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LEXIQ.UE DE RONSARD
PARIS. TYP. DE E. PLON, NOURRIT ET C'«, RUE CARANCIKRE, 8.
LEXIQ.UE^^'^^^
C^
^97:^.
DE RONSARD
PRÉCÉDÉ d'une
Étuàt sur son vocabulaire, son orthographe
et sa syntaxe
L. MELLERIO
Ancien élève de l'École normale supérieure
Professeur agrégé au lycée Janson de Sailly
ET d'une préface PAR M. PETIT DE JULLEVILLE
PARIS
LIBRAIRIE PLOiSr
E. PLON, NOURRIT et C'% IMPRIMEURS-ÉDITEURS
Rue Garancière, lo
MDCCCXCV
MBUOTHECA
PQ
PRÉFACE
Il faut remercier M. Mellerio du service
•qu'il rend à l'histoire de la langue et de la
poésie française en publiant cette étude sur
le style et le vocabulaire de Ronsard. Grâce à
lui, nous allons pouvoir enfin juger sur pièces
un procès qui est resté pendant depuis trois
siècles.
C'est surtout en grammaire qu'un préjugé
régnant est difficile à ébranler. Montaigne
avait dit de son style : « Que le gascon y
aille, si le français ne peut. » On l'a cru sur
parole, et Victor Cousin, qui toutefois avait
dû lire Montaigne, écrivait : « Le style de
Montaigne, piquant mélange de gascon, etc. »
Nous savons aujourd'hui combien il y a de
mots gascons dans Montaigne. Sept. Il suffisait
de les compter. C'est toujours là qu'il en faut
venir; ou plutôt c'est par là qu'il faudrait
•commencer; mais on aime mieux disserter
d'abord.
Éoileau, qui probablement n'avait pas lu
Ronsard, car on cessa de le lire juste à l'épo-
que où Boileau apprenait ses lettres; Boileau
viij Préface.
ayant dit de Ronsard que sa muse en françaii
parlait grec et latin, tout le monde l'a cru et l'a
répété. Cependant Ronsard lui-même sem-
blait avoir pris soin de mettre en garde la
postérité contre cette injuste sentence. Il disait
dans son Artpoétlaae, dans les deux Préfaces de-
là Franciade : « C est un crime de lèse-majesté
d'abandonner le langage de son pays, vivant et
florissant, pour aller déterrer je ne sais quelle
cendre des Anciens... Tu ne rejetteras point
les vieux mots de nos romans... C'est sottise
de tirer des Romains une infinité de vocables,
vu qu'il y en avait d'aussi bons dans notre
propre langue. » De telles déclarations ne
conviennent guère à un auteur qui parlait
grec et latin en français. Mais Boileau s'est
trompé, peut-être. Depuis trente ans déjà, on
le soupçonnait d'erreur; pour l'en convaincre
aujourd'hui, M. Mellerio nous apporte un
lexique de Ronsard.
Les résultats de son enquête sont ici très
clairement exposés; s'ils ne justifient pas tout
à fait l'opinion de ceux qui, par une réaction
naturelle, allaient jusqu'à dire qu'il n'y a m
grec ni latin^ dans Ronsard, ils abrogent défi-
nitivement l'arrêt de Boileau, vraiment injuste
et excessif. Mettons à part les noms propres;
les adjectifs tirés des noms propres; les termes
techniques, employés comme tels, sans inten-
tion de les faire entrer dans le vocabulaire
commun; il reste dans Ronsard une douzj^ine
de mots grecs; le double de mots latins; au-
tant de vieux mots français; quelques vocables
italiens et espagnols, dont pas un seul, peut-
Préface. ix
être, n'a été introduit par lui; des termes de
vénerie,, nombreux pour désigner avec préci-
sion les choses de la vénerie; rares dans l'em-
ploi métaphorique. Il a créé, par une dériva-
tion facile, une trentaine de verbes; il a créé
surtout des adjectifs (en eux^ en irij en art) ;
environ vingt-cinq de ces diminutifs qui plai-
saient au goût de son temps; enfin une cen-
taine de ces fameux adjectifs composés (tels
que porte-ciel^ rase-terre, tue-lions), faits de deux
mots français, par un procédé bien français,
mais dont il a un peu abusé, créant par ce
moyen des adjectifs épithètes, tandis que la
langue aime à les employer plutôt comme
substantifs. Tels sont les éléments particuliers
de la langue de Ronsard. Le reste est fran-
çais, pur français de Paris et de son temps.
Encore peut-on dire que parmi ces mots qui
étonnent par leur figure insolite, plusieurs
probablement n'appartiennent pas plus à Ron-
sard qu'à ses contemporains. On les trouve
chez lui; une recherche attentive les ferait
rencontrer ailleurs. Tout le monde sait qu'il
est téméraire d'affirmer qu'un mot n'est qu'à
un auteur.
Le lexique de M. Mellerio nous aidera, je
l'espère, à faire rendre enfin justice à Ronsard,
ce très grand poète, trop exalté, sans doute,
par ses contemporains enthousiastes, qui l'ont
mis d'abord au-dessus d'Homère, au-dessus
de tout; mais ensuite indignement trahi,
presque au lendemain de sa mort, par le plus
extraordinaire des revirements d'opinion dont
fasse mention l'histoire littéraire. Après trois
X Préface.
siècles, il est vraiment temps que sa mémoire
trouve enfin le repos dans la gloire mesurée
qui lui est due. Il a eu quelques parties d'un
poète de premier ordre; une magnifique ima-
gination; un don très singulier de faire jaillir
des choses, même les plus humbles, ce qu'elles
renferment de poésie. Mais, quoi qu'en ait dit
Boileau, ce qu'il y a eu de plus précieux chez
lui et de plus étonnant, c'est sa langue, dont
rien ne surpasse la richesse, la variété, la
souplesse, la force, et quelquefois la préci-
sion. C'est bien lui qui a dénoué le rythme du
vers français; et nos grands poètes classiques,
Molière aussi bien que Corneille, et Racine
autant que Boileau lui-même, sont, sans le
savoir, ses disciples et ses héritiers. Sans
doute, leur style est à eux ; et, après Ronsard,
ils ont, pour ainsi dire, remis le vers français
à la forge; mais le métal dont ils l'ont forgé
leur vient de Ronsard, à qui reste l'honneur
d'avoir créé en français la langue poétique.
Petit de Julleville.
ÉTUDE SUR RONSARD
[ONSARD est certainement le poète
envers lequel longtemps la postérité
s'est montrée le plus injuste. De
i^^o à 1^8^ il jouit sur la litté-
rature et la poésie d'une souveraineté abso-
lue qui ne souffrit ni adversaires ni rivaux.
Ses contemporains accueillirent avec un en-
thousiasme sans bornes ce poète si plein de
l'antiquité dont ils étaient eux-mêmes si
épris. Tout le seizième siècle subit son in-
fluence et vit en lui, selon l'expression d'un
de ses panégyristes, le Génie et l'oracle de la
poésie française. Et, pendant près de cinquante
ans, le Phœhus des Français, V Apollon de la
Source des Muses exerça sur le goût de ses con-
temporains une autorité presque sans conteste.
Il semblait qu'il n'y eût pas d'honneurs assez
éclatants, de distinctions assez rares pour
glorifier son génie.
Comblé de faveurs par les plus grands
princes de son siècle, il recevait du Pape des
félicitations publiques ; les poètes étrangers
venaient lui demander des avis et soumettre
xij ÉTUDE SUR Ronsard.
leurs œuvres à son approbation (Le Tasse, par
exemple, pour sa Jérusalem déiivréé)\ ses poésies
étaient lues publiquement et commentées dans
les écoles de France, d'Angleterre, de Pologne
et même d'Allemagne. Bien plus, cet enthou-
siasme pour notre poète donnait naissance au
dicton : Donner un souffleta Ronsard, exprimant
métaphoriquement Tidée de « faire une faute
contre la pureté du langage».
On pourrait former un volume des éloges
qu'il reçut de son vivant, des oraisons funè-
bres et des épitaphes qu'on lui consacra après
sa mort.
' Ronsard devait payer cher cette faveur ex-
traordinaire et presque sans précédent : vingt-
cinq ans après sa mort il était oublié. Sous
Louis XIII il a encore quelques partisans
attardés, quelques admirateurs enthousiastes :
ce sont surtout des universitaires, des mem-
bres des parlements de province, enfin quel-
ques gentilshommes campagnards, qui par
suite de leurs études ou de leur tour d'esprit,
de leurs fonctions ou de leur éloignement de
la capitale, ou de leur répugnance à suivre la
mode, étaient restés à l'écart du mouvement,
et, ne voulant pas brûler ce qu'ils avaient
longtemps adoré, se refusaient à humilier
Ronsard devant Malherbe. C'est à la piété de
ces partisans attardés du poète vendômois,
que l'on doit attribuer ses deux éditions pos-
thumes de 1609 (un volume in-folio) et de
1623 (deux volumes in-folio); elles furent
comme une tentative de réaction contre la
réaction antironsardiste de Malherbe.
ÉTUDE SUR Ronsard. xiij
Mais cette tentative échoua : car si la der-
nière moitié du seizième siècle procède de
l'école de Ronsard et suit les théories poé-
tiques de la Pléiade, les premières années du
dix-septième siècle marquent le terme de cet
engouement, et dès 162^ la nouvelle École
poétique, l'École de Malherbe, s'est emparée
du Parnasse français.
Dès lors, pour la majorité, Ronsard est bien
Le poète orgueilleux, trébuché de si haut,
dont parle Boileau. Il a attaché son nom à
une entreprise hardie, il est vrai, mais cou-
verte de ridicule, parce qu'elle n'a pas été
comprise, et pour laquelle on a inventé les
mots Ronsardiser, Ronsardisme et Ronsardiste.
Pourquoi cette réaction s'est-elle faite ? On
l'a attribuée à Malherbe ; c'est un tort. Mal-
herbe ne l'a pas faite ; il l'a plutôt enregistrée ' ;
il a été l'homme de la situation, sans pour cela
l'avoir provoquée.
Quelles en furent alors les causes ? On
peut, ce me semble, en signaler deux : la pre-
mière, le besoin de réaction naturel aux
hommes après un mouvement d'enthousiasme ;
la seconde, les excès de certains disciples ou
imitateurs maladroits de la Pléiade (du Bartas
par exemple), qui, par recherche de l'origina-
lité, n'hésitaient pas à violenter la langue et
le génie français.
I. y. à ce sujet la thèse de M. F. Brunot sur Malherbe,
et l'article de M. Brunetière {Revue des Deux Mondes du
I j décembre 1892).
xiv ÉTUDE SUR Ronsard.
Quoi qu'il en soit, du jour où Malherbe,
dans un accès d'humeur, biffa vers par vers
les œuvres du Cygne vendômois, Ronsard fut
condamné à l'oubli au point que cent ans plus
tard, en 171 5, un écrivain pouvait dire:
a Personne n'oserait se vanter de posséder un
Ronsard, et encore moins de l'avoir lu. »
(La Monnaye, Menagiana.)
Mais déjà dès le dix-septième siècle, on ne
parle plus guère de lui que pour rappeler l'in-
succès de sa tentative. Le poète que le cardi-
nal du Perron appelait le « grand ornement
des Muses et de la France » inspire à Boileau
les vers injustes que l'on connaît : Ronsard,
dit-il,
Réglant tout, brouilla tout, fit un art à sa mode
Et toutefois longtemps eut un heureux destin.
Mais sa Muse, en français parlant grec et latin^
vit, dans l'âge suivant, par un retour grotesque,
Tomber de ses grands mots le faste pédantesque.
Ce poète orgueilleux, trébuché de si haut,
Rendit plus retenus Desportes et Bertaut.
{Art poétique, 124 et suiv.)
Quelques années après, François Gacon
(1667- 172 5), poète satirique aujourd'hui ou-
blié, qui, peut-être pas plus que Boileau,
n'avait lu Ronsard, lui fait le même reproche
à peu près dans les mêmes termes :
Le célèbre Pierre Ronsard
Avec tout le génie et l'art
Qu'il faut pour faire un grand poète,
Que si ses vers n'ont eu qu'un très faible destin,
C'est qu'il a très souvent besoin d'un interprète,
Et qu'il parle français moins que grec et latin.
ÉTUDE SUR Ronsard
XV
Notre siècle a eu le mérite d'appeler de
nouveau l'attention sur ce poète qu'on ne
connaissait plus guère que de nom ou par le
jugement de Boileau. Mais malgré la brillante
et solide étude de Sainte-Beuve sur Ronsard,
malgré les éditions de M. Blanchemain, de
M. Becq de Fouquières, etc., malgré les
travaux plus récents sur le seizième siècle, il
semble que le jugement de Boileau soit resté
sans appel. Pour ne citer qu'un exemple, le
grand Dictionnaire de Larousse, imprimé en
1866, reproduit, en la développant, la sévère
condamnation de Ronsard prononcée par
Boileau. Après avoir cité le célèbre passage
de Joachim du Bellay : « Là donques, Fran-
« cois, marchez courageusement vers cette
a superbe cité romaine, et des serves dé-
fi pouilles d'elle, comme vous avez fait plus
« d'une fois, ornez vos temples et vos au-
« tels... Pillez-moi sans conscience les sacrés
« trésors de ce temple delphique... » l'auteur
du Dictionnaire ajoute : « On sait si Ronsard,
G à qui Boileau plus tard reprochait d'avoir
« parlé grec et latin en français, suivit ces
« conseils qu'il avait donnés... Ses odes dites
« pindariques, d'une tournure laborieuse et sa-
« vante, divisées en strophes, antistrophes et
« épodes, à la mode grecque, hérissées de néolo-
(f gismes helléniques et d'une enflure extraordi-
a naire, pèchent par la complication et l'obs-
« curité. »
En admettant même que ces assertions fus-
sent vraies pour quelques odes pindariques
(ce qui est encore fort contestable), elles se-
XXVJ ÉTUDE SUR RONSARD.
à plaisir les trésors d'une érudition peut-être
indigeste; et certaines pages de ses œuvres
sont inintelligibles ou peu s'en faut, sans le
secours d'un dictionnaire d'histoire ou de
mythologie : les dieux, les héros des légendes
viennent à tour de rôle défiler devant les
yeux du lecteur et défier sa sagacité. Il n'y a
pas un sentiment, pas une idée qui ne prenne
comme d'elle-même, en ses écrits, la forme
d'une fable ou d'une allégorie mythologique;
la forme même est souvent purement grecque.
La langue s'en ressent parfois, il est vrai ;
mais les emprunts que Ronsard a faits au
grec et au latin sont beaucoup plus rares
qu'on n'a dit.
D'ailleurs, sans parler de tout son vocabu-
laire mythologique qui est le même (ou peu
s'en faut) que le nôtre, les quelques mots
nouveaux qu'il a tirés du grec et du latin
peuvent être rangés en trois catégories. Ce
sont :
1° Des noms propres;
2" Des termes techniques qu'il a employés
comme tels sans chercher à les franciser;
3<* Des mots (substantifs, adjectifs ou ver-
bes), qui sont en très petit nombre et qui
d'ailleurs presque tous sont restés dans notre
langue.
Pour s'en assurer, il suffit d'entrer dans le
détail et de décomposer pour ainsi dire le vo-
cabulaire de Ronsard en ses principaux élé-
ments constitutifs : l'on verra ainsi tour à tour
ce qu'il doit au grec et au latin, à l'espagnol
ou à l'italien, au vieux français ou aux dia-
ÉTUDE SUR Ronsard. xxvij
lectes provinciaux, aux métiers, et enfin à sa
propre invention.
ELEMENTS GRECS.
Nous ne parlerons plus du fameux vers
Ocymore, Dispotme, Oligochronien ;
on a vu ce qu'il faut en penser.
Il serait à souhaiter que Ton pût de même
décharger la mémoire de Ronsard des épithètes
Carpime^ Evaste, Agnien, Manique^ Lenéan, Nomian,
Nyctelian, Evien, et autres semblables, qui toutes
ont besoin d'un commentaire et sembleraient
(si ce n'étaient des qualificatifs mythologiques)
justifier le reproche de Boileau.
Mais si nous citons le qualificatif P/zjAzè?g_,
appliqué à Apollon, les noms de Cronien,
donné à Neptune, de Phiiïen et Xénien, à Jupi-
ter, de Pithon ou Python, à la déesse de l'élo-
quence, et une vingtaine d'autres, dont on
trouvera plus loin i'énumération', nous au-
rons épuisé la liste des noms mythologiques
grecs que Ronsard emploie et qui sont tombés
la plupart en désuétude : il ne faut pas oublier
Anangé, employé par le poète pour désigner
la déesse aveugle de la fatalité ('Avayxrj).
On peut encore relever les quelques mots
suivants qui ont la même origine et n'ont pas
eu plus de succès : Charité (Xapt;) (qui cepen-
I. Duliche, Eraton, Ménétie, Ariadne, Die, Lacëne, Pega-
sis, Semele, Eryce, Cleion et Cleio, Phtinopore, Trieie,
Bassar, Enyon.
xviij ÉTUDE SUR Ronsard.
vendômois. On en a profité pour l'accuser
d'avoir voulu asservir notre langue au grec et
au latin, et, pour justifier cette assertion, on
a faussé le sens de quelques-uns de ses vers.
Quand il s'écrie :
Ah ! que je suis marry que la Muse françoise
Ne peut dire ces mots comme fait la Grégeoise,
Ocymore, Dispotme, Oligochronien...
[Tombeau de Marguerite de France, t. VII, p. 178.)
ce n'est pas un regret qu'il exprime, à vrai
dire : il constate l'impossibilité de parler
grec en français. Il ne s'aveugle pas sur la
valeur de ces mots, que l'on a si souvent
cités pour le condamner; dans l'édition de
I ^75 on lit cette note de Ronsard : « Ces mots
a grecs seront trouvez fort nouveaux, mais
« d'autant que nostre langue ne pouvoit ex-
« primer ma conception, j'ay esté forcé d'en
« user, qui signifient une vie de petite durée. »
(VII, p. 178.)
Mais, dit-on souvent, si l'on accuse Ron-
sard d'avoir en français parlé grec et latin ^ l'ac-
cusation peut paraître fondée, puisqu'elle
repose sur un aveu fait par Ronsard lui-
même :
Les François qui mes vers liront,
S'ils ne sont et Grecs et Romains,
En lieu de ce livre ils n'auront
Qu'un pesant faix entre les mains. (III, p. 2J2.)
Il suffit, pour s'entendre, de prendre au
figuré ces vers qu'on a pris trop longtemps à
la lettre. Loin d'avouer qu'il parle grec et
latin en français, Ronsard, dans ces quatre
Etude sur Ronsard. xix
vers, fait allusion, non pas à la langue qu'il
parle et qui est parfaitement française, mais
■aux idées qui sont développées dans sa poésie,
et encore plus aux faits qu'elle rappelle et
aux allusions qu'elle renferme. Il déclare qu'on
ne pourra comprendre ses vers que si l'on
connaît à fond les littératures et la mytholo-
gie anciennes. H écrit en français, mais il
pense en grec et en latin ; et en cela, il est
bien de son siècle.
On l'accuse d'avoir préféré les langues an-
ciennes à la langue maternelle; il faudrait
plutôt lui savoir gré de son amour pour le
français. C'est lui, ne l'oublions pas, qui,
dans la préface de la FrancLuiey écrit contre
les « latineurs et grécaniseurs » de son temps
ces lignes pleines de sens :
« Je te conseille d'apprendre diligemment
« la langue grecque et latine, voire italienne
« et espagnole : puis, quand tu les sçauras
a parfaitement; te retirer en ton enseigne comme
« un bon soldat, et composer en ta langue mater-
« nelle... Car c'est un crime de lèze majesté
« d'abandonner le langage de son pays vivant et
« florissant pour vouloir déterrer je ne scay
« quelle cendre des anciens... » (III, p. 3^.)
Ainsi le chef de la révolution poétique au
seizième siècle a combattu pour l'indépen-
dance et l'intégrité de la langue maternelle,
et comme le dit le manifeste de la Pléiade,
pour sa défense et son Illustration.
Il faut avouer cependant qu'il tenta de la
modifier, et voulut créer pour la poésie une
langue plus noble, plus riche, plus exprès-
XX ÉTUDE SUR Ronsard.
sive que la prose. Mais loin d'emprunter ex-
clusivement, comme on l'a dit à tort, des mots
au grec et au latin, c'est surtout en puisant à
ses sources nationales qu'il entend enrichir
notre langue.
Il encourage le poète à connaître les dialec-
tes provinciaux, et à ne pas craindre d'y re-
courir pour compléter et enrichir son vocabu-
laire : « Je te conseille d'user indifféremment
« de tous les dialectes... », dit-il dans la pré-
face de sa Franciade; et, dans son Art poétique,
il développe la même idée qu'il serait peut-
être imprudent d'approuver sans réserves :
« Tu sçauras dextrement choisir et approprier à
« ton œuvre les mots plus significatifs des dialectes
a de nostre France, quand mesmement tu n'en
« auras point de si bons ny si propres en ta
ce nation ; et ne te faut soucier si les vocables
ce sont Gascons, Poictevins, Normans, Man-
te ceaux, Lionnois, ou d'autres pais, pourveu
« qu'ils soient bons et que proprement ils si-
ce gnifient ce que tu veux dire. »
Ces idées du maître, furent reprises par
l'un de ses adorateurs^ Vauquelin de la Fres-
naye, qui, dans son Art poétique, s'exprime à
peu près dans les mêmes termes :
L'idiome Norman, l'Angevin, le Manceau,
Le François, le Picard, le poli Tourangeau
Apprens, comme les mots de tous ars mécaniques,
Pour en orner après tes phrases poétiques...
(Vauquelin de la Fresnaye, Art poétique,
t. I, p. 12 et 13.)
Ronsard va plus loin encore. Gomme plus
I . Le mot est de Vauquelin.
ÉTUDE SUR Ronsard. xxj
tard devaient le tenter Fénelon et La Bruyère,
il veut faire revivre les mots expressifs du
vieux français qui tombent ou déjà sont tom-
bés en désuétude : « Tu ne rejetteras point
« les vieux mots de nos romans, dit-il dans
« son Art poétique, ains les choisiras avec
« meure et prudente élection. » Si nous reve-
nons à la préface de la Franciade, où Ron-
sard a exposé la plus grande partie de ses
théories poétiques, nous trouvons encore ce
passage significatif : « Je t'adverti de ne faire
« conscience de remettre en usage les antiques
« vocables et principalement ceux du langage
« wallon et picard, lequel nous reste par tant
ot de siècles, l'exemple naïf de la langue française,
« j'enten de celle qui eut cours après que la
« latine n'eut plus d'usage en nostre Gaule,
a et choisir les mots les plus pregnans et significa-
« tifs non seulement dudit langage, mais de
« toutes les provinces de France pour servir
« à la poésie lors que tu en auras besoin... »
Ronsard recommandait encore (et après lui,
Vauquelin de la Fresnaye reprit cette idée)
l'emploi des termes de métier, de vénerie, d'agri-
culture, etc. : « Tu praticqucras bien souvent
« les artisans de tous mestiers, comme de Ma-
« rine, Vénerie, Fauconnerie, et principale-
ce ment les artisans de feu. Orfèvres, Fon-
ce deurs, Mareschaux, Minerailliers; et de là
c( tireras maintes belles et vives comparaisons
a avecques les noms propres des mestiers pour
« enrichir ton œuvre et le rendre plus agréa-
« ble et plus parfait... »
{Art poétique, t. VII, p. 321.)
xxij ÉTUDE SUR Ronsard.
On le voit, la langue que Ronsard rêvait
de créer pour la poésie était une langue arti-
ficielle de formation, mais française dans ses
éléments. Loin d'être latineur ou grécanizeur, à
cette époque où maint écrivain despume la ver-
boclnation latlale\ Ronsard défendit toujours
avec un soin jaloux l'intégrité de notre langue.
Et à ce propos, d'Aubigné raconte que Ron-
sard disait à ses disciples : « Mes enfants,
« deffendez votre mère de ceulx qui veulent
« faire servante une damoyselle de bonne
« maison. Il y a des vocables qui sont fran-
« cois naturels, qui sentent le vieux, mais le
« libre françois comme doiigé^ tenue, empoiir,
« dorne, baager, bouger et autres de telle sorte.
« Je vous recommande par testament que vous
« ne laissiez point perdre ces vieux termes,
« que vous les employiez et defFendiez hardi-
ce ment contre des maraux qui ne tiennent pas
« élégant ce qui n'est point escorché du latin
« et de l'italien et qui aiment mieux dire
« collauder, contemner, blasonner, que louer, mes-
« priser, blasmer : tout cela est pour l'escholier
« limousin. Voilà les propres termes de Ron-
i' sard. )) (Tragiques : avertissement.)
Ainsi non seulement il ne cherchait pas à
parler grec et latin en français, mais encore
il recommandait de ne point écorcher le latin,
« comme nos devanciersqui ont trop sottement
« tiré des Romains une infinité de vocables
« estrangers, veu qu'il y en avoit d'aussi bons
« dans nostre propre langue ».
I. Expression de Rabelais.
ÉTUDE SUR Ronsard. xxiij
En effet, si l'on examine les quatre-vingt-
dix ou cent mille vers que Ronsard a compo-
sés, on est frappé du petit nombre de mots
étrangers qu'il a admis dans ses œuvres. La
langue est presque toujours pure et puisée à
la bonne source française.
Est-ce à dire que Ronsard se soit abstenu
de toute innovation dans la langue .^ Non : il a
créé quelques mots nouveaux, surtout des
dérivés ou des composés ; et c'est en lui prê-
tant à tort des innovations dont il n'était pas
coupable que ses contemporains et ses succes-
seurs l'ont exposé aux critiques qui l'accablent
depuis près de trois siècles.
Ronsard autorise la création de mots nou-
veaux : (f Je te veulx bien encourager de
« prendre la sage hardiesse d'inventer des
« vocables nouveaux », dit-il, mais il ajoute
aussitôt cette restriction qui atténue son audace
et manifeste une fois de plus sa préoccupation
constante de ne pas forcer le génie de notre
langue : a pourveu qu'ils soient moulez et
« façonnez sur un patron desjà receu du peu-
« pie... » {Franciade, préface, t. III, p. 32.)
Et il en donne la raison : « Il est fort difficile
« d'escrire bien en notre langue, si elle n'est
<( enrichie autrement qu'elle n'est pourlepré-
« sent de mots et de diverses manières de
« parler... »
Quelquefois même il prêche d'exemple, et,
pour faciliter la besogne aux auteurs qui, dit-
il, « sçavent bien à quoy s'en tenir » sur la
difficulté d'écrire en français, il leur conseille
ce qu'il appelle le provignement, c'est-à-dire la
xxiv Etude sur Ronsard.
formation de dérivés d'un usage commode^
tirés de mots qui tombent en désuétude.
« Si les vieux mots abolis par l'usage ont
'( laissé quelque rejetton, comme les branches
« des arbres couppez se rajeunissent de nou-
« veaux drageons, tu le pourras provigner,
« amender et cultiver, afin qu'il se repeuple
« de nouveau : exemple de lobbe qui est un
« vieil mot françois qui signifie mocquerie et
« raillerie. Tu pourras faire sur le nom le
« verbe lobber, qui signifiera mocquer et gau-
« dir, et mille autres de telle façon. » (Art
poétique.)
Le malheur pour Ronsard est qu'il ne s'en
tint pas là : il crut que l'on pouvait former
en français des mots composés à la façon des.
Grecs et des Latins : ajoutons, pour sa dé-
charge, qu'il les formait exclusivement d'élé-
ments français, ce qu'on oublie généralement
d'ajouter. « Ta composeras, dit-il, hardiment
« des mots à l'imitation des Grecs et Latins, pour-
ce veu qu'ils soient gracieux et plaisans à l'au-
« reille, et n'auras soucy de ce que le vulgaire
« dira detoy...» (Art poétique, t. III, p. 53^.)
Il est vrai de dire qu'il n'usa de la permis-
sion qu'avec mesure; mais il a suffi de quel-
ques mots bizarres formés par lui pour lui
assurer une réputation de barbarie qu'il ne
méritait certes pas : c'est ce que prouve l'étude
de son vocabulaire et de ses éléments consti-^
tutifs.
ÉTUDE SUR Ronsard. xxv
VOCABULAIRE DE RONSARD
Il faut distinguer dans le vocabulaire de
Ronsard deux parties : l'une lui est commune
avec ses contemporains, et tout travail d'en-
semble sur la langue du seizième siècle peut
en rendre compte; l'autre est plus originale,
elle est son œuvre, sa création propre : celle-
ci seule nous intéresse.
Les études que Ronsard fit sous la direction
du savant Daurat au collège de Coqueret
eurent la plus grande influence sur le déve-
loppement de son génie : on peut dire qu'il en
est sorti tout entier. Ronsard, dit un de ses
biographes, « demeurait sur ses livres jusqu'à
deux ou trois heures du matin, et en se cou-
chant, réveillait Baïf (ils habitaient la même
chambre), qui se levait aussitôt et ne laissait
pas refroidir la place «. Cette fièvre de "tra-
vail, cet enthousiasme pour l'antiquité que la
Renaissance inspirait à tous les esprits culti-
vés d'alors, et qui dévoraient notre poète,
l'entraînaient, le jour, dans les bibliothèques
publiques et privées. S'assimilant toutes les
œuvres des anciens, il en tira la « substanti-
fique moelle «^qu'elles contenaient; il s'ap-
propria ainsi bientôt leur langue, leurs idées,
leur tour d'esprit même; et dés qu'il entreprit
d'écrire, il écrivit comme un ancien eût écrit.
Les idées, les souvenirs de la Grèce et de
Rome inondèrent sa poésie ; il y versa comme
XXVJ ÉTUDE SUR RONSARD.
à plaisir les trésors d'une érudition peut-être
indigeste; et certaines pages de ses œuvres
sont inintelligibles ou peu s'en faut, sans le
secours d'un dictionnaire d'histoire ou de
mythologie : les dieux, les héros des légendes
viennent à tour de rôle défiler devant les
yeux du lecteur et défier sa sagacité. Il n'y a
pas un sentiment, pas une idée qui ne prenne
comme d'elle-même, en ses écrits, la forme
d'une fable ou d'une allégorie mythologique;
la forme même est souvent purement grecque.
La langue s'en ressent parfois, il est vrai ;
mais les emprunts que Ronsard a faits au
grec et au latin sont beaucoup plus rares
qu'on n'a dit.
D'ailleurs, sans parler de tout son vocabu-
laire mythologique qiii est le même (ou peu
s'en faut) que le nôtre, les quelques mots
nouveaux qu'il a tirés du grec et du latin
peuvent être rangés en trois catégories. Ce
sont :
r° Des noms propres;
2" Des termes techniques qu'il a employés
comme tels sans chercher à les franciser;
3" Des mots (substantifs, adjectifs ou ver-
bes), qui sont en très petit nombre et qui
d'ailleurs presque tous sont restés dans notre
langue.
Pour s'en assurer, il suffit d'entrer dans le
détail et de décomposer pour ainsi dire le vo-
cabulaire de Ronsard en ses principaux élé-
ments constitutifs : l'on verra ainsi tour à tour
ce qu'il doit au grec et au latin, à l'espagnol
ou à l'italien, au vieux français ou aux dia-
ÉTUDE SUR Ronsard. xxvij
lectes provinciaux, aux métiers, et enfin à sa
propre invention.
ELEMENTS GRECS. _y
Nous ne parlerons plus du fameux vers
Ocymore, Dispotme, Oligochronien ;
on a vu ce qu'il faut en penser.
Il serait à souhaiter que Ton pût de même
décharger la mémoire de Ronsard des épithètes
Carpime^ Evaste, Agnien, Manique, Lenéan, iXomian,
Nycteliarij Evien, et autres semblables, qui toutes
ont besoin d'un commentaire et sembleraient
(si ce n'étaient des qualificatifs mythologiques)
justifier le reproche de Boileau.
Mais si nous citons le qualificatif Pluncîe,
appliqué à Apollon, les noms de Crânien,
donné à Neptune, de Philien et Xénien, à Jupi-
ter, de Pithon ou Python, à la déesse de l'élo-
quence, et une vingtaine d'autres, dont on
trouvera plus loin ï'énumération', nous au-
rons épuisé la liste des noms mythologiques
grecs que Ronsard emploie et qui sont tombés
la plupart en désuétude : il ne faut pas oublier
Anangé, employé par le poète pour désigner
la déesse aveugle delà fatalité ('Avay^r;).
On peut encore relever les quelques mots
suivants qui ont la même origine et n'ont pas
eu plus de succès : Charité (Xapi'ç) (qui cepen-
I. Duliche, Eraton, Ménétie, Ariadne, Die, Lacëne, Pega-
sis, Semele, Eryce, Cleion et Cleio, Phtinopore, Triete,
Bâssar, Enyon.
xxviij ÉTUDE SUR Ronsard.
dant tend à reprendre vie aujourd'hui), Enté-
Uchic, Pdsithcej Népenthe, Pyralide, Lychnite, Scid'
mâches.
Enfin les autres mots grecs que Ton peut
signaler dans ses œuvres sont restés dans la
langue avec le sens qu'il leur attribue. Ce
sont : idole, enthousiasme^ métamorphose, phare,
prognostique, sympathie, et ce dernier seul est de
son invention.
ELEMENTS LATINS.
Les mots purement latins sont plus nom-
breux que les mots grecs dans le vocabulaire
de Ronsard. Encore y en a-t-il fort peu qui
lui soient particuliers. Beaucoup en effet appar-
tiennent à la langue des quinzième et seizième
siècles.
Quelques-uns remontent aux origines du
français, comme ancelle, ardre, arène, carme,
coulpe, ire (et ses dérivés iré, ireux)^ occire, par-
ger, querelle, tourbe, et bien d'autres qu'Userait
oiseux d'énumérer.
Un très petit nombre est de l'invention de
Ronsard. Ce sont : ariole, blandice, élargir (lar-
giri), exercite (cité par Palsgrave), dace, manicles,
partir [partiri], famé (fama), glix (glis.), mercerie
{merces), moleste (subst. dér. de molestus). Orque
{orcus), perennel (perennis), pronube {pronuba Juno),
roter (eructare), semestre (employé adjectivement),
subrertir (subrertere), vitupère (subst. déjà cité
par Palsgrave, repris par Ronsard). Ajoutons
encore aspérir, indole, macter, musser, tollir, vate
ÉTUDE SUR Ronsard. xxix
(vates) ; et nous aurons à peu près tous les mots
de forme latine dont Ronsard ait fait particu-
lièrement usage'.
Il ne nous reste plus à signaler que quel-
ques adjectifs en eux tirés d'adjectifs latins en
osas {oblLvieuXj etc.), ou formés sur ce patron
{odoreux, présagieux), et quelques autres adjec-
tifs à terminaisons variées comme facond,
erratique, disert, aime, tusque.
En somme, par l'examen attentif de ces
listes de mots l'on peut déjà se faire une idée
exacte de ce qu'a été, sur Ronsard au point de
vue du vocabulaire, l'influence grecque et
latine; et l'on sera forcément amené à con-
clure que, pour ce qui concerne le grec et le
latin, l'accusation de Boileau ne repose sur
aucun fondement sérieux.
Ronsard certes a employé un plus grand
nombre de mots venus du grec et du latin ;
mais ceux-là faisaient partie du fonds com-
mun à tout le seizième siècle, et ses contem-
porains en ont, comme lui, fait usage. Ceux
qui viennent d'être signalés sont les seuls
qu'il dut créer ou tenter de faire revivre; et si,
à côté de quelques termes barbares et peu
utiles, d'ailleurs en très petit nombre, il a su
inventer et faire vivre quelques mots élégants
de forme et répondant à un besoin, il serait
injuste de lui en faire un crime : je n'en veux
pour preuve que le joli mot de sympathie dont
il est l'auteur.
Si maintenant nous poussons plus loin notre
I . Voir pour le sens de ces mots le Lexique.
XXX ÉTUDE SUR RONSARD.
examen, nous verrons combien peu PvOnsard
a subi les influences étrangères; et nous se-
rons forcés d'avouer que sa préoccupation
dominante, unique, a bien été toujours, non
d'implanter en France une langue poétique
hétérogène, mais d'en créer une exclusive-
ment nationale, composée exclusivement (ou
presque) d'éléments français.
ELEMENTS ESPAGNOLS ET ITALIENS.
On sait Tinfluence que les événements poli-
tiques ont, au seizième siècle, donnée à l'Es-
pagne et à l'Italie sur les affaires de la France,
sur ses mœurs, et même sur sa langue.
Cependant le vocabulaire particulier de
Ronsard ne comprend qu'un très petit nombre
de mots empruntés à l'espagnol : ils sont au
nombre de sept : abricot, guiterre (aujourd'hui
guitare), vasquine (aujourd'hui basquine), tru-
chemant, parangon et son dérivé parangonner :
tous ces mots étaient employés avant lui ou
se trouvent dans les œuvres de ses contempo-
rains; le seul mot d'origine espagnole qui lui
soit propre est le terme technique de Riagas
(sorte de poison).
On le voit, l'influence espagnole sur Ron-
sard a été presque nulle; plus grande a été
l'influence italienne, et en cela il n'a fait que
suivre la mode : car les guerres du quinzième
et du seizième siècle avec l'Italie, les alliances
contractées par nos rois, avaient eu pour effet
d'introduire dans notre langue une foule de
ÉTUDE SUR Ronsard. xxx{
mots italiens (termes de métier militaire, de
cour, etc.).
Ainsi les mots suivants que Ronsard a em-
ployés comme ses contemporains : brare^ colo-
nely escrimer j morioriy mousquette, pennache, qua-
drdie, scadron, soldat, artichaut, courtisan et
courtiseur, madrigal, accort, h aster , chiourme,
garhe.
Les emprunts personnels qu'il a faits à l'ita-
lien se réduisent à quatre : les deux verbes
dênerver et déveiner, le participe forussis (italien
fuorusciti, bannis) et le substantif serée (ita-
lien 56Tc7_, soir).
D'accord avec Henri Estienne, Ronsard
croyait à la précellence de sa langue maternelle
sur le langage français italianisé, et il n'eût pas
désavoué cette déclaration de son contem-
porain : c( Ces vocables estrangers doivent
servir de passe-temps plustost que d'orne-
ment ou enrichissement ; et le langage de ceux
qui en usent autrement doit estre déclaré^
non pas françois, mais gaste-françois. »
EMPRUNTS AU VIEUX FRANÇAIS.
C'est en puisant à ses sources nationales
qu'il entendait enrichir la langue, en remet-
tant « en honneur les antiques vocables » . Il
ne se contentait pas de donner les préceptes
de cette restauration; il prêchait d'exemple,
enchâssant dans ses poésies les vieux mots
qu'il jugeait dignes de vivre; et Ton peut re-
trouver dans ses œuvres une trentaine de
XXXij ÉTUDE SUR RONSARD.
mots qu'il a repris au vieux français et qui
depuis ont disparu.
Ce sont : les adjectifs cauty coïntj le compa-
ratif greigneur, la préposition envis, les verbes
avaller, chaloir, cuider, béer, douloir, souloir, et
les substantifs arroy, déduit, gucrdon, hoir, loz,
est et tançon.
Il faut encore citer les mots suivants d'un
usage moins général : embler, hucher, d'où
huchet, ribler, mire, brehaigne, faitif et mehaigne.
A ce dernier mot Ronsard a joint une note
où éclate sa préoccupation constante : « Nos
critiques, dit-il, se mocqueront de ce vieil
mot françois; mais il faut les laisser caqueter...
Je suis d'opinion que nous devons retenir les
vieux vocables significatifs ^ jusques à tant que
l'usage en aura forgé d'autres nouveaux en
leur place... »
EMPRUNTS AUX DIALECTES DE LA FRANCE.
Pour déterminer les emprunts que Ronsard
a faits aux dialectes du centre de la France,
I . Des six mots cités par d'Aubigné, Ronsard n'a employé
que dougé (V. Lexique) et son dérivé dougément. Dorne est
dans l'Aunis le nom du tablier (V. Littré). Quant aux autres,
ils se rattachent : bouger (prov. bolegar ; ital. buikare) à
bouillir (V. Scheler et Littré), bauger à bauge (V. Lexique),
empour à empérier (empereur). .
En l'absence de contexte, il est difficile de préciser le sens
de tenue. Est-il pris dans une de ses rares acceptions : tenue
noble, fief relevant d'un autre fief? ou avec le sens qu'il a
dans le Berry ? Il signifierait alors une portion de territoire
d'une commune comprenant des propriétés de même nature
(V. Littré).
ÉTUDE SUR Ronsard. xxxiij
il suffit de s'en rapporter à Henri Estienne
{Prie, du lang. fr.), aux notes que nous de-
vons aux commentateurs de Ronsard ou à
Ronsard lui-même : à l'aide de ces renseigne-
ments, grâce aussi aux thèses et ouvrages ré-
cents publiés sur les dialectes delà France, il
est possible de relever dans les œuvres de
notre poète sept mots empruntés aux patois
tourangeau, blaisois et vendômois.
Ce sont : astelles (éclats de bois, aujourd'hui
en Champagne et en Lorraine des ételles),
bers (première forme de berceau, subsiste dans
le dialecte blaisois) , crouillet (loquet, subsiste
à Blois sous la forme courrouil dont il est le
diminutif comroadletj abrégé en crouillet), dougi
et dougément (termes de métier, V. Lexique),
harsoir (corruption de hier soir dans le dialecte
blaisois) , rabas (revenant) , enfi n besson ( j u meau) ,
qui subsiste encore dans le patois du Berry.
TERMES DE VÉNERIE.
Après les mots empruntés aux patois pro-
vinciaux, les termes de vénerie et de faucon-
nerie jouent un rôle important dans le voca-
bulaire de Ronsard. Il suffit de citer un
passage des vers d'Eurymédon et Callirhée
(t. I, p. 2^5), pour voir qu'il en avait une
connaissance approfondie : dans ces vers, qu'il
a, comme à plaisir, bourrés de termes techni-
ques, il fait le portrait d'un parfait chasseur:
C'estoit un Meleagre au mestier de chasser :
il sçavoit par sus tout laisser-courre et lancer,
Lex. Ronsard. c
XXXiv ÉTUDE SUR RONSARD.
Bien desfnesler d'un cerf les ruses et la feinte^
Le bon temps, le vieil temps, Vessuy, le rembuscher.
Les gaignages, la nuict, le lict et le coucher,
Et bien prendre le droict et bien faire l'enceinte;
Et comme s'il fust né d'une nymphe des bois,
Il jugeoit d'un vieil cerf di la perche, aux espois,
A la meule, andouillers et à Vembrunisseure,
A la grosse perleure, anxgoutières, aux cors.
Aux ^^^ue5, aux broquars bien nourris et bien forts, j
A la belle empaumeure et à la couronneure.
Il sçavoit for-huer et t/e/z /7(3r/er aux chiens,
Faisait bien la trijee, et le premier des siens
Cognoissoit bien le pied, la sole et les alleureSy
Fumées, hardouers et frayoirs, et sçavoit.
Sans avoir veu le cerf, quelle teste il avoit,
En voyant seulement ses erres eifouleures.
En joignant à ce fragment une pièce du
Bocage royal, dédiée au roi Henri III et inti-
tulée Songe (t. III, p. 288-293), et quelques
termes de chasse disséminés dans ses différents
écrits, on aurait à peu près la liste des termes
les plus usités jadis dans la vénerie et qui le
sont d'ailleurs encore aujourd'hui. Notons
encore le verbe sïller (l'orthographe étymolo-
gique serait ciller, dérivé de cil), comme em-
prunté à la fauconnerie : c'est proprement
couvrir d'un chaperon la tête du faucon pour
l'aveugler; mais Ronsard l'emploie toujours
dans le sens figuré.
TERMES DE METIER.
Quant aux termes de métier que l'on peut
signaler dans les œuvres de Ronsard, ce sont
des noms d'instruments : besaigaë^ havet, do-
louère, sarcloëre (sarcloir), maillet, le mot estaim,
ÉTUDE SUR Ronsard. xxxv
pour désigner la laine cardée, et enfin un
terme de marine, la commande, pour dénommer
le câble ou la chaîne qui retient un bateau à
quai.
MOTS NOUVEAUX FORMES PAR RONSARD.
Ronsard ne s'est pas contenté d'emprunter
des mots tout faits aux langues anciennes ou
aux dialectes provinciaux; il en a créé
aussi de nouveaux : ce sont surtout des verbes
et des adjectifs.
Les premiers, il les forme de préférence
avec le préfixe en qu'il fait suivre d'un verbe
de la première conjugaison (ex. emparfumer).
Les autres sont, ou formés de mots racines
(substantifs ou verbes) en ajoutant les suffixes
eux, in, ard, ler, ou composés à la façon grec-
que de deux mots accouplés (ex. chasse-soucy,
serpens-pied) . NovLS allons examiner tour à tour
ces deux catégories de mots nouveaux.
Verbes. Les verbes composés par Ronsard
sont presque tous de la première conjugaison,
la seule vivante au reste, puisque, aujourd'hui
encore, tout verbe qu'on crée lui appartient
fatalement. Il faut signaler cependant quelques
verbes composés appartenant à la seconde
conjugaison : enaigrir, s'enfiévrir, enfleurir, em-
brunir, s'emmaigrir, envieillir. Ceux de la pre-
mière sont, avons-nous dit, plus nombreux :
empaner et empenner, emparfumer, engemmer et
emperler^ empierrer (pétrifier), encharner, encorder
(jouer sur les cordes de la lyre), endemener,
XXXVJ ÉTUDE SUR RONSARD.
eneauer, s'enfeuiller, enfieller, enfouer, englaccTy
enjoncher, enluminer (éclairer), enlustrer (éclai-
rer), enmanner, ennouer, s'ennuer, enonder, entê-
ter, enrocher, ensaffraner, enserrer, entomherK
Enfin l'on aura la liste à peu près complète
des verbes créés par Ronsard ou détournés de
leur sens, si l'on ajoute à ceux-ci les suivants :
blondoyer, rousoyer, vanoyer, soarcer, montagner
et planer, verdeler et printaner.
Adjectifs. C'est surtout dans la création de
nouveaux adjectifs que Ronsard a lâché la
bride à sa fantaisie : il faut cependant remar-
quer qu'il les dérive la plupart du temps de
mots français et qu'il les forme à l'aide des
suffixes eux, in, ard, al, er, is, etc., qui tous
remontent à l'origine même de notre langue.
A l'aide du suffixe eux, Ronsard a créé un
assez grand nombre d'adjectifs dérivés, et il
faut avouer qu'en général ses innovations ne
sont guère heureuses.
Voici la liste de ces adjectifs :
Aigueux, Grateleux,
Arbreux, Haillonneux,
Areneux, Impiteux,
Argenteux, Larmeux,
Crineux, Miauleux,
Despiteux, Myrteux,
Espouvanteux, Nectareux,
Fromenteux, Nouailleux,
Germeux, Oblivieux et oublivieux,
Gemmeux, Odoreux,
Glandeux, Ondeux,
Glueux, Perleux,
I . V. Lexique pour tous ces mots.
ÉTUDE SUR Ronsard,
Peupleux, Rameux,
Pieteux, ' Saigneux,
Pluyeux, Sueux,
Poisseux (couleur de la Tétineux,
poix), Ventueux et venteux,
Pommeux, Ventreux.
Présagieux,
Les adjectifs en in, aussi nombreux et plus
estimés peut-être de Ronsard et de ses contem-
porains, nous paraissent presque tous bizarres,
et donnent en général aux vers une apparence
d'affectation sentimentale qu'il est difficile de
goûter aujourd'hui. Ce sont :
Achillin,
Méandrin,
Adonin,
Medusin,
Aimantin et adamantin,
Mercurin,
Albastrin,
Mitouin,
Ambrosin,
Musin,
Bouquin,
Mvrtin,
Chiennin,
Orin,
Colombin,
Pegasin,
Cyprin,
Poupelin,
Géantin,
Pourprin,
Hélénin,
Rosin,
Herculin,
Sauvagin,
Ivoirin et yvoirin,
Titanin,
Marbrin,
Tourterin.
Mariandin,
Les adjectifs en ard ou art sont beaucoup
moins nombreux : on en peut compter environ
une dizaine :
Frétillard,
Rosart,
Jazard,
Rouhard,
Mangeard,
Sommeillard.
Raillard,
Songeard.
xxxviij ÉTUDE SUR Ronsard.
A]omons-y pillard, qui subsiste comme sub-
tantif, et hraguard, devenu trivial.
Il faudrait encore citer :
1° Quelques adjectifs en al, comme étêal,
nultalj nymphal, etc.
2° Quelques autres en ier, comme bletier,
hocager, ramagcr, escamier.
3° Quelques-uns terminés en is : tords, trai-
tis.
Enfin notons l'adjectif Mu/ic«n>/z (de Munster),
et Albion, employé comme qualificatif : les
Albionnes arènes (II, p. 300).
DIMINUTIFS.
Les diminutifs étaient fort en honneur au
seizième siècle. Dans sa Précellence du lan-
gage françois, H. Estienne est fier de pouvoir
prouver, même sur ce point, la supériorité du
français sur l'italien : « Estant chose asseurée
« et notoire que les mots qu'on appelle dimi-
« nutifs tiennent le premier lieu en mignar-
« dises, je prie les Italiens ne trouver mauvais
a si je dis que nous en avons meilleure provi-
« sion qu'eux... » (H. Estienne, Précellence du
langage français, p. 9^, éd. Feugère), ce qu'il
prouve aussitôt en citant une foule de dimi-
nutifs employés par Remy Belleau. Belleau,
en effet, les a prodigués jusqu'à la satiété.
Sans en avoir fait un usage immodéré,
Ronsard a suivi sur ce point le goût de son
époque : on pourrait citer comme un des
modèles du genre les vers qu'il adresse à son
ÉTUDE SUR Ronsard. xxxix
âme (VII, p. 31^), imitation des fameux vers
d'Adrien : Animula blandula..,
Amektte RonsardektU,
Mignonneîte, doucektte,
Très-chère hostesse de mon corps,
Tu descends là- bas foibkktte,
Pasle, maigrekttc, seukîk,
Dans le froid royaume des morts.
En plus de ceux-ci, les diminutifs que Ron-
sard emploie le plus volontiers sont ks sui-
vants, dont fort peu d'ailleurs sont des néolo-
^ismes :
Argentelet, Mignardeiet,
Blanchet, Mollet,
Blondelet, Mousselet,
Brunet et brunelet, Noiret,
Camuset, Paillardelet,
Doucet et doucelet, Pou-peret,
Grasset, Rouget,
Greslet, Tendret et tendrelet,
Jeunet, Verdelet,
Jumelet, Vermeillet.
A cette liste d'adjectifs il faut ajouter les
diminutifs des noms, ex. : archet et archclet
(petit arc), archerot (le petit archer : l'Amour),
et les verbes sauteler, voleter, trembloter, pinçotcr,
qui sont en réalité des diminutifs des verbes
sauter, voler, trembler, pincer. (H. Estienne,
Prie, éd. Feugère, p. ici.)
Jusqu'ici les innovations de Ronsard ne
sont pas bien nombreuses : il n'en est pas de
même des adjectifs composés.
xl ÉTUDE SUR Ronsard.
ADJECTIFS COMPOSES.
Pour créer ses adjectifs, composés à la façon
des Grecs, il a recours à trois procédés diffé-
rents.
Il les forme :
r En accouplant deux substantifs unis ou
non par un trait d'union — ou deux adjectifs
— ou un substantif et un adjectif;
2° En accouplant un adverbe et un adjectif
ou un participe pris adjectivement;
3° En accouplant un verbe à un mode per-
sonnel avec un substantif, ou un adjectif ou
plus rarement un adverbe.
Premier procédé. — Le premier de ces procé-
dés est moins que le troisième conforme au
génie de la langue française : c'est aussi celui
que Ronsard a le moins souvent employé : il
n'y a guère dans ses œuvres qu'une vingtaine
d'adjectifs composés de cette façon : dans les
uns la fusion s'est faite entre les deux parties
du mot; dans les autres, à défaut de fusion,
la composition est marquée soit par le trait
d'union, soit par la préposition de. Ce sont :
Claire-voix, Front-cornu,
Chèvre -pied et pied-de- Humble-fier et fier-humble,
chèvre, Homme-femme,
Cuisse-né, Pailevermeil,
Dosailé, Piedvite et vistepied,
Doux-amer, Sage-preux,
Doux-fier et fier-doux, Serpenspied,
Fils-de-pluye, Souple-jarret,
Fils-d'œuf, Verdgay.
ÉTUDE SUR Ronsard. xlj
Deuxième procédé. — Ronsard a formé une
cinquantaine d'adjectifs composés à l'aide
d'un adverbe et d'un adjectif ou d'un participe
employé adjectivement; on pourrait dire
qu'en réalité ce ne sont pas là des mots com-
posés : car on peut toujours placer un adverbe
de manière devant un adjectif pour en modi-
fier le sens; la juxtaposition devient fusion ou
non ; ce n'est qu'une question d'orthographe.
Mais ce qui prouve que Ronsard avait bien
l'idée de créer de cette façon des mots compo-
sés, c'est le soin qu'il prend régulièrement
d'unir par un trait d'union les deux parties
des mots ainsi formés.
Les adverbes qu'il emploie de préférence
sont bien et mal. C'est ainsi qu'il crée :
Bien-disant, ' Bien-parlant,
Bien-flairant, Bien-chéri,
Bien-appris et mal-appris, Mal-plaisant,
Bien-peigné, Mal-pudique,
Bien-né, Mal-rongné,
Bien-tournant, Mal-caut,
Bien-volant, Mal-accoustré,
Bien-aisé, Mal-basty,
Bien-ouvré, Mal-paré,
Bien-accompiy, Mal-agencé,
Bien-uni, Mal-façonné,
Bien-tourné, Mal-rassis,
Bien-habile, Mal-tourné.
Bien-germeux,
Il y en a encore quelques-uns composés
avec la négation non, suivie d'un adjectif :
Nompareil, Non-oisif,
Non-ocieux, Non-dit.
xlij ÉTUDE SUR Ronsard.
D'autres enfin formés avec demy, haut, aigu,
peu, tout, toujours, et même avec deux-fois
comme préfixes :
Aigu-tournoyant, Haut-tonnant,
Demi-ceint, Haut-célébrant,
Demy-fleury, Haat-élevant,
Demy-grison, Peusobre,
Demy-panché et my-pen- Tout-oyant,
ché, Tout-voyant,
Deux-fois-né, Toujoursverd.
Troisième procédé. — Le troisième mode de
formation pour les adjectifs composés est celui
qui est le plus dans le génie de la langue ; c'est
aussi celui qui se rapproche le plus du pro-
cédé grec : il consiste à accoupler un verbe à
un mode personnel (indicat. prés, y pers. du
sing.) avec un substantif, un adjectif ou un
adverbe. C'est d'après ce système de forma-
tion que se sont jadis constitués les mots
couvre-chef, garde-malade , garde-chasse, etc., et
bien d'autres encore usités aujourd'hui.
Ronsard en a créé un certain nombre qu'il
emploie comme qualificatifs, comme épithètes
de nature énonçant un trait caractéristique
d'un être ou d'une chose. Remarquons encore
que les éléments dont il forme ces adjectifs
composés sont toujours des éléments français :
ce sont tous des verbes de la première conju-
gaison comme aimer, chasser, irriter, porter, etc. ,
tantôt suivis, tantôt précédés d'un substantif.
Ex. : porteciel (Atlas), irriter mer (Aquilon),
ronge-poumon (la toux), etc.
On ne peut noter qu'un exemple d'adjectif
ÉTUDE SUR Ronsard. xliij
composé d'un verbe et d'un adjectif : grippe-
tout, et lés deux adjectifs composés marche-tard
et tire-loirij créés à l'aide d'un verbe et d'un
adjectif employé adverbialement ou d'un ad-
verbe.
Voici la liste de ces adjectifs composés :
Aime-ris,
Ajme-laine,
Aime-fil,
Aime-estaim,
Ayme-rochers,
Ayme-bois,
Ayme-bal,
Ayme-son,
Brise-tombe,
Chasse-nue,
Couvre-cerveau,
Domte-poullain,
Donne-blé,
Donne-vin,
Donne-vie,
Embrasse-terre,
Esbranle-rocher,
Guide-dance,
Grippe-tout,
Irrite-mer,
Jour-apporte,
Mange-sujet,
Marche-tard_,
Oste-soif,
Oste-soin,
Porteciel,
Porte-epy,
Porte-flame,
Porte-brandon,
Porte-proye,
Porte-laine,
Porte-maisons,
Porte-couronnes,
Porte-lance,
Porte-fléau,
Pousse-terre,
Rase-terre,
Ronge-pampre,
Ronge-poumon,
Songe-creux,
Tire-loin,
Tu-géans,
Tue-Iyon,
Trouble-cerveau.
Cette dernière forme de composition est
éminemment française. La vieille langue s'en
servait pour créer des noms propres et des
noms communs, dont on retrouve de nombreux
exemples dans les chansons de gestes, les
fabliaux, et plus tard dans les œuvres de Vil-
lon, de Rabelais et de leurs contemporains.
xliv ÉTUDE SUR Ronsard.
L'innovation de Ronsard fut de créer d'après
ce procédé des adjectifs épithètes : ainsi le
vieux français avait le substantif : couvre-chef.
Ronsard en fit l'épithète couvre-cerveau. Ex. : la
toge couvre-cerveau.
On sait maintenant ce qu'est le vocabulaire
de Ronsard et quel rôle secondaire y jouent,
quoi qu'on en ait dit, les influences gréco-
latines et étrangères : il nous reste à conclure.
Auparavant, il n'est peut-être pas sans inté-
rêt de rappeler une appréciation que porte
sur notre poète une des plus renommées parmi
les histoires de la littérature française :
c( Venu après Rabelais et Calvin, il n'apprit
« pas d'eux à tirer son langage non de sa
« mémoire, mais de son cœur et de sa raison.
« De là cet amalgame de langues savantes et de
« patois provinciaux, bariolé d'italien, de grec
« et de latin, de mots savants et de mots de
« boutique; vrai pêle-mêle d'audace et d'im-
« puissance, d'inexpérience et de raffinement,
« de paresse et de labeur, qui a donné à Ron-
ce sard une sorte d'immortalité ridicule... C'est
« à bâtir ce monstrueux édifice qui devait
« crouler après lui, que Ronsard passa une
« assez longue vie..., qualifié de prodige de
a la nature et de miroir de l'art... ; pourcom-
« ble de fortune mourant avant que Malherbe,
« qui avait alors trente ans, s'avisât d'être
a poète... » Par malheur pour M. Nisard, si
ses antithèses sont bien pondérées, son affir-
mation est loin d'être exacte et conforme à la
vérité.
Car non seulement Ronsard et son école
ÉTUDE SUR Ronsard. xlv
n'ont pas « parlé grec et latin en français »,
mais pour qui a sans parti pris étudié les
œuvres de la Pléiade, il est évident (et on l'a
démontré contre l'avis de Boileau... et de
M. Nisard) que la Pléiade a réagi contre la
tendance qui entraînait les écrivains du sei-
zième siècle à abandonner la langue nationale
« pour déterrer je ne sçay quelle cendre des
anciens ». Son tort principal a été de ne voir
les idées et les sentiments modernes qu'à tra-
vers le voile de l'antiquité et de ne les expri-
mer qu'à la façon des Grecs et des Latins :
c'est ce qui explique l'insuccès de sa réforme.
Mais son but, ne l'oublions pas, c'était la
défense et rdlustration de la langue : cela ressort
clairement du manifeste de l'école rédigé par
Joachim du Bellay.
Si quelques-uns de ses amis se sont peu à
peu écartés de ce programme, Ronsard ne
peut en être responsable; car pour lui, il l'a
fidèlement accompli et a su s'affranchir de
semblables erreurs : c'est déjà évident pour la
forme de sa poésie : car s'il invente des mètres
qui depuis ont été repris avec succès par
l'école romantique, il n'a guère imité certains
poètes de la Pléiade qui cherchaient à modi-
fier notre prosodie et à faire des vers mesurés à
la façon des Grecs et des Latins (Baïf par
exemple).
C'est encore plus évident maintenant pour
la langue même qu'il emploie : car l'on voit
ce qu'il faut penser de ce « monstrueux édi-
fice » de langage « bariolé d'italien, de grec
et de latin » qu'on lui reprochait...
xlvj ÉTUDE SUR Ronsard.
On ne peut nier que Ronsard ait créé des
mots nouveaux (il s'en fait gloire), qu'il en ait
même voulu créer un trop grand nombre; et
l'on est forcé de reconnaître avec Fénelon,
dont le jugement en somme est assez modéré
et assez juste, que « Ronsard avait trop en-
ce trepris tout à coup. Il avait forcé notre
« langue par des inversions trop hardies et
« trop obscures... Il y ajoutait trop de mots
(( composés qui n'étaient point encore intro-
« duits dans le commerce de la nation... »
Passons condamnation sur les mots compo-
sés dont Ronsard a peut-être fait abus : mais
n'oublions pas que ce sont là presque ses
seules innovations, et rappelons-nous surtout
que ces mots sont toujours formés d'après le
génie de la langue et composés d'éléments
français... Tout se réduit d'ailleurs à une
question de chiffres : tout compte fait, et en
comprenant dans ce total les mots composés,
les noms propres et leurs dérivés, il n'y a guère
dans l'œuvre de Ronsard que deux ou trois
cents mots grecs ou latins (ou formés à l'instar
des mots composés grecs), aujourd'hui dispa-
rus, dont la plupart étaient couramment em-
ployés de son temps et qu'il a disséminés
dans plus de quatre-vingt mille vers. Si l'on
voulait reprendre la piquante comparaison
faite par M. A. Darmesteter (Thèse : De la
création actuelle des mots nouveaux, p. 173), l'on
verrait, non sans surprise peut-être, que Ron-
sard emploie moins d'expressions et de mots
latins que nos classiques du dix-septième
siècle en général et que Boileau en particulier,.
ÉTUDE SUR Ronsard. xlvij
et qu'une page de Boileau, qui renferme plus
de mots de- création savante, est d'apparence plus
latine et plus grecque qu'une page du poète
condamné par lui.
Il est vrai que cette même page de Ronsard
offrira peut-être plus de difficultés à l'inter-
prétation ; mais ces difficultés, loin de tenir à
son vocabulaire, proviendront surtout de deux
causes : V orthographe et la syntaxe.
xlviij ÉTUDE SUR Ronsard,
ORTHOGRAPHE
Au seizième siècle, l'orthographe est très
capricieuse, et l'absence de règles fixes, de
principes immuables, permet de dire qu'elle
n'existait pas. L'un des auteurs de la Pléiade,
Joachim du Bellay, déclare que « parmi nous
l'orthographie estoit aussi diverse qu'il y avoit
de sortes d'escrivains » . {Œuvres inédites^ in-8%
1573, f. 44.) Chacun avait donc son orthogra-
phe particulière : bien plus, le même écrivain
ne se faisait aucun scrupule de varier pour le
même terme sa façon de l'écrire, et l'on trou-
vera, souvent dans la même page, le même
mot écrit de plusieurs façons différentes. C'est
ainsi, par exemple, que Rabelais orthographie
indifféremment huile, huyle, huille, de même
que chez Ronsard bouclier s'écrit aussi bien
bouder y bouclalr, que bouclier.
