot  nénuphar. 

Le  neufard  toujours- verd. 

(Am.  II,  Voyage  de  Tours,  t.  I,  p.  190.) 


i6o  Lexiq_ue 

Neuftesme,  adj.  num.  ordinal,  orthographe  étymolo- 
gique pour  Neuviesme  :  mais  déjà  la  lettre  /  devant 
une  voyelle  se  prononçait  comme  un  v. 

Sanctifier  d'avril  le  neufiesme  jour.  (I,  p.  301.) 

Neuvain,  adj.,  formé  par  Ronsard  :  qui  comprend  les  - 
neuf  Muses. 

...  admirant  ma  belle  Calliope, 
Je  devins  amoureux  de  sa  neuvaine  trope. 

(IV,  p.  348) 
Cet  adjectif  a  été  employé  dans  le  même  sens 
par  Malherbe. 

Ronsard  emploie  le  mot  Neuvaine,  s.  fém.,  qui 
signifiait  jadis  a.  une  troupe  de  neuf  personnes,  en 
poésie  pour  désigner  les  Muses  3.  (Trévoux.) 
Comme  un  nouveau  Phœbus 
Des  Muses  conduisant  la  neuvaine  céleste. 

Et  ailleurs  : 
Et  toi,  divin  Daurat,  des  Muses  l'artisan, 
...  amoureux  de  leur  belle  neuvaine. 

Nice,  adj.,  vieux  mot  qui  signifie  naïf,  a  formé  les  dé- 
rivés Nicette,  diminutif  employé  par  Ronsard  (II, 
p.  231),  et  Nicement  (II,  p.  211). 

Nier,  v.  trans.,  s'est  employé  jusqu'au  seizième  siècle 
dans  le  sens  oii  nous  employons  dénier,  refuser. 
T'oseroit  bien  quelque  poète 
Nier  des  vers,  douce  alouette?  (II,  p.  438.) 

Nomian  (gr.  v6[jloç),  loi,  allusion  à  un  des  surnoms 
que  les  Grecs  donnaient  à  Dionysos,' vofxoOéTriç  ou 
6£a|x6?opoç,  le  législateur.  (V,  p.  237.) 

Non,  adv.  de  négation,  sert  à  la  formation  d'adjectifs 
composés. 

Nompareil.  (III,  161,) 
Non-oisif.  (VI,  91.) 
Non-ocieux.  (VI,  91.) 
Non-dit.  (V,  240.) 


DE  Ronsard.  i6i 

.  f^ 

Non-challant,  part.  prés,  du  verbe  Challoir  (v.  ce 
mot),  précédé  de  la  négation,  orthographe  plus 
usuelle  Nonchalant  (Nicot),  s'emploie  aujourahui 
absolument,  au  seizième  siècle  se  construisait  avec 
un  complément  précédé  de  la  préposition  de.  Ex.  : 

(IV,  p.   2,..) 

Nopcier,  adj.,  qui  préside  aux  noces,  nuptial. 

Dessous  la  loy  du  nopcier  Hyménée.  (III,  p.  i  $4.) 
Ronsard  dit  ailleurs  :  la  couche  nopcière,  le  lit 
nuptial.  (IV,  p.  212.) 

Norou'ègue,  nom  propre,  orthographe  de  Ronsard 
pour  Norwège. 

On  dit  qu'en  Norouëgue  ils  se  louent  à  gages. 

(V,  p.  131.) 

Nou  (A)  (Nicot),  et  A  Nage  (Ronsard).  Nicot  ne  cite 
que  l'ancienne  expression  à  nou  =  en  nageant,  à 
la  nage.  Ronsard  emploie  les  deux  formes.  Ex.  : 
Passant  à  nou  le  fil  d'une  rivière.  (III,  p.  239.) 
...  gaigne  le  bord  à  nage.  (III,  p.  329.) 

Nouailleux,  adj.  quai.,  noueux,  plein  de  nœuds. 

Un  meslier  nouailleux  ombrage  le  portail.  (IV,  p.  48.) 

îfoud,  s.  masc,  orthographe  conforme  à  la  pronon- 
ciation usuelle  dans  le  centre  de  la  France  du  mot  : 
nœud. 

Mais  le  bras  seulement  fut  captif  de  mes  nouds. 

(I,P-  29$  •) 

Nouer,  employé  absolument  comme  verbe  intransitif, 
pour  le  réfléchi  :  se  nouer. 

...  quand  je  veux  louer 
Quelque  homme  ou  quelque  dieu,  soudain  je  sens  nouer 
La  langue  à  mon  palais (II,  p.  171.) 

Nouer,  v.  intrans.,  vieux  mot  usité  dans  le  cours  du 
Moyen  âge,  vieillissait  déjà  au  seizième  siècle,  inu- 

Lex.  Ronsard.  1 1 


I 62  Lexique 

site  au  dix-septième  :  s'écrivait  Nouer  et  Noer,  et 

signifiait  nager  {natare). 

Tous  animaux,  ceux  qui  dans  l'air  se  jouent, 

Ceux  qui  la  mer  entrecoupent  et  nouent.  (III,  p.  63  .) 

Nourriçon,  s.  masc,  orthographe  de  Ronsard  (p  =: 
ss),  pour  Nourrisson  (Nicot).  Ex.  :  (IV,  p.  40.) 

Nourrissage,  s.  masc,  signifie  aujourd'hui  la  manière 
d'élever  les  bestiaux,  signifiait  autrefois  les  soins 
que  l'on  donne  à  un  enfant. 

Si  tu  es  envers  elle  enfant  de  bon  courage 
Ores  que  tu  le  peux,  rens-luy  son  nourrissage. 

(VII,  p.  22.) 

Nournssement,  s.  masc.  (Nicot  :  educatio),  a  un  sens 
différent  dans  Ronsard  :  fruit,  produit.  Ex.  : 
...  de  noirs  serpents 


Nourrissement  de  ses  noires  entrailles.  (III,  p.  184.) 

Nourriture,  s.  fém.,  employé  au  sens  ancien  du  mot 
(Nicot,  Littré)  :  éducation. 
...  Souvent  la  nourriture 
Corrompt  le  naturel...  (I,  p.  3n-) 

Nouveau,  adj.  quai.,  employé  par  Ronsard  comme 
synonyme  de  novice,  inexpérimenté. 
Ces  vierges  encore  nouvelles 
Et  mal  apprises  au  labeur.  (II,  p.  71.) 

Nouvelet,  adj.  quai.,  diminutif  de  nouveau. 

Et  ces  sourcis,  deux  croissans  nouvelets.  (I,  p.  5.) 
...  un  rosier  nouvelet.  (I,  p.  24.) 

Nuaux,  s.  masc.  pL,  employé  deux  fois  par  Ronsard  : 
nuages,  nuées.  Ex.  :  (I,  p.  201,  et  II,  p.  218.) 

Nueux,  adj.  quai.,  vieux  mot,  nébuleux. 

Vénus... 

Songneuse  d'eux,  emmantela  leurs  corps 


DE  Ronsard.  165 

D'une  nueuse  et  obscure  couronne 

Pour  n'estre  veus  ni  cognus  de  personne. 

(III,  p.  112.) 

Nuict,  s.  fém.  pour  Nuit.  En  vénerie,  lieu  où  un  ani- 
mal passe  la  nuit,  d'oii  l'expression  défaire  la  nuit 
d'une  bête,  lui  faire  quitter  l'endroit  oiî  elle  fait  sa 
nuit.  (I,  255.) 
(V.  Vénerie.) 

Nuisance^  s.  fém.,  dommage,  préjudice.   Trévoux  ; 
t  vieux  mot  qui  ne  se  dit  plus  qu'au  Palais.  » 
...  en  cela  l'abondance 
De  trop  de  serviteurs  porte  grande  nuisance. 

(IV,  p.  282.) 

Nuital,  adj.  quai.,  employé  comme  synonyme  de  noc- 
turne. 

Et  de  ta  belle  nuitale  flame.  (II,  p.  274.) 

Nyctelian  {gr.  wx-ceXio;),    dieu  des  fêtes  nocturnes, 
appelées  vuxTé/ia,  un  des  surnoms  de  Bacchus. 

(V,p.237.) 

Nymphal,    adj.    quai.,    tiré    du    substantif  nymphe 
(Nicot).. 

Et  le  troupeau  nymphal  des  gentilles  Naïades. 

(I,  p.  188.) 

Nymphette,   s.    fém.,    diminutif   de   nymphe,   petite 
nymphe.  Ex.  :  (I,  p.  83.) 


0 


0  pour  Od,  vieux  déjà,  au  quinzième  siècle,  employé 
comme  synonyme  de  la  préposition  avec. 
Manger  0  mon  compagnon. 

(Odes,  m,  XXI,  t.  II,  p.  235.) 


164  Lexiq_ue 

Oblivleux  et  Oublivîeux,  adj.  quai.,  qui  fait  oublier, 
qui  cause  l'oubli  {obliviosus). 

Les  Muses  qui  vives  ne  peuvent 
L'oublivieux  tombeau  souffrir. 

(Odes  retr.,  t.  Il,  p.  4J0.) 

Il  l'applique  au  Styx  : 

...  l'onde 
Du  grand  fleuve  oblivieux. 

(Odes,  IV,  IV,  t.  II,  p.  257-) 

Mais  Ronsard  emploie  aussi  oublieux  avec  le 
même  sens. 

Obscur;  adj.  aual.,  employé  par  Ronsard  substantive- 
ment pour  le  mot  abstrait,  obscurité.  Ex.  : 

(V,  p.  269.) 

Obsèque,  s.  fém.,  autrefois  usité  au  singulier,  aujour- 
d'hui exclusivement  au  pluriel  :  funérailles  faites 
avec  une  certaine  pompe,  convoi  funèbre... 
(Il)  appeloit  les  âmes,  qui  venoient 
Et  sur  l'obseque  espaisses  se  tenoient.  (III,  p.  109.) 

Ocieux,  adj.  (lat.  otiosus). 

1°  Qui  jouit  du  repos,  calme,  tranquille. 
Avoir  l'esprit  et  le  cœur  ocieux. 

(Am.,  I,  CCI,  t.  I,  p.  114.) 

2°  Qui  procure  le  repos. 
Si  tost  que  j'eus  pressé  les  plumes  ocieuses 
De  mon  lict  paresseux.  (El.,  iv,  t.  IV,  p.  225.) 

3°  Oisif.  Ronsard  en  parlant  de  l'esprit  humain 
dit  que  : 

...  sans  le  corps  il  serait  ocieux. 

(Sonnets  pour  Hélène,  L,  t.  I,  p.  308.) 
...  la  paresse  ocieuse.  (III,  p.  $9.) 

Ocymore,  mot  forgé  par  Ronsard  :    «  qui  signifie  de 
petite  durée.  »  (VII,  p.  178.) 


DÉ:  Ronsard.  i6$ 

Ode,  s.  fém.  (Trévoux,  Littré),  *  est  de  l'invention 
de  Ronsard»  (Richelet).  (II,  p.  7.) 

Odoreux,  adj.  quai,  pour  Odorant  (Nicot).  Ex.  : 
Tantost  elle  le  baise  et  de  fleurs  odoreuses 
Environne  son  front...  (IV,  p.  10.) 

Œillader,  v.  trans.  (Nicot),  ancien  mot  qui  signifiait 
jeter  l'œil  sur,  regarder,  et  que  Trévoux  signale 
comme  familier  et  n'étant  pas  «  du  bel  usage  » . 

Lui  qui  debout  se  dressa 
Et  de  plus  près  les  œillade, 
Les  serrant  d'une  accolade 
Mille  fois  les  caressa.  (II,  p.  74.) 

Œuvre,  substantif,  souvent  masculin  au  seizième  siècle. 
Puis  affectant  un  œuvre  plus  divin.  (II,  p.  128.) 
C'estoit  un  œuvre  grand  depandant  de  Fortune. 

(VII,  p.  217.) 

Offensé,  part,  passé  du  verbe  offenser  employé  au  sens 
du  latin  offendere,  recevoir  un  choc,  et  au  figuré 
être  brisé  par  une  émotion. 

Je  veux  souvent  pour  rompre  ton  esmoy 

Te  saluer  ;  mais  ma  voix  offensée 

De  trop  de  peur  se  retient  amassée 

Dedans  la  bouche  et  me  laisse  tout  coy.  (I,  p.  120.) 

Oincture  ou  Ointure,  s.  fém.,  vieux  mot.  (Lacombe, 
Did.)  Nicot  donne  oignement,  onction  et  onguent^ 
synonymes.  Ex.  :  (I,  p.  258.) 

Oindre,  v.  trans.,  employé  par  Ronsard  au  figuré  dans 
le  sens  de  caresser,  amadouer,  flatter.  Cf.  l'anciea 
dicton  :  Oignez  vilain,  il  vous  poindra. 

Et  fuy  de  bien  loin  les  flateurs 

S'ils  veulent  oindre  tes  aureilles 

De  fausses  et  vaines  merveilles.  (II,  p.  39.) 

Richelet  traduit  :  »  doucement  amadouer.  » 


i66  Lexiq_ue 

Oiselet,  s.  masc,  diminutif  de  oiseau. 

Des  libres  oiselets  plus  doux  est  le  ramage 

Que  n'est  le  chant  appris  des  rossignols  en  cage. 

(IV,  p.  6.) 

Oiseux,  adj.  cjual.,  épithète  appliquée  par  Ronsard  à 
la  glace  prise  comme  symbole  de  l'hiver  :  lent,  im- 
mobile. 

Après  que  l'oiseuse  glace 

A  quitté  la  froide  place 

Au  printemps  doux  et  plaisant.  (II,  p.  146.) 

Oligochronïen,  mot  forgé  par  Ronsard  :  «  qui  signifie 
une  vie  de  petite  durée.  »  (VII,  p.  178.) 

Ombre,  substantif  longtemps  masculin  et  féminin,  est 
plus  souvent  masculin  chez  Ronsard. 

Faisant  de  toutes  pars 

Un  ombre  espars.  (II,  p.  250.) 

Qui  d'un  grand  ombre  ombrageoit  la  campagne. 

(III,  p.  73.) 

Ombreux,  adj.  quai.,  signifiant  jadis  au  propre  :  qui 
donne  de  l'ombre,  a  été  pris  au  figuré  par  Ronsard 
dans  le 'sens  de  :  ténébreux.  Ex.  : 

Et  qu'après  nos  trespas,  dans  nos  fosses  ombreuses, 
Nous  fussions  la  chanson  des  bouches  amoureuses. 

(I,  p.  230.) 

One  et  Oncques,  ancien  adverbe  de  temps  (lat.  un- 
quam),  fréquemment  employé  par  Ronsard. 

Ondée,  s.  fém.  (Nicot),  est  employé  par  Ronsard 
avec  deux  acceptions. 

1  °  Ondes,  ondulations,  en  parlant  de  la  chevelure. 
Ex.  :  (I,  p.  214.) 

2'  Gorgée.  Ex.  : 
...  boire...  à  friandes  ondées.  (III,  p.  223.) 


DE   Ronsard.  167 

Ondelet,  adj.  quai.,  créé  par  Ronsard,  formé  d'ondes, 
en  forme  d'onde... 

Ex.  :  A  une  fontaine... 
Dessus  ton  sein  ondelet.  (II,  p.  347.) 

Ondetîe,  s.  fém.,  diminutif  de  onde.  Ronsard  dit  aussi 
ondelette.  (Odes,  V,  XII,  t.  II,  p.  345  et  347.) 

Ondeux,  adj.  quai.,  tiré  par  Ronsard  du  mot  onde  : 
roulé  par  les  ondes,  englouti  par  la  mer. 

(III,  p.  107.) 

Ondine,  s.  fém.,  employé  comme  nom  propre  pour 
désigner  une  Nymphe  des  eaux.  (VI,  p.  140.) 

Oraison,  V.  Orer. 

Ord,  adj.  quai.  (lat.  horridus),  vieux  mot  souvent  em- 
ployé par  Ronsard  :  repoussant,  sale.  Nous  avons 
conservé  le  dérivé  ordure. 

C'est  Childéric,  roy  de  meschante  vie, 

Ord  de  luxure,  infect  de  volupté.  (III,  p.  227.) 

Les  fertiles  moissons  des  ordes  voluptez. 

(III,  p.  270.) 

Orendroit,  adv.  de  temps,  vieux  mot  :  en  ce  moment, 
à  présent.  (VII,  p.  202.) 

Orer,  v.  (lat.  orare).  Nicot  indique  deux  sens  de  ce 
verbe. 

1°  Discourir. 

2"  Prier. 

C'est  dans  le  sens  de  discourir  qu'il  se  trouve 
dans  Ronsard.  Ex.  :  (VI,  p.  107.) 

De  Orer  vient  : 

Oraison,  s.  fém.,  employé  au  sens  primitif  de 
oratio,  discours  (Nicot,  Littré).  Ex.  :  (V,  p.  95.) 

On  retrouve  ce  sens  dans  les  dérivés  :  orateur, 
art  oratoire. 


/ 


168  LEXIQ.UE 

Ores...,  Ore...,  Or'...,  répété,  vieux  mot  employé  par 
Ronsard  :  maintenant...,  maintenant,  tantôt..., 
tantôt.  (II,  p.  SI.) 

Or  seul  a  le  sens  de  :  alors.  (II,  p.  50.) 

Ores  que,  ancien  mot  :  tandis  que. 
Aussi  je  ne  veux  mourir 
Ores  que  je  puis  courir, 
Ouïr,  parier,  boire  et  rire...  (II,  p.  354.) 

Orfelïn;  adj.  quai.  (Nicot),  au  sens  propre  signifie  :  privé  ' 
de  ses  père  et  mère,  orphelin.  Ronsard  l'emploie 
au  figuré  (lat.  orbus),  privé  de...  Ex.  : 
...  orfelin  de  renom.  (V,  p.  311.) 

Oribns,  Trévoux  :  «  Terme  populaire  qui  se  dit  ironî- 
quement  en  cette  phrase  :  Poudre  d'oribus,  pour  se 
moquer  de  ces  poudres  auxquelles  les  charlatans 
attribuent  de  merveilleuses  propriétés,  comme  si 
elle  étoit  d'or  ou  pouvoit  faire  de  l'or.  >  (Sjno- 
nyme.  Poudre  de  perlimpinpin ,  Trévoux,  Riche- 
let.)  Ex..  :  (VII,  p.  24.) 

Orin,  adj.  quai.,  couleur  de  l'or,  doré. 
Ces  tresses  orines.  (I,  p.  22.) 

Orque,  s.  masc.  C'est  le  mot  latin  orcus,  pour  dési- 
gner les  enfers. 

...  victime  de  l'Orque  noir. 

(Odes,  11,  XVIII,  t.  II,  p.  163.) 

Et  rorque  despiteux,  de  la  fosse  profonde 
Ici  haut  envoya  les  Furies. 

(Hymnes,  i,  VI,  t.  V,  p.  109.) 

Ortel,  abréviation  de  Orteil,  s.  masc.  (Nicot,  Littré). 
Ex.  :  (VI,  p.  414.) 

Ost,  s.  masc,  vieux  mot,  signifiant  armée. 

(III,  p.  241,  247;  VI,  p.  323.) 


DE^  Ronsard.  169 

Oste-soif,  adj.  composé,  créé  par  Ronsard. 
...  l'oste-soif  échanson.  (VI,  p.  343.) 

Oste'Soin,  adj.  composé,  créé  par  Ronsard. 
...  l'or  oste-soin.  (V,  p.  222.) 

Ouaïlle,  s.  fém.,  ancien  dérivé  du  vieux  mot  Oue, 
brebis.  On  disait  de  même  Oueille  (Nicot,  Littré). 
Encore  usité  au  figuré  dans  la  langue  ecclésiastique. 
Employé  au  sens  propre  par  Ronsard.  Ex.  :  " 

(IV,  p.  260.) 

Oursal,  adj.  quai.,  de  la  grande  Ourse,  du  Nord, 
arctique  ;  épithète  de  l'Aquilon. 

Comme  la  nue  en  temps  serein  poussée 

Fuit  à  grands  pas  l'haleine  courroucée 

De  l'oursal  Aquilon.  (I,  p.  215.) 

Comme  les  fils  des  oursaux  Aquilons.  (VII,  p.  151.) 

Ourselet,  s.  masc,  diminutif  de  Oars,  innovation  de 
Ronsard.  Nicot  n'indique  que  le  diminutif  Ourson, 
encore  usité.  (Littré.)  Ex.  :  (IV,  p.  113.) 

Ossetj  s.  masc,  synonyme  d'Osselet  (Nicot)  :  petit 
os.  Ex.  :  (II,  p.  210.) 

Outre j  préposition  (Nicot),  signifie  : 
1°  Au  delà  de. 
Puis  que  tost  je  doy  reposer 
Outre  l'infernale  rivière...  (Odes,  v,  XVIII,  t.  II,  p.  3  j6.) 
2°  Derrière. 
...  outre  leur  dos...  (II,  p.  332.) 

Outré,  adj.  quai.,  s'employait  jadis  dans  l'expression  : 
outré  de  fatigue  (Trévoux). 

Elle  adonc  lassement  outrée.  (II,  p.  69.) 

Outre-couler  et  Oultre-couler,  v.  trans.  (Nicot),  dé- 
border. C'est  le  sens  qu'il  a  dans  Ronsard.  Ex.  : 

(V,  p.  106.) 


lyo  Lexique 

Outre-percéj  part,  passé,  transpercé,  percé  d'outre  en 
outre. 

Exemple  unique  de  Ronsard.  Poèmes  Les  armes, 
à  J.  Brinon. 

Ayant  d'un  coup  de  plomb  le  corps  outrepercé. 

(VI,  p.  42.) 

Cy ra  OM  Oyrra,  5^  pers.  du  sing.  du  futur  de  l'ind. 
de  Ou'irou  Ouyr,  entendre  :  ]'oyrrai,  etc.  On  disait 
aussi  ]'orraï,  tu  orras.  Ex.  :  (III,  p.  315.) 

L'infinitif  Ouyr   est   employé    substantivement 
pour  XOme.  (II,  p.  377.) 


Pair  {sans),  expression  ancienne,  sans  pareil,  sans  égal. 
vierge  sans  pair.  (III,  p.  19J.) 

Paletoc,  s.  masc.  Nicot  orthographie  Palletoc  (du 
Gange,  Nicot,  Littré),  vêtement  de  guerre,  sorte 
de  capote  sans  manches,  aujourd'hui  paletot.  Ex.  : 

(IV,  p.  82.) 

Palladien,  adj.  quai.,  dérivé  de  Pallas,  créé  par  Ron- 
sard. Il  l'applique  à  la  Quenouille  inventée  par 
Pallas,  selon  la  légende.  (I,  p.  220.) 

Palle-vermeil,  adj.  composé,  créé  par  Ronsard. 
Le  teint  palle-vermeil.  (III,  p.  314.) 

Panache  ou  Pennache  (ital.  pennachio),  panache  seul  a 
subsisté.  Ronsard  emploie  indifféremment  les  deux 
formes. 

Et  sur  l'armet  luy  plantoit  son  pennache.       / 

(S.  pour  Astr.,  t.  I,  p.  268.) 
Avoient  les  bras  chargez  et  le  chef  de  panaches. 

(Hymnes,  i,  III,  t.  V,  p.  $8.) 


DE  Ronsard.  171 

Pantois,  adj.,  et  Penthois,  orthog:raphe  de  Ronsard, 
t  vieux  mot  qui  signifiait  celui  dont  la  respiration 
est  empêchée  »  (Trévoux),  haletant. 
...  une  pantoise  haleine 
Bat  leurs  poumons...  (III,  p.  63.) 
J'ay  la  sueur  au  front,  j'ay  l'estomach  penthois, 

(I,P.  3J2) 
Papat,  s.  masc,  ancien  mot  «  dignité  du  Pape  »... 
On  dit  la  papauté  (Trévoux). 

Il  faut  tant  seulement  avecques  hardiesse 
Détester  le  Papat,  parler  contre  la  messe. 

(VII,  p.  éo.) 

Papegay  (de  l'esp.  papagayo),  c'est  l'ancien  nom  du 
perroquet.  On  disait  aussi  dès  le  moyen  âge,  Pape- 
jaîj  Papegard  et  Papegaut. 

...  la  couleur  d'un  gaillard  papegay. 

