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HISTOIRE
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L'AMÉRIQUE.
TOME SECOND.
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HISTOIRE
D E
L'AMÉRIQUE.
Tar M. RoBERTSOK/Doclfî/rer; Tlmh-
gie^ Principal de VUniverfité d'Edimbourg y
& Hijloriographe de Sa Majefié Britanni^
que pour VEcoJfg.
NOUVELLE EDITION,
revue, corrigée & augmentée d'sprés la fecouds
Edition Angloife & enrichie des Cartes
BéceiTaires.
TOIVÎESECOND,
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^ AMSTERDAM:,
Chez E. VAN HARPvEVELT.
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■^^DAWS^IS'ii'
H ISTOI RE
D E
L'AMÉRIQUE.
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LIVRE TROISIEME.
A. AN DIS que Colomb étoit occupé à ■— ^
foD dernier voyage , Tifle d'Hifpaniola fur ^^v, m.
le théâtre de pluûeurs événemens remar- Etat dâ la
quables» La colonie Efpagnole, le mode à HispL
k & la fource de tous les établiflemens "^^^**
poUérieurs que PEfpagne a faits dans le
nouveau monde , acquéroit par degrés la
forme d'une fociété régulière & floriflante.
Les foins pleins d'humanité que prenoit
Ifabelle pour garantir de roppreflîon le»
malheureux Indiens, & l'ordonnance en par-
ticulier par laquelle il étoit défendu aux
Efpagnols de les forcer à travailler, retar-
dèrent, i! eH vrai, pour quelque tems les
Terne IL A
2 Histoire
■»5" progrès de l'induftrie. Les naturels regar-
^1504!^* dant rinadtion comme la fuprême félicité,
méprifoient toutes les récompenfes & les
carefles par lefquelîes on cherchoic à les en«
gager au travail. Les Efpagnols n'avoient
pas afifez de bras pour cultiver la terre.
Plufîeurs des premiers colons , accoutu-
més au fervice des Indiens, abandonnèrent
rifle lorfqu'ils fe virent privés des indru»
mens fans lefquels ils ne lavoient rien faire,
Plufieurs de ceux qui étoient arrivés avec
Ovando furent attaqués des maladies par»
ticulieres aa climat , & dans un court in-
tervalle il en périt plus de mille. En mê-
me tems la demande d'une moitié du pro-^
duit des mines, exigée pour la part du fou-
verain , parut une condition C onéreufe que
perfonne ne voulut plus s'engager à les ex-
ploiter à ce prix. Pour fauver la colonie
d'une ruine qui paroiflbit inévitable, Ovan-
Ï505. do prit fur lui de modérer la rigueur des
ordonnances royales. Il fit une nouvelle:
diflribution des Indiens entre les Efpagnols,
& les força de travailler pendant un certain
tems à creufer les mines ou à cultiver la
terre ; mais pour empêcher qu'on ne Tac- !
cufât de les avoir fournis de nouveau à la
D E l'A m e II î q u e» 3 /
fervitade , il. ordonna à leurs maîtres de WÈêSl
leur payer une certaine fomme pour le fa- ^\^'Jf*
laire de leur travail. Il réduifit la part du
fouverain fur l'or qu'on tireroit des mines,
de la moitié au tiers & peu de tems après
au cinquième , oii elle refla longtems fixée.
Malgré la tendre foliicitude d'ifabelle pour
adoucir le fort des Indiens, & le defîr ar*
dent de Ferdinand pour augmenter le re-
venu public , Ovando perfuada à la cour
d'approuver ces nouveaux réglemens (i).
Les Indiens qui venoient de jouir , quoi- Guerr»
, . 1, , . j avec des
que pendant un mtervalle "bien court , du indiens,
plaifir d'échapper à l'oppreflion, trouvèrent
alors (î intolérable le joug de l'efclavage
qu'ils firent plufieurs tentatives pour recou- ^
vrer leur liberté. Les Efpagnols traitèrent
ces efforts de rébellion & prirent les armes
pour les réduire à la fourni (lion. Lorfqu'une
guerre s'élève entre des nations qui fe trou-
vent dans un état de fociété à peu près
femblable , les moyens de défenfe font pro-
portionnés à ceux d'attaque ; dans cette
querelle à force égale , les efforts qui fe
font de part & d'autre , les talens qui dé-
CO Hsrrera , decad, i , lïb, V^ cap, 3,
A 2
4 Histoire
ploknt leur adlivité & les Daffionsquife dé
II.
1505
Lw. iiL veloppent , peuvent préfenter l'humanité
fous un point de vue auflî curieux qu'inté-
reiTant. C'eft une des plus nobles fondions
de rhiitoire que d'obferver & de peindre
les hommes dans les fituations oli les âmes
font le plus violemment agitées & oîi tou-
tes leurs facultés font mifes en mouve-
ment : auffi les opérations ôc le conflit de
la guerre encre deux nations ont -ils été re-
gardés par les hiftoriens, tant anciens que
modernes , comme un objet important & ca-
pital dans les annales du genre humain. Mais
dans une querelle entre des fauvages entiè-
rement nuds & une des nations les plus bel-
liqueufes de l'Europe 3 oii la fcience, le cou-
rage & la difcipline étoient d'un côté, & la
timidité, l'ignorance & le dé Tordre de l'au-
tre, un détail circonflancié des événemens
feroit auffi peu agréable qu'inflrudif.
Si la fimplicité & Pinnocence des Indiens ,
éveillant l'humanité dans le cœur des Efpa-
gnols , euflent tourné en un fentiment de
pitié l'orgueil de la fupériorité & les euffent
engagés à inflruire les habitans du nouveau
monde, au lieu de les opprimer, l'hiftorien
pouuoit raconter faus hoi'reiir quelques^-
D E L'A M E R I q U E. jT
tes de violence qui refFembîeroieot au:^
châtimens trop rigoureux infligés par des
maîtres impatiens à des élevés indociles.
Mais malheureufement ce fentiment de la
fupériorité s'exerça d'une manière bien dif-
férente; les Efpagnoîs avoient tant d'à van*
tages de toute efpece fur les naturels de
l'Amérique qu'ils les regardoient avec mé-
pris , comme des êtres d'une nature infé-
rieure, pour qui les droits & les privilèges
de rhumanitc n'étoient pas faits. Dans la
paix ils les fournirent à l'efcîavage ; dans la
guerre ils n'eurent aucun égard à ces loix
qui , par Une convention tacite entre les na-
tions ennemies 3 règlent les droits de k
guerre , & mettent quelques bornes à fes
fureurs. Les Américains ne furent point
traités comme des hommes qui combattent
pour défendre leur liberté , mais comms
des efclaves révoltés contre leurs maîtres.
Ceux de leurs Caciques qui tomboient en-
tre les mains des Efpagnoîs étoient con«»
damnés comme des chefs de brigands aux
plus cruels & aux plus infâmes fupplices;
& tous leurs fujets , fans aucun égard aus
rangs établis parmi eux, étoient également
réduits à la plus abjede fervitude, C'elia.-»
A3
Liv. IIL
1505»
^ Histoire
9ÊÊÊÊ vec de femblabîes dispofitions que l*on
^1^05!^' attaqua le Cacique de Higuey , province
fituée à l'extrémité orientale de Tifle. Cet-
te guerre fut une fuite de la perfidie des
Elpognols qui violèrent le traité qu1ls a-
voient fait avec les naturels ; & elle fe ter-
mina par le meurtre du Cacique , qui fut
pendu pour avoir défendu fon peuple avec
une bravoure fupérieure à celle de fes com-
patriotes & digne d'un meilleur fort (1).
Conduite Ovando fe comporta dans une autre par-
perfide^ ^^^ de l'ifle d'une manière encore plus cru»
^T)v3a- elle & plus perfide. La province qu'on ap-
^ pelîoit anciennement Xaragua , & qui s'é-
tendoit depuis la plaine fertile oU Léogane
eil aujourd'hui fitué , jufqu'à l'extrémité
occidentale de l'ifle, étoic foumife à la do-
mination d'une femme nommée -Anacoana,
chérie & refpeQée de fes fujets. Par une
fuite de ce goût de préférence que les
femmes d'Amérique avoienc pour les Eu-
ropéens & dont on expliquera la caufe dans
la fuite, Anacoana avoit toujours recher-
ché l'amitié des Efpagnols & les avoit com-
blés de bons offices; mais quelques-uns
CO Herrera {îecad. i , Uh» F/, eap. 9, 10.
D E L*A M E R I Q xr E. f
des partifans de Roldan s'étant établis dans 5?55
fon pays , furenc tellement irrités des moyens 1533. '
qu'elle prit pour réprimer leurs excès, qu'ils
i'accuferent d'avoir formé le deflein de fe-
couer le joug & d'exterminer les Efpa-
gnols. Ovando , quoique bien perfuadé du
peu de confiance que méritoic le témoigna-
ge de ces hommes corrompus, marcha fans
autres informations vers Xaragua avec trois
cens hommes d'infanterie & foixance-dix
cavaliers ; mais pour empêcher que cette
expédition militaire ne répandît d'avance
Talarme parmi les Indiens, il annonça que
fon intention étoit de faire une viGte ref-
peûueufe à Anacoana, à qui les Efpagnols
avoient tant d'obligation , & de régler a*
vec elle la manière donc on leveroit le tri-
but exigé pour le roi d'Efpagne. Anacoana,
s'empreflant de traiter un hôte fi diftingué
avec les égards qui lui étoient dûs, aflem-
bla les hommes les plus diflingués de fes
domaines , au nombre de trois cens ; & s'a-
vançant à leur tête, fui vie d'une foule nom-
breufe des autres habitans , elle reçut O*
yando a-u milieu des chants 6c des danfes,
félon la coutume du pays , & le conduifin
enfuite dans le lieu qu'elle habitoit. Il y fat
A4
8 Histoire
— traité pendant quelques jours avec tous les
^ijo-i"* ^^^^^ ^^ ^^ fimple hofpitaîité ; elle l'amu-
foit des jeux & des fpedaclesen ufagechez
les Américaios dans les occaûons de fête &
de réjouilTance. Au milieu de la fécurité
que cette conduite infpiroit à Anacoana ,
Ovando méditoit la dellrudlion de cette
reine trop peu défiante & de fon peuple ,
& la barbarie de fon projet ne peut être
égalée que par la baffe perfidie avec laquel-
le il Texécuca. Sous prétexte de donner aux
Indiens la repréfentation d'un tournois Eu-
ropéen, il s'avança avec fes troupes ran-
gées en bataille, vers la maifon oli étoienc
affemblés Anacoana & les chefs de fa fuite.
L'infanterie s'empara de toutes les avenues
qui conduifoient au village, pendant que la
cavalerie inveftiffoit la maifon. Ces raouve*
mens n'excitèrent d'abord que l'admiration
fans aucun mélange de crainte, jufqu'à un
lignai qui avoit été concerté: les Efpagnoîs
tirèrent tout à coup leurs épées & fondirent
fur les Indiens fans défenfe & étonnés
d'une trahifon à laquelle ne pouvoient pas
s'attendre des hommes fimples & confians.
On s'afTura auflitôt d'Anacoana. Tous ceux
qui la fuivoient furent faifis & chargés de
liens ;
DE L*A MER I QUE. :P
liens V on mit le feu à la maifon, & fans "SBI
examen ni preuves, tous ces infortunés qui ^'^q^^'
étoient les perfonnes les plus confidérables
du pays, furent confumés par les flammes.
Anacoana fut réfervée à un deftin plus igno-
minieux. On la tranfporta enchaînée à
Saint-E>omingue3 oh après la formalité d'u-
ne procédure faite devant les juges Efpa-
gnols 5 elle fut condamnée à être pendue
publiquement fur le témoignage d-es mêmes
hommes qui Favoient trahie (i).
Intimidés & humiliés par le traitement . RMitr^
, « .^ . ^ - . . p tion des
atroce qu on faifoit lubir aux princes & indes. c«
aux perfonnages les plus refpedtés du pays yj^^f^i^^
les habitans de toutes les provinces d'Hi-
fpanioîa fe fournirent fans réûftance au
joug des Efpagnols^ A la more dlfabelle^
tous les réglemens qu'elle avoit faits pouç
adoucir la rigueur de leur fervitude furenc
oubliés. Gn retira la petite gratification?
qu'on leur payoit comme le faîaire de leur
travail , & en même tems on augmentai
les charges qu'on leur impofoit. Ovanda
0) Oviedo, Vb. lîl., c, 12. Herrera dec. r, /ï7v Ff-y
i. 4. Relacionm de defiray€, de las ImSas pa¥ Bait» ds La^
♦ A 5
'^lo Histoire
'— ^ n'étant plus retenu par rien , partagea les
^%o6!' ^^^^^^^ ^^trs ^es amis dans toute l'ifle.
Ferdinand , à qui la reine avoit laiffé par
fon teflament une moitié du revenu pro-
venant des établifiemens du nouveau mon-
de 5 accorda à fes courtifans des conceflions
du même genre, qu'il regardoit comme la
manière la moins onéreufe de récompenfer
leurs fervices. Ceux-ci afFermoient les In-
diens dont ils étoient devenus les proprié-
taires, à leurs concitoyens établis à Hifpa-
BÎola ; ces peuples malheureux étant con-
traints par la force de fatisfaire la rapaci-
té des uns & des autres , les exadions de
leurs opprefîeurs n'eurent plus de bornes.
Mais cette police barbare, quoique funede
aux habitans de l'ifle , produiiît pendant
quelque tems des effets très - avantageux
aux Espagnols. En raffemblant ainfi les
forces d'une nation entiers pour les diri-
ger vers un même objet , on parvint à
poufler l'exploitation des mines avec une
rapidité & un fuccès prodigieux. Pendant
plufieurs années l'or qu'on apportoit aux
fontes royales d'Bifpaniola montoit à qua-
tre cents foixante mille pezos par an, C^^n-
viron deux millions quatre cents raille livres
DE L*A M E R I QUE. II
tournois) , ce qui doit paroître une fom- bbëç
me prodigieufe, fi Ton fait attention à la ^'jl,^j^'
grande augmentation de valeur que l'argent
a acquife depuis le commencement du fei-
zieme fiecle jufqu'à ce moment -ci. On vit
des colons faire tout à coup des fortunes
immenfes, & d'autres diffiper auffi rapide-
ment par une faftueufe profufiun les tré-
fors qu'ils avoient amafîes avec tant de fa-
cilité. Attirés )par cet exemple, de nou- .
veaux aventuriers fe portèrent en foule en
Amérique , impatiens de partager les tré-
fors qui enrichiflbient leurs compatriotes,
& la colonie continua de s'accroître mal-
gré la mortalité qu'y occafîonnoit Pinfalu*
brité du climat Qi).
Ovando gouvernoit les Efpagnols avec Progrès
une fageiïe (Se une juftice peut-être égale lo^nîe/^"
à la cruauté avec laquelle il traitoit les In-
diens. Il établit des loix équitables, & ea
les faifant exécuter avec impartialité, il ac-
coutuma la colonie à les refpedler. 11 fonda
pluûeurs villes nouvelles en différentes par-
ties de riile, & y attira des habitans par la
concelTion de divers privilèges. Il chercha
(i) Herrera dec* i , /;^. H , c. i3. &c*
A 6
12 H I s T O I R E
'ÊÊÊÊÊÊ les moyens de porter Tattention des Efpa-
^ilo6?' gnols vers quelque branche d'induitrie plus
utile que celle de chercher de Tor dans les
mines. Quelques cannes de fucre ayant été
apportées des ifles Canaries , dans la vue
feulement de faire une expérience , la ri-
chelTe du fol & la fertilité du climat paru-
rent fi favorables à cette culture qu'on fon-
gea*bientôt à en faireun objet de commer-
ce. On vit fe former de ^vsfles planta*
tions ; on établit des moulins à fucre , que
les Efpagnols appélloient ingenîofe , à caufe
de leur méchanifme compliqué; enfin en
peu d'années la fabrication du fucre fut la
principale occupation des habitans d'Hifpa-
niola & la fource la plus abondante de leur
lichefle (î}.
Les fages mefures que prenoit Ovando
pour accroître la profpérité de la colonie
furent puifîamment fécondées par Ferdi-
nand. Les fommes confidérables que ^cé
prince recevoit du nouveau^ monde lui ou-
vrirent enfin les yeux fur l'importance d^
ces découvertes , qu'il avoit jufqu'alors af-
fedé de regarder avec dédain. Il étoit par*
*— ■ — - ■■ ■ ' ■ ■ n ■«■■ I I * ■- . >■— -A
D E L'A M E R I Q U Ë. I3
venu par fon habileté & par des eirconftan- g"°qg
ces heureufes à furmonter les embarras oii ^^^-^h
Tavoient jette la niort d'Ifabelle & fes dif-
putes avec fon gendre pour le gouverne-
ment des états de cette princeiTe (i}. Il
employa le loidr dont il JouilToit à s'occu-
per des affaires de l'Amérique i c'eilà fa
prévoyance & à fa fagacité que l'Efpagne
doit pkiOeurs des réglemens qui ont formé
par -degrés ce fyftême de politique profon-
de & jaloufe3 par lequel elle gouverne ^es
domaines dans le nouveau monde. Il établir
un tribunal a connu fous le titre de Cafa de
contratation ou bureau de commerce , com-
ppfé d'hommes diftingués par leur rang &
par leurs talens , à qui il confia Tadminiflra»
.tipn des affaires Américaines. Ce bureau
s'afTembloit régulièrement à Seviile & exer-
çoit une jurifdidion particulière 6c très éten-
due. Ferdinand donna une forme régulière
au gouvernement eccléiîaftique d'Amérique 3
en nommant des archevêques , des évê-
ques, des doyens, & des eccléfiaitiques in-
férieurs , pour veiller fur les Efpagnoîs qui
y étoient établis , ainfi que fur ceux de%
(O Il'Jioirg ^. règne â& Charles V^
Aï
14 Histoire
fc— 1 naturels qui embrafleroient la foi chrétiea-'
Liv.m. jjg^ Mais, malgré la déférence & lerefpedl
de la cour d'Efpagne pour le (iege de Ro-
me, Ferdinand fencit l'importance d'empê-
cher toute puillance étrangère d'étendre fa
jurifdidtion ou fon influence fur fes nou-
veaux domaines ; en conféquence il réfer-
va à la couronne d'Efpagne le droit exclu-
lif de patronage pour les bénéfices de l'A-
mérique, & Itipula qu'aucune bulle ou or-
donnance du pape n'y feroit promulguée
qu'après avoir été préalablement examinée
& approuvée par fon confeil. Ce fut par le
tnéme efprit de jaloufîe qu'il défendit à qui
que ce fut de s'établir en Amérique, ou
d'en exporter aucune efpece de marchand!^
fe , fans une permilîlon Ipéciale de ce mê^
me confeil (i}.
Bhmnu- Malgré l'attention que ce prince donnolt
pidVdû ^ ^^ police ëi k h profpérité de la colonie,
membre ^\\q fe trouva menacée par un accident
iiieBs. imprévu d'une deflru6lion prochaine. Les
naturels de Tifle, fur le travail defquels les
Efpagnols avoient compté pour leur fuccès
& même pour leur exiflence ^ fe détrui-
_ I - ■ I I I III ri
0) Herrera, Oxad, i, Hb, FI, e, 19, 20,
D E L*A M E R I q U E» I J
foient avec tant de rapidité que Textinc i— »
tion de la race entière paroiiïbit inévitable. ^^' ^^^^
Lorfque Colomb découvrit Hifpaniola, on
y comptoit au moins un million d'habi*
tans (i); dans Tefpace de quinze ans, ils
fe trouvèrent réduits à foixante mille. Cet-
te diminution auffi rapide que prodigieufe
de Pefpcce humaine réfultoit du concours i
de différentes caufes. Les naturels des ifles
de l'Amérique étant d'une confiitution plus
foible que les habitans de Tautre hémifphè-
re, ne pou voient ni exécuter les mêmes tra-
vaux 5 ni fupporter les mêmes fatigues que
des hommes doués d'une organifation plus
vigoureufe. L'indolence & Pinaâion dans la-
quelle ils fe plaifoient à palfer leur vie ,
étant Teffet de leur foibleife & contribuant
en même tems à l'augmenter , les rendoic
par habitude autant que par nature incapa-
bles de tout effort pénible. Les alimens
dont ils fublifloient étoient peu nourrilfans ;
ils n'en prenoient qu'en petite quantité &
cette nourriture n'étoit pas fufîifante pour
fortifier des corps débiles ôt pour les met»
(i) Herrerft , decar!. i , llb, X , c iz.
16 Histoire
^5Ëi tre en état de foutenir les travaux d*ur?e
^Ko-f* aflive induftrie. Les Efpagnols faifant peu
d'attention à cette eonflitution particulière
des Américains, leur iraporoient des tâches
Il difproportionnées à leur force , qu'on en
voyoit un grand nombre fuceomber à la
peine & périr d'épuifement. D'autres s'a-
bandonnant au défefpoir terminoient eux-
mêmes leurs miférables jours. Une partie
de ces peuples ayant été obligés d'abandon^-
ner la culture des terres pour aller travail-
ler dans les mines, la difette des fubfiftan-
ces amena la^ famine qui en fit périr ua
grand nombre- Pour compléter la défola*
tion de l'ifîe , les habitans furent attaqués
de- différentes maladies , dont les unes
étoient occafîonnées par les fatigues aiix-
quelles on les condamnoit , & les autres
étoient l'ciFet de leur commerce avec les
Européens. Les Efpagnols fe. voyant ainfi
privés par degrés des bras dont ils étoienS
accoutumés à fe fervir, il leur fut impof-
fible d'étendre plus loin le progrès de leur
établiffement , & même de continuer les ou-
vrages qu'ils avoient commencés. Pour ap«»
porter un prompt remède à un état fi alar^
D E l'A m e r I q u e. 17
înant , Ovando propofa de tranfporter à 9ÊÊÊS
Hifpaniola les habitans des ifles Lucayes , ^j^'i"'
fous prétexte qu'il feroic plus aifé de les
civilifer & de les inftruire dans la religioa
chrétienne lorfqu'ils feroient unis à la colo^
nie Efpagnoîe 5 fous Pipfpedlion immédiate
des millionnaires qui y étoient établis. Fer-
dinand , trompé par cet artifice , ou difpo-
fé peut - être à fe prêter à un adte de vio-
lence que la politique lui repréfentoit com-
me néceflaire , cpnfentit à la propofîtion.
On équipa pluûeurs vaifleaux pour les Lu-
cayes; les comraandans, qui favoient lalan»
gue du pays 5 dirent aux habitans qu'ils ve-
Doient d'une contrée délicieufe oii réfi-
doient leurs aacêtres défunts , & que ceux-
ci les invitoient à s'y rendre, afin de parta-
ger le bonheur dont jouiflbient ces âmes
fortunées. Ces hommes (impies & crédules
écoutoient avec admiration ces récits mer*
veilleux: empreffés d'aller voir leurs pa-
rens & leurs amis dans l'heureufe région
dont on leur parloit , ils fuîvirenc avec plai-
fir les Efpagnols. Cet artifice en fit paf-
fer quarante mille à Hifpaniola, oîi ils al-
lèrent partager les fouffrances qui étoienÊ
le partage des habitans de l'iUe, & mêler
18 Histoire
■SSB leurs pleurs & leurs gémiflemens avec ceux
^^^' o^* de cette race infortunée (i)-
1508. ^ -^
d:cou« Les Efpagnoîs avoient pendant quelque
nouveaux te m s poufl'é Icurs travaux dans les mines
raensf^' d'Hifpariola avec tant d'ardeur & de fuc-
cès que cet objet paroilToit avoir abforbé
toute leur attention. Uefprit de découver-
te languiflToît, & depuis le dernier voyage
de Colomb aucune entreprife de quelqu*im-
portance n'avoic été formée. Mais la dimi-
nution des Indiens faifant fentir rimpoflibi-
lité de s'enrichir dans cette ille avec autanc
de rapidité qu'auparavant , cette conQdéra*»
tion détermina les Efpagnols à chercher des
contrées nouvelles 011 leur avidité pût trou^
ver à fe fatisfaire avec plus de facilité.
Juan Ponce de Léon, qui commandoic fous
Ovando dans la partie orientale d'Hifpanio-
la 5 pafla dans l'ifle de Saint -Jean -de*
Pùrto-ricoy que Colomb avoit découverte à
fon fécond voyage , & pénétra dans Tinté-
rieur du pays. Comme il trouva un fol
fertile & que d'après quelques indications.
& le témoignage des habitans, il eut lieu
(i) Herrera, dâcad. i , libt Fil» c, 3. 'Oviedo, Ho, II/.,
a. 6. Gomcra , Hiji. Ct 41.
B E L'A M E R I Q U E. Ip
il'erpérer qu'on pourroit découvrir des mi- ^sêêB
nés d'or dans les montagnes , Ovando lui ^^^'i^^'
permit d*eflayer un écablilTement dans Tifle ;
ce qui fut exécuté fans peine par Ponce ..
de Léon , dont la prudence égaloit le cou-
rage. En peu d'années Porto • rico fut fou-
rnis au gouvernement Efpagnol ; les natu-
rels réduits en fervitude furent traités avec
la même rigueur imprudente que ceux d'Hif-
paniola , & la race des premiers habitans ,
épuifée par les fatigues & les fouffrances ,
fût entièrement exterminée (i).
Vers le même tems , Juan Diaz de So-
îis, de concert avec Vincent Janez Pinfon,
un des premiers compagnons de Colomb ^
fit un voyage au continent. Ils fuivirenc
jufqu'à rifle de Giianaios la même route que
Colomb avoit tenue; mais tournant de- là à
l'oueft , ils découvrirent une nouvelle &
vafle province connue depuis fous le nom
de Jucatan , & longèrent une grande partie
de la côte de ce pays (2^. Quoique cette
expédition n'ait été marquée par aucun évé-
O) Herrcra, âecad, i, lîb. VII, c, i, 4. Goiaera 9 fiîi?.
*. 44. Relacion de B. de Las Cafas ,^.10.
C?) Herrera , decaà, i , lUf, VI ^ c, 17.
20 Histoire
nement mémorable , elle mérite qu'on ea
tiv. m. £^^g mention i parce qu'elle conduifit à des
découvertes de plus grande importance.
C'cfl pour la même raifon qu'on doit rap-
peller le voyage de Sébaflien de Ocampo.
Il fut chargé par Ovando de tourner Cuba^
& il reconnut le premier avec certitude que
ce pays , regardé autrefois par Colomb com-
me une partie du continent, n'étoit qu'une
grande ifle (i}.
ï>!ego Cette expédition autour de Cuba fut ua
eft nom- dcs derniers incidens du gouvernement d'O-
TeriS" vando. Depuis la more de Colomb , Don
8ioîa?^" ^^^go 9 ^'^^ fi^s , ne ce^bit de folliciter
Ferdinand de lui accorder les charges de vu
ce -roi & d'amiral dans le nouveau mon-
de, avec tous les privilèges & les bénéfices
dont il devoit hériter en conféquence de la
capitulation primitive faite avec fon père.
-Mais fi ces dignités & les revenus qui y
étoient joints avoient paru fi confidérables
à Ferdinand , qu'il n*avoit pas craint de
pafier pour injulle <& ingrat en les ôtant à
Colomb , il n'efi: pas furprenant qu'il fût
alors peu difpofé à les accorder à fon fils.
CO Ileifer^ s ^cad. i , lîb. Vil, c, r.
D E l'A m E R I q u s. 21
Aufli Don Diego perdic deux années en-
tières en follicitations. Fatigué de rinutilité ^l^'
de fes démarches, il tenta enSn de fe pro-
curer par une fentence légale ce qu'il ne
pouvoic obtenir de la faveur d'un prince
intéreiTé. Il intenta une adion contre Fer-
dinand devant le confeil chargé d'adminillrer
les affaires de l'Inde ; & ce tribunal avec
une intégrité bien honorable pour ceux: qui
le compofoient , rendit un jugement con.
tre le roi , & confirma les droits de Don
Diego à la vice - royauté <k aux autres pri-
vilèges flipulés dans la capitulation. Mal-
gré ce décret , la répugnance que dévoie
avoir Ferdinand à mettre un fujet en pof-
fefilon d'une autorité fi confîdérable , auroit
pu faire naître de nouveaux obitacles , fi
Don Diego n'avoit pas trouve un moyen
d'inté relier des perfonnes très - puilTantes
au fuccès de fes prétentions. La fentence
du confeihdes Indes lui donnoit droit à un
rang fi élevé & à une fi haute fortune,
qu'il lui fut aifé de conclure un mariage
avec Dona Maria, fille de Don Ferdinand
de Tolède, grand commandeur de Léon <Sc
frère du duc d'Albe, grand du royaume de
la première clalTe & allié de près au roi. "
22 Histoire
5^55 Le duc & fa famille épouferenc avec tant
I508.' ^^ chaleur la caufe de leur nouvel allié que
Ferdinand ne put pas réûfter à leurs folli-
cications. Il rappella CK'ando & nomma
1509. pour lui fuccéder Don Diego: mais même
en lui accordant cette faveur il ne put pas
cacher fa jaloufie ; car il lui permit feule-
ment de prendre le titre de gouverneur ,
non celui de vice - roi , quoique le confeil
~" eût décidé que ce dernier titre appartenoit:
à Don Diego (i).
Il Te rend II partit bientôt pour Hifpaniola , accom-
nioia!'^" pagné de fon frère, de fes oncles , de fa
femme, qui par la courtoifie des Efpagnols
fut honorée du titre de vice- reine, & d'un
cortège nombreux de perfonnes de l'un &
l'autre fexe , nées de familles dillinguées. ,,
Don Diego vécut avec une magnificence & un :
fade inconnu jufqu'alors dans le nouveau
monde, & la famille de Colomb parut en-
fin jouir des honneurs & des récompenfes !
que fon génie créateur avoit fi bien méri-
tés & dont il avoit été û cruellement pri-
vé. La colonie elle-même acquit un nou-
vel éclat par l'arrivée de ces nouveaux ha-
Ci) Herrera , decatf, 1. B, VII ^ c. 4.
BE l'A M ÉR I Q U E. 23
bitans , d*un caractère & d'un rang fupérieurs ^— ^
à celui de prefque tous ceux qui avoien. ^^""509?'
paffé jufqu'alors en Amérique ; plulieurs
des familles les plus illuilres établies dans
les colonies Efpagnoîes font defcenJues des
perfonnes qui avoient accompagné Don
Diego Colomb à cette époque (i).
" Ce changement de gouverneur ne fut
d'aucune utilité pour les malheureux habi-
tans. Don Diego fut non ■ feulemeot auto*
rifé par un édit royal à continuer les repar-
îimientos ou diftributions d'Indiens ; mais
on fpécifia même le nombre précis qu'il
pouvoit en accorder à chaque perfonne fe»
losi le rang qu'elle avoit dans la colonie.
Il fe prévalut de cette permilîion , & bien-
tôt après fon débarquement à Saint- Do-
mingue, il partagea entre fes parens & ceux
qui l'avoient fuivi ceux des Indiens qui n'a-^
voient encore été deflinés à perfonne (2).
Le nouveau gouverneur s'occupa enfuite Pc^chene
à Cuivre Pinflrudion qu'il avoit reçue du les à Cu-
roi pour. l'établiiTement d'une colonie à^^^"^'
(i) Oviedo, lih, III, ci, Herrera, decad, i^ lib. PU,
cù 10, ////?. c. 78.
CO Recopilacîon de Leyes , lih, /7, tit, 8 , liK i , 2.
14 Histoire
a«— a» Cubagua, petite ifle que Colomb avoit dé-
Liv.ïii. couverte à fon troifîeine voyage. Quoique
ce fût un terrain flérile qui pouvoit à pei-
ne fournir la fubfîftance de fes miférables
habitaos , on trouvoit fur fes côtes une û
grande quantité de ces huîtres qui produi-
fent les perles , que cette iHe ne put é-
chapper aux recherches des avides Efpa-
gnols qui s'y portèrent bientôt en foule.
Il fe fit des fortunes confîdérables par la
pêche des perles , qui fut fuivie avec une
ardeur extraordinaire. Les Indiens , fur-
tout ceux des iiles Lucayes , furent obli-
gés de plonger au fond de la mer pour y
prendre ces huîtres , & cette occupation
aulïï dangereufe que mal - faine , fut une
nouvelle calamité qui ne contribua pas peu
à la dellrudtion de cette race proscris
te CO-
NÇU- Vers cette même époque, Juan Diaz de
voyages. ^^^^^ ^ Piofon s'cmbarqucrcnt enfemble.
pour un fécond voyage. Ils cinglèrent di-
redlement au fud, vers la ligne équinoxiaîe
que Pinfon avoit précédemment traverfée ,
&
CO HeiTera, tiecaii* i, Jih VII ^ c* 9. Soraera, hljf.
© E L'A M E R I Q U E. 25
^ ils s^avancerent jufqu'au quarantième de-
gré de latitude méridionale. Ils furent éton- ^l^^!^'
nés de trouver que le continent de l'Amé-
rique s'étendoit à leur droite à travers tou-
te cette étendue de l'océan. Ils débarquè-
rent en dîfférens endroits , pour en prendre
poffeflion au nom de leur fouverain ; mais
quoique le pays leur parût très -fertile &
les invitât à s'y arrêter , comme leur arme-
ment avoit été delliné à faire des décou-
vertes 5 plutôt que des établifTemens , ils
n'avoient pas allez de monde pour laifler
des colonies après eux. Leur voyage fer-
vit cependant à donner aux Efpagnoîs des
idées plus julles & plus grandes fur l'éten-
due de cette nouvelle portion du globe ("i}.
Quoiqu'il fe fût écoulé plus de dix ans ^ .
^. ^ Premicre
depuis que Colomb avoit découvert le con- teinative
tinent de l'Amérique, les Efpagnoîs n'y a- biiil>-'^'
voient encore fait aucun établilTement. Ce leTotS-
fut alors qu'on tenta férieufement & avec "^^"•
vigueur ce qui avoit été fî longtems négli-
gé ; mais le plan de cette entreprife ne fut
ni formé par la couronne ni exécuté aux
dépens de la nation ; ce fut l'ouvrage de
(O Henera, decad, i, B, Fil, c. 9.,
Tome IL B
Liv.III.
a(f Histoire
l'audace & des fpéculations de quelques a-
venturiers. La première idée de ce projet
vint d'Alonzo d'Ojeda, qui avoit déjà fait
deux voyages pour tenter des découvertes
& qui s'y étoit acquis une grande réputa-
tion, mais fans fortune. L'opinion qu'il avoit
donnée de fon courage & de fa prudence
lui procura aifément des aîTociés qui firent
les fonds nécefîaires pour les dépenfes de
l'expédition. Vers le même tems , Diego
•de NicueiTa, qui avoit fait une grande for-
tune à Hifpaniola , forma un femblablc
deflein, Ferdinand encouragea l'un & l'au-
tre ; il ne voulut pas , il efl vrai, leur avan-
cer la plus légère fomme; mais il leur pro-
digua les titres & les patentes. Il érigea
deux gouvernemens fur le continent, dont
l'un s'étendoic depuis le cap de Vela juf-
qu'au golfe de Darien , & l'autre depuis ce
golfe jufqu'au cap Gracias à Dios. Le
premier fut donné à Ojeda , le fécond
à NicueiTa, Ojeda équipa un vaifîeau &
deux brigantins , montés de trois cents
hommes , & NicuefTa fix vaifîeaux avec
fept cents quatre - vingts hommes. Ils mi-
rent h la voile de Saint-Domingue vers le
même tems pour fe rendre à leurs gouver-
I
o E l'A m e k I q u e. ^7
nemens rerpeâifs. Afin de donner quel- —
qu'apparence de validité à leurs titres de^^^'^J^*
propriété fur ces contrées , plufieurs des
plus célèbres théologiens & jurisconfultes
d'Efpagne furent employés à prefcrire la
manière dont on devoit en prendre pofîes-
fion (0- L'hiftoire du genre humain n'of-
fre rien de plus fîngulier ni de plus extra-
vagant que la forme qu'ils imaginèrent
pour remplir cet objet. Les chefs des deux
expéditions dévoient , en débarquant fur le
continent , annoncer aux naturels les prin-
cipaux articles de la foi chrétienne; les in-
former en particulier de la jurifdidtion fu-
préme du pape fur tous les royaumes de
la terre; les inflruire de la concefiîon que
le faint pontife avoit faite de leur pays au
roi d'Efpagne; les fommer d'embrafifer les
dogmes de cette religion qu'on leur faifoit
connoître , & de fe foumettre au fouverain
dont on leur annonçoit l'autorité. S'ils re-
fufoient d'obéir à cette fommation, dont
il étoit impoflible à un Indien de compren-
dre feulement les termes , alors Ojeda & Ni*
cuefla étoient autorifés aies attaquer avec le
(0 Herrera , decad. 1 , lib. FIf, e» 15.
B 2
as Histoire
H!^î fer & le feu ; à les réduire en fervitude , eux",
jg* ' -^^"^^ femmes & leurs enfans ; à les obliger par
la force à reconnoîtrela jarifdidlionderégli-
fe & l'autorité du roi d'Efpagne, puifqu'ils
ne vouloient pas le faire volontairement Ci),
fDéfaftres ^^ ^^^^'^ difficile aux habitans du continent
fent "de^" ^'^ï^brafler fans autre examen une dodtrine
cette en- tiop fubtile pour des efprits fans culture
OC qui leur etoit expliquée par des interprè-
tes peu inflruits de leur langue; il ne leur
étoit pas plus aifé de concevoir comment
un prêtre étranger, de qui ils n'avoient ja-
mais entendu parler , pouvoit avoir quelque
droit de difpofer de leur pays , ni comment
un prince inconnu pouvoit s'arroger une
jurifdidion fur eux comme fur Tes fujets;
auflî s'oppoferent' ils vigoureufement à Tin-
vaGon de leurs territoires, Ojeda & Ni-
cuefla tâchèrent d'exécuter par la force ce
qu'ils ne pouvoient obtenir par la perfualîon.
Les écrivains contemporains ont rapporté
leurs opérations avec le plus grand détail;
mais comme ils n'ont fait aucune découver-
te importante ni fondé aucun établiflem.ent
permanent, ces événemens ne méritent pas
CO Voyw la NoT^ XXIil.
D E L'A M E R I Q U E, 29
de tenir une place confidérable dans l'hiftoi*
le générale d'une époque , oli une valeur
romaDefque luttant fans ceiTe contre des
difficultés incroyables , diftingue toutes les
entrcprifes des armes efpagnoles. Les ha-
bitans des pays dont Ojeda & NicuefTa al-
loient prendre le gouvernement , fe trou-
vèrent être d*un caractère fort différent de
celui des habitans des ifles. Ils étoient guer-
riers (jC féroces. Leurs flèches étoient trem-
pées dans un poifon lî violent que chaque
bîefTure étoit fuivie d'une mort certaine;
dans un feul combat ils taillèrent en pièces
plus de foixante-dix des compagnons d'O-
jeda , & pour la première fois les Efpagnols
apprirent à redouter les habitans du nou-
veau monde. NicuefTa trouva de Ton côté
un peuple également déterminé à défendre
fes poffeffions & dont rien ne put adoucir
la férocité. Quoique les Efpagnols eulTent
recours à toute forte de moyens pour les
flatter ô: pour gagner leur confiance, ils
lefuferent de former aucune liaifon (Se d'en-
trer en aucun commerce d'amitié avec des
étrangers donc ils regardoient la réfidence
parmi eux comme funede à leur liberté àc
à leur indépendance. Quoique cette haine
^3
Liv. m.
5di Histoire
ÈÊÊÊÊÊ implacable des naturels rendîc auïïî difficile
^ifiioP que dangereufe la formation d*un étabiilTe-
meot dans leur pays 5 la perfévérance des
EfpagnolSj la fupériorité de leurs armes &
leur habileté dans Tart de la guerre jauroienc
pu avec le tems furmonter cet obftacle ;
mais tous les défaflres qu'on peut imagi-
ner s'accumulèrent fur eux & parurent fe
Combiner pour combler leur ruine. La per-
te de leurs vaifieaux que divers accîdens fi*
rent périr fur une côte inconnue ; les ma»
jadies particulières à un climat ^ le plus mal-
fain de toute l'Amérique ,* le défaut de fub-
liflance inévitable dans un pays mal cultivé ;
les divifions qui s'élevèrent entr'euîc , & les
holliîités continuelles des habîtans les plon-
gèrent dans un abîme de calamités dont le
iimple récit fait frémir d'horreur. Quoi-
qu'ils euflent reçu d'Hifpaniola deux ren-
forts confidérables , la plus grande partie
de ceux qui s'étoient engagés dans cette
malheureufe expédition, périrent en moins
d'un an dans la plus affreufe mifere. Le
petit nombre de ceux qui furvécurent for-
mèrent une foible colonie à Santa • Maria el
Antigua fur le golfe de Darien , fous le
commandement de Vafco Nigaès de Bal-
B E l'A M E R I q U E. 31
boa , qui dans les occafîons les plus criti-
ques déploya un caradere de valeur & de
prudence , qui lui mérita d'abord la confîan.
ce de fes compatriotes & le défigna pour
être leur chef dans des entreprifes plus
brillantes & plus heureufes. Ce n'étoit pas
le feul Efpagnol de cette expédition qui
fût deftiné à fe montrer enfuite avec éclat
dans des fcenes plus importantes. Fran-
çois Pizarre étoit un des compagnons
d'Ojeda ; ce fut à cette école d'adverlité
qu'il acquit ou perfedlionna les talens aux-
quels on doit les adions extraordinaires
qu'il exécuta lians la fuite. Ferdinand Cer-
tes, dont le nom efl devenu encore plus
fameux, s'étoit engagé de bonne heure
dans cette entreprife qui avoit fait pren-
dre les armes à toute la jeunefTe bouillante
d'Hifpaniola ; mais le bonheur confiant, qui
l'accompagna dans fes aventures poftérieit'.
Tes y le déroba dans celle- ci aux défailles
auxquels fes compagnons furent expofés.
Il tomba malade à Saint-Domingue avant
le départ de la flotte & cette indifpafitioni
l'empêcha de s'embarquer (î).
CO BcYKvîi , decad. 1 , m. Flf , c. 2 , &£. Gomefa, h/Jf. ci
57 >5'^> 59. iienzon. hiji, Ub, /, c. 19-23. P. Martyr, du, 12a.
B 4
3& Histoire
^555 L'ifîue malheureufe de cette expédition
J^jQ^ • ne découragea point les Efpagnols & ne
Conquête les cmpêcha point de former de nouvelles
entreprîtes du même genre» Lorfque les ri-
chefles s'acquièrent graduellement à force
de perfévérance & d'induflrie , ou s'accu-
mulent par les opérations lentes d'un com-
merce régulier, les moyens qu'on emploie
font tellement proportionnés à leur effet
qu'il n'en réfulte rien qui puifle frapper
l'imagination ôc exciter les facultés avives
de Tame à des efforts extraordinaires. Mais
lorfqu'on voyoit de grandes fortunes s'é-
, lever prefque dans un inffânt ; lorfqu'on
voyoit l'or & les perles s'échanger pour
des bagatelles ; lorfque les pays ch fe
trouvoient ces précieufes productions, dé-
fendus feulement par des fauvages nuds,
devenoient la proie du premier aventurier
qui avoit de l'audace ; des circonflances li
extraordinaires & li féduifantes ne pou-
voient manquer d'enflammer l'efprit entre-
prenant des Efpagnols & de les précipiter
en foule dans cette nouvelle route ouvert*
aux richeffes & aux: honneurs. Tant que
cet efprit conferva fa force & fon ardeur,
toutes les tentatives de découverte ou de
coa-
D s t'A M E R I Q U E. 33
conquête furent accueillies avec ardeur & ■■^
de nouveaux aventuriers s'y engagèrent à ^iv.iii.
Fenvi les uns des autres. Les pallions des
- nouvelles entreprifes , qui cara6térifent cet-
te époque des découvertes à la fin du
quinzième & au commencement du feizie*
me fiecles , auroient fuffi pour empêcher
les Efpagnoîs de s'arrêter dans leur carriè-
re ; mais des événemens arrivés dans le
même tems à Hifpaniola, concoururent à
étendre leur navigation & leurs conquêtes* ,
La rigueur avec laquelle on avoit traité les
habitans de cette iHe en ayant prefqu'en-
tierement éteint la race, plulî^urs des co-
lons Efpagnols fe virent dans l'impoUiv
bilité, comme je l'ai déjà obfervé 5 de con*
tinuer leurs travaux avec la même vigueur
& le même avantage , & furent obligés de
chercher des établifiemens dans quelques
pays ok les naturels n'eufîent pas été dé-
truits par l'oppreffion. D'autres entraînés
par cette légèreté inconfidérée, fi naturel-
le aux hommes qui font des fortunes rapî»
des, avoienc diffîpé par une folie prodiga>
lité ce qu'ils avoient acquis fans peine 5. &
la néceiïité les forçoit à s'embarquer dans^
&3> ^ereprife» ijes plus hafardeufes poi» lé^
/
34 Histoire
WêÊêê tablir leurs affaires. Lorfque Don Diego
Liv.iii. Colomb fe propofa de conquérir Tifle de
Cuba & d'y établir une colonie , les dif-
férentes caufes que je viens d'expofer dé-
terminèrent plufieurs des colons les plus
diftingués d^HifpanioIa à entrer dans ce
projet. Il confia le commandement des
troupes deflinées pour l'expédition à Die-
go Velafquès, qui avoit accompagné fon
père dans fon fécond voyage & qui étoit
depuis longtems établi à Hifpaniola , oit
il avoit fait une fortune confidérable , avec
une réputation fi diflinguée d'habileté &
de prudence, que perfonne ne paroiflbit
plus propre à conduire une expédition im-
portante. Trois cents hommes parurent fuf-
£fans pour faire la conquête d'une ifle très*
peuplée & qui avoit plus de fept cents^
milles de longueur; mais les naturels en
étoient auffi peu belliqueux que ceux d'Hif-
panioîa. Ils furent intimidés par la feule
vue de leurs nouveaux ennemis & ils n'é*
toient préparés à faire aucune réfiftancet
quoique depuis le tems oîi les Efpagnols
avoient pris poUeffion de Tille voifine, ils
éufîent s'attendre à une defcente fur leur
tteiiriioiire a, a.acuBe d€& pstjtes bourgade*.
D E L* A M E R I q U E. 3 j
entre lefqaelles Cuba étoic partagé , n'a-
voit fait des difpoûtions pour fe défen-
dre ; elles n'avoient pris aucune mefure
pour la sûreté commune. La feule oppo-
fition que les Efpagnols rencontrèrent ,
fut de la part de Hatuey , Cacique qui
s'étoic enfui d'Hifpaniola & avoic pris pof-
feffion de l'extrémité orientale de Cuba. Il
fe mit fur la défenfive à leur premier dé-
barquement & tâcha de les repouffer vers
leurs vaijGTeaux ; mais fa foible troupe fut
bientôt rompue à: difperfée , & le Caci-
que lui-même ayant été fait prifonnier j.
Velafquès, fuivant la barbare maxime des
Efpagnols ,. le regarda comme un efclave
qui avoit pris les armes contre fon maître;
& le condamna à périr dans les fiammes.
Lorfque Hatuey fut attaché au poteau ,,
un moine Francifcain s'eiforçoit de le con-
vertir, en lui promettant qu'il jouiroit fur
΀ champ de toutes les délices du ciel s'il
vouloit erabraffer la foi chrétienne. ,, Y a-
„ t-il quelques Efpagnols/' dit Hatuey
après un moment de fiience , ,> danS' ce
.5. féjour d^ délices dont vous me parlez;?
„ Oui 5 répondit le moine, maiS' ceux-là
^, feulement cpï ont été juftes- & bo^^
B 6>
Sfi H I s T O I R-E
—— )9 Le meilleur d'entre eux , répliqua 1©
^ir/^*»> Cacique indigné, ne peut avoir ni juf-
„ tice , ni bonté ; je ne veux pas aller
„ dans un lieu oh je rencontrerois un feul
5, homme de cette race maudite (i)." Cet
exemple effrayant de vengeance frappa les
habitans de Cuba d'une fi grande terreur ,
qu'ils tentèrent à peine de mettre quel-
qu'oppoûtion aux progrès de leurs enne-
mis , & Velafquès réunit , fans perdre un
feul homme , cette ifle vafle & fertile à
la monarchie efpagnole (2},
Dicou- La facilité avec laquelle s'exécuta une
k ïîoride.^^"^^^'^® fi importante fervit d'aiguillon
pour former d'autres entreprifes, Juan
Ponce de Léon 5 qui avoit acquis de la
gloire & de la fortune par la réduction de
Porto -Rico 3 é toit impatient de s'engager
dans quelqu'expédition nouvelle* Il équi^
pa trois vaifleaux à fes frais pour aller
tenter des découvertes , & fa: réputation
ïafl*embîa bientôt à fa fuite un corps nom?»
breux d'aventuriers. Il dirigea fa route vers
(;i) B, de las Cafàs, p, 40..
(2) HcH-era^ dfca^, i, lih IX ,.Ci 2-, 5,. ^fi, 0\'V6^o%
DE L'A M E R I Q U E. ^J
les ifles Lucayes , & après avoir touché à
quelques - UDes de ces ifles , ainlî qu'à cel-
le de Bahama , il cingla au fud • efl , &
découvrit un pays que les Efpagnols ne
connoiffoient pas encore y & auquel il don-
na le nom de Floride ; foie parce qu'il le
reconnut le jour du dimanche des rameaux^
foit à caufe de rafpeâ: agréable & gai
que lui offrit le pays même. Il eflaya de
débarquer en difFérens endroits ; mais l'op-
pofnion vigoureufe qu'il éprouva de la.
part des habitans , qui étoient féroces •&
guerriers , lui fit fentir la néceffîté d'avoir
des forces plus confidérables pour y for*
mer un établiiïement. Con-tent d'avoir ou»
vert une communication avec un pays noa*
veau , fur la richefîe & l'importance du-
quel il fondoit de grandes efpérances, il
retourna à Porto -Rico par le canal, con-
nu aujoui-d'hui fous le Eom de golfe de
la.Floride^
s Ce ne fut pas feulement le deSr de dé-
couvrir des centrées nouvelles qui cn.^a-
gea Ponce de Léon à entreprendre ce voya-
ge ; il y fut déterminé auffi par une ds
ces idées chimériques qui fe mêloient alors
à l'efpric de cosq^uiête & y donaoient plu»
^ H I s T O I R F,
^— ^ d'aûîvîté» II y a voit parmi les habîtans
Xiv.iii. ^e Porto -Rico une tradition établie que
dans rifîe de Bimini, Tune des Lucayes ,
on trouvoit une fontaine douée de la ver-
tu merveilleufe de reiKire la jeunefTe ^
la vigueur à tous ceux qui fe baignoienc
dans fes eaux falutaires» Animés par Tef-
pérance de trouver ce reflaurant miracu*
igi2. leux. Ponce de Léon & fes compagnons
parcoururent ces ifles, cherchant avec beau-
coup de peine & de folîicitude , mais fans
faccès 5 la fontaine qui étoit le principal
objet de leur expédition. 11 n'^efi: pas éton-
nant qu'un conte il abfurde ait pu trou»
ver quelque crédit parmi des peuples Am-
ples & igQorans, tels qu'étoient les natu-
rels i mais qu'il ait pu faire quelqu'im-
prefîion fur des hommes éclairés , c'eft"
ee qui paraît aujourd'hui prefqu'incrôya^.
ble; le fait n*en eft pas moins certain &
les biftorlens Efpagaols les plus accrédi-i
tés ont rapporté ce trait extravagant de-
là crédulité de leurs compatriotes. Les-
Efpagnols étoient à cette époque engagés^
dans une carrière d*a6feivité , qui en leur
pré fen tant chaque jour des- objets extraor*
diaaifes ^ merveiileuXi^ dévoie dosner- im
P E L*A M E R I Q U E» 39
tour romanefque à leur imaginatiOii. Un
nouveau monde s'offroit à leurs regards» Ils ^*^' "^'
vifitoient des ifîes & des continens donc les
Européens n'avoient jamais imaginé rexif*
tence. Dans ces contrées délicieufes la
nature fembloit fe montrer fous d'autres
formes ; chaque arbre, chaque plante , cha-
que animal étoit différent de ceux de l'an-
cien hémifphere. Les Efpagnols fe cru-
rent tranfportés en des pays enchantés ,
& après les merveilles dont ils avoient
été les témoins , dans la première chaleur
de leur admiration il n'y avoit rien d'af-
fez extraordinaire pour leur paroîcre in*
croyable. Si une fuccefllon rapide de Ccq^
nés nouvelles & frappantes put faire af-
fez d'imprelïïon fur refprit Aige de Co-
lomb pour qu'il fe vantât d'avoir découd-
vert le fiege du paradis 5 on ne doit paa
trouver étrange que Ponce de Léon ait
cru découvrir la fontaine de jouvence (1)*
Peu de teras après cette expédition à la.
Ci) Pi Martyr, dec. p, 102, Enfnyo clïrnnoî, para îah'fli-
it la Florïda, par D- Gab. Gardenas-, p, i*. Oviedo*-
lih, XVI, c, 2i Herrera, âec» 1,- Ub, l]L c. ^ Iliji. </«•
ÎA ionq-* d& la. Florïda:^ pat Gare. de. fe. Ve£â^,. lliti I^q, ^
40 Histoire
ÊÊÊSÊÊ Floride, il fe fit une découverte beaucoup
Liv. m. pjj^g importante dans une autre partie de
Progrès l'^'^niérique. Balboa ayant été nommé au
t^ 1^^^- gouvernement de la petite colonie de San-
boa Clans °
rifthme ta -Maria dans le Darien , par le fufFrage
"* volontaire de fes afîbciés , fut fi empreffé
d'obtenir de la couronne une confirmation
de leur choix , qu'il dépécha un officier eo
Efpagne pour folïiciter une commiflioa
royale qui le revêtît d'un titre légal au
fuprême commandement. Comme il fen-
toit cependant qu'il ne pouvoit fonder le
fuccès de fes efpérances ni fur la protec»
tion des minières àc Ferdinand avec lef-
quels il n'avoit aucune liaifon, ni fur des;
négociations dans une cour dont il ne con-
noiffoit pas les intrigues, il tâcha de fe
rendre digne de la faveur qu'il follicitoit^
par quelque fervice fignalé qui lui méritât
la préférence fur fes compétiteurs* Frap-
pé de cette idée , il fit de fréquentes in-
eurfions dans les pays adjacens , fournit
plufieurs Caciques & recueillit une gran»
de quantité d'or, qui étoit plus abondant
dans cette partie du continent que dans
les ifies. Dans une de ces incursions les^
Efpag^nols fe difputerent avec une teHe
D E l'A m e r I q u r, 41
chaleur pour le partage d'un peu d'or ,
L
qu'ils furent près de fe porter à des ades ^^^- "^'
de violence les uns contre les autres. Un
jeune Cacique , témoi» de cette querelle
& étonné de voir mettre un fi haut prix
à une chofe donc il ne devinoic pas l'uti-
lité , renverfa avec indignation l'or qui
écoic dans une balance , & fe tournant
vers les Efpagnols leur dit ; ,, Pourquoi
3, vous quereller pour fi peu de chofe ?
55 fi c'eft l'amour de l'or qui vous fait
35 abandonner votre propre pays pour ve-
55 nir troubler la tranquillité des peuples
5, qui font fi loin de vous , je vous con-
„ duirai dans un pays oli le métal qui pa-
,5 roît être le grand objet de votre admi-
5, ration & de vos defirs , efl fi commun
„ que les plus vils uftenfiles en font faits."
Ravis de ce qu'ils cntendoient , Balboa &
fes compagnons demandèrent avec empref-
fement oti étoic cette heureufe contrée
& comment ils pourroient y arriver? Le
Cacique leur apprit qu*à la diflance de ûx
foleils 5 c'efi: - à - dire ^ de fîx jours de mar-
che vers le fud, ils découvriroient un au-
tre océan près duquel cette riche contrée
étoit fîtuée; mais que s'ils fe propcfoieni
42 Histoire
Bill iiiiiiiw d'attaquer ce royaume puiffant , ce ne pou^
Liv. iir. yQj(. ^(.j-e qu'avec des forces très-fupé-
ricures à celles qu'ils a voient alors (i}.
Piojet de Ce fut la première information que re-
»alboa,
curent les Efpagnols fur le grand océan
méridional & fur le riche & vafte pays
connu enfuite fous le nom de Pérou. Bal-
boa eut alors devant lui des objets dignes
de fon ambition fans bornes & de Tauda-
fcieufe adivité de fon génie. ^ Il conclue
fur le champ que Tocéan dont parloit le
Gacique étoit celui que Colomb avoit cher-
ché dans cette même partie de l'Améri-
que , dans Tefpérance de s'ouvrir par ► là
une communication plus diredle avec les
' Indes orientales ; & il conjeQura que la
riche contrée dont on lui faifoit la def-
cription devoit être une partie de cette
grande & opulente région de la terre.
Flatté de l'idée d'exécuter ce qu'un û
grand homme avoit en vain entrepris, &
empreffé d'effedluer une découverte qui ne
devoit pas être moins agréable au roi qu'u-
tile à fon pays, il attendit avec impatient
Çi^ Herrera , decad, i, Ub. JK-, c» 2. Gomerii, c.6o.
D E l'A m ë r I q u k. 43
ce le moment de partir pour cette expé- — ^
dition 5 auprès de laquelle tous Tes pre- ^j^J^^.
miers exploîts paroiflbient de peu d'impor-
tance. Mais il falloit faire des arrange-
mens & des préparatifs indifpenfables pour
s'afTurer du fuccès* Il commença par fol-
liciter & gagner l'amitié des Caciques voi-
fins. Il envoya quelques-uns de fes offi-
ciers à Hifpaniola avec une grande quanti-
té d'or , qui étoit tout à la fois la preuve
du fuccès qu'il avoit déjà eu & l'annonce
de ceux qu'il fe promettoit encore. Les
préfens qu'il en fit , diftribués à propos ,
lui méritèrent la protedlion du gouverneur
& attirèrent beaucoup de volontaires à fori
I fervice. Dès qu'il eut reçu de cette ifle le
I renfort conudérable qu'il en efpéroic , il fe
crut en état de tenter fon expédition.
' L'ifihme de Darien n'a pas plus de foi* Dîmcuî*
îante milles de largeur; mais cette langue f'exéa»i*
de terre qui unit enfemble le continent ^^°"*
méridional de l'Amérique avec le fepten*
trional , efl fortifiée par une chaîne de hau-
tes montagnes qui s'étendent dans toute fa
longueur & en font une barrière aJTez fo-
îide pour réfifter à l'impulfion des deux
mers oppofées. Les montagnes font couver-
4+ Histoire
g— tes de forêts prefqu'inacGenîbles. Dans ce
Liv. III. climat humide oîi il pleut pendant les deux
tiers de Tannée , les vallées font marécageu-
fes & fi fréquemment inondées que les ha-
bitans fe trouvent en plulîeurs endroits
dans la néceflîté de bâtir leurs maifons fur
les arbres , afin de s'élever à quelque dif-
tance au-delTus d'un fol humide & des
odieux reptiles qui s'engendrent dans les
eaux corrompues (i}. De grandes rivières
fe précipitent avec impétuofité des mon-
tagnes. Cette région n'étoit peuplée que
de fauvages errans & en petit nombre, &
' la main de l'indultrie n'y avoit rien fait
pour corriger ou adoucir ces inconvéniens
naturels. Dans cet état des chofes, ten-
ter de traverfer un pays inconnu , fans
avoir d'autres guides que des Indiens fur
la fidélité defquels on ne pouvoit guère
compter , étoit donc l'entreprife la plusi
hardie que les Efpagnols euffent encore:
formée dans le nouveau monde. Mais l'in-:
trépidité de Balboa étoit iî extraordinai-'
re, qu'elle le diflinguoit de tous fes com^
patriotes dans un tems oii le dernier deii
iO P* IVîartyr , eec* p, 158.
D E l'A m e r I q u e. 45
aventuriers fe faifoic remarquer par fon
audace &. par fon courage. Il joignoit à ^'^J' ^^^'
la bravoure , la prudence, la généroflcé ,
l'afFabilité & ces talens populaires qui dans
les entreprifes les plus téméraires infpirent
la confiance & fortifient l'attachement. Ce-
'; pendant, nprès la jonction des volontaires i-îj.
*j d*Hifpaniola il ne put rafiembler que cent
ij quatre- vingt- dix hommes pour fon expé-^
i diiion ; mais c*étoient des vétérans robuf-
tes, accoutumés au climat de TAraérique
& prêts à le fuivre au milieu des plus
! grands dangers. Ils fe firent accompagner
I de mille Indiens qui portoient leurs pro-
I vifîons, &, pour completter leur armement
I de guerre , ils emmenèrent avec eux plu-
fieurs de ces chiens féroces , qui ne cau-
foient pas moins de mal que de frayeur
à des ennemis entièrement nuds,
Balboa fe mit en marche pour cette gran- iî tiécoo-
de expea]tion au premier septembre, versduiud.
le tems oh les pluies périodiques commen-
çoient à diminuer. Il fe rendit par mer
fans aucune difficulté fur le territoire d*un
Cacique dont il avoit gagné l'amitié ; mais
il n'eut pas plutôt commencé à pénétrer
dans la partie intérieure du pays , qu'il fe
4-6 Histoire
W^Ê^ trouva retardé dans fa marche par tous les
Liv.iii. obdacîes qu'il avok eu lieu de craindre ,
tant de la nature du terrain que de la
dirpofîtion des habitans. A fon approche
quelques Caciques s'enfuirent avec tous
leurs fujets vers les montagnes , empor-
tant avec eux ou détruifant tout ce qui
pouvoit fervir à la fubfiftance des trou-
pes efpagnoîes. D'autres raffemblerent leurs
fujets pour s'oppofer à Balboa, qui ne tar-
da pas à fentir combien il lui feroit diffi-
cile de conduire un corps de troupes au
milieu des nations ennemies, à travers des
marais , des rivières & des bois qui nV
voient jamais été franchis que par des fau-
vages errans. Mais en partageant toutes
les fatigues d'une pareille marche avec le
dernier de fes foldats ; en fe montrant
toujours le premier au danger, & en leui
promettant avec confiance plus de gloirei
& de richefîes que n'en avoit jamais méri'
té le plus heureux de leurs compatriotes .
il favoit fi bien échauffer leur courage qu'ils
le fuivoient fans murmure. Ils avoient pé-
nétré aflez avant dans les montaenes.lorf
qu'un Cacique puilTant fe préfenta avec ut
corps nombreux de fes fujets pour défen-
D T. VA M E R I Q U E. 47
dre le pafiage d'un défilé ; mais des hom-
mes accoutumés à vaincre de û grands obf-
tacles ne pouvoient être arrêtés par de fi
foibles ennemis. Ils attaquèrent les Indiens
avec impétuofité & continuèrent leur mar-
che après les avoir difperfés fans beaucoup
de peine & en avoir fait un grand car-
nage. Quoique leurs guides leur euffent die
qu'il ne falloit que fix jours pour traverfer
riilhme dans fa largeur , ils en avoient dé-
jà pafTé vingt • cinq à fe frayer un chemin
à travers les bois & les montagnes. Plu-
fieurs d'entr'eux étoienc prêts à fuccom-
ber fous les fatigues continuelles de cette
marche dans un climat brûlant ; piulieurs
furent attaqués des maladies particulières
au pays 5 & tous étoient impatiens d'arri-
ver au terme de leurs travaux & de leurs
foufFrances. Enfin les Indiens les afTure-
rent que du foramet de la montagne la plus
. voifine ils découvriroient l'océan qui étoit
^ Tobjet de leur defir. Lorfqu'après des pei-
; nés infinies ils eurent gravi la plus grande
, partie de cette montagne efcarpée , Balboa
: fit faire halte à fa troupe & s'avança feul
; au fommet , afin de jouir le premier d'un
. fpetlacle qu'il defiroit depuis fi longtems.
4S Histoire
'mÊLmuM Dès qu'il apperçut la mer du fud s'éten-
Liv. m. jjant devant lui dans un horifon fans bor-
nes , il tomba à genoux , & levant les
mains vers le ciel, il rendit grâces à Dieu
de l'avoir conduit à une découverte fi avan»
tageufe pour fon pays & fi glorieufe pour
lui • même. Ses compagnons , obfervant fes
tranfports , s'avancèrent vers lui pour par-
tager fon admiration , fa reconnoiflance &
fa joie. Ils fe hâtèrent de gagner le riva*
ge , & Balboa s'avançant jufqu*au milieu
des eaux de la mer avec fon bouclier &
fon épée , prit pcflefijon de cet océan au
nom du roi d'Efpagne , & fit vœu de le
défendre avec les armes qu'il tenoit contre
tous les ennemis de fon fouverain (i).
Cette partie de la grande mer pacifique [i
ou mer du fud que Balboa découvrit d'a-
bord , & qui efl: fituée à Tefl: de Panama ,
conferve encore le nom de golfe de Saint-
Michel qu'il lui donna. Il força h maini
armée plufieurs des petits princes qui gou--
vernoient les diftridls voifins de ce golfe,,!'
à lui donner des vivres & de Tor. D'au-
tres
(O Herrera, dec, I^ /. X, c. i. Goniera» c, 62, &c«
P. Martyr, àec, p. 205, &c.
D E L*A M E R I Q U E. 4$>
très lui en envoyèrent volontairement. !!?^5
Quelques caciques ajoutèrent à ces dons l^-^^^*
précieux une quantité confidérabîe de per-
les, & il apprit d'eux avec une grande fa-
tisfaétion que les huîtres où fe trouvent
les perles abondoient dans la mer qu'il ve-
noit de découvrir^
La découverte de cette fource de ri- . On luî
^ m ., \ n indique un
chelies contribua a encourager les corn- paysptus
pagnons , & il reçut en même tems des ^p"'^"^'
avis qui le confirmoient dans refpérance
de retirer des avantages encore plus confii-
dérables que fon expédition. Tous les In-
diens des côtes de la mer du fud raflure-^
rent de concert qu'il y avoit à une diftan-
ce affez confidérabîe vers Teft, un riche
& puilTant royaume dont les habitans a»
voient des animaux apprivoifés pour por-
ter des fardeaux ; & pour lui en donner
une idée ils traçoient fur le fable la figure
des Hamas ou moutons , qu'on trouva en-
fuite au Pérou & que les Péruviens avoient
en effet accoutumés à porter des fardeaux.
Co me le llama relTemble à peu près
pour la forme au chameau , bête de char,
ge qui étoit regardée comm.e particulière
à l'Afie, cette circonflance jointe à la dé-
Tome II, C
50 /Histoire
?'""'^ couverte des perles, autre produdlion T^fia-
^%ill' tique , tendit à confirmer les Efpagnols
dans Ja fauiïe idée oh ils étoient que le
nouveau monde étoit voifîn des Indes orien-
tales Ci).
Mais, quoique les avis que Balboa re«
cevoit des habitans de la côte, ne contri*
biiaffent pas moins que Tes conjeftures &
fes "efpérances , à lui donner une extrême
impatience de voir ce pays inconnu , il
étoit trop prudent pour tenter d*y entrer
avec une poignée d'hommes épuifés de fa-
tigue & aiîoiblis par le^ maladies (2). Il
fe détermina à ramener fur le champ fes
compagnons à Tétabliflement de Santa-Ma*
ria dans le Darien, pour revenir la faifoa
fuivante avec des forces proportionnées à
l'entreprife hafardeufe qu'il méditoit. Pour
acquérir une connoifiance plus étendue de
1-Iithme 5 il prit à fon retour une route
différente de celle qu'il avoit fuivie en al-
lant & oli il n'éprouva pas moins de diffi-
cultés & de dangers que dans la premiè-
re; mais il n'y a rien d'infurmontable à des
'(0 Herrera, àecaii. i , !jb, X. c» 2.
(û} Voyeî ia Note XXIV.
Liv. 111.
DE L*A M r. R I q u £• 51
hommes animés par refpérance & par le
fuccès. Balboa revint à Santa - Maria ,
après une abfence de quatre mois ; rappor-
tant plus de gloire & de richelTe que les
Efpagnols n'en a voient encore acquis dans
aucune de leurs expéditions au nouveau
monde. Parmi les officiers qui Tavoient
accompagné , il n'y en avoit point qui fe
fût plus diftingué que François Pizarre ,
& il n'y en eut aucun qui déployât plus
de courage & d'ardeur pour aider Balboa
à s'ouvrir une communication avec ces
pays, oh il joua enfuite lui-même un rô-
le û glorieux (ï).
Le premier foin de Balboa fut d'envoyer Pedraris*
en Efpagne les détails de l'importante dé- ^é gou-
couverte qu'il venoit de faire & de de-^^^^^^J^JJ^'^'*
mander un renfort de mille hommes pour
tenter la conquête de cette riche contrée
fur laquelle il avoit reçu des inftrudions
û encourageantes. Le premier avis de la
découverte du nouveau monde ne caufa
peut-être pas une plus grande joie que
Cette nouvelle inattendue qu'on avoit en»
Ci) Hcrrera, ^ecad, i, !ib, X, c. 3-(î. Gomera t* (S4?.
P. Martyr , deç, p, 229.
Câ
52 Histoire
5555 fin trouvé un pafTage au grand océan mé-
Liv.ui. jj^jional. On ne douta plus qu'il n'y eût
une communication avec les Indes orien-
tales par une route qui étoit à Touefl: de
la ligne de démarcation tracée par le pape.
Les tréfors que le Portugal tiroit chaque
jour de Tes établilTemens & de fes conque*
tes en Afie , étoient un fujet d'envie 6c
un objet d'émulation pour les autres puif-
fances. Ferdinand fe flatta dès -lors de l'ef-
pérance de partager ce commerce lucratif;
«Se dans l'empreflemenc qu'il avoit d'arriver
à ce but , il étoit difpofé à faire un ef-
fort fupérieur à ce' que Balboa deraandoit.