Déjà, dès cette époque, deux écoles contraires
se trouvaient en présence : l'une qui ralliait
alors la plupart des écrivains et des impri-
meurs, et qui prônait l'orthographe étymolo-
gique; l'autre, n'ayant qu'un petit nombre
d'adeptes, voulait que l'orthographe fût con-
forme à la prononciation. Les chefs de cette
école furent Maigret, Pelletier, Ramus; mais
leurs efforts échouèrent ; et ce qui contribua
surtout à l'insuccès de leur réforme, c'est
qu'ils étaient d'origine différente, l'un Lyon-
nais, l'autre Manceau, le dernier Parisien, et
ÉTUDE SUR Ronsard. xlix
qu'ils ne purent se mettre d'accord sur le fon-
dement même de leur théorie, sur la pronon-
ciation.
En principe, Ronsard est partisan des théo-
ries orthographiques de Maigret, et nul doute
que, sans l'opposition de ses amis et peut-être
sans une certaine prudence naturelle, il les
eût appliquées exactement dans ses ouvrages.
Il dira bien au début de son Advertissement
au lecteur (t. II, p. 14) : « J'avois délibéré,
lecteur, de suivre en l'orthographe de mon
livre la plus grand' part des raisons de Louys
Maigret, homme de sain et parfait jugement
■qui a le premier osé dessiller les yeux pour
voir l'abus de nostre escriture... »; mais
« l'opiniastre avis des plus célèbres ignorans
de son temps » l'en empêcha, et cette décla-
ration, présentée à l'état de plus-que-parfait,
restera platonique; car après avoir loué si
expressément la tentative de Maigret, il termi-
nera en nous annonçant qu'on ne trouve en
ses écrits que « quelques marques de ses
raisons ».
En réalité, Ronsard n'appartient à aucune
école orthographique. Ainsi que l'a remarqué
M. Becq de Fouquières (Œuvres choisies de Ron-
sard, préface), « comme tous les poètes de
son temps, Ronsard en use fort librement avec
l'orthographe ; il la modifie à chaque instant,
parfois sans nécessité, écrivant un mot de
trois ou quatre façons différentes, mais le plus
souvent pour la mesure ou pour la rime,
ajoutant ou rejetant des lettres, faisant per-
muter les unes avec les autres, modifiant les
Lex. Ronsard. d
j Etude sur Ronsard.
sons et ne faisant aucune distinction entre les
nasales... «
C'est dans son Abrégé de l'Art poétique (t. VII^
p. 317) et dans V Advertlssement au lecteur , mis
en tête des Oties (t. II, p. 14), que Ronsard a ré-
sumé ses théories orthographiques; et, à pre-
mière vue, l'on peut remarquer qu'il se préoc-
cupe peu de concilier ses principes avec ceux
de Maigret, dont il se dit si fort partisan. S'il
réclame en effet la suppression de Vy étymo-
logique, sauf dans les noms grecs non encore
francisés, des consonnes superflues comme le
double ce dans accorder (qu'il écrit acorder),
du ph qu'il remplace par / selon l'orthogra-
phe italienne, d'autre part, en nombre de cas,,
il adopte l'accent aigu et réclame la création
de nouveaux signes pour i et u consonnes
(j et v), pour // mouillé, gn {n espagnol) et
ch, ainsi que la restitution du k et du z, qu'il
demande « de remettre en leur premier hon-
neur ».
En outre, beaucoup d'exemples permettent
de constater chez Ronsard la préoccupation,
de faire revivre certaines lettres que l'étymo-
logie réclame et que l'usage avait dès lors
supprimées. Il est vrai que cette préoccupation
de l'étymologie ne lui est pas particulière :
elle est commune aux écrivains de son siècle;
mais souvent Ronsard s'y astreint dans des cas
où des contemporains se sont montrés plus
indépendants. C'est ainsi qu'il écrit sans ex-
ception dette pour dette, aureilles pour oreilles.
Mais souvent aussi il arrive que, sous pré-
texte de rétablir l'orthographe étymologique.
ÉTUDE SUR Ronsard. Ij
Ronsard, comme ses contemporains d'ailleurs,
a surchargé certains mots de lettres inutiles et
parfois même de lettres qu'ils n'ont eu ou
n'auraient dû avoir à aucun moment de leur
existence.
Néanmoins, malgré cette libre fantaisie
appliquée à l'orthographe, Ronsard est en
somme assez modéré; et tout compte fait, il
se trouvera encore plus voisin de l'orthographe
moderne que tels de ses contemporains, Ro-
bert Estienne par exemple ou Rabelais.
A l'occasion aussi, et cela assez souvent, il
s'affranchit délibérément de ses scrupules : il
semble même en ce cas faire effort pour s'éloi-
gner le plus possible de l'orthographe étymo-
logique, et pour en donner aux mots une qui
soit, à son sens du moins, plus véritablement
française, plus conforme au génie original de
la langue : « Tu éviteras, dit-il, toute ortho-
graphie superflue et ne mettras aucunes lettres
en tels mots si tu ne les profères : au moins
tu en useras le plus sobrement que tu pourras
en attendant meilleure réformation. » {Art
poétique, t. VII, p. 334.) C'est l'orthographe
rationnelle qu'il recommande ici en proposant
d'orthographier écrire et non escripre. Tantôt
aussi il admet une sorte de compromis entre
l'orthographe française et la latine; c'est à
cette fluctuation de ses principes qu'il faut
attribuer les mots écrits comme ny pour nid
(de nidam)y œle, aile ou œsle pour aile (de alam).
Le respect de l'étymologie lui fera employer
couramment e dans les mots comme meur,
seur (mûr, sûr), d'où il a disparu aujourd'hui,
lij ÉTUDE SUR Ronsard.
remplacé par l'accent circonflexe, et dans les
participes de la quatrième conjugaison. Ex. :
reçeu, repeu, pour reçu, repu.
Par contre, la tendance opposée l'entraînera,
ainsi que nombre de ses contemporains, à
mettre dans les syllabes finales )' à la place de
i. Ex. : icy^ ny, soarcy, j'uy, 'fentendrayj etc.
De même il redoublera volontiers certaines
consonnes, en particulier / et t, pensant par là
donner aux mots qu'il emploie plus de nom-
bre et d'harmonie; et c'est ainsi qu'il écrira
parolle, fidelle, souhaitte, planette, etc.
Parfois aussi, pour « faire sa rime plus so-
noreuse ou parfaite » {Advertissement au lecteur,
t. II, p. 17), Ronsard substitue une voyelle à
une autre et change e en a ou- a en e. C'est
ainsi qu'il écrit indifféremment empaner et em-
penner, parrein et marreine i^our parrain, marraine,
veincu, veinqueur, evidant; ardant, etc. « Et si
quelqu'un, dit-il, par curieuse opinion plutôt
que par raison, se colère contre telle honteuse
liberté, il doit apprendre qu'il est ignorant
en sa langue, ne sentant point que e est fort
voisin de la lettre a, voire tel que souvent,
sans y penser, nous les confondons naturelle-
ment, comme en vent... » [Advertissement au
lecteur, l.U, p. 17.) C'est une liberté concédée
aux poètes, et si le lecteur ne se contente pas
de ces raisons, « qu'il regarde, ajoute-t-il, la
liberté des Grecs et des Latins, qui muent et
changent, changent et remuent les lettres ainsi
qu'il leur plaist, pour obéir au son ou à la
forçante loi de leurs vers, comme xpa^ia pour
xapSia, oUi pour au... )■> (T II, p. 17.)
ÉTUDE SUR Ronsard. liij
Aussi n'hésite-t-il guère à modifier l'ortho-
graphe usuelle selon ses besoins, et à l'occa-
sion il va jusqu'à transposer dans le corps des
mots certaines lettres.
Dans les mots composés, Ronsard se préoc-
cupe le plus souvent de rappeler distinctement
les éléments de la composition; pour éveiller
l'attention, il n'oublie guère le signe sensible,
trait d'union ou apostrophe. Ainsi il écrit
réassembler y r^ appeler , vray-semblablej humble-fier
et fier-humble, etc. ; rarement les deux mots
sont entièrement fondus ensemble.
Mais ce qu'il y a certainement de plus cu-
rieux à noter, ce sont les façons diflférentes
dont Ronsard écrit chaque nom propre ; là en
effet il se permet à peu près toutes les libertés :
on aura par exemple tantôt Anchilochej tantôt
Archiloc (ArchWoque) jHerodes,Brenne (Brennus),
Perse (Persée), Béart (Béarn), Rosne (Rhône),
Chambour (Chambord), Lucresse (Lucrèce), Dele
(Délos), Couligny et Colligny, Narssis et Narcisse,
Neptan et Neptune, Valecluze (Vaucluse), Noroué-
gue (Norvège). Il est juste de dire que généra-
lement ces modifications orthographiques ne
sont que des sacrifices faits à la mesure et
surtout à la rime.
On sait là-dessus quelle était l'opinion de
Ronsard. Il jugeait que, pour la rime, il était
permis au poète d'ajouter selon le besoin ou
de retrancher dans les mots certaines lettres,
et il usa largement de cette liberté.
Dans son Abrégé de l'Art poétique (t. III,
p. 328), on lit ceci : « Tu mettras
Contre Mezance Ené' branla sa picque.
liv ÉTUDE SUR Ronsard.
« Autant en est-il des vocables terminez en
oue et ue, comme roue, joue, nue, venue, et
mille autres qui doivent recevoir syncope au
milieu de ton vers. Si tu veux que ton poème
soit ensemble doux et savoureux, pource tu
mettras rou\ joa', nu\ contre l'opinion de
tous nos maistres qui n'ont de si près avisé a
la perfection de ce mestier... » Puis, quelques
lignes plus loin, pour les mois fort, ort, accort,
renart, art, s'ils doivent rimer avec or, char, etc.,
il permet de supprimer « par licence la der-
nière lettre » f du mot fort, d du mot fard, etc.,
et de mettre « simplement for avec l'apostro-
phe/or' » ; de même pour far', s'il rime avec
char.
Ronsard autorise encore la syncope de
corne (comme) en corn', de donnera, sautera, et
autres formes analogues en don'ra, saufra.
« Tu pourras, dit-il ailleurs, à la mode des
Grecs qui disent ouvoLta pour ovo;jia, adjouter
un u après un o pour faire la ryme plus riche et
plus sonante, comme troupe pour trope, Callioupe
pour Calliope.,. » {Abrégé de l'Art poétique,
t. VII, p. 329.)
Mais par contre, si la rime le demande, il
supprimera, sans le moindre scrupule. Vu
après l'o et écrira aussi bien trope pour troupe,
espose pour espouse.
Si la rime autorise bien des modifications
dans l'orthographe des mots, la mesure du
vers en autorise d'autres. Ainsi, comme nous
l'avons vu plus haut, on peut syncoper don-
nera, sautera, ruera, en don'ra, saut'ra, ru'ra, etc.
Souverain, tourterelle, devïennQnl souv'rain, tour-
ÉTUDE SUR Ronsard. Iv
frelle. Animoit (imparf. indic. de animer)
s'abrège en a'moit.
Les pronoms mêmes subissent des abrévia-
tions; pour les pronoms de la troisième per-
sonne Icy la, cela n'a rien d'étonnant et est
conforme à la règle; mais Ronsard va plus
loin : car selon le besoin elle deviendra eW ou
^r. Ex. : « Eli' s'arme. »
Un des exemples les plus frappants de la
liberté que Ronsard prend avec les mots est
fourni par le verbe avoir. Ce verbe fréquem-
ment employé dans notre langue,, puisque,
indépendamment de son sens propre, il sert
d'auxiliaire à une foule d'autres verbes, peut
dans certains cas être gênant pour la mesure
du vers : que fait alors Ronsard t il l'abrège,
et de l'interrogation Avez-vous^ il fera par
syncope « A' vous ^ » (T. I, p. 19.)
La mesure réclame-t-elle un mot de trois
syllabes, alors que le vocabulaire ne lui four-
nit qu'un dissyllabe pour exprimer son idée,
Ronsard ne sera pas plus embarrassé : ce mot,
il le transformera en un trissyllabe en redou-
blant la syllabe initiale : ainsi flottant devien-
dra, flo-flotmt. (T. Il, p. 348.)
Enfin il nous reste à signaler la plus impor-
tante peut-être, mais certainement la plus
utile, des innovations orthographiques de
notre poète : c'est d'ailleurs la seule qui lui
ait survécu.
Préoccupé par-dessus tout de donner à ses
vers un tour harmonieux, il avait été frappé
de ce qu'offre de rude et de désagréable à
l'oreille la rencontre du verbe dans ses formes
Ivj ÉTUDE SUR Ronsard.
terminées en a, aura, aima, a, aimera, et d'un
des pronoms // ou elle; l'ancienne langue
n'avait rien fait pour l'éviter, et jusqu'à lui
l'on disait et l'on écrivait couramment :
aime-il, aime-elle (ici l'élision faisait disparaître
l'hiatus), aima-il, aima-elle , a-il, a-elle. Dési-
reux de supprimer la cacophonie qui résulte
de cet hiatus, Ronsard créa le t euphonique
qui, intercalé entre les deux voyelles, en
adoucit le son. Ex. : au lieu de a-elle, a-t-elle
(t. I, p. 206, Var. et note 2) ; aymera-t-il et
non aymera-il, modification heureuse qui a été
conservée.
C'est Rémi Belleau, dans ses Commentaires
sur le second livre des Amours ( i ^ 60 et i ^ 67),.
qui attribue à Ronsard l'invention du t pho-
nique. Peut-être y a-t-il quelque inexactitude
dans cette assertion : car l'on trouve déjà
dans Pathelin :
A'vous mal aus dens, Maistre Pierre ?
■.'Cet usage n'a-t-il pas plutôt commencé par
le peuple, qui dut prononcer aima-t-il par ana-
logie avec finit-il, reçut-il, puis aime-t-il, bien
avant qu'on l'écrivît ? Ronsard n'aurait eu
alors que le mérite de généraliser cet usage
par l'exemple qu'il donna.
Tels sonf, sauf erreur, les points les plus frap-
pants et les plus caractéristiques de l'ortho-
graphe de Ronsard. Pour ce qui est de l'or-
thographe de son siècle, on n'a qu'à se reporter
aux nombreux travaux faits sur l'orthographe
et la prononciation au seizième siècle. (Ambr.
F. Didot, A. Darmesteter, C. Thurot, etc.)
ÉTUDE SUR Ronsard. Ivij
Nous n'ayons enregistré ici que les particula-
rités orthographiques propres à notre poète :
encore ne faudrait-il pas croire qu'il soit
constamment resté fidèle à ses principes. Il
prend d'ailleurs soin de s'en excuser lui-même
{Advertissement au lecteur, t. II, p. 17) : « Si tu
m'accuses, dit-il, d'estre trop insconstant en
l'orthographe de ce livre..., tu t'en dois cole-
rer contre toy mesme, qui mefaisestre ainsi,
cherchant tous les moyens que je puis de ser-
vir aux oreilles du sçavant, et aussi pour
accoustumer le vulgaire à ne regimber contre
l'éguillon lors qu^on le piquera plus rudement,
monstrant par cette inconstance que, si 'festois reçeu
en toutes les saines opinions de l^ orthographe, tu ne ■
trouverois en mon livre presque une seule forme de
hscriture que sans raison tu admires tant, t'assu-
rant qu'à la seconde impression je ne feray si
grand tort à ma langue -que de laisser estran-
gler une telle vérité sous couleur de vain
abus... » C'est bien ainsi que devait s'expri-
mer un partisan des « doctes opinions » de
Maigret : pour ne pas effaroucher les partisans
des usages reçus, pour accoutumer peu à peu
le lecteur aux modifications profondes que
préconisait Maigret, il devait lui présenter
cette inconstance même dont il s'accuse comme
la conséquence des idées préconçues du public.
Il était encore dans son rôle en lui annonçant
des changements plus grands encore dans ses
éditions subséquentes. Mais, comme bien des
novateurs, Ronsard montra plus d'audace que
de persévérance, et l'examen de ses oeuvres
prouve que sa ferveur se refroidit vite... La
Iviij ÉTUDE SUR Ronsard.
tentative de Maigret avait d'ailleurs bientôt
avorté, combattue par Guillaume Des Autels
que soutenait le public, et tuée par le ridicule.
Aussi voit-on le plus souvent la pratique de
Ronsard en désaccord ou même en opposition
avec sa théorie : il eut trop de prudence pour
s'obstiner à défendre une cause perdue d'avance,
et trop de fantaisie pour s'astreindre à des
règles fixes : ou plutôt il n'eut de règle que
son caprice ; et l'on peut, pour conclure cette
étude sur son orthographe particulière, dire
qu'il y eut en lui deux hommes : l'un prônant
avec ardeur une méthode qu'il jugeait très
digne d'illustrer la langue, l'autre trop éclairé
•et trop circonspect pour la pratiquer résolu-
ment.
ÉTUDE SUR Ronsard. lix
SYNTAXE
C'est une opinion communément reçue
qu'à toutes les époques de notre littérature
nos meilleurs écrivains, et surtout les poètes,
ont su s'affranchir des règles étroites de la
grammaire, et l'on va répétant que par d'heu-
reuses hardiesses de pensée et d'expression,
par l'emploi de tours de phrase habilement
choisis ou inventés, la plupart se sont créé,
en quelque sorte, une syntaxe particulière.
Mais ne confond-on point en pareil cas la
syntaxe et le style t Si l'on veut dire que
chaque écrivain a sa manière, qui lui est
propre, d'exposer ses idées et ses sentiments,
rien n'est plus vrai, et, selon le mot de Buffon,
a le style, c'est l'homme même j) ; mais si
l'on en veut conclure que chacun a sa gram-
maire particulière, rien ne sera plus contes-
table.JPour Ronsard, en particulier, ce serait
absolument faux : car, à très peu de chose
près, sa syntaxe est conforme à celle de ses
contemporains; et si parfois elle semble ca-
pricieuse et fantaisiste, il ne faut pas oublier
qu'avec un poète de verve et de premier jet
l'on ne doit point trop s'embarrasser de scru-
pules grammaticaux, et que, d'ailleurs, ces
scrupules seraient d'autant moins justifiés que
la syntaxe encore incertaine et hésitante au
seizième siècle autorisait plus de licences
qu'aujourd'hui.
Ix ÉTUDE SUR Ronsard.
Nous nous bornerons à signaler les parti-
cularités syntaxiques propres à Ronsard, en
passant en revue tour à tour les différentes
parties du discours.
ARTICLE.
Dans l'état actuel de la langue, l'article sert
à déterminer tantôt des substantifs concrets j
tantôt des substantifs abstraits.
Les substantifs concrets se subdivisent en
noms propres, noms communs et noms de matière.
Les noms propres comprennent les noms
géographiques (noms de pays, de fleuves, de
montagnes, etc.) et les noms de personnes.
Avec les noms géographiques, l'ancienne lan-
gue supprimait l'article, habitude qui subsista
durant la première moitié du seizième siècle.
Ronsard omet quelquefois l'article devant
les noms géographiques, mais il préfère l'em-
ployer : c'est ainsi qu'on trouve dans ses
œuvres :
SUPPRESSION DE l'ARTICLE.
Ceux qui habitent Niphate. (II, p. 19J.)
Les gras rivages d'Euphrate. (II, p. 19J.)
• Ceux de Vendomois...
Ceux d'Anjou... (I, p. 230.)
EMPLOI DE l'article.
Ton premier aisné François
Régira l'Europe sienne. (II, p. 194.)
Le Loir tard à la fuite, (il, p. 155.)
Pour commander seul à la France. (II, p. 23.)
ÉTUDE SUR Ronsard. Ixj
Avec les noms propres de personnes on
n'emploie pas l'article : mais souvent chez
Ronsard les héros ou les dieux de la mytho-
logie sont désignés par des surnoms, des ad-
jectifs pris substantivement : en ce cas ces
surnoms devraient être précédés toujours de
l'article. Ex. :
... la harpe du Delien. (II, p. 75.)
La contentieuse querelle
De Minerve et du Cronien. (II, p. 75.)
Mais Ronsard le supprime aussi devant
certains surnoms plus usités :
Mais les soucis et les pleurs
Sont sacrez à Cytherée. (II, p. 270.)
Avec les noms communs la suppression de
l'article est plus rare : cependant on la con-
state dans les cas 011 l'usage pratique l'autorise
encore.
i" Quand il équivaut à l'indéfini quelconque :
Rocs, eaux, ne bois, ne logent point en eux
Nymphe qui ait si follastres cheveux. (I, p. 25.)
2" Devant les substantifs attributs ou régi-
mes pris dans un sens tout à fait indéfini.
Ex. :
Le style prosaïque est ennemi capital de l'éloquence
poétique.
Tu enrichiras ton poème par varietez prises de la nature.
(Fr., préface.)
Le peuple oisifj pour nouvelles apprendre,
Droit en la place en foule se vint rendre. (III, p. 6j.)
Heureux, cent fois heureux, si le Destin
N'eust emmuré d'un rempart aimantin
Si chaste cœur dessous si belle face. (I, p. 4.)
f
Ixij ÉTUDE SUR Ronsard.
w Avec les noms de matière, Ronsard supprime
aussi quelquefois l'article :
Trèfle et sain-foin leur donna pour pasture. (III, p. 68.)
Dans son Art poétique, Ronsard écrit : « Tu
n'oublieras jamais les articles et tiendras pour
tout certain que rien ne peut tant défigurer
ton vers que les articles délaissez. » Cette
déclaration ne l'empêche pas à l'occasion de
supprimer l'article avec les noms abstraits,
conformément à l'usage de l'ancienne langue :
Nature ornant Ja dame... (I, p. 2.)
Et toutefois, Ronsard, ils disoient vérité. (V, p. 190.)
Enfin l'on constate couramment au seizième
siècle et par suite chez Ronsard l'absence de
l'article défini avec les adjectifs indéfinis même
et tout et de l'article indéfini avec autre et tel.
Ex. :
Incontinent par toute Chaonie
Se respandit une tourbe infinie. (III, p. 61.)
Ceux que tu vois d'un visage si blesme
Couchez icy ont eu fortune mesme,
De mesmeVûle, issus de mesme part. (III, p. 104.)
Cherchons autre chemin. (V, p. 181.)
Pource, Troyen, ne commets tclU faute. (III, p. 242.)
SUBSTANTIF.
.3:
-L'emploi des substantifs chez Ronsard
donne lieu à deux sortes de remarques :
1° Relativement à leur genre.
2° Relativement à leur fonction.
ÉTUDE SUR Ronsard. Ixiij
GENRE.
Dans son Esclaircissement de la langue fran-
çaise, au début du' seizième siècle, Palsgrave
constate que six noms seulement sont du genre
commun, c'est-à-dire tantôt masculins, tantôt
féminins : affaire, évangile, meurs, navire, val,
gent. A la fin du seizième siècle, le nombre en
avait considérablement augmenté, et l'on en
pouvait compter une cinquantaine environ :
Ronsard n'en offre qu'un petit nombre. Voici
les principaux : abysme, âge, erreur, espace, hor-
reur, image, navire, œuvre, ombre, poison. (V. Lexi-
que.)
FONCTION.
Au point de vue de leur fonction, on notera
la remarques suivante.
A l'exemple du grec et du latin, Ronsard
emploie fréquemment le substantif d'une ma-
nière absolue, sans préposition, pour marquer
une circonstance de temps, de lieu, de
manière, etc. Ex. :
si est ce que la voix des plus braves poètes
De peur fut enrouée, et le vent de leur sein
Ne sortit pour enfler la trompette d'airain,
Chacun craignant sa vie en saison si douteuse.
Encore ici peut-on admettre qu'il emploie
le verbe craindre comme transitif : ailleurs
l'exemple est plus probant et vraiment de
tournure grecque :
Ixiv ÉTUDE SUR Ronsard.
Là vénérable en une robe blanche,
Et couronné la teste d'une branche,
Divin Muret, tu nous liras Catulle. (VI, p. 176.
ADJECTIF.
Pour les adjectifs, il y a à considérer leur
accord avec le substantif et leur place.
Accord. — L'adjectif grand persiste sous sa
forme ancienne pour le féminin grand. Ex. :
Par les forests erre ceste grand bande. (III, p. 61.)
... de grands fiâmes ardantes. (V, p. 197.)
... de grands cruches profondes. (V, p. 197.)
Les autres adjectifs se conforment à la règle
actuellement existante ; mais dans certains
cas Ronsard les fait accorder là où la langue
moderne a supprimé l'accord. Ex. :
En rechignant s'en est allée
Nuds pieds et toute eschevelée. (II, p. 29.)
Dans d'autres cas, pour la rime, Ronsard
fera accorder l'adjectif, employant une tour-
nure grecque vicieuse en français. Ex. :
... vous jurastesvos yeux
D'estre plutost que moi ce matin esveillée :
Mais le dormir de l'aube, aux filles gracieux,
Vous tient d'un doux sommeil encor les yeux sillà.
Les adjectifs terminés au féminin par une
voyelle conservent cette voyelle dans la for-
mation des adverbes en ment. Ex. : vrayemenî,
gayementj sanglantement.
Aujourd'hui, tout adjectif (adj. indéf., arti-
cle) qui modifie plusieurs substantifs doit
ÉTUDE SUR Ronsard. Ixv
être répété devant chacun d'eux : la syntaxe
au seizième siècle laissait plus de liberté à
l'écrivain : la répétition n'était pas obligatoire,
et c'est ainsi que Ronsard a pu dire :
... le bon poète jette tousjours le fondement de son ouvrage
sur quelques vieilles annales du temps passé ou renommée
invétérée. (III, p. 23.)
... Discours de /'altération et changement des choses
humaines. (VI, p. 125.)
La langue moderne exagérait la répétition
de l'indéfini quelques dans le premier exemple
et de l'article le dans le second.
Place. — Chez Ronsard, comme chez ses
contemporains, la place de l'adjectif est à peu
près la même que dans la poésie moderne.
Mais quand l'adjectif est une épithète de nature
ou qu'il énonce une qualité propre et essen-
tielle d'un être ou d'une chose, il précède
presque toujours le substantif. Ex. :
Le chœur des Piérides Muses. (II, p. 95.)
Tu tri'ras les plus vaillans
Bataillans
De \di française jeunesse. (II, p. 194.)
Les dons d'Apollon dont se vid embellie
Quand Pétrarque vivoit, sa native Italie.
(^, XXXIII, t. IV, p. 3J7.)
La langue moderne exige que deux adjectifs
1 qualifiant un seul et même substantif soient
\ unis par la conjonction et : au seizième siècle
T\\\ n'en était pas de même, et Ronsard emploie
I couramment deux adjectifs pour qualifier un
"^ même nom.
Une diverse amoureuse langueur. (I, p. 86.)
Lex. Ronsard. t
Ixvj ÉTUDE SUR Ronsard.
Pluriel. — La formation du pluriel dans les
noms et les adjectifs n'offre rien de remarquable,
si ce n'est que les noms en é et les participes
passés forment leur pluriel en ez (v. ci-dessus
Orthographe) : prez, eveschez, préparez.
Enfin les adjectifs composés sont souvent em-
ployés par Ronsard avec un complément : ce
complément, s'il est adjectif, s'accorde avec
la dernière partie du mot composé ; s'il est
substantif, il en est complément déterminatif.
Ex. :
Saincte, qui fais une frayeur avoir
Au cueur malin qui risque tes mystères,
Ayme-rochers, ayme-bois solitaires,
Mère, déesse, ayme-bal, ayme-son
De ces guerriers. (III, p. 57.)
PRONOM.
Il y a quelques remarques à faire sur l'em-
ploi des pronoms personnels, relatifs et indé-
finis.
PRONOM PERSONNEL.
Ronsard omet fréquemment le pronom
sujet quand il est suffisamment indiqué par le
contexte. Ex. :
Peuple troyen, dardanienne race.
Ce jouvenceau qui par la populace
vit sans honneur, Astyanax nommé.
Est fils d'Hector, que tant avez aimé. (III, p. 66.)
Sujet sous-entendu : vous.
ÉTUDE SUR Ronsard. Ixvij
Mais j'esperoy que d'un masle courage
Iroit un jour des Gaules surmonter
Le peuple rude et fascheux à douter. iIII, p. 5 $.)
Sujet sous-entendu : il.
Puis en lisant l'ingénieux Ovide
En ces beaux Vers 011 d'Amour est le guide
Regagnerons le logis pas à pas. (VI, p. 87.)
Sujets sous-entendus : il et nous.
Il omet aussi quelquefois le pronom réfléchi
quand ce pronom est complément direct :
... soudain je sens nouer
La langue à mon palais... (II, p. 171.)
Et jà de peu a peu sent
Haute eslever sa ceinture. (II, p. 233.)
Pronom relatif. — Aujourd'hui, le pronom
relatif doit suivre immédiatement son anté-
cédent. Au seizième siècle, la construction
était plus libre, et Ronsard a pu écrire, par
exemple, en séparant le relatif de son antécé-
dent :
Des puissans Dieux la plus gaillarde troupe
Estoit assise au sommet de la croupe
Du mont Olympe, oii Vulcan à l'escart
Fit de chacun le beau palais à part,
Qui contemploient la troyenne jeunesse. (III, p. 87.)
Souvent aussi éjui est employé soit comme
complément d'une préposition, soit se rappor-
tant à un nom de chose. Ex. :
Ce règne heureux et fortuné
Sous qui l'heureuse destinée
Avoit chanté dès mainte année
Qu'un si grand prince seroit né. (Odes, I, p. 2.)
Dequoy est toujours employé à la place de
l'expression de ce que.
Ixviij Etude sur Ronsard.
Enfin il arrive parfois que Ronsard fait sui-
vre le pronom relatif d'un nom construit en
apposition. Ex. :
Qui compaignon ses pas alloit suivant. (III, p. 173.)
PRONOMS INDÉFINIS.
Aucun, personne, rien, ont conservé leur sens
étymologique et ne donnent lieu à aucune re-
marque particulière.
Même^ contrairement à l'usage moderne,
est placé devant son substantif quand il a le
sens de ipse (et non de idem) :
Et rien ne vit en moy que la mesme douleur.
(El., V, t. IV, p. 248.)
Un certain nombre de pronoms (person-
nels, démonstratifs, etc.) sont parfois em-
ployés d'une manière redondante : les exemples
sont nombreux surtout pour l'indéfini quiconque
que Ronsard fait souvent suivre d'un autre
pronom. Ex. :
Quiconque fut le Dieu qui la mit en lumière,
// fut premier auteur d'une grande misère. (I, p. 144.)
Mais quiconque a le scavoir
Celuy doit l'honneur avoir.
(Odes, I, XIV, II, p. iio.)
VERBE.
Le verbe ne donne lieu qu'à un petit nom-
bre de remarques.
Conjugaison. — La conjugaison est généra-
ÉTUDE SUR Ronsard. Ixix
lement régulière : mais souvent on constate
l'emploi de formes anciennes déjà tombées en
désuétude à son époque et que Ronsard tentait
de remettre en honneur. Souvent aussi les dési-
nences sont modifiées pour faciliter la rime
(ex. : je ren, je respan}^ ou la forme verbale
abrégée pour la mesure du vers (ex. : mons-
fray), conformément à la théorie qu'il expose
dans son Art poétique (v. Orthographe).
Voix. — Il n'est pas rare de voir tel verbe
ordinairement transitif employé intransitive-
ment par Ronsard ou vice versa, ou encore
de trouver sous une forme réfléchie un verbe
habituellement transitif et même intransitif.
Ainsi aboyer (actif), s'apparaistre^ se combattrcj
craindre à, despouiller, eschapper quelque chose,
exceller, laisser à, oublier à, penser en, ressembler
quelqu^un, se sourire de...
Modes. — Ce qu'il faut encore remarquer,
c'est l'emploi fréquent de l'infinitif comme
substantif, tantôt comme sujet, tantôt comme
complément direct ou indirect. Ex. : le ronfler,
le mourir, mon dormir, le marcher, au dormir de
la mort, au décocher, au flamboyer, etc.
Employé comme complément, l'infinitif qui
se construit aujourd'hui avec à, de, etc., est
souvent construit sans préposition. Ex. :
... car tout homme dès le naistre reçoit en l'âme je ne
sçay quelles fatales impressions qui le contraignent suivre
plustost son destin que sa volonté. (Fr., préface, t. III, p. 17.)
... Le dessein des carmes que nous entreprenons composer
{Art poétique, t. VII, p. 320.)
... à la composition desquels je te conseille premièrement
Vexerciter... (Art poétique, t. VII, p. 325.)
Ixx Etude sur Ronsard.
Je les absous du fait, je serois bien contant
La demander dix ans et la garder autan.
(EL, XIV, t. IV, p. 283,)
A l'imitation du latin, Ronsard emploie la
proposition infinitive, après les verbes espérer,
penser, croire, estimer, etc. Ex. :
si j'esperois, après un long espace,
Venir à moi l'Hercule de ta grâce
Pour délacer le moindre de mes nouds.
(Am-, I, XIII, t. I, p. 9.)
Chantant l'homme estre bien-heureux.
(Odes, I, XI, t. II, p. 104.)
Ses frenaisies, lesquelles il pensoit estre vrayes.
(Fr., préface, t. III, p. 22.)
Estimans les vers estre les plus beaux.
(Fr., préface, t. III, p. 23.)
Le participe présent et le participe passé
suivent l'usage commun au seizième siècle ;
les modes personnels de même : une seule
remarque importante serait que souvent dans
la même phrase on constatera, pour plusieurs
propositions subordonnées, l'emploi de modes
différents sans qu'aucune nuance de doute ou
d'interrogation les distingue. Ex. :
Dont toutes deux devriez rougir de honte
D'avoir destruit un royaume si beau,
Fait qu'llion n'est plus qu'un grand tombeau,
Fait que Priam, meurdri dessus sa race.
De son sang tiède ensanglantast ma face. (Var.)
(Fr., I, t. III, p. 46.)
C'est par une licence analogue que Ronsard
donnera à un seul mot des compléments de
nature différente : Ex. :
L'un lassé de voler et l'autre de la chasse. (I, p. 255..)
Trois fois reprenant cœur, mes armes et L'audace.
(I!I, p. 90.)
ÉTUDE SUR Ronsard. Ixxj
Car dans Ronsard la construction de la
phrase est le plus souvent conforme à l'usage
commun : cependant il faut noter parfois dans
ses écrits une très grande liberté d'allure, la
. hardiesse constante de l'inversion, et l^emploi
\ assez fréquent de la syllepse.
çj& Ainsi Fr., III, t. III, p. 146 :
. . .Le jour luisait.
Quand les deux sœurs, ainçois deux beaux printemps,
Sortent du lict. Ils demeurent longtemps
A se peigner, s'attifer...
Le sujet du verbe demeurent est ils pour
printemps. Ronsard par syllepse passe de
l'idée de sœurs à l'idée de printemps qui est
comme le nom distinctif qu'il leur donne.
Telles sont les seules particularités syn-
taxiques qu'il y ait lieu de signaler dans les
Œuvres de Ronsard : l'on peut encore ici con-
stater la différence profonde que nous signa-
lions précédemment (v. Orthographe) entre la
théorie de Ronsard et sa pratique. Si dans sa
deuxième préface de la Franciade il conseille
au poète de « franchir la loy de grammaire «,
il a le premier donné l'exemple de la modé-
ration et de la prudence : à tel point que l'on
peut avancer, à quelques exceptions près,
que sa syntaxe n'est autre que la syntaxe
poétique généralement reconnue et usitée à
son époque.
Ixxij ÉTUDE SUR Ronsard.
CONCLUSION
f L'examen des théories de Ronsard sur la
/ langue, l'étude de son vocabulaire, de son
orthographe et de sa syntaxe, nous ont per-
mis de montrer de quelles préventions Ronsard
a été longtemps la victime, et combien étaient
injustes en somme les reproches sous lesquels
on J'avait accablé. . ^ —
Ce qui le prouve encore d'une manière
surabondante, c'est le témoignage même de ses
contemporains : à l'époque où sévissait le
néologisme, Henri Estienne dans sa Précellence
du langage françois, dans ses Dialogues du nouveau
langage françois italianisé^ où il s'élève contre
cette manie d'innovation, ne l'impute jamais
à Ronsard, non plus qu'à Desportes, ni aux
« excellens poètes du temps » ; il les propose
au contraire en exemple et les loue de leur
modération (Sainte-Beuve, Tableau de la poésie
française au seizième siècle) ; témoignage d'autant
plus précieux à retenir que, pour beaucoup des
contemporains de Ronsard, rien n'était parfait
s'il n'était conforme à l'antiquité, et que dans
leur ardeur d'imiter les anciens, certains se
laissaient aller à les copier presque servile-
ment. « Heureux, s'écriait au contraire notre
« poète, et plus qu'heureux, ceux qui culti-
« vent leur propre terre, sans se travailler
« après une estrangère, de laquelle on ne
« peut retirer que peine ingrate et malheu-
ÉTUDE SUR Ronsard. Ixxiij
ce reuse pour toute récompense et honneur ! »
{Art poétique, t. VII, p. 323.)
Aussi est-on en droit de s'étonner que Ron-
sard seul ait été rendu responsable des erreurs
ou des exagérations contre lesquelles il s'éle-
vait lui-même, et l'on est naturellement amené
à se demander si son influence a été aussi
grande et surtout aussi complète et universelle
qu'on l'a prétendu. Le contraire paraît plus
vraisemblable.
Car s'il compta parmi ses plus zélés parti-
sans les rois Henri II, François II et Charles IX,
la cour, le chancelier de THospital, Etienne
Pasquier, Montaigne, il eut des ennemis non
moins nombreux et des adversaires acharnés,
parmi lesquels se rangèrent, à des époques
différentes, Mellin de Saint-Gelais, Rabelais
et Malherbe. Ce n'est donc pas seulement
après sa mort qu'il tomba en discrédit ; de son
vivant même il eut des détracteurs, et il eut
la douleur de voir son astre pâlir et son in-
fluence décroître. En effet, le Caprice à Simon
Nicolas {Recueil des poèmes retrouvés, t. VI,
p. 326-331), qui semble posthume et qui
fut certainement écrit sous Henri III, nous
montre le vieux poète se résignant difficile-
ment à l'oubli. Car, bien qu'il eût été ap-
pelé par Henri III à faire partie de l'Aca-
démie du Palais, la mode n'était plus à Ron-
sard , le goût de la cour avait changé ; et
c'est apparemment de son prieuré de Saint-
Cosme ou de sa retraite de Croix-Val ou du
collège de Boncour, qu'il écrivait ces vers où
il regrette amèrement
IxxiV ÉTUDE SUR RONSARD.
Un si bon temps où la Muse brunette
Avoit en cour tant de lustre et de prix !
Farceurs, boufons, courtisans pleins de ruses
Sont maintenant en la place des Muses.
L' « ignorance » et la « barbarie » revien-
nent importuner la France, et malgré tout il
conseille à son ami de ne pas céder au torrent,
de suivre son exemple « en dépit de l'envie »
et de fuir
... ces vulgaires façons,
Ces vers sans art, ces nouvelles chansons
Qui n'auront bruit, à la suite des âges,
Qu'entre les mains des filles et des pages ! (VI, p. 329.)
C'est « Tenvie » , c'est « l'opposition du
vulgaire » qui a paralysé ses efforts et fait
Que nostre langue en est moins embellie. (VI, p. 329.)
Et cette plainte s'accorde avec ces mots du
cardinal du Perron : « Lesaureilles des cour-
te tisans françois, qui n'estoient pas encore
« accoutumées à ces ornements estrangeis, fai-
« soient quelque difficulté de les supporter,
« rejettant tantost la hardiesse des conceptions
« qui estoient poétiques et eslevées, tantost
« la licence des constructions et des façons de par-
« 1er qui estoient imitées et empruntées des
<( autres nations, et tantost la nouveauté des
a mots, lesquels il se voyoit contraint d'inven-
« ter pour tirer nostre langue de la pauvreté et
« de \di nécessité. « (Du Perron, Oraison funèbre
de P. de Ronsard, t. VIII, p. 189.)
Malgré ses efforts, il laissait « nostre lan-
gage pauvre et manque de soy » {Art poétique,
ÉTUDE SUR Ronsard. Ixxv
t. VII, p. 336); et il mourut avec le regret
de n'avoir pu, comme il l'entendait, illustrer
sa langue maternelle.
Il avait eu pourtant raison de chercher à
enrichir le Vocabulaire poétique ; il s'était,
on l'a vu, montré toujours assez prudent dans
l'exécution de son projet. Le malheur, pour
lui, est que ses amis ou ses disciples exagé-
rèrent ses idées : leurs excès devaient néces-
sairement amener une réaction violente :
« l'excès choquant de Ronsard nous a un peu
jetés dans l'extrémité opposée; on a appauvri,
desséché et gêné notre langue » . On ne peut
violenter la langue ; avec elle il est besoin de
grands ménagements.
C'est pour avoir négligé ces ménagements
que là Réforme tentée par la Pléiade échoua;
elle pouvait aussi bien réussir, si les novateurs
eussent écouté et suivi le sage conseil d'un
contemporain, H. Estienne {Préc, éd. Feu-
gère, p. I 56) ; t^ /.-^p'^ ^^î GT^eipsiv 'aÀXà u.y; ôXw
Tw ÔuXàxw : c'est à petites poignées qu'il faut
semer, et non à plein sac.
L. Mellerio.
L E X I QJJ E
DE RONSARD
i4, préposition, employée avec le sens :
1° de la préposition /Jour.
Je suis celuy
Qui te veux faire avant le soir sentir
A ton malheur que peut un repentir, (III, p. 126.)
2° de la préposition de.
Fille à Téthys (II, p. 347.)
Frère à Jupin (III, p. 88.)
3** de la préposition ûV£c ou /«jr.
Guindent le mast à cordes bien tendues. (III, p. 82.}
A bas, loc. adverb.,pour en bas, ici-bas.
Puisse arriver, après l'espace d'un long âge
Qu'un esprit vienne à bas (I, p. 231.)
Aboyer et Aboyer ou abbayer, employé comme verbe
transitif.
mon mastin qui l'abaye. (IV, p. 10.
Lex. Ronsard.
2 L E X I QJJ E
Aboyant tant seulement
Les nourrissons des neuf Pucelles. (II, p. loj.)
Abbayer les verves des trespassez. (III, p. 35.)
Abricot, s. masc, venu au xvr siècle de l'espagnol
albaricoque.
Achète des abricôs. (Od. II, 18, t. II, p. 163.)
Ronsard supprime le t final au pluriel.
Abysme, subst. masc, dans Paisgrave et Nicot, est
féminin le plus souvent au xvr siècle.
Entr'ouvrait l'eau d'uneabysme profonde. (III, p. 9}.)
au fond
De l'abysme la plus profonde. (II, p. 76.)
Acagnarder QiAccagnarder, v. trans. (Nicot, Trévoux,
Littré.) Accoutumer quelqu'un à une vie obscure, fai-
néante ou libertine. Nicot dérive ce mot de cagnard
« qui est un lieu à l'abri du vent ou exposé au soleil,
où les gueux s'assemblent pour fainéaiAer, qu'on
appelle pour cela c a gnardins et cagnardiers ■:! . (Tré-
voux.) Ex. :
Nous tiendras-tu sur ce bord solitaire,
Acagnardez en paresseux séjour
A boire, à rire, à démener l'amour ?
(Fr. III, t. III, p. 183.)
Accointable, adj., abordable, affable.
Estre sobre en habits, estre prince accointable.
(III, p. 281.)
visage accointable. (V, p. 184.)
Accointance, subst. fém., fréquentation, commerce
d'amour.
Bacchus ne luy est plus doux,
Ny de Venus l'accointance. (II, p. 354.)
Accoiser, v. trans., vieux mot dérivé de Co/(quietus),
calmer, apaiser.
DE Ronsard. 5
Et par les prez les estonnez ruisseaux
Pour l'imiter accoiseront leurs eaux. (VI, p. 177.)
S'employait aussi comme verbe réfléchi : S'accoisir.
Et tous muets s'accoisent les ruisseaux.
(Am. I, 221, t. I, p. 124.)
Accort, adj. quai. (Nicot, Pasquier). Avisé, clair-
voyant.
Car en tous lieux la douce courtoisie
Du peuple accort gagne la fantaisie.
(Boc. Roy., t. III, p. 363.)
Accouarder, v. trans., t mot nouveau inventé par
Ronsard 1 (note de Belleau). L'ancienne langue
avait l'adj. couard, le verbe couarder, se montrer
lâche, et accouardir (cité par Palsgrave), rendre
lâche.
Accouardant mon âme prisonnière. (I, p. 215.)
Ronsard a d'ailleurs employé le part, passé à' ac-
couardir, t. II, p. 3 j 1.
A'ccravanter, v. trans., vieux mot. Écraser, accabler
sous un poids excessif. Trévoux : a Ce mot est
vieux et vient du latin aggravare. Autrefois on
disait même aggravanter, et c'est de là que s'est
formé accravanter, en changeant g en c. t Ex. :
(I, p. 127, et III, p. 301.)
Accrestre, pour accroistre, selon la prononciation
d'alors (0/ = aï).
Et soing dessus soing accrestre. (II, p. 163.)
Ailleurs Ronsard emploie l'orth. accroistre, mais
la prononciation était la même.
Le vray commencement pour en vertus accroistre.
(VII, p. 36.)
Accusement, s. masc, signalé comme peu usité pai-
Nicot : Accusation. Ex. :
Le riche dessous toy ne craint aucunement
4 Lexique
Qu'on luy oste ses biens par faux accusement.
(Hymnes IV, t. V, p. 68.)
Acertener, v. trans., vieux mot. (Trévoux et Nicot,
ex. de Marot.) On écrivait plutôt acertainer, assu-
rer, certifier. Ex. : Odes, II, ii,t. II, p. 150.
Achée, s. fém., 0 sorte de ver qui sert à nourrir les
oiseaux et à amorcer les hameçons des pêcheurs » .
(Trévoux.)
. . . pour apporter la bechee
A tes petits ou d'une achée
Ou d'une chenille ou d'un ver. (II, p. 438.)
Achil, nom propre, orth. de Ronsard, pour Achille.
(H, p. 474-)
Ailleurs : Achillès. (VI, p. 416.)
AchilUn, adj., d'Achille. Pris substantivement, il signi-
fie : le fils d'Achille : Ex :
... il receut en sa gorge frappée
De l'Achillin le revers de l'espée. (III, p. 46.)
De même, t. III, p. 426'.
Adjectivement Ronsard emploie plutôt Achillien.
(V, p. 144 et 294.)
Acouardy. (V. accouarder.)
Acquêts, s. masc. pi., vieux mot conservé dans la lan-
gue de la jurisprudence. Ronsard l'emploie dans le
sens de conquêtes.
... je vous donne en ceste carte icy
Les acquêts de Henry et les vostres aussy.
(VIII, p. 147.)
Actuel, adj. quai., employé par Ronsard au sens éty-
mologique du mot : qui agit, réel, effectif et effi-
cace. S'opposait à virtuel ou ^potentiel, en ce sens.
Ex. :
Poudre, l'honneur de Cypre, actuelle à résoudre
DE Ronsard. 5
L'ulcère qui s'encharne au plus creux de mon sein.
(Sonnets pour Hélène, XLI, t. I, p. 304.)
Adenté, part, passé du vieux verbe adenter, renverser.
Trévoux : « Adenter un vaisseau, c'est mettre son
orifice en bas et le fond en haut. Ce terme est po-
pulaire. i>
Ronsard l'emploie pour : abattu, renversé, en
parlant de l'homme.
L'un dessus l'autre adentez tomberont.
(Fr., IV, t. III, p. 226.)
Adeixlé, adj. quai., vieux mot. Attristé, accablé de
douleur : Un seul exemple :
... au point du jour voicy
Un passant à ma porte, adeulé de soucy,
Qui de la triste mort m'annonça la nouvelle.
(I, p. 232.)
Adextre, adj., vieux mot encore en usage au XVI"
siècle. {Rom. du Renard, Villon, Jodelle) : adroit.
Combien l'effort de ta main dextre,
Maniant le fer, est adextre
A briser l'horreur des dangers. (II, p. 38.)
... soit pour le faire adextre. (II, p. 61.)
Ronsard orthographie aussi adestre (cité par
Nicot.)
... c'est le tout que d'estre
Des mains aux armes adestre. (II, p. 6$.)
Adiré, part, passé du vieux verbe adirer (bas lat. adi-
rare, probablement dérivé de aderrare). (Roman de
la Rose, BonaventuredesPériers, Littré) = égaré,
perdu.
Voicy venir Bellin, qui seul avait erré
Tout un jour à chercher son bélier adiré.
(Éclog., IV, t. IV, p. 82, et de même, ibid.,p. 86.)
Ne s'emploie plus aujourd'hui qu'en jurispru-
dence : titre adiré.
6 Lexiq^ue
S'adoîorer, v. réfl. (Nicot : se douloïr.)
Et l'espousé ne s'adolore pas
De voir mourir sa femme entre ses bras. (VI, p. 17 j .;
Adonc, adverbe, vieux mot qui signifiait : alors^ ainsi
ou donc, couramment employé par Ronsard.
Adon, nom propre, orth. de Ronsard pour Adonis.
. (I.p.éS-)
Adonin, adj. d'Adonis.
Ou tel que fut de la playe Adonine
Le sang fardeur de la rose pourprine. (III, p. 134.)
Ailleurs Ronsard emploie l'adj. Adonien.
Le pourpre esclos du sang Adonien. (I, p. 107.)
Adoniser, v. trans., dérivé d'Adonis. (Nicot, Littré,
Académie.) Parer avec beaucoup de soin et de re-
cherche. (Ex. contempor. Dancourt, Th. Gautier.)
Employé aujourd'hui comme verbe réfléchi ou avec
un complément direct. Ronsard l'emploie avec deux
régimes.
Quand d'un bonnet son chef elle adonise. (I, p. 14.)
Affecter, v. act. (lat. affectare). Aspirer à, entrepren-
dre.
Puis affectant un oeuvre plus divin. (II, p. 128.)
Affoler, V. act., blesser (Palsgrave, Nicot), et aussi
rendre fou (Roman de4a Rose).
Premier sens :
Je sens guarir une amoureuse rage
Qiai me r'affole au plus verd de mes mois. (I, p. 6.)
Deuxième sens :
Ainsi disoiî la nymphe qui m'affolle. (I, p. 13.)
Cet oiseau, c'est amour qui vole.
Qui toujours les hommes affole
Et jamais ne fait que du mal. (I, p. 43$.)
deRonsard. 7
Age, subst. masc. aujourd'hui, est quelquefois fémi-
nin.
Seize ans estoit la fleur de votre âge nouvelle.
(I, p. 403.)
Quand sur l'âge première elle se voit aimée.
(I, p. 191.)
Aggraver, v. trans., a eu jusqu'à la fin du xir siècle le
sens du latin aggravare, rendre plus lourd, plus
pesant, alourdir. Ronsard lui attribue le sens de
couler à fond. (II, p. 96.)
Agnien {^vôC), pur, saint, dont les rites sont purs.
Un des surnoms de Dionysos que Ronsard traduit
parDenys. (V, p. 237.)
Aguetter, v. trans., vieux mot dérivé du substantif
aguet, déjà vieilli du temps de Ronsard : guetter,
surveiller, garder. (Am., I, CXXX_, t. I,p.. 73.)
Ahan, s. masc, mot pittoresque et expressif, cou-
ramment employé dans l'ancienne langue, aujour-
d'hui tombé en désuétude.
\° Grand effort.
Puis du dos et des bras efforcés par ahan
Fait sauter le froment bien haut de sur le van,
(Disc, t. VII, p. 123.)
2° Fatigue extrême.
Trois fois, recreu d'ahan, jem'estends sur la place.
(m, 290.)
Ahan avait formé le verbe ahanner, faire un grand
effort, et au fig. souffrir une peine extrême. Ron-
sard emploie ce verbe au sens propre. (II, p. 41 1 .)
Ahontant, part, prés., de l'ancien verbe ahonter, faire
honte, déshonorer. Nous avons conservé éhontéqui
exprime l'idée contraire. (III, p. 153.)
Aigre-doux, adj. composé, appartient au vieux fonds de
8 Lexiqjje
la langue. Épithète de Vénus considérée comme
déesse de l'amour parce qu'il a ses plaisirs et ses
peines.
Et le doux fiel de Vénus aigre-douce. (III, p. 347.)
Aigu, adj. quai., employé par Ronsard comme syno-
nyme de perçant pour qualifier les yeux de l'aigle
de Jupiter.
... adonc tu vas charmant
Ses yeux aigus... (II, p. 127.)
Aigueax, adj. créé par Ronsard, syn. de aqueux.
L'humeur aigueuse. (El. XXXII, t. IV, p. 353.)
Aigu- tournoyant, mot composé par juxtaposition,
mnovation de Ronsard qui l'applique à la foudre de
Jupiter. (Odes l, X, t. II, p. 79.)
Ailer, v. trans., donner des ailes ; employé aussi par du
Bellay.
Ailera ses pieds à la fuite. (II, p. 86.)
Aimantin et adamantin, adj. quai. Ronsard emploie
indifféremment l'une ou l'autre forme.
(I, p. 14; III, p. 312; V, p. 14.)
Aime, 3^ pers. du sing. du prés, de l'ind. du verbe
aimer, employé par Ronsard comme préfixe dans la
composition des mots. Il l'écrit tantôt aime, tantôt
ayme.
Ayme-bal, adj. comp., créé par Ronsard. (III, p. 57.)
Ayme-bois, adj. comp., créé par Ronsard.
(ni,p. 57.)
Aime-estaim, adj. comp., créé par Ronsard. Il l'ap-
plique à la quenouille, qui aime à filer la laine.
(V. Estaim.)
Quenouille, des deux bouts et greslette et menue,
DE Ronsard. 9
Un peu grosse au milieu où la filace tient,
Aime-laine, aime-fil, aime-estaim...
(Am. Il, la Quenouille, t. I, p. 220.)
Aime-fil, did].comp., créé par Ronsard. (V. ci-dessus.)
Aime-jour, adj. comp., innovation de Ronsard. Épi-
thète qu'il applique au coq. (VI, p. 365.)
Aime-laine, adj. comp., créé par Ronsard. (V. ci-des-
sus.)
Aimant, s. masc, fer. (V. Littré, étymologie du mot
diamant.)
Zephyre avoit un rhé (filet) d'aimant laborieux.
(V, p. I77-)
Aime-ris, adj. comp., créé par Ronsard. Qui aime le
rire, folâtre.
Sans toi, Nymphe aime-ris, la vie est languissante.
(Am. II, XXIII, t. I, p. 168.)
Ayme-rochers, adj. comp., créé par Ronsard.
(III,P-S7-)
Ayme-son, adj. comp., créé par Ronsard. (III, p. 57.)
Ainçois, vieux mot = mais bien plutôt.
Las! mais mon cœur, ainçois qui n'est plus mien.
(I, p. 30.)
Ains, conjonction, vieux mot qui signifiait : giais, mais
bien, mais bien plutôt; fréquemment eniployé par
Ronsard.
Ains que, locution conjonctive, vieux mot : avant que.
Quand j'estois libre, ains que l'amour cruelle
Ne fust éprise encore en ma mouelle. (I, p. 214.)
Alaigre, adj. orth. de Ronsard pour allègre.
... mon bouc qui sautoit si alaigre. (IV, p. 88.)
10 Lexiq^ue
Alainer, v. trans., pour haléner, agiter de son haleine,
éventer ; vieux mot.
Et Zephire y alaine
Les myrtes et la plaine. (II, p. 252.)
Alan^oré, part, passé du vieux verbe alangorer qui
existait concurremment avec alangourir et s'alan-
gourir plus usités. (Nicot, Littré.) k Affaibli par
une grande maladie ou affliction. > (Trévoux.) Ex. :
Et, quoy qu'il soit alangoré
De voir sa femme morte et pale. (II, p. 415.)
Albasîr'm, adj., blanc comme l'albâtre.
Col albastrin emperlé de bonheur. (I, p. 76.)
Albionnes, adj. fém. plur., employé une fois par Ron-
sard, d'Albion, de l'Angleterre.
... aux bords escumeux
Des Albionnes arènes. (II, p. 309.)
Alenter, v. trans., vieux mot qui existait concurrem-
ment avec alentir. (Ex. de d'Aubigné.) Rendre plus
lent, ralentir. (Am., Il, XXII, t. I, p. 167.)
Ce verbe s'employait aussi comme verbe réfléchi :
^''alenter, se ralentir, s'apaiser.
Sa fièvre s'alentoit.
(Am., Pièces retr,, XI, t. I, p. 394.)
Il avait formé le dérivé ralenter, ralentir.
... ralente tes pas. (Am. i, CLVII, t. I, p. 91.)
Allégeance, s. fém., vieux mot. (Nicot, Trévoux,
Littré.) Employé au figuré : soulagement, adoucis-
sement, consolation.
... je vous tiendray souvent
Entre mes bras, prenant quelque allégeance
En vostre vaine amoureuse semblance.
(VIII, p. 124.)
Allumelle ou alumelle, vieux mot. (Trévou.x, Littré.)
DE Ronsard. i i
Épée, lance, fer d'une lance ou d'une épée. On
appelle encore aujourd'hui en art militaire allnmelle,
l'épée minx;e et déliée dont on se servait au moyen
âge pour percer l'ennemi au défaut de son armure.
(Hymnes, m, t. V, p. 62.)
Allures o\xAlkures, s. fém. plur., terme de vénerie. Ma-
nière différente dont marchent les bêtes ; longueur
de leur pas.
Cognoissoit bien le pied, la sole et les alleures.
(I, p. 255. Vers d'Eurym. et Callirhée.)
Aime (lat. almns). Nicot signale ce mot comme une
innovation de Ronsard. Ex. :
Aime soleil, demain avant ton heure
Monte à cheval et galoppe bien fort.
(Am. 1, LXXX, t. î, p. 47.)
Aime Vénus. (Franc. II, t. III, p. 109.)
Père aime, nourrissier des hommes et des Dieux.
(Élég. IX, t. IV, p. 262.)
Altiloque, adj. quai., innovation. de Ronsard, du latin
altiloûuus : qui a un langage élevé, sublime.
(VII, p. 330.)
Alumelle, s, fém., vieux mot qui signifiait au moyen
âge la lame de l'épée. (V. Allumelle.)
Donne que hors des poings eschappe l'alumelle
De ceux qui soustiendront la mauvaise querelle.
(VII, p. 16.)
Amadoneur, s. masc, terme familier, celui qui ama-
doue, qui flatte par des caresses. (Nicot, Trévoux,
Littré.) Ex. : (Am. Piec. retr., Il, t. I, p. 389.)
Amasser, v. trans., employé dans le sens de ramasser.
... un bouquet luy tomba de son sein...
Je l'amasse et l'attache au bord de mon chapeau.
. (IV, p. 52.)
12 Lexiq_ue
Ambrosie et ambroisie. (Nicot, Littré.) Les deux
formes étaient également usitées. Note de Muret :
« C'est la viande des dieux, et nectar le breuvage.
Tous les deux signifient immortalité. »
Je pais mon cœur d'une telle ambrosie. (I, p. 7.)
II, p. 118.
... se soûler d'ambroisie. (III, p. 26 j.)
Ambrosin et ambroisin, adj., tiré du mot ambroisie.
Ronsard emploie ces deux formes concurremment
avec une troisième : ambrosien. Ex. :
D'une si rare et douce ambrosine viande
Mon espérance vit. (I, p. 308.)
Baiser ambroisin, que j'adore. (II, p. 486.)
... embasmer l'air
De ne sçay quelle ambrosienne haleine. (I, p. 13J.)
S'amenuiser, v. réfl., encore employé au sens propre
aujourd'hui : être rendu plus mince, plus menu (en
parlant d'un bois qu'on travaille), est employé par
Ronsard au figuré.
De jour en jour suivant s'amenuisoit ma vie.
(III, p. 435.)
Amiable et amyabk, pour aimable, ortti. de Ronsard,
forme ancienne du même mot.
Voicy les champs ou l'amiable effort
De ses beaux yeux ordonne que je meure. (I, p. 47.)
Vien avccques ta fille, amyable et bénigne.
(Ed. III, t. IV, p. 68.)
Amignoter, v. trans., employé concurremment au
xvi^ siècle avec amignarder : rendre caressant.
Vénus...
Amignota de ses yeux les regards. (III, p. 1 10.)
(V. Mignotise.)
Amodérer, v. trans., vieux mot. (Nicot, Trévoux.)
DE Ronsard. 13
Dérivé de modérer : tempérer, modérer. Ex. :
Et si le fiel n'amoderoit un peu
Le doux du miel. (I, p. 7.)
A'moit, pour animait.
Dont la main industrieuse
A'moit d'amours et de pleurs
La carte laborieuse. (Var. 1587.) (II, p. 341.)
Et Ronsard ajoute cette note : i A'moit, c'est
ce qu'on dit, escorchant le latin, animoit. »
Amoureau, s. masc, ancien diminutif d'Amour : petit
amour. Employé par Ronsard au pluriel.
Un nouveau scadron furieux
D'amoureaux... (II, p. 487.)
Amourée, s. fém., vieux mot cité parPalsgrave, vient
du verbe amourer, rendre ou devenir amoureux :
synonyme de amante.
Comme un taureau par la prée
Court après son amourée. (II, p. 161.)
Amphithéose, s. fém., orth. de Ronsard pour emphy-
téose, terme de jurisprudence : cession d'un fcJ^ds,
d'un héritage, pour un certain temps moyennant
une redevance annuelle (du grec ètxçuTEUG-i;), action
de planter : le preneur a le droit de planter et la
certitude de jouir des produits de ses plantations.
(VIII, p. 171 0
Ampoullé, adj. quai., employé par Ronsard pour qua-
lifier les fiots des torrents : enflé, gonflé.
... le dos escumeux des ondes ampoullées.
(VI, p. 247.)
Anangé ('AvdYxy]), la fatalité, innovation de Ronsard.
Tu mets les dieux au joug d'Anangé la fatale.
(Hymnes i, VIII, t. V, p. 142.)
14 Lexiq^ue
Ancelle (lat. ancllla), servante, terme fréquent au
moyen âge, par exemple dans les mystères. Est un
des termes anciens que Ronsard a tentés de remettre
en honneur. Il ne l'a employé qu'une fois. (Suite de
l'Épitaphe de Loyse de Mailly,t. VII, p. 26^.)
Le poète imagine que la Foy pleure avec la Cha-
rité sur le tombeau de Loyse de Mailly, répétant
que :
... Loyse fut celle
Qu'elle choisit en Dieu pour sa très humble ancelle.
Andomller, s. masc, terme de vénerie. Espèce de
petite corne qui vient au bois du cerf, du daim et
du chevreuil, I, 255. (V. Vénerie.)
Angelette, s. fém., ancien diminutif de ange, au masc.
angelet. (Littré.) Terme d'affection, de caresse
mignarde dont on se servait jadis en parlant ou
écrivant à une jeune fille.
Où fuis-tu, mon angelette?... (Am. div. I, p. 378.)