Bleu,  pers,  gris,  jaune,  incarnat  et  verd-gay. 

(EL,  XXIV,  t.  IV,  p.  313.) 

Ronsard  l'emploie  au  pluriel  une  fois  : 
...  les  papegaux.  (El.  retr.,  t.  IV,  p.  384.) 

Par  {à),  orthographe  de  Ronsard  pour  à  part. 

Avant  que  d'estre  a  vous  je  vivois  sans  esmoy  : 
Maintenant  sur  les  eaux,  maintenant  à  par  moy 
Dedans  un  bois  secret,  maintenant  par  les  prées 
J'errois...  (VI,  p.  159.) 

Parangon,  s.  masc.  (esp.paragon),  d'oii  le  verbe  actif 
Parangonner,  comparer.  Sont  souvent  employés 
par  Ronsard. 

...  Son  œil  en  beauté  nompareil 
Qui  çà  ne  là  son  parangon  ne  trouve. 

(Am.,  I,  LXXIV,  t.  I,  p.  43.) 
(V.  t.  I,  p.  347;  t.  VI,  p.  329,  etc.) 
Quant ^\lwe^be Parangonner,  il  est  généralement 
actif  et  a  le  sens  de  comparer. 

Je  parangonne  à  vos  yeux  ce  crystal. 

(Am.,  I,  LXXV,  t.  I,  p.  44.) 


172  Lexique 

Mais  Ronsard  l'emploie  une  fois  dans  le  sens 
passif  de  :  être  égal. 

...  hé!  bons  Dieux,  qui  pourroit, 
Quand  un  Homère  il  parangonneroit, 
Qui  pourroit  faire  esclairer  la  science 
Parmy  les  maux  qui  regardent  la  France  ? 

(Poèmes  retr.,  t.  VI,  p.  329.) 

De  nos  jours  on  emploie  quelquefois  le  substantif 
Parangon,  le  verbe  a  disparu. 

Par  avant  (Nicot),  adverbe  comme  auparavant  (Nicot, 
Littré).  Ex.  :'(I,  p.  287.) 

Parce,  pour  aussi,  c'est  pourquoi. 

Il  est  minuict  :  parce  marche  plus  viste. 

(III,  p.  409.) 

Cet  emploi  est  rare  dans  Ronsard  :  il  emploie 
plus  fréquemment  en  ce  sens  Pource. 

Parentale,  s.  masc.  (Nicot),  ancien  synonyme  du 
féminm  parenté.  (III,  p.  208.) 

Parleresse,  s.  fém.,  pour  parleuse,  féminin  de  parleur. 
De  sa  bouche  parleresse.  (II,  p.  20J.) 

Parmi,  employé  absolument.  Ex.  :  (II,  p.  350.) 

Part,  s.  masc,  du  hùn  partus,  accouchement,  enfant 
dont  une  femme  vient  d'accoucher,  ne  se  trouve 
que  deux  fois  dans  Ronsard. 

On  dit  qu'un  jour  Vénus  sans  père  la  conceut. 

...  Et  avorta  du  part...  (Boc.   Roy.,  t.  III,  p.  414.) 

Ce  mot  est  encore  usité  aujourd'hui  dans  les  ex- 
pressions juridiques  :  supposition  de  part,  substi- 
tution de  part,  suppression  de  part. 

Partir,  est  pour  nous  un  verbe  intransitif  et  n'a  qu'un 
sens,  celui  de  :  quitter  un  lieu,  s'en  éloigner. 
Ce  verbe,  dérivé  du  latin  partiri,  avait  encore  son 


DE  Ronsard.  173 

sens  étymologique.  Il  était  actif  et  signifiait  :  par- 
tager, diviser. 

Auparavant  j'avoy,  Brinon, 

Orné  ce  livre  de  ton  nom, 

Mais  ores  je  me  délibère, 

Afin  de  doublement  l'orner, 

De  le  partir  et  d'en  donner 

Une  partie  à  ta  Sidère. 

(Œuvres  inédites,  t.  VIII,  p,  146.) 

Ainsi  tous  deux  partirons  l'Univers.  (IV,  p.  137.) 

Parturoit,  3*  pers.  sing.  imp.  de  l'ind.  d'un  verbe 
Parturer,  innovation  de  Ronsard,  enfanter,  mettre 
au  monde.  Ex.  :  (II,  p.  479.) 

Passement,  s.  masc.,pour  passage  (Nicot).  Ex.  : 

(III,  p.  7(5.) 

Pasithée,  s.  fém.,  mot  grec,  surnom  de  l'une  des 
Grâces  :  toute  divine. 

Pour  obéir,  la  jeune  Pasithée 

Toute  divine  abandonna  les  cieux.  (IV,  p.  178.) 

Il  se  trouve  encore  avec  cette  acception. 

Est  ce  point  Pasithée  ou  quelqu'une  des  Grâces  ? 
Œil,  quiconque  sois-tu,  de  splendeur  tu  surpasses 
Vénus  et  Pasithée...  (Boc.  Roy.,  t.  III,  p.  387.) 

Ailleurs  Ronsard  l'applique  à  son  Hélène. 

Soit  que  je  sois  haï  de  toy,  ma  Pasithée. 

(I,  p.  290.) 

Passementer,  v.  trans.,  employé  au  figuré  :  orner, 
couvrir  d'une  dentelle.  Ex.  -:  (IV,  p.  13.) 

Pastenade,  s.  fém.  (Nicot,  Littré),  nom  ancien  du 
panais.  On  disait  aussi  Pastenague  (Nicot,  Littré). 
Ex.  :  (II,  p.  235.) 

Patientement,  adv.,  pour  patiemment. 

...  patientement  le  labeur  il  endure.  (IV,  p.  306.) 


174  Lexique 

Patin,  s.  masc.  »  Soulier  de  femme  qui  a  des  semelles 
fort  hautes  et  garnies  de  liège-  afin  de  paroître  de 
plus  belle  taille  »  (Trévoux).  C'était  une  chaussure 
élevée  et  élégante.  (V,  p.  221.) 

Pau,  s.  masc,  pour  Pal  (Nicot).  Les  deux  formes 
existaient  concurremment. 

...  le  coq  planté  dessus  un  pau 

A  trois  fois  salué  le  beau  soleil  nouveau. 

(IV,  p.  252.) 

Pegasin,  adj.  quai.,  tiré  du  nom  de  Pégase  ;  au  figuré  : 
poétique. 

Je  m'irois  abreuver  es  ruisseaux  pegasins. 

(II,  p.  175.) 

Peinturer,  v.  trans.  (Nicot),  vieux  mot  :  peindre,  et 
au  figuré  :  orné  de  fleurs.  Ex.  :  (I,  p.  362.) 

Pelasse,  s.  fém.  (Nicot),  écorce  d'arbre.  Ex.  : 

(II,  p.  416.) 

Penader,  v.  intrans.,  synonyme  de  Panader  :  se  pa- 
vaner, parader.  Ex.  :  (VI,  p.  122.) 

Pencer.V,  Penser. 

Pendre,  v.  trans.,  dérivé  du  latin  pendere,  payer,  em- 
ployé par  Ronsard  dans  le  sens  d'offrir,  donner. 
Je  veux  leur  donner  un  festin 
Et  cent  fois  leur  pendre  la  coupe.  (II,  p.  353.) 

Pendre  de  (Nicot),  employé  par  Ronsard  pour  dé- 
pendre de... 

Tout  n'estoit  que  hazard  et  pendoit  de  Fortune. 

(I,  P-  367-) 
...  le  peuple  suit  les  traces  de  son  maistre  ; 
Il  pend  de  ses  façons,  il  l'imite...  (III,  p.  269.) 

Pennache.  V.  Panache. 


DE  Ronsard.  17$ 

Fermage,  s.  masc,  vieux  mot  (du  latin  penna,  bas 
latin  pennaticum),  plumage. 

Or  maintenant  ce  Dieu  sous  les  fiâmes  jumelles 
Des  yeux  de  son  hostesse  estendoit  ses  deux  ailes 
Et  seichoit  son  pennage  a  leur  belle  dairté... 

(Boc.  Roy.,  t.  III,  p.  387.) 

Pensement,  s.  masc,  rêverie,  vieux  mot  dont  on 
trouve  encore  des  exemples  dans  Régnier  et  Lafon- 
taine. 

Le  resveillant  d'un  profond  pensement.  (III,  p.  55.) 

Penser j  v.  trans.,  panser.  La  distinction  n'était  pas 
encore  nettement  établie  pour  l'orthographe  et 
pour  le  sens  de  ces  deux  mots  distincts  aujourd'hui. 
Aussi  Ronsard  écrit-il  en  parlant  du  maître  d'un 
cheval  : 

Luy  donne  avoine  et  foin,  soigneux  de  le  penser. 

De  même  :  Pencer.  (I,  p.  375.) 

Pentasilée,  s.  fém.,  nom  propre,  orthographe  de 
Ronsard  pour  Penthésilée.  (VII,  p.  35.) 

Pépineux,  adj.  quai.,  qui  renferme  des  pépins. 
...  la  poire  pépineuse.  (VI,  p.  64.) 

Perche,  s.  fém.  En  termes  de  vénerie,  se  dit  du  mer- 
rain,  de  la  ramure  d'un  cerf  ou  du  tronc  de  chaque 
tête  de  cerf  oii  sont  attachés  les  andouillers. 

(1,255.) 
(V.  Vénerie.) 

Perche  {prendre  la),  locution  ancienne  (Nicot)  :  venir 
se  percher.  Ex.  :  (III,  p.  201.) 

Perdurable,  adj.  composé,  qui  dure  toujours,  éternel. 
Là  je  veux  que  la  Parque 
Tranche  mon  fatal  fil, 
Et  m'envoye  en  la  barque 
De  perdurable  exil.  (Odes,  11,  XIII,  t.  II,  p.  1  j6.) 


176  ■    Lexiq^ue 

cherchant  par  peine  un  perdurable  nom. 

(Odes,  m,  XVIII,  t.  II,  p.  223.) 

Pérennel,  adj.  quai.,  formé  sur  le  latin  perennis,  éter- 
nel, employé  par  Ronsard  concurremment  avec  ce 
dernier. 

De  ce  palais  éternel 
Brave  en  colonnes  hautaines 
Sourdoit  de  vives  fontaines 
Le  vif  surgeon  pérennel. 

(Odes,  I,  X,  t.  II,  p.  73,  et  V,  p.  282.) 

L'adjectif  pérennel  a  disparu  :  mais  l'on  trouve 
encore  aujourd'hui  des  exemples  du  substantif 
Pérennité. 

Péris  pour  Périls,  s.  masc.  ;  pluriel  du  mot  péril.  On 
pouvait  dans  l'écriture  supprimer  devant  1  j  du  plu- 
riel la  consonne  finale  qu  on  ne  faisait  pas  sentir 
dans  la  prononciation. 

...  combien  sur  les  eaux 

Il  a  de  fois 

surmonté  la  fortune 

Et  sur  la  terre  eschappé  de  péris.  (III,  p.  43.) 

Perleure  ou  Perlure,  s.  fém.  Vénerie.  «  Grumeaux  ou 
inégalités  qui  sont  le  long  du  bois  des  cerfs,  daims 
ou  chevreuils  »  (Trévoux).  (I,  2^5.) 

(V.  Vénerie.) 

Perkux,  adj.  quai.,  couvert  des  perles  de  la  rosée. 

Sus  !  debout  !  allons  voir  l'herbelette  perleuse. 

(I,p.  164.) 

Perruque,  s.  fém.,  chevelure.  C'est  le  sens  primitif 
de  ce  mot. 

Hélène  seule,  estant  gaignée 

D'une  perruque  bien  peignée.  (II,  p.  iij.) 

Au  figuré  Ronsard  l'emploie  pour  désigner  le 
feuillage  des  arbres. 


DE  Ronsard.  177 

Ta  forest  d'orangers,  dont  la  perruque  verte 
De  cheveux  éternels  en  tout  temps  est  couverte. 

(I,  P-37I-) 

Perruque,  adj.,  coiffé  de,  ancien  sens  du  mot.  (Tré- 
voux, Nicot,  Littré.)  Ex.  :  (V,  p.  39.) 

Pers,  adj.;  au  îém., perse,  «  qui  est  d'une  couleur 
bleue  ou  tirant  sur  le  bleu  »  (Nicot,  Trévoux). 

...  leurs  formes  diverses 
Peintes  de  cent  façons,  jaunes,  rouges  et  perses. 

(I,p.  362.) 

Pertuis,  s.  masc,  vieux  mot  :  trou,  ouverture. 
...  les  pluyes  tortues 
Par  cent  pertuis  se  crevèrent  des  nues.  (III,  p.  93.) 

De  là  le  vieux  verbe  Pertuiser  :  percer  de  trous. 

Comme  Pan  (inventa)  le  chalumeau 

Qu'il  pertuisa  du  roseau 

Formé  du  corps  de  s'amie  (Syrinx).  (II,  p.  360.) 

Peste,  s.  fém.,  employé  dans  le  sens  du  latin  pestis, 
fléau,  mal,  mal  d'amour. 

Et  si  ne  puis  ma  douleur  secourir 

Tant  i'ay  sa  peste  en  mes  veines  enclose. 

(Am.  I,  CLIII,  t.  I,  p.  88.) 

Pesteux,  ad],  quai.,  créé  par  Ronsard.  Nicot  cite  Pestî- 
lentieux  et  Pestilentiel.  Ex.  :  (VI,  p.  345.) 

Peupleux,  adj,  quai.,  synonyme  de  populeux. 
Les  peupleuses  citez.  (V,  p.  133.) 

Peureux,  Poureux  et  Paoureux.  Ronsard  emploie  ces 
trois  formes  différentes  du  même  mot.  (II,  p.  39c  ; 
III,p.358;IV,p.  32o;VII,p.287;VII,p.  299.) 

Peu-sobre,  adj.  composé  par  juxtaposition. 
Les  peu-sobres  propos...  (V,  p.  233.) 
Ltx.  Ronsard.  12 


lyS  Lexique 

Phalange,  s.  masc,  nom  vulgaire  des  faucheux  et  des 
mygales.  (I,  p.  395.) 

Phanete.  C'est  une  adaptation  en  français  du  grec 
*àvr,<;,  Phanès,  nom  donné  au  dieu  de  la  lumière 
dans  la  mythologie  orphique. 

Dieu  (disoit-il)  qui  tiens  l'arc  en  la  main... 
Qui  du  Chaos  la  caverne  profonde 
Ouvris  premier,  et,  paroissant  armé 
De  traits  de  feu,  Phanète  fus  nommé. 

(Fr.,  II,  t.  III,  p.  118.) 

PhlUen,  du  grec  4>t),ioc,  surnom  de  Jupiter  considéré 
comme  protecteur  de  l'amitié. 
Car  Jupiter  le  Philien 
Quelquefois  avecque  le  pire 
Punit  le  juste...  (Odes,  v,  IX,  t.  II,  p.  335.) 

Phocenses,  adj.  Ronsard  forme  ce  mot  sur  le  latin 
Phocenses,  qui  désigne  les  habitants  de  la  Phocide 
et  qu'il  confond  ainsi  avec  les  colons  venus  de  Pho- 
cée,  ville  d'Asie  Mineure,  Phocaenses,  d'où  Phocéens, 
fondateurs  de  Marseille. 
Bien  que  Marseille... 
Vante  bien  haut  ses  phocenses  ayeux... 

(Boc.  Roy.,  t.  III,  p.  381.) 

Phthinopore,  mot  forgé  par  Ronsard  du  grec  çOtvoTrœpiç, 
qui  gâte  les  fruits.  (V,  p.  198.) 

Pied,  s.  masc,  terme  de  vénerie:  la  trace  d'une  bête. 

(1,255.) 
(V.  Vénerie.) 

Pieds-de-chèvre,  adj.  composé, innovation  de  Ronsard.' 
...  les  Sylvains  pieds-de-chèyres.  (V,  p.  199.) 

Pied-vite,  adj.   composé,  traduction  du  grec  itoSoç 
ô/uç  'AxiW.éuc,  créé  par  Ronsard. 
Achille  pied-vite.  (V,  p.  6j.) 
Il  a  créé  aussi  Viste-pied  (v.  ce  mot). 


DE  Ronsard.  179 

Piedmonf,  nom  propre,  ancienne  orthographe  du  mot 
Piémont,  province  d'Italie. 

...  et  les  lis  et  les  roses 
Au  plus  froid  de  l'hyver  soient  pour  elle  décloses 
Aux  buissons  de  Piedmont!  (Ed.  1,  t.  IV,  p.  38.) 

PieteuXj  adj.  quai.,  innovation  de  Ronsard  pour P/Vux. 
Nicot  donne  Piteux. 

Quel  sujet  ne  seroit  dévot  et  charitable 
Sous  un  roy  pieteux.î*  (III,  p.  269.) 

Pigné  pour  Peigné,  part,  passé  du  verbe  peigner.  On 
a  dit  :  pigne  pour  peigne  au  moyen  âge,  et  pigner 
pour  peigner. 

Sa  teste  bien  pignée.  (I,  p.  129.) 

Piller,  V.  trans. ,  n'a  plus  pour  nous  qu'un  sens  restreint  : 
Ronsard  l'emploie  dans  un  sens  tout  à  fait  général 
d'après  l'italien  pigliare,  prendre,  ravir. 
...  d'un  tour  de  ses  yeux 
Piller  les  cœurs  de  mille  hommes  qui  passent. 

(I,  p.  116.) 
II  a  conservé  ce  sens  général  en  vénerie  dans 
l'expression  Pille!  cri  par  lequel  le  chasseur  excite 
le  cnien  à  saisir  le  gibier. 

Pilleresse,  adj.  fém.,  employé  par  Ronsard  pour  Pil- 
larde. 

Fauche,  garçon,  d'une  main  pilleresse 

Le  bel  esmaii  de  la  verte  saison.  (I,  p.  109.) 

paierie,  s.  fém.  (Nicot),  ancien  synonyme  de  pillage 
(Nicot,  Littré).  Ex.  :  (II,  296.) 

Pillier,  s.  masc,  orthographe  de  Ronsard  (redouble- 
ment de  /)  pour  Pilier  (Nicot),  au  figuré  appliqué 
aux  courtisans.  Ex.  :  (III,  p.  376.) 

Pincel,  s.  masc,  forme  plus  ancienne  que  pinceau. 

(II,  p.  340,) 


i8o  Lexiq_ue 

Pindarîser,  v.  intrans.,  innovation  de  Ronsard  :  imi- 
ter Pindare. 

Si,  dès  mon  enfance, 

Le  premier  de  France 

J'ay  pindarisé. 

De  telle  entreprise, 

Heureusement  prise. 

Je  me  voy  prisé.  (Odes,  ii,  II,  t.  II,  p.  135.) 

C'est  en  effet  Ronsard  qui  a  inventé  le  mot  et 
la  chose. 

Nicot  au  figuré  indique  le  sens  de  écrire  ou  par-. 
1er  d'un  style  pompeux.  Ronsard  l'emploie  toujours 
au  sens  propre. 

Piolé  (Nicot,  Trévoux,  Littré),  terme  populaire, 
vieux  mot  :  bigarré  de  diverses  couleurs,  synonyme 
de  Riolé  (Nicot).  Ex.  :  (II,  p.  228.) 

Piteux,  adj.  quai.,  qui  inspire  la  pitié. 

Piteux  regard  (spectacle  pitoyable).  (III,  p.  120.) 
Et  de  son  chant  piteux  les  mânes  estonnoit. 

(III,  p.  432.) 

Pithon  ou  Pj>thon  (gr.  uetôw),  déesse  de  la  persuasion 
ou  de  l'éloquence;  innovation  de  Ronsard. 

Tant  la  douce  Python  ses  lèvres  arrosa, 
Quand  jeune  enfant  sa  bouche  composa... 

(Hymnes,  i,  IV,  t.  V,  p.  73.) 

Pithon  en  l'allaittant  sa  bouche  composa 
D'éloquence  naïve...  (III,  p.  273.) 

Plaint,  vieux  mot,  s.  masc,  usité  durant  tout  le  cours 
du  moyen  âge  :  plainte. 

Si  ton  oreille  encore  se  recrée 

D'ouïr  les  plaints  des  amoureuses  vois.  (I,  p.  34.) 

Planer,  employé  par  Ronsard  comme  verbe  intransitif 
dans  un  sens  tout  particulier  :  se  convertir  en 
plaines.  (Am.,  I,  140,  t.  I,  p.  80.) 


DE  Ronsard.  i8i 

Planté  (Nicot,  Littré),  s.  fém.,  vieux  mot  :  abon- 
dance. On  écrivait  aussi  Plenté  (Nicot  :  plenitas), 
Ex.:(III,  p.  295.) 

Plastron,  s.  masc.  On  appelait  ainsi  une  cuirasse  qui 
ne  couvrait  que  le  devant  du  corps. 

Ces  grands  foudres  de  la  guerre 

Non  plus  que  toy  n'iront  pas 

Armez  d'un  plastron  là-bas 

Comme  ils  alloient  aux  batailles.  (II,  p.  269.) 

Platelle,  s.  fém.,  «  qui  est,  dit  H.  Estienne  (Préc.  du 
lang.  françois,  éd.  Feugère,  p.  53),  usité  en  quel- 
ques lieux  qui  sont  près  de  Paris.  »  Trévoux  ortho- 
graphie Platel,  un  plat,  et  Platelle,  une  terrine. 

Ces  vers  modifiés  par  des  variantes,  1578, 
1584,  etc.,  ne  se  trouvent  que  dans  l'édition  de 
1625. 

Comme  l'esdair  du  soleil  flamboyant, 
Ou  du  croissant,  qui  tremblotant  sautelle 
Sur  l'eau  versée  au  creux  d'une  platelle. 

(Fr.,  m,  t.  I,  p.  637,  éd.  in-fol.  de  1623 .) 

Player,  v.  trans.  (Nicot),  ancien  synonyme  de  navrer 
(Nicot,  Littré)  :  blesser.  Ex.  :  (I,  p.  42.) 

Plein  d'effroy,  au  lieu  d'être  employé  au  sens  passif, 
l'est  au  sens  actif  :  qui  inspire  de  l'effroi. 

(VI,  p.  158.) 

Pleînte,  s.  fém.,  orthographe  de  Ronsard  pour  plainte 
{ei=ai).Ex.  :  (I,  p.  51.) 

Plombé,  part,  passé  du  yevhe  plomber,  employé  adjec- 
tivement :  lourd  comme  le  plomb.  Ex.  :  (I,  p.  46.) 

Plomber,  v.  trans.  (Nicot,  Littré),  au  sens  propre  : 
garnir  de  plomb,  au  figuré  :  frapper  à  coups  vio- 
lents et  réitérés.  En  ce  dernier  sens  employé  par 
Ronsard.  (I,  p.  1 3 1.) 


i82  Lexique 

Plombet,  s.  masc,  balle  de  plomb,  n'est  pas  cité  par 
Nicot,  innovation  de  Ronsard.  Ex.  : 

(VII,  p,  204.) 

Plumeux,  adj.  Ronsard  lui  attribuedeux  sens. 
1°  Couvert  de  plumes. 

...  plumeux  comme  un  oyseau.  (I,  p.  2^2.) 
Et  de  même  (III,  p.  306). 
2"  Garni  de  plumes. 

...  un  plumeux  aureiller.  (VI,  p.  70.) 

Play  eux,  adj.  quai.,  employé  par  Ronsard  pour  plu- 
vieux. 

Une  pluyeuse  tempeste.  (II,  p.  191.) 
De  même  (II,  p.  337). 
Il  emploie  aussi /?/uv/Vux.  (III,  p.  91.) 

y  Poignant,  part.  prés,  du  verbe  pomdre  (lat.  pungere), 
f       piguant,  bien  aigu,  au  sens  propre.  Il  n'est  plus 
usité  qu'au  figuré. 

De  leurs  aiguilles  poignantes.  (II,  p.  271.) 

Poinçonner,  v.  trans.,  employé  par  Ronsard  comme 
synonyme  de  poindre  (Nicot),  de  même  queespoin- 
çonner  est  synonyme  de  espoindre  (Nicot).  Ex.  : 
....  (VI,  p.  23.) 