Mais dans cette difpofîtion même on re-
connut les effets de la politique jaloufe
qui le guidoit , ainfi que de la funefte an-
tipathie de Fonfeca, alors évéque de Bur-
gos , pour tout homme de mérite qui fe
diflinguoit dans le nouveau monde. Mal-
gré les fervices récens de Balboa, qui le
défignoient comme l'homme le plus pro.
pre à achever la grande entreprife qu'il
avoit commencée, Ferdinand fut afiez peu
généreux pour n'en tenir aucun compte &
pour nommer Pedrarias d'Avilla gouver-
neur du Darien. Il lui donna le commaa-
D E L*A M E R I Q U E. 53
demenc de quinze gros vaifleaux avec dou- "' "^
ze cens foldats. Ces bâtimens furent équi- "^^sh!^*
pés aux frais du public avec une magnifi-
cence que Ferdinand n*avoit encore mon-
trée dans aucun des armemens deftinés
pour le nouveau monde; & telle fut l'ar-
deur des gentilshommes Efpagnols pour
fuivre un chef qui dévoie les conduire
dans un pays oh , fuivant le bruit de la
renommée, ils n'auroient qu'à Jetter leurs
£lets dans la mer pour en tirer de l'or(i},
que quinze cens d'entr'eux s'embarquèrent
à bord de la flotte , & qu'un beaucoup
plus grand nombre fe feroient engagés
pour cette expédition fi Ton avoit voulu
les recevoir (2),
Pedrarias étant arrivé au golfe de Da-
rien fans aucun accident remarquable, en»
voya fur le champ h terre quelques - uns
de fes principaux officiers pour informer
Balboa de fon arrivée, avec la commiflTioa
dR roi qui le nommoit gouverneur de la
colonie. Ces députés , qui avoient entea*
du parler des exploîcs de Balboa & qui
(O Herrera , deca-.I, i , lik. X , c. 14.
Cs) Ibid. , decad. 1 , //^. X,c, 6, 7. P. Martyr^ ^.
p. 177-256.
C3
ij4 Histoire
"— s'étoîent formé les plus hautes idées de
^V^'xî"' fes richefîes , furent bien étonnés de le
trouver vêtu d'un mauvais habit de toile,
avec des fouliers de ficelle, occupé avec
quelques Indiens à couvrir de rofeaux fa
cabane. Sous ce vêtement fimpk qui ré-
pondoit û peu à l'attente & aux deiïrs de
fes nouveaux hôtes, Balboa les reçut avec
dignité. La renommée de fes découver-
tes avoit attiré près de lui un fi grand
nombre d'aventuriers des .différentes illes^
qu'il pouvoit raffembler quatre cens cin*
quante hommes en armes. A la tête de
ces hardis vétérans il auroit été en état de
réfifter à Pedrarias & à fa troupe; mais,
quoique fes compagnons murmurafient hau-
tement de l'injullice du roi «Se fe plaignif-
fent que des étrangers vouluflent recueillir
le fruit de leurs travaux & de leurs fuc-
cès , Balboa fe foumît aveuglément à là
volonté de fon fouverain & reçut Pedra-
rias avec tous les égards dûs à fon carac-
tère (i).
Quoique Pedrarias dût à cette modéra-
tion la pofîeffion paifible de fon gouver-
(O Herrera , dsc, i , Ub. X, c. 13 ^ 14.
D E l'A m e r I q u e. ss
Bernent , il nomma un comité pour faire ■be—
des informations judiciaires fur la condui- ljv. m.
1514.
te de Balboa pendant qu*il étoit aux or- Divinon
dres de NicuefTa & d'Encifo, & lui impo- ""J^HH^
fa une amende conlidérable pour répara- Baiboai
tion de3 fautes donc il fut trouvé coupa-
ble par fes juges. Balboa fentit vivement
l'humiliation de fe voir foumis à une pro-
cédure & condamné à un châtiment dans
]e lieu même où il venoit d'occuper le
premier rang. D'un autre côté, Pedrarias
ne pouvoit cacher la jaloufie qu'excitoit
en lui le mérite fupérieur de Balboa ; de
forte que le reflentiment de Tun & la ja-
loufie de Tautre furent une fource de di'
vifion très - pernîcieufe à la colonie ; mais
elle étoit menacée d'une calamité plus fa.-
nèfle encore. Pedrarias avoit débarqué au
Darien dans le tems le plus défavorable J^i'-let»
de l'année , vers le milieu de la faifoa
pluvieufe , dans cette partie de la zoiye
torride oîi les nuées verfent des torrens
d'eau inconnus dans les climats plus tem-
pérés (i). Le village de Santa- Maria étoit
fitué dans une plaine fertile , environnée
Ci} Richard , kljî, nat, àe rair , tom, i , p, 20|.
C 4
S6 Histoire
— »■ de bois & de marais. La conftitution des
^ll'ill^' ^^^'oP^^^s ne put pas réfiller à Tinfluence
peflilentielîe d'une femblable ficuation ,
dans un cîimac natureUemenc mal-fain «Se,
dans une faifon fi fâcheufe. Une maladie
violente & meurtrière fie périr plufieurs
des foldats qui accompagnoient Pedrarias.
L'extrime rareté des provifions augmenta
encore par ?impofîibilité de fe procurer
les rafraîchiflemens néceflaires aux mala-
des & une fubfiftance fufiifante pour ceux
qui fe portoient bien (i). En un mois de
téms plus de fix cents Efpagnols périrent
dans la dernière mifere. L'abattement &
le dérefpoir fe répandirent dans la colo-
nie. Plufieurs des perfonnages principaux
demandèrent leur démifllon & renoncèrent
avec plaifîr à toutes leurs efpérances de
fortune pour fe dérober aux dangers de
cette région meurtrière. Pedrarias s'efFor»
ça d'arracher ceux qui refloient au fenti-
ment douloureux de leurs malheurs , en
leur cherchant de l'occupation. Dans cet-
te vue il envoya plufieurs détachemens
dans
(0 Hen-era, deç,i^lW, X,c. u. P. Martyr, àec,p^22%>.
DE L'A M E R I <J tJ K. jT/
dans rintérieur du pays pour impofer aux "ma
habitans des contributions d*or & pour^^^**^'*
chercher les mines qui le produifoient. Ces
aventuriers avides , plus occupés du gaia
préfenc que des moyens de faciliter leurs
progrès pour la fuite , pilloienc fans dif-
tindlion par • tout oli ils alloîent. Sans
égard pour les alliances qu'ils avoient fai-
tes avec plufîeurs caciques, ils les dépouil-
k>ient de tout ce qu'ils avoient de pré-
cieux , & les traicoient , ainfî que leurs fu*
jets, avec le dernier degré de rinfolence
& de la cruauté. Cette tyrannie & ces
exactions, que Pedrarias n'avoit peut-être
ni le pouvoir ni la volonté de réprimer,
ne firent plus qu'un défert de tout le pays
qui s'étend du golfe du Darien jurqu'aii
tec de Nicaragua , & les Efpagnols fe vi-
rent par leur imprudence privés des avan-
tages qu'ils auroient pu trouver dans l'a*
niitié des habitans , pour pouffer leurs
conquêtes vers la mer du fud. Balboa qui
Toyoit avec douleur combien une condai*
te fi mal concertée retardoit l'exécutioit
de fon plan favori, fit paffer en Efpagne
des remontrances très «fortes contre l'ad*
miniftiatioa de Pedrarias qui avoit ruiné
lâiboa.
58 Histoire
#— ^ une colonie heureufe & florifTante. Pedrâ-
^xrri^^' rias , de fon côté, accufa Balboa d'avoir
trompé le roi par des récits exagérés de
fes exploits & par un faux expofé de la
richefîe du pays (i).
Mefures Ferdinand fentit à la fin la faute qu'il
violentes - n > wi i,/>-. ,,
contre avoit faite en déplaçant l'ofBcier le plus
a6tif & le plus expérimenté qu'il eût dans
le nouveau monde; & voulant dédomma-
ger Balboa , il le nomma Ad lentade ou
gouverneur - lieutenant des pays fitués.fur
la mer du fud , avec une autorité & des
droits très -étendus. Il ordonna en même
tems à Pedrarias de féconder Balboa dans
toutes fes entreprifes , & de fe concerter
avec lui fur toutes les opérations que Pe*
drarias voudroit faire lui - même. Mais il
îi^étoit pas au pouvoir de Ferdinand de
faire paiïer li fubitement ces deux hom-
mes d'une haine déclarée à une entière
confiance. Pedrarias continua de traiter fon
rival avec dédain , & la fortune de Balboa
fe trouvant épuifëe par le payement de
fon amende ^ par d'autres exaQions de
(O Herrera, dec, i , lib. X, c. 15 , d£C, 2, tf-. i, &"c,
Cornera, c. 66. Pi Martyr, y«. 3,(r. 10. Relac. de B.
^& \àS CâfâS > ^«. 12».
D E L*A M E R I Q' Il E. ^0
Pedrarias , il fut hors d*état de faire les HÉSI
dirpofitions de fon nouveau gouvernement. ^'Yi6^*
Cependant , par la médiation & les exhor-
tations de révêque du Darien on vint à
bout de les réconcilier , & pour cimenter
plus folidement cette union, Pedrarias con-
fentit à donner fa fille en marisge à Bal-
boa. Le premier effet de leur réunion fut
de permettre à Balboa de faire quelques
petites incurfions dans le pays y & il les
exécuta avec une fageiïe qui ajouta encore
à la réputation qu*il s'étoit déjà acquife.
Plufieurs aventuriers fe joignirent à lui , & ^
moyennant les feeours & la proteflion de
Pedrarias , il commença à tout prépara^
pour (on expédition dans la mer du fud«-
Pour exécuter ce projet il étoit nécelTai-
re de conftruire des vaifleaux capables d*e
tranfporter des troupes dans les provinces'
oh il fe propofoit de defeendre. Apr^
avoir vaincir un grand nombre d'obftaclcs
& fupporté plufieurs de ces contrariétés'
qui femblcnt avoir été réfervées aux con:*
quérans de TAmérique , il vint à bout de
epnftruire quatre petits brigantins.. Il étoie
prêt à mettre à la voile pour le Pérou-,
av©c tr^ cents hommes d^éiite,, (fer©^
(Jb Histoire
HHH fupérîeure à celle avec laquelle Pizarre en*
ïgi^/ treprit depuis la même expédition) lorf-
qu'il reçut un mefîager inattendu de Pe*
drarias (ij. Comme leur réconciliation n*a-
voit jamais été fincere, Tentreprife que
Balboa étoit fur le point d'exécuter rani-
ma ranciemie inimitié de Pedrarias & la
rendit plus active encore. Il redoutoit
l'élévation & la profpérité d*un homme
qu'il avoit fi cruellement offenfé* Il crai*
gnit que le fuceès n'encourageât Balboa à
fe rendre indépendant de fa jurifdidion ;
& ces mouvemens de haine , de crainte
& de jaloufie âgiflbient fur fon ame avec
tant de force, que pour fatisfaire fa ven«-
geance il ne craignit pas de faire échouer
une entreprife d'une (i grande importance
pouF fon pays. Sur des prétextes faux,
mais plaufibles, il engagea Balboa à diffé-
ler fon voyage de quelque tems & à fe
rendre à Acia ob il vouloit avoir une en-
trevue avec lui. Balboa , avec la confian-
ce tranquille d'un homme qui n'a rien à
fe reprocher, fe rendit au lieu qui lui
étoit indiqué ; mais il ne fut pas plutôt
D B l'A m e r I q u e. <5i
entré dans Acla , qu'il fut arrêté par l*or-
de de Pedrarias , qui impatient d'aflouvir
fa vengeance ne le laifla pas languir îongtems
dans la captivité. On nomma fur le champ
des juges pour inftruire fon procès. Il y
eut une accufation intentée contre lui d'a-
voir manqué de fidélité au roi & d*avoir
voulu fe révolter contre le gouverneur.
La fentence de mort fut bientôt pronon*
cée, & quoique les juges eux-mêmes, fé-
condés par toute la colonie , follicitaffeD^
vivement la grâce de Balboa, le gouver-
neur fut inexorable , & les Efpagnols vi-
rent avec auîant de douleur que d'éton-
nement périr fur un échafaud un homme,
qui de tous ceux qui avoient commandé
en Amérique étoic généralement regardé
comme le plus propre à concevoir & à
exécuter de grands projets (i); Sa mort
fit renoncer à l'expédition qu'il a voit pro-
jettée. Pedrarias , puiffamment protégé
par l'évéque de Burgos & de quelques autres
courtifans , échappa non - feulement à la
punition que mériioient la violence & Ti-
fliquité de fa conduit e>m.ai s il conferva mê-
•- ; ■ I j I »■■
il) îlerrera, àscad», a., B. /, c, 21-, 2%»-
Liv.ni.
1517.
d Histoire
WÊÊSB me fa place & Ton autorké. Bientôt après
^1l51'!' ^^ obtint ]a permifîion de faire pafler la
colonie dupofle mal-fain de Santa- Maria
à Panama , qui étoit fur le côté oppofé de
rifthme ; quoique ce changement ne fût
pas fort avantageux pour la falubrité du
lieu 3 la fituatîon commode du nouvel éta«
bîifTement ne contribua pas peu à facili-
ter les conquêtes poflérieures des Efpa-
gnols dans les vaftes provinces qui bor-
dent la mer du fud (2).
Houveï- Pendant que ces événemens^ dont on a
les décou- j . . ^ ^ JL '^ r
certes, cru ne devoir pas interrompre le récit, fe
^^^5* paflbient dans le Darien , il fe faifoit ail-
leurs d'autres opérations importantes , re-
lativement à la découverte^ à la conquête
& au gouvernement des autres provinces
du nouveau monde» Ferdinand étoit û
occupé du projet d'ouvrir une comraunf-
cation par Touefl avec les Moluques oa
ïiles des Epiceries , que dans Psnnée 1515 "
il éq.uipa à fes frais deux vaifTeaux deflinés
à cette expédition & dont il donna le
commandement à Juan Diaz deSoîis, qui
pafîbit pour le plus habile navigateur de
D Ê L'A M E R I Q tr E. ^3
rEfpagne. Il prit fa route le long de la 'êêêêê
côte de rAmérique méridionale , & h ^^Y*i'^'
premier de Janvier 151^ , il entra dans une
rivière à laquelle ri donna le nom de Ja-
neiro & oh il fe fait aujourd'hui un com-
merce confidérable. De- là il s'avança dans
une baie fpacieufe, qu'il imagina être ren-
trée d'un détroit qui communiquoit avec
la mer des Indes ; mais en pénétrant plus
avant , il découvrit que c^étoit Tembou-
ehure de Rio de la Plata, l'une des gran»
des rivières qui arrofent le continent mé-
ridional de' l'Amérique. Les Efpagnols
ayant voulu faire une defcente dans ce-
pays y Soîis & plufîeurs hommes de fori
équipage furent tués par les naturels, quit
à la vue des vaifTeaux coupèrent par mor-
ceaux les corps des Efpagnols & les man-
gèrent après les avoir fait rôtir. Epouvan-
tés de cet horrible fpectacîe & découra-
gés par la perte de leur commandant y
ceux des Efpagnols qui refloient fur les
ifaiffeaux retournèrent en Europe fans iQt>
ter aucune auti-e découverte (i}., Quoiqur
Liv. 111.
04, H I S T o r R S
cette tentative eût échoué , cUt ne fut ;
pourtant pas inutile : elle attira l'attentioa
des hommes mllrvgts vers- cette naviga-
tion & prépara la route à un voyage plus
heureux, qui peu d'années après cette épo-
que remplit enfin les vues de Ferdinand.
Etat de Quoique les Efpagnols s'occupalTent avec
nied'i-iif- tant d'aclivité a étendre leurs découvertes
pamoia. ^ ^^^^^ établilTemens en AiTiécique , ils
confidéroient toujours Hirpaniola comme
leur principale colonie & le fiege du gou-
vernement. Don Diego Colomb ne man-
quoit ni du zele ni des talens nécelîaires
pour procurer Je bonheur & la profpérité
des membres de cette colonie qui étoienc
plus immédiatement fous fa jurifdi^ion f
mais il étoit gêné dans toutes fes opéra-
tior^s par la politique foupçonneufe de Fer»
dinand , qui en toute occalîon & fur ks
prétextes les plus frivoles ,. lui ôta une
partie de fes privilèges, & encouragea le
trélbrier , les juges & les autres officiers»
inférieurs à contrarier fes mefures & ai
contefter foi> autorité. La prérogative lai
plus importante du gouverneur étoit celîffl
de diflribuer le& Indisns parmi les Efpa4
gnols établis daas Ti^e» La fervitude li^
DE l'A M E R I Q U E. 65
goureufe de ces malheureux n'ayant reçu ^êêêêêêê
que de très-foibles adouciffemens par les ^^517}^
divers réglemens qu'on avoic faits en leur
faveur ; le pouvoir de difpofer à fon gré
de ces initrumens du travail , alluroit au
gouverneur une grande influence dans la
colonie. Pour l'en dépouiller , Ferdinand
créa un nouvel emploi , auquel il attacha
le droit de faire le partage des Indiens, &
qu'il donna à Rodrigue Albuquerque, pa-
rent de Zapaca , fon miniftre de confian-
ce. Don Diego fentit vivement l'injullice
& l'affront qu'on lui faifoit en le privant
de fes droits fur un objet fi eilentiel, &_
ne voulant pas relier plus longtems dans ^
un lieu oîi fon pouvoir & fon crédit étoient
prefqu'anéantis , il pafla en Efpagne dans
la vaine efpérance d'obtenir juftice ("i}.
Albuquerque entra dans fes nouvelles fonc-
tions avec toute la rapacité d'un indigent
aventurier , impatient de faire fortune. .11
commença par fe faire donner le nombre
exadl des Indiens qui étoient dans l'ifle &
trouva que de foixante mille qui en 1508.
avoient furvécu à toutes leurs fouffran-
0^ Heasraj decad. 1, //&. IX, c, 5, lié. X, e* la.
C6 Histoire
■p— ces , il n'en refloit plus que quatorze mil-
Liv.ni. jç^ ,jj gj^ £j. plufieurs lots qu'il mit à Ten*
chère & qu'il diftribua à ceux qui lui en
ofFroient le plus haut prix. Par cette dif-
tribution arbitraire, un grand nombre d'In-
diens furent éloignés de leurs anciennes
habitations; plufieurs autres furent enlevés
il leurs premiers maîtres , & tous furent
fournis à des travaux plus pénibles par
leurs nouveaux propriétaires , preffés de fe
dédommager de leurs avances. Ce furcroît
de calamité combla la mifere & hâta la
deftrudlion de cette race innocente <Sc mal-
heureufe C^)»
DiTpute La violence de cette conduite , jointe
Sere'de^"^^^ funeftes conféquences qui en furent
traiter les la fuite , excita non - feulement les plaintes
des colons qui fe croy oient léfés , mais
encore toucha les cœurs de tous ceux en
qui il refloit quelque fentiment d'humam»
té. Du moment qu'on envoya en Améri-
que des eccléfiaftiques pour inftruire &
convertir les naturels, ils fuppoferent que
la rigueur avec laquelle on traitoit ce peu-
ple , rendoit leur minidere prefqu'inutile.
Ci) lierrera , éâs, i , ilî>» X, c* 12.
D E L'A M E R î Q U E. €7
Les piifîionnaires fe conformant à l'efprit "551^
de douceur, de la religion qu'ils venoient ^^j^''^'
annoncer , s'élevèrent auffitôt contre les
maximes de leurs compatriotes à l'égard des
Indiens , à. condamnèrent les repartimien»
Us ou ces diflribu tiens, par lefquelles on
les livroit en efclaves à leurs conquérans,
comme des a£les auffî contraires à l'équi-
té naturelle & aux préceptes du chriftia-
nirme qu'à la, faine politique. Les Domi»
nicains, à qui rinflruQion des Américains
fut d'abord confiée, furent les plus ardens
à attaquer ces dillributiôns. En ijii,
Montegno, un de leurs plus célèbres pré-
dicateurs 3 déclama contre cet ufage dans
la grande églife de Saint - Doniingue avec
toute rimpétuoûté d'une éloquence popu-
laire. Don Diego Colomb , les principaux
officiers de la colonie, éc tous les laïques
qui avoient entendu ce fermon , fe plai-
gnireat du moine à fes fupérieurs ; mais
ceux-ci, loin de le condamner, approu»
verent fa dodlrine comme également pieu»
fe &: convenable aux circonftances. Les
Francifcains , guidés par l'efprit d'oppofi-
tion & de ri\^lité qui fubfifloit entre les
deux ordres , parurent difpofes à fe joia-
<5S H I s T 0 I a E
-"""""'^ dre aux laïques & à prendre la défenfe de»
,^J' ^^^ " repartimientos. Mais , comme ils ne pou-
voient pas avec décence approuver ouver*
tement un fyflême d'oppreffion fi contraire
àrefprit du chriûianifme , ils s'efforcèrent de
pallier ce qu'ils ne pouvoient pas juflitier,
& alléguèrent, pour excufer la conduite
de leurs concitoyens, qu'il étoit impoffibîè:
de faire aucune amélioration dans la colo»
•Bî%^'^à moins que les Efpagnols n'eufTenc
afïez d'autorité fur les naturels pour les
forcer au travail (i).
Décifions Les Dominicains , fans égard pour ce«
?e?fur' confidérations de politique & d'intérêt per-
cée objet, fonnel , ne voulurent fe relâcher en rien
de la févérité de leur dodlrihe & refufe-
rent même d'abfoudre & d'admettre à la
communion ceux de leurs compatriotes qui
tenoient les Indiens en fervitude (2). Les
deux partis s'adrefFerent au roi pour avoir
fa déeifion fur un objet de û grande im-
portance. Ferdinand nomma une commis-
fîon de fon confeit privé , à laquelle il
Ci) Herrera, decaà, i, lUf, VIII, «. ii. Oviedo, Uè*
H, c, 6. p. 97.
(2} Oviedo, ihîd, '
D fi L'A M E R I Q U £• 69
joignit quelques - uns des plus habiî&s ju-
risconfulces 6c théologiens, pour entendre ^^^- '^^'
les députés d'Hifpaniola chargés de défen-
dre leurs opinions refpedtives. Après une
longue difcufîîon la partie fpéculative de
la controverfe fut décidée en faveur des
Dominicains , & les Indiens furent déclarés
un peuple libre , fait pour jouir de tous
les droits naturels de l'homme; mais
malgré cette décifion , les repartimienîos
continuèrent de fe faire dans la même for-
me qu'auparavant (^i). Comme le jugement
de la commilTion reconnoilToit le principe
fur lequel les Dominicains fondoient leur
opinion , il étoit peu propre à les convain-
cre & à les réduire au filence» Enfin ,
pour rétablir la tranquilité dans la colonie,
alarmée par les remontrances & les cenfu-
res de ces religieux , Ferdinand publia un
décret de fon confeil privé , duquel il ré-
fultoit qu'après un mûr examen de la bui-
le apoftolique & des autres titres qui alTu-
Toient \qs droits de la couronne de Caftille
fur fes poffeffîons dans le nouveau monde,
la fervitude des Indiens étoit autorifée par
Ci) Herrera, dicaâ, i, Uh, VIII, c, 12. UhlXt c. 5,
7Ô :M I s T o I R E
!5^??! les loix divines & humaines ; qu*à moins
Liv. m. qu'jjs ue fullent foumis à Taiitoricé des
Efpagnols & forcés de réfider fous leur
infpedion, il feroit impoflîbîe de les arra-
cher à l'idolâtrie & de les inftruire dans
I les principes de la foi chrétienne ; qu'on
ne dévoie plus avoir aucun fcrupule fur
la légitimité des repartimientos , attendu
que le roi & fon confeil en prenoient le
rifque fur leur confcience ; qu'en confé-
quence les Dominicains & les moines des
autres ordres dévoient s'interdire à l'ave--
nir les invedives que l'excès d'un zèle cha-
ritable , mais peu éclairé , leur avoit fait
proférer contre cet ufage (i^.
Ferdinand voulant faire connoître clai-
rement l'intention où il étoit de faire exé-
cuter ce décret, accorda de nouvelles con-
cefîîons d'Indiens à plufieurs de fes cour-
tifans Qi), Mais afin de ne pas paroître
oublier entièrement les droits de l'humani-
té , il publia un édit par lequel il tâcha
de pourvoir à ce que les Indiens fuflent
traités doucement fous le joug auquel 11
Ci) Herrera , decad, 1 , UK IX ] G* 14%
(2) Voyez la Note X V.
D E l'A m e ri que. 71
les afTujettiffoit ; il régla la nature du tra-
vail qu'ils feroient obligés de faire ; il
prefcrivic la manière donc ils dévoient être
vêtus & nourris , & fît des réglemens- re-
latifs à leur inftrudion dans les principes
du chriftianifme (i). Mais les Domini-
cains qui jugeoient de Tavenir par la eon-
noiflance qu'ils avoient du padé, fentirent
bientôt rinfuffifance de ces précautions, (5c
prétendirent que tant que les individus au-
roient intérêt de traiter les Indiens avec
rigueur , aucun règlement public ne pourroit
rendre leur fervitude douce ni même tolé-
rable. Ils jugèrent qu'il feroit inutile de
I con fumer leurs forces à eflayer de commu-
! niquer les vérités fublimes de l'évangile à
i.des hommes dont Tame étoit abattue &
I i'efprit affoibli par l'oppreffion. Quelques-
I uns de ces mifîîonnaires découragés deman-
1 derent à leurs fupérieurs la permiiTion de
pafler fur le continent , pour y remplir
l'objet de leur million parmi ceux des in-
diens qui n'étoient pas encore corrompus
par l'exemple des Efpagnols ni prévenus
par leurs cruautés contre les dogmes du
CO Herrera, decad, i^Jib» IX, c, 14,
Liv. Ilî,
72 HiSTOIRK
^- — chriflianifme. Ceux qui refterent à Flifpa-
Liv. III. j^IqI^ continuèrent de faire des remontran-
1517.
ces avec une fermeté décente contre la
fervitude des Indiens.
Barrbe- Lcs Opérations violentes d*Albuquerque,
W ca- <îui venoit d'être chargé du partage des In*
fas entre- (^jgfjg rallumèrent le zèle des Dominicains
prend la '
tiéfenie contrc \qs repartîmîentoî ^ & fufcicerent à
des în- , ^ . , j . ,
«tiens, ce peuple opprimé un avocat doue du cou-
rage, des talens & de i'adivité néceiTaires
pour défendre une caufe (i défefpérée.
" Cet homme zélé fut Barthélémy de Las Ca-
fas 5 natif de Séville , & Tun des eccléfiafti-
ques qui accompagnèrent Colomb au fé-
cond voyage des Efpagnols, lorfqu'on vou«
lut commencer un établifferaent dans Pille
d'Hifpaniola. Il avoit adopté de bonne
heure l'opinion dominante parmi fes con-
frères les Dominicains , qui regardoient
comme une injuftice de réduire les Indiens
en fervitude ; & pour montrer fa fincérité
& fa convidion il avoit renoncé à la por-
tion d'Indiens qui lui étoît échue lors du
partage qu'on en avoit fait entre les con-
quérans & avoit déclaré qu'il pleureroit
toujours la faute dont il s'étoin rendu cou-
pable en exerçant pendant un moment fur
fes
DE L*A M Tî R ï Q tJE. 73
fes frères cette dominatiou impie (^i).
Dès-lars il fut le patron déclaré des Iq-
diens, & par fon courage à les défendre,
aufli bien que par le refpedt qu'infpiroieat
fes talens & fon caractère , il eut fouvenc
le bonheur d'arrêter les excès de fes com-
patriotes. Il s'éleva vivement contre les
opérations d'Albuquerque & s*appercevant
bientôt que l'avide rapacité du gouverneur
lé rendoit fourd à toutes les follicitations^
H n'abandonna pas pour cela la malheureufc
nation dont il avoit époufé la caufe. Il
partit pour PEfpagne avec la ferme efpé»
rance qu'il ouvriroic les yeux & touchcroic
le cœur de Ferdinand j en lui faifant le ta-
bleau de l'oppreflion que fouÔVoienc fes
nouveaux fujets (2^.
Il obtint facilement une audience du roî ,
dont la fanté étoit fort afFoiblie. Il mie
fous fes yeux avec autant de liberté que
d'éloquence les effets funeftes des rep-artU
mientos dans le nouveau monde , lui repro»
CO Fr. Aug. Davila Padilla , kift, de la funâaàon de lu
proy'wca de Sant-Jago ne Mexico ^ p. 303, 304. Herre-
ra, (kc. J, lib. X, c. 12.
(i) lUxmfi ^ decad. I , Hb. X. €. 12 j êeco^, 2, îîh, /,
#k 2. Daviia Padilla, hift, p, 304.
Tome IL D
Liv. m.
Liv. m.
le 1517'
74 Histoire
chant avec courage d'avoir autorifé ces
mefures impies qui avoient porté la mife*
re & la deftrudlion fur une race nombreufe:
d'hommes innocens que la providence avoit;
confiés à fes foins. Ferdinand, dont i'ef-
prit étoic affoibli par la maladie, fut vive»
ment frappé de ce reproche d'impiété ,
qu'il auroit méprile dans d'autres circon»
fiances. Il écouta le difcours de Las Cafasj
avec les marques d'un grand repentir &:
promit de s'occuper férieufement des mo-
yens de réparer les maux dont on fe plai-
gnoit. Mais la mort l'empêcha d'exécuterr
cette réfolution. Charles d'Autriche , ai
qui la couronne d'Efpagne palToit, faifoitj
alors fa réûdence dans fes états des pays^'
ba\ Las Cafas , avec fon ardeur accoutu-^
mée, fe préparoit à partir pour la Flandre,,
dans la vue de prévenir le jeune monarque,,
lorfque le cardinal Ximenès devenu régenC
de Caflille lui ordonna de renoncer à cen
voyage & lui promit d'écouter lui - même
fes plaintes.
Régie- Le cardinal pefli la matière avec ratten«i
'"ardînai^ tion que méritoit fon importance, & comme
Xùiicnès. fon efprit impétueux aimoit les idées har
dies & peucoramuLes, le plan qu'il adopt;
© E l'A m e r I q u k. 7j
très -promptemenc étonna les miniflres Ef gajug
pagnols , accoucumés aux lenteurs .& aux Liv. iii,
formalicés de l'adminiflration de Ferdinand. ^^^^*
Sans égard ni aux droits que réclamoit
Don Diego Colomb , ni aux règles établies
par le feu roi , il fe détermina à envoyer
en Amérique trois furintendans de toutes
les colonies, avec Tautoricé Tuffifance pour
décider en dernier reflbrc la grande ques-
tion de la liberté des Indiens , après qu'ils
auroient examiné fur les lieux toutes les
circonftances. Le choix de ces furinten-
dans écoic délicat. Tous les laïques, tant
ceux qui étoienc établis en Amérique , que
ceux qui avoienc écéconfuîtés comme mem- _
bres de Tadminifcracion de ce département,
avoient déclaré leur opinion & penfoient
que les Efpagnols ne pouvoient confer-
ver leurs établilTemens au nouveau monde
à moins qu'on ne leur permît de retenir
les Indiens dans la fervicude. Ximenès
crut donc qu'il ne pouvoit compter fur
leur impartialité & fe détermina à donner
fa confiance à des eccléfiafliques. Mais,
comme d*un autre côté les Dominicains <Sc
les Francifcains avoient époufé le fentimenc
contraire , il exclut ces deux ordres reli-
D 2
'j6 Histoire
■»"— gieuîT. Il fit tomber fon choix fur les moî-
Liv.iii. j^eg appelles Hiéronimites 5 communauté peu
nombreufe en Efpagne, mais qui y jouif-
foit d'une grande confidération. D'après
le confeil de leur général & de concerc
avec Las Cafas , il choifit parmi eux trois
fujets qu*il jugea dignes de cet important
emploi* Il leur alTocia Zuazo, jurifconful-
te d'une probité diftinguée, auquel il don-
na tout pouvoir de régler Tadminiflration
de la juflice dans les colonies. Las Cafas
fut chargé de les accompagner avec le titre
de protefteur des Indiens (i).
Confier un pouvoir aflez étendu pour
changer en un moment tout le fyftême du
gouvernement du nouveau monde, à quatre
perfonnes que leur état & leur condition
n'appelloient pas à de fi hauts emplois, pa-
rut à Zapata & aux autres miniflres du der-
nier roi une démarche fi extraordinaire &
fi dangereufe qu'ils refuferent d'expédier
les ordres nécefiaires pour l'exécution.
Mais Ximenès n'étoit pas difpofé à fouffrir
patiemment qu'on mît aucun obilacle àfes
projets. Il envoya chercher les miniflres ,
Cl) Herrera , éfee^ui. 2 , M, II , f, 3.
D E l'A m e ri q u e. Ç7
leur parla d'un ton fi haut & les efFraya
tellemeot qu'ils obéirent fur le champ (l). Liv.im
Les furintendans , leur aflbcié Zuazo & Las
Cafas , mirent à la voile pour Saint - Domin»
gue. A leur arrivée , le premier ufage
qu'ils firent de leur autorité fut de mettre
en liberté tous les Indiens qui a voient été
donnés aux courtifans Efpagnols & à toute
perfonne non réfidante en Amérique. Cet,
adle de vigueur , joint à ce qu'on avoit ap.
pris d'Efpagne fur l'objet de leur commis*
fion , répandit une alarme générale. Les
colons conelurent qu'on alloit leur enlever
en un moment tous les bras avec lefquels
ils conduifoient leurs travaux & que leur
ruine étoit inévitable. Mais les PP. de
Saint -Jérôme fe conduifirent avec tant de
précaution & de prudence que les craintes
furent bientôt dij[ïïpées. Ils montrèrent
dans toute leur adminiftration une connoif-
fance du monde & des affaires qu'on n'ac--
quiert guère dans le cloître, & une modé-
ration & une douceur encore plus rares
parmi des hommes accoutumés à Tauflérité
de la vie monallique. Ils écoutèrent tout
(i) Herre», i*c» î> Uh, II, c, 5.
D3
?8 Histoire
*^== le monde ; ils comparèrent les informations
Ltv. m. qu'ils avoient recueillies, & après une mû-
i*e délibération ils demeurèrent perfuadés
que rétat de la colonie rendoit le plan de
Las Cafas, vers lequel penchoit le cardinal,
împoflîble dans l'exécution. Ils fe convain-
quirent que les Efpagnols établis en Amé-
rique étoient en trop petit nombre pour
pouvoir exploiter les mines déjà ouvertes
& cultiver le pays ; que pour ces deux gen-
res de travaux ils ne pouvoient fe pafler
des Indiens; que fi on leur ôtoit ce fecours
il faudroit abandonner les conquêtes , ou
au moins perdre tous les avantages qu'on
en retiroit ; qu'il n'y àvoit aucun motif
, affez pui (Tant pour faire furmonter aux In-
diens rendus libres leur averfîon naturelle
pour toute efpece de travail & qu'il faîloit
l'autorité d'un maître pour les y forcer ;
que fi on ne les tenoit pas fous une difci»
pline toujours vigilante , leur indolence &
leur indifférence naturelles ne leur permet-
troient jamais de recevoir rinftruûion chré-
tienne ni d'obferver les pratiques de la re-
ligion. D'après tous ces motifs ils trouvè-
rent nécelTaire de tolérer les repart imientos^
& l'efclavage des Américains. Ils s'efforce-
B E l'A m e r I q û e. 7^
rent en même tems de prévenir les funeftes "^
effets de cette tolérance & d'alTurer aux ^,^J;J^^*
Indiens le meilleur traitement qu*on pûc
concilier avec Tétat de fervitude. Pour
cela ils rcnouvellerent les premiers régle-
tnens , y en ajoutèrent de nouveaux , ne
négligèrent aucune des précautions qui pou-
voient diminuer la pefanteur du joug : en-
fin ils employèrent leur autorité , leur
exemple & leurs exhortations à infpirer à
leurs compatriotes des fentimens d'équité
& de douceur pour ce peuple malheureux,
dont rinduftrie leur étoit fi néceffaire. Zua-
zo dans Ton département féconda les efforts
des furinrendans. Il réforma les cours de
juftice 5 dans la vue de rendre leurs déci-
fions plus équitables & plus promptes , <3c
fit divers réglemens pour mettre fur un
meilleur pied la police intérieure de la co-
lonie. Tous les Efpagnols du nouveau mon»
de témoignèrent leur fatisfadtion de la con-
duite de Zuazo & de fes affociés , & ad-
mirèrent la hardieffe de Ximenès , qui s'é-
toit écarté fi fort des Toutes ordinaires
dans la formation de fon plan , & fa faga-
cité dans le choix des perfonnes à qui il
àvoit donné fa confiance & qui en étoient
D 4
8o Histoire
BHH dignes par leur fagefle, leur modéraiion &
Liv.iii. jg^j. défintéreflemenc (i).
Las Gafas feul étoit mécontent. Les
confidéracioQs qui avoient déterminé les fur-
intendans ne faifoient aucune impreiïion fur
lui. Le parti qu'ils prenoient de conformer
leurs réglemens à l'état de la colonie , lui
paroiflbit l'ouvrage d'une politique profane
& timide, qui confacroic une injuftice par-
ce qu'elle étoic avantageufe. Il prétendoit
que les Indiens étoient libres par le droit
de nature , 6c comme leur protedleur il
■ fommoit les furintendans de ne pas les dé-
pouiller du privilège commun de rhumani-
té. Les furintendans reçurent fes remon-
trances les plus âpres fans émotion & fans
s'écarter en rien de leur plan. Lés plan-
teurs Efpagnols ne furent pas fi modérés à
fon égard & il fut fouvent en danger d'être
mis en pièces pour la fermeté avec laquel-
le il infifloit fur une demande qui leur étoic
fi odieufe. Las Cafas , pour fe mettre à
l'abri de leur fureur , fut obligé de cher-
cher un afyle dans un couvent , & voyant
que
Ci) Herrera,tf'<?f^^.2, lih, 11^ c. 15. Remefal, hîfi, ^^«.
l!b, /y, e, 14, ig, iC,
DE l'A M E RI q U E. Bl
que tous fes efforts en Amérique étoient
fans effet, il partit pour l'Europe , avec la
ferme réfolation de ne point abandonner
la défenfe d'un peuple qu'il »regardoit com-
me viQime d'une cruelle oppreiîion (i}.
S'il eût trouvé dans Ximenès la même Ses »^-
Vigueur d elprit que ce mmiltre mettoit or- fvec les
dinairement aux affaires , il eût été vrai- ^^^ ebarî
femblablement fort mal reçu. Mais le car- les v.
dinal étoit atteint d'i^ne maladie mortelle
& fe préparoit à remettre i'aucorké dan5
les mains du jeune roi qu'on actendoit de
jour en jour des pays-bis. Charles arriva ,
prit pOiTeiîîon du gouvernement & par la
mort de Ximenès perdit un minidre qu-i
auroit mérité fa confiance par fa drokure
& fes talens. Beaucoup de Seigneurs Fla-
mands a voient accompagné leur Souverairs
CH Efpagne. L'attachement naturel de
Charles pour fes compatriotes rengagemc
h les confulter fur toutes les affaires de fou
nouveau royaume , & ces étrangers mon*
trerent un empreflement indifcret à fe mé>
ier de tout & à s'emparer de pvefque toa-
I>5
%i Histoire
^i— ■ tes les parties de Tadminiflration Çi'), La
Xiv.iii. jifeftion des affaires d'Amérique étoit un
objet trop féduifant pour leur échapper.
Las Cafas remarqua leur crédit naiflant.
Quoique les hommes à projet foient com-
rhunément trop ardebs pour fe conduire
: avec beaucoup d'adrefle , celui • ci étoit
doué de cette adlivité infatigable qui réus-
fit quelquefois mieux que Pefprit le plus
délié. Il fit fa cour aux Flamands avec
beaucoup d'affîduité. Il mit fous leurs yeux
î'abfurdité de toutes les maximes adoptées
jufques-là dans le gouvernement de l'Amé-
rique , & particulièrement les vices des dif-
pofitions faites par Ximenès. La mémoire
de Ferdinand étoit odieufe aux Flamands.
La vertu & les talens fupérieurs de Xime-
nès avoient été longtems pour eux des mo-
tifs de jaîoufîe. Ils defiroient vivement de
trouver des prétextes plaufibles pour con»
damner les mefures du minillre & du dé-
funt monarque & pour décrier la politique
de l*un & de l'autre. Les amis de D. Die*
go Colomb 5 aufli bien que les courtifans
Efpagnols qui avoient peu à fe plaindre de
(0 J^^'fi* ^ Chartes F.
D E L*A M E R I Q U E. 83
Tadminiflration du cardinal , fe joignirent ^«mm
à Las Cafas pour défapprouver le plan ^jl'j^^/'
d'envoyer des furintendans en Amérique.
Cette union de tant de paflîons & d'inté-
rêts devint fi puifTante que les Hiéroni-
Tîiites & Zuazo furent rappelles. Rodri*
gue de Figueroa , jurifconfulte eftimé, fat
Romn>é premier juge de Tille & reçut des
inftruftions nouvelles d'après les infiances
de Las Cafas , pour examiner encore avec
la plus grande attention la queflion im-
portante élevée entre cet eccléfiaftique &
les colons, relativement à la manière dont
on devoit traiter les Indiens. Il étoit au-
torifé en attendant à faire tout ce qui fe-
rait poffible pour fouîager leurs maux &
prévenir leur entière deftruûion ("i).
Ce fut tout ce que le zele de Las Ca-
fas put obtenir alors en faveur des In-
diens. L'imponUbilité de faire faire aux
colonies aucun progrès, à moins que les
planteurs Efpagnols ne puÏÏent forcer les
Américains au travail, étoit une obje£lion
infurmontable à l'exécution de fon plan
D 6
84 Histoire
— — de liberté. Pour écarter cet obflacle Las
Liv.iii. Cai^s propofa d'acheter dans les établifle-
1517. * *■
Projet ïiîens des Portugais à la côte d'Afrique un
j;?",es^^"ol'nombre fuffifant de Nègres & de les tranC.^
tonies de porter en Amérique où on les employeroit
comme efclaves au travail des mines & à
la culture du fol. Les premiers avantages
" que les Portugais avoient retirés de leurs
découvertes en Afrique leur avoient été
procurés par la vente des efclaves* Plu-
iîeurs circonftances concouroient à faire
revivre cet odieux commerce, aboli depuis
longtems en Europe & auOi contraire aux
fentimens de rhumanité qu'aux principes
de la religion. Dès l'an 1503 on avoit
envoyé en Amérique un petit nombre d'ef-
claves nègres (î). En 15 lî Ferdinand
avoit permis qu'on y en tranfportât en plus
grande quantité (2)^ On trouva que cet-
te efpece d'hommes étoic plus robufte
que les Américains , plus capable de réiî-
Her à une grande fatigue & plus patien-
te fous le joug de la fervitude. On cal-
culoit que le travail d'un Nègre équiva;-
D E L'A M E R I Q U E. ES
loit à celui de quatre Américains (i). Lé 9ÊÊÊm
cardinal Ximenès avoic été preffé de per- ^^^^J"'
mettre & d'encourager ce commerce ; mais
il avoit rejette le projet avec fermeté ,
fentant combien il étoit in/ufle de réduire
une race d'hommes en efclavage en déH»;
béranc fur les moyens de rendre la liberté
à une autre (2). Mais Las Cafas, incon-
féqucnt comme le font les efprits qui fe:
portent avec une impétuoûté opiniâtre
vers une opinion favorite , étoit incapable
de faire cette réflexion. Pendant qu'il
combattoit avec tant de chaleur pour la
liberté des habitans du nouveau monde »
il travailloit à rendre efclaves ceux d'une
autre partie , & dans la chaleur de foa
zèle pour fauver les Américains du joug,,
il prononçoit fans fcrupule qu'il étoit juf-
te & utile d'en impofer un plus pefant
encore fur les Africains. Malheureufement
pour ces derniers le plan de Las Cafas fut
adopté. Charles accorda à un de fes cour-
tifans Flamands le privilège exclufif d'in>
porter en Amérique quatre mille Noirs,
CO Herrera , dec. r , lih; IX, c, 5»
ZS Histoire
i«55 Celui» ci vendit fon privilège pour vîngt-
^îs'is"' cinq mille ducats à des marchands Gé-
nois 5 qui les premiers établirent avec une
forme régulière entre T Afrique, & l'Amé-
rique ce commerce d'hommesa qui a reçu
depuis de û grands accroiflemens Ci}«
Mais les marchands Génois conduifant
leurs opérations avec l'avidité ordinaire
aux monopoleurs, demandèrent bientôt des
prix il exorbirans des Noirs qu'ils por-
toient à Hifpanlola qu'on y en vendit trop
peu pour améliorer l'état de la colonie.
LasCa- ^^^ Cafas , dont le zèle étoit auffî inven-
pofed'en-tif qu'infatigablc , eut recours à un autre
cultiva-'' expédient pour foulager les Indiens. Il
wi^aJo- avoit obfervé que le plus grand nombre
Ja« de ceux 5 qui jufques-là s'étoient établis
en Amérique , étoient des foldats ou des
matelots employés à la découverte ou à
la conquête de ces régions , des fils de
' familles nobles attirés par i'efpoir de s'en-
richir promptement , ou des aventuriers
fans reflburce & forcés d'abandonner leur
patrie par leurs crimes ou leur indigence*
A la place de ces hommes avides, fana
CO Herrera, m. Il, c. S3^
DE l'A m K R I QU E. ^f
mœurs, incapables de rinduflrie perfévé- 5559
rante & de l'économie néceflaire dans ré- ^J^;^**
tabliflement d'une colonie, il propofa d'en-
voyer à Hifpaniola & dans les autres ifles
un nombre fuffifant de cultivateurs & d*ar-
tifans, à qui on donneroic des encourage-
mens pour s*y tranfporter. De tels hom-
mes accoutumés à la fatigue feroient en
état de foutenir des travaux, dont les Amé-
ricains étoient incapables par la foiblelTe
de leur conftitution , & bientôt ils devien-
droienc eu^c- mêmes par la culture de ri-
ches & d'utiles citoyens. Mais, quoiqu'on
eût grand befoin d'une nouvelle recrue
d'habitans à Hifpaniola , oîi la petite vé-
role venoit de fe montrer & d'emporter
un nombre con fi dé rabîe d'Indiens, ce pro-
jet , quoique favorifé par les miniftres Fla-
mands , fut traverfé par l'évêque de Bur-
gos que Las Cafiis trouvoîc toujours en foa
chemin (i).
Las Cafas commença alors h défefpérer n forme
de faire aucun bien aux Indiens dans les d'usé noi$«
établifTeraens déjà formés* Le mal étoitîoliL"^^*
trop invétéré pour céder aux remèdes. On
*■ ■ ^ — m
es H I s T O I R E
p— * fàifoit tous les jours des découvertes nou*
^1518?* velles dans le confinent , qui donnoient de
hautes idées de fa population & de fon
étendue. Dans toutes ces vaftes régions
il n*y avoit encore qu'une feuk colonie
très-foible, & fi Ton en exceptoit un pe-
tit efpace fur Tlfthme de Darien ,- les na-*
turels éioient maîtres de toiit le pays. C'é-
toit • là un champ nouveau & plus étendu
pour le zeîe & rhumaaité de Las Cafas ,
qui fe flatcoit de pouvoir empêcher qu'on
n'y introduifft le pernicieux fyflême d'ad-
miniftration qu'il n'avoit pu détruire danS'
les lieux oh il étoic déjà tout établi. Plein
de ces efpérancss il fallieica une conceflTion
de la partie qui s'étend le long de la côte
depuis le golfe de Paria jufqu'à la fron-
tière occidentale de cette province , aujour-
d'hui connue fous le nom de Sainte - Mar-
the. Il propofa d'y établir une colonie for*
mée de cultivateurs , d'artifans & d'ecclé-
Cafliques. 11 s'engagea à civiiifer dans
l'efpace de deux ans dix mille Indiens &
à les inftruire aflez bien dans les arts uti-
les pour pouvoir tirer de leurs travaux &
de leur induftrie un revenu de quinze milr
k ducats pour k couronne. II proinettoit
B E L'A M E R I q U E. $9
, aufll qu'en dix ans fa colonie aiiroit fait WêSêê
! aflez de progrès pour rendre au gouver- ^i^^g^^^*
nement foixante mille ducats par an. Il
ftipula qu'aucun navigateur ou foîdat ne
pourroic s'y établir , & qu'aucun Elpagnol
n'y mettroit le pied fans fa permiflion. Il
alla même jufqu'à vouloir que les gens qu'il
emmeneroit eufTent un habillement particu-
lier, différent de celui des Efpagnols, afin
qu'ils ne parulTent point aux Indiens de
ces diftrids de la même rsce d'hommes
qui a voit apporté tant de calamités à VA^
mérique (i). Par ce plan, dont je ne
donne qu'une légère efquifle, il paroît clai*
rement que les idées de Las Cafas fur la
manière de civilifer & de traiter les In«
diens étoient fort femblables à celles que
les Jéfuites ont fuivjes depuis dans leurs
grandes entreprifes. fur l'autre partie du
même continent. Las Cafas fuppofoic que
les Européens, employant l'afcendanc que
leur donnoit une intelligence fupérieure &
de plus grands progrès dans l6s fciences
& les arts, pourroient conduire par degrés
l'efprit des Américains à goûter ces moyens
CO Herrera, dec, 2, Hk» ly^ «• a«
po Histoire
de bonheur dont ils étoient dépourvus ,
^^^*P^* leur faire cultiver les arts de l'homme en
fociété & les rendre capables de jouir des
avantages de la vie civile.
L'évêque de Bargos & le confeil des In-
des regardèrent le plan de Las Cafas non-
feulement comme chimérique, mais comme
extrêmement dangereux. Ils peofoient que
l'efprit des Américains étoit naturellement
fi borné & leur indolence fi exceffive qu'on
ne réuflîroit jamais à les inftruire ni à leur
ouvrir refprit. Ils prétendoient qu'il fe-
rbit fort imprudent de donner une autori-
té (î grande fur un pays de plus de neuf
cens milles de côtes à un enthoufiafîe vi-
fionnaîre & préfomptueux , étranger auX'
affaires & lans connoiiTance de l'art du
gouvernement. Las Cafas qui s'attendoit
bien à cette réfiflance ^ ne fe découragea
ion projet pas. Il eut recouts encore aux Flamands,
qui favoriferent fes vues auprès de Char-
lés V avec beaucoup de zèle , précifément
p&rcé que Iqs miniftres Efpagnols les
avoient rejettées. Ils déterminèrent le mo-
narque , qui venoit d'être élevé à l'empi-
re 5 à renvoyer l'examen de cette affaire
à un certain nombre de membres de foa
DE l'Amérique. pi
confeil - privé , & comme Las Cafas ré- SISE
cufoic tous les membres du confeil des ^^^'^^ '
Indes comme prévenus & intéreffés ,
tous furent exclus. La décifion des ju-
ges choifis à la recommandation des Fla-
mands fut entièrement conforme aux fen-
timens de ces derniers. On approuva
beaucoup le nouveau plan , ù, Ton donna
des ordres pour le mettre à exécution ,
mais en reftreignant le territoire accordé
à Las Cafas à trois cens milles le long
de la côte de Curaana , d'oii il lui feroic
libre de s'étendre dans les parties intérieu*
res du pays Çi^,
Cette décifion trouva des cenfeurs. Pref-
que tous ceux qui avoient été en Amé-
rique la blâmoient , & foutenoienc leur
opinion avec tant de confiance & par des
raifons fi plaufibles qu'on crut devoir s'ar-
rêter & examiner de nouveau la queflion
avec plus de foin. Charles lui -même ,-
quoiqu'accoutumé dans fa jeunefTe à fuivre
les fentiraens de fes miniftres avec une
déférence & une foumiffion qui n'annon-
çoient pas la vigueur & la fermeté d'efprit
„(0 Gomera, hiji, gen* c, 77. Herrera, àe$, 2, Ub» IK
9. 3. Ovîedo, lih. XIX, Cn 5.
92 Histoire
»™" qu'il montra dans un âge plus mûr^com-
Liv.m. i^^gpça >^ foupçonner que la chaleur que
les Flamands metcoient dans toutes lesaf-i-
faires relatives à TAmérique avoit pourr
principe quelque motif dont il dévoie fe;
défier ; il déclara qu'il étoit déterminé ai
approfondir lui-même la queflion agitéej
depuis û longtems fur le caradlere desi
i\mericains & fur la manière la plus convena««
sojuin. ble de les traiter. Il fe préfenta bientôt une^î
circondance qui rendoit cette difcufîîoiM
plus facile» Quevedo , évêque du Darien,,
qui avoit accompagné Pedrarias fur le con*
tinent en 15 13 , venoit de prendre terrea
à' Barcelone oti la cour faifoit alors fai
réfidence. On fçut bientôt que fes fenti-
mens étoienc difFérens de ceux de Las Ca-
fas, & Charles imagina aflez naturellement
qu'en écoutant & en comparant les rai-
fpns de deux perfonnages refpedtables qui ,>
par un long féjour en Amérique, avoienÊ^t
eu le tems nécelTaire pour obferver lesi
mœurs du peuple qu'il s'agiflbit de faire;
connoître , il feroit en état de découvrir:
lequel des deux avoit formé Ton opinioa
avec plus de juflelTe & de difcernement.
On défîgna pour cet examen un jour*
D Ê l'A MERiquf. P3
fixe & une audience folemnelle. L'empe- — ^
I reur parue avec une pompe extraordinaire 'J^^^^ •
; & fe plaça fur Ton trône dans la grande Déiib($ra.
jfalle de Ton palais. Ses principaux courti [^^^^.^^y^;
ifans Tenvironnoient. Don Diego Colomb /i'; ^a '«a-
1 niere doiu
I amiral des Indes , fut appelle. L'évêque on dévoie
' du Darien fut interpellé de dire le pre. indieiis!^
; mier fon avis. Son difcours ne fut pas
I long. 11 commença par déplorer les mal-
i heurs de l'Amérique & la deftrudlion d'un ,
i fi grand nombre de fes habitans , qu'il re-
connut être en partie l'effet de rexcefll-
ve dureté & de l'imprudence des Efpa*
gnols; mais il déclara que tous les ha--
bitans du nouveau monde qu'il avoit ob-
fervés , Toit dans le continent, foit dans
les ifles , lui avoient paru une efpe-
ce d'hommes deftinés à la fervitude par
l'infériorité de leur intelligence & de leurs
taîens naturels , & qu'il feroit impoiTible
de les inftruire ni de les faire avancer vers
la civilifation, lî on ne les tenoit pas fous
l'autorité continuelle d'un maître. Las Ca-
-fas s'étendit davantage & défendit fon fen-
timent avec plus de chaleur. Il s'éleva
avec indignation contre l'idée qu'il y eût
aucune race d'hommes née pour la.fervitu»
^4 Histoire
■1— de , & attaqua cette opinion comme irréli-
Liv.iii. ^jeufe ^ inhumaine. Il alTura que les Amé- î
ricains ne manquoient pas d'intelligence <Sc il
qu'elle n'avoit befoin que d'être cuUivée ;,
qu'ils étoient capables d'apprendre les prîn*
cipes de la religion & de fe former à l'in-
duftrie & aux ans de la vie fociale ; quçi
leur douceur & leur timidité naturelles lesi
rendant fournis & dociles , on pouvoit lesi
conduire & les former , pourvu qu'on ne lesi
traitât pas durement. Il protefta que dansj
le plan qu'il avoit propofé fes vues étoienti
pures & défintéreffées , & que quelquesi
avantages qui duflent revenir de leur exé--
cution à la couronne de Caflille, il n'avoitl
jamais demandé & ne demanderoit jamaisi
aucune récompenfe de fes travaux.
T.e plan Charles , après avoir entendu les deu)Q
c*4^efl: P^^^^oyers & con fuite fes miniftres , ne f^j
approuvé, crut pas encore aflez bien inftruit pouri
prendre une réfolution générale relative-:
ment à la condition des Américains ; maisi
comme il avoit une entière confiance en lai
probité de Las Cafas & que l'évêque dm
Darien lui-même convenoit que l'afFairei
étoit affez importante pour qu'on pût elTa'^
yer le plan propofé, il céda à Las Cafaj
D E l'A m e r I ^ u e. 5)5
par des lettres -patentes la partie de la côte
de Cumana dont nous avons fait mention
plus haut , avec tout pouvoir d*y établir
une colonie d'après le plan qu'il avoit pro-
pofé (i).
Las Cafas preffa les préparatifs de fbn lif'iîtfcs
voyage avec Ion ardeur accoutumée , mais iis<,
foit par fon inexpérience dans ce genre
d'affaires, foit par l'oppolition fecrette de
la nobleife Efpagnple qui craignoic que l'é-
migration de tant de perfonnes ne leur
enlevât un grand nombre d'hommes indus-
trieux & utiles occupés de la culture de
leurs terres , il ne put déterminer qu'environ
deux cents cultivateurs ou artifans à Tac-
eorapagner à Cumana.
Rien cependant ne put amortir fon zele. ïi paît
,,..,., _ . ^ pour l'A-
il mit a la voile avec cette petite troupe a mérique
peine fuffifante pour prendre polTeflion du !Jnr,5'de
vafce territoire qu'on lui accordoit & avec «^i'^l'^'^l
laquelle il étoic impoflible de réuffir à en
civilifer les habitans. Le premier endroit où
il toucha , fut l'ille de Porto - Rico. Là
(O Heiixra, decti^. 2, iib. /^, c. 3,4,5. Argenfoîa,
Annales de AragQ», 7\'^7* Remefal, hifi* gen^ Ub* II,
*. 19 j 20.
9<5 Histoire
^^^s il eut connoi fiance d'un nouvel obdâ"
3^20. * ^^^ ^ l'exécution de fon plan , plus diffi-
cile à furmonter qu'aucun de ceux qu'il
avoit rencontrés jurqu'alors. Lorfqu'il avoit
quitté l'Amérique en 1517, les Efpagnols
n'avoient prefqu'aucun commerce avec le
continent fî Ton excepte les pays voifîns
du golfe de Darien, Mais tous les genres
de travaux s'afFoiblifiant de jour en jour à
Hifpaniola par la deflrudlion rapide des na-
turels du pays , les Efpagnols manquoient
de bras pour continuer les entreprifes déjà
formées & ce befoin les avoit fait recourir
à tous les expédiens qu'ils pouvoient ima-
giner pour y fuppléer. On leur avoit en-
voyé beaucoup de Nègres 3 mais le prix en
étoit monté fi haut que la plupart des co-
lons ne pouvoient y atteindre. Pour fe
procurer des efclaves à meilleur marché , J
quelques-uns d'entr'eux armèrent des vais-^
féaux & fe mirent à croifer le long des
côtes du continent. Dans les lieux oii ils
étoient inférieurs en force, ils commer-
çoient lavec les naturels & leur donnoienti
des quincailleries d'Europe pour les pla-i
ques d'or qui fervoient d'ornemens à ces^
peuples ; mais partout oU ils pouvoienej
fur-
D É L*A M E R I Q U E. 97
'fùrprendre les Indiens ou l'emporter fur f=~=
« ... , . Liv. m.
eux à force ouverte , ils les enlevoient j^^g,
& les vendoient à Hirpaniola (i). Cette
piraterie étoit accompagnée des plus gran-
<les atrocités. Le nom Efpagnol devint
en horreur fur tout le continent. Dès
qu'un vaifTeau paroilToit , les habitans
fuyoient dans les bois , ou couroient au ri-
vage en armes pour repoufTer ces cruels
ennemis de leur tranquillité. Quelquefois
ils forçoient les Efpagnols à fe retirer
avec précipitation , ou ils leur coupoient
la retraite. Dans la violence de leur ref-
fentiment , ils maiïacrerent deux miffion*
naires Dominicains que le zeîe avoit por-
tés à s'établir dans la province de Cuma-
na (2% Ce meurtre de perfonnes révé-
lées pour la fainteté de leur vie excita
une telle indignation parmi les colons d'Hif-
paniola , qui , au milieu de la licence de
leurs mœurs & de la cruauté de leurs ac-
tions 5 étoient pleins d'un zele ardent pour
la religion & d'un refpedl fuperflitieux pour
fes miniftres , qu'ils réfolurent de punir
ce crime d'une manière qui pûc fervir d'e-
-'CO Herrei-a, dec. 3, liK II^c, z-
' Tome lU E
çÈ Histoire
xemple, non • feulement fur ceux qui Ta*
tlô. ' voient commis, mais fur la nation entie-
re. Pour rexécution de ce projet ils don-
nèrent le commandement de cinq vailTeaux
' & de trois cents hommes à Diego Ocam-
po^ avec ordre de détruire par le fer &
par le feu tout le pays de Cumana &
d'en faire les habitans efclaves pour être
iianfponés à Hifpanioîa. Las Cafas trouva
à Porto - Rico cette efcadre faifant voile
vers le continent ; ù, Ocampo ayant re-
fufé de différer fon voyage , il comprit
qu'il lui feroit impoffible de tenter l'exé-
cution de fon plan de paix dans un pays
qui alloit être le théâtre de la guerre &
de la dcfolation.
r travail- Dans l'erpérance d'apporter quelque re
Ikmoi^ter. "^^^<^^ aux fulies funeflcs de ce maîheu»
i2Avai. j.(_ux incident, il s*cmbarqua pour Saint-
Dorairgue, laidant ceux qui Tavoient fui-
vi cantonnés parmi les Colons de Porto-
Rico. Pjufjeuis circonflances concouru*
rent à le faire recevoir fort mal à Hifpa-
'liîolà. En travaillant à foulager les Indiens
il avoit cenfuré la conduite de fes com*
patriotes, les colons d'Hifpaniola, avec une
févérité fi grande qu'il leur étoic deveni
I
B E L*A M E U î Q U S. 9P
univerfellement odieux. Ils regardoient îe ?™!5f
fuccès de fa tentative comme devant en- ^ijj/,^^*
traîner leur ruine. Ils attendoient de Cuma-
na de grandes recrues d^efclaves ; ces ef#
pérances s^évanouifToient fi Las Cafas par*
venoic à y établir fa colonie. Figueroa,
_en conféquence d'un plan formé en Efpagne
pour déterminer le degré d'intelligence &
de docilité des Indiens, avoit fait une ex-
périence qui paroiflbit décifive contre le
fyfl-ême de Las Cafas. Il en avoit raflem-
bié à Hifpaniola un adez grand nombre
& les avoit établis dans deux villages, en
leur laiiTant une entière liberté & les aban-
donnant à leur propre conduite. Mais
ces Indiens accoutumés à un genre de vie
tout - à ' fait différent , incapables de pren-
dre en û peu de tems de nouvelles habi-
tudes & d'ailleurs découragés par leur mal-
I heur particulier & par celui de leur pa-
trie, fe donnèrent trop peu de peine pour
cultiver le terrain qu'on leur avoit donné.
I Ils parurent (i dépourvus de foin & de
prévoyance pour fournir à leurs propres
befoins & fi éloignés de tout ordre & de
' tout travail régulier , que les Efpagnols
en conclurent .^u'il étoit impoQible de les
E 2
100 Histoire
ff555 former à mener une vie fociale & qu'il
Liv.m. f^ijQJj. igg regarder comme des enfans qui
avoient befoin d'être continuellement fous
la tutele des Européens, qui leur étoient
fupérieurs en fagefîe & en fagacité (i).
sonpro- Malgré la' réunion de toutes ces cir*
entfere^"^ conftances , qui armoient fi fortement con*
meot. tre fes mefures ceux - mêmes à qui il s'a-
drefîbit pour les mettre à exécution. Las
Cafas par fon adlivité & fa perfévérance ,
par quelques condefcendances & beaucoup
de menaces, obtint à la tin un petit corps
de troupes pour protéger fa colonie , au
premier moment de fon établilTement. Mais
à fon retour à Porto - Rico , il trouva que
les maladies lui avoient déjà enlevé beau-
coup de fes gens , & les autres ayant
trouvé quelqu'occupation dans l'ifle refu-
ferent de le fuivre. Avec ce qui lui ref-
toit de monde il fit voile vers Cumana.
Ocarapo avoit exécuté fa commiiîion dans
cette province avec tant de barbarie, il
avoit maflacré ou envoyé en efcîavage à
Hifpaniola un fi grand noinbre d'Indiens,
que tout ce qui reftoit de ces malheureux
s'étoit enfui dans les bois & que l'éta*
Cl) Herrera, fUcad, 2, //*. X,.f. 5.
IS2Ii
B E L'A MER I Q U E. ÎOI
blifTement formé à Tolède fe trouvant
dans un pays défère touchoit à fa def- ^^ Jâi" ^'
tru£lion. Ce fut cependant en ce même
endroit que Las Cafas fut obligé de pla-
cer le chef- lieu de fa colonie. Aban-
donné & par les troupes qu'on lui avoie
données pour le protéger & par le déta*
chement d'Ocampo , qui avoit prévu les
calamités auxquelles il devoit s'attendre
dans un pofle fi miférable , il prit les pré-
cautions qu'il jugea les meilleures pour la
sûreté & la fubfiftance de fes colons;
mais comme elles étoient encore bien in*
fuffifantes , il retourna à Hifpaniola foUi-
citer des fecours plus puiflans , afin de
fauver des hommes que leur confiance en
lui avoit engagés à courir de fi grands
dangers. Bientôt après fon départ , les
naturels du pays ayant reconnu la foiblef-
fe des Efpagnols s'aflembîerent fecréte*
ment , les attaquèrent avec la furie natu-
relle à des hommes réduits au défefpoir
par les barbaries qu'on avoit exercées con-
tre eux, en firent périr un grand nombre
& forcèrent le refhe à fs retirer à l'ifie
de Cubagua dans la dernière confternatioa.
La petite colonie qui y étoit établie pour
E 3
ÏOfi H I s T O I R E
? la pêche des perles ^ partagea la terreur
^ll'zL^' P^°^^^^ ^^^^ l^s fugitifs étoient faifis &
abandonna l'iUe* £n i" il ne refta pas un
feul Efpagnol dans aucune partie du con-
tinmt , ou des ifles adjacentes, depuis le
golfe de Pacia jufqu'aux confins du Da-
ïjen. Accablé par cette fucceffion de dé-
failres & voyant cette fin malheureufe de
tous fes grands projets , Las Cafas n'ofa
plus fe montrer; il s'enferma dans le cou-
vent des Dominicains à Saint-Domingue
& prit bientôt après Thabic de cet or-
dre (i).
Quoique la deflruâ:ion de la colonie de
Cumana ne foie arrivée que. l'an 1521, je
n'ai pas voulu interrompre le récit des né-
gociations de Las Cafas depuis leur origi-
ne jufqu'à leur illue. Son fyftême fut l'ob-
jet d'une longue & férieufe difcuflion, &
quoique fes tentatives en faveur des Amé-
ricains opprimés n'aient pas été fuivies du
fuccès qu'il s'en promettoit (fans doute
avec trop de confiance) , foit par fon im«
prudence , foit par la haine aûive de fes
Ci) Herreia, deca^. 2, Ub. X, c. 5 s decad. 3, lib. 11^
e. 3, 4, 5. Oviedo, hift. lib. XIX > c. 5. Gomera, c. jj»
Davila Padilla j Ub. /, c. 97. Remefai , h;Jl. génd/. Uy, 11^
S» 22, 2> \
DR l'A M E R I Q U E. I03
ennemis , elles donnèrent lieu à divers ré- ^^
glemens qui furent de quelqu'utilité à ces ^^^\^^'
malheureufes nations. Je reviens mainte-
nant à l'hiftoire des découvertes efpagno-
les en fuivant Tordre des tems (î).
Diego Velafquès, qui avoit conquis Ca-jg^'J"J'^«|;_
ba en 151 1 , confervoit encore le souver yeites à
nement de cette me comme députe de
Don Diego Colomb , quoiqu'il lui donnât
rarement des marques de fubordj nation/^
qu'il cherchât à fe rendre entièrement in-
dépendant (2). Sous fa fage adminiftra-
tion Caba devint l'un des établi (Te mens
efpagnols les plus florilTdns. L'idée avan-
iageufe qu'on avoit de cette colonie y at-
tiroit beaucoup de perfonries qui efpO-oient
y trouver des écabliîTemens folides ou quel-
que moyen d'occuper leur afn'vicé. Com-
me Cuba étoit la plus occidentale des
ifles occupées par les Efpagnols & que
l'océan qui s'étend beaucoup plus îôia à
l'oued n'avoit . pas encore été vifité, ces
circonftances invitoient les habitans de cet-
te ifle à tenter de nouvelles découvertes.
Toute expédition oii le courage 5e l'aOivi-
— ■ — — : A — -if.ft. ■■■-i a.
(1) Herrera , dgc. 2, lib. X, c. f ,^» 329»
(3^ Dïif, (kead» 2 , lïb, 11^ c, iQ»
E 4
104 Histoire
i™^5 té pouvoient conduire promptement à là
Liv.iii. richefîe, étoit plus conforme au génie de
ce fîecle que cette lenteur 3 cette patience
d'induflrie nécefTaire pour défricher un
,.. terrain ou pour fabrîqueî' le fucre. Plu-
lieurs officiers qui avoient fervi fous Pe-
drarias dans le Darien, formèrent une aflb-
ciation pour tenter des découvertes. Ils
perfuaderent à François Hernandes Cor-
dova , riche colon de Cuba & homme d'un
courage diflingué^ de fe joindre à eux &
d'être leur commandant. Velafquès, non-
feulement approuva leur projet , mais leur
donna des fecours. Comme les aventu-
riers qui avoient fervi au Darien man*
quoient de tout , lui & Cordova leur avan-
cèrent de l'argent pour acheter trois pe-
tits vaifleaux & leur fournirent tout ce
qui leur étoit nécefTaire pour le commer*
ce & pour la guerre. Cent dix homm.es
s'embarquèrent & firent voile de San-Ja-
go de Cuba , le 8 Février IJ17. Par le
confeil de leur principal pilote, Antoine
Alaminos, qui avoit fervi fous l'amiral Co-
lomb, ils portèrent directement à Touefl:, 1
fe guidant d'après l'opinion de ce grand j
navigateur, qui avoit conllarament fouienu i
que
n E t'A M E R I Q U E. lOJ
que la route à Toueft conduiroit aux plus — — ^
importantes découvertes. ^^'J^
Le vingt- unième jour après leur départ
de San-Jago ils virent terre. C'étoic le
1 cap Catache , qui forme la pointe orienta-
' le de cette grande péninfule en avant du
continent de T Amérique , qui a confervé le
i nom de Tucaîan que lui donnent les ha- YucatR».