Anterot, nom masc. dérivé par Ronsard du grec
'Avtépto;, dieu ennemi d'Eros.
Anterot, preste moy la main...
Il faut que pour moy tu renverses
Cet ennemy du genre humain. (II, p. 373.)
Anterotiaue, adj. quai., tiré par Ronsard du grec 'Avté-
pcoç, du dieu ennemi d'Eros, Ex. :
... d'Amour je rompray les traits
Dessus l'autel anterotique. (II, p. 374.)
Antiquaire, adj. quai., antique, vieilH.
... vous paissez seulement de fumées
Et d'un titre venteux, antiquaire et moysi.
(III, p. 308.)
Antrine, s, fém., nom de Nymphe de l'invention de
Ronsard. (VI, p. 140.)
DE Ronsard. i^
S'apparoistre, v. réfl., pour apparaître, v. intr.
Ils faillent de penser qu'à Luther seulement
Dieu se soit apparu... (VII, p. 41.)
Appenderois, forme ancienne du conditionnel du verbe
appendre : e repris à l'infin. latin.
J'appenderois mon âme pour offrande.
(Am., I, CXXVIII, t. I, p. 72.)
-1 Exemples assez nombreux de formes analogues.
S'appethser, v. réfl. d'oii le dérivé se rapetisser, qui
subsiste encore.
Ton Telemach, qui se plaint et lamente
Que jour à jour s'appetisse sa rente. (VI, p. 77.)
Appointer, v.'mivd.ns., venir en conciliation. Nicot le
traduit par transiger, de !à le terme juridique :
appointements transaction.
... après ta colère
Très justement conceue encontre Agamemnon
Il t'a fait appointer pour ton mort compagnon.
(IV, p. 283.)
Il s'employait aussi comme verbe réfléchi.
Tant de fois s'appointer, tant de fois se fascher.
(I, p. 293.)
Apprenti/, ancienne orth. du subst. apprenti.
Et en donnant la charge aux nouveaux apprentifs.
(VII, p. 2$. )
Arbreux, adj. créé par Ronsard qui l'applique à la
massue d'Hercule, faite d'un arbre entier, a. l'ar-
breuse massue. t . (VI, p. 126.)
Archerot, s. masc. diminutif de archer, pris absolu-
ment signifie le petit archer, l'Amour.
... l'archerot me jette
Le plus agu de son trait esmoulu. (I, p. 29.)
I 6 L E X I QJJ E
Archète, s. masc, du grec àpxÉTaç, chet, roi, épi-
. thète de Bacchus.
Ardre, v. act., brûler (lat. ardere), usité dès lafornja-
tion de la langue. Ronsard l'emploie à l'infinitif, et
aux deux participes, présent et passé.
Par l'effort d'un bras souverain
A fait ravaller la tempeste
Et ardre à l'entour de ta teste
Un air plus tranquille et serain.
(Odes I, I, t. II, p. 24.)
Ars, prins, lacé, par eux faut que je meure.
(Am.i, s. XVII, t. I, p. II.)
Tandis Amour, qui, petit, se cachait
Folastrement dans le sein de la belle,
En l'oeil humide alloit baignant son aile.
Puis, en Tardant, ses plumes il sechoit.
(Am. I, CXCVI, t. I, p. m.)
Arène (lat. arena), sable. (Odes II, XVI, t. II, p. 161.)
Areneux, adj. quai., innovation de Ronsard : qui
pousse dans le sable, qui aime les terrains sablon-
neux.
... la framboise areneuse.
(Poèmes i, La lyre, t. VI, p. 64.)
Argentelet, adj. diminutif d'argenteux, créé par Ron-
sard. (VI, p. 392.)
Argenteux, adj. quai., vieux mot. (Ex. : de Marot.)
Employé par Ronsard qui lui attribue deux sens.
(Nicot, Littré.)
r Couleur de l'argent, argenté. Ex. :
Sous le crystal d'une argenteuse rive.
(Am. I, XCI, t. I, p. 52.)
2" Qui produit de l'argent, qui procure la ri-
chesse.
Ou bien embrasse-moy l'argenteuse science.
DE Ronsard. 17
Dont le sage Hippocrate eut tant d'expérience.
(Poèmes n, t. VI, p. 190.)
Argive, adj., traduction du lat. argivm, grec.
... assez avons esté
Foulés aux pîeds de ceste argive audace. (III, p. 58.)
Ar go-nochers, nom propre, forgé par Ronsard pour
désigner les Argonautes.
... ces nobles gensd'armes _
Fameux Argo-nochers, qui, hardis, les premiers
Sillonnèrent la mer... (III, p. 42$.)
Ariole, s. masc. (arîolus ou harlolm), devin. Em-
ployé une fois par Ronsard.
Tu es de Jupiter l'esprit et l'interprète.
Des songes conjecteur, Ariole et prophète...
(Hymnes ii, X, t. V, p. 253.)
Arondeau, s. masc, vieux mot qui s'est dit jadis pour
désigner l'hirondelle mâle et aussi les petits de l'hi-
rondelle. (Nicot, Littré.) C'est en ce dernier sens
que l'emploie Ronsard.
Faisant tel bruit que font en la nichée
Les arondeaux attendans la bêchée.
(^Fr. II, t. III, p. 109.)
Arondelle, s. fém., diminutif de aronde (lat. arundo) :
hirondelle. (Nicot, Littré.)
Vous, à la gorge rouge, estrangere arondelle,
(I,P. 34I-)
Arraisonner, vieux mot. (Villon, Marot, le dernier
ex. : Mézerai.) S'employait comme verbe transitif
et réfléchi.
Verbe transitif, il signifiait : entretenir quelqu'un,
raisonner d'une chose avec quelqu'un.
Verbe réfléchi, s'entretenir avec quelqu'un; vou-
loir lui faire entendre raison. Ex. : Il faut comman-
Lex. Ronsard. 2
1 8 L E X I Q^U E
der aux valets et non pas s'arraisonner avec eux.
(Trévoux.)
Ronsard l'emploie absolument dans le sens de :
s'entretenir avec soi-même. (I, p. 69. Ibid., p. 70.)
Arrqy, vieux mot. (Nicot, Littré.) Ordre, arrange-
ment; puis équipage, appareil.
L'autre, qui vient en magnifique arroy
Qui de maintien représente un grand roy,
Est-il des miens? (Franc, iv, t. III, p. 239.)
Et s'approchant de près elle vit un grand Roy
Que deux tigres portoient en magnifique arroy.
(Hymnes n, t. V, p. 198.)
Artizane, s. fém., inusité, du mot artisan, employé
par Ronsard et repris depuis par quelques écrivains
modernes (G. Sand, Brizeux, H. Rigault) : ou-
vrière.
... l'araigne artizane admirable.
(Hymnes iv, t. V, p. 79.)
Asien et Asian, adj., créé par Ronsard. Asiatique.
... avec une grande trope
D'Asians pour domter la plus part de l'Europe.
(II, p. 21.)
D'Afriq' sera couronné
Ton puisné,
Toy de la terre asienne. (II, p. 194.)
Asprït, 3e pers. sing. du parf. défini du vieux verbe
asprir, hérisser, du latin asperare; d'où le verbe
exaspérer.
... horrible en sonarmet
Que la Gargonne asprit de mainte escaille.
(Fr. Il, t. III, p. 4J.)
Asserer, v. trans., innovation de Marot, du latin asse-
rere. 0 Le rendre maître de quelque chose, la
prendre. » (Trévoux.) Ici assigner.
... et que leur bande asserre
DE Ronsard. 19
Des chappeaux de laurier, de myrte et de lierre
Pour ceux qui vous feront présent d'un bel ouvrage.
(Sonnets divers : au roi Henri II.)
Assisons-nous, conj. irrég. de i'impér., pour asseyons-
nous. La diphtongaison supprimée a été remplacée
par \'s euphonique.
Assisons-nous sur ceste molle couche. (I, p. 218.)
Assomement, s. masc, innovation de Ronsard, exem-
ple unique.
... une aspre maladie
Par ne sçay quel destin, me vint boucher l'ouie
Et dure m'accabla d'assomement si lourd
Qu'encores aujourd'huy j'en reste demi-sourd.
(IV, p. 300.)
Assom'resse, fém. adj., créé par Ronsard.
... ses mains assom'rèsses... (V, p. JJ.)
Astelks, s. fém., éclats de bois, du latin hastella,
petit bâton.
Dans l'édition de 1 560 Ronsard l'explique par
cette note : « Astelks est un mot de_ Vandomois
qui signifie des petits coupeaux de bois fandus en
long et menus qu'on appelle à Paris des esclats. t
Il n'en offre qu'un exemple :
Adonques le vieillard esdata des astelles.
(Hymnes i, II, t. V, p. 28.)
Dans certains de nos pays, spécialement dans le
Vendômois et en Lorraine, on dit encore ételles
dans le même sens.
Trévoux : Astèks, s. fém., fragments de lance
jPerceval), et de là vient le mot de Languedoc este-
les, c'est-à-dire' coupeaux, et estela, petites pièces
de bois dont on garnit une jambe cassée et qu'on
y attache pour faire q^ue les os se reprennent plus
aisément. Les chirurgiens disent : atteks.
20 Lexique
Trévoux : Eteles, s. fém., vieux mot, copeaux.
C'est un mot fort usité en Champagne. Il ne l'est
pas moins en Bourgogne.
Dans les patois ce mot subsiste sous la forme
ételle, en chirurgie et dans certains métiers (sellerie,
céramique) sous la forme attelle. Il est devenu esteille
en métallurgie et s'applique aux coins de bois c^ui
assujettissent un marteau. Il a donné comme dérivé
le mot attelet ou hattelet, terme de cuisine, sorte de
petite broche.
A tant, adv., vieux mot repris par Ronsard, signifiait:
alors.
A tant les filles de Mémoire
Du luth apaisèrent le son. (II, p. 80.)
A tant Jupiter enfla
Sa bouche... (II, p. 86.)
Attaquer, v. act., employé dans le sens de affronter,
se jeter dans...
... bravement attaquer les allarmes. (II, p. 223.)
Attendre, employé absolument dans le sens du réfléchi,
s'attendre à...
Je me cachay sous l'herbe au pied d'un arbrisseau
Attendant que la soif ameneroit l'oiseau.
(Éd. I, t. IV, p. 15.)
Attenter, v. trans., employé par Ronsard avec le sens
étymologique du lat. attentare,lQn\.tr, entreprendre
quelque chose. (Trévoux, Littré.) Trévoux : « Ce
verbe n'est que neutre, Vaugelas a pourtant dit
activement : il a attenté le plus grand de tous les
crimes. > Ex. :
L'œuvre est grand et fascheux, mais le désir que j'ay
D'attenter un grand faict m'en convie à l'essay.
(Hymnes i, t. V, p. 14.)
Atterrer, v. trans., est un exemple frappant des modi-
DE Ronsard. 21
. fications de sens que subissent les mots en vieillis-
sant. Il signifiait jadis, au propre : jeter, renverser
par terre. Il ne s'emploie plus cju'au figuré. (Nicot,
Trévoux, Littré.) Abattre, jeter dans l'abatte-
ment. Ronsard l'emploie au propre.
(Fr. IV, t. III, p. 226.)
Attourner, v. trans. (Palsgrave, Nicot.) Atournèr.
(Trévoux.) Vieux mot : parer, orner.
Cybelle,
Qui as le chef de citez attourné. (III, p. $7.)
Attrainer, v. trans., employé par Ronsard et Calvin,
dans le sens du latin attrahere, entraîner, amener
là...
Un banc estait de sablon amassé,
Haut de falaize et de bourbe attrainée. (III, p. 97.)
Aubifoin {ht. A Ibîfœnum), s. masc, terme de bota-
nique, espèce de centaurée qui croit dans les blés
et qu'on nomme plus habituellement bluet, barbeau.
On l'appelle aussi petit aubifoin, par opposition au
grand aubifoin, grande centaurée bleue aes monta-
gnes. (IV, p. 21.)
Aubin, s. masc. (Nicot, Trévoux, Littré.) Vieux mot
qui désignait le blanc de l'œuf, l'albumine.
(Poèmes l, t. VI, p. 128.)
Augée, nom propre, orth. de Ronsard pour Augias.
Certes, j'aimeroy mieux dessus le dos porter
La hotte pour curer les estables d'Augée
Que me voir serviteur d'une dame rusée.
(I, p. 144.)
Aumosner, v. trans., vieux mot. (Nicot, Littré.)
Construit avec un double régime : donner en au-
mône à quelqu'un.
Tu nousaumosnes cecy. (II, p. 36.)
22 LEXiaUE
Aumosnier, adj. quai., qui fait l'aumône.
... de cruels charitables,
De larrons aumosniers... (VII, p. 27.)
Aureiller, v. trans., vieux mot, cité par Palsgrave,
Nicot, employé dans le Roman de la Rose, repris
par Rabelais et Ronsard dans le sens du latin aus-
' cultare, prêter l'oreille.
A ces chansons les chesnes aureillez
Abaisseront leurs chefs émerveillez. (VI, p. 177.)
Austrogots, s. masc. pi., orth. 4e Ronsard du mot
Ostrogoths. (VII, p. 61.)
Avaller, v. trans., abaisser.
... quand je voy pendre en bas
Les nuaux avaliez, mardi ne sera pas.
Si mouillé qu'aujourd'hui...
(Odes III, XV, t. II, p. 218.)
S'avaler, v. réfl., s'abaisser.
(Am. I, CCV, t. I, p. 116.)
Avant-chien, nom composé, forgé par Ronsard pour
désigner la canicule.
... l'avant-chien qui tarit jusqu'au fond
Les tiedes eaux, qu'ardant de soif il hume. (I, p. 70.)
Avant-jeu, s. masc, Nicot cite Ronsard et du Bel-
lay : prélude.
... en bruyant tu marques la cadance
D'un avant-jeu le guide de la danse. (II, p. 127.)
Avant-messager, s. masc, mot composé, créé par
Ronsard sur le modèle de : avant-coureur, dont il
a la signification.
(Poèmes, 11, la Paix, t. VI, p. 219.)
Avant-portier, s. masc, mot composé, créé par Ron-
sard.
Mes lèvres, les avant-portiers
Du baiser... (I, p. 124.)
DE Ronsard. 23
Aveindre, v. trans., vieux mot : atteindre, prendre...
(Nicot, Littré.) Ce mot, qui est devenu vieux et
familier, et qui en 1690 était déjà traité comme
étant « du dernier bourgeois », est encore très
usité dans nos campagnes, 011 il remplace prendre,
atteindre, avec une certaine énergie.
Deux exemples dans Ronsard :
Au prés, dusubj., que ]'aveigne. (I, p. 126.)
Et à l'imparf. de l'ind., elle l'aveignoit.
(V,p. 211.)
Avérer, employé comme verbe intr., par Ronsard,
pour s'avérer : être reconnu vrai...
... je te puis asseurer
Que tu verras bien tost ce miracle avérer.
(Boc. Roy. Songe, t. III, p. 292.)
Averiiner, v. trans. V. avertineux.
Avertineux, adj., atteint de Yavertin (lat. avertere, dé-
tourner, égarer), maladie de l'esprit qui rend opi-
niâtre, emporté, furieux. Saint Mathurin est le
patron des avertins.
Ce mot subsiste dans l'art vétér. comme syn. de
tournis, maladie particulière aux mouions.
Et pource, prédicant, faisons une neufvaîne
Oi!i? à sainct Mathurin; car à nous voir tous deux.
Nos cerveaux éventez sont bien avertineux.
(Disc, t. VII, p. 124.)
Ronsard emploie le verbe ^v^r/m^r transitivement
pour : troubler l'esprit. (VI, p. 1 16.)
Avette, s. masc. (apicula), vieux mot. On disait aussi
apette : abeille. Ex. : Les blondes avettes.
(I,p.l82.)
S'aviander, v. réfl., prendre sa pâture en parlant
24 Lexique
d'une bête sauvage, terme de vénerie dérivé de
viander,
... une beste sauvage
S'aviandant de glands. (Songe III, 289.)
V. viande.
Avitailler, v. trans. (Nicot, Trévoux, Littré.) On a
dit aussi avktuailler : approvisionner de vivres et
de munitions. Aujourd'hui on n'emploie dans le
même sens que le dérivé ravitailler. (VII, p. 183.)
Avorter, employé comme verbe transitif pour : faire
avorter...
De mon printemps il avorte le fruit. (I, p. 109.)
Ayes, anc. forme de la 2' pers. de l'imp. du verbe
avoir.
Ayes pitié d'une fille amoureuse. (III, p. 181.)
Ayme-bal, ayme-bois, etc. V. aime-bal, etc.
Azurer, v. act., peindre d'azur, colorer en bleu.
0 beau crystal murmurant
Que le ciel est azurant
D'une belle couleur blue... (II, p. 343.)
Aznrine, s. fém., nom de Nymphe de l'invention de
Ronsard. (VI, p. 140.)
Bailler, v. trans., vieux mot encore en usage dans
certaines locutions et qu'on entend encore dans cer-
taines provinces. (I, p. 413.)
Baller, v. intr., ancien mot : danser.
La Marion balloit... (I, p. 183.)
DE Ronsard. 25
Ronsard emploie indifféremment ballerj danser
et caroler...
Ces trois verbes se trouvent réunis dans ce vers
du Roman de la Rose (10 117) : « Caroler, dan-
cier et baler. i
Balleur, s. masc, dérivé de baller, danser : danseur.
Tout le ciel respondant sous le bruit enroué
Des balleurs qui chantoient Evan, iach, Evoé !
(V, p. 234.)
Se bander, v. réfl,, se raidir.
Un peuple se bandoit contre l'autre irrité.
(IV, p. 17.)
Banquetage, s. masc; Nicot indique ^^n^u^f^r/V et ban-
quetement; innovation de Ronsard : c'est ainsi qu'il
désigne le banquet des dieux.
(Poèmes i, la Lyre, t. VI, p. 59.)
Barbasse, adj. quai., synonyme de barbu, qui a une
longue barbe. Ex. :
Un bouc barbasse... (VI, p. 405.)
Barde, s. fém., vieux mot qui signifiait autrefois l'ar-
mure d'un cheval de gens d'armes. (Trévoux.)
Le beau poulain...
La barde aux flancs et au dos l'homme d'armes.
(III,p. 3J8.)
Bas, employé dans différentes locutions.
\° A bas pour en bas. (Nicot.)
Qu'un esprit vienne à bas, sous l'amoureux ombrage
Des myrtes... (I, p. 231.)
2° Çà-bas pour ici-bas .
De l'Hospital, mignon des Dieux,
Qui çà-bas ramena des Cieux
Les filles qu'enfanta Mémoire. (II, p. 69.)
Ceux d'abas : les morts, les habitants des enfers.
(VII, p. 249.)
26 Lexiqjje
Bassare ou Bassar, adj. quai., qui porte la bassare, robe
de femme. Bassaréus, surnom de Bacchus tiré du
long vêtement de peaux de renard que ce dieu
portait dans ses voyages. (V, p. 255.)
Bassement, adv., employé dans un sens particulier :
dans une condition humble. Ex. :
Si j'aime depuis naguiere
Une belle chambrière,
Je ne suis pas à blasmer
De si bassement aimer. (Odes 11, XX, t. II, p. 166.)
Nicot l'indique comme synonyme de bas, et Ron-
sard l'emploie pour signifier : tout bas, à voix
basse. (I, p. 327.)
Basseur, s. fém. (Nicot, Trévoux, Littré.) Vieux
mot. Ronsard l'emploie au sens propre comme con-
traire de hauteur : défaut d'élévation. Ex. :
La déesse, ennemie aux testes trop superbes.
Qui les grandeurs égale à la basseur des herbes.
(Boc. Roy., t. III, p. 266.)
Marot l'avait employé au figuré : manque de
prix, de valeur.
Baster, v. intr., de l'italien bastare, suffire, usité cou-
ramment au seizième siècle : a survécu dans l'ex-
clamation baste!
... les ondes des ruisseaux
Ne bastoient à fournir breuvage à tes chevaux.
(Boc. Roy., t. III, p. 294.)
Bast'dlon, s. masc, diminutif du subst. bastille, qui se
disait au moyen âge de tout ouvrage détaché de
défense ou d'attaque, puis d'un château fort défen-
dant l'entrée d'une ville. Bastillon est devenu bas-
tion. Ronsard l'emploie au figuré, comme nous
employons aujourd'hui rempart.
(Odes IV, I, t. II, p. 240.)
Ailleurs (Hymnes, Prière à la Fortur', t. V,
DE Ronsard. 27
p. 294) il rapproche les deux mots rempart et bas-
tillon.
Battu, part, passé du verbre battre ; terme de métier :
c'est ce que les lamineurs appellent écacher.
... au riche corps vestu
D'un or broché en la soye battu. (III, p. ij8.)
Bauge, s. fém., terme de vénerie : lieux fangeux oiî
le sanglier se retire.
Dedans faisoit sa bauge une beste iuuvage.
(-.oc. Roy., III, 288.)
De là le verbe réfléchi se bauger.
Au plus fort du taillis un gros hallier estoit,
Où pour bien se bauger le sanglier se mettoit...
(Songe, III, 290.)
Bajfe, s. fém., comptait autrefois pour deux syllabes.
L'orthographe de ce mot a beaucoup varié : il s'est
écrit bée, baie, baye... (V. Littré, Histoire delà
langue française, II, p. 31, pour l'historique de ce
mot.) Bourde, tromperie.
Ou d'une autre faveur lui donnoit une baye
Ou bien un attendez, ou bien // m'en souvient.
(VI, p. 248.)
Et V, p. 192.
Bêchée, s. fém., pour becquée : les deux mots se trou-
vent dans Nicot.
... les petits oiseaux
Voletans par les bois de rameaux en rameaux
Amassent la bêchée... (I, p. 183.)
Béer, v. neut., « ouvrir la bouche sans parler ».
Vieux mot. (Nicot, Littré.)
Ainsi qu'on void les fantaumes de nuit
Béer en songe et ne faire aucun bruit.
(Fr. m, t. III, p. 174.)
Bien que le vulgaire l'estime
Et en béant l'aille adorant. (Odes retr., II, p. 462.)
28 Lexique
Bellet, fém. bellette, adj., diminutif de beau, bel...,
cité déjà par Palsgrave.
L'autre maigre pucelette
A voir n'est pas si bellette. (VI, p. 355.)
BelUque, adj. quai. (lat. bellicus), innovation de Ron-
sard : belliqueux, guerrier.
Par un assaut bellique. (II, p. 76.)
Et VI, p. 276.
Bellïqueur, adj. nual., pour belliqueux, pris substanti-
vement.
Toi qui fais tant du belliqueur. (II, p. 369.)
Berceau, s. masc. « Les anciens appeloient le poinçoi|
oij on mettait le nouveau vin, le berceau de Bac-
chus, > (Note de Ronsard.)
Comme on voit en septembre es tonneaux angevins
Bouillir en escumant la jeunesse des vins.
Qui chaude en son berceau, à toute force gronde.
(HI, p. 399.)
Bergerette, s. fém., diminutif de bergère, créé par
Ronsard.
Icy la bergerette, en tournant son fuseau,
Desgoise ses amours, et là le pastoureau
Respond à sa chanson... (I, p. 172.)
Bergerot, s. masc, vieux mot. (Nicot, Trévoux.) Di-
minutif de berger : petit berger. IV, p. 4.
Le féminin était : bergerotte. (Ex. : d'Amyot.)
Bers, s. masc. C'est la première forme de berceau.
(T. I, p. 78; III, p. ,00.)
Au livre II de la Franciade (t. III, p. 116),
Ronsard, parlant de l'enfance de Jupiter, nous
montre :
Autour du bers les anciennes races ,
Des Corybans...
DE Ronsard. 29
Trévoux : vieux mot. On ne s'en sert plus que
. dans quelques provinces.
l\ subsiste entre autres en Savoie, dans le Blai-
sois et le Vendômois, dans son sens primitif : ber,
berceau.
Dans la marine, ber signifie un appareil de char-
pentes et de cordages, en forme de berceau, placé
sous un grand bâtiment pour le supporter et qui
glisse sur la cale, lorsqu'on lance ce bâtiment à
l'eau. (Larousse.)
En charronnerie, bers, s. masc. pi., signifie les
ridelles d'une charrette. (Larousse.)
Besagu'è, s. fém., pour besaignë, outil de fer acéré par
les deux bouts, qui sert particulièrement à faire des
mortaises et des tenons. (VI, p. 412.)
Besson, onne, adj. Ronsard l'emploie partout où nous
mettrions aujourd'hui /um^-^tz. Le mot subsiste dans
le patois berrichon auquel G. Sand ^Petite Fa-
dette) l'a emprunté.
Ils sont fort éveillez, peu farouches et semblent
Estre frères bessons, tant bien ils se ressemblent.
(Le Cyclope amoureux, t. IV, p. 113.)
T. I, p. 55 et 424; t. V, p. 45, etc.
Trévoux le signale comm: .n mot hors d'usage.
Il a cependant subsisté en Berry et dans quelques
provinces.
On appelait autrefois signe des Bessons la con-
stellation des Gémeaux {gemelli, jumeaux).
Bestial, s. masc, pour bestiail, anc. forme du mot
bétail. (Nicot.)
Ton ombre est épaisse et drue.
Aux pasteurs venans des parcs.
Aux bœufs las de la charrue
Et au bestial espars. (II, p. 149.)
30 Lexiqjje
Bézien, adj. quai., tiré par Ronsard du nom de Théo-
dore de Bèze, l'un des chefs du parti réformé en
France.
Et bien tost s'ouvrira l'escole Bezienne. (VII, p. 27.)
Biberon, s. masc, buveur.
Tu es un trop sec biberon
Pour 'un tourneur d'Anacréon,
Belleau... (Odes 11, XXII, t. II, p. 169.)
Richelet après ces vers ajoute cette note : « Ron-
sard se rit de Belleau qui ne boit point et qui
néanmoins se mesle de traduire le plus grand beu-
veur de poète qui ait jamais esté, s
Trévoux : biberon, onne, s. masc. etfém, t Celui
qui aime le vin et en boit beaucoup, potor acer,
bibax. Ex. : Les Allemands sont de grands bibe-
rons. Ce mot est populaire. »
La Fontaine l'a employé en ce sens :
La biberonne eut le bétail.
(II, 20. Testament expliqué par Ésope.)
Encore usité comme subst. et comme adj.
c'est un biberon.
Il eût suivi l'escouade biberonne. (Fr. Michel.)
Bien, adv. de manière, sert à la formation de certains
adjectifs compos^<^ Ex. : bien-disant, bien-flairant,
bien-appris, bien-pd^né. De même :
Bien-né. (II, 199.)
Bien-tournant. (II, 188.)
Bien-volant. (III, 71.)
Bien-aisé. (III, 276.)
Bien-accomply. (III, ^23.)
Bien-ouvré. (III, 178.)
Bien-uni. (IV, 134.)
Bien-tourné. (IV, 148.)
Bien-habile. (V, 206.)
Bien-germeux. (V, 231.) . •
Bien-parlant. (VI, 102.)
Bien-chéri. (VI, 135.)
DE RONSARL. 31
Bien-heur er , v. trans., vieux mot, taire ou rendre heu-
reux. (Nicot, Littré.)
Donc si ton cœur tressaute d'une envie
De bien-heurer le reste de ta vie. (VI, p. 172.)
Bien-veigner, v. trans., vieux mot qui se trouve dans
Nicot et qui signifie saluer quelqu'un, le féliciter
sur quelque bonheur qui lui est arrivé, le recevoir
avec bienveillance et affection. (Trévoux.) Ex. :
Dicée...
Vint caresser Francus outre la porte,
Le bien-veignant... (Fr. 11, t. III, p. 113.)
Ett. V, p. 211.
Blandice, s. fém. {blanditia), vieux mot. (Nicot.)
Caresse, flatterie.
... Voyez Hélène après
Qu'Ilion fust bruslé de la flamme des Grecs
Comme elle amadoua d'une douce blandice
Son badin de mary qui pardonna son vice.
(Am. II, Élégie, t. I, p. 144.)
Ronsard va jusqu'à personnifier les Blandices, et
les mettre dans le cortège de Vénus.
Vénus et ses enfants volent tout à l'entour
La douce mignardise et les douces Blandices.
(Élégie du Printemps, t. I, p. 276.)
On le trouve encore dans le même sens, t. IV,
p. 166, 230.
Blandlssant, adj. verbal, tiré du latin blandiri, flatter,
charmer (l'oreille), cité par Nicot.
Ta lyre blandissante. (I, [p. 22.)
Ronsard dit aussi :
... pris de ton œil blandissant.
(Chanson, t. I, p. 112.)
Cf. Blandice.
Blasonner, v. trans. Ce verbe offre cette particularité
32 Lexique
de présenter deux sens exactement contrairt».
Dérivé de blason, il signifiait primitivement expli-
quer le blason ; de là vint le sens figuré de parler de
quelqu'un, le décrire avec ses bonnes ou mauvaises
qualités, et particulièrement avec les mauvaises. Ce
sont les deux sens que lui attribue Ronsard.
1° Célébrer poétiquement, louanger.
Il me suffit si l'honneur d'un seul verre,
Lequel tu m'as pour estraines donné,
Est dignement en mes vers blasonné.
(Le Verre, III, p. 403.)
2° Détracter, railler.
Tu te moques de moy et me viens blasonner
Pour un pauvre accident... (VII, p. 102.)
Blesmi, adj., blême, épithète appliquée à la Parque.
{Pall'ida Mors.)
Avant que la Parque blesmie
M'envoye aux éternelles nuits. (II, p. 162.)
Bletier, adj. quai., créé par Ronsard, « qui préside
aux blés s . (Note de Belleau.)
... Ceres la bletière. (I, p. 154.)
Blonde, adj. quai., innovation de Ronsard, de couleur
blonde. Ex. :
Ses cheveux blondez. (Gayetez m, t. VI, p. 35 j.)
Blondelet, adj., diminutif de blond : légèrement blond.
... un poil blondelet,
Nouvelet,
Autour de sa bouche tendre
A se frizer commençoit. (II, p. 190.)
Blondement, adv., dérivé de blond, de couleur blonde,
créé par Ronsard. (Am. l, 179, t. I,p. 102.)
Blondissant, part. prés, du verbe blondir, qui blondit,
qui prend la teinte blonde. Ex. :
(Sonn. div. xxvil, t. V, p. 318.)
DE Ronsard. 33
Blondoyant, part, prés., employé adjectivement du
verbe blbndoyer, cité par Nicot comme synonyme
de blondir. Ex. :
... les plages blondoyantes.
(Am. I, LXVI, t. I, p. 39.)
Blue pour bleue, orth. conforme à la prononciation
d'alors.
Une belle couleur blue. (II, p. 343.)
Ailleurs bleues rime avec nues. (II, p. 87.)
Bocager, adj. quai., employé par Ronsard pour qua-'
lifier les oiseaux : qui habitent, qui fréquentent lés
bocages.
Forest, haute maison des oiseaux bocagers.
(Él.xxx,t. IV, p. 347.)
Quand Avril tend l'oreille aux complaintes légères
Des oiseaux amoureux, sereines bocageres.
(El. XXXIII, t. IV, p. 357.)
Boivard, adj. quai., innovation de Ronsard : qui boit
facilement. Comparer avec le mot buvard (papier
buvard).
... la cendre boivarde. (III, p. 166.)
Bolvon, forme irrégulière de la i" pers. plur. de l'impé-
ratif, employée par Ronsard pour ^évo^zs ou beuvons.
En ce bon vin verson ces roses
Et boivon l'un à l'autre. (II, p. 291.)
Bonneter, v. actif, saluer du bonnet, saluer. C'est en
ce sens au'il a formé le dérivé bonnetade, s. fém.,
employé aans un passage de Montaigne : Quand il
sera en jalousie et caprice, nos bonnetades le re-
mettront-elles ?
Au sens figuré : » Solliciter quelqu'un, lui faire la
cour en lui faisant bien des révérences... Cela est
du style familier. > (Trévoux.)
Lex. Ronsard. }
J4 Lexiqjje
C'est ainsi que Ronsard l'emploie.
c Bien que telles gens foisonnent en honneur et
qu'ordinairement on les bonnette pour avoir quelque
titre de fayeur, si mourront-ils sans renom et répu-
tation. I Épitre au lecteur, II, 14.
Bordlne, s. fém., nom de Nymphe de l'invention de
Ronsard. (VI, p. 140.)
Boucler, s. masc, ancienne forme de bouclier.
Autres, chargés de grands bouclers, baloient
Un branle armé... (III, p. 57.)
Bouffir et Bouffer, existaient simultanément comme
verbes trans. et intr. Ils signifiaient au propre et
au figuré gonfler, enfler. Ronsard offre un exemple
de chacun d'eux.
Bouffir, au figuré. Ex. :
... sans bouffir son cœur d'une noire colère.
(Boc. Roy. t. III, p. 267.)
Bouffer, orth. boufer, et employé comme verbe
réfléchi.
Un seul Bacchus doit se boufer de haine
Contre ton isle... (Boc. Roy., t. lil, p. 331.)
Cf. l'expression : bouffer de colère (Trévoux),
qui se disait familièrement de celui qui témoigne sa
colère par la mine qu'il fait.
Bougette, s. fém., vieux mot (Nicot, Trévoux, Lit-
tré), dérivé de bouge. (E. Pasquier, Rech. VIII, 2.)
On a dit primitivement boulge, du latin bulga (ex.
de Lucilius cité par Trévoux), petit sac ou poche
qu'on porte en voyage. H. Estienne {De latinltate
jalso suspecta, VIII) observe qu'on disait de son
temps : // a bien rempli ses bouges, pour dire : il
a fait un gros gain. Le mot bougette passé en Angle-
terre y est devenu budget.
DE Ronsard. 3$
Le latin bulga vient lui-même du celtique bolga,
bourse, sac de cuir. Ex. :
(Hymnes, 11, de l'or, t. V, p. 225.)
Bouler, employé aujourd'hui dans la langue populaire
comme verbe transitif (faire rouler comme une
boule) et comme verbe intransitif (rouler comme
une boule), est soit actif, soit réfléchi chez Ronsard.
Bouler est actif. (Odes, v, IX, t. II, p. 337.)
Et réfléchi. (Fr. iv,t. III, p. 249.)
Bouquin, adj. quai., aux pieds de bouc.
Le dieu bouquin. (II, p. 128.)
Bourrache, s. fém., orth. de Ronsard pour bourras-
que. Ex. : (Poèmes, i, Hylas, t. VI, p. 137.)
Bour relie, s. fém. de bourreau, vieux mot.
Meschantes mains, bourreiles de ma vie.
(VI, p. nj.)
Et VII, p. 115.
Bourrier, s. masc, fétu. Trévoux : a Mot usité dans
quelques provinces et qui n'est pas français. Il ne
se prend pas seulement pour les ordures qui sont
dans le blé, mais pour toutes sortes d'ordures... »
Et le vanneur mi-nud, ayant beaucoup secoux
Le blé, de-çà de-là, de sur les deux genoux
Sépare les bourriers du sein de la Déesse.
(VII, p. 123.)
Boursette, s. fém. (Nicot, Trévoux, Littré), ou bour-
cette, en botanique, nom vulgaire du thlaspi, bourse
à pasteur et de la mâche commune. Ex. :
(Poèmes l, La Salade, t. VI, p. 87.)
Bouteille, s. fém., bulle d'air. Trévoui : t se dit de
ces espèces d'ampoules ou balles remplies d'air qui
^6 Lexique
se forment sur la surface d'un fluide par l'addition
d'un fluide semblable, comme quand il pleut... >
Telle enflure se voit es torrens des vallées
Quand le dos escumeux des vagues ampoullées
S'enfle dessous la pluye en bouteilles, qui font
Une monstre d'un rien, puis en rien se deffont.
(VI, p. 247.)
Brand, s. masc, vieux mot (Nicot, Trévoux, Littré),
d'oij est dérivé le verbe brandir.
Il signifiait une grosse épée d'acier qu'on ma-
niait à deux mains.
Il s'est écrit aussi bran, branc, brant.
Trévoux indique en outre brance, s, fém., comme
ayant le même sens et une autre orth. du masc.
brans. Ex. :
... un brand armé de doux
A la poincte d'acier, qui trenchoit des deux bouts,
(V,-p. 22.)
Branle, s. masc, a trois acceptions différentes.
1° Danse. Ex. :
Autres, chargés de grands bouclers, balcient
Un branle armé... (III, p.. 57.)
2° Airs de danses. Ex. :
Despendez la musette, et de branles divers
Chantez à ce Chariot des chansons et des vers.
(IV, p. 66.)
3" Secousse légère.
A petits branles d'ailes... (IV, p. 273.)
Branler, v. trans., employé par Ronsard comme syn,
de secouer, brandir.
... et d'un bras forcené
Branloit un dard de pampre environné. (III, p. 189.)
Branler, v. act., pris substantivement, « un branler
de teste >. (I, p. 142.)
DE Ronsard. 37
Brave, adj. (italien bravo). Ronsard l'emploie dans un
sens différent du sens moderne et du sens italien :
ce mot signifie pour lui : fier, superbe. Ex. :
De ce palais éternel
Brave en colonnes hautaines.
(Odesi, X, t. II, p. 73.)
Il signifie ailleurs : rigoureux, impitoyable.
Et bref vous me serez ou gracieuse ou brave^
Je demourray tousjours vostre fidèle esclave.
(El. xxiii, t. IV, p. 279.)
Il est l'équivalent de fier dans l'exemple suivant.
Brave de faire un œuvre qui vous plaise.
(Rem. I, t. VI, p. 20.)
De là le verbe se braver de : s'enorgueillir de
quelque clfose.
... boire à longs traits les eaux de la fontaine
Qui de vostre beau nom se brave.
(Sonnets pour Hélène, t. I, p. 363.)
Brebiette, s. fém., diminutif de brebis. (IV, p. 1 17.)
Brehalgne, adj. fém., « femelle qui ne conçoit point,
qui est stérile » . (Nicot.)
C'est un des a antiques vocables > que Ronsard
a le plus souvent emp"oyés.
... une truye infertile et brehaigne. (III, 223.)
(IV, 48 et 356...)
Trévoux : i (Quelques-uns disent brehagne qui
n'engendre point. Le peuple le dit quelquefois au
substantif des femmes stériles : C'est une brehagne. >
Étym. Brahaing, celtique de brah-{germe) et
anc {sans) : (stérile).
Employé encore de nos jours : carpe brehaigne,
carpe femelle sans œufs, ou mâle sans laite.
Balzac a dit par plaisanterie : une demoiselle heureu-
sement brehaigne.
^8 Lexique
Brezil, s. masc, ou Brésil, ou encore Brézî (Littré),
s. masc, quartier de bœuf séché à la cheminée.
Ex. : (VI, p. 398.)
Brigade, s. fém., troupe de gens de guerre, puis par
extension, troupe, compagnie. On disait la brigade
poétique pour la Pléiade... (Nicot, Littré;)
Tes boccages soient tousjours pleins
D'amoureuses brigades
De satyres et de sylvains. (II, p. 160.)
Bril, s. masc, orth. de Ronsard pour brie (?), fromage
de Brie. (VII, p. 275.)
Brisée, s. fém., terme de vénerie, employé aujourd'hui
plutôt au pluriel.
Branche d'arbre que rompt le veneur ou qu'il
sème sur son chemin pour reconnaître l'endroit où
gîte la bête, où elle a été détournée.
... faisoit bien la brisée...
(Vers d'Eurym. et Callirhée, I, p. 25 j.)
Brise-tombe, adj. comp., créé par Ronsard et employé
substantivement. (VII, p. 122.)
Broncher, v. intr., employé par Ronsard avec l'auxi-
liaire être...
Le bois estant bronché. (lU, p. 61.)
(C'est-à-dire étant abattu.)
Broguart, s. masc, terme de vénerie, cerf d'un an,
chevreuil qui en est à son premier bois.
Il jugeait d'un vieil cerf
Aux broquars bien nourris et bien forts.
(Vers d'Eurym. et Callirhée, I, p. 254.)
Brosser, v. intr. (Nicot, Littré), terme de vénerie
encore usité aujourd'hui : courir à travers les bois,
les buissons, dérivé du mot : Brosses : bruyères ou
DE Ronsard. 39
broussailles ou menus taillis qui poussent sur les
. terres incultes ou à l'entrée des forêts. Aujourd'hui
brousse. Cf. broussailles, autrefois brossailles.
Le fer au poing je brossay par le bois.
(Am. I, s. 142, t. I, p. 81.)
Bruire, s'employait également comme verbe transitif
et comme verbe intransitif.
1° Intransitif : il signifie : rendre un son confus.
Ex. :
Oyes, canards et cygnes aux cols longs
Estendent l'aile et s'esplument et cryent,
Qui haut, qui bas ; les rivages en bruient.
(Fr. I, t. III, p. 72.)
Remarquer l'emploi peu habituel delà 3* personne
du pluriel : bruient. Cf. avec bruissent, forme encore
usitée aujourd'hui et qui semble dérivée d'un verbe
bruisser, ainsi que bruissais, bruissant, etc.
2^ Transitif : parler de quelqu'un ou de quelque
chose avec éclat, avec retentissement, célébrer.
Mais ma lire
Bruira l'amour qui me paint. (II, p. 419.)
Réjouy d'entendre bruire
Ses louanges sur la lyre. (II, p. 42.)
Le dérivé rebruire a le même sens. (II, p. 20.)
L'infmitif de bruire est employé substantive-
ment : le bruire des cymbales.
(Odes retr., t. II, p. 471.)
Brutesse, s. fém. Nicot l'indique en même temps que
brutalité. Ronsard l'emploie dans le sens de sauva-
gerie, naturel indompté. Ex. :
Ores les chevaux il donte,
Et leur brutesse il surmonte
Par un doux commandement.
(Odes m, II, t. II, p. 180.)
Buissonnet, s. masc, diminutif de buisson : petit
40 Lexiq^ue
buisson. (Nicot, Trévoux, Littré, ex. de Marot.)
Les petits buissonnets n'ont sève ny puissance.
(Ed. V, t. V, p. 97.)
Buje, s. fém. Nicot indique la forme buie. On a dit
aussi buire etbuirette. Buire subsiste. Ex. :
(II, p. 152.)
Cà bas. V. bas.
Cachettes (à), locution employée par Ronsard pour
en cachette. (Nicot, Littré.) (III, p. 392.)
Caduc, adj. quai., employé substantivement par Ron-
sard: l'âge caduc, l'extrême vieillesse. (VI, p. 420.)
Caillette, s. fém., s'est dit familièrement d'une femme
frivole et babilîarde : a. C'est la Caillette du quar-
tier, n On l'a dit aussi d'un homme de même cai^ac-
tère. Claude Garnier l'explique ainsi : « Badin,
niaiz : ainsi les femmes du vulgaire de Paris inju-
rient ceux qu'elles noisent. Cela peut venir de las-
che et mol, comme sont les caillettes du mouton. »
Ex. : (Disc, t. VII, p. 131.)
Caillotter, v. trans., dérivé de caillot par Ronsard et
employé comme synonyme de cailler. Ex. :
(I, p. 45,/^/^., 94; et IV, p. 113.)
Calfonrchons {à), orth. de Ronsard pour l'expression
adverbiale : à califourchon (du bas latin : calofur-
cium, fourches, gibet) : dans la position de l'homme
à cheval. Ex. : (VI, p. 73.)
Callimach, nom propre, pour Callimaqiie, orth. de
Ronsard. (Odes i, IV, t. II, p. 51.)
DE Ronsard. 41
Calvïnal, adj. quai., digne de Calvin.
Là monstrez par effect vos vertus calvinales.
(VII, p. 26.)
Camisade, s. fém., attaque brusque faite la nuit pour
surprendre l'ennemi. (VI, p. 42.)
Cancre, s. masc. (Nicot, Littré), du latin cancer,
écrevisse. C'est le signe du zodiaque qui correspon-
dait autrefois à la constellation du même nom et
dans lequel le soleil entre au commencement de
l'été. Ex. :
Le Cancre chaleureux. (V, p. 71.)
De là le dérivé : 'Cancreux : de l'espèce des
écrevisses. Ex. : (VI, p. 346.)
Capelan, s. masc, vieux mot, forme provençale du
mot chapelain : pauvre prêtre françois qui vit à
peine du revenu ae l'église qu'il dessert. (Lacombe,
Dict.) Ex. : (VII, p. 114.)
Caracon, orth. de Ronsard, ou Carracjuon (les deux
sont dans Nicot), s. masc, dérivé de Caracjue ou
Carramie (Littré), diminutif de forme italienne :
sorte ae navire rond de fort tonnage qui fut quelque
temps en usage au seizième siècle.
On appela ainsi spécialement le vaisseau qui fai-
sait le voyage du Brésil et des Indes orientales
(Trévoux), et celui des chevaliers de Rhodes qui
faisait partie de l'escadre envoyée devant Tunis
par Charles-Quint en 1530. (Nicot.) Ex. :
(VII, p. 180.)
Ne pas confondre la Caraque, et le Caracon
avec la Caracore (esp. = Caracora), embarcation
pontée, longue et étroite, en usage aux Moluques,
et qui se manœuvrait à la voile et à l'aviron.
Cargue, s. fém. (Nicot, Littré), ancienne forme du
mot charge, mouvement d'une troupe armée qui
42 Lexîclue
se précipite à l'attaque de l'ennemi (VII, p. 34);
subsiste comme terme de marine.
Carme, s. mdisc.' {Carmen), vieux mot. (Nicot.) Vers.
Ennius... au milieu des alarmes
Marchait et ne cessait de murmurer ses carmes.
(Sonn. div., t. V, p. 327.)
On le trouve aussi dans Y Abrégé de l'art poé-
tique. (VII, p. 320.)
Carolle, s. fém., danse. Les commentateurs dérivent
ce mot de x^pô? (étym. douteuse). D'où le verbe
Caroller. (V. ce mot.)
On trouve déjà Caroleur, chez Froissart et dans
le Roman de la Rose.
Chantons, dansons, que chascune s'avance
Et la carolle elle-même commence.
(Fr. IV, t. III, p. 200.)
Caroller, v. intr., vieux mot, danser. Le vers ici 17
du Roman de la Rose renferme les trois verbes
synonymes : Caroler, dancier etbaler. (V, p. 234.)
Carpime, •/.âpTciij.oç, qui porte des fruits, fertile; un
des surnoms de Bacchus. (V, p. 237..)
Carquan, s. masc, vieux mot, collier, subsiste sous
la forme carcan, instrument de torture.
Et tantost son beau col elle vient enfermer
D'un carquan enrichy de coquilles de mer. (IV, p. 10.)
Cassandrette, diminutif créé par Ronsard du nom de
Cassandre et appliqué à une fleur : belle fleur rouge
qui communément s'appelle la gantelée (note de
Belleau). Ex. :
Du nom Cassandre elle eut nom Cassandrette.
(I,p.65.)
Cautj^à]. quai, (lat.r^uto), vieux mot : prudent,rusé.
... l'innocente et peu caute jeunesse. (I, p. 380.)
DE Ronsard. 43
De là le s. fém. cautelle, usité dès le moyen âge
et repris par Ronsard : ruse, artifice.
Un cruel oiseleur, par glueuse cautelle,
L'a prise... (I, p. 211.)
Et l'adverbe cantement : par ruse.
... pour prendre cautement
Flore que le Printemps aimoit ardeiitement.
(V, p. 178.)
Cavalcadour, s. masc, forme espagnole cavalgador.
Cf. chevaucheur : cavalier, écuyer. Ex. :
(V, p. 58.)
Caver, v. act. {Cavaré), creuser. (Nicot, Littré.)
Ronsard ne l'a employé qu'une fois au participe
passé.
Près ce bocage une fosse cavée.
(Fr. II, t. III, p. 214.)
Après Ronsard il a été employé par Malherbe,
Saint-Simon, entre autres.
Ceinturette ou Ceincturette (Nicot), diminutif ancien
de ceinture. Ex. : (VI, p. 392.)
Céleste, adj, employé substantivement par Ronsard
pour désigner les habitants des cieux.
... pour célébrer les gestes
De nos roys, que j'ay mis au nombre des célestes.
(III, p. 400.)
Célestielj adj. quai., employé par Ronsard comme
synonyme de céleste.
Maudit soit Promethé, par qui fut dérobé
Le feu célestiel... (VI, p. 213.)
Cemetaîre, s. masc, cimetière. Nicot indique « cerne-
tière et c'imiiière : un dortoir (gr. xoifjiriTr.piov), que
les chrestiens appellent ainsi à cause de l'espoir de
la résurrection. » Ex. : (El. IV, p. 374.)
44 Lexiq^ue
Ailleurs Ronsard emploie la forme inusitée même
a\ors\ cimetaires (VI, p. 172), et P. de Marcassus
qui a commenté les Poèmes ajoute cette note
(1623) : tt On dit cimetières; mais il a esté con-
traint de mutiler le mot pour adjuster les deux
rhythmes. «
Çen dessus dessous, orth. logique et conforme à
l'étymologie de la locution qu'aujourd'hui nous
écrivons à tort : sens dessus dessous.
Le désir, l'avarice et l'erreur insensé
Ont c'en dessus dessous le monde renversé.
(VII, p. 14.)
Cercher, ancienne forme du verbe chercher : les deux
se trouvent dans Nicot et chez quelques contem-
porains de Ronsard.
Accompagnez d'un nain, cerchant leur aventure.
(IV, p. 120.)
Et I, p. 430-
Cercler, v. trans., employé par Ronsard pour sarcler.
(III, p. 264.)
Cerne, s. masc, usité au seizième siècle, signifiait
cercle, subsiste avec ce sens dans le dialecte blaisois
et en français dans un sens plus restreint.
Il fit trois petits feux en cerne tout en rond.
(Hymnes, i, II, t. V, p. 28.)
Comme d'un cerne d'or son chef environna.
D'un chapelet de fleurs... (II, p. 21.)
De là le verbe cerner, v. trans. : entourer :
... l'air qui cerne tout autour
Le rond du grand parc où nous sommes.
(Odes I, I, t. II, p. 25.)
Cest, fém. ceste, pour icest, iceste, pronom démonstra-
tif, fréquemment employé par Ronsard.
Ceston, s. masc, dérivé de ceste (lat. cestas, grec
DE Ronsard. 45
xeffToç), ceinture et particulièrement ceinture de
Vénus.
Si tost que Venus l'entendit,
Son beau ceston elle vendit
A Vulcan pour la délivrance
De son enfant... (II, p. 285.)
Chaillant, part. prés, du verbe challoir. Ex. :
(IV, p. 94-)
Chaire, s. fém., ancienne forme (Nicot Littré) du
mot chaise. Ex. : (IV, p. 251.)
Chalemle, s. fém., vieux mot. (Nicot, Trévoux, Lit-
tré.J Chalumeau. On a dit aussi chakmée, s. fém.,
chalemel, s. masc, chakmelk, s. fém., et chaleme-
ler (Nicot), jouer du chalumeau. Ex. :
(IV, p. 57, et VI, p. 62.)
Chaleureux, adj. employé au sens propre (Nicot :
astuosus), n'est plus usité qu'au figuré aujourd'hui.
Ex. :
L'esté chaleureux. (I, p. 194.)
Le Cancre chaleureux. (V, p. 71.)
Chalït, s. masc, encore usité aujourd'hui (Littré),
bois de lit. Nicot l'écrit challct et chasUt, on l'a
écrit aussi chalitz. (Lacombe, Dict.) (II, p. 410.)
Challoir, v. intr., usité jusqu'au milieu du dix-septième
siècle, sous la forme unipersonnelle ; inusité aujour-
d'hui, sauf dans l'expression : Il ne m'en chaut, si-
gnifiant : Il ne m'importe.
... de rien ne me chaut. (I, p. 8.)
... et vous en chaut bien peu. (I, p. 66.)
Chamailler, v. trans., ancien mot (Nicot), qui signi-
fiait « frapper à coups d'épée, de hache, etc. » .
(Nicot.) Ex. :(V,p. 61.)
46 Lexique
Chambour, nom propre, orth. de Ronsard pour Cham-
bord. (II, p. 301.)
Chancrer, v. trans., formé par abréviation du verbe
échancrer (de e préfixe et de chancre), évider,
tailler ou creuser en dedans, sur le bord. Ex. :
(robe) chancrée à la poitrine. (VI, p. 81 .)
Chanter de... prendre pour sujet de ses chants.
Je pensois...
Que ses cordes par long usage
Chantoient d'amour...
Quelques vers plus haut, Ronsard emploie ce
verbe dans le même sens avec un régime direct.
Mon luth pincé de mon doy
Ne vouloit en despit de moy
Que chanter Amour... (II, p. 273.)
Chanteresse, s. fém. de l'anc. s. masc. chanteres.
(Palsgrave.) Ronsard emploie d'ailleurs fréquem-
ment le féminin en eresie, pour euse.
Ah ! vous m'avez, maistresse,
De la dent entamé
La langue chanteresse
De vostre nom aimé. (Odes 11, V, t. II, p. 142.)
... les filles d'Achelois,
Les trois belles chanteresses. (Odes v, III, t. II, p. 308.)
Chape, s. fém., manteau court. Cf. Cape, autre forme
du même mot. (Littré.)
Laisse prendre à ton dos ta chape... (IV, p. 64.)
Chapelet, s. masc, petite coiffure, puis guirlande,
couronne. Ex. :
La Grâce pour son chef un chapelet compose
De ta feuille... (I, p. 152.)
Chappean, s. masc, couronne.
Des chapeaux de laurier, de myrte et de lierre.
(Sonn. div. au roy Henri II. V, p. 303.)
DE Ronsard. 47
ChapperoUy s. masc, bonnet. Chapperon fourré =
bonnet fourré, et au figuré docteur.
Gros chapperons fourrez, grasses et lourdes testes.
(VII, p. 59-)
Chantes, les Grâces. Sauf de rares exceptions, Ron-
sard donne toujours aux Grâces leur nom grec de
Charités.
Ny son beau corps, le logis des Charités.
(Am. I, XLVIII, t. I, p. 29.)
De même (III, p. 6) et (IV, p. 32.)
Deux fois seulement il emploie le mot Grâces.
En prudence Minerve, une Grâce en beauté.
(Sonnets à Hélène, t. I, p. 347.)*
Et en parlant du sein de sa maîtresse :
Des Grâces le séjour. (II, p. 276.)
Charité, au singulier, nom qu'il donne à sa dame,
que ce soit Cassandre ou Hélène :
« Ma douce Charité »
Piqué du nom qui me glace en ardeur
Me souvenant de ma douce Charité.
(Am. I, 106, t. I, p. 60. Hymne à la nuit.)
Charité se trouve dans Passerat avec un emploi
analogue.
Arreste donc. Aurore au teint vermeil.
Ton jaune char, et celui du Soleil,
Pour un amant, un amant qui mérite
D'estre à son aise, au sein de sa Charité.
Chasse, s. ièm., doublet de caisse (lat. capsa), c'est
l'enveloppe du bouton d'une fleur, l'espèce de cap-
sule qui 1 enveloppe...
... ainsi qu'au printemps nouvelet
Pommelent deux boutons que leur châsse environne.
(I,p. 148.)
Chasse, 3* pers. sing. du prés, de l'ind. du verbe
48 Lexiq_ue
chasser, employé comme préfixe par Ronsard dans
la composition de certains mots.
Chasse-mal, adj. composé, créé par Ronsard, « qui
chasse le mal... •» Un seul exemple : (Am. div.
Sonn. à Villeroy, IL)
L'Hercule chasse-mal des bons esprits françois.
(I, P- 372.)
Chasse-nue, s. composé, créé par Ronsard. Épithète
de l'Aquilon qui pousse, qui chasse devant soi les
nuages.
Brave Aquillon, l'horreur de la Scythie,
Le chasse-nue... (Am. i, 202, I, p. 1 14.)
Chasse-peine, adj. composé, créé par Ronsard qui
l'applique à l'or (syn. de richesse); la richesse qui
chasse la misère. Ex. :ï or chasse-peine. {W ^'p. 222.)
Chasse-soncy , adj. composé, créé par Ronsard qui
l'applique au sommeil.
... le dormir ocieux,
Chasse-soucy, leur vint siller les yeux...
(Fr. n, t. III, p. 99.)
Chasserot, s. masc, diminutif de chasseur, créé par
Ronsard.
Ganymede délectable,
Chasserot délicieux. (II, p. 388.)
Chéant, part. prés, du verbe 'cheoir (Nicot, Littré),
inusité aujourd'hui. Ex. : (III, p. 394.)
Chenu, adj. (Nicot, Littré), dérivé du latin canutus,
signifiait au propre : blanc de vieillesse, est em-
ployé au figuré : plein d'expérience et de sagesse.
Chenu de mœurs. (Odes i, XVI, t. II, p. 116.)
Chesneteau, s. masc, diminutif de chêne. (Trévoux,
Littré.) Encore usité en sylviculture.
DE Ronsard. 49
Trévoux : « Jeune chêne ou baliveau au-dessous
de trois pies de tour. Ord. des eaux et forêts. 1
Ex. : (IV, p. 90.)
Chevaucheur, s. masc, dérivé du verbe chevaucher :
celui qui chevauche.
... tu n'as point encore
Trouvé quelque bon chevaucheur. (II, p. 288.)
Chevestre, s. masc, vieux mot (Nicot, Littré), licol,
d'où le verbe enchevêtrer. Ex. : (IV, p. 10.)
Chèvre-pied, adj. composé, créé par Ronsard. Pan,
le dieu chèvre-pied. (IV, p. 58.)
Mais Ronsard a créé aussi l'adjectif composé
pieds-de-chèvre. (V. ce mot.)
Chevreul, s. masc, orth. de Nicot et de Ronsard
pour chevreuil.
Plus le cerf solitaire et les chevreuls légers
Ne paistront sous ton ombre... (IV, p. 348.)
Chiche-face, s. masc, ancien mot composé (Tré-
voux, Littré), s'est appliqué à une sorte de croque-
mitaine populaire au moyen âge, mais signifiait
primitivement : un avare au visage sec, jaune, ren-
frogné. Trévoux traduit : a tetrico et macilento vultu
spirans avaritiam. > C'est en ce sens que Ronsard'
l'emploie. (VII, p. 287.)
Chiennin, adj. quai., innovation de Ronsard, qui lui
attribue le même sens qu'à l'anc adj. canin.
... les Égyptiens...
Ont adoré leurs Dieux sous chiennine figure.
(VI, p. 52.)
Chiorme, s. fém., est resté dans la langue moderne
sous la forme chiourme, avec un sens restreint. Au
Lex. Ronsard. a
^o Lexiq^ue
seizième siècle il signifie troupe, foule. Un seul
exemple :
Amour ainsi que vous aux liens me contraint,
A la chiorme amoureuse ainsi que vous m'enferre.
(I, P- 2J9.)
Chouan, s. masc. (V. Littré : étym. de chat-huant),
c'est encore le nom donné en ornithologie au
moyen duc.
Si nous oyons crier de nuict quelque chouan,
(IV, p. 306.)
CM, pronom, ancienne forme : celui.
Comme cil qui ne veult pour les dames s'armer.
(IV, p. 282.)
Cimetaire. V.Cemetaire.
Cimetere, s. masc.(lat. cœmeter'mm, dugr. xot[xr]Tyîpiov),
orth. de Ronsard pour cimetière.
Les testes des cimeteres. (I, p. 7).)
V. Cemetaire.
Cimeterre, s. masc. (Nicot et Littré), sabre recourbé,
est employé deux fois comme féminin par Ron-
sard. Ex. : (III, p. 106 et 201.)
Claire-voix, adj. composé, créé par Ronsard : qui a la
' voix claire, perçante...
Lors les hérauts claire-voix ont sonné
De toutes parts le conseil... (III, p. 65.)
Clair té, s. fém., clarté; on prononçait et on écrivait
indifléremment clarté, clerté, clairté.
... tels qu'on voit au milieu de l'esté
Les moucherons voler sous la clairté.
(III, p. 109. Var.)
Claqueter, v. trans. (Nicot), fréquentatif de claquer.
(II, p. 210.)
DE Ronsard. $i
Cleion et Clion, pour Clio, orth. de Ronsard. (Odes
ll,23,t. II, p. 170.)
Clîner, v. trans., anc. forme (Lacombe. Dict.) du
verbe cligner, signifiait baisser, courber, incliner.
Ronsard l'emploie comme verbe réfléchi.
(Odesi,I,t. II, p. 25.)
Cliquant, part, du verbe cliquer, ancien mot déjà cité
par Palsgrave, faire du bruit, du cliquetis.
Au son du cistre et de cliquantes armes
S'entre-choquant... (III, p. 100.)
Cliûuer, v. intr., aujourd'hui inusité (Nicot, Littré),
aont il nous reste le dérivé cliquetisj faire du bruit,
du cliquetis.
Clouant, pdiTt. prés, du verbe clore, inusité. Un seul
exemple :
Clouant mes yeux. (Fr. i, III, p. 7$.)
Coche, subst., était de genre indécis au seizième
siècle. Ronsard l'emploie au féminin :
Et, dessus une coche, en belles tresses blondes,
Par le peuple en honneur déesse vous iriez.
r. •„ y (I, P-'95.)
Et ailleurs au masculin :
Coche cent fois heureux, où ma belle maistresse
Et moy nous promenons. (I, p. 307.)
Cofin, s. masc, pour coffin. Trévoux : vieux mot.
Corbeille, petite corbeille ou panier.
Et portoit en la main un cofm plein de fleurs.
(V, p. 178.)
Coi ou Cojy, adj. quai., vieux mot dérivé du latin
quietus : tranquille, paisible. (Nicot.)
Au féminin coye. Ex. : (II, p. 337.)
Avait formé l'adverbe coiment ou coyement}
(Nicot.) Ex. : (I, p. 100.)
52 Lexiqjje
Cointj adj. (lat. comtus), vieux mot employé par
Ronsard : beau, bien ajusté, agréable.
Sans toy rien n'est de beau, de vaillant ny de coint.
(Am. II, XXIIl, t. I, p. i68.)
De là l'adverbe cointement, soigneusement.
J'ay soucy tant seulement
De parfumer cointement
Ma barbe... (II, p. 276.)
Colllgny ou Couligny, nom propre, orth. de Ronsard
pour désigner l'amiral de Coligny.
(V, p. 42, et V, p. 168.)
Colloquer, v. trans., vieux mot (Nicot, Littré) :^
placer (lat. collocare). Ex. : (II, p. 456.)
Colombeau, s. masc, diminutif de co/om^^ pigeon.
V. Coulomb.
... voyez les colombeaux;
Regardez le ramier, voyez la tourterelle.
(I, p. 171.)
Au féminin : colombelle. (I, p. 230.)
Colombin, adj. quai. Ronsard l'emploie comme épi-
thète du baiser.
Les baisers colombins ne vous défaillent point.
(IV, p. 213.)
De même :
... mille baisers d'Amour,
Colombins, tourterins... (IV, p. 289.)
Colonne, s. fém., employé métaphoriquement par
Ronsard pour désigner le corps, la taille...
A vous de ce lierre appartient la couronne.
Je voudrois, comme il fait, et de nuict et de jour
Me plier contre vous, et, languissant d'amour.