Poinct  {en  ce),  expression  composée  à  laquelle  Ron- 
sard donne  la  valeur  de  l'adverbe  ûZ/w/ (m.  à  m.  dans 
cette  situation).  Ex.  : 

Des  maris  grecs  l'industrieuse  Heleine, 

L'aiguille  en  main,  retraçoit  les  combas; 

Dessus  ta  gaze  en  ce  poinct  tu  t'esbas 

Traçant  le  mal  duquel  ma  vie  est  pleine.  (I,  p.  118.) 

Poincture,  s.  fém.,  vieux  mot  dérivé  du  verbe  poin- 
dre :  piqûre  (Nicot,  Littré). 


DE  Ronsard.  i8j 

...  tu  sentiras  un  jour 
Combien  leur  poincture  est  amere.  (II,  p.  369.) 

Ronsard  l'écrit  aussi  Po/n/urg.  (I,  p.  200.) 

Pointe,  s.  fém.,  employé  par  Ronsard  au  sens  du 
grec  àxfxV),  dans  l'expression  :  la  pointe  de  notre 
%  (la  fleur).  Ex.  :  (III,  p.  118.) 

Poise,  ancienne  forme  de  la  3»  pers.  du  prés,  de 
l'ind.  de  peser. 

...  je  lui  feray  cognoistre 
A  coups  ferrez  combien  poise  ma  destre. 

(IV,  p.  iji.) 

Ronsard  emploie  d'ailleurs  l'infinitif  Poiser,  an- 
cienne orthographe  du  verbe  peser.  (V,  p.  1 18.) 

Poison,  s.  masc,  aujourd'hui,  est  presque  toujours 
féminin  au  seizième  siècle. 

Je  veux  charmer,  si  je  puis,  la  poison 

Dont  un  bel  œil  enchanta  ma  raison.  (î,  p.  109.) 

...  l'amoureuse  poison.  (I,  p.  168.) 

...  la  poison  amère.  (I,  p.  194.) 

Poisseux,  adj,,  couleur  de  la  poix,  épithète  que  Ron- 
sard applique  à  la  nuit,  picea  nox. 

...  Une  effroyable  nuit 
Cachant  la  mer  d'une  poisseuse  robe. 

(Fr.  II,  t.  m,  p.  93.) 
De  même:  (VI,  p.  40.) 
Poissonnier,  adj.  quai.,  qui  sert  à  la  pêche. 

Berteau  le  pescheur  s'est  noyé 

En  sa  nacelle  poissonnière...  (VI,  p.  408.) 

PoHot,  s.  masc,  pour  Podiot,  nom  vulgaire  d'une 
espèce  de  menthe. 

Ni  cannes  ni  roseaux  ne  bordent  ton  rivage, 

Mais  le  gay  poliot,  des  bergères  amy...  (I,  p.  359,) 


184  Lexique 

Poilu  (lat.  pollutus;  part,  de  polluer  e),  souillé,  profané. 
Vous  dites  que  des  corps  les  amours  sont  pollues. 

(Sonnets  pour  Hélène,  L,  t.  I,  p.  308.) 

Pommeler,  v.  intrans.,  employé  par  Ronsard  dans  le 
sens  de  :  s'arrondir  en  forme  de  pommes. 

Vous  avez  les  tetins  comme  deux  monts  de  lait 
Qui  pommelent  ainsi  qu'au  printemps  nouvelet 
Pommelent  deux  boutons.  (I,  p.  148.) 

De  là  l'adjectif  Pommelu  :  arrondi  en  forme  de 
pomme. 

Pein  son  menton  au  milieu  fosselu 

Et  que  le  bout,  en  rondeur  pommelu, 

Soit  tout  ainsi  que  l'on  voit  apparoistre 

Le  bout  d'un  coing  qui  ja  commence  a  croistre. 

(I,  p-«3r) 

Pommeux,  adj.  quai.,  employé  par  Ronsard  pour  si- 
gnifier :  dont  le  fruit  est  semblable  à  la  pomme. 

Ou  secouer  le  fruit  d'un  pommeux  arbrisseau. 

(VI,  p.  jo.) 
...  le  pied  des  pommeux  orangers.  (V,  p.  19$.) 

Pompe;  s.  fém.,  ostentation. 
Je  defens  qu'on  ne  rompe 
Le  marbre  pour  la  pompe 
De  vouloir  mon  tombean 
Bastir  plus  beau.  (II,  p.  249.) 

Pomper,  v.  intrans.,  employé  par  Ronsard  dans  le 
sens  de  :  rendre  pompeux,  parer,  orner. 
Quand  les  forests,  les  plaines  et  les  fleuves, 
Tertres  et  bois,  vestus  de  robes  neuves. 
Enorgueillis  de  cent  mille  couleurs, 
Pompent  leur  sein  d'un  riche  émail  de  fleurs. 

(III,  p.  160.) 

Pompon,  s.  masc,  «  espèce  de  melon  blanc,  fort 
commun  en  Espagne  »  (Trévoux).  On  disait  aussi 
Pepons  (Nicot). 


DE  Ronsard.  i8s 

Achète  des  abricôs, 

Des  pompons,  des  artichôs.  (II,  p.  163.) 

Populace j  s.  fém.  aujourd'hui,  est  masculin  dans 
Ronsard.  Ex.  :  (VI,  p.  259.) 

Portaux,  s.  masc,  ancienne  forme  du  pluriel  de  por- 
tail (Nicot).  Ex.  :  (III,  p.  120  et  293.) 

Porte,  préfixe  tiré  du  verbe  porter,  3*  pers.  sing. 
prés,  ind.,  employé  par  Ronsard  dans  la  formation 
d'un  certain  nombre  de  mots  composés. 

Porte-brandon,  adj.  composé,  créé  par  Ronsard  qui  en 
fait  l'épithète  de  l'Amour  par  allusion  à  la  torche 
emblématique  que  les  poètes,  les  peintres  et  les  sculp- 
teurs attribuent  à  ce  dieu.  (Fr.,  Il,  t.  III,  p.  1 18.) 

Porte-ciel,  ad},  composé,  créé  par  Ronsard  qui  l'ap- 
plique au  géant  Atlas  qui  portait,  selon  la  mytholo- 
gie, le  ciel  sur  ses  épaules. 
Atlas  porte-ciel.  (V,  p.  276.) 

Porte-couronnes,  adj.  composé,  créé  par  Ronsard.  Il 
dit  en  parlant  de  la  Fortune  : 

Elle  renverse  à  bas  les  Roys  porte-couronnes. 

(VI,  p.  m8.) 

Porte-épy,  adj.  composé,  créé  par  Ronsard  qui  l'ap- 
plique à  la  lavande  (lat.  spica  nardï). 
L'aspic  porte-épy. 

(Am.,  II,  Voyage  de  Tours,  t.  I,  p.  190.) 

Porte-espée,  nom  composé  formé  par  Ronsard. 

Tu  as  ton  connestable  Anne  Montmorency, 
Ton  Mars,  ton  porte-espée.  (V,  p.  73.) 

Porte-flame,  adj.  composé,  créé  par  Ronsard,  épi- 
thète  qu'il  applique  à  la  canicule. 

...  quand  la  porte-flame, 
La  chienne  du  ciel,  enflame 
Le  monde  de  toutes  parts.  (Odes,  v,  XII,  t.  II, p.  346.) 


î86  Lexique 

Porte-fléau,  adj.  composé,  créé  par  Ronsard  pour 
traduire  le  grec  [xaaTiyoïpoçoç. 

Ajax  porte-fléau.  (Œuvres  inédites,  î.  VIll,  p.  ijo.)^ 

Porte-laine,  adj.  composé,  créé  par  Ronsard  et  appli- 
qué aux  moutons. 

Troupeau  porte-laine.  (Ed.,  i,  t.  IV,  p.  19.) 

Porte-lance,  adj.  composé,  créé  par  Ronsard.  Épithète 
de  Bacchus  :  qui  porte  le  thyrse,  sorte  de  lance 
enguirlandée  de  pampre. 

Le  bon  Bacchus  porte-lance.  (VI,  p.  390.) 

Porte-maisons,  adj.  composé,  créé  par  Ronsard.  Épi- 
thète de  nature  appliquée  au  colimaçon. 
Le  limas  porte-maisons.  (VI,  p.  71.) 

Porte-proye,  adj.  composé,  créé  par  Ronsard  :  il  dit 
en  parlant  des  fourmis  transformées  en  hommes  : 
Leur  dos  porte-proye.  (Boc.  Roy.,  t.  III,  p.  3J4.) 

Portendre,  v.  trans.  {ht.  portendere),  présager.  Ron^- 
sard  n'a  employé  qu'une  fois  ce  verbe  qu'il  a  créé 
sur  le  latin,  à  l'imparfait  de  l'indicatif. 
Voulant  savoir,  du  songe  tout  esmeu. 
Que  portendoit  ce  grand  fantaume  veu. 

(Fr.,  IV,  t.  III,  p.  218.) 

Portraire  ou  Pourtraire,  vieux  mot  (Palsgrave,  Nicot, 
Littré)  :  représenter  par  le  dessin,  la  gravure,  etc. 
Ex.  : 

...  un  vaisseau  fait  au  tour, 


Où  maintes  choses  sont  diversement  portraites. 

(I,p.  12.) 

Ronsard  lui  attribue  aussi  le  sens  de  :  orné  de 
peintures,  décoré,  peint. 

Que  son  plancher  ne  soit  lambrissé  ny  doré 

Ni  pourtraict  de  tableaux  que  le  vulgaire  admire. 

(V,  p.   J20.) 


I 


DE  Ronsard.  187 

De  là  l'emploi  de  l'ancien  substantif  PourtraiC' 
ture.  (IV,  p.  399.) 

Poster,  V.  intrans.,  ancien  mot  dérivé  de  poste,  aller 
la  poste,  «  courir,  aller  ça  et  là  en  diligence» ,  déjà 
signalé  par  Trévoux  comme  usité  par  la  populace, 
subsiste  encore  avec  le  même  sens  dans  la  langue 
populaire. 

Poste,  dit-il,  marche,  fuy.  (II,  p.  321.) 

Poulcer,  V.  trans.  Ronsard  l'écrit  ainsi  parce  qu'il  le 
dérive  de  Poulce  (pouce),  et  lui  attribue  le  sens  de  : 
faire  vibrer  à  l'aide  du  pouce.  Nicot  donne  PouUer 
(lat.  pulsaré),  qui  serait  peut-être  préférable. 

(Les  Muses)...  m'apprindrent  leurs  mestiers, 
A  bien  faire  des  vers,  à  bien  poulcer  la  lyre. 

(m,  p.  372.) 

Poupel'm,  s.  masc,  pour  poupon. 

...  mon  petit  poupelin.  (III,  p.  426.) 

Poupeliner,  v.  trans.,  bercer,  caresser  comme  un  en- 
fant berce  et  caresse  sa  poupée.  Ex.  :  (VI,  p.  396.) 

Poupine,  s.  fém.,  pour  poupée.  (Nicot,  Trévoux, 
Littré.)Ex.  :  (VI,  p.  391.) 

Pouppîer,  ad].,  innovation  de  Ronsard  qui  l'applique 
au  vent,  qui  prend  le  navire  en  poupe,  favorable. 

Le  vent  en  ma  faveur,  qui  pouppier  se  reveille, 
Me  poussa  de  Milete  aux  rives  de  Marseille. 

(Boc.  Roy.,  t.  III,  p.  298.) 

Pourfiler,  v.  trans.,  comme  Porfiler  (les  deux  dans 
Nicot),  broder.  Ex.  :  (III,  p.  158.) 

Pourperet,  allongement  de  Pourpret,  diminutif  de 
pourpre.  Cf.  Pourprin. 

...  la  rose  pourperette.  (II,  p.  342.) 


i88  Lexique 

Pourprîn,  adj.  quai.  Ronsard  l'emploie  concurremment 
avec  pourperet,  pourperê,  pourpre,  pourpré. 

...  pourprine  rose.  (II,  p.  342.) 
...  ses  lèvres  pourperées.  (II,  p.  345.) 
...  devant  un  sénat  pourpré.  (II,  p.  357.) 
...  la  rose  pourperette.  (II,  p.  342.) 

Pourprls,  s.  masc,  vieux  mot  appartenant  à  l'ancienne 
langue  :  habitation,  enclos  {conseptum). 

...  la  demeure 
Où  les  heureux  esprits 
Ont  leur  pourpris.  (Odes,  iv,  IV,  t.  II,  p.  2J2.) 

De  même  :  (VII,  p.  277.) 

Pourtraire,  Pourtraicture.  (V.  Portraire.) 

Pousser,  v.  trans.  Ronsard  l'emploie  dans  le  sens  du 
latin  depelkre,  deturbare,  chasser,  précipiter  de... 
Ex.  :  En  parlant  de  l'inconstance  de  la  Fortune. 
Cadme  sentit  bien  sa  secousse 
Et  de  quel  tonnerre  elle  pousse 
Les  grands  princes  de  leurs  honneurs.  (II,  p.  37.) 

Pousse-terre,  adj.  composé,  créé  par  Ronsard  et  em- 
ployé substantivement  comme  épithète  de  Nep- 
tune :  pousse-terre  (qui  remue,  qui  ébranle  la  terre). 

(III,  p.  528.) 

Poussînîère,  s.  fém.  Nom  populaire  delà  constellation 
des  Pléiades  (Trévoux).  Ex.  :  (VI,  p.  408.) 

Poutre,  s.  fém.,  vieux  mot  :  jument  (lat.  pullitrum). 

...  les  poutres  hennissantes.  (I,  p.  214.) 

Pourquoy,  comme  une  jeune  poutre 

De  travers  guignes-tu  vers  moy?  (II,  p.  288.) 

On  écrivait  aussi  Poultre. 

Préau,  s.  masc.  (lat.  pratulum),  petit  pré  (Nicot). 
Ex.  :  (II,  p.  44e.) 


1 


DE  Ronsard.  189 

Prédicant,  s.  masc,  »  terme  de  mépris  sous  lequel 
on  désigne  les  ministres  de  la  Religion  Réformée  » 
(Trévoux).  Ex.  :  (VII,  p.  85,  86  et  87.) 

Ronsard  en  dérive  le  péjoratif  :  Prédicantereau, 
s.  masc.  (VII,  p.  86.) 

Prée,  s.  fém.,  vieux  mot  '{Roman  de  la  Rose,  Pals- 
grave,  Nicot). 

lo,  voicy  la  prée  verdelette.  (I,  p.  92.) 

Premier,  adv.,  signifiait  pour  la  première  fois  (Nicot, 
Littré). 

Engendra  les  ayeux  dont  est  sorty  le  père 
Par  qui  premier  je  vy  ceste  belle  lumière. 

(IV,  p.  297-) 

Présagieux,  adj.  quai.,  qui  porte  avec  soi  un  présage 
de  malheur.  (III,  p.  277.) 

Avant  sa  mort  les  feux  présagieux 

Le  tremble-terre  et  les  foudres  des  deux 

Esbranleront  sa  royale  demeure.  (III,  p.  232.) 

(Une  comète)  va  signant  les  cieux 

De  cheveux  rougissants  d'un  feu  présagieux. 

(III,  p.  277.) 

Presse,  s.  fém.,  «  vieux  mot,  peine,  affliction,  persé- 
cution (Gloss.  sur  Marot),  Trévoux  » .   Ronsard 
l'emploie  dans  le  sens  atténué  de  insistance. 
Je  ne  vous  seray  plus,  d'une  importune  presse, 
Fascheux  comme  je  suis.  (I,  p.  299.) 

Presse  sur  presse,  expression  composée  formée  du  mot 
Presse,  pris  au  sens  de  foule,  multitude  de  person- 
nes ou  d'objets  qui  se  pressent,  se  serrent  les  uns 
contre  les  autres,  de  là  le  sens  de  cette  expres- 
sion :  sans  intervalles. 

En  longs  cheveux  ornez  presse  sur  presse 

De  chaisnes  d'or  et  de  carquans  gravez.  (III, p.  24J.) 

.Pressouerj  ancienne  fofme  du  mot  pressoir  (Littré, 


190  L  E  X  I  Q.U  E 

Roman  de  la  Rose,  Paisgrave),  comme  Mîroer  et 
Mirouer  pour  miroir  (v.  ce  mot). 

Et  tous  les  ans  il  voirra  sur  l'autonne 

Bacchus  luy  rire,  et  plus  que  ses  voisins 

Dans  son  pressouer  gennera  de  raisins.  (III,  p.  406.) 

Preste,  fém.  de  l'adj.  prêt,  employé  par  Ronsard  dans 
le  sens  très  restreint  de  :  qui  appartient  à,  qui  est 
au  pouvoir,  à  la  disposition  de  quelqu'un. 

Gaignons  ce  jour  icy,  trompons  nostre  trespas  ; 
Peut-estre  que  demain  nous  ne  reboirons  pas. 
S'attendre  au  lendemain  n'est  pas  chose  trop  preste. 
(1,  p.  159.  Variante  de  1^84.) 

Printaner,  v.  intrans.  (en  parlant  de  la  nature),  revê- 
tir sa  robe  de  printemps,  se  couvrir  de  verdure. 
Ex.  :  (I,  p.  116.) 

Proesme,  s.  masc,  très  ancien  mot,  dérivé  deproxi- 
mus  :  prochain  (Nicot).  Un  exemple  :  (VI,  p.  179.) 

Prothenotaîre  et  Protonotaire,  s.  masc.  Protonotaire 
est  seul  mdiqué  par  Nicot  et  semble  avoir  été  seul 
usité.  Prothenotaire  est  de  l'invention  de  Ronsard, 

3ui  d'ailleurs  a  employé  aussi  Protonotaire  :  officier 
e  la  cour  de  Rome  ayant  un  degré  de  prééminence 
sur  tous  les  notaires  ae  la  même  cour,  et  qui  reçoit 
et  expédie  les  actes  des  consistoires  publics.  Ex.  : 
(II,  p.  423,  Protonotaire,  et  III,  p.  401,  Protheno- 
taire.) 

Preud' homme,  forme  ancienne  du  mot  prud'homme. 
On  voit  par  l'emploi  au'en  fait  Ronsard  qu'il  le  rat- 
tache à  la  racine  prudens  homo. 

...  ce  preud'homme, 
Fin  artisan  de  cauteleux  moyens.  (III,  p.  194-19J.) 

Prime,  adj.  (lat.  primus),  premier,  vieux  mot  (Littré, 
Nicot).    ' 


DE  Ronsard.  191 

PoHux,  vaillant  à  l'escrime, 

Et  son  frère,  qu'on  loûra 

Pour  des  chevaliers  le  prime.  (H,  p.  2}}.) 

La  volupté  sur  toutes  doucereuse 

C'est  en  amour  cueillir  la  prime  fleur, 

Non  un  bouton  qui  n'a  plus  de  couleur.  (III,  p.  i8i.) 

De  là  le  sens  figuré  :  qui  vient  de  se  former,  fin, 
délié,  que  Nicot  traduit  par  tenais. 

Ce  Francion  avait  un  beau  menton, 
Crespu  de  soye  et  pareil  au  coton 
Prime  et  douillet,  dent  le  fruitier  autonne 
La  peau  des  coings  blondement  environne. 

(III,  p.  i6l.) 

Prime,  s.  fém.,  jeu  de  cartes  fort  en  vogue  au  sei- 
zième siècle  et  qui  se  jouait  avec  quatre  cartes. 
«  Jeu  de  cartes  où  Ton  oste  les  huicts,  les  neufs  et 
les  dix,  oij  les  testes  valent  moins,  et  le  sept  plus  ; 
le  flus  est  de  quatre  semblables,  et  prime  de  quatre 
différentes  ;  et  permis  est  de  faire  vade,  tant  que 
l'on  aye  ce  que  Ton  désire.  »  (Note  de  CI.  Garnier.) 

Je  cherche  compagnie,  ou  je  joue  à  la  prime. 

(VII,  p.  113.) 

Prindrent,  ancienne  forme  de  la  3*  pers.  plur.,  passé 
défini  de  prendre  :  prirent. 

Ces  mains,  ceste  bouche  et  ce  front. 
Qui  prindrent  mon  cueur.  (I,  p.  234.) 

Printine,  s.  fém.  Nom  de  Nymphe  de  l'invention  de 
Ronsard.  (VI,  p.  139.) 

Privément,  adv.,  vieux  mot  (Littré,  Nicot),  d'une 
manière  privée,  familière,  familièrement. 

Plus  privément,  en  imitant  l'exemple 

Des  amoureux,  tu  me  diras  ton  soin.  (III,  p.  197.) 

Probosce,  s.  fém.  (gr.  irpoêocTxt;),  trompe  de  l'éléphant, 
subsiste  dans  le  dérivé  Proboscidien. 


192  Lexiq_ue 

Mocgueurs,  causeurs,  escornifîeurs  de  tables, 
Qui  bien  repeus,  autant  de  nez  te  font 
Qu'a  de  probosce  un  vieil  Rhinoceront... 

(Eleg.,  XXXII,  t.  IV,  p.  3J2.) 

Pront,  fém.,  Pronte,  adj.qual.,  orthographe  italienne 
(pronto)  du  mot  prompt. 

Qui  voudra  voir  une  jeunesse  pronte 

A  suivre  en  vain  l'objet  de  son  malheur.  (I,  p.  i .) 

Pronube,  adj.  fém.  C'est  l'épithète  himtpronuba  (qui 
préside  au  mariage),  appliquée  à  Junon. 

La  pronube  Junon.  (Boc.  Roy.,  t.  III,  p.  430.) 

Province,  s.  fém.,  pris  dans  le  sens  très  particulier  de: 
patrie,  pays  natal. 

...  mais,  puisqu'il  faut  mourir, 

Donne-moy  que  soudain  je  te  puisse  encourir, 

Ou  pour  l'honneur  de  Dieu  ou  pour  servir  mon  prince, 

Navré,  poitrine  ouverte,  au  bord  de  ma  province  ! 

(V,  p.  249.) 
(C'est-à-dire  aux  frontières  de  mon  pays.) 

Pucelette,  s.  fém.,  diminutif  de  pucelle,  antérieur  à 
Ronsard. 

Une  jeune  pucelette.  (VI,  p.  353.) 

Pucelle,  s.  fém.,  diminutif  de  puce,  créé  par  Ron- 
sard. (I,  p.  61.) 

Puissant,  construit  avec  la  préposition  de  et  un  infini- 
tif complément,  construction  rare  (Littré  :  ex.  de 
Pascal)  :  qui  a  le  pouvoir  de. 

0  déesse  puissante 

De  pouvoir  secourir 

La  vierge  languissante 

Déjà  preste  à  mourir.  (II,  p.  2 $6.) 

Purger,  v.  trans.  {pur gare),  nettoyer,  purifier. 

Le  dix-septième  siècle  l'emploiera  encore  dans 
l'expression  :  purger  les  passions. 


J 


DE  Ronsard.  193 

Ronsard  l'employait  dans  le  même  sens  en  par- 
lant de  l'âme  : 

...  aux  enfers,  comme  un  songe  léger 

Elle  devalle,  afin  de  se  purger 

Et  nettoyer  la  macule  imprimée 

Qu'elle  receut  dans  le  corps  renfermée.  (III,  p.  222.) 

Putaîn,  s.  fém.,  opposé  à  chemise  (d'homme)  :  vête- 
ment de  dessous  que  portaient  les  femmes  de  mau- 
vaise vie  (?).  (VII,  p.  306.) 

Pyralîde,  bête  à  lacjuelle  on  attribue  ainsi  qu'à  la  sa- 
lamandre la  propriété  de  vivre  dans  le  feu. 

Muret  dans  son  commentaire  en  donne  la  défini- 
tion suivante  :  <  Pyralides  sont  petites  bestes  vo- 
lantes qui  ont  quatre  pieds  et  se  trouvent  en  l'isle 
<le  Cypre,  ayant  telle  nature  qu'elles  vivent  dans  le 
feu  et  meurent  dès  qu'elles  s'en  esloignent  un  peu 
trop.  ï  Nicot  a  emprunté  à  Muret  cette  définition. 
Sans  vivre  en  toi  je  tomberois  là-bas  (aux  enfers). 
La  pyralide  en  ce  poinct  ne  vit  pas 
Perdant  sa  flamme  et  le  dauphin  son  onde. 

(Am.,  I,  p.  138.) 