; bitans du pays. Gomme ils approchoient
! du rivage , ils virent venir à eux cinq ca-
î nots pleins d'Indiens vêtus décemment
I d'habits de coton, fpeclacle nouveau pour
I les Efpagnols, qui avoient trouvé jufques* ^
I là l'Amérique habitée par des fauvages
nuds. Cordova s'efforça de gagner la bien-
veillance de ce peuple par de petits pré-
fens. Les Indiens , quoiqu'étonnés à la
vue des objets extraordinaires qui fe pré-
fentoient pour la première fois à leurs
yeux , invitèrent les Efpagnols à vifiter
leurs habitations avec une apparence de
cordialité. Les Efpagnols débarquèrent &
«'avançant dans le pays, remarquèrent avec
un nouvel étonnement de grandes maifons
bâties en pierre; mais ils éprouvèrent biea-
tôt que fi les Indiens du Yucatan étoienc
plus civilifés que les autres Américains^ il$
Ej
io6 Histoire
fp— ™ étoient aufïï plus artificieux & plus guer-
Liv. m. i-iers. Le Cacique en recevant Cordova
avec beaucoup de témoignages d'amitié,
avoit pofté en embufcade derrière un pe»
tic bois un corps confidérable d*lndiens
qui, fur un lignai qu'il leur fit, coururent
fur les Efpagnols & les attaquèrent avec
beaucoup de hardiefle & une efpece d'or»
dre militaire. A la première décharge de '
leurs flèches quinze Efpagnols furent blef-
fés, mais l'explofion foudaine des armes
à feu frappa les Indiens d'une û grande
terreur & ils furent (i étonnés du ravage
que firent parmi eux les arquebufes & les
autres armes de leurs nouveaux ennemis,
qu'ils s'enfuirent avec précipitation. Cor-
dova abandonna un pays oii il avoit été
fi mal reçu , emmenant avec lui deux,
prifonniers & emportant les ornemens d*uni
petit temple qu'il pilla dans fa retraite»
Il continua fa route à Touefl fans per-
dre la côre de vue & le feizieme jour il
arriva à Campéche. Là, les Indiens le
reçurent avec plus d'hofpitalité. Les Efpa-
gnols s'étonnoient beaucoup de n'avoir trou-
vé aucune rivière fur une 'côte d'une fi
grande étendue & qu'ils imaginoient ap*
D 15 L'A M E R I Q U E. 107
partenir à une grande ifle (t). Comme
Teau commençoit à leur manquer, ils s'a-
vancerent encore & découvrirent h la fin
l'embouchure d'une rivière à Potonchaa ,
quelques lieues par-delà Campêche.
Cordova débarqua toutes fes troupes ,
pour protéger fes mitelots pendant qu'ils
feroient de Teau. Mais malgré toutes fes
précautions les Indiens les attaquèrent avei?
une telle furie & en fi 2:rand nombre,
que quarante - fept Efpagnols furent tués
fur la place & qu'un feul d'entr'eux fe re-
tira fans être blefTé. Leur commandant ,
quoique blelTé en douze endroits , dirigea
la retraite a^'ec autant de préfence d'efprit
qu'il avoit montré de courage dans Tac-
tion. Les Efpagnoîs regagnèrent avec pei-
ne leurs vaifleaux. Après une tentative fi
malheureufe il ne leur reftoit d'autre par-
ti que de hâter leur retour à Cuba. Ils
fouffrirent dans le trajet tous les tourmens
que la foif peut faire éprouver à des hom-
mes bleffés &■ malades , renfermés dans de
petits vaiiïeaux & expofés à la chaleur de
la zone torride. Quelques-uns fuccombe-
rent à tant de maux dans la traverfée,
CO Voyez ia NoTit XXVJU
E (S
Liv. III.
io8 Histoire
mmmÊ Cordova, leur chef, mourut peut de tems
Liv. m. après avoir pris terre à Cuba (i).
Voyage de Toute malheureufe qu'a voie été cette
Giijfilva. expédition, elle anima plutôt qu'elle n'abat-
tit la paffion des Efpagnols pour les en-
treprifes. On venoit de découvrir à une
petite diftance de Cuba une contrée d'une
grande étendue , qui paroiflbit fertile &
habitée par des peuples bien plus civilifés
qu'aucune autre nation alors connue en
i\mérique. Quoiqu'on eûte u peu de corn-
merce avec eux , on en avoit tiré quel-
ques ornemens d'or de peu de valeur , maïs
d*un travail curieux. Ces circonflances ,
exagérées par des hommes qui cherchoient
à réchauffer le mérite de leurs exploits*
étoîent plus que fuffifantes pour réveiller
leurs efpérances romanefques. Il s'offrit
beaucoup de monde pour une nouvelle ex-
pédition. Velafquès, defirant de fe diftin-
guer par un feivice important qui pût lui
mériter du roi l'indépendance à laquelle il
afpiroit dans fon gouvernement de Cuba ,
(i) Herrera, rJecû^. 2, lib. II, c, ly , î8. IlJft, Ferdu-
âer-a de la conquîfia de la Niteva Efpana^ par Bernai Dia^
de CaftiUo , r. 17. Oviedo % Hh. XIII, c. 3. Gomera , c»
52. P, Martyr de lufuUs nu^er inymîls ^ p» 329*
D E l'A m e r I q u k, lop
ne fe contenta pas d*exciter leur ardeur, —S
il arma à Tes dépens quatre vaifleaux pour ^^l'^^^*
k voyage. Deux cens hommes & qua-
rante volontaires , parmi lefquels il s'en
trouvoic plufieurs qui avoienc de la naif-
[fance & de la fortune, s'embarquèrent
ipour cette expédition. Elle étoit fous les
I ordres de Jean de Grijalva, jeune homme
jd'un mérite & d'un courage reconnus^
jSes inftrudtions étoient d'obferver avec at-
Itention la nature des pays qu'il découvrir
jroit, de faire des échanges pour de l'or,
& fi les cir confiances lui paroKToient fa-
vorables , d'établir une colonie dans quel-
que pofition avantageufe. Il mit à la voi-
le de San-Jago de Cuba le il Avril 1518.
Le pilote Alaminos fuivic la môme roure
que dans le voyage précédent ; mais la
violence des courans ayant entraîné les
vaifleaux vers le fud , la première terre
qu'ils reconnurent fut l'ifle de Cozumel à
Teft de Yucatan. Tous les habitans s'en- d^coo-
jfuirent dans les bois & dans les mon n^î^,ei,e'^
itasnes à l'approche des EfpnGjnols, qui ne^^P^f?^>
lurent pas un grand féjour dans l'ifle; ils
[arrivèrent fans aucun accident remarqua-
ble à Poconchan , far le côté oppofé de
(Xip Histoire
ti^i la péninfule. Le defîr de venger ceux de
Liv.iii» leurs compatriotes qui avoienc été mafia-
crés en cet endroit , fortifié par leurs
principes de politique , les détermina à y
defcendre dans la vue de châtier les In-
diens de ce diftrift avec une rigueur &t
un éclat qui pulTent frapper de terreur'
tous les peuples du voifinage. Mais , quoi
qu'ils euflent débarqué toutes leurs rrou.
pes & mis à terre quelques pièces de cam-
pagne , les Indiens fe déferdirent avec:
tant de courage que les Efpagnols eurenti
beaucoup de peine à les repoufler & fe
confirmèrent dans l'opinion oh ils étoient
déjà qu'ils trouveroient dans les habitans
de ce pays des ennemis plus redoutables
que tous ceux qu'ils avoient rencontrés
dans les autres parties de l'Amérique» De
Potonchan ils continuèrent leur route vers
l'eft 3 fe tenant; auiïî près de la côte qu'i
leur étoit poffible 3 & mettant h Vqxictp
tous les foirs pour fe garantir des ace}
dens dangereux auxquels ils pouvoient êtr
expofés dans une mer inconnue. Pendant
le jour leurs yeux coiitinuellement atta
chés fur la terre , étoient frappés de far
prife & d'admiration à la vue des beauté
3
i
D E l'A m E R I QUE. lit
du pays & de la nouveauté des objets ■—
qui fe préfentoient à eux. Ils voyoient ï'iv.iii.
difperfés fur la côte des villages oli ils
diftinguoient des maifons de pierre , qui
de loin leur paroifToient blanches & éle-
vées. Dans la chaleur de leur admiration
ils croyoient voir des villes ornées de
tours & de clochers ; & un des foldats
ayant remarqué que ce pays reQembloit
par Ton afpedfc à rEfpagne , Grijalva lui
donna avec un applaudiflernenc univerfel
le nom de Nouvelle Efpagne ^ nom qui dé-
figne encore cette vafte & riche province
de la domination efpagnole en Amérique.
Ils defcendirent à une rivière appel lée par
les naturels Tabafco: la nouvelle de l'a van.- 9 J^^"»
tage qu'ils avoient remporté à Potonchan ^^^^^^*»
étant parvenue en cet endroit , le Cacique
les reçut non ■ feulement d'une manière
amicale , mais même leur fit des préfens
confîdérables , qui confirmèrent les hautes
idées que les Efpagnols avoient prifes de
:1a richeffe à de la fertilité du pays. Ces
idées s'étendirent & fe fortifièrent encore
par ce qui leur arriva dans le lieu oh ils
touchèrent enfuite ; c'étoic à l'oueft de
Tabasco, dans ia province connue depuis
Iï3 Histoire
fÊSÊÊi fous le nom Guaxaca. Ils y furent reçus
Hs'is"* avec des marques de refpe<5t extraordinai-
Cuaxaca.res i comme des êtres au-deflus de Ihu-
manité. Lorfqu'ils débarquèrent, les na«
turels brûloieht devant eux un encens de
gomme copale & leur préfentoient en of-
frande tout ce que leur pays avoit de plus
précieux. Ils s'eiTiprefîerent d'établir un
commerce avec ces étrangers , & en fis
jours les Efpagnols obtinrent des bijoux d'or
d*un travail curieux , pour la valeur de
quinze mille pezos , en échange de quel-
ques bagatelles européennes de vil prix.
Les deux prifonniers que Cordova avoit
emmenés de Yucatan avoient jufqu'alors
fervi d'interprètes ; mais comme ils n'en-
tendoient pas la langue' de ce nouveau,
pays 5 les naturels firent entendre par fi- •
gnes qu^ils étoient fujets d*un grand mo-
narque appelle Montézume, dont la domi*
nation s'étendoit fur cette province, ajnû
que fur plufîeurs autres, Grijalva quitta cet
endroit dont il dut être fort fatisfait &
jff Juin, continua fa route vers Touefl:. Il débarqua
fur une petite ifle, qu'il noiTvma IHJle des fa»
crifices , parce que ce fut - là que les Ef-
pagnols vii'ent pour la première fois rborri-
I
DE l'Amérique» 113
'[ble fpeâacle de vidtimes humaines que la — «i
^IfuDerfliiion barbare des naturels ofFroic à Liv.iiî.
î leurs dieux. Il toucha à une autre petite
lîfle, qu'il appellà Saint Jean de Ulua, Il
! dépêcha de cette ifle Pedro de Alvarado,
un de Tes officiers, à Velafquès, avec un
détail circonftancié des importantes dé-
couvertes qu'il avoit faites, & avec lest
;richeires qu'il avoit obtenues en trafiquant
javec les naturels. Après le départ de Al-
jvarado il continua avec les vailTeaux qui
jlui reftoient , de fuivre la côte jufqu'à la
I rivière de Panuco , & le pays lui parue
partout riche, fertile & très -peuplé.
[^ Plufîeurs des officiers de Grijalva pré-
1 tendirent que ce n'étoit pas allez d'avoir
I découvert ces belles régions , ni d'avoir
I rempli à leurs différens débarquemens la
frivole cérémonie d'en prendre pofleffioa
[pour la couronne de Caftille ; que leur
gloire feroit imparfaite s'ils n'établiflbient
une colonie dans un lieu favorable , qui
non -feulement alTureroit à la nation es-
pagnole un abord dans le pays, mais qui^
avec les renforts qu'ils avoient la certitu-
de de recevoir 5 pourroit fervir par de-
I
114 Histoire
Sf5H grés à foumettre le pays même en entier
^u'ib!^' ^ ^^ domination de leur fouverain. Mais
il y avoic plus de cinq mois que Tefca*
dre itoit à la mer ; la plus grande partie
des vivres étoic épuifée & ce qui reftoit
de provifîons avoit été tellement gâté par
la chaleur du climat qu*il n'étoit plus gue-
Te pofîibîe d'en faire ufage. La mort avoit
emporté plufieurs Efpagnols ; d'autres é-
toient malades; le pays étoit rempli dlia-
bitans qui paroiflbient auïïi indudrieux que
braves , &. ils écoient fous la domination
d'un monarque puifTant qui pouvojt les
réunir & raiïembler des forces puiiTantes
pour repoufler une invafion. Songer ai
établir une colonie dans des circondances
fi défavantageufes , c'eût été s'expofer à'
une deftrudlion inévitable. Quoique Grijal-
va eût de l'ambition & du courage ^ il n'a-
voit pas les grands talens néceflaires pour
former & exécuter une li grande entrepri* J
fe. Il jugea plus prudent de retourner àl
Cuba , après avoir rempli l'objet de fon j
voyage &; exécuté tout ce que l'armement I
qu'il commandoit l'avoit mis en état de
faire. 11 revint à San - Jago de Cuba le i
DE L'A MER I QUE. IIJ
inn:t-fîx Otlobre, environ fix mois après ^êêêêb
ijin être parti (i> ^^^8^
:i Ce fut- là le voyage le plus long & en Prépara-
[nême tems le plus heureux que les Erpa-^n^Pulfe
j^nols euffent encore fait dans le nouveau expédi-
■\ ' lion*
nonde. Ils avoient découvert que Yuca-
an n'étoit pas une iile comme ils Tavoient
aiaginé , mais une partie du grand conti-
ient d*Araérique. De Potonchan ils avoient
uivi leur route pendant pluiieurs centaines
le milles le long d*une côte qui n'avoit
)as encore été reconnue & qui s'étendant
l'abord vers Pouell tournoit enfuite vers
e nord. Enfin tout le pays qu'ils avoiene
découvert paroiffoit auffi important par fa
•ichefle que par fon étendue. Dès qu'AU
varado fut arrivé à Cuba^ Velafquès , en*
|:hanté d'un fuccès qui furpaflbit de û loia
[toutes fes efpérances, dépêcha fur le champ
lune perfonne de confiance pour annoncer
! [cette importante nouvelle en Efpagne, y
Iporter les riches productions des contrées
iqu'il venoit de découvrir , & foliiciter une
laugmentation d'autorité qui pût -le mettre
iCn état d'en entreprendre la conquête. Il
• \ (O Herrera, decai. 2, lih. IIl , c, i , 2,9, îo. Bern.
iDiaz , c. 8, 17. Oviedo , hïjî, iib, XHI, c. g, 20, Gô-
inera, c» 49.
iï6 Histoire, &g.
9mm n'attendît pas même le retour de fon mef-
^7\d^' fager , ni Tarrivée de Grijalva , qui com"
mençoit à lui infpirer beaucoup de défian-
ce & de jaloufie & qu*il étoit réfôlu de né
plus ernployer: il commença doiîc à prépa-
rer un armement puiflant , proportionné â
l'importance & aux dangers de Tentreprife
qu'il méditoit.
Comme l'expédition dont Velafquès étoit
alors occupé, s'ell terminée à des conquê-
tes beaucoup plus importantes que tout ce
que les Efpagnols avoient fait jufqu'alors .
i& les a conduits à la connoifîance d'un peu-
ple qui peut être regardé comme très - civl
lifé ,li on le compare avec ceux des Améri-
cains que Ton connoiflbit auparavant , il
convient de fufpendre quelque tems le ré'«
cit de ces événemens fi difFérens de ceux
que nous avons déjà rapportés , afin déi
jetter un coup d'œil fur l'état du nouveau]
monde quand il a été découvert & d'ex^
miner la police ^ les mœurs des tribm
lîmples & groflieres qui occupoient toutej
les parties du continent oii les Efpagnols
avoient pénétré.
Fin du îroifiems Livre*
HISTOIRE
D E
L'AMÉRIQUE.
LIVRE QUATRIEME.
VINGT- SIX ans s'étoient écoulés de»
)uîs que Colomb avoit conduit les Euro- '^*„
^ Quelles
")éens dans le nouveau monde; & pendant étoiert îes
:et intervalle les Elpagnols avoient ecerAînén-
'ort occupés à en parcourir différentes ré- connaeil
^ions. Ils avoient vifîté toutes Jes ifles
iiîfperfées en grouppes à travers cette par-
ftie de l'océan qui coule entre le conti-
înent feptentrional & le méridional de l'A-
mérique. Ils avoient navigué le long de
la côte orientale du continent depuis la
'rivière de la Plata jufqu'au fond du gol-
ffedu Mexique, & avoient reconnu qu'el-
ile s'étendoit fans interruption à travers
cette vafte portion du globe. Ils avoienc
jdécouvert la grande mer du fud qui ou*
ivrit une nouvelle perfpedtive de ce côté.
Il8 H I s TOI RÉ
■iiiiiH Ils avoient acquis quelque connoiflance de;
Liv. IV. c^tes ^Q la Floride , ce qui les conduifii
à obferver & à fuivre le continent dani
une diredlion oppofée , & quoiqu'ils n'euf
fent pas pouffé leurs découvertes plus ioii
vers le nord, d'autres nations avoient vi
fité les parties que les Efpagnols avoien
négligées. Les Anglois, dans un voyag(
dont on rapportera ailleurs les motifs & U
fuccèsj avoient navigué le long de la côt(
d'Amérique depuis la terre de Labradoi
jufqu'aux confins de la Floride; & les Por
tiîgais > en cherchant un paffage plus cour
aux Indes orientales , s'étolent jettes dan;
la mer du nord & avoienc reconnu le
mêmes régions (i^. Ainfi, à cette époqu(
oh je me fuis propofé d'examiner Téta
du nouveau monde, on en connoiflbi
prefqu'en fièrement l'étendue , depuis foi
extrémité feptentrionale jufqu'au trente
cinquième degré au fud de l'équateur
mais les pays qui s'étendent de -là jufqu'i
l'extiêmité méridionale de l'Amérique, L
grand empire du Pérou «Se les valles do
maines foumis au fouverain du Mexique
n'étojent pas encore découverts.
CO Herrera , decad, i , //^. FI, c, i6»
DE l'A m er I q u e. 119
En fixant nos regards fur le continent f^^fÊ
rAmérique , la première circonftance qui ^y'^^'
ious frappe efl: fon immenfe étendue. La écuidua
liécouverte de Colomb ne s'eft pas bornée veau mon-
,: nous faire connoître une portion de ter-"^^*
e qui par le peu d'efpace qu*eUe occupe
ur le globe , avoit pu éciiapper aux re-
;herches des fiecles précédens. On lui
loic la connoiflance d'un nouvel hémif-
■h\:re, plus valte que l'Europe, l'Afie ou
'Afrique , les trois divilions connues de
.'ancien ccncinent , & dont l'étendue efl
prefqu'égale au tiers du globe habitable.
L'Amérique efl remarquable, non feuîe-
lient par fa grandeur, mais encore par fa po-
fition. Elle fe prolonge depuis le cercle po-
jaire du nordjufqu'à une latitude très- haute
ivers le fud, plus de quinze cents milles au
Idelà de l'extrémité la plus avancée de l'an-
|cien continent vers le pôle antarctique.
lUne contrée d'une telle étendue comprend
itous les climats propres à devenir l'habi-
tation de l'homme (5c à fournir les diffé-
Jrentes produdions » particulières aux ré-
Igions tempérées , ain(i qu'aux régions brû-
I lames du globe.
Il Après rétendue du nouveau monde riea
Liv. IV.
1 20 Histoire
n'eft plus fait pour frapper les regards
d'un obfervateur que la grandeur des ob-
jets qu'il prèfente à la vue. La nature
fembîe y avoir tracé fes opérations d'une
main plus hardie & avoir diftingué les traits
de ce pays par une magnificence particu-
i^jQj^, liere. Les montagnes d'Amérique font
tagnes. bcaucoup plus hautes que celles des au«
très divifîons du globe ; la plaine même de
Quito 5 qui peut être regardée comme la
bafe des Andes , efl plus élevée au • delTus
du niveau de la mer .que le fommet des
Pyrénées. Cette chaîne étonnante des An-i
des, non moins remarquable par fon éten.'
due que par fa hauteur, s'élève en diffé<
rens endroits de plus d'un tiers de leui
hauteur au - defius du Pic de Ténériffe , h
plus hau^e montagne de l'ancien hémifphe.
re. C'eft des Andes qu'on peut dire à h
lettre qu'elles cachent leur tête dans leî
nues .' on entend fouvent les tempêtes écla:
ter & le tonnerre rouler au-deflbus dt
leurs fommets ; qui, tout expofés qu'ili
font aux rayons du foleil dans le centre
de la zone torride, font couverts de neigej
éternelles fO»
■ (O Voyez la Note XXVII.
De
I
B E L'A M E R I Q U R. tZi
De ces montagnes élevées à perte de ■«»■
ae , on voit defcendre des rivières d'une ,,¥Y'^^^'
^ , . llivieres*
irgeur proportionnée & avec leiquelles les
ivieres de l'ancien continent ne peuvent
tre comparées ni pour la longueur de leur
ours ni pour la mafle énorme d'eau qu'el-
;s roulent vers l'océan. Les fleuves du
laragnon , de l'Orénoque & de la Plata
ans l'Amérique méridionale, ceuxduMis-
iîipi & de Saint - Laurent dans l'Amérique
epcentrionale , coulent dans des lits fi fpa*
ieux^que même longtems avant d'éprouver
'influence de la marée , ils relTemblenC
lus à des bras de mer qu'à des rivières
■'eau douce (i).
Les lacs du nouveau monde ne font pas Lacs.
poins remarquables par leur grandeur que les
nontagnes & les rivières : il n'y a rien dans les
utres parties du globe qui reflemble à cet-
'e chaîne prodigieufe des lacs de l'Amérique
éptentrionale. On pourroit les appel 1er pro-
prement des mers médicerranécs d'eau douce:
^eux - mêmes qui ne font que de la féconde &
îe la troifieme claiTe pour la grandeur , ont en-
jfore plus de circonférence que le plus grand lac
le Tancien continent , à la mer Caspienne près.
'(0 Voyez la Note XXVIII.
Tome IL F
1^2^ Histoire
— "^ La foririe du nouveau monde efl extrê»
Forme d'e i^emenc favorable aux communications du
l'Améri- commerce. Lorfqu'un continenc comme
que ravo- ^
rabie au T Afrique efl compofé d'une mafie valte &
ce, * folide, qui n*eft poinc coupée par des bras
de mer pénétrant dans l'intérieur, & qui
n'a qu'un petit nombre de grandes rivières
placées très loin l'une de l'autre , la plus
grande partie d'un tel continent femble
condamnée par la nature h n'être jamais ci-
vilifée & à refier privée de toute commu-
nication aQive avec le refle des hommes.
Lorfque , comn:ie l'Europe , un continent
efl ouvert par de v ailes branches de l'océan,
telles que la méditerranée & la mer balti-
que, ou, lorfque, comme l'Alie 5 Tes côtes
font ouvertes par des baies profondes pé-
nétrant fort avant dans les terres , telles
que la mer noire & les golfes d'Arabie ,
de Perfe, de Bengale, de Siam & de Léo«:
tang ; lorfque les mers environnantes foni
remplies d'ifles grandes & fertiles & que
le continent même efl arrofé d'un grand
nombre de rivières navigables , on peut
dire que de telles régions poUedent toui
ce qui peut favorifer les progrès de leur;
habitans dans la civilifation <5t dans le com
B E l'A m e r I q u e. 103
mcrce. A tous ces égards TAmérique peut
entrer en comparai Ton avec les autres par-
'ties du globe. Le golfe de Mexique, qui
coule entre la partie méridionale à. la fep-
tentrionale de l'Amérique , peut être re«
gardé comme une mer méditerranée pro-
pre à ouvrir un commerce maritime avec
toutes les contrées dont elle efl environ-
née. Les ifles qui y font répandues, ne
font inférieures en nombre, en grandeur
«S: en fertilité qu'à celles de l'archipel In-
dien, En avançant le long de la partie
feptentrionale de l'hémifphere Américain,
la baie de Chefapeak préfente un canal fpa-
cieux qui conduit le navigateur fort avant
dans les parties intérieures de provinces
jnon moins fertiles qu'étendues; & fi jamais
le progrès de la culture & de la population
parvient à adoucir l'extrême rigueur du cli-
|mat dans les diftrifts plus feptentrionaux
ïde l'Amérique, la baie de Hudfon peut de-
I venir aufli favorable aux communications
[de commerce dans cette partie du globe
S que la Baltique l'efl en Europe. L'autre
s grande portion du nouveau monde eft en-
;vironnée de tous côtés par la mer, à l'ex-
ception d'un iflhme étroit qui fépare la
Liv. iV,
Xiv. IV.
124 HïSTOIRK
mer atlantique de la mer pacifique ; &
quoiqu'elle ne foit ouverte ni par des baies
profondes , ni par des bras de mer , les
parties intérieures en font acceffibles par
pîufîeurs grandes rivières qui reçoivent un
fi grand nombre de courans auxiliaires &
coulent dans des directions fî variées que
fans aucun fecours de l'art ni de Tinduitrie
il efl aifé d'établir une navigation intérieu-
re à travers toutes les provinces de ce
continent , depuis la rivière de la Plata
jufqu'au golfe de Paria, Cette bienfaifan-
ce de la nature n'eft pas bornée à la divi-
fion méridionale de l'Amérique. Le conti-
nent feptentrionaî n'efl pas moins abondant
en rivières qui font navigables prefque jaf-^
qu'à leur fource ; & l'immenfe chaîne de
fes lacs eft un moyen de comjr.unication
intérieure, plus étendu & plus commode
qu'il n'y en a dans aucune partie du globe.
Les pays qui s'étendent depuis le golfe de
Darien d'un côté jufqu'h celui de Califor-
nie de l'autre , & qui forment la chaîne
qui unit enfemble les deux parties du con-
tinent Am.éricain , ont auffi leurs avantages
particuliers. Les côtes en font baignées
d'un côté par la mer atlantique , de Tautre
B E , L; A MER î(^ U E. -125
par la mer pacifique: les rivières qui y cou-
lent, fe jettant les unes vers la première de Lw.iv.
:es mers &. les autres vers la féconde, as-
furent aux différentes provinces toutes les
facilités de commerce qui peuvent réfulter
d'une communication avec les deux mers.
Mais ce qui diftingue furtout l'Amérique femnl.
des autres parties de la terre* c'efl la tem- rature du
péruture particulière du climat & les diffé-
rentes loix qui y règlent la diflribution de la
chaleur & du froid. Ce n'eft pas fimple-
raent en mefurant la diftance d'une partie
du globe h Téquateur qu'il eft pofïible de
déterminer avec préciûon le degré de cha*«
leur qu'on y éprouve. IL.e climat d'un pays
eft affedlé tout -à - la - fois par l'élévatioa
jde la terre au-defTus du niveau de la mer,
^ [par l'étendue du continent , par la nature
• 1 du fol 5 par la hauteur des montagnes voî-
' ; fines & par d'autres circonftances. Cepen-
' dant l'influence de ces caufes refpedllve»
eft par différentes raifons moins fênfîble
dans la plus grande partie de l'ancien con-
tinent, oU la pofîtion d'un pays étant déter-
Imiinée , on peuc prononcer avec affez d&
" icertitude quelle doit y être la chaleur de
ion cli.nat de la nature des Drodadlions»
fa
125 Histoire
i?^H Les maximes fondées fur la connoiflance
^piSiomi-^^ notre hémifphere ne peuvent pas s'ap-
nuncedu pliquer à l'autre. Dans celui -ci le froid
prédomine & la rigueur de la zone glacée
s'étend fur la moitié de celle qui par fa
poiition devoit être tempérée. Des pays
oii la figue & le raifîn devroient mûrir fone-
enfevelis fous la neige pendant une moitié
de l'année , & des terres fi tuées dans le
même parallèle que les provinces les plus
fertiles & les mieux cultivées font defTé—
chées par des gelées perpétuelles qui y dé--
truifent prefqu'entierement l'adtivité de la^
végétation (3). En avançant vers ces par?-
lies de l'Amérique placées fous le même!
parallèle que des provinces d'Afie & d'A--
frique, qui jouiflent conftamment de cette
chaleur féconde favorable à la vie & à laa
végétation , l'empire du froid continue àî
s'y faire fentir, & l'hiver y règne fouvençt
avec une extrême rigueur, quoique pendant:
un court efpace de tems. Si nous traver-
fons le continent d'Amérique vers la zone
torride , nous trouverons encoTe que le
froid qui domine dans le nouveau monde ,
s'étend auflî à cette région & y modère;]
^i) Voyez la Notis XlilX,
D E l'A m e r I q u e% xa7
•excès de la chaleur. Tandis que le Ne- H^a
rre fur la côte d'Afrique eft dévoré par l-»^--^"'
'ardeur continuelle âc brûlante du climat ,
'habitant du Pérou refpire un air égaleraent
iouK & tempéré, oîP.bragé pour ainfi; dixQ
bus un dais de nuages légers qui intercepte
es rayons brûîans du foleil fans affoibliç
on influence bienfairante(i). Le long, de k
:ôte orientale de l'Amérique , le climat , quoi*
^ue plus approchant de celui de la zone
corride dans les autres parties de la terre,
sfl cependant beaucoup plus doux que dans
les contrées d'Aûe & d'Afrique fituées dans
la même latitude. Si du tropique méridio-
nal nous continuons notre marche jufqu'à
l'extrémité du continent Américain , nous
rencontrons beaucoup plutôt que dans le
nord des mers glacées & des pays affreux ,
llériles & prefqu'inhabi tables par la rigueur
du froid (2).
Différentes caufes concourenÉ- k fénélré
^ le climat de l'Amérique fi différent de celui
de l'ancien continent. Quoiqu'on ne con-
Cl) Voyage deUiloa, tom. i, p. 453. Anfon's voyages,
p. 184,
CO Anron's voyages, p. 74. Hîjf, gén» àis voytiget,
tom, XXf. llichard , hij}, nat. de raîr,
F
Ï28 Histoire
^^B noiffe pas encore jufqu'oh l'Amérique s'é-
i-iv, IV, ^g^^ ^gj.g jg j^Qj.^ ^ jjQ^g favons qu'elle s'a-
vance plus près vers le pôle que l'Âfie ou
l'Europe. Il y a au nord de TAiie de vaS'
tes mers qui font couvertes pendant une
partie de Tannée & lors même qu'elles font
couvertes de glace , le vent qui y foufïïe
a une intenfité de froid moindre que celui
qui règne à terre dans les mêmes latitudes^,
Mais en Amérique la terre fe prolonge duj
fleuve Saint -Laurent vers le pôle & s'étendJ
confidérablement à Touefl. Une chaîne d'é
normes montagnes couvertes de neige & ÛQi
glace traverfe toute cette trille région. Lej
vent, en palTant fur une fi grande étendues
de terre élevée & glacée, s'imprègne tel-«
lement de froid qu'il acquiert une adlivicéi
perçante qui fe conferve même dans fa;!
route à travers des climats plus doux & ne.
fe corrige entièrement que lorfqu'il arrive?
au golfe de Mexique. Sur tout le conti-l
nent de l'Amérique feptentrionale un vent
de nord - oueft à. un froid excefllf font
des termes fynonymes. Même dans Tété
le plus brûlant, dès que le vent tourne de
ce côté, fon adlivité ptnctrante fe fait fen-
tir par un paflage auHî violent que fubit
©R L'A M ER I QU E» I2P
dacha-ud au froid. ,C'ell à cette p^uilTance "ëh»
qu'il faut attribuer Tinfluence extraordinaire ^^^•- ^^*
du froid & Tes incurfions violentes dans les
provinces méridionales de cette partie du^
globe Ci)'
D^autres caufes non moins remarquables^
fervent à diminuer la puiffance active de
la chaleur dans les régions du contineac
de l'Amérique fi tuées entre les tropi-
ques. Dans toute cette partie dn globe le
vent foufîle invariablement dans une di-
reftion de Teft à Touefl. Ce vent, en fui*-
vant fa route à travers l'ancien continent ,
arrive à des pays qui s'^étendent le long de
la côte occidentale de l'Afrique , embrafé de
toutes les particules ignées qu'il a entraî-
nées des plaines échauffées de l'Alie & des-
fables brûlans des déferts de l'Afrique. La
GÔte d'Afrique efl: donc la région de la^
terre qui pétant expofée à toute l'ardeur de
la zone torride fans aucune circonftance
qui la tempère, doit éprouver la plus- vio-
lente chaleur. Mais ce même vent quï
apporte cette augmentation de chaleur au^r
pays Htués entre la rivière de Sénégal 65:
CO Charlevoix hiji; de loi nour* France ^tonh /i2',>
i^f,- WJ^ gùt* âes voyages y fom, XXâ-
I30 H I s T O T R E
*— ^ la Cafrerîe , traverfe l'océan atlantique^-
ï^- ly» avant que d'arriver aux côtes d*Amérique.',
Il fe refroidit en paffanc fur ce vafte amasi
d*eau, & ne fe fait plus fentir que comme*
cne brife rafraîchifTante le long des côtesi
du Bréfîl XO & de i^ Guyane ; de fortee
que ces pays , quoique comptés parmi les!
plus chauds de l'Amérique , ont un climat
tempéré en comparai fon de ceux qui fonti
dans les latitudes correfpondantes en Afri-
que (2)é En avançant dans fon cours ai
travers TAmérique , ce vent rencontre desi
plaines immenfes couvertes de forêts im-
pénétrables ou occupées par de grandesi
rivières , par des marais & des eaux fla*«
gnantes qui ne peuvent pas lui rendre unoi
grande chaleur. Enfin il arrive aux Andesi
qui traverfent tout le continent dans una
diredlion du nord au fud. En paîTant furr
ces hauteurs glacées il acquiert un tel degré!
de froid que la plus grande partie des pays!
qui fe trouvent au- delà n'éprouvent pas lai
chaleur dont ils paroi (lent fufceptibles pari
leur pofition (3), Dans les autres provin-<
(O Voyez la Note XXX.
(2) Voyez la Note XXXf.
fe) Acolla, hi^.aon orMs, B» ih c. su M. de BuC^a J|
DE l'A M E R I Q U E. t^t
\ ces de l'Amérique , depuis la terre - ferme 5"
à Touefl: jufqu'à Tempire de Mexique, la ^^^v.'iy.
chaleur du climat eft tempérée en quelques
endroits par Télévation du fol au-delTus
de la mer, en d'autres par Thumidicé ex-
traordinaire du terrain , & dans tous par
les énormes montagnes qui y font répan-
dues. Les ifles de l'Amérique fous la zone
torride font ou très - petites oir montagneu-
fes , & font rafraîchies alternativement par
les brifes de terre & de mer.
On ne peut pas expliquer d'aune manier©
également fatisfaifante les caufes du fi-oicî
exceflif qui fe fait fcntir vers rextrômité
méridionale de l'Amérique & dans les mers
qui font au - delà. On a fuppafé longtems
qu'il y avoit entre la pointe méridionale
de l'Amérique & le pôle antardtique un
vade continent auquel on a donné le nom
de terre aiiftrale inconnue^ Les mêmes pria» -
cipes qui ont fervi à expliquer Fintenlité
extrême du froid dans les régions repten»
trionales de l'Amérique, ont été employés
à expliquer celui qui fe fait fentir au cap
Horn & dans les pays voifins* L'immenfe
1^/?. nai.ikc. tom. Fil, p. 512, &c. tom. IX , p. 107, &€»
Osb-ixa's calk^* (^voyages, tom. II ^ p, 86B.
F 0
Ltf.IV.
313a Histoire
étendue du continent méridional & les
grandes rivières qu'il verfe dans l^océan cm.
été regardées par les philofophes comme.'
des CEufes fufBfantes pour occaConDer h
fenra:ion extraordinaire de froid & Je phé-
nomène plus extraordinaire encore des Tr.Qn \
glacées dans cette partie du globe. Mai!
on a cherché en %'ain le continent imaginai-- ,
le auquel on artribuoit cette inficence , & ;
l'efpace qu'il étoic cenfé occuper s'écani ;
trouvé une mer entièrement ouverte , il
^Qt avoir recours à une nouvelle hypotbe
fe pour expliquer une température ce cli^
mat fi différente de celle qu'on trouve danj
les pays fltués à une égaie diftance du pok
oppofé Ci).
Après avoir essr.'né ces qualités carac-
rAméri- térifliques <5i permanentes du continent
oue lod-
«{u'ôn la Amiéricain qui naifient des circonflances
^rr£*'^" particulières de fa iltuation & de la difpo-
lîtion de fes parties , le principal objet
qui doit fixer enfuice notre attention , c'efl
rétat ck étoit ce continent lorfqu'cn en
fit la découverte, relativement à ce qui
-dépend de rintelligence ai des opérations
de l'homme. Les effets de Tinduûrie <5c
0^ Voyiez. U^ ^'gTft XX^.
Etatd&
DE L'A M E R I Q U E. I33
du travait font plus étendus & plus confi- — ^
dérables que notre vanité même ne nous ^^v.iv,
porte à le croire. En jettant les yeax
fur la face du globe habité , on vaic qu'a*
Ee grande partie de la beauté & de la
fertilité que nous attribuons à la main de
la nature eft l'ouvrage de l'homme» Ces
elForts , lorfqu'ils fe continuent pendant
yne fuite de fiecles, parviennent à perfec-
tionner les qualités de la terre 6i à en.
changer même Tapparence. Comme une.
grande partie de l'ancien continent a été.
longtems occupée par des nations fort avan?-
cées dans les arts , notre œil s'eft accou-
tumé à voir la terre fous la forme qu'on,
lui a donnée en- la rendant propre à être.
habitée par une race nombreufe d'hommes
& à leur fournir des fubûftances^
j' Mais dans le nouveau monde., Pefpece On la
1 • w • r* rot trouve faa^
Bumame n étoit pas u avancée & la natu- yage &
je y préfentoit un afpedb bien différent»^"^^''^
Pans toutes les vafles régions qui le co,m-
pofeDC ; il ne fe trouvoit que deux mo-
Barchies remarquables pour l'étendue du.
territoi^-e &; diflinguées par quelque pro*
grès dans la eiviliiatiQn^. Le rede du con-
toêiit étoic peuplé de petites tribus iadd*
134 'Histoire
ses» pendantes , privées d'art & d*induflrie,
Liv.lV. qyj n'avoient ni les moyens de corriger
les défauts, ni le dellr d*amé]iorer l'état
de cette portion de la terre qu'ils habi-
toient. Des pays ainfî occupés étoient
prefque dans le même état que s'ils fuf-
fent refiés fans habitans. D'immenfes £o*
Têts couvroient une grande partie de cet-
te terre inculte ; & comme la main de
rinduflrie n'avoic pas encore forcé les
rivières à couler dans le canal qui leur
étoic ie plus convenable & n'avoit pas
ouvert des écoulemens aux eaux Gagnan-
tes, pîufîeurs des plaines les plus fertiles
étoient inondées par les débordemens ou
converties en marais. Dans les provin-
ces méridionales, oh la chaleur du foleil,
l'humidité du climat & la fertilité du fol
concourent à donner de l'adtivité à toutes
les puiflances de la végétation , les bois
font tellement embarrafTés par Texubérance
même de la végétatioa qu'il efl prefque
impofTible d'y pénétrer, & que la furface
du terrain y efl cachée fous des couche»
épailTes d'arbriffeaux , d'herbes & de plart-
tes fauvages. C'eil dans cet état d^ na-
ture brute à, abandoDiîée à elle-même cp&
D t l'A m e r I q u e. i^f
reflent encore plufîeurs des grandes pro- <na—
vinces deMmérique méridionale qui s'é*Liv. iv.
tendent du pied des Andes jufques à la
nier. Les colonies Européennes ont dé»
friche & cultivé quelques cantons le long
de la côte ; mais les naturels , toujours
groŒers & indolens , n'ont rien faic pour
découvrir ni pour améliorer un pays qui
pofTede tous les avantages de fituation &
de climat que la nature peut donner. En
avançant: vers les provinces feptentrionales
de r Amérique , la nature continue de pré-
fenter un afpeft fauvage & abandonné ; &
à proportion que la rigueur du climat
augmente , la terre olFre une perfpedbive
plus horrible & plus déferte. Là les fo-
rêts 5 quoique moins embarraiTées par l'ex-
cès de la végétation , font également vaf.
tes; d*immenfes marais couvrent les plai-
nes, & à peine apperçoit • on quelques
tentatives de Tindultrie humaine pour cul-
tiver ou embellir la terre. Il n'eft pas fur-
prenant que les colonies envoyées d'Euro*
pe aient été étonnées à la première vu©
du nouveau monde : il leur parut défère ^
trifte & folitaire. Lorfque les Angîois corn»
xuencerent à s*établir es Amérique, 'Éa^
l^ K I s T O I R
cî
Ië5S" appelèrent les pays dont ils prirent pof»
LiY. IV. fefliQQ ig dêfert,. Il n'y avoit que refpé-
rance flatteufe de découvrir des mines d'oF
qui pût engager les Efpagnols à pénétrer
dans les bois & les marais d'Amérique ,
011 ils obfervoient à chaque pas Textrême
différence de Tafpedl que préfente la nacu^
re inculte & fauvage d*avec celui qu'elle
prend fous la main induftrieufe de l'art (iX
Ledimat Non- feulement les travaux de l'homme
mi-fam. améliorent & embelhfTent la. terre, maia
ils la rendent encore plus falubre & plu«
favorable à la vie. Dans toute région né-
gligée & deftituée de culture , l'air e(l fia»
gnant dans les bois ; des vapeurs corrom^
pues s'^élevent des eaux; la furface de la
terre furchargée de végétation n'éprouve
point rinfluence purifiante du foîeil; la ma-
lignité des maladies naturelles au climat
s'augmente ; elles en engendrent d'autres ,
qui ne font non moins funefles.- Aufli
toutes les provinces de l'Amérique furent^
elles trouvées extrêmement mal - faines,
lorfqu'on en fit la découverte. C'ed ce que
les- Efpagnols éprouvèrent dans toutes le^.
expéditwns qu'ils Erenc dans le nouveam
lia Vo^er la^ Nam XJSOIii.
m
D E l'A m e r I q u r. 137
monde , foit pour tenter des conquêtes , ■
foit pour former des établifferaens. Quoi- l-iv.iM»
que la vigueur naturelle de leur conftitu-
tion, leur tempérance habituelle, leur cou-
, rage 6c leur confiance les rendiiTent aulïi
propres qu'aucun autre peuple d'Europe à
une vie adlive dans un climat brûlant, ils
éprouvèrent les qualités funefles & nuifi-
bles de ces régions incultes qu'ils traver-
foient & oU ils tâchoient de planter des
colonies. Il en périt un grand nombre des-
maladies violentes &, inconnues dont ils
furent attaqués. Ceux qui échappèrent à
la fureur meurtrière de cette contagion ne
purent fe dérober zuk. pernicieux effets du
climat. On les vit, fuivant la defcription
des anciens hifloriens Efpagnols , revenir
en Europe foibles , maigres, avec des re-
gards languilTans & un teint jaunâtre , û*
gnes non équivoques de la température mal?
laine des pays oti ils avpient réfldé (i^.
. L'état inculte . du nouveau monde alFec- Animaa^
.toit non - feulement la température de l'air,
mais les qualités mômes de fes produc-
tions. Le principe de la vie fembloit y
( [ ) Gomera , hijï, c. 20 - 2,2. Oviedo , hifi. lih. ll\ ^
13. //^. /^, c. 10, P. Martyr, £^.'^.545, dsc^ P. 17^
13S Histoire
avoir moins de force & d'aclivité que dans 1
•Liv. IV. i»ancien continent. Maître la vafte écen-
Quadru- °
pedes. due de TAmérique & la variété de les cli-
ihats, les difTérentes efpeces d'animaux qui
lui font propres y fonc proporcionneîle-
ment en beaucoup plus petit nombre que
dans Tautre hémirphere. On ne trouva dans
les iHes que quatre efpeces de quadrupe-
des connus, dont le plus grand n*excédoit
pas là groffeur d'un lapin. Il y avoit une
plus grande variété fur le continent. Lesi
individus de chaque efpece ne pouvoient
pas manquer de s'y multiplier extrêmement, ,
parce qu'ils étoient peu tourmentés par lesi
hommes , qui n'étoient encore ni afTez nom*
fereux ni afîez unis en fociété pour s'être reO'
dus redoutables aux animaux ; cependant le:
nombre des efpeces diftindtes ne peut être en- •
core regardé que comme très - petit. De deux t
cents efpeces différentes de quadrupèdes ré-
pandues fur la furface de la terre, on n'en trou* <
va en Amérique qu'environ un tiers lorfqu'el"
le fut découverte Ci). La nature étoit non»
feulement moins féconde dans le nouveau 1
monde , mais elle femble encore avoir été f
moins vigoureufe dans fes produdions. Lesi
(jj M. di Buflfoiij Hijio nai, iûn.ê IX , /.'• 3(5. '1
DE l'Amer i que. 139
fguadrupedes qui appartiennent originaire- ^^'m
Tient à cette partie dû globe, paroiflent Liv.iv.
§cre d'une race inférieure; ils ne font ni
îuffi rbbuftes ni auffi' farouches que ceux
de l'ancien continent. Il n'y en a aucuQ
sn Amérique qu'on puiffe comparer à l'é-
éphant & au rhinocéros pour la grandeur ,
li au lion ou au tigre pour la force & la
férocité Ci). Le tapir du Bréfîl, le plus
grand des quadrupèdes du nouveau monde,
:eft de la grofleur d'un veau de lix mois,
']Lcs pumas ^ les jaguars y les plus farouches
|des animaux carnaciers & auxquels les Eu»
ropéens ont donné mal à propos la dénomi-
nation de lions & de tigres, n'ont ni le
courage intrépide des premiers ni la voraci-
|té cruelle des derniers (2). Ils font indo-
. lens & timides, peu redoutables pour l'hoiii-
I me , & ils s'enfuient fouvent à la moindre
, i apparence de réfiftance ("3). Les mêmes
.: qualités du climat d'Amérique qui rendene
• les animaux indigènes plus petits, plus foi-
' i • (O Voyez la Note XXXIV. ■
CO M. de Buffon, hifi, nnt,'tom.IKf p. 87. Marges-
viijA//?, nat, Brnfil ^ p. 229.
Cs) M. de Buflfon, hifi, nat, tom, IX, p» 13 -.203.
Acofta, hiji. lié, If^, c. 34. Pifonis hijî» p, é, HerrerUa
dec* 4 , Uc^, JFy c, i i lié. X 3 c, 13.
■l
140 Histoire
^^^ blés & plus timides , ont exercé leur in.
^^' * fîuence pernicieufe fur ceux qui y ont paC
fé fpontanément de l'autre continent ou qui.
y ont été tranfportés par les Européens (i}.
Les ours, les loups, les daims d'Amérique,
ne font pas égaux en volume à ceuK de l'an-
cien monde (2}. La plupart des animaux
domefliques 5 dont les Européens ont pour-
vu les provinces où ils fe font établis , ont
dégénéré & pour la grofîeur & pour la qua?.
lité , dans un pays dont la température &
le fol femblent être moins favorables à la;
force & à la perfe6lion du genre animal C33.
fnfecles Mais les mêmes caufes qui eoncouroient
«reptiles. ^ diminuer le volume & k vigueur des plus
grands animaux , favorifoient la propaga-^
tion & l'accroilTeraent des reptiles & des in
feflies. Quoique cela ne foit pas particulier
au nouveau monde, & que ces odieufes;
familles^ nées de la chaleur, de l'humidi
té & de la corruption , infectent toutes
(i) Churchil , tom. V^ p, 6ç;i. Ovalle , relat» of Chtlh \
Ckurch. tom. /Il, p. lo. Sommario de Oviedo, c, 14 - 22.
Voy. de Des Marchais, tom, III^ p, 299.
Q^) M. de Buffoii 9 hlfl, nat, tom, IX ^ p. 103. Kalai'
trayels, tom, /, 102. Biettô , yoy, de la France E^uin, p,
~ CS) Voyez îa Noth XXXV^
/
DE l'A M E R I QUE. I4Ï
.' es parties de la zone torride , elles fe mul-
iplient peut-être encore plus rapidement
, m Amérique , & les individus y parvien-
' lent à une grolTeur plus extraordinaire.
;^omme cette contrée efl: en général moins-
;u1tivée & moins peuplée que les autres
parties de la terre , le principe de la vie y
on fume fon aftivité & fa force dans les
' )roduaions de cette clafle inférieure. L'air
j efl fouvent obfcurci par des nuées d*in-
I etles 5 &; la terre couverte de reptiles dé-
agréables & mal-faifans. Les environs de
^orto-Bello produifent une fi grande multi-
\ :ude de crapauds que la furface de la terre
;n efl entièrement cachée. Les ferpens àc
es vipères ne font guère moins nombreuse
ï GuayaquiU Carrhagene efl infedlée de
roupes nombreufes de chauve - fouris , qui
:ourmentent non - feulement les troupeaux ,
mais les hommes mêmes (i^. Dans les ifîes
|)n voit de tems en tems des légions de
j'ourmîs confumer toutes les productions vé-
l>étales (2) , & laififer la terre auOl pavfai-
bernent dépouillée que fi elle avoit été dé-
! (i) Voynge de Ulloa , tow. I, ^. 89. Idem. p. 147. lier*
jera, dec, 2, lih. Iff^ c. 3-19. -
(2) Voyez la Note XXXVI,
Liv. IV.
Liv.iV.
142 Histoire
vorée par le feu. Les forêts humides &.ie
fol marécageux des pays qui bordent TOré-.'
noque & le Maragnon, fourmillent de prefi
que tous les êcres malfaifans & venimeux
auxquels Tadivité d'un foleil brûlant peuu
donner la vie Çi),
oifeaux. Les oifeaux du nouveau monde ne foni
pas diflingués par des qualités aufli mar.
quées & aufli caraûériftiques que celle!
qui ont été obfervées dans les quadrupe
des. Les oifeaux font plus indépendans d(
l'homme & moins afFedlés par les change
mens que fon induflrie & fon travail opec
rent dans Tétat de la terre. Ils ont unr
grande propeniîon à pafTer d*un pays à ui
autre , & ils peuvent aifément & fans dan
ger facisfaire cet inflind de leur nature,
Auffi le nombre des oifeaux communs auîi
deux continens efl - il beaucoup plus grano
que celui des quadrupèdes, & les efpecet
mêmes particulières à l'Amérique reffenK
blent beaucoup à celles que Ton trouve danr
les régions correfpondantes de l'ancien hé
CO Voyage de la Condamitre , p. 167. Gumilla , to»
IH t p. 120 , &€, Hlft, gén, des Foyases tom, Xl^
Duinont, Mémires fur la Louîfiane, tom, 1 , p» v
Sommario de Oviedo , c . 5a - 64.
D E L'A M E R I Q U E. I43
i .
f'inirphere. Les oifeaux Américains de la zo-
ne lorride , comme ceux du même climat ^^^-i^-
en ASe 6c en Afrique, font parés d'un plu-
image qui éblouit Toeil par réclat& la beau-
|!té de Tes couleurs; mais la nature qui fem-
ble bêtre contentée de leur avoir donné
i cette agréable parure , a refufé à la plupart
ce chant mélodieux & varié qui flatte & a*
imufe roreille. Les oifeaux des climats tem-
jpérés dans le nouveau continent , de même
iîque dans le nôtre, ont un extérieur moins
«brillant ; mais ils ont auiïi en dédommage-
«ment une voix douce & méîodieufe. Ea
I quelques diftrids de FAmérique la tempe*
irature mal-fame deFair fembie avoir éténui-
ifible même à cette partie de la nature ani-
imée ; on y voit moins d'oifeaux que dans
|les autres contrées , & le voyageur eil éton-
iné de la folitude & du filence qui régnent
\ dans les forêts f i}. Il eft cependant remar-
iquable que l'Amérique, oii les quadrupe-
i des font û poltrons , ait produit le condor
: à qui Ton ne peut refufer la prééminence
I ^ CO Boiîguer, voy. au Pérou , p. 17. Cbnnvalon , voyage
\à la Mariimque , p. 96. Warien , àefcript. de Surinam,
\ Oibora's colleM, tom.. Il, p. 92 -4. Lettres édifiantes y îom,
i[ XX/F, p, 339. Chaïlevoix, bifl, de 4a NouyeiU ~ FrctKe\
to?K, III, p, is5, i;^-;b uui:; ..
•t44 Histoire
mmaam fur toute la race aîlée pour le volume, la
Liv. iv. force & le courage (i).
s«. , Dans un continent auiîî étendu que l'A-
mérique , il doit néceflairement y avoir
beaucoup de variété dans le fol. On trouve
dans chaque province quelques particulari-
tés diïlindlives , mais dont la defcription
doit être réfervée à ceux qui en écrivent
l'hifloire détaillée. En général , nous ob-
fervons que l'humidité & le froid qui do-
minent d*une manière fi frappante dans tou-
tes les parties de l'Amérique , doivent y
avoir une grande influence fur la nature du
fol. Des. pays fîtués fous le même paralle-*
le que des régions de l'ancien continent oti
Textrême rigueur de Thiver ne fe fait ja-
mais fentir, font entièrement gelés en Amé-
rique pendant une grande partie de Tannée
La terre reflerrée par ce froid exceiïif n'y'
acquiert jamais une chaleur fuffifante pour itCi
mûrir les fruits qui fe trouvent dans les par- 'p
ties correfpondantes de l'autre hémifphere.
Si Ton vouloit faire croître en Amérique:
les »
(0 Voyage de Ulloa , iom. I , p. 363. Voyage de la J
Condamine,^. 175. M. de Biiffon, fiifi. nat. tom. X^/» »|C
p. 184. Voyage de Des Marchais, tom. Ill,p* 320.
D E L'A M E R î q U E. I45
ss productions qui abondent dans quelques — "^^
antons particuliers du globe, on ne pour- -^^'^^^
Dit y réuffir que dans les parties de ce ^
ontinent qui fe trouvent de pîulieurs de-
rés plus près d€ la ligne que le fol namrel
e ces produdions , parce qu'on auroit be-
)in d'une augmentation de chaleur pour
DHtrebalancer la froideur naturelle de la
^rre & du climat Ci). Plutleurs des plan-
is & des fruits particuliers aux pays (icués
)us les tropiques , ont été cultivés avec
iccès au cap de Bonne- Efpérance ; tandis
a'àSaint- Auguflin dans la Floride, à Char-
;s -Town dans la Caroline méridionale, qui
)nt beaucoup plus près de la ligne que le
îp,les mêmes produdiohs n'ont pu y réuf-
r également (2). Mais en tenant comp-
; de cette différence de température , le
)1 de l'Amérique e(l naturellement aufîi ri-
le & aùfli fertile qu'aucune autre portioa
j globe. Comme le pays n'avoir, qu'un pe-
c nombre d'habitans peu induftrieux & pri-
és du fecours des animaux domeftiques
Dnt les nations civilifées élèvent de fi. gran-
ds multitudes , la terre n'étoit pas épuifée
CO Voyez la Note XXXVIL
C2) Voyez la, Note XXXVIII.
Toms IL G
Uw. IV.
T46 Histoire
par leur confommation. Les végétaux pro» ■
duits par fa fertilité, reftoient fouvent en-
tiers , & en fe poUrriflant fur fa furface ren
troient dans fon fein en y portant un fur*
croît de matière végétale Qi), Comme les
arbres & les plantes tirent de Tair &" de
Teau une grande partie de leur nourriture,
s'ils n*étoient pas détruits par l'homme &
par les animaux, ils rendroient à la ter-
re plus qu'ils n*en reçoivent & renrichi-
roient plutôt que de l'appauvrir ; ainli les
terres inhabitées de l'Amérique pouvoient,
continuer de s'engraifler pendant plufîeursi
fiecles. Le nombre prodigieux & l'énorme
groiïeur des arbres de ce continent atteften
la vigueur extraordinaire du fol* dans fon etai
naturel. Lorfque les Européens commence-,
rent à cultiver le nouveau monde, ils fa
rent étonnés de l'exubérance & de Fadliviti
de la végétation dans fon moule primitif
& en pluCeurs endroits l'indullrie du plani
teur s'exerce encore à diminuer 6i à épuife
une fécondité fuperflue, afin de réduire la ter
re à un état propre à une cuUuie utile (2;
CO M. de B'jfFon . hijî, nat, tom. /, p. 242. Kalro
*c»j. /, p. 151.
(2) Charlevoix, A//?, </«? la NouvelU France , tom» I, p» 40,
D E l'A m e r 1 q u e. 147
Après avoir ainû obfervé l'état du nou-
veau monde à l'époque de fa découverte , ^iv. iv,
5c confidéré les traies particuliers qui le dis- rS\^
:inguent& le Criraftérifent , l'objet qui mé-^'^^^^jl^^
'îte de fixer notre attention , c'efl de re-
:hercher comment l'Amérique a été peu-
plée, par quelle route les hommes ont pas-
'é d'un continent à l'autre , & dans quelle
partie du globe il eft le plus probable que
ïeft établie une communication entre les
kux hémifpheres.
Nous favons avec une certitude infaillible Les a-
^ue toute la race humaine eft fortie de la n'omcon-
liéme fource , & que les defcendans d'un cmîena-
ieul homme, fous la protedion divine & li^f^cnfur
^ ^ cet cbjefr
Dbéiflant aux ordres du ciel, fe font mul-
tipliés (Se ont peuplé la terre. Mais ni les
■ annales ni les traditions des peuples ne re-
[montent jufqu'à ces tems éloignés oii ils
'jDnt pris pofTeflion des diverfes contrées oii
;|ils font à préfent établis. Nous ne pou-
^ |v*ons ni fuivre les branches de ces premier
'^es familles, ni indiquer avec certitude l'é-
Doque de leurs féparations & la manière
dont elles fe font répandues fur la furface
ik'oyage de Des Marchais > tcm. I/l^ p, 229. Lery, fip,
bebry, ■^. 3 & p. 174, Voyez la Note XXXIX.
G 2
il^S Histoire
-'■■"■■ du globe. Chez les nations mêmes les plus
^^^•^^' éclairées , le période de l'hifloire authenti-;
que efl: extrêmement court, & tout ce qui
remonte au-delà eft fabuleux ou obfcur.
Il n'eft donc pas étonnant que les naturels
ignorans de l'Amérique , qui n'ont ni in-
quiétude fur l'avenir ni curiofué fur le pas-
fé, n'aient aucune conooifiance de leur pro-
pre origine. Les Californiens & les Eski-
iTïaux^ en particulier, qui occupent les par-
ties de l'Amérique les plus voiflnes de Tan»
cién continent , font fî groffiers qu'il feroit
abfolument inutile de chercher parmi eux
quelques moyens de découvrir le lieu d'oii
ils font venus, ou les ancêtres dont ils font
defcendus (i)r Nous devons le peu de lu-
mière que nous ayons fur cet objet , non
aux naturels de l'Amérique, mais à refprit
de recherche de leurs conquérans,
D'fTéren- Lorfque les Européens firent la décou-
[{jef2s!^°' verte inattendue d'un monde nouveau , pla*
ce ;à lUne grande dillance de toutes ]qs paN
ties' connues alors de l'ancien continent, &
rempli d'habitans dont l'extérieur & lesr
mœurs différoient fenfiblement du refte de!'
Tefpece humaine , la curiofîcé & l'attentioQi
Cl) Vençgas , hijl, 0/ CaJfornia^j tom, /, p, 60. i
D E L'A M E R liq U E. 14O
i
'des hommes 'indruits dut naturellement les
porter à rechercher Torigine de ces peu-
iples. On rempliroit plufieurs volumes des
I théories <Sc des fpéculations qu'on a imagU
s nées fur ce fûjec^r mais : ce font pour la
! plupart des idées- (i bifarres - & û chiméfl-
'^ques, que -je croirois faire un affront à; Piîî-
[jtelligence de mek lëdeurs li j'^ntreprenois
de les expofer en détail ou de les réfuter.
; Quelques - uns ont eu la préfomption d'ima-
iginer que les habitans de l'Amérique ne
Idefcendoient pas du père commun de tous
'les hommes, mais qu'ils formoient une ra-
ce féparée, diftinguée par: des traits parti-
culiers & dans la forme extérieure de leur
j-corps & dans les qualités caradériftiques de
jleur efprit. D'aucres prétendent qu'ils font
idefcendus de quelques refies des anciens
! habitans de la terre, échappés au déluge qui
jdu tems de Noé détruit la pl.^s grande par-
îtie de Tefpece humaine , & ils regardent
(contre toute raifon des tribus groffieres éc
fauvages, difperfées fur un continent incul-
ite, comme la race d'hommes la plus ancien--
ine qu'il y ait fur la terre. Il n'y a guère
de nation depuis le pôle du nord jufqu'à
I celui du fud, à laquelle quelque. antiquaire
I G 3
Liv. IV.
ÎJO H X 8 TO IRE
»M livré à la folie des conjedures n'ait attti-
Liv.iv. bué rhonneur d'avoir peuplé l'Amérique. Oa
a fuppofé tour à tour que les Juifs, les Ca-
nanéens, les Phéniciens, les Carthaginois,
lesGrecs^, les Scythes avoient dans les tems '
anciens formé des établilTemens fur cet hé-
mirphere occidental. On a dit que dans
des tems pollérieurs les Chinois, les Sué-
dois, les Norvégiens, les Gallois, les Ef«
pagnols y avoient envoyé des colonies en
différentes circonftances & à des époques
diverfes. Les prétentions refpeûives de ces
peuples ont trouvé des zélés partifans, &
quoique les raifons les plus plaufibles dont ils
appuyaflent leurs hypothefes ne fuflent que
des rapports accidentels de quelques coutu-
mes ou une refîemblance équivoque dé
quelques mots dans les langues refpedtives,,
on a employé de part & d'autre beaucoup^
d'érudition & encore plus de chaleur à dé*
fendre fans beaucoup d'utilité les hypothe^
fes contraires. Ces objets de conjedlure &i
de controverfe n'appartiennent pas à l'hisN
torien : renfermé dans des limites plus é*
troites , il fe borne à recueillir ce qui pa-
roît fondé fur des témoignages certains ou
très - probables. Je ne crois pas franchic.i
D E l'A M E RI q u E. 151
:es limites en préfentanc ici quelques ob- «f^iS
ifervations qui peuvent contribuer à répan- ^^'^•^^'
dre de la lumière fur ces queilions curieu-
-ifes & fi fouvent agitées.
l^. ]1 y a des auteurs qui ont tâché d'ex- 11 ne faut
• pliquer par de pures conjeclures la popula-^er^;}^^'
îtion de l'Amérique. Quelques uns ont lup- ^^^^^^j^^^^'
Dofé qu'elle avoit été originairement unie à
l'ancien continent & qu'elle en avoit été
[ réparée par le choc d'un tremblement de
terre ou la violence fubite d'un déluge.
! D'autres >ont imaginé qu'un vaifleau , dé-
tourné de fa route par la violence d'un venc
id'ouefl , avoit pu être pouffé par accid^^nt
îfur la côte d'Amérique d avoir commencé
à peupler ce continent délert (i). Il fe«
froit mutile d'examiner & de difcuter ces
[hypothefes , parce qu'il eft impolTible d'en
itirer aucun réfultat certain. Les événemens
[qu'on y fuppofe font fimplemenc polfibles ;
imais nous n'avons aucune preuve qu'ils
[font arrivés , ni par le témoignage pofitif
■de l'hifloire ni même par les fuppoiitions
} vagues de la tradition.
' (i) Parfon's, Remams of Japhei , p» 240. Ancient uni-
yerf, hijl, yol, XX, p. 164. P. Fïeyjoo , t^atro critîco, *
Itom. k\p, 304, 6?c. Acofcaa Mfi, mou novi orbis, lit,/,
c 16— lû,
G4 ,
I5â H I s T O I R F.
20. Rien ne peut être plus frivole ou
Liv.îV. pj^_,j^ incertain que de chercher à découvrir
lefiem- i'origine des Américains, en obfervant fim-
demœurs. plement les refTemblances qui peuvent fe
rouver entre leurs mœur« & celles de quel-
que nation particulière de l'ancien continent.
Si i*ôn fuppofe deux peuples placés aux
deux extrêmicés de la cerre , mais dans un
état de fociété également avancée pour la
civilifauon (Se i'induilrie , ils éprouveront;
les pnêmes befoins & feront les mêmes ef- ■
forts pour les fatisfaire^ attirés par les me-,
mes objets, animés des mêmes paillons , lesi
.mêmes idées & les mêmes fentimens s'élés ^
veront dans leur ame. Le caradlere & lés
occupations du ehaiTeur d'Amérique feront
peu difFérens de ceux d'un Afiatique qui ti-
re également fa fubfiflance de la chafle, U-
ne tribu de fauvages fur les bords du Da-
nube reffemblera beaucoup à ceux qui vivent
dans les plaines qu'arrofe le MiiTiffipi. Au
lieu donc de préfumer d'après de pareils
rapports qu'il y ait quelqu'affinité entre ces
peuples divers , nous devons feulement eni
conclure que les difpofitions & les mœurs
des hommes font formées par leur iîtuationi
& naiflent de l'état de fociabilité oli ils fel
trou*i
D E' li'A M É R I Q U Er 153
Crouvent. Du moment bb ces circbnflances ^êêêêêM-
Idommencent à s'altérer, le caraftere d'un ^^^" ^^'
peuple doit changer, & à proportion qu'il
îfait des progrès dans la. civilifation , fe^
mœurs fe raffinent, fes facultés & fes ta-
-lens fe développent» Les progrès -de rhom*
me ont été à peu près les mêmes dans tou-
tes les parties du globe , & nous pouvons
le fuîvre dans fa marche de la fimplicité
:groffiere d'une vie fauvage jufqu'à ce qu'il
■arrive à l'induflrie, aux arts & à l'élégance
fdes focié tés policées* Il n'y a donc rien
'de merveilleux dans les reilemblances qu'on
a obfervées entre les Américains & les na-r ^
tions barbares de notre continent» Si Lafî-
teau , Garcia , & plufiears autres auteurs
favoient fait ces réflexions , ils n'auroient
ipas embrouillé le iujec quils vouloient. é-
fclaircir, par leurs vains efforts pour établir
[une affinité entre différentes nations de l'an-
icien & du nouveau continent, fans en avoir
j d'autre preuve que cette reffemblance dans
Iles mœurs , qui eft le produit nécelfaire d'un
iétat femblable de foeiabihtér II eft vrai qu'il
ly a chez tous- les peuples certaines coutu*-
Imes, qui n*ayant kur fource dans aucun be*
îfois naturel, ni dans aucun defir paruculieir
G 5
Lrv, IV.
154 Histoire
à leur Ctuation , peuvent être regardées
comme des ufages d'une inilitution arbitra-
le. Si l'on découvroit entre deux peuples
établis dans 6es régions fort éloignées Tu-
ne de l'autre une parfaite conformité dans
quelques- uns de ces ufages , il feroîc natu-
rel de foupçonner que ces deux peuples ont
été liés par quelqu'affinité. Si l'on trouvoit
en Amérique une nation qui confacrât tous
les feptieraes jours à un repos religieux ; fi
chez une autre la première apparition de.
la nouvelle lune étoit célébrée avec appai
reil , on pourroit fuppofer avec raifon qupt
la première a reçu des Juifs cet ufage d'ia--
Hitution arbitraire ; mais la fête obfervée,
parla féconde ne devroit être regardée que
comme une expreffion de joie naturelle
à l'homme en voyant reparoître la planète
qui le guide & Téclaire pendant la nuit..
Les exemples de coutumes purement arbi-
traires & communes aux habitans des deux
héraifpheres font à la vérité û équivoques
& en il petit nombre qu'on ne peut en dé*
duire aucune théorie fur la manière dont 1
nouveau monde a été peuplé.
>r fvT les «0. Les hvoothefes que l'on a hazardées
cKiui. fur l'origine des Américams , d'après Tob»
D E l'A m e II I q u e. -155
fervation de leurs rites & de leurs pratiques — ■
, religieufes, ne font pas moins imaginaires & liv^v.
, deftituées de fondemens folides. Lorfque
les opinions leligieufes d'un peuple ne fonc
; ni le réfultat d'une combiuaifon raifonnée
ni l'effet de la révélation, elles ne peuvent
être que bifarres & extravagantes ; mais les
. nations barbares font incapables de fuivre
, la première méthode & n'ont pas été favo-
; rifées des avantages de la révélation. Ce-
: pendant l'ePprit humain a des procédés fi
, réguliers , lors même que fes opérations
femblent n'annoncer que de la bifarrerie &
, du caprice , que dans tous les âges & dans
1 tous les pays la prédominance de certaines
, paîîlons fera conftamraent fuivie des mêmes
effets. Le . fauvage , foit d'Europe , foit
, d'Amérique , qu'agite la crainte fuperflitieufe
des êtres invifibîes ou le defîr inquiet de
I pénécrer dans l'avenir , éprouve également
» les friffons de la terreur ou les feux de l'im-
j patience; il a recours à des prodiges & à des
I moyens de m^ême efpece , foie pour détour-
j ner le malheur dont il fe croit menacé, foit
pour deviner le fecret qui excite fa curiofi.
té. Ainû le rituel de la fuperflition fur un
continent femble à plufieurs égards n'être
G 6
lj€ Histoire
s—" que la copie de celui qu'on trouve daoS
Liv.iv.|,^yjj.g hémifphere; Fun & l'autfe autorifent
desinflïtutionsfemblables, (Quelquefois fi fri»
voles qu'elles n'excitent que la pitié, quel-
quefois fi baibares & fi fanguinaires qu'el-
les infpirent l'horreur. Mais , fans avoir be-
foin de fuppofer aucune affinité entre ces
nations éloignées, & fans imaginer que leurs
cérémonies religieufes eufienc c'té tranfmi-
fes par la tradition de l'une à l'autre, on
peut attribuer cette uniformité, qui en pla-
^lîeurs exemples femble en effet très • éton«
nante, à l'influence naturelle de la fuperfi:i*
tion & de renthoufiafme fur la foiblefie de
l'efprit humain. r'î^?
i/Amê' 4°« Nous pouvons établir comme un prin^
S^ét? ^^'P^ certain dans cette difcufîion, que l'A-
peupiée rnérique n'a été peuplée par aucune nation
par une ■ /»
nation ^ de l'ancicG continent qui eut fait des pro-
ifèe^^^^^'grès confidérables dans la civilifation. Les
habitans du nouveau monde étoient dans un
état de fociété fi peu avancé, qu'ils igno-
roiént les arts qui font les premiers efiais
de rinduilrie humaine. Les nations même
les plus cultivées de l'Amérique n'avoient
aucune connoifiance de plufieurs inventions
Êmpîes ,, prefqu^auiïï anciesoes- que la fa*
D E L^A M E Itl Q U E. I57
iîété dans les autres parties du monde & 'WÊÊm
qu'on retrouve dans, les preinieres époques '•'^^^^^*
de la vie civile. Il efl manifefte par -là que
es tribus qui originairement ont pafTé en
I Amérique fortoient de nations qui doivent ;
ivoir été aufli barbares que leui's defcendans
'étoient quand ils ont été découverts par
es Européens ; car les arts de goût & de
uxe peuvent bien décliner ou périr par les
ecoufles violentas , ; les révolutions & les
téfaftres auxquels les nations font expofées;
nais les arts nécelTaires à la vie ne. peuvent
ilus fe perdre chez un peuple qui les a une
bis connus ; ils ne font fujets à aucune des
'icifiitudes des chofes humaines & la prati-
[ue en fubfifte auffi longcems que la race
nôme des hommes. Si Tufage du fer avoit
amais été connu aux fauvages de l'Améri-
;^ue ou à leurs ancêtres ^ s'ils avoient jamais
Imployé une charrue, une navette ou une
:jbrge, l'utilité de ces inventions ks auroit
I onfervées ^ & il ed: impoffible qu'elles
iuiTent pu être oubliées ou abandonnées.