D'un nœud ferme enlacer vostre belle colonne.
(I,P. 3JÎ.)
DE Ronsard. 55
Comblement, s. masc, vieux mot (Nicot) : action de
combler {cumulatio). Ex. : (I, p. 47.)
Commande, s. fém., terme de marine, grosse corde
qui tient le bateau. Les Grecs l'appelaient Trpujjivriaiov,
les Latins rudens.
... permets que je coupe
Sous heureux sort la commande qui tient
Ma nef au bord... (Fr. i, t. III, p. 80.)
Commander, v. employé intransitivement par Ron-
sard qui l'applique aux astres dans le sens de : pré-
sider à la destinée. Ex. :
L^astre qui commandoit au poinct ou je fus né.
V. Maistnser et Saturne.
Commune, s. fém., employé dans l'acception ancienne
que signale Nicot : la foule, le vulgaire (yulaus).
Ex. : (VII, p. 316.)
Compaîng, s. masc, anc. cas sujet du mot compa-
gnon.
J'oy l'aubade
De nos compaings enjouez. (VI, p. 559.)
Compas {par), locution ancienne remplacée depuis par
l'expression au compas (Nicot, Trévoux, LittréJ,
pour désigner ce qui est fait avec une exactitude
méticuleuse : bien mesuré, et, appliqué à la musique,
bien rythmé. Ex. : (Odes i, XXII, t. II, p. 127.)
De là le sens du verbe compasser : mesurer,
rythmer. Ex. :
... soit qu'elle compassé
Au son du luth le nombre de ses pas. (I, p. 76.)
Compisser, v. trans., vieux mot. (Nicot, Littré.)
Nicot : « C'est plus que pisser et comme si on
disoit pisser par-tout et tout souiller... 1
(IV, p. 339-)
54 Lexique
Composeur, s. masc, celui qui compose, compositeur,
auteur.
Composeur de rimes barbares. (II, p. 357.)
Condemner, v. trans., forme savante du verbe con-
damner. Ex. : (III, p. 370.)
Condigne, adj. cjual. (Nicot), dérivé de digne dont il
a la signification. Ex. : (V, p. 69.)
Conforter, v. trans., ancien mot (Nicot, Littré), qui
subsiste dans son composé réconforter.
Il signifiait au propre : donner des forces, du
courage {confirmare, Nicot), ou au figuré : consoler
{solari, Nicot). C'est en ce dernier sens que Ron-
sard l'emploie. (VI, p. 26.)
Conjecteur, s. masc, tiré par Ronsard du latin con-
jector.
Des songes conjecteur. (V, p. 253.)
C'est-à-dire : qui interprète les songes.
Connin, s. masc, vieux mot. (Nicot, Trévoux, Lit-
tré.) Lat. cuniculus, lapin. On a dit aussi connil,
conil, conin, connilk, conille. Ce mot avait formé
des dérivés nombreux : le diminutif connilleau ou
conilkau, lapereau, le verbe conniller ou coniller, se
cacher comme les lapins et au figuré user de dé-
tours, de subterfuges ; les substantifs conilleur ou
connilleur, au figuré poltron ; et conillère ou connil-
1ère, garenne, clapier. Ex. : (VII, p. 250.)
Conquéreur, s. masc, usité concurremment avec son
synonyme conquérant : les deux sont dans Nicot.
Ronsard emploie l'un et l'autre. Ce mot se trouve
encore dans Coefîeteau. (Trévoux.) Ex. :
Que de la Gaule il sera conquéreur. (III, p. 187.)
De même, (VII, p. 211.)
Ailleurs : conquérant. (III, p. 230.)
DE Ronsard. 55
Conquester, v. trans., vieux mot, qui subsista jusqu'à
l'époque de Malherbe. Conquérir.
Et ton bel arc qui le monde conqueste.
(III, p. Ml.)
Consommer, v. trans., employé pour consumer : con-
fusion fréquente au seizième siècle... Consumer,
dissiper.
Douce rosée qui consommes
La chaleur qui trop nous ardoit...
(n, p. ?5.)
Conte, conter, confusion fréquente avec compte et
compter.
Dont tu ne fais non plus de conte
Que d'un prisonnier enchaisné... (I, p. 170.)
Si tu peux me conter les fleurs
Du printemps... (II, p. 439.)
Contentieux, adj. quai, (du lat. contenderé), qui cause
des discussions. (II, p. 75.)
Contre-aîmé, part, passé, créé par Ronsard pour dé-
signer un amour partagé. (I, p. 157.)
Contre-bas, loc. adv., vers le bas, dans une direction
vers le bas...
Comme une fleur qui languit contre-bas. (I, p. 90.)
Contre-erreur, s. fém., innovation de Ronsard : erreur
réciproque. (I, p. 424.)
Contre-imiter, v. act., mot composé employé par
Ronsard avec le sens du simple imiter.
(IV, p. 179.)
Contremont, adv., vieux mot. Nicot : « C'est pro-
prement devers amont... dont l'opposite est con-
treval ou contrebas, -a Ces adverbes s'employaient
0 Lexique
absolument comme amont, aval, ou avec un com-
plément, contremont l'eau, contreval l'eau.
Contremont. (III, p. 48; IV, p. 36.)
Contreval. (IV, p. 351.)
Contr'eschange, s. masc, vieux mot, échange.
Tu veux bien faire un contr'eschange
De tes vers latins qui sont d'or
Aux miens moindres qu'airain encor... (II, p. 334.)
En contr'eschange de, locution prépositive, en
échange de.
De mon labeur en contr'eschange. (II, p. 356.)
Contre-rescrîre, v. intr., mot composé par Ronsard :
répondre par lettre. Ex. : (III, p. 257.)
Contre-respondre, mot créé par Ronsard. Ex. :
(III, 299.)
Controuveur, s. masc, dérivé par Ronsard du verbe
controuver, imaginer une fausseté, une imposture.
Non abuseur, non controuveur de ruses.
(Boc. Roy. III, p. 314.)
Convoy, s. masc, employé dans un sens très particu-
lier dérivé du sens primitif escorte : accompagne-
ment.
Et voyant le bateau qui s'enfuyoit de moy,
Parlant à Marion, je chantay ce convoy. (^I, p. 188.)
Convoyer, v. trans., ancien mot (Nicot, Littré),
accompagner, conduire (deducere).
Où son destin l'appelle et le convoyé.
(Fr. I, t. III. p. 67.)
Cor, s. masc a En terme de chasse se dit des pointes
ou chevillures sortans du marrein, de la tête des
DE Ronsard. SI
■ cerfs sur chaque branche au dessous du surandouil-
1er. > (Trévoux.)
V. le mot Vénerie.
Cordât Coural, s. masc, corail.
... ayant le teint pareil
Ou de la rose ou du coural vermeil. (I, p. î J5 .)
... ta bouche
Plus rouge que coral. (I, p. 225.)
Cornichon, s. masc, diminutif de corne : petite
corne.
... elle avoit sur le front
Deux petits cornichons comme les chevreaux ont.
(V, p. 198.)
Coronel, s. masc, ancienne forme du mot colonel.
(IV, p. 373.)
Corrommble, adj., innovation de Ronsard pour cor-
ruptible.
... juge non corrompable. (III, p. 367.)
Corsage, s. masc, dérivé, de corps, employé dans le
sens très particulier de taille, corpulence (corporis
habitas).
Quand leur gueule dévore un cerf au grand corsage.
(VII, p. 34.)
Corsaire, subst. employé au féminin par Ronsard et
au figuré pour désigner : une maîtresse dure et
impitoyable. Ex. : (I, p. 356.)
Cosser, V. trans., en parlant des bêtes à cornes : frap-
per en poussant, donner de la tête contre. Ex. :
En parlant d'un cerf.
... et de sa corne essaye
De cosser brusquement mon mastin qui l'abaye.
ÙV, p. 10.)
58 Lexique
Cossi, mot créé par Ronsard qui l'emploie substanti-
vement. Onomatopée destinée à représenter le cri
de l'hirondelle.
Si fait bien l'arondelle aussi
Quand elle chante son cossi, (VI, p. 3J0.)
Costektte, s. fém., diminutif de côte et employé dans
le sens de côte. (VI, p. 395.)
Cottonner et Cotonner, v. trans. Nicot le traduit par :
ferlre gossipio, c'est-à-dire ouater. Ronsara ne
l'emploie qu'en parlant de la barbe naissante qui
couvre le visage de duvet.
Si tost qu'un poil follet leur menton cottonna.
(Hymnes, II, t. V, p. 19.)
Ailleurs il lui donne comme sujet un nom de per-
sonne.
(les) Princes, qui cotonnent
D'un jeune poil leurs mentons,
(Disc. Prière à Dieu, t. VII, p. ijj.)
Couardeté, s. fém., innovation de Ronsard pour
couardise. Ex. : (VI, p. 3$-)
Coudre^ s. masc. aujourd'hui, était alors de genre
commun. Ronsard l'emploie au féminin.
Gentil rossignol passager
Qui t'es encore venu loger
Dedans ceste coudre ramée. (II, p. 420.)
Coudre avait formé le diminutif coudrette (même
sens). (II, p. 421.)
Coulomb, s. masc. (Nicot, Littré), vieux mot, pigeon
(VII_, p. 1 16), a formé les dérivés colombe, colom-
beau, colombelle et l'adjectif colombïn.
Coulpe, s. fém. (lat. calpa), vieux mot français, faute.
Sa coulpe luy soit tant qu'il vive
Représentée! (Odes retr., t. II, p. 4 j 9.)
DE Ronsard. $9
Coupeau, s. masc, vieux mot, signifiait le sommet
d une montagne.
... lecoupeau
Du chevelu Parnasse. (II, p. 244.)
Cour aller ou Courratier, fém. couratlère ou cour ra-
tière. Nicot indique : courretier, d'où courtier. ■
Jeanne la Grise de Venus courratière. (IV, p. 346.)
El aumasculm couratier. (V, p. 251.)
Couronnure, s. fém., terme de vénerie, sorte de cou-
ronne formée par la disposition des menus cors
d'un cerf, vers le sommet du bois.
(I, p. 255. Vers d'Eurym. et Cailirhée.)
V. le mot Vénerie.
Courre, ancienne forme de l'infinitif du verbe courir.
(Nicot, Littré.) Ex. : (I, p. 151.)
Cours, s. masc, employé par Ronsard avec deux
acceptions très particulières.
1° Action de courir. Ex. :
Bientost je t'aurois mis le frein.
Puis te voltant à toute bride
Soudain je t'aurois fait au cours. (Il, p. 288.)
2^ La suite d'une destinée, la poursuite d'une
entreprise. Ex. :
... asseurant ma fortune et mon cours
M'as présenté ta fille et ton secours. (III, p. 15$.)
Court ou Cour. Ronsard emploie indifféremment ces
deux orthographes alors en usage. Ex. :
... un basteleur de court...
Et quelques vers plus loin :
Qui presse sous les pieds la Cour et l'avarice.
(III, p. 421.)
Courtil, s. masc, vieux mot (Nicot, Littré), jardin.
Ex. : (IV, p. .9.)
6o Lexiq^ue
Courtisan et Courtiseurj s. masc.
... un plaisant courtiseur. (III, p. 401.)
Couteau, s. masc. , prononciation du centre pour
coteau. Ronsard orthographie coutau et Cousteau.
... ny aux coutaux voisins
Jamais Bacchus n'y fait verdeler ses raisins.
(VI, p. 42.)
Coutelace. V. Coutelas.
Coutelas, s. masc. On appelait ainsi jadis une épée
de fm acier fort tranchante d'un côté seulement et
qui va un peu en se courbant. (Trévoux.)
Il est du masculin dans Nicot aussi, et Ronsard
l'emploie une fois au masculin. (VI, p. 206.)
Mais ailleurs il en tait un s. fém. sous la forme
Coutelace. (Fr. il, t. III, p. 131.)
CoutVere, s. fém., semble être de l'innovation de Ron-
sard pour désigner un coteau garni de vignes,
Ex.:(V,p. 235.)
Couverture, s. fém., au figuré (Nicot, Trévoux, Lit-
tré), prétexte qui sert à couvrir, à déguiser un des-
sein ou à excuser une faute. Ex. :
(I, p. 273 et 355.)
Couvre-cerveau, adj. comp. La vieille langue avait le
substantif couvre-chef. Ronsard a créé l'adjectif
couvre-cerveau.
... la toge couvre-cerveau. (Fr. t. III.)
Crampe, s. fém., contraction convulsive des muscles
de la jambe : ici ruade...
Nature fit présent de cornes aux taureaux,
Et pour armes de crampe et de sole aux chevaux.
(VI, p. 271.)
Craqueter, v. intr., ancien verbe aujourd'hui inusité
DE Ronsard. 6i
(Nicot, Littré), fréquentatif de craquer. C'est, dit
Nicot, « craquer dru et menu, sape crepitare i .
Ex. : (III, p. 62 et 304.)
Ce verbe avait formé le dérivé craquetis (Nicot,
Littré), qui, dit encore Nicot, » est de la même
façon que diauetis 1 (V. ce mot), et signifie le
bruit que fait la chose qui craque. Ex. :
(V, p. 24.)
Crespe, adj., vieux mot, bouclé, frisé.
Quand au matin ma déesse s'habille
D'un riche or crespe ombrageant ses talons.
(I,p. 2J.)
De là les mots : crespa, crespela, crespillon.
Ni le soleil ne rayonna si beau
Quand au matin il nous monstre un flambeau
Tout crespu d'or. (I, p. 38.)
Ny de son chef Iç trésor crespelu. (I, p. 28.)
Or les frizant en mille crespillons. (I, p. 2j.)
Et le verbe cresper.
Le soleil en crespa sa chevelure blonde.
(V, p. 221.)
Crin, s. masc, employé au figuré par Ronsard pour
désigner le feuillage des arbres. Ex. :
Le haut crin des bois
Qui vont bornant mon fleuve Vendomois.
(Odes I, XXII, t. II, p. 128.)
CrineuXydià]. quai. Ronsard l'emploie au sens propre
et au figuré.
Au sens propre il signifie : qui a les cheveux
longs. Ex. :
... on veid parmi nos villes
Errer soudain des hommes incognus,
Barbus, crineux, crasseux et demi-nus...
(Disc, t. VII, p. 82.)
Gi Lexique
Au figuré : s'appligue à la trace lumineuse que
laisse dans le ciel derrière elle une comète. Ex. :
. . . une comète,
Qui, glissant par le ciel d'une crineuse traite,
Tombe dessus un champ...
(Boc. Roy., t. III, p. 277.)
Ou encore à l'Aurore. Ex, :
Quand plus crineuse elle embellit le ciel.
(Am. I, 94, t. I, p. MO.)
Cronierij de Kpoviwv, fils de Gronos, surnom de Nep-
tune.
La contentieuse querelle '
De Minerve et du Cronien.
(Odesi, X, str. VI, t. II, p. 75.)
Crosse, adj. quai., ou crocé (Nicot, Littré) : s'appli-
auait aux prélats, évêques ou abbés ayant le droit
de porter la crosse.
Ma lyre crossée. (II, p. 273.)
Crouillet, s. masc, subsiste encore dans le Blaisois,
sous la forme courrouil, dont il n'est que le dimi-
nutif courroaillet, et par abréviation crouillet : c'est
le loquet.
En poussant le crouillet... ouvre l'huis.
(R. t. V,p. II.)
De là le dérivé : descroiiiller, v. trans., tirer le
loquet, ouvrir. (II, p. 1 19.)
Cm, adj. quai., employé par Ronsard à l'imitation du
latin :
Jam senior, sed cruda deo viridisque senectus.
(Virg. En., VI, 304.)
Et du grec :
(I)[JiOYépovta ôé (xiv çatr' efXfjLevai.
(Hom. II., XXIII, 791.)
Nous disons encore, employant une métaphore
analogue : une verte vieillesse...
DE Ronsard. 63
Ici : vends, vigoureux...
Les crus vieillards d'un grand et large tour
Ici dansoient a testes couronnées... (III, p. 57.)
Cruche, s. fém., terme populaire signifiant stupidité,
bêtise^ et employé par Ronsard pour opiniâtreté.
(Il, p. 43'-)
Guider, vieux mot employé le plus souvent par Ron-
sard dans le sens de l'ancien verbe oultrecuider, dont
le dérivé outrecuidance subsiste encore. Pris sub-
stantivement, l'infinitif de ce verbe est pour lui
synonyme de présomption. Ex. :
... tout le mal qui vient à l'homme prend naissance
Quand par sus la raison le cuider a puissance.
(VII, p. 35.)
Ronsard l'emploie cependant au sens de : pen-
ser. (I, p. 47.)
Cuisse-né, adj. composé créé par Ronsard. Il l'appli-
que à Bacchus, par allusion à sa double naissance
légendaire.
Bacchus cuisse-né. (V, p. 235.)
Cuissette, s. fém. (Nicot), diminutif de cuisse. Ex. :
(I,p. 182.)
Cuit, part, passé du verbe cuire pris dans le sens de
brûler ardemment. L'adjectif verbal cuisant a encore
conservé ce sens aujourd'hui.
N'a pas eu la poitrine cuite
Par un amour... (II, p. II j.)
Curer, v. act. (curare), soigner, guérir.
Dans ce sens il ne se trouve qu'une fois :
Et n'y a main, tant elle soit experte
Qui puisse bien la curer de son mal.
(Boc. Roy., t. III, p. 34$. )
64 Lexique
Cyprien, adj., de Cypre ou plutôt de Vénus, déesse
de l'amour, particulièrement honorée à Cypre.
0 bienheureux pigeons, vray germe cyprien.
(I, p. 301.)
Cyprine, s. fém. Épithète de Vénus, déesse de
Cypre.
Belle déesse, amoureuse Cyprine. (I, p. 385.)
Dace, s. fém. Nicot ne signale pas ce mot. Moreri le
dérive de datio : il signifierait : contribution, taxe.
Ceux ont en main les plus gras bénéfices,
Daces, imposts et les meilleurs offices.
(Poèmes 11, t. VI, p. 266.)
Ronsard n'en offre pas d'autre exemple.
Dague, s. fém., terme de vénerie : bois du cerf après
la première année. (I, p. 254.)
V. le mot Vénerie.
Damoiseau, généralement employé comme substantif
(Nicot), est adjectif (I, p. 107.)
Debteur, s. masc. (Nicot, Littré), ancienne forme de
débiteur. Ex. : (VI, p. 155.)
Déceptif, adj., fém. décepîive (lat. deceptivus), trom-
peur. Vieux mot encore en usage au seizième siècle.
... une ruse déceptive.
(Odes IV, X, t. II, p. 263.)
Decevance, s. fém., vieux mot usité durant tout le
moyen âge et synonyme de déception. Les deux
sont dans Nicot. Ex. : (I, p. 170.)
DE Ronsard. 6^
Déchoir (Se), employé comme verbe réfléchi, est pris
au sens propre de tomber, choir, par Ronsard.
Nicot inaique seulement le sens figuré : tomber en
décadence. Ex. : (II, p. 191.)
Découpé, part, passé, épithète appliquée par Ronsard
aux habits, à la toilette : frangé. Ex. :
Parfumez, découpez, courtisans, amoureux.
(VII, p. 42.)
Decrucher, v. trans., employé par Ronsard pour dé-
crocher, détacher, faire tomber. Ex. : (III, p. 96.)
Déduit, passetemps, plaisir, vieux mot.
Au reste elle est en danse, en festins et déduit.
(Boc. Roy., la Vertu amoureuse, t. III, p. 413.)
Son plaisir, son déduit, ses jeux, ses passetemps.
(I, p. 254.)
De en, pour dedans. Ex. : (VIII, p. 157.)
Defaroucher ou Desfaroucher, v. trans. (Nicot), inno-
vation de Ronsard : apprivoiser. Ex. :
(VI, p. 215.)
Defrauder, v. trans. (lat. fraudare), priver, ravir de
force. (Nicot.)
Ne défraudant les ouvrages
Du laboureur attendant... (II, p. 433.)
Degout, s. masc, formé par Ronsard à l'imitation du
verbe dégoutter, couler goutte à goutte.
Et l'eau croissant du degout de tes pleurs.
(I, p. 22.)
Dehacher, v. trans., s à coups de hache mettre en
pièces... car il est composé de hacher... et ^^^ pré-
position augmentative équipolant à/tzni/to, omnino,
ainsi qu'elle est en ceux-ci : Détrencher, détailler > .
(Nicot.) Ex. : (III, p. 80.)
Lex. Ronsard. ' 5
GG Lexiq_ue
Dde, nom propre, orth. de Ronsard pour Delos,
l'une des Cyclades.
De tels cheveux le dieu que Dele honore
Son col de lait blondement ne décore. (I, p. 102.)
Délivre, adj. quai., ancien adjectif (Palsgrave, La-
combe), n'était plus usité du temps de Ronsard, si
ce n'est dans l'expression adverbiale à délivre
(Nicot) : il signifiait libre de. Ex. :
(I, p. 51, 248 et 403.)
Demenrance ou. Demourance (Nicot), vieux mot, syno-
nyme de demeure. Ronsard emploie demenrance.
Ex. : (I, p. 67.)
Demi-ceint, s. masc, mot composé. Nicot : ceinture.
Les Grâces en ont fait leur demi-ceint boucler.
(V, p. 222.)
Démuselé, part, passé d'un verbe démuseler qui sem-
ble être de l'invention de Ronsard : qui a perdu ses
muscles. Ex. : (VII, p. 312.)
Demy-eheval, mot composé par Ronsard pour dési-
gner les Centaures. (III, p. 405.)
Demi-fleury, adj. composé : à moitié couvert de fleurs. . .
Ex. : (VII, p. 190.)
Demy-panehé et My-panché, adj. composé créé par
Ronsard. (I, 210.)
Dé-nerver, v. trans. formé par Ronsard sur le modèle
du verbe italien disnervare, couper les nerfs, éner-
ver, épuiser. (Am. I, 53, t. I, p. 32.)
Denys, nom propre, traduction de Dionysos, nom
grec du dieu Bacchus. (V, p. 237.)
Deparesser, v. trans., innovation de Ronsard : faire
sortir quelqu'un de son état de paresse. Ex. :
(VI, p. 48,)
DE Ronsard. 67
Départir {Se), v. réfl., peut avoir deux acceptions,
r Se séparer...
... mon cœur du siçh s'est départi. (IV, p. 229.)
2" Partager...
... le bien de l'Église aux enfans se départ.
(VII, p. 42.)
Depoulpé, part, passé d'un verbe depoulper : innova-
tion de Ronsard : qui a perdu le pouls, dont le
cœur ne bat plus. Ex. : (VII, p. 312.)
Dépraver ou Despraver (Nicot, Littré), v. trans., cor-
rompre, gaster, au propre et au figuré. Ronsard
lui attribue le sens de falsifier. Ex. : (II, p. 298.)
Déprisonné, part, passé du verbe déprisonner (tirer de
prison), formé par Ronsard à l'imitation du verbe
emprisonner. ,
Nos corps...
Deprisonnez de l'humaine closture. (III, p. 108.)
Dé-reter ou Desrester , v. trans. (Nicot), innovation
de Ronsard : c deslivrer et desvelopper des rets » ,
et Muret l'explique par t deslier » . Ex. :
(I, p. 123.)
Des-augmenter, v. trans., semble être de l'invention
de Ronsard. C'est le contraire d'augmenter : dimi-
nuer, s'amoindrir. Ex. : (I, p. 57.)
Deschaux, adj., vieux mot, déchaussé, nu.
Et l'autre à pieds deschaux gâche le vin nouveau.
(IV, p. 94-)
Descœuvre, ?' pers. sing. prés. ind. du verbe décou-
vrir. On employait couramment alors cœuvre pour
couvre.
Dans la var. (1587) même page Ronsard em-
ploie descouvre. (II, p. 147.)
68 Lexiq^ue
Descrouiller . V. Crouillet,
Désembraser, v. trans., semble être une innovation de
Ronsard. C'est le contraire de : embraser. Ex. :
(I, p. 27.)
Desensevelir, v. trans. (Nicot), faire sortir de l'oubli,
au figuré. (II, p. 408.)
Desguiser, v. trans. (Nicot : aller are), employé au
figuré pour : changer, modifier, modeler sur.
Ex. : (I, p. 130.)
Des-machoirer, v. trans., innovation de Ronsard :
arracher la mâchoire. Ex. : (I, p. 127.)
Desnoircir j v. trans., semble être de l'invention de
Ronsard. C'est le contraire de noircir : blanchir.
Ex. :
... desnoircir un More. (I, p. 217.)
Despendre, v. trans., forme plus ancienne que despen-
ser (Nicot, Littré). Ex. : (II, p. 357.)
Despit, adj., vieux mot.
Il peut avoir deux significations.
/ 1° Qui a du dépit.
... je désire, fontaine,
De plus ne songer boire en toy
L'esté, lorsque la fièvre ameine
La mort despite contre moy.
(Odes III, X, t. II, p. 208.)
2" Irascible.
Ne soyez point chagrin, despit, ne furieux.
•(VII, p. 38.)
Despiter, employé comme verbe actif : causer du dé-
pit à...
Pour les dieux despiter. (Odes iv, V, t. II, p. 255.)
et:(I, p. 293.)
DE Ronsard. 69
Despiteux, adj. quai., opposé à piteux, qui excite ou
qui éprouve de la pitié. Signifie impitoyable. Ex. :
Non celle qu'Apollon vid, vierge despiteuse,
En laurier se former.
(Am. div. ch. m, t. I, p. 384.)
De même :
La mort despiteuse (II, p. 2 5 5).
L*Orque despiteux (V, p. 109).
Desrober, v. trans., employé pour le verbe réfléchi se
dérober à, se soustraire à, éviter.
Nul ne desrobe son trespas. (II, p. 292.)
Desrobe-flenr, adj. composé, créé par Ronsard pour
désigner l'abeille qui Lutine de fleur en fleur.
... la desrobe-fleur avette. (Il, p. 146.)
Dessanvager, v. trans., innovation de Ronsard comme
défaroucher (V. ce mot) : apprivoiser. Ex. :
(VII, p. 203.)
Desserrer, v. trans., sens primitif: relâcher ce qui était
serré (lat. relaxare).
Le ciel qui le jour desserre. (VI, p. 364.)
Dessommeiller, v. trans., éveiller, tirer du sommeil...
Presque d'un temps le mesme esprit divin
Dessommeilla du Bellay l'angevin. (VI, p. 44.)
Dessur, employé comme préposition pour sur, dès le
moyen âge; encore usité au seizième siècle.
Disant quelque chanson en filant dessur toy.
(I, p. 219.)
Des-vier et dévier, v. intrans. , vieux mot dérivé de vie :
cesser de vivre, mourir...
... et là je fus ravy
De ses beaux yeux par lesquels je des-vie. (I, p. 92.)
... la fleur, qui si tost dévie. (II, p. 401.)
70 Lexique
Détacher, employé intransitivement pour le réfléchi se
détacher.
L'avarice jamais de son col ne détache. (IV, p. 222.)
Detrancher, v. trans. (Nicot), couper en tranches.
V. Dehacher. Ex. : (III, p. 80.)
Deubs, part, passé masc. pi. pour dus, orthographe
dite étymologique : rétablissement du b latin {debi-
tus).
... ainsi le froid giron
De la tombe assoupit tous les sens de nature
Qui sont deubs à la terre et à la pourriture.
(IV, p. 219.)
Deuïs {Je me). V. Douloir.
Deux-fois-né ou Deax-fois-nay, adj. composé créé
par Ronsard, épithète qu'il applique à Bacchus
(I, p. 329), traduction du grec Aiyovoç.
Devant, devers confondus couramment au seizième
siècle avec les prépositions avant, vers; fréquent
chez Ronsard.
Devanteau, s. masc, tablier de femme, ancien mot :
Nicot indique les trois formes devantier, devantel,
devanteau. La troisième seule se trouve dans Ron-
sard. Ex. : (III, p. 163, et VIII, p. 170.)
Dé-veiner, v. act., formé par Ronsard sur le verbe ita-
lien svenare, couper les veines, tuer, etc., à l'exem-
ple du verbe denerver (v. ce mot).
(Am. I, 53,t.I, p. 32.)
Devenir en. Le verbe devenir pouvait être suivi d'un
complément précédé d'une des prépositions i^ en...
Ex. : devenir à rien (Nicot), devenir en herbe
(Nicot). De même chez Ronsard : devenir en jau-
nisse. Ex. : (I, p. 275.)
DE Ronsard. 71
Devideau, s. masc. ; on disait aussi dev'idet, dévidoir
(Nicot) : ce dernier a subsisté.
Ne tourne plus ce devideau. (II, p. 373.)
Dextre, adj., vieux mot (lat. dexter).
1° Droit.
... l'effort de ta main dextre. (II, p. 38.)
2" Qui est à droite etfig. favorable.
... le ciel, témoin de saparolle,
D'un dextre éclair fut présage à mes yeux.
0, p. 13.)
Didascaliaues, adj. quai., mot d'origine grecque :
aujoura'hui didactique. (III, p. 19.)
Dieu-messager, s. masc, sorte de nom composé par
juxtaposition créé par Ronsard, épithète de Mer-
cure. (V, p. 360.)
Dinne, orth. de Ronsard pour digne {gn = nn).
(II, p. 94.)
Il l'écrit même dine (II, p. 339). Ortho-
graphe parfaitement conforme à la prononciation
d'alors.
Dires, s. fém. {dira), imprécations, malédictions.
Ronsard n'en offre qu'un exemple.
(IV, p. 338.)
C'est le titre de l'Élégie XXIX : encore prend-
il la précaution, qui n'est pas inutile, de faire suivre
ce mot du commentaire : «. Dires ou Impréca-
tions. 1)
Discord, s. masc, vieux mot (Nicot, Littré) : dis-
corde, dissension. Ex. : (III, p. 17$.)
Disnée, s. fém., et disner, s. masc, synonymes em-
ployés simultanément. Ex. : (VI, p. 106.)
72 Lexique
Dispost, adj., pour dispos, féminin disposte : léger,
alerte.
Luy, fait oiseau, dispost, de saut en saut
Poursuit en vain l'objet de son martyre. (I, p. 97.)
... entre les mains d'une disposte fille
Qui dévide, qui coust, qui mesnage et qui file.
(I, p. 219.)
Dhpotme, mot forgé par Ronsard : a qui signifie une
vie de petite durée s . (VII, p. 178.)
Dizenierj pour Dizainier. (Nicot.)
... le flot dizenier. (III, p. 130.)
Marcassus : « Les Latins l'appellent unda deçà-
mana; c'est la dixième vague, la plus horrible et dan-
gereuse de toutes. »
Dodonéen et Dodonois, adj., dérivé du nom de la forêt
sacrée de Dodone. Ronsard emploie indifféremment
les deux formes.
Dedans Buthrote, en les champs oii la vois
Vit prophétique es chesnes Dodonois. (III, p. 48.)
Adieu,^ chesnes, couronne aux vaillans citoyens,
Arbres de Jupiter, germes Dodonéens. (IV, p. 848.)
Dolouëre, s. fém., pour dololre, instrument qui sert à
aplanir et à amincir le bois. (VI, p. 411.)
Domte-poullain, adj. composé créé par Ronsard.
Castor domte-poullain. (VI, p. 48.)
Donne-blé, adj. composé créé par Ronsard.
Été donne-blé. (V, p. 187.)
Donneur, s. masc. (Nicot), encore usité (Littré) :
celui qui donne. Ex. : (II, p. 58.)
Donne-vie, adj. composé créé par Ronsard.
... l'or donne-vie. (V, p. 222.)
DE Ronsard. 73
Donne-vin, adj. composé créé par Ronsard.
Été donne-vin. (V, p. 187.)
Don'rai {je), pour je donnerai : abréviation fréquente
au moyen âge et autorisée par Ronsard. (Abrégé
de y Art poétique.)
Je te don'ray pour te servir de page
Le Jeu mignard... (III, p. m.)
Dorloter, v. trans., ancien mot(Nicot, Littré), dérivé
du picard dorlot, affiquets, parure, ornements; d'où
dorloter : orner, parer et au figuré caresser. Ex. :
(I, p. 129.)
Dos-ailé, adj. composé créé par Ronsard pour dési-
gner Pégase dont le dos, selon la légende, était
garni d'ailes.
... le dos-ailé Pégase. (VI, p. 123.)
Doucekt, adj., diminutif de doux. Ronsard emploie
auési doucet.
Sa belle peau doucelette. (Il, p. 349.)
Dongé, adj. ; dougément, adv. Ronsard les a employés
chacun une fois.
Au milieu d'elles (les Parques) estoit
Un cofre où le Temps mettoit
Les fuzeaux de leurs journées
De courts, de grands, d'allongez,
De gros et de bien dougez.
(Odesi, X, t. II, p. 91.)
Je te puis assurer que sa main délicate
* Filera dougément quelque drap d'escarlate.
(Am. i:, la Quenouille, t. I, p. 220.)
Remy Belleau fait suivre ce dernier vers de ce
commentaire : a Dougément, subtilement, à filets
prins et menus. Dougé est un mot d'Anjou et de
Vendomois propre aux filandières, qui filent le fi!
de leur fuseau tenu et menu, u
74 Lexiq_ue
Trévoux signale l'adjectif dougé comme un mot
hors d'usage : a Dougé, ée, vieux mot : fin, délié. >
Ex.:
Le corps est droit, gent et dougé.
€ Ménage remarque que l'on dit aussi du fil
dougé et de la toile dougée. »
Cet adjectif a formé le terme technique en usage
aujourd'hui. Dougé, s. masc, ciseau plat, très
mince, servant à fendre les ardoises.
Douillet, adj. quai., doux au toucher, délicat.
De main douillette et de mignonne peau.
(III, p. 126.)
Douloir {Se), v. réfl., souffrir, se plaindre (lat. dolere),
vieux mot usité pendant tout le moyen âge.
... et si n'ay pas envie
De me douloir... (Am. i, VII, t. I, p. 6.)
... le mal dont je me deulx.
(Am. 1, 173, t. I, p. 99.)
Plus ils en ont, plus se plaignent et deulent.
(Poèmes 11, t. VI, p. 265.)
Subjonctif: que je me deuille. (II, p. 391.)
Douter, v. trans., pour redouter.
Il ne doute les loups, tant soient-ils redoutables.
(IV, p. II.)
C'est d'ailleurs le sens du substantif doute dans
le passage suivant oi!i il tient lieu du mot crainte :
Mais i'ay grand doute qu'à l'instant
Que d'homme parfait auras l'âge
Ce mal- heureux oyseau volage
Sans y penser te surprendra. (I, p. 435.)
Douteux à... (Nicot), hésitant à... Ex.
(I,P. 237-)
DE Ronsard. 75
Doux-amer, adj. composé, innovation de Ronsard.
Épithète de l'amour : qui est doux et amer en
même temps.
Non, ce n'est point une peine qu'aimer,
C'est un beau mal, et son feu doux-amer
Plus doucement qu'amèrement nous brusle.
(Am. 1, LXVII, t. I, p. 40.)
Doux-fier, adj. composé créé par Ronsard, cruel et
doux en même temps en parlant des flèches de
l'Amour.
Le doux-fier trait qui me tient languissant.
(Am. I, 139, t. I, p. 79.)
Ronsard a créé de même fier-doux.
Doux-soufiant, adj. composé créé par Ronsard : au
son harmonieux.
... les flûtes doux-souflantes. (II, p. 30J.)
Doy, orth. de Ronsard pour doigt...
... mon luth, pincé de mon doy. (II, p. 273.)
Dr niant, adj. verbal dérivé du verbe driller, terme po-
pulaire qui avait encore cours au dix-septième
siècle et signifiait : courir vite, au figuré pressé,
diligent.
Deux camps drillants de fourmis
Se sont mis
En garnison sous ta souche. (II, p. 275.)
Au sens propre (I, p. 155).
... les estoiles drillantes.
Ronsard l'emploie comme synonyme de mobile
apphqué à l'oreille du cheval. (VI, p. 121.)
Droict, pour droit, s. masc. En vénerie s'entend des
différentes parties de l'animal tué qui reviennent
soit au maître de lâchasse, soit aux valets, soit aux
chiens.
V. Vénerie.
76 Lexique
Droitement, adv. tiré par Ronsard de l'adjectif droit
= directement, tout droit. (II, p. 96.)
Drolturier ou Droicturier (Nicot : redus, jnteaer, in-
corruptas)y Trévoux : vieux mot qui signifie celui
qui a les intentions droites, qui rend justice sans
acception de personnes.
... prince droiturier. (III, p. 420.)
Duire, v. intr., vieux mot dont Ronsard offre un
exemple à l'infinitif (lat. ducere) (Nicot).
Estimeront les martiales flames
Eniire plustost aux gendarmes qu'aux femmes.
(III, p. 336.)
V. Duisant.
Duîsant, part. prés, du verbe 'daire (lat. ducere),
vieux mot : convenable, propre à...
Guignant de l'œil les arbres les plus beaux
Et plus duisans à tourner en vaisseaux. (III, p. 61.)
Etll, p. 182.
... les arcs duisans
Aux pucelles de Taygète.
Dullche, adj., dérivé par Ronsard du nom de Dali-
ch'mm, une des îles Echinades, dépendante d'Itha-
que, avec laquelle elle formait le royaume d'Ulysse.
C'est actuellement la petite île de Néochori.
Ex. : le diiliche troupeau (les compagnons d'Ulysse
changés en bêtes). (I, p. 43.)
Dure, nom propre pour d'Eure, rivière d'Eure.
Desportes, qu'Aristote amuse tout le jour,
Qui honores ta Dure et les champs qu'à l'entour
Chartres voit de son mont. (ÉI. n, t. IV, p. 220.)
Du tout, locution ancienne équivalent à tout à fait,
entièrement.
... puis du tout oubliant
Frères, père et pays. (IV, p. 297.)
DE Ronsard. 77
Egaîl, s. masc, synonyme de aiguail, rosée du matin
qui demeure par petites gouttes sur les fleurs et
sur les brins d'herbe. Ces vers de Racan en indi-
quent nettement le sens :
... a quelle fin
Voulez-vous aujourd'hui vous lever si matin?
Le soleil n'a pas bu l'aiguail de la prairie.
Ronsard l'écrit égail.
Comme il mettoit à bout à l'égail du matin
La ruse d'un vieil cerf.
(I, p. 2$ s. V. d'Eurym. et Callirhée.)
Aujourd'hui usité encore en vénerie : l'aiguail
ôte le sentiment aux chiens.
Elabouré, part, passé du verbe élabourer, vieux mot.
Trévoux : a N'est plus en usage, si ce n'est au par-
ticipe, oiî il ne se dit qu'en plaisantant. » Au sei-
sième siècle et chez Ronsard : travaillé avec soin.
Nous avons conservé élaborer.
Et ses maisons en marbre elabourées
Voisineront les estoiles dorées . (III, p. 50.)
De même : (Am. i, 128, t. I, p. 72.)
Elargir, v. act. (lat largior), donner largement; se
trouve deux fois dans les œuvres de Ronsard.
Le ciel ne t'a pas seulement
Elargi prodigalement
Mille présens... (Odes retr., t. II, p. 423.)
Que tardes-tu, veu que les Muses
T'ont eslargi tant de sçavoir. (II, p. 469.)
Elochant, part. prés, du verbe elocher ou eslocher,
78 Lexiqjje
V. trans. (Nicot) : synonyme de ébranler. Ex. :
(II, p. 278.)
Embarquage, s. masc. créé par Ronsard : synonyme
d'embarquement.
Dieu d'embarquage.
C'est-à-dire : Dieu qui préside à l'embarquement
et à la navigation. (Fr. I, t. III, p. 80.)
Embas, orth. de Ronsard et de Nicot pour en bas.
Soit d'enhaut ou d'embas. (IV, p. i j i .)
Embesogner, v. trans. Trévoux : « Vieux mot qui
signifiait autrefois occuper à quelque besogne. Il
n'est plus usité qu'au participe et par plaisanterie. >
Lorsqu'à son luth ses doigts elle embesogne.
(Am. I, CXIV, t. i,p. 6$.)
Embler, v. act., a le sens de ravir, prendre.
Nicot le traduit par furari. Ronsard dit en par-
lant du laurier :
Si quelqu'un par finesse une fueille en dérobe,
La fueille le decelle, et ne veut que le prix
Des fronts doctes et beaux soit emblé ny surpris.
(V,p. 202.)
Nous avons encore la locution d'emblée qui se
rattache à la même racine.
Trévoux : vieux mot et hors d'usage, sinon en
ce commandement de Dieu : L'avoir d'autrai tu
n'èmbleras.
D'emblée est employé une fois par Ronsard.
Amour, trop fin, comme un larron emporte
Mon cœur d'emblée, et ne le puis r'avoir.
(Am. I, 176, 1. 1, p. ICI.)
Emboufis, adj. quai., innovation de Ronsard, syno-
nyme de bouffi, gonflé.
Les despensiers em-boufisde bombance. (VI, p. 57.)
DE Ronsard. ■ 79
Embrassée, s. fém., innovation de Ronsard pour em-
brassement.
Comme une tendre vigne à l'ormeau se marie
Et de mainte embrassée autour de lui se plie.
(III, p. 69.)
Embrasse-terre, adj. composé créé par Ronsard et
employé substantivement comme épithète du dieu
Neptune : embrasse-terre (qui entoure la terre).
(ni,p. 328.)
Embranir, v. trans., formé d'un préfixe en et du verbe
brunir = obscurcir. (Trévoux, Littré.)
Puis, alors que Vesper vient embrunir nos cieux.
(Sonnets pour Hélène, t. I, p. 363.)
Embrunisseure ou Embrunissure {eu = u), s. fém.,
dérivé de embrunir, terme de vénerie qui désigne
la teinte plus ou moins foncée du bois du cerf. Ex. :
(I, p. 2^.)
Emerveillable, adj. tiré du verbe émerveiller, admira-
ble.
Puis en rompit le moule émerveillable. (III, p. 323.)
Ronsard emploie de même le mot merveillable
(merveilleuse).
Il admire son bras et sa main merveillable.
(VI, p. 242.)
Emmaigrir {S'), v. réfl. formé du préfixe en et du
simple maigrir, a le même sens.
S'emmaigrissant et suant sous la peine
De cultiver ses vignes et sa plaine.
(Poèmes i, t. VI, p. 134.)
Emmanteler, v. act., employé au figuré dans le sens
d'envelopper. (III, p. 112 et 295.)
\f Emmieller, v. trans., enduire de miel. (II, p. m.)
8o Lexique
Emmonceler, v. trans., ancien synonyme de amonce-
ler. (II, p. 109.)
Emmurer, v. trans., « entourer, environner de
murs ï (Nicot); au figuré, entourer, enfermer,
comme dans l'exemple suivant :
Tout à l'entour l'emmure
L'herbe et l'eau qui murmure.
L'un tousjours verdoyant,
L'autre ondoyant! (II, p. 25 1.)
Empaner, v. act. créé par Ronsard, synonyme de
Empenner. (V. ce mot.)
Ex. : Empaner la mémoire. (II, p. 18.)
Etll, p. 364.
Emparfumer, v. trans., synonyme de parfumer, créé
par Ronsard.
... ceste Marguerite
Qui ciel et terre emparfume d'odeur.
(Am. I, CVI, t. I, p. 61.)
Empanmeure, s. fém., terme de vénerie. « C'est le
haut de la tête d'un vieux cerf ou chevreuil, qui est
large et renversée et oiî il y a plusieurs andouil-
1ers. » (Trévoux.) (I, 255.)
V. le mot Vénerie.
Empenné, adj., léger comme la plume, prompt, ailé.
Imitant l'expression grecque iTtea Tirspoévra, Ron-
sard a dit :
Mais leur mère .
Pour les asseurer les flatoit
De ceste parole empennée. (Odes i, X, t. II, p. 71.)
Emperler, v. trans., innovation de Ronsard, orner de
perles au sens propre.
(Am. I, GLXXXIX, t. L, p. 107.)
V. En gemmer.
DE Ronsard. 8i
Emperiere, s. fém. de empereur, vieux mot. (Pals-
grave, Nicot.) Ex. : (V, p. 292.)
Empierrer, v. trans., métamorphoser en pierre, pétri-
fier.
(Ton œil) habile à ses traicts descocher
Estrangement m'empierre en un rocher.
(Am. I, VIII, t. I, p. 6.)
Appliqué à la Gorgone. (VI, p. 48.)
Empiéter, v, trans., terme de fauconnerie : en parlant
a'un oiseau de proie, saisir avec ses serres.
Un pigeon blanc empiété d'un autour.
(Ed. III, t. IV, p. 76.)
Là est Ide la branchue
Où l'oyseau de Jupiter
Dedans sa griffe crochue
Vient Ganymede empiéter. (Odesretr., t. II, p. 388.)
Empistolé, adj., innovation de Ronsard, armé de pis-
tolets.
Ne presche plus en France une Evangile armée,
Un Christ empistolé tout noirci de fumée.
(VII, p. 22.)
Emplamer, v. trans., garnir de plumes. (II, p. 13J.)
Empouper, v. trans., couramment employé au sei-
zième siècle en parlant du vent, signifie prendre en
poupe un navire. (I, p. 391.)
b/ Empourprer, v. trans., teindre en pourpre.
■ ' ' ^ '(II,p. ié8.)
Empris, part, passé du vieux verbe emprendre, an-
cienne forme de entreprendre.
Les deux sont encore dans Nicot. Ex. : (I,p. 50.)
Emprise, s. fém., vieux mot, pour entreprise.
(II, p. 284.)
Lex. Ronsard. 6
82 Lexique
Enalgrair (5'), v. réfl., formé du préfixe en et du
simple aigrir {s').
Et tellement s'en-aigrit de courrous.
(Poèmes i, t. VI, p. 86.)
Enceinte, s, fém. Vénerie : Faire l'enceinte : tendre
des toiles ou poster des chiens et des chasseurs au-
tour d'un bois ; a faire divers ronds autour des plus
'fraîches voies et allures de la bête pour s'assurer
où elles aboutissent et de là conclure l'endroit oîi
elle est embûchée » . (Trévoux.)
V. le mot Vénerie.
... et, comme bon veneur,
Faire bien mon enceinte et en avoir l'honneur.
(Songe III, 289.)
En ce-pendant, locution ancienne déjà citée par Pals-
grave : cependant.
En ce-pendant la jeunesse troyenne
Haut invoquant la Berecynthienne
D'encens fumeux parfumoit son autel. (III, p. 56.)
Encerner, v. act., vieux mot qui signifiait ceindre
d'un cercle (anciennement cerne. V. ce mot), en-
tourer. (III, p. 162.)
Enchagriner, v. act., dérivé par Ronsard du verbe
chagriner.
... c'est bien de mes malheurs
Le plus grand, qui ma vie enchagrine et dépite.
(VII, p. 313.)
Enchanter, v. trans., au sens étymologique de incan-
tare (Nicot, Littré) : soumettre à un enchante-
ment. Ex. : (I, p. 194.)
Encharner, v. trans. Ronsard emploie ce verbe dans
le sens.de incarner, entrer dans la chair.
... la douleur de ma playe
Qu'Amour encharne au plus vif de mon soin.
(Am. I, CXXIV, t. I, p. 70.)
DE Ronsard. 85
EncUner ou Incliner, -les deux verbes sont dans Nicot.
... suivant ma destinée
Qui s'est dès mon enfance aux Muses enclinée.
(Vil, p. 112.)
Encocher, v.trans., en parlant d'une flèche, faire en-
trer dans sa coche la corde de l'arc. Ce mot a
vieilli ; nous avons conservé son contraire : déco-
cher.
Ayant toujours la flèche à la corde encochée.
(Am. 11, LX, t. I, p. 210.)
Encontre-val et En-contreval, loc. adv. comme Con-
treval.
I* En aval. Ex. : (I, p. 401.)
2° En bas. Ex. : (V, 89.) Cf. Contre-bas.
Encordeler, v. trans., entraver dans des liens.
Comme en ses rets l'amour nous encordelle.
(Am. I, XXXVIII, t. I, p. 23.)
Encorder, v. trans., signifie au sens propre : réunir et
nouer les cordes d'un métier à tisser. Ronsard lui
donne le sens de : jouer sur les cordes de la lyre.
(II, p. 426.)
Encontre, employé pour la préposition contre.
Je doute qu'Artemis quelque sanglier n'appelle
Encontre Eurymédon. (I, p. 264.)
Ronsard lui attribue aussi le sens de : envers, à
l'égard de.
Tu mesprisois les hommes dont l'audace
Est trop cruelle encontre nostre race. (III, p. 144.)
Encothurné, part, passé employé adjectivement du
verbe encothurner, créé par Ronsard. (VI, p. 45.)
Encottonner, v. trans. (Nicot), détourné de son sens
habituel et employé comme synonyme de cottonner.
(V. ce mot.) (V, p. 24$.)
84 Lexiq^ue
Encourir {S'), v. réfl., employé dans le centre de la
France pour : se mettre à courir.
Et s'en-courant vers sa mère
Luy monstra sa playe amère. (II, p, 27 1 .)
Encourtiner, v. trans., couramment employé au sei-
zième siècle. « C'est ombrager ou aussi tendre des
courtines et tapisseries. » (Nicot.)
Puis quand la nuict brunette a rangé les estoilles,
Encourtinant le ciel et la terre de voiles, 1
Sans soucy je me couche. (Disc, t. VII, p. 113.)
Encrouster, v. trans. (Nicot), signifiait au sens pro-
pre crépir. Ronsard emploie le dérivé encrousture
au figuré en parlant du fard. Ex. : (V, p. 365.)
Endemené, part, passé du verbe endemener, formé par
Ronsard à l'aiae du préfixe en et du verbe {se) dé-
mener = pétulant. (Fr. 11, t. III, p. 1 11.)
En-eaiier, v. trans., mot nouveau créé par Ronsard,
métamorphoser en eau. (I, p. 206.)
Enjançon, s. masc, ancien diminutif de enfant.
... et publioit d'une tremblante voix
De son jeune enfançon les festes et les loix.
(V ,p. 234.)
Enfanter, v. trans., employé comme intransitif par
Ronsard dans le sens de naître. Ex. : (I, p. 240.)
Enfariner, v. trans. (Nicot, Littré), au sens propre
dans Nicot; deux fois au sens ligure : blanchir,
dans Ronsard. (II, p. 278 et 318.)
Enferrer, v. act., au seizième siècle : charger de fers,
aujourd'hui percer d'un fer.
Dedans ses fers m'enferre emprisonné. (I, p. 43.)
Enfeuiller {S'), v. réfl., en parlant d'un oiseau, se
DE Ronsard. 8$
cacher, dans le feuillage, innovation de Ronsard.
(V. Enfieller et enfiévnr.)
... un jeune oyseau
Qui, s'enfeuillant dedans un arbrisseau.
(Am. I, 204, t. I, p. iij.)
Enfieller, v. trans., innovation de Ronsard, changer
en fiel, rendre amer comme le fiel.
Pour enfieller le plus doux miel des hommes.
(Am. I, CXVIII, t. I, p. 67.)
Trévoux fait suivre ce mot de cette note : « Ce
mot est vieux. C'est Ronsard qui s'en est servi ;
mais notre langue est devenue plus sévère, et la
poésie ne donne plus le droit de faire des mots
nouveaux. «
Enfiévnr {S'), v. réfl., innovation de Ronsard.
Le Dictionnaire de Trévoux ajoute : « Ronsard
a dit s'enfiévrir pour devenir fier ; enfieurir les plai-
nes pour les remplir de fleurs ; s'enfeuiller pour se
cacher dans les feuilles; s'englacer, etc. (V. ces
mots.) Tout cela est vieux et n'est plus d'usage. >
Enfieurir, v. trans., formé par Ronsard du préfixe
en et du verbe fleurir, a le même sens que le
simple.
Jamais repas ne me fut agréable
Si ton bouton n'enfleurit une table.
(Poèmes 1, t. VI, p. iio.)
... qu'on enfleure la terre
De roses et de lys, de lavande et de jonc.
0, p- 159)
En-fouer, v. trans., mot nouveau créé par Ronsard :
métamorphoser en feu, enflammer. (I, p. 206.)
Engarder, v. trans. (Nicot), empêcher. (I, p. 401.)
Engemmer, v. act., innovation de Ronsard; il a tiré
86 Lexique
ce verbe du suhsUnùï gemme, perle (lat. gemma),
En-glacer, v. trans., mot nouveau créé par Ronsard:
métamorphoser en glaçons. (I, p. 206.)
Engouer {S'), v. réfl. (Nicot, Littré), au sens propre :
s'embarrasser, s'obstruer le gosier. On disait aussi
anouer (Nicot), dans le même sens. Ex. :
(V,p. 33-)
Engonler, v. act., vieux mot, avaler.
... sans avoir
Premier engoulé l'amorce
Qui pendoit de ton sçavoir. (II, p. 339.)
Engraver, v. trans., vieux mot déjà tombé en désué-
tude au dix-septième siècle : graver profondément.
(Am. I, cm, t. I, p. 59.)
De là le substantif féminin engravnre, synonyme
de gravure. (Fr. li, t. III, p. 1 10.)
Enhorter, v. trans., vieille forme synonyme de exhor-
ter. (VIII, p. 115.)
Enjoncher, v. trans., innovation de Ronsard, syno-
nyme dQ joncher, couvrir de fleurs, de feuillages.
(Am. I, CLV, t. I, p. 89.)
Enluminer, v. trans., subsiste dans le sens restreint
de colorier, orner d'enluminures, ou au figuré : parer
d'ornements qui ont plus d'éclat que de naturel et
de goût. Ronsard lui attribue le sens étymologique :
remplir de lumière. (I, p. 4.)
■Enlustrer, v. trans., éclairer, illuminer. (I, p. 4.)
En-manné, vieux mot dont s'est servi Ronsard, pour
dire remplir de manne. (Nicot.)
Heureuse fut la mamelle enmannée
De qui le laict premier elle receut.
(Am. 1, 137, t. I, p. 78.)
DE Ronsard. 87
Ennouer, V. trans., innovation de Ronsard: lier,
nouer. (Am. i, GXXVII,t. I, p. 71.)
Ennuer {S'), v. réfl., innovation de Ronsard, en par-
lant du soleil : se couvrir d'un nuage.
Le soleil s'ennua pour ne voir telle mort.
(Ed. 1, t. IV, p. 20.)
Ennuyer, v. trans. (Nicot, Trévoux, Littré), est em-
« ployé comme intransitif par Ronsard. Ex. :
(I, P- 54-)
En-onder, v. trans., mot nouveau formé par Ron-
sard : faire onduler ses cheveux.
... les rets de ses beaux cheveux blons
En cent façons enonde et entortille.
(Am. I, XLI, t. I, p. 2J.)
Enreter, v. trans., innovation de Ronsard, prendre
dans des rets, dans des filets.
Les beaux yeux qui l'ont enreté.
(Am. I, chanson, t. I, p. d,2.)
Il est aussi verbe réfléchi. (III, p. 268.)
En-rocher, v. trans., mot nouveau créé par Ronsard :
métamorphoser en rocher. (I_, p. 206.)
Enroue, fém. du part, enrou, innovation de Ronsard
pour enrouée.
Pleine de bois, la charrette attellée
Va haut et bas par mont et par vallée,
Qui, gémissant, enroue sous l'effort
Du pesant faix, le versoit sur le bord. (III, p. 61.)
Enrouement, ancien adverbe (Nicot), dérivé de en-
roué. Ex. : (II, p. 416.)
Ensaffranné, adj. comp. créé par Ronsard, qui l'em-
88 Lexiq_ue
ploie comme épithète de l'aube : couleur de satran,
jaune comme le safran.
Incontinent que l'aube ensaffranée
Eut du beau jour la clarté ramenée.
(Fr.i, t. III, p. é$.)
Enseigner, v. trans., employé pour instruire avec un
régime indirect.
Nature d'elle-mesme à l'amour vous enseigne.
(I,p. 212.)
Enserrer, v. trans., vieux mot : enfermer. (I, p. 19.)
Ensuivre, v. trans., a le sens du latin insequi, pour-
suivre, suivre sans relâche.
Et de doublement ensuivre
Les deux mestiers de Pallas. (II, p. 20$.)
Entéléchie, s. fém. Muret l'explique ainsi : a Ma seule
âme, qui causez en moy tout mouvement, tant naturel
que volontaire. Entéléchie, en grec, signifie perfec-
tion. Aristote enseigne que ceste entéléchie donne
essence et mouvement en toutes choses, s
Ronsard l'emploie ainsi en s'adressant à sa maî-
tresse :
Estes vous pas ma seule Entéléchie ?
(Am. I, LXVIII, t. I, p. 41.)
Ententif, adj., vieux mot. {Roman de la Rose. J. Le
Maire, Palsgrave.) Attentif.
Ces trois sœurs, à l'œuvre ententives. (I, p. 91.)
Tant il est ententif à l'œuvre commencé.
(IV, p. 14.)
Enthyrsé, adj., formé par Ronsard pour désigner les
thyrses, javelots ornés de pampre et de lierre qu'on
portait dans les fêtes de Bacchus. Ex. :
(VI,p. 35I-)
DE Ronsard. 89
Entomber, v, trans., synonyme de tomber, innovation
de Ronsard.
Un peu de sable entombé sur ce bord.
(Fr. III, t. III, p. 149.)
Ronsard l'emploie aussi pour signifier : enterrer,
mettre dans la tombe.
Entombe si tu veux, ou donne aux chiens ta femme
Ou la jette en la mer, ou la baille à la flame.
(III, p. 302.)
Même acception : (VII, p. 202.)
Entomner, v. trans., synonyme de entourer.
(III, p. 117.)
Entrecassé, part, passé ; Nicot : * cassé, mais pas tout
à fait. »
Car leurs beaux ans entrecassez n'arrivent
A la vieillesse, ains d'âge en âge vivent.
(VI, p. 175.)
Entre-deux, ancien adverbe (Nicot, Littré), dans l'in-
tervalle... Ex. : (VI, p. 18.)
Entre-eveiller (Nicot), être à demi éveillé. Ex. :
(V,p. 105.)
On disait de même entre-dormir (Nicot), dormir
à demi.
Entre-parleur, s. masc, interlocuteur, dérivé de
entre-parler. Nicot indique le verbe seul. Ex. :
(VI,p.4«50
Entusiasme, s. masc. pour enthousiasme, semble être
de l'innovation de Ronsard, n'est pas indiqué par
Nicot. Ex. : (VI, p. 375.)
Entre-semé, part, passé employé par Ronsard pour
parsemé.
Ayant d'azur la robe entre-semée. (III, p. 93.)
90 Lexique
Entre-rompre,w. trans., ancienne forme du verbe in-
terrompre. Entre-rompu, interrompu, dont la con-
tinuité est rompue.
Mais ce portrait qui nage dans mes yeux
Fraude tousjours ma joye entre-rompue. (I, p. i8.)
Entr'oy (/), T^ pers. du prés, de l'ind. du verbe
entre-oiur ou entr'ouïr : « ouir imparfaitement »
(Trévoux).
J'entr'oy desja la guiterre. (VI, p. 359.)
En-verdurer, v. trans., mnovation de Ronsard : cou-
vrir de verdure. Ex. : (II, p. 234.)
Envieillir, v. trans., formé à l'aide du préfixe en et de
l'adjectif vieil, signifiait au moyen âge paraître ou
devenir vieux. Ronsard l'emploie dans ce second
sens. (I^,p. 305.)
Envis, préposition (du lat. invitas), malgré, vieux mot
encore usité au seizième siècle.
Or je t'aimeray donc, bien qu'envis de mon coeur,
Si c'est quelque amitié que d'aimer par contrainte.
(I, p. 209.)
En-voler, verbe habituellement réfléchi, est employé
par Ronsard comme verbe transitif.
De ton baiser la douceur larronnesse
Tout esperdu m'envole jusqu'aux cieux.
(Am. I, CCIX, t. I, p. 118.)
De même, en parlant d'Europe.
... cestela
Que le taureau sur sa croupe envola. (VI, p. 18.)
Épanir {S') ou épanouir : les deux verbes se trouvent
dans Nicot ; épanir est la forme la plus ancienne.
Je vous envoyé un bouquet que ma main
Vient de trier de ces fleurs épanies. (I, p. 397.)
DE Ronsard. 91
Épesse, orthographe de Ronsard pour épaisse, fémi-
nin de l'adjectif épais.
Or' que l'hyver roidit la glace épesse
Rechaufons-nous, ma gentille maistresse. (I, p. 218.)
Épinglier, s. masc. (Nicot), pelote ou étui à épingles.
Ex. : (II, p. 485.)
Êpoin:onner, v. trans., vieux mot qui signifiait exci-
ter, aiguillonner, piquer (Nicot).
... les amours qui ton âme époinçonnent. (I, p. 86.)
Synonyme espoindre (Nicot).
Époingt, orthographe de Ronsard pour espoint, parti-
cipe passé du vieux verbe espoindre ou epoindre.
(Nicot.) On disait aussi espoinçonner (Nicot).
Ex.:(I,p. 53.)
Équalement, adv., ancienne forme de également, n'est
pas dans Nicot, qui cite cependant e'^u^//7e et e^ua-
liser. Ex. : (IV, p. 267.)
Erratique, adj. quai. (lat. erraticus) : vagabond; em-
ployé par Ronsard, Rabelais, subsistait au dix-
septième siècle comme terme d'astronomie appliqué
aux planètes et comme terme de médecine pour dési-
gner certaines fièvres.
De la Serene antique
Je verray le tombeau
Et la course erratique
D'Aréthuse... (II, p. 247.)
V. t. V, p. 159:
Les sept feux erratiques,
pour désigner les planètes. Les planètes connues
des anciens étaient Mars, Mercure, Vénus, Jupi-
ter et Saturne, et ils donnaient aussi le nom de pla-
nètes au Soleil et à la Lune.
92 Lexique
Erre, s. fém., au singulier signifie : la suite, le cours.
... quand la lune avec ses noirs chevaux
Creuse et pleine reprend l'erré de ses travaux.
(VI, p. 191.)
Erres, s. fém., au pluriel, terme de vénerie, a traces,
vestiges... On appelle aussi erres, les lieux par où
une bête s'enfuit de bon temps ou de mauvais temps,
ou de vieil temps (v. ces mots), c'est-à-dire comme
une jeune bête, ou une vieille qui est recrue. On
appelle aussi erres les pieds, routes et voies du
cerf... » (Trévoux.) (I, 255.)
V. le mot Vénerie.
Erreur, subst., le plus souvent masculin au seizième
siècle, est du genre commun chez Ronsard.
Et me remplit le cœur d'ingénieuse erreur.
(V, p. 191.)
Le désir, l'avarice et l'erreur insensé
Ont c'en dessus dessous le monde renversé.
(VII, p. 14.)
Es, anc. forme contr. pour dans les, couramment
employée au seizième siècle et par Ronsard.
Je veux mourir es amoureux combats.
(I, p. 28 et passim.)
Esbattre à... {S'), v. réfl., se plaire à (Nicot).
Celuy que Mars horriblement r'enflame
Aille à la guerre, et d'ans et de pouvoir
Tout furieux, s'esbate à recevoir
En sa poitrine une espagnole lame. (I, p. 46.)