Quadrelle,  s.  fém.  C'est  le  substantif  italien  qnadrello, 
flèche,  dard,  carreau.  Ronsard  n'offre  qu'un  exem- 
ple de  ce  mot,  qui  d'ailleurs  n'a  pas  pris  racine  dans 
notre  langue. 

Amour,  tu  semble  au  phalange  qui  point 

Luy  de  sa  queue,  et  toy  de  ta  quadrelle.  (I,  p.  39J.) 

Quant,  vieux  mot,  féminin  Quanta  :  combien  de. 
Dy  quantes  fois  le  jour,  lamentant  ma  misère, 
T'ay-je  fait  souspirer.  (I,  p.  359.) 

Ux.  Ronsard.  \ } 


194  Lexique 

Querelle,  s.  fém.  (lat.  querela). 
i"  Plainte. 
Ainsy  se  plainct,  d'une  longue  querelle, 
Par  les  forests  la  veuve  tourterelle. 

(Œuvres  inédites,  VIII,  p.  I2j.) 
2*  Cri  plaintif. 
Vous,  gressets,  qui  servez  aux  charmes,  comme  on  dit, 
Criez  en  autre  part  vostre  antique  querelle. 

5°  Dispute. 
La  contentieuse  querelle 
De  Minerve  et  du  Cronien  (Neptune). 

(Odes,i,  X,  t.  II,  p.  7s.) 

Querre,  ancien  infinitif  de  Quérir,  antérieur  à  celui-ci 
comme  Courre  pour  Courir  (Littré).  Ex.  : 

(n,p-i73-) 

Quesse,  s.  fém.  (Nicot),  caisse.  Nicot  :  «  Quesse, 
qu'on  deust  escrire  Quaisse,  tout  ainsi  que  le  Lan- 
guedoc qui  le  prononce  Caisse,  comme  estant  fait 
de  ce  mot  Capsa.  t>  Ex.  :  (III,  p.  176.) 

Queste  (Nicot,  Littré),  s.  fém.,  peut  avoir  deux 
acceptions. 

r  Sens  actif,  action  de  chercher. 

Au  poinct  du  jour,  comme  il  alloit  en  queste. 

(III,  p.  152.) 

2"  Sens  passif  :  la  chose  quêtée,  la  proie. 
Sans  y  penser  te  surprendra 
Comme  une  jeune  et  tendre  queste.  (I,  p.  43J-436.) 

Quiers  (je),  r"  pers.  de  Tind.  prés,  de  Querre  ou 
Quérir.  Ex.  :  (II,  p.  233.) 

Quis,  fém.,  Quise,  participe  passé  de  l'ancien  verbe 
Querre  ou  Quérir.  Ex.  :  (II,  p.  141.) 

Quitter,  v.  trans.,  au  sens  ancien  :  céder,  abandonner 
(Nicot,  Littré).  Ex.  :  (I,  p.  384,  et  III,  p.  24J.) 


DE   Ronsard.  195 


Rabas,  s.  masc.  pi.,  au  singulier  Rabat.  Claude  Garnier 

dans  son  commentaire  des  Discours  l'explique  ainsi  : 

«  Rabat  est  un  mot  de  Touraine  qui  veut  dire  un 

esprit  qui  raude  et  va  de  nuict,  »   Revenant.  Ex.  : 

Tu  as  veu  les  rabas  encore  mieux  que  moy. 

(VII,  p.  100.) 

Trévoux  :  «  Rabat...  lutin,  esprit  qui  revient  la 
nuit  et  qui  fait  du  bruit  dans  la  maison.  Larva,  Lé- 
mures. Rabelais  parle  de  la  momerie  des  Rabas  et 
des  Lutins.  » 

Racler,  v.  trans.  (Nicot),  employé  au  figuré  par  Ron- 
sard :  effacer.  Ex.  :  (II,  p.  58  et  349.) 

Radoté,  s.  masc,  pour  radoteur  (Littré).  Un  seul 
exemple  chez  Ronsard  :  (III,  p.  124.) 

Radouber,  v.  trans.,  terme  de  marine  :  réparer  un 
navire.  Ronsard  l'emploie  avec  une  acception  plus 
générale  :  réparer,  recoudre.  Ex.  : 

L'autre  jour  que  j'estois  assis  près  d'un  ruisseau. 
Radoubant  ma  musette  avecques  mon  alesne. 

(IV,  p.  ij.) 

Radresse,  pour  redresse,  3*  pers.  du  sing.  du  prés,  de 
l'ind.  de  redresser  :  dans  le  sens  de  corriger.  Ex.  : 

(II,  p.  179.) 

Raffriandé,  mot  composé  par  Ronsard  du  simple  : 
aff'riandé.  Ex.  :  (I,  p.  94.) 

Raillard,  adj.  quai.  (Nicot),  ou  railleur  (N.). 
L'un  la  satyre  et  l'autre  plus  gaillard 
Nous  sallera  l'épigramme  raillard.  (VI,  p.  45.) 


196  Lexique 

Rais,  s.  masc.  (lat.  radius),  vieux  mot  :  rayon. 
Comme  un  beau  lis,  au  mois  de  juin,  blessé 
D'un  rais  trop  chaud,  languit  a  chef  baissé.  (I,  p.  j6.) 

Raknter.  (V.  Alenter.) 

Rama^er,  adj.  quai.,  innovation  de  Ronsard  :  qui  a 
un  joli  ramage. 

Rossignols  ramagers,  qui  d'un  plaisant  langage 
Nuict  et  jour  rechantez  vos  versets  amoureux. 

(Sonnets  pour  Hélène,  u,  XLIII,  t.  I,  p.  I4.) 

Ramé,  adj.  quai.,  vieux  mot.  {Roman  de  la  Rose.) 
1°  Garni  de  branches. 

...il  veit,  par  cas  d'aventure, 
Sur  un  arbre  Amour  emplumé, 
Qui  Yoloit  par  le  bois  ramé 
Sur  l'une  et  sur  l'autre  verdure.  (I,  p.  43 j.) 

2°  Ronsard  lui  attribue  le  sens  de  :  garni  de 
rames.  Ex.  : 

Les  nobles  fils  des  dieux  dans  Argon  enfermés 
Quittant  le  double  rang  de  leurs  sièges  rames 
D'une  ancre  au  bec  crochu  la  gallere  arresterent. 

(V,  p.  20.) 

Ramée,  s.  fém.  abstrait,  employé  au  pluriel. 

Tant  que  les  cerfs  aimeront  les  ramées.  (I,  p.  jo.) 

Ramentoive,  prés,  du  subj.  du  vieux  verbe  ramentevoir 
(Palsgrave,  Nicot),  v.  trans.  Rappeler  à  la  mémoire, 
taire  souvenir. 

...  je  ne  voy  fleur,  ni  herbe,  ni  bouton. 
Qui  ne  me  ramentoive  ores  ton  beau  teton, 
Et  ores  tes  beaux  yeux.  (IV,  p.  2j2.) 

Rameux,  adj.  quai.,  formé  par  Ronsard  :  qui  se  divise 
en  plusieurs  rameaux. 

..ses  cornes  rameuses.  (IV,  p.  10.) 

Rampé,  part,  passé  du>v.  intr.  ramper  (Nicot,  Littré), 


DE  Ronsard.  197 

employé  par  Ronsard  comme  adjectif.  (III,  p.  29$.) 

Ranc,  s.  masc,  orthographe  de  Ronsard  pour  rang, 
à  cause  de  la  prononciation  dure  du  g  devant  une 
voyelle. 

...  l'autre  pend  au  mas 
A  double  ranc  des  aisles  bien  venteuses.  (III,  p.  62.) 

Rancueur,  s.  fém.,  vieux  mot.  (Roman  de  Troye, 
Littré.)  Se  trouve  encore  dans  Régnier  et  Mal- 
herbe, rancune,  haine  invétérée. 

Dans  l'estomac  jette  luy  la  rancueur, 

Le  désespoir,  la  fureur  et  la  rage.  (III,  p.  i8j.) 

Rang  (de),  expression  ancienne,  l'un  après  l'autre,  à 
la  file  (Nicot). 

Le  faucheur,  à  grand  tour  de  bras, 

Du  matin  jusqu'à  la  serée, 

De  rang  ne  fait  tomber  à  bas 

Tant  d'herbes  cheutes  sur  la  prée.  (II,  p.  201.) 

Autres  de  rang  sur  la  place  apportoient 

Tapis  ouvrez.  (III,  p.  115.) 

Rase-terre,  adj.  composé,  innovation  de  Ronsard. 
...  le  vent  rase-terre.  (VII,  p.  119.) 

Rasteau  (lat.  rastellus).  Ronsard  l'emploie  au  sens  du 
dérivé  râtelier. 

...  Francus  entra  dans  le  chasteau, 
Son  javelot  posa  contre  un  rasteau, 
Où  mainte  pique  en  son  long  estendue 
Contre  le  mur  au  croc  estoit  pendue.  (III,  p.  115.) 

Ratepenade,  s.  fém.  (Nicot),  ou  ratepennade  (Tré- 
voux, Littré),  ancien  dérivé  de  rate,  fém.  de  rat  et 
du  lat.  pennatus,  ailé,  ou  encore  ratepelade  (de  rate 
et  de  pelé,  sans  poil)  :  sont  encore  usités  comme 
nom  vulgaire  de  la  chauve-souris  dans  le  midi  de  la 
France.  Ronsard  n'a  employé  que  la  forme  ratepe- 
nade, pour  désigner  par  dérision  la  figure  glabre  des 


198  Lexiq^ue 

mignons  de  Henri  III  et  railler  leur  manie  de  s'épi- 
1er.  (VII,  p.  306.) 

Ravageux,  adj.  quai.,  innovation  de  Ronsard.  Ex.  : 

(IV,  p.  79-) 

Rayeur,  s.  fém.,  formé  par  Ronsard  sur  le  mot  rais, 
rayon.  Il  ne  l'emploie  qu'une  fois  pour  signifier 
l'éclat  et  la  lueur  des  armes. 

Voyant  du  fer  la  rayeur.  (II,  p.  90.) 

Réaume,  s.  masc,  vieux  mot  antérieur  à  royaume. 
Et  cependant  ta  finesse  icy  laisse 
Un  réaume  acquis.  (Poèmes,  I,  t.  VI,  p.  78.) 

Rebat,.  s.  masc.  (Nicot,  Trévoux),  était  synonyme  de 
rebattement,  répercussion.  Ronsard  emploie  rebat, 
avec  le  sens  de  reflet. >Ex.  :  (III,  p.  73.) 

Rebeu  {eu  =  u),  part,  passé  du  verbe  reboire  (Nicot, 
Trévoux,  Littré)  :  boire  de  nouveau,  boire  à  plu- 
sieurs reprises.  Ex.  :  (II,  p.  208.) 

Re-blesser,  v.  trans.,  composé  par  Ronsard  :  blesser 
de  nouveau.  (VII,  p.  22.) 

Rebobiné,  part,  passé  du  verbe  rebobiner,  abréviation 
de  rebooeliner  (Nicot),  ou  rabobeliner  (Cotgrave)  : 
raccommoder,  rapetasser  (Trévoux,  Littré).  Ex.  : 

(VI,  p.  74-) 

Reboute,  allongement  de  u  en  ou  de  rebute,  3*  pers. 
sing.  du  prés.  ind.  de  rebuter.  Ex.  :  (I,  p.  15.) 

Rebras,  s.  masc,  vieux  mot  qui  signifiait  autrefois  le 
rebord,  le  repli  de  quelque  habit  (Nicot,  Trévoux, 
Littré). 

Un  bouclier  à  sept  rebras.  (II,  p.  166.) 
Une  toque  à  rebras.  (VII,  p.  117.) 
De  là  le   verbe  aujourd'hui   disparu  :   rebrasser 


DE  Ronsard.  199 

(retrousser).  On  disait  :  rebrasser  ses  manches,  son 
chapeau. 

Rebruire.  (V.  Bruire.) 

Recamé,  part,  passé  du  verbe  reV^m^r  (esp.  recamar), 

terme  technique  (Littré)  :  broder.  Deux  exemples  : 

(I,  p.  229,  et  VI,  p.  182.) 

Rechante  tes  vers  :  «  défais  les  charmes  que  tu  as  faits 
contre  moy.  »  (Richelet.)  Ex.  :  (II,  p.  21 1.) 

Recontre-balancer,  v.  trans.,  composé  par  Ronsard, 
qui  lui  attribue  le  sens  de  :  donner  en  échange,  re- 
compenser. 

Et  certes  un  tel  serviteur 

Mérite  que  ta  main  royale 

Recontre-balance  un  grand  heur 

A  sa  diligence  royale.  (II,  p.  36.) 

Recorder,  v.  trans.,  vieux  mot  :  rappeler,  chercher  à 
se  souvenir  (Nicot,  lat.  recordarï).  Marot  offre  en- 
core un  exemple  du  vieux  mot  record,  souvenir.  Le 
verbe  recorder  subsiste,  ainsi  que  le  réfléchi  se  recor- 
der :  mais  ils  sont  peu  usités. 

Tout  mon  art  je  recordois 

A  cet  enfant  pour  l'apprendre.  (II,  p.  360.) 

Recoursant  et  Recoursé,  pour  retroussant,  retroussé, 
ne  sont  pas  dans  Nicot.  Ex.  : 

(I,  p.  53,  et  VI,  p.  87.) 

Le  mot  recourser  semble  être  pour  racourser, 
dérivé  de  racour  (Trévoux),  terme  technique  qui  se 
disait  des  étoffes  de  laine  raccourcies  par  la  tein- 
ture :  racour  =  diminution  de  longueur. 

Recru,  fém.  recrue,  part,  passé  du  vieux  verbe  re- 
croire, s'avouer  vamcu.  On  a  dit  ensuite  au  figuré 
recru  pour  signifier  harassé,   excédé    de   fatigue 


200  Lexiclue 

(Nicot,  Roman  de  la  Rose,  Rabelais,  Nicot,  Littré, 
encore  un  exemple  de  Vaugelas). 

Et  vous,  ses  sœurs,  qui  recrues 

D'avoir  trop  mené  le  bal 

Toute  nuict  vous  baignez  nues.  (II,  p.  203.) 

Il  a  le  sens  de  tué,  englouti  par  les  flots,  dans  un 
autre  passage  :  (III,  p.  ici.) 

Reflot,  s.  masc,  dérivé  de  flot  par  analogie  avec  reflux 
dérivé  de  flux.  Au  figuré  :  les  crespes  reflos  d'une 
chevelure.  (II,  p.  344.) 

Refrizé  pour  Refrisé,  part,  passé  du  verbe  refrîser; 
au  sens  propre  :  friser  de  nouveau  ;  au  figuré  dans 
Ronsarcl  pour  exprimer  l'entrelacement  des  rameaux 
de  la  vigne  et  du  lierre.  (VII,  p.  241 .) 

Re-fu,  r'pers.  du  parf.  déf.  de  être  que  Ronsard  fait 
précéder  du  préfixe  re  pour  signifier  :  je  fus  de  nou- 
veau. Ex.  :  (l,  p.  92.) 

Regard,  s.  masc,  employé  avec  le  sens  de  spectacle, 
chose  à  voir. 

...  Il  attache  de  rang 
(Piteux  regard  !)  pour  parades  aux  festes 
De  ses  portaux  les  misérables  testes.  (III,  p.  120.) 

Regringoté,  part,  passé  du  verbe  regringoter,  formé 
par  Ronsard  du  verbe  gringotter,  fredonner,  •  se 
disait  par  extension  des  hommes  qui  fredonnent 
mal  ».  (Trévoux.) 

Je  dirois  la  grand'  messe,  et  le  temple  voûté 
Retentiroit  dessous  mon  chant  regringoté. 

(VII,  p.  99) 

Reguelice,  s.  fém.,  orthographe  de  Ronsard  pour  re- 
gUsse  (Nicot,  Littré)  et  ragalisse  (Nicot).  (Ex.  : 

[IV,  p.  88.) 

Re'jettonner,  v.  intrans.,  produire  des  rejetons. 

Et  re-jettonne  en  branches  davantage.  (III,  p.  335.) 


DE  Ronsard.  20I 

Relent,  ordinairement  substantif,  est  adjectif  dans 
Ronsard  :  qui  a  une  odeur  de  relent.  Ex.  : 

(III,  p.  ii6.) 

Remascher,  v.  trans.  (Nicot,  Littré,  Acad.),  au 
figuré  :  repasser  dans  son  esprit,  ruminer. 

Icy  cestuy  de  la  sage  nature 

Les  faits  divers  remasche  en  y  pensant.  (II,  p.  224.) 

Rembuscher,  s.  masc,  rentrée  du  cerf  ou  de  toute 
autre  bête  dans  son  fort.  On  disait  aussi  le  rem- 
buschement.  I,  255.  V.  Vénerie. 

Ronsard  tire  ce  substantif  du  verbe  se  rembuscher, 
rentrer  dans  le  bois  (en  parlant  du  gros  gibier). 

Remirer,  v.  trans.  (Palsgrave,  Nicot,  Littré)  :  mirer 
de  nouveau. 

Ainsi  disoit  Hélène  en  remirant  son  teint.  (I,  p.  34 1 .) 
...  la  face  trop  remirée.  (II,  p.  168.) 

Renarde,  s.  fém.  (Trévoux,  Littré,  Acad.)  :  femelle 
du  renard.  Ex.  ;  (I,  p.  260.) 

R'engendrer,  orthographe  de  Ronsard  pour  rengen- 
drer  (Nicot)  :  ancienne  forme  de  régénérer,  renou- 
veler. Ex.  :  (V,  p.  15.) 

Renglacer,  v.  trans.,  mot  nouveau  créé  par  Ronsard  : 
il  le  tire  du  verbe  englacer,  qui  est  aussi  une  de  ses 
innovations.  (V.  Englacer. )Ek.  :  (I,  i.) 

Rengreger,  v.  trans.  (Nicot,  Trévoux,  Littré),  au 
propre  et  au  figuré  :  accroître,  augmenter,  enveni- 
mer, empirer.  Ex.  :  (I,  p.  100.) 

Rengrever,  v.  trans.  (Nicot,  Littré),  vieux  mot  dérivé 
de  grief  :  alourdir,  rendre  plus  pesant. 
Je  sens  toujours  un  penser  qui  me  mord,  - 


Me  fait  la  guerre  et  mes  peines  rengrève.  (I,  p.  8.) 


202  Lexique 

Répons,  s.  masc,  pour  repos,  se  dit  encore  dans  le 
centre  de  la  France. 

Ainsi  puisses-tu  vivre  en  amoureux  repous 
Jusqu'à  la  mort,  Claudine,  avecque  ton  espous. 

(IV,  p.  68.) 

ReqiLoy  (^),  expression  ancienne  (Paisgrave,  Nicot, 
Trévoux)  :  à  l'écart,  en  particulier,  tranquillement. 
On  disait  aussi  en  requoy.  Recjuoy,  dérivé  de  coi 
{quietus),  tranquille,  s  employait  aussi  comme  adjec- 
tif (Marot). 

Ha  Dieu  !  que  je  suis  aise  alors  que  je  le  voy 
Esclore  au  poinct  du  jour  sur  l'espine  à  requoy 
Aux  jardins  de  Bourgueil,  près  d'un  bois  solitaire. 
[Sonnet  à  la  rose,  I,  p.  152.) 

Respan{Jé),  i"pers.  du  prés,  de  l'ind.,  orthographe 
ancienne,  1'^  étant  paragogique  dans  les  verbes  de 
la  4*  conjugaison,  à  la  i""'  pers.  du  prés,  de  l'ind., 
de  même  qu'à  l'impératif,  2«  pers.  Aussi  Ronsard 
écrit-il  de  même  ren  pour  l'impératif  de  rendre. 

(I,  p.  170.) 
Plus  je  respan  de  traits  sus  hommes  et  sus  dieux. 

0,  P-  m-) 

Responderez  {vous),  2*  pers.  plur.  fut.  ind.,  ancienne 
forme  pour  respondrez,  reprise  par  Ronsard  pour  la 
mesure  du  vers  {e  intercalé,  repris  à  l'infin.  latin  : 
respondere). 

Vous  me  responderez  qu'il  est  un  peu  sourdaut. 

(I,P-  Î99-) 

Responsette,  s.  fém.,  diminutif  créé  par  Ronsard  du 
mot  response,  fém.  (Nicot),  ou  raipons,  masc.  (Ni- 
cot) :  sorte  de  campanule  comestible,  raiponce. 
Ex.  :  (VI,  p.  87.) 

Ressemblable,  adj.  quai.,  innovation  de  Ronsard  pour 
la  rime  :  ressemblant.  (Ex.  :  II,  p.  ^67.) 

Ressembler,    v.    intrans.    (Littré)  aujourd'hui,   était 


DE  Ronsard.  203 

transitif  et  intransitif  (Nicot)  :  Ronsard  offre  des 
exemples  de  ce  double  emploi.  (III,  p.  259  et  3 11 .) 

Ressoudre  (Se),  employé  par  Ronsard  pour  la  rime 
au  lieu  de  se  ressouder  :  se  réunir,  se  confondre 
avec.  Ex.  :  (II,  p.  238.) 

Reth,  s.  masc.  (lat.  retis),  orthographe  ancienne  du 
mot  rets,  filet. 

Et  vos  cheveux  frisez  d'une  crespe  cautelle, 
Qui  vous  servent  d'un  reth.  (IV,  p.  220.) 

Ronsard  l'orthographie  aussi  rhé.  (V,  p.  177.) 

Retoffu,  adj.  quai.,  dérivé  par  Ronsard  de  toffu 
(touffu)  :  dont  les  rejetons  forment  comme  une 
touffe.  (VI,  p.  183.) 

Retonner,  employé  comme  verbe  transitif  par  Ron- 
sard pour  :  faire  retentir,  célébrer.  Ex.  :  (V,  p.  96.) 

Retors,  part,  passé  du  verbe  retordre,  est  employé  au 
sens  propre.  (III,  p.  56.) 

Retraire,  v.  trans.,  vieux  mot  (Nicot,  Littré),  lat. 
retrahere ,  signifiait  retirer,  puis  retirer  chez  soi, 
accueillir,  recevoir. 

(Moi)  qui  ay  voulu  retraire 
Tout  soudain  un  estranger 
Dans  ma  chambre  et  le  loger.  (II,  p.  164.) 

Retrepîgner,  v.  intrans.,  fréquentatif  du  vieux  verbe 
treper,  qui  existe  encore  dans  le  dialecte  du  centre 
de  la  France  et  qui  avait  formé  trepiller  et  trépi- 
gner :  ce  dernier  seul  subsiste. 

J'oy  la  terre 
Retrepigner  durement 
Dessous  la  libre  cadence 

De  leur  dance.  (VI,  p.  359.) 

Re-tuer,  v.  trans.,  composé  par  Ronsard  :  tuer  de 


204  Lexique 

nouveau,  métaphoriquement  :   c  re-tuer  Hector  " , 
Chanter  de  nouveau  la  mort  d'Hector.  (VII,  p.  22.) 

Rhé,  s.  masc.  (V.  Reth.) 

Rhétor loueur,  s.  masc.  Nicot  n'indique  que  rhéteur.  Il 

est  cité  par  Trévoux  (Ex.  :  de  Marot),  comme 
vieux  mot  :  orateur.  (VII,  p.  24.) 

Riagas,  s.  masc.  (de  l'espagnol  rejalgar),  sorte  de 
poison,  dit  Muret  dans  son  commentaire.  Nicot 
l'explique  :  t  Riagas,  espèce  de  poison,  qu'aucuns 
nomment  reagal,  Aconitum.  » 

De  la  mielleuse  et  fielleuse  pasture 
Dont  le  surnom  s'appelle  trop  aimer, 
Qui  m'est  et  sucre  et  riagas  amer, 
Sans  me  saouler  je  pren  ma  nourriture. 

(Am.,  I,  iw,  I,  p.  88.) 
On  le  trouve  encore  : 
Dans  cet  œil  je  ne  scay  quoi  demeure 
Qui  me  peut  faire  en  amour  à  toute  heure 
Le  sucre  fiel  et  le  riagas  miel. 

(Am.,  I,  194,1,  P-  iio.) 
Ce  mot  employé  par  Ronsard  comme  terme 
technique  a  complètement  disparu  sans  laisser  de 
trace.  La  langue  moderne  possède  le  mot  realgar, 
forme  espagnole  de  l'arabe  rahdj-algar,  poudre 
des  cavernes,  qui  désigne  non  l'aconit,  comme  le 
pense  Nicot,  mais  le  sulfure  rouge  d'arsenic. 