*Tous pouvons donc en conclure que les A-
.aériCains font defcendus de quelque, peuple:.
; ui fe trouvoit dans un état de fociécé trop;
'SU; avancé pour connoître les- arts nécef*
G2
JSS H I s T O I R;E
— ^ faires , puifque ces mêmes arts étoîent in-
4l.xY*.iy. connus à leurs defcendans.
Ni par des 50. H ne paroît pas moins évident que
du midi TAmérique n'a été peuplée par aucune co-
continent. ^^^^^ ^^^ nations plus méridionales de Tan-
cien continent. On ne peut pas fuppofer
qu'aucune des tribus l'auvages établies dans
cette partie de notre hémifphere ait été
chercher un pays fi éloigné. Elles n'avoient
ni Taudace, ni rinduflrie , ni la force qui
pouvoient leur infpirer le defir & leur four-
nir les moyens d'exécuter un fi long voyait
ge. Les Américains ne peuvent pas nop
plus être defcendus des nations plus civili.
fées d'Afîe & d'j^frique; <5c cela eft prouvé
non -feulement par les obfervations que j'aij
déjà faites fur l'ignorance oh ils étoientf
des arts les plus nécefiaires , mais encore
par une circonftance qui mérite d'être re-
marquée. Lorfqu'un peuple a éprouvé une
fois les avantages que procurent aux hom-
mes en fociété les animaux domeftiques 3 il ne
peut plus ni fubfifler fans la nourriture qu'i
en tire, ni continuer fes travaux fans îeui
fecours. Aufiî le premier foin des Efpa-
gnols, lorfqu'ils s'établirent en Amérique;
fut d'y porter tous les animaux domeftiqucî
DE L'A M E R I Q U E, 1S9 -^
l'Europe; & (î avant eu^ les Ty riens, les — ^
Carthaginois, les Chinois, oa quelqu'autre ^^^* ^^*
tbeuple . policé avoic pris pofleflîon de ce
r'rontinentjnousy aurions trouvé les animaux
Darticuliers aux régions d'oti ils auroient été
(iipporcés. Mais dans toute l'Amérique il
4*y a pas un feul quadrupède , apprivoifé
ou fauvage , qai appartienne proprement
fjiux pays cliauds , ou même aux climats
i^plus tempérés de l'ancien continent. Le cha-
ifmeau, le dromadaire, le cheval, le bœuf,
iétoient aulïï inconnus en Amérique que le
(jiion & l'éléphant. Il eft évident par -là que
i'ie peuple qui s'établit le premier dans le
itmonde occidental ne venoit pas des pays oîi
^ces animaux abondent ; car des hommes
^accoutumés à en faire ufage auroient natu-
'rellement regardé leur fecours non -feule-
ment comme utile , mais encore comme
Inéceflaire pour l'amélioration & même pour
la confervation de la fociété civile.
6o» En confidérant les animaux dont l'A- Les dei^
mérique eft pourvue, on peut conclure que p^îoSf
■le point de contadl le plus voifln de l'an- ^^'"51?^"*
^ ^ voiuns
'cien ôc du nouveau continent fe trouve vers l'un de
^l'extrémité feptentrionale de l'un & de l'au- vers i«
■ tre , (jC que c'èfl par - là que la communica^ "^^^
-- 1(56 Histoire
'ÉÊÊm tions^eft ouverte & qu'il s'eft établi un©
tiv. IV. correfpondance entre ces deux parties du
globe. Les vaftes contrées d'Amérique, qui
font (îtuées fous les tropiques ou qui en
approchent , font remplies d'animaux indi«i
gènes de différentes efpeces , entieremenCi
différentes -de celles qui fe trouvent dans
les parties correfpondantes de l'ancien con-
tinent. Mais les provinces feptentrionales
du nouveau monde font peuplées d'animaux i
fauvages 5 communs aux parties de notre
hémifphere fituées fous les mêmes latitudes;
L'ours, le loup , le renard, le lièvre , lé;
daim, le chevreuil, l'élan, & plufîeurs au*
très efpeces abondent dans les forêts dô
l'Amérique feptentrionale , ainfî que dans'
celles du nord de l'Europe & de l'Afie (i);.
Il paroît donc évident que les deux conti*-
nencs s^approchent l*un de l'autre par cet
côté , & font unis ou fi voifms que ces ani-
maux ont pu paffer de l'un à Tautre. =
Ceta e(ï 7^. Le voifmage aftuel des deux eonti--
par"!es TïQTïts efV Clairement prouvé par des découd-
découver- yej.f es niodernes qui ont détruit la principa*"
le difficulté fur la manière dont s'eft peu'i
plée l'Amérique. Tant que les vades régional
CO M, de Bufîbn, biJI; naU tom, IX j p. m> ^^
D E L'A M E R I Q U E. l(5l
^uî s'étendent vers l'eft , depuis la rivière — <
d'Oby jufqç'à la mer de Kàmtfchatka, ont Liv.iV.
été inconnues ou imparfaicement décrites,
irextrémicé nord - eft de notre heîiifphère
étoit fuppofée à une fi grande didance du
;; nouveau monde, qu'il n'étoit pas aifé de
iconcevoir cornaient îLaurok pu s'établir une
communication entre les deux continents,
[Mais les RuflTes ayant fournis à leur domi-
nation la partie -occideataïe de la Sibérie,
acquirent par degrés la conooiiTance de cet-
te valle contrée , en pénétrant vers refl
dans des provinces jufqu'alors inconnues.
Elles furent découvertes par des chalTeurs
qui fui voient le gibier, ou par des foldats
employés à lever les impôts ; mais la cour^
de Mofcou n'évaluoit l'importance des nou-
velles provinces que par la petite addition
ide revenu qui en réfukoit. Enfin jPierre le
Grand monta fur le trône de Rufiîe^ Son
génie vafte <Sc éclairé, occupé à iàiûr tou-
jtes les circonftances qui pouvoient agrandir
i fon empire ou illudrer fon règne, apperçut
I dans ces découvertes des conféquences qui
[avoient échappé aux regards de fes ignorans
iprédécefîeurs. Il fentit que les régions d'A-
Ce en s'étendaat vers l'eft, s'approchoient
S62 . Histoire
>— i dans la même proportion vers T Amérique 5
Xîv. IV. qu'on trou veroit probablement par • là cettêi
communication entre les deux continens
qu'on cherchoit depuis fi longtems en vain,
& qu'en ouvrant lui - même cette communi-
cation, il pourroit faire couler dans fes do-
maines par un nouveau canal une partie du
commerce & des richeffes du monde occi-
dentaL Un tel projet étoit digne d'un gé
nie qui aimoit les grandes entreprifes, Pier-
re rédigea de fa propre main des inftruûions
pour fuivre ce plan & donna des ordres
pour le mettre en exécution (i).
Ses fucceffeurs ont adopté fes idées &
fuivi fon projet ; mais les officiers que lî
cour de RufTie a employés à cette expédl
tion, ont trouvé tant de difficultés à vain
cre que leurs progrès ont été extrêmemenii
lents. Quelques traditions obfcures conferi
vées chez les peuples de Sibérie fur u
voyage qui fe fît heureufement en 164
autour du promontoire nord-efl de TAfie
encouragèrent les Rufles à fuivre la mém
route. Dans cette vue on équipa en diiFé
rens tems des vailTeaux fur les rivières d
Ci) Millier, Foyas&s £? décous crus des Rujfes^ tom. /'
f- 49 5> 141.
DE l'A M E R I Q U E, 1^3
.ena & de Kolyma ; mais dans un océan — ^
ijacé , que la nature ne femble pas avoir ^^^•^^^
i.eftiné à la navigation ^ces vaiiTeaux éprou-
erenc des défaftres multipliés & ne purent
sraplif l'objet qu'on s*étoît propofé. Au-
un vaiffeau armé par la cour de Ruffie n'a
imais doublé ce cap formidable (i); tout
e qu'on connoît de ces extrémités de l'A-
ie eft dû aux découvertes qui ont été fai-
ss dans des excurfîons par terre. On trou-
e dans toutes ces provinces une opinion
tablie qu'il y a des contrées vaftes & fer*
lies à une diflance peu conûdérabîe de
;èurs côtes ; les Ruffes imaginèrent que ces
iiontrées faifoient partie de l'Amérique; &
.)luficurs circonftances concouroient non-
i'eulement à les confirmer dans cette opini-
ipn , mais encore à leur perfuader qu'une
fnîortion de ce continent ne pouvoit pas être
11 !.rès - éloignée. Des arbres de différentes
^jiîfpeces, inconnues dans ces régions ftériles
iJe l'Afie , font chaffés fur la côte par un
ni/ent d*eft; le même vent y amené en peu
2 le jours des glaces flottantes ; de grandes
(i|:roupes d'oifeaux arrivent tous les ans du
néme côté ; enfin il s'eft confervé parmi
(i) Voyez Ja Not£ XL.
1(^4 Histoire
ËËMlLLi les.habîtans la tradition d'un commerce éta-i
Liv. IV. {3fj ancienneraenî avec des pays ficués à l'eftit
. Après avoir peCé toutes ces circonftaa'^
ces , & avoir comparé la pofîtion des coû^i
crées d'Aiîe qii'ils avoient découvertes)
avec celles des parties du nord-oueft de
l'Affiérique qui étoient déjà connues , Is
cour de Ruffie forma im plan qu'auroic dif-
ficilement ofé concevoir toute autre natiof
moins accoutumée à tenter des entreprifef
difficiles & à lutter contre de grands obftaii
clés. On donna ordre de conflruire deux
:Vaifleaux à Ochotz dans la mer de;Kam4?t
fchatka, d'où ils dévoient mettre à la voilé
pour aller faire des découvertes. Quoique
cette région inculte & flérile ne produiffj
rien qui pût fervir à la conftruâ:ion de cei*
vaifTeaux , à Texception de quelque bois d
melefe; quoique non -feulement le fer, le|
cordages, les voiles & tous les agrès néceû
^ faires pour les épiquer , mais encore U
provifîons & les vivres duffent être tranfi
portés à travers les immenfes déferts de U
Sibérie, fur des rivières d'une navigation
difficile & par des routes prefqu'impraticai
blés , la volonté du fouverain & la patieno
du peuple Ruile furmonterent à la fia tousi
D E * L'Am E R I Q U E. l€s
2S obflacles. On vint à bout de conflrui- -mamm
3 les deuK vailTeaux, qui appareillèrent de i-rv^îv.
174!.
Camtfchacka fous le commandement des ca- 4 j'^;^n.
•itaines Beerings & Tfchirikow, pour aller
econncîrre le nouveau monde par un côté
îh Ton n'en avoit jamais approché. Ils diri-
;erent leur route vers re(l;une tempête fé-
>ara bienrôt les deux vaifleaux aui ne purent '
ilas fe rejoindre; mais, malgré cet acci-
snt & plulieurs autres défaftres qu*ils é-
srouverent, les efpérances qu'on avoit con-
lues de cette expédition ne furent pas ab-
blument fruftrées. Chacun des comman»
lans découvrit une terre qui leur parut fai-
c partie du continent d'Amérique, & qui
uivant leurs obfervations femble être lîtuée
i quelques degrés au nord -oued de la côte
le la Californie. Les deux commandans fi- .
fent auffi defcendre à terre quelques- uns de
leurs gens ; mais à Tun de ces débarquemens-
îp.$ habitans s'enfuirent à l'approche des
^uffes; à l'autre ils enlevèrent ceux des-
sluflesqui étoient defcendus & détruiiîrenc
ieur chaloupe, La violence du tems & Té-
i;at déplorable oh fe trouvoit i'équipage
obligèrent les deux capitaines à abandonner
,?^s. côtes inhofpitalieres. En revenant ils
l66 H I s T O I^tt E
■uiijMLji touchèrent à difFérentes ifles qui forment
Ltv. IV. une chaîne de Teft à Toueft entre le pays
qu'ils avoient découvert & la côte d'Afie.
Ils eurent quelque communication avec les
naturels de ces ifles, qui leur parurent avoir
beaucoup de refîemblance avec ceux de TA-
mérique feptentrîonale Ils préfenterent aux
Ruffes le calumet ou tuyau de paix, fymbo"
le d'amitié , d'un ufage univerfel chez touj
les habitans du nord de l'Amérique, & qui
paroît être une inflitution particulière à ces
peuples.
Les ifles de ce nouvel archipel ont été
fréquentées depuis par les chafTeurs RufTesi
mais la cour fembloit avoir abandonné foc
premier plan de pourfuivre les découvert©
de ce côté. Ce projet fut repris tout i
coup en 1768, & le capitaine Krenitzîn euii
le commandement de deux petits vaifTeaus
équipés pour cet objet. Il tint dans fo»
voyage à peu près la même route que lei
premiers navigateurs ; il toucha aux même
ifles, dont il obferva avec plus de foin l
fituation & les produdtions , & il en décoiJ
vrit plufîeurs nouvelles que les autres n*é
voient pas rencontrées. Il n'alla pas afTi
avant vers l'efl pour reconnoître le pay
DR l'A M E R I Q U K. 15^
[ueBeerings & Tfchirikow avoient jugé fai.
e partie du continent de l'Amérique ; mais ^^^•^''^»
:n revenant par une route beaucoup plus au
jiord que celle qu'ils avoient tenue, il cor-
iigea quelques erreurs importances oh ils
îtoient tombés, de fon expédition fervira du
noins à faciliter les progrès des navigateurs
^Lii voudront ie fuivre dans ces mers (i}.
La poifibilité d'une communication entre
es deux continens par cette partie du glo-»
s n'ell plus fondée fur de fimples con-
, edtures , mais fUr des preuves inconteHa-
Dles Ç2). 11 fe peut qu'une tribu ou quel-
ques familles de Tartares errans , guidées
;Par ce befoin d'adtivité particulier à ce peu-
ple , aient paffé dans les illes les plus voiû-
;nes; & quelque groffiere que fut leur ma-
jniere de naviguer, elles ont pu en allant;
.d'une ifle à une autre arriver enfin h la côte
I d'Amérique & commencer à peupler ce con-
itinent.La dilîance des ifles Mariannes ou des
I Larrons à la terre d'AGe la plus voifine ell
: encore plus confidérable que celle qui fs
trouve entre^-^a partie d'Amérique que les
Ruffes ont découverte & la côte de Kamt-
(0 Voyez la Note XLI.
(2) ^û/. ^ Dec* 6ic. de Mullcr , tome /•
Liv. IV.
1(^8 Histoire
fchatka. Cependant les habitans des iiles
Mariannes font évidemment d'origine A fiati-
que. Si malgré l'éloignement nous recon-
DoifToDS que ces ifles ont été peuplées par
des émigrations de notre continent, la.dif-
tance feule n'eft pas une raifon pour nous
empêcher d'attribuer à la même origine la
population de TAmérique. Il eft probable
que les navigateurs qui vifîteront dans la,
fuite ces mers, découvriront, en remon*
tant davantage vers le nord, que le conti-
Eent de l'Amérique cfl encore plus près de:
TAfie. Les habitans encore barbares du pays
lîtué autour du cap nord-efl de l'Afie, préf
tendent qu'il y a à la hauteur de leur côte,
une petite ifle où ils peuvent arriver en
moins d'un jour, & que de -là on découvre
un grand continent qui félon leur récit eflf
couvert de forêts & occupé par un peupî^i
dont ils n'entendent pas la langue (i).. lîi
reçoivent de ce peuple des peaux de marte,*
animal inconnu dans les parties feptentrio-
nales de la Sibérie & qui ne fe trouve que
dans les pays oh il y a neaucoup d'arbresj
Si nous pouvions ajouter foi à ce récit , il
faui(
O) yoy. &'déc, &c.-cie Mullér, tome /• '■ --
D E L'A Isl E U 1 Q U E. 169
Liv. iV.
tfaudi'oit en conclure que le continent d'Ame
^rique n'eft féparé du nôtre que par un ca
nal étroit; & alors toutes les d'fficuîtés fur
fleur communication s'évanouiroient. Peut-
[ôtre que le mérite de décider cette queftioa
■efl réfervé à la Souveraine qui eft affîfe fur
îrône de Ruflle & qui^ en perfedlionnant
ij plan de Pierre le Grand, ajoutera un
''■UT ce brillant fuccès à ceux qui illuftrent
_.jà fon règne.
Il eft évident aufïï d'après des découver- ccirmtî-
tes récentes, qu'une communication entre p^Hcî^d
iîotre continent & l'Amérique a pu s'établir ^^^\^
Wec une égale facilité par l'extrémité nord- î^sô»
^oueft de l'Europe. Dès le neuvième liecle ,
Iles Norvégiens découvrirent le Groenland
|& y plantèrent des colonies; cette commu-
|n!cation , après avoir été longtems inter-
[rompue, s'eft renouvellée dans le fiecle der-
(nier. Quelques mifiionnaires Luthériens &
(Moraves , animés par un zèle ardent pour
[la propagation de la foi chrétienne, n'ont
[pas craint de s'établir dans cette région in-
:[culte & glacée (i). C'eil à eux qu'on doit
[beaucoup de détails curieux fur la nature
Viu pays & fur les habitans. Ils nous ont
CO CraïKz, hi/iaire du Groenland^ tom, L
Tuina II, H
170 Histoire
appris que la côte nord-oueil du Grcen-
^'''•^'^•land eft féparée de PAmérique par un dé-
troit très - rellerré ; qu'au fond de la baie
oh aboutit ce détroit il eft très - probable
que les deux continens font unis (i); que;
les habitans de l'un & de l'autre ont des
relations entr'eux ; que les Eskimaux d'Amé-
rique relTemblent parfaitement aux Groen»
landois pour la figure , le vêtement & la
manière de vivre ; que des matelots qui;
avoient appris quelques mots Groenlandois
avoient rapporté que ces mêiries mots é-
toient entendus par les Eskimaux ; enfin!]
1754. qu'un mifilonnaire Morave, très- verfé dans:
Ija langue du Groenland , ayant viilté le!
pays des Eskimaux, découvrit à fon grand.
ètonnement qu'ils parloient la même languei
que les Groenlandois , que c'étoit à tousi
égards le m.ême peuple , oc .qu'en conféi
quence il en fut reçu & traité comme m
gmi & un frère (2). l
Ces faits décififs établiflent non = feule?^
ment la confanguinité des Eskimaux & d^
Groenlandois; ils démontrent encore la pc
fibilité que l'Amérique ait été peuplée p^
CO Eggede, k'iftoîre àa Groenland ,. p. 2, 3.
(2) Crantz, htp,Qire du Groenland, p, ad, 162*
T) E l'A m F. r î q u e. 171
^|le nord de i' Europe. Si les Norvégiens 5 dans
un iiecle barbare oii la fcience n'avoic pas ^,'^t^^''
encore commencé à éclairer de Tes rayons
[e nord de notre hémifphere , onc été ce-
pendant affez bons navigateurs pour s'ouvrir
jne communication avec le Groenland, il
le feroit pas étonnant que leurs ancêtres,
luHi accoutumés à errer dans les mers que
|les Tartares le font jà errer par terre, euf*
, îrent à une époque plus reculée exécuté le
înême voyage & laiiTé au Groenland une
:oloDie donc les defcendans onc pu dans la
^ite des tems palier en Amérique. Mais fî ,
' iu lieu de fe hafarder à voguer direâ:emenc
leur côté au Groenland, nous fuppofons
' ^lue les Norvégiens onc fuivi une routa
^ boins hardie , en s'avançant de Shecland
» kux iiles Feroë (k de-là en îilande, & qu'ils
f Dnt établi des colonies en ces différentes
^ ifles , leurs progrès peuvent avoir été tel-
ement gradués que cette navigation n*au-
î roit été ni plus longue ni plus périlleufe
E î^ue tant de voyages exécutés dans tous les
i f.ems par ce peuple robuCle & entreprenant. LMm-iri-
80. Quoiqu'il foit poffible que l'Améri- ^[^'^'^^l
' i^ue ait reçu de notre hémifphere Tes pre- "'^"'^p^"-
îîiers habicans > foie par le nord-oaeft denora-eft,
H 2
172 Histoire
l'Europe 5 foit par le nord-eft de PAfîë^
i Liv. iV. ; il y a de bonnes raifons pour Tuppcfer quei
les ancêtres de toutes les nations Amérî-ii.
caines , depuis le cap Horn jufqu'aux ex-:
trêmités méridionales de Labrador , font!
venus d*A(5e plutôt que d'Europe. Les Es-'*
kimaux font les feuls peuples d'Amérique
qui par la figure & par le caradlere aient
quelque refiemblance avec les Européens,
C'efl évidemment une efpece d'hommes
particulière, diftinguée de toutes les nations*
'de ce continent par le langage , les mœurs
|& la manière de vivre. On peut donc être
autorifé à faire remonter leur origine à lia
fource que j'ai indiquée. Mais il y a parmi'
tous les autres peuples d'Amérique une ref*»
femblance û frappante & dans leur conili.
tution phyfique & dans leurs qualités moo
raies , que malgré les différences produitei
par l'influence du climat ou par l'inégalitèi
de leurs progrès dans la civilifation, noiïiJ
devons les regarder comme defcendus d'ifJ
ne mêm.e foucbe. Il peut y avoir de la vâ<!
riété dans les teintes ^ mais on retrouve par*i
tout la même couleur primitive. Chaqui
tribu a quelque caraâere particulier qui %
diflingue j mais dans toutes on reconnoi
DE l'A M E R I Q U E. I73
|:er!ains traits communs à la race entière. laraM
jG'efl: une chofe remarquable que dans tou* Liv. iv
|:es les particularités, foit phyfiques, foit
l^iorales , qui caradlérifent les Américains,
Jdfi leur trouve de la reOemblance avec les
;ribus barbares diPperfées au nord-efl de
'A(ie, mais prefqu'aucune avec les nations
établies au nord de TEarope. On peut donc
, remonter à leur première origine, &. coa-
^:lure que leurs ancêtres Afiatiques, s'étans
, établis dans les parties de l'Amérique oU les
,|Ruires ont découvert le voiûnage des deux
[Continens, fe font enfuite répandus par de-
[grés dans ces différentes, régions. Cetce
idée du progrès de la population en Amé^-
[lique s*accorde avec les traditions que les
[Mexicains avoient fur leur propre origine ,
N& qui tout imparfaites qu'elles étoient, a*
:ivoient été confervées avec plus de foin (3c
méritoient plus de confiance que celles d'au-
cun peuple du nouveau monde. Les Mexi» ,
Icains prétendoient que leurs ancêtres étoient
venus d'un pays éloigné, lîtué au nord-efl:
|de leur empire. Ils indiquoient les différens
endroits oh ces étrangers s'étoienc àrrêiîés
en avançant fucceîïïvement dans les provin-
rCes intérieures, & c'efl précifémenc la md^
H3
174 Histoire
■™sa me route qu'ils ont dû fuivre en fupporafeÇï
Liv.iv. q^j'ijs vinfTenc d'Afie. La defcripdon qiiéi
les Mexicains faifoient de la figure , deâJ
mœurs ^ de la manière de vivre de leur-j
ancêtres à cette époque ^efl: une peinture fi-i
deîe des tribus fauvages de Tartares , doriti
je fuppofe qu'ils font defcendus.
Je terminerai ici cette difcufîion fur Ui
point auquel on a attaché tanc d'importan
ce qu'il auroic été peu convenable de ro-
mettre en écrivant l'hiftoire de l'Amérique
J'ai ofé examiner la queftion , mais fari^
prétendre l'avoir décidée. Content d'ofFri
des conjedlures , je ne veux établir aucoi
fyftême. Lorfqu'une recherche efl par f
nature trop obfcure & trop compliqué
pour qu'il foit poffible d'arriver à des cor
féquences certaines, il peut y avoir que!
que mérite à indiquer du moins celles qi
font probables Ci}.
Etat & ^^ ^^ P^^s intéreffant d'examiner l'état (•
des^A^'é î^ caraûere des peuples d'Amérique, à !'(
licains. poque oh ils ont été connus desËuropéei'
(O Acofta , hijï. nat, & mor, B, Fil, c. 2 , &c. G.
cia, Orlgen. de los IncUos, lih F^ c* i* Torque mad
Monor. Ind. l'ib. i , r, 2 5 âfr . Boturinî Benaduci , tdra
Ufia hîfi, de VAm, fcpt- §. XFUl , p. 127.
[ DE l'Amérique» 175
, qa'i celle de leur origine. A celle-ci un
j pareil examen n'eit qu'un objec de cavioû-
I té ; mais à l'autre époque il peuc donner
, lieu aux recherches les plus importantes .6c
iles plus inftrudlives qui foient dignes d'oo
I cuper le philofophe ou l'hillorien. Si Ton
veut completter Thilloire de refprit humain
ôi parvenir à une parfaite connoiflance .de
fa nature & de fes procédés , il faut con-
templer l'homme dans toutes les licuations
diverfes oh la nature Ta placé; il faut fuivre
fes progrès dans les difrérens états de fo*
ciabilité par 011 il paiTe, en avançant par
degrés de l'enfance de la vie civile vers la
maturité & le déclin de l'état focial. Il
faut examiner à chaque période comment
les puiffances de fon entendement fe déve-
loppent, obferver les efforts de fes facultés
adives, épier les mouvemens de fes affec-
tions à mefure qu'elles naiflent dans fon
ame , voir le but oh elles tendent & la
force avec laquelle elles s'exercent. Les
anciens philofophes & hiftoriens de la Grè-
ce & de Rome , qui font nos guides dans
cette recherche, comme dans toutes les au-
tres 5 n'avoient que des vues bornées fur
ce fujet , parce qu'ils n'avoient eu prefqa'au-
H 4
Liv. iV.
3 7^ Histoire
5 cun moyen d*obferver l'homme dans Tdtat
1.1V. i/. ^^ ^jg fauvage. La fociété civile avoic dé-
jà fait de grands progrès dans toutes les*!
régions de la terre qu'ils connoiflbient , & les
nations qui exiftoient, avoient déjà achevé
une grande partie de leur carrière avant qu'ils
eulTent commencé à les obierver. Les Scy«
thés & les Germains font les peuples les
moins avancés dans la civilifation s fur lef-
quels les anciens auteurs nous aient tranf-
mis quelque détail authentique ; mais ces
mêmes peuples polTédoient déjà des trou-
peaux &. des beflîaux, ils connoifibient des
propriétés de différentes efpeces , 6c lorf-
qu'on les compare avec les hommes qui
font encore dans l'écat fauvage , on peut
les regarder comme déjà parvenus à un
grand degré de civilifation.
Moins La découverte du nouveau monde , a ag-
qif aucun grandi la fphere des fpéculations 6c a of--
pïïe'T ^^^'^ à notre vue des nations dans un état:
tcne. de fociété beaucoup moins avancé que ce-
lui oli Ton a pu obferver les diftérens peu->.
pies de notre continent. C'eft en Amérique :
que l'homme fe montre fous la forme la plus i
lîmpîe oh nous concevons qu'il puifle fub*
lifter. Nous y voyons des foçiétés quii
D E l'A m e r I Q u E. 177
eommencent feulement à fe former , & : ■"—*
BOUS pouvons obferver les fentimens. & les' i^^v*^^»^
allions des hommes dans Tenfance de la vie.
fociale, au moment oU ils ne Tentent enoo- -
re qu'imparfaitement la force de fes liens-
& OLi ils ont à peine abandonné une partie- .
de leur liberté naturelle. Cet état de fîm-
plicité primitive, qui n'étok connu dans
notre continent que par les defcriptions fan-
. çafliques des poètes , exiiloit réellement
dans cet autre hémifphere. La plus gran-
de partie de fes habitans, étrangers à l'in-
éuflrie & au travail , ignoroient les- arts-,
avoient à peine quelqu*ldée de propriété ;&
jouiflbient en commua des biens que)pr9'
duifoit la fécondité fpontanée de la.natur^*^
Il n*y avoit fur ce vade continent que deux
nations qui fuITent forties de cet état grof-
fier,, & qui euîTent commencé d'une maniè-
re fenfible à acquérir les idées & à adopter
les inflitutions qui appai-tiennent aux focié-'
tés policées. Leur gouvernement 6& leurs
mœurs deviendront naturellement l'objet de
nos obfervations , lorfque nous rapporterons^
la découverte & la conquête des empires da^
Mexique & da Pérou ; cette époque: nouS'
©^ifa une occalion de confidérer les. Aino^
fjS Histoire
ricaihs dans le plus haut degré de civilifa-
Liv. IV. j.JQj^ oh ils fuient jamais parvenus.
Cette re- Nous bornerons pour le moment notre
eft'bomée^tf^^^^^^^ & nos recherches à l'examen des
j^gg^^^jj'^"^ petites tribus indépendantes qui occupoient
Ciuvages. les autres parties de l'Amérique. Quoiqu'on
obfervât quelques diverfités dans le carac-
tère 5 les mœurs & les inflitutions de ces
différentes tribus, elles fe trouvoient à peu
près dans un même état de fociété, telle-
ment lîraple & grolîler , qu'on peut leur
donner à toutes également la dénomination
de fativagei\ Dans une hiiloire générale de .
l'Amérique il feroit peu convenable de dé--
crire l'état de chaque petite peuplade , 6ci
de rechercher toutes les circonftances qui
contribuent h former le caractère des indi- •
vidus qui la compoCent. Un pareil examen i
entraîneroit dans des détails faftidieux &;
interminables. Les qualités qui diftinguentt
ces différens peuples ont entr'elles une fil
grande reflemblance , qu'elles peuvent être ;
préfentées fous les mêmes traits. Si quel-«
ques circonflances paroifTent établir dans les
caraâlere & les mœurs de quelques-uns desi
particularités dignes d'être remarquées , il]
fufiira de les indiquer 6l d'en rechercher
D E L*A M E R I Q U E. I79
les caufes , à mefure que Toccafion de les 15555
obferver fe préfentera. i^'^- ï^*
Il efl: extrêmement difficile de fe procurer Difficui-
des informations fatisfaifantes & auihenti- ptccmer^
ques far les mœurs des peuples lorfqu'ils '^^^^'f^'^'
ne font pas encore civjlifés: pour découvrir exactes.
fous cette forme groffiere leur véritable ca-
radtere (Se pour recueillir les traits qui les
diftinguent , il faut dans robfervateur au-
tant d'im^partialité que de fagacité ; car
dans les différens degrés de fociabllité , les
facultés , les fentimens à. les defirs de
rhomme font tellement appropriés à fa lî«
tuation qu*ils deviennent pour lui la reg^e
de tous fes jugemens. Il attache l'idée de
perfection & de bonheur aux qualités fem-
blables à celles qu'il poiTede, & partout oa
il ne trouve pas les objets de plaiûr & de
jouiiTance auxquels il efl accoutumé, il pro-
Donce hardiment que le peuple qui en ed
privé , doit être barbare & miféfable. De • là
le mépris mutuel qae conçoivent les uns pour
les autres les membres des petites fociétés oiï
la civilifaiion n*a pas fait encore les mêmes
progrès. Les nations polies, qui fentent tous
les avantages que leur donnent les lumières
& les âi'ts y font portées à regarder avec dd»
B6
Liv. iV.
180 Histoire
dain les peuples fauvages ; & dans l'orgueil
de leur fupériorité, à peine conviendront-
elles que les occupations, les idées & les
plaifirs de ces peuples foient dignes de
rhommc Ces nations groffieres & fauva-
ges ont rarement été obfervées par des per-
fonnes douées de cette force d'efprit fupé-
rieure aux préjugés vulgaires & capables
de juger l'homme, fous quelqu'afped: qu'il
fe pré fente , avec candeur & avec difcer-:-
nement.
ïnczvz' Les Efpagnols qui entrèrent les premiers!
cité des q^ Amérique & eurent occaiion de connoî.
premiers ^
obiViva- cre les diiférentes peuplades avant qu'eîlesi
fuirent fubjuguées, difperfées. ou détruites,,
étoient bien loin de pofleder les qualités^
néceflaires pour bien obferver le fpeâ;acl5<
intérelTant qui s'ofFroit à leurs yeux.
Ni le fiecle 011 iJs vivoient , ni la natiot
à laquelle ils appartenoient , n'avoient faic
encore aflez de progrès dans les connoiflaiï^
ces folides pour qu'ils eufîent des idée;
grandes & étendues. Les conquéraos di
nouveau monde étoient pour la plupart de
aventuriers ignorans ou dépourvus de toii*
tes. les idées qui auroient pu les conduira
k biea obferver des objets, fi djfférens. dft
lems.
D E L'A M E R I Q tr E. îS]I
:eux auxquels ils étoient accoutumés. Con- J
EJnuellement environ-nés de périls & luttaDt-^-^^'*^'^*
l^rontre les difficultés y ils avoient peu de
'loifir & moins encore de capacité pour- fe
livrer à des recherches de fpcculation. Im-
patiens de s'emparer d*un pays fi. opulent
Se fi vafte , & trop heureux, de le trouver
habité par des peuples fi peu en état de le
[défendre, ils fe hâtèrent de les traiter com-
:me une miférable efpece d'hommes, pro-
pres uniquement à la fervitude, & s'occa-
perent plus à calculer les profits qu'ils poii-
voient retirer du travail des Américains ,
qu'à obferver le caractère de leur efprit,
ou à chercher les caufes de leurs inftita-
i tions & de leurs ufages. Ceux des Efpa-
; gnols qui pénétrèrent enfuite dans les provin»
I ces intérieures que les premiers conquérans
I a'avoient pu encore ni connoître ni dévafi:er5
1 y portèrent , ea général , le même efprit
I & le même caraÛere ; audacieux & braves
, au plus haut degré,, ils étoient trop peu in--
i ftruits pour être en état d'obferver 6c de
I décrire ce qu'ils voyoient.
Ce n'eil pas feulement l'incapacité des Leum^
j Efpagnols , ce font encore leurs préjugés ^^^^'"^^^
: ^ui oat rendu H défeâueufes les aotiona
ï8è Histoire
;■— ■ qu'ils nous ont laiiTées fur l'état des nat-
tiv.iv. jeis de rAmérique. Peu de tems apr;
qu'ils eurent établi des colonies dans le-
nouvelle conquête, il s'éleva parmi euxc;
difputes fur la manière dont on dévoie tr,.
ter les Indiens. Un des partis intérelTést
rendre perpétuelle la fervitude de ce pe»
pie, le prélëncoit comme une race (lupi.:
& obilinée, incapable d'acquérir des idés
religieufes & d'être formée aux occupation
de la vis fociale. L'autre parti, plein d' i
zèle pieux pour ia converfion des Indien
affirmoit que , malgré leur ignorance ;
leur fimpîicité, ils étoient doux, affeflio»
nés, dociles, & que par des inflrudions ;
des réglemens convenables ^ il feroic ai;
d'en faire de bons chrétiens & des citoye;
utiles. Cette controverfe fut foutenuc^
comme je l'ai déjà dit, avec toute la ch.
leur qu'on doit naturellement attendre, loi-
que des vues d'intérêt d'un côié, & le zej
religieux de l'autre, animent les difputaa
La plupart des laïques embrafferent la pri
miere opinion ; tous les eccléiiafllques fl
culiers furent les défenfeurs de l'autre;
nous voyons condamment que félon qu'i'
auteur tenoit à l'un de ces deux partis p\
D E L'A M E R I q U E. I83
étoit porté à exagérer les vertus 'ou les dé» «s»»
fauts des Américains fort au-delà de là vé- Liv. iv*
1 rite. Ces récits oppofés augmentent la dif-
1 ficulté de parvenir à uile connoilTance par^
afaite du caractère de ce peuple, & mettent
^ans la néceflTité de lire avec défiance tou-
tes les relations qu'en ont données les écri-
vains Efpagnols 5 6c à n'adopter leurs té-
1 TiOignages qu'avec des modificationSi ^
iii 11 s'ctoit écoulé près de deux flecles de- sy^ême^
ipuîs la découverte de l'Améri^^ue , avant ^Jj^i^^s^^' "^^
: que les mœurs de Tes habitans euflent atti-
ré férieufement Tattention des philofophes.
li ils s'apperçurent enfin que la connoifFancè
ide rétat & du caraftere de ce peuple pou-
rvoit leur offrir un moyen de remplir un
1 vuide confidérable dans Thifloire de refpe*
;ce humaine, & les conduire à des fpécula-
titions non moins curieuCes qu'importantes.
rlls entrèrent avec ardeur dans cette nou-
îiVelle carrière d'obfervation ; mais , au lieu
] de répandre la lumière fur ce fujet , ils ont
■(Contribué à quelques égards à Tenvelopper
'(d'une nouvelle obfcurité. Trop impatiens
idans leurs fpéculations , ils fe font hâtés
jde décider , & ont commencé à bâtir des
Ifyftêmesj lorrqu*iI& aur oient dû chercher
1^4 Histoire
-' '-""""■' àes faits fur lefquels ils pufifent en pofèi
Liv.iv. |,^ fondemens. , Frappés d'une apparence
de dégradatioa de l'efpece humaine dans Vé
.tendue du nouveau monde, & étonnés é
voir un vafle continenc occupé par une raqi:
4'hommes nuds, foibles & ignorans, quel
.%ms auteurs célèbres ont fou tenu que cett.'
|>arc;ie du gîobe étoit refiée plus locgtem
couverte des eaux de la m.er que l'autr
continent , &; n'étoit devenue que depui.
peu propre à être habitée par l'homme
.que tout y portoit les marques d'une origj^
De récente; que fes habitans^ nouvellemeoi
appelles à rexiftence & encore au commeiî
cernent de leur carrière , ne pouvoient êt^i
comparés aux habitans d'une terre plus as
cienne & déjà perfedionnée (i}. D'atu
très ont imaginé que dominés par l'influea
ce d'un climat peu favorable qui arrête \
énerve le principe de la vie y l'homme n'i
voit jamais pu atteindre en Amérique au d^
gré de perfedion dont fa nature efl Tufceg
tible, & qu*ily étoit relié un animal d'uiM
cîafTe inférieure, dépourvu de force daiji
fa conflitution phyfîquCj ainfî que de fenfi
CO M. de BuiTon , hiji* mU îQm& IIV, p% 494 i '^*
^yp* 112^, 1*4- • ^ V
D E L*A îkï E R I Q U E. I85
pilité & de vigueur dans fes facultés mora- — "^
es (i), D*uutres philofophes , oppofés ,à ^^* ^'^*
X • \h 5 ont prétendu que l'homme arri-
7oit au plus haut degré de dignité & d'es.
rellence donc il folt fufceptible ^ longtems
i.vant que de parvenir à ug état de ciyilifa-
ion, & que dans la fîmplicité groiTiere de
a vie fauvage, il déployoic une élévation
rame , un fentiment d'indépendance & une
:haleur d'affedion, qu'on chercheroit vai-
jîement parmi les membres des fociétés po-
licées (2.}. Ils paroilTent croire que l'état
[le l'homme eft d'autant plus parfait, qu'H
îft moins civilifé. Ils décrivent les mœurs
[les fauvages de l'Amérique avec l'enthou-
Liafme de l'admiration, comme s'ils vouloient
•es propofer pour modèles au refle de l'ef-
j3ece hum.aine. Ces théories contradiftoires
pnt été avancées avec une égale confiance,
± l'on a vu le génie ô: l'éloquence déployer
[:outes leurs reffources pour les revêtir d'à-
lie apparence de vérité.
Comme toutes ces circonflances coneou.-
\:ent à embrouiller & obfcurcir toutes les
[recherches fur l'état des nations fauvages de
CO ^î» àe Paw, recherches phUof^ fur les JJmérk*.
126 Histoire
l'Amérique, iJ eil néceflaire d'y procédei
Lw, IV. ^^Q^ beaucoup de circonfpedioD.
LoiTque nous fommes guidés dans ce trâ
•va^l par les obrervations éclairées du pet;
■n'ôni.bî'e de philoibphes qui ont parcour
cette partie du globe, nous pouvons hafai
der de porcer un jugement ; mais lorfqui
nous n'avons pour garants que les remar
ques ruperticielles des voyageurs vulgaires
'de marins, de commerçans , de boucanier
& de miffionnaires, il faut fouvent héfiteri
& en comparant des faits épars, lâcher d(
découvrir ce qu'ils n'ont pas eu la fagaciti
d'obferver. Sans fe livrer aux conjedlures!
fans montrer de penchant pour aucun fyftéi
me, il faut mettre une égale attention
éviter les excès ou d'une admiration extra
vagante ou d'un mépris dédaigneux pour ce*
mœurs que nous allons décrire.
^,, , , Afin de procéder dans cette recherchi
Méthode ^
obfeivée avec la plus grande exaditude , il faudroi)
teciierche, la fimplifier autant qu'il efl poflTible. L'hoim
me exiftoit comme individu avant de dev^
nir membre d'une fociété. Il fautMonc co^
noître les qualités qui lui appartiennent fou;
ce premier rapport, avant que d'çxaminei
c:llc-s qui réfuitent du fécond. Ce procédï
DE l'Amérique. 187
iell particulièrement indifpenfable pour étu- 9êêêêê
dier les mœurs des .peuples fauvages. Leur ^i^"^^*
union politique eft û imparfaite; leurs infti-
itutions; & leurs rcirlemens civils font en fi
ipetit nomibre, fillmples, revêtus d'une. au-
itorité fi foible, qu'on doit plutôt regarder
ices peuples comme, des êtres indépendans
Ique comme des membres d'une fociété ré-
Iguliere. Le caraftere d'un fauvage réfulte
iprefqu'entiéremenc de fes idées & de fes
ifentimens comme individu; il n'eft que foi-
'blement modifié par Tautorité imparfaite de
la police (Se de la force publique. Je fuivrai
cet ordre naturel dans mes recherche^ fur
les mœurs des Américains 5. en procédant
par degrés du plus fimple au plus compofé.
Je confîdérerai , L la conflitution phyfi-
\ que des Américains dans les pays dont il
efl: quefl:ion ; II. leurs facultés intelleQuel-
î les; 111. leur état domeflique; IV. leurs in-
I ftitutions 6l leur état politique ; V. leur fyf-
. tême de guerre & de fureté publique; VL
i les arts qu'ils pratiquoient ; VIL leurs idées
I & leurs infiitutions religieufes ; VlII. les
coutumes particulières & ifolées qui ne peu-
i\ vent fe ranger fous aucun de "ces chapitres
divers. Je terminerai le tout par une appré-
188 Histoire
P^B& ciaeion 6c une balance générale de leurs ver»i
Liv. IV. j-j^g ^ ^Q jgyyg cjéfauts.
Confiitu- I. ConJîîtuHon phyfique des Américains. Le
fiquVdes" corps humain ed: moins affedé par le cliraab
caS" ^'^^ ^^^^^ d'aucune autre efpece animale-
Quelques animaux font bornés à une régios
^ particulière du globe & ne peuvent exiftei
au-delà ; d'autres peuvent bien fupporter les
intempéries d'un climat qui, leur efl étran*
ger ; mais ils cefîent de multiplier dès qu'ils,
font tranfportés hors de cette partie du glo*
be que la nature leur avoit affignée pouc
demeure. Ceux-même qui peuvent fe natu-i
jalifer dans des climats différens éprouvent,
les effets de- toute tranfplantation hors de
leur pays natal , & dégénèrent par degrés
de la vigueur & de la perfedion dont l.euri
efpece efl fufceptible. L'homme ell la feu-
le créature vivante dont l'organifation foiû
à la fois ajGTez robulle & affez flexible pour
'lui permettre de fe répandre fur toute la
terre, d'habiter toutes les régions, de pro-»
pager & de multiplier fous tous les climats,
Soumis néanmoins à la loi générale de la na-i
ture, le corps humain n'eft pas abfolument^
infenfible à l'influence du climat, & lorf*î
qu'il ed expafé aux excès de la chaleur <Sc
DE l*Ameîlique. l8p
froid, il diminue de grandeur & de force.
La première vus des habitans du nouveau ~^j^^^^^. *
(ôrtde infpira à ceux qui les découvrirent teint^jcur
Éne telle furprife, qu'ils crurent voir uneéTcr'
l'ace d'hommes différente de celle qui peu*
lïîoit l'ancien hémifphere. Leur teint eft
îi*un brun rougeâtre, reffemblant à peu près
Il la couleur du cuivre C13. Leurs cheveux
font- noirs, longs, grodiers & foibles. Ils .
v'ont point de barbe & toutes les parties de
seurs corps font parfaitement unies. Ils ont
la' taille haute , très - droite & bien propor-
ionnée ("2). Leurs traits font réguliers ,
quoique fouvent déformés par les efforts
libfurdes qu'ils font pour augmenter la beau-
té de leur forme naturelle , ou pour rendre
leur afped plus redoutable à leurs ennemis.
Dans les ifles oh les quadrupèdes étoienc
petits & peu nombreux, & oh la terre pro-
duifoit prefque d'elle-même^ la conftitu-
tîon phyfique des naturels n'étant fortifiée
bi par rexercice adlif de la chaffe , ni par
le travail de la culture, éToit extrêmement
foible & délicate; fur le continent oh les
Iforêts abondent en gibier de toute efpece ,
I— ■ ■ '■ — — '
• (X) Oviedo , SomniArlo p. 46, D. Fie de Colomb ^chap. 24.
(2} Voyez k. NOTB XLli. .
IÇO HiSTOI RE
& 011 la principale occupation de piulîeurs
Liv.iv. peuplades étoit dé le pourfuivre à la chalTe,
le corps des naturels avoit acquis plus de vi
gueur. Cependant les Américains étoient
toujours plus diflingués par Tagilité que paii
la force ; ils reflembloient plus aux anii
maux de proie qu'à des animaux deftinés av
travail Ci}. Non- feulemenc ils avoitnc d(
l'averfion pour la fatigue ; ils étoient mêm<
incapables de la fupporter , & lorfqu'on lej
arracha par la violence à leur indolence na-H
turelle & qu'on les força de travailler , ilî
fuccomberent à la fatigue de travaux qm
les habitans de Tancien continent aur oient)
exécutés avec facilité (^2). Cette foiblelTe
de conflitution, qui étoic univerfelle parm^
les peuples quf occupoient les régions de
l'Amérique dont nous parlons, peut être re<
gardée comme une marque caràdériitiquti
de cette efpece d'hommes (^3).
Le défaut de barbe & la peau unie dt
l'Américain femblent indiquer un genre d*
Ci) Voyez la Note XLill.
C2^J 0\nedo , fom, p. ^i, Foy^ de Cowiû II, 138, Wl|
fer's defcription, p. 131. %
O) B- Las Cafas , ^riîy. rdac. p. 4. Torquem, MonarAi
580. Oviedo Sowario , p. 41 : Hiftor, Ub. Ul.^ c, 6. lier
reia, iiecad* 1, Ub, iX, c. 5. Simon,/», 41,
J) E L'A M E R I Q U E. ipi
)iblene , occafionné par quelques vices
ans fa confliiution. Il efl dépo,urvu d'un ^^''' ^^*
one de virilité & de force. Cette particu-
iicé qui diftingue les habitans du nouveau
cnde d'avec toutes les autres nations, ne
: être attribuée, comme l'ont cru quel-
? voyageurs , à leur manière de fe nour-
(i^. Quoique les alimens de la plupart
.. Américains foient extrêmement infipi-
:^s , parce qu'ils ne connoifTent point l'ufa-
t du fel, on voit en d'autres parties de la
!rre des peuplades fauvages qui vivent d'a-
mens également nmples, fans avoir cette
rarque de dégradation ni aucun fymptôme
^parent d'une diminution de force,
if Comme la forme extérieure des Améri-
:ains nous porte à croire qu'il y a dans la
ûnftitution de leur corps quelques princi-
i>es naturels de foiblefle, la petite quantité
e nourriture qu'ils prennent, a été citée
far plufieurs auteurs comme une confirma-
tion de cette idée. La quantité d'alimens
jjue les peuples confomment, varie félon la
empérature du climat oh ils vivent, le de-
^ré d'adivité qu'ils exercent & la vigueur
|iàturelle de leur conftitution phyfique. Sous
CO Cbiïk\'oix ,< hljl; ée la Nouyclle France, IIL 310»^
ipa Histoire
la chaleur accablante de la zone torride, c
Uv, IV. j^g hommes paffent leurs jours dans rind<
lence & le repos , il leur faut moins c
nourriture qu'aux habitans actifs des pa^
froids ou tempérés. Mais le défaut d'app»
tit^ fi remarquable chez les Américains, v
peut s'expliquer ni par la chaleur de lei
climat ni par leur extrême indolence. L
Efpagnols témoignèrent leur étonnement <
obfervant cette particularité non-feuleme]
dans les ifles , m.ais même en différentes pa
lies du continent. La tempérance naturel!
de ces peuples leur parut furpaiïer de bea
coup l'abilinence des hermites les plus au
teres (i); tandis que d'un autre côté Ta
petit des Efpagnols parut aux: Américaij
d'une voracité infatiable: ceux-ci difoieï
qu'un Efpagnol dévoroit en un jour pli
d'aliment qu'il n'en auroit fallu pour à
Américains ("2). Une preuve encore pli]
frappante de la foibleiTe naturelle des Am'
ricains eit le peu de fenfibilité qu'ils moj
trent pour les charmes de la beauté & po'
1
CiJ Ramufio 111,3045F. 3c6, A.Simon, CQnquifta,à\
$. 39. Hîiîduyt I[^ 468 , /^o3.
(2} Herrtra , (kcad, 1 , lib, //. c, 16,
D E L'A M E R I Q U E. ÏP3
iles pîaifirs de Tamour. Cette pafîîon defli-
[lée à perpétuer la vie, à être le lien de L^^* ^^^*
(l'union fociale & une fource de tendrefîe &
[ie bonheur, eft la plus ardente de toutes
(:elles qui enflamment le cœur humain.
i^^Joique les peines & les dangers qui tien*
lient à rétat fauvage; quoiqu'en quelques
|)ccaiîons Texceflive fatigue & dans tous les
tems la difficulté de fe procurer la fubOflan-
fre. puifTent paroître contraires à cette paf-
jion & concourir à en diminuer l'énergie ;
|:ependant les nations les plus fauvages des
iutres parties du globe femblent éprouver Ton
iijnfluence d'une manière plus puifiante que
j'fss habitans du nouveau monde. Le Nègre
^•rûle de toute l'ardeur des defirs qui efl
ijaturelle au climat oti il vit, & les peuple?
||es plus greffiers de TAfie montrent égale-
ijaent un degré de fenfibilité proportionnée
à leur pofition fur le globe. Mais les i\mé-
i([icains font h un degré étonnant infenfîbles
o;i la puiflance de ce premier inftin6l de la
glature. Dans toutes les parties du nouveau
liionde les femmes font traitées par les na«
Jirels avec froideur & indifférence: elles ne
).\mt pas l'objet de cette affedlion tendre
lui fe forme dans les fociétés civilifées , S:
Tome IL I
îp4 Histoire ^
n'infpirent point ces defîrs ardens, naturels
Liv. IV. aux nations encore groffieres. - Même dansj
les climats oii cette pafllon acquiert d'ordi-
naire fa plus grande énergie , le fauvage dei
l'Amérique regarde fa compagne avec dédain^
comme un animal d*une efpece inférieuret
à lui. Il ne s'occupe point à gagner fon af-
fedion par des foins affidus , & s'embarraffei
encore moins de la conferver par la com^ii
plaifance & la douceur (i^. Les Miffion^ii
Baires euK- mêmes , malgré Tauflérité dea
idées monaftiques, n'ont pu s'empêcher de
témoigner leur étonnement de la froide in^
différence que les jeunes Américains mon-
trent^ dans leur commerce, avec l'autre
fexe (^23 ; & il ne faut attribuer cette ré(
ferve à aucune opinion particulière , qui
Jeur falîe attacher quelque mérite à la chaf»
teté des femmes; c'efl une idée trop rafil
née pour un fauvage, & qui tient à une déi
(0 Henncpin, Blœurs des Sauvages , p. 3a, &c. RocbjP
fort, liifl, des Iflcs Antilles ^ p, 461. Voyage û'*? Cordai I||
141. Ramufio, lll, 309. F. Lozrno , Defmptlon dclGm
Ckaco ,71. Faikner's , Befmption ofPatagon^p, 125. Le£
il P. Cataneo, ap* Muratoii II, Chrlflian, Felke /, %a^
Cû> Chamraten/». 51 , Leur» edif. cqïn. 24 , 318. Du Tert|
0,337. Vene^asI, 81, Ribas, ////?., 6fe los îriuinf. p<-
D E l'A m e r I q u iî. 1P5
icatefie de fentiraent & d'aîFcQion qui lai
lîft étrangère. Liv.iv'.
. 'Dans les recherches qu'on fait fur les fa- Réflexion
fur ces
î<és phyfiques ou intelleduelles des races objets.
)ar,ticulieres d'hommes, il n'y a point d'er-
•ear pîus commune & plus féduifante que
:eîle d'attribuer à un feul principe des lin-
içularités caradérifliques qui font l'effet de
'adion combinée de plufieurs caufes. Le
:limat & le fol d'i^mérique différent à tant
regards de ceux de Tautre hémifphere , &
pette différence eft lî fenfible & 11 frappan-
te que des philofophes diflingués ont trou-
vé cette circonflance fufRfante pour expli-
Ijuer ce qu'il y a de particulier dans la coa*
jlitution des Américains. Ils attribuent tout
lux caufes phyfiques & regardent la foiblef-
e de corps & la froideur d'ame des Améri-
cains comme des conféquences de la tempé-
i'ature de cette portion du globe qu'ils habi-
ent. Cependant l'influence des caufes mo-
|ales apolitiques méritoit quelqu'actention,
tar elles opèrent avec autant de force que
[celles par lefquelles on a cru pouvoir expli- .
'|uer entieremenciJes phénomènes finguliers
;iont on a parlé. Partout cîi l'état de focié-
é eft tel qu'il en réfuke des befoins (3c des
I 2
ip<î Histoire
mmam defîfs qui ne peuvent être fatisfaits que pa
^^'^^' des efforts réguliers de rinduflrie, le corp
accoutumé au travail devient robulte & s'en
durcit à la fatigue. Dans un état plus fiim
pie, où les deOrs des hommes font (i modéi
tés & en fi petit nombre qu*on peut les fai
tjsfaire prefque fans nul travail avec le(
productions fpontanées de la nature, les fà'j
cultes du corps n'étant pas mifes en exerci
ce ne peuvent acquérir la force dont elle(
font fufceptibles. Les habitans des deuii
régions tempérées du nouveau monde. Il
Chili & l'Amérique feptentrionaîe, vivenc
de la chafîe & peuvent être regardés commii
une race d'hommes adifs & vigoureux,
on les compare aux habitans des ifles ou dei
parties du continent oh un léger travail fui
fît pour fe procurer fa fubfîftance. Les oc(
cupatîons du chafTeur ne font cependant ii
auffi régulières ni auiîi continues que celki
des hommes employés à la culture de
terre ou aux difFérens arts de la fociété a
vilifée; il peut les furpafler en agilité, maj
il leur eft inférieur en force. Si l'on doDi
noit une autre direction aux facultés aâ:ivei
de l'homme dans le nouveau monde , & qui
fa vigueur fût augmentée par l'exercice,
D E L*A M ER I Q U E. ÎP7
)0'arroit acquérir un degré de force qu'il ne — »
r-boiTede point dans fon état adlueî. Ceft Liv.iv.
î'hne vérité confirmée par rexpérience. Par-
:out oh les Américains fe font accoutumés
5ar degrés à un travail pénible, ils font de-
venus robufles de corps & capables d'exé-
:uter des chofes qui paroifTent non- feule-
î'^nent lurpalTer les forces d'une conftitution
' luflî foible que celle qu'on fuppofoit parti-
.:uliere à leur climat, mais même égaler
;out ce qu'on pourroit attendre des natu^
els de l'Afrique ou de l'Europe (i).
Le même raifonnement peut s'appliquer
: 1 ce qui a déjà été obfervé fur le peu de
: nourriture dont ils ont befoin. Pour prou»
lÊfirer que cela doit être attribué à leur extré-
ne indolence & fouvent même à une inac-
3(^;ion totale, autant qu'à aucune circonflaa-
i|:e relative à la conftitution phyfîque de leur
Iborps, on a remarqué que dans Iqs canton»
ibù les naturels d'Amérique font obligés de
cifaire quelques efforts extraordinaires d'adli-
lifvité, afin de fe procurer leur fubfiftançe,
3|Sc partout oh ils font occupés à des tra-
rjvaux pénibles, leur appétit n'efl: pas infé-
îlrieur à celui des autres hommes ; & ea
(0 Voyez la Note XLIV,
^3
ipS Histoire
S^H quelques endroits ils ont même paru à quel
Liv.iv. qyes obfervaceurs d'une voracité remarqu»
bleCi).
■' L'action des eau Tes politiques & moralfeic
s^exerce d'une manière encore plus frappann
teen modiâant le degré d'affe6lion qui uni
les deux Çe^es, Dans un état de civilifatioi
très «avancé, cette paflion, enflammée pa:
la contrainte , rafinée par la délicatefle de
fentimens, encouragée par la mode, occu.
peôc embraie le cœur tout entier. Ce n'ef
plus un lîmple inftind de nature ; le fenti-i
ment ajoute à l'ardeur des defîrs & Famé ft
fent agitée & pénétrée des plus tendre,
émotions dont elle foit fufceptibîe. Cett<
peinture ne peut cependant convenir qu'aux
hommes qui par leur fituation font exempéii
des foins & des travaux de la vie. ParnÉ
ceux des clafles inférieures , condamnés paa
leur état à un travail continuel , l'empire dd
cette paflloû a moins de violence : occupée
fans^ relâche à fe procurer leur fubûftancè
& à pourvoir au premier befoin de la nature}
ils ont peu de loifîr pour fe livrer aux im^i
prenions d'un befoin fecondaire. Mois fi h
■. . . — : = -, ~^''
(i) Gurailla II, 12-70-237. Lalicau 1, 515. U\iM>
Church. lU, 81. Miiratori I» 295.
D E l'A m e k I q u e. T90
nature des rapports établis entre les deux ^«i
fexes varie fi fore dans les rangs différeas liv. iv.
des fociétés policées, Tétac de Thomme ,
lorfqu'iVn'eft pas encore civilifé , doit pro-
duire des variations encore plus fenûbles.
Au milieu des fatigues, des dangers & de Pa
, iiinpiicité de la vie fauvage, cti la fublîftan-
ce e(l toujours précaire oc fouvent infuffi-
fante, oh les hommes font preique conti-
nuellement occupés à pourfuivre leurs enne-
mis ou à fe garantir contre leurs attaques,
c h enfin les femmes ne connoilTent encore
ri l'art de la parure, ni les réductions de la
réierve même, il eft aile de concevoir qu€
les Américains ont pu n'écre que foiblement
attirés vers l'autre '^exe , fans être obligé
d'imputer cette indifférence uniquement à
une iroperfedion ou à une dégradadon phy*
fique dans 'leur organifation.
On obferve en conféquence que dans les
parties de l'Amérique oh la fertilité du fol ,
la douceur du climat, les progrès que les
naturels ont faits dans la civilifation , one
rendu les moyens de fubfiilance plus abbn*
^ans & ont adouci -les peines attachées àMa
vie faavage , rinfcincl animal des deux fexes
eft devenu plus ardent. On en trouve djs
1 4
Liv. IV.
20O Histoire
exemples frappans dans quelques tribus éta«
blies fur les bords des grandes rivières, obi
abondent les fub(i{tan:es , <5c parmi d'autres
peuplades qui pofTedent des terreins oh ra4
bondance du gibier leur fournit fans beau4
coup de peine un moyen confiant & aiTuréi
de fe nourrir. Ce furcroîc de fécurité ôd
d'abondance produit fon effet naturel. Par-^
Jà les fentimens que la main de la nature â
gravés au cœur de l'homme acquièrent une-
nouvelle force ; il fe forme de nouveaux^
goûts & de nouveaux deûrs; les femmes ,,
plus aimées & plus recherchées, apportent(
plus d'attention à leur maintien ôc à leurr
parure, 6c les hommes commençans à fen*
tir combien elles peuvent ajouter à leur
bonheur, ne dédaignent plus les moyens de.
gagner leur afFe6lion&de mériter leurs pré--
férences. Le commerce des deux fexesi
prend dès -lors une forme différente de cel--
le qu'il a chez les peuplades plus groffieres;;
& comme ni la religion, ni les loix, ni lai
décence ne les gênent fur les moyens de fa- •
tisfaire leurs defirs , la licence de leur» i
mœurs doit être excefïïve (i).
Quoi- •
Ci) Bier, 389. Charlevok, III, 423, Duoiont, Mém,
fur la Loulfianel, 155,
DE l'A m b r I q tr e. 201
I Quoique la conftitution phyfîque des Atné- —im
iricains foie crès* foible, on n'en voit aucun Liv.iv.
! parmi eux qui foie difforme , mutilé ou Amérkain
privé de quelques fens. Tous les voyageurs ^^^^^'
ont été frappés de cette particularité & ont
vanté la régularité & la perfedion de leur
figure & de leurs traits. Quelques auteurs
' ont cherché la caufede ce phénomène dans
l'état phyfique de ces peuples. Ils fuppo»
fent que les enfans nailfent fains & vigou»
reux , parce que les pères ne font ni épui-
■ fés, ni excédés par le travail. Ils imaginent
que dans la liberté de l'état fauvage , le
corps humain, toujours nud & fans entra-
ves depuis la première enfance , en confer-
ve mieux fa forme naturelle ; que tous les
! membres acquièrent une proportion plus
; jufte que lorfqu'ils font garottés par ces
liens artificiels qui en arrêtent les dévelop-
1 pemens & en altèrent les formes (i}. Ou
ne peut pas fans doute refufer de reconnoî»
! tre à quelques égards l'influence de ces eau*
fes: mais l'avantage apparent dont nous par-
lons & qui eft commun à toutes les narions^
fauvages, tient à un principe plus profond,
plus intimement lié avec la nature & le gé»
202 Histoire
■— 1 nie de cet état de fociété. L'enfance dc!
UvAV. l'homme efl (î longue, elîe a be foin de tant
de fecours, qu'il efl très - difficile d'élevei
les enfans chez les nations fauvages, Leî<
moyens de fubfillance y font non • feulement!
peuabondans, mais incertains & précaires.^
Ceux qui vivent de la chaiïe font obligéii
de parcourir de vafles étendues de terreir
& de changer fouvent d'habitation. L'édu-
cation des enfans , comme tous les autres tra^
vaux pénibles , efl abandonnée aux femmes;,
Les peines, les privations & les fatigues in«
réparables de l'état fàuvage, à. telles qu'il
efl fouvent di fi! ci le de les foutenir dansk'
vigueur de l'âge , doivent être fatales h
renfance. Les femmes craignant dans quel-
que partie de l'Amérique d'entreprendre
une tâche auîîî pénible Se aufli longue quei
celle d'élever leurs enfans , étouffent eîlesi'
mêmes hs premières étincelles de cette vis
qu'elles fe trouvent incapables d'entretenir^
& par l'ufage de certaines herbes fe procu-
rent de fréquens a vortemens Ci}. D'autreé
nations, perfuadées quil n'y a que les en*
fans forts îk bien conformés qui foient em
_____ -. , î^f
D E l'A lt e r I Q u E. 203
, état de rupporter les peines du premier âge ,
'"abandonnent ou font périr ceux qui leur ^^^'^^'
paroiflent foibles & mal conflitués, comm_p
' peu dignes d'être confervés (i). Chez
■ ceux ' mêmes qui entreprennent d'élever in-
" diftindlement tous 'eirs enfans, il en périt
'" un fi grand nombre par le traitement rigou-
reux auquel ils font condamnés dans la- vie
fauvage, que très peu de ceux qui naiiT^nt
avec quelqu'imperfedion phyfîque parvien-
nent à rage viril (2). Ainfi dans les fociétés^
policées 5 ou les moyens de fubiîllance font
! conftans 5 atTurés , obtenus avec facilité^
' & oîi les talens de refprit font fouvent plus
' utiles que les facultés du corps , les enfans-
peuvent fe conferver malgré la difformité
à, les vices phyfiques , <5c deviennent des
citoyens utiles ; au lieu que chez les peu*
pies fauvages , ces mêmes enfans périîTantr
au moment de leur nailTance , ou devenanc
bientôt à charge à la communauté <!i à eux-
mêmes , ne peuvent traîner longtems leur
miférabic vie. Mais dans ces provinces dct
nouveau monde, oh rétabli iTcirienc des Ea^
(O Gumilla , 2--234. Techo-s , hifl» of Paraguirj^-, ?£-q^
€huTChlirs , fr./fec?. 6— 103.
^s^ Qrâuxii- /«}?. Canaû,- p^ S7'
204 Histoire
F— ropéens a procuré des moyens plus afluréî
Liv.lV. ^g pourvoir à la fubfiftance des habitans,
oh il ne leur efl pas permis d'attenter à lài
vie de leurs enfans, les Américains font fii
loin d'être diflingués par la régularité & lai
beauté de leur forme qu'on foupçonneroic
plutôt quelqu'imperfedion dans leurs races,,!
en voyant le nombre extraordina re d'indi-
vidus qui y font difformes, mutilés, aveu-
gles, fourds ou d'une petitefle monflrueu--
. fe CO.
_ «^ ^ Quelle que foit la foibleffe d'organîfation i
bîance (Jes Américains, il efl: fina:u]ier que la for-
frappante - . , (. . '' , . > / 1
dans la me humame prelente moms de variété dans
Amdri- ce nouveau comment que dans l'ancien,
Lorfque Colomb & les autres Efpagnols qui
découvrirent le nouveau monde, vificerent
pour la première fois les différentes contrées
iituées fous la zone torride, ils durent s'at»
tendre à y trouver des peuples relTembîans .
pour le teint & la peau à ceux qui vivent
dans les régions correfpondant^s de Fautre
bémifphere. Ils trouvèrent à leur grand é-
tonnement quil n'y avoit point de Nègres
en Amérique (2^ , & la caufe de ce phé»
(O Voyage de Ulloa /, 233»
{p.) P. Mai-tyr , deu j>. 71»
cainSf
DE L'A M E R I Q U B. 20^
lomene extraordinaire excita la curîofîté — i^
les hommes inftruics. Cefl aux anatomif- l-sv-lVr
es à rechercher 6l à nous apprendre quelle
(t la partie oa membrane du corps oii ré-
de cette humeur qui teint d'un noir foncé
\ peau du Nègre. L'aftion puiffante de la
haleur paroît être évidemment la caufe qui-
roduit cette variété finguliere dans refpe-
e humaine. Toute l'Europe, prefque tou*
3 TAGe & les parties tempérées de l'A*
•ique font habitées par des hommes blancs,
^oute la zone cor ri de en Afrique , quel-
ues-unes des contrées les plus brûlantes
ui en approchent , & quelques cantons de
Afie, font habités par des peuples de cou-
îur noire. Si nous fuivons les nations de
otre continent , en allant des pays froids
: tempérés vers les régions expofées à
,,aâ:ion d'une chaleur forte & continue,,
jous trouverons que l'extrême blancheur de
'i peau commence bientôt à diminuer ; que
i couleur du teint s'obfcurcit par degrés à
jîefure que nous avançons , & qu'après a-
joir pafTé par toutes les nuances fucceiHves
jlle fe termine à un noir décidé & unifor-
me. Mais en Amérique, oh l'aétion de la
j haleur efl balancée & affoiblie par diff6»
2q6 Histoire
mÊÊÊBm rentes caufeis que j'ai déjà expliquées , le
jLiv. IV. climat femble être privé de l'énergie quj
produit ces effets étonnans fur la figure
humaine. La couleur de ceux des Améri-
cains rqui vivent fous la zone torride eft
à peine d'une nuance plus foncée -que celle
des peuples qui habitent les régions pluî
tempérées du m.éme continent. Des obfer
vateurs attentifs qui ont eu occafion d(
voir les Américains dans les différens climat;
& dans des contrées fort disantes les unei
des autres , ont été frappés de la reiTeni'
blance étonnante qu'ils ont trouvée dani
leur air & leur forme extérieure fO-
Mais (i la main de la nature femble n'a
voir fuivi qu'un modèle en formant la figu
re huroaine en Amérique ^ rimagination y;
eréé des fantômes aufTi bizarres que divers
Les mêmes fables qui s^étoient répandue
dans l'ancien continent, ont été reflurcitée
dans le nouveau monde , à, l'Amérique .
' été peuplée aufîi d'êtres humains d'une foi
me monflrueufe & fantallique. On a cont
que certaines provinces étoient habitées pa
des Pygmées de trois pieds de haut , & qu
telle autre contrée produifoit des Géar
Ci>) Voyez la NoTii SI^vT ''^ . ."
D E L'A M E R I Q U E. 20?
ane énorme grandeur. Quelques voyageurs t=r=
ît publié des defcriptions de certains peu- l'iv.!^»-
es qui n'avoient qu'un œil ;' d'autres pré-
nJoient avoir découvert des hommes fans
te y dont les yeux & la bouche fe trou*
)ient placés à la poitrine. Sans doute la
iriété de la nature dans fes produirions
t (î grande , qu'il y auroit delà préfomp*
:n à vouloir fixer des bornes à fa fécon»
té & à rejetter indiftih(5lement toute ré-
tion qui ne feroit pas entièrement confor-
[e à notre expérience & à nos obrervation»
mitéeè. Mais fe hâter d'adopter ^ furies
reuves les plus légères, tout ce qui porte'
n caractère de merveilleux , c'efl une ad-
•e extrémité encore moins digne d'un efpfic
•hilorophe ; d'autant que les hommes ont
oujours été plus facilement entraînés dans
'erreur par la foibie'ue à croire trop que par
'orgueil de ne pas croire afTez. A mefure
lue les connoiiïances s'étendent ^ que la:
lature qH obfervée par des yeux plus exer»
rés 5 on voit s'évanouir les mt^rveilles qiii
'rmufoient les (lecles d'ignorance; on a ba-
)îié les contes que des voyageurs crédules
;)nt répandus fîirr Amérique; on a cherché^
lu vaiales monllres (|u'iîs ooc décrm^:^
«o8 Histoire
■WÊÊm Ton fait aujourd'hui que ces provinces c
Liv.iv. ils prétendoient avoir trouvé des habitai
d'une forme extraordinaire , font habitéi
par des peuples qui ne différent en rien d
autres Américains ([}.