Esbranle-rncher, mot composé, créé par Ronsard et
employé substantivement comme épithète de l'A-
quillon : s qui ébranle les rochers s . (I, p. 1 14.)
Escaillé, adj., couvert d'écaillés, en parlant des pois-
sons.
J'aimerois mieux vestir un poisson escaillé.
(IV, p. 291.)
DE Ronsard. 93
Ronsard l'emploie aussi substantivement.
Et pendu sur le bord, me plaisoit d'y pescher
Estant plus resjouy d'une chasse muette
Troubler des escaillez la demeure secrette.
(I, P- 363.)
V. Vestir.
Escarce, féminin employé substantivement de l'ancien
adjectif eschars (Nicot), echars, escars (Chronique
des ducs de Normandie. Romande Berthe aux grands
pies) : avare, chiche, parcimonieux. Épithète de la
mort. (II, p. 350.)
Nicot cite l'adverbe eschar cément (lat. : avare).
Escarder, v. trans., forme populaire ancienne pour
carder.
Les fait filer, les laines escarder,
Ourdir et coudre... (III, p. 144.)
Escarmoucher, v. intr. ou réfl., s'escarmoucher, vieux
mot déjà employé par Froissart, et qui remonte
plus haut (Nicot, Littré). (V. Diez, Grammaire :
étymologie de ce mot. Cf. italien : scaramucciare,
espagnol : scaramuçar, haut allemand : skerman,
combattre.) Au sens propre : se livrer à des escar-
mouches, au sens figuré employé par Ronsard : en
parlant des cheveux follets ébouriffés sur le front.
(I, p. IIO.)
Eschanffaut, s. masc. pour échafaud, « ouvrage de
charpenterie élevé en forme d'amphithéâtre pour y
placer des spectateurs » . (Tré/oux), par exten-
sion : théâtre, scène.
... lors Jodelle heureusement sonna.
D'une voix humble et d'une voix hardie,
La comédie avec la tragédie,
Et d'un ton double, ore bas ore haut.
Remplit premier le françois eschauffaut. (VI, p. 45.)
94 Lexique
Eschekr, v. trans. (Nicot), forme antérieure à escala-
der dont il a la signification. Ex. : (V, p. 175.)
Esclater, v. trans., briser, rompre : innovation de
Ronsard signalée par Marcassus. Ex. : (V, p. 152.)
Esclater {S'), forme réfléchie du verbe éclater employé
au seizième siècle pour le v. intr. (Nicot.)
Maint gros tonnerre ensoufré s'esdatoit. (Ill, p. 93.)
Esclouit, 3® pers. sing. du parf. défini du verbe es-
clorre (Nicot), ancienne forme de éclore. Ex. :
(V,p. 23.)
Escofion, s. masc. (orth. de Ronsard), ou Escoffion
(Trévoux) : bonnet, » coëffure des femmes du
peuple I (Trévoux). Dans Ronsard : bonnet élé-
gant. Ex. : (I, p. 210.)
Ailleurs il emploie la forme scophion.
(VI,-p. 81.)
Escrageant, part. prés, du verbe escrager, pour es-
cràser = écraser, aplatir en comprimant. Ex. :
(VI, p. 70.)
Escrimer, v. n. (italien schermare), faire des armes. ^
Regarde en s'esbatant l'olympique jeunesse
Pleine d'un sang bouillant aux joustes escrimer.
(Sonnets pour Hélène, I, p. 338.)
En escrimant... (I, 375.)
On le trouve encore ailleurs.
Ny escrimer, combattre a la barrière.
(Odes retr., t. Il, p. 4$$.)
Ronsard en tire le substantif escrimeur.
C'est l'épithète qu'il donne à Pollux.
Après avoir prié, dévotieux.
Les deux jumeaux qui décorent les cieux. . .
DE Ronsard. 95
L'un escrimeur en vers tu descriras,
L'autre donteur des chevaux tu diras...
(Odes retr., t. II, p. 400.)
Escnmler, adj, quai., épithète de Vénus, née de
l'écume de la mer.
Escumière Venus. (I, p. 168.)
Je l'accompare à l'escumière fille. (I, p. 25.)
Esgrafigner ou égraffigner, forme plus ancienne que
égratigner (Nicot), dont elle est synonyme.
(III, p. 98.)
Esguière, s. fém., ancienne forme du subst. aiguière :
Nicot indique les deux : esguière vient de esgue^ qui
existait en même temps que aiguë, d'oii aiguière.
(Fr. II, t. III, p. 116.)
Esjoulr {S'), V. réfl.; nous avons conservé le dérivé se
réjouir.
Dessous leurs pieds la campagne arrosée
S'éjouira de manne et de rosée. (IV, p. 139.)
Eslever {S'), v. pron. Ronsard lui attribue le même
sens que se lever.
Si tost que l'Aube à la face rosine
Eut le soleil tiré de l'eau marine,
Francus s'eslève... (III, p. 108.)
Esmorcé, part, passé employé par Ronsard pour
amorcé. Ex. :
...un pistolet bien esmorcé. (III, p. 407,)
Espace, s. masc. et fém.
Devant la porte en assez long espace
Large, quarrée, estoit une grand' place.
(Fr. ii,t.III, p. Mj.)
Pour t'enfuir longue espace devant
Le tard vaisseau qui t'iroit poursuivant.
(Poèmes, Regrets de Marie Stuart pour elle-même.
(VI, p. 27.
Ç}6 LEXIQ.UE
Espasmé, forme ancienne et populaire du mot : pâmé.
Ainsi pleurant, Francus elle accolla,
Puis espasmée au logis s'en alla. (I, p. 76.)
Esparsement, adv. dérivé de espars (Nicot), appliqué
aux cheveux de l'Aurore : flottant de tous côtés.
Ex. : (I, p. $4.)
Esparvanche, s. fém. employé par Ronsard pour :
pervenche.
De verts lauriers et vertes esparvanches.
(Vil, p. 201.)
Espervier et Esprevier (par métathèse), s. masc,
. double forme du même mot : épervier. Ex. :
(VIII, p. 116 et 144.)
Espoint, part, passé du verbe transitif espoindre ou
époindre, vieux mot qui signifiait piquer, aiguil-
lonner. (Nicot.) V. époingt, époinçonner.
Celuy qui vit en ce poinct.
Heureux, ne convoite point
Du peuple estre nommé Sire,
D'adjoindre au sien un empire
De trop d'avarice espoint. (II, p. 355.)
Espoîs, s. masc, terme de vénerie. Epois se dit de
chaque cor ou sommet de la tête d'un cerf... Il y a
des épois de coronure, de paumure, de trochure et
enfourchure dans le bois et la tête d'un cerf. (Tré-
voux.) (I, 254.)
V. le mot Vénerie.
Espose, abréviation pour espouse, licence que Ronsard
autorise dans son Art poétique. (V. Introduction :
Théories de R...)
Espouvanteux, adj. quai, créé par Ronsard, synonyme
DE Ronsard. 97
de : épouvantable, qui inspire l'épouvante. Un seul
exemple :
... d'espouvanteuse œillade. (Disc, t. VII, p. 83.)-
Il emploie fréquemment : épouvantable.
Esprit, s. masc. employé avec le sens du lat. animas,
dans l'expression animas addere: souffle, ardeur.
Tous deux de garbe et de courage grans,
Donnans l'esprit aux chevaux par les tlancs,
D'un masle cœur au combat s'esiancerent.
(III, p. 128.)
Essein, s. masc, orth. de Ronsard pour essain
(Nicot) {ei = ai) : essaim. Ex. : (I, p. 229.)
Essorer {S'), v. réfl., terme de -vénerie : prendre
l'essor.
... un jeune oyseau
De branche en branche à son plaisir s'essore.
(Am. 1, CCIV, t. I, p. 115.)
Essueil, s. masc. employé par Ronsard, Rabelais,
pour seuil.
... àl'essueil de son huis... (VI, p. 198.)
Essuy, s. masc, subsiste comme terme de métier et
signifie le lieu 011 les tanneurs mettent sécher le
cuir. Cf. le vieux mot françois essoute, s. fém.,
lieu où l'on se met à couvert de la pluie. [Diction-
naire de Lacombe.) Ici, terme de vénerie : abri.
Il, 255.)
V. Vénerie.
Estaim, s. masc, terme technique, partie la plus fine
de la laine cardée (lat. stamen).
Trévoux : « C'est le plus fm de la laine qui n'est
appelé étaim que quand il est tiré de la laine. t>
Le mot subsiste encore de nos jours, estaim ou
Lex. Ronsard. n
98 Lexique
étainij c'est une sorte de longue laine qu'on a fait
passer par un peigne ou grande carde. Lorsque
cette laine a été filée et qu'elle est bien torse, on
l'appelle fil d'estaim, et c'est de ce fil qu'on forme
les chaînes de tapisseries de haute et basse lice. De
là est venu le mot estame (syn. de estaim), employé
dans les expressions fil d'estame, gants d'estame,
bas d'estame (gants, bas, fabriqués avec cette sorte
de fil).
De là le dérivé estamet, s. masc, petite étoffe
de laine, et aussi étamine.
Ronsard emploie estaim pour désigner la laine
cardée, t. I, p. 220.
Estofer, v. trans., « signifie en général employer de
bonne étoffe, de bonne matière, et n'épargner ni la
qualité ni la quantité i . (Trévoux.)
Si chasteaux, si citez de marbres estofées,
Vieillissent... (III, p. 259.)
Nicot cite l'expression : bien garnir et estofer
les villes de frontières.
Estoiipé, part, passé du verbe estouper, garnir d'é-
toupe, boucher avec de l'étoupe : au fig. boucher.
De limon et de sable et de bourbe estoupée,
Claire ne couroit plus la source Aganippée.
(III, p. 274.)
Estourbillon, s. masc, vieux mot (Nicot), tourbillon.
Ex. : (VI, p. 368.)
Èstourdiment, s. masc, abréviation de estourdisse-
ment. Ex. : (V, p. 25.)
Estrange, adj., employé dans l'ancienne langue et par
Ronsard avec le sens d'étranger,
... et i'estrange arondelle
Fait contre un soliveau sa maison naturelle.
(I,p. 184.)
DE Ronsard. 99
Estre, s. masc, employé pour désigner la condition
de l'homme sur la terre :
En ce bas estre. (VI, p. 372.)
En ce bas monde.
Etéal, adj. quai., créé par Ronsard : de l'été.
... le Chien etéal (la Canicule). (VI, p. 410.)
Ethlope, adj., employé par Ronsard pour éthiopien,
seul indiqué par Nicot.
... la conduit jusqu'au rivage Ethiope. (II, p. 71.)
Évangile, s. masc. aujourd'hui, a été longtemps fémi-
nin; cité par.Palsgrave comme nom de genre com-
mun, il est employé par Ronsard comme féminin.
Ne presche plus en France une Evangile armée.
(VU, p. 22.)
Évaste (gr. èuaaTfjç), qui célèbre les bacchanales, un
des surnoms de Bacchus. (V, p. 237.)
Éventer, v. trans. (Nicot, Trévoux, Littré), au sens
propre signifie : exposer au vent, et au figuré :
mettre à l'air, au jour, divulguer. C'est dans un
sens intermédiaire entre ces deux acceptions que
Ronsard l'emploie. (I, p. 11.)
Évesché, s. masc. aujourd'hui, a été féminin jusqu'au
seizième siècle et est employé comme féminin par
Ronsard.
... avoir tout le chef et le dos empesché
Dessous la pesanteur d'une bonne evesché.
(VII, p. 98.)
Evien (grec eOioç), bachique, inspiré, prophétique.
Eùi'oç, surnom de Dionysos.
Ronsard dit aussi : Evie et EvoUen.
(VI, p. 54, et V,^p^237.)
MUOTHECA
100 LEXIQ.UE
Exercite, s. masc. (exercitus), armée.
Ronsard n'a employé qu'une fois ce substantif.
Qui contera l'exercite des nues.
(Hymnes retr., t. V, p. 287.)
Il existait déjà dans la vieille langue. Palsgrave
(Grammaire française, II, 6) en cite un exemple
tiré de J. Le Maire : « Il assembla un grant exer-
cite et merveilleux peuple de toutes gens puis-
sants... î
Exer citer, v. trans.
1° Exercer, pratiquer un art.
Dedans l'enclos de nos belles citez
Mille et mille arts y sont exercitez.
(Recueil des hymnes retr., t. V, p. 287.)
2° S'exerciter, v. réfl., s'exercer, prendre de
l'exercice.
Ore nager, luitter, voltiger et courir
M'amusent sans repos ; mais plus je m'exercite,
Plus amour naist dans moy...
(Am. II, XXV, t. I, p. 171.)
Face, ancienne forme du subjonctif pour fasse.
... que la chienne cuisante
Jamais dedans ton vaisseau
Ne face tarir ton eau! (II, p. 347.)
Facond,did]. quai, {ht.facundus), éloquent. Nous avons
conservé le subsi. faconde : mais l'adjectif a disparu :
Estimé le plus sage et facond de son temps.
0, p. 370-)
Facond est déjà cité par Palsgrave : il appartient
au plus ancien fonds de la langue.
DE Ronsard. ioi
Faconde, s. fém., vieux mot (Nicot, Littré), signi-
fiait : élégance de langage, éloquence. Pour Ron-
sard la lyrique faconde est la poésie lyrique.
(II, p. 62.)
Facteur, s. masc. {factor), au sens étymologique :
créateur, sens que n'indique pas Nicot. Ex. :
(V, p. 247.)
Faillir, v. intr., a deux acceptions.
i« Faire défaut, manquer.
Et ne partir d'icy jusqu'à tant qu'à la lie
De ce bon vin d'Anjou la liqueur soit faillie.
(I, p. 191.)
Z" Pécher, commettre une faute.
Nos ennemis font faute et nous faillons aussi.
(VII, p. 41.)
Ils faillent de penser qu'à Luther seulement
Dieu se soit apparu. (VII, p. 41.)
Faiscelle, s. fém. (lat. fasciculus) ; on écrivait aussi
faisselle et fesselle (Trévoux). Cf. le mot faisserie
onfesserie qui se disait de « tout ouvrage de van-
nerie T> (Trévoux) : paniers d'osier, claies et ici
spécialement vaisseau (forme) à faire des fromages.
Que pleines soient nos faiscelles
De fourmages secs et mous. (V, p. 260.)
Faitif, adj. Nicot en donne deux formes : faitifs et
faictiz qu'il traduit pdiV factitius, bienfait.
Ronsard n'a employé que la première :
... les souliers faitifs
D'un demi-pied luy estoient trop petits.
(Poèmes I, Le Satyre, t. VI, p. 83.)
Se rattache certainement à la même racine que
faitis et faitissier (très usité en Anjou selon Mé-
nage), donnés par Trévoux comme synonymes de
102 Lexique
factice, et que l'adverbe faïtis dans cet exemple de
Pathelin où il signifie : fait exprès.
Je l'ai fait faire tout faitis (Pathelin).
Fallace, s. fém. (fallacia), tromperie.
Ronsard l'emploie dans son Bocage Royal :
Qu'on le jette aux chiens, puisqu'il a par fallace
Trompeta main, tes dieux, ton logis et ta grâce.
(III, p. 301.)
Le mot dont il se sert le plus souvent en ce sens
est cantelle, dérivé aussi du latin et d'un usage cou-
rant au moyen âge.
Famé, s. fém. (Jama), la Renommée.
Ronsard en fait un fréquent usage.
... la Famé qui parle et vole librement.
(Hymnes, t. V, p, 70.)
... et la Famé emplumée
Vivant bruira son nom. (V, p. 121.)
Mais il ne l'emploie que pour personnifier la
déesse de la Renommée. (V. encore VI, p. 107.)
De cette racine la langue moderne a conservé l'adj.
fameux et le participe famé. Ex. : mal famé.
Famine, s. fém., employé comme synonyme de faim.
Après qu'il eut du tout sa famine appaisée. (V, p. 33.)
Fanir, ancien v. intr., employé par Ronsard comme
verbe de la 2* conjugaison pour se faner.
Pareils aux champs qui fanissent. (II, p. 37.)
Ainsi ta fleur ne deviendra fanie.
(Am. 1, CXXIX, t. I, p. 73.)
Fantaisie, s. fém. (Nicot, Littré), avait encore son
sens étymologique ('fav-raaia), imagination.
Ex. : En parlant de l'Amour :
Il blesse les fantaisies
Et des hommes et des dieux. (II, p. 361.)
DE Ronsard. 103
Et(I, p. 295.)
De là le sens des mots '.fantastique tl fantastïqiier .
Fantastique, adj., esclave de sa fantaisie, de son
imagination.
Je ne suis courtizan ni vendeur de fumées,
Je ne saurois mentir, je ne puis embrasser
Genoux, ny baiser mains...
... je suis trop fantastique. (III, p. 283.)
Et (I, p. 440.)
Fantastiquer, imaginer, et comme l'explique Muret :
I feindre à sa fantaisie s . Sur les plus beaux fan-
tastique un exemple. (Am. I, 185.)
Fardeur, adj., dérivé par Ronsard du verbe farder :
qui farde.
... tel que fut de la playe Adonine
Le sang fardeur de la rose pourprine. (III, p. 134.)
Fasché de, ancienne expression synonyme de : fatigué
de, ennuyé de (Nicot). Ex. : (III, p. 200.)
Fatidique, adj. {fatidicus), qui prédit l'avenir.
Employé une fois par Ronsard.
Telle fut Œnoné, et nostre Melusine,
Et la vieille Manton, fatidique héroïne.
(El. XXIX, t. IV, p. 339.)
Faultier, adj. quai., pour fautif : sujet à faire des fautes,
et, en parlant d'un arc, à manquer le but. (I, p. 26 1 .)
Favorit (Nicot, Littré), ancienne forme du mot
favori. On retrouve le t dans le féminin favorite.
Ex. : (III, p. 397.)
Feinte, s. fém., employé par Ronsard avec le sens du
latin simulacrum, apparence fictive.
... nous ne sommes
Plus ces corps vifs, mais feinte de c^ hommes
104 Lexique
Que bien armez et prompts à tous hazards
En tes vaisseaux tu choisis pour soldards.
(III, p. io8.)
Felntise, s. fém., vieux mot, a deux sens.
1° Dissimulation.
... et masqué de feintise,
Ma vieille barbe et mes cheveux mesprise.
. ., . 0") P- '94-)
2° Air artificieux.
Encor davantage elle a
Je ne sçay quelle feintise. (VI, p. 355.)
Femelle, s. fém., a longtemps gardé son sens étymo-
logique (lat. femella, diminutif de femina), femme.
Encore usité avec ce sens dans la langue populaire.
Ex. : (II, p. 167.)
On a dit rnssi fume lie.
Fenestré, adj. quai., vieux mot (Nicot, Trévoux,
Littré), percé, ouvert, où il y a des fenêtres.
Ex. : (III, p. 365.)
Fhe, s. fém. {fera), bête sauvage.
Ce substantif est d'un usage commun chez notre
poète :
... Et les fères troublées
De peur se vont tapir au profond des vallées.
(Hymnes 11, VIII, t. V, p. 236.)
V. aussi Am. I, Sonn. 97, 1 1 1 , 1 57, et t. III,
p. 115.
Fermer, v. trans., employé par Ronsard au sens du
mot italien fermare, arrêter, fixer. Ex. :
(VI, p. 26.)
Ferré, adj., conserve encore le sens du \^ÙTi ferreus,
de fer.
... je lui feray cognoistre
A coups ferrez combien poise ma destre. (IV, p. 151.)
DE Ronsard, 105
Ferut, 3* pers. du sing. du passé défini de férir; on
employait alors concurremment une forme en i et
une forme en u au parfait et au participe.
Et tellement la douleur la ferut
Que par les champs hurlante elle courut.
(III, p. 189.)
Feste, orth. ancienne pour faiste, faîte.
La renversant du fond jusques au feste. (III, p. 92.)
Fevre^ s. masc. (de faber), vieux mot, artisan,' ou-
vrier. (VI, p. 412.)
Ailleurs il a le sens de forgeron, serrurier.
(II, p. 105.)
Fiance, s. fém. (Nicot), vieux mot dérivé de fidentla,
synonyme de asseurance (Nicot, Littré), confiance.
Ex. : (VI, p. 210.)
Fier, adj. quai., a le sens du himferiis, farouche,
victime de l'Orque noir,
De l'Orque qui ne pardonne,
Tant il est fier, à personne. (II, p. 163.)
Fier-doux, adj. comp., créé par Ronsard, cruel et
doux en même temps. Épithète de Vénus à qui
ailleurs il applique celle d' aigre-douce.
Vénus la fière-douce. (I, p. 272.)
V. doux-fier, doux-amer, aigre-doux.
Fier-humble, adj. comp., créé par Ronsard.
Une humble-fière et fière-humble guerrière.
(I, p. 68.)
Figuette, s. fém., diminutif de figue : petite figue.
Cf. le mot^o-on^ mâcheur de figues, cité par Cot-
grave et appliqué aux Milanais par allusion à la
punition que leur infligea Frédéric Barberousse.
Ex. : (VII, p. 298.)
io6 Lexique
Figuré, part, passé, employé avec l'ancienne accep-
tion dérivée du latin : figuris ornatus, distinctus,
orné, couvert de figures.
Elles en ton honneur d'une boucle azurée
Graffaient sur leurs genoux leur cotte figurée.
(V, p. 234.)
Fils-d'œuf, adj. comp., innovation de Ronsard; appli-
qué à Castor par allusion à la légende mythologique
de Léda.
Castor fils-d'œuf. (VI, p. 48.)
F'ds-de-pluye, adj. comp., innovation de Ronsard qui
l'applique à Persée. t II faut voir en ce héros, dit
M. yidiUry {Histoire des religions), une image des
eaux, qui s'élevant de la terre par l'évaporation
solaire, vont se condenser dans les nues. i>
Perse fils-de-pluye. (VI, p. 48.)
Fine, part, passé de l'ancien werbefiner : cesser, finir
(Nicot, Littré).
Au moins en sa douleur l'homme auroit espérance
De vivre aise à son tour après le mal fine.
(IV, p. M9-)
Et (II, p. 477.)
Flageol, s. masc, vieux mot antérieur à flageolet.
Qui musette et flageol à ses lèvres usa
Pour te donner plaisir. (I, p. 184.)
De là le verbe : Flageoller ou Flageoler, v. trans.,
jouer sur le flageolet.
Flageollant une eclogue en ton tuyau d'aveine.
(I, p. 322.)
Flair, s. masc, odeur, signification vieillie du mot.
Ex. :(I, p. 195.)
Flammer, v. intr., pour flamber (Nicot), synonyme
de flamboyer. Ex.: (VI, p. 38.)
DE Ronsard. 107
Flandroîs,^d]., pour flamand.
... au rivage flandrois. {III, p. 327.)
Flateresse, fém. de l'adj. flatteur.
... la tourbe flateresse.- (VI, p. 194.)
Fleurer bon, répandre une bonne odeur (Littré).
Ex. : (I, p. 190.)
D'où Fkurage, s. masc, détourné par Ronsard
de son sens pour signifier un amas de fleurs.
(I, p. 89.)
Flo-flotant, part, prés., formé par redoublement de la
première syllabe, licence que se permet souvent
Ronsard.
D'une flo-flotante vois. (Odes v, XII, t. II, p. 348.)
Fleuron, s. masc. (Nicot, Littré), diminutif de fleur,
fleurette. Ex. : (II, p. 168.)
D'oii le verbe Fleuronner, v. intr. : fleurir, être
dans sa fleur (Nicot). Ex. : (II, p. 17.)
Fluctueux, adj. quai., agité par les flots.
... l'abîme
De leur mer fluctueuse. (II, p. 221.)
Folleton, adj., diminutif de follet (qui est lui-même un
diminutif de fol, fou).
Poil folleton où nichent mes liesses. (I, p. 1 17.)
Fontaine-Bleau, nom propre, orthographe de Ron-
sard pour Fontainebleau. (II, p. 301.)
Fontanler et Fontainler, adj., créé par Ronsard qui
lui attribue deux sens.
i" Où sourdent des fontaines.
Et ces fontanières prées
Diaprées
De mille tapis herbus.
(Voy. d'Hercueil, t. VI, p. 364.)
io8 Lexique
2° Qui habite les fontaines, qui préside aux
sources.
Bien tost verras tes Faunes et tes Pans
Courir après tes nymphes fontainières. (III, p. 332.)
Fontelette, s. fém., diminutif de fontaine.
(Odesv,XII,t.II, p. 345.)
Quelques vers plus haut, Ronsard dit Fontenette
(ibid., p. 344).
Forbanni, part, passé employé adjectivement, innova-
tion de Ronsard pour banni.
Les os d'Hector forbannis de l'Asie. (I, p. 42.)
Forçable, adj. quai., employé par Ronsard dans le
sens de : qui peut être forcé, pris d'assaut.
Ce chasteau que tu vois par arme n'est forçable.
(IV, p. 130.)
Forcener, v. intr., vieux mot (Nicot), estre forcené :
c'est-à-dire « estre hors du sens t (for-sené). Ex. :
(I, p. 131, t. II, p. 196.)
D'oiî les substantifs forcenement et forcenerie
(Nicot).
Forcenerie est dans Ronsard. (VIII, p. 149.)
Forcere, s. masc, on forçaire, orthographe de Ron-
sard pour forçat. (Un exemple aussi ded'Aubigné.)
. . . d'un prisonnier enchaisné
Ou d'un valet, ou d'un forcere,
Qui est esclave d'un corsaire. (I, p. 170.)
Je vous servy et non comme forçaire.
(Sonnets pour Astrée, X, t. I, p. 271.)
Forestier, adj. quai. (Nicot), ancien sens du mot :
qui habite les forêts, qui préside aux forêts. Ex. :
. (V, p.199-)
For huer, v. n. ou plutôt forhuir (Trévoux), terme de
DE Ronsard. 109
vénerie qui signifie donner du cor... du huchet, pour
rappeler les chiens.
V. Huchet et Vénerie.
Je descouplay mes chiens, et forhuant après,
Les nommant par leurs noms. (I, p. 2jj.)
Fortiîude {fortltudo), s. fém. Courage; employé par
Oresme,' se trouve une fois dans les Œuvres mé-
dites en prose de Ronsard : « lesquelles vertus sont
fortitade, patience, etc. » (VIII, p. 156.)
Fortaner, v. trans. (lat. fortunare) (Nicot, Littré),
vieux mot que rien n'a remplacé : rendre fortuné,
riche, heureux. Ex. :
Il appartient aux astres, mon Astrée
Luire, sauver, fortuner et conduire. (I, p. 266.)
De même : (II, p. 104.)
Forussis, adj., formé par Ronsard sur le modèle ita-
lien/uorujc/?/_, bannis.
(Naples). Que les Chalcidiens forussis habitèrent.
(Hymnes i, V, t. V, p. 92.)
Fosselu, adj., marqué de fossettes; fréquemment em-
ployé par Ronsard.
Ny son menton rondement fosselu. (I, p. 28.)
Foule {à} (Nicot), ancienne expression remplacée par
en foule (Littré). On disait aussi à grand foule.
Ex. : (III, p. 266.)
Foulures, s. masc. pi. Vénerie : On dit ^ussi foulées :
ce sont les marcjues que le pied du cerf laisse sur
l'herbe, les feuilles, le sable. On appelle ces mar-
ques la voie du cerf, quand elles sont sur la terre
nette. (Trévoux.) (I, 255.)
V. Vénerie.
Fourière, s. fém. de fourrier, a Marot appelle l'Aurore
110 LEXIQ.UE
la fourrière du soleil, parce qu'elle précède le soleil,
comme les fourriers précèdent la Cour. > (Tré-
voux.)
Il signifie de même avant-coureur pour Ronsard
qui en a fait un emploi analogue :
Mais le soir est venu, et Vesper, la fourière
Des ombres, a desja respandu sa lumière.
(IV, p. 69.)
Fourmi^ fém. aujourd'hui, a été longtemps masculin.
Mais tu vis par les sillons vers
De petits fourmis et de vers. (VI, p. 349.)
Fouteau, s. masc, ancien diminutif de /ou_, hêtre (lat.
fagus), d'oij fagutilUus (r*)^ faultiau, fouteau. On
disait mssifayard (Littré), fayant ou. hestre (Nicot)
et /au. Ex. : '(V, p. 65, et VI, p. 325.)
Ailleurs Ronsard orthographie /oujf^au. Ex. :
(III, p. 165.)
De fouteau, foutelaiej lieu planté de hêtres, hêtraie.
Fouyer, s. masc, orthographe et prononciation du
Centre pour foyer.
... accroupis dans le fouyer cendreux. (I, p. 218.)
Franchise, s. fém. (Nicot, Littré), indépendance. Sens
ancien de ce mot. Ex. : (III, p. 68.)
Frayoir, s. masc, terme de vénerie, lieu oiî les cerfs
vont frayer, en frottant leur bois contre les arbres.
Frayer : se dit des cerfs qui frottent leur bois
contre les arbres pour en faire tomber la peau velue
qui le couvre. (I, 255.)
V. Vénerie.
Frenaisie, s. fém. (Nicot), pour frénésie : délire, fu-
reur voisine de la folie. Ex. : (I, p. 278.)
Frères-dieux, mot composé créé par Ronsard, Ex. :
(VII, p. 162.)
DE Ronsard. i i i
Freskr, v. trans., vieux mot (Nicot), de fr es le, fra-
gile, fêler, briser. Cf. la forme du moyen d.ge,frételé
{Roman de la Rose), brisé, puis sali. Ex. :
(III, p. 338.)
Fresnler, fém., Fresnière, adj. quai., innovation de
Ronsard : de bois de fresne. (III, p. 334.)
Fretillard, adj. quai., pour frétillant (lat. lascivus).
Mi-tirant sa langue fretillarde. (I, p. 106.)
De même :
... elle me darde
Sa languette fretillarde. (Odes 11, VII, t. II, p. 146.)
Fromenteux, adj. quai., qui produit le froment. Un
exemple :
Voy ces rochers au front audacieux,
C'estoient jadis des plaines fromenteuses.
(Poèmes, t. VI, p. 128.)
Front-cornu, adj. comp., créé par Ronsard : épithète
qu'il applique aux Faunes,, aux Satyres.
... les Faunes front-cornus. (VI, p. 372.)
Fruitier, adj. employé par Ronsard comme synonyme
de riche en fruits.
... le fruitier automne. (III, p. 161.)
Nous avons conservé l'expression : jardin frui-
tier, et le subst. fruitier, fém. fruitière.
Fueillard, orth. de Ronsard, o\i Feuillard^ s. masc. En
termes de blason, on a donné ce nom aux lambre-
quins à cause de leur ressemblance avec les feuilles
d'acanthe.
Ronsard l'emploie dans un sens particulier : cou-
ronne de feuillage.
... un dodonien fueillard
Faisoit ombrage aux tresses blanches
De leur chef tristement vieillard.
(Odes I, X, t. II, p. 91.)
112 L E X I Q_U E
Fuitif, adj. quai., forme antérieure à fugitif (Nicot in-
dique encore les deux).
... et, sans tenir promesse,
Marche, fuitif, où l'orage le presse. (III, p. 145.)
Fumées, s. fém. pi., terme de vénerie : excréments des
cerfs et autres fauves. Ex. : (I. 255.)
V. Vénerie.
Fum'ière, s. fém., vieux mot qui signifiait /umeg et
fumier. Ces deux mots se confondaient sous la
forme fumer indiquée par Nicot : « fumer, voir
fumée et fumier. »
Fumière dans Ronsard signifie fumée.
(",P-443-)
Fanerai, adj. quai. (ht. funeralis), funèbre, qui se rap-
porte à la sépulture.
Fit des tombeaux, funérales maisons. (III, p. 108.)
Fuseau. V. Fusée.
Fusée, s. fém. (Nicot, Littré).
\° Ce qu'un fuseau contient ou peut contenir de
fil. Ex. : (IV, p. 231.)
2° Le fuseau lui-même, Ex. : (III, p. 49.)
Ronsard emploie aussi fuseau. Ex. :
(III, p. 312.)
Fust, s. masc. ; on appelait jadis fût, le bois de la
lyre.
... Après avoir usé
Cordes et luth et fust, je me suis abusé
A louer les seigneurs. (III, p. 374.)
Fuzil, s. masc, on fusil (Nicot, Littré), signifiait au
propre : la pièce d'acier qu'on frappe contre un
silex pour en faire jaillir des étincelles ; au figuré
DE Ronsard. 115
dans Ronsard : cause (emploi analogue du mot
brandon ■mpnvà'hm). (III, p. 234.)
Ga^er, v. trans., employé dans le sens très particu-
lier de : louer à gages.
Tu dis que j'ay gagé ma Muse pour flatter ?
(VII, p. 117.)
Gaignages ou Gagnages, s. masc. pi. L'ancienne
langue possédait les deuxmots gaignages et gai-
gnesie, s. fém., pour désigner les pâturages, les
prés fauchés.
En vénerie, se dit des terrains où les fauves vont
paître ou viander. (I, 255.)
Dedans faisoit sa bauge une beste sauvage
Qui jamais autre part ne cherchait son gaignage.
(Songe III, p. 289.)
V. Vénerie.
Gallant, subst. dérivé de l'ancien verbe galer, se ré-
jouir : signifiait un bon vivant, un joyeux compa-
gnon, un gaillard (comme on dit encore aujour-
d'hui).
Meurs, gallant! c'est assez beu. (II, p. 164.)
Garbe (ital. garbo), aujourd'hui galbe, contour, pro-
fil d'une figure ; déjà du temps de Henri Estienne la
prononciation galbe tendait à prévaloir. Ce mot
autrefois féminin est aujourd'hui masculin. Ronsard
n'en offre qu'un exemple.
Et monstroit à son port quel sang le concevoit.
Tant la garbe de prince au visage il avoit.
(Boc. Roy., t. III, p. 307.)
Lex. Ronsard. 8
114 Lexique
Garni, part, passé. Ronsard lui attribue le sens perdu
aujourd'hui de : doué, pourvu.
Le vieil Amblois, dont l'âme estoit garnie
De prophétie... (III, p. 201.)
Gauche, adj. quai., employé par Ronsard dans le sens
figuré du latin slnister, défavorables
... mais vostre fier orgueil
Ne s'amollit jamais pour larmes ny pour dueil,
Tant d'une gauche main la Parque ourdit ma vie.
(I,p. 323.)
Ailleurs il a le sens de : favorable, appliqué aux
présages tirés de la foudre. Ex. : (V, p. 71 .)
Gaufré, part, passé du verbe gaufrer qui signifiait au
sens propre faire une gaufrure (Nicot) : « gaufrure en
broderie, c'est quand parmi la broderie ou ouvrages
d'habillement, une étoffe est cueillie en toupeau,
quelque forme que ledit toupeau représente. » Ron-
sard emploie gaufré au figuré pour désigner les cel-
lules des abeilles qui semblent tuyautées. Ex. :
(III, p. 336.)
Gausser, v. trans., vieux_ mot (Lacombe, Littré),
synonyme de gaudir (Nicot), signifiait :
1° Railler.
2" Dire des plaisanteries.
Ronsard lui donne un sens voisin de : reprendre
un refrain. Ex. : (Fr. Il, t. III, p. 1 18.)
Ga^ac, s. masc, ou ga'iac (Littré). Le bois de galac
jouissait d'une très haute réputation pour la guéri-
son des rhumatismes et des maladies scrofuleuses.
Ex. : (V, p. 220.)
Géant, subst. (Nicot, Littré), est employé comme
adjectif par Ronsard : pour gigantesque (Littré),
ou géantin (Nicot). Ex. :
Son corps estoit géant... (IV, p. 106.)
DE Ronsard. 115
Gêantin, adj. quai. (Nicot), gigantesque.
Et le merveilleux tour de ses os géantins.
(V, p. 57.)
Gemme, s. fém. {gemma), perle.
Ronsard l'emploie fréquemment : il en a même
formé l'adjectif gemmeux et le verbe actif engem-
mer. (V. ces deux mots.)
Ny dedans l'or les gemmes bien encloses.
(Am. I, LX, t. I, p. 36.)
Gemmeux, adj. quai., dérivé du subst. gemme. Ron-
sard l'emploie au sens propre et au figuré.
I** Sens propre : riche en pierres précieuses.
Ny des Indois la gemmeuse largesse.
(Am. I, 189, t. I, p. 107.)
2" Sens figuré : émaillé de fleurs qui brillent
comme des pierres précieuses.
Dessus les fleurs d'une gemmeuse prée.
\ (Fr. n, t. III, p. 112.)
Au sens figuré RonsaM emploie de même g^mme.
Et le bel esmail qui varie
L'honneur gemmé d'une prairie. (II, p. 342.)
Génial, adj. (lat. genlalis), nuptial, conjugal.
Cueillir dans mon panier un monceau de fleurettes
Afin de les semer sur ton lict génial. (IV, p. 68.)
Géniture, s. fém. (Nicot, Littré). Descendance,
Hgnée, fils.
Je serois engendré d'une ingrate nature
Si je voulois trahir ma propre géniture.
(Am. II, Élégie à son livre, t. I, p. 142.)
Germer, v. trans., pour gêner pris dans le sens très
particulier de fouler, presser.
... tous les ans il voirra sur l'automne
Bacchus luy rire, et plus que ses voisins
Dans son pressouer gennera de raisins. (III, p. 406.)
I I 6 L E X I QJJ E
Cent, s. fém., employé avec son acception étymolo-
gique.
0 heureuse la gent que la mort fortunée
A depuis neuf cents ans sous la tombe emmurée.
(VII, p. 43.)
Il l'emploie aussi dans le sens de : populace.
Au bruit de telle gent, qui murmuroit plus haut
Qu'un grand torrent d'hyver, (VI, p. 249.)
Gent, adj. quai, vieux mot, signifiait gentil et bien
fait. (Nicot, Littré.)
Aussi je ne voudrois que toy, quenouille gente,
Qui es de Vendosmois (où le peuple se vante
D'estre bon ménager), allasses en Anjou
Pour demeurer oisive et te rouiller au clou.
(I, p. 219.)
Gente, s. fém. (Nicot), ancienne orthographe du mot
jante : chacune des pièces de bois courbées qui for-
ment le cercle d'une roue. Ex. : (III, p. 199.)
Gentement, adv., vieux mot : Gentiment (Nicot).
... vous avez les cheveux
Gentement tortillez tout autour de l'oreille.
(I, p. 148.)
Gentil, adj. quai, signifiait beau, joli, mignon {lepi-
dus, veniistus, elegans), puis noble, pur, relevé
{honestus, venustus) (Nicot, Littré).
Tant vaut le gentil soin d'une muse sacrée
Qui peut vaincre la mort et les sorts inconstans.
(Sonnets pour Hélène, 11, t. I, p. 363.)
Germeux, adj. créé par Ronsard du mot germe. Il
l'emploie comme épithète du dieu qui renferme en
lui le principe, le germe des êtres, VAmour.
Père germeux de naissance. (Fr. II, t. III, p. 117.)
Ou du Priape antique.
DE Ronsard. 117
k.. grand dieu de génération
Père germeux de toute nation.
(El. XXVI, t. IV, p. 323.)
Ou de Vénus.
... la germeuse. (El. xxix, t. IV, p. 340.)
Une seule fois il l'applique à la terre et lui attri-
bue le sens de féconde :
Sillonnant par rayons une germeuse plaine.
(El. II, t. IV, p. 219.)
Glandeux, adj. quai., épithète du chêne, qui produit
le gland.
... un chesne glandeux. El. v, t. IV, p. 241.
dix, s. masc. {glis, gUrîs), loir (animal).
Ronsard est le seul auteur qui ait écrit ce mot en
français : aussi son commentateur P. de Marcassus
sent-il le besoin de l'expliquer par cette note :
c Petits animaux cendrez semblaoles presque aux
sourix, qu'on croit dormir six mois de l'année. »
Ce sont les loirs.
Ha que les Glix sont heureux, qui sommeillent
Six mois en l'an et point ne se réveillent.
(Boc. Roy., t. III, p. 364.)
Glongouter, v. intr., dérivé de glouglou, onomatopée
signifiant le bruit^ que fait une liqueur en sortant
d'une bouteille. Vieux mot populaire. Ex. :
(II, p. 444.)
Glout, ancien adj. quai. (Nicot, Littré) : glouton,
employé par Ronsard avec un complément. Ex. :
... glout de faim extrême. (IV, p. 218.)
Glout avait formé l'adverbe gloutement (Nicot),
goulûment, avidement. Ex. : (II, p. 134.)
Gloutenient. V. Glout.
Glueux, adj. quai., créé par Ronsard. Il a tantôt le
I I 8 L E X 1 Q^U E
sens de gluant^, épais comme de la glu, tantôt celui
de : qui a recours à la glu. Ex. :
... l'air glueux. (VII, p. 163.)
Un cruel oiseleur, par glueuse cautelle.
L'a prise et l'a tuée. (I, p. 211.)
Gommeux, adj., résineux.
... la flamèche gommeuse. (III, p. 166.)
Des bois qui sont gommeux de leur nature.
( (III, p. 213.)
Gorgondn, adj. quai., créé par Ronsard pour désigner
le bouclier de Pallas orné de la tête de la Gorgone.
Ex. : (VI, p. 254.)
Se gourmer, v. réfl., employé par Ronsard dans un
sens très particulier dans ce passage :
Tel voit-on le poulain, dont la bouche trop forte
Par bois et par rochers son escuyer emporte
Et maugré l'esperon, la houssine et la main,
Se gourme de sa bride et n'obéit aufrein. (VII, p. i $ .)
M. B. de Fouquières l'explique ainsi : « Se fait
une gourmette de sa bride, la saisit et en paralyse
les effets. Ici, au figuré sans doute, se moque de sa
bride... s Ne pourrait-on l'expliquer en prenant se
gourmer dans son sens le plus habituel : a faire
l'important, le fier à l'égard de... mépriser, etc. » ?
On ne voit point aisément la bride .devenue gour-
mette faciliter les révoltes du cheval.
C'est d'ailleurs le sens de se gourmer dans un
autre passage :
Or tu as beau gronder...
Te gourmer et t'enfler, comme autresfois au bort
La grenouille s'enfla contre le bœuf. (VII, p. 132.)
Gouspiller, v. act., synonyme de gaspiller (Nicot),
dépenser follement, dissiper.
La jeunesse des Dieux aux hommes n'est donnée
Pour gouspiller sa fleur... (VII, p. 312.)
DE Ronsard. 119
Goy, s. masc. On écrivait aussi gouet et goué : grande
et forte serpe dont les bûcherons se servent pour
couper le bois. ^
J'empoignay d'allégresse un goy dedans la main,
Puis, coupant par le pied le bois armé d'escorce,
Je le fis chanceler... (IV, p. 13.)
Grâce, employé dans l'expression de votre grâce :
par votre volonté.
... y vit-on mieux d'accord ?
Mars en tous lieux, de vostre grâce est mort.
(III, p. 381.).
Graffer, v. trans., abréviation de agrafer.
Elles en ton honneur d'une boucle azurée
Graffaient sur les genoux leur cotte figurée.
(V, p. 234.)
Grand, adj., a conservé sa forme invariable au féminin.
Par lesforests erre ceste grand bande. (III, p. 61.)
Grasset, adj. diminutif de gras. Nous avons conservé
dans la langue courante : grassouillet.
Ny le reply de sa gorge grassette. (I, p. 28.)
Ronsard emploie un autre diminutif de ce mot :
grasselet.
Pucelette grasselette. (VI, p. 353.)
Grateleux, adj. quai., qui est analogue à la gale, qui
pousse à se gratter (Nicot).
Tant le mal grateleux me démange à tout' heure.
(Boc. Roy., t. III, p. 284.)
Graielle, s. fém. (Nicot), Grattelle (Trévoux), gale.
Ex. : (VI, p. 395.)
Gratifier, v. trans. aujourd'hui (Littré), dans le sens
de accorder une Hbéralité, une gratification, est in-
transitif dans Ronsard avec le sens de : agir au
gré de... Ex. : (III, p. 233.)
120 Lexique
Gravelle, s. fém., employé comme synonyme de sable,
gravier.
... et son limon crasseux
Pour ce jourd'hui se change en gravelle menue.
(I, p. i88.)
Gref, adj. (lat. gravis), pesant, dur, pénible, vieux
mot repris par Ronsard.
Vous me laissez tout seul en un tourment si gref.
(Am. II, t. I, p. 193.)
Greigneiir, adj. au comparatif, plus grand; vieux mot
encore en usage au seizième siècle (Nicot). Ex. :
(I, p. 76.)
Grelissant, part. prés, d'un verbe grelir, dérivé de
grêle, imaginé par Ronsard : qui va en s'amincis-
sant. Ex. : (I, p. 137.)
Grenad, s. masc, créé par Ronsard par abréviation
du substantif féminin grenade, fruit du grenadier.
Ex. :(V,p. 285.)
Grève, s. fém., vieux mot cité par Palsgrave, signi-
fiait la partie antérieure de la jambe, le devant de
la jambe (Trévoux), fréquemment employé par Ron-
sard. (III, p. 161.)
C'est toy qui laves sa hanche,
Sa grève et sa cuisse blanche. (II. p. 345.)
Griffu, adj. quai., n'est ni dans Nicot ni même plus
tard dans Trévoux, armé de griffes, appliqué par
Ronsard aux soucis qui rongent le cœur, par allu-
sion au vautour de Prométhée. Ex. : (I, p. 438.)
Gringoter (Nicot), ou gringotter (Trévoux, Littré,
Acad.). On disait aussi gringuenoter (Nicot) et
gringuenotter (Trévoux) : gazouiller, en parlant des
petits oiseaux et principalement du rossignol. Ex. :
.. (IV, p. 273.)
Nicot cite gringuenottis, gazouillis.
DE Ronsard. !2I
Grippe-toat, adj. composé par Ronsard.
... le plaideur grippe-tout. (V, p. 260.)
Guarir, forme ancienne du verbe transitif guérir.
Guary ma playe et me prens à mercy. (III, p. 196.)
Guerdon, s. masc, salaire, récompense. Ce mot usité
pendant tout le moyen age_, au seizième siècle en-
core et plus rarement au dix-septième, a disparu de
l'usage courant.
Que mon service aura quelque guerdon.
(Am. I, XXIV, t. I, p. 15.)
V. aussi (III, p. 174.)
De là le verbe guer donner, et son participe passé
guerdonné dont Ronsard présente un exemple.
Les poltrons guerdonnés
Des plus dignes offices (charges).
{Œuvres inédites, t. VIII, p. 106.)
Guide, s. masc. aujourd'hui pour signifier celui qui
guide, s'employait jadis dans le même sens au fé-
minin (Nicot, Littré). Ex. :
La guide du troupeau. (II, p. 159.)
Guide, subst., a été féminin jusqu'au dix-septième
siècle dans le sens de : conduite (Trévoux).
Vien-t'en heureux ton haleine enfermer
Dedans ma voile, afin que sous ta guide
J'aille tenter ce grand royaume humide.
(III, p. 81.)
Guide-dance, adj. comp., créé par Ronsard à l'imita-
tion du grec. Épithète d'Apollon.
... Apollon le guide-dance. (VI, p. 342.)
Guimple, s. masc. dans Ronsard, est féminin dans
Palsgrave et Nicot : ce dernier indique deux for-
122 Lexique
mes : guîmple et guimpe, qui subsiste seul aujour-
d'hui et est du féminin.
Puis teste et col d'un guimple elles se cachent,
Qui, bien plissé, jusqu'aux pieds leur glissoit.
(III, p. 146.)
Gulsien, Gnisian et Guy sien, adj. quai,, tiré par Ron-
sard du nom du duc de Guise.
... des Guisiens le courage hautain. (VII, p. 47.)
Voyant le Guisian d'un courage indomlé.
(VII, p. 32.)
Et à Mme de Guise douairière.
... 0 mère de Guysienne. (IV, p. 199.)
Guiterre et guitterre, s. fém. (espagnol guitarra). Le
moyen âge disait : guiterne. Ronsard l'écrit : guit-
terre ou guiterre. Aujourd'hui guitare.
... Ne sonner à son huis
De ma guitterre. (Odes, m, XVI, t. II, p. 220.)
Ma guiterre, je te chante...
(Odes retr., 3, t. II, p. 387.)
H
Hagard, adj. quai., en fauconnerie s'applique à un
faucon qui n'a pas été pris au nid, mais après plus
d'une mue et qui est difficile à apprivoiser. Au
figuré : rude, farouche.
Tu ne dédaignes point d'un haussebec de teste
Ny d'un sourcy hagard, des petits la requeste.
(I, P- 370)
Haillonneux, adj. quai., en haillons.
Il te faudra d'un habit haillonneux
Vestir ton corps... (VI, p. 78.)
DE Ronsard. 123
Hain, s. masc, vieux mot. Trévoux donne les deux
formes hain et aîn : hameçon.
Je veux mourir pour tes beautez, maistresse,
Pour ce bel œil qui me prit à son hain. (I, p. 27.)
Halecret, s. masc, cuirasse légère faite de mailles ou
de lames de métal, déjà en usage sous Louis XI.
C'était une armure légère et complète, en fer
battu et en deux pièces ; elle régnait depuis le col
jusqu'aux gants et jusqu'aux genoux.
Styx d'un noir halecret rempare
Ses bras, ses jambes et son sein.
(Odes, I, X, t. II, p. 78.)
Halené, part, passé du verbe halener, dont la respira-
tion est agitée, haletante, émue.
Autour de Cassandre halenée
De mes baisers tant bien donnez
Vous trouverez la rose née. (II, p. 419.)
Halenée, s. fém., vieux mot encore usité au dix-sep-
tième siècle (ex. de Benserade), surtout en mau-
vaise part (Nicot, Trévoux) : t. air qui sort par la
respiration » (Trévoux), souffle. (IV, p. 72.)
Hallée, s. fém., haie. Nicot indique les deux en dis-
tinguant leur signification, e Hâle, s. masc, signi-
fie la grande ardeur du soleil en esté... Hâlée,
celuy ou celle qui ont le visage bruslé de l'air
chaud. » Ronsard emploie hallée au sens abstrait :
aspect du visage hâlé, teint halé. Ex. :
(V, p. 84.)
Hannir, v. intr., orthographe de Ronsard pour
hennir. (III, p. 332.)
Happer, v. trans. C'est, dit Nicot, un verbe naïf
trançois : « prendre de sursault et roideur... 1
Saisir vivement; sens plus restreint aujourd'hui
(Littré). Ex. : (V, p. 30.)
124 Lexique
Haqnebatier, s. masc, soldat armé d'une arquebuse,
qui se disait primitivement haquebute. (III, p. 52.)
Hardouers ou plutôt hardois, s. masc. pi., terme de
vénerie : petites branches d'arbre que le cerf écor-
che Q.ïi frayant dNtz son bois. (I, 255.)
V. Frayoir, Frayer, Vénerie.
Harpeur, s. masc, vieux mot {Roman de la Rose,
Palsgrave, Nicot), joueur de harpe.
C'est toy qui fait que Ronsard soit esleu
Harpeur françois... (II, p. 129.)
Harqueboiize, s. fém., forme ancienne du mot arque-
buse. On disait aussi haquebute, d'oiî haquebutier.
(V. ce mot.)
A coups de harquebouze ou à coups de mousquette.
(VI, p. 41.)
Harsolr, adv., se dit encore pour hier soir dans le
dialecte blaisois.
Harsoir en se jouant. (IV, p. 227.)
J'attachay des bouquets de cent mille couleurs,
De mes pleurs arrosez, harsoir dessus ta porte.
0, P- 314)
Hausse-bec, s. masc, mouvement de la bouche pour
indiquer le dégoût, le mépris, le dédain.
Tu seras assez tôt des medisans moqué
D'yeux, et de hausse-becs et d'un branler de teste.
(I, p. 142.)
De même, t. I, p. 370.
Hautain, adj. quai., employé au sens primitif du mot
haut. ï Ce terme s est pris autrefois en bonne
part, comme synonyme de grand, élevé. > (Tré-
voux.)
De ce palais éternel
Brave en colonnes hautaines. (II, p. 73.)
DE Ronsard. 12^
Haut-célébrant^ mot composé créé par Ronsard. Ex. :
(Odes.l, VI, t. II,p. 54,ett.IV,p. 288.)
Haut-louer, v. trans., mot composé créé par Ron-
sard, louer, célébrer hautement. (VII, p. 50.)
Haut-parlant, adj. composé créé par Ronsard : dont
le son est éclatant.
Et Les trompettes haut-parlantes
Celebroient les victorieux. (II, p. 305.)
Haut-tonnant, adj. composé, appliqué aux chevaux de
Jupiter, dieu de la foudre.
... ses haut-tonnants chevaux. (I, p. 201.)
Havement, adv. dérivé du verbe haver, havir, saisir
avidement (Nicot : avide).
Tout ainsi les colombelles
Trémoussant un peu des ailes,
Havement se vont baisant. (II, p. 146.)
Haje {^ue je), i^ pers. du prés, du subj. de haïr, an-
térieure à que je haïsse. Ex. : (IV, p. 283.)
Hébrieu, adj. quai., pour hébreu, hébraïque.
(V,p. 119.)
Hélénîn, nom propre pour Hélénus, fils de Priam et
frère de Cassanare. (I, p. 390.)
Herbine, s. fém., nom de Nymphe de l'invention de
Ronsard. (VI, p. 139.)
Herbh, s. masc, appartient à la langue du moyen âge
(Lacombe, DictS^ et n'est pas cité par Nicot : lieu
plein d'herbes. Ex. : (I, p. 359.)
Herculin, adj. tiré du subst. Hercule par Ronsard qui
l'emploie substantivement comme épithète appliquée
à Charles IX. (III, p. 312.)
126 Lexiclue
Et d'ailleurs à Henri de Navarre qui fiit plus
tard Henri IV. (V, p. 318.)
Hérisser, verbe employé intransitivement pour le verbe
réfléchi se hérisser.
Si nous oyons crier de nuict quelque chouan
Nous hérissons d'effroy... (IV, p. 306.)
Héros, s. masc. Le seizième siècle n'observait pas en-
core rigoureusement la distinction entre Vh muette
et Vh aspirée. (Palsgrave.) Ronsard éhde toujours
l'article devant héros. Ex. : (V, p. 23 et p. 295.)
Heur, s. masc, vieux mot employé par Ronsard dans
le sens de gloire (Nicot).
A ton esprit si grand ne falloit un village,
Ni le bord incognu de quelque bas rivage,
Mais grand ville et grand fleuve aggrandis de ton heur.
(V, p. 352.)
Heure (à la bonne), heureusement, sous une heureuse
influence.
Vostre vouloir soit fait à la bonne heure.
(III, p. 382.)
Heurer, v. trans., ancien mot dérivé de heur (Nicot),
qui avait formé heure, heureté, bien heurer : rendre
heureux. Ex. : (II, p. 311.)
Hideuseté, s. fém., vieux mot,* synonyme de hideur
(les deux sont dans Palsgrave).
... quand elle veit saisie
Sa face de vieillesse et de hideuseté. (I, p. 341.)
Hierre, s. masc, forme primitive du mot lierre. (Voir
Littré, Histoire du mot lierre.)
J'ay pour maison un antre en un rocher ouvert,
De lambrunche sauvage et d'hierre couvert.
(IV, p. 48.)
DE Ronsard. 127
/Ronsard emploie aussi la forme : lyerre.
(III, p. 320.)
Hirlandois, adj. pour Irlandais. Ex. : le nocher hirlan-
^0/5. (III, p. 327.)
Hocher, v. trans. (Nicot, Littré), secouer. Ex. :
(VII, p 262.)
Hoir, s, masc, héritier, usité encore aujourd'hui dans
la langue de la jurisprudence. (VII, p. 198.)
Hommace, s. fém., employé par Ronsard pour dési-
gner l'automne. (V, p. 194.)
Nous avons encore hommasse {ss = c) (Littré),
qui se dit par dénigrement d'une femme dont l'ap-
parence et les manières tiennent plus de l'homme
que de la femme.
Homme-femme, adj. comp., innovation de Ronsard
appliquée aux Galles, prêtres de Cybèle qui dans
leurs 'accès de fureur factice allaient jusqu'à prati-
quer sur eux-mêmes la castration. Il les appelle :
... hommes-femmes troupeaux. (VI, p. 114.)
Horologe, s. fém., ancienne forme du mot horloge.
On disait également horiloge, oreloge et horloge.
Et qui, loin de la ville et d'horologe, a mis
Un cadran naturel à l'essueil de son huis.
(VI, p. 198.)
Horreur, s. masc. au seizième siècle, aujourd'hui fémi-
nin.
Il luy souffla un horreur dans les yeux. (III, p. 70.)
Horribler, v, trans., innovation de Ronsard, «. rendre
comme sauvage et hérissé s . (Note de Richelet.)
Horriblant ton corps de la peau ^
D'un tigre... . (II, p. 27.)
(V. III, p. 177.)
128 Lexîqjje
Hostelage, s. masc. (Nicot), dérivé du vieux verbe
hosteler, loger, signifiait hospitalité. Ex. :
illl, p. 95 et 228.)
Ronsard orthographie aussi : hostellage.
(V, p. 50.)
Houper {Se), v. réfl. (ex. : de Marot), se garnir de
houppes...
Le bélier, colonnel de sa laineuse troupe,
L'eschine de toison pour les autres se houpe.
(IV, p. 219.)
Ronsard en dérive l'adjectif houpelu.
(VI, p. 39$-)
Hacher, v. trans., vieux mot français qui signifie appe-
ler.
Huche les vents. (Fr. i, t. III, p. 55.)
... Hucha les sœurs Néréides.
(Odes, IV, X, t. II, p. 261.)
Ce verbe avait formé le substantif huchet, cornet
^ dont on se servait pour appeler les chiens à la
~ chasse.
Trévoux: hncher, v. act., vieux mot qui signifiait
autrefois appeler, nommer. Clamore accersere. Il
n'est plus en usage que dans les provinces, en
picard huqner.
Trévoux : huchet, s. masc. C'est le petit cor
d'un chasseur ou d'un postillon, qui sert à hucher,
à appeler les chiens, les lévriers à la chasse {vena-
toria buccina). Ce mot vieillit, et en sa place on dit
cor.
On se sert du mot kuchet dans le blason. Ex. :
Horn porte d'or a trois huchets de gueules viroles
d'argent.
Ces deux mots subsistent dans la langue de la
vénerie.
DE Ronsard. 129
Huer, V. trans., terme de vénerie. Poursuivre de huées,
de grands cris le gibier pour le faire sortir de sa
bauge. On dit encore en ce sens : huer le loup.
... je devance
Ma chasse de vingt pas ; je la tance et retance,
Je la presse et la hue, allant tout à l'entour.
(Songe III, 290.)
Huguenotiser, v. intr., dérivé de huguenot : faire pro-
fession d'être de la religion réformée. Ex. :
(VII, p. 72.)
Huile, s. fém. aujourd'hui, était de genre commun au
seizième siècle (Nicot). Ronsard l'emploie au mas-
culin. Ex. : (III, p. 229.)
Huiler, V. intr., ancienne forme du verbe hurler. Ex. :
(II, p. 158.)
Humble-fier, adj. comp. créé par Ronsard. Nicot :
» humble en fait et en maintien, mais fier quand on
le fasche... 1»
Une humble-fière et fière-humble guerrière.
(I, p. 68.)
Humblesse, s. fém., vieux mot, synonyme d'humilité
(les deux sont dans Palsgrave, Nicot, etc.).
... l'arrogance est pire que l'humblesse. (I, p. 380.)
Et VI, p. 370.
Humeur, s. fém. (lat. humor), a deux acceptions diffé-
rentes.
i" Liquide quelconque, eau.
Comme un pin planté sur les eaux,
Bien nourri de l'humeur prochaine. (II, p. 199.)
2" La rosée.
La douce manne tombe
A jamais sur sa tombe
Lex. Ronsard. 9
1^0 . Lexiqjje
Et l'humeur que produit
Enmoy la nuit! (II, p. 251-)
Ronsard emploie humeur au masculin.
(VII, p. 133.)
Hurter, forme picarde du verbe heurter (les deux sont
dans Palsgrave et Nicot).
... tant ils avoient de peine
A toute force en hurtant, d'esbranler
Si gros fardeaux... (III, p. 63.)
Hymenéan, du grec T[j.£va'.oî, dieu du mariage ou de
la joie, un des surnoms de Dionysos.
0 cuisse-né Bacchus, Mystiq, Hymenéan.
(v,p. 237)
Idole, s. fém. (Nicot, Littré), employé par Ronsard
comme synonyme de : ombre, image d'un mort.
Un exemple : (iV, p. 235.)
mage, s. masc. au seizième siècle, quelquefois féminin
(Nicot), aujourd'hui féminin. Ronsard l'emploie
comme masculin.
Son fils..., en qui le vray image
Du grand Hector estoit peint au visage. (III, p. 47.)
L'image feint... (III, p. 48.)
Représentant en cent divers images
Cent vains pourtraits. (VI, p. 2j8.)
îmager, s. masc. (Ronsard), ou Imagier (Nicot), les
deux formes usitées dès le moyen âge : sculpteur.
Ex. :(V, p. 75.}
DE Ronsard. 131
Impiteux, ad\. quai., cruel, impitoyable.
Il a dedans son antre à Neptune eslevé
Un autel impiteux de meurdre tout pavé.
(Hymnes i, II, t. V, p. 48.)
îmployable, adj. (Nicot cite Ronsard), inflexible.
Oppose son cœur imployable. (Il, p. 96.)
... sur nous sa sentence imployable
Aura jette le juge inexorable. (II, p. 431.)
Impourveu {à l'), ancienne locution adverbiale : à l'im-
proviste.
... la maladie
Me happant à l'impourveu. (II, p. 164.)
Incorporé, part, passé du verbe incorporer = uni à
un corps.
L'esprit, incorporé, devient ingénieux.
(Sonnets pour Hélène, L, 1. 1, p. 308.)
Incorruption, s. fém. (Trévoux, Littré). État de ce
qui ne se corrompt pas et ne peut se corrompre.
Un exemple : (II, p. 138.)
Indocte, adj. (indoctus) (Nicot), ignorant.
Où est l'aureille bouchée
De telle indocte espesseur
Qui ne rie estant touchée
De tes vers pleins de douceur? (II, p. 339.)
Indole, s. fém., dérivé du latin indoles, innovation de
Ronsard : esprit, naturel... Un exemple :
(IV, p. 204.)
Infant, adj. (lat. infans), employé comme synonyme
de : enfantin.
... l'un, par vive entreprise
Veut faire abandonner au satyre sa prise.
Et d'une infante main par deux et par trois fois
Prend celle du bouquin... (IV, p. 12.)
132 L E X I Q_U E
Infélicité, s. fém. (Palsgrave), le contraire de félicité,
cause de malheur... a L'usage n'a pas adopté ce
mot. » (Trévoux.)
... une telle cité
Leur seroit quelque jour une infélicité. (VII, p. 30.)
Infortuné, employé comme adjectif par Ronsard, est
substantif dans Nicot : il est composé de in priva-
tif et ^Q fortuné, participe du verbe fortuner (v. ce
mot) : qui est poursuivi par la mauvaise fortune.