Riban,  s.  masc,  ancienne  forme  du  mot  ruban 
(v.  Littré,  Hist.),  usitée  dans  le  centre  de  la  France 
et  qu'on  retrouve  dans  le  terme  familier  qui  en  est 
dérivé  :  ribambelle. 

Je  voudrois  estre  le  riban 

Qui  serre  ta  belle  poitrine.  (Il,  p.  287.) 

Ribler,  v.  neutre.  Nicot  l'explique  ainsi  :  «  Ribler  est 
avec  port  d'armes  troller  çà  et  là  et  courre  sus  à 


DE  Ronsard.  ao^ 

chacun.  Grassari.  »  Ronsard  l'applique  au  feu  qui 
court  de  maison  en  maison. 

...  les  feux  indontez 
Riblant  par  les  maisons.  (Boc.  royal,  III,  p.  296.) 

L'étymologie  en  est  incertaine  :  on  l'a  rapproché 
de  ribaud. 

Trévoux  :  «  Ribler,  terme  populaire  et  vieux  qui 
signifioit  courir  la  nuit,  comme  les  filoux,  les  débau- 
chés. Grassari,  divagari  noctu.  Ce  mot  vient  de 
ribla  qui  en  langage  celtique  ou  bas-breton  signifie 
la  même  chose,  s 

Rien,  employé  au  sens  étymologique  rem,  quelque 
chose  (Nicot,  Littré). 

...  ferme  bien  l'huis  sur  moy; 
Si  rien  me  vient  troubler,  je  t'asseure  ma  foy, 
Tu  sentiras  combien  pesante  est  colère.  (I,  p.  413.) 

Rien-ne-vaut,  employé  substantivement  par  Ronsard 
pour:  un  vaurien.  Ex.  :  (VI,  p.  285.) 

Rober,  v.  act.  (ital.  rubare,  voler),  employé  par  Ron- 
sard comme  synonyme  de  dérober,  fréquent  dans 
l'ancienne  langue,  qui  en  avait  formé  le  substantif 
rober ie,  vol,  larcin. 

Depuis  qu'il  eut  robée 

La  flamme  prohibée.  (II,  p.  255.) 

Rondache,  s.  fém.,  vieux  mot  (Trévoux,  Littré)  : 
grand  bouclier  rond  en  usage  dès  le  temps  de  Char- 
lemagne.  Ex.  :  (III,  p.  300.) 

Rondement,  adv.,  tout  en  rond. 

...  enflant 
Sa  bouche  rondement.  (VII,  p.  119.) 

Cet  adverbe  subsiste,  mais  ^vec  un  sens  tout  dif- 
férent. 


206  LEXIQ.UE 

Ronge-pampre,  adj.  composé  créé  par  Ronsard. 

...le bouc  ronge-pampre.  (VI,  p.  410.) 
Ronge-poumon,  adj.  composé  créé  par  Ronsard. 

...  la  toux  ronge-poumon.  (V,  p.  194.) 

Roquet,  s.  masc,  subsiste  sous  la  forme  rocket  (Littré). 
Espèce  de  manteau  qu'on  portait  jadis  :  il  n'allait 
que  jusqu'au  coude  et  n'avait  point  de  collet. 
Leur  roquet  pendoit  jusqu'aux  hanches. 

(Odes,  1,  10,  II,  p.  91.) 

C'est  ainsi  qu'il  faut,  croyons-nous,  interpréter 
ce  vers  d'après  le  contexte  où  Ronsard  décrit  l'ap- 
parence, le  costume  et  le  maintien  des  Parques. 
M.  B.  de  Fouquières  propose  le  sens  de  roquet: 
bobine,  forme  lyonnaise  du  mot  rochet,  «.  bobine  sur 
laquelle  les  ouvriers  en  soie  dévident  celle  qu'ils 
emploient  dans  leurs  fabriques  5)  (Trévoux).  Ce  sens, 
ne  nous  semble  pas  admissible  ici,  la  strophe  sui- 
vante étant  consacrée  à  la  description  de  leur  que- 
nouille, du  pezon  et  des  fuseaux  qu'elles  emploient. 

Ce  sens  de  roquet  semble  justifié  par  un  autre 
exemple.  (II,  p.  476.) 

Rosin,  adj.  quai.,  couleur  de  la  rose. 
Ces  doigts  rosins.  (I,  p.  22.) 
Sein  de  couleur  de  Hz  et  de  couleur  rosine. 

(I,  P-  346-) 
Roter,  V.  trans.,  vient  de  (e)  ructare,  signifie  expirer 
avec  force.  Ce  verbe  est  devenu  bas.   Rare  dans 
l'emploi  poétique  que  lui  donne  Ronsard. 
Ny  du  Vésuve  tout  le  chaud, 
Ny  tout  le  feu  que  rote  en  haut 
La  fournaise  sicilienne.  (Odes,  m,  10,  II,  p.  210.) 

Rouer,  v.  trans.  (du  latin  rotare),  faire  tourner.  Ex.  : 
Typhée 
Qui  rouoit  une  fronde  en  l'air. 

(Odes,  I-,  10,  H,  p.  79.) 


DE  Ronsard.  207 

RoAsard  l'emploie  encore  en  parlant  des  astres  ; 
il  signifie  alors  :  décrire  son  orbite,  accomplir  un 
mouvement  circulaire. 

Astres,  qui  dans  le  ciel  rouez  vostre  voyage. 

(Am.,n,  45,  I,  p.  197.) 

Ce  vers  a  un  sens  analogue  :  conduire  en  rond 
(Nicot,  Littré),  dans  le  passage  suivant: 
Tousjours  les  belles  Naïades 


Puissent  rouer  leurs  carolles 

Autour  de  tes  rives  molles.  (II,  p.  347.) 

De  là  le  verbe  réfléchi  se  rouer,  tourner  sur  soi- 
même,  se  rouler. 

...  et  autour  de  la  proue 
Maint  tourbillon  en  escumant  se  roue.  (III,  p.  85.) 

Rouhard,  adj.  quai.,  créé  par  Ronsard.  Sorte  d'ono- 
matopée imitant  le  roucoulement  du  pigeon.  Ex.  : 

(I,p.2l6.) 

Rousée,  s.  fém.,  forme  très  ancienne  du  mot  rosée 
(Palsgrave,  Nicot,  Littré). 

...  la  terre  arrousée 
De  la  fertile  humeur  d'une  douce  rousée.  (I,  p.  27 j.) 

De  là  l'ancien  verbe  rousoyer,  repris  par  Ronsard 
et  employé  au  participe  présent  rousoyant  :  couvert 
de  rosée. 

...  fleurs  et  herbes  rousoyantes, 

(Am.,  I,  Sonnets,  66, 1,  p.  39.) 

Et(I,p.  54-) 
Rouioyer.  {V.  Rousée.) 

Route,  employé  par  Ronsard  pour  déroute. 

...  saccagé  la  plaine 
Des  Flamans  mis  en  route. 

(Ode  au  roy  Henri  II,  II,  p.  19.) 


208  Lexiq^ue 

Ruer,  V.  trans.  (Nicot,  Littré),  vieux  mot  (lat.ruere)  : 
jeter  avec  force. 

Vy  sans  que  jamais  tonnerre 
Ou  la  coignée,  ou  les  vents 

Ou  les  temps 
Te  puissent  ruer  par  terre.  (II,  p.  276.) 

Au  figuré  :  jeter. 

...  Le  géant,  d'autre  part 
Sur  luy  ruant  un  terrible  regard.  (III,  p.  126.) 

Ruineux,  adj.  quai.  (Trévoux,  Littré),  avait  le  sens 
passif  :  qui  menace  ruine,  et  le  sens  actif:  qui  cause 
des  ruines.  C'est  le  dernier  sens  que  l'on  trouve 
dans  Ronsard  (V,  p.  74)  :  le  vent  ruineux. 


Sac^juer  ou  Saquer,  v.  trans.,  vieux  mot.  Nicot  n'in- 
dique que  l'orthographe  sacquer.  On  dit  aussi  :  sa- 
cher  (Trévoux  :  Perceval,  Songe  du  Verger)  : 
tirer  l'épée  hors  du  fourreau.  Ex.  : 

(III,  p.  133  et  224.) 

Saquer  se  dit  encore  en  marine  pour  :  tirer  avec 
effort  et  soubresauts  (Trévoux,  Littré). 

Safrane^  part,  passé  employé  adjectivement  du  vieux 
verbe  safraner,  peinare  en  jaune  ou  couleur  de 
safran  (V.  Safranier),  au  figuré  épithète  de  l'Au- 
rore, de  l'aube;  couleur  de  safran  (lat.  croceus),  d'un 
jaune  doré. 

Voicy  l'aube  safranée.  (VI,  p.  364.) 
Cf.  Ensaffrané, 

Au  propre  Ronsard,  l'emploie  dans  le  sens  de 
biitré  :  les  «  yeux  saffranez  i .  (VII,  p.  83.) 


DE   Ronsard.  209 

Safran'urs,  adj.  quai.,  couleur  du  safran,  c'est-à-dire  : 
banqueroutiers,  vieux  mot. 

En  la  façon  que  les  marchands  rusez 

Qui  safraniers,  par  meschantes  practiques, 

N'ont  point  de  draps  aux  secondes  boutiques, 

Mais  monstrant  tout  dès  le  premier  abord, 

Font  bonne  mine  et  se  vantent  bien  fort.  (IV,  p.  J52.) 

t  II  n'y  a  pas  longtemps,  dit  le  Dictionnaire  de 
Trévoux,  qu'on  peignait  de  jaune  et  de  couleur  de 
safran,  les  maisons  des  banqueroutiers  ou  de  ceux 
dont  les  biens  étoient  confisqués  avec  note  d'in- 
famie. > 

Sage-preux,  adj.  composé  créé  par  Ronsard,  qui_, 
s'aoressant  au  connétable  Anne  de  Montmorency, 
l'appelle  : 

Sage-preux  connestable.  (V,  p.  329.) 

Sagette  (lat.  sagitta),  flèche. 

...  son  sourcil  ressemblant 
A  l'arc  d'un  Turc  qui  la  sagette  a  mise 
Dedans  la  coche.  (Am.,  n,  Chanson,  I,  p.  ijj.) 

V.  Jbid.  Am.,  il,  10, 1,  p.  158. 

De  même  :  Franc,  l,  III,  p.  79  : 

...  une  viste  sagette... 

Saigneux,  adj.  quai.,  innovation  de  Ronsard  :  san- 
glant, ensanglanté. 

Et  font  pleurer  le  ciel  d'une  pluye  saigneuse. 

(V,  p.  130.) 

Si  que  tousjours  sa  main  sera  saigneuse 

Du  sang  hardy  de  l'Espagne  odieuse.  (V,  p.  29e.) 

Saillir,  v.  intr.,  vieux  mot  (Nicot,  Littré),  s'élancer 
avec  impétuosité,  sortir. 

Puis  sans  rien  profiter  du  collège  sailly 
Je  vins  en  Avignon.  (IV,  p.  299.) 

Lex.  Ronsard.  .  14 


210  Lexique 

Salemandre,  s.  fém.,  orthographe  de  Ronsard,  ou 
Salmandre  i^xcoi)  :  Salamandre.  (VI,  p.  152.) 

S'omit.  Élision  pour  sa  amie. 

Cf.  M' amour.  Emploi  fréquent  jadis.  (V.  Littré, 
Histoire  du  mot  :  mie.) 

Chantait  l'amour  de  Briseis  s'amie.  (I,  p.  126.) 

S' amour.  Élision  pour  sa  amour,  fréquent  jadis. 
Cf.  M'amour,  S'amie,  etc.  Ex.  :  (I,  p.  206.) 

San^lantement,  adv.  dérivé  de  sanglant,  cité  par 
Nicot  :  de  la  couleur  du  sang.  (VI,  p.  38.) 

Saquer.  (V.  Sacquer.) 

Sarclouére,  s.  fém.,  prononciation  du  Centre  pour  : 
sarcloir,  s.  masc,  instrument  qui  sert  à  sarcler. 

(VI,  p.  411.) 

Sas,  s.  masc.  (Nicot,  Littré),  crible  (bas  latin  seda- 
tium,  sitacium  pour  setaceum),  tissu  lâche  et  résis- 
tant soutenu  par  un  cercle,  qui  sert  à  passer  des 
liquides  ou  des  matières  pulvérulentes. 

Le  crible  servait  aux  diseurs  de  bonne  aventure. 
Ex.:(I,p.  i8j.) 

Saturne,  nom  propre,  employé  comme  nom  conimuti 

Kour  désigner  l'astre  qui    préside   aux  destinées 
umaines.  Ex.  : 

. . .  forcer  je  ne  puis 
Mon  Saturne  ennemy.  (III,  p.  370.) 

Cf.  Maistriser. 

Sauteler,  v.  neutre,  diminutif  de  sauter,  bondir. 

(I,p.8o.) 
De  même  (III,  p.  56,  57.) 

...  autres,  fols  de  pensée, 
Comme  agités  de  fureur  sauteloient. 


DE  Ronsard.  211 

Sauva^in,  adj.  quai.,  innovation  de  Ronsard,  qui  lui 
attribue  le  sens  de  :  qui  tient  de  l'animal  sauvage. 
Un  exemple: 

M'a  fait  Acteon  cornu 

Me  transformant  ma  nature 

En  sauvagine  figure.  (II, p.  34$.) 

Savourable,  adj.  quai.,  employé  par  Ronsard  comme 
synonyme  de  savoureux. 

Il  bénit  de  Cérès  le  présent  savourable.  (V,  p.  33.) 

Scadron,  s.  masc,  première  forme  du  mot  escadron. 

(II,  p.  487.) 

Sceptre,  adj.  quai.,  employé  par  Ronsard  pour  signi- 
fier qui  porte  le  sceptre.  Ex.  :  (III,  p.  366.) 

Sciamaches  (ffxiaixaxéto),  gens  qui  combattent  des 
ombres.  (Épître  au  lecteur,  II,  p.  13.) 

Scintille,  s.  fém.  {scintilla),  ancienne  forme  savante  du 
mot  :  étincelle.  (Nicot  indique  les  deux.)  Nous 
n'avons  plus  que  le  verbe  scintiller. 

Le  substantif  scintille  est  employé  par  Ronsard. 

De  foudre  pers,  de  scintille  et  de  suye. 

(Fr.,  II,  t.  m,  p.  92.) 

Et  (I,  p.  167.) 

Scophion.  (V.  Escofion.) 

Secous  et  Secoux,  part,  passé  du  vieux  verbe  secoue, 
secouer,  employé  pour  la  rime  en  place  de  secoué. 
Pour  eux  tombe  en  abondance 
Le  glan  des  chesnes  secous.  (V,  p.  260.) 
Et  le  vanneur  my-nud,  ayant  beaucoup  secoux 
Le  blé,  de  çà  de  là,  de  sur  les  deux  genoux. 

(VII,  p.  122.) 

Secretain,  s.  masc.  Sacristain  :  les  deux  mots  sont 
dans  Cotgrave,  Nicot,  Trévoux.  Ex.  :  (V,  p.  263.) 


212  Lexique 

Secrétaire,  s.  masc,  au  sens  étymologique  du  mot  : 
confident. 

Parlent  profondément  des  mystères  de  Dieu  ; 
Ils  sont  ses  conseillers,  ils  sont  ses  secrétaires, 
Ils  scavent  ses  advis,  ils  scavent  ses  affaires. 

(VII,  p.  S9) 

Seîcher,  v,  trans.,  sécher.  Nicot  indique  les  deux 
orthographes. 

Et  pour  ce  je  te  supplie 

De  me  conduire  à  ton  feu 

Pour  m'aller  seicher  un  peu.  (II,  p.  i6j.) 

Séjour,  s.  masc,  peut  avoir  deux  sens  indépendam- 
ment de  son  sens  habituel. 
1°  Durée. 

...  l'amour  qu'on  charme  est  de  peu  de  séjour. 

(I,  p.  296.) 
2"  Retard. 

...  ma  maistresse,  après  si  long  séjour, 
Voyant  le  soin  qui  ronge  ma  pensée, 

ira  payant 

Les  intérêts  de  ma  peine  avancée.  (I,  p.  27.) 

Et  ailleurs,  s'adressant  au  soleil  : 
...  tire  hors  de  l'onde 
Ton  char,  qui  fait  pour  nous  trop  de  séjour; 
Haste  ton  cours...  (IV,  p.  137.) 

Séjour  {à),  expression  ancienne  signifiant  :  à  loisir, 
en  toute  liberté. 

Pour  m'y  plonger  une  nuict  à  séjour.  (I,  p.  13.) 
De  là  l'expression  un  homme  de  séjour,  c'est-à- 
dire  qui  séjourne,  qui  peut  y  mettre  le  temps. 
...  il  faudroit  bien  un  homme  de  séjour 
Pour,  gaillard,  satisfaire  à  une  seule  amie. 

(I,  P-  398.) 

Sembler,  v.  intrans.,  longtemps  employé  avec  le  sens 
de  ressembler. 


._£ 


DE  Ronsard.  215 

Ny  ceste  belle  Grecque  a  qui  ta  beauté  semble, 
Comme  tu  fais  de  nom.  (I,  p.  384:) 

Semestrt  {semestris)^  aujourd'huî  n'est  plus  que  sub- 
stantif et  a  le  sens  de  :  espace  de  six  mois  ;  il  est 
adjectif  dans  Ronsard,  qui  d'ailleurs  ne  l'a  employé 
qu'une  fois  en  l'appliquant  à  Proserpine,  et  P.  de 
Marcassus  explique  que  c'est  :  «  à  cause  qu'elle 
demeuroit  six  mois  aux  enfers  et  six  mois  avec 
nous  I . 

Supplioient  la  Déesse  (Cérès)  et  sa  semestre  fille. 

(Boc.  Roy.,  III,  p.  29$. ) 

Semoner  (Ronsard),  ou  Semonner  (Trévoux,  Littré), 
forme  ancienne  du  verbe  semondre  (Nicot,  Tré- 
voux, Littré),  qui  signifiait  convier,  inviter.  Ex.  : 

ihP-  r35-) 

Sempervive,  s.  fém.,  mot  composé  créé  par  Ronsard 
pour  désigner  probablement  l'immortelle.  «  C'est, 
dit  Richelet,  une  sorte  de  simple  qui  prend  son  nom 
de  sa  nature.  Et  ce  n'est  pas  sans  cause  qu'il  fait 
ce  présent  à  Hélène;  la  Sempervive  est  d'une  habi- 
tude à  faire  aimer.  C'est  pourquoy  on  l'attachoit 
anciennement  aux  portes  des  maisons  pour  en 
chasser  toutes  haines  et  inimitiez.  » 

Senestre,  adj.  (lat.  sinîster),  vieux  mot  :  gauche. 

...  luy  flatant  de  la  destre 
Les  genoux,  de  la  senestre 
Le  sous-menton  luy  toucha.  (II,  p.  80.) 

Sentinelle,  s.  fém.,  employé  au  masculin  par  Ronsard. 
Ex.:  (I,  p.  311.) 

Sérancer  (Nicot,  Trévoux,  Littré),  v.  trans.,  dérivé 
de  séran  (Nicot,  Trévoux,  Littré),  ou  sérans  (Tré- 
voux), sorte  de  peigne  qui  sert  à  diviser  la  filasse 
du  lin  ou  du  chanvre  :  sérancer  =  peigner  avec  le 
séran  cette  filasse.  Ex.  :  (V,  p.  132.) 


214  Lexique 

Ce  terme  subsiste  comme  terme  de  métier  et  a 
donné  naissance  aux  dérivés  sérançoir,  synonyme 
de  séran,  et  séranceur,  ouvrier  qui  se  sert  du  séran. 

Serée,  s.  fém.  (ital.  sera),  soir,  nuit.  Il  est  à  regretter 
que  ce  joli  mot  ait  disparu  de  la  langue.  Ronsard 
en  fait  un  usage  fréquent. 

Je  ne  suis  point,  Muses,  accoustumé 
Voir  vostre  bal  sous  la  tarde  sérée. 

(Am.,  I,  170,  I,  p.  98.) 
V.  II,  p.  201,  474  Qtpassim. 

Serene,  s.  fém.,  ancienne  forme  du  mot  sirène  (Nicot, 
Littré). 

De  la  serene  antique  (Parthenope) 
Je  verray  le  tombeau.  (II,  p.  247.) 

Serener,  v.  trans,,  employé  jadis  aussi  bien  au  sens 
propre  qu'au  figuré,  rendre  serein,  a  formé  le  dérivé 
rasséréner. 

0  terre  fortunée, 
Des  Muses  le  séjour. 
Qu'en  tous  ses  mois  l'année 

Serene  d'un  beau  jour!  (Odes,  11,  13,  II,  p.  i^j.) 

Serpens-pied,  adj.  composé,  créé  par  Ronsard. 
...  les  Geans  serpenspiez.  (VI,  p.  40.) 

Serpentes,  s.  fém.  pluriel,  tiré  du  mot  serpent  par 
Ronsard  :  vipères. 

Serpentes  d'Alecton.  (VII,  p.  312.) 

Serpentier,  adj.  créé  par  Ronsard,  synonyme  de  l'ad- 
jectif verbal  serpentant. 

D'une  course  serpentière.  (Odes,  v,   12,  II,  p.  347.) 

Il  emploie  de  même  l'adjectif  serpentin,  mais  avec 
un  sens  différent. 

1  ...  une  âme  serpentine.  (VII,  p.  64.) 


DE  Ronsard.  215 

Service,  s.  masc.  (V.  Littré,  ex.  du  Roman  de  la  Rose, 
de  Malherbe),  attachement  en  amour.  On  disait 
aussi  :  l'amoureux  servage. 

Mais  ce  qui  plus  redoubla  mon  service, 

C'est  qu'elle  avoit  un  visage  sans  art.  (I,  p.  269.) 

Pour  retenir  un  amant  en  servage 
Il  faut  aimer.  (I,  p.  274.) 

Servir,  v.  intrans.,  employé  dans  le   sens  de  :  être 
le  serviteur,  l'esclave  de...  obéir  à... 
...  vous  estes  véritable, 
Et  non  courtisan  variable 
Qui  sert  aux  faveurs  et  au  temps.  (II,  p.  2J9.) 

Et  (IV,  p.  305.) 

Seulet,  adj.  quai.,  diminutif  de  seul  (Nicot,  Littré). 
Tantost  j'errois  seulet  par  les  forests  sauvages. 

(I,  p.  362.) 

Si,  conjonction  conditionnelle  et  dubitative,  ne  s'élide 
plus  aujourd'hui  que  devant  le  pronom  //  ;  pouvait 
jadis  s'élider  devant  tout  mot  commençant  par  une 
voyelle.  Ex.  : 

S'un  roy,  pour  sa  defence, 

A  vos  frères  repoussez 

De  sa  terre  avec  sa  lance.  (II,  p.  20j.) 

...  s'on  vouloit.  (II,  p.  275.) 

5/,  s'employait  aussi  avec  une  valeur  affirmative 
et  signifiait  : 

1"  De  plus,  en  outre,  et  aussi. 
Le  rossignol  a  haute  vois 


Se  plaint  d'eux  et  leur  dit  injure  : 

Si  fait  bien  l'arondelle  aussi.  (VI,  p.  350.) 

2"  Toujours  est-il  que. 

Encores  que  la  mer  de  bien  loin  nous  sépare, 
Si  est  ce  que...  (VI,  p.  9.) 


2 I 6  Lexique 

3°  Néanmoins,  pourtant. 

Quoique  tu  sois  au  combat  dangereux, 

Si  seras  tu,  Phovère,  bien  heureux 

D'aller  victime  à  l'onde  acherontide.  (III,  p.  126.) 

Sij  renforce  très  pour  marquer  le  superlatif.  Ex.  : 
...  Si  très  chaut.  (I,  p.  412.) 

Siagre,  nom  propre  pour  Syagrîus,  général  romain 
vaincu  par  Clovis. 

Il  poursuivra  d'une  ardante  colère 
Siagre,  fils  de  Gillon.  (III,  p.  230.) 