Quoiqu'on j^uifle, fans entrer dans aucui
difcuffion , -lejetter de pareilles relatioi
comme fabuleufes , il y a d'autres variéti
de refpece humaine qu'on prétend avoir éi
obfervées dans quelques parties du nouvej
inonde , & qui paroiifant fondées fur di
témoignages plus graves , méritent d'ôt;
examinées avec plus d'attention. Ces vari(
tés ont été particulièrement obfervées (
trois cantons diiférens ; la première fe tro
ve à l'ifthme de Darien près du centre c
rAmérique. Lionel Wafer, voyageur q
montre plus de curiofité & d'inrelîigem
qu'on ne s'attendroit à en trouver dans i
afTocié des boucaniers , découvrit en c
endroit une race d'hommes peu nombreuA
mais finguliere Suivant fa defcripiion i
font d'une petite taille , d'une conftitutic
délicate & incapable de fupporter la fatigui
Leur teint efl d'un blanc de lait fade, qi
ne reflembîe point à celui des Worïds pa:
0) Voyez U Note XLVi,
D E L*A M E R I q U R. 1^
/
^nî les Européens, & fans la moindre nuan 9BÊSÊ
l'.G d'incarnat ou de rouge. Leur peau efl ^^v.iv.
fiouverte d'un duvet fin , couleur de craie
jilanche ; leurs cheveux , leurs fourcils &
eurs cils font de la même nuance. Leurs
jeux font d'une forme finguliere & fi foi-
l'ies qu'ils ont de la peine à fupporter la lu-
j.iiere du foleil ; mais ils voient difl:in6te«
I lent à la lumière de la lune , & ils font
j.ais & adifs pendant la nuit (i). On n'a
l-écouvert aucune race femblable dans les
|,utres parties de l'Amérique. Cortès re«
^.larqua, il efl: vrai, parmi les animaux ra-
j3s & monftrueux que Montézuma avoit
.afTemblés, quelques créatures humaines ref»
j^mblant aux hommes blancs du Darien (^a);
pais comme l'empire du Mexique étendoic
A domination jufqu'aux provinces qui bor»
^ent riflhme de Darien , il efl: proba-
le que c'étoient des êtres de la oléine ra^
e. Quelque fingularité qu'il y ait dans
a forme extérieure de ce petit peuple, on
|ie peut cependant pas le regarder comme
.'onflituant une efpece particulière. Parmi
I (0 Wafer , defcr, de Vljîhme de Darien , danf la voyage^
j! DampUrre; tom, III.
■ (2) Cortis , ap, Ramus, /. 241, £.
210 Histoire
9tMmm ]es Negrés de l'Afrique , ainîî que dan
liv. IV. quelques ifles de Tlnde , la nature prodiii
quelquefois un petit nombre d'individus, qii
ont tous les traits & toutes les qualités carafl
tériiîiques des hommes blancs du Darien:l(
premiers font appelles Albinos par les Pa
tugais , & les derniers Kackerlakes par li
Holîandois. Au Darien les pères & men
de ces hommes blancs font de la même con
leur que ceux des habitans du pays : ceti
obfervation s'applique également à la prc
géniture anomale des Nègres & des Indienïj
La même mère qui met au monde quelque
en fans d'une couleur qui n'efl pas celle cl
la race, en produit d'autres de la coulei|
qui eft propre à fon pays (i^. On pei
donc tirer une conclufion générale , relad
vement aux blancs de Wafer, aux Âlbin\
& aux Kackerlakes; c'efl qu'ils forment ui
race dégénérée & non une clafTe particuliej
d'hommes, & que la couleur & la foiblefîe pj
ticuliere qui marque leur dégradation , leJ
a été tranfmife par quelque maladie ou.vi<
phyfique de leurs parens. Oa.a obfervd
comme une preuve déciiîve de cette op[
nion , que ni 'es blancs du Darien , ni
Ci} I>Iargrav. hljlt r&r, nau hraf» lib, FIl1\ c, 4,
DE l'Amërk^uk. âll
.Ibinos d'Afrique ne propagent leur race : ■««
•îurs enfans naiflent avec la couleur & le Lïv. iv,
iiupérament propres auK autres habitans du
léme fol (i}.
Le fécond diflridl occupé par des habitans
li différent à l'extérieur des autres Améri-
àas , efl; fitué fous une latitude fort avaa*
ée vers Je nord, s'étendanc de la côte de
labrador vers le pôle 3 tant que le pays elt
abitable. Les malheureux habitans de ces-
liiles régions 5 connus en Europe fous le
om d'Efquimaux , fe font donné le nom
e Keralit , qui veut dire homme ^ par un
[fFet de ce fentiment d'orgueil national qui
'onfole les peuples les plus groiîîers & les
|)lus miférables. Ils font robuftes ôc d'une'
faille médiocre; ils ont la tête d'une grof*'
' eur déméfurée & les 'f)ieds d'une petitefTe
également difproportionnée. Leur teint ,
f^uoique bafané , parce qu'ils font continueU
fement expofés à. la rigueur d'un climat gla«
|eé i approche cependant plus du blanc des*
'Européens que de la couleur cuivrée des Amé-^
'ricains, & les hommes ont des barbes qui
I _ _________ L^
\ ' CO Wafer , ^. 34S. Demanèt , ^^. de r.lfrque II, p^
[254, l<JcJicr:/ics ^-UHof, fur les Jntér. //, p. I , â?c
2ia Histoire
>— font quelquefois longues <Sc toufFues (i]
Liv. IV. Ces particularités diftindlives, jointes à un
autre encore moins équivoque, qui eft l'a:
iinité de leur langue avec celle des Groer
landois, affinité dont j'ai déjà parlé, pec
vent nous faire conclure avec afîez de cor
fiance que les Efquimaux font une race dili
férente des autres habitans de l'Amérique.:
; On ne peut pas prononcer avec la mêmi
certitude fur les habitans du troiûeme dl;i
tria:, qui elt litué à l'extrémité méridiona
le de l'Amérique. Je parle de ces fameui
Patagons qui pendant deux fiecles & deni
ont été un fujet de difpute pour les favani
& un objet d'admiration pour le vulgaire
On les regarde comme une des tribus er
rantes, difperfées fur cette région vaflec
mais peu connue , de l'Amérique, qui s'éteni
depuis la rivière de la Plata jufqu'au détroi)
de Magellan. Leur rélidence propre et
dans cette partie de l'intérieur des terrei
qui borde le fleuve Negron ; mais dans 1
faifon des chafles ils pouffent fou vent leur
CO EUis, yoyage à la baie d'Huàfon^p, 130- 131 ; d
la Potlieiie , tom* /, p. 79. Wale's journ. of a voy* .<
Cbuf Chili river* PMU tranf, y oh LX, p» 109.
DE l'Amérique. 213
;)urres jufqu'au détroit qui fépare la terre-
|î.feu du continent. Les premières rela- Liv.iv.
pns qu'on ait eues de ce peuple furent ap-
orcées en Europe par les compagnons de
[agellan (i), & on les déciûvoit comme
le race gigantefque d'une taille au - deflus
i huit pieds & d'une force proportionnée
leur énorme grandeur. On obferve par-
, i différentes clafTes d'animaux des diffé-
nces tout auffi remarquables pour la grof-
ur. Les grandes races de chevaux & de
riens furpaffent les plus petites en volume
en force , autant que les Patagons font
(ippofés s'élever au-deffus du modèle com-
. un de la forme humaine. Mais les animaux
f3 parviennent à la perfection dont leur ef-
^2ce eft fufceptible, que dans les climats
pux & oh ils trouvent en abondance les
jimens les plus nourriflans. Ce n'efl donc
ps dans les déferts incultes des terres Ma-
[ellaniques , & parmi une tribu de fauvages
dépourvus d'indullrie & de prévoyance ,
jue nous devrions nous attendre à trouver
homme avec les plus glorieux attributs de
h nature & diilingué par une fupériorité de
'randeur & ■ de force , fort au - delTus de
j (i) Falkier'Sj cefcript, of Paiogomaf p» I02«
2^4 H I s T O I it E
tout ce qu'il a acquis dans toutes les autre
l^iv.iv. régions de la terre. , On a befoin des preu
ves les plus pofitives & les plus incontefta
blés pour établir un fait û contraire au;
loix & aux maximes générales qui femblen
afFefter à tout autre égard Ja forme humai
ne & en déterminer les qualités elTentielles
mais ces preuves n'ont pas encore été prc
duites. Quoique pi ulieurs voyageurs 3 dot
le témoignage eft d'un grand poids , akr
depuis Magellan vifîté cette même parti
de TAmérique & communiqué avec les m
turels (^i); quoique les uns aient aftîrm
que ces peuples étoient d'une taille gigac
tefque & que d'autres aient tiré la mêm
conclufion en mefurant la trace de leuii
pieds ou les fquelettes des morts ; cependad
les relations des uns & des autres différent daol
des points fi elTentiels & font mêlés de tant di
eirconflances évidemment fauffes & fabuleisl
fes qu'il eft impofîible d'y donner une ei
tiere confiance. D'un autre côté, quelque
navigateurs, & parmi ceux-ci les homme
les plus diftingués par le difcernement ^1
l'exaQimde, ont affirmé que les Patagon»
qu'ils avoient vus, quoique grands & bieij
(0 Voyez la Note XLVII.
DE l'Amérique. 215
îts , n'étoient point de cette grandeur ex-
aordinaire qui en feroit une race didinfte^^^'-^'^^'
es autres habitans de la- terre. L'exiftence
î cette prétendue race de géans femble
(>nc être encore un de ces problèmes d'hif-
ire naturelle , fur lefquels un efprit fage
Dit fufpendre fon jugement, jafqu'à ce que
îs preuves plus complettes lui apprennent
l peut adopter un fait contraire en appa-
ipnce à ce que Pexpé'rience & la raifon ont
iécouvert jufqu*ici concernant l'état & la
jruçlurede l'homme dans toutes les contrées
iyerfes oîi il a été obfervé.
Pour nous former une idée complette fur la Lear
onftitution des habitans de Tua <3<: l'autre hé- '^'^^ *
lifphere, il faudroit non - feulement confidé-
^rla forme & la vigueur de leur corps, mais
ncore examiner quel efl le degré de fan té
iont ils jouilTent 6c quelle efl: la durée com-
mune de leur vie. Dans la (implicite de
état fauvage, oh l'homme n'eft ni accablé
f>ar le travail , ni énervé par le luxe , ni
fourmenté par l'inquiétude, on eil porté à
broire que fa vie doit couler doucement ,
fens être prefque jamais troublée par la ma«
fadie ni la douleur , jufqu'à ce qu'elle fe
'termine enfin dans une extrême vieilleffe
ftid Histoire
^™™ par la dégradation fuccefiive de îa natu .
Liv.iV. Qjj trouve en effet parmi les Américain,
ainfi que chez d'autres peuples fauvage,
des hommes dont îa figure flétrie & déc .
pite femble indiquer une vieillefle ex trac •
dinaire. Mais, comme la plupart des û>
vages ignorent Tart de compter & qu'j
oublient auffi aifémeut le pafle qu'ils s'c-
cupent peu de l'avenir , il efl împoffible î
connoître leur âge avec un certain deg
X de précifîon ("!)• H efl évident que la d ■
rée commune de leur vie doit varier con
dérablement, felcn la diverûté des clima
& la manière différente dont les homm
fe nourrifient. Cependant, ils femblent et
partout exempts de plufîeurs des infirmit
qui afHgent les nations civilifées. Ils ]
connoifTent aucune des maladies qui font
produit immédiat du luxe ou de la pareffc
& ils n'ont point de mot dans leur langi
pour exprimer ce nombreux cortège (
maux accidentels auxquels nous fomm"
fujets.
^ ££*"*" Mais , quelle que foit la fituation oîi l'hon
n
CO Ulloa, notlc, Amérkt z^i% Baucioft, «<?/# hîjî,
Cuma, p. 334,
D E l'A m e r I q u n. 217
ne retrouve placé, il ed né pour foufFrir.
'^es maladies dans l'état fauvage font , à la ^^^•^^*
^ mérité, en plus petit nombre; mais, corn*
10 celles des animaux, à qui Phomme ref-
sTible beaucoup dansée genre de vie, el-
font plus violentes & plus funeftes. Si
i luxe engendre & entretient des infirmités
;n certain genre, la rigueur & les peines
h vie fauvage en produifent d'autres. Corn-
; ;2 les hommes dans cet état n'ont aucune
^f révoyance & que leurs moyens de fubûltan-
'^'3 font précaires, ils pafTent fouvent d'une
ifette extrême à une extrême abondance,
' :lonles vicilTitudes de la fortune dans leurs
.{Tes ou celles des faifons dans les pro»
• uclions de la nature. Leur exccHIve vo-
ité dans l'une de ces lituations & leur
tinence rigoureufe dans l'autre font éga-
i riment nuifibles; car, quoique l'homme puif.
ifl 12 s'accoutumer par l'habitude, ainfî que
lïs animaux de proie, à fupporter une lon-
0 lue abdineace & à manger enfuite avec
oracité, fa conditutioa ne peut manquer
i^jétre fortement affedée par ces contraltes
lens & fubits. AinQ la force & la fan-
; des fauvages efl: dans certains tems alté-
;2 par ce que leur fait fouffir la difette
Toms IL K
hivAV.
21 g Histoire
d'alimens , & en d'autres tems ils font fu
jets aux maladies qui naifTent des indigel
tions & de l'excès de nourriture. Ces ma i
ladies font fi communes qu'on peut les ni
garder comme une fuite inévitable de leu|
manière de vivre , & elles font périr u |
grand nombre d'individus au printems de lei }^
vie. Ils font très-fujets auflî à la confomjd
tion, aux pleuréfies, à l'afthme & à la p;
lalyfie (î)^ maladies produites par la fati
gue & les peines exceflîves qu'ils ont à fuji
porter dans la chafTe & dans la guerre, c
par les intempéries des faifons auxquell
ils font continuellement expofés. Dans
vie fauvage l'excès de fatigue attaque vi
lemment la conilicution ; dans les fociét
policées l'intempérance la mine. Il n'f
pas aifé de déterminer laquelle de ces dee
caufes produit les plus funefles effets I
contribue davantage à abréger la vie if
rhomme. L'influence de la première eft c •
tainement plus étendue: les efiets pernicie; l
du luxe ne fe font fentir dans toutes les :» s
ciétés qu'à un petit nombre d'individill
les peines de la vie fauvage fe font éga»
(0 Cbadevoix, Nouy, Fr, g. Lafitau^U,^. 4<J®» ^
la Potherie, ^. 2, 37.
DE l'Amérique. aip
iient fentir à tous. Autant que j'en puis ■— ■
ijger après des recherches très- détaillées, Lw.iv»
h durée commune de la vie humaine effc
lus courte parmi les fauvages que chez les
suples Induflrieux & policés. Une mala-»
ie redoutable, fléau le plus terrible dont la
ici irrité ait voulu dans cette vie châtier la
cence des defîrs criminels , femble avoir
:é particulière aux Américains. En la com*
luniquant à leurs conquérans ils ont ample-
(lent vengé leurs injures, & cette nouvelle
ilamité ajoutée à celles qui empoifonnoienc
éjà la vie humaine, a peut-être plus que
ampenfé tous les avantages que l'Europe
tirés de la découverte du nouveau monde.!
'ette maladie, prenant Ton nom du pays
th elle a d'abord exercé fes ravages ou du
leuple par qui on a cru qu'elle avoit été
jépandue en Europe, a été appellée quel-
[uefois le mal de Naples, & quelquefois le
|;.ial François.- Elle fe montra d'abord fi ter-
|ibîe, avec des fymptômes fî violens, & des
JTOgrès fi rapides ce û f une (tes , qu'elle le
iDUoit de tous les efforts de la médecine,
L'étonnement & la terreur accompagnoient
e fléau inconnu dans fa marche & les hom-
Qes commencèrent à craindre qu'il n'annon-
K 2
220^
Histoire
cât l'extindlion entière de la race hiimaiin
Liv.iv. L'expérience & l'habileté des médecins d(
couvrirent par degrés des remèdes propres
à guérir ou du moins à adoucir le maljl
Pendant le cours de deux fiecles & demi laii
violence de cette cruelle maladie s'eft cal-
mée d'une manière fenfible ; enfin, fembla*ii
ble à la lèpre qui a défolé TEurope pendant^
plufîeurs fiecles , peut-être s'épuifera - 1 - el-
le d'elle-même ; & dans un âge plus hea'i|
reux cette pelle occidentale, ainfi que cel-
le de l'Orient, ne fera plus connue que pan
les defcriptions (i),
II. Après avoir conûdéré ce qu'il paroît-
y avoir eu de particulier dans la conflitU^
tion phyOque des Américains, notre attend
tfen'doit naturellement fe porter fur îeursJ
facultés morales. De même que rindividu;|
paffe par degrés de l'ignorance & de la fàh
blefle de l'enfance à la vigueur & à la mattf^
rite de la raifon , on peut obferver une m;
che femblabîe dans les progrès de l'erpc^el
car il y a auffi peur elle un période d'ei
fance, pendant lequel plufieurs des facult<
de l'ame ne font pas encore développées
& toutes font encore foibles & imparfaitej
CO Voyez la Note XLVHI.
Qualités
morales
des Amé-
licains»
D E L'A M E R I Q U E. 22t
lans leur action. Dans les premiers, âges
le la fociété, oh l'état: de l'homme eft en- ^'^- ^^'
s^ore fîmple & groOier , fa raifon eft très-
•eu exercée & Tes deflrs fe meuvent dans
;ne fphere très -étroite. De • là naiffent
leux caraQeres remarquables qui diilinguenc -
''efprit humain dans cet état : fes facultés
j nteileduelles font extrêmement bornées ; fes
fForts & {es émotions font foibîes & en . -
•etit nombre. Ces deux caraderes fe re-
marquent clairement chez les plus fauva-
;es des tribus Américaines & forment une
)artie eiTentielle de leur defcription.
Ce que les nations polies appellent rai'.f^cuît^s
onnemensou recherches de fpécuktion 5 eft tueiies
■■ntierement mconnu dans ce premier etattées.
le fociété, & ne peut jamais devenir Toc-
rupation ou l'amufement de l'homme, juf-
pa'à ce qu'il ait fait aflez de progrès pour
e procurer une fubliftance con liante & af*
urée & pour jouir du loifîr & du repos,
^es penfées & l'attention d'un fauvage font
■enfermées dans le petit cercle d'^objets qui
[ntéreffent immédiatement fa confervation
[)U une jouilTance. atluelie. Tout ce qui eil
iU^delà échappe à fes regards, ou lui eil
^.Tte
ment indiiférent : femblable aux ani.
K3
222 Histoire
?*5Ë5i maux , ce qui efl fous fes yeux rintérefle 5
Liv. IV. ]»affcde i ce qui eft hors de la portée de f
vue ne lui fait aucune iniprelîîon (i)» ^^ Y
en Amérioue plufieurs peuples qui ont Tinte)
ligence trop bornée pour être en état de fair
aucune difpofition pour l'avenir. Leur prc
voyance & leurs foins ne s'étendent pas jui
ques . là. Ils fuivent aveuglément Timpu!
fion du fentiment qu'ils éprouvent, & d
s'embarraflent point des conféquences qi
peuvent en réfulter dans la fuite, ni mêm
de celles qui ne fe préfentent pas immédia
tement à leur efprit. Ils mettent le plu
grand prix à tout ce qui leur pré fente quel
qu'utilité ou quelque jouifTance adtuellei
& ne font aucun cas de tout ce qui n'ei
pas l'objet d'un befoin ou d'un defîr du mo
ment ("2). Lorfqu'à l'approche de la nuk
un Caraïbe fe fent difpofé à fe livrer ai
fommeil, il n'y a aucune confidération qt^
puifle le tenter de vendre fon hamac ; mail
le matin , lorfqu'il fe levé pour fe livrer
aux travaux ou aux plaifîrs que le jour h
(i) Ulloa, Noîidas ^meric, p, 222.
Câ) Venegas , htftolre de la Californien 1, p, 66. Chui
Chili colleSi, V^ 693, Barde, àefcr, des Caraïbes ^p» li
WiiiiFoy, 194.
D E L*A M E R I Q U E. 2Ô3
i annonce, il donnera ce même hamac pour mmm
la bagatelle la plus inutile qui viendra frap- ^^^'* ^^'
per Ton imagination (i}. A la fin de i'hi-
îver 3 quand Timpreffion de ce que la rigueur
du froid lui a fait fouffrir efl encore récen-
te dans refprît du fauvage d'Amérique , il
,5'occupe avec aûivicé à préparer des maté-
riaux pour fe bâtir une hutte commode qui
puifie le garantir contre Tinclémence de la
Ifaifon fuivante; mais à mefure que le tems
^devient plus doux , il oublie ce qu'il a é-
Iprouvé, abandonne Tes travaux & n'y penfe
[plus, jufqu'à ce que le retour du froid le
force, mais trop tard, à les reprendre (2}.
Si pour les intérêts les plus preiTans , &
h ce qu'il fcmble les plus iîmples , la raifoa
[de l'homme fauvage & dénué de cukure ,
diffère fi peu dé la légèreté des enfans 6c
du pur inftmdl des animaux , elle ne peac
pas avoir une grande influence fur les au-
tres allions de fa vie. Les objets fur lef-
, quels la raifon s'exerce & les recherches
auxquelles elle fe livre , dépendent de la fi-
tuation 011 l'homme efl placé , & lui font
indiquées par fes affedlions & fes befoins.
CO Labat, Foy, 7/, 114, 115. Dutertre, //, 385*
Qt) Aia.lt i hîjh of Amer, înd, 417.
K4
224
H ISTOI RE
Liv. ÎV.
Les réflexions qui paroifîent les plus nécef-
faires Ôc les plus importantes aux hommej
dans un certain état de fociété , ne le pré^
fentent jamais à eux dans un autre ordre dé|
chofes. Chez les nations civilifées, l'arith-i
métique ou l'art de combiner les nombres^
efl regardée comme une fcience eflentielîe
élémentaire, dont Tinvention & l'ufage dansa
notre continent remontent à des tems antéf ^
rieurs aux monumens de rhifloire. Mais;<
parmi des fauvages qui n'ont ni des biens ai
évaluer,, ni des richefies accumulées àcomp?>i
ter 5 ni une multitude d'objets & d'idées il
dénombrer, l'arithmétique efl un art inutifi
le & fuperflii ; auOi efl -elle entièrement
inconnue à pluiieurs peuplades Américaines^,
11 y a des fauvages qui ne peuvent comp-
ter que jufqu'à trois, &: n'ont aucun termei
pour diflinguer un nombre fupérieur (i).l
Quelques-uns comptent jufqu'à dix, (Sci
d'autres jufqu'à vingt. Lorfqu'ils veulent j
donner l'idée d'un nomibre au - delà , il^i
montrent leur tête, pour faire entendre que
ce nombre efl égal à celui de leurs che^
veux, ou difent avec étonnement qu'il efti
fil
Cij LaCondaniine, p, 67. Stndius, ap. deBry.^X, i2S»i
LQtYfîMd. 251. Biet, 362» Leurss Edif, 23-214.
ï> E l'A m e r I Q û Ë, 225
il grand qu'il e(l impofilbledé re?cprimer(iO.
i^on-Teulem-irt les Américains, mais .enco- Lxv.IV.
e tous les peuples qui font dans cec étac
aavage, fembîenc ignorer V^t du calcul (2).
vcpendanc , auffitôt qu'ils apprennent à con*
oître une grande variété d'objets & qu'ils
nt des occafions fréquentes de les confidé-
cY unis ou divifés , ils fe perfedionnent
ans la connoillance des nombres; de for- •
e que l'état de cet art chez tous les peu-
lies peut être regardé comme une régie
l'a près laquelle oh peut eflimer les degrés
le leurs progrès dans la ciyilifatiôn. Les
roquois dans l'Amérique feptentrionale, é-
ant beaucoup plus civilifés que les habitans
^rofliers du Bréûl , du Paraguai & de îa
juyane , font auffi beaucoup plus avancés
i cet égard , quoique leur calcul ne s'étende
)as au-d^là de mille ; ma-is ils n*ont point
d'affaires aflez compliquées pour avoir bs*
':bin de fùppmer de plus grands nombres (3^
LesCherakis, qui forment umi nation moins
Ci) Duniorit , Louis, I, p. iS^. Heri'eia , ^^t'^^.' i , lif^
7/, c. 3. Bict, 396. Borde, 6.
C^) C'eft le cas des Groenlandois , voyez Crantz, T,
ils, & des Kanufchadales ,. voy. l'Abbé Ch.tpp&, m^
Qi.y Chadevobi , Nouy, Fr, Iir, po> 40s,-
K5
22(î Histoire
— confidérable du même continent, ne pe
Uv. IV. ygjj^ compter que jufquà cent , & ils o
des mots pour exprimer les difFérens nor
bres jufqu'à ce terme -là. Les tribus pli
petites de leur voifmage ne vont pas au -d
là de dix (i).
Ils n'ont L'exercice de Tentendement chez les pe«
Séès'^abr* P^^^ fauvages efl: à d'autres égards encoi
eaices. plus limité. Les premières idées de toi
être humain ne peuvent être que celles quy
reçoit par les fens ; mais il ne peut guenr
en entrer d'autres dans l'efprit de rhomnr
tant qu'il eft dans l'état fauvage. Son œ
cft frappé des objets qui l'environnent. Ceui
qui peuvent fervir à Ton ufage ou fatisfain
quelqu*un de fes defirs attirent Ton attei'
tion; mais il voit les autres fans intérêt «
fans curiofité, lî fe contente de les con()
dérer fous le rapport fimpîe où ils s'ofïrec
à lui;, c'eft-à-dire, ifolés tSi diftindls les ud
des autres ; mais il ne fonge point à U
combiner pour en former des clafles génè
raies; il ne conlidere point leurs qualité,
particulières & ne fe rend point compta d®
impreffions qu*ils font fur fon propre efprit
' . .^
(O Adair, h}{} of Jmsr. ind* p* 27- ^oyei h Nai3
XLUC.
BE L'A M R R I q U E» SI?
j Ainfi il ne connoîc aucune des idées que
j nous avons appellées univerfelles , uhftraiîes
j ou réfléc'ies. L'attivité de fon intelligence
\ ne doit donc pas s'étendre bien loin , & foa
l raifonnement ne peut s'exercer que fur les
chofes fenfîbles. Ceia eil fi évident chez
les nations les pkis grofîîeres de l'Améri-
: que, qu'il n'y a pas dans leur langue, corn-
nie on le verra plus bas , un feul mot pour
. exprimer ce qui n'eit pas matériel. Les mots
^ de tems ^ à'ejpace , àt fuhftance & mille au-
tres termes qui expriment des idées abftrai*
tes & univerfelles, n'ont aucun équivalent
. dans leurs idiomes (i). Un fauvage nud ,
accroupi près du feu qu'il a allumé dans fa
J miférable cabane, ou couché fous des bran-,
chages qui lui offrent un abri momentané ,
; n'a ni le tems , ni le pouvoir de fe livrer à
; de vaines fpéculations. Ses penfées ne fe
[ portent pas au- delà de ce qui intéreffe la
j vie animale, & lorfqu'elles ne font pas di-
\ rigées vers quelqu'objet d'utilité préfence ,
I fon efprit refte dans une entière inaflion.
; Dans les fituations oh il ne faut aucun ef-
i fort extraordinaire de travail ni d'induitrie
pour fatisfaire aux befoins timples de la nâ-
Cl) Ia Condamioe, f. 54*
K0
Liv. IV.
Liv. IV.
2a8 Histoire
ture, refprit efl fi rarement mis en adivîté
que les facultés du raifonnnement n'ont
prefqu'aucune occafion de s'exercer. Les
nombreufes tribus dirperiees fur les riches
plaines de l'Amérique méridionale , à, les
habitais de quelques-unes des iflcs & de
plufieurs plaines fertiles du continent peu-
vent être compris dans cette elalTe. Leur
phyfionomie inanimée, leur regard fixe &
fans expreffion , leur froide inattention &
l'ignorance entière cii ils étoientfur les pre-j
miers objets qui fembleroient devoir occu**
per les penfées de tout être raifonnable ,
firent une telle impreffion fur les Efpagnois«
qui les obferverenc pour la première fois»,
qu'ils ne purent croire qu'ils appartinflent
à l'efpece humaine & les regardèrent com-
me des animaux qui leur étoient inférieurs/
(i> Il fallut l'autorité d'une bulle du pape<
pour détruire cette opinion & pour convain^i
ère ks Efpagnols que les Américains étoienCi
capables de toutes les fondllons d'hommes-,
& dévoient jouir de tous Iqs droits de l'hu-
îiianité (2). Depuis ce tems, des perfonnes
plus éclairées & plus impartiales que les
Ct> Herreia, d^.cL:', 2 , lib. II, c,^ 15..
i%X TorAX»eiîîada j mmU. Ud^ IIU igl,.
D E l'A m e r I q u e. 229
mteurs de la découverte & de la conquête — -7
, . , . n M 1 r Lav. IV»
Je l'Amérique, a>yanc eu oceaiioa d obler-
v'er les plus fauvages de ces peuples , ont
été auffi étonnées qu'humiliées de voir com-
bien en cet état l'homme efl: peu difFérent
:ies animaux. Mais dans des. climats plus
rigoureux: , oîi l'on ne peut fe procurer fa
fubUftance avec la même facilité , ob leiî
lommes font obligés de s'unir plus étroite-
ment & d'agir avec plus de concert, la né-
:eiîîré développe leurs talens & aiguife leur
Inveniion ; de forte que les facultés intel-
lectuelles y font plus exercées & plus per-
fectionnées. Les naturels du Ciiili & da
nord de l'Amérique, qui habitent les régions
tempérées des deux grands diftriûs de ce
•continent , font des peuples d'un efprit cul-
tivé & étendu en comparaifon de ceux q^ii
.habitent les ifîes ou les bords da iMaragnon
& de- rOrenoque, Leurs occupations fonc
^.plus variées, leur fyfteme de police cS: de
iguerre plus combiné, leurs arcs plus nom-
>breux. Mais- chez ces peuples mêmes ks
ifacukés intelleCluelles font extrêmem.enc
ibornées dans leurs opérations , & ils n'en
ifont point de cas, à moins qu'elles ne foient
^dirigées vers les objets qui intérefientii^a^-
Liv. IV.
«30 HiSTOIRÎÎ
médiatement l'homme fauvage. Les Atné
ricains feptentrionaux , ainfi que ceux d
Chili , lorfqu'ils ne font point engagés dan
quelques ♦ unes des occupations qui appai
tiennent h la guerre ou à la chafle, confu
ment leur rems dans une indolence ftupide
& ne connoiflent aucun objet digne d'attiré
leur attention ou d'occuper leur efprit (ij
Si chez ces mêmes peuples la raifon humaii
ne fe meut dans une fphere fi étroite d'a£l:il
vite , & n'arrive jamais , dans Tes plus grand
cffot'ts , à la connoifiance dej» principes (
des maximes générales qui fervent de foi)
dément à la fcience, nous pouvons conclil
re que les facultés intelleftuelles de l'horm
me dans l'état fauvage, ne fe portant point
fur les objets les plus propres à leur donno
de l'aûivité, ne peuvent acquérh* que p@
de vigueur & d'étendue.
y . . Par un effet des mêmes caufes , les puiîi
înteiiec- fances adlives de l'ame doivent s'exercer rîl'
foibies & rement & prefque toujours foiblement S
fenfei. ^°"s examinons les motifs qui dans la vii
civilifée mettent les hommes en mouvemai
& les portent à foutenir longtems des efl
forts pénibles de vigueur ou d'induftrie
D E L*A M E R I Q U E. 23I
ilîous trouverons que ces moiifs tiennent — 1
i particulièrement à des befoins acquis. Ces ^iv, IV.
tbefoins multipliés & importuns tiennent l'a-
fmedans une agitation perpétuelle, à, pour
[les fatisfaire , l'invention doit être conti-
nuellement tendue Ù. refprit fans cefle oc*
cupé. Mais les defirs de la ûmple nature
font en petit: nombre; dans les lieux oti un
climat favorable produit prefque fans effort
Etout ce qui peut les fitisfaire, à peine agis»
sfent-ils fur Tame & ils y excitent rarement
des émotions violentes. Ainfi les habicans
'de pluûeurs parties de TAmerique pafTent
leur vie dans une indolence & une inaélion
totale: tout le bonheur auquel ils afpirent
îc'ell d*être difpenfés de travail. îls relient
fdes jours entierjs couchés dans leur hamac ,
jeu alTis n terre, dans une oifiveié parfaite,
'fans changer de pofture, fans lever les yeux
Ide delTus la terre, fans prononcer une feule
(parole (i).
Leur averuon pour le travail eft telle, que Manr^
de pré-
fni refpérance d'un bien futur , ni la crainte cautioi^
d'un mal prochain, ne peuvent la furraoB-
Iter. Ils paroiffent également indifférens à
irun & à Tautre, montrant peu d'inquiétude
CO Bou^uer , yoyag» au Pérou , 102» Borde > 15,
1^ H I s T O I R E
■— pour éviter le mal & ne prenant aucune pré-
Liv. IV g^m-JQj^ pour s'affurer le bien. L'aiguillon
.de la faim les mec en mouvement ; mais
eomme ils dévorent prefque fans diftindion
tout ce qui peut appaifer ces befoins de Tin-
flinâ:, les efforts qui en font l'effet n'ont
que peu de durée. Comme leurs defirs ne
font ni ardens ni variés, ils n'éprouvent
point l'adtion de ces reîTorts puilTans qui
donnent de la vigueur aux mouvemens de
l'ame & excitent la main patiente de l'in-
duflrie à perfévérer dans fes efforts. L'hom«
Eie , en quelque partie de l'Amérique, fe
montre fous une forme (î giofliiere que nous
î3e pouvons découvrir aucun des effets de
fon indudrie, (Se que le principe de raifoa
qui doit la diriger femble à peine dévelop-
pé. Semblable aux autres animaux il n'a
point de réfidence fixe; il ne s'eft poiûti
fait d'habitation pour fe mettre à l'abri dé
l'inclénunce des faifons; il n'a pris aucunf
précaution pour s'afiurer une fubOflancà
Gonflante; il ne fait ni femer^ ni recueilliï^l
mais il erre çà & là pour chercher les plan«i^
tes & les fruits que la terre produit fucce
fivement d'elle-même; il pourfuit le gibieff
qu'il tue dans les forées, ou il pèche lè
poifTon daos les rivières..
D E L'^A m E R I Q U E. 233
1 Cette peinture ne peut cependant s'appli- silLi
fuer qu'à certains peuples. L'homme ne ^vanéS*
îeut relier lonctems dans cet état d'enfance fur ces
° objets.
: de foibleflfe. Né pour agir & pour pen-
sr, les facultés qu'il tient de la nature &
i néceffité de fa condition le prelTent de
emplir fon defnn. Aufiî voit -on que par-
li la plupart des nations Américaines, par-
iculierement celles qui vivent fous des cli-
iaats rigoureux, l'homme fait des efforts &
)rend des précautions pour fe procurer une
[ubfiftance alTurée; c'eft alors que les tra-
aux réguliers commencent & que l'indus*
rie laborieufe fait les preirviers eflais de foa
■ pouvoir. Cependant on y voit encore pré-
iiominer l'efprit de parelîe & d'infcuciance
^ie l'état fauvage. Même parmi ces tribus
moins groiTieres le travail eft regardé com-
^ me honteux & aviliilant , & ce n'efl qu'à
I lies ouvrages d'un certain genre que l'hom-
nie daigne employer fes mains. La plus
grande partie des travaux eft le partage des
femmes» Ainfî une moitié de la communaux
té refte dans l'inadion , tandis que l'autre
|e(l accablée de la multitude & de la conti-
nuité de fes occupations. Leur indu Riie fe
borne à quelques objets , ^ leur prévôyaE*
234 Histoire
ce n*efl: pas moins limitée. On voit u
IV. exemple remarquable de ce que je dis dai
l'arrangement général qu'ils fuivent, relat
vement à leur manière de vivre. Ils coraj
tent fur la pêche pour leur fubûitance pei
dant une partie de Tannée , fur la chaf
pour une autre partie, & fur le produit (
leur culture pour une troifîeme, Quoiqi
Texpérience leur ait appris à prévoir le r-
tour des différentes faifons & à faire quelquv
provifîons pour les befoins refpedlifs de C((
tems divers, ils n'ont point la fagacité (
proportionner ces provifîons à leur confoui
mation, ou bien ils font tellement încap.f
blés de dompter leur appétit vorace qu'i'
éprouvent fou vent les calamités de la fanii
ne avec autant de rigueur que les tribus kl
plus grôlïïeres. Ce qu'ils fouffrent une ai
née ne fert ni à augmenter leur induftrié
ni à leur infpirer plus de prévoyance pou|
prévenir un femblable malheur (i}. Ceti^
indifférence fi peu réfléchie fur l'avenir, qH
ell l'effet de l'ignorance & la caufe de la pij
relfe, caraftérife l'homme dans tous les d*
Ci^ Charlevoîx, Nouy» J^rance, III, 338. Latr, édif, 2.
98. Befcrïpt. de Id Nouy, Frana* Osbom's C9lkSi,^tZ^
De la Potherie. II, 63.
D E L*A M E R I QUE. 235
|rés de la vie fauvage ; & par une bifarre — ■
■jngularité de fa conduite, il devient d'au* ^^v.iv.
:ant moins inquiet fur fes befoins que les
noyens d'y pourvoir font plus incertains &
)lus difficiles à obtenir (i}.
III. Après avoir examiné quelle étoic la Etat fe-
:on{litution phyGque des Américains &quel* "^^
es étoient leurs facultés morales, l'ordre
laturel de notre travail nous conduit à les
:onlidérer comme raflemblés en corps de
'fociété. Jufqu'à préfent nos recherches fe
jont bornées aux effets de leur induftric
pour eux • mêmes , comme individus ; nous
allons examiner maintenant quelles font les
affedtions (Se quel eft le degré de fenfibilité
qu'ils montrent pour leurs fembîables.
L'état domeftique eft la première & la unicm
:plus fimple forme des aûbciatioas humaines, ^f^^^
[L'union des deux fexes entre les dilFérens
[animaux a toujours une durée proportionnée
'aux moyens & aux difficultés d'élever leurs
petits. Il ne fe forme aucune union perma»
nente parmi les efpeces oii la durée de l'en-
fance eft très -courte & oh l'animal acquiert
rapidement la vigueur & l'agilité, La natu»
ire y confie à la mère feule le foin d'élever
Ci) Voyez la Note L,
2^6 Histoire
^515 les petits & fa tendrelTe fuffit à ce devo-
IV. iv.^^jjg aucune autre affiftance. Mais dans k
efpeces oti Tenfance eft très -longue & très
foible , oh les fecours réunis du père 6c d
la raere font nécellaires pour le foutien dt
petits, il Te forme des unions plus intimesa
qui continuent jufqu^à ce que l'objet de '.
nature foit accompli & que la nouvelle rac
•foit parvenue à l'âge de la force, Comm
l'enfance de l'homme ell beaucoup plus fo
ble & a plus befoin de fecours que celle d
tous les autres animaux ; comme il dépen
beaucoup plus auffi des foins & de la pré
voyance de fes parens , l'union de l'homm
Ù. de la femme doit être coniidérée comffli
le contrat non ■ feulement le plus folemnel
mais même le plus permanent. Cet état d
nature ob toutes les femmes appartienne]
à tous les hommes & tous les hommes
toutes les femmes, n'a jamais exiflé q.u
dans l'imagination des poëtes. Dans l'orirj
gine des fociétés, quand l'homme fans a^
& fans induftrie mené une vie dure & pr
Caire , l'éducation des enfans exige les foin
& les efforts du père & de la raere. Lea
race ne pourroit fe conferver (î leur uniot
B'étoit formée <5c continuée dans cette vue
Liv. IV,
DE L*A M E R I Q U E. 237
!n Amérique même, parmi les tribus les
»lus barbares , Tunion de l'homme & de
1 femme étoit foumife à des règles, & les
'Foi es du m.ariage étoient reconnus & fixés,
^ans les contrées oii les moyens de rubfifter
toicnt peu nombreux 5c oii les difficultés
'élever une famille étoient par conféquent
es • grandes , ] 'homme fe bornoit à une
îule femme. Dans les climats plus chauds
: plus fertiles , la facilité de fe procurer
les fubfiilances , jointe aux influences de Far*
jeUT du climat, portoit les habitans à aug-
menter le nombre de leurs femmes (i^. Dans
belques pays le mariage duroit pendant
bute la vie ; dans d'autres , le caprice & la
^gereté qui forment le caradere naturel
es Américains, & leur averfion pour tou-
3 efpece de contrainte , leur faifoient rom»
re le nœud du mariage fur k plus léger
irétex^e , & même fouvent fans en affigoer
(bcune caufe (2}.
Mais foit qu'ils confidérafTent le mariage Çonjimn.
^ ^ des fem-
I IJIQS,
! (i) Lettres éd'if. 23-318. Laficau , Mœurs des Sauy. /,
y,. Lery, ap. de Bry IIU 234. Joura. de GuîlleS & Bc-
'^amel , 88.
'■(2) Lafitau I, 580. Joutel, Jo-a/n, liifl. 345. Lozanzo ,
..\ del gi-an, Chaco* 70. Heiinepiii, M&urs d^s Sauya\
23S Histoire
comme une um'on pafiagere, foit qu'ils 1
Liv.iv. regardaflenc comme un contrat perpétuel
rhumiliation & la peine étoient toujoui
également le partage de la femme. On
demandé û la condition de Thomme éto
devenue meilleure par les progrès des ar.
& de la civilifation 5 & c'eft-là encore un
de ces vaines queilions qui nourriflent l
difputes des philofophes. Mais il n'eft poil
douteux que les femmes ne foient redevi\
blés à la politefîe des mœurs d'un changii
ment très - heureux dans leur fort, Dai
toutes les parties du globe, ce qui caradtu
rife particulièrement l'état fauvage, c'efl 1
mépris & l'oppreffion auxquels y efl cou
damné le fexe le plus foible. L'homm
enorgueilli de fa force & de fon couragq
qui font toujours les premiers titres à
prééminence parmi les nations barbares ,
traite la femme avec dédain & comme un
tre d'une efpece inférieure. Peut-être que li
fauvages Américains ont encore pour eli
plus de mépris & de dureté, par une fuij
de cette infenfibilité , de cette froideur n
turelle qu'on a remarquée dans leur confl
tution phylîque. Les voyageurs les p|
éclairés ont été frappés de leur extrêi
D E l'A m e r I q u e. 239
.idifférence pour leurs femmes. Ce n'eH: «^S!
toinc, comme je l'ai déjà obfervé, par ces^'^* ^"^'^
ïnns complaifans qu'infpire la teadrefle ,
iiie les Américains s'efforcent de mériter le
teur de la femme qu'ils défirent d'avoir pour
}rnpagne. Le mariage même , au lieu d'ê-
e une union d'amour & d'intérêt entre
«ax égauy, efl plutôt une chaîne qui lie
ine efclave à fon m.aître. Un auteur, dont les
opinions doivent être d'un très - grand
foids, a obfervé que partout où Ton ache-
ri les femmes leur condition eft infiniment
^lalheureufe (i). Elles deviennent les efcla-
es & la propriété de celui qui les acheté.
•)ette obfervation fe vérifie dans tous les
fays du monde oîi la même coutume s'efi:
établie. Chez les peuples qui ont fait quel-
ues progrès dans la civilifation , renfermées
jians des appartemens féparés , elles gémif-
lent fous la garde vigilante & févere de leur
fnaître. Chez les peuples grofTiers, elles
[ont condamnées aux plus viles occupation?,
parmi plufieurs nations de l'Amérique, le
contrat de mariage n'eft proprement qu'un
bntrat de vente; l'homme y acheté une
jémme de fes parens. Quoiqu'on n'y con-
* CO ^keicfh's of hîflrëfmn, /, 184.
Liv. iV.
240 Histoire
ncifle l'afage ni de la monnoie, ni da'i
autres moyens que le commerce a imagià^
parmi les nations civilifées pour en te;
lieu 3 on y fait cependant fe procurer k
objets qu'on defire en donnant en échang
quelque chofe d'une valeur équivalent
Chez quelques nations , l'acheteur confaci
fes fervices pour un certain tems aux p£
rens de la femme qu'il recherche : chc
d'autres, il chafîe pour eux dans l'occafio
& les aide ou à cultiver leurs champs ou
creufer leurs canots. Chez quelques autre
enfin 5 il leur fait préfent des cho fes k
plus ellimées & les plus recherchées pou
leur utilité ou leur raretéXO* ^^ ^^ ^^Ç°
fa femme en retour. Toutes ces cauû
jointes au peu de cas que tous les fauvagc
font des femmes, portent un Américain i
regarder fa femme comme une fervan
qu'il a acquife , & à fe croire en droit d
la traiter comme un être inférieur C^). C
t
CO Lafitau 5 Mœurs des Sauv* 1 , p, 560, CharlevoiîN
liouv, France lll^ -p, 285. Heriera, dec» 4, lih, FI, c,t%\
Dumont II , p, 156.
Cs) DLitertre II , p, 382. Borde, Relat. des Mœurs ii\
Caraïbes^ p, 21, Bjet, 357, La Condainine, p. no. Fet]
snin, l,j), 7p,
D E l'A îvI e r I q u e. 241
putes nations non civilifées , il efl vrai,
\ts fonctions de l'économie domeflique,;na- liv. iv,
prellement réfervées aux. femmes, font fi
ombreufes qu'elles les alTajettiffent aux tra-
aux les plus pénibles, & leur .font porter,
lus de la moitié du fardeau qui devroit
i:re le partage commun des deux i'QKes4
liîais en Amériqiae particulièrement , leur
Dildition eft fi miférable , & la tyrannie
.i*ôn exerce fur elles fi cruelle , que le
[ ot de-fervitude eft encore trop doux pour
i^nner une jufte idée des malheurs de leur
[:at. Parmi quelques tribus la femme efl
bnfidérée comme une bête de fomme def»
bée à tous les travaux & à toutes les fa-
lguesj&, -tandis que l'homme perd fa jouri-
îe entière dans la diflipation ou dans la
iirefie , elle eft condamnée à un travail
'i)ntinuel , on lui impofe les ouvrages les
tus pénibles fans en avoir de reconnoilTan-
I'. Il n'eft point de circonftance dans la
\q qui ne rappelle aux femmes cette infé*»
brité humiliante. Il ne leur eft permis
opprocher de leurs maîtres qu'avec le plus
jofond refpedt ; les hommes font pour
^es des êtres fi fupérieurs qu'elles ce
Tome IL L
:v::
Liv.IV.
24* HlSTOIRB
peuvent pas même manger en leur préfen-
ee (i). Enfin, dans quelques contrées de
riimérique, leur defl-inée efi: fi affreufi
qu'on a vu des femmes devenues barbare:
par les mouvemens même de la tendreff
maternelle , arracher la vie à leurs fille
pour leur épargner la fisrvitude intolérabl
à laquelle elles alîoient être condamnée!
C'eft ainfi que la première infiitution de ]
vie fociale efi: pervertie en i\mérique: c'ei
ainfi qu'en mettant tant d'inégalité , en étrj
blifiTant des difi;in6lionjS fi cruelles dans cei
te union domeftique , que la nature avo
deftinée à infpirer aux deux fisxes des feii
timens doux & humains , on la fait fervl
à rendre l'homme dur & farouche & à d*
grader la femmx par Tabaififement de la fd
vitude.
Femmes C'efi: peut - être à cette opprefiîon dai
çgndes. laquelle elles gémifient , qu'on doit at tribun
en partie le peu de fécondité des femi
chez les nations fauvages ("2). La viguei
de leur confi:itution phyfique efi: épuifij
— '- ■ ■ r; I
(i) Gumilla I , p, 153. Bafiere , p. 164. Labat , i;|
//, p. 78. Chanvalon , />. 51. Duteitre II, p. 300.
CO Gumilla II, 233-238. Henera, ^ica(^* 7, Uk* i\
#• 4«
B E l'A me Kl (IV im 243
par Texcès du travail: les moyens de fubrif- — -^
tance dans la vie faavage font û peu nom- ^^^.1/.
«breux & fi (i) incertains , qu'elles font for-
':ées de prendre une multitude de précaa*
pions pour prévenir une trop grande fécon-
ilité. Parmi les tribus errantes , dont la
'ubQ fiance dépend principalement de la
,:haiTe , la mère ne peut guère donner fes
oins à un fécond enfant avant que le pre-
-;nier ait atteint afTez de force pour être en
'juelque forte indépendant des foins de la
• endrefle maternelle. C*efl • là fans doute
a fource de cet ufage univerfel parmi les
iemmes Américaines de nourrir leurs enfans
)endant plufleurs aLiées (^2) , & comme
!;lles fe marient prefque toujours fort tard,
e tems de leur fécondité eft pafTé avant
liu'elles aient pu achever d*élever fuccelïï-
l-ement deux ou trois enfans (^3). Parmi
\Qs tribus groffieres, qui n'ont ni afTez de
(irévoyance ni aflez d'induflrie pour faire
iles proviiîons de vivres , c'efl une maxime
|;énérale qu'il ne faut jamais fe charger
I CO Laficau, I, p. 590. Chailevoix, lll,p. 304»
I Ca) Herrera , de:ad. 6, Hb, /, c. 4.
[(.S) Charlevoix III, 303. Damont, M^tn, fur U Lotà'
■xne Ifi p> z-o, Dsnys, hiji. nat. de VJm^rique //,i>. 3^»
barlevQLi» hifi* du Paras* II 9 f» 4aa«,
L 2
244 Histoire
d'élever plus de deux enfans (i); aufli ne
Liv. IV. trouve - 1 . on jamais parmi ces peuples des
familles auiïî nombreufes que daas les fo-
ciétés civilifées (2}. Quand il naît deux
jumeaux, l'un des deux ell communément
abandonné, parce que la mère ne .pourroit
fuffire à les élever l'un & l'autre (3). Lorf-
qu^il arrive que la mère meurt dans le tems
qu'elle nourrit fon enfant, on ne peut plus
efpérer de conferver fa vie <Sc on l'enterre
à côté de fa mère (4). Enfin , dans ces di-
fcttes fréquentes auxquelles les Américains
font expofés par leur llupide indolence , la
difficulté de nourrir les enfans devient quel-
quefois û grande qu'il n'efl point rare de
les voir abandonnés & même tués par leun
parens (j). C'efl ainfi que le fentiment dçî
peines qu'il faut fs donner dms la vie fau«
vage pour conduire les enfans jufques à l'â-
ge mûr, étouffe fouvent la voix de la na-
(i) Tecbo's accoimt of Paraguay i &c. CburcbiH collet
6, log. Lettr. éibf, XXlV-ioo. Lozano, defcr*Çf2%
(2) Maccleufs Journal ^ 6},,
(3) Lettr, édif, X , p. 200, Voyez la Note LT.
(4) Charlevoix îll, p. 5^8, L;ttr. édif. X, p. 2co. P
Melcb. Hernandès , il/(?/-»or. àô ŒerLjui,' Co'.hea cotleli
orig. pap. I.
Cs) Venegas , //(/?. 0/ CaUforn» I, ^. 82,
D E L*A M E R I Q U E. 245
[ture parmi les Américains & les rend même
[iQfenfibîes aux vives émotions de la tendref- liv.iv.
ifè paternelle,
■ Mais , quoique la nécefllté oblige les ha- Tenirefi
Ibitans de PAmérique à mettre des bornes à f'^;^^^J^.^^
Iraccvoiffement de leur famille, il s'en faut& les^ën-
JDien cependant qu'ils manquent d'afîedlioa "
[& d'attachement pour leur progéniture»
[Tant que la foiblelTe des enfans exige leurs
; recours, ils Tentent fortement le pouvoir
[de TindinQ de la nature , & aucun peuple
ine peut les furpalTer dans les foins de la
itendreirepaterneHe (i). Mais chez les na-
tions barbares la dépendance des enfans &
le pouvoir des pères ont bien moins de du-
rée que chez les peuples policés. Quand
une éducation prévoyante doit préparer les
enfans aux fonctions variées de la vie civi-
le; quand il^ doivent acquérir la connoIC-
[fance des fciences les plus abdraites ou fe
[former aux arts les plus compliqués avant
d'entrer dans la carrière du monde , les
foins attentifs des parens ne fe bornent pas
aux jours de l'enfance; ils s'étendent enco-
,re jufe]u'à l'établiflement de l'homme dans
la fpciété. Et même alors les tendres in-
(0 Gumilla I, p. 211. Biec, p. %go,
1^3
»4^ Histoire
quiétudes des parens ne font pas finies :
i.i\, IV. leur protedion eft encore fouvent néceffai-
re; leur fagelTe & leur expérience font en»
core des guides utiles. C'eft ce qui forme
une union permanente entre les enfans &
les pères. Mais dans la fîmplicité de la vie
fauvage la tendrefle paternelle, femblable
à cette aifeclion d'inflindl que les animaux _
ont pour leurs petits , cefTe dès que les en-
fans font parvenus à l'âge de maturité. !
ne faut pas de longues inftrudlions pour les;
rendre propres au genre de vie auquel ilsn
font deftinés. Les parens , auffitôt qu'ils
ont conduit leurs enfans jufqu'au-delà dea
cet âge de foibleffe oli ils ne peuvent pointa
fubvenir à leurs propres befoins , leur laif-
fent une entière liberté. Ils ne leur don^
nent prefque jamais de confeils , ils ne lei
grondent & ne les châtient point , ils les
laiflent enfin maîtres abfolus de leurs pro«o
près aftions (i). Dans une cabane améri^
caine , le père , la mère & les enfans vi-
vent enfemble comme des perfonnes que
hafard auroit rafiemblées , fans avoir jamais
(i) Charlevoix 111, p. 272. Blet, 390. Gumiila, I,p.i
212. Lafitan,I,p. 602. Creu.\ii Canad^jp, yi. Fenian-
dès, relau hîjî. de los che^uit. i&. 33.
© E L'A M E R I Q U E. t^f
es uns pour les autres aucune de ces attea- ^— W
jfions qui fembleroient devoir naître des Liv.iv.
•apports qui les unilTcnt: (i^. Le fojvenir
ks bienfaits qu'on a reçus dans la premiè-
re enfance efl trop foiole pour exciter ou
iiourrir la tendreife filiale, lorfqu'elle n'eft
plus entretenue par les ioins de l'amour
jpaternel. Plein du fentimenc de fa liberté
i& impatient de toute gêne, le jeane Amé*
jricain s'accoutume à agir toujours comme
,s*il étoit entièrement indépendant. Il n*a
'.pas plus de reconnoi (Tance pour fes parens
, que pour toutes les autres perfonnes qui vi*
; vent avec lui. 11 les traite même queîque-
ifois avec tant de mépris, d'infoîeoce ce de
cruauté que tous ceux qui en ont été Ie$
témoins en ont été pénétrés d'horreur Ç2},
Ces mœurs , qui fembjent naturelles à Phom»
I me dans l'état fauvage , parce qu'elles font
i le produit des circonftances de cet étal
I même, influent puiiTamment fur les deux
I plus grands rapports de la vie domeflique.
Dans l'union des deux fexes , elles intro-
(i) Charlevoix, Nouy» Franc, III, p. 273.
C^) Gumilla, I, p. 212. Dutertre, H,/>. 37^» Charle-
i voix, Nouy. Franc, III, p, 309. Charlevoix, hîjî, du Pa-
! ragimy, /, p. 115. LozaoD, defcr. del granChaco, p, (58,
IC1S- 110. Femand. rela:, hijh de los chiquil» p, 416»
L 4
Histoire
duifent une grande inégalité entre l'homme
,hiyAV. ^ ]^ femme; elles bornent la durée & af
foibliflent la force de Tunion des pères 6
des en fans.
înîlitu- • IV- Après avoir parlé de l'état domefti
tiquesl^''' que chez les Américains, nous fommes con^
duits naturellement à confidérer leur gou
vernement civil & leurs in ilicutions politi
ques. Dans toutes les recherches concer.
cant l'état de l'homme ralTemblé en fociér
té , les moyens de fubflftance font le pre»
jnier objet qui doit fixer l'attention. Lef
loix & la police varient toujours avec ces
moyens. Les inflitutions nailTent des.idée«
& des befoins des tribus oh elles s'établift
fent: celles des peuples pêcheurs & chaf^
feurs, qui peuvent à peine fe former l'idéQ
de quelqu'efpece de propriété, doivent é-,-
tre beaucoup plus fimples que celles des
peuples qui fe font fixées fur une terre
qu'ils cultivent régulièrement, &;chez lef-
quels il exifle des droits de propriété , non-
feulement fur les produaions du fol , mais
fur le fol même.
Leurs Tous les peuples de l'Amérique dont nous
reffources' paj.|Qj^g ^ doivent être mis dans la première
cîalle. Mais quoiqu'ils pu.'fTent être tous
'■ • ■ ' éga-
vie*
D E IL'A m E R I Q tJ È. 24P
également compris fous le nom da peuples
jauvages , quelques - uns étoient beaucoup
plus avancés que les autres dans les arts
I ui préparent des fubOftances pour l'avenir.
[aniais l'homme ne s'eft montré & n'exilte.
1 peut- être dans un état plus fauvage
a'on ne le trouve dins les vaftes plaines
a midi de PAmérique. Quelques peuples
e fubfiftent que des produâiions fponta-
ées de la nature. Ils ne montrent aucu-
e inquiétude , ils n'emploient prefqu'aucu-
: e précaution , ils n'exercent aucun art ^
■ucune induftrie pour s'alTurer les chofes les
•lus néceflaires à la vie. Lqs 'Topayers du
Jrefil, les Guaxeros de Terre - ferme , les
hïguas 5 les Moxoî à, quelques autres peu-
;>les. du Paraguay 5 ne coanoiffent abrolumenc
lucune efpece de culture» Ils ne favenc
|nême ni femer 5 ni planter. La culture du
inânioc avec lequel on fait le pain de caf-
lave^ ell un art trop compliqué pour leur in -
.iuflrie, ou trop fatigant pour leur parelTe.
il.es racines que la terre produit d'elle mê*
iîie, les fruits, les baies & les grains qu'ils
i'ecueillent dans les bois , avec les lézards
l5c les autres reptiles que la chaleur engen-
|jre tpujours dans les terreins gras & arro-
Liv. IV.
250 Histoire
fmamm fés par de fréquentes pluies , forment leur
Liv. IV. nourriture pendant une partie de l'année (i).
La pêche. Ils vivent de la pêche le refle du tems.
La nature elle-même femble avoir favori*
fé la pareffe de ce peuple , par la profufîon
avec laquelle elle lui donne tout ce qui fuf.
fit à fes befoins. Les vaftes rivières de l'A-
mérique méridionale fourniffent en abon-
dance les poiiïbns les plus délicats & lei
plus variés. Les lacs & les marais , formel
par les inondations annuelles des eaux , foni
remplis de différentes efpeces de poiflbn!
qui y reftent comme en des réfervoirs na.
turels pour les befoins des habitans: il y î
des lieux oh le poiffon efl en fi grand»
abondance qu*il ne faut ni art ni adrelTi
pour le pécher ("2). En quelques autre
endroits les naturels du pays ont trouvé h
moyen d*infeâ:er les eaux du fuc de certaii
ces plantes , qui enivre le poifTon de manie
^ (O Nieuhoff , M fi. of Brafd, Churchill colledi. Il\ p,
134. Simon, conquîfîa de tierra- firme ^ p, 156. Techon
acconnt of Paraguay, Churchill , F/, 78. Lettr. éàif. 2!jl
38|-îo-i()0. Lo?ano, defcr, àel gran Chaco t p» 81. Ribifiîi
Ai/?, de los Tr'mmfos ^ P- 7* »
Ca) Voyez la Noth LIf.
DE L'A M E R I Q U E, 2Jl
3 qu'il vient flotter fur la furface de l'eau
h Ton le prend avec la main (î). Quel- ^^v.iv,
ues tribus ont l'art de le conferver fans
î fecours du fel , en le faifant fécher ou
amer fur des claies au moyen d'un feu
rès - lent (2^, La fécondité des rivières
e l'Amérique méridionale a engagé plu*
eurs peuples à ne vivre que fur les côtes
: à fe confier entièrement pour leur nour-
iture à l'abondance des poiflbns que les
aux leur fourniflent (3). Dans cette par-
ie du globe, la chaffe n'a été ni la premie-
e occupation de l'homme , ni le premier
îfFort de fon efprit & de fon activité ; il y
. été pêcheur avant d'être chaiTeur ; &
lorame la pêche n'exige ni autant d'adivité
,n autant d'adrelTe que la chafle , les peu-
f)les qui font encore dans ce premier état
le peuvent pas avoir le même degré d'in-
|relligence & d'induftrie. Les nations qui habi»
bnt les bords de TOrénoque 5l du Maragnon^
font évidemment les moins aâ:ives & les plus
' Cl) Voyez la Note LUI.
I C2) La Condamine , j!>. 159. Gumilla, II, j>. 37. Letir.
jE-S/. 14. 199. 23. 328. Acugna, relai» de la riy* às$
,A-nazonss, p. 138.
O) liarrere , rdai* de la Fr, é^nmox , p> 155.
L (5
^5^ M I s T O I R E
-W^B flupides de toutes les nations Améncaiuï
»Liv,iv. j^^jg ij j^»y ^ q^^^g jgg peuples qui viven
LachafTe.je jQj^g ^^g grandes rivières qui puiilen
fubfîiler ainfi. Prefque aucune des nation
d'Amérique 5 répandues dans les vafles fo
rets qui couvrent cette contrée, ne pouvpi
fe procurer des fubfiftances avec la meiiK
facilité , quoique ces forêts , particulière
ment celles du midi de l'Amérique, fufîen
remplies de gibier (i). Il falloit toojour; »
& beaucoup d'aclivité & beaucoup d'adreiïi
pour le pourfuivre & pour l'atteindre. Le
néceflité força les A.méricains à être adif^
ù: leur apprit à devenir indudrieux. La chaf
fe fut leur principale occupation; & commt
c'efl un exercice qui exige beaucoup de. cou
rage 5 de force & d'adreffe , elle fut con'
fîdérée comme une occupation auffi honO'
Table que néceffaire. Elle étoic réfervée
particulièrement aux hommes: ils s'y eKeiv|
çoient dès la plus tendre jeunelTe. Un chaf-
feur hardi & courageux étoit placé par Vo-
pinion publique à côté du guerrier le plus
diflingué & l'alliance du premier ëtoit fou-
vent préférée à celle du fécond (2). Pref
CO P* Martyr, aecûd. p. 324. Gumiiiajïf ^ p. 4, ^c,
Ac !gnri , t, /A 156. ■ -\tj , M :
i&j Chadevoix , /iJJï, (fe la Noiiv, Fniru ///, p. 1 15,
D E L* A M E jl .1 q u:E« 253
: l^ue aucun des moyens que l'homme a ima- «w^
laines pour furprendre & détruire' les ani- Liv. iv*
îiausc fauvages, n'écoit inconnu aux Amérî-
:ains» Quand ils ont entrepris une chaf-
■'e j ils forcent de ceite indolence qui leur
îll naturelle , ils développent des facultés
le leur efprit qui demeuroient prefque tou-
ours cachées , & deviennent adlifs , con*
l:ans & infatigables. Leur fagacité à dé-
rouvrir leur proie égale leur adrefle à la
uer. Toutes leurs facultés étant conilam*
[Tient dirigées vers cet objet, ils montrent
[me fécondité d*inventioa & leurs fens ont
jicquis un degré de finelTa , qu'on a peine à
concevoir. Ils diilinguent les divers ani-
naux à des traces de leurs pas qui échap-
>eroient à tous les autres yeux, &: ils les
^ourfuivent avee intrépidicé à. travers les
forêts les plus impén^^trables. .Loi-rqu'ils at-,
laquent le gibier directe men t , prefque ja- :
liais leurs flèches ne manquent C^) ^^ but,
k lorn.]u'iIs lui tendent des pièges , il efl: :
îrefqu'impolTible qu'il leur échappe. Dans
[quelques peuplades il n'étoic permis auir-
jeunes gens: de -fe marier que iQrfqa'ils
O). Bjet, yoj. ds la Fr, Equinôx-,- p.^-i^^r, DiVïès,dt/^
'fOV.,of îhç^rîyer» ofAmaz, Parclias,: IVj',^. 123^..
L7
254 Histoire
— I avoient fait preuve de leur habileté dans laj
LiY. IV. chafle & loiTqu'ils avoient montré bien évv
demment qu'ils étoient capables de fubvci
nir à tous les befoins d'une famille. Quoi-
que l'efprit des Américains foie naturelle-
ment très -peu adlif, l'émulation qui les ex-
cite à chaque inftant leur a fait imaginet
des moyens qui facilitent beaucoup les fuccèa;
de leur chalTe. La plus remarquable dei
leurs découvertes en ce genre efl celle d'uni
poifon dans lequel ils trempent les flèches;
dont ils fe fervent. La plus légère blefTu^
rc de ces flèches empoifonnées efl: toujoursi
mortelle. Si elles percent feulement la peau ,
le fang fe fige & fe glace dans un moment:
l'animal le plus vigoureux^tombe fans mou?i
vement fur la terre. Ce poifon cependant,
malgré fa violence & fa fubtilité, ne cor-
rompt point la chair de l'animal qu'il faiCi
périr : on peUt la manger en toute fureté:
& elle conferve toutes les qualités qui luji
font naturelles. Les peuples du Maragnofl
& de rOrénoque compofent principalement
ce poifon avec des fucs extraits d'une raci-
ne qu'ils nomment curare & qui efl; une ef4
pece de liane ("i}.
Ci) Gumilla II, p, i. La Coadainine, p, 208. Recher-*
DE L'A M E R I Q U E. 2SS
Dans quelques autres pays de TAmérique ^êêêS
h emploie le fuc du Mancenilier ^ qui agit Liv.iV.
'our le moins avec une adlivité aufïî funef-
:. Pour les peuples qui pofledent ce fe-
et , l'arc eft une arme plus meurtrière
l'un fufil , & dans leurs mains habiles fert
faire un grand carnage des oifeau^c & des
jadrupedes dont les forêts de l'Amérique
f)nt. remplies.
■ Mais la vie de chaffeur n'eft qu'un degré
ui conduit l'homme à un état de fociété
lus avancé. La chafTe, dans les pays mé-
le oîi le gibier efl le plus abondant & oh
2s chafTeurs ont le plus d'adrefle, ne peut
onner qu'une fubfiflance incertaine <Sc qui
nanque même totalement dans certaines
jailbns de l'année. Si le (auvage fait dé-
kndre entièrement fa fubfiftance de les fle-
':hes, il fe voit fouvent réduit avec fa fa-
|nille aux plus cruelles extrémités Ci). Il
H'efl guère de pays oh la terre produife af-
fez d'elle- même pour fuffire à tous les be-
foins de l'homme. Dans les climats les plus
'ioux & oh les terres font les plus fécon»
i- . , , — -. ^ .
'hes phUofoph. II, p, 239. Bancrofc , iVô^ hîft* of Guyaau^
i, aSi,
f CO Voyex la Note LIV.
2^6 .H L S T O I R E a
^-^ — des, l'indUilrie &.Ia prévoyance font nécef
Liv.,iv.:£^^j.gg JQfqu'à un certain point pour s'affure]
Leur a- yî;je fubûftancc conilante. L'expérience de
^ ' difettes qu'éprouvent les peuples chalTeur
leur fait furraonter enfin cette horreur pref
qu'invincible qu'ils ont pour le travail ô
les oblige à avoir recours à la culture de
terres comme à un fupplément à la chaiïe
Il y a des fituations particulières oli de pe
tites tribus peuvent .fubfifter de la pêche
indépendamment des productions que le tra
vail peut arracher à la terre; mais dans toute
l'étendue de l'Amérique il feroit difficile de
trouver quelque nation de chaiïeurs qui
n'eût pas une efpece de culture.
I7^.^,jfs Leur agriculture n'ell' cependant ni éten*
Suf^ï '^^^ ^^ pénible. Comme le gibier & le poif.
Elire. fon font leur principale nourriture , ils ne
fe propofent en cultivant la terre que de
fuppléer au défaut accidentel: de ces moyens
de fubfîflance. Dans le continent méridional
de l'Amérique, les naturels bornoient leur
induflrie à élever certains végétaux , qui
dans u-n fol riche & fous un, climat chaud
parviennent ai Cément à la maturité. Le
principal écbit le maiz, plus connu en , Eu-
rope fous le nom de bledjd'iAde .aHiieTur-
D E l'A m e r I q u r:. 257
'aie, efpece de grain très-prolifiqae, d*u-
'e culture (impie, agréable au goûc & qui Liv. iv%
I onne une nourricure forte & favoureufe. Le
'3cond de ces végétaux eft le manijc, qui ^
Icquiert le volume d'un gros arbrilTeau ou
'un petit arbre, & produit des radnes qui
^iTembîent alTez aux navets. Après en: avoir
Kprimé avec foin le fuc , on réduit ces ra*
'ines-en une poudre fine, dont on fait de^-
âteaux minces , appelles pain de caQave ,
: qui, quoiqu'inlipides au goût, ne^ fonù
as une mauvaife nourric.ure CO» Comme
2 fuc du manioc eu: un poifon mortel ,j
uelques auteurs ont vanté l'induftrie des.-
méricains qui ont fu convertir en un ali*
lent fain une plante vénéneufe ; mais on,
evroit plutôt n'y voir qu'un de ces expé-
îsns auxquels la néceOlté de trouver un
loyen de fubfiftance force les nations fau-.
lages; & peut-être les hommes ifont*ils
tfté' ccFiduits à cette découverte que par
ifes procédés gradués ob il n'y a plus rien
'e merveilleux, -
r (i) Sloane , 7^//?. of ^anmca ^ ïnîrod, p. i8. Labat I,
\ 394. Acofta , hlft. înd. Oc&d».naiur. Ub, If^, c, 17. Ut-
[•a I,^. 62. Aubkt, mémoire fur le manioc, Hlji» dts
•"anîcs, mu II, p. Cs.L^c,
2j8' Histoire
^— Il y a une efpece de manioc, enderemewi
*^^' ^^'* dépouillée de qualité nuiHble , & qu*o \
peut manger fans aucune autre préparatiof;
que celle de le faire griller fur la cendres
chaude. Il eft probable que cette efpec
fut la première dont les Américains firei
leur nourriture ; & la néceffité leur ayan
appris par degrés l'art de féparer les fuL
ïiuifibles de Tautre efpece , ils ont enfuii
trouvé par les expériences que celle-ci
toit la plus prolifique, ainû que la plus noui
riflante des deux (i). Le troiûeme des v^
géraux dont nous avons parlé efl le plai
tain , qui s'élève à la hauteur d'un arbre
& qui cependant croît avec une telle rap
dite qu'en moins d'un an il récompenfe ,<
fes fruits l'induflrie du cultivateur qui 1
planté. Le plantain grillé tient lieu de pa
& donne un aliment agréable & nourri
fant (2). Le quatrième efl la patate, do
la culture & les qualités font trop connui
pour avoir befcin d'être décrites; Le fixL
me efl le pi ment , arbufle qui produit m
(i) Martyr, clec. 301. Labat, I, f* 4"« Gumilla, I
p. 192. Ma:huca milie Indîana,p, 164, Voyez la No
LV.