Ronsard l'emploie dans le sens de a qui porte avec
soi la mauvaise fortune » . Ex. : (I, p. 251.)
îngardable, ad), quai., créé par Ronsard : qui ne peut
être gardé.
Il a gardé des places ingardables. (V, p. 271.)
Insenser, v. trans., formé par Ronsard de l'adjectit
insensé, rendre insensé.
(III, p. 189, et VII, p. 24.)
Inspirer, v. trans., employé au sens du latin inspirare,
soufflero
Inspire, en me baisant, ton haleine et ta grâce
Et ton cœur dedans moy. {\, p. 383.)
Intouchable, adj. quai., créé par Ronsard : qu'on ne
peut toucher, intangible.
L'âme est parfaite, intouchable, immortelle.
(VI, p. 67.)
Inventeresse, fém. d'inventeur employé par Ronsard.
... Pallas pour estre inventeresse
D'un olivier se fit une Déesse. (V, p. 271.)
lo, trad. de l'exclamation grecque 'iw.
lo, voicy la prée verdelette, il, p. 92.)
lo! garçon, verse encore. (VI, p. 374.)
Io,'~io, qu'on s'avance. (VI, p. 375.)
DE Ronsard. 133
Ire, s. fém., du latin ira, colère, vieux mot aujour-
d'hui disparu, emf^oyé fréquemment par Ronsard
comme par ses contemporains.
(I,p. 193, 369; 11,419; 111,44)
De là les adjectifs iré et ireux.
Mars les anime,
Et la Discorde irée. (Odes retr., II, p. 413.)
Ourdissons une corde telle
Que celle d'Archiloc, ou celle
Qu'Hipponax, ireux, retordit
Afin que Bubal se pendist.
(Œuvres inédites, t. VIII, p. 149.)
Irriter, v. trans., employé dans le sens de : exciter,
pousser à...
Ou d'irriter, quand les pères décèdent,
Les héritiers à cent mille procez? (III, p. 405 .)
Irrite-mer, mot composé créé par Ronsard et employé
substantivement comme épithète de l'Aquilon : qui
irrite, qui soulève la mer. (I, p. 1 14.)
I taies, s. fém. pi., innovation de Ronsard : Italie.
Ex. :(II, j86, et t. V, p. 284.)
Et au singulier, même sens : Italie, (V, p. 75.)
Itylle, nom propre pour Itj's, fils de Procné.
(VI, p. 128.)
Ivoirin et Yvoirin, adj.
1° Blanc comme l'ivoire.
Ces doigts rosins et ces mains yvoirines. (I, p. 22.)
2° Fait en ivoire. Ex. :
... un couteau descendoit
Du long la gaine ivoirine. (III, p. 6$.)
134 Lexiqjje
Jà, ce mot aujourd'hui perdu indiquait parfois le
temps et signifiait déjà, maintenant. Ex. :
Lorsqu'il trenchoit d'un bras victorieux,
Au bord du Rhin, l'espagnole vaillance
Jà se traçant de l'aigu de sa lance
Un beau sentier pour s'en aller aux cieux.
(I, p. I37-)
Il signifiait aussi : bientôt, ensuite...
La goutte jà vieillard me bourrela les veines.
(VII, p. 311.)
Mais souvent aussi il est purement explétif.
Et jà déjà la race des François
Me veut nombrer entre ceux qu'elle loue.
(II, p. 128.)
Jarij s. masc. Marcassus : « Coqu. » On a dit avec la
même acception : Janin et Jano, dérivés de Jean,
employé comme terme de mépris. (Lacombe,
Dict.) Ex. : (VI, p. 86.)
Jartière, s. fém., forme abrégée du mot : jarretière.
Et sans jartière à mes genous. (II, p. 172.)
Jaunement ou Jaulnement (Nicot), adverbe : de cou-
leur jaune. Ex. : (I, p. 25 et p. 418.)
Jazardj adj. quai., dérivé de jazer : causeur, bavard
(lat. garrulus).
Taisez-vous, ma lyre jazarde. (II, 116.)
L'eau de ta source jazarde. (II, p. 149.)
Ronsard emploie aussi l'adj. fém. Jazer esse,
... la vois
D'une fontaine jazeresse. (II, p. 372.)
DE Ronsard. 13^
Josmîn (Ronsard), s. masc, pour jasmin (Nicot), con-
fusion commune dans la prononciation de a et 0.
Ex. : (VI, p. iio.)
JoUy s. masc, orthographe conforme à la prononcia-
tion du mot youg (les deux sont dans Nicot).
... en ce pays d'Anjou
Où maintenant Amour me détient sous le jou.
(I, P- 145.)
Jour-apporte, adj. composé créé par Ronsard, épi-
thète de l'Aurore, de l'aube...
... l'aube jour-apporte,
(Fr., H, t. III, p. 121.)
Journalier, adj. employé par Ronsard avec le sens du
mot éphémère, qui ne dure qu'un jour.
Les enfans de l'esprit un long siècle demeurent,
Ceux des corps journaliers ainsi que les jours meurent.
(IV, p. 4.)
Les hommes journaliers meurent,
Les Dieux seulement demeurent,
Francs de toute adversité. (Odes, i, VI, t. II, p. 57.)
Jumelet, adj. diminutif de jumeau.
Et de ces yeux le? istres jumelets. (I, p. 5 .)
Just ou mieux Jus (Nicot). Ronsard emploie les deux
formes. Deux sens.
i°Suc. Ex.: (VII, p. 513.)
2° Liqueur. Ex. : (I, p. 41.)
Labeurij 3* pers. sing. du prés, de l'ind. du verbe
labourer, forme ancienne.
... à l'heure
Que le bouvier les champs labeure. (II, p. 438.)
136 Lexiq^ue
Lâcher (Se), v. réfl., se laisser aller, s'incliner.
J'aime un bouton vermeil entr'esclos au matin,
Non la rose du soir, qui au soleil se lasche.
(I, p. 380.)
Laidure, s. fém., vieux mot (nombreux exemples :
Roman de la Rose, Rabelais, Marot), signifiait
souillure, flétrissure, difformité.
Et que jamais le chant qui dure
En juin ne te fasse laidure. (II, p. 342.)
Lairra, 3^ pers. du sing. du fut. de l'ind. Lairrai, de
laisser, ancienne forme. Ex. : (III, p. 243.)
Laisser-coarre, terme de vénerie, a On dit laisser
courre les chiens pour dire les lâcher après la
bête, ti (Trévoux.)
Il sçavoit par sustout laisser courre et lancer.
(I, p. 2^\. Versd'Eurym. et Callirhée.)
Lambnmche, s. fém., espèce de vigne sauvage. On
disait plutôt lambruge, lambruche et lambrusque.
Ces deux dernières formes subsistent.
Tu es vestu jusqu'au bas
Des longs bras
D'une lambrunche sauvage. (II, p. 27 j.)
Lame, s. fém., employé absolument dans le sens :
pierre sépulcrale.
Le temps s'en va, le temps s'en va, ma dame;
Las ! le temps non, mais nous nous en allons,
Et tost serons estendus sous la lame. (I, p. 397.)
Il est employé de même pour tombe par Villon
et Marot.
Lancer, v. trans. en vénerie, faire partir la bête (Tré-
voux), la taire sortir de son fort, de son gîte. Ron-
sard l'emploie absolument.
Il sçavoit par sustout laisser courre et lancer.
(I, p. 254. Vers d'Eurym. et Callirhée.)
DE Ronsard. i J7
Laqs, s. masc. (Nicot), ancienne orthographe du
mot lacs (Littré) : filet. Ex. : (I, p. 364.)
Larigot, s. masc, espèce de flûte.
Un pasteur...
Qui tient un larigot et fleute au cry des bœufs.
(V, p.^ 192.)
Ce mot a la même origine que larynx, gosier.
De là vient l'expression boire à tire-larigot, c'est-
à-dire boire comme un joueur de flûte.
Larmeîette, s. fém., dérivé créé par Ronsard du mot
lar mette (^\coi) ^ diminutif de larme. Ex. :
(VI, p. 396.)
Larmeux, adj. quai., innovation de Ronsard qui l'ap-
plique à l'élégie : qui fait couler les larmes (lat.
flebilis).
Ah! larmeuse Déesse. (Épît., t. VII, p. 202.)
Larrecin, s. masc. (Nicot), orthographe ancienne et
primitive du substantif /arcm (Littré). Ex. :
(II, p. I54-)
Larronnesse, fém., employé adjectivement, créé par
Ronsard : qui ravit, qui charme...
De ton baiser la douceur larronesse.
(Am., I, CCIX, t. I, p. 118.)
Et VI, p. 374. On trouve aussi le féminin lar-
ronne :
Qu'est-ce en après de Charybde larronne ?
(V, p. I75-)
Léger {De), ancienne expression adverbiale (Nicot),
synonyme de legierement (Kicot) : facilement. Ex. :
(III, p. 195.)
Lenean (gr. ).r5vo:, pressoir, d'oià ).9ivat, bacchantes, et
)>Yivaïoî, relatif à Bacchus, ou aux fêtes de Bac-
chus). (V, p. 237.)
138 L E X I CLU E
Lerelot, S. masc, créé par Ronsard, onomatopée:
tirée du refrain de certaines ciiansons populaires
{lire, lire, h).
J'escoute la jeune bergère
Qui desgoise son lerelot. (II, p. 439.)
Levreter, v. intr. (Nicot), aujourd'hui levretter (Lit-
tré) : mettre bas, en parlant de la hase. Ex. :
(III, p. 270.)
Lézarde, fém. du mot lézard employé adjectivement
par Ronsard comme épithète de la langue. Cf. Fre-
tillard. Ex. : (IV, p. 291.)
Libertin, s. masc. (lat. liber tinus), employé par Ron-
sard avec le sens étymologique de affranchi.
Horace, harpeur latin,
Estant fils d'un libertin. (Odes, I, XI, t. II, p. 103.)
Librairie, s. fém., signifiait jusqu'au dix-septième
siècle une bibliothèque.
Pren ce livre pour gage, et luy fay, je te prie,
Ouvrir en ma faveur ta belle librairie
Où logent sans parler tant d'hostes estrangers.
(I, P- 312.)
Lichant, part. prés, de l'ancien verbe licher (Nicot,
Littré), encore usité dans la langue populaire. On
disait aussi leicher, d'oii lécher (Littré). Ex. :
(III, p. 271.)
Lignage, s. masc. (Nicot, Littré). Nicot : « extrac-
tion de lignée, sang et parenté j ; race, famille.
Ex. : (III, p. 328.)
Ligne, s. fém., avait au seizième siècle entre autres
sens celui de : lignée, lignage (Nicot). Ex. :
(III, p. 391.)
Limande, s. fém., est en terme de charpentier une
DE Ronsard. 139
pièce de bois de sciage, plate, peu large et peu
épaisse.
A grands esdats fit enlever l'écorce
Du corps du pin sur la terre estendu
En longs carreaux et limandes fendus. (III, p. 61.)
Limer, v. trans. au sens propre dans Nicot, au figuré
dans Ronsard : corriger avec soin, polir, perfec-
tionner. Ex. : (I, p. 50.)
Une, nom propre, orthographe de Ronsard pour
Linus.
Line, que t'ont servy les accords de ta lyre ?
(VII, p. 203.)
Lionneau, s. masc, diminutif de lion, lionceau. Nicot
indique lionneau et lionceau qui seul subsiste (Lit-
tré). Ex. : (I, p. 160.)
Ailleurs Ronsard écrit : lyonneau. (V, p. 144.)
Lit, s. masc, terme de vénerie, le gîte d'une bête,
encore employé aujourd'hui. Ex. : Au lit, au Ht,
chiens! cri aes veneurs quand ils veulent faire
quêter les chiens pour lancer un lièvre.
(V. le mot Vénerie.)
Locatif, s. masc, synonyme de locataire, habitant.
Dieu seul est esternel : de l'homme élémentaire
Ne reste après la mort ny veine ny artère ;
Qui pis est, i] ne sent, il ne raisonne plus,
Locatif descharné d'un vieil tombeau reclus.
(El., II, t. IV, p. 217.)
Loge, s. fém., « petite hutte faite à la hâte « . (Tré-
voux.)
Et dessous mesme loge ensemble dormirons.
ilV, p. 49.)
Loin-loin, répétition du même adverbe formant comme
140 Lexiqjje
une locution composée avec valeur du superlatif :
très loin. Ex. : (II, p. 523.)
Loirée, adj. fém., innovation de Ronsard : delà Loire.
... Tonde Loirée. (II, p. 348.)
Los etLoZj s. masc, vieux mot (lat. laus).
1° Louange.
Mon traict, qui droitement darde
Le riche but de son los. (Odes, i, X, t. II, p. 96.)
2" Gloire.
Mais moy qui suis le tesmoin
De ton loz qui le monde orne.
(Odes, I, IV, t. II, p. 50.)
Lote, s. fém. , pour le lotus. (Am., I, CLXIII, 1. 1, p. 94.)
Loyer ^ s. masc, signifiait autrefois salaire, récom-
pense.
... je me suis abusé
A louer les seigneurs : aussi je n'en rapporte
En lieu de mon loyer qu'une espérance morte.
(III, P- 374-)
Lu'-esse, nom propre, orthographe de Ronsard pour
Lucrèce. (II, p. 420.)
Luitte et Lulcte, s. fém., ancienne forme du mot lutte
(Palsgrave, Nicot).
Ou à l'escrime ou à la luitte adestre. (II, p. 128.)
Lychnlte, orth. de Ronsard pour Lzcn/7g(Xt)cvîxyi(;), dé-
rivé de Xtxvoç, van.
Le van qui sépare le grain de la balle était le sym-
bole des mystères de Bacchus purificateur, qui net-
toyait l'âme de ses souillures. Épithète donnée à
Bacchus.
Je te salue, 0 Roy ! le lychnite admirable
Des hommes et des dieux... (V, p. 238.)
DE Ronsard. 141
Ronsard orthographie Lychnite comme s'il le
dérivait de XuxvtTr,? (flambeau, lustre, lumière), ce
Qui ne concorde pas avec le sens des vers précé-
dents :
Purgez de ta liqueur...
(c'est-à-dire purifiés par toi).
LyerrCj s. masc, pour lierre.
V. Hierre.
Lyonneau. V. Lionneau.
M
Macule, s. fém. {macula), tache. On ne le trouve
qu'une fois dans les œuvres de Ronsard, et quelques
vers plus loin il emploie le mot français : tache.
Aux enfers comme un songe léger
L'âme dévalle afin de se purger
Et nettoyer la macule imprimée
Qu'elle receut dans le corps renfermée.
(Franc, iv, t. III, p. 222.)
Magistrat, s. masc. (Nicot, Trévoux, Littré), se
disait collectivement :
1° De ceux qui avaient le soin de la police et du
gouvernement.
2° De la magistrature elle-même. Ex. :
(III, p. 145.)
Mahom, nom propre, abréviation de Mahomet.
... vous seul en aurez la ctoire
Et de Mahom effacerez la gloire.
^Boc. Roy., t. III, p. 320.)
Maigret, adj, quai., diminutif de maigre.
De son maigret en-bon-point. (II, p. 353.)
142 Lexiq_ue
Ronsard emploie encore un autre diminutit de ce
mot : Maigrelet.
Pucelette maigrelette, (II, p. 353.)
Mahtrier, adj., vieux mot, digne d'un ouvrier passé
maître en son art.
Le manouvrier, ayant matière preste
D'un art maistrier les vieux sapins transforme.
(III, p. 61.)
Malstriser, v. trans., employé par Ronsard dans le
sens très restreint de présider à, tenir sous sa dé-
pendance, en parlant des astres et des dieux. Cf.
Commander. Ex. : (I, p. 78 et 354.)
Mal, adv. de manière, sert à la formation d'adjectifs
composés.
Mal-plaisant. (III, 364.)
Mal pudique.
Mal-rongné. (III, 371.)
Mal-caut. (V, 171.)
Mal-accoustré. (V, 310.)
Mal-basty. (V, 310.)
Mal paré. (V, 310.)
Mal-agencé. (V, 339.)
Mal-façonné. (VI, 1 56.) .
Mal-rassis. (VI, 170.)
Mal-tourné.' (VII, 183.)
Mal-adestre, adj. quai., vieux mot repris par Ron-
sard : maladroit.
... à courir mal-adestre. (^VI, p. 4 10.)
Mal-heurté, s. fém., cr lé par Ronsard pour la rime :
mallîeur, infortune. Ex. : (VI, p. 327.)
Mamelu, s. masc, orthographe de Ronsard pour
Mameluk. Nicot indique Mamaluc et Mamaluque.
Ex. : (VI, p. 125.)
DE Ronsard. 145
M' amour, -élision pour ma amour.
Ta mort sera pour m'amour terminée. (I, p. 12.)
Mandillon, s. masc. (Trévoux, Littré), diminutif du
substantif mandil, ancien mot de même racine que
mantel. Mandil avait formé le substantif féminin
mandllle, d'où mandillon : petit manteau court
formé de trois pièces que portaient les laquais, les
huissiers et les personnes de basse condition. De
là l'expression a porter la mandille i> , être laquais
(Boursault cité par Trévoux).
Ronsard l'emploie pour désigner le mantelet de
Mercure, qui est comme le valet des dieux. Ex. :
(ni,p. 5 3-)
Mandragore, s. fém. dans Nicot, masculin dans Ron-
sard, féminin aujourd'hui (Littré) ; mais les bota-
nistes distinguent deux espèces de mandragore :
mâle et femelle (Trévoux) : plante narcotique de la
famille des solanées. Ex. : (III, p. 214.)
Mange-sujet, adj. comp., créé par Ronsard et signi-
fiant : qui pressure ses sujets.
•■C'est Childéric, indigne d'estre roy ;
Mange-sujet, tout rouillé d'avarice. (IH, p. 235.
(Cf. ôrjtxoêopoç paaiXeuç (Iliade, I, 231, et
Lai., X_, 5) l'épithète : mangeurs de gens.)
Manicles, s. fém. pi. (manicU), menottes. On n'en
trouve qu'un exemple dans Ronsard.
Les manicles aux mains, aux pieds la chaisne dure.
(V, p. 241.)
Dans les sonnets à Hélène (II« partie, s. 26),
il les appelle des manotes.
... De manotes on lie
Desfols qui ne sont pas si furieux que moy. (I, p. 3 3 1 .)
Manique (gr. (xavixoç, fou, qui inspire la folie), un des
surnoms de Bacchus. (V, p. 237,)
1 44 - L E X I CLU E
Manotes, s. lém. pi. V. Manicles.
Manslne, s. fém., le manche de la charrue (lat. mani-
cula).
N'appose point la main à la mansine, après
Pour ficher ta charrue au miheu des guerets.
(Dern. vers de R., VII, p. 314.)
Marbrin, adj., qui a l'aspect du marbre.
Tout au plus haut des espaules marbrines.
(I,p. 136.)
... dans ses doigts marbrins. (IV, p. jj.)
Marche-tard, adj. comp., créé par Ronsard : « qui
marche lentement » , en parlant de la tortue :
... animal marche-tard. (VI, p. é$.)
Marïandin, adj., innovation de Ronsard, du pays des
Mariandynes, peuple d'Asie Mineure (Bithynie).
Au bord Mariandin. (V, p. 21.)
Marine, s. fém., signifiait quelquefois (Nicot, Régnier,
Marot) la plage, la côte de la mer (Trévoux)o
... un peuple en armes effroyables
Va frémissant au bord de la marine. (III, p. 71.)
Marre, s. fém. (Nicot, Littré), sorte de pioche ou de
houe, avait formé le verbe marrer, labourer avec
une marre. Ronsard emploie marre. (VI, p. 91.)
Martelé (V. Littré, hist.), signifiait moucheté, tacheté.
Je le desrobay jeune, au fond d'une vallée,
A sa mère, au dos peint d'une peau martelée.
(IV, p. 10.)
Martyrer, v. trans. (Nicot, Trévoux), et Martirer
(Ronsard), vieux mot qui signifiait tourmenter,
J
DE Ronsard. 14^
faire soufirir, martyriser (ex. de Ronsard, Marot,
Voiture).
Ronsard orthographie Martyrer (I, p. 63) et
Martirer (I, p. 407).
Masqueure, s. fém., cité par Nicot sans équivalent
latin et expliqué par Richelet : « les prestiges, les
illusions s des Démons. Ex. :
(Hymnes, i, VII, t. V, p. 127.)
Mûtassmer, v. intr., vieux mot (Littré), gesticuler
comme les Matassins ou Matachins, nom qu'on
donnait jadis à des danseurs bouffons.
Matassiner des mains (Nicot), se trouve dans
Ronsard. (V, p. 236.)
Mathématique, s. fém. au sens primitif (gr. iia.^\ia.\
signifiait tout ce qui est objet d'étude, l'ensemble
des sciences. C'est ainsi que l'entend Ronsard
(II, p. 46), note de Richelet : « Il comprend toutes
les espèces de la science, la géométrie, l'astrono-
mie et les autres qui s'appellent toutes mathéma-
tiques. 5
Maudisson, s. fém., forme populaire du mot malédic-
tion employé par Ronsard et dont on retrouve des
exemples dans J.-B. Rousseau et Voltaire (Tré-
voux et Littré). Ex. : (III, p. 149.)
Mauvaistlé, s. fém,, vieux mot, méchanceté.
Qui par gloire ou par mauvaistié
Aura tranché de l'amitié
Le saint nœud qui deux amas presse.
(H, p. 335.)
... et qui sans mauvaistié
Garde de tout son cœur une simple amitié.
(I, p. 145
La. Ronsard. 10
146 Lexique
Méandrin ou Méandrlen, adj., dérivé du nom du fleuve
Méandre.
Et chanter son obsèque en la façon du cygne
Qui chante son trespas sur les bords Méandrins.
(VII, p. 314.)
à l'entour
Du bord Méandrien (V, p. 234.)
Méchantement, adv., pour méchamment, forme popu-
laire du centre de la France.
Tu mens meschantement. (VII, p. 112.)
Medusin, adj., tiré du nom de Méduse, l'une des Gor-
gones.
Au regard medusin qui en rocher me mue.
(I, P- JiJ-)
Megnle, s. fém., vieux mot que Ronsard fait revivre,
= famille, ménage.
«... je suis d'opinion... lorsque tels mots grecs
auront longtemps demeuré en France, les recevoir
en nostre megnie, puis les marquer de l'i françois
pour monstrer qu'ils sont nostres. i
(Adv. au lecteur, II, p. 15.)
Mehaigne, adj., perclus. (III, p. 150.)
Ronsard ne l'emploie qu'une fois ; encore a-t-il
mis la note suivante :
« Mehaigne, perclus, ce que les Grecs appellent
TîYipoç. Nos critiques se moqueront de ce vieil mot
françois, mais ii faut les laisser caqueter. i> Et il
ajoute aussitôt :
c Je suis d'opinion que nous devons retenir les
vieux vocables significatifs jusques à tant que l'usage
en aura forgé d'autres nouveaux en leur place... »
DE Ronsard. 147
On trouve aussi un exemple du participe mehai-
gneZj rendus perclus.
Leur mère, adonc, ah ! mère sans merci,
Fera bouillir leurs jambes, et ainsi
Tous mehaignez les doit jetter en Seine.
(Fr. IV, t. III, p. 241.)
Ces mots viennent d'un mot mehain que Trévoux
signale comme hors d'usage, ainsi que ses dérivés :
mehaigner, mehaigneur .
Mehain, Vieux mot qui signifie mutilation, laquelle rend
un homme impotent et incapable de servir à la
guerre.
Mehaïgner, vieux verbe actif, estropier, mutilare.
Et mourir et navrer et battre et mehaigner.
(Roman de Bertrand Du Guesdin.)
Diminuer de force, tuer, blesser.
(Gloss. des Poésies du roy de Navarre.)
Mehaîgnéj adj., vieux mot, meurtri, maltraité de
coups, incommodé. On dit aussi mahaignié, mahan-
gné et mahaux.
Mehaigneur, s. masc, vieux mot qui se trouve dans
l'ancienne coutume de Normandie. Il veut dire : qui
mehaigne, qui mutile, qui estropie. ^
Mellinisé, part, passé d'un verbe melliniser, créé par
Ronsard pour désigner les critiques acerbes dont
l'accabla Mellin de Saint-Gelais. Ex. :
(VIII, p. 136.)
Mémoratifj adj. quai., n'est, dit Trévoux, tout au
plus en usage qu'au Palais, n'est pas dans Nicot.
Ronsard l'emploie pour signifier : qui rappelle le
souvenir, etc. Ex. : (IV, p. 173.)
Mensonge, s. masc. aujourd'hui, a été féminin jusqu'au
148 Lexique
seizième siècle : il est masculin dans Nicot. Ron-
sard l'emploie comme féminin.
... une plaisante mensonge. (II, p. 439.)
Menteresse, féminin de l'adjectif menteur.
Hors de l'eau menteresse. (VI, p. 243.)
Mentir, v. trans., employé par Ronsard comme syno-
nyme de démentir.
Du beau Paris (dont tu n:ens ta lignée)
La beauté fut d'amour accompagnée. (III, p. 188.)
Mentonnler, adj. quai, créé par Ronsard : qui garnit
le menton, est resté dans la langue comme terme
scientifique.
... sa barbe mentonnière. (IV, p. 11.)
Mercerie, s. fém. (merces), n'a pas le sens particulier
qu'il a pris de nos jours, mais bien celui plus géné-
ral du latin merces, marchandise.
La mercerie que je porte,
Bertrand, est bien d'une autre sorte
Que celle que l'usurier vend.
(Odes, I, XVI, t. II, p. 114.)
Ne l'Inde, riche en mercerie estrange.
(Hymne à la France, t. V, p. 284.)
Mercurln, nom propre, diminutif de Mercure, pour
Mercure enfant.
... lors que Maie Atlantide enfanta
Son petit Mercurin... (V, p. 250.)
Merveillable. V. Émerveillable.
Mésavenue, s. fém., dérivé ancien du mot mésadvenir.
Nicot ne cite que mesadvenance et mesadventure :
mésaventure, malheur, accident. Ex. :
(III, p. 177.)
DE Ronsard. 149
Meschef,- s. masc, vieux mot (Palsgrave, Nicot),
accident, mallieur, mésaventure.
Jamais tes vends rameaux ne sentent nul meschef.
(IV, p. 253.)
Meslage, s. masc, innovation de Ronsard pour meS'
lange (Nicot), pour les besoins de la rime : mé-
lange. Ex. : (II, p. 318.)
MesUer, s. masc. Du Gange (Gloss.) l'explique :
Mellerius-mespilus, né/lier^ aliàs à mellier ou meslier.
... un meslier nouailleux. (IV, p. 48.)
Mesnage, s. masc, employé par Ronsard dans un
sens très particulier. On disait autrefois ménage de
campagne (Trévoux), pour désigner tout ce qui
sert à l'exploitation d'une terre (charrues, harnais,
outils, etc.). Par analogie, Ronsard applique ce mot
. ménage à l'ensemble de toutes les pièces qui con-
stituent un navire (voiles, mâts, cordages).
Et toute fois l'advis d'un homme sage
Tout seul par art conduit tout ce mesnage.
(III, p. 363.)
Le substantif Mesnager ou Ménager est employé
par Ronsard. (I, p. 219.)
Mesnager, v. intr., faire le ménage.
... une disposte fille
Qui dévide, qui coust, qui mesnage et qui file.
(I, p. 219.)
Mettre, formait au seizième siècle une foule de locu-
tions aujourd'hui inusitées. On trouve dans Ron-
sard :
Mettre à nonchaloir. (Il, p. 67.)
Mettre en nonchaloir. (II, p. 62.)
Mettre à desdain. (II, p. 170.)
Mettre à mespris. {II, p. 4J4.)
150 ^^ Lexiq_ue
Meuble, s. masc, pris par Ronsard dans un sens très
particulier pour désigner tout l'équipage de chasse.
Larges espieux, cordages et filets,
Limiers ardans, cerfs suivis à la trace
Et tout le meuble ordonné pour la chasse.
(III, p. ICI.)
Meule, s. fém., en termes de vénerie, est une espèce
de bosse sur le haut de la tête du cerf d'oiî sort sa
ramure, ou bois, ou marrein. Ex. : (I, 255.)
V. Vénerie.
Meurdre, s. masc, forme ancienne de meurtre.
Son luth doré prenoit entre ses mains
Teintes encore de meurdres inhumains. (I, p. 126.)
Mîauleux, adj. créé par Ronsard.
Le chat cria d'un miauleux effroy. (VI, p. 71.)
MïelUer, adj. quai., créé par Ronsard, en parlant de
l'abeille, qui produit le miel.
... sa diserte bouche
Où jadis se logeoit la miellière mouche. (VII, p. 51.)
Mïgnarder, v. trans. Ce mot signifiait au propre :
caresser, flatter, traiter avec délicatesse (Trévoux).
Ronsard l'emploie au figuré : chanter d'une façon
mignarde.
. . . Baïf, d'une flèche plus douce
Espoint au cœur, mignarda de son pouce
Des jouissans les baisers savoureux
Et de la nuict les combats amoureux. (VI, p. 44.)
(Cf. Mlgnotter.)
Mïgnonnet, adj., diminutif de mignon. Il est aussi
pris substantivement.
Mon petit mignonnet... jll, p. 426.)
Mignoterie, dérivé de Mîgnoter.
(V. Mignotise.)
DE Ronsard. 151
Mignotise, s. fém. (Nicot), vieux mot (Palsgrave,
Rabelais) : grâce mignonne.
Tant leur mignotise darde
D'amours à qui les regarde. (II, p. 344.)
(Synonyme : Mïgnoterie, employé t. III, p. 364.)
Mignotter, v. trans.; signifie :
i" Au sens propre : Caresser. Ex. :
Toy, mignottant ton dormeur de Latmie. (I, p. 86.)
Pour désigner la lune caressant Endymion.
2° Au figuré : Arranger d'une façon mignonne,
gracieuse.
Et mignottoit un bouquet... (I, p. 36.) ^
(Cf. Mignarder.)
Milite, nom propre, orthographe de Ronsard pour
Miletj ville d'Asie Mineure.
Près les murs de Milete un temple s'élevoit,
Où Cérès ses honneurs et ses autels avoit.
(Boc. Roy., t. III, p. 295.
Mi-nmct et Minulct (Nicot), s. fém., double orthogra-
phe ancienne de Minuit. Les deux formes sont dans
Ronsard. Ex. : (II, p. 208, et III, p. 162.)
Mire, s. masc, était si bien tombé en désuétude que
Richelet dans son commentaire des Odes en donne
l'explication : Mires, médecins, vieux mot fran-
çais.
0 des mires le roy !
(Odes, v, VI, à Phébus, t. II, p. 329.)
Trévoux : Mire ou M^yre, s. masc, vieux mot
qui signifioit celui qui exerce l'art de guérir les
maladies. Jusqu'au règne de Louis VII il n'y avoit
aucune distinction entre le médecin et le chirur-
gien. Ces deux termes n'étoient pas encore en
usage. Tous ceux qui exerçoient l'art de guérir les
152 LEXIQ.UE
maladies soit internes, soit externes, s'appeloient
mires, myres, myeres, puis maîtres.
Miro'èr ou Mirouër, s. masc, orthographe conforme
à la prononciation du seizième siècle : Miroir.
Que maudit soit le miroër qui vous mire.
(I, p. 90.)
Le mirouer de vertu. (I, p. 301.)
Je ressemble au mirouër. (I, p. 316.)
Ronsard l'écrit aussi miroir. (III, p. 269.)
Mitouin, adj. quai. (lat. mids), doucereux.
(in,p. 365.)
Rapprocher ce mot du substantif M/Vou_, vieux
mot qui signifiait un chat (Trévoux), et du surnom
de Muis, donné au chat par Lafontaine.
Mixtionner, et plus fréquemment alors Mistionner,
V. trans. (Nicot), mélanger. Ex. :
(II, p. 157, et V, p. 285.)
Moiteux, adj. quai., créé par Ronsard comme syno-
nyme de moite qui existait et avec lequel il forme
double emploie : moite, humide.
Ainsi ton front ne soit jamais moiteux. (I, p, 114.)
De même. (III, p. 81.)
Mais il emploie aussi moite.
(Am., I, 197, t. I, p. 112.)
Moleste (lat. molestas), adj., triste, pénible : subst. :
chagrin. Moleste est adjectif le plus souvent.
La paix adonc, qui du trône céleste
Veit les effets de la guerre moleste.
(Boc. Roy., t. II, p. 344.)
Je ne veux par escrit
Vous estre plus moleste.
(Œuvres inédites, t. VIII, p. 108.)
DE Ronsard. .153
Cependant Ronsard l'emploie une fois comme
substantif féminin : ennui, déplaisir.
Si m'en croyez, vous passerez le reste
De vos longs jour?, sans peine ny moleste.
(Boc. Roy., t. m, p. 383.)
Nous avons conservé le verbe molester qui se
rattache à la même racine.
Moly, s. masc. (du gr. [jl65>u), plante dont parle
Homère et à laquelle les anciens attribuaient des
vertus merveilleuses, telles que celle de dissiper les
enchantements (Trévoux, Littré). Plante bulbeuse
de la famille de l'ail. Ex. :
(I, p. 43; II, p. i24;VII, p. 28.)
Mondain, adj. quai., employé au sens étymologique
par Ronsard pour désigner ce qui est de ce monde.
Tous les règnes mondains se font et se desfont.
(VII, p. 36.)
Monst'ray, abréviation pour Monstreray, l'^pers. du
sing. du futur de monstrer (montrer). Ex. :
(III, p. 211.)
Monstre, s. fém., orthographe ancienne de montre :
apparence, « signe qui donne quelque espérance j .
(Trévoux.)
N'ayant rien du passé que la monstre honorable.
(III, p. 284.)
Montagner, v. intrans., créé par Ronsard : « s'élever
comme montaignes. s (Muret.)
(Am. I, CXL, t. I, p. 80.)
Montaîgnier, adj. quai., créé par Ronsard : qui croît
sur les montagnes.
... le pin montaignier. (II, p. 361.)
Montelet, s. masc, diminutif de montagne, fréquent
au seizième siècle et surtout chez Ronsard. Ex. :
(VI, p. 3 5 5-)
154 Lexiq_ue
Moreau, adj., vieux mot. «■ Terme de manège qui se
dit d'un cheval qui a le poil d'un noir foncé, vit et
luisant... ^ (Trévoux.)
En parlant d'une cavalle :
... elle avoit la poitrine
Blanche, et le front, le reste de la peau,
Hors le pied gauche, estoit de poil moreau.
(III, p. 122.)
Morfontnre, S. fém., orthographe que Trévoux signale
comme vicieuse du mot morfondure. a Maladie qui
vient aux animaux lorsqu'ils ont été saisis parle
froid., „ Elle consiste dans un écoulement de ma-
tière par les naseaux. » (Trévoux.)
Garde nos petits troupeaux
De tac et de davelée
De morfonture. (V, p. 2$!
Morion (ital. morlone), casque léger, vieux mot. ,
. . . fait boire aux François
Dans leurs creux morions, en lieu de l'eau de Seine
Les ondes de la Meuse. (II, p. 19.)
Et coiffer d'un morion sa teste. (III, p. 301.)
Mort, adj. employé substantivement par Ronsard dans
l'expression en son mort : en son état d'immobi-
lité. Ex. :
Si de l'esprit on n'a cure,
Autant vaut quelque peinture
Qui n'est vive qu'en son mort. (II, p. 205.)
Mortel, adj. employé substantivement par Ronsard
pour désigner la partie mortelle d'un être.
... la gentille Euterpe, ayant ma dextre prise,
Pour m'oster le mortel par neuf fois me lava
De l'eau d'une fontaine oii peu de monde va.
(V,p. 189.)
Et que i'ay peu mon mortel despouiller. (III, p. 64.)
DE Ronsard. 155
Morte-paye, s. masc, vieux mot (Nicot, Littré) :
soldat invalide ou vétéran utilisé dans quelque gar-
nison peu pénible ou ne remplissant plus de service
actif. Ex. : (III, p. 282.)
Mosquete ^Ronsard) et Mosquette (Nicot), forme an-
cienne au mot mosquée. Ex. : (III, p. 376.)
Motte, part.. passé, tapi contre une motte de terre
(en parlant du gibier), (VI, p. 51.)
Moucher, v. intr., emprunté aux dialectes du centre
de la France : être tourmenté par les mouches,
s'agiter, s'affoler sous leur piqûre.
Comme au printemps on void une genice
A qui le tan aux aiguillons trenchans
Pique le flanc et la pousse en furie,
Ny les ruisseaux, hostes de la prairie,
Forests ni fleurs, bocage ni rocher
Ne lasçauroient engarder de moucher. (III, p. 171.)
Mourable, adj., ancien mot, synonyme de moribond.
(Nicot.) Ex. : (V, p. 232.)
Mousquette, s. fém. (ital: moschetto), aujourd'hui
mousquet, s. masc, signifie 1" l'arme :
... à coups de mousquette. (VI, p. 41.)
2" Coup de mousquet.
Ayant rompu l'os de la jambe dextre
D'une mousquette...
Mousse, adj. quai., ancien mot encore usité (Littré),
émoussé. Ronsard l'emploie pour qualifier la lune
pleine, sans cornes. Cf. l'expression usitée encore
en économie rurale, chèvre mousse, chèvre sans
cornes. Ex. : (V, p. 160.)
Muer, V. act. (mutare), changer. Nous ne l'employons
plus que comme verbe neutre et dans un sens très
1^6 Lexique
restreint. Ronsard l'emploie avec son sens étymo-
logique comme équivalent de : changer.
Et mon malheur je mu'rois en bonheur.
(Am., I, 84.)
(V. aussi t. I, Sonnets pour Hélène, I, p. 58.
— Am. div., I, p. 369. — T. VIII, Œuvres iné-
dites, p. 1 10.)
Magler, v. neutre pour Meugler, miUgir.
Tout le ciel en mugle là haut.
(Odes, I, X, t. II, p. 79.)
Mugueter, v. trans., vieux mot, dérivé de muguet
(Nicot) : « faire l'amour à une femme » , la courti-
ser. Ex. : (VI, p. 310.)
Muncérien, adj. aual., employé par Ronsard pour dé-
signer l'une des sectes du parti protestant : de
Miinster.
Et l'autre enrage après l'erreur Muncerienne.
(VII, p. 27.)
Masin, adj. quai. Ronsard lui attribue le sens de :
qui suit les Muses, qui cultive la poésie :
Et toute la musine troupe. (II, p. 353.)
Myrteax, adj quai., du myrte, qui tient du myrte.
Ronsard emploie aussi myrt'in. (VI, p. 160.)
Par les ombres myrteux je prendray mon repos.
(Sonnets pour Hélène, t. I, p. 340.)
Myrtln, adj. quai., formé par Ronsard qui l'emploie
concurremment avec myrteux (v. ce mot), du myrte.
... sous les branches myrtines. (I, p. 383.)
DE Ronsard. 157
N
Nage {A), V. Nou {A).
N'a^aeres et Naguiere, pour naguère, forme an-
cienne.
Regardant tant de rois en sépulture mis
Qui n'agueres faisoient trembler toute la France,
(m, p. 374-)
Si j'aime depuis naguière
Une belle chambrière,
Je ne suis pas a blasmer. (II, p. 166.)
Nais, part, passé du verbe naître, forme fréquente au
seizième siècle. On écrivait aussi nay, pluriel nays.
... ses pasteurs sont nais avant que le croissant
Fust au ciel, comme il est, de nuict apparoissant.
(IV, p. 29.)
Narcis et Narcisse, nom propre ; Ronsard emploie in-
diftéremment les deux formes.
... la meurtrière fontaine
Par qui le beau Narcis aima son ombre vaine.
(VI, p. 241.)
Et quelques vers plus loin :
... Narcisse aux beaux yeux.
Narré, part, passé du verbe narrer (Nicot, Littré),
employé substantivement par Ronsard pour récit,
narration. Ex. : (IV, p. 210.)
Naturel, adj. quai., employé par Ronsard comme sy-
nonyme de natai.
... ayant esmeu contr' elle
Et contre sa grandeur sa terre naturelle. (VI, p. 12.)
1^8 L E X I Q_U E
Nau, s. masc, au féminin Ne/, vieux mot (Nicot,
Trévoux, Littré) : navire. Ex. : (II, p. 45 1.)
Ailleurs Ronsard orthographie iV^u/f (au pluriel).
(III, p. 105.)
Naufrage^ s. masc, employé par Ronsard pour dési-
gner non la perte d'un vaisseau, mais l'homme qui
a fait naufrage, le naufragé.
Cet estranger, pauvre, chetif et nu,
Un vif naufrage à ma rive venu. (III, p. 194.)
Naulage, s. masc. (Nicot), aujourd'hui plutôt Nolage
(Littré), signifiait c la despence et fraiz qu'on paye
pour estre mené dedans un navire » (Nicot). Ron-
sard : prix du passage dû à Garon, nautonier des
enfers. Ex. : (VII, p. 187.)
Nautonnier, employé adjectivement par Ronsard :
habile à diriger un bateau.
De Charon la main nautonnière. (VI, p. 408.)
Navlgage, s. masc, pour navigation.
... un long navigage. (III, p. 328.)
Navire, subst., jadis des deux genres, est le plus sou-
vent féminin dans Ronsard.
Dans les Champs Elysez une mesme navire
Nous passera tous deux. (I, p. 383.)
Et pour les éviter tient sa navire preste. (I, p. 162.)
Navrer, v. trans., vieux mot, au sens propre, blesser,
faire une large plaie, subsiste au figuré.
... la beauté qu'en l'âme tu sentois,
Qui te navroit d'une playe aigrissante. (I, p. 22.)
Ne, ancienne forme de la négation Ni, fréquemment
employée par Ronsard.
DE Ronsard i$9
Ne s'élide quelquefois. Ex. :
Là nous ne verrons prée
Sans leur faire un autel,
N'eau qui ne soit sacrée
A leur nom immortel. (II, p. 24$ .)
Nectar eux, adj. quai., doux comme le nectar.
... la fleur
De la douce vigne sacrée
Qui de sa nectareuse odeur
Le nez et le cœur me recrée.
(Odes, II, XXI, t. II, p. 168.)
A quel sucre égalerons-nous
Ta nectareuse poésie? (Odes, v, VIII, t. II, p. 333.)
Népenthe (vr,Tr£v6i;), s. masc, breuvage magique,
charme.
Nicot constate qu'il n'a été employé que par
Ronsard et se contente de copier l'explication que
le poète lui-même en donne : a breuvage ayant
telle vertu que quiconque en buvoit, pour ce
jour là ne pouvoit sentir en son esprit aucune
fascherie. » (Nicot, Thrésor de la langue fran-
çaise, éd. 1606.)
Hélène sceut charmer avecque son népenthe
Les pleurs de Télémaque.
(Sonnets pour Hélène, i, V, t. I, p. 284.)
Ajoutons à la décharge de Ronsard qu'il emploie
ce mot comme terme technique, pour ainsi dire, et
par allusion au passage d'Homère où il est question
de ce fait.
Neptan, nom propre pour Neptune, orthographe de
Ronsard. (III, p. 77.)
Neafard, s. masc, pour Nemfar, ancienne forme du
mot nénuphar.
Le neufard toujours- verd.
(Am. II, Voyage de Tours, t. I, p. 190.)
i6o Lexiq_ue
Neuftesme, adj. num. ordinal, orthographe étymolo-
gique pour Neuviesme : mais déjà la lettre / devant
une voyelle se prononçait comme un v.
Sanctifier d'avril le neufiesme jour. (I, p. 301.)
Neuvain, adj., formé par Ronsard : qui comprend les -
neuf Muses.
... admirant ma belle Calliope,
Je devins amoureux de sa neuvaine trope.
(IV, p. 348)
Cet adjectif a été employé dans le même sens
par Malherbe.
Ronsard emploie le mot Neuvaine, s. fém., qui
signifiait jadis a. une troupe de neuf personnes, en
poésie pour désigner les Muses 3. (Trévoux.)
Comme un nouveau Phœbus
Des Muses conduisant la neuvaine céleste.
Et ailleurs :
Et toi, divin Daurat, des Muses l'artisan,
... amoureux de leur belle neuvaine.
Nice, adj., vieux mot qui signifie naïf, a formé les dé-
rivés Nicette, diminutif employé par Ronsard (II,
p. 231), et Nicement (II, p. 211).
Nier, v. trans., s'est employé jusqu'au seizième siècle
dans le sens oii nous employons dénier, refuser.
T'oseroit bien quelque poète
Nier des vers, douce alouette? (II, p. 438.)
Nomian (gr. v6[jloç), loi, allusion à un des surnoms
que les Grecs donnaient à Dionysos,' vofxoOéTriç ou
6£a|x6?opoç, le législateur. (V, p. 237.)
Non, adv. de négation, sert à la formation d'adjectifs
composés.
Nompareil. (III, 161,)
Non-oisif. (VI, 91.)
Non-ocieux. (VI, 91.)
Non-dit. (V, 240.)
DE Ronsard. i6i
. f^
Non-challant, part. prés, du verbe Challoir (v. ce
mot), précédé de la négation, orthographe plus
usuelle Nonchalant (Nicot), s'emploie aujourahui
absolument, au seizième siècle se construisait avec
un complément précédé de la préposition de. Ex. :
(IV, p. 2,..)
Nopcier, adj., qui préside aux noces, nuptial.
Dessous la loy du nopcier Hyménée. (III, p. i $4.)
Ronsard dit ailleurs : la couche nopcière, le lit
nuptial. (IV, p. 212.)
Norou'ègue, nom propre, orthographe de Ronsard
pour Norwège.
On dit qu'en Norouëgue ils se louent à gages.
(V, p. 131.)
Nou (A) (Nicot), et A Nage (Ronsard). Nicot ne cite
que l'ancienne expression à nou = en nageant, à
la nage. Ronsard emploie les deux formes. Ex. :
Passant à nou le fil d'une rivière. (III, p. 239.)
... gaigne le bord à nage. (III, p. 329.)
Nouailleux, adj. quai., noueux, plein de nœuds.
Un meslier nouailleux ombrage le portail. (IV, p. 48.)
îfoud, s. masc, orthographe conforme à la pronon-
ciation usuelle dans le centre de la France du mot :
nœud.
Mais le bras seulement fut captif de mes nouds.
(I,P- 29$ •)
Nouer, employé absolument comme verbe intransitif,
pour le réfléchi : se nouer.
... quand je veux louer
Quelque homme ou quelque dieu, soudain je sens nouer
La langue à mon palais (II, p. 171.)
Nouer, v. intrans., vieux mot usité dans le cours du
Moyen âge, vieillissait déjà au seizième siècle, inu-
Lex. Ronsard. 1 1
I 62 Lexique
site au dix-septième : s'écrivait Nouer et Noer, et
signifiait nager {natare).
Tous animaux, ceux qui dans l'air se jouent,
Ceux qui la mer entrecoupent et nouent. (III, p. 63 .)
Nourriçon, s. masc, orthographe de Ronsard (p =:
ss), pour Nourrisson (Nicot). Ex. : (IV, p. 40.)
Nourrissage, s. masc, signifie aujourd'hui la manière
d'élever les bestiaux, signifiait autrefois les soins
que l'on donne à un enfant.
Si tu es envers elle enfant de bon courage
Ores que tu le peux, rens-luy son nourrissage.
(VII, p. 22.)
Nournssement, s. masc. (Nicot : educatio), a un sens
différent dans Ronsard : fruit, produit. Ex. :
... de noirs serpents
Nourrissement de ses noires entrailles. (III, p. 184.)
Nourriture, s. fém., employé au sens ancien du mot
(Nicot, Littré) : éducation.
... Souvent la nourriture
Corrompt le naturel... (I, p. 3n-)
Nouveau, adj. quai., employé par Ronsard comme
synonyme de novice, inexpérimenté.
Ces vierges encore nouvelles
Et mal apprises au labeur. (II, p. 71.)
Nouvelet, adj. quai., diminutif de nouveau.
Et ces sourcis, deux croissans nouvelets. (I, p. 5.)
... un rosier nouvelet. (I, p. 24.)
Nuaux, s. masc. pL, employé deux fois par Ronsard :
nuages, nuées. Ex. : (I, p. 201, et II, p. 218.)
Nueux, adj. quai., vieux mot, nébuleux.
Vénus...
Songneuse d'eux, emmantela leurs corps
DE Ronsard. 165
D'une nueuse et obscure couronne
Pour n'estre veus ni cognus de personne.
(III, p. 112.)
Nuict, s. fém. pour Nuit. En vénerie, lieu où un ani-
mal passe la nuit, d'oii l'expression défaire la nuit
d'une bête, lui faire quitter l'endroit oiî elle fait sa
nuit. (I, 255.)
(V. Vénerie.)
Nuisance^ s. fém., dommage, préjudice. Trévoux ;
t vieux mot qui ne se dit plus qu'au Palais. »
... en cela l'abondance
De trop de serviteurs porte grande nuisance.
(IV, p. 282.)
Nuital, adj. quai., employé comme synonyme de noc-
turne.
Et de ta belle nuitale flame. (II, p. 274.)
Nyctelian {gr. wx-ceXio;), dieu des fêtes nocturnes,
appelées vuxTé/ia, un des surnoms de Bacchus.
(V,p.237.)
Nymphal, adj. quai., tiré du substantif nymphe
(Nicot)..
Et le troupeau nymphal des gentilles Naïades.
(I, p. 188.)
Nymphette, s. fém., diminutif de nymphe, petite
nymphe. Ex. : (I, p. 83.)
0
0 pour Od, vieux déjà, au quinzième siècle, employé
comme synonyme de la préposition avec.
Manger 0 mon compagnon.
(Odes, m, XXI, t. II, p. 235.)
164 Lexiq_ue
Oblivleux et Oublivîeux, adj. quai., qui fait oublier,
qui cause l'oubli {obliviosus).
Les Muses qui vives ne peuvent
L'oublivieux tombeau souffrir.
(Odes retr., t. Il, p. 4J0.)
Il l'applique au Styx :
... l'onde
Du grand fleuve oblivieux.
(Odes, IV, IV, t. II, p. 257-)
Mais Ronsard emploie aussi oublieux avec le
même sens.
Obscur; adj. aual., employé par Ronsard substantive-
ment pour le mot abstrait, obscurité. Ex. :
(V, p. 269.)
Obsèque, s. fém., autrefois usité au singulier, aujour-
d'hui exclusivement au pluriel : funérailles faites
avec une certaine pompe, convoi funèbre...
(Il) appeloit les âmes, qui venoient
Et sur l'obseque espaisses se tenoient. (III, p. 109.)
Ocieux, adj. (lat. otiosus).
1° Qui jouit du repos, calme, tranquille.
Avoir l'esprit et le cœur ocieux.
(Am., I, CCI, t. I, p. 114.)
2° Qui procure le repos.
Si tost que j'eus pressé les plumes ocieuses
De mon lict paresseux. (El., iv, t. IV, p. 225.)
3° Oisif. Ronsard en parlant de l'esprit humain
dit que :
... sans le corps il serait ocieux.
(Sonnets pour Hélène, L, t. I, p. 308.)
... la paresse ocieuse. (III, p. $9.)
Ocymore, mot forgé par Ronsard : « qui signifie de
petite durée. » (VII, p. 178.)
DÉ: Ronsard. i6$
Ode, s. fém. (Trévoux, Littré), * est de l'invention
de Ronsard» (Richelet). (II, p. 7.)
Odoreux, adj. quai, pour Odorant (Nicot). Ex. :
Tantost elle le baise et de fleurs odoreuses
Environne son front... (IV, p. 10.)
Œillader, v. trans. (Nicot), ancien mot qui signifiait
jeter l'œil sur, regarder, et que Trévoux signale
comme familier et n'étant pas « du bel usage » .
Lui qui debout se dressa
Et de plus près les œillade,
Les serrant d'une accolade
Mille fois les caressa. (II, p. 74.)
Œuvre, substantif, souvent masculin au seizième siècle.
Puis affectant un œuvre plus divin. (II, p. 128.)
C'estoit un œuvre grand depandant de Fortune.
(VII, p. 217.)
Offensé, part, passé du verbe offenser employé au sens
du latin offendere, recevoir un choc, et au figuré
être brisé par une émotion.
Je veux souvent pour rompre ton esmoy
Te saluer ; mais ma voix offensée
De trop de peur se retient amassée
Dedans la bouche et me laisse tout coy. (I, p. 120.)
Oincture ou Ointure, s. fém., vieux mot. (Lacombe,
Did.) Nicot donne oignement, onction et onguent^
synonymes. Ex. : (I, p. 258.)
Oindre, v. trans., employé par Ronsard au figuré dans
le sens de caresser, amadouer, flatter. Cf. l'anciea
dicton : Oignez vilain, il vous poindra.
Et fuy de bien loin les flateurs
S'ils veulent oindre tes aureilles
De fausses et vaines merveilles. (II, p. 39.)
Richelet traduit : » doucement amadouer. »
i66 Lexiq_ue
Oiselet, s. masc, diminutif de oiseau.
Des libres oiselets plus doux est le ramage
Que n'est le chant appris des rossignols en cage.
(IV, p. 6.)
Oiseux, adj. cjual., épithète appliquée par Ronsard à
la glace prise comme symbole de l'hiver : lent, im-
mobile.
Après que l'oiseuse glace
A quitté la froide place
Au printemps doux et plaisant. (II, p. 146.)
Oligochronïen, mot forgé par Ronsard : « qui signifie
une vie de petite durée. » (VII, p. 178.)
Ombre, substantif longtemps masculin et féminin, est
plus souvent masculin chez Ronsard.
Faisant de toutes pars
Un ombre espars. (II, p. 250.)
Qui d'un grand ombre ombrageoit la campagne.
(III, p. 73.)
Ombreux, adj. quai., signifiant jadis au propre : qui
donne de l'ombre, a été pris au figuré par Ronsard
dans le 'sens de : ténébreux. Ex. :
Et qu'après nos trespas, dans nos fosses ombreuses,
Nous fussions la chanson des bouches amoureuses.
(I, p. 230.)
One et Oncques, ancien adverbe de temps (lat. un-
quam), fréquemment employé par Ronsard.
Ondée, s. fém. (Nicot), est employé par Ronsard
avec deux acceptions.
1 ° Ondes, ondulations, en parlant de la chevelure.
Ex. : (I, p. 214.)
2' Gorgée. Ex. :
... boire... à friandes ondées. (III, p. 223.)
DE Ronsard. 167
Ondelet, adj. quai., créé par Ronsard, formé d'ondes,
en forme d'onde...
Ex. : A une fontaine...
Dessus ton sein ondelet. (II, p. 347.)
Ondetîe, s. fém., diminutif de onde. Ronsard dit aussi
ondelette. (Odes, V, XII, t. II, p. 345 et 347.)
Ondeux, adj. quai., tiré par Ronsard du mot onde :
roulé par les ondes, englouti par la mer.
(III, p. 107.)
Ondine, s. fém., employé comme nom propre pour
désigner une Nymphe des eaux. (VI, p. 140.)
Oraison, V. Orer.
Ord, adj. quai. (lat. horridus), vieux mot souvent em-
ployé par Ronsard : repoussant, sale. Nous avons
conservé le dérivé ordure.
C'est Childéric, roy de meschante vie,
Ord de luxure, infect de volupté. (III, p. 227.)
Les fertiles moissons des ordes voluptez.
(III, p. 270.)
Orendroit, adv. de temps, vieux mot : en ce moment,
à présent. (VII, p. 202.)
Orer, v. (lat. orare). Nicot indique deux sens de ce
verbe.
1° Discourir.
2" Prier.
C'est dans le sens de discourir qu'il se trouve
dans Ronsard. Ex. : (VI, p. 107.)
De Orer vient :
Oraison, s. fém., employé au sens primitif de
oratio, discours (Nicot, Littré). Ex. : (V, p. 95.)
On retrouve ce sens dans les dérivés : orateur,
art oratoire.
/
168 LEXIQ.UE
Ores..., Ore..., Or'..., répété, vieux mot employé par
Ronsard : maintenant..., maintenant, tantôt...,
tantôt. (II, p. SI.)
Or seul a le sens de : alors. (II, p. 50.)
Ores que, ancien mot : tandis que.
Aussi je ne veux mourir
Ores que je puis courir,
Ouïr, parier, boire et rire... (II, p. 354.)
Orfelïn; adj. quai. (Nicot), au sens propre signifie : privé '
de ses père et mère, orphelin. Ronsard l'emploie
au figuré (lat. orbus), privé de... Ex. :
... orfelin de renom. (V, p. 311.)
Oribns, Trévoux : « Terme populaire qui se dit ironî-
quement en cette phrase : Poudre d'oribus, pour se
moquer de ces poudres auxquelles les charlatans
attribuent de merveilleuses propriétés, comme si
elle étoit d'or ou pouvoit faire de l'or. > (Sjno-
nyme. Poudre de perlimpinpin , Trévoux, Riche-
let.) Ex.. : (VII, p. 24.)
Orin, adj. quai., couleur de l'or, doré.
Ces tresses orines. (I, p. 22.)
Orque, s. masc. C'est le mot latin orcus, pour dési-
gner les enfers.
... victime de l'Orque noir.
(Odes, 11, XVIII, t. II, p. 163.)
Et rorque despiteux, de la fosse profonde
Ici haut envoya les Furies.
(Hymnes, i, VI, t. V, p. 109.)
Ortel, abréviation de Orteil, s. masc. (Nicot, Littré).
Ex. : (VI, p. 414.)
Ost, s. masc, vieux mot, signifiant armée.
(III, p. 241, 247; VI, p. 323.)
DE^ Ronsard. 169
Oste-soif, adj. composé, créé par Ronsard.
... l'oste-soif échanson. (VI, p. 343.)
Oste'Soin, adj. composé, créé par Ronsard.
... l'or oste-soin. (V, p. 222.)
Ouaïlle, s. fém., ancien dérivé du vieux mot Oue,
brebis. On disait de même Oueille (Nicot, Littré).
Encore usité au figuré dans la langue ecclésiastique.
Employé au sens propre par Ronsard. Ex. : "
(IV, p. 260.)
Oursal, adj. quai., de la grande Ourse, du Nord,
arctique ; épithète de l'Aquilon.
Comme la nue en temps serein poussée
Fuit à grands pas l'haleine courroucée
De l'oursal Aquilon. (I, p. 215.)
Comme les fils des oursaux Aquilons. (VII, p. 151.)
Ourselet, s. masc, diminutif de Oars, innovation de
Ronsard. Nicot n'indique que le diminutif Ourson,
encore usité. (Littré.) Ex. : (IV, p. 113.)
Ossetj s. masc, synonyme d'Osselet (Nicot) : petit
os. Ex. : (II, p. 210.)
Outre j préposition (Nicot), signifie :
1° Au delà de.
Puis que tost je doy reposer
Outre l'infernale rivière... (Odes, v, XVIII, t. II, p. 3 j6.)
2° Derrière.
... outre leur dos... (II, p. 332.)
Outré, adj. quai., s'employait jadis dans l'expression :
outré de fatigue (Trévoux).
Elle adonc lassement outrée. (II, p. 69.)
Outre-couler et Oultre-couler, v. trans. (Nicot), dé-
border. C'est le sens qu'il a dans Ronsard. Ex. :
(V, p. 106.)
lyo Lexique
Outre-percéj part, passé, transpercé, percé d'outre en
outre.
Exemple unique de Ronsard. Poèmes Les armes,
à J. Brinon.
Ayant d'un coup de plomb le corps outrepercé.
(VI, p. 42.)
Cy ra OM Oyrra, 5^ pers. du sing. du futur de l'ind.
de Ou'irou Ouyr, entendre : ]'oyrrai, etc. On disait
aussi ]'orraï, tu orras. Ex. : (III, p. 315.)
L'infinitif Ouyr est employé substantivement
pour XOme. (II, p. 377.)
Pair {sans), expression ancienne, sans pareil, sans égal.
vierge sans pair. (III, p. 19J.)
Paletoc, s. masc. Nicot orthographie Palletoc (du
Gange, Nicot, Littré), vêtement de guerre, sorte
de capote sans manches, aujourd'hui paletot. Ex. :
(IV, p. 82.)
Palladien, adj. quai., dérivé de Pallas, créé par Ron-
sard. Il l'applique à la Quenouille inventée par
Pallas, selon la légende. (I, p. 220.)
Palle-vermeil, adj. composé, créé par Ronsard.
Le teint palle-vermeil. (III, p. 314.)
Panache ou Pennache (ital. pennachio), panache seul a
subsisté. Ronsard emploie indifféremment les deux
formes.
Et sur l'armet luy plantoit son pennache. /
(S. pour Astr., t. I, p. 268.)
Avoient les bras chargez et le chef de panaches.
(Hymnes, i, III, t. V, p. $8.)
DE Ronsard. 171
Pantois, adj., et Penthois, orthog:raphe de Ronsard,
t vieux mot qui signifiait celui dont la respiration
est empêchée » (Trévoux), haletant.
... une pantoise haleine
Bat leurs poumons... (III, p. 63.)
J'ay la sueur au front, j'ay l'estomach penthois,
(I,P. 3J2)
Papat, s. masc, ancien mot « dignité du Pape »...
On dit la papauté (Trévoux).
Il faut tant seulement avecques hardiesse
Détester le Papat, parler contre la messe.
(VII, p. éo.)
Papegay (de l'esp. papagayo), c'est l'ancien nom du
perroquet. On disait aussi dès le moyen âge, Pape-
jaîj Papegard et Papegaut.
... la couleur d'un gaillard papegay.
Bleu, pers, gris, jaune, incarnat et verd-gay.
(EL, XXIV, t. IV, p. 313.)
Ronsard l'emploie au pluriel une fois :
... les papegaux. (El. retr., t. IV, p. 384.)
Par {à), orthographe de Ronsard pour à part.
Avant que d'estre a vous je vivois sans esmoy :
Maintenant sur les eaux, maintenant à par moy
Dedans un bois secret, maintenant par les prées
J'errois... (VI, p. 159.)
Parangon, s. masc. (esp.paragon), d'oii le verbe actif
Parangonner, comparer. Sont souvent employés
par Ronsard.
... Son œil en beauté nompareil
Qui çà ne là son parangon ne trouve.
(Am., I, LXXIV, t. I, p. 43.)
(V. t. I, p. 347; t. VI, p. 329, etc.)
Quant ^\lwe^be Parangonner, il est généralement
actif et a le sens de comparer.
Je parangonne à vos yeux ce crystal.
(Am., I, LXXV, t. I, p. 44.)
172 Lexique
Mais Ronsard l'emploie une fois dans le sens
passif de : être égal.
... hé! bons Dieux, qui pourroit,
Quand un Homère il parangonneroit,
Qui pourroit faire esclairer la science
Parmy les maux qui regardent la France ?
(Poèmes retr., t. VI, p. 329.)
De nos jours on emploie quelquefois le substantif
Parangon, le verbe a disparu.
Par avant (Nicot), adverbe comme auparavant (Nicot,
Littré). Ex. :'(I, p. 287.)
Parce, pour aussi, c'est pourquoi.
Il est minuict : parce marche plus viste.
(III, p. 409.)
Cet emploi est rare dans Ronsard : il emploie
plus fréquemment en ce sens Pource.