Sicambrien  et  Slcambrois,  double  forme  employée  par 

Ronsard  :  des  Sicambres,  ancienne  tribu  franque. 

(III,  p.  217  et  224.) 

Sidère,  s.  fém.,  vieux  mot  déjà  cité  par  Palsgrave. 

(EscL   de  la   langue  françoise,  II,   39.)  Ronsard 

l'emploie  comme  synonyme  de  :  dame,  maîtresse. 

(Œuvres  inédites,  VIII,  p.  146.) 

Siller,  V.  trans.,  terme  emprunté  à  la  fauconnerie,  cou- 
vrir d'un  chaperon  la  tête  du  faucon  pour  l'aveugler. 
L'étymologie  demande  l'orthographe  ciller. 

Ronsard  l'emploie  toujours  dans  le  sens  figuré 
de  :  fermer  les  yeux. 

...  la  Parque  noire 
Avant  le  temps  sillant  nos  yeux. 

(II,  153,  238,  392,  etc.) 

Nous  avons  perdu  le  mot  simple  siller,  mais  con- 
servé son  dérivé  dessiller  qui  nous  fait  comprendre 
le  primitif. 

Simplesse,  s.  fém.,  vieux  mot  (Palsgrave,  Nicot, 
Littré),  simplicité. 

...  les  riches  habits  d'artifice  pesans 
Ne  sont  jamais  si  beaux  que  la  pure  simplesse. 

(I,  p.  380.) 


DE  Ronsard.  217 

Soldan  (Nicot),  et  Soudan  (Trévoux).  «  Ce  mot  en 
langue  moresque  signifie  roi  ou  prince  :  d'oiî  l'on  a 
fait  sultan  qui  est  le  titre  du  grand  Seigneur  »  (Tré- 
voux). 

Du  grand  Turc  je  n'ay  souci 

Ny  du  grand  soldan  aussi.  (II,  p.  276.) 

Soldat  (italien  :  soldato).  Ronsard  l'écrit  indifférem- 
ment au  pluriel  :  soldars  (I,  268),  soldarts  (III,  45), 
soudars  (V,  58)  et  soldats  (VII,  199  et  200). 

Sole,  s.  fém.,  terme  de  vénerie.  Nicot  :   «  C'est  la 
basse  superficie  du  pied,  solum.  »  Deux  exemples  : 
(II)  cognoissoit  bien  le  pied,  la  sole,  et  les  alleures. 

(I,  255-) 

Nature  fit  présent  de  cornes  aux  taureaux, 

Et  pour  armes  de  crampe  et  de  sole  aux  chevaux. 

(VI,  p.  271.) 

Solennel,  adj.  quai.  (lat.  solennis),  employé  avec  son 
acception  étymologique  :  annuel,  qui  se  répète 
chaque  année  (Littré). 

Ce  temple,  fréquenté  de  festes  solennelles, 
Passeroit  en  honneur  celuy  des  immortelles. 

(I,  p.  229.) 

Soliciteux,  adj,  quai.,  employé  par  Ronsard  avec  la 
préposition  de  {sollicitus  de...)  :  inquiet  de...  Ex.  : 

(",P-33$-> 

Solitaire,  adj.  quai.,  employé  substantivement  comme 
synonyme  de  solitude.  Ex.  :  (VI,  p.  392.) 

Sommeillard,  adj.  quai,,  employé  par  Ronsard  con-^ 
curremment  avec  sommeiller  et  sommeilleux  :  qui 
produit  le  sommeil. 

Et  que  la  nuict  un  bandeau  sommeillard 

Des  deux  côtés  de  l'horizon  allonge.  (I,  p.  34.) 


2l8  Lexiq^ue 

Quand  le  somme  vient  lier 
D'une  chaîne  sommeillere 
Mes  yeux  clos  sous  la  paupière.  (Il,  p.  164.) 

...  et  la  nuit  sommeilleuse 
De  nos  propos  est,  ce  semble,  envieuse.  (III,  p.  197.) 

Sommeilleux,  adj.,  qui  tient  du  sommeil,  de  l'oubli  ou 
de  la  mort.  (II,  p.  336;  VI,  p.  92.) 

Songe-creux,  employé  comme  adjectif  par  Ronsard. 
Mercure  songe-creux.  (V,  p.  253.) 

Songeard,  adj.  quai.,  pour  songeur,  rêveur. 

...  mon  âme  songearde.  (I,  p.  106.) 
Boy  donc,  ne  fay  plus  du  songeart.  (II,  p.  3$  i.) 

Sonner,  v.  trans.,  employé  par  Ronsard  dans  le  sens 
restreint  de  célébrer,  chanter  en  vers. 
De  vouloir  prendre  à  gré 
Nostre  chanson  sonnée.  (II,  p.  245,  246.) 

De  là  le  substantif  sonneur  employé  fréquemment 
par  Ronsard  pour  poète  (sonneur  de  vers). 
Il  eut  pour  sa  prouesse  un  excellent  sonneur. 

(I,  p.  }S6.) 

Sorcelage,  s.  masc,  innovation  de  Ronsard  pour  la 
rime.  Nicot  ne  donne  que  sorcellerie.  On  trouve 
sorcerie  plus  anciennement.  {Roman  de  la  Rose.) 
Ex.  :  (II,  p.  IJ9.) 

Sorcelière,  adj.  fém.,  tiré  par  Ronsard  du  moi  sorcier. 
Un  exemple  : 

...  Ta  sorcelière  science.  (II,  p-  473.) 

Sotane,  s.  fém.,  ancienne  forme  du  mot  soutane. 

Le  prestre,  orné  d'une  sotane  blanche.  (III,  p.  $7.) 

Soucis,  s.  masc.  pi.,  pour  sourcils,  conformément  à  la 
prononciation  du  centre  de  la  France.  Ex.  : 
Qui  t'a  noircy  les  arcs  de  tes  soucis  ?  (I,  p.  198.) 


DE  Ronsard.  219 

0  de  Paphoset  de  Cypre  régente, 
Déesse  aux  noirs  soucis.  (II,  p.  213.) 

Souef,  adj.  quai.,  ancienne  forme  populaire  du  mot 
suave  (lat.  siiavis),  doux, 

...  quelque  drap  d'escarlate 
Qui  si  fin  et  si  souef  en  sa  laine  sera 
Que  pour  un  jour  de  feste  un  roy  le  vestira. 

(I,  p.   110.) 

Soulasser  (Se),  v.  réfl.,  ancien  dérivé  de  soûlas  :  con- 
solation, joie,  plaisir.  Le  mot  soûlas  avait  formé  le 
mot  soûlasse  (Lacombe,  Dict.),   ivre,  enivré  de... 
d'oij  le  sens  de  se  soulasser  dans  le  vers  suivant  : 
Se  soulasser  d'amour.  (IV,  p.  272.) 
On  a  dit  aussi  soulacier  (Lacombe)  {ci  =  ss). 

Souloir,  V.  intr.  (lat.  solere),  avoir  coutume  ;  usité  dès 
le  moyen  âge  et  fréquemment  employé  par  Ronsard. 

Am.,  II,  stances,  I,  p.  233. 

Sonnets  pour  Hélène,  il,  30,  I,  p.  333. 

Là  souloit  à  midi  ceste  beste  outrageuse 
Fouiller  et  tout  son  corps  de  bourbe  revestir. 
X  (Songe,  m,  p.  290.) 

Souple-jarret,  adj.  composé,  innovation  de  Ronsard. 
Ex.:  (III,  p.  199.) 

Souquenie,  s.  fém.,  ancienne  forme  du  substantif  5ou- 
auenille  (Nicot,  Rabelais,  Littré)  :  un  méchant 
nabit.  (II,  p.  270.) 

Sourcer,  v.  intrans.,  innovation  de  Ronsard.  «  Pro- 
duire une  source  de  fontaine  1  (Nicot). 

...  boire  en  la  fontaine 
Fille  de  ce  cheval  qui  fist  sourcer  le  mont. 

(III,  p.  260.) 
Et(II,p.  2H.) 


220  LEXIQ.UE 

Sourçqyer,  v.  intrans.,  dérivé  par  Ronsard  du  verbe 
sourcer.  (V.  ce  mot.)  (Poèmes,  VI,  p.  53.) 

Sourdesse,  s.  fém.,  vieux  mot  (Palsgrave),  surdité. 
Nicot  indique  trois  synonymes  :  surdité,  'sourdeté 
et  sourdïse.  Trévoux  les  signale  comme  vieillis. 

Tu  dis  qu'une  sourdesse  a  mon  oreille  close  ? 

(VII,  p.  102.) 

Sourdre,  v.  intrans.  (Nicot,  Littré).  i"  Jaillir,  en  par- 
lant de  l'eau,  d'une  source.  Bx.  : 
Sourdoit  de  vives  fontaines 
Le  vif  surgeon  perennel.  ill,  p.  73.) 

2°  En  parlant  des  oiseaux,  s'élever  dans  l'air 
(NicotV  Se  dit  encore  d'un  nuage  qui  sort  de  l'ho- 
rizon et  s'élève  vers  le  zénith  (Trévoux).  En  ce 
sens  Ronsard  l'accompagne  d'un  pronom.  Ex.  : 
Tu  enlevés  ton  corps  lavé 


Trémoussant  d'une  aile  menue; 

En  te  sourdant  à  petits  bons, 

Tu  dis  en  l'air  de  si  doux  sons.  (VI,  p.  348.) 

^°  Au  figuré  il  signifie  :  s'élever,  résulter,  naître 
(Nicot,  Littré). 

Sourire  (Se),  forme  réfléchie  du  verbe  sourire  usitée 
autrefois   (Nicot,  Pasquier\    indiquée  encore  par 
Trévoux  qui  cite  un  exemple  de  d'Ablancourt. 
Alors  Vénus  se  sou-rit.  (II,  p.  271.) 
De  même  (III,  p.  284). 

Sous-voix  (à),  traduction  littéraire  de  l'expression  ita- 
lienne :  sotto  voce  =  à  voix  basse.  Ex.  : 

(IV,  p.  342.) 

Souventes-fois  et  Souventefois,    expression  ancienne, 
synonyme  de  souvent  (Palsgrave,  Nicot,  Littré). 
Je  fus  souventes-fois  retansé  de  mon  père. 

(VI,  p.  189.) 


DE   Ronsard.  221 

Spartes,  s.  ma^c.  pi.,  employé  pour  signifier  les  habi- 
tants de  Sparte,  les  Spartiates. 

(Poèmes,  I,  Le  Souci,  VI,  p.  1 10.) 

Ailleurs  Ronsard  emploie  Spartain  adjectivement. 

0  les  fils  putatifs  du  Spartain  Tyndarée.  (V,  p.  $8.) 

.Stygial  et  Stygieux,  adj.,  du  Styx,  propre  au  Styx. 

(VII,  p.  31,1,  p.  439.) 

Suader,  v.  trans.,  et  Saasion,  s.  fém.,tous  deux  indi- 
qués par  Nicot,  dérivés  anciens  de  suadere,  suasio, 
formes  primitives  des  mots  persuader,  persuasion. 

[V,  p.  91  et  93.) 

Submettant,  part.  prés,  du  verbe  submettre,  antérieur  à 
soumettre.  On  disait  de  même  submission  pour 
soumission  (Nicot). 

Me  submettant.  (I,  p.  438.) 

Subvertir,\.  act.  (subvertere),  retourner,  changer  du 
tout  au  tout  (Nicot). 

Il  n'en  est  pas  d'autre  exemple  que  celui-ci  : 

Mais  il  ne  faut  ouïr  vostre  docte  éloquence, 
Qui  pourroit  subvertir  des  juges  la  sentence. 

(Boc.  Roy.,  III,  p.  3n-') 

Trévoux  :  subvertir  la  religion,  les  lois. 

.Succez,  s.  masc.  (Nicot,  Littré),  au  sens  primitif  du 
■  mot  :  état  de  ce  qui  succède,  suite.  Ex.  :  le  succez 
de  réparation  =  les  réparations  successives. 

(V,p.  17.) 

.Sueux,  adj.  quai.,  tiré  par  Ronsard  du  substantif 
sueur  :  plein  de  sueur,  suant. 

D'une  sueuse  escume  il  est  tout  blanchissant. 

(V,  p.  66.) 

.  Suivir,  V.  trans.,   vieux   mot.    {Roman  de  la  Rose, 


222  Lexique 

—  Trévoux  cite  Marot,  —  Littré),  suivre.  Nicot 

n'indique  que  suivre. 

Sus  !  quenouille,  suis-moy,  je  te  meine  servir 

Celle  que  je  ne  puis  m'engarder  desuivir.  (I,  p.  219.) 

Supplier,  v.  trans.  aujourd'hui,  employé  par  Ronsard 
avec  à  et  un  complément  indirect  à  1  imitation  du 
latin.  (V.-Littré  :  cite  Amyot  et  Commines.) 
Supplie  à  Dieu  qu'en  santé  très-parfaite 
Viviez  cent  ans  en  la  paix  qu'avez  faite.  (III,  p.  385.) 

Surgeon,  s.  masc.  (Nicot,  Trévoux,  Littré),  jet  na- 
turel en  parlant  de  Teau,  et  au  figuré  rejeton.  Ron- 
sard l'emploie  au  propre  : 
...  De  vives  fontaines 
Le  vif  surgeon  perennel.  (II,  p.  73.) 
Sources  qui  bouillonnez  d'un  surgeon  sablonneux. 

0,  P-  34'-) 
Montaigne  qui  l'emploie  l'écrit  sourgeon. 
Au  figuré  Ronsard  dit  : 
Ame,  surgeon  de  la  divine  flamme.  (III,  p.  221.) 

Surnouer,  v.  intrans,,  vieux  mot,  composé  de  sur  et 
de  nouer,  nager.  Nicot  n'indique  que  surnager. 
Ex.:  (VI,  p.  374.) 

Survivre,  employé  comme  verbe  transitif  avec  un  com- 
plément direct. 

t  Les  doctes  folies  des  poètes  survivront  les 
nombreux  siècles  à  venir.  » 

(Épître  au  lecteur,  II,  14.) 

Sus,  ancienne  interjection  équivalente  au  latin  âge, 
agite,  s'employait  pour  exciter  quelqu'un  à  prendre 
courage,  à  agir. 

Sus!  quenouille,  suis-moy.  (I,  p.  219.) 
Sus  est  aussi  une  ancienne  forme  de  la  préposi- 
tion sur.  Ex.  : 


DE  Ronsard.  22^ 

Plus  je  respan  de  traits  sus  hommes  et  sus  dieux. 

(I,PI7S-) 
Sus  s'employait  aussi  dans  l'expression  par  sus, 
équivalente  h  par  dessus.  Ex.  : 

...  par  sus  toute  chose.  (I,  p.  28.) 

Quand  par  sus  la  raison  le  cuider  a  puissance. 

(VII,  p.}  j.) 

Suspens^   ancien    adjectif  dérivé    du  lat.    suspensus 
(Nicot,  Trévoux,  Littré)  :  suspendu.  Ex.  : 

(III,  p.  158.) 
Subsiste  dans  la  locution  :  en  suspens  et  comme 
terme  de    droit   canonique  :   un  prêtre    suspens 
(interdit).  (Académie.) 

Suttilement  pour  Subtilement,  orthographe  ancienne. 
Ex.  :  (I,  p.  59.) 

Sympathie^  s.  fém.,  si  français  aujourd'hui,  est  une 
heureuse  innovation  de  Ronsard. 

Les  cieux,  fermez  aux  cris  de  sa  douleur 
Changeant  de  front,  de  grâce  et  de  couleur, 
Par  sympathie  en  devindrent  malades. 

(Am.,  1,  197,  I,P-  IJ2-) 


Tabourin,  s.  masc,  vieille  forme  (Palsgrave,  Nicot, 
Littré)  du  mot  tambourin. 

Les  uns  frappoient  les  tabourins  enflez.  (III,  p.  56.) 

Tac,  i.  masc,  vieux  mot  encore  usité  en  art  vétéri- 
naire pour  désigner  une  maladie  contagieuse  de  la 
peau  qui  attaque  les  moutons,  les  chiens  et  les  che- 
vaux. On  appela  aussi  de  ce  nom  une  sorte  de  peste 


224  Lexique 

qui  désola  Paris  au  début  du  quinzième  siècle  et  qui 
se  manifestait  par  »  des  fièvres  et  tremblements  t 
accompagnés  d'une  grande  lassitude,  d'une  toux 
violente  et  de  crachements  de  sang  (Trévoux). 
Ex.  :(V,p.  258.) 

Au  figuré  :  s'applique  aux  péchés  qui  sont  comme 
la  lèpre  de  l'âme.  (III,  p.  222.) 

Taie.  (V.  Ta^'e.) 

Tais,   s.  masc,  orthographe  de  Ronsard  pour  test 
(v.  ce  mot),  tête,  enveloppe  du  cerveau,  crâne. 
Dedans  le  tais  luy  tourne  la  cervelle.  (III,  p.  131.) 

Talonnier,  s.  masc,  ailes  que  Mercure  avait  aux 
pieds  selon  la  légende.  (III,  p.  54.) 

Ronsard  emploie  aussi  le  s.  fém.  talonnière,  en- 
core usité.  (II,  p.  322.) 

T'amie,  élision  pour  ta  amie.  V.  M'amour,  s'amie, 
emploi  fréquent  jadis.  Ex.  :  (I,  p.  175.) 

Tançon,  s.  fém.,  pour  tenson  ou  tençon.  (Trévoux). 
On  appelait  ainsi  dans  les  cours  et  les  puys  d'amour 
une  discussion  en  vers,  un  dialogue  poétique  entre 
deux  ou  plusieurs  personnages  sur  une  question  de 
galanterie. 

L'Académie  en  fait  un  mot  masculin.  Mais,  con- 
formément à  l'étymologie  {tensio,  querelle,  dispute), 
Ronsard  lui  attribue  le  genre  féminin. 
Ce  mot  a  pour  lui  deux  sens  : 
r  Chant  poétique. 
(Lorsj  que  l'oiseau  parmy  les  bois  ramer 
Lu  Thracien  les  tançons  recommence. 

(Am.,  156,  I,  p.  90.) 
2°  Poésie,  œuvre  poétique. 
Et  feray  résonner  d'un  haut  et  grave  son 
(Pour  avoir  part  au  bouc)  la  tragique  tançon. 

(Am.,  II,  Elégie,  I,  p.  146.) 


DE   Ronsard.  225 

Tandis,  adv.,  employé  au  sens  primitif  du  mot. 
(V.  Littré,;  Chevallet,  Origine  et  formation  de  la 
langue  française,  III,  p.  318.)  Pendant  aussi 
longtemps,  pendant  tout  ce  temps-!à. 

Tandis  les  vents  avaient  gaigné  la  mer.  (III,  p.  92.) 
De  même  (III,  p.  107,  112,  114.) 

Tant  seulement  (v.  Littré),  vieille  expression  qui  n'est 
plus  usitée  que  dans  le  langage  familier,  signifiait 
seulement,  rien  davantage  (Trévoux). 

J'ay  soucy  tant  seulement 

De  parfumer  cointement 

Ma  barbe.  (II,  p.  276.) 

Tane,  nom  propre  employé  au  féminin  par  Ronsard 
pour  désigner  le  Tanaîs. 

Outre  la  Tane  on  m'entende  crier 
Jo!  Jo!  (I,  p.  50.) 

Tapon,  s.  masc,  autre  forme  du  mot  tampon  :  bou- 
chon. (V.  Chevallet,  I,  479,  Littré,  Brachet,  Dic- 
tionnaire.) 

Fais  après  à  ma  bouteille 

Des  feuilles  de  quelque  treille 

Un  tapon  pour  la  boucher.  (II,  p.  16}.) 

Taq.  (V.  Tac.) 

Tard,    i  tantost  est  adverbe  de  temps,  sero,  tarde, 
tantost  est  nom  adjectif,  serus,  tardus  »  (Nicot). 
Aujourd'hui  il  n'est  plus   employé   que  comme 
adverbe. 

Le  tard  vaisseau  qui  t'iroit  poursuivant.  (VI,  p.  27.) 

Tardis,  adj.  quai,  au  masc.  pi.  pour  tardifs  par 
atténuation  de /devant  le  signe  du  pluriel. 

Les  fevres  de  Vulcan  sont  plus  lents  et  tardis 
A  démener  les  bras,  que  ces  guerriers  hardis 
A  manier  les  mains.  (V,  p.  62.) 

Lex.  Ronsard.  ij 


226  LEXIQ.UE 

Targe.  (V.  Targue.) 

Targue,  s.  fém.,  autre  forme  du  mot  targe  (Nicot, 
Littré),  nom  donné  autrefois  au  bouclier.  On  re- 
trouve la  forme  targue  dans  le  dérivé  se  targuer,  se 
couvrir  de  quelque  chose  comme  d'un  bouclier,  s'en 
prévaloir  avec  ostentation. 

...  Francus,  secouant  en  la  main 
Un  javelot  à  la  pointe  d'airain, 
Ayant  au  col  sa  targue  à  mainte  houppe, 
Vers  le  chasteau  mena  sa  jeune  troupe.  (III,  p.  112.) 

La  forme  targe  se  trouve  aussi  fréquemment. 
Ex.:(II,  p.  443.) 

Taye,  s.  fém.,  ou  Taie  (Nicot,  Trévoux,  Littré),  en- 
veloppe membraneuse  (Trévoux),  qui  entoure  la 
cervelle.  Ex.  :  (III,  p.  239,  et  V,  p.  57.) 

Temple,  s.  fém.,  vieux  mot  antérieur  à  tempe  (Pals- 
grave).  Nicot  cite  temple  et  tempe. 

Trévoux  indique  encore  temple  comme  terme 
d'anatomie. 

Dessous  le  fer  sifflant  comme  tempeste 
Ores  leur  joue,  ores  sonnoit  leur  teste, 
Ores  la  temple.  (III,  p.  129.) 

Tendre,  adj.  quai.,  s'emploie  encore  par  opposition  à 
dur.  Ronsard  l'emploie  comme  synonyme  de  fra- 
gile. (I,  p.  3 1 .) 

Tendret,  adj.  quai.,  diminutif  de  tendre  (Nicot,  Lit- 
tré). 

Une  avette  sommeillant 

Dans  le  fond  d'une  fleurette 

Lui  piqua  la  main  tendrette.  (II,  p.  271.) 

Tempester,  v.  intr.,  s'employait  pour  :  être  agité  par 
la  tempête.  Ex.  :  (II,  p.  278.) 

Ronsard  l'emploie  aussi  au  figuré  pour  troubler. 


DE   Ronsard.  227 

Tempête  (Trévoux)  se  disait  du  trouble  moral,  dtt 
malheur.  Ex.  :  (II,  p.  196.) 

Temps,  s.  masc,  Bon  temps,  vieil  temps  (I,  p.  2J5), 
termes  de  vénerie.  Voir  les  mots  erres  et  vénerie. 

Tenter  esse,  nom  féminin,  innovation  de  Ronsard  pour 
tentatrice. 

...  si  quelque  déesse 
En  cent  façons  doucement  tenteresse 
M'accoloit...  (Am.,  i,  209,  I,  p.  118.) 

Terrain,  adj.  quai.,  employé  par  Ronsard  avec  le 
sens  de  terrestre,  qui  vit  sur  terre. 

Les  autres  moins  terrains  sont  à  part  habitans 

Torrens,  fleuves,  ruisseaux... 

Or  paroissant  sur  l'eau  et  ores  sur  les  rives. 

(V,  p.  ija.) 

Ronsard  emploie  aussi  terrien  et  terrien.  (V.  ces 
mots.) 

Terrien  et  Terrien,  adj.  quai.  Ronsard  emploie  indif- 
féremment les  deux  formes  comme  synonymes  de 
terrestre. 

Vous,  despouillé  du  manteau  terréen, 
Irez  au  ciel  à  la  gloire  éternelle. 

(Boc.  Roy.,  III,  p.  312.)' 
Tout  le  soin  terrien.  (V,  p.  317.) 

Terre-né,  adj.  composé,  innovation  de  Ronsard  :  né 
de  la  terre,  fils  de  la  terre. 

Les  géans  terre-nez  ont  senti  ton  pouvoir. 

(V,  p.  2)1.) 

Tesnière,  s.  fém.,  ancienne  forme  du  mot  tanière 
(Nicot).  Ex.  :(III,p.  353.) 