(j.^ X^'oyez la Note LVU
{
D E l'A m e r I q u e. 259
dicerie aromatique & forte. Les Améri» m^m
tins qui , comme les autres habitans des ^iv.iv^
^ mats chauds , aiment les faveurs chaudej
^piquantes, regardent cet aiTailbnnenenc
aume un befoin de la vie & le mêlent en
j inde quantité avec tous les alimens dont
i fe nourriflcnt (i).
Telles font les diverfes productions qui
Irmoient le principal objet de la culture
<ez les peuples chaflTeurs du continent de
limérique. Avec une induftrie médiocre-
J^nt aftive & un peu de prévoyance, ces
jodu^ions auroient fum pour fubvenir aus
l foins d*un peuple nombreux. Mais dei
bmmes accoutumés à la vie libre & erran-
i de chalTeurs , font incapables de toute affi*
kké régulière au travail , & regardent Ta-
I iculture comme une occupation d'un or-
<e inférieur. Ainfi les provilions de fublif»
fnce que les Américains tiroient de la cul»
^re, étoient fi bornées & û peu alTurées,
^le fi quelqu'accideat rendolt leurs chafles
loins heureufes qu'à l'ordinaire, ils étoient
îduits à la plus grande difette.
|Dans les ifles la manière de vivre étoit
|)rt différente. On n'y connoifloit aucun
Cij Gumilla UI, p. 117. Acofta, lib, IV ^ e, 20.
25o H ï s T O ï R E
!— ** des grands animaux qui abondent fur le cor
Liv. IV'. tJQgQt . Qn n'y a trouvé que quatre efpeces (
quadrupèdes, outre une race de petits chier
muets ;.& les plus grands de ces quadrup
des n'excédcient pas la groîîeur d'un 1
pin (i). Il ne falloit ni adivité ni courai
pour aller à la chafTe de fi petits animaux
auffi la i3rincipâle occupation d*un chafie
dans ces ifles étoit de tuer des oifeaux , q
fur le continent étoient regardés comme i
gibier ignoble, abandonné à la pourfuite d
jeunes garçons (2). Les habitans des ifi
ont dont été forcés par ce défaut de g\ï
& par leur fijtuation même, à chercher dài
la pêche leur principal moyen de fubfîft'âi
ee (3): leurs rivières, & la mer dont!
étoient environnés , leur fournilToient avi
abondance ce genre de nourriture. Dai
certaines faifons, les tortues , , les crabdl
& d'autres coquillages, fe trouvoient fur I
c^tes en fi grande quantité, que ces infiïM
res^ trouvoient à s'en nourrir avec une fé
lité qui conyenoit fort à leur indolence (4
(i) Oviedo, IW.'Xllf in prœm, .
(2) Ribas , h'ift^ de lot îriumf ^ p. 13, De la Pothérw
II? 33» UI, 20*
Cs) Oviedo, Uh. XllI, c. i. Goniara, hJft. gin, c. 2
(4) Gomrra, kljl. gc'n.c,» g, Lfibat IL, 221, &'Ci
t E l'A m e r I q u e. 2(5i
;i d'autres tems , ils mangeoient des lé- ^^^
ii'ds & d'autres repples.dégoûtans (i). Ils ' liv.iv.
i [^pient 4'ailleurs à japêclie quelque forte
( culture. I^maïz (2), le.mm-oc^^ & Agncuî-
«lutres plantes étoient cultivés dans les '[jJg^^J[;l
i^s de -la même manière que fur le conti* P'^"^'"-'^^*
yM ; mais tout le pToduit de leur induftrie,
inÇ' à;Ce que la terre produrfyic d^elle - mê^^
3, i^'étoit pour eux qjii'.une fqible reirouri.
^ Quoiqu'il? (i? comtentafferjc d'une petite
iaptité d^ nourriture , à peine tiraient - ils
; la terre ce qui était néceffaire.à.. leur con^
immation , & fi quelques Erpagnals ve-
bjent à s'établir dans un canton , Àl fufîîfcit
; ce petit furcroitde bouches furnumérai-
s pour épuifer leurs proyiûons (Se amener
famine.
Deux circondances , communes à toutes p^.ii;-)ps
nations fauvap:es de i'Amériaue , con ^^'- ^^}}^
rurent avec celles dont i'ai déjà parlé jtiou.
•a- feulement à ren:dre iQurs agriculture
imparfa^e , mais encore à reilreindre
induurie dans toutes, leur opérations.
n'avoient point d'animaux domefliques &
|..De connoiflbienç point l-'ufage des métaux.
^13 Oviedo , iih XIH; c, 3»
O'Voyei la NoTS LVii. -
96a Histoire
■■w» En d'autres parties du globe ^ Phomir,
Liv.iv. n](^me dans Tétat de fociété le plus fau -
Maiîque gg fe montre encore comme le maître s
njaiix do- îa terre , donnant des loix aux difFérec s
clalles d animaux , quil a apprivoifeesc
réduites en fervitude. Le Tartare pouri t
fa proie fur le cheval qu'il a élevé ,
conduit les nombreux troupeaux qui
fournifient fa nourriture & le vétemc
L'Arabe a rendu le chameau docile & :
fervir h. fon ufage la force & la patience:'
cet animal. Le Lapon a fournis le rennti
fa volonté, & les habitans même du Kan
fchatka ont formé les chiens au traix
C'eft une des plus belles prérogatives
l'homme , un des plus grands efforts de :
intelligence & de fon pouvoir , que cet emi
re qu'il exerce fur les créatures d'une cM
inférieure: fans cet empire, fa dominatit
eft imparfaite; c'eft un monarque fans
jets, un maître fans ferviteurs. Il eil ot
gé d'exécuter tous fes travaux par la for
feule de fes bras, & telle étoit la conditii
des nations fauvages en Amérique. Le.
efpriî étoit (i peu cultivé, leur union foc-
le fi imparfaite, qu'ils ne paioifîbient p
fentir la fupériorité de leur nature, & qu't
H % L'A M E R I q U E. 2^3
j.ifibîent tous les animaux jouir de leur li- !L'|"|*8
jsrté fans fonger à exercer leur pouvoir fur ^^^* ^^*
JiCUD. Il efl vrai que la plupart des ani-
^iiaux qui ont été rendus domeftiques fur
^lotre continent , n'exilloient pas dans k
[.jouveau monde; mais ceux qui font parti- _
iliers à l'Amérique, ne font ni affez fa-
Duclies ni affez redoutables pour n'avoir pu
:re domptés & aifervis. Il y a quelques
,iimaux dont les efpeces font communes
|jx deux continens; mais le renne qui a éié
upprivoifé & foumis au joug dans un des
[jeux hémifpheres, efl reflé fauvage dans
Vautre. Le bifon d'Amérique efl évidera-
yient de la même efpece que le bœuf d'Eu-
qope Ci). Les nations même les plus gros-
jeres de notre continent ont rendu cet ani-
lal domeflique, & c'efl: par fon fecours que
^s hommes ont fçu exécuter des travaux
lécefTaires avec plus de facilité, & augmen-
ter utilement leurs moyens de fubfiflance.
'.es habitans de plufieurs régions du nou.
l'eau monde, oii le bifon efl très-commun,
[în auroient pu tirer les mêmes avantages ;
l n'eft pas d'une nature fi indocile qu'on
reûc pu l'élever à rendre aux hommes les
l CO M, de Bufibn, ^(/?. ««/, art, Bifon,
264 Histoire
à mêmes fervices qùs lui rendent les bêtes
Liv.iV. cornés (i). Mais ûms l'état oh les Amer
cains ont été trouvée lors de. la dëcouve.
tCj un fauvage ed l'ennemi des autres an
maux:, non leur fupérieur. Il leschaiTe i
les détruit; mais il ne fait ni les mukiplii
ni les gouverner (2}.
Cètte^circonllance forme peut-être
diftindion' la plus importante qu'il y ait ei
tre les habitans de l'ancieii & du nouvel
monde, celle qui donne aux peuples civil
fés plus de fupériorité fur ceux qui reflei
fauvages. Les plus grandes opérations c
d'homme pour changer & embellir la face d
la nature, & fes efforts les -plus puiûaî
pour augmenter la fécondité de la terré
s'exécutent au moyen des fecours qu'il n
çoit des animaux qu'il a arprivoifés & fo:
mes au travail. C'efl par leur force qu'
parvient à dompter le fol rebelle & à cor
vertir en champs fertiles les déferts & k
marais. Mais l'homme dans l'état de civil
fî
Cl) Hennepin , Nouy» àec^p^ -192.; Kalin^, yoyt dans VAn
fept, 1 , 207.
(2) M. de BtifFon, hljï, nat. IX ^ 95* JH^* philofji
poliiique des deux Indes ^7,-364. .
B E t'A M t: R I Q U E. iôy
'ation eft (î familiarifé avec l'afage des ani-
naux domeftiques, qu'il ne réfléchit guère ^-^v*^^*
ur les avantages inedimables qu'il en reti-
e. Suppofons-le cependant, même dans
'état de fociété le plus parfait, privé de
'utile fecours de ces animaux , nous ver*
uns cefler à quelques égards Ton empire fur
1 nature, & il reftera un animal foible ,
mbarrafîe de trouver les moyens de fubfî-
ber, & incapable de tenter ces entreprifes
)énibles que leur afliflance le met en état
.'exécuter avec tant de facilité.
Il eft très ' difficile de décider fi l'empire iw-^g^c de«
lue l'homme exerce fur les animaux, ou'^^fg^fn^
ufage qu'il a fu faire des métaux, a le plus connu,
ontribué à étendre fon pouvoir. L'époque
le cette importante découverte eft incon-
lue, & dans notre hémifphere elle ne peut
ître que très-reculée. Il n'y a que la tra-
lition & quelques inftrumens groffiers de
los ancêtres , retrouvés par hafard , qui
lous apprennent que les hommes ignoroient
nciennement l'ufage des métaux & ta-
|:hoient d'y fuppléer en employant les cail-
oux, les coquilles, les os & d'autres fub-
tances dures aux mêmes ufages auxquels
es peuples policés font fervir les métaux.
Tome IL M
266 Histoire
La nature complette la formation de quel-
^•^^' ques métaux: Ter, l'argent & le cuivre f(
trouvent purs & parfaits dans les fentes dej
rochers, dans le fein des montagnes, dam
le lit des rivières. Ces métaux furent dom
les premiers qu'on dut connoître àc les pre
ïïîiers dont on fit ufage. Mais le fer, qu
efl le plus utile de tous & celui auque
l'homme a le' plus d'obligation , ne fe trou
ve jamais dans fcn état parfait: fon minera
grolïier & rebelle doit être fournis deux foi
à la puifîance du feu & fubir deux opéra
tions pénibles avant de devenir propre
aucun fer vice. L'homme a dû connoîtn
pendant longtems les autres miétaux avan
que d'acquérir l'art de fabriquer le fer , ^
avant que d'arriver à ce degré d'induftrie né
ceflaire pour perfedionner une invention qq
lui fournit les inflrumens au moyen defquel
il fubjugue la terre & commande à tous fë
habitans. Mais à cet égard, ainfî qu'à plil
fieurs autres, l'infériorité des Américai
étoit bien frappante. Toutes les tribus faui
vsges, difperfées fur le continent & daa
les ifles, ne connoifToient point du tout le
métaux que le fol produit en abondance,
nous en exceptons un peu d'or qu'ils n
i n E l'A m e r I q u e. x62
lieilloient dans les torrens qui tomboient p»™™!
I^s montagnes & dont ils faifoient quelques 'Liv. iv.
l'nemens. Les moyens qu'ils avoient i ma-
rnés pour fuppléer au défaut de ces mé-
tux néceffaires, étoient extrêmement grof-
[îrs. L'ouvrage le plus lîmple étoit pour
['.X de la plus grande difficulté & exigeoie
'5 plus grands efforts de travail. Ils n'a-
i )ient pour abattre les bois que des haches
;' pierre & ils y employ oient des mois en-
irs, Creufer un canot étoit pour eux l'ou*
f âge d'une année , & fouvent k bois dont
i le faifoient étoit pourri avant que le.ca*
1 1 fût achevé. Leurs travaux pour l'agri-.
(Iture étoient également lents & impar-
tes. Dans les contrées couvertes de hau-
ts forêts il falloit les efforts réunis d'une
pjolade entière pour nettoyer le champ
c 'on deflinoit à la culture & ce travail de-
landoit beaucoup de tems & beaucoup d'ef»
Irts. Les hommes croyoient avoir afTez
i'z quand ils avoient ainfi préparé grofîîé-
ruent la terre; les femmes, chargées du
r^le de la culture , la creufoient ou du
nins la remuoient avec des boyaux de bois
i femoient ou plantoient enfuite. Là fe
t-rminoient tous les travaux , & la fertilité
M 2
i(59 Histoire
*555! naturelle du fol devoit faire le refle. L'
"^* '^* griculture , lors même que l'homme eft f
condé par les animaux qu'il a fournis à f(
joug & par les inftrumens divers qu'il a
fabriquer depuis la découverte des métaui
eft toujours un travail très -pénible. (
n'eft jamais qu'à la fueur de notre front q
nous pouvons féconder la terre. Il n'(
donc pas étonnant que des peuples priv.
de tous ces fecours aient fait fi peu de pri
grès dans l'agriculture & qu'ils aient toc
jours dépendu pour leur fubfiftance de
pêche & de la chafîe, beaucoup plus c
des produdlions qu'ils tiroient de la terre,
lesinfti- -Après avoir fait connoître la manière
tutions fubfîfter des peuplades groffieres de l'Ami
politiques . ^ ^ j'J • 1 r
raiiTent iiquc, nous pouvons en déduire la formée
état!" l'efprit de leurs inftitutions politiques,
indiquer les différences les plus frappant
qui fe remarquent entre ces peuples fauTi
ges & les nations civilifées.
^, II, 10. Ils font partagés en petites peuplai
font par- indépendantes. Quand la chafle feule foi:
tages en * ^
petires nit prefquc feule à la fubfiftance de l'hoi
Bsutés. me , il faut une grande étendue de tern
pour nourrir un très - petit nombre d'ho.
mes. A mefure que les hommes fe rouli
DE L'A M E R I q U E. ZÔg
lient & fe réuniffent, les animaux qui leur WÊiÊm
|;rvent de proie, diminuent ou fuient à de ^^v.iv.
irandes diftances des habitations de leur en-
,\zmu Tant que la chafîe efl le principal
:lioyen de fubfîftance, la population ed fort
\\oméQ & les hommes font obligés de fe
[ifperfer , comme le gibier même qu'ils
ourfuivent, ou de recourir à d'autres
loyens plus faciles pour fe procurer de
uoi vivre. Les animaux de proie, folitai-
i[^ & infociables de leur nature, ne vont
i|ioint à la chafîe en compagnie; ils fe plaî-
I ent dans les profondeurs des forêts , oli fans
tre troublés ils peuvent errer & détruire
lies autres animaux. Les peuples chafleurs
f, efîemblent par leur génie à ces animaux de
i)roie. Ils ne peuvent former de grands corp»
parce qu'il leur feroit impoflîble de trouver
eur fubfîftance, & ils font obligés de re»
bouffer bien loin tous les rivaux qui vou-
Miroient empiéter fur le territoire qu'ils re«
jyardent comme une propriété exclufive.
Tel étoit l'état des tribus Américaines: leur
Qombre étoit toujours très - petit , quoi-
(qu'elles fulTent répandues fur de très-valtes
;contrées : elles écoient très - éloignées les
îanes des autres & dans des guerres ^ des
M 3
270 Histoire
?^5!S rivalités continuelles. En Amérique , le m^
Liv. IV. ^g nation ne réveille pas d'aufïï grand
idées que dans les au:res parties du glob
On l'applique à de petites fociétés qui i
font compofées que de deux ou de trc(
cents perfonnes , mais qui occupent fouve::
des pays plus conlldérables que certaii
royaumes de l'Europe. La Guyane, que
que plus étendue que la France & diviO
en un grand nombre de nations, ne cont
noit pas plus de vingt -cinq mille habitan
Dans les plaines des bords de TOrénoque;
on fait plus de cent milles en différentes dJ
restions j fans rencontrer une feule cabani
& fans trouver même des traces de créati
res humaines. Dans le nord de l'Amérique
oh le climat eft plus rigoureux & la terr
moins fertile, la mifere & la dépopulatîo
font encore plus grandes. C'efl - là qu'où
fait des centaines de lieues à travers des fo(
rets & des campagnes défertes. L'homrai
ne peut gueres occuper toute la terre , tanj
que la chaiTe continue d'être fa principale
reflburce pour fa fubfiftance. !
2. Ils 2o. Les peuples chafleurs ne connoiHenl
n'ont an- •1,-1 . , , ^ i
cime idée pomt le droit de propriété. Comme les
j,rj^é.^^^ ^J^^o^^^x qui nourrilTent le chaffeur ^ne font
DE l'Amérique. 271
.'point élevés par fes foins, il ne, peut avoir
[aucun droit far eux tant qu'ils errent dans î-iv.iv.
Ues forêts. Dans le pays 011 le gibier eft fi
i^bondant^ qu'on peut le prendre fans beau-
ifcoup de peine, on ne fonge point à s'ap-
'^ proprier ce qu'on peut toujours avoir û ai-
féraent. Dans les pays, au contraire , oh il
eil fi rare que les dangers & les fatigues de
la chafie exigent les efforts réunis de toute
une tribu, de tout un village, il doit pa-
iTOÎtre appartenir également à tout le mon-
de, parce que tout le monde a également
contribué au fuccès de l'expédition. Les
forêts chez les peuples chafleurs font confia
dérées comme la propriété d'une tribu, qui
a le droit d'en exclure toutes les tribus ri-
vales. Mais parmi ces tribus il n'eft point
d'individu qui puifl'e s'arroger quelque por-
tion particulière de propriété, exclufive-
ment à tous les autres membres de la fo-
ciété. Tout appartient également à tous ,
|& chacun va prendre dans le magafin com-
-mun où l'on a mis le butin de la chafle,
tout ce qui .lui efi: nécefî*aire pour fa fubfi-
?ilance. Les principes qui règlent la prin-
rcipale occupation de leur vie , s'étendent
Uuifi aux travaux acceiToires qu'ils y joi-
M 4
Liv. IV.
27« Histoire
gnent. L'agriculture même n'a pu introduire
parmi eux une idée complette de la pro-
priété. Tandis que les hommes chaflent ,
les femmes travaillent à la terre , & tous
enfemble , après avoir fini leurs tâches ,
jouiflent en commun des fruits de leurs tra-
vaux. Parmi quelques tribus toutes les pro«»
durions de la terre font dépofées dans des.
greniers publics , pour être partagées enfui^i
te entre tous les membres, fuivant une juf?i
te proportion des befoins. Quoiqu'on les.
renferme dans des greniers féparés, parmji
quelques autres tribus, on n'y peut cepen*
dant jamais acquérir un droit aflez exclufif
de propriété pour qu'il foit permis à quel*
qu'un de jouir du fuperflu , tandis qu'autoun
de lui quelqu'un manque du néceflaire. Tou-
tes les diftinélions qui naiffent de l'inégalitéi
des richefîes leur font inconnues. Les nomsn
même de riche & de paume n'ont pu péné?î
trer dans leurs langues. Ils font enfin abfo-
lument étrangers à tous les rapports qui
naiffent de la propriété, ce grand objet des
loix & de la politique, cette bafe principale
de tous les gouvernemens que le genre hu-
main a établis fur la terre.
Les hommes dans cet état confervcnt tou-
jours
f DE L'A M E R I Q U E. I73
ïjours un fentimenc très -fore de leur indé 'êêêêë
pendance & de leur égalité. Partout oli la ^^'^^*
propnété n'ell point établie, les didinûions ^fj""^^/'*
[qui naiflenc des qualités perfonnelles font^'^fj^nce
(es feules qu'on puifTe connoître, 6c ces dis-iité,
tindions mêmes ne peuvent fe rendre fenfî-
blés que dans les occalions où les hommes
font forcés à déployer toutes leurs facul-
|tés. Dans les tems de grand danger & dans
'les affaires difficiles , on confulte la fageffe
!& l'expérience des vieillards qui prefcriveni
fies mefures que l'on doit prendre. Lorf-
qii'ils entrent en campagne contre l'ennemi,
le guerrier le plus diftingué par fon courage
fe met à la tête de la jeunefle & la conduit
aux combats (0. Quand ils vont en troupe^
à la chafle, le chaileur le plus adroit & le
plus heureux dans fes entreprifes fe met en-
icore à la tête de la troupe & en règle tour
Iles mouvemens. Mais dans les rems de re-
pos & de tranquillité , où l'on n'a plus au-
ieune occaGon de développer ces talens na-
'turels , on ne connoît plus aucune efpece de
! prééminence. Toutes les circonftances de
lia vie rappellent toujours aux. membres de
I CO Acoîla , MJi, n, c, 19. Stadins firjf, Brajîl, Uh
ii/j f, 15. Detay, lu, p, 10. Biec, ^6l,
! M 5
274 H I 15 T O I R E^
^*^*^ la communauté qu'ils font égaux. Ils font
^^^* ^^* tous vêtus 5 nourris & logés de la même ma.
niere. Rien de ce qui conftitue la fupério-
rité 'd'une parc <& la dépendance de l'autre
n'efl connu chez eux. Tout homme eft &
fent qu'il efi: libre , & il défend avec la plus
grande fermeté les droits attachés à fa con-
dition f 0. Ce fentiment d'indépendance eft
tellement gravé dans leurs âmes que rien ne
j)eut l'en arracher $ & que jamais le malheur
n'a pu foumettre leur fierté à la fervitude*
Accoutumés à être les maîtres abfolus de
leurs adtions, ils dédaignent d'exécuter les
ordres d'un fupérieur. N'ayant jamais ef-
fuyé aucune réprimande , ils né peuvent
fouffrir aucune correction C^). Un grand
nombre d'Américains , lorfqu'ils virent que
les Efpagnols les traitoient en efcîaves ,
moururenc de doulçur ou fe tuèrent de dé-
lefpoir C3). : " ■
Héesim- I^« Les idées de la fubordinatlon civile
parfaites ç^^t toujours très - imparfaites & le goaver-
boidiim- nement n'a jamais qu'une autorité bien foi-
U^il..
(O Labat VI, 124. Erickell, MJi. of Carol. 310.
C^) Voyez la Note LXI. j^
Cs^ Oviedo, Uh m, c. 6^p, 97. Vsga, conquîjla de-.
U' Fhrida, //so. II, 4l(;» Labat, II a 133, Bejizo, /#»
mr* oi:h W\ c. 25V
D E X'A M E R I Q tr E. Î275
ible chez des peuples qui font reilés dans
cet état. Q-iand la propriété eft inconnue
'dans une nation ou qu'elle n'en a que des
: idées incomplettes ; quand les productions
;de rinduftrie & les fruits fpontanés de la
! terre font confidéris comme appartenans à
lia fociété entière, il eft difficile qu'il naifle
parmi les concitoyens aucune de ces difcuf*
[fions qui exigent ^intervention des loix &
:de l'autorité publique.
. Quand les droits qui naiflent d'une pro*
priété exclufive ne font pas connus encore,
■ les grands objets des loix & du pouvoir ju-
diciaire ne peuvent exifter. Lorfqus les faU'-^
; vages vont aux combats 3 ou pour leur pro-
pre défenfe, ou pour envahir le territoire
: d'un ennemi , & lorfqu'ils font engagés dana
} quelqu'entreprife de chaffe difficile & péril-
ikufe, alors on s'apperçoit que les membres^ '
! d'une tribu font partie d'un corps politique;
\ alors ils fentent qu'ils ont une exift^nee*
commune avec les compagnons de leurs tra-
vaux , & ils fuivent avec foumiffion celui
qui s'eft diftingué par fa valeur & par fa fa*
gelTe, Mais hors de ces cas, 011 ils réuni f-
fent leurs efforts pour un intérêt commun^
or* n'apperçoic parmi eux aucune trace d'i^
M #
Liv. iV,
17^ MlSTOlRIS
SÊÊÊSm nîon politique Ci)» on ne voie aucune for-
Liv. IV. jjjg ^Q gouvernement. Les noms de ma*
gijîrat Ôc de fujet n'y font pas même en
ufage. Chacun femble jouir encore de toute
fon indépendance naturelle. Si Ton propo-
fe quelqu'entreprife pour l'utilité publique,
chaque membre de la communauté efl libre
d'y concourir ou de ne pas y concourir. Ils
n'ont ni réglemens qui leur irapofent des
fer vices , ni loix coadlives qui les forcent h
les exécuter. Toutes leurs réfolutions font
volontaires & partent toujours des mouv
mens naturels de leur ame (2), Dans la plu-*
part de ces peuplades grolîieres on n'a pas
même fait encore le premier pas qui con?!
duit à l'établiffement du pouvoir judiciaire^
Le droit de la vengeance eft laifTé dans les;
mains des particuliers (3). Lorfqu'il y a eai
' quelque violence commife ou du fang ré*)
pandu, la communauté ne fe charge point
d'infliger ou de modérer la punition. C'eft
aux parens ou aux amis à venger l'olFenfé
ou la viQime , & à recevoir la réi aration
(i) Lozano, defc, del gran Chaco , 93. Meleudez, ief$»
fos yerJadeyos, If, 23. Voyez la Note LXIf.
(2) Cbarlevoix , hijf, àe la Notîy, France » Ilt^ 3.66 , £^
Cî) Herrera , dec, 8 . iih IF^ c, ^
B S l'A me ri q u e. 177
offerte par le coupable. Si les vieillards s'en- — ^
•tremettent , ce n'eft jamais pour décider ^^^' ^^^
•l'affaire, mais pour donner des confcils qui
ne font prefque jamais écoutés. Comme il
•paroîc honteux de laiflfer une offenfe impu»
inie, le reffentiment eft toujours implacable
l'& éternel ( i). On peut dire que parmi les
fauvages robjet du gouvernement ne s'é-
ftend pas au- delà de l'intérieur des familles.
ills ne s'occupent jamais à maintenir un or»
^dre général & public par Texercice d'une au-
ftorité permanente; & fi des travaux com-
jinuns maintiennent quelqu'union entre les
I membres d'une tribu , c'eft furcouc pour
[attaquer ou repouffer l'ennemi avec plus de
ivigueur & d'avantage.
Telle étoit la forme de l'ordre politique a quête
'établi chez prefque toutes les nations de[Jf^^'^(5^
l'Amérique. C'eft dans cet état que fe trou- ^pp'^'^';;^^^^
'vent toutes les peuplades répandues dans cripuoïs»
'les vafles provinces qu'arrofe le Mifïïffipi,
■depuis l'embouchure du fleuve Saint- Lau-
'reot, jufqu'aux confins de la Floride. Les
^ peuples du BréfiJ , les habitans du Chili ,
quelques tribus du Paraguay 6l de îa Guya-
\ /v, . __ .
' O^ Charlevoix, hiJI. de la Notiy. Fran. Ill, 261. Lafi.
im ï, 486» Calfani, hifi, de Nitevo' Reym d^ Granadét , 22&
M 7
278 .H I s Ta IRE
■ ■■"■■' neV^ celles qui 'habitent les contrées qui
^^^•^^•s'étendenc depuis reraboùchure de TOreno-
que jufqu^à la péninfule d* Yucatan , étoient
auflî dans le même état. Dans ces fociétés
il petites & il nombreufes, il devoit y avoir
fans doute quelques variétés qui marquoient
dés dïfFérenees dans les progrès; de la civili-
fètion. Mais ce feroit en vain que nous
chercherions ces variétés , parce qu'elles
n'ont pas été obfervées par des hommes en
état de démêler ces légères différences qui
diflinguent les nations les unes des autres
lors même qu'elles ont en général le même
caradere. A quelque chofe près, le tableau
que nous venons de tracer convient égaler
ment à tous les peuples de l'Amérique, qui
joignoient un peu d'agriculture aux produits
de la chaile & de la pêche.
Quelque imparfaites ^ grofîieres que nous-
- paroiffent ces inftitutions > il y avoit des
tribus qui avoient fait encore moins de pro*
grès. Parmi les nations qui vivoient unique-
ment de la chafTe & de la pêche à, qui n'a»
voient aucune efpece d'agriculture, l'union'
& le fentiment de la dépendance mutuelle
entre les membres étoient ii foibles, qu'on
avoit peine à ûéoouvxit dans leurs a^ion«
D E L^A M E R I Q tj E. 279
juelqu'apparence d'ordre & de gouverne-
ncnt. Leurs befoias étoient en petit nom- ^^"^^ ^^•*
)re, Tobjet de leurs entreprifes étoit fim-
3le; elles formoient des peuplades féparées
>cagi{roient de concert par inftinâ;, par ha«
>itude ou par intérêt, plutôt que par des
n-jncipes raifonnés d'union & d'aiïbciation,
î faut placer dans cette- clafTe les Califor-
liens 5 plufieurs des nations qui habitent la
'^aile contrée du Paraguay, quelques peu-
ples des bords de l'Orénoque & de la ri-
'iere de Sainte - Magdéleine dans le nouveau
oyaume de Grenade (î)»
Mais parmi ces nations même , oh l'on Quelques
pperçoit à peine l'ombre d'un gouverne-^erde""
nent régulier . oh l'autorité eft refTerrée gouvera».
° ^ menu
•ans des bornes 11 étroites , on trouve
jaelquefois des inilitutions qui donnent au
hef un pouvoir qui femble oppofé au ca-
adlere des peuples fauvages. En obfervant
es inftitutions politiques établies par l'hom-
'He, foit dans l'état fauvage, foit dans la
vivilifation , on en découvre toujours quel-
!5ues - unes d'irrégulieres qui forteat des re.
i^lès générales , qui contrarient l'ordre de-
0) Venegas l,p. 6a. Lmr, édlf, //, p. i-jC, Tecbov
afio H r s T o I u e
y— toutes les autres - & qu*on s'etForceroît va
1,1V. IV. jjen^ent ^e concilier avec le fydême gém
rai des loix & des principes qai gouve
nent les foci tés dans les mêmes circonftai
ces. On en rencontre quelques- unes de fer
blables en Amérique pam^i les peuples qt
nous avons confondus fous le nom commt
de Sauvages. Elles font (î curieufes &
importantes, que je crois néceflaire de h
faire connoître & de remonter à leur or
gine.
Surtout Dans le nouveau monde , comme dar
dans quel- , • i i i i
qucs par- toutes Ics autrcs parties du globe , les cor
pays'^^^ trées froides à. tempérées Ton' le (iege ù
chauds. Yori de la liberté & de Tindépendance, L
les âmes font fortes & vigoureufes comm
les corps. Plein du fentiment de fa dign
té perfonnelle & capable des plus grand
efforts pour la faire refpeder, l'homme
afpire toujours à Tindépendance, & rien n
peut foumettre fa fierté opiniâtre au jou
de la fervitude. Dans les climats chauds
oh les corps font toujours énervés, oL un
fenlation agréable & pré fente paroît la ft
prême félicité , l'homme confent aifémer
à pafler fous la puifTance d'un maître. Au(
fi, en parcourant le continent de TAmériqu
DE L'A ME a I qu E. Sgl
lu nord au fud, nous verrons toujours Tau- m^— i
brité s'accroître avec la chaleur du climat , ^^* ^^^
ic les hommes perdre de leur activité à
^efure que le foleil en acquiert davantage.
f)ans la Floride l'autorité des chefs & des
aciques étoit non - feulement permanente ,
laais héréditaire. On les avoit diflingués
iar des ornemens particuliers , par des pré-
pgatives de différens genres , & leurs fu-
2ts n'ofoient les approcher qu'avec ces
Jémonftrations de refped & de vénéra-
^on, que les fujets d'un defpote font ac-
foutumés à employer en approchant du
ffône de leur maître Çi). Chez les Nat* chez k»
phez , nation qui habite fur les bords du Natchea.
jvlinifîipi , on connoît des différences de
âng qui font abfolument ignorées des na«
ions feptentrionales. Quelques familles
ont réputées nobles & jouiflent de plu-
leurs dignités héréditaires. Le corps du
)euple eft confidéré comme vil & formé
feulement pour la fujétion. Ces diflindions
font fixées par des noms, qui marquent l'é-
lévation de la première claiTe & TabailTe-
. i- _ .
f (0 Cardenas y Cano enfuyo Chrinol, à la h'ift. de Fh»
;ida , p, 46. Lemoine de Morgues ^^oenes Florin , ap. de
^^y •> P- I > 4 > ^«« Charlevoix , b'tfi, tle Ui Nouy, fté
Ul, p. 467.
282 Histoire
ment ignominieux de la féconde» On doi
Liv.iv. j^g ^^^ nobles le nom de reJpectàbUs ,
aux gens du peuple celui de puants. I
premier chef, celui dans lequel réfide Tai
torité fuprême , efl coniidéré comme i
être d'une nature fupérieure, comme le é
du foleil , le feul- objet de leurs adoratiôr»
On n*en approche qu'avec une vénératici
religieufe & on lui rend les honneurs qi
font dûs au repréfentant de la Divinit
Ses volontés font des loîx:, auxquelles (
doit une obéiiïance aveugle. La vie de f
fuj€ts efl tellement dans fa dépendance
que le malheureux qui a pu lui déplaire \
lui offrir fa tête avec une profonde humil
té. Sa puiflance ne finit pas avec fa viïi
il doit être accompagné dans l'autre mond
par les perfonnes qui l'ont fervi dans celuii
ci : pluûeurs de fes domefliques , fes prici
cipaux officiers & fes femmes les plus ché
ïies font immolés fur fa tombe ; & tel
efl la vénération qu'il a infpirée, que toute
^ ces victimes vont avec joie à la mort & r€i
gardent comme la diftindion la plus honà
rable & la récompenfe la plus belle de leui
fidélité Ci) d'être cboifîs pour accompagna
Ci} Dumoïi!: , Mémoire liifl, fur la Louïfiane, I, />. i
D E L*A M E R I Q U E. 283
eur maître au tombeau. Ainfi Ton voit é- — ■
abli chez les Natchez un defpotifme par- Liv.iv.
['ait, avec tout Ton cortège de fuperfticion ,
.'arrogance & de cruauté ; & par une fin-
;ulier-e fatalité ce peuple a éprouvé toutes
|J2S calamités qui appartiennent aux nations
iolicées , quoiqu'il n'ait pas fait dans les
rts & dans la civilifation beaucoup plus de
ijrogrès que les tribus dont il eft entouré.
. A Hifpaniola^ à Cuba & dans les grandes Dans le»
les , les caciques & les chefs jouiffoient ^^^^'
l'un pouvoir fort étendu, & leur dignité
îjs tranfmettoit par droit héréditaire du pe-
je au fils, avec les honneurs & les préra»
itatîves diflinguées qui y étoient attachées.
Les fujets avoient un grand refped pour
pur chef & fe foumettoient à fes ordres
^lins réferve & fans réfîflance (i). Les
ilaciques étoient diflingaés par des orne#
': ^lens particuliers ; & pour augmenter & main-
tenir la vénération des peuples, ils avoient
u l'art d'appeller la fuperflition au fecours
e leur autorité. Ils préfentoient leurs conî-
landemens comme les oracles du ciel &
I
hadevois, Wfi, de la Nouy. Fr, III, p. 419, &€. Lettu
'if. XX, 106, III.
Ct> Ilenera, dccaJ, i , îîh, I,c, i<5; lih III ^ c, ^, pn
). Fie de Colomb , chah. ;j.
fiS4 Histoire
1— prétendoient être doués du pouvoir de ré
Liv. IV. gler les faifons , de difpenfer le foleil & 1
pluie , félon que leurs fujets en avoier
befoin»
.g ^ Dans quelques parties du continent Faute
*»• rite des caciques femble avoir été aufli éter
due que dans les ifles. Dans Bogota , qui e;
aujourd'hui une province du nouveau royati
me de Grenade , il y avoit une nation pli
nombreufe & plus avancée dans les diffc
rens arts qu'aucun autre peuple d'Araér
que y à l'exception des Mexicains & de
Péruviens, Elle fubQftoic principalemet
du produit de l'agriculture. L'idée de prc
priété y étoic établie & les droits en étoiet
maintenus par des loix, tranfmifes par m
dition & obfervées avec un grand foin (^i
Ce peuple vivoit dans de grandes villes; :
étoit vêtu d'une manière convenable, &
avoit des maifons qu'on pouvoit regardd
comme commodes en comparaifon de celh
des nations qui Tenvironnoient. Cette é
vilifation extraordinaire avoit produit de
effets fenfibles. Il y avoit une forme rè
guliere de gouvernement & un tribunal éti
Ci) Piedrabita , hifi, ds las con^tiifias M noffV, m
i& gros, p* 4$»
D E l'A m e r I q u e. 485
)li pour connoîcre des difFérens crimes & ^55i
es punir avec févérité. On y connoiflToit ^^^'^^^
a diftindion des rangs. Le chef, à qui
es Efpagnols donnoienc le titre de monar-
[ue 5 & qui méritoic ce nom par l'appareil
z rétendue de fon autorité , gouvernoic
ivec un pouvoir abfolu. Il avoit des offi-
' :iers de difFérens grades, & il ne paroifToîc
Jamais en public fans une fuite nombreufe:
1 étoit porté avec beaucoup de pompe dans
:ine efpece de palanquin , précédé par des
:oureurs qui alloient en avant pour faire
nettoyer la route de fon paiTage & la jon*
:her de fleurs. La dépenfe de cette pom-
pe extraordinaire fe prenoit fur les taxes &
fur les préfens qu'il recevoit du peuple ,
''pour qui ce prince étoit un objet de véné-
ration Il impofant que perfonne n'ofoic le
[regarder en face , ni même s'approcher de
Oui autrement qu'en détournant le vifage(i}.
ill y avoic fur le même continent d'autres
'tribus , moins avancées dans la civilifation
que le peuple de Bogota , chez lefquelles
cependant l'^fprit de liberté & d'indépen-
fdance , fi naturel à l'homme fauvage , étoit
1 CiJ Herrera, dec. 6, lib. /, f. 2, lib. F, r. 56. Pie-
àiahita , c, 5 , p. 2g, &^c. Cornera , ft>/?. c* 72.
285 Histoire
déjà fournis à une forte de police, & qui
Liv.iv. avoient des caciques revécus d'une autorirfi
té aflez étendue.
Caufede II n*effc pas aifé d'indiquer les circonflaw
«^s van -^gg ^. ^e^^j-j^âier les caufes qui ont contri*
bué à introduire & à établir parmi cqé
peuples, une forme de gouvernement û dif-
férente de celui des tribus qui les environ-
nent , & li oppofée au génie des nations fau.
vages. Si les hommes qui ont eu occafion
de les obferver dans, leur état primitif, -j/
avoient apporté plus d'attention & de dif-
cernement , nous aurions pu en recevoir
des lumières fuffifantes pour nous guidei
dans cette recherche. Si d'un autre côte
l'hifloire d'un peuple à qui l'ufage de l'é*
criture efl inconnu , n'étoit pas enveloppé
de ténèbres impénétrables , nous pourrions:
tirer de cette fource quelques éclaircifle"
mens. Mais nous ne pouvons rien recueil*
lir de fatisfaifant ni des relations des Ef-
pagnols ni des traditions même des habi-
tans ; il faut avoir recours aux conjedlures
pour expliquer les irrégularités qui fe pré»
fentent dans l'état politique des peuples
dont nous parlons. Comme toutes ces tri-
bus qui avoieiic déjà perdu leur liberté &
DE l'A M E R I Q U E. 287
pur indépendance naturelle, étoîent fîtuées ^^êêêê
jUs la zone torride ou dans des pays qui ï-iv.iv.
1 font voifins , on peut fuppofer que le
limât a contribué à les difpofer k cet état
;? fervitude , qui femble être la deftinée
^ Thomme dans ces régions de la terre.
lais, quoique l'influence du climat, plus
uiflante que celle d'aucune autre caufe na-
relle, ne doive pas être négligée , cette
rconilance feule ne peut cependant pas
iffire pour donner la folution du problê-
,e. Les adlions des hommes font lî com-
iquées qu'il ne faut pas fe hâter d'attri-
ier à un feul principe la forme particu-
2re qu'on leur voit prendre» Quoique le
^fpotifme ne fe trouve en Amérique que
i)us la zone torride & dans les pays chauds
Ji l'avoiSnent , j'ai déjà obfervé que ces
lys font habités par différentes tribus ,
ont les unes jouiiTent d'une grande liberté
I les autres ne font foumifes à aucune ef*
bce de police. L'indolence & la timidité ,
particulière aux habitans des ifles les ren-
bient tellement incapables des lentimens
: des efforts néceffaires pour refier dans
|indépendance , qu'il feroit inutile de cher-
bier quelqu'autre caufe de leur lâche fou-
i88 Histoire
"^a— miflion à la volonté d*un chef^ La fervi
Liv. iV. fyj^g (jgg Natchez & des habitans de Bog(|
ta femblent avoir été un efFec naturel c
la différence qu'il y avoit entre leur éti
& celui des autres Américains. Ils fo
moient des nations fixes , réfidant conflan
ment dans le même lieu. La chafîe n'éto
point la principale occupation des premiern
& les derniers ne paroiffent pas avoir com
té fur cette reffource pour en faire i
moyen de fubfiftance. Les uns & les a
très avoient fait affez de progrès dans 1';
griculture & dans les arts , pour avoir {
introduire dans leur police une idée pli
ou moins précife de la propriété. Dans c<
état de fociété, l'avarice & l'ambition oi
déjà des objets fur lefquels elles peuveit
exercer leur influence. Des vues d'intén
réveillent les égoïfles , le défîr de coD
mander excite les efprits entreprenans: lîj
uns & les autres afpirent à la dominatic
& des paffions inconnues à l'homme fai
ge les portent à empiéter fur les droits 4|
leurs concitoyens. Des motifs qui font
gaiement étrangers à toutes les nations fai
vages, obligent le peuple à fe foumetti
fans réfîftance à Tautorité ufurpée de Jeui
m
D E l'A m p. r I q u e. 28P
iupcricurs; mais parmi ces nations mêmes, Ç^»5
>>n n'auroit pas pu , fars le fecours de la ^^^'' ^^*
[upei-ftition , rendre i'efpiic des peuples fi
llocile & le pouvoir des chefs fi étendu.
]'£(l la fatale influence de la fuperflition ,
! dans tous les degrés de la fociété abaif^
;î & dégrade refprit humain , brife fa vi-
;ur & fon indépendance naturelle. Qui-
:que fait manier cet inllrument redouta-
is e(l fur de dominer fur fon efpece.
lalheureufement pour les peuples dont
is inflitutions font l'objet de nos recher-
hes , ce pouvoir étoic entre les mains de
2UYS chefs. Les caciques des ifles pou*
cient faire parler comme il leur plaifoit ,
;urs Cémis ou divinités, & c'étoit par leur
iterpodtion 61: en leur nom qu'ils impo»
)ient des tributs & des charges fur le peu-
,'c (i). Le grand chef des Natchez étoît
^ principal miniflre, ainli que le repréfen-
^nt du foleil qu'ils adoroient. Le refpedt
|ue le peuple de -Bogota avoit pour fes
jionarques étoit dicté parla religion; l'hé-
[tier apparent du royaume étoit élevé dans
intérieur du temple principal , fous une
iTcipline auPtere , & avec des cérémonies
■ -^^rfatvcy»-^»»*^
Toms IL N
\'
590
Histoire
particulières , propres à inrpirer à Tes fu.
Liv. iv,jgj.g la plus haute opinion de la fainceté di^
fon caradtere & de la dignité de fa pla:
ce (i^. Ainû la fuperflition , qui dans le.
premiers périodes de la fociété efl entières
ment inconnue, ou qui épuife toute fa fon
ce' en pratiques vaines & puériles , avoi
déjà pris un empire marqué fur les peu
pies /américains qui avoient fait quelque 1
progrès vers la civilifation ; ainîî c'éto
déjà le principal indrument qui avoit .ferv|
à plier leur ame à une fervitude prématu
rée; & dès le commencement de leur cai
riere politique , elle les avoit foumis à u
defpoiifme prefqu'auiïï rigoureux que celi
qui opprime les nations dans le dernier p(
riode de leur corruption ù. de leur décaj
dence.
Art de la V. Après avoir examiné les inflitutic
guerre, politiques des peuples fauvages en Améri^
que, notre attention fe porte naturellemei;
fur leur art de faire la guerre ; c'eil - à
re , fur les moyens qu'ils ont imaginés pdS
la fureté & la défenfe nationale. Les p«
tites tribus difperfées fur ce continent foi
non - feulement indépendantes & ifoîéesi
(i) Piediahita,^. £/.
D E L'A M K R I Q U E, 2pl
lais fe trouvent engagées dans des hoflili- ^^m
es perpétuelles les unes avec les autres (i). Liv.iv.
Quoique Tidée d'une propriété particulière
,\uienant à un feul individu leur foit é»
rangere , les Américains les plus groffiers
nuOiTient le droit que chaque coramunau-
j, . a fur Tes propres domaines ; ils regar-
ent ce droit comme entier & exclufîf , au-
briiant le pofîefleur à repoufler par la fbr-
lù toute ufurpation des tribus voifînes.
iomme il efl: de la plus grande importance
pour eux qu'on ne vienne point troubler
m détruire le 'gibier dans leur terrein de
hafie, ils défendent avec une attention ja-
oufe cette propriété nationale; mais com-
ae en même tems leurs territoires font
brt étendus & que les limites n'en font
las exaclement fixées , il s'élève des fujets
nnombrables de querelles qui rarement fe
erminent fans effufioQ de fang. Même
^ns cet -état (impie & primitif de la fo-
^.xité , l'intérêt efl une fource de difcor-
|le, qui fouvent oblige les tribus fauvages
ji prendre les armes , pour repoulfer ou pu«
iiir ceux qui font des incurûons dans les
(î) Ribas, hiji^ de los îrhimf, p. 9,
N 2
292 Histoire
mBssna foréts OU dans les plaines d'où ils tirent
Liv. iv.jeur fubfiflance»
Mais rintérêc n'efl pas le motif le plu,
Leurs mo- ^ *■
tifs pour fréquent ni le plus puifTant des hoftilité;
guerre, continuelles qui fubiiflent parmi les natiom
fauvages. Il faut en chercher la principal
caufe dans cette palBon de vengecince qu
brûle dans le cœur des fauvages avec tac
de violence, que le befoin de la fatisfair
peut être regardé comme le caraâ:ere dil
tindif des hommes dans l'état qui préced
la civîlifation. Des circonflances très -puis
fantes , foit dans la police intérieure de
tribus fauvages , foit dans leurs opération
au dehors contre des ennemis étrangers
concourent à nourrir & à fortifier une pas
lion û funede à la tranquilité générak
Lorfqu'cn laifTe à chaque individu le droi
de venger fes injures de fes propres mains
toute cffenfe ed refientie avec une extr^i
me vivacité , & la vengeance s'exere
avec une animofité implacable. Le tenu
ce peut effacer la mémoire de Tinjut
qu'on a reçue , à. il eft rare qu'elle ne fb
Efpntdepas à la fin expiée par le far» g de i'ag^J
\^ngean. ^^^^^ ^^g nations fauvages font gouverné
dans leurs guerres publiques par les même
idées ôc animées du mêaie efprlt que dan
D E L'A M E R I Q U E. ap^
a pourfuite de leurs vengeances particulie-
es. Dans les petites communautés chaque Liv. iv.
adividu efc afFedté de l'injure & de l'affront:
[u*on fait au corps dont il eft membre ,
:omme fi c'étoit une atteinte diredle à fôn
)ropre honneur ou à fa fureté perfonnelle.
^e defir de la vengeance fe communique
le l'un à l'autre & devient bientôt une ef-
)ece de fureur. Comme les fociétés foi-
)les ne peuvent entrer en campagne que
)ar petites troupes , chaque guerrier a le
entiment de fa propre importance & fait
.]u'une partie confidérable de la vengeance
publique dépend de fes propres efforts.
f^infi la guerre qui entre de grands états fe
Fait avec peu d'animoUté , fe pourfuit par
les petites tribus avec toute la violence d'à*
ne querelle particulière. Le reiTentimentfDe-iUa
de ces nations efl aufli implacable que ce- de feuts
.lui des individus. Il peut diiîlmuler ou fuf- i^^^^*
jpendre fes effets , mais il ne s'éteint jamais ^
..& fouvent lorfqu'on s'y attend le moins il
[éclate avec un furcroît de fureur (i).
CO Boucher, hljî, mi. de la Nouv, Fr, p. 93. Charles
voix , W.fl, de la Nouv. Fr, III , p. 215 - 251. Lery , ap,
di Bij , III, p. 204. Creuxii, Mfl, Canad. p. 72. Lozano,
uj'. dd gran Chaco , p, 95, Hennepin, mœurs des Sauy,
N3
ôP4 Histoire I
Lorfque les nations policées ont obtenu !
Liv. IV. rhonneur de la victoire ou une augmenta- J
tion de domaine , elles peuvent terminer |
glorieufement une guerre; mais les fauva-ji
ges ne font fatisfaits qu'après avoir ex ter ï
miné la tribu qui efl l'objet de leur rage.
Ils combattent non pour conquérir , mais
pour détruire. S'ils commencent des hoRi»
lités 3 c'efl avec la réfolution de ne plu;
voir la face de leurs ennemis qu'en état de
guerre 5 & de pourfuivre la querelle avec
une haine éternelle (i}. Le deûr de la
vengeance efl le premier & prefque le feu
principe qu'un fauvage fonge à inculquei
dans l'ame de fes enfans (2}. Ce fenti
ment croît ^vec eux à mefure qu'ils avan*
cent en âge , & comme leur attention né
fe porte que fur un petit nombre d'objets»
il acquiert un degré de force inconnue par-r
mi les hommes dont les paillons font dilïï-l
pées & affoiblies par la variété de leurs
goûts & de leurs occupations. Ce delir del
vengeance qui s'empare du cœur des fauva-i
CO Charlcvoix, hlfl. âe la Nouy. Fr, IIl , p. 251. Gol-
den, I, 103} II, 126. Barrere, p. 170--X73.
C2) Chadevoix, hifl. de la Nouy. Fr. ![[, ^269 Lery,
ap* de Bry, III, 23(3. Lozauo, hi/l. du Parag. /, 144, r.
D E l'A m e r î q u e. ^gs
3, reflemble plutôt à la fureur d'iiiftindl ?
.les animaux qu'à une pafïïoa humaine. Oa^^^* ^^*
le voit s*exercer avec une fureur aveugle
'même contre des objets inamimés. Si un
fauvage efl blelTé par hafard par une pier-
re, il la faiiit fouvent par un tranfport de
colère 6c tâche d'appaifer fur elle foa res-
fentlment en la brifant (i}. S'il efl: blelTé
d'une flèche en combattant, il Tarrache de
fa bleiTure , la rompe avec fes dents & ^a
jette en pièces fur la terre (2). A Tégard
de fes ennemis , la rage de la vengeance
ne connoît point de bornes. Dominé par
cette palTioa , l'homme devient le plus cruel
de tous les animaux; il ne fait ni plaindre,
ni pardonner , ni épargner.
La violence de cette palTion efl: û bien
connue des Américains eux-mêmes, que
'c*efl: elle qu'ils invoquent toujours pour
exciter le peuple à prendre les armes. Si
les anciens d'une tribu veulent arracher les
1 jeunes gens à l'indolence; û un chef fe
ipropofe d'engager une troupe de guerriers
I à le fuivre dans une incurûon fur le terri*
CO I^ery, ap, de Bry , Kl ^ 190.
(2) Lery, ap, de Bry 3 Hf, 2o3. Herrera, àec, l, lih
FI, u S.
N4 ■
29(S Histoire
msmm toÏYQ ennemi, c'efl de refprit de vengeaû-
Liv.iv. ce qu'ils tirent les mocifs les plus puiffani
de leur éloquence martiale. „ Les os dti
j(, nos concitoyens, difenc-ils, font enco-
9 re expofés fur la terre. Leur lit enfan
» glanté n*a pas encore été nettoyé. Leurs
39 efprits crient contre nous; il faut les ap
^ paifer. Allons & dévorons ceux qui les
^ ont malTacrés. Ne reftez pas plus long*'
„ tems dans Tinadlion fur vos nattes ;le«
j, vez la hache ; confoîez les efprits des
,, morts & dites - leur qu'ils vont être ven-
* gés fO."
Perpé- Echauffés par ces exhortations, les jeunes
guerres? .^^^vages fe faililTent de leurs armes avec un
tranfport de fureur; ils entonnent la chan*)
fon de guerre & brûlent d'impatience de
tremper leurs mains dans le fang de leurs
ennemis. Des guerriers particuliers rafle:n-
blent fouvent de petites troupes & vont
attaquer une tribu ennemie fans coofulter
les chefs de la bourgade. Un feul guerrier, ^
par un mouvement, ou de caprice ou de i
vengeance, fe met quelquefois feul en catn* si]
pagne
(i) Charievoix, hifî. da li Niuy, Fr, IIL^ 216» 217.
Lery, ap. de Bry, III, 204.
B fi L'A M E R I Q U E. 297
oagne & fait plufîeurs centaines de milles ^êêêêêê
oour furprendre & tuer quelques enne-Liv. iv.
mis (i). Les exploits d*un guerrier dans
tes excurfions folitaires , forment fou vent
ia- partie principale de Tbiftoire d'une cam-
pagne Américaine (2), & les chefs fe pré-
;ent à ces faillies irrégulieres du courage,
5arce qu'elles tendent à entretenir refprit
nartial & qu'elles accoutument le peuple à
'audace & au danger C3). Mais , lorfqu'il
i'éleve une guerre nationale, entreprife par
autorité publique, les délibérations fe pren-
nent avec règle & avec lenteur. Les an-
siens s'afTemblent ; ils expafent leurs opi-
nions dans des difcours folemneîs ; ils pe*
^rent avec maturité la nature de l'entreprï-
^fe, & en difcutent les avantages ou les dé^
'favantages avec beaucoup de prudence &
de fagacité politique. Les preuves & les
devins font confuîtés ; quelquefois même
bn prend l'avis des femmes ("4}. Si la dé.
[cifion ^{l poar la guerre , on s'y prépare
; (O Voyez la Note LXIII.
f CO Voyez la Note LXIV.
I (3.) BoITli, vùy. I, 140. Lery, op. de Bry.ziS» Heir-
Repia, fmurs des Sauy, 41» Lafitau, II, 169.
(4) Charlevoix, Ufi, à& la Nouy» Fu III » aig-séSir
Bkt> 367.380*-
2p8 Histoire j
p— ■ avec beaucoup de cérémonie. Il fe préfen- \
Ijv.iv. te un chef pour diriger l'expédition, & il :
efl accepté ; mais perfonne n*efl obligé de'
lefuivre: la réfolution qu'a prife la commu-f^
nauté de commencer les holtilités , n'inipo» ;.(
fe à aucun de fes membres l'obligation de
prendre part à la guerre. ^Chaque individu
relie le maître de fa conduite , & il ne s'en'
gage à fervir que de fa pure volonté (i}.
Manière ^^^ principes qui dirigent leurs opéra- 1|
défaire tions militaires, quoiqu'extrêmement difFé-jl
là guerre. , .... ,, j '■]
rens des prmcipes qui règlent celles des na û
tions cîvilifées 3 font cependant très-apprO'jj
priés à leur état politique & au pays dans|
lequel ils font la guerre, lis n'entrent ja|
mais en campagne avec des corps nom |i
breux, dont la fubfiflance durant de longi'i
voyages, à travers des lacs & des rivières i
& dans des marches de plufieurs centaine? 1
de milles à travers des forêts horribles 3 exi*: :;
geroit de plus grands efforts de prévoyanccc;]
& d'induflrie que ne peuvent en faire-^deiii!
fauvage'. Leurs armées ne font point emM
barradées de lourds bagages. Chaque gueri^
rier porte avec fes armes une natte & ur |
petit; fac do maiz, & c'ed ce qui form<;i
il} ChâÛQ./oh a /47«. 6"<ï ^ i\û^5'* />. 217-2234
D E l'A m E R I QUE. 2p9
out Ton équipage militaire. Quand ils font 9ÊÊÊÊ
ncore à uae certaine diftance des frontie- ^^v.iv.
es du pays ennemi , ils fe difperfent dans
es bois & vivent du gibier qu'ils tuent (Se
les poiffons qu'ils prennent. Dès qu'ila
s'approchent du territoire de l'ennemi qu'ils
/ont attaquer , ils raflemblent toutes les
rroupes & s'avancent avec beaucoup d'ordre
iz de précaution. Ils n'ont recours qu'aux
^mbufcades & aux ilratagêraes. Ils ne met-
:ent point leur gloire à attaquer l'ennemi de
Front & à force ouverte. Le furprendre &
le détraire, voilà le plus grand mérite d'un
chef & la gloire de fes guerriers. Comme
la chaHe & la guerre font leurs feules occu-
pations , ils y portent le raétiie efprit (3c les
mêmes rufes. Ils fuivent leurs ennemis à la
trace au travers des forêts. Ils eraploienc
dans la guerre ces moyens que prend le
Ghaiïeur pour découvrir fa proie , cette
adreOe à fe tenir caché près des lieux ob
elle peut être , cette patience à l'attendre
pendant plulîeurs jours jufqu'à ce qu'elle ne
puîlTe plus lui échapper & qu'il fait plus
fur de la prendre. Lorfqu'lls ne rencontrent
point de parti détaché de l'ennemi ils s''a-
vaaceat iufques dans les villages , nmls avec
3^ Histoire
i™55l tant de précautions pour cacher leur approi
Li v.iv, çYiQ^ qu'ils fe gliflent fouvent dans les forêt
en marchant fur les mains & fur les pieds
& pour mieux fe cacher ils fe peignent 1
peau de couleur de feuilles mortes (ij
Lorfqu'ils font aflez heureux pour n'ôtre pa
découverts^ ils profitent du filence de 1;
nuit pour mettre le feu aux cabanes & mal
facrer les habitans , qui fuient nuds & fan
défenfe pour fe dérober aux flammes. S'il
efperent de n'être pas pourfuivis dans leu
retraite , ils amènent avec eux quelque
prifonniers , qu'ils deftinent au fort le plu;
affreux. Mais fî , malgré toutes leurs précau*
tions & toute leur adreire, leurs defleins 6*
leurs mouvemens font découverts, l'enne
mi a pris l'allarme <Sc fe prépare à les rece»
voir, ils penfent alors que le parti le pluil
fage eîl de fe retirer. Attaquer un ennemi
en plein champ, lorfqu'il eft fur fes gardet
& avec des forces égales , leur paroît une
extrême folie. Le fuccès le plus brillant
paroît une défaite au chef, .s'il l'a acheté
par une perte confidérable de fes compati ^
(O Cbailevoix , /;.|/?. de la Nouv. Fr. III , 237- 238^-^
i-Ujincpin, Moeurs dss Sauyag&s , p, ^g», \
D E t'A M E R I Q U E. 30I
gnons (0^ <5c jamais il ne fe glorifie d'une «es*
vidoire fouillée de leur fang (2), La mort Liv.lV.
môme la plus honorable ne fauve pas la mé-
moire d'un guerrier du reproche d'impru»
dence & de témérité (3).
Certe manière de faire la guerre étoit uni- Hs ne
verfelle en Amérique ; les petites nations pls^de^^
fauvages répandues dans des pays (Se des cli- ^°^^^''^^^*
mats très -divers montroient toutes plus de
'îufe que d'audace dans leurs entreprifes mi-
litaires. Frappés de roppofîtijan de leurs
^principes à cet égard avec les idées & les
maximes des nations Européennes ^ quelques
auteurs ont penfé qu'il ftilloit en chercher
la fource dans la foibleiïe <Si la lâcheté qui
: femblent cara^lérifer furtout \qs Américains
i & qui les rendent incapables de touce adioa
\ noble & généreufe (4) ; mais û nous fai»
' fons réflexion que dans les occaûons extra*
' ordinaires qui exigent de grands efforts,
' non - feulement la plupart de ces tribus fa»
vent fe défendre avec opiniâtreté, mais
(i) Voyez la Notû LXy, Lalimu , Mœurs des Sauva*'
ges , //, 248.
C2J Cbarlevoix , ^;/J. âe InNbuy. Fr, TU» 23a - 307. Bie J.
(3) Charlevois, lïl , 376. Voyez ia Notb LXVL
C4) Recherch, phîlof, [ar Te& Amérïs* /; 11$. Fv$, ^
Iks. Marcb, IF^ p, 410,
Liv. IV,
302 H I^ S T O I R E
qu'elles attaquent même rennemi avec h
courage le plus audacieux, & montrent un*
préfence d'efprit qui ne craint ni le dange
ni la mort 3 nous verrons bien que leurs pré
cautions doivent avoir quelqu*autre cauf
que cette timidité qu'on prétend leur êtr
naturelle (i). Le nombre des homme
dans chaque tribu eft fi petit & les diffi
cakes de l'accroître parmi les dangers 6
les peines de la vie fauvage font û con
lidérables , que la vie d'un citoyen ef
extrêmement précieufe & fa confervatioi
le premier objet du gouvernement. Si 1(
point d'honneur parmi les foi blés tribuî.
d'Amérique eût été le même que chez lei
nations puiffantes de l'Europe , (i elleî
avoient couru à la célébrité & à la vic-
toire en méprifant les dangers & la mort j
elles auroient été bientôt^détruites entière-
ment par des maximes fi peu conformes U
l'état de leur population. Mais dans les tri-
bus alTez norabreufes pour être en état d'a-
gir avec des forces plus confidérables & dp
fautenir des pertes fans un afFoibliiïement'
fenûble, les opérations militaires des Amé*
Ci) Lafitau , Mœurs des- Saur, H» 248"249. Chaiie-voix.,
m?t. de. la- Nm-ir> Fra^ics ÎUi. ao-^»-
1
DE L'AMKRIQUE* 3O3
:ains relTembloient beaucoup à celles des
itres nations. Les Bréfiliens & les peu- ^^' ^^'
^ les qui habitoient les bords de la rivière de
' Plata, entroient en campagne avec des
orps de troupes afîez confidérables pour
lériter le nom d'armée. Ils défioient Pen-
emi au combat, engageoienc des bataille»
angées & difputoient la vidoire avec cette
érocitc opiniâtre , qui femble naturelle à
[es hommes qui ne font la guerre que pour
îxterminer leur ennemi fans demander ni
aire de quartier (^l). Dans les puifTans empi-
•es du Mexique & du Pérou , on alTembloit
'de très- grandes armées, & l'on donnoit de
fréquentes batailles; la théorie & la prati-
que de la guerre y étoient bien différentes
;que chez, ces petites tribus qui prenoient le
*nom de nations.
" Mais , quoique la vigilance & l'attention iis ne
foient les qualités les plus nécefTaires , par- ?Sà"au*
tout OLi la guerre fe fait par la rufe & pir^P °^'^^^
^ ^ & aucune.
les furprifes ; quoique les Américains dans ^'^cipiine
„ ^ , o- ... dans les-
toutes les actions particulières montrent années^
toujours la plus grande adreiTe à cacher
leurs mouvemens & à pénétrer ceux dePen-
nemi , c'ed une chofe très-remarquable que
lorfqu'ils entrent en campagne ils prennent
Ci} Voyâz la Note. LXVk.
504 Histoire
W— rarement les précautions les plus efTentie
Liv.iv. les pour leur fureté. Telle eft la difficult
de fouraettre les fauvages à la fubordinatio
& de les faire agir de concert ^ telle efl let
préfomption & leur averlion pour toute ei
pece de contrainte y que prefque jamais 0
ne peut les obliger à fuivre les ordres & le
confeils de leurs chefs. Us n'ont pendan
la nuit aucune fentiaelle autour des lieu:.
oh ils font campés. Souvent après avoir fai:
plufieurs centaines de milles pour furpren
dre l'ennemi, ils font furpris eux-mêmes ô
égorgés dans le forameil profond oh ils f<
plongent y comme s'ils n'avoient à redoute,
aucun danger (1^.
Mais il, malgré cette négligence & cett(
fécurité qui leur fait perdre fouvent le fruit
de toutes leurs rufes,' ils furprennent rea*
nemi fans défenfe , ils fondent fur lui avec
la plus grande férocité ; ils enlèvent la che^
velure de tous ceux qui tombent fous leun
rage & rapportent chez eux en triomphe
ces étranges trophées (2}. Ils les confervent
comme des monumens, non - feulement de
leur valeur, mais de la vengeance qu'ils fa-
vent exercer fur ceux qui deviennent les
CO Chailevoix, MI, 135»
DE L*A M E R I <J U E. 305
hjets du reflentiment public Ci). Ils em- — — f
loient plus de foins encore pour faire des ^^^* ^^*
rifonniers. Dans leur retraite, s'ils efpe-
mt la faire fans être inquiétés par Tenne-
li, ils ne font communément aucune inful-
ï à ces prifonniers , (5c ils les traitent même
vec quelqu'humanité , quoiqu'ils les gardent
vcc Tattention la plus rigoureufe.
Mais après cette furpeniion momentanée Traite-
1 r, • f ^ 1 ment d^
2 leur férocité 3 leur rage reprend une noU'pnfon-
elle fureur. Lorfqu'ils approchent des"^^^'^'
•entières de leur pays , on dépêche quel-
ues-UDs d'entr'eu?c pour aller apprendre à
rars concitoyens le fuccès de leur expédi-
:on. Ceft alors que les prifonniers cora-
lencent à preflentir le fort qui les menace,
.es femmes des villages & les jeunes gens
ui ne font pas encore en âge de porter les
rmes s'alTemblent : ils fe rangent en deux
ignés, armés de pierres & de bâtons, dont
;ls maltraitent cruellement Ç2) les prifonniers
orfqu'ils pafîent au milieu d'eux. Des la-
mentations fur la perte des concitoyens qui
jbnt tombés dans le combat , avec les ex-
hreffions de la douleur la plus excelîive.
(i) Lautau, Mœurs des Sauyages^ /. 3j p» 2^6»
(2) Labontan , Il , 184*
3C<5 Histoire
ï^^ fuccedent à ces premiers cris de joie &
Liv.iv. veDgeaoce; mais dans un moment , à
fgoal donné 3 les larmes cefTent, on pal
encore avec une rapidité incroyable de
douleur la plus profonde à la joie la pi
vive 3 & Ton comm.ence à célébrer la vi
toire avec les aiFreux tranfports d'un trior
phe barbare (ï^. Le fort des prifonnie
eft cependant encore incertain. Les ancie;
de la tribu s'afferablent pour le décide
Quelques-uns font deflinés à être tourmei
tés jufqu'à la mort peur alTouvir la vengeai
ce des vainqueurs ; d'autres à remplacer U
membres de la tribu-vidorieufe qui ont et
tués dans cette guerre ou dans les préc(
dentés. Ceux qui font réfervés à ce foi
plus doux, font conduits aux cabanes d
ceux dont les parens ont été tués. Les fem
' mes les attendent à la porte, & (î elles le
reçoivent leurs foufFrances font finies. II
font adoptés dans la famille & placés fui*
vant leur manière de s'exprimer, fur la nat
te du mort. Ils prennent fon nom, fon rani
& font traités avec la tendrefle que Foi
doit à un père, à un frère, à un mari ou ;
^i) CbadevoiA, -hifi. de la Nouy. France, III, 241. La
fitau , Mœurs des Smv, II , -264.
D E l'A m e r I q u e. 307
m ami. Mais fi par un caprice, ou par un ■— ^
^'iïe de defir de vengeance, les femmes re- *
ifent de recevoir le prifonnier qui leur eft
fert , fon arrêt efl prononcé , & il n'efl
j cun pouvoir qui puilTe le fauver de la tor-
jre & de la mort,
■ Les prifonniers, quand leur fort eft enco- indiss-
,., , . , rence des
i incertam, vivent comme s ils etoient ab- prifon-
îlumeot étrangers à tout ce qui peut leur jg^^f^j^^
.river. Ils mangent , boivent & dorment
)mrae s'ils jôuiiTolent du fort le plus tran-
(jille 61 comme fi aucun danger ne les me-
içoir. Ils entendent fans changer de vifage
irrêt fatal qu'on leur prononce , fe prépa-
nt à le fubir en hommes , & entonaeat la
iianfon de mort. Les vainqueurs s'aiiem-
j.ent comme à une fête folemnelle, réfoîus
mettre le courage des patiens aux plus
i'ueiles épreuves» C'eft alors que Ton voit
pe fcene dont la defcription doit glacer
horreur tous ceux que des inftitutions
puces ont accoutumés à refpe^ter l'homme
i; à s'attendrir à Tafpeâ: de fes fouiFrances#
jiC prifonnier e(t lié à un poteau , mais de
|ianiere qu'il peut courir tout autour. Tous
eux qui font préfens , hornoiss, femmes 5
iOfans, tous fondent fur lui conims des fa-
300 Histoire
ÊÊ^m ries. On emploie contre ce malheureux to\?
Liv. iv. j-gg jgg efpeces de torture que peut invenu
la fureur de la vengeance. Quelques- un
lui brûlent le corps avec des fers rouges
d'autres le coupent en morceaux avec du
couteaux ; d'autres féparent la chair des c
ou lui enfoncent des clous qu'ils tourner
enfaite dans les nerfs. Ils s'efforcent ,
Tenvi les uns des autres , d'imaginer des ri
finemens de cruauté. Rien ne met des bo.
nés à leur rage que la crainte d'abréger '.
durée de leur vengeance, en accélérant leu
mort par l'excès des foufifrances ; & tell
ell leur ingénieufe barbarie qu'ils éviter
toujours de porter des coups dans les pai
ties du corps où ils feroient martels; i]
prolongent pendant plufieurs jours les toui
mens de leur vifStime. Cet infortuné , au rai
lieu de toutes fes fouffrances, chante d'un-
voix ferme la chanfon de mort, célèbre Çë
propres exploits , infulte à ceux qui le toui
mentent , en leur reprochant de ne favoi
pas venger la mort de leurs parens & d'
leurs amis , les avertit de la vengeance qu'oi
tirera de fa mort, & excite enfin leur féro
cité par toutes fortes d'injures & de mena
ces. La force ù, le courage qu'il fait écla
D E l'A m e r I q u e. 30P
fi' dnns cette fituation terrible, eft le plus
f au triomphe d'un guerrier» Fuir ou abré- Liv. iv.
ih fes tourmens par une mort volontaire,
ill" une lâcheté qu'on punit par l'infamie,
dui qui laiiTe échapper quelque figne de
ibleiTe, efl: mis à mort fur le champ par
épris, parce qu'on le juge indigne d'être
aité comme un homme (i^. Animés par
is idées 6c par ces fentimens , les Améri-
ins fouffrent, même fans pouûer un feul
hîiiiTement, des tourmens que ia natu'e
Umaine ne fembleroit pas être capable de
apporter. On diroic qu'ils ne bravent pas
îulement les tourmens , mais qu'ils les dé-
rent.