Parentale, s. masc. (Nicot), ancien synonyme du
féminm parenté. (III, p. 208.)
Parleresse, s. fém., pour parleuse, féminin de parleur.
De sa bouche parleresse. (II, p. 20J.)
Parmi, employé absolument. Ex. : (II, p. 350.)
Part, s. masc, du hùn partus, accouchement, enfant
dont une femme vient d'accoucher, ne se trouve
que deux fois dans Ronsard.
On dit qu'un jour Vénus sans père la conceut.
... Et avorta du part... (Boc. Roy., t. III, p. 414.)
Ce mot est encore usité aujourd'hui dans les ex-
pressions juridiques : supposition de part, substi-
tution de part, suppression de part.
Partir, est pour nous un verbe intransitif et n'a qu'un
sens, celui de : quitter un lieu, s'en éloigner.
Ce verbe, dérivé du latin partiri, avait encore son
DE Ronsard. 173
sens étymologique. Il était actif et signifiait : par-
tager, diviser.
Auparavant j'avoy, Brinon,
Orné ce livre de ton nom,
Mais ores je me délibère,
Afin de doublement l'orner,
De le partir et d'en donner
Une partie à ta Sidère.
(Œuvres inédites, t. VIII, p, 146.)
Ainsi tous deux partirons l'Univers. (IV, p. 137.)
Parturoit, 3* pers. sing. imp. de l'ind. d'un verbe
Parturer, innovation de Ronsard, enfanter, mettre
au monde. Ex. : (II, p. 479.)
Passement, s. masc.,pour passage (Nicot). Ex. :
(III, p. 7(5.)
Pasithée, s. fém., mot grec, surnom de l'une des
Grâces : toute divine.
Pour obéir, la jeune Pasithée
Toute divine abandonna les cieux. (IV, p. 178.)
Il se trouve encore avec cette acception.
Est ce point Pasithée ou quelqu'une des Grâces ?
Œil, quiconque sois-tu, de splendeur tu surpasses
Vénus et Pasithée... (Boc. Roy., t. III, p. 387.)
Ailleurs Ronsard l'applique à son Hélène.
Soit que je sois haï de toy, ma Pasithée.
(I, p. 290.)
Passementer, v. trans., employé au figuré : orner,
couvrir d'une dentelle. Ex. -: (IV, p. 13.)
Pastenade, s. fém. (Nicot, Littré), nom ancien du
panais. On disait aussi Pastenague (Nicot, Littré).
Ex. : (II, p. 235.)
Patientement, adv., pour patiemment.
... patientement le labeur il endure. (IV, p. 306.)
174 Lexique
Patin, s. masc. » Soulier de femme qui a des semelles
fort hautes et garnies de liège- afin de paroître de
plus belle taille » (Trévoux). C'était une chaussure
élevée et élégante. (V, p. 221.)
Pau, s. masc, pour Pal (Nicot). Les deux formes
existaient concurremment.
... le coq planté dessus un pau
A trois fois salué le beau soleil nouveau.
(IV, p. 252.)
Pegasin, adj. quai., tiré du nom de Pégase ; au figuré :
poétique.
Je m'irois abreuver es ruisseaux pegasins.
(II, p. 175.)
Peinturer, v. trans. (Nicot), vieux mot : peindre, et
au figuré : orné de fleurs. Ex. : (I, p. 362.)
Pelasse, s. fém. (Nicot), écorce d'arbre. Ex. :
(II, p. 416.)
Penader, v. intrans., synonyme de Panader : se pa-
vaner, parader. Ex. : (VI, p. 122.)
Pencer.V, Penser.
Pendre, v. trans., dérivé du latin pendere, payer, em-
ployé par Ronsard dans le sens d'offrir, donner.
Je veux leur donner un festin
Et cent fois leur pendre la coupe. (II, p. 353.)
Pendre de (Nicot), employé par Ronsard pour dé-
pendre de...
Tout n'estoit que hazard et pendoit de Fortune.
(I, P- 367-)
... le peuple suit les traces de son maistre ;
Il pend de ses façons, il l'imite... (III, p. 269.)
Pennache. V. Panache.
DE Ronsard. 17$
Fermage, s. masc, vieux mot (du latin penna, bas
latin pennaticum), plumage.
Or maintenant ce Dieu sous les fiâmes jumelles
Des yeux de son hostesse estendoit ses deux ailes
Et seichoit son pennage a leur belle dairté...
(Boc. Roy., t. III, p. 387.)
Pensement, s. masc, rêverie, vieux mot dont on
trouve encore des exemples dans Régnier et Lafon-
taine.
Le resveillant d'un profond pensement. (III, p. 55.)
Penser j v. trans., panser. La distinction n'était pas
encore nettement établie pour l'orthographe et
pour le sens de ces deux mots distincts aujourd'hui.
Aussi Ronsard écrit-il en parlant du maître d'un
cheval :
Luy donne avoine et foin, soigneux de le penser.
De même : Pencer. (I, p. 375.)
Pentasilée, s. fém., nom propre, orthographe de
Ronsard pour Penthésilée. (VII, p. 35.)
Pépineux, adj. quai., qui renferme des pépins.
... la poire pépineuse. (VI, p. 64.)
Perche, s. fém. En termes de vénerie, se dit du mer-
rain, de la ramure d'un cerf ou du tronc de chaque
tête de cerf oii sont attachés les andouillers.
(1,255.)
(V. Vénerie.)
Perche {prendre la), locution ancienne (Nicot) : venir
se percher. Ex. : (III, p. 201.)
Perdurable, adj. composé, qui dure toujours, éternel.
Là je veux que la Parque
Tranche mon fatal fil,
Et m'envoye en la barque
De perdurable exil. (Odes, 11, XIII, t. II, p. 1 j6.)
176 ■ Lexiq^ue
cherchant par peine un perdurable nom.
(Odes, m, XVIII, t. II, p. 223.)
Pérennel, adj. quai., formé sur le latin perennis, éter-
nel, employé par Ronsard concurremment avec ce
dernier.
De ce palais éternel
Brave en colonnes hautaines
Sourdoit de vives fontaines
Le vif surgeon pérennel.
(Odes, I, X, t. II, p. 73, et V, p. 282.)
L'adjectif pérennel a disparu : mais l'on trouve
encore aujourd'hui des exemples du substantif
Pérennité.
Péris pour Périls, s. masc. ; pluriel du mot péril. On
pouvait dans l'écriture supprimer devant 1 j du plu-
riel la consonne finale qu on ne faisait pas sentir
dans la prononciation.
... combien sur les eaux
Il a de fois
surmonté la fortune
Et sur la terre eschappé de péris. (III, p. 43.)
Perleure ou Perlure, s. fém. Vénerie. « Grumeaux ou
inégalités qui sont le long du bois des cerfs, daims
ou chevreuils » (Trévoux). (I, 2^5.)
(V. Vénerie.)
Perkux, adj. quai., couvert des perles de la rosée.
Sus ! debout ! allons voir l'herbelette perleuse.
(I,p. 164.)
Perruque, s. fém., chevelure. C'est le sens primitif
de ce mot.
Hélène seule, estant gaignée
D'une perruque bien peignée. (II, p. iij.)
Au figuré Ronsard l'emploie pour désigner le
feuillage des arbres.
DE Ronsard. 177
Ta forest d'orangers, dont la perruque verte
De cheveux éternels en tout temps est couverte.
(I, P-37I-)
Perruque, adj., coiffé de, ancien sens du mot. (Tré-
voux, Nicot, Littré.) Ex. : (V, p. 39.)
Pers, adj.; au îém., perse, « qui est d'une couleur
bleue ou tirant sur le bleu » (Nicot, Trévoux).
... leurs formes diverses
Peintes de cent façons, jaunes, rouges et perses.
(I,p. 362.)
Pertuis, s. masc, vieux mot : trou, ouverture.
... les pluyes tortues
Par cent pertuis se crevèrent des nues. (III, p. 93.)
De là le vieux verbe Pertuiser : percer de trous.
Comme Pan (inventa) le chalumeau
Qu'il pertuisa du roseau
Formé du corps de s'amie (Syrinx). (II, p. 360.)
Peste, s. fém., employé dans le sens du latin pestis,
fléau, mal, mal d'amour.
Et si ne puis ma douleur secourir
Tant i'ay sa peste en mes veines enclose.
(Am. I, CLIII, t. I, p. 88.)
Pesteux, ad], quai., créé par Ronsard. Nicot cite Pestî-
lentieux et Pestilentiel. Ex. : (VI, p. 345.)
Peupleux, adj, quai., synonyme de populeux.
Les peupleuses citez. (V, p. 133.)
Peureux, Poureux et Paoureux. Ronsard emploie ces
trois formes différentes du même mot. (II, p. 39c ;
III,p.358;IV,p. 32o;VII,p.287;VII,p. 299.)
Peu-sobre, adj. composé par juxtaposition.
Les peu-sobres propos... (V, p. 233.)
Ltx. Ronsard. 12
lyS Lexique
Phalange, s. masc, nom vulgaire des faucheux et des
mygales. (I, p. 395.)
Phanete. C'est une adaptation en français du grec
*àvr,<;, Phanès, nom donné au dieu de la lumière
dans la mythologie orphique.
Dieu (disoit-il) qui tiens l'arc en la main...
Qui du Chaos la caverne profonde
Ouvris premier, et, paroissant armé
De traits de feu, Phanète fus nommé.
(Fr., II, t. III, p. 118.)
PhlUen, du grec 4>t),ioc, surnom de Jupiter considéré
comme protecteur de l'amitié.
Car Jupiter le Philien
Quelquefois avecque le pire
Punit le juste... (Odes, v, IX, t. II, p. 335.)
Phocenses, adj. Ronsard forme ce mot sur le latin
Phocenses, qui désigne les habitants de la Phocide
et qu'il confond ainsi avec les colons venus de Pho-
cée, ville d'Asie Mineure, Phocaenses, d'où Phocéens,
fondateurs de Marseille.
Bien que Marseille...
Vante bien haut ses phocenses ayeux...
(Boc. Roy., t. III, p. 381.)
Phthinopore, mot forgé par Ronsard du grec çOtvoTrœpiç,
qui gâte les fruits. (V, p. 198.)
Pied, s. masc, terme de vénerie: la trace d'une bête.
(1,255.)
(V. Vénerie.)
Pieds-de-chèvre, adj. composé, innovation de Ronsard.'
... les Sylvains pieds-de-chèyres. (V, p. 199.)
Pied-vite, adj. composé, traduction du grec itoSoç
ô/uç 'AxiW.éuc, créé par Ronsard.
Achille pied-vite. (V, p. 6j.)
Il a créé aussi Viste-pied (v. ce mot).
DE Ronsard. 179
Piedmonf, nom propre, ancienne orthographe du mot
Piémont, province d'Italie.
... et les lis et les roses
Au plus froid de l'hyver soient pour elle décloses
Aux buissons de Piedmont! (Ed. 1, t. IV, p. 38.)
PieteuXj adj. quai., innovation de Ronsard pour P/Vux.
Nicot donne Piteux.
Quel sujet ne seroit dévot et charitable
Sous un roy pieteux.î* (III, p. 269.)
Pigné pour Peigné, part, passé du verbe peigner. On
a dit : pigne pour peigne au moyen âge, et pigner
pour peigner.
Sa teste bien pignée. (I, p. 129.)
Piller, V. trans. , n'a plus pour nous qu'un sens restreint :
Ronsard l'emploie dans un sens tout à fait général
d'après l'italien pigliare, prendre, ravir.
... d'un tour de ses yeux
Piller les cœurs de mille hommes qui passent.
(I, p. 116.)
II a conservé ce sens général en vénerie dans
l'expression Pille! cri par lequel le chasseur excite
le cnien à saisir le gibier.
Pilleresse, adj. fém., employé par Ronsard pour Pil-
larde.
Fauche, garçon, d'une main pilleresse
Le bel esmaii de la verte saison. (I, p. 109.)
paierie, s. fém. (Nicot), ancien synonyme de pillage
(Nicot, Littré). Ex. : (II, 296.)
Pillier, s. masc, orthographe de Ronsard (redouble-
ment de /) pour Pilier (Nicot), au figuré appliqué
aux courtisans. Ex. : (III, p. 376.)
Pincel, s. masc, forme plus ancienne que pinceau.
(II, p. 340,)
i8o Lexiq_ue
Pindarîser, v. intrans., innovation de Ronsard : imi-
ter Pindare.
Si, dès mon enfance,
Le premier de France
J'ay pindarisé.
De telle entreprise,
Heureusement prise.
Je me voy prisé. (Odes, ii, II, t. II, p. 135.)
C'est en effet Ronsard qui a inventé le mot et
la chose.
Nicot au figuré indique le sens de écrire ou par-.
1er d'un style pompeux. Ronsard l'emploie toujours
au sens propre.
Piolé (Nicot, Trévoux, Littré), terme populaire,
vieux mot : bigarré de diverses couleurs, synonyme
de Riolé (Nicot). Ex. : (II, p. 228.)
Piteux, adj. quai., qui inspire la pitié.
Piteux regard (spectacle pitoyable). (III, p. 120.)
Et de son chant piteux les mânes estonnoit.
(III, p. 432.)
Pithon ou Pj>thon (gr. uetôw), déesse de la persuasion
ou de l'éloquence; innovation de Ronsard.
Tant la douce Python ses lèvres arrosa,
Quand jeune enfant sa bouche composa...
(Hymnes, i, IV, t. V, p. 73.)
Pithon en l'allaittant sa bouche composa
D'éloquence naïve... (III, p. 273.)
Plaint, vieux mot, s. masc, usité durant tout le cours
du moyen âge : plainte.
Si ton oreille encore se recrée
D'ouïr les plaints des amoureuses vois. (I, p. 34.)
Planer, employé par Ronsard comme verbe intransitif
dans un sens tout particulier : se convertir en
plaines. (Am., I, 140, t. I, p. 80.)
DE Ronsard. i8i
Planté (Nicot, Littré), s. fém., vieux mot : abon-
dance. On écrivait aussi Plenté (Nicot : plenitas),
Ex.:(III, p. 295.)
Plastron, s. masc. On appelait ainsi une cuirasse qui
ne couvrait que le devant du corps.
Ces grands foudres de la guerre
Non plus que toy n'iront pas
Armez d'un plastron là-bas
Comme ils alloient aux batailles. (II, p. 269.)
Platelle, s. fém., « qui est, dit H. Estienne (Préc. du
lang. françois, éd. Feugère, p. 53), usité en quel-
ques lieux qui sont près de Paris. » Trévoux ortho-
graphie Platel, un plat, et Platelle, une terrine.
Ces vers modifiés par des variantes, 1578,
1584, etc., ne se trouvent que dans l'édition de
1625.
Comme l'esdair du soleil flamboyant,
Ou du croissant, qui tremblotant sautelle
Sur l'eau versée au creux d'une platelle.
(Fr., m, t. I, p. 637, éd. in-fol. de 1623 .)
Player, v. trans. (Nicot), ancien synonyme de navrer
(Nicot, Littré) : blesser. Ex. : (I, p. 42.)
Plein d'effroy, au lieu d'être employé au sens passif,
l'est au sens actif : qui inspire de l'effroi.
(VI, p. 158.)
Pleînte, s. fém., orthographe de Ronsard pour plainte
{ei=ai).Ex. : (I, p. 51.)
Plombé, part, passé du yevhe plomber, employé adjec-
tivement : lourd comme le plomb. Ex. : (I, p. 46.)
Plomber, v. trans. (Nicot, Littré), au sens propre :
garnir de plomb, au figuré : frapper à coups vio-
lents et réitérés. En ce dernier sens employé par
Ronsard. (I, p. 1 3 1.)
i82 Lexique
Plombet, s. masc, balle de plomb, n'est pas cité par
Nicot, innovation de Ronsard. Ex. :
(VII, p, 204.)
Plumeux, adj. Ronsard lui attribuedeux sens.
1° Couvert de plumes.
... plumeux comme un oyseau. (I, p. 2^2.)
Et de même (III, p. 306).
2" Garni de plumes.
... un plumeux aureiller. (VI, p. 70.)
Play eux, adj. quai., employé par Ronsard pour plu-
vieux.
Une pluyeuse tempeste. (II, p. 191.)
De même (II, p. 337).
Il emploie aussi /?/uv/Vux. (III, p. 91.)
y Poignant, part. prés, du verbe pomdre (lat. pungere),
f piguant, bien aigu, au sens propre. Il n'est plus
usité qu'au figuré.
De leurs aiguilles poignantes. (II, p. 271.)
Poinçonner, v. trans., employé par Ronsard comme
synonyme de poindre (Nicot), de même queespoin-
çonner est synonyme de espoindre (Nicot). Ex. :
.... (VI, p. 23.)
Poinct {en ce), expression composée à laquelle Ron-
sard donne la valeur de l'adverbe ûZ/w/ (m. à m. dans
cette situation). Ex. :
Des maris grecs l'industrieuse Heleine,
L'aiguille en main, retraçoit les combas;
Dessus ta gaze en ce poinct tu t'esbas
Traçant le mal duquel ma vie est pleine. (I, p. 118.)
Poincture, s. fém., vieux mot dérivé du verbe poin-
dre : piqûre (Nicot, Littré).
DE Ronsard. i8j
... tu sentiras un jour
Combien leur poincture est amere. (II, p. 369.)
Ronsard l'écrit aussi Po/n/urg. (I, p. 200.)
Pointe, s. fém., employé par Ronsard au sens du
grec àxfxV), dans l'expression : la pointe de notre
% (la fleur). Ex. : (III, p. 118.)
Poise, ancienne forme de la 3» pers. du prés, de
l'ind. de peser.
... je lui feray cognoistre
A coups ferrez combien poise ma destre.
(IV, p. iji.)
Ronsard emploie d'ailleurs l'infinitif Poiser, an-
cienne orthographe du verbe peser. (V, p. 1 18.)
Poison, s. masc, aujourd'hui, est presque toujours
féminin au seizième siècle.
Je veux charmer, si je puis, la poison
Dont un bel œil enchanta ma raison. (î, p. 109.)
... l'amoureuse poison. (I, p. 168.)
... la poison amère. (I, p. 194.)
Poisseux, adj,, couleur de la poix, épithète que Ron-
sard applique à la nuit, picea nox.
... Une effroyable nuit
Cachant la mer d'une poisseuse robe.
(Fr. II, t. m, p. 93.)
De même: (VI, p. 40.)
Poissonnier, adj. quai., qui sert à la pêche.
Berteau le pescheur s'est noyé
En sa nacelle poissonnière... (VI, p. 408.)
PoHot, s. masc, pour Podiot, nom vulgaire d'une
espèce de menthe.
Ni cannes ni roseaux ne bordent ton rivage,
Mais le gay poliot, des bergères amy... (I, p. 359,)
184 Lexique
Poilu (lat. pollutus; part, de polluer e), souillé, profané.
Vous dites que des corps les amours sont pollues.
(Sonnets pour Hélène, L, t. I, p. 308.)
Pommeler, v. intrans., employé par Ronsard dans le
sens de : s'arrondir en forme de pommes.
Vous avez les tetins comme deux monts de lait
Qui pommelent ainsi qu'au printemps nouvelet
Pommelent deux boutons. (I, p. 148.)
De là l'adjectif Pommelu : arrondi en forme de
pomme.
Pein son menton au milieu fosselu
Et que le bout, en rondeur pommelu,
Soit tout ainsi que l'on voit apparoistre
Le bout d'un coing qui ja commence a croistre.
(I, p-«3r)
Pommeux, adj. quai., employé par Ronsard pour si-
gnifier : dont le fruit est semblable à la pomme.
Ou secouer le fruit d'un pommeux arbrisseau.
(VI, p. jo.)
... le pied des pommeux orangers. (V, p. 19$.)
Pompe; s. fém., ostentation.
Je defens qu'on ne rompe
Le marbre pour la pompe
De vouloir mon tombean
Bastir plus beau. (II, p. 249.)
Pomper, v. intrans., employé par Ronsard dans le
sens de : rendre pompeux, parer, orner.
Quand les forests, les plaines et les fleuves,
Tertres et bois, vestus de robes neuves.
Enorgueillis de cent mille couleurs,
Pompent leur sein d'un riche émail de fleurs.
(III, p. 160.)
Pompon, s. masc, « espèce de melon blanc, fort
commun en Espagne » (Trévoux). On disait aussi
Pepons (Nicot).
DE Ronsard. i8s
Achète des abricôs,
Des pompons, des artichôs. (II, p. 163.)
Populace j s. fém. aujourd'hui, est masculin dans
Ronsard. Ex. : (VI, p. 259.)
Portaux, s. masc, ancienne forme du pluriel de por-
tail (Nicot). Ex. : (III, p. 120 et 293.)
Porte, préfixe tiré du verbe porter, 3* pers. sing.
prés, ind., employé par Ronsard dans la formation
d'un certain nombre de mots composés.
Porte-brandon, adj. composé, créé par Ronsard qui en
fait l'épithète de l'Amour par allusion à la torche
emblématique que les poètes, les peintres et les sculp-
teurs attribuent à ce dieu. (Fr., Il, t. III, p. 1 18.)
Porte-ciel, ad}, composé, créé par Ronsard qui l'ap-
plique au géant Atlas qui portait, selon la mytholo-
gie, le ciel sur ses épaules.
Atlas porte-ciel. (V, p. 276.)
Porte-couronnes, adj. composé, créé par Ronsard. Il
dit en parlant de la Fortune :
Elle renverse à bas les Roys porte-couronnes.
(VI, p. m8.)
Porte-épy, adj. composé, créé par Ronsard qui l'ap-
plique à la lavande (lat. spica nardï).
L'aspic porte-épy.
(Am., II, Voyage de Tours, t. I, p. 190.)
Porte-espée, nom composé formé par Ronsard.
Tu as ton connestable Anne Montmorency,
Ton Mars, ton porte-espée. (V, p. 73.)
Porte-flame, adj. composé, créé par Ronsard, épi-
thète qu'il applique à la canicule.
... quand la porte-flame,
La chienne du ciel, enflame
Le monde de toutes parts. (Odes, v, XII, t. II, p. 346.)
î86 Lexique
Porte-fléau, adj. composé, créé par Ronsard pour
traduire le grec [xaaTiyoïpoçoç.
Ajax porte-fléau. (Œuvres inédites, î. VIll, p. ijo.)^
Porte-laine, adj. composé, créé par Ronsard et appli-
qué aux moutons.
Troupeau porte-laine. (Ed., i, t. IV, p. 19.)
Porte-lance, adj. composé, créé par Ronsard. Épithète
de Bacchus : qui porte le thyrse, sorte de lance
enguirlandée de pampre.
Le bon Bacchus porte-lance. (VI, p. 390.)
Porte-maisons, adj. composé, créé par Ronsard. Épi-
thète de nature appliquée au colimaçon.
Le limas porte-maisons. (VI, p. 71.)
Porte-proye, adj. composé, créé par Ronsard : il dit
en parlant des fourmis transformées en hommes :
Leur dos porte-proye. (Boc. Roy., t. III, p. 3J4.)
Portendre, v. trans. {ht. portendere), présager. Ron^-
sard n'a employé qu'une fois ce verbe qu'il a créé
sur le latin, à l'imparfait de l'indicatif.
Voulant savoir, du songe tout esmeu.
Que portendoit ce grand fantaume veu.
(Fr., IV, t. III, p. 218.)
Portraire ou Pourtraire, vieux mot (Palsgrave, Nicot,
Littré) : représenter par le dessin, la gravure, etc.
Ex. :
... un vaisseau fait au tour,
Où maintes choses sont diversement portraites.
(I,p. 12.)
Ronsard lui attribue aussi le sens de : orné de
peintures, décoré, peint.
Que son plancher ne soit lambrissé ny doré
Ni pourtraict de tableaux que le vulgaire admire.
(V, p. J20.)
I
DE Ronsard. 187
De là l'emploi de l'ancien substantif PourtraiC'
ture. (IV, p. 399.)
Poster, V. intrans., ancien mot dérivé de poste, aller
la poste, « courir, aller ça et là en diligence» , déjà
signalé par Trévoux comme usité par la populace,
subsiste encore avec le même sens dans la langue
populaire.
Poste, dit-il, marche, fuy. (II, p. 321.)
Poulcer, V. trans. Ronsard l'écrit ainsi parce qu'il le
dérive de Poulce (pouce), et lui attribue le sens de :
faire vibrer à l'aide du pouce. Nicot donne PouUer
(lat. pulsaré), qui serait peut-être préférable.
(Les Muses)... m'apprindrent leurs mestiers,
A bien faire des vers, à bien poulcer la lyre.
(m, p. 372.)
Poupel'm, s. masc, pour poupon.
... mon petit poupelin. (III, p. 426.)
Poupeliner, v. trans., bercer, caresser comme un en-
fant berce et caresse sa poupée. Ex. : (VI, p. 396.)
Poupine, s. fém., pour poupée. (Nicot, Trévoux,
Littré.)Ex. : (VI, p. 391.)
Pouppîer, ad]., innovation de Ronsard qui l'applique
au vent, qui prend le navire en poupe, favorable.
Le vent en ma faveur, qui pouppier se reveille,
Me poussa de Milete aux rives de Marseille.
(Boc. Roy., t. III, p. 298.)
Pourfiler, v. trans., comme Porfiler (les deux dans
Nicot), broder. Ex. : (III, p. 158.)
Pourperet, allongement de Pourpret, diminutif de
pourpre. Cf. Pourprin.
... la rose pourperette. (II, p. 342.)
i88 Lexique
Pourprîn, adj. quai. Ronsard l'emploie concurremment
avec pourperet, pourperê, pourpre, pourpré.
... pourprine rose. (II, p. 342.)
... ses lèvres pourperées. (II, p. 345.)
... devant un sénat pourpré. (II, p. 357.)
... la rose pourperette. (II, p. 342.)
Pourprls, s. masc, vieux mot appartenant à l'ancienne
langue : habitation, enclos {conseptum).
... la demeure
Où les heureux esprits
Ont leur pourpris. (Odes, iv, IV, t. II, p. 2J2.)
De même : (VII, p. 277.)
Pourtraire, Pourtraicture. (V. Portraire.)
Pousser, v. trans. Ronsard l'emploie dans le sens du
latin depelkre, deturbare, chasser, précipiter de...
Ex. : En parlant de l'inconstance de la Fortune.
Cadme sentit bien sa secousse
Et de quel tonnerre elle pousse
Les grands princes de leurs honneurs. (II, p. 37.)
Pousse-terre, adj. composé, créé par Ronsard et em-
ployé substantivement comme épithète de Nep-
tune : pousse-terre (qui remue, qui ébranle la terre).
(III, p. 528.)
Poussînîère, s. fém. Nom populaire delà constellation
des Pléiades (Trévoux). Ex. : (VI, p. 408.)
Poutre, s. fém., vieux mot : jument (lat. pullitrum).
... les poutres hennissantes. (I, p. 214.)
Pourquoy, comme une jeune poutre
De travers guignes-tu vers moy? (II, p. 288.)
On écrivait aussi Poultre.
Préau, s. masc. (lat. pratulum), petit pré (Nicot).
Ex. : (II, p. 44e.)
1
DE Ronsard. 189
Prédicant, s. masc, » terme de mépris sous lequel
on désigne les ministres de la Religion Réformée »
(Trévoux). Ex. : (VII, p. 85, 86 et 87.)
Ronsard en dérive le péjoratif : Prédicantereau,
s. masc. (VII, p. 86.)
Prée, s. fém., vieux mot '{Roman de la Rose, Pals-
grave, Nicot).
lo, voicy la prée verdelette. (I, p. 92.)
Premier, adv., signifiait pour la première fois (Nicot,
Littré).
Engendra les ayeux dont est sorty le père
Par qui premier je vy ceste belle lumière.
(IV, p. 297-)
Présagieux, adj. quai., qui porte avec soi un présage
de malheur. (III, p. 277.)
Avant sa mort les feux présagieux
Le tremble-terre et les foudres des deux
Esbranleront sa royale demeure. (III, p. 232.)
(Une comète) va signant les cieux
De cheveux rougissants d'un feu présagieux.
(III, p. 277.)
Presse, s. fém., « vieux mot, peine, affliction, persé-
cution (Gloss. sur Marot), Trévoux » . Ronsard
l'emploie dans le sens atténué de insistance.
Je ne vous seray plus, d'une importune presse,
Fascheux comme je suis. (I, p. 299.)
Presse sur presse, expression composée formée du mot
Presse, pris au sens de foule, multitude de person-
nes ou d'objets qui se pressent, se serrent les uns
contre les autres, de là le sens de cette expres-
sion : sans intervalles.
En longs cheveux ornez presse sur presse
De chaisnes d'or et de carquans gravez. (III, p. 24J.)
.Pressouerj ancienne fofme du mot pressoir (Littré,
190 L E X I Q.U E
Roman de la Rose, Paisgrave), comme Mîroer et
Mirouer pour miroir (v. ce mot).
Et tous les ans il voirra sur l'autonne
Bacchus luy rire, et plus que ses voisins
Dans son pressouer gennera de raisins. (III, p. 406.)
Preste, fém. de l'adj. prêt, employé par Ronsard dans
le sens très restreint de : qui appartient à, qui est
au pouvoir, à la disposition de quelqu'un.
Gaignons ce jour icy, trompons nostre trespas ;
Peut-estre que demain nous ne reboirons pas.
S'attendre au lendemain n'est pas chose trop preste.
(1, p. 159. Variante de 1^84.)
Printaner, v. intrans. (en parlant de la nature), revê-
tir sa robe de printemps, se couvrir de verdure.
Ex. : (I, p. 116.)
Proesme, s. masc, très ancien mot, dérivé deproxi-
mus : prochain (Nicot). Un exemple : (VI, p. 179.)
Prothenotaîre et Protonotaire, s. masc. Protonotaire
est seul mdiqué par Nicot et semble avoir été seul
usité. Prothenotaire est de l'invention de Ronsard,
3ui d'ailleurs a employé aussi Protonotaire : officier
e la cour de Rome ayant un degré de prééminence
sur tous les notaires ae la même cour, et qui reçoit
et expédie les actes des consistoires publics. Ex. :
(II, p. 423, Protonotaire, et III, p. 401, Protheno-
taire.)
Preud' homme, forme ancienne du mot prud'homme.
On voit par l'emploi au'en fait Ronsard qu'il le rat-
tache à la racine prudens homo.
... ce preud'homme,
Fin artisan de cauteleux moyens. (III, p. 194-19J.)
Prime, adj. (lat. primus), premier, vieux mot (Littré,
Nicot). '
DE Ronsard. 191
PoHux, vaillant à l'escrime,
Et son frère, qu'on loûra
Pour des chevaliers le prime. (H, p. 2}}.)
La volupté sur toutes doucereuse
C'est en amour cueillir la prime fleur,
Non un bouton qui n'a plus de couleur. (III, p. i8i.)
De là le sens figuré : qui vient de se former, fin,
délié, que Nicot traduit par tenais.
Ce Francion avait un beau menton,
Crespu de soye et pareil au coton
Prime et douillet, dent le fruitier autonne
La peau des coings blondement environne.
(III, p. i6l.)
Prime, s. fém., jeu de cartes fort en vogue au sei-
zième siècle et qui se jouait avec quatre cartes.
« Jeu de cartes où Ton oste les huicts, les neufs et
les dix, oij les testes valent moins, et le sept plus ;
le flus est de quatre semblables, et prime de quatre
différentes ; et permis est de faire vade, tant que
l'on aye ce que Ton désire. » (Note de CI. Garnier.)
Je cherche compagnie, ou je joue à la prime.
(VII, p. 113.)
Prindrent, ancienne forme de la 3* pers. plur., passé
défini de prendre : prirent.
Ces mains, ceste bouche et ce front.
Qui prindrent mon cueur. (I, p. 234.)
Printine, s. fém. Nom de Nymphe de l'invention de
Ronsard. (VI, p. 139.)
Privément, adv., vieux mot (Littré, Nicot), d'une
manière privée, familière, familièrement.
Plus privément, en imitant l'exemple
Des amoureux, tu me diras ton soin. (III, p. 197.)
Probosce, s. fém. (gr. irpoêocTxt;), trompe de l'éléphant,
subsiste dans le dérivé Proboscidien.
192 Lexiq_ue
Mocgueurs, causeurs, escornifîeurs de tables,
Qui bien repeus, autant de nez te font
Qu'a de probosce un vieil Rhinoceront...
(Eleg., XXXII, t. IV, p. 3J2.)
Pront, fém., Pronte, adj.qual., orthographe italienne
(pronto) du mot prompt.
Qui voudra voir une jeunesse pronte
A suivre en vain l'objet de son malheur. (I, p. i .)
Pronube, adj. fém. C'est l'épithète himtpronuba (qui
préside au mariage), appliquée à Junon.
La pronube Junon. (Boc. Roy., t. III, p. 430.)
Province, s. fém., pris dans le sens très particulier de:
patrie, pays natal.
... mais, puisqu'il faut mourir,
Donne-moy que soudain je te puisse encourir,
Ou pour l'honneur de Dieu ou pour servir mon prince,
Navré, poitrine ouverte, au bord de ma province !
(V, p. 249.)
(C'est-à-dire aux frontières de mon pays.)
Pucelette, s. fém., diminutif de pucelle, antérieur à
Ronsard.
Une jeune pucelette. (VI, p. 353.)
Pucelle, s. fém., diminutif de puce, créé par Ron-
sard. (I, p. 61.)
Puissant, construit avec la préposition de et un infini-
tif complément, construction rare (Littré : ex. de
Pascal) : qui a le pouvoir de.
0 déesse puissante
De pouvoir secourir
La vierge languissante
Déjà preste à mourir. (II, p. 2 $6.)
Purger, v. trans. {pur gare), nettoyer, purifier.
Le dix-septième siècle l'emploiera encore dans
l'expression : purger les passions.
J
DE Ronsard. 193
Ronsard l'employait dans le même sens en par-
lant de l'âme :
... aux enfers, comme un songe léger
Elle devalle, afin de se purger
Et nettoyer la macule imprimée
Qu'elle receut dans le corps renfermée. (III, p. 222.)
Putaîn, s. fém., opposé à chemise (d'homme) : vête-
ment de dessous que portaient les femmes de mau-
vaise vie (?). (VII, p. 306.)
Pyralîde, bête à lacjuelle on attribue ainsi qu'à la sa-
lamandre la propriété de vivre dans le feu.
Muret dans son commentaire en donne la défini-
tion suivante : < Pyralides sont petites bestes vo-
lantes qui ont quatre pieds et se trouvent en l'isle
<le Cypre, ayant telle nature qu'elles vivent dans le
feu et meurent dès qu'elles s'en esloignent un peu
trop. ï Nicot a emprunté à Muret cette définition.
Sans vivre en toi je tomberois là-bas (aux enfers).
La pyralide en ce poinct ne vit pas
Perdant sa flamme et le dauphin son onde.
(Am., I, p. 138.)
Quadrelle, s. fém. C'est le substantif italien qnadrello,
flèche, dard, carreau. Ronsard n'offre qu'un exem-
ple de ce mot, qui d'ailleurs n'a pas pris racine dans
notre langue.
Amour, tu semble au phalange qui point
Luy de sa queue, et toy de ta quadrelle. (I, p. 39J.)
Quant, vieux mot, féminin Quanta : combien de.
Dy quantes fois le jour, lamentant ma misère,
T'ay-je fait souspirer. (I, p. 359.)
Ux. Ronsard. \ }
194 Lexique
Querelle, s. fém. (lat. querela).
i" Plainte.
Ainsy se plainct, d'une longue querelle,
Par les forests la veuve tourterelle.
(Œuvres inédites, VIII, p. I2j.)
2* Cri plaintif.
Vous, gressets, qui servez aux charmes, comme on dit,
Criez en autre part vostre antique querelle.
5° Dispute.
La contentieuse querelle
De Minerve et du Cronien (Neptune).
(Odes,i, X, t. II, p. 7s.)
Querre, ancien infinitif de Quérir, antérieur à celui-ci
comme Courre pour Courir (Littré). Ex. :
(n,p-i73-)
Quesse, s. fém. (Nicot), caisse. Nicot : « Quesse,
qu'on deust escrire Quaisse, tout ainsi que le Lan-
guedoc qui le prononce Caisse, comme estant fait
de ce mot Capsa. t> Ex. : (III, p. 176.)
Queste (Nicot, Littré), s. fém., peut avoir deux
acceptions.
r Sens actif, action de chercher.
Au poinct du jour, comme il alloit en queste.
(III, p. 152.)
2" Sens passif : la chose quêtée, la proie.
Sans y penser te surprendra
Comme une jeune et tendre queste. (I, p. 43J-436.)
Quiers (je), r" pers. de Tind. prés, de Querre ou
Quérir. Ex. : (II, p. 233.)
Quis, fém., Quise, participe passé de l'ancien verbe
Querre ou Quérir. Ex. : (II, p. 141.)
Quitter, v. trans., au sens ancien : céder, abandonner
(Nicot, Littré). Ex. : (I, p. 384, et III, p. 24J.)
DE Ronsard. 195
Rabas, s. masc. pi., au singulier Rabat. Claude Garnier
dans son commentaire des Discours l'explique ainsi :
« Rabat est un mot de Touraine qui veut dire un
esprit qui raude et va de nuict, » Revenant. Ex. :
Tu as veu les rabas encore mieux que moy.
(VII, p. 100.)
Trévoux : « Rabat... lutin, esprit qui revient la
nuit et qui fait du bruit dans la maison. Larva, Lé-
mures. Rabelais parle de la momerie des Rabas et
des Lutins. »
Racler, v. trans. (Nicot), employé au figuré par Ron-
sard : effacer. Ex. : (II, p. 58 et 349.)
Radoté, s. masc, pour radoteur (Littré). Un seul
exemple chez Ronsard : (III, p. 124.)
Radouber, v. trans., terme de marine : réparer un
navire. Ronsard l'emploie avec une acception plus
générale : réparer, recoudre. Ex. :
L'autre jour que j'estois assis près d'un ruisseau.
Radoubant ma musette avecques mon alesne.
(IV, p. ij.)
Radresse, pour redresse, 3* pers. du sing. du prés, de
l'ind. de redresser : dans le sens de corriger. Ex. :
(II, p. 179.)
Raffriandé, mot composé par Ronsard du simple :
aff'riandé. Ex. : (I, p. 94.)
Raillard, adj. quai. (Nicot), ou railleur (N.).
L'un la satyre et l'autre plus gaillard
Nous sallera l'épigramme raillard. (VI, p. 45.)
196 Lexique
Rais, s. masc. (lat. radius), vieux mot : rayon.
Comme un beau lis, au mois de juin, blessé
D'un rais trop chaud, languit a chef baissé. (I, p. j6.)
Raknter. (V. Alenter.)
Rama^er, adj. quai., innovation de Ronsard : qui a
un joli ramage.
Rossignols ramagers, qui d'un plaisant langage
Nuict et jour rechantez vos versets amoureux.
(Sonnets pour Hélène, u, XLIII, t. I, p. I4.)
Ramé, adj. quai., vieux mot. {Roman de la Rose.)
1° Garni de branches.
...il veit, par cas d'aventure,
Sur un arbre Amour emplumé,
Qui Yoloit par le bois ramé
Sur l'une et sur l'autre verdure. (I, p. 43 j.)
2° Ronsard lui attribue le sens de : garni de
rames. Ex. :
Les nobles fils des dieux dans Argon enfermés
Quittant le double rang de leurs sièges rames
D'une ancre au bec crochu la gallere arresterent.
(V, p. 20.)
Ramée, s. fém. abstrait, employé au pluriel.
Tant que les cerfs aimeront les ramées. (I, p. jo.)
Ramentoive, prés, du subj. du vieux verbe ramentevoir
(Palsgrave, Nicot), v. trans. Rappeler à la mémoire,
taire souvenir.
... je ne voy fleur, ni herbe, ni bouton.
Qui ne me ramentoive ores ton beau teton,
Et ores tes beaux yeux. (IV, p. 2j2.)
Rameux, adj. quai., formé par Ronsard : qui se divise
en plusieurs rameaux.
..ses cornes rameuses. (IV, p. 10.)
Rampé, part, passé du>v. intr. ramper (Nicot, Littré),
DE Ronsard. 197
employé par Ronsard comme adjectif. (III, p. 29$.)
Ranc, s. masc, orthographe de Ronsard pour rang,
à cause de la prononciation dure du g devant une
voyelle.
... l'autre pend au mas
A double ranc des aisles bien venteuses. (III, p. 62.)
Rancueur, s. fém., vieux mot. (Roman de Troye,
Littré.) Se trouve encore dans Régnier et Mal-
herbe, rancune, haine invétérée.
Dans l'estomac jette luy la rancueur,
Le désespoir, la fureur et la rage. (III, p. i8j.)
Rang (de), expression ancienne, l'un après l'autre, à
la file (Nicot).
Le faucheur, à grand tour de bras,
Du matin jusqu'à la serée,
De rang ne fait tomber à bas
Tant d'herbes cheutes sur la prée. (II, p. 201.)
Autres de rang sur la place apportoient
Tapis ouvrez. (III, p. 115.)
Rase-terre, adj. composé, innovation de Ronsard.
... le vent rase-terre. (VII, p. 119.)
Rasteau (lat. rastellus). Ronsard l'emploie au sens du
dérivé râtelier.
... Francus entra dans le chasteau,
Son javelot posa contre un rasteau,
Où mainte pique en son long estendue
Contre le mur au croc estoit pendue. (III, p. 115.)
Ratepenade, s. fém. (Nicot), ou ratepennade (Tré-
voux, Littré), ancien dérivé de rate, fém. de rat et
du lat. pennatus, ailé, ou encore ratepelade (de rate
et de pelé, sans poil) : sont encore usités comme
nom vulgaire de la chauve-souris dans le midi de la
France. Ronsard n'a employé que la forme ratepe-
nade, pour désigner par dérision la figure glabre des
198 Lexiq^ue
mignons de Henri III et railler leur manie de s'épi-
1er. (VII, p. 306.)
Ravageux, adj. quai., innovation de Ronsard. Ex. :
(IV, p. 79-)
Rayeur, s. fém., formé par Ronsard sur le mot rais,
rayon. Il ne l'emploie qu'une fois pour signifier
l'éclat et la lueur des armes.
Voyant du fer la rayeur. (II, p. 90.)
Réaume, s. masc, vieux mot antérieur à royaume.
Et cependant ta finesse icy laisse
Un réaume acquis. (Poèmes, I, t. VI, p. 78.)
Rebat,. s. masc. (Nicot, Trévoux), était synonyme de
rebattement, répercussion. Ronsard emploie rebat,
avec le sens de reflet. >Ex. : (III, p. 73.)
Rebeu {eu = u), part, passé du verbe reboire (Nicot,
Trévoux, Littré) : boire de nouveau, boire à plu-
sieurs reprises. Ex. : (II, p. 208.)
Re-blesser, v. trans., composé par Ronsard : blesser
de nouveau. (VII, p. 22.)
Rebobiné, part, passé du verbe rebobiner, abréviation
de rebooeliner (Nicot), ou rabobeliner (Cotgrave) :
raccommoder, rapetasser (Trévoux, Littré). Ex. :
(VI, p. 74-)
Reboute, allongement de u en ou de rebute, 3* pers.
sing. du prés. ind. de rebuter. Ex. : (I, p. 15.)
Rebras, s. masc, vieux mot qui signifiait autrefois le
rebord, le repli de quelque habit (Nicot, Trévoux,
Littré).
Un bouclier à sept rebras. (II, p. 166.)
Une toque à rebras. (VII, p. 117.)
De là le verbe aujourd'hui disparu : rebrasser
DE Ronsard. 199
(retrousser). On disait : rebrasser ses manches, son
chapeau.
Rebruire. (V. Bruire.)
Recamé, part, passé du verbe reV^m^r (esp. recamar),
terme technique (Littré) : broder. Deux exemples :
(I, p. 229, et VI, p. 182.)
Rechante tes vers : « défais les charmes que tu as faits
contre moy. » (Richelet.) Ex. : (II, p. 21 1.)
Recontre-balancer, v. trans., composé par Ronsard,
qui lui attribue le sens de : donner en échange, re-
compenser.
Et certes un tel serviteur
Mérite que ta main royale
Recontre-balance un grand heur
A sa diligence royale. (II, p. 36.)
Recorder, v. trans., vieux mot : rappeler, chercher à
se souvenir (Nicot, lat. recordarï). Marot offre en-
core un exemple du vieux mot record, souvenir. Le
verbe recorder subsiste, ainsi que le réfléchi se recor-
der : mais ils sont peu usités.
Tout mon art je recordois
A cet enfant pour l'apprendre. (II, p. 360.)
Recoursant et Recoursé, pour retroussant, retroussé,
ne sont pas dans Nicot. Ex. :
(I, p. 53, et VI, p. 87.)
Le mot recourser semble être pour racourser,
dérivé de racour (Trévoux), terme technique qui se
disait des étoffes de laine raccourcies par la tein-
ture : racour = diminution de longueur.
Recru, fém. recrue, part, passé du vieux verbe re-
croire, s'avouer vamcu. On a dit ensuite au figuré
recru pour signifier harassé, excédé de fatigue
200 Lexiclue
(Nicot, Roman de la Rose, Rabelais, Nicot, Littré,
encore un exemple de Vaugelas).
Et vous, ses sœurs, qui recrues
D'avoir trop mené le bal
Toute nuict vous baignez nues. (II, p. 203.)
Il a le sens de tué, englouti par les flots, dans un
autre passage : (III, p. ici.)
Reflot, s. masc, dérivé de flot par analogie avec reflux
dérivé de flux. Au figuré : les crespes reflos d'une
chevelure. (II, p. 344.)
Refrizé pour Refrisé, part, passé du verbe refrîser;
au sens propre : friser de nouveau ; au figuré dans
Ronsarcl pour exprimer l'entrelacement des rameaux
de la vigne et du lierre. (VII, p. 241 .)
Re-fu, r'pers. du parf. déf. de être que Ronsard fait
précéder du préfixe re pour signifier : je fus de nou-
veau. Ex. : (l, p. 92.)
Regard, s. masc, employé avec le sens de spectacle,
chose à voir.
... Il attache de rang
(Piteux regard !) pour parades aux festes
De ses portaux les misérables testes. (III, p. 120.)
Regringoté, part, passé du verbe regringoter, formé
par Ronsard du verbe gringotter, fredonner, • se
disait par extension des hommes qui fredonnent
mal ». (Trévoux.)
Je dirois la grand' messe, et le temple voûté
Retentiroit dessous mon chant regringoté.
(VII, p. 99)
Reguelice, s. fém., orthographe de Ronsard pour re-
gUsse (Nicot, Littré) et ragalisse (Nicot). (Ex. :
[IV, p. 88.)
Re'jettonner, v. intrans., produire des rejetons.
Et re-jettonne en branches davantage. (III, p. 335.)
DE Ronsard. 20I
Relent, ordinairement substantif, est adjectif dans
Ronsard : qui a une odeur de relent. Ex. :
(III, p. ii6.)
Remascher, v. trans. (Nicot, Littré, Acad.), au
figuré : repasser dans son esprit, ruminer.
Icy cestuy de la sage nature
Les faits divers remasche en y pensant. (II, p. 224.)
Rembuscher, s. masc, rentrée du cerf ou de toute
autre bête dans son fort. On disait aussi le rem-
buschement. I, 255. V. Vénerie.
Ronsard tire ce substantif du verbe se rembuscher,
rentrer dans le bois (en parlant du gros gibier).
Remirer, v. trans. (Palsgrave, Nicot, Littré) : mirer
de nouveau.
Ainsi disoit Hélène en remirant son teint. (I, p. 34 1 .)
... la face trop remirée. (II, p. 168.)
Renarde, s. fém. (Trévoux, Littré, Acad.) : femelle
du renard. Ex. ; (I, p. 260.)
R'engendrer, orthographe de Ronsard pour rengen-
drer (Nicot) : ancienne forme de régénérer, renou-
veler. Ex. : (V, p. 15.)
Renglacer, v. trans., mot nouveau créé par Ronsard :
il le tire du verbe englacer, qui est aussi une de ses
innovations. (V. Englacer. )Ek. : (I, i.)
Rengreger, v. trans. (Nicot, Trévoux, Littré), au
propre et au figuré : accroître, augmenter, enveni-
mer, empirer. Ex. : (I, p. 100.)
Rengrever, v. trans. (Nicot, Littré), vieux mot dérivé
de grief : alourdir, rendre plus pesant.
Je sens toujours un penser qui me mord, -
Me fait la guerre et mes peines rengrève. (I, p. 8.)
202 Lexique
Répons, s. masc, pour repos, se dit encore dans le
centre de la France.
Ainsi puisses-tu vivre en amoureux repous
Jusqu'à la mort, Claudine, avecque ton espous.
(IV, p. 68.)
ReqiLoy (^), expression ancienne (Paisgrave, Nicot,
Trévoux) : à l'écart, en particulier, tranquillement.
On disait aussi en requoy. Recjuoy, dérivé de coi
{quietus), tranquille, s employait aussi comme adjec-
tif (Marot).
Ha Dieu ! que je suis aise alors que je le voy
Esclore au poinct du jour sur l'espine à requoy
Aux jardins de Bourgueil, près d'un bois solitaire.
[Sonnet à la rose, I, p. 152.)
Respan{Jé), i"pers. du prés, de l'ind., orthographe
ancienne, 1'^ étant paragogique dans les verbes de
la 4* conjugaison, à la i""' pers. du prés, de l'ind.,
de même qu'à l'impératif, 2« pers. Aussi Ronsard
écrit-il de même ren pour l'impératif de rendre.
(I, p. 170.)
Plus je respan de traits sus hommes et sus dieux.
0, P- m-)
Responderez {vous), 2* pers. plur. fut. ind., ancienne
forme pour respondrez, reprise par Ronsard pour la
mesure du vers {e intercalé, repris à l'infin. latin :
respondere).
Vous me responderez qu'il est un peu sourdaut.
(I,P- Î99-)
Responsette, s. fém., diminutif créé par Ronsard du
mot response, fém. (Nicot), ou raipons, masc. (Ni-
cot) : sorte de campanule comestible, raiponce.
Ex. : (VI, p. 87.)
Ressemblable, adj. quai., innovation de Ronsard pour
la rime : ressemblant. (Ex. : II, p. ^67.)
Ressembler, v. intrans. (Littré) aujourd'hui, était
DE Ronsard. 203
transitif et intransitif (Nicot) : Ronsard offre des
exemples de ce double emploi. (III, p. 259 et 3 11 .)
Ressoudre (Se), employé par Ronsard pour la rime
au lieu de se ressouder : se réunir, se confondre
avec. Ex. : (II, p. 238.)
Reth, s. masc. (lat. retis), orthographe ancienne du
mot rets, filet.
Et vos cheveux frisez d'une crespe cautelle,
Qui vous servent d'un reth. (IV, p. 220.)
Ronsard l'orthographie aussi rhé. (V, p. 177.)
Retoffu, adj. quai., dérivé par Ronsard de toffu
(touffu) : dont les rejetons forment comme une
touffe. (VI, p. 183.)
Retonner, employé comme verbe transitif par Ron-
sard pour : faire retentir, célébrer. Ex. : (V, p. 96.)
Retors, part, passé du verbe retordre, est employé au
sens propre. (III, p. 56.)
Retraire, v. trans., vieux mot (Nicot, Littré), lat.
retrahere , signifiait retirer, puis retirer chez soi,
accueillir, recevoir.
(Moi) qui ay voulu retraire
Tout soudain un estranger
Dans ma chambre et le loger. (II, p. 164.)
Retrepîgner, v. intrans., fréquentatif du vieux verbe
treper, qui existe encore dans le dialecte du centre
de la France et qui avait formé trepiller et trépi-
gner : ce dernier seul subsiste.
J'oy la terre
Retrepigner durement
Dessous la libre cadence
De leur dance. (VI, p. 359.)
Re-tuer, v. trans., composé par Ronsard : tuer de
204 Lexique
nouveau, métaphoriquement : c re-tuer Hector " ,
Chanter de nouveau la mort d'Hector. (VII, p. 22.)
Rhé, s. masc. (V. Reth.)
Rhétor loueur, s. masc. Nicot n'indique que rhéteur. Il
est cité par Trévoux (Ex. : de Marot), comme
vieux mot : orateur. (VII, p. 24.)
Riagas, s. masc. (de l'espagnol rejalgar), sorte de
poison, dit Muret dans son commentaire. Nicot
l'explique : t Riagas, espèce de poison, qu'aucuns
nomment reagal, Aconitum. »
De la mielleuse et fielleuse pasture
Dont le surnom s'appelle trop aimer,
Qui m'est et sucre et riagas amer,
Sans me saouler je pren ma nourriture.
(Am., I, iw, I, p. 88.)
On le trouve encore :
Dans cet œil je ne scay quoi demeure
Qui me peut faire en amour à toute heure
Le sucre fiel et le riagas miel.
(Am., I, 194,1, P- iio.)
Ce mot employé par Ronsard comme terme
technique a complètement disparu sans laisser de
trace. La langue moderne possède le mot realgar,
forme espagnole de l'arabe rahdj-algar, poudre
des cavernes, qui désigne non l'aconit, comme le
pense Nicot, mais le sulfure rouge d'arsenic.
Riban, s. masc, ancienne forme du mot ruban
(v. Littré, Hist.), usitée dans le centre de la France
et qu'on retrouve dans le terme familier qui en est
dérivé : ribambelle.
Je voudrois estre le riban
Qui serre ta belle poitrine. (Il, p. 287.)
Ribler, v. neutre. Nicot l'explique ainsi : « Ribler est
avec port d'armes troller çà et là et courre sus à
DE Ronsard. ao^
chacun. Grassari. » Ronsard l'applique au feu qui
court de maison en maison.
... les feux indontez
Riblant par les maisons. (Boc. royal, III, p. 296.)
L'étymologie en est incertaine : on l'a rapproché
de ribaud.
Trévoux : « Ribler, terme populaire et vieux qui
signifioit courir la nuit, comme les filoux, les débau-
chés. Grassari, divagari noctu. Ce mot vient de
ribla qui en langage celtique ou bas-breton signifie
la même chose, s
Rien, employé au sens étymologique rem, quelque
chose (Nicot, Littré).
... ferme bien l'huis sur moy;
Si rien me vient troubler, je t'asseure ma foy,
Tu sentiras combien pesante est colère. (I, p. 413.)
Rien-ne-vaut, employé substantivement par Ronsard
pour: un vaurien. Ex. : (VI, p. 285.)
Rober, v. act. (ital. rubare, voler), employé par Ron-
sard comme synonyme de dérober, fréquent dans
l'ancienne langue, qui en avait formé le substantif
rober ie, vol, larcin.
Depuis qu'il eut robée
La flamme prohibée. (II, p. 255.)
Rondache, s. fém., vieux mot (Trévoux, Littré) :
grand bouclier rond en usage dès le temps de Char-
lemagne. Ex. : (III, p. 300.)
Rondement, adv., tout en rond.
... enflant
Sa bouche rondement. (VII, p. 119.)
Cet adverbe subsiste, mais ^vec un sens tout dif-
férent.
206 LEXIQ.UE
Ronge-pampre, adj. composé créé par Ronsard.
...le bouc ronge-pampre. (VI, p. 410.)
Ronge-poumon, adj. composé créé par Ronsard.
... la toux ronge-poumon. (V, p. 194.)
Roquet, s. masc, subsiste sous la forme rocket (Littré).
Espèce de manteau qu'on portait jadis : il n'allait
que jusqu'au coude et n'avait point de collet.
Leur roquet pendoit jusqu'aux hanches.
(Odes, 1, 10, II, p. 91.)
C'est ainsi qu'il faut, croyons-nous, interpréter
ce vers d'après le contexte où Ronsard décrit l'ap-
parence, le costume et le maintien des Parques.
M. B. de Fouquières propose le sens de roquet:
bobine, forme lyonnaise du mot rochet, «. bobine sur
laquelle les ouvriers en soie dévident celle qu'ils
emploient dans leurs fabriques 5) (Trévoux). Ce sens,
ne nous semble pas admissible ici, la strophe sui-
vante étant consacrée à la description de leur que-
nouille, du pezon et des fuseaux qu'elles emploient.
Ce sens de roquet semble justifié par un autre
exemple. (II, p. 476.)
Rosin, adj. quai., couleur de la rose.
Ces doigts rosins. (I, p. 22.)
Sein de couleur de Hz et de couleur rosine.
(I, P- 346-)
Roter, V. trans., vient de (e) ructare, signifie expirer
avec force. Ce verbe est devenu bas. Rare dans
l'emploi poétique que lui donne Ronsard.
Ny du Vésuve tout le chaud,
Ny tout le feu que rote en haut
La fournaise sicilienne. (Odes, m, 10, II, p. 210.)
Rouer, v. trans. (du latin rotare), faire tourner. Ex. :
Typhée
Qui rouoit une fronde en l'air.
(Odes, I-, 10, H, p. 79.)
DE Ronsard. 207
RoAsard l'emploie encore en parlant des astres ;
il signifie alors : décrire son orbite, accomplir un
mouvement circulaire.
Astres, qui dans le ciel rouez vostre voyage.
(Am.,n, 45, I, p. 197.)
Ce vers a un sens analogue : conduire en rond
(Nicot, Littré), dans le passage suivant:
Tousjours les belles Naïades
Puissent rouer leurs carolles
Autour de tes rives molles. (II, p. 347.)
De là le verbe réfléchi se rouer, tourner sur soi-
même, se rouler.
... et autour de la proue
Maint tourbillon en escumant se roue. (III, p. 85.)
Rouhard, adj. quai., créé par Ronsard. Sorte d'ono-
matopée imitant le roucoulement du pigeon. Ex. :
(I,p.2l6.)
Rousée, s. fém., forme très ancienne du mot rosée
(Palsgrave, Nicot, Littré).
... la terre arrousée
De la fertile humeur d'une douce rousée. (I, p. 27 j.)
De là l'ancien verbe rousoyer, repris par Ronsard
et employé au participe présent rousoyant : couvert
de rosée.
... fleurs et herbes rousoyantes,
(Am., I, Sonnets, 66, 1, p. 39.)
Et(I,p. 54-)
Rouioyer. {V. Rousée.)
Route, employé par Ronsard pour déroute.
... saccagé la plaine
Des Flamans mis en route.
(Ode au roy Henri II, II, p. 19.)
208 Lexiq^ue
Ruer, V. trans. (Nicot, Littré), vieux mot (lat.ruere) :
jeter avec force.
Vy sans que jamais tonnerre
Ou la coignée, ou les vents
Ou les temps
Te puissent ruer par terre. (II, p. 276.)
Au figuré : jeter.
... Le géant, d'autre part
Sur luy ruant un terrible regard. (III, p. 126.)
Ruineux, adj. quai. (Trévoux, Littré), avait le sens
passif : qui menace ruine, et le sens actif: qui cause
des ruines. C'est le dernier sens que l'on trouve
dans Ronsard (V, p. 74) : le vent ruineux.
Sac^juer ou Saquer, v. trans., vieux mot. Nicot n'in-
dique que l'orthographe sacquer. On dit aussi : sa-
cher (Trévoux : Perceval, Songe du Verger) :
tirer l'épée hors du fourreau. Ex. :
(III, p. 133 et 224.)
Saquer se dit encore en marine pour : tirer avec
effort et soubresauts (Trévoux, Littré).
Safrane^ part, passé employé adjectivement du vieux
verbe safraner, peinare en jaune ou couleur de
safran (V. Safranier), au figuré épithète de l'Au-
rore, de l'aube; couleur de safran (lat. croceus), d'un
jaune doré.
Voicy l'aube safranée. (VI, p. 364.)
Cf. Ensaffrané,
Au propre Ronsard, l'emploie dans le sens de
biitré : les « yeux saffranez i . (VII, p. 83.)
DE Ronsard. 209
Safran'urs, adj. quai., couleur du safran, c'est-à-dire :
banqueroutiers, vieux mot.
En la façon que les marchands rusez
Qui safraniers, par meschantes practiques,
N'ont point de draps aux secondes boutiques,
Mais monstrant tout dès le premier abord,
Font bonne mine et se vantent bien fort. (IV, p. J52.)
t II n'y a pas longtemps, dit le Dictionnaire de
Trévoux, qu'on peignait de jaune et de couleur de
safran, les maisons des banqueroutiers ou de ceux
dont les biens étoient confisqués avec note d'in-
famie. >
Sage-preux, adj. composé créé par Ronsard, qui_,
s'aoressant au connétable Anne de Montmorency,
l'appelle :
Sage-preux connestable. (V, p. 329.)
Sagette (lat. sagitta), flèche.
... son sourcil ressemblant
A l'arc d'un Turc qui la sagette a mise
Dedans la coche. (Am., n, Chanson, I, p. ijj.)
V. Jbid. Am., il, 10, 1, p. 158.
De même : Franc, l, III, p. 79 :
... une viste sagette...
Saigneux, adj. quai., innovation de Ronsard : san-
glant, ensanglanté.
Et font pleurer le ciel d'une pluye saigneuse.
(V, p. 130.)
Si que tousjours sa main sera saigneuse
Du sang hardy de l'Espagne odieuse. (V, p. 29e.)
Saillir, v. intr., vieux mot (Nicot, Littré), s'élancer
avec impétuosité, sortir.
Puis sans rien profiter du collège sailly
Je vins en Avignon. (IV, p. 299.)
Lex. Ronsard. . 14
210 Lexique
Salemandre, s. fém., orthographe de Ronsard, ou
Salmandre i^xcoi) : Salamandre. (VI, p. 152.)
S'omit. Élision pour sa amie.
Cf. M' amour. Emploi fréquent jadis. (V. Littré,
Histoire du mot : mie.)
Chantait l'amour de Briseis s'amie. (I, p. 126.)
S' amour. Élision pour sa amour, fréquent jadis.
Cf. M'amour, S'amie, etc. Ex. : (I, p. 206.)
San^lantement, adv. dérivé de sanglant, cité par
Nicot : de la couleur du sang. (VI, p. 38.)
Saquer. (V. Sacquer.)
Sarclouére, s. fém., prononciation du Centre pour :
sarcloir, s. masc, instrument qui sert à sarcler.
(VI, p. 411.)
Sas, s. masc. (Nicot, Littré), crible (bas latin seda-
tium, sitacium pour setaceum), tissu lâche et résis-
tant soutenu par un cercle, qui sert à passer des
liquides ou des matières pulvérulentes.
Le crible servait aux diseurs de bonne aventure.
Ex.:(I,p. i8j.)
Saturne, nom propre, employé comme nom conimuti
Kour désigner l'astre qui préside aux destinées
umaines. Ex. :
. . . forcer je ne puis
Mon Saturne ennemy. (III, p. 370.)
Cf. Maistriser.
Sauteler, v. neutre, diminutif de sauter, bondir.
(I,p.8o.)
De même (III, p. 56, 57.)
... autres, fols de pensée,
Comme agités de fureur sauteloient.
DE Ronsard. 211
Sauva^in, adj. quai., innovation de Ronsard, qui lui
attribue le sens de : qui tient de l'animal sauvage.
Un exemple:
M'a fait Acteon cornu
Me transformant ma nature
En sauvagine figure. (II, p. 34$.)