Test,  s.  masc.  ==  tête;  les  deux  mots  sont  dans  Ni- 
cot, mais  test  désigne  spécialement  le  crâne. 
Ton  test  n'aura  plus  de  peau. 

(Am.,  I,  Stances,  p.  75.y 


228  Lexique 

Quelques  vers  plus  loin  Ronsard  emploie  tête  et 
nous  montre  ainsi  la  différence  qu'il  fait,  comme  ses 
contemporains,  entre  les  deux  mots. 
Les  testes  des  cimetières. 
La  différence  est  peut-être  encore  plus  sensible 
dans  les  deux  exemples  suivants  : 
...  un  cheval  qui  rua, 
De  coups  de  pied  l'un  de  mes  gens  tua, 
Lui  escrageant  d'une  playe  cruelle 
Bien  loin  du  test  la  gluante  cervelle.  (VI,  p.  70.) 

...  cette  hideuse  beste 
Se  vint  coucher  tout  auprès  de  ma  teste.  (VI,  p.  70.) 
Ronsard  écrit  aussi  tais.  (V.  ce  mot.) 

Tétace  {c  =  55),  ou  Tétasse  (Trévoux,  Littré),  vieux 
mot  populaire  encore  usité  pour  désigner  les  ma- 
melles flasques  et  pendantes.  Ex.  :  (V,  p.  19^.) 

Tétinenx,  adj.  quai.,  innovation  de  Ronsard  qui  l'em- 
ploie au  sens  figuré  :  dont  le  sein  est  fécond. 
...  de  Nature  le  sein 
Est  tousjours  tetineux  pour  tout  le  genre  humain. 

(IV,  p.  341.) 

Thusqiie,  adj.  quai.,  et  Tusqiie,  pour  toscan  : 
1°  En  parlant  de  Pétrarque. 
...  les  thusques  vers.  (I,  p.  43.)". 
2°  Les  tusques  mains  ingénieuses.  (II,  p.  297.) 
Pour  désigner  les  ouvriers  de  Florence.  (Note 
de  Richelet.) 

Tiers,  fém.  Tierce,  ancien  adjectif  antérieur  à  troisième, 
dont  il  a  la  signification  (Nicot,  Littré). 

Je  me  fey  tout  françois,  aimant  certes  mieux  estre 
En  ma  langue  ou  second,  ou  le  tiers,  ou  premier. 
Que  d'estre  sans  honneur  à  Rome  le  dernier. 

(VI,  p.  191.) 

Tige,  s.  fém.  aujourd'hui;  masc.  au  seizième  siècle, 


DE   Ronsard.  229 

employé  au  masculin  par  Ronsard  dans  le  sens  de  : 
ancêtre. 

Francus,  le  tige  de  nos  rois.  (Fr.,  11,  III,  p.  121.) 

*  Tige,  se  dit  figurément  en  généalogie  de  la 
branche  principale  à  l'égard  des  branches  cadettes 
qui  en  sont  sorties,  n   (  Dictionnaire  de  Trévoux.) 

...  il  sortoit 
De  l'heureux  tige  de  sa  race.  (II,  p.  74.) 

Tigre,  s.  fém.,  employé  par  Ronsard  pour  désigner  la 
femelle  du  tigre  :  ailleurs  il  emploie  le  ternie  cou- 
rant: tigresse.  (V.  Littré,  hist.) 

Mon  roy  n'a  pas  d'une  tigre  sauvage 
Succé  le  lait.  (I,  p.  126.) 

Tigreau,  s.  masc,  diminutif  de  tigre  :  jeune  tigre, 
mnovation  de  Ronsard  calquée  sur  lionneau  dérivé 
de  lion.  Ex.  :  (IV,  p.  280.) 

Tiltre,  s.  masc.  (Nicot),  orthographe  usuelle  au  sei- 
zième siècle  du  mot  titre  (Littré).  Ex.  : 
...  sans  nul tiltre.  (III,  p.  144.) 

Tine,  s.  fém.,  tonneau,  cuve  (Nicot,  Trévoux,  Lit- 
tré), a  formé  le  dérivé  tinette.  Ex.  :  (V,  p.  252.) 

Tintouin,  s.  masc,  vieux  mot  (Nicot  en  fait  l'his- 
toire), encore  usité  aujourd'hui  quelquefois  au  sens 
propre  :  bourdonnement  dans  l'oreille,  tintement 
d'oreilles,  devenu  familier  au  sens  figuré  :  inquié- 
tude,'tracas,  soucis.  Ronsard  l'emploie  au  sens 
propre. 

Maint  tintouin  aux  oreilles  luy  bruit.  (III,  p.  131.) 

Tirace  (c  =  ss),  pour  Tirasse,  5*  pers.  sing.  prés, 
ind.  du  verbe  tirasser,  vieux  mot  (Trévoux,  Littré), 
employé  par  Ronsard  comme  synonyme  de  tirailler, 
tirer  deçà  delà,  tracasser.  Ex.  :  (II,  p.  391.) 


230  Lexique 

T'irace,  s.  fém.  (Trévoux,  Littré),  sorte  de  filet  usité 
à  la  chasse.  (VI,  p.  346.) 

Tirade,  s.  fém.,  employé  par  Ronsard  (Nicot),  pour 
signifier  :  l'action  de  tirer.  Ex.  :  (I,  p.  63.) 

Tire-loïn,  adj.  composé,  créé  par  Ronsard  qui  l'ap- 
plique à  Apollon  dont  les  flèches  selon  la  mytho- 
logie grecque  étaient  infaillibles. 
Apollon  tire-loin.  (III,  p.  80.) 

Tirelire,  s.  fém.,  onomatopée  imitant  le  cri  de 
l'alouette.  Trévoux  indique  le  verbe  intransitif //>«- 
llrer,  crier  comme  fait  l'alouette.  Ex.  : 

Tu  dis  en  l'air  de  si  doux  sons 

Composez  de  ta  tirelire.  (VI,  p.  348.) 

Tissure,  s.  fém.  (lat.  textura),  vieux  mot  (Nicot, 
Littré),  encore  usité  au  figuré,  s'employait  jadis  au 
sens  propre  pour  désigner  : 

1°  l'art  et  la  manière  de  faire  un  tissu,  puis 
2"  le  tissu  lui-même.  C'est  dans  ce  dernier  sens 
que  Ronsard  l'a  employé. 

En  la  tissure  estoient  pourtraicts  au  vif 
Deux  Cupidons.  (III,  p.  163.) 

Tlstre,  V.  trans.,  vieux  mot  (Lacombe,  Dictionnaire)  : 
tisser,  faire  delà  toile.  Ex.  :  (II,  p.  301.) 

Tltanln,   adj.  quai.,  tiré  par  Ronsard  du  nom  des 

Titans  : 

...  les  geans  séditieux 
Méchante  race  Titanine.  (VI,  p.  317.) 

Tormente,  s.  fém.,  orthographe  de  Ronsard  pour 
tourmente,  ancienne  forme  du  même  mot. 

Adieu  tormente,  adieu  tempeste,  adieu.  (I,  p,  377.) 

Tors,  adj.  quai.  Ronsard  lui  attribue  trois  formes  au 
féminin  :  torse,  torce,  torte.  (V.  Littré.) 


DE  Ronsard.  13I. 

Les  cheveux  tors  à  la  façon 

D'une  folastre  Italienne.  (II,  p.  150.) 

La  rondeur  de  cette  couronne 

Trois  fois  torse  d'un  ply  thébain.  (II,  p.  69.) 

Par  sa  voye  courbe  et  torte.  (II,  p.  229.) 

Si  fine  soye  au  mestier  ne  fut  torce.  (I,  p.  117.) 

Tortis,  adj.  quai.,  employé  par  Ronsard  (Nicot)  : 
tordu.  Ex.  : 

...  ses  blonds  cheveux  tortis.  (II,  p.  J41.) 
Après  fay-lui  son  beau  sourcy  voutis 
D'ébène  noir,  et  que  son  ply  tortis 
Semble  un  croissant.  (I,  p.  133.) 

Au  féminin  :  tortisse. 
Et  la  vigne  tortisse 

Mon  sepulchre  embellisse.  (Odes,  iv,  4,  II,  p.  2ji.) 
Tortis  est  aussi  employé  substantivement  dans  le 
sens  de  tresse,  couronne,  guirlande  (Nicot,  Lit- 
tré).  Ex.  : 

...  un  tortis  de  violettes.  (Odes,  i,  10,  II,  p.  71.) 
Il  sert  aussi  à  former  la  locution  :  en  tortis. 

(III,  p.  94.) 

Touffeau,  s.  masc.  Du  Gange  {Glossaire)  donne 
toffel,  dérivé  du  vieux  français  toffe,  touffe,  poignée, 
d'oii  vient  le  verbe  touffer  (agric),  disposer  en 
touffes,  et  l'adj.  touffu.  Ex.  : 

Et  tel  présent  vaudra  peut-être  mieux 
Qu'un  grand  toufïeau  de  fleurs  mal-agencées. 

(V,p.  339-) 
Ailleurs  Ronsard  emploie  le  mot  bouquet. 

(I.  P,  397,  V,  p.  339.) 
Toujours-verd,  adj.  composé,  créé  par  Ronsard. 
Je  veux  faire  un  beau  lict  d'une  verte  jonchée, 


De  neufard  toujours-verd  qui  les  tables  imite 
Et  de  jonc  qui  les  bords  des  rivières  habite. 

(I,  p.  190. 


232  .    Lexiqjje 

Tourbe,  s.  fém.  (Nicot,  Littré),  avait  encore  au 
seizième  siècle  la  signification  étymologique  du 
latin  turbii,  foule,  troupe.  (Subsiste  aujourd'hui 
avec  un  sens  péjoratif.) 

Ronsard   l'emploie  fréquemment    pour  troupe^ 
foule. 

...  la  tourbe 
Des  vieux  pères  laissez  sur  le  rivage  courbe. 

(II,  p.  173.) 
Fends  la  tourbe  des  François.  (II,  p.  178.) 
La  tourbe  des  chantres  divins.  (II,  p.  81.) 
V.  III,  p.  48. 

Tonrnasser,  v.  trans.  (Littré),  encore  usité  au  sens 
propre  comme  terme  technique  (façonner  sur  le 
tour),  est  employé  par  Ronsard  dans  le  sens  de 
tourner  et  retourner.  Ex.  :  (VI,  p.  345.) 

Tourner,  v.  trans.,  changer,  métamorphoser  (au  sens 
du  latin  ver  ter  e).  Emploi  ancien  de  ce  mot  (Nicot, 
Littré).  Ex.  :  (I,  p.  257.) 

Tournoyement,  s.  masc.  (Trévoux,  Littré)  :  sorte  de 
vertige.  Ex.  : 

...  tournoyement  de  cerveau.  (V,  p.  194.) 

Tournoyer  (Nicot,  Littré),  était  intransitif.  Ronsard 
l'emploie  comme  verbe  transitif  dans  le  sens  de  : 
tourner  autour,  faire  le  tour  de...  Ex.  : 

(III,p.  3i2,etIV,p.-598.) 

Tour  ter  in,  adj.  quai.  Ronsard  l'emploie  comme  épi- 
thète  du  baiser.  V.  Colombin. 

...  mille  baisers  d'Amour, 
Colombms,  tourterins.  (IV,  p.  289.) 

Tourtre,  s.  fém.,  vieux  mot.  Nicot  indique  la  forme 

tourte  (V.  Littré),  ancien  nom  de  la  tourterelle. 

Tourtres  qui  lamentez  d'un  éternel  veufvage. 

(I,  P-34I-) 


DE  Ronsard.  255 

Tout-oyant,  adj.  composé,  créé  par  Ronsard. 
Fils  de  Saturne,  Roy,  tout-oyant,  tout-voyant. 

(V,  p.  i43-> 

Tout-voyant,  adj.  composé,  créé  par  Ronsard. 
Fils  de  Saturne,  Roy,  tout-oyant,  tout-voyant. 

(V,p.  I43-) 
Trac,  s.  masc,  vieux  mot  (Palsgrave,  Nicot,  Littré), 
trace,  s'est  maintenu  longtemps  dans  la  langue  de 
la"  vénerie  pour  signifier  la  piste  d'une  bête   (Tré- 
voux). Ex.  : 

Quand  la  limace,  au  dos  qui  porte  sa  maison, 
Laisse  un  trac  sur  les  fleurs.  (I,  p.  184.) 

De  là  l'emploi  du  verbe  tracer,  traverser,  par- 
courir en  marquant  d'une  trace. 

(Am.,  I,  125,  I,  p.  116.) 

Trafiq',  abréviation  par  syncope  du  substantif  trafique, 
ancienne  forme  de  trafic,  licence  d'ailleurs  autorisée 
au  seizième  siècle  et  prônée  par  Ronsard.  {Abrégé 
de  l'Art  poétique.) 

L'artisan  par  ce  monstre  a  laissé  sa  boutique. 

Sa  nèfle  marinier,  son  trafiq'  le  marchand. 

(VII,  p.  140.) 
Ailleurs  Ronsard  l'écrit  traficq. 

S'il  n'eust  eu  traficq  avec  toy.  (II,  p.  259.) 
Ou  encore  traficque.  (II,  p.  328.) 
Ou  trafique.  (II,  p.  357.) 

Trafiqueur,  .vieux  mot  qui  s'employait  comme  sub- 
stantif et  comme  adjectif  :  aujourd'hui  trafiquant 
(Nicot,  Littré).  Ronsard  l'emploie  comme  sub- 
stantif. 

Je  suis  le  trafiqueur  des  Muses 

Et  de  leurs  biens,  maistres  du  temps.  (II,  p.  1 14.) 

Du  Bartas  l'emploie  adjectivement  : 

...  nos  trafiqueurs  vaisseaux. 


234  Lexiclue 

Traire,  V.  trans.  (lat.  trahere),  ùrer;  sens  primitif  de 
ce  mot  (Nicot,  Littré).  Ex.  :  (III,  p.  1 19.) 

Traison,  s.  fém.,  pour  Trahison,  Ex.  :  (III,  103.) 

Traitis,  adj.  quai.,  employé  par  Ronsard  avec  le  sens 
de  traître. 

Qui  peindra  les  yeux  traitis 
DeCassandre  ma  déesse?  (Il,  p.  341.) 

De  même  (I,  p.  134). 

Traîtrement,  adv.,  synonyme  de  traîtreusement.  Nicot 
cite  les  deux.  (Am.,  l,  181,  I,  p.  103.) 

Tram,  s.  masc,  onomatopée  pour  imiter  le  son  du 
cor,  de  la  trompe. 

Tantost  d'un  tram  de  trompe,  et  tantost  de  la  voix 
Je  leur  donnoy  courage.  (Songe,  III,  p.  289.) 

Tranche,  s.  lém.,  terme  technique  encore  usité  en 
agriculture  pour  désigner  une  sorte  de  pioche  ou 
de  houe. 

Quand  il  te  plaist  bêcher,  Dimanche, 
Ton  grand  nez  te  sert  d'une  tranche. 

(Épigrammes,  VI,  p.  411.) 

Translateur,  s.  masc,  dérivé  de  translater  (Nicot, 
Littré)  :  traducteur.  Translater  et  translateur  sont 
antérieurs  à  traduire  et  traducteur.  Ex.  : 

(VI,  p.  238.) 

Travail,  s.  masc,  peine,  souffrance...  (Nicot,  Lit- 
tré), sens  ancien  au  mot  travail.  Ex.  :  (I,  p.  285.) 

Travers  {par  le),  expression  équivalente  à  au  travers 
(ex.  :  d'Amyot  dans  Littré),  encore  usitée  en  ma- 
rine, mais  avec  une  acception  différente. 
Elle  qui  tint  dessus  sa  face  un  voile 
Par  le  travers  du  crespe  l'apperceut.  (III,  p,  203.) 

Trébucher,  v.  intrans.,  s'employait  jadis  comme  syno- 


DE  Ronsard.  235 

nyme  de  tomber  (v.  Littré)  :  sens  vieilli  aujour- 

d  hui  et  peu  usité. 

Comme  toisons  de  neiges  innombrables 

Qu'on  veoit  du  ciel  espaisses  trébucher.  (III,  p.  71.) 

Treluisantj  adj.  quai.,  brillant,   éclatant,  mais  d'un 
éclat  intermittent. 

...  les  aciers  brilloient  en  treluisans  esclairs. 

(V,  p.  30.) 

C'est  le  participe  présent  employé  adjectivement 
du  vieux  verbe  trelulre,  qui  signifiait,  selon  Tré- 
voux :  «  voir  imparfaitement  quelque  chose  par  le 
moyen  de  quelque  petit  éclat  de  lumière.  »  Ce 
verbe  avait  donné  naissance  à  l'expression  popu- 
laire avoir  le  trelu,  voir  une  chose  autrement  qu'elle 
n'est,  avoir  la  vue  trouble  (Trévoux). 

Ronsard  offre  un  exemple  du  verbe  treluire. 

Et  ses  rayons  treluisoient  a  l'envy. 

(Am.,  1,  91,  I,  p.  53.) 

Tremble-terre,  s.  masc,  mot  composé  par  Ronsard 
pour  tremblement  de  terre. 

Le  tremble-terre  et  les  foudres  des  cieux 
Esbranleront  sa  royale  demeure.  (III,  p.  232.) 

Tremeiller  ou  Tremailler,  v.  trans.  (Nicot,  Trévoux), 
aujourd'hui  tramaïller  (Littré),  vieux  mot. 

Trévoux  :  a  Nicot  dit  oue  ces  mots  viennent  de 
trois  et  maille,  comme  si  l'on  eût  dit  à  trois  rangs 
ou  à  trois  doubles  de  maille,  j  Nous  possédons  en- 
core :  tramail  (filet  composé  de  trois  nappes  su- 
perposées ou  de  trois  rangs  de  mailles),  et  ses 
dérivés  tramaillé  (fait  en  forme  de  tramail)  et  tra- 
maillon  (diminutif  de  tramail). 

Ronsard  emploie  tremeiller  comme  v.  intrans. 
pour  décrire  la  marche  des  fourmis  sur  trois  files. 
Ex.:  (VI,  p.  323.) 


236  Lexique 

Trepiller,  v.  intrans.,  fréquentatif  du  verbe  treper, 
encore  usité  dans  le  centre  de  la  France  pour  sau- 
ter. Ex.  :  (II,  p.  149.) 

Ronsard  emploie  aussi  trépigner  et  même  retrepi- 
gner.  (V.  ce  mot.) 

De  trepiller  vient  l'adj.  trepillard,  bondissant. 

A  l'envi  des  eaux  jazardes, 

Trépillardes, 
Vous  chanterez  mille  vers.  (VI,  p.  360.) 

Très,  employé  conformément  à  l'usage  ancien  avec  sï 
pour  renforcer  la  signification  de  l'adjeètif  et  lui 
donner  valeur  d'un  superlatif  absolu. 

...  quelque  chanson  nouvelle 
Dont  les  accords  seront  peut-estre  si  très-doux. 

(V,  p.  240.) 

Tressuer,   v.   intrans.    (Nicot),   suer    abondamment, 
suer  à  grosses  gouttes,  encore  usité  dans  quelques 
provinces,  vieux  mot.  [Roman  de  la  Rose.) 
...  nous  tressuons  d'ahan.  (IV,  p.  306.) 

Trette,  s.  fém._,  ancienne  orthographe  de  traite  (chan- 
gement de  ai  en  è,  ou  ce  qui  revient  au  même  ett). 

Ses  coureurs,  haletans  de  la  pénible  trette. 

(.VI,  p.  190.) 

Trop  plus,  usage  ancien  :  trop  servant  à  renforcer  la 
signification  de  l'adverbe  ;?/u5. 
...  troupe  chère, 
Quej'ayme  trop  plus  que  mes  yeux.  (II,  p.  82.) 

De  même  devant  un  comparatif.  Ex.  : 
...  trop  plus  cher.  (I,  p.  426.) 

On  le  trouve  encore  devant  l'adverbe  mieux  : 
trop  mieux.  Ex.  :  (I,  p.  410  et  413.) 

Et  devant  le  comparatif  meilleur  :  trop  meilleur. 

(II,  p.  302.) 


DE   Ronsard.  237. 

Troijue  et  Troq',  orthographe  de  Ronsard.  Nicot 
n'indique  que  troq,  aujourd'hui  troc,  s.  masc, 
échange.  Le  féminin  troque  subsiste  pour  signifier 
le  commerce  d'échange,  (il,  p.  40.) 

Trouble-cerveau,  adj.  composé,  créé  par  Ronsard  : 
qui  trouble  la  raison. 

...  breuvage  trouble-cerveau.  (III,  p.  331.) 

Troupelet,   s.  m.asc,  diminutif  de  troupeau,  créé  par 
Ronsard  :  troupe,  petite  troupe.  Ex.  : 
...  des  neuf  sœurs  le  sacré  troupelet. 

(VI,  p.  415.) 

Et  IV,  p.  81. 

Truchemant,  s.  masc.  (Littré)  (esp.  trucheman),  in- 
terprète. 

Le  truchemant  et  le  héraut  des  Dieux. 

(Am.,  I,  30,  I,  p.  18.) 

Trufer,  v.  trans.  (Nicot),  ou  Truffer  (Trévoux,  Lit- 
tré), vieux  mot  qui  signifiait  moquer  (Nicot)^  railler 
et  tromper  (Littré).  Ex.  :  (V,  p.  57.) 

Tue  ou  Tû,  y  pers.  du  sing.  du  prés,  de  l'ind.  da 
verbe  tuer,  employé  comme  préfixe  par  Ronsard 
dans  la  composition  des  mots  suivants  : 

Tâ-géans,  adj.  composé,  épithète  d'Hercule. 
...  ce  tû-géans  Hercule.^ 

(Am.,  I,  Élégie  à  Muret,  I,  p.  127.) 

Tue-Lyon,  adj.  composé,  épithète  d'Hercule. 

Hercule  tue-lyon.  (Titre  d'un  fragment,  VII,  p.  306.) 

Turquois,  adj.  quai.,  vieux  mot  déjà  usité  dans  le 
Roman  de  la  Rose  :  turc,  d'origine  turque. 

Ce  mot  subsiste  comme   substantif  :  turquois, 
pour  désigner  une  sorte  de  moulin  à  vent  en  usage 


238  Lexique 

en  Normandie  (l'usage  des  moulins  à  vent  venant 
d'Orient)  ;  et  turquoise,  pierre  précieuse. 

Je  vy  qu'il  portoit  des  ailes, 

Dans  la  main  un  arc  turquois.  (II,  p.  165.) 

Tuscan  pour  Toscan,  épithète  par  laquelle  (IV,  p.  3  J7) 
Ronsard  désigne  habituellement  Pétrarque,  de  même 
que  pour  lui  le  Florentin  (IV,  p.  356)  est  le 
Dante. 

Tuscane,  nom  propre,  pour  Toscane. 

...  je  me  paissois  d'espoir 
De  faire  un  jour  à  la  Tuscane  voir 
Que  nostre  France  autant  qu'elle  est  heureuse 
A  souspirer  une  plainte  amoureuse.  (I,  p.  I2j.) 

Tus  que.  (V.  Thusque.) 

De  là  l'adverbe  tusquement  :  à  la  façon  toscane,, 
c'est-à-dire  à  l'imitation  de  Pétrarque.  Ex.  : 

(IV.p.JS?-) 

Tymbre,  s.  masc.  (Nicot,  Littré).  On  nommait  ainsi 
au  moyen  âge  le  casque  ou  heaume.  Ex.  : 

Et  planté  sur  ton  tymbre  un  menaçant  pennache. 

(III,  p.  300.). 


U 


Ulcère,  s.  masc.  (Nicot,  Trévoux,  Littré).  Nicot 
n'indique  gue  le  sens  propre  :  plaie.  S'employait  au 
seizième  siècle  et  au  dix-septième  au  figuré,  pour 
signifier  une  cause  de  destruction  ou  de  corruption 
progressive.  Ronsard  l'emploie  pour  désigner  la 
olessure,  le  mal  d'amour.  Ex.  : 

(I,  p.  39,  64,  256,  304.) 

Un  chacun,  s'employait  jadis  là  oîi  la  langue  moderne- 
emploie  chacun.  (\\,  p.  74.) 