,, Laiflez-là," difoit un vieux chef des
oquois à un de fes bourreaux qui l'avoic
effé d'un coup de couteau, ,,laifrez-]à
vos coups de couteau & faites -moi mou-
rir par le feu, afin que par mon exem-
ple j'apprenne à ces chiens, vos allies
d'au-delà des mers, à fouffrir comme des
hommes C^^"- Cette magnanimité, donc
bs exemples font très-fréquens parmi les
berriers Américains, au lieu d'exciter d2
f CO De la Potherle. II, zxy ; lîl, 48 r.
I CO Colden, /;/}?. offifc nations, I, 2cc.
q[o ^ Histoire
o
l'admiraticn ou d'infpirer de la pitié, ne fa<
^^^'' ^^' qu'irriter ]a vengeance féroce des euneir
ù. les porter à de nouveaux aftes de crua.
té (0. Las enfin de lutter avec des hoD
mes dont rien ne peut vaincre la conftaua
quelque chef dans un mouvement de rai
finit par les tuer de fon poignard ou de
maffue (2).
A ces fcenes barbares en fuccedent fo
vent de plus horribles encore. Il eft impo'
fible d'afîbuvir jamais l'affreux fentiment (
la vengeance dans le cœur d'un fauvage
les Américains mangent quelquefois les vi
tîmes qu'ils ont fi cruellement tourm.entée
Dans l'ancien monde la tradition a conferv
]a miémoire de quelques nations féroces >
barbares qui fe nourriflbient de chair humar
ne; mais il y avoit dans toutes les partie
du nouveau monde des peuples à qui cettt
coutume étoit familière. Elle étoit établi^
dans le continent méridional (3) , dans plu
(i) Fcy, de Lahontan , 1 , 236.
C2) Chadevois , kiJI, de la Nouv. Fr. III , 243 , ^c. 38;
Lafitau , Blœurs , II , 365. Cteuxii hift, Canada p, 73, Hen
nt^m , Mœurs desScaiy.p, 64, &:. Laliontan, I. 233,6?'
Diiteitre, II, 405. De la Potherie, II, 22, &c,
Cs) Stadius , ^p. deBryAll, 123. Lery , ibid, 210. Blet
384. Lettr. édlf. XXIII, 341. Pifo , 8. La Condainine
84-97. Ribas j k'ifi, de los triumfos , 473,
EE l'A m er I q u e, 311
iurs des ifles (i), & dans diifcrens can- ~~—
ras de l'Amérique feptentrionale (2)* Dans ^^^* ^Y'
1 pays de ^Amérique, oii des circondan-
( :î qui nous font inconnues ont en grande
jitie aboli cet ufage. il paroîc avoir été
I lement connu que l'idée en eft incorpo-
2 dans les formules même du langage.
Drfque les Iroquois veulent exprimer la
foîutîon qu'ils ont prife de faire la guerre
une nation ennemie, ils difent allons cf
ingeons cette nation. S'ils follicitent le fe-
urs d'une tribu voiûne, ils rinvitenE à
mir manger du houillon fait de la chair de
urs ennemis fs). Cette coutume n'étoit pas
irticuliere aux peuplades les plus grofiieres
I les iBoins civilifées: le principe qui y a
pnné naiflance eft fi profondément enraciné
lus l'ame des Américains , qu'elle fubîiftoit
1 Mexique 5 l'un des empires policés du
uveau monde, & qu'on en a découvert
s traces parmi les habitans plus doux en-
j(i) L'îfe of Coîumb, 529. Martyr, ctecad. p, lo. Duter-
, II, 405.
(2) Duinont, mem. I» 25. Charlevoix, hifl.âe ïaNouy,
\ I, 259 j II, 14; III 5 21. De la Potheiîe, III, 50.
^3) Charlevoix, klft, delaNcuy. Fr. III, 208-209. Leîtr,
'if, XXFîI , p, 277. D© la Pothene , II , 298. Voyez ia
OTS LXIX.
312 Histoire
core de l'empire duJPérou. Ce n'étoit
I
Liv.îy. i^ difette ôqs alimens & les befoins impp»
tuns de la faim qui forçoient les Américai:;
à fe nourrir ainfi de leurs femblables. Dâi
aucun pays la chair humaine n'a été eif
ployée comme une nourriture ordinaire, '
il n*y a que la crédulité & les méprifes (
quelques voyageurs qui aient pu faire crc
re que certains peuples en faifoient un d
moyens ordinaires de leur fubûflance. L'a
deur de la vengeance a d'abord porté Ii
hommes à cette adion barbare (i) ; ma
les peuples les plus farouches ne mangeoiei
que les prifonniers qu'ils avoient faits à
guerre , ou ceux qu'ils regardoient comm
ennemis (2). Les femmes & les enfaii
n'étant point pour eux des objets de haine
n'avoient rien à craindre des effets réfléchi
de leur vengeance , lorfqu'ils n'étoient pa|
maffacrés dans la fureur d'une première inf
curfion en pays ennemi (3).
Les peuples de l'Amérique méridional»
af
Ci) Biet, 383. Bianco, conyerfwn de Plriiu , p, 28. Ban
crofc, mt, Mft, of Qidana » p. 259, &c*
(2) Voyez îa Note LXX»
(3) Biet s 82, Bandini, yita àt Jmeric), 84, Dutertre
405» Fefœîni defçrlptt de Surinam ^ I, 54.
DE l'Amérique. 313
fTouviffenc leur vengeance d'une manière ^^5
T WT
n peu différente , mais avec une férocité ^^^' *
on moins implacable. Lorfqu'ils voient ar-
river leurs prifonniers , ils les traitent au
-Premier, abord auffî cruellement que les ha-
itans de ^Amérique leptentrionale traitent
\is leurs (i) ; après ce premier mouvement
'e fareur , non • feulement on cefîe de
;s infulter, mais on leur marque même la
lius grande bonté. Ils font carelTés & bien
ourris, & on leur envoie même de belles
: jeunes femmes pour les foigner & les
bnfoîer. Il n'efl: pas aifé d'expliquer cette
ngularité de leur conduite, à moins qu'on
b rimpute h un rafinement de cruauté ;
r, tandis qu'ils paroifîent occupés d'atta-
;er davantage leurs prifonniers à la vie ,
leur fourniflant tout ce qui peut la ren-
re agréable, l'arrêt de leur mort eft irré«
ocablement porté. A un certain jour dé-
brminé , la tribu vidorieufe s'aiTemble; le
japtif eft amené en grande folemnité ; il
[oit les préparatifs du facrifîce avec autant
^'indifférence que s'il n'étoit pas lui-même
i victime; il attend fon fort avec une fer-
lieté inébranlable, & un feul coup lui fait
(0 Stadiiis, ûj>, d& Bry , III, 40, i 3,
Tome IL O
314 Histoire
5 perdre la vie. Au moment oii il tombe
Liv. IV. jgg femmes s'emparent de fon corps '
Tapprêtent pour le feftin. Elles teignei
leurs enfans de fon fang , pour alluma
dans leur ame^une haine implacable conti
leurs ennemis , & toute la tribu fe réun
pour dévorer la chair de la vidime av(
une avidité & des traîifports de joie inei
primables (i^. Ces peuples regardent '
plaifir de manger le corps d'un ennemi ma:
facré, comme le plaiiir le plus doux & .
plus complet de la vengeance. Partout c
cet ufage effc établi, les prifonniers ne pei
vent point échapper à la mort ; mais ils r
font, pas toujours tourmentés avec la mên
barbarie qu'ils le font chez les peuples moi)
familiarifés avec ces horribles feflins (2}.
Comme il n'y a point de guerrier Âm
îicain dont la confiance ne puifTe être m
fe à ces rudes épreuves, le grand objet (
l'éducation & de la difcipline dans le noi
veau monde ell d'y préparer les hommr
de bonne heure. Chez des nations oh V(
fait la guerre à force ouverte , oh l'on d^
fie fes ennemis au combat, oh la v'idoh
CO Stadius , ap. de Bry , III , 128 , &c. Lery , itU. ait
Ca) Voyez la Note LXXI.
D E L'A îvl E R I Q U E. 3Î5
■ l le fruit de la fupériorité des talens ou raa—
'I courage, les foldats font formés à être Liv. iV«
^ tifs, forts & audacieux. Mais en Amé-
■ ''^e, oh l'efprit & les maximes de la guerre.
,.:c très-dilFérens, le courage paffif efl
'^ vertu qu'on efcime le plus» Auflî les A*
*' éricains s'occupent -ils de bonne heure à
;quérir une qualité qui leur apprendra à
comporter en hommes, lorfque leur fer*
été fera mife à l'épreuve. Tandis que
ins les autres pays les jeunes gens s'adon*
mt à des exercices qui demandent de la
)rce & de Tadlivité , les jeunes Améri-
lins difputent entr'eux à qui montrera la
'US gi-ande patience dans les fouffrances.
s endurcifTent les organes de la fenfibili-
; par ces épreuves volontaire^, & s'ac-
butument par degrés à foufFrir, fans fe
Plaindre , les douleurs les plus aiguës. On
oit un jeune garçon & une jeune iille en»
délacer leurs bras nuds & placer un char-
bn allumé entre les deux bras , pour voir
);quel montrera le premier aiïez d'impa-
Mence pour fecouer le charbon (i}. Lorf-
a-un jeune homme efl admis à la clalTe des
CO Chaiîevoix , hJJ^, de la Nouy* Fr* III, 30;^,
O 2
^16 Histoire
guerriers , ou lorfqu'un guerrier eft éltvi
Liv.iVe ^ 2a dignité de capitaine ou de chef, or
les foumet à des épreuves toujours analo
gués à ce genre de fermeté. Ce ne Ton'
pas des a£tes de valeur, mais de patience
on ne leur demande pas de fe montrer er
état d'attaquer, mais capables de fouffrir
Chez les nations qui habitent les bords dt
rOrenoque , fi un guerrier afpire au ran|
de capitaine , il efl obligé de s'y prépara
par un long jeûne, plus rigoureux que ce^
^ lui des plus aufteres hermites. Les chef:
s'aflemblent enfuite; chacun d'eux lui don
De trois coups d'un gros fouet , fi vigou
reufement appliqués que tout fon corps eii
efl couvert de plaies -, à, s'il donne le moiaij
dre fjgne d'impatience ou même de fenfibi
Hté, il eft deshonoré & rejette à jamais
comme indigne de l'honneur auquel il pré
tend, Après quelques intervalles la cons
tance du candidat efl foumife à des épreu-
ves plus cruelles encore. On le couch(
dans un hamac , les mains fortement atta-
chées , & l'on jette fur lui une mukitudt
innombrable de fourmis venimeufes , doni
la morfure caufe des douleurs très -vives <5
produit une violente inflammation. Les ju
D E l'A m e r I q u e. 317
-S de fon courage fe tiennent debout au-
Dur du hamac, &l tandis que ces cruels in- Liv.iv.
?âes s'attachent aux parties les plus fen»
blés de fon corps , il ne faudroit qu'un
X'P'ir , un gémilTement , un féul mouve-
leot involoataire de fenGbiiité , pour le
lire exclure de la dignité qu'il ambitionne
'obtenir. Cela ne fufiit pas encore pour
tabîir complètement le degré de mérite
u'on attend de lui ; il faut qu'il fe foumet-
e à une nouvelle épreuve plus redoutable
[u'aucune de celles qu'il vient de fubir. On
e fufpend de nouveau dans foa hamac &
)n le couvre de feuilles de palmier : oa
ullume au - deflbus de lui un feu d'herbes
)uantes , de manière qu'il ea fent la cha*
[.eur & qu'il efl enveloppé de la famée.
Quoique brûlé tout à la fois & prefqu'é-
:oaffé , il eil obligé de montrer la même
patience 6; la même infenfibilité. Oa en
(voit plufieurs périr dans ce terrible effai
|de fermeté ; mais ceux qui le fubilTjnt
avec applaudifTement , reçoivent en céré-
monie les marques de leur nouvelle digni-
ité & font dès - lors regardés comiBe des
^chefs d'un courage reconnu , & doat la
conduite dans les occalîons les plus criti*
03.
313 HlSTOIKE
5!™3 ques ne peut manquer de faire honneur ;
Liv. IV. igyj. pgyg çj^j^ £)^j^5 rAmérique fepten
trionale le noviciat d'un guerrier n'eft r
auffi rigoureux ni fournis à autant de for
malices. Cependant, un jeune homme n'y
le droit de porter les armes qu'après qu
fa patience & fon courage ont été éprou
vés par le feu, par des coups, & par de
infulces plus intolérables encore pour de
âmes fîeres (2}.
Celte fermeté extraordinaire avec laquell
les Américains endurent les tourraensîes plu
cruels, a porté quelques auteurs à croire qu
par une fuite de la foibleffe particulière di
leur conflitution, ils ont moins de fenfibiliti
que les autres hommes; de même que le
femmes & les perfonnes qui ont la fibn
molle & lâche, font moins affedlées de h
douleur que les hommes robulles donc li
fibre eft plus forte & plus tendue ; mair
les Américains ne différent pas tellemeni;
du refte de l'efpece humaine par leur coû'.
flitution phylique , que cela fuffife pour ex-
pliquer cette fîngularité de leurs mœurs.
Elle a fa fource dans un principe, d'honneur,
__ . -^ — -r
O) Gumilla, II, 2?>6 , à\. Biet, 27-5, &c.
Çz) eiiailevoix, Aï/I, de la Nouy. Fr» III, 219.
I
DE L*A M E R I Q U E. 3IP
feculqué dès l'enfance & cultivé avec alTez
ie foin pour infpirer à riiomme même dans ^^^' ^^*
tet état fauvage , une magnanimité héroï-
que à laquelle la philofophie a vainemenc
âché de l'élever dans l'état de civilifation
& de lumières. L'Américain apprend de
Donne heure à regarder cette confiance iné-
Dranlable, comme la principale diftindlion
Je l'homme & la plus haute perfedion d'un
Guerrier, Comme les idées qui règlent fa
Conduite & les paOions qui échauffent fon
:c3ar, font en petit nombre, elles agiHenc
avec plus d'efîicacité que lorfque l'ame elt
occupée d'une grande multitude d'objets, ou
dlftraite par la diverfité de fes aiFecllons,
Ainii , lorfque tous les motifs qui peuvent
agir avec force fur l'ame d'un fauvage , fe
réunifTent pour lui faire foufFrir le malheur
avec dignité , on le verra fupporter des
tourmens qui paroifTent au-defTus de cou»
tes les forces humaines ; mais dans toutes
îles occafîons oîi le courage des Américains
[n'ed pas excité par les idées qu'ils fe font
i faites de l'honneur , ils fe montrent aulli
î fenfibîes à la douleur que les autres hom-
mes (1). D'ailleurs, cette fermeté dans
CO Voyez la Note LXXiï. ^
04
323 H I S T O I R R
les fouffrances pour laquelle les Américains
Liv.iv. Çq^^ q juflement célébrés, n'efl: pas un©
vertu générale parmi eux. On a vu la con-
fiance de plufieurs vidtimes fuccomber au»i
agonies de la torture ; alors leur foiblelTe!
éi leurs plaintes mettent le comble au
triomphe de leurs ennemis & réfiéchiiTeni
une idée de deshonneur fur leurs conci*
toyens (i).
Dépo- Les hoftilités continuelles qui fubriflenti
cSSai P^^'^^i les tribus Américaines, produifent
ccsgucr- des effets très • f uneftes. Comme ils n'ont
res perpé-
tuelles, pas auez d'indultrie pour amafler , même
dans le tems de paix, des pro vidons de fub-
Cflance au - delà du nécefTaire , lorfque l'ir-
ruption d'un ennemi vient dévafler leurs
terres cultivées ou les troubler dans leur
chafle, c'efl une calamité qui réduit pref.
que toujours à une extrême difette un peu-
ple naturellement dépourvu de prévoyance;
& de reflburces; tous les habitans du dif-
tridl expofé à cette invaiion font forcés:
d'ordinaire à fe réfugier dans les bois ou dans
les montagnes, oh ils ne trouvent que très-
peu
(I) Chailevoix , /i7/?. d£ la Nouy, ir. 7//, 248 - 383.
De la Potherie, III, 48.
D E l'A me r I q u e. 321
5eu de moyens de fubûfter, & oh une gran- — — ■
ie partie périt. Malgré les précautions ex- ^^v* ^^»
rêmes avec kfquelles leurs opérations mi-
itaires font dirigées 3 & le foin que prend
ihaque chef pour conferver la vie de fes
lompagnons, comme ils joulflent rarement
le quel qu'intervalle de paix , la perte des
lommes eft très - conûdérable panni les A-
néricains, eu égard au degré de population.
^a famine & la guerre fe réunifient pour di-
ninuer leur nombre. Toutes les tribus font
■bibles 3 & plufîeurs de celles qui étoient
lutrefois puiflantes , fe font épuifées par
degrés & ont à la fin difpa^uj il n'en relie
aujourd'hui que le nom (l)*
Pour remédier à cet afFoiblifTement con- i^^ ç^^
idnuel » il y a des tribus qui cherchent à pe"P;ent
jréparer leurs forces nationales en adoptant tant leur»
iies prifonniers faits à la guerre , & qui par mersf'
(cet expédient préviennent leur extin<^ion
Itotale. Cet ufage n'eft cependant pas uni*
iverfellemeot établi. Le reOentiment agii
en général avec plus de force fur les fau-
vages que les eonfidérations de politique.
iPrefque tous leurs captifs étoieîic ancien-
: (0 Charlevois, Mjt, de la Nouv, Fr, III, 202-1^2^^
CSwïnilla, II, 22/,
3^* Histoire
■555 nement facrifîés à la vengeance, & ce n*èft
ttv. IV. q^g depuis que leur nombre a commencé ?
diminuer fenfîbîement qu'ils ont adopté den
ufages plus doux. Mais , ceux qui fe troa<
A^ent ainfi naturalifés, renoncent pour jamaii»
à leur patrie, & prennent fi abroîument le
mœurs, ainîi que les pafîions du peuple qu
^les adopte CO » qu'ils fe joignent fouven
à fes guerriers dans des expéditions contrit
leurs anciens concitoyens. .Un changement
û fubit & fi contraire à un des fentimen;
les plus puilîans que donne la nature, pa
roîtroit étrange chez tous les peuples ; maii
il efl encore plus inexpliquabîe dans ccî
peuplades oii les animolités nationales font
fî violentes & fi profondément enracinées.
Cela paroît cependant réfîlter naturelle*
- ment des principes fur lefquels la guerre
fe fait en Amérique. Chez des" nations dont
l'objet efl d'exterminer leurs ennemis, Pé-
change des prifonniers ne peut point avoir
lieu. Du moment qu'un guerrier efl pris à
la guerre, fa tribu & fes parens le regar-
dent comme mort (2). Il s'efl couvert
CO eharlevoix, hiji, de laNony. Fr» JH , 255. Lafitau,!
II, 30S.
(2j Voyez la Note LXXIII,
D E L'A M E R I Q U E. 323
l'une honte ineffaçable, en fe laifTant fur-
rendre par un ennemi, & s'il revenoit avec Liv. iv.
ette tache à Ton honneur , fes plus pro-
bes parens ne le recevroient pas & même
e voudroient pas avouer qu'ils le connoif-
£nt CO' ^^ y ^^olt même des tribus ah
l'on étoit encore plus rigoureux. Lorfqu'un
prifonnier revenoit parmi les fien^, ils cro*
yoient devoir expier le deshonneur dont il
lavbit couvert Ton pays en le mettant à
nnort fur le champ C2). Le malheureux
l-p^ifonnier fe voyant donc profcrit de fa
patrie & les liens qui Tattachoient à die
étant irrévocablement brifés , il n'éprouve
aucune répugnance à contrarier de nou*
veaux engagemens avec des étrangers , qui
I non • feulement le délivrent d'une mort:
I cruelle , mais lui offrent de l'admettre à
tous les droits de concitoyen. La parfaite
reffemblance des mœurs parmi les nations
[ fauvages facilite & complette cette union ,
; & rien n'empêche un prifonnier de tranf-
porter non - feulement fes fervices , mais
même Ton affection, à la communauté dans
le fein de laquelle il vient d'être reçu.
(1) Labontan, H, î8?ï,
(a) Herrera, 4e:ad. 3, 10, IF^ c. 16, p. i^^
0 6
324 Histoire
9^^B Quoique la guerre foit la principale occu*
«ffont* pation des hommes dans l'état fauvage, è
dSh^^ qu'ils mettent leur plus grande gloire à y
guerre aux exceller, ils y ont une infériorité bien mar-
nations i r • ,-i ,
policées, quée toutes les fois qa us s y trouvent en-
gagés avec des nations policées. Dépour-
vus de cette prévoyance qui fait prévenii
les événemens futurs & y pourvoir, ne con-
noifTant ni l'union à. la confiance mutuelles,
nécelTaires pour former de vailes plans d'o^
pérations, ni la fubordination non moins
néceffaire pour en afTurer l'exécution & let
fuccès, les peuples fauvages peuvent éton<
ner par leur valeur un ennemi difcipliné ,
mais rarement peuvent- ils s'en faire redou-
ter par leur conduite; & toutes les fois que
la guerre fera de longue durée, ils feront
forcés de céder à la fupériorité de l'art ("i^»i
Les Péruviens & les Mexicains , quoique!
leurs progrès dans les arts de la civilifationi
fufTent peu confîdérables, fi on les compare i
aux peuples policés de l'Europe ou de VA*
lie, avoient pris un tel afcendant fur lesl
tribus fauvages dont ils étoient environnés,
qu'ils en avoient fournis la plupart avec une
grande facilité à leur domination. Lorfque
oTvoyea la Note IKKW^- ~^
D Ë l'A m e r I q u e. 325
les Européens allèrent affaillir les différen- nmmm
tes provinces de l'Amérique, cette fupério- liv.iv»
i-ité fe fie fentir d'une manière encore plus
frappante. Ni le courage ni le nombre des
naturels ne put tenir contre les eftbrts d'une
poignée d'ennemis dîfciplinés; les querelles
& les haines qui divifoient ces peuples fau»
vages,les empêchoient defe réunir pour for-
mer un plan de défenfe commune , & cha-
que tribu combattant à part , il fut aifé
,de les fubjuguer toutes.
* '5 VL Si les arts des peuples grofîîers qui Arts dei
me connoiflent point l'ufage des métaux ^fains^.^'
lïïîéritent qu'on y fafle quelqu'attention , ce
n'ell qu'autant qu'ils fervent à faire connoî»
tre le génie &. les mœurs d'un peuple» Le
premier fentim.ent de peine qu'un fauvage
peut éprouver, doit naître de la manière
dont fon corps efl affecté par. la chaleur,
le froid oa l'humidité du climat fous lequel
il vit ; fon premier foin fera donc de cher-
cher à fe garantir contre cet inconvénient.
Dans les climats plus chauds & plus doux vête-
de l'Amérique , aucun des peuples fauva-
ges n'avoit des habillemens,. La nature ne
leur avoic pas même appris qu'il pût y avoir
queîqu'indécence à fe montrer eacieremeûÊ
O I
mens ^
i^â. Histoire
— ^ nud Ci). Comme fous un ciel doux on â
Liv. IV, pg^ befoin de fe défendre contre les inju-
res de l'air 3 & que leur extrême indolen-
ce leur faifoic éviter toute efpece de tra-
vail qui n'étoit pas commandé par la né?-
ceflité 5 tous les habitans des iiles & une
grande partie de ceux du continent refloient.
dans cet état de nudité abfolue. D'autres
fe contentoient d'un léger vêtement pour
fatisfaire uniquement à la décence. Mais,
quoique nuds , ils n'étoient pas fans quel-
r que forte d'ornemens , & ils arrangeoient
leurs cheveux de plufîeurs manières diffé-
rentes. Ils attachoient des morceaux d'or,
des coquilles ou des pierres brillantes à leurs
oreilles 5 à leurs nez & à leurs joues (2).
Ils defiinoient fur leur peau une multitude
de figures diverfes; ils pafFoient beaucoup!
de tems & prenoient beaucoup de peine
pour parer leurs perfonnes d'une manière 1
bizarre. Mais la vanité , qui trouve des:
occafions fans nombre d'exercer l'invention
& l'induilrie dans les pays oh la parure ell
devenue un art très - compliqué , doit fe
(i) Lery, mvigùî ap, de Bry ^ ïlf, p, 164. Fie de Co-»
lo?nh , tf. 24. Venegas , hlfl» ofCaUforn. p. 70.
i. C2) Lery, ap, de Bry^ UI, lè^^J^etir* édlf, XX, 2j;^
DE L'A M E R I q U E. 327'
Touver circonfcrite dans un cercle très»é» —S
|;roit & bornée à un très petit nombre d'ob- Liv.iv.
f ets chez des fauvages nuds ; auflî ces peu-
blés ne fe contentent pas de ces fimples or-
lemens dont nous avons parlé; ils ont un
ingulier penchant à changer les formes na^^
urelles de leurs corps. Cette pratique étoit
iniverfelle chez les tribus les plus groflîe-
es de l'Amérique. Leurs opérations pour
:et objet commencent à Tindant même oii
'enfant eil né. Quelques peuples en lui
:omprim3nt les os du crâne encore mous
k flexibles , lui applatiffent la couronne de
a têce. Quelques - uns donnent à la tête la
igure d'un cône ; d'autres cherchent à lui
^aire prendre une forme quarrée (î^. Ils
nettent fou vent en datiger la vie de leurs
snfans par ces efforts violens & abfurdes
3our déranger le plan de la nature , fous le
ç/ain .prétexte de le perfectionner. Mais
î^ans tous ces moyens que les Américains
iprenoient , foit pour orner leurs perfon- ^
fnes , ou pour changer leurs formes na-
^turelles , ils femblent s'être moins pro-
[• CO Oviedo, kift. Uh, III, c. 5. Ullaa , I, 329. Labat:^
my. 11^ 72. Cbarlevolx, IiI,27o. Gumilla, I, 197. A*
leagna , relat» de la riv, des Amaz, \ll , 83. Lawlbn's , ys^ /
ko Carollna, jp. 33. : - r
gsS H I s T 0 t II Ê
■—— pofé de plaire oa de s'embellir, que de fe
^*^' ^^' donner un air plus impofant & plus redou-
table. Leur goût de parure fe rapportoit
plus à la guerre qu'à la galanterie. Il y
avoit entre les deux fexes une fubordination
fi marquée qu'elle éteignoit jufqu'au defir
de fe plaire l'un à l'autre. L'homme aui'oit|
cru au-delTous de lui de fe parer pour plai-"
re à celle qu'il étoic accoutumé à regarder
comme fon efclave. C'étoit lorfqu'un guer-
rier fe propofoit d'être admis au confeil de
fa nation ou d'entrer en campagne contre
les ennemis, qu'il prenoic fes plus beaux ^
ornemens & qu'il paroit fa perfonne avec
le plus de recherche & de foin (i). Le
vêtement, parure des femmes, étoit très-,
fîmple & peu varié; tout ce qu'il y avoic de
précieux ou de brillant étoit réfervé aux
hommes. Dans pluiîeurs tribus les femmes
étoient obligées de pafTer chaque jour une;
grande partie de leur tems à parer & è;
peindre leurs maris ; il ne leur refloic pasi
le loifir de s'occuper de leur propre parure.
Parmi une race d'hommes aflez hautaine
pour méprifer les femmes, ou allez infen-
CO Wafei'^s, voy* p, 142. Lery, ap* de B}y 3 III , i6j»
D E l'A m e r I q u e, 329
i
ïible pour les dédaigner , elles doivent na- ■■"■■"gJ
urellement devenir parelTeufes & négligen- Liv.iv,
.es, tandis que le goût de la parure, qu*oa
[(egarde comine leur paiïion favorite , eft
rarcicaliéreaienc rciervé à l'autre Icxe (ij.
:}*étoit tout - à • la - fois la diftindlion du
r.uerrier & une de Tes plus férieufes occu-
tations (2}. Un ufage des Américains qui,
ku premier coup-d*œil, paroît très-fîngu-
ier & très - bifarre , n'eft qu'un moyen in-
jjénieux que leur fagacité a découvert pour
^emédier aux principaux inconvéniens do
eur climat , fo-uvent brûlant ou humide à
'excès. Tous les peuples qui n'ont pas
encore Tufage des vêtemens, font dans l'u-
, âge d'oindre leur corps avec de la graifle
i'animaux , des gommes vifqueufes & des
luiles de différente efpece» Ils arrêtent
par -là cette tranfpiration furabondante quij
jfous la zone torride, épuife la force de la
Iconflitution & abrège la durée de la vie
îhumaine ; ils fe gai-antiflent en même tems
icontre rexceffive humidité qui règne pen-
Ci) Charlcvoix , hijl, de la Noiiy, Fr, III» 278-327. La&-
itau, //, 53. Kalni, yoy, en Amir'i^. III, 273. Lery, ap,
de Bry , ///, 169. Purchas , pUgr» IV, 1287. Ribag , hîfi*
de Iqs trîumfos , 472.
Cs) Voyez la Kots I XXV,
33^ Histoire
dant îa faifon des pluies ("0. Ils mêlei
Liv.iv. aufiî en certains tems différentes couleu
avec ces fubftances ondlueufes & couvrei
leurs corps de cette compoûtion. Soi
cet impénétrable vernis, non - feuîemei
leur peau fe trouve défendue contre la ch;
leur pénétrante du foleil , mais l'odeur c
le goût de ce mélange écarte auffi Icii
d'eux ces effaims innombrables d'infecte
qui abondent dans les bois & dans les ma
récages , furtout dans les climats chauds»
& dont la perfécution feroit intolérable pot
des hommes entièrement nuds C^)*
Habita- Après le foin de la parure , l'objet qi
doit attirer l'attention d'un fauvage eft d
fe former quelqu'habitation qui puifTe li
procurer un abri pour le jour 6c une retrai.
te pour la nuit. Le guerrier fauvage re
garde comme un objet d'importance toui:
ce qui efl lié avec fes idées de dignité per
fonnelle , tout ce qui a quelque rapport i
fon caradlere militaire ; mais il voit aveô
la plus grande indifférence ce qui ne cdÉ
cerne que la vie paifible & inaûive. Ain-
CO Voyez la Note LXXVI.
C2) Labat, If, ^Z* Gumilla, I, T90-202. Bancroft, natt
hiji, of Guyana , 279-280,
\ D E l'A m e r I q u e. 331
quoiqu'il fe montre fort recherché fur
1 parure, il ne fait guère d'attention à Télé- i^iv.iv..
ance ou à la commodité de fon habitation,
.es peuples fauvages , trop éloignés encore
e cet état de civilifation oîi la manière de
ivre efl: regardée comme une marque de .
iftindlion, ne connoiffant aucun de ces be-
ûins qui ne peuvent fe fatisfaire que par
iiTérens genres d'induftrie , règlent la con-
trudlion de leurs ' maifons d'après leurs
dées bornées du pur néceffaire. Quelques-
ms des peuples d'Amérique étoient encore
i groflîers & û peu éloignés de la limpli-
:ité primitive de la nature, qu'ils n'avoient
lacune efpece de cabane. Dans cet état
Is fe mettent à l'abri de l'ardeur du foleil
xDUs des arbres touffus , & la nuit ils fe
Forment un couvert de branches iSc de feuil-
les (i). Dans le tems des pluies ils fe re-
tirent fous des abris formés par la nature
ou creufés de leurs propres mains ("2}.
D'autres , qui n'ont point de demeure fixe
'& qui errent dans les forêts à la recherche
I (0 Voyez la Note LXXVII.
j (2) Leur, éâif. //, 176; V, 273. Veiiegas, hijî, of Ca. ■
Viforn, /, 175. Lozvno, defaip t. àsl gran Chaco ^ p, 55,
Gaïqillaj î, 323. BancrofCj «^/. hiiu ofGuiana, 377.
332 Histoire
^^^ du gibier, fe logent pour un tems dans de
î-'v. iv^. huttes qu'ils conflruifentiavec facilité, <!
qu'ils abandonnent fans peine. Les habitan
de ces valles plaines, inondées par îe dé
bordement des rivières dans les grolTe
pluies qui tombent périodiquement entr
les tropiques, conllruifent -des cabanes fu
des bafes élevées 6: fortement attachées a.
terrein , ou bien ils les placent au mille,
des branches des arbres & fe garantiiFen
par -là de la grande inondation dont ils fon
environnés (i}. Tels ont été les premier
.efîais des peuples les plus fauvages de l'A
mérique pour fe former des habitations
Parmi ceux -même qui étoient plus indus,
trieux ^ dont la réfidence étoit fixe, 1
Itrudure des raaifons étoit extrêmemen
limple & groffiere : c'étoient de miférable
huttes, d'une forme quelquefois oblongun
& quelquefois circulaire , oîx . ils ne cheK
choient qu'un abri, fans s'embarralTer à
l'élégance ni même de la commodité. Lei
portes en étoient û baffes qu'on ne pouvait
y entrer qu'en fe courbant jufqu'à terre oi
en rampant fur fes mains. Elles étoient fan:
CO Gumilk, r, 225, Herrera, deCf i, îïh IX 3 c*^
Oviedo , fommar, p. 53. C.
D E L'A M E R I QUE. 333
enêtres, & le toit étoit percé d'un grand ç
roa par oh for toi c la fumée, Liv. iv^.
Il feroît au.delTous de la dignité deThis-
cire, & même étranger à Tobjec de mon
ravail^ de Cuivre les voyageurs dans les au^
res détails circonflanciés de leurs relations.
Jn feul trait mérite d'être obfervé, parce
]u-il eft finguîier & qu'il jette du jour fur
e caradlere du peuple. Il y avoit quelques
rai ions allez grandes pour y loger quatre-
ingts ou cent perfonne?. Elles étoient ba-
ies pour recevoir différentes familles qui
labitoient enfemble fous le même toit (i_),
cuvent autour d'un feu commun, fans au-
:ine efpece de cloifon ou de féparation en-
;re les efpaces qu'elles occupoient refpefti»
vcment. Lorfque les hommes ont acquis
jes idées diftindes de propriété ou qu'ils
ffont aflez attachés à leurs femmes pour les
bbferver avec inquiétude & avec jaloufie ,
'es familles commencent à fe féparer & à
's'établir dans des maifons particulières, 011
Chacun puiffe garder & défendre ce qa*il a
:ntérét de conferver. Cette forme fingulie'
[re "^d'habitation chez les Américains peut
donc être confidérée non-feulement comme
(O Voyez la Note LXXVill.
334 Histoire
^^^^^^ Teffet de la communauté des biens qui fut_
Liv.lV. ^f]-QJepj{- parmi les différentes peuplades
mais encore comme une preuve de TindifF^
rence des homm.es pour leurs femm.es. S'i
n'avoient pas été accoutumés à une parfa
te égalité, un tel arrangement n'auroit pj
pu avoir lieu. S'ils avoient eu une fenfib
]îté prompte à s'alarmer, ils n'auroient pj
expofé la vertu de leurs femmies aux tenti
tiens & aux facilités^qui Daiflbient de ce mi
lange des différées fexes. On ne peut s'en:,
pêcher en même tems d'admirer la conco-
de qui règne dans ces habitations oti des f;
milles nomibreufes font ainfî entaiïees ;
n'y a que des hommes d'un caractère trè:
doux ou d'un tempérament flegmatique, qi
^ dans une fem,blable fîtuation puilTent évite
le tumulte & les animofltés (i).
Armes Après avoir pourvu à fon vêtement &
fon habitation , le fauvage doit fentir la né
cefîlté de fe faire des armes convenable
pour attaquer ou repoufTer un ennemi; c'ei
un objet qui a exercé de bonne heure Tin
Cij journal de Grïllet & Béchamel dans la Guyane ^i
65. Lafitau, Bïœurs^ &c, 11, 4. Torquemada , monarqA
£27. Joutel, Journ, hifl. 217. Lery, hifl, Brafil, ap» (>
Bry , III , 238. Lozano , defc* M grau Chaco , 67.
D E l'A m e r I q u e. , 335
. jRne & l^invention des peuples les moins ^^*
ïij vijifés : les premières armes offenfives fu-
^nt, fans doute, celles que le hafard pré-
nta & les premiers efforts de l'arc pour
s perfedionner durent &e extrêmement
'mpîes & greffiers. Des malTues fiiites de
'lelque bois pefant, des pieux durcis au
iu, des lances dont la pointe efl armée
un caillou ou d'un os de quelqu'animal,
i)nt des armes connues aux nations les plus
•offîeresjtîiais qui ne pouvoienc fervir que
ms des combats corps à corps. Les hom*
•es ont cherché enfuite les moyens de fai-
; du mal à leurs ennemis à une certaine
! (lance: l'arc & les fîeches font la premie-
i invention qu'ils aient imaginée pour cet
bjet ; cette efpece d'arme s'efl: trouvée
hez des peuples qui font encore dans l'en-
înce de lafociété, & Tufage en efl fami-
er aux habitans de toutes les parties du
lobe. Il efl cependant remarquable qu'il
ait eu en Amérique des tribus allez dé-
burvues d'induflrie pour n'avoir pas encore
ait une découverte fi flmple (0, & qui
iaroifToient ne connoitre l'ufage d'aucune *
rme de trait. La fronde, dont la conftruc-
CO Piedrahita , conq* de aoiiyo ri^m , 9-12.
33^ H I s T o I 11 E
^^^ tion n'eft pas plus compliquée que celle d€
'^'' ' Tare & donc Tufage n'efl pas moins anciei
chez plufîeurs nations ^ étoit peu connu(
des habitans de TAmérique feptentriona^
le Ci) ou des illes; mais elle paroît avoir
été connue de quelques tribus dans le con«
tinent méridional (^2). Les naturels de quel
ques provinces du Chili <Sc les Patagons qu
habitent l'extrémité méridionale de TAmé-
rique, ont une arme qui leur efl propre: ilîi
attachent des pierres grofles environ com
me le poing 5 à chaque extrémité d'une
courroie de cuir de huit pieds de long, 6
après les avoir fait tourner autour de leun
têtes, ils les lancent avec une telle adrelTe
qu'ils manquent rarement l'objet auquel iîîi
vifent ('3).
ufTerfiics Chez des peuples qui ne connolflbient
ques, guère d'autre occupation que la guerre &Ia
chafle, les principaux efforts de refprit &
de l'induflrie ont dû naturellement fe diri-
ger vers ces deux objets (4}. A l'égard de
tous
CO Naufr, de Alv. Nim. Caheca de Vaca , c. X, p» 12.
(2) Pied.ahita, />. i5. Voyez la Note LXXIX. |
iZ) Ovaire, Télat, cf ChïU, Churchill, collet. III, 82*
Fa'kner's defc of Patag. p. 130»
(4) Voyez la Note LXXX.
D E L'A M E R I Q U E. 537
itous les autres , leurs befoins & leurs defirs — ■■
[étoient ii bornés que leur invention n*avoic lw.iv.
[pas de quoi s'exercer. Comme leur nourri-
i:ure & leurs habitations étoient: extrême-
j-nent fimples, leurs uflenfiles domefliques
lîtoient très - grofliers & en petit nombre.
Quelques- unes des tribus méridionales
ivoient trouvé Tart de faire des %^ifreaux
ie terre & de les cuire au foleil, de manie-
•e qu'ils pouvoient fupporter le feu. Les
jiabitans de l'Amérique feptentrionale creu- Manière
oient un morceau de bois dur en forme ,^^^ ^,1'"^
les all-
ie marmite, & la rempîifToient d'eau qu'ils mens.
'aiToient bouillir en y jettant des pierres
ougies au feu (i): ils fe fervoient de ces
^aifleaux pour apprêter une partie de leurs
limens. On peut regarder cette invention
:omme un pas vers le rafinement & le luxe ;
ar dans le premier état de fociété les hom-
: ines ne connoiffeat d'autres moyens d'ap-
j>rêter leurs alimens que celui de les faire
i;riller fur le feu ; & dans plufieurs peupla-
lies Américaines , c'eft la feule efpece de
^uiûne qui foit encore connue (2). Mais le Çonflmc-
Ihef - d'œuvre de l'art chez les fauvages du canots^
(O Chailevoix, MJf, de la Notiy, France^ 111, 332.
(2) Voyez la NoTÇ LXXXU
Tome II, P
II
338 Histoire
nouveau monde , c'efl la conflruâion de
Liv. IV. leurs canots. Un efquimaux, enfermé dans
fon bateau d'os de baleine , couvert de peau
de veaux marins, peut braver cet océan
orageux oîi la flérilité de fon pays le force
à chercher la principale partie de fa fubfîs-.
tance (i}. Les naturels du Canada fe hafaM
dent fur leurs rivières ^ fur leurs lacs dam
des, bateaux faits d'écorces d'arbre, & ii lé-
gers que deux hommes peuvent les porter
lorfque des bas- fonds ou des catarades arrê^
tent la navigation (2^. C'efl: dans ces fragi
les bâtimêns qu'ils entreprennent & exécu
tent de longs voyages ("3). Les habitans de
ifles & du continent méridional fe font de
canots en creufant avec beaucoup de peim
le tronc d'un gros arbre , & quoique ces bâ
timens paroiHent lourds & mal confirmes
ils s'en fervent avec tant de dextérité qui
des Européens qui connoifîent tous les pro^^,
grès qu'a faits la fcience de la navigatio:
ont été étonnés de la rapidité de leurs mou
vemcns & de la célérité de leurs évolutionr
Leurs pirogues ou bateaux de guerre îot^
(i) EUis, yoy, à la baye â'Hudfon» 133.
(2) Voyez la Note LXXXII.
C3) LafitAu , maurs des Scuy* II , 213.
D E l'A m e r I q u e. 339
ifTez grands pour contenir quarante ou cin- ™™ËI
ijuante perfonnes: les canots dont iis fe fer- ^^* ^^*
i^ent pour la pêche 5c les petits voyages ont
noins de capacité (i). La forme, aiali que
es matériaux de ces ditférens bâtimens, eft
rès-bien adaptée au fervice pour lequel ils
ont deftinés^ & plus on les examine avec
oin, plus on admire le méchanifme & la
onvenance de leur conflru£tioo.
Dans tous les efforts d'induflrie que font indolence
;3 Américains , il y a un trait frappant de queîi/îis
}ur caraQere qui fe marque d'une manière {^^1.*^^'
ïnfibîe. Ils commencent un travail fans ar-
eur , le continuent avec peu d'adtivité, &,
Dmme les enfans , s'en lailTent aifément
iilraire. Même dans les opérations qui
iroifient les plus intéreiTantes , & oh les
lus puiffans motifs demandent des efforts
igoureux:, ils travaillent avec une molleffe
; une langueur extrême. L'ouvrage avance
)us leurs mains avec tant de lenteur qu'un
îmoin oculaire le compare aux progrès im-
srceptibles de la végétation (2). lis em-
loient quelquefois plulîeurs années à faire
1 canot, de manière qu'il commence à
I
(i) Labat, yoy. II, 91-131.
(2) GumiUa, II, 297.
P 2
I
340 Histoire
S«" pourrir de vieillefTe avant d'être achevé. Ils
,Liv. IV. ]QJ^gj.Qjjj. p^j.jj. yj^g partie de toit avant de
finir l'autre (i). L'opération manuelle h
plus facile confume un grand efpace d(
tems, & ce qui chez les nations policée;
demanderoit à peine quelqu'efforc d'indus
trie, eft pour les fauvages une longue 5
pénible entreprife. Cette lenteur dans l'exé
cution des travaux de toute efpece , peu
être attribuée à différentes caufes. Pour de
fauvages qui ne doivent point leur fubûflan
ce aux travaux d'une indufliie régulière, 1
teras eft de û peu d'importance qu'ils n'-
attachent aucun prix , ù. pourvu qu'ils puil
fent venir à bout de ce qu'ils ont entrepris
ils ce s'embarraiïent jamais du tems qu'-
leur en a coûté. Les outils qu'ils emploien
font fi imparfaits, fi peu commodes, qq
tous les ouvrages qu'ils entreprennent b
peuvent manquer d'être difficiles & eft
nuyeux. L'artifte le plus habile à. le pli
induftrieux auroit bien de la peine à venir
bout du travail le plus Cmple , s'il n'avo
pas de meilleurs outils qu'une hache de piei
le , une coquille tranchante ou l'os de que
qi^'animal: il n'y a que le tems qui puil
Çi) Borde, r^U^» (fa Qnraï^ss^ p, az*
DE l'A M E R I q U E. è4t
' uppléer à ce défaut de moyens; mais c'efl «««a
e tempérament flegmatique & froid parti- ^^^' ^^'
:ulier aux Américains qui rend furtout leurs
)p'!rations fi languiffantes. Il eft prefquMm*
)ofrible de les tirer de cette indolence habi-
uelle, &à moins qu'ils ne foient engagés
ans une expédition de guerre ou de chafle,
■s paroiflent incapables de faire aucun ef-
ort de vigueur. L'application qu'ils met-
ent aux objets n'eft pas alTez forte pour
onner reflbr à cet efprit inventif qui fug-
;ere des expédiens pour abréger & facilker
3 travail. Ils reviendront chaque jour à
2ur tâche ; mais tous les moyens qu'ils ont
our l'achever font faflidicux & péni-
les (i). Môme depuis que les Européens
3ur ont communiqué la connoifTance de
surs indrumens & leur ont appris à imiter
2urs arts , le caradlere propre des Améri-
cains fe remarque encore dans tout ce qu'ils
^ont. Ils peuvent mettre de la patience &
e l'aifiduité au travail; ils favent copier
vec une exactitude fervile & minucieufe ;
aais ils montrent peu d'invention & tou-
ours une grande lenteur. Malgré l'inflruc-
ion & l'exemple, refprit de ce peuple pré-
Ci} VoyQL la Note LXXXJIl.
P3
3435 Histoire
9ÊÊÊSÊ domine ; leurs mouvemens font naturellc-
* ^^' ment pefans ^ & il efl inutile de les preffei
d'accélérer leur marche. Un ouvrage cVIn>
àîen efl une expreffion familière parmi lej
Efpagnols d'Amérique, pour exprimer toui
ce dont l'exécution a demandé beaucoup de
tems & de travail (0*
Religion. VII. Il n'y a aucune circonftance dans 1î|
defcription des peuples fauvages qui ait eX'
cité une plus grande curiolité que leurs opi
nions & leurs pratiques religieufes; & il n'3
en a point peut-être qu'on ait plus mal en
tendues ou repréfentées avec moins de fi-
délité. Les prêtres & les miffionnaires fon?
les perfonnes qui ont eu le plus d'occafioii
de fuivre cette recherche parmi les tribun
de l'Amérique \qs moins civilifées 5 maîî
leur efprit , prévenu des dogmes de leui
propre reh'gion & accoutumé à fes inftitu^
tions, efl toujours porté à découvrir dans
les opinions & les rits de tous les peuplées
quelque chofc qui reflemble à ces objets de
leur vénération. Ils ne voient les objetsi
qu'à travers un milieu qui en altère la for-
me. Ils cherchent à concilier avec leur pro-
pre croyance les iuftitutions qu'ils obfer-
'I » ■ «II. ■■ ■!»■■■■■ ■ ■ .. ^ ■■■- — .1 >— ■■ ■■■ -II-
Cî) Uiloa, voy, Ij 335. Leur* édif, XV, 348.
DE l'Amérique» 343
vent, non à les expliquer conformément ™S5!
lux idées groffieres du peuple môme à qui liv.i\^.
slles appartiennent. Ils attribuent à ce peu-
ple des idées qu'il efl incapable d'avoir, &
ile fuppofent inflruic de principes & de faits
idont il eft impoffible qu'il ait la connoiffan- ^
ce. De -là quelques miffionnaires ont cru
découvrir , même chez les nations les plus
Darbares de l'Amérique , des traces non
moins claires que furprenantes d'une con«
Qoifïance diftinfte des myfteres fiiblimes &
fdes inflitutions particulières du Chriftianif-
;me. En interprétant arbitrairement certai-
Des expreffions & certaines cérémonies, ils
en ont conclu que ces nations connoiflbient
la dodrine de la Trinité, de l'Incarnation,
du fils de Dieu, de fon facrifice expiatoire,
de la vertu de la croix & de Tefficacité des
'facremens ("i}. On fent que des guides fi
crédules & fi peu éclairés ne méritent gue-
'le de confiance,
I Mais , lors même que nous cboifirons avec
île plus grand foin nos autorités, il ne faut
pas les fuivre avec une foi aveugle. Toute
CO Veiiegas, I, 88-92. Torquemada, 11,445- Garcia,
erigen^ 122. Henera, dac. 4, lib, IX, c» T» ^^-* 5» Hh
IV, f. 7.
P4
344* Histoire
9ÊÊÊÊÊ recherche dans les notions religieufes des
^^•ly* peuples fauvages efl enveloppée de difficul-^
tés particulières , & il faut fouvent s'arrêter
pour réparer les faits qu'on rapporte d'avec
les raifonnemens dont ils font accompagnés
& les théories qu'on en veut déduire. Plu*
fleurs écrivains pieux, plus frappés de l'ira-i
portance du fujet dont ils s'occupoienti
qu'attentifs à l'état du peuple dont ils cher*-
choient à découvrir les fentimens , ont etn»
ployé beaucoup de travail inutile à des re-
cherches de ce genre (i).
^ II y a deux points fondamentaux far lef-
deux arti- quels efl établi le fyflême entier de la reli-
cles. . * • 1
gion, autant quon en peut juger par les,
feules lumières de la nature. L'un regarde
l'exiftence d'un Dieu, l'autre l'immortalité
de l'ame. C'eft un objet non-feulement de
curiofité , mais aufli d'inftrudion , que d'exa-i
miner quelles étoient les idées des naturels
de l'Amérique fur ces points importans. ]^
bornerai mes recherches à ces deux artf
clés, laiffant à d'autres l'examen des opi^.
nions fubordonnées & le détail des fuperfti-
tiens locales
Qui.
CO Voyez la Note LXXXIV.
DE l'A M E R I Q U E. 345
Quiconque a eu occafîan d'obferver les
opinions reîigieufes des hommes des demie- 1"^*^
res clafifes de la fociété , même chez les^^ ^i^***
I nations les plus éclairées & les plus civili.
'{ées^ trouvera que leur fyflême de croyan-
tce leur a été communiqué par l'indruflion ,
& n'ell point le fruit de leurs propres re-
cherches. Cette nombreufe partie du genre
i humain condamnée au travail, dont l'occu-
pation principale & prefqu'unique eil de
s'aiTurer une fubfiflance , conlîdere fans
! beaucoup de réflexion le plan & les opéra-
tions de la nature, & n'a ni le loifir, ni la
capacité d'entrer dans ces fpéculations fut>-
tiles & compliquées , qui conduifent à la
connoiffance des principes de la religion na*
turelle. Dans les premiers périodes de Is
vie fauvage, de pareilles recherches font
abfolument inconnues. Qaand les facultés-
intelledluelles commencent feulement à fe
développer & que leurs premiers efforts fe
iportent fur un petit nombre d'objets de pre-
Imiere nécefîîté ; quand Tefprit n'eft pas en*
':ore allez étendu pour fe former des idées
générales 6c abilraites; quand le langage ed
iiellement borné qu'il manque de mots pour
iiflinguer tout ce qui n'affecte pas quei-
%^S Histoire
ques-uns des fens , il feroit abfurde de pré-
Ijv. IV. tendre que Thomme fût capable d*obferver
exâdement la relation qui fe trouve entre la
caufe & l'effet, ou qu*il pût s'élever de la
contemplation de l'un à la connoilTance de ;
l'autre I & fe former des notions juftes d'uo'
Dieu , comme créateur & modérateur de:
l'univers* Partout oîi l'efprit a été étendu
par la philofophîe & éclairé par la révéla-
tion, l'idée de création efl devenue fi fa-
milière que nous ne réfléchiflbns guère com-
bien cette idée efl abflraite & profonde , ÔCi
combien d'obfervations & de recherches il
a fallu à l'homme pour arriver à la connois.
fance de ce principe élémentaire de la reli-
gion. Aufîl a-t-on découvert en Amérique
plufîeurs tribus qui n'ont aucune idée d'un
être fupréme ni aucune pratique de culte re-
ligieux-» Indifférens à ce fpeûacîe magnifi-
que d'ordre & de beauté que le monde pré-
fente à leurs regards j^ ne fongeant ni à ré-
fléchir fur ce qu'ils font eux-mêmes, ni è<
lechercher quel efl: l'auteur de leur exiflen^i
ce, les hommes dans Tétat fauvage confun
ment leurs jours ^ femblables aux animaux
qui vivent autour d'eux , fans reconaoître
ni adorer aucuae puifTance fupérieure» II*
D E ï/A M E R ï Q 0 E. 347
n'oDt dans leur langue aucun mot pour dé-
Cgner la divinité , & les obfervateurs les
plus attentifs n'ont pu découvrir parmi eux
aucune inflitution , aucun ufage qui parût
fuppofer qu'ils reconnuflent l'autorité d'ua^
Dieu & qu'ils s'occupafTent à mériter fes fa*
veurs Ci}' Ce n'eft cependant que dans l'é-
tat de nature le plus limple & lorfque les
facultés intellefluelles de Thomme font
trop fojbles & trop bornées pour l'élever
beaucoup au-deflus des animaux, qu'on ob-
ferve cette ignorance abfolue de toute puif*
fance invilîble. Mais refprit humain natu*
Tellement formé pour la religion, s'ouvre
bientôt à des idées qui, lorsqu'elles font cor-
rigées i3c épurées, font deflinées à être une-
grande fource de confolation au milieu des^
calamités de la vie. On apperçoit des no-
tions de quelques êtres inviûbles & puifTans^
■ -
(i) Blet, 539. Lery, ap, de Bry, III, 221. Nieuhoft,
Churchllh colh II, T32, Uttr, édîf. II, 177. iâ, 12-13. \4-
negas, I, 87. Lozano-, defcr* (Ul gran Chaco 59. Gumillâa
H , 156, Rochîfort , hifl, des Antilles ,'p. 468. Margrave,
Az/?. m appe:iL de ChUlenfibus , 285. Uiioa, notb. Amerk*
335 > :^^» Barrere 5 218-219. Harcourt , yôy. to Gmans,
Furclias, PUgr, IV, p'. 1273. Account of Brafil, by «'
l'orîugu^fe' ib'uL p. 1289, Jones's journal, p. 59. Vo^*-
la No-iji LXXXV.-
Pô
348 Histoire
B dans les ufages de plufîeurs tribus Améri.
Liv. IV. caines qui font encore dans l'enfance de la
fociété. Ces notions font dans Torigine va*
gués & obfcures, & paroiflent plutôt pro»
venir d'un fentiment de crainte pour des
maux dont l'homme eft menacé ^ que d'un
fentiment de reconnoifTance pour des bien-
faits reçus. Tandis que la nature pourfuit
fon cours avec une régularité confiante &
uniforme , l'homme jouit des biens qu'elle
lui procure fans en rechercher la caufe ;
mais tout écart de cette marche régulière
le frappe & l'étonné. Lorfqu'il voit arriver
des événemens auxquels il n'eft point ac-
coutumé, il en cherche les câufes avec une
curiofîté adive. Son entendement efl inca-
pable de les démêler; mais l'imagination,
qui eft une faculté de l'arae plus ardente &\
plus audacieufe, décide fans héfîter : elle
attribue les événemens extraordinaires de^,
Ja nature à l'influence de quelques êtres ia-||
vifibles & fuppofe que le tonnerre, les
tremblemens de terre & les ouragans font
leur ouvrage. On a trouvé chez pîufîeurs
Dations groffieres quelques idées confu fes
d'une puiflance fpirituelle ou invifîble, diri-
geant les fléaux naturels qui défolent la ter*
D E L*A M E R I Q U E, 34P
e &, épouvantent. fes habitans f i). Mais pimw»
ndépendamment de ces calamités, les pei-Liv.iv,,
ics & les dangers de la vie fauvage font (1
lulcipliés , l'homme dans cet état fe trou-
e fouvent dans des (îtuations li critiques ,
ue fon efprit eft forcé par le fentiment de
3 propre foibleffe de recourir à l'adlion d'u»^
2 intelligence fupérieure aux forces hu-
laines. Abattu par les calamités qui Fôp-
riment, expofé à des dangers qu*il ne peut
^pouffer , le fauvage ne compte plus fur
li-même; il fent toute fon impuiiTance,
: ne voit aucun moyen d*échapper à tant
e maux que par l'interpoûtion de quelque
ras invifible. Ainû Ton trouve que chez
DU tes les nations ignorantes , les premières-
ratiques qui préfentent quelques relTem-
lances avec des afles de religlcxi , n*ont
car objet que d*écarter des maux que
■homme peut foufFrir ou redouter. Les
'^anîtoiLs ou OeUs des naturels de FA*
.lérique feptentrionale , étoient des ef-
ieces d*amulettes ou de charmes , auxquels
s atcribuoient la vertu de préferver de^
but événement fâcheux ceux qui y mec-;
>ient leur confiance ; ou bien on les re- ^
CO Voyei h Notb LXXXVI.
F?
35^ Histoire
WêëêS gardoit comme des efprits tutéîaires don
îfW.IV. on pouvoit implorer le fecours dans des cir
conftanees malheureufes ("i). Les habitan
des ifles admettoient des êtres qu'ils appel
loient Cemis , & qu'ils regardoient comm
les auteurs de tous les maux qui afîligen
refpece humaine; ils repréfentoient ces ter
ribles divinités fous les formes les plus ef
frayantes, & ne leur rendoient un homma
ge religieux que dans la vue d'appaifer leu
courroux (2}, Il y avoit des tribus qui s'é
toient fait des idées de religion plus étec
dues,, àc qui reconnoiflbient des êtres bon
qui fe plaifoient à faire le bien, ainû qu
des êtres médians qui aimoient à faire I
mal; mais chez ces peuples même la fuper|
ftition paroît encore être le fruit de I
crainte, & tous fes efforts avoient pour bu
de détourner des malheurs. Ils étoienc per.,
fuadés que leurs divinités bienfaifaûtd
itoient portées par leur naturg jnéme à faiJ
re tout le bien qui étoit en leur pouvoir
fans avoir befoin de prières ni de reconnoif
fance ; ainfi leur unique foin étoit de cher
cher à conjurer à: à fîéchir la colère de; .
(i) Chailevoix, kijî, âe laNouy, Fr, 7/7,345. Creuxii
Mft» Canad, p. 82.
C^) Oviedo ^l\h m , c. I , p; 3» P» Martyi?^ dec, /. vm
DE L'A M ï RI Q U E. 35I
uiiTances tnalfaifantes qu'ils regardoîent ■««
Dmme ennemies de Thomme Ci). Liw.Wr
Telles étoient les notions imparfa^ices de la
iupart des Américains , relativement à l'in-
uence des agens inviûbles, & telle étoit
refqu'univerfellement le vil & groiïler ob*
!t de leurs fuperftitions. Si nous pouvions
^monter à la fource des idées des autres
itions, jufqu'à ce premier état de fociété
Li l'hifloire commence de les offrir à no»
égards , nous appercevrions une relTem-
lance frappante entre leurs opinions &
iurs pratiques , & celles dont nous venons
e parler : nous nous convaincrions aifé-
ent que dans des circonftances femblable»
efprit humain fuit partout à peu près la
ême route dans fes progrès & arrive
ïefqu'aux mêmes réfultats. Les impreflîons
e la crainte fe marquent d'une manière
fenfible dans tous les fyflêmes de fuperfli-
lion formés dans cet état de fociété, &
[es notions les plus exaltées des hommes
fe bornent à une idée obfcare' de certains
Hres dont la puilTance^ quoique furnatureiîe^
(i) Dutertre , II, 3(55, Borde , />. 14. Siau •f FlrgU
lia, by s native, Jlhp* 32» 33. Duruont, l, iG^n ]&âî^
35a Histoire
MM efl limitée dans Tes objets 3 comme dansfeg,
Liv. iv.moyens.
Diverfî- Chez d'autres peuples , qui font unis en
J^j^y^^j^'^'^-fociété depuis plus longtems , ou qui ont
dans les fait plus de progrès dans la civrlifation ,
opinions . , ,/ • n j,
reiigieu- OU apperçoit quelqu'étmceile d une concep-
^^* tion plus jufle de la puiffanee qui gouverne
le monde. Ils femblent avoir vu qu'il doit l
exifter quelque caufe univerfelle à laquelle*
tous les êtres doivent leur exidence, & fi
nous pouvons en juger par quelques ex-
preffions de leur langage, ils paroiflent re»
connoître une puifTance divine qui a fait le
monde & qui difpofe de tous les événe-
mens. Ils l'appellent le grand efprît QiJ, \
Mais ces idées font vagues & confufes,
& lorfqu*lls eflayent de les expliquer , il
eft évident qu'ils donnent au mot efprit u»
fens très - différent de celui que nous y at-
tachons & qu'ils ne conçoivent aucun êtrei
qui ne foit corporel. Ils croient que leurs*
dieux ont une forme humaine, mais aveCïi
une nature fupérieure à celle de l'homme;
& ils débitent fur les qualités & les opé-
rations de ces divinités des fables trop afr-
Ci> Cloarlevoix, hlfl. de la Nouy, Fr* IU,34a. Sagîijir
»oy* au pays des Huram , 22âi
l
D E l'A m e r I x^ u e. 353
jrdes & trop incohérentes pour mériter ^êêêêS
ne place dans Thiftoire. Ces mêmes peu- ^^v*^"^*
les ne connoiiTent aucune forme établie
e culte public; ils n'ont ni temples érigés
l'honneur de leurs divinités, ni rainiftres
^écialement confacrés à leur fervice. Les
IfFérentes cérémonies & pratiques fuper-
itieufes reçues parmi eux leur ont été
anfmifes par tradition , & ils y ont re-
Durs avec une crédulité puérile , lorfque
23 çirconftances particulières les tirant d«
;;ur apathie ordinaire, les portent à récla*
ler la puifTance & à implorer la protection
3 quelques êcres fupérieurs Çi).
La tribu des Natchez & les naturels de Sydémei
logota font beaucoup plus avancés dans chez &
:urs idées de religion, ainfi que dans leurs ^els^dT'
ilitutions politiques , que les autres m.* Bogota.
ons fauvages de l'Amérique ; & il n'eil
îs moins difficile de trouver la caufe de
'îtte diflin6lion que de celle dont nous avons
iéjà parlé. Le foleil étoit le principal ob*
ît du culte chez les Natchez. Ils entre-,
'înoient dans leurs temples un feu perpé^
lel, comme l'emblème le plus pur de leur
CO Chadevoix, hiji» de la Nouy, Fr» III ^ 345. CoK
^n, i, «7.
354 Histoire
divinité ; ces temples étoîent conflruit
3
Liv. IV. avec une grande magnificence & décoré
de difFérens ornemens, autant que le coniH
portoit leur grclTiere architedure. Us an
voient des miniflres chargés de veiller \
l'entretien du feu facré. La première fonçj
tion du chef de la nation étoic un adt^
d'obéilTance au foieil tous les matins j & j
certains tems de l'année il y avoit des fè
tes établies, qui étoient célébrées par touij
le peuple en grande cérémonie, mais fans
répandre du fang (i). Ces fêtes font h
pratique de fuperilition la plus rafinée qu'or
ait trouvée en Amérique ^ & peut -être um
des plus naturelles & des plus féduifantes,
Le foieil eft la fource apparente de la ioie,i
de la fécondité & de la vie répandues fui
toute la nature ; & , tandis que Tefprit hU'i
main , dans fes premiers efîais de fpécula-^
don , contemple & admire la puiiTance uni^
verfelle & aftive de cet aftre, il efl nata-i
rel que fon admiration s'arrête à ce qui eft
vilîble, fans pénétrer jufqu'à la caufe qu'ij
ne voit pas, & qu'il rende à l'ouvrage U\
plus brillant & le plus bienfaifant de l'être
I
Ci) Dumont, I, 15B. Chadevoix, hiji, ikla N-mv* Fr
II, 418-41:9. Lafitau, Ij 167.
>
I
II
D E l'A m e r I q u e. 355
luprême un culte qui n'eft dû qu*à fon au- ■"*— ^
ieur. Comme le feu efl le plus pur & le plus Liv. iv.
ctif de tous les élémens, & qu'il reffemble
u foleil par quelques «unes de les qualités &
e Tes effets, ce n'eft pas fans raifon qu*il
été choifi pour emblème de Tadlion puif-
mtQ de cet aftre. Les anciens Perfes^
euple bien fupérieur à tous égards aux na-
ions fauvages donc je rappelle les ufages,
onderent leur ifyftême religieux fur le»
lémes principes, & établirent des formes
e culte public, moins groffieres & moins
bfurdes que celles des autres peuples qui
voient été privés du fecours de la révéla-
ion* Cette étonnante conformité d'idées
ntre deux nations- vivant dans deux états^
!e fociété û dijfférens, eft une des circoa»
tances les plus linguîieres & les plus inex-
»liquables qui fe rencontrent dans Ttiiftoire^
les révolutions humaines.
! A Bogota , le foleil 6c la lune étoient é-
i^alement les principaux objets de la véné*
•ation publique. Le fyftême de religion y
îtoit plus régulier & plus complet , quoi-
que moins pur que celui des jNTatchez. Il
i avcit des temples, des autels, des prè-
.res^ des facriEces ^ tout ce long cortège
35^ Histoire
5 de cérémonies , que la fuperftition întro"
Liv. IV. ^yj^ paitout oh elle s'arroge un empire ab.
folu fur refpric des hommes. Mais ce peu-
ple avoit des rits cruels & fanguinaires : i
oflfroit à fes dieux des viQimes humaines.
& plufîeurs de fes ufages refîembloieni
beaucôlipaux inftitutions barbares des Mex^l,
cains , dont nous examinerons ailleurs plus '
en détail le génie & les mœurs (i}.
Leurs A Tégard de cet autre point de religion*
rlmmoï/ ^ui établit l'immortalité de Tame, les fen-i
taiité de timens des Américains étoient plus unifor-'
1 amc. t A
jnes. L'efprit humain , lors même qu'il n'eft
encore ni éclairé ni fortifié par la culture ,
fe révolte à la penfée d'une diilolutioa to-
talc ù, fe pîaîc à s'élancer par l'efpérance
dans un état d'exiflence future^ Ce fenti-à
ment, produit dans l'homme par la confcien-
ce de fa propre dignité & par un in(tin6fc|'i
fecret qui le porte vers l'immortalité , Q&^i
univerfel & peut être regardé comme natu-/'?
rel à l'efpece humaine : il efl la bafe des
efpérances les plus fublimes de l'homme
dans l'état de fociété le plus parfait , & la ;
nature n'a pas voulu le priver de cette dou-
I. ■ ■ — I --
Ci) Piedrahita , conq. del nto/yo reyno , />. 17, Herier?»
tîec, 6 , lib, y, c. 6.
DE l'A M E R I Q U E. 35?
a confolation, même dans l'état de focié- SÊ^sm
3 le plus fimple & le plus grofîîer. Nous Ltv. iv.
'ouverons cette opinion établie d'un bout
e l'Amérique à l'autre, en certaines ré-
ions plus vague & plus obfcure, en d*au-
res plus développée & plus parfaite , mais
uUe part inconnue. Les fauvages les plus
rofliers de ce continent , ne redoutent
oint la mort comme Textindrioa de i'exir»
ence: ils efperent tous un état à venir oti
Is feront à jamais exempts des calamités
[ui empoifonnent la vie humaine dans fa
.ondition adluelle. Ils fe repréfenceac une
:ontrée délicieufe, favorifée d'un printems
;ternel ; oh les forêts abondent- en gibier
k les rivières en poiflbn ; oh la famine ne
e fait jamais fentir, & oh ils jouiront fans
;ravail & fans peine de tous les biens de
a vie. Mais, en fe formant ces premières
jidées 11 imparfaites d'un monde iaviûble ,
'les hommes fuppofent qu'ils continueront
d'éprouver les mêmes defîrs ù. de fuivre
les mêmes occupations ; en conféquence ils
doivent naturellement réferver les diflinc-
tions & les avantages dans cet état futur
aux qualités & aux talens qui font ici bas
l'objet de leur ellime. Ainû les Américains
Liv. IV»
35^ Histoire
accordoient le premier rang dans îa régior
des efprits, au chafTeur le plus habile, at
guerrier le plus heureux & le plus hardi .
à ceux qui avoient furpris & tué le plun
d'ennemis , qui avoient tourmenté le plij
grand nombre de captifs & dévoré leu
chair (i). Ces idées étoient fi générale
ment répandues qu'elles ont donné naiflan
ce à une coutume univerfellej qui eft à 1
fois îa preuve la plus forte de la croyanc
des Américains à une vie à venir & Tex
plication la plus claire de ce qu'ils efpercB
ïîsenter-y trouver. Comme ils imiaginent que le
caix'^quî niorts vont recommencer leur carrière dan
îneurent, Je Douvcau monde oti ils font allés, ils n
leurs ?.r- ■'
mes , écc. veulent pas qu'ils y entrent fans défenf
& fans provifions ; c'efl pour cela qu'o:
enterre avec eux leur arc, leurs fieches t
les autres armes employées dans la chaflîl
& dans la guerre; on dépofe dans leur tomi
beau des peaux ou des étoffes propres
faire des vêtemens , du bled d'Inde , du
manioc , du gibier , des uflenfiles domeflil
ques & tout ce qu'on met au nombre des
CO Lery , cp, de £ry\ III, 222. Charlevoix , hiji
ie la Nouy, Fr. JII^ 551. De la Potherie, Mj» 40
111,5.
D E L'A M E R I Q U E. 3T9
hofes nécelTaires de la vie (i). Dans quel- ' ' "'*""'5"
ues provinces, lorfqu'uo cacique ou chef ^^^v. iv.
enoit à mourir , on meitoir à mort un
srtain nombre de Tes femmes , de fes fa-
oris & de fes efclaves , qu'on encerroit
vec lui, afin qu'il pût le montrer avec la
lême dignité & être accompagné des mê-
les perfonnes dans fon autre vie (ji). Cet-
3 perfuafion efl li profondément enracinée,
a'on voit les perfonnes attachées à un
hef s'offrir en vidimes volontaires & fol-
iciter comme une grande diftindtion le pri-
'ilege d'accompagner leurs maîtres au tom-
)eau. Il y a même des occaûons oh l'on
ivoit de la peine à réprimer cet enthouûaf-
ne d'affeélion & de dévouement & à ré-
duire le cortège d'un chef chéri à un nom-
bre modéré & tel que la tribu n'en fouffrît
pas un dommage trop confidérable f 3).
Chez les Américains, ainfi que chez les
(i) Chronica de Cieca de Léon, c. 28. Sfigard » â88.