Savourable, adj. quai., employé par Ronsard comme
synonyme de savoureux.
Il bénit de Cérès le présent savourable. (V, p. 33.)
Scadron, s. masc, première forme du mot escadron.
(II, p. 487.)
Sceptre, adj. quai., employé par Ronsard pour signi-
fier qui porte le sceptre. Ex. : (III, p. 366.)
Sciamaches (ffxiaixaxéto), gens qui combattent des
ombres. (Épître au lecteur, II, p. 13.)
Scintille, s. fém. {scintilla), ancienne forme savante du
mot : étincelle. (Nicot indique les deux.) Nous
n'avons plus que le verbe scintiller.
Le substantif scintille est employé par Ronsard.
De foudre pers, de scintille et de suye.
(Fr., II, t. m, p. 92.)
Et (I, p. 167.)
Scophion. (V. Escofion.)
Secous et Secoux, part, passé du vieux verbe secoue,
secouer, employé pour la rime en place de secoué.
Pour eux tombe en abondance
Le glan des chesnes secous. (V, p. 260.)
Et le vanneur my-nud, ayant beaucoup secoux
Le blé, de çà de là, de sur les deux genoux.
(VII, p. 122.)
Secretain, s. masc. Sacristain : les deux mots sont
dans Cotgrave, Nicot, Trévoux. Ex. : (V, p. 263.)
212 Lexique
Secrétaire, s. masc, au sens étymologique du mot :
confident.
Parlent profondément des mystères de Dieu ;
Ils sont ses conseillers, ils sont ses secrétaires,
Ils scavent ses advis, ils scavent ses affaires.
(VII, p. S9)
Seîcher, v, trans., sécher. Nicot indique les deux
orthographes.
Et pour ce je te supplie
De me conduire à ton feu
Pour m'aller seicher un peu. (II, p. i6j.)
Séjour, s. masc, peut avoir deux sens indépendam-
ment de son sens habituel.
1° Durée.
... l'amour qu'on charme est de peu de séjour.
(I, p. 296.)
2" Retard.
... ma maistresse, après si long séjour,
Voyant le soin qui ronge ma pensée,
ira payant
Les intérêts de ma peine avancée. (I, p. 27.)
Et ailleurs, s'adressant au soleil :
... tire hors de l'onde
Ton char, qui fait pour nous trop de séjour;
Haste ton cours... (IV, p. 137.)
Séjour {à), expression ancienne signifiant : à loisir,
en toute liberté.
Pour m'y plonger une nuict à séjour. (I, p. 13.)
De là l'expression un homme de séjour, c'est-à-
dire qui séjourne, qui peut y mettre le temps.
... il faudroit bien un homme de séjour
Pour, gaillard, satisfaire à une seule amie.
(I, P- 398.)
Sembler, v. intrans., longtemps employé avec le sens
de ressembler.
._£
DE Ronsard. 215
Ny ceste belle Grecque a qui ta beauté semble,
Comme tu fais de nom. (I, p. 384:)
Semestrt {semestris)^ aujourd'huî n'est plus que sub-
stantif et a le sens de : espace de six mois ; il est
adjectif dans Ronsard, qui d'ailleurs ne l'a employé
qu'une fois en l'appliquant à Proserpine, et P. de
Marcassus explique que c'est : « à cause qu'elle
demeuroit six mois aux enfers et six mois avec
nous I .
Supplioient la Déesse (Cérès) et sa semestre fille.
(Boc. Roy., III, p. 29$. )
Semoner (Ronsard), ou Semonner (Trévoux, Littré),
forme ancienne du verbe semondre (Nicot, Tré-
voux, Littré), qui signifiait convier, inviter. Ex. :
ihP- r35-)
Sempervive, s. fém., mot composé créé par Ronsard
pour désigner probablement l'immortelle. « C'est,
dit Richelet, une sorte de simple qui prend son nom
de sa nature. Et ce n'est pas sans cause qu'il fait
ce présent à Hélène; la Sempervive est d'une habi-
tude à faire aimer. C'est pourquoy on l'attachoit
anciennement aux portes des maisons pour en
chasser toutes haines et inimitiez. »
Senestre, adj. (lat. sinîster), vieux mot : gauche.
... luy flatant de la destre
Les genoux, de la senestre
Le sous-menton luy toucha. (II, p. 80.)
Sentinelle, s. fém., employé au masculin par Ronsard.
Ex.: (I, p. 311.)
Sérancer (Nicot, Trévoux, Littré), v. trans., dérivé
de séran (Nicot, Trévoux, Littré), ou sérans (Tré-
voux), sorte de peigne qui sert à diviser la filasse
du lin ou du chanvre : sérancer = peigner avec le
séran cette filasse. Ex. : (V, p. 132.)
214 Lexique
Ce terme subsiste comme terme de métier et a
donné naissance aux dérivés sérançoir, synonyme
de séran, et séranceur, ouvrier qui se sert du séran.
Serée, s. fém. (ital. sera), soir, nuit. Il est à regretter
que ce joli mot ait disparu de la langue. Ronsard
en fait un usage fréquent.
Je ne suis point, Muses, accoustumé
Voir vostre bal sous la tarde sérée.
(Am., I, 170, I, p. 98.)
V. II, p. 201, 474 Qtpassim.
Serene, s. fém., ancienne forme du mot sirène (Nicot,
Littré).
De la serene antique (Parthenope)
Je verray le tombeau. (II, p. 247.)
Serener, v. trans,, employé jadis aussi bien au sens
propre qu'au figuré, rendre serein, a formé le dérivé
rasséréner.
0 terre fortunée,
Des Muses le séjour.
Qu'en tous ses mois l'année
Serene d'un beau jour! (Odes, 11, 13, II, p. i^j.)
Serpens-pied, adj. composé, créé par Ronsard.
... les Geans serpenspiez. (VI, p. 40.)
Serpentes, s. fém. pluriel, tiré du mot serpent par
Ronsard : vipères.
Serpentes d'Alecton. (VII, p. 312.)
Serpentier, adj. créé par Ronsard, synonyme de l'ad-
jectif verbal serpentant.
D'une course serpentière. (Odes, v, 12, II, p. 347.)
Il emploie de même l'adjectif serpentin, mais avec
un sens différent.
1 ... une âme serpentine. (VII, p. 64.)
DE Ronsard. 215
Service, s. masc. (V. Littré, ex. du Roman de la Rose,
de Malherbe), attachement en amour. On disait
aussi : l'amoureux servage.
Mais ce qui plus redoubla mon service,
C'est qu'elle avoit un visage sans art. (I, p. 269.)
Pour retenir un amant en servage
Il faut aimer. (I, p. 274.)
Servir, v. intrans., employé dans le sens de : être
le serviteur, l'esclave de... obéir à...
... vous estes véritable,
Et non courtisan variable
Qui sert aux faveurs et au temps. (II, p. 2J9.)
Et (IV, p. 305.)
Seulet, adj. quai., diminutif de seul (Nicot, Littré).
Tantost j'errois seulet par les forests sauvages.
(I, p. 362.)
Si, conjonction conditionnelle et dubitative, ne s'élide
plus aujourd'hui que devant le pronom // ; pouvait
jadis s'élider devant tout mot commençant par une
voyelle. Ex. :
S'un roy, pour sa defence,
A vos frères repoussez
De sa terre avec sa lance. (II, p. 20j.)
... s'on vouloit. (II, p. 275.)
5/, s'employait aussi avec une valeur affirmative
et signifiait :
1" De plus, en outre, et aussi.
Le rossignol a haute vois
Se plaint d'eux et leur dit injure :
Si fait bien l'arondelle aussi. (VI, p. 350.)
2" Toujours est-il que.
Encores que la mer de bien loin nous sépare,
Si est ce que... (VI, p. 9.)
2 I 6 Lexique
3° Néanmoins, pourtant.
Quoique tu sois au combat dangereux,
Si seras tu, Phovère, bien heureux
D'aller victime à l'onde acherontide. (III, p. 126.)
Sij renforce très pour marquer le superlatif. Ex. :
... Si très chaut. (I, p. 412.)
Siagre, nom propre pour Syagrîus, général romain
vaincu par Clovis.
Il poursuivra d'une ardante colère
Siagre, fils de Gillon. (III, p. 230.)
Sicambrien et Slcambrois, double forme employée par
Ronsard : des Sicambres, ancienne tribu franque.
(III, p. 217 et 224.)
Sidère, s. fém., vieux mot déjà cité par Palsgrave.
(EscL de la langue françoise, II, 39.) Ronsard
l'emploie comme synonyme de : dame, maîtresse.
(Œuvres inédites, VIII, p. 146.)
Siller, V. trans., terme emprunté à la fauconnerie, cou-
vrir d'un chaperon la tête du faucon pour l'aveugler.
L'étymologie demande l'orthographe ciller.
Ronsard l'emploie toujours dans le sens figuré
de : fermer les yeux.
... la Parque noire
Avant le temps sillant nos yeux.
(II, 153, 238, 392, etc.)
Nous avons perdu le mot simple siller, mais con-
servé son dérivé dessiller qui nous fait comprendre
le primitif.
Simplesse, s. fém., vieux mot (Palsgrave, Nicot,
Littré), simplicité.
... les riches habits d'artifice pesans
Ne sont jamais si beaux que la pure simplesse.
(I, p. 380.)
DE Ronsard. 217
Soldan (Nicot), et Soudan (Trévoux). « Ce mot en
langue moresque signifie roi ou prince : d'oiî l'on a
fait sultan qui est le titre du grand Seigneur » (Tré-
voux).
Du grand Turc je n'ay souci
Ny du grand soldan aussi. (II, p. 276.)
Soldat (italien : soldato). Ronsard l'écrit indifférem-
ment au pluriel : soldars (I, 268), soldarts (III, 45),
soudars (V, 58) et soldats (VII, 199 et 200).
Sole, s. fém., terme de vénerie. Nicot : « C'est la
basse superficie du pied, solum. » Deux exemples :
(II) cognoissoit bien le pied, la sole, et les alleures.
(I, 255-)
Nature fit présent de cornes aux taureaux,
Et pour armes de crampe et de sole aux chevaux.
(VI, p. 271.)
Solennel, adj. quai. (lat. solennis), employé avec son
acception étymologique : annuel, qui se répète
chaque année (Littré).
Ce temple, fréquenté de festes solennelles,
Passeroit en honneur celuy des immortelles.
(I, p. 229.)
Soliciteux, adj, quai., employé par Ronsard avec la
préposition de {sollicitus de...) : inquiet de... Ex. :
(",P-33$->
Solitaire, adj. quai., employé substantivement comme
synonyme de solitude. Ex. : (VI, p. 392.)
Sommeillard, adj. quai,, employé par Ronsard con-^
curremment avec sommeiller et sommeilleux : qui
produit le sommeil.
Et que la nuict un bandeau sommeillard
Des deux côtés de l'horizon allonge. (I, p. 34.)
2l8 Lexiq^ue
Quand le somme vient lier
D'une chaîne sommeillere
Mes yeux clos sous la paupière. (Il, p. 164.)
... et la nuit sommeilleuse
De nos propos est, ce semble, envieuse. (III, p. 197.)
Sommeilleux, adj., qui tient du sommeil, de l'oubli ou
de la mort. (II, p. 336; VI, p. 92.)
Songe-creux, employé comme adjectif par Ronsard.
Mercure songe-creux. (V, p. 253.)
Songeard, adj. quai., pour songeur, rêveur.
... mon âme songearde. (I, p. 106.)
Boy donc, ne fay plus du songeart. (II, p. 3$ i.)
Sonner, v. trans., employé par Ronsard dans le sens
restreint de célébrer, chanter en vers.
De vouloir prendre à gré
Nostre chanson sonnée. (II, p. 245, 246.)
De là le substantif sonneur employé fréquemment
par Ronsard pour poète (sonneur de vers).
Il eut pour sa prouesse un excellent sonneur.
(I, p. }S6.)
Sorcelage, s. masc, innovation de Ronsard pour la
rime. Nicot ne donne que sorcellerie. On trouve
sorcerie plus anciennement. {Roman de la Rose.)
Ex. : (II, p. IJ9.)
Sorcelière, adj. fém., tiré par Ronsard du moi sorcier.
Un exemple :
... Ta sorcelière science. (II, p- 473.)
Sotane, s. fém., ancienne forme du mot soutane.
Le prestre, orné d'une sotane blanche. (III, p. $7.)
Soucis, s. masc. pi., pour sourcils, conformément à la
prononciation du centre de la France. Ex. :
Qui t'a noircy les arcs de tes soucis ? (I, p. 198.)
DE Ronsard. 219
0 de Paphoset de Cypre régente,
Déesse aux noirs soucis. (II, p. 213.)
Souef, adj. quai., ancienne forme populaire du mot
suave (lat. siiavis), doux,
... quelque drap d'escarlate
Qui si fin et si souef en sa laine sera
Que pour un jour de feste un roy le vestira.
(I, p. 110.)
Soulasser (Se), v. réfl., ancien dérivé de soûlas : con-
solation, joie, plaisir. Le mot soûlas avait formé le
mot soûlasse (Lacombe, Dict.), ivre, enivré de...
d'oij le sens de se soulasser dans le vers suivant :
Se soulasser d'amour. (IV, p. 272.)
On a dit aussi soulacier (Lacombe) {ci = ss).
Souloir, V. intr. (lat. solere), avoir coutume ; usité dès
le moyen âge et fréquemment employé par Ronsard.
Am., II, stances, I, p. 233.
Sonnets pour Hélène, il, 30, I, p. 333.
Là souloit à midi ceste beste outrageuse
Fouiller et tout son corps de bourbe revestir.
X (Songe, m, p. 290.)
Souple-jarret, adj. composé, innovation de Ronsard.
Ex.: (III, p. 199.)
Souquenie, s. fém., ancienne forme du substantif 5ou-
auenille (Nicot, Rabelais, Littré) : un méchant
nabit. (II, p. 270.)
Sourcer, v. intrans., innovation de Ronsard. « Pro-
duire une source de fontaine 1 (Nicot).
... boire en la fontaine
Fille de ce cheval qui fist sourcer le mont.
(III, p. 260.)
Et(II,p. 2H.)
220 LEXIQ.UE
Sourçqyer, v. intrans., dérivé par Ronsard du verbe
sourcer. (V. ce mot.) (Poèmes, VI, p. 53.)
Sourdesse, s. fém., vieux mot (Palsgrave), surdité.
Nicot indique trois synonymes : surdité, 'sourdeté
et sourdïse. Trévoux les signale comme vieillis.
Tu dis qu'une sourdesse a mon oreille close ?
(VII, p. 102.)
Sourdre, v. intrans. (Nicot, Littré). i" Jaillir, en par-
lant de l'eau, d'une source. Bx. :
Sourdoit de vives fontaines
Le vif surgeon perennel. ill, p. 73.)
2° En parlant des oiseaux, s'élever dans l'air
(NicotV Se dit encore d'un nuage qui sort de l'ho-
rizon et s'élève vers le zénith (Trévoux). En ce
sens Ronsard l'accompagne d'un pronom. Ex. :
Tu enlevés ton corps lavé
Trémoussant d'une aile menue;
En te sourdant à petits bons,
Tu dis en l'air de si doux sons. (VI, p. 348.)
^° Au figuré il signifie : s'élever, résulter, naître
(Nicot, Littré).
Sourire (Se), forme réfléchie du verbe sourire usitée
autrefois (Nicot, Pasquier\ indiquée encore par
Trévoux qui cite un exemple de d'Ablancourt.
Alors Vénus se sou-rit. (II, p. 271.)
De même (III, p. 284).
Sous-voix (à), traduction littéraire de l'expression ita-
lienne : sotto voce = à voix basse. Ex. :
(IV, p. 342.)
Souventes-fois et Souventefois, expression ancienne,
synonyme de souvent (Palsgrave, Nicot, Littré).
Je fus souventes-fois retansé de mon père.
(VI, p. 189.)
DE Ronsard. 221
Spartes, s. ma^c. pi., employé pour signifier les habi-
tants de Sparte, les Spartiates.
(Poèmes, I, Le Souci, VI, p. 1 10.)
Ailleurs Ronsard emploie Spartain adjectivement.
0 les fils putatifs du Spartain Tyndarée. (V, p. $8.)
.Stygial et Stygieux, adj., du Styx, propre au Styx.
(VII, p. 31,1, p. 439.)
Suader, v. trans., et Saasion, s. fém.,tous deux indi-
qués par Nicot, dérivés anciens de suadere, suasio,
formes primitives des mots persuader, persuasion.
[V, p. 91 et 93.)
Submettant, part. prés, du verbe submettre, antérieur à
soumettre. On disait de même submission pour
soumission (Nicot).
Me submettant. (I, p. 438.)
Subvertir,\. act. (subvertere), retourner, changer du
tout au tout (Nicot).
Il n'en est pas d'autre exemple que celui-ci :
Mais il ne faut ouïr vostre docte éloquence,
Qui pourroit subvertir des juges la sentence.
(Boc. Roy., III, p. 3n-')
Trévoux : subvertir la religion, les lois.
.Succez, s. masc. (Nicot, Littré), au sens primitif du
■ mot : état de ce qui succède, suite. Ex. : le succez
de réparation = les réparations successives.
(V,p. 17.)
.Sueux, adj. quai., tiré par Ronsard du substantif
sueur : plein de sueur, suant.
D'une sueuse escume il est tout blanchissant.
(V, p. 66.)
. Suivir, V. trans., vieux mot. {Roman de la Rose,
222 Lexique
— Trévoux cite Marot, — Littré), suivre. Nicot
n'indique que suivre.
Sus ! quenouille, suis-moy, je te meine servir
Celle que je ne puis m'engarder desuivir. (I, p. 219.)
Supplier, v. trans. aujourd'hui, employé par Ronsard
avec à et un complément indirect à 1 imitation du
latin. (V.-Littré : cite Amyot et Commines.)
Supplie à Dieu qu'en santé très-parfaite
Viviez cent ans en la paix qu'avez faite. (III, p. 385.)
Surgeon, s. masc. (Nicot, Trévoux, Littré), jet na-
turel en parlant de Teau, et au figuré rejeton. Ron-
sard l'emploie au propre :
... De vives fontaines
Le vif surgeon perennel. (II, p. 73.)
Sources qui bouillonnez d'un surgeon sablonneux.
0, P- 34'-)
Montaigne qui l'emploie l'écrit sourgeon.
Au figuré Ronsard dit :
Ame, surgeon de la divine flamme. (III, p. 221.)
Surnouer, v. intrans,, vieux mot, composé de sur et
de nouer, nager. Nicot n'indique que surnager.
Ex.: (VI, p. 374.)
Survivre, employé comme verbe transitif avec un com-
plément direct.
t Les doctes folies des poètes survivront les
nombreux siècles à venir. »
(Épître au lecteur, II, 14.)
Sus, ancienne interjection équivalente au latin âge,
agite, s'employait pour exciter quelqu'un à prendre
courage, à agir.
Sus! quenouille, suis-moy. (I, p. 219.)
Sus est aussi une ancienne forme de la préposi-
tion sur. Ex. :
DE Ronsard. 22^
Plus je respan de traits sus hommes et sus dieux.
(I,PI7S-)
Sus s'employait aussi dans l'expression par sus,
équivalente h par dessus. Ex. :
... par sus toute chose. (I, p. 28.)
Quand par sus la raison le cuider a puissance.
(VII, p.} j.)
Suspens^ ancien adjectif dérivé du lat. suspensus
(Nicot, Trévoux, Littré) : suspendu. Ex. :
(III, p. 158.)
Subsiste dans la locution : en suspens et comme
terme de droit canonique : un prêtre suspens
(interdit). (Académie.)
Suttilement pour Subtilement, orthographe ancienne.
Ex. : (I, p. 59.)
Sympathie^ s. fém., si français aujourd'hui, est une
heureuse innovation de Ronsard.
Les cieux, fermez aux cris de sa douleur
Changeant de front, de grâce et de couleur,
Par sympathie en devindrent malades.
(Am., 1, 197, I,P- IJ2-)
Tabourin, s. masc, vieille forme (Palsgrave, Nicot,
Littré) du mot tambourin.
Les uns frappoient les tabourins enflez. (III, p. 56.)
Tac, i. masc, vieux mot encore usité en art vétéri-
naire pour désigner une maladie contagieuse de la
peau qui attaque les moutons, les chiens et les che-
vaux. On appela aussi de ce nom une sorte de peste
224 Lexique
qui désola Paris au début du quinzième siècle et qui
se manifestait par » des fièvres et tremblements t
accompagnés d'une grande lassitude, d'une toux
violente et de crachements de sang (Trévoux).
Ex. :(V,p. 258.)
Au figuré : s'applique aux péchés qui sont comme
la lèpre de l'âme. (III, p. 222.)
Taie. (V. Ta^'e.)
Tais, s. masc, orthographe de Ronsard pour test
(v. ce mot), tête, enveloppe du cerveau, crâne.
Dedans le tais luy tourne la cervelle. (III, p. 131.)
Talonnier, s. masc, ailes que Mercure avait aux
pieds selon la légende. (III, p. 54.)
Ronsard emploie aussi le s. fém. talonnière, en-
core usité. (II, p. 322.)
T'amie, élision pour ta amie. V. M'amour, s'amie,
emploi fréquent jadis. Ex. : (I, p. 175.)
Tançon, s. fém., pour tenson ou tençon. (Trévoux).
On appelait ainsi dans les cours et les puys d'amour
une discussion en vers, un dialogue poétique entre
deux ou plusieurs personnages sur une question de
galanterie.
L'Académie en fait un mot masculin. Mais, con-
formément à l'étymologie {tensio, querelle, dispute),
Ronsard lui attribue le genre féminin.
Ce mot a pour lui deux sens :
r Chant poétique.
(Lorsj que l'oiseau parmy les bois ramer
Lu Thracien les tançons recommence.
(Am., 156, I, p. 90.)
2° Poésie, œuvre poétique.
Et feray résonner d'un haut et grave son
(Pour avoir part au bouc) la tragique tançon.
(Am., II, Elégie, I, p. 146.)
DE Ronsard. 225
Tandis, adv., employé au sens primitif du mot.
(V. Littré,; Chevallet, Origine et formation de la
langue française, III, p. 318.) Pendant aussi
longtemps, pendant tout ce temps-!à.
Tandis les vents avaient gaigné la mer. (III, p. 92.)
De même (III, p. 107, 112, 114.)
Tant seulement (v. Littré), vieille expression qui n'est
plus usitée que dans le langage familier, signifiait
seulement, rien davantage (Trévoux).
J'ay soucy tant seulement
De parfumer cointement
Ma barbe. (II, p. 276.)
Tane, nom propre employé au féminin par Ronsard
pour désigner le Tanaîs.
Outre la Tane on m'entende crier
Jo! Jo! (I, p. 50.)
Tapon, s. masc, autre forme du mot tampon : bou-
chon. (V. Chevallet, I, 479, Littré, Brachet, Dic-
tionnaire.)
Fais après à ma bouteille
Des feuilles de quelque treille
Un tapon pour la boucher. (II, p. 16}.)
Taq. (V. Tac.)
Tard, i tantost est adverbe de temps, sero, tarde,
tantost est nom adjectif, serus, tardus » (Nicot).
Aujourd'hui il n'est plus employé que comme
adverbe.
Le tard vaisseau qui t'iroit poursuivant. (VI, p. 27.)
Tardis, adj. quai, au masc. pi. pour tardifs par
atténuation de /devant le signe du pluriel.
Les fevres de Vulcan sont plus lents et tardis
A démener les bras, que ces guerriers hardis
A manier les mains. (V, p. 62.)
Lex. Ronsard. ij
226 LEXIQ.UE
Targe. (V. Targue.)
Targue, s. fém., autre forme du mot targe (Nicot,
Littré), nom donné autrefois au bouclier. On re-
trouve la forme targue dans le dérivé se targuer, se
couvrir de quelque chose comme d'un bouclier, s'en
prévaloir avec ostentation.
... Francus, secouant en la main
Un javelot à la pointe d'airain,
Ayant au col sa targue à mainte houppe,
Vers le chasteau mena sa jeune troupe. (III, p. 112.)
La forme targe se trouve aussi fréquemment.
Ex.:(II, p. 443.)
Taye, s. fém., ou Taie (Nicot, Trévoux, Littré), en-
veloppe membraneuse (Trévoux), qui entoure la
cervelle. Ex. : (III, p. 239, et V, p. 57.)
Temple, s. fém., vieux mot antérieur à tempe (Pals-
grave). Nicot cite temple et tempe.
Trévoux indique encore temple comme terme
d'anatomie.
Dessous le fer sifflant comme tempeste
Ores leur joue, ores sonnoit leur teste,
Ores la temple. (III, p. 129.)
Tendre, adj. quai., s'emploie encore par opposition à
dur. Ronsard l'emploie comme synonyme de fra-
gile. (I, p. 3 1 .)
Tendret, adj. quai., diminutif de tendre (Nicot, Lit-
tré).
Une avette sommeillant
Dans le fond d'une fleurette
Lui piqua la main tendrette. (II, p. 271.)
Tempester, v. intr., s'employait pour : être agité par
la tempête. Ex. : (II, p. 278.)
Ronsard l'emploie aussi au figuré pour troubler.
DE Ronsard. 227
Tempête (Trévoux) se disait du trouble moral, dtt
malheur. Ex. : (II, p. 196.)
Temps, s. masc, Bon temps, vieil temps (I, p. 2J5),
termes de vénerie. Voir les mots erres et vénerie.
Tenter esse, nom féminin, innovation de Ronsard pour
tentatrice.
... si quelque déesse
En cent façons doucement tenteresse
M'accoloit... (Am., i, 209, I, p. 118.)
Terrain, adj. quai., employé par Ronsard avec le
sens de terrestre, qui vit sur terre.
Les autres moins terrains sont à part habitans
Torrens, fleuves, ruisseaux...
Or paroissant sur l'eau et ores sur les rives.
(V, p. ija.)
Ronsard emploie aussi terrien et terrien. (V. ces
mots.)
Terrien et Terrien, adj. quai. Ronsard emploie indif-
féremment les deux formes comme synonymes de
terrestre.
Vous, despouillé du manteau terréen,
Irez au ciel à la gloire éternelle.
(Boc. Roy., III, p. 312.)'
Tout le soin terrien. (V, p. 317.)
Terre-né, adj. composé, innovation de Ronsard : né
de la terre, fils de la terre.
Les géans terre-nez ont senti ton pouvoir.
(V, p. 2)1.)
Tesnière, s. fém., ancienne forme du mot tanière
(Nicot). Ex. :(III,p. 353.)
Test, s. masc. == tête; les deux mots sont dans Ni-
cot, mais test désigne spécialement le crâne.
Ton test n'aura plus de peau.
(Am., I, Stances, p. 75.y
228 Lexique
Quelques vers plus loin Ronsard emploie tête et
nous montre ainsi la différence qu'il fait, comme ses
contemporains, entre les deux mots.
Les testes des cimetières.
La différence est peut-être encore plus sensible
dans les deux exemples suivants :
... un cheval qui rua,
De coups de pied l'un de mes gens tua,
Lui escrageant d'une playe cruelle
Bien loin du test la gluante cervelle. (VI, p. 70.)
... cette hideuse beste
Se vint coucher tout auprès de ma teste. (VI, p. 70.)
Ronsard écrit aussi tais. (V. ce mot.)
Tétace {c = 55), ou Tétasse (Trévoux, Littré), vieux
mot populaire encore usité pour désigner les ma-
melles flasques et pendantes. Ex. : (V, p. 19^.)
Tétinenx, adj. quai., innovation de Ronsard qui l'em-
ploie au sens figuré : dont le sein est fécond.
... de Nature le sein
Est tousjours tetineux pour tout le genre humain.
(IV, p. 341.)
Thusqiie, adj. quai., et Tusqiie, pour toscan :
1° En parlant de Pétrarque.
... les thusques vers. (I, p. 43.)".
2° Les tusques mains ingénieuses. (II, p. 297.)
Pour désigner les ouvriers de Florence. (Note
de Richelet.)
Tiers, fém. Tierce, ancien adjectif antérieur à troisième,
dont il a la signification (Nicot, Littré).
Je me fey tout françois, aimant certes mieux estre
En ma langue ou second, ou le tiers, ou premier.
Que d'estre sans honneur à Rome le dernier.
(VI, p. 191.)
Tige, s. fém. aujourd'hui; masc. au seizième siècle,
DE Ronsard. 229
employé au masculin par Ronsard dans le sens de :
ancêtre.
Francus, le tige de nos rois. (Fr., 11, III, p. 121.)
* Tige, se dit figurément en généalogie de la
branche principale à l'égard des branches cadettes
qui en sont sorties, n ( Dictionnaire de Trévoux.)
... il sortoit
De l'heureux tige de sa race. (II, p. 74.)
Tigre, s. fém., employé par Ronsard pour désigner la
femelle du tigre : ailleurs il emploie le ternie cou-
rant: tigresse. (V. Littré, hist.)
Mon roy n'a pas d'une tigre sauvage
Succé le lait. (I, p. 126.)
Tigreau, s. masc, diminutif de tigre : jeune tigre,
mnovation de Ronsard calquée sur lionneau dérivé
de lion. Ex. : (IV, p. 280.)
Tiltre, s. masc. (Nicot), orthographe usuelle au sei-
zième siècle du mot titre (Littré). Ex. :
... sans nul tiltre. (III, p. 144.)
Tine, s. fém., tonneau, cuve (Nicot, Trévoux, Lit-
tré), a formé le dérivé tinette. Ex. : (V, p. 252.)
Tintouin, s. masc, vieux mot (Nicot en fait l'his-
toire), encore usité aujourd'hui quelquefois au sens
propre : bourdonnement dans l'oreille, tintement
d'oreilles, devenu familier au sens figuré : inquié-
tude,'tracas, soucis. Ronsard l'emploie au sens
propre.
Maint tintouin aux oreilles luy bruit. (III, p. 131.)
Tirace (c = ss), pour Tirasse, 5* pers. sing. prés,
ind. du verbe tirasser, vieux mot (Trévoux, Littré),
employé par Ronsard comme synonyme de tirailler,
tirer deçà delà, tracasser. Ex. : (II, p. 391.)
230 Lexique
T'irace, s. fém. (Trévoux, Littré), sorte de filet usité
à la chasse. (VI, p. 346.)
Tirade, s. fém., employé par Ronsard (Nicot), pour
signifier : l'action de tirer. Ex. : (I, p. 63.)
Tire-loïn, adj. composé, créé par Ronsard qui l'ap-
plique à Apollon dont les flèches selon la mytho-
logie grecque étaient infaillibles.
Apollon tire-loin. (III, p. 80.)
Tirelire, s. fém., onomatopée imitant le cri de
l'alouette. Trévoux indique le verbe intransitif //>«-
llrer, crier comme fait l'alouette. Ex. :
Tu dis en l'air de si doux sons
Composez de ta tirelire. (VI, p. 348.)
Tissure, s. fém. (lat. textura), vieux mot (Nicot,
Littré), encore usité au figuré, s'employait jadis au
sens propre pour désigner :
1° l'art et la manière de faire un tissu, puis
2" le tissu lui-même. C'est dans ce dernier sens
que Ronsard l'a employé.
En la tissure estoient pourtraicts au vif
Deux Cupidons. (III, p. 163.)
Tlstre, V. trans., vieux mot (Lacombe, Dictionnaire) :
tisser, faire delà toile. Ex. : (II, p. 301.)
Tltanln, adj. quai., tiré par Ronsard du nom des
Titans :
... les geans séditieux
Méchante race Titanine. (VI, p. 317.)
Tormente, s. fém., orthographe de Ronsard pour
tourmente, ancienne forme du même mot.
Adieu tormente, adieu tempeste, adieu. (I, p, 377.)
Tors, adj. quai. Ronsard lui attribue trois formes au
féminin : torse, torce, torte. (V. Littré.)
DE Ronsard. 13I.
Les cheveux tors à la façon
D'une folastre Italienne. (II, p. 150.)
La rondeur de cette couronne
Trois fois torse d'un ply thébain. (II, p. 69.)
Par sa voye courbe et torte. (II, p. 229.)
Si fine soye au mestier ne fut torce. (I, p. 117.)
Tortis, adj. quai., employé par Ronsard (Nicot) :
tordu. Ex. :
... ses blonds cheveux tortis. (II, p. J41.)
Après fay-lui son beau sourcy voutis
D'ébène noir, et que son ply tortis
Semble un croissant. (I, p. 133.)
Au féminin : tortisse.
Et la vigne tortisse
Mon sepulchre embellisse. (Odes, iv, 4, II, p. 2ji.)
Tortis est aussi employé substantivement dans le
sens de tresse, couronne, guirlande (Nicot, Lit-
tré). Ex. :
... un tortis de violettes. (Odes, i, 10, II, p. 71.)
Il sert aussi à former la locution : en tortis.
(III, p. 94.)
Touffeau, s. masc. Du Gange {Glossaire) donne
toffel, dérivé du vieux français toffe, touffe, poignée,
d'oii vient le verbe touffer (agric), disposer en
touffes, et l'adj. touffu. Ex. :
Et tel présent vaudra peut-être mieux
Qu'un grand toufïeau de fleurs mal-agencées.
(V,p. 339-)
Ailleurs Ronsard emploie le mot bouquet.
(I. P, 397, V, p. 339.)
Toujours-verd, adj. composé, créé par Ronsard.
Je veux faire un beau lict d'une verte jonchée,
De neufard toujours-verd qui les tables imite
Et de jonc qui les bords des rivières habite.
(I, p. 190.
232 . Lexiqjje
Tourbe, s. fém. (Nicot, Littré), avait encore au
seizième siècle la signification étymologique du
latin turbii, foule, troupe. (Subsiste aujourd'hui
avec un sens péjoratif.)
Ronsard l'emploie fréquemment pour troupe^
foule.
... la tourbe
Des vieux pères laissez sur le rivage courbe.
(II, p. 173.)
Fends la tourbe des François. (II, p. 178.)
La tourbe des chantres divins. (II, p. 81.)
V. III, p. 48.
Tonrnasser, v. trans. (Littré), encore usité au sens
propre comme terme technique (façonner sur le
tour), est employé par Ronsard dans le sens de
tourner et retourner. Ex. : (VI, p. 345.)
Tourner, v. trans., changer, métamorphoser (au sens
du latin ver ter e). Emploi ancien de ce mot (Nicot,
Littré). Ex. : (I, p. 257.)
Tournoyement, s. masc. (Trévoux, Littré) : sorte de
vertige. Ex. :
... tournoyement de cerveau. (V, p. 194.)
Tournoyer (Nicot, Littré), était intransitif. Ronsard
l'emploie comme verbe transitif dans le sens de :
tourner autour, faire le tour de... Ex. :
(III,p. 3i2,etIV,p.-598.)
Tour ter in, adj. quai. Ronsard l'emploie comme épi-
thète du baiser. V. Colombin.
... mille baisers d'Amour,
Colombms, tourterins. (IV, p. 289.)
Tourtre, s. fém., vieux mot. Nicot indique la forme
tourte (V. Littré), ancien nom de la tourterelle.
Tourtres qui lamentez d'un éternel veufvage.
(I, P-34I-)
DE Ronsard. 255
Tout-oyant, adj. composé, créé par Ronsard.
Fils de Saturne, Roy, tout-oyant, tout-voyant.
(V, p. i43->
Tout-voyant, adj. composé, créé par Ronsard.
Fils de Saturne, Roy, tout-oyant, tout-voyant.
(V,p. I43-)
Trac, s. masc, vieux mot (Palsgrave, Nicot, Littré),
trace, s'est maintenu longtemps dans la langue de
la" vénerie pour signifier la piste d'une bête (Tré-
voux). Ex. :
Quand la limace, au dos qui porte sa maison,
Laisse un trac sur les fleurs. (I, p. 184.)
De là l'emploi du verbe tracer, traverser, par-
courir en marquant d'une trace.
(Am., I, 125, I, p. 116.)
Trafiq', abréviation par syncope du substantif trafique,
ancienne forme de trafic, licence d'ailleurs autorisée
au seizième siècle et prônée par Ronsard. {Abrégé
de l'Art poétique.)
L'artisan par ce monstre a laissé sa boutique.
Sa nèfle marinier, son trafiq' le marchand.
(VII, p. 140.)
Ailleurs Ronsard l'écrit traficq.
S'il n'eust eu traficq avec toy. (II, p. 259.)
Ou encore traficque. (II, p. 328.)
Ou trafique. (II, p. 357.)
Trafiqueur, .vieux mot qui s'employait comme sub-
stantif et comme adjectif : aujourd'hui trafiquant
(Nicot, Littré). Ronsard l'emploie comme sub-
stantif.
Je suis le trafiqueur des Muses
Et de leurs biens, maistres du temps. (II, p. 1 14.)
Du Bartas l'emploie adjectivement :
... nos trafiqueurs vaisseaux.
234 Lexiclue
Traire, V. trans. (lat. trahere), ùrer; sens primitif de
ce mot (Nicot, Littré). Ex. : (III, p. 1 19.)
Traison, s. fém., pour Trahison, Ex. : (III, 103.)
Traitis, adj. quai., employé par Ronsard avec le sens
de traître.
Qui peindra les yeux traitis
DeCassandre ma déesse? (Il, p. 341.)
De même (I, p. 134).
Traîtrement, adv., synonyme de traîtreusement. Nicot
cite les deux. (Am., l, 181, I, p. 103.)
Tram, s. masc, onomatopée pour imiter le son du
cor, de la trompe.
Tantost d'un tram de trompe, et tantost de la voix
Je leur donnoy courage. (Songe, III, p. 289.)
Tranche, s. lém., terme technique encore usité en
agriculture pour désigner une sorte de pioche ou
de houe.
Quand il te plaist bêcher, Dimanche,
Ton grand nez te sert d'une tranche.
(Épigrammes, VI, p. 411.)
Translateur, s. masc, dérivé de translater (Nicot,
Littré) : traducteur. Translater et translateur sont
antérieurs à traduire et traducteur. Ex. :
(VI, p. 238.)
Travail, s. masc, peine, souffrance... (Nicot, Lit-
tré), sens ancien au mot travail. Ex. : (I, p. 285.)
Travers {par le), expression équivalente à au travers
(ex. : d'Amyot dans Littré), encore usitée en ma-
rine, mais avec une acception différente.
Elle qui tint dessus sa face un voile
Par le travers du crespe l'apperceut. (III, p, 203.)
Trébucher, v. intrans., s'employait jadis comme syno-
DE Ronsard. 235
nyme de tomber (v. Littré) : sens vieilli aujour-
d hui et peu usité.
Comme toisons de neiges innombrables
Qu'on veoit du ciel espaisses trébucher. (III, p. 71.)
Treluisantj adj. quai., brillant, éclatant, mais d'un
éclat intermittent.
... les aciers brilloient en treluisans esclairs.
(V, p. 30.)
C'est le participe présent employé adjectivement
du vieux verbe trelulre, qui signifiait, selon Tré-
voux : « voir imparfaitement quelque chose par le
moyen de quelque petit éclat de lumière. » Ce
verbe avait donné naissance à l'expression popu-
laire avoir le trelu, voir une chose autrement qu'elle
n'est, avoir la vue trouble (Trévoux).
Ronsard offre un exemple du verbe treluire.
Et ses rayons treluisoient a l'envy.
(Am., 1, 91, I, p. 53.)
Tremble-terre, s. masc, mot composé par Ronsard
pour tremblement de terre.
Le tremble-terre et les foudres des cieux
Esbranleront sa royale demeure. (III, p. 232.)
Tremeiller ou Tremailler, v. trans. (Nicot, Trévoux),
aujourd'hui tramaïller (Littré), vieux mot.
Trévoux : a Nicot dit oue ces mots viennent de
trois et maille, comme si l'on eût dit à trois rangs
ou à trois doubles de maille, j Nous possédons en-
core : tramail (filet composé de trois nappes su-
perposées ou de trois rangs de mailles), et ses
dérivés tramaillé (fait en forme de tramail) et tra-
maillon (diminutif de tramail).
Ronsard emploie tremeiller comme v. intrans.
pour décrire la marche des fourmis sur trois files.
Ex.: (VI, p. 323.)
236 Lexique
Trepiller, v. intrans., fréquentatif du verbe treper,
encore usité dans le centre de la France pour sau-
ter. Ex. : (II, p. 149.)
Ronsard emploie aussi trépigner et même retrepi-
gner. (V. ce mot.)
De trepiller vient l'adj. trepillard, bondissant.
A l'envi des eaux jazardes,
Trépillardes,
Vous chanterez mille vers. (VI, p. 360.)
Très, employé conformément à l'usage ancien avec sï
pour renforcer la signification de l'adjeètif et lui
donner valeur d'un superlatif absolu.
... quelque chanson nouvelle
Dont les accords seront peut-estre si très-doux.
(V, p. 240.)
Tressuer, v. intrans. (Nicot), suer abondamment,
suer à grosses gouttes, encore usité dans quelques
provinces, vieux mot. [Roman de la Rose.)
... nous tressuons d'ahan. (IV, p. 306.)
Trette, s. fém._, ancienne orthographe de traite (chan-
gement de ai en è, ou ce qui revient au même ett).
Ses coureurs, haletans de la pénible trette.
(.VI, p. 190.)
Trop plus, usage ancien : trop servant à renforcer la
signification de l'adverbe ;?/u5.
... troupe chère,
Quej'ayme trop plus que mes yeux. (II, p. 82.)
De même devant un comparatif. Ex. :
... trop plus cher. (I, p. 426.)
On le trouve encore devant l'adverbe mieux :
trop mieux. Ex. : (I, p. 410 et 413.)
Et devant le comparatif meilleur : trop meilleur.
(II, p. 302.)
DE Ronsard. 237.
Troijue et Troq', orthographe de Ronsard. Nicot
n'indique que troq, aujourd'hui troc, s. masc,
échange. Le féminin troque subsiste pour signifier
le commerce d'échange, (il, p. 40.)
Trouble-cerveau, adj. composé, créé par Ronsard :
qui trouble la raison.
... breuvage trouble-cerveau. (III, p. 331.)
Troupelet, s. m.asc, diminutif de troupeau, créé par
Ronsard : troupe, petite troupe. Ex. :
... des neuf sœurs le sacré troupelet.
(VI, p. 415.)
Et IV, p. 81.
Truchemant, s. masc. (Littré) (esp. trucheman), in-
terprète.
Le truchemant et le héraut des Dieux.
(Am., I, 30, I, p. 18.)
Trufer, v. trans. (Nicot), ou Truffer (Trévoux, Lit-
tré), vieux mot qui signifiait moquer (Nicot)^ railler
et tromper (Littré). Ex. : (V, p. 57.)
Tue ou Tû, y pers. du sing. du prés, de l'ind. da
verbe tuer, employé comme préfixe par Ronsard
dans la composition des mots suivants :
Tâ-géans, adj. composé, épithète d'Hercule.
... ce tû-géans Hercule.^
(Am., I, Élégie à Muret, I, p. 127.)
Tue-Lyon, adj. composé, épithète d'Hercule.
Hercule tue-lyon. (Titre d'un fragment, VII, p. 306.)
Turquois, adj. quai., vieux mot déjà usité dans le
Roman de la Rose : turc, d'origine turque.
Ce mot subsiste comme substantif : turquois,
pour désigner une sorte de moulin à vent en usage
238 Lexique
en Normandie (l'usage des moulins à vent venant
d'Orient) ; et turquoise, pierre précieuse.
Je vy qu'il portoit des ailes,
Dans la main un arc turquois. (II, p. 165.)
Tuscan pour Toscan, épithète par laquelle (IV, p. 3 J7)
Ronsard désigne habituellement Pétrarque, de même
que pour lui le Florentin (IV, p. 356) est le
Dante.
Tuscane, nom propre, pour Toscane.
... je me paissois d'espoir
De faire un jour à la Tuscane voir
Que nostre France autant qu'elle est heureuse
A souspirer une plainte amoureuse. (I, p. I2j.)
Tus que. (V. Thusque.)
De là l'adverbe tusquement : à la façon toscane,,
c'est-à-dire à l'imitation de Pétrarque. Ex. :
(IV.p.JS?-)
Tymbre, s. masc. (Nicot, Littré). On nommait ainsi
au moyen âge le casque ou heaume. Ex. :
Et planté sur ton tymbre un menaçant pennache.
(III, p. 300.).
U
Ulcère, s. masc. (Nicot, Trévoux, Littré). Nicot
n'indique gue le sens propre : plaie. S'employait au
seizième siècle et au dix-septième au figuré, pour
signifier une cause de destruction ou de corruption
progressive. Ronsard l'emploie pour désigner la
olessure, le mal d'amour. Ex. :
(I, p. 39, 64, 256, 304.)
Un chacun, s'employait jadis là oîi la langue moderne-
emploie chacun. (\\, p. 74.)
DE Ronsard. 239
Vague, adj. quai., employé substantivement au mas-
culin par Ronsard pour désigner l'immensité dé-
serte de l'air. (II, p. 93.)
Vain, ad), quai., faux, illusoire, qui n'a pas de réalité ;
d'où le sens de vide, dans les vers suivants de Ron-
sard :
Fay-nous au moins, sur le bord de ces eaux,
Le triste apprest de quelques vains tombeaux.
(III, p. 108.)
Quelques vers plus loin : sépulcre parfait, c'est-
à-dire contenant les corps des disparus.
Vain, adj. quai., employé à la façon des Grecs comme
neutre pour la chose vaine, l'image, le fantôme : le
vain. (III, p. 47.)
Valecluze, nom propre, orthographe de Ronsard pour
Vaucluse.
... de la contrée
Ou Laure, jusqu'au cœur de son Pétrarque entrée,
Fit pour elle si haut chanter ce Florentin,
Si qu'aujourd'huy le Rhosne, et Sorgue et Valecluze
Murmurant son renom, sont cognus par sa Muse.
(El., xxiii, IV, p. 30J.)
Valeter [Se), v. réfl., innovation de Ronsard, t se
profaner comme un valet » (Note de Richelet). Se
prostituer.
Des hauts Dieux la fille éternelle
Ne se Valette pas ainsi, (Odes, i, 1 1, II, p. loo.)
Value, s. fém., vieux mot, synonyme de valeur : les
240 ' Lexique
deux sont dans Nicot. Value n'est plus usité que
dans l'expression plus-value (Trévoux, Littré), Ex. :
(III, p. 406.)
Vanoyer, v. intrans., se perdre, disparaître (lat. va-
nescere), cité sous la forme vanoier, par Nicot,
comme une création de Ronsard.
(Am., P. retr., 2, I, p. 389.)
Vantenr, s. masc. (Trévoux, Littré), synonyme de
vantard. Ex. : (I, p. 125.)
Varrle, nom propre. Varius, ami et éditeur de Vir-
gile.(III,p. 378.)
Vasqa'ine, s. fém., dérivé de l'espagnol basquina (jupe).
Ronsard l'écrit ainsi : l'orthographe moderne
basquine se rapproche davantage de l'étymologie.
Un seul exemple :
... les Nymphes à minuit
Enleur simple vasquine. (Ed., IV, p. 7.)
Vate, s. masc. (lat. vates), innovation de Ronsard :
poète. Ex. : (V, p. 234.)
Vénerie, s. fém. Nous citons sous cette rubrique une
partie des vers d'Eurymedon et Callirhée où Ron-
sard a pris plaisir à accumuler un certain nombre
de termes de vénerie. On trouvera l'explication de
chacun de ces mots à sa place dans le Lexique.
C'estoit un Méléagre au mestier de chasser.
Il sçavoit par sus tous laisser courre et lancer,
Bien démesler d'un cerf les ruses et la feinte,
Le bon temps, le vieil temps, l'essuy, le rembuscher,
Les gaignages, la nuict, le lict et le coucher,
Et bien prendre le droict et bien faire l'enceinte.
Il jugeoit d'un vieil cerf, à la perche, aux espois,
A la meule, andouillerset à l'embrunisseure,
A la grosse perleure, aux goutieres, aux cors.
Aux dagues, aux broquars bien nourris et bien forts,
DE Ronsard. 241
A la belle empaumeure et à la couronneure.
Il sçavoit for- huer et bien parler aux chiens,
Faisoit bien la brisée, et le premier des siens
Cognoissoit bien le pied, la sole et les alleures,
Fumées, hardouers et frayoirs, et sçavoit
Sans avoir veu le cerf quelle teste il avoit^
En voyant seulement ses erres et fouleures.
(I, p. 254-255 •)
Venteux. (V. Ventueux,)
Ventrée, s. fém., aujourd'hui synonyme de portée et
appliqué aux seuls animaux, s'appliquait jadis à la
femme. {Roman du Renard, Calvin, Nicot, Littré) :
couche.
... criant Lucine, accoucha
De neuf filles d'une ventrée. (II, p. 70.)
Ventreux, adj. quai., synonyme de ventru, dont le
ventre est gros, disproportionné.
... la ventreuse araignée. (V, p. 196.)
Ronsard l'emploie aussi au figuré :
... pour voir les esponges ventreuses
De nostre court, en argent plantureuses,
Grosses de biens. (VI, p. 26$.)
Ventueux et Venteux, adj. quai. Ronsard emploie le
plus souvent la seconde forme.
(I, p. 84, 202; III, p. 62, 104; VII, p. 150.)
On trouve cependant ventueux. (I, p. 1 17.)
... des venteuses maisons (synonyme de navires).
(III, p. 61.)
Au figuré : venteux, vain, qui n'a pas plus de
consistance que le vent.
... un titre venteux. (III, p. 308.)
Verdeler, v. intrans., se couvrir de verdure, devenir
vert. V. l'adj. verdelet.
... aux couteaux voisins
Jamais Bacchus n'y fait verdeler ses raisins.
(VI, p. 42.)
Lex. Ronsard. 16
24<2 . Lexiq^ue :
Verdelet^ ad), quai., diminutif de verd : qui verdit.
... en ce pré verdelet. (II, p. 148.)
Ronsard l'emploie aussi au figuré dans le sens
de : jeune.
Et de ce sein les boutons verdelets. (I, p. 5.)
... ce sein verdelet. (I, p. 24.)
Verdelet est encore usité aujourd'hui en ce sens.
Verdine, s. fém., nom de Nymphe de l'invention de
Ronsard, (VI, p. 140.)
Verdugade. (V. Vertugade.)
Verdurenx, adj. quai., innovation de Ronsard : prin-
tanier, qui renouvelle la verdure. Ex. : (I, p. 354.)
Vergektte, s. fém., ancien diminutif de vergette (Nicot,
Littré), qui est lui-même un diminutif de verge. On
a dit aussi vergerette (Littré) et ver gère lie, petite
verge. Ex. : (VI, p. 395.)
Vergongner ou Vergogner (Nicot, Littré), vieux mot
dérivé de vergongae ou vergogne (Nicot, Trévoux,
Littré) . Vergomer, signalé comme actif par Nicot,
est intransitif dans Ronsard : avoir honte... Ex. :
(I, p. iio.)
Vergongne (ex. : I, p. 257).
Vermeillet, adj. quai., ancien diminutif de vermeil
(Nicot).
Les autres boutons vermeillets. (Il,.p. 342.)
Vermeillon, diminutif de vermeil, employé substanti-
vement par Ronsard pour désigner métaphorique-
ment les lèvres de Cassandre.
(Am., I, Sonnets, 54, I, p. 32.)
Emploi analogue : (II, p. 198.)
Ver/é, adj. (lat. vitreus), innovation de Ronsard qui
DE Ronsard. 243
l'applique à l'eau, c claire, liquide et transparente»
(Richelet).
Tousjours sa course verrée
Se joigne à l'onde Ldirée. (II, p. 348.)
Geste belle onde verrée. (VI, p. 374.)
Verrière, s. fém. (Nicot, Trévoux, Littré) : vitre.
On a dit aussi verrine (Nicot, Trévoux, Littré).
Ex. : (I, p. 289.)
Vers, prép., emploi ancien de ce mot pour envers
(Littré).
... à peine deux ou trois
Vivent après leur mort, pour n'avoir esté chiches
Vers les bons escrivains. (III, p. 374-375.)
Vert-gay, adj. composé, synonyme de vert clair.
av,p. 313.)
Vertugade, s. fém, (esp. vertiigala). On a dit aussi
vertugale. Nicot et H. Estienne (Ap. p. Hérod.)
indiquent cette dernière forme.
1° Bourrelet que les femmes portaient autrefois
au-dessus de leur corps de jupe pour le faire bouffer.
2° Robe rendue bouffante par un de ces bourre-
lets. C'€st en ce dernier sens que Ronsard l'em-
ploie :
Et mignottolt un bouquet de couleurs
Echevelée en simple vertugade. (I, p. 36.)
Ailleurs verdugade (VII, p. 306).
La vertugade s'appela aussi vertiigadin. Cette
mode abandonnée au début du dix-septième siècle
reparut vers 1720; mais la vertugade s'appelait
alors panier. De nos jours enfin vinrent les crino-
lines et les tournures, toutes inventions du même
genre, différentes de nom seulement.
Vespre, s. masc, ou Vesprée, s. fém. (Nicot, Littré,
244 Lexiclue
Roman de la Rose), vieux mot : la seconde moitié
du jour, le soir.
...àce vespre. (I,p. 397.)
... ceste vesprée. (II, p. 117.)
Vespre formait la locution à vespre (Nicot) :
vers la tombée du jour.
Voyez au mois de mai sur Tespine la rose.
Au matin un bouton, à vespre elle est esdose,
Sur le soir elle meurt. (III, p. 2j8.)
Vestir, v. trans. Ronsard l'emploie dans un sens tout
particulier : revêtir la forme de...
J'aimerois mieux vestir un poisson escaillé.
(IV, p. 291.)
Vesture, s. fém., vieux mot (Pals^rave, Nicot, Lit*-
tré), signifiait vêtement : subsiste encore pour
désigner spécialement la cérémonie religieuse qu'on
appelle aussi d'un autre nom : prise d'habit.
Un crespe délié luy servoit de vesture. (V, p. 178.)
Veuil, s. masc, vieux mot (Palsgrave, Nicot) dont
on trouve des exemples dans Marot, Rabelais :
vouloir, volonté. Ex. :
Et le forçant veuil des dieux. (Odes, 1, i, II, p. 28.)
Pour le veuil des dieux esprouver.
(Odes,i, 1,11, p. 3J.)
Il s'écrivait aussi vuell {ne = eu).
... pour ensuivre mon vueil. (I, p. 189.)
Ronsard emploie aussi vouloir, substantif.
(I,p. 295.)
Vhe, s. fém., instrument de musique dont se ser-
vaient les bergers. (VI, p. 50.)
Viande, s. fém. La forme plus ancienne était vivande
(bas lat. vivanda). Le mot viande avait encore au
DE Ronsard. 245
seizième siècle sa signification générale et primi-
tive : vivre, nourriture, aliment (Nicot, Brachet,
Dictionnaire ; Littré). Ronsard l'emploie en ce
sens :
Toy qui jadis des grands roys les viandes
Faisois trouver plus douces et friandes. (II, p. 127.)
De même Rabelais : « c'est viande céleste, man-
ger à desjeuner raisins avec fouace (galette) frais-
che. >
Cependant viande avait aussi déjà le sens res-
treint de chair, Ex. :
Ne m'achète point de chair.
Car, tant soit-elle friande.
L'esté je hay la viande. (II, p. 16}.)
Le sens primitif de viande subsiste dans les ter-
mes de vénerie viander (pâturer en parlant des
bêtes fauves) et vianais (pâture).
Viateur, s. masc. (Nicot, Trévoux, Littré), ancien
mot (lat. viator) : voyageur. Ex. : (VI, p. 285.)
Vieillard, employé adjectivement.
... leur chef tristement vieillard. (II, p. 91.)
De même : (III, p. 77).
Père vieillard, escumeux et chenu.
Ronsard l'emploie au superlatif :
Les plus vieillards, d'un baston secourus. (III, p. (4.)
Viel-jouvenceau, s. composé masc, appliqué à Bacchus
par allusion à l'éternelle jeunesse que lui attribuait
la mythologie.
... un Bacchus potelé, gros et gras,
Viel-jouvenceau. (Poèmes, I, La Lyre, VI, p. 64.)
Viergeallement, adv., créé par Ronsard d'un adjectif
viergeal (dérivé par lui de Vierge), comme virgina-
iement dérive de virginal. Ex. : (V, p. 52.)
24^ Lexiq^ue
Viloteur, s. masc, ou Vilotier (Littré"), ou plutôt Vil-
lot'ter (Trévou}t, Littré), homme qui mène une vie
joyeuse : débauché, libertin. Ex. : (III, p. 285.)
Vinage, s. masc, employé par Ronsard pour signi-
fier : la boisson, la bonne chère. Emploi assez rare
de ce mot ; signalé cependant par Trévoux. Ex. :
" t. VI, p. 398 : Pour mieux digérer son vinage.
Ce mot était plus usité comme terme de cou-
_,tume pour désigner :
1° Un droit seigneurial sur les vignes et sur la
vendange.
2° Une redevance payée aux seigneurs par les
communautés pour l'entretien des ponts et pas-
sages.
50 Une redevance en vin. (V. Trévoux et Littré.)
Aujourd'hui : addition d'alcool dans le vin.
Vineux, adj. quai.,- fréquemment employé par Ronsard
avec des acceptions très variées.
1° Qui produit la vigne.
... les coteaux vineux. (I, p. 39.)
2° Plein de vin.
... le gobelet vineux. (II, p. 474.)
3° Causé par la boisson.
... les vineux propos. (II, p. 3^1 .)
4° Causé par l'abus du vin.
... la vineuse rage (pour l'ivresse). (II, p. 196.)
Virer (Se), v. réfl., vieux mot (Littré\ se tourner.
... l'an se vire
Plus doux vers nous. (li, p. 343.)
Vire-volter, orthographe de Ronsard, ou Virevolter
(Littré). Nicot n'indique que virevoulter. On a dit
J
DE Ronsard. 247
aussi virevouster, virevouter, et virevousser : faire
des virevoltes, tourner sur soi-même. Ex. :
Les uns plus gais dessus les herbes molles
Virevdltans à l'entour des carolles
Suivront ta note.
(Poèmes, II, les Isles fortunées, VI, p. 177.)
Viril, adj. quai., employé par Ronsard comme sub-
stantif abstrait : le viril pour la virilité, la maturité
de l'homme, l'âge viril. Ex. : (VI, p. 420.)
Vis, s. mascJ, vieux mot, visage (Nicot, Littré).
A vis de... loc. prép... en face de...
... ce prince, pour mieux voir
Son estranger, courtois le fit asseoir
A vis de luy. (III, p. 1 16.)
Nous avons conservé l'expression vis-à-vis de...
Visgot, s. masc, abréviation de Visigoth.
(VII, p. 61.)
VlsU, adj. quai., subsiste comme adverbe. Ex. :
... un pied viste. (III, p. 153 etpassim.)
Viste-pied, adj. composé, créé par Ronsard. (V.pied-
vite.)
... les coursiers viste-pieds. (VI. p. 123.)
Vitupère, s. masc, blâme, et Vitupérer, v. act.,
blâmer, formés tous deux sur le latin vitiiperare, ne
se trouvent chacun qu'une fois dans les œuvres de
Ronsard.
Quel los r'emportez-vous d'un si grand vitupère
En Sparte la cité? (Hymnes, i, 3, V, p. 59.)
Si quelqu'un icy me vitupère.
(Boc. Roy., III, p. 316.)
C'est un des vieux mots repris par Ronsard : il
248 Lexiclue
est cité par Palsgrave. {Esclaircîssement de la
langue française, II, 39.)
Voire, adv., vieux mot (Nicot, Littré) : vraiment,
assurément, sans doute. On disait aussi voirement.
(Sonnets retr., I, p. 398.)
Voirie, s. fém. (Littré), qui signifiait primitivement le
lieu où l'on dépose les ordures et les immondices,
a pris par extension le sens de charogne, cadavre,
déoris d'animaux. C'est le sens qu'il a :
(IV, p. 35I-)
Voirrons (nous), i" pers. du plur. futur ind. du verbe
voir, ancienne forme.
Quand voirrons-nous quelque tournoy nouveau ?
(III, p. 384.)
Et quelques vers plus loin deux autres exemples
de la même forme.
Vois {ta t'en), ancienne forme de la 2* pers. sing.
prés. ind. du verbe aller, fréquente dans l'ancienne
langue pour : tu t'en vas. (III, p. 75.)
Volter, V. trans., vieux mot (Nicot), taire exécuter à
son cheval un mouvement circulaire, le faire tour-
ner S"- lui-même. On emploie en ce sens encore
aujourd'hui le substantif voue.
(II, p. 200, et II, p. 288.)
Voltiger, v. intrans., employé par Ronsard dans le
sens de : faire de la voltige. (V, p. 66.)
Encore usité en équitation avec le même sens.
Vouloir, s. masc. (V. Veuil.)
Voutis, adj. quai., ancien mot repris et employé par
DE Ronsard. 249
Ronsard pour désigner les sourcib : en forme de
voûte, arqué.
Son beau sourcy voutis. (I, p. 133.)
Voyageable, adj. c^ual., créé par Ronsard : accessible,
qui peut être visité par...
... mon isle est voyageable
A la mouette et aux marins oiseaux. (VI, p. 77.)
Voyaghe, adj. quai. fém. de voyageur, créé par Ron-
sard.
De prompte jambe voyagera. (II, p. 336.)
Voye, s. fém. On appelait jadis « des étoffes à claires
voies » la gaze, le canevas et « autres tissus qui
laissent passer le jour» (Trévoux). Ronsard emploie
l'expression à rare voye qui semble signifier le con-
traire (c'est-à-dire un tissu serré) dans le vers sui-
vant :
Prit un collet ouvert à rare voye.
On appelle encore aujourd'hui claire-voie la dis-
position d'une clôture formée de barreaux espacés
et laissant du jour entre eux, sens que cette expres-
sion avait aussi jadis.
VueiL{W. Veuil.)
Vulcan, nom propre, orthographe de Ronsard pour
Vulcain. (I, p. 83.)
Xénien, protecteur de l'hospitalité, du grec Çevioç^
épithète de Jupiter.
Ayant le Roy pour office divin
A Jupiter versé le dernier vin,
Dieu xenien qui aux hostes préside. (III, p. 1 17.)
2^0 Lexiq^ue de Ronsard.
Yvoirin. (V. Ivoirin.)
Yvrer'{S'), v. réfl., pour s'ivrer, ancien mot, forme
simple de s'enivrer. Ex. : (II, p. ici.)
FIN DU LEXIQ^UE.
TABLE
Pages.
Préface de M. Petit de Julleville. .- vij
TUDE SUR Ronsard xj
Théories de Ronsard sur la langue xvij
Vocabulaire et ses éléments constitutifs xxv
Orthographe xlviij
Syntaxe lix
Conclusion Ixxij
Lexique r
PARIS. TYP. DE E. PLON, NOURRIT ET C'^. — I.
La Bibliothèque
Université d^Ottawa
Echéance
The Ubr
University c
Date Dl
13MflR'84
^3^03 001000081b
CE PQ 1103
.B5R6Ô 1895
COO MELLERIO, LO LEXIQUE DE
ÂCC# 1344924