DE  Ronsard.  239 


Vague,  adj.  quai.,  employé  substantivement  au  mas- 
culin par  Ronsard  pour  désigner  l'immensité  dé- 
serte de  l'air.  (II,  p.  93.) 

Vain,  ad),  quai.,  faux,  illusoire,  qui  n'a  pas  de  réalité  ; 
d'où  le  sens  de  vide,  dans  les  vers  suivants  de  Ron- 
sard : 

Fay-nous  au  moins,  sur  le  bord  de  ces  eaux, 
Le  triste  apprest  de  quelques  vains  tombeaux. 

(III,  p.  108.) 
Quelques  vers  plus  loin  :  sépulcre  parfait,  c'est- 
à-dire  contenant  les  corps  des  disparus. 

Vain,  adj.  quai.,  employé  à  la  façon  des  Grecs  comme 
neutre  pour  la  chose  vaine,  l'image,  le  fantôme  :  le 
vain.  (III,  p.  47.) 

Valecluze,  nom  propre,  orthographe  de  Ronsard  pour 
Vaucluse. 

...  de  la  contrée 
Ou  Laure,  jusqu'au  cœur  de  son  Pétrarque  entrée, 
Fit  pour  elle  si  haut  chanter  ce  Florentin, 


Si  qu'aujourd'huy  le  Rhosne,  et  Sorgue  et  Valecluze 
Murmurant  son  renom,  sont  cognus  par  sa  Muse. 

(El.,  xxiii,  IV,  p.  30J.) 

Valeter  [Se),  v.  réfl.,  innovation  de  Ronsard,  t  se 
profaner  comme  un  valet  »  (Note  de  Richelet).  Se 
prostituer. 

Des  hauts  Dieux  la  fille  éternelle 
Ne  se  Valette  pas  ainsi,  (Odes,  i,   1 1,  II,  p.  loo.) 

Value,  s.  fém.,  vieux  mot,  synonyme  de  valeur  :  les 


240  '      Lexique 

deux  sont  dans  Nicot.   Value  n'est  plus  usité  que 
dans  l'expression  plus-value  (Trévoux,  Littré),  Ex.  : 

(III,  p.  406.) 

Vanoyer,  v.  intrans.,  se  perdre,  disparaître  (lat.  va- 
nescere),  cité  sous  la  forme  vanoier,  par  Nicot, 
comme  une  création  de  Ronsard. 

(Am.,  P.  retr.,  2,  I,  p.  389.) 

Vantenr,  s.  masc.  (Trévoux,  Littré),  synonyme  de 
vantard.  Ex.  :  (I,  p.  125.) 

Varrle,  nom  propre.  Varius,  ami  et  éditeur  de  Vir- 
gile.(III,p.  378.) 

Vasqa'ine,  s.  fém.,  dérivé  de  l'espagnol  basquina  (jupe). 
Ronsard  l'écrit   ainsi   :  l'orthographe  moderne 
basquine  se  rapproche  davantage  de  l'étymologie. 
Un  seul  exemple  : 

...  les  Nymphes  à  minuit 
Enleur  simple  vasquine.  (Ed.,  IV,  p.  7.) 

Vate,  s.  masc.  (lat.  vates),  innovation  de  Ronsard  : 
poète.  Ex.  :  (V,  p.  234.) 

Vénerie,  s.  fém.  Nous  citons  sous  cette  rubrique  une 
partie  des  vers  d'Eurymedon  et  Callirhée  où  Ron- 
sard a  pris  plaisir  à  accumuler  un  certain  nombre 
de  termes  de  vénerie.  On  trouvera  l'explication  de 
chacun  de  ces  mots  à  sa  place  dans  le  Lexique. 

C'estoit  un  Méléagre  au  mestier  de  chasser. 

Il  sçavoit  par  sus  tous  laisser  courre  et  lancer, 

Bien  démesler  d'un  cerf  les  ruses  et  la  feinte, 

Le  bon  temps,  le  vieil  temps,  l'essuy,  le  rembuscher, 

Les  gaignages,  la  nuict,  le  lict  et  le  coucher, 

Et  bien  prendre  le  droict  et  bien  faire  l'enceinte. 

Il  jugeoit  d'un  vieil  cerf,  à  la  perche,  aux  espois, 
A  la  meule,  andouillerset  à  l'embrunisseure, 
A  la  grosse  perleure,  aux  goutieres,  aux  cors. 
Aux  dagues,  aux  broquars  bien  nourris  et  bien  forts, 


DE  Ronsard.  241 

A  la  belle  empaumeure  et  à  la  couronneure. 
Il  sçavoit  for- huer  et  bien  parler  aux  chiens, 
Faisoit  bien  la  brisée,  et  le  premier  des  siens 
Cognoissoit  bien  le  pied,  la  sole  et  les  alleures, 
Fumées,  hardouers  et  frayoirs,  et  sçavoit 
Sans  avoir  veu  le  cerf  quelle  teste  il  avoit^ 
En  voyant  seulement  ses  erres  et  fouleures. 

(I,  p.  254-255 •) 
Venteux.  (V.  Ventueux,) 

Ventrée,  s.  fém.,  aujourd'hui  synonyme  de  portée  et 
appliqué  aux  seuls  animaux,  s'appliquait  jadis  à  la 
femme.  {Roman  du  Renard,  Calvin,  Nicot,  Littré)  : 
couche. 

...  criant  Lucine,  accoucha 
De  neuf  filles  d'une  ventrée.  (II,  p.  70.) 

Ventreux,  adj.  quai.,  synonyme  de  ventru,  dont  le 
ventre  est  gros,  disproportionné. 

...  la  ventreuse  araignée.  (V,  p.  196.) 
Ronsard  l'emploie  aussi  au  figuré  : 
...  pour  voir  les  esponges  ventreuses 
De  nostre  court,  en  argent  plantureuses, 
Grosses  de  biens.  (VI,  p.  26$.) 

Ventueux  et  Venteux,  adj.  quai.  Ronsard  emploie  le 
plus  souvent  la  seconde  forme. 

(I,  p.  84,  202;  III,  p.  62,  104;  VII,  p.  150.) 
On  trouve  cependant  ventueux.  (I,  p.  1 17.) 
...  des  venteuses  maisons  (synonyme  de  navires). 

(III,  p.  61.) 

Au  figuré  :  venteux,  vain,  qui  n'a  pas  plus  de 
consistance  que  le  vent. 

...  un  titre  venteux.  (III,  p.  308.) 

Verdeler,  v.  intrans.,  se  couvrir  de  verdure,  devenir 
vert.  V.  l'adj.  verdelet. 

...  aux  couteaux  voisins 
Jamais  Bacchus  n'y  fait  verdeler  ses  raisins. 

(VI,  p.  42.) 

Lex.  Ronsard.  16 


24<2  .     Lexiq^ue   : 

Verdelet^  ad),  quai.,  diminutif  de  verd  :  qui  verdit. 
...  en  ce  pré  verdelet.  (II,  p.  148.) 
Ronsard  l'emploie  aussi  au  figuré  dans  le  sens 
de  :  jeune. 

Et  de  ce  sein  les  boutons  verdelets.  (I,  p.  5.) 
...  ce  sein  verdelet.  (I,  p.  24.) 
Verdelet  est  encore  usité  aujourd'hui  en  ce  sens. 

Verdine,  s.  fém.,  nom  de  Nymphe  de  l'invention  de 
Ronsard,  (VI,  p.  140.) 

Verdugade.  (V.  Vertugade.) 

Verdurenx,  adj.  quai.,  innovation  de  Ronsard  :  prin- 
tanier,  qui  renouvelle  la  verdure.  Ex.  :  (I,  p.  354.) 

Vergektte,  s.  fém.,  ancien  diminutif  de  vergette  (Nicot, 
Littré),  qui  est  lui-même  un  diminutif  de  verge.  On 
a  dit  aussi  vergerette  (Littré)  et  ver  gère  lie,  petite 
verge.  Ex.  :  (VI,  p.  395.) 

Vergongner  ou  Vergogner  (Nicot,  Littré),  vieux  mot 
dérivé  de  vergongae  ou  vergogne  (Nicot,  Trévoux, 
Littré) .  Vergomer,  signalé  comme  actif  par  Nicot, 
est  intransitif  dans  Ronsard  :  avoir  honte...  Ex.  : 

(I,  p.  iio.) 
Vergongne  (ex.  :  I,  p.  257). 

Vermeillet,  adj.  quai.,  ancien  diminutif  de  vermeil 
(Nicot). 

Les  autres  boutons  vermeillets.  (Il,.p.  342.) 

Vermeillon,  diminutif  de  vermeil,  employé  substanti- 
vement par  Ronsard  pour  désigner  métaphorique- 
ment les  lèvres  de  Cassandre. 

(Am.,  I,  Sonnets,  54,  I,  p.  32.) 
Emploi  analogue  :  (II,  p.  198.) 

Ver/é,  adj.  (lat.  vitreus),  innovation  de  Ronsard  qui 


DE   Ronsard.  243 

l'applique  à  l'eau,  c  claire,  liquide  et  transparente» 

(Richelet). 

Tousjours  sa  course  verrée 

Se  joigne  à  l'onde  Ldirée.  (II,  p.  348.) 

Geste  belle  onde  verrée.  (VI,  p.  374.) 

Verrière,  s.  fém.  (Nicot,  Trévoux,  Littré)  :  vitre. 
On  a  dit  aussi  verrine  (Nicot,  Trévoux,  Littré). 
Ex.  :  (I,  p.  289.) 

Vers,  prép.,  emploi  ancien  de  ce  mot  pour  envers 
(Littré). 

...  à  peine  deux  ou  trois 
Vivent  après  leur  mort,  pour  n'avoir  esté  chiches 
Vers  les  bons  escrivains.  (III,  p.  374-375.) 

Vert-gay,  adj.  composé,  synonyme  de  vert  clair. 

av,p.  313.) 

Vertugade,  s.  fém,  (esp.  vertiigala).  On  a  dit  aussi 
vertugale.  Nicot  et  H.  Estienne  (Ap.  p.  Hérod.) 
indiquent  cette  dernière  forme. 

1°  Bourrelet  que  les  femmes  portaient  autrefois 
au-dessus  de  leur  corps  de  jupe  pour  le  faire  bouffer. 

2°  Robe  rendue  bouffante  par  un  de  ces  bourre- 
lets. C'€st  en  ce  dernier  sens  que  Ronsard  l'em- 
ploie : 

Et  mignottolt  un  bouquet  de  couleurs 
Echevelée  en  simple  vertugade.  (I,  p.  36.) 

Ailleurs  verdugade  (VII,  p.  306). 

La  vertugade  s'appela  aussi  vertiigadin.  Cette 
mode  abandonnée  au  début  du  dix-septième  siècle 
reparut  vers  1720;  mais  la  vertugade  s'appelait 
alors  panier.  De  nos  jours  enfin  vinrent  les  crino- 
lines et  les  tournures,  toutes  inventions  du  même 
genre,  différentes  de  nom  seulement. 

Vespre,  s.  masc,  ou  Vesprée,  s.  fém.  (Nicot,  Littré, 


244  Lexiclue 

Roman  de  la  Rose),  vieux  mot  :  la  seconde  moitié 
du  jour,  le  soir. 

...àce  vespre.  (I,p.  397.) 
...  ceste  vesprée.  (II,  p.  117.) 

Vespre  formait  la  locution  à   vespre  (Nicot)  : 
vers  la  tombée  du  jour. 

Voyez  au  mois  de  mai  sur  Tespine  la  rose. 
Au  matin  un  bouton,  à  vespre  elle  est  esdose, 
Sur  le  soir  elle  meurt.  (III,  p.  2j8.) 

Vestir,  v.  trans.  Ronsard  l'emploie  dans  un  sens  tout 
particulier  :  revêtir  la  forme  de... 

J'aimerois  mieux  vestir  un  poisson  escaillé. 

(IV,  p.  291.) 

Vesture,  s.  fém.,  vieux  mot  (Pals^rave,  Nicot,  Lit*- 
tré),  signifiait  vêtement  :  subsiste  encore  pour 
désigner  spécialement  la  cérémonie  religieuse  qu'on 
appelle  aussi  d'un  autre  nom  :  prise  d'habit. 

Un  crespe  délié  luy  servoit  de  vesture.  (V,  p.  178.) 

Veuil,  s.  masc,  vieux  mot  (Palsgrave,  Nicot)  dont 
on  trouve  des  exemples  dans  Marot,  Rabelais  : 
vouloir,  volonté.  Ex.  : 

Et  le  forçant  veuil  des  dieux.  (Odes,  1,  i,  II,  p.  28.) 
Pour  le  veuil  des  dieux  esprouver. 

(Odes,i,  1,11,  p.  3J.) 

Il  s'écrivait  aussi  vuell  {ne  =  eu). 

...  pour  ensuivre  mon  vueil.  (I,  p.  189.) 

Ronsard  emploie  aussi  vouloir,  substantif. 

(I,p.  295.) 

Vhe,  s.  fém.,  instrument  de  musique  dont  se  ser- 
vaient les  bergers.  (VI,  p.  50.) 

Viande,  s.  fém.  La  forme  plus  ancienne  était  vivande 
(bas  lat.  vivanda).  Le  mot  viande  avait  encore  au 


DE  Ronsard.  245 

seizième  siècle  sa  signification  générale  et  primi- 
tive :  vivre,  nourriture,  aliment  (Nicot,  Brachet, 
Dictionnaire  ;  Littré).  Ronsard  l'emploie  en  ce 
sens  : 

Toy  qui  jadis  des  grands  roys  les  viandes 

Faisois  trouver  plus  douces  et  friandes.  (II,  p.  127.) 

De  même  Rabelais  :  «  c'est  viande  céleste,  man- 
ger à  desjeuner  raisins  avec  fouace  (galette)  frais- 
che.  > 

Cependant  viande  avait  aussi  déjà  le  sens  res- 
treint de  chair,  Ex.  : 

Ne  m'achète  point  de  chair. 

Car,  tant  soit-elle  friande. 

L'esté  je  hay  la  viande.  (II,  p.  16}.) 

Le  sens  primitif  de  viande  subsiste  dans  les  ter- 
mes de  vénerie  viander  (pâturer  en  parlant  des 
bêtes  fauves)  et  vianais  (pâture). 

Viateur,  s.  masc.  (Nicot,  Trévoux,  Littré),  ancien 
mot  (lat.  viator)  :  voyageur.  Ex.  :  (VI,  p.  285.) 

Vieillard,  employé  adjectivement. 

...  leur  chef  tristement  vieillard.  (II,  p.  91.) 
De  même  :  (III,  p.  77). 

Père  vieillard,  escumeux  et  chenu. 
Ronsard  l'emploie  au  superlatif  : 
Les  plus  vieillards,  d'un  baston  secourus.  (III,  p.  (4.) 

Viel-jouvenceau,  s.  composé  masc,  appliqué  à  Bacchus 
par  allusion  à  l'éternelle  jeunesse  que  lui  attribuait 
la  mythologie. 

...  un  Bacchus  potelé,  gros  et  gras, 
Viel-jouvenceau.  (Poèmes,  I,  La  Lyre,  VI,  p.  64.) 

Viergeallement,  adv.,  créé  par  Ronsard  d'un  adjectif 
viergeal  (dérivé  par  lui  de  Vierge),  comme  virgina- 
iement  dérive  de  virginal.  Ex.  :  (V,  p.  52.) 


24^  Lexiq^ue 

Viloteur,  s.  masc,  ou  Vilotier  (Littré"),  ou  plutôt  Vil- 
lot'ter  (Trévou}t,  Littré),  homme  qui  mène  une  vie 
joyeuse  :  débauché,  libertin.  Ex.  :  (III,  p.  285.) 

Vinage,  s.  masc,  employé  par  Ronsard  pour  signi- 
fier :  la  boisson,  la  bonne  chère.  Emploi  assez  rare 
de  ce  mot  ;  signalé  cependant  par  Trévoux.  Ex.  : 

"  t.  VI,  p.  398  :  Pour  mieux  digérer  son  vinage. 

Ce  mot  était  plus  usité  comme  terme  de  cou- 
_,tume  pour  désigner  : 

1°  Un  droit  seigneurial  sur  les  vignes  et  sur  la 
vendange. 

2°  Une  redevance  payée  aux  seigneurs  par  les 
communautés  pour  l'entretien  des  ponts  et  pas- 
sages. 

50  Une  redevance  en  vin.  (V.  Trévoux  et  Littré.) 
Aujourd'hui  :  addition  d'alcool  dans  le  vin. 

Vineux,  adj.  quai.,-  fréquemment  employé  par  Ronsard 
avec  des  acceptions  très  variées. 

1°  Qui  produit  la  vigne. 

...  les  coteaux  vineux.  (I,  p.  39.) 
2°  Plein  de  vin. 

...  le  gobelet  vineux.  (II,  p.  474.) 
3°  Causé  par  la  boisson. 

...  les  vineux  propos.  (II,  p.  3^1 .) 
4°  Causé  par  l'abus  du  vin. 

...  la  vineuse  rage  (pour  l'ivresse).  (II,  p.  196.) 

Virer  (Se),  v.   réfl.,  vieux  mot  (Littré\  se  tourner. 

...  l'an  se  vire 
Plus  doux  vers  nous.  (li,  p.  343.) 

Vire-volter,  orthographe  de  Ronsard,  ou  Virevolter 
(Littré).  Nicot  n'indique  que  virevoulter.  On  a  dit 


J 


DE  Ronsard.  247 

aussi  virevouster,  virevouter,  et  virevousser  :  faire 
des  virevoltes,  tourner  sur  soi-même.  Ex.  : 

Les  uns  plus  gais  dessus  les  herbes  molles 
Virevdltans  à  l'entour  des  carolles 
Suivront  ta  note. 

(Poèmes,  II,  les  Isles  fortunées,  VI,  p.  177.) 

Viril,  adj.  quai.,  employé  par  Ronsard  comme  sub- 
stantif abstrait  :  le  viril  pour  la  virilité,  la  maturité 
de  l'homme,  l'âge  viril.  Ex.  :  (VI,  p.  420.) 

Vis,  s.  mascJ,  vieux  mot,  visage  (Nicot,  Littré). 
A  vis  de...  loc.  prép...  en  face  de... 

...  ce  prince,  pour  mieux  voir 
Son  estranger,  courtois  le  fit  asseoir 
A  vis  de  luy.  (III,  p.  1 16.) 

Nous  avons  conservé  l'expression  vis-à-vis  de... 

Visgot,  s.  masc,  abréviation  de  Visigoth. 

(VII,  p.  61.) 

VlsU,  adj.  quai.,  subsiste  comme  adverbe.  Ex.  : 
...  un  pied  viste.  (III,  p.  153  etpassim.) 

Viste-pied,  adj.  composé,  créé  par  Ronsard.  (V.pied- 
vite.) 

...  les  coursiers  viste-pieds.  (VI.  p.  123.) 

Vitupère,  s.  masc,  blâme,  et  Vitupérer,  v.  act., 
blâmer,  formés  tous  deux  sur  le  latin  vitiiperare,  ne 
se  trouvent  chacun  qu'une  fois  dans  les  œuvres  de 
Ronsard. 

Quel  los  r'emportez-vous  d'un  si  grand  vitupère 
En  Sparte  la  cité?  (Hymnes,  i,  3,  V,  p.  59.) 

Si  quelqu'un  icy  me  vitupère. 

(Boc.  Roy.,  III,  p.  316.) 

C'est  un  des  vieux  mots  repris  par  Ronsard  :  il 


248  Lexiclue 

est    cité    par   Palsgrave.   {Esclaircîssement   de  la 
langue  française,  II,  39.) 

Voire,  adv.,  vieux  mot  (Nicot,  Littré)  :  vraiment, 
assurément,  sans  doute.  On  disait  aussi  voirement. 

(Sonnets  retr.,  I,  p.  398.) 

Voirie,  s.  fém.  (Littré),  qui  signifiait  primitivement  le 
lieu  où  l'on  dépose  les  ordures  et  les  immondices, 
a  pris  par  extension  le  sens  de  charogne,  cadavre, 
déoris  d'animaux.  C'est  le  sens  qu'il  a  : 

(IV,  p.  35I-) 

Voirrons  (nous),  i"  pers.  du  plur.  futur  ind.  du  verbe 
voir,  ancienne  forme. 

Quand  voirrons-nous  quelque  tournoy  nouveau  ? 

(III,  p.  384.) 

Et  quelques  vers  plus  loin  deux  autres  exemples 
de  la  même  forme. 

Vois  {ta  t'en),  ancienne  forme  de  la  2*  pers.  sing. 
prés.  ind.  du  verbe  aller,  fréquente  dans  l'ancienne 
langue  pour  :  tu  t'en  vas.  (III,  p.  75.) 

Volter,  V.  trans.,  vieux  mot  (Nicot),  taire  exécuter  à 
son  cheval  un  mouvement  circulaire,  le  faire  tour- 
ner S"-  lui-même.  On  emploie  en  ce  sens  encore 
aujourd'hui  le  substantif  voue. 

(II,  p.  200,  et  II,  p.  288.) 

Voltiger,  v.  intrans.,  employé  par  Ronsard  dans  le 
sens  de  :  faire  de  la  voltige.  (V,  p.  66.) 

Encore  usité  en  équitation  avec  le  même  sens. 
Vouloir,  s.  masc.  (V.  Veuil.) 
Voutis,  adj.  quai.,  ancien  mot  repris  et  employé  par 


DE  Ronsard.  249 

Ronsard  pour  désigner  les  sourcib  :  en  forme  de 
voûte,  arqué. 

Son  beau  sourcy  voutis.  (I,  p.  133.) 

Voyageable,  adj.  c^ual.,  créé  par  Ronsard  :  accessible, 
qui  peut  être  visité  par... 

...  mon  isle  est  voyageable 
A  la  mouette  et  aux  marins  oiseaux.  (VI,  p.  77.) 

Voyaghe,  adj.  quai.  fém.  de  voyageur,  créé  par  Ron- 
sard. 

De  prompte  jambe  voyagera.  (II,  p.  336.) 

Voye,  s.  fém.  On  appelait  jadis  «  des  étoffes  à  claires 
voies  »  la  gaze,  le  canevas  et  «  autres  tissus  qui 
laissent  passer  le  jour»  (Trévoux).  Ronsard  emploie 
l'expression  à  rare  voye  qui  semble  signifier  le  con- 
traire (c'est-à-dire  un  tissu  serré)  dans  le  vers  sui- 
vant : 

Prit  un  collet  ouvert  à  rare  voye. 

On  appelle  encore  aujourd'hui  claire-voie  la  dis- 
position d'une  clôture  formée  de  barreaux  espacés 
et  laissant  du  jour  entre  eux,  sens  que  cette  expres- 
sion avait  aussi  jadis. 

VueiL{W.  Veuil.) 

Vulcan,  nom  propre,  orthographe  de  Ronsard  pour 
Vulcain.  (I,  p.  83.) 


Xénien,  protecteur  de  l'hospitalité,  du  grec  Çevioç^ 
épithète  de  Jupiter. 

Ayant  le  Roy  pour  office  divin 
A  Jupiter  versé  le  dernier  vin, 
Dieu  xenien  qui  aux  hostes  préside.  (III,  p.  1 17.) 


2^0  Lexiq^ue  de   Ronsard. 


Yvoirin.  (V.  Ivoirin.) 

Yvrer'{S'),  v.  réfl.,  pour  s'ivrer,  ancien  mot,  forme 
simple  de  s'enivrer.  Ex.  :  (II,  p.  ici.) 


FIN    DU    LEXIQ^UE. 


TABLE 

Pages. 

Préface  de  M.  Petit  de  Julleville. .- vij 

TUDE  SUR  Ronsard xj 

Théories  de  Ronsard  sur  la  langue xvij 

Vocabulaire  et  ses  éléments  constitutifs xxv 

Orthographe xlviij 

Syntaxe lix 

Conclusion Ixxij 

Lexique r 


PARIS.  TYP.  DE  E.  PLON,   NOURRIT  ET  C'^.   —    I. 


La  Bibliothèque 
Université  d^Ottawa 
Echéance 


The  Ubr 

University  c 

Date  Dl 


13MflR'84 


^3^03  001000081b 


CE  PQ   1103 

.B5R6Ô  1895 

COO   MELLERIO,  LO  LEXIQUE  DE 

ÂCC#  1344924