CreuxU lûfi, Cmiad, p, gi. Rochefort , kijf. des Antilles,
568. Biet, 391. De la Potherie II, 445 III, 8. Bianco,
£onverf, de pîritu , p, 35.
^ C2>Dumont, mémoire fur la Louif, /, 208. Oviedo,
\Ub. F, c. %, Gomera, hijî. gén. c 28. P. Martyr, dec,'^
;304. Cbarlevoix, Mfl. de la Nom\ Fr, Jll^ 421. Herrera,
dec, I, lîb, III i c. 3. P. Melchior Hernandez, me^mr, de
Chtriqîiî. Coll. «rîg, papers L Chron,de Clcca de Léon ^ c. 33»
Cs) Voyez la Note LXXXVII.
2^0 Histoire
^ÊÊÊÊÊt autres nations non civilifées , pluûeurs ût
^merfii-"^^ & des pratiques qui refîemblent à d(^
lion liée aftes de religion , n'ont rien de commii
avec la - ../„,. ,«, ^ ,
piété. avec la pieté, & font TefFec feulement d'u
defir ardent de pénétrer dans Pavenir. C*e
lorfque les facultés intelleftuelles font pkl
foibles & moins exercées que Tefprit humaii
eft plus porté à fentir & i montrer cett'
vaine curiofité. Etonné des événemei
dont il lui eft impofllble de concevoir 1
caufe, il y fuppofe naturellement quelqu
chofe de merveilleux: & de myftérieux: a
larme, d'un autre côté, par des circonflar
ces dont il ne peut prévoir la fuite & le
effets , il eft obligé, pour les découvrir
d'avoir recours à d'autres moyens qu'
l'exercice de fa propre intelligence, Pai
tout oîi la fuperftition a fait aflez de pro
grès pour former un fyftême régulier, 0(
delir de percer dans les fecrets de Tavenii
fe trouve lié avec elle. Alors la divinatioK
devient un aâ;e religieux; les prêtres, com^
me des miniftrcs du ciel, prétendent annon-'
cer fes oracles. Ils font les feuls devins^
augures & magiciens, qui poffedent l'an
imponant & facré de découvrir ce qui efl
caché aux yeux des autres hommes.
Chez
D E t'A M E R I Q U 1. ^tSl
Chez ceux des peuples fauvages qui ne *^
^connoiffenc point de puiiTance qui gou- q^'/^^;
erne le monde , qui n'ont ni prêtres niP'^'.^p*.
Ji * paittentà
érémonies religieufes, la curioûté de lireieursmé-
ans l'avenir & de découvrir ce qui eft in-
onnu, tient à un principe différent & tire
i force d'une autre aflbciation d'idées,
lomme les maladies de l'homme dans l'état
luvage font, ainû que celles des animaux,
û petit nombre , mais extrêmement violen*
3s , l'impatience de la fouffrance & le de-
r de retrouver la fanté lui infpirent aifé-
lent un refpedt extraordinaire pour ceux
ui fe vantent de connoître la nature de
es maladies ou d'en prévenir les funelles
ffets, JVTais ces charlatans d'Amérique é- v
DÎent fi ignorans fur la flrudture du corps
umain , qu'ils n'avoient aucune idée ni des
érangemens qui pouvoient y furvenir, ni
e la manière dont ils fe terminoient. L'en-
houfiafme fuperftitieux réuni fouvent à la
■ufe fuppléoit à la fcience. Ils attribuoient
f origine des maladies à une influence fur-
laturelle , à. prefcri voient ou exécutoient
ux- mêmes différentes cérémonies myflé-
ieufes auxquelles on fuppofoit la vertu de
es guérir. La crédulité & l'amour du mer-
Tofiie JL O
3^2 Histoire
^=^ veilleux ^ û naturels à des hommes ign^i
^^* ' rans , favorifoient l'impofture & les difpo
j
foient à en être aifément dupes. Les pre-j
miers médecins des fauvages font des efpenî
ces de magiciens qui fe vantent de connoî-î
tre le palTé & de prédire Tavenir. Les en*i
chantemens, la forcellerie & diverfes céré-
monies aufli vaines que bifarres , font lei
moyens qu'ils emploient pour chafTer let!
caufes imagmaires du mal (i); & pleins dt
confiance fur Tefficacité de ces moyens , ilî
prédifent hardiment quel fera le deflin de
leurs malades. Ainfî la fuperftition dam
fa forme primitive eut pour principe l'im'
patience naturelle à l'homme de fe délivre]
d'un mal préfent , & non la crainte dej
maux qui i'attendoient dans une vie fu,
ture ; elle fut originairement entée fur h\
médecine, non fur la religion. Un dcK
premiers & des plus fages hiftoriens dd
l'Amérique fut frappé de cette alliance
tre l'art de la divination & celui de la mé'
decine chez les habitans d'Hifpaniola (2J
Mais cela n'étoit pas particulier à ces pem
(1) p. Melch. Hernaiîdez, memor* de cherîqu! , coUcSi
or'i^, p» I.
C^) Oviedo, lib.lF, c, u
D E l'A m e r I q ù e. 3^3
•les. Il y avoit dans toutes les parties de «ëëëI
'Amérique des devins & des enchanteurs Liv.lV.
; ui s'appelloient les Alexis , les Piayas , les
Huîmoins^^Q. fuivant les différens endroits,
c qui étoient les médecins de leurs tribus
ei]ie£lives, comme les Biihitos Tétoient à
lirpaniola. Comme leurs fondions les met-
oient à portée d'obferver Tefprit humain
ffFoibli par la maladie, & que dans cet état
Tabatcem-ent , l'homme eft naturellement:
lifpofé à s'alarmer de craintes chimériques
k à fe bercer d'efpérances imaginaires, ils
nfpiroient aifément une confiance aveugle
'ians la vertu de leurs enchantemens & dans
a certitude de leurs prédirions (i).
Lorfque les hommes ont une fois recon- Lafuper-
Mi la réalité d'une puifiance furnaturelle fendVar"
fqui agit dans certains cas^ ils font aifément degrés,
portés à la reconnoître dans d'autres. Les
(Américains ne fuppoferent pas longtems
*que l'efficacité des conjurations fût bornée à
Un feul objet: ils y eurent recours dans toutes
les fîtuations de danger ou de malheur. Lorf-
f CO Herrerà, dec, i, Ub. W, e. 4. Osborne , collet,
lit 860. Dumont 5 I, 169. Ch.irJevoix, Mfi. de la Nouy,
■Fr. Ult 361. Lav/fonj Dipuy, CaroL 214. Kih^s , trîtimf,
j?. 17. Biet, 33(5. De la Putherie, II, 35.
LïV,lV.
3(Î4 Histoire
qu'ils éprouvoient des défaflres à la guer-
re , lorfqu'ils étoient contrariés dans leur
chafîe par des contre- tems imprévus, îorf.
que les inondations ou la féchérefîe mena-
çoient leurs moifTons , ils appelloient leursi
magiciens & leur faifoient commencer leurs^
enchantemens pour découvrir la caufe de<
ces calamités ou pour prédire quelle en
feroit rifTue Ci). Leur confiance dans cet
art chimérique s'augmenta par degrés & fe
manifefloit dans toutes les circonflances de
la vie î chaque individu qui fe trouvoic
dans quelqu'embarras ou qui vouloit s'enga-
ger dans quelqu'entreprife importante, ne
manquoit pas de confulter le forcier & de
diriger fa conduite fur les inftrudtions qu'il
recevoit. C'eil fous cette forme que h
fuperflition fe montre chez les peuples les
plus fauvages de l'Amérique, & la divina-i
tion y eft un art tenu dans la plus hautéi
eflime. Longtems avant que l'homme aie*
porté la connoiflance d'une divinité jufqu'am
point qui infpire le refped & conduit à
un culte , nous le voyons lever une main
I
(0 Cliarlevoix , hlj}. de la Nom, Fr, III, 3. Dumont,
ï> 173' Fernandez > ?'^/tff. ù ch'^qulît p* 40. JLozaiiOj 84.
Margrave, a^^i.
D E l'A m e r I Q u e; 3(^5
Dréfomptueufe pour écarter le voile falutai- — *
ire fous lequel la providence a voulu cacher tiv.iv.
ifes defleias aux regards des humains; nous
le voyons s'efForçant avec une vaine ia»
quiétude de percer les myfteres de Tadmi*
liftration divine. Ceft une preuve des
progrès & de la maturité de Tefprit humaiQ
que de reconnoître & d'adorer une puifFan-
::e modératrice de l'univers ; mais le vain
iefir de pénétrer dans Tavenir n'eft qu'une
[erreur de fon enfance & une preuve de fa
foiblefle.
C'efl à cette même foiblefTe qu'il fauÉ
attribuer la confiance des Américains dans
les fonges, leur foin d'obferver les préfa-
iges, leur attention au ramage des oifeaur
& aux cris des animaux ; ils regardent tou-
Ites ces circonflances comme des indications
des événemens futurs , & fi quelques • uns
ïde ces pronoftics leur paroifient défavora-
ibles , ils renoncent auflîtôt à Tentreprife
;qu'ils venoient de former avec le plus
d'ardeur (i).
}y(i) Charlevoix, hîft, de la Nouy» Fr. m, 262 -> 55^0
Stadius, ap, de Bry , 111, 120. Creuxii, hljï. Ganaa*%^
Techo, hîft, of Parag. Churchill, colh FI» $7» De la Po
therie, IH, 5,
Q 3
^66 Histoire
51*55 Si l'on veut fe former une idée complet'^
"coucu^* te des nations fauvages de l'Amérique , i; "
^•^s par- j^e faut pas 'pafTer fous filence quelquej
' coutumes fingulieres , qui , quoiqu'univerfel
les & caradlériftiques , n'ont pu convenable
ment être rapportées à aucun des article!
fous lefqueîs j'ai divifé mes recherches fujv
leurs mœurs.
Amour de L'amour de la danfe efl une paffîon fd^'i
la tianfe, yorite des fauvages de toutes les parti©!
du globe. Comme une grande partie de
leur tems fe confurae dans un état de laa
gueur & d'indolence, fans aucune occupa
tion qui puifle les animer ou les intéreifer.
ils fe plaifent généralement à un exercice
qui donne l'efTor aux facultés avives de 1;
nature. Lorfque les Efpagnols entrèrent
pour la première fois en Amérique, ils
furent étonnés de ce goût extrême des na
turels pour la danfe ; ils voyoient avec è<
tonnement un peuple , prefque toujoufii
froid & inanimé , montrer une activité ex-
- ' traordinaire toutes les fois que cet amufe.
ment favori les y portoit. Il e(l vrai que
chez eux la danfe ne doit pas être appelle
un amufement. C'efl une occupation férieu«
fe & importante qui fe mêle à toutes les
D E L'A M E R I Q U E. 367
ciiconflances de la vie publique & privée, mmmm
Si une entrevue ef): néceflaire entre deux ^^v. iv.
bourgades Américaines , les ambafladeurs
;de Tune s'approchent en formant une danfe
jfolemnelle & préfentent le calumet ou em-
iblême de paix: les Sachems de l'autre triba
:1e reçoivent avec la même cérémonie (i}.
Si la guerre fe déclare contre un ennemi ;>
c'eft par une danfe qui exprime le relTen:-
-timent dont ils font animés & la vengean-
Ice qu'ils méditent (2), S'ils veulent ap-
[paifer la colère de leurs dieux ou célébrer
leurs bienfaits ^ s'ils fe réjouiffent d^ la
naiffance d'un tils ou pleurent la mort d'au
ami (3), ils ont des danfes convenables h
chacune de ces fîtuations & appropriées
i aux fentimens divers dont ils font pénétrés.
iSi l'un d'eux efl malade, on ordonne une
danfe comme le moyen le plus efficace de
.lui rendre lafanté; & s'il ne peut pas ÇiJtp*
\ porter la fatigue de cet exercice, „le méde-
; cin ou (brcier exécute la danfe lui - même,
(i) De la Potherie^ hîjl, II, 17. Charbvoix, hljl* àê
I f(t Néuy, Fr, III, 211, 212. Lahontaii, I, 100-137. Heii-
i nepin, découv, 149,
i (2) Charlevoix, hîjî» de la Nouy, Fr, III ^ 298. Lafi-
I tau, I, 523, ""■..■. ^\'j%
C3) Jputel g 3 13. Gomera , Wfï. gén, c, ig6i-
Q4
3(^8 Histoire
■■■iiiii'ii' comme fi la vertu de fa propre adivité pou-
Liv.iv. ^Qjç fe tranfmettre à fon malade (i}.
Toutes leurs danfes font des imitatiom
de quelqu'aftion , & quoique la mufîque
qui en règle les mouvemens , foit d'une
extrême fimplicité & choque l'oreille pat
fa platte monotonie, quelques «unes de leur?
danfes paroifTent très - exprelîîves & très
animées. La danfe de guerre eft peut • êtu
]a plus frappante de toutes : c'efl: la repré'
Tentation d'une campagne Américaine corn»
plette. Le départ des guerriers , leur mar-
che dans le pays ennemi', les précautions
avec lefquelles ils campent, Tadrefle avec
laquelle ils placent des détachemens en em-
bufcade , la manière de furprendre l'enne^
iTîi, le tumulte & la férocité du combat ,
l'art d'enlever la chevelure aux morts & de
fe failGb: des prifonniers , le retour triom-
phant des vainqueurs & les tourmens des^
•victimes, font mis fucceffivement fous les^
yeux des fpeûateurs» Les auteurs entrent
<3ans leurs difFérens rôles avec tant de cha-
leur & d'enthoufîafme ; leurs geftes , leurs
phy.
CO Denys, hijf, nat, i8p. Brikell, 372. De la Potl»'
ÏJB t'A M E U I Q U E. 5^59
:)hyGônomies , leurs voix font û bifarres & — ^
î conformes à leurs ficuadons refpedlives, l'iv.iy.
jue les Euro )dens ont peine à croire que
:e foit une fcene d'imitation & ne peuvent
a voir fans de vives impreflîoDs d'horreur
k de crainte (^i). Quelque exprefîion qu'il
DuilTe y avoir dans les danfes Américaines ,>
slles préfentent une circonftance remarqua*
Die, qui fe lie avec le cara£tere de la race
entière. Les chanfons, les danfes & les^
amufemens des autres nations 3 emblâmes>
des fentimens qui échauffent leurs coeurs ^-
font fouvent deflinés à exprimer ou à ex-
citer cette fenûbiiké qui attache les deux
fexes l'un à l'autre. Il y a des peuples
chez qui l'ardeur de cette pafîion eft telle ^
que l'amour y efl prefque le feul objet des
fêtes à. des plaifîrs ; & comme les peuples^
groflîers ne connoiffent point la délieateffe
des featimens & ne font point accoutumés
à déguifer les émotions de leur ame, leurS'
danfes font fouvent licencieufes & indé-
eentes. Telle eft la Caknâa dont les na-
turels d'Afrique font fi paflîonnés (2): tel-
■^- ' I -| ,1111 I - . LU, . U ~ M"
Cl) De la Potheiie , II, ii6. Charlevoix ^ /«V?.. ^ Is^
Pifouy, Fi\ III t 2^7. LaStau y 1 , 52>
Qjr} Adanfon , yoy, ouSénégaT, p. 3. L^st , yoy. IF^i^^f
570 H I s T a I R E
I les font les danfes des jeunes filles d'Alîe
LiYtlv. qy| fejnbient exciter tous les delirs de la
volupté dans ceux qui en font témoins^
Mais chez les Américains, qui par des eau-
. fes qu*on a déjà expliquées , font plus
froids & plus indifférens pour les femmes»
les idées d'amour n'entrent que très-peii
dans leurs fêtes & leurs divertifTemens.
Leurs chanfons & leurs danfes font pour
là plupart graves & martiales , liées avec
quelques-unes des affaires les plus férieu-
fcs & les plus importantes de leur vie (i) ;
& comme elles n'ont aucune relation aveé
l'amour ou la galanterie, elles font rare*-
ment communes aux deux fexes , 6t s'exé» ■
cutent par les hommes & les femmes h part;
(2}. Si dans quelques occaiîons il efl per*«
mis aux femmes de fe joindre à la fête ,.,
le caraftere des danfes refte le même , & J
l'on n'y voit aucun mouvement , aucuai
Sloane, «^. hijï, ofjamalcâ: întrod, p» 48. Fermin, deJU^)
de Surinam y I, 139,
CO Defcnp. de la Nouy, Fu Osborne, colM. //, 883^ ,
^ Chaiievoîx , ////?. de la Nouy. Fr, UI, 84.
(2) Wlifer's, account of Iflhm» i6{). Lery,^/>. de Bry y
MI y ï2T* LozanO', iJfi. de Parag. f, 149; Herr^ra, dscad,
■-i, Ub. Vii^ Q^ 8i dic, 4,j, Ub, ]i^ c 4;. Voyeur la Nû3!«.
DE L*AmeRIQUE. 571
gefle qui exprime des idées de volupté ou
qui encourage la familiarité (i). Liv.iv,
L'amour excefîif du jeu, & particulière- Amour
■ ment des jeux dehafard, qui femble être ^^"^ •'^"'
; naturel à tous les hommes qui ne font pas
accoutumés aux occupations d'une induftrie
régulière , eft univerfel chez les Améri-
cains. ,Les mêmes caufes qui dans la focié-
té civiiifée portent les hommes qui ont de
la fortune & du loifir , à rechercher cet a*-
mufement , en font les délices des fauva--
ges. Les premiers font difpenfés du tra-
vail; ceux 'Ci n'en fentent pas la néceOité,.'
, & comme ils font également oiûfs , ils fè
givrent avec traafport à tout ce qui peut-
émouvoir & agiter leur ame. Ainû les Amé-
ricains qui pour Tordinaîre font fi indiîFé-
rens, fi flegmatiques, û taciturnes & (i dé--
fintéreîTés, deviennent, dès qu'ils font en-
gagés à une partie de jeu, avides, impa-
, tiens, bruyans & d'une ardeur prefque fré-
nétique. Ils jouent leurs fourrures , leurs-
uftenûles domelliques , leurs vêtemens , leurs^
armes ;> & lorfqus tout eft perdu,- on les
voit fouveat dans l'égarement du défefpair
©Ur de l'efpéraiice , rifqaer d'un feul coup--
-"^ ' ■ ■ : I ■- Il r -I . !■■ i.l .- -.«g^
372 Histoire I
■ leur liberté perfonnelle , malgré leur paf. ^
Liv. hv. £qq extrême pour rindépendance(i)* Chez
différentes peuplades ces parties de jeu fe
renouvellent fouvent & deviennent Tamufe-
ment le plus intéreflant dans toutes les oc-
calîons de fèces publiques. La fuperllltion ,
toujours prête à tourner à fon profit les i
palïïons qui ont le plus d'influence . & d'é-
nergie, concourt fouvent à confirmer &i
à fortifier cette difpofition des fauvages.
Leurs magiciens font accoutumés à prefcri*-
re une grande partie de jeu , comme uan
des moyens les plus eflacaces d'appaifer
leurs divinités, ou de rendre la fanté auxi
malades (2).
Goût des Des caufes femblables à celles qui infpr*
Mcitisurs
îoms. rent aux Américains l'amour du jeu , les^
portent aufîî à Tivrognerie. Il femble qu'un
des premiers efforts de l'induHrie humaine
ait été de découvrir quelque boiffon ent» J
vrantc; & l'on n'a guère trouvé de nation, '
quelque grofîiere & dépourvue d'invention
qu'elle fût, qui n'ait réuflî dans cette fata-
le recherche. Les plus barbares des tribus
(1) Chailevoix , hîjl, àe la Nouy. Fr. IH, £61-318. La?
Êraii» //a 338. Ribas, tr'tumf. 13. BrikelJ, 335.
(a^ Oiailfivois 3 hijî,. ds lu. Na.uy^ Fu UI^ oJSik. |
D E t*A M E R I Q U E. 37^3
fAméf icaînes ont été aflez malheureufes pour éêêêê'
Ifaire cette découverte; celles- même qui^^^*^^*
fent trop ignorantes pour connoître le
[moyen de donner aux liqueurs par la fer-
[mentation une force enivrante, obtiennent
Ile même effet par d'autres moyens. Les
Ihabitans des ifles, ceux de la Ca4ifarnie £s
du nord de TAmérique, emploient pour cet
objet la fumée du tabac, qu'ils font pa (Te?
•avec un certain inflrument dans les narines
& dont les vapeurs en montant au cerveau
y excitent tous les mouvemens & les tranf-
iports de PivrefTe (i). Dans prefque toutes
Iles autres parties du nouveau monde, les
naturels polTédoient Tart d'extraire une li-
queur enivrante du maïz ou de îa racine de
I manioc , les mêmes fubflances dont ils fai«
I foient du pain. L'opération qu'ils avoieni
imaginée pour cela reflemble aflez au pro^»
cédé ordinaire des brafîeurs ; mais avec cet-
te différence qu'ati lieu de levure, ils y
fubftituoient une dégoûtante infulion d'une
certaine quantité de maïz ou de manioc
mâché par leurs femmes. La fa live excite
une fermentation vigoureufe, & en peu de
CO Ovîedo, hiJK ap, Ramus, III, ii^ Venegas, 1,63^
JSaufr, d& Qç,liçca de Faca , eap, 26. Voyej^Ia No"^ XiXXXIX*
— f- jours la liqueur devient propre à être bue.
^•^^* Elle n'eil pas défagréabie au goût, & lorf-
qu'on en boit une grande quantité , elle a
le pouvoir d'enivrer (1). C'eft la boifîbn
générale des Américains, qui la défignent
par ditFérens noms & la recherchent avec
une fureur qu'il n'eft pas plus aifé de conce-
voir que de décrire. Chez les nations polies,
oîi une fucceffion d'occupations & d'amufe-
mens divers tient l'efprit dans une adivité
continuelle, le defir des liqueurs fortes eft
modifié en grande partie par le climat,- &
il augmente ou diminue félon les variations
de la température. Dans les pays chauds,,
Torganifation feniible & délicate des habi-
tans n'a pas befoin du flimulant des liqueurs
fermentées. Dans les pays plus froids, la
conftitution des naturels , plus robufle &
plus pefante , en a befoin pour être excitée
& mife en mouvement. Mais, parmi les fau*
Tages , le delîr de tout ce qui a la faculté
d'enivrer eft le même dans toutes les poû*
tions du globe. A l'exception de quelques
petites tribus difperfées près du détroit de
Magellan, tous les habitans de l'Amérique,
foit qu'ils habitent la zone torride ou les ré-
DE l^Ameriquk. 57y
^^Tons tempérées , foit qu'un fort plus dur
es ait fait naître dans les climats plus ri- Liv.l^i
;oureux des deux extrémités nord <Sc fud de
re continent, paroiflent être également do-
minés par cette palTion (i). Cette reflem»
)Iance de goût chez des peuples placés dan&
les fîtuations û différentes , ne peut être re-
gardée comme l'effet d'un befoln phyfique ^
3c ne peut être attribuée qu*à l'influence
i'une caufe morale. Lorfque le fauvage efE
engagé dans une expédition de guerre ou de-
fîhafle , il fe trouve fouvenc dans des fîtua-
rions critiques, oii toutes les facultés de fa<
sature font obligées de s'exercer par les
plus grands efforts ; niais à ces fcenes incë-
veiïantes fuccedent de longs intervalles de;
repos, pendant lefqueîs le guerrier ne voit
•rien d'alfez étonnant ou important pour mé*
riter fon attention. Il languit dans ce tems
d'indolence. L'attitude de fon corps efl ua^
iemblôme de l'état de fon ame: là, accrou-
pi près du feu dans fa cabane, ici étendu à
[Fombre de quelques arbres, il confume fes
- . I - «lij
j. (i3 Giimilla, I, 257. Lozaso , «'if/cr. del gj-an Clmo'^~
.56-103. lUbas, 8, Ulloa, I, 249-337. Marchais, IV, 43(&
fFefnandez, mî(Jwm de las- Ch'iqmit 35. Banere-y ^.gogè
3?€ Histoire
^fÊËÊÊÊÈ journées dans m fommeil prefque conti-
*^* ^^* nuel , ou dans une inaftion infipide & flu-
pide qui n'en efl guère différente. Gomme
les liqueurs fortes le tirent de cet état de
torpeur , donnent un mouvement plus rapi-
de à Tes efprits & raniment encore plus for*
tement que la danfe ou le jeu, il en efl ex-
celîivement avide. Un fauvage qui n'efl pas-
«n adtion efl: un animal triile & penûf ; mais
dès qu'il boit ou qu'il a feulement l'efpéran»
ce de boire d'une liqueur enivrante , il
prend de la vivacité & de la gaité (i). Quel
que foit l'occafion ou le prétexte qui raf-
femble les Américains , la féance fe terml- ■
ne toujours par une débauche. Pîulîeurs dei
leurs fêtes n'ont point d'autre objet, & il»i
en voient arriver l'époque avec des tranf»
ports de joie. Comme ils ne font accoutu»-
Hiés à contraindre aucun de leurs fenti*!-
mens , ils ne mettent point de bornes à ce-î
lui -ci. La fête dure fouvent fans interrup*
tion pendant plufîeurs jours, & quelque fu*
nèfles que puilTent être les fuites de leurs|
excès, ils ne cefTent de boire que lorfqu'ill
ne refte plus une feule goutts de liqueur»i
Ceux d^entr*eux qui font les plus diflin'-
QO Mel^i des j t^oro^ vsidsdt Illy. i^^
D fi L'A M E R ï q U !:• 377
;ués , les guerriers les plus célèbres , les — —
:hefs les plus renommés pour leur fagefle, Liv.iv.
l'ont pas plus d'empire fur eux-mêmes que
e dernier membre de la communauté, L'at-
|:rait irréfîftible d'un plaifîr préfent les aveu»
i^le fur les conféquences , & ces hommes
'juî dans d'autres lituations femblent doués
l'une force d'ame plus qu'humaine ^ ne font
ians celle-ci que de vils efclaves d'un ap»
'petit brutal , inférieurs aux enfans en pré-
voyance aufli bien qu'en raifon ("!}♦ Lorf-
que leurs pallions, qui font naturellement
ifortes , font encore excitées & enflammées
Ipar TivrefTe, ils fe portent aux plus terri-
bles excès, «Scia fête fe termine raremeat
fans des ades de violence & mema fans du
fang répandu (2},
Au milieu de cette débauche extrava-gan-
te, il y a une circonftance qui mérite d'être
{remarquée : chez la plupart des nations
'Américaines il n'eft pas permis aux femmes
de prendre part à la fête ("3}. Leur occupa-
tion eft de préparer la liqueur, de Ja ferviy
aux convives, & d'avoir foia de leurs maris
CORibas, IX. Ulloa, 1,338,
Cs} Vpyez la JN«TB XC.
'xyB H I s T o I R
j
«3 & de leurs parens lorfqu'ils commencent i
Liv. IV. pQY^Ye la raifon. Rien ne prouve plus Té
tat d'infériorité des femmes & le raéprii
avec lequel elles étoient traitées dans li
nouveau monde , que cet ufage de les e»
dure d^un plaifîr li recherché de tous h
fauvages. Lorfqu'on découvrit TAmériqui
feptentrionale, les habitans ne connoifToien
-encore aucune boiflbn enivrante; mais lô
Européens ayant trouvé bientôt un intérê
à leur fournir des liqueurs fpiritueufes, Vl
vrognerie eft devenue aufîî univerfelie pan
mi eux que parmi les Américains des partie
méridionales ; leurs femmes même ont prir
ïe même goÛc & s'y livrent avec auffi pei
de décence ^ de modération que les hoifti
mes (i3- .
Il feroit trop long d'examiner toutes ie^
de faîre coutumes particulières qui ont excité Téton^
Safdï^ nsment des voyageurs, en Amérique; maiS'
Udes in-^'i^ "^ puis en paffer fous fiience une qui pa*i
curables, roîc auiîî extraordinaire x^u'aucune de celles
dont on a parlé, Lorfqu'un Américain de-
vient vieux oii qu'il fouffre d'une maladie
que leur médecine ^roffiere ne peut guérir»
.^ CO, Hutchinfon, hifi^ of Mafachufit. Bay^ 46^, Lafita»
II, 125, Sagard, I4().
D E L*A M E R I Q U E. 379
fes enfans ou fes parens lui ôtent la vie eux- ——g'
mêmes , pour être délivrés du fardeau de le ^^^* ^^*
nourrir & de le foigner. Cette coutume s'efl
:rouvée établie chez les tribus les plus fau-
^i^ages dans toute l'étendue du continent , de-
puis la baie d*Hudfon jufqu'à la rivière de
a Plata; «Se quelqu'oppofée qu'elle paroif-
7e à ces fentimens de tendrefTe & d'afFec*
•:ion que les hommes civilifés regardent
:omme naturels à refpece humaine , l'hom-
ime femble y être conduit par la condi-
ition de la vie fauvage. Les mêmes pei-
nes & les mêmes difficultés pour fe pro»
curer des fubû (lances , qui en quelques cas
empêchent les fauvages d'élever leurs en- '
fans , les obligent à terminer la vie des
vieillards & des infirmes, La foibieile de
ceux-ci auroit befoin des mêmes fecours que
î'enfance. Les uns & les autres font égale-
ment incapables de remplir les fondions de
^guerriers ou de cbalTeurs, & de fupporter
ries peines ou d'échapper aux dangers aux-
•quels les fauvages font fi fouvent expofés
par leur défaut de prévoyance & d'indullrie^
^Incapables de fubvenir aux befoins ou de
|fecourir la foiblejGTe des aucres, ce furcroît
j d'embarras leur donne ues impatience qui
380 HISTOIRE
«555 les porte à terminer une vie qu'il leur fe
Liv. IV, j-oit trop difficile de conferver. Cela n'el
point regardé comme un trait de cruauté
mais comme un a£le de pitié. Un Améri
cain, accablé d'années ou d'infirmités, fen
tant qu'il ne peut plus compter fur le fe
cours de ceux qui l'environnent , fe plac
lui-même d'un air content dans fon tom
beau, & c'eft des mains de fes enfans ou d
fes plus proches parens qu'il reçoit le cou]
qui le délivre à jamais des miferes de 1
vie O)-
idée gé* IX. Après avoir confidéré les peuplei
ïémca^^ fauvages d'Amérique dans ces dilféreni
faatere. points de vue, & après avoir examiné leuri
ufages dans tant de fituations diverfes, i
ne refte qu'à nous former une idée générait
de leur caradtere, comparé avec celui de«
nations plus policées. L'homme, dans fosr
état primitif , fortant pour ainfî dire des
mains de la nature ^ eft partout le même^î
Dans les premiers initans de l'enfance, foiti
parmi les fauvages les plus bruts , foit dans
la fociété la plus civilifée, on ne lui recon-
noît aucune qualité qui marque quelque dif-
■ Ci) Cafîanî, hlfi» de N, Reyno àc gran* p, 300. Pifa,
p* 6. Ellis, 7oy, 161. Gurailla, I, 333.^
D E l'A m e r I q u e. 3gi
înûion ou quelque fupériorité. Il paroît
lartout fufceptible de la même perfeélibili- liv. iv.
é, & les talens qu*il peut acquérir par la
bite , ainfi que les vertus qu'il peut devenir
feapable d'exercer, dépendent entièrement
e rétat de fociété dans lequel il fe trouve
^lacé. Son efprit fe conforme naturelle»
ïient à cet état & en reçoit fes lumières &
"es talens. Ses facultés intelledtuelîes font
îfes en adlivité, en proportion des befoins
bituels que fa fîtuation lui fait éprouver
fe des occupations qu'elle lui impofe. Les
ffeftions de fon cœur fe développent fe-
ion les rapports qui fe trouvent établis en*
re lui & les êtres de fon efpece. Ce n'eft
u'en fuivant ce grand principe que nous
ôurrons découvrir quel eft le caradlere de
homme dans les difFérens périodes de fes
brogrès.
Si nous l'appliquons à la vie fauvage & fscuit^
|ue nous mefurions à cette règle les quali-tueiies,^
tés de l'efprit humain dans cet état de fo»
ciété, nous trouverons comme je l'ai déjà
obfcrvé, que les facultés intelledluelles de
l'homme doivent être extrêmement limitées
dans leurs opérations. Elles font renfer-
mées dans l'étroite fphere de ce qu'il regar-
382 Histoire
mamm de comrae nécefîaîre pour fub venir à fes'«
Liv. ly. befoins: tout ce qui ne s'y rapporte pas n'a&*
tire point fon attention & n'efl point rob^
Jet de fes recherches. Mais , quelque bor«
nées que puilTent être les connoifTances d*ur
fauvage, il poffede parfaitement la petite
portion d'idées qu'il a acquifes: elles ne lui
ont point été communiquées par une in
flruûion méthodique ; elles ne font poinfi
pour lui un objet de curiofité & de purr
fpéculation ; c'efl le réfultat de fes prc'
près obfervations & le fruit de fon expé-
rience j elles font analogues à fa condition
& à fes befoins. Tandis qu'il eft engagé
dans les occupations actives de la guerre
ou de la chalTe, il fe trouve fouvent dansi
des Ctuations difficiles & périlleufes , donùi
il ne peut fe tirer que par des efforts dei
.fagacité; il s'engage dans des démarches oh
chaque pas dépend de fa pénétration à dif-
cerner le danger auquel il efl expofé & d^
fon habileté à trouver les moyens d'y é^
chappér. ^^
Comme les talens des individus font mis
en a£livité & perfeâ;ioonés par cet exerci-
ce répété de l'efprit ^ ils déploient , dit-
on, beaucoup de. fagelTe politique dans la
D E L*A M E R I Q U E. 383
onduite des affaires de leurs petites com« ' "g
unautés. Le confiiil de vieillards déiibé»^^' '^*
nt fur les intérêts d'uue bourgade Arnéri-
line & décidant de la paix ou de la guer*
;, a été comparé aux fénacs des républi-
jes policées, éi les procédés du premier
3 foDC pas conduits avec moins d*ordre
. de fagacité que ceux des derniers. De
randes combinaifons ^politiques font mifes
n œuvre pour pefer les différentes mefu»
28 qu'on propofe ôl pour en balancer les
vantages probables avec les inconvéniens
ui peuvent en réfuker. Les chefs qui afpi-
ent à obtenir la confiance de leurs conci-
oyens, emploient beaucoup d*adreffe& d'é-
jquence pour acquérir la prépondérance
flans ces affemblées (i). Mais chez ces
btions groffieres les talens politiques ne
)euvent fe déployer que dans un cercle
'ort étroit. Partout oîi Tidée de propriété
oarticuliere n'clt pas encore connue à. qu'il
n'y a point de jurifdidion criminelle éta-
blie , il n'y a prefque point d'occafîon
^'exercer aucune fonction de police inté-
irieure. Par- tout oh il n'y a point de com-
merce & oU il n'y a que très- peu de corn*
il Cï) Chadevoix , hijl, de la Nouy* Fr, UI3 sj6g*
3^4 HiSTOIRR
— ■ munication entre les différentes tribus , oui
ï^'iv. les haines nationales font implacables & le»
hoflilité» prefque continuelles , il ne peut
y avoir que peu d'objets d'intérêt public à
difcuter avec fes voiOns, & ce département
qu'on pourroit appeller des affaires étrange*!»
res , n'eft pas affez compliqué pour demann
der une politique bien profonde. Partoutâ
où les individus manquent de prévoyance?
& de réflexion, au point de ne favoir pren*
dre que rarement des précautions efficaces
pour leur propre confervation , on ne doitf
pas s'attendre à voir les délibérations & les
mefures publiques réglées par la confîdé-
ratioD de l'avenir. Le génie des fauvages
efl de fe conduire par les imprelîîons dui
moment. Ils font incapables de former dess
arrangemens compliqués , relativement ài
leur conduite future. Les aflemblées des^
i\méricains font à la vérité û fréquentes,
& leurs négociations fi longues & fi mulci-1'
pliées (i}, que cela donne à leurs procé
dés une apparence extraordinaire d'habile-'
té; mais c'efl moins dans la profondeur de\
leurs vues qu'il faut en chercher la caufe,
que
(i) Voyez la Note 2(CI.
I
D E ■ l'A m e r I q u e. s'Sj'
qiie dans la froideur de leur caradlere qui «55Ë^
>les rend très - lents à prendre une réfoiu- Liv.IV.'
tion (i). Si nous en exceptons là ligue
îcélebre qui a uni les cinq nations du-Cana*
da en une république fédérative , dont on
Iparlera en fbn lieu, nous ne découvrirons-
parmi les nations fauvages de l'Amérique'
■ quQ peu de traces d'une habileté politique
iqui fuppofe un certain degré de prévoyan-
jce ou de fupériorité d'efprit. Nous ver-
'rons leurs opérations publiques plus fou-
vent dirigées par la férocité impétueufe de
leurs 'jeunes gens^que par Texpérience & la
fageUe de leurs vieillards.
En même tems que la conduite de rhora** AfFea'ou
me dans l'état fauvage eft peu favorable ^^^^^';*
aux progrès de Ferprit , elle tend " auflî à
quelques égards à retferrer le cœur & à ré«
primer l'exercice de la fsnGbilité. I,e feu-
timent le plus fort qui foit dans Tame d'un
fauvage , ed celui de fôn indépendance. Il
,1 facrifié une fi petite portion de fa liberté
tourelle en devenant membre d'une focié-
ce 5 qu'il refle prefque entièrement maître
de Tes adlions ^s). Il prend fou vent fer
CO Charlevoix, hljï. de la Ncuy. Fr, III, 2^u " ^*^^
. C^) Fernandez, J//>7ç;? de ïo$ Chiqui^y^Z' 1 "^ ^'''?
Tome II. R
38<î Histoire
S^^ réfolutions feul , fans confulter perfonne^
^^* * fans conlidérer aucune relation avec ceux
qui Tenvironnent. Dans plufieurs de fes dév
inarçhe§ il refle aufîî féparé du refte des
hommes, que s'il n'avoit formé aucune u-
won avec eux. Comme il fent combien peu
il dépend des autres, il les voit avec une
froide indifférence. La force même de fon
ame contribue à augmenter cette infoucian-
ce : ne fongeant qu*à lui - même en délibé-
rant fur la conduite qu*il a à tenir, il ne
s'embarrafTe guère des conféquences que re-
lativement à fon intérêt. Il pourfuit fa
carrière & fe livre à fes idées, fans recher-
cher lî ce qu'il fait eft agréable ou défagréa-
ble aux autres , s*ils peuvent en tirer quel»^
qu*avantnge ou en recevoir du dommage*'^
De -là ces caprices indomptables des fauva-.'
ges , cette impatience de toute efpece d^i
gêne , cette incapacité de réprimer ou de^
modérer leurs defîrs , cette négligence iïl
ce dédain avec lequel ils reçoivent les con?
feils , enfin cette haute opinion. qu'ils on£
d'eux-mêmes & le mépris qu'ils ont pour
les autres. Chez eux l'orgueil de l'indé-
pendance produit prefque les mêmes effets 1
que la perfonnalité dans un état de fociété
D Efl L"A M E R I Q U E. 387
plus avancé. Par ces deux fentimens Tin- ^5»"
dividu rapporte tout à lui-même & unique- ^^V ^
nient occupé de fatisfaire fes defirs , fait de
ce feul objet la règle de fa conduite.
C*eft à la même caufe qu'on peut impu- Dureté ^
:er la dureté de cœur & l'infenfibilité qu'on
-eproche à tous les peuples fauvages. Leurs
iraes, peu fufceptibles d'afFedions douces,
iélicates & tendres , ne peuvent être re-
nuées que par des impreffions fortes ("i).
^eur union fociale. efl: fi incomplette que
:haque individu agit comme s'il avoit coa-
ervé fes droits naturels dans toute leur in*.
égrité. Si on lui accorde une faveur, Q
m lui rend un fer vice , il les reçoit avea
îeaucoup de fatisfadion , parce qu'il en ré-*
uke un plaifir ou un avantage pour lui ;
nais ce fentiment ne va pas plus loin &
Texcite en lui aucune idée d'obligation ; il
le fent point de reconnoiflance & ne fonge
^oint à rien rendre pour ce qu'il a reçu (2^*
^armi les perfonnes. mêmes qui font le plus
itroitement unies , il y a peu de correfpon»
lance ni d'échange de ces fervices qui for-
iSent rattachement , attendrifîent le cœur-
(i) Charlevoix , kifi, de la Nouv» Fr, III , 309.
(2) Oviedo , hifu llh XIF. Voyez la Note XCII.
H I s T O I R E
■ & adoucifient le commerce de la vie. Leurs
tiv.iv. i^^Q^ exaltées d'indépendance donnent à
leur carafter-e une rëferve Ibmbre qui les
fépaTe les uns des autres. Les plus pro^^
ches parens craignent mutuellement de fe
faire quelque demande^, de follicicer quel-;
ques fervices (^ï} , de . crainte d*avoir Tairr
de vouloir impofer aux autres^ une charge
où gêner leur volonté. .-. j
înrenfi. V^^^ déjà remarqué l'influence de cette
»%é. (Pureté de.carad:ere fur lavie domeftique,
relativement à Tunion du mari avec la fem-
me 5 de même qu'à celle des pères avec les!
ènfans. Les effets n'en font pas moins fen-1
.fibles dans Texerciçe. des devoirs mutuels
d'affedion qu'exigent fouvent la foibleffQJ:
& les accidens attachés à la nature humai?
ne. Dans certaines tribus, lorfqu'un Amé^
ricaîn eft attaqué d'une maladie, il fe voil^
généralement abandonné par tous ceux q^
étoîent autour ^e lui, & qui fans s'emba
raffer de fa^uérifon , fuient dans la plusi
grande conflernation pour éviter le danger
fuppofé de la contagion (2). Chez les na-
Ci) I>e la Potherie , III ,28.
(2) Lettres du P, Oataneo ^ ap, Muratori C/inJîiau J,\
309. Duteruep II, 410. Lo^auo, ïoo» Herrçra, (f^» Ât\
DE L'A M E R I Q tJ E. 33^
I tions même oh Ton n'abandonne pas aînû \mmmm
■ les malades , la froide indifférence avec la» Liv. iv.
quelle ils fonc foignés ne leur procure que
de foibles confolations. Ils ne trouvent
dans leurs compagnons ni ces regards de la
pitié, ni ces douces expreffions, ni ces fer-
vices officieux qui pourroient adoucir ou
leur faire oublier leurs fouiFrances (^i);
Leurs parens les plus proches refufenc fou-
vent de fe foumettre à la plus petite ia-
commodité ou de fe priver de la moindre
bagatelle pour les foulager ou leur être uti?
les (2). L*ame d*ua fauvage eft fi peu-fuf-
ceptible des fentimens q.u'inrpiFent aux: ham-
iTies ces attentions tendres qui adouciitenc
l'infortune, que dans quelques provinces de
l'Amérique les Erpagnols ont jugé néceiTai-
ré de fortifier par des loix poQtives les de-
voirs communs de l'humanité, & "d'obliger
4es maris & les femmes ,- les pères & les^
énfans , fous des peines très - graves , à
prendre foin -les uns des autres dans leurs:
înaladies (3). La même dureté de :caraû£-
liï'. Fin y c. 5^; dsc, 5, Ii&» IF, c* 2. Faliiefaeifs defmpi
O) Gumilla, I, 329, Lozano , 100.
(2) Garcia, orÂo-5«^ 90. Hèrrera, decâ^jiK FIlI\c,%*
Cs) Cogulludo, hlfi, iè TucatM, p. 300;
R3
5^ Histoire
re eft encore plus frappante dans la manie. .
Liv. IV. j.g çJqjjj. jjg traitent les animaux. Avant Tar- .
rivée des Européens , les naturels de VAh^
mérique feptentrianale avoient quelque^'
chiens apprivoifés qui les accompagnoient
dans leurs chafles & les fer voient avec tou-^
te l'ardeur & la fidélité particulières à cet-
te efpece. Mais , au lieu de cet attache-^
ment que nos chafleurs fentent naturelle;^
ment pour ces compagnons utiles de leurJ
plaiûrs , le chafTeur Américain recevoic avec?^
dédain les fervices de fon chien , le nour-
TiflToit rarement &: ne le carefToit jamais Cip.
En d'autres provinces oh les animaux do-
meftiques d'Europe ont été introduits, le»^
Américains ont appris à les faire fervir àl
leurs travaux; mais on a généralement obfer*
vé qu'ils les traitent très - durement (^2}»
& n'emploient jamais que la violence & lai
cruauté pour les dompter ou les gouverner,
Ainfî dans toute la conduite de l'homm^i
fauvage, foit à l'égard des humains fes é*^-
gaux 5 ou des animaux qui lui font fubor* ^
donnés, nous retrouvons le même caradle»^ •
re, nous reconnoiiTons les opérations d'une :
(i) Charlevoix, hijî, de la Nouv» Fr» III, iip, 33?»
(2) Uiloa, notîc, Amsrican 312,
» E L*A M E R I Q U E. 391
1 ame qui n'efl occupée qu'à fe fatis faire & «M
> réglée que pa;r fon caprice , fans faire au- Liv.iv.
\ cane attentioa aux idées & aux intérêts des
I -êtres qui renvironnenc.
Après avoir fait voir combien la vie faa- Tacitur.
vage étoit peu favorable au, développe ineat: "^'^^'
I des facultés intelleduelles & de la feafibi-
lité du cœur, je n'aurois pas cru néceffaire
de m'arréter fur ce qu*on ea peut regarder
I comme les moindres défauts, fi le caraCte*
I re des nations, comme celui des individus,
ne fe marquoit fouvent plus clairement par
, des circonilances qui paroifTent frivoles ,
i que par celles qui font plus importantes,
i Le fauvage, accoutumé à le trouver dans
; des fituations périlleufes & embarraffances ,
ne comptant que fur fes propres forces ,
enveloppé tout entier dans fes plans & dans
fes penfées, ne peuc écre qu'un animal fë*-
rieux & mélancolique. Il fait peu d'attenf
I tion aux autres, & fes peafées parcoureng
I un cercle fort étroit. De -là cette tacitur*-
nité Q. défagréable pour les hommes aceau*
' tumés à la libre communication de la vie
i fociale. Un Américain, lorfqu'il n'eft pas
obligé d*agir , eft fouvent afîîs des jours
entiers dans la même pollure fans ouvrir les
R 4
3^^ H I s T O IRE
mmm levres (i). Lorfqu'ils fe réuniflent pour al.
Liy». i V. iqy à la guerrer ou à la chafle , ils marcheriÊ
d'ordinaire fur une ligne, à quelque diftan*
ce l'un de l'autre, & fans fe dire une pa-
role. Ils obfervent le même fîlence en ra-
mant enfemble dans un canot (2), Ce n'efl:
que lorfqu'ils font échauffés par les liqueurs
enivrantes ou animés par le mouvement d'a^
ne fête ou de la danfe, qu'on les voit s'é-
gayer & converfer entr'eux. "^
Finefl*e. On peut expliquer par les mêmes caufe^
la fînefle avec laquelle ils forment & exé-
cutent leurs projets. Des hommes qui né
font pas accoutumés h fe communiquer a-
vec franchife leurs fentimens à, leurs penr-
fées , font naturellement défîans , ne fe li-
-vrent à perfonne & emploient une rufc in-
fidieufe pour venir à bout de leurs deffeins.
Dans la fociété civilifée, les hommes, qui
par leur: lituation n'ont que très -peu d'ob-
jets oh ieùrs^delirs fe portent, mais dont
leur efprit eft fans ceiTe occupé , font les
plus remarquables par l'habitude de Partifî^
ce & de la rufe dans la conduite de leurà
CiD ^oy, de Bouguer, 102.
, (2^ Chaiievoix, J^^i^. de la Nouy.Fr, III , 340,
D rE xxf A M E R I(ï u E. 393
Ipetits ; projets. ; €es cirçonflances doivent
agir encore plus puilTamment fur les faava- ^^*^^
ges , dont les vues font également boraées
& qui fuivent leur objet avec la même utr
jtention & la même perfévérance; aufli s'ac-
[coutument - ils par degrés à porter dans
(toutes leurs allions une fub'tilité dont il faut
ife défier; & cette difpofitionfe fortifie par
iles habitudes qu*ils contractent dans les deux:
! occupations les plus intérefTantes de leur'
vie. La guerre elt chez eux un fyfléme
de rufe , oh ils préfèrent le ftratagôme ài
ila force ouverte, & oh leur imaginatioa
lefl: continuellement occupée à trouver les-
moyens d'envelopper ou de furprendre leurs ^
îennemis. Comme chalTeurs , leur confiant-
! objet eft de tendre des pièges au gibier'
qu'ils veulent détruire. Aufli l'artifice & lài
•finefle ont été généralement regardés corn;»
jne formant le/ caractère diftindlif de tousi .
les fauvages. Ceux des tribus les plus^ grof--
lieres de l'Amérique [font dlfcingués par'
leur adrefle & leur duplicité. Ils mettent-
un fecrct impénétrable dans la combinairoa^
de leurs plans-; ils les fuivent av-ec une pa^--
tience & une confiance à toute épreuve-^,
êc41 n'y. ^aucun rafihement dediilimuladQsi
294 H I s T O î R E
■ qu'ils ne puiflent employer pour en afluref
ïav.iv. |g fuccès. Les naturels du Pérou étoieitt
occupés depuis plus de trente ans à cob;. i
certer le plan de leur foulévement fous h I
vice- royauté du marquis de Villa - Garcia ^
mais quoique ce projet eût été commune bi
que à un grand nombre d'Indiens de toifô^
les ordres , il n'en avoit pas tranipiré la
moindre indication pendant ce long efpaGe
de tems ; perfonne n'avoit trahi fbn fecret ;
aucun regard indifcret , aucune parole im- '
prudente n'avoit fait naître le moindre foup-
çon fur le plan qui fe tramoit Ci)* ^®^'
efprit de diffîmulation & de finefle n'eil
pas moins remarquable dans les individus
que dans les nations» Quand ils veulent
tromper, ils fe déguifent avec tant d'artifice
qu'il efl impofîjble de pénétrer leurs inten»
tions, ni de démêler leurs defieins (2)*
Vsftuî, S'il y a des défauts & des vices particai»
Hers à la vie fauvage, il y a auflî des ver»
tus qu'elle fait naître & de bonnes qualité^
dont elle favorife l'exercice & le dévelop»
pement. Les liens de la fodété font fi
peu gênans pour les membres des tribus les
Cl) Voyage de Ullea, 11, 309*
n E i.*A M E R I q u E. i39 j
plus fauvages de rAmérique, qu'à peine é- 9ÊÊ^
iprouvent - ils quelque contrainte. De - là cet ^^' ^^'
îfprit d'indépendance qui fait l'orgueil d'un ^^,||PJ^'^gjj^
fauvage, & qu'il regarde comme le droit ina» àancs.
iénablede l'homme. Incapable de fe foumet-
:re à aucun frein , & craignant de reconnoîtrq:
iin fupérieur, fon ame, quoique bornée dans
'exercice de fes facultés & égarée par l'er-
eur fur pîufieurs points , acquiert par le
entiment de fa propre liberté une élévation^
^ui donne à l'homme en beaucoup d'occa-
lons une force, une perfévérance & une
iignité étonnantes.
Si l'indépendance entretient cet efprit de Çowts^
iierté chez les fauvages y les guerres per-
pétuelles dans lefquelies ils font engagés y.
le mettent en adivité. Ils ne connoiflènc
point ces intervalles de tranquilité ^ fré-
quens dans les états civilifés. Leurs hai-
;aes , comme je l'ai déjà obfervé , font
iimplacables & éternelles. Ils ne lailTenc
ipas languir dans l'inadbion la valeur de-
leurs jeunes gens , & ils ont toujours la*
hache à la main , ou pour attaquer ^ ow
pour fe défendre. Même dans leurs ex-
péditions de chafle, ils font obligés de^
le teair ©n; garde €ontre les furgrifes de©
39^ H I s T O I ^ E I
■— t nations ennemies dont -ils font environ*
Liv. IV. jjj^s^ Accoutumés à : des: alarmes conti»?, •
nuèlles, ils fe familiarifent avec le danger j^
& le courage devient parmi eux .une vert.iï
habituelle , réfultant naturellement de leur-
licuation & fortifiée par un exercice con*
liant. La manière de déployer le courage-
peut n'être pas chez des peuples bruts &
peu nombreux la même que dans les états(
puiflans & civilifés. Le fyftême de guerre;
& les idées de valeur peuvent fe former-
far diirérens principes ; mais Thomme ne fe:
montre dans aucune fituation plus fupérieuE<
au fentiment du danger- & à la crainte de
la mort que dans l'état de fociété le plus^
limple & le moins cultivé»
Attache- Une autre vertu qui di (lingue les fauva^
^ommui^ gesj c'eft leur attachement à la communaux
ï.Lut4* té dont ils font membres. La nature de
leur union politique pourroit faire croire;
que ce lien doit êjtre extrêmement foible;:
lïiais il y a des circonflances qui rendenc
très - puifTante Piiîflaence de cette forme
d'affociatioD 3 toute imparfaite qu'elle eHi.
Les tribus Américaines ne font pas très-peu*
plée? t armées les imes contre les- autres >
.au pour fadsfaire d'anciennes Iniiuitiés.^oy*
D^' tW M E R' I q U E» JPT"
poar venger des injures réeentes, leurs in- p— ■?
térêts & leurs opérations ne font ni nom. tîv.iy*j.
breux ni compliqués. Ce font -là des ob'
jets que réfprit brut d*trn fauvage peut corn'
prendre aifément, & fon coeur eft capable
de former des attachemens qui ne font pas^
fort étendusi II adhère avec chaleur à des
mefures publiques, diiftées par des palTions
femblables à celles qui règlent fa conduite.
De -là cette ardeur avec laquelle les indi-
vidus s'engagent dans les entreprifes les»
plus périlleufes^lorfque la- communauté les
juge néceffaires. Delà cette haine féroce
& profonde qu'ils vouent aux ennemis pu-
blics. De-là ce zèle pour l'honneur de leurs
tribus ; cet amour- de leur patrie, qui les-
porte à braver le" danger pour là -faif e triom^
pher 3 & à fùpporter fans la moindre plain*-
te les tourmens les plus cruels pour ne pas>
râ deshonorer.
Ainfi dans toutes les lîtùatîèns, même las- conten->
phs défavorables bb des êtres humains piii^. ^j:^^^^^^
ï^nt être placés 3 il y a des vertus qui apP^^ * îg^J copt-
tiennent particulièrement à chaque état-édition»- '
des aifedlions qu'il développe ^ (Se un genre-
Be bonheur qu'il procure* La nature bien<»^
Ëufante lait piiêr Fefprit dellïommei k'Jm.
3S)S H I s^T o r R Et
jjaaiju condidon"; & fes idées & fes defîrs ne s'é-
i,w. IV. tendent pas au-delà de Ja forme de focié-
té à laquelle il eft accoutumé. Les objets
de contemplation ou de jouiiTance que fa
lîtuation lui préfente, rempliflent & fatif-
font fon ame , & il auroit de la peine à
concevoir qu'un autre genre de vie pût être
heureux ou même tolérable. Le Tartare
accoutumé à errer fur de vafles plaines &
à fubfifter du produit de fes troupeaux ,
croit invoquer la plus grande des malédic-
tions fur la tête de fon ennemi , en lui fou-
liaitant d'être condamné à réfîder conftam-
Hient dans le même lieu & à fe nourrir de
l'extrémité d'une plante. Les fauvages d'A-
mérique, attachés aux objets qui les int^r
relTent & fatisfaits de leur fort , ne peu-
vent comprendre ni Fintention ni l'utilité,
des différentes commodités qui dans les fo*
ciétés policées font devenues eflentielleS'!
aux douceurs de la vie. Loin de fe plain^'
dre de leur condition, ou de voir avec de^
yeux d'admiration «Se d'envie celle des hom*
mes plus civilifés , ils fe regardent comme"
les modèles de la perfedion , comme les
êtres qui ont le plus de droits & de moyeni
pur j:ouiT du véritable bonheur^ Accouais»
fnés à ne contraindre jamais leurs volontés SËËft'
' bI leurs adions, ils voient avec étonnement ^^^-^^*
■ Tinégalité de rang ^ la fubordinadoQ éta.
bile dans la vie policée, & coaûderent la fujé-
tion volontaire d'un homme à un autre, com-
} me une renonciation auflî aviliffante qu'inex-
plicable de la première prérogative de l'hu-
manité. Deflitués de prévoyance, exempts
de foins & contens de cet état d'indolente
, fécurité , ils ne peuvent point concevoir
I ces précautions inquiètes , cette adivité con»
f tînuelle » ces difpolîtions compliquées , aux-
quelles les Européens ont recours pour pré-^
venir des maux iloignés oa fub venir à des
befoins futurs, & fe récrient contre cette
étrange folie de maltiplier ainiî gratuite-
ment les peines & les travaux de la vieCî^^
La préférence qu'ils donnent à leurs mœurs
' fe remarque dans toutes les occaGons. Les
noms mêmes par lefquels les différentes na*
tions de l'Amérique veulent être diflinguées
ont leur principe dans cette idée de leur
■ prééminence. La -dénomination que Jes Iro-^
■ quois fe donnent à eus - mêmes ^ efl celle
Ci) Chadevoix, hij}, de la JSbuy, Fj\ III, 3pS. LabçR*
■ûe pfemîa's des hommes' (^ly Le mt>t d6'
Urf, i?. Caraïbe , qui eft le nom primitif , des féro?
ces habitans des, ifles du vent, figaifie /?5M*
^/e guerrier Qii). Les Cherakis , pleins du
fentiment de leur fupériGrité , appellent les
Européens des riens ou la race maudite ^^,
fe donnent le nom de peuple chéri (3}. Le
même principe a formé les idées que les
autres Américains fe faifoient des^ Euro»-
péens ; car , quoiqu'ils paruflent d'abord .
fort étonnés des arts & fort effrayés de la
puilTance de ces étrangers, ils perdirent?
bientôt de l'eflirae qu'ils avoient conçue
pour des hommes , dont ils virent enfuite
que la manière de vivre étoit fi différente
de la- leur. Ils les appellerent f^V^/m^^e la-
mer ^ des hommos fans père ni mère. Ils
fuppoferent qu'ils n'avoienc point de pays
à eux, puifqu'iîs venoient envahir celui des?
autres (^4), ou que ne trouvant pas de quoi,
fubfifter chez^ eux, ils écoient obligés d'er*;
ler fur l*océan pour aller dépouiller ceux»
(i) Colden, I, 3."
Ça) Rochefort, hifl, àes Ant'iUis ,^ 455»-
(3) Adair-, fe//?. 0/ Amîr* Inâïcms^ p, 32^
C4^ Benzoni, hljl.^ noyi orVis^M, ïllf^.ç, 2.U-
D E l'A m e r I qxj E. 401
quî poffédoîent les biens qui leur man- **^^
quoienr. ^'^*^^
Des hommes fî contens de leur état font
Dien loin d'être difpofés à quitter leurs ha-
:)itudes & à adopter celles de la vie civî-
Kée, ■ Le paflage efl trop violent pour être
Tanchi brufquement. On a tenté de fevrer
)our ainfi dire un fauvage de fon genre de
Aq à,dQ le familîarifer avec les commodités
5c les agréraens de la vie fociale ; on Ta mîs^
i portée de jouir des piaifîrs à, âes diftînc-
ions qui font les principaux objets de nos
lefîrs. Mais on Pa vu bientôt s'ennuyer
k languir fous la contrainte des loiîc & des
•ormes, faifir la première occaûon de s'en
iébarrafrer,^ retourner avec tranfport dans
a forêt ou le défert ob il pouvoit jouir
i'une entière indépendance CO»
J'ai enfin terminé cette efquiffe difficile
lu caraârere & des niœurs des peuples grof^ "^
fers, difperfés fur le vafte^ continent de
imérique. Je n'ai point prétendu égaler ^
pour la hardiefîe du deffein, ni pour Té-
it & la beauté du coloris , les grands mai-
5s qui ont compofé & embelli le tableaif
la vie fauvage. Je fuis content de l'hum-
^ï-^ ChailevoiXj hljî, de la Nouy, Fr, lîl, 322, " "
4<^2 Histoire
■Ë!!iM ble mérite d'avoir perûflé avec une patier
hïv, IV, ce laborieufe à conlidérer mon fu jet foi
im; grand nombre de faces diverfes, & à ri
cueillir d'après les obfervateurs lea pli
exacts 3 les traits détachés à. fouvent trè«j
déliés , qui pouvoient me mettre en état d
faire un portrait reffemblant à l'original.
précau- Avant que d'achever cette partie de mo
Sion gêné- «in.* ^ ^ i r •
raie pour ouvrage , il ell: important de faire encor
Serche."^^ obfervation qui fervira à juftifier k
conféquences que j'ai tirées ^ ou à préven
les méprifes oh pourroient tomber ceux qt
voudroient les examiner. Pour parvenir
connoître les habitans d'une contrée auf
vafte que l'Amérique^ il faut faire une gran
de attention à la diverfîté des climats fou
lefquels ils font placés. J'ai fliit voir l'iiii
fiuence de cette caufe , relativement à plu
Heurs circonftances importantes qui ont ét(|
l'objet de mes recherches; mais je n'en a d
pas examiné tous les effets, & il ne faqijt
pas négliger ce principe dans les cas parti'} |
culiers oh je n'en ai pas fait mention. Les ï
provinces d'Amérique ont des températures j
û différentes, que cette variété feule fufîit |,
pour établir une dî(tin6kion fenûble entre fg
ieurs habitans. Dans quelque partie du glo- f:
I
ï
n
n E . L'A M E R I Q U E. 4O3
)e que l'homme exifte , le climat exerce ■■■ ■'""f
me influence irréfiftible fur fon éiac <Sc fon Liv.iv.
:araâ:ere» Dans les pays qui approchent da-
'antage des extrêmes de la chaleur ou du
roid , cette influence eft û fenflble qu'elle
rappe tous les yeux. Soit que nous confi-
lérions Thomme Amplement comme un ani-
nal, ou comme un être doué de facultés
atelledtuelles qui le rendent propre à agir
l à méditer, nous trouverons que c'eft dans
es régions tempérées de la terre qu'il a
:onftamment acquis la plus grande perfec-
ion dont fa nature Toit fufceptible ; c'eft»
à que fa confl:itution efl plus vigoureufe,.
a forme plus belle, fes organes plus déli«
:ats. C'efl -là auflî qu'il pcflede une intel-
igence plus étendue, une imagination pto
'éconde , un courage plus entreprenant &
me fenûbilité d'ame qui donne naiffance à
des paffions non - feulement ardentes > mais
lurables. C'ell dans cette fituation favora-
ble -qu'on l'a vu déployer les plus grands
3flforts de fon génie dans la littérature, dans
la politique, dans le commerce, dans la
i$uerre,- & dans tous les arts qui embellif-
|îent & perfeftionnent la vie (O'
t'tO Ferguibn's efai on ibs liijti of dv-U f^cia^. ^ Pai^**»
494 o H I s T o I R B
— "^ Cette puifla-Dce du climat fe fak fentl
Liv.iV.pjyg fortement chez les nations , fauvages ^
y produit de plus grands effets que dans le
fociétés policées. Les talens des homme
civilifés s'exercent continuellement à ren
.dre leur condition plus douce ^ par leurs in
• ventions & leur indullrie ils viennent à bon
de remédier en grande partie aux défauts i
aux inconvéniens de toutes les tempéracu
^les. Mais le fauvage, dénué de prévoyan
-ce, eft affeâé par toutes les circonftancc
propres aux lieux oh il vit; il ne prend au
. cune précaution pour améliorer fa fituation
Semblable à une plante ou à un animal, i
eft modifié par le climat fous lequel il ef
.né & en éprouve l%flaence dans toute f.
-force*, jj.L.;. ,..^... t.'.iii ^::. :.:■■ ■. .:.. r^', -■■•
; En parcourant l'es nations fauyages dî
l'Amérique ^ la diflindion' naturelle entre
Jeshajji tans des régions tempérées & ceuxi
4e la zone torride efl très-remarquaJDîe. On'
peut en conféquence Iqs divifer en f deux
( grandes çlafles. L'une comprend tous les
habitans de l'Amérique feptentrion^le, de-
puis la riyiçre, Saint-Laurent.jy.rqu'au .golfe
du Mexique, ayecles habitans du Chili &
quelques petites tribus placées à l'extrémiste
D E L'A M E 11 I Q U E. 405
'tf'"contînent inéHdiaDàT. - On rangera dans
iMitre clalTe tous les habîtans des ifles & ^^^* ^'''*
fCU^t des différentes • provinees qui s'éten-
[ent depuis 111lhn>e de Darien jufques vers
lés limites méridionales du Bréfil, le long
^ côté oriental des " Andes^ Dans la premle^
fé daiïe Vefpeccf humaine fe montre manî^
'èftement plus -parfaite. Les naturels y forif
i>lus^ robuÛes j plus, actifs, plus intelligens
pc plus courageux'. Ils poîTedent aU plus
Haut degré cette force d'ame & cet amour
^e rindépendance que j'ai pré fentes comme
tes principales vertus de l'homme dans l'éJ
iàt faùvage. Ils ont défendu leur liberté'
\vec beaucoup de courage & de psrfévéran*
pfe contre les Européens , qui ont fubjugué
ivec la plus grande facilité les autres nations'
de l'Amérique. Les naturels de la zons
tempérée font les feuls peuples du nouveau
ponde qui doivent leur liberté à leur pro*.
\pi'Q valeur. Les habitans de l'Amérique fep-
stentrionaîa , quoiqu'environnés depuis long-
tcms par trois puiffances formidables de
l'Europe , confervent encore une partie ds
ikurs anciennes poffeirions & continuent
id'exilter comme .nations indépendantes.
'Quoique le Chili ait été envahi de bonrie^
4à6 Histoire
heure par les EfpagDols, ΀s habitans fom 1
Liv. IV. toujours en guerre avec leurs vainqueurs ^1
ont fçu par une réfiilance vigoureufe arrê
ter les progrès de leurs ufurpations. Dan:
les pays plus chauds , les hommes étan'
d'une conflitution plus foible , ont aufl
moins de vigueur dans refprit ; leur carao
tere eft doux, mais timide, & ils s'aban
donnent davantage au goût de Tindolenc^
& du plaiiir. C'eft en conféquence dans h
zone torride que les Européens ont établ
plus complettement leur empire fur TAmé.
rique : les plus belles & les plus fertiles pro-
vinces y font foumifes à leur joug ; & {
plulieurs tribus y jouifîent encore de l'indé-
pendance, c'efl parce qu'elles n'ont jamais
été attaquées que par un ennemi raflafîé de
conquêtes & déjà en poileffion de territoi-
res plus étendus qu'il n'en pouvoit occuper,
ou bien que placés dans des cantons éloi-i
gnés & inacceflibles , leur lituation les a
préfervés de la fervitude.
Quelque frappante que puifle paroître
cette diflinûion entre les habicans des di-
verfes régions d'Amérique, elle n'eft ce*
pendant pas univerfelle. La difpolicion &
le carai^ere des individus , ainû que des na»
DE l'A M E U I Q U E. 407
ions 5 font, comme je Tai obfervé, plus puif- "— ^
imment afFeftés par les caufes morales & ^-^^av,
oIitiques,que par Tinfluence du climat. Par
n eftet de ce principe, il y a en différen-
es parties de la zone torride quelques tri-
us qui, pour le courage, la fierté & l'amour
e l'indépendance , n'étoient gùeres infé-
ieures aux naturels des climats plus tempé-
é?. Nous connoiiTons trop peu l'hiftoire
e ces peuples pour être en état d'indiquer
?s circonftancés particulières de leurs pro-
,rès .& de leur fituation auxquelles ils doi-
vent cette prééminence remarquable. Le
ait n'en efl pas moins certain. Colomb fut
ûfornié à fon premier voyage que pîufieurs
les ifles étoient habitées par les Caraïbes,
lommes féroces , fort difFérens de leurs
bibles & timides voifîns. Dans la féconde
expédition au nouveau monde, il eut occa-
sion de vérifier la juftelTe de cet avis , &
ht lui-même témoin de la valeur intrépide
iîe ces peuples (^i). Ils ont confervé inva-
iablement le même cara6bere dans toutes les
querelles pofiérieures qu'ils ont eues avec
■es Européens C^};. & même de notre teras
(i) Fie de Colomb ^ c, 47-48. Voyez h Note XCUI.
I (2) Rochefort, MJi. des- Antilles ^ 551.
Llv. IV.
^-OB H Ij&^T O I R E, lîCi ^-
nous leur fvons'ya faire, une v-igoureufe ré
llflaEce pour déftndre le dernier; territoir
que la rapacité de leurs pppreffeurs eût lail
fé en leur poiTefllon (i). Il s'efl trouvé a
Bréfil quelques nations qui n'ont pas mon
tré moins de vigueur d*ame & de bravour
à la guerre (2}. Les habitans ide l'illhme d
Darien n'ont pas craint de mefurer leurs ai
mes avec les Efpagnols, & ont, plus d'un
fois repoulTé ces formidables conquéran
(^3j). On pourroit citer d'autres faits. Que
que puifTante & qu^îqu'étendue que puiff
paroitre l'influence d'un principe particu
lier,, ce n'efl pas par une feuîe caufe qu'i
fera pofîible d'expliquer le caractère &.Ie
aûions des peuples. La loi même du cli
mat, plus uni ver feile peut-être dans foj
îidliop. qu'aucune de celles qui affectent l'ef
pece humaine, ne peut nous feryir à juge
la conduite de l'homme. qu'au moyen d'ur
srand nombre d'exceptions*
NO.
Ci) Voyez la Note XCIV.
(2) Lery, ap. de Bry ^ III, 207.
(3) Herrera, âec* i> l'é. X» e, 151 dec, 2, pa/^m,
Im du quatrième Livre.
409
NOTES
ET ECLAIRCISSEMENTS.
Note XXIII, pag. 28.
L/E formulaire employé à cette occafîon a fer^
i de modèle aux Efpagtiols dans toutes leurs
enquêtes poftérieures en Amérique. Il efl: d'u-
e nature fi extraordinaire & donne une idée û
ette d€s procédés des Efpagnoîs & des princî«
>es fur lefquels ils fondoient leurs droits au vafte
:mpire qu'ils acquirent dans le nouveau monde,
|U3 cette pièce mérite toute l'attention du lec-
eur. „ Moi Alonfo d'Ojeda , ferviteur des.
) très hauts & très-puiflans rois de Caltille & de
, Léon , vainqueurs de nations barbares, leur am-
,bafladeur & capitaine, je vous notifie & vous
, déclare , avec toute l'étendue des pouvoirs que
jj'ai, que le feigneur notre Dieu, qui eft un &
.éternel, a créé le ciel & la terre, sinfi qu'un
.homme & une femme, de qui font descendus
jvous & nous, & tous les hommes qui ont exis-
l.té ou qui exiiîeront dans ie monde. Mais com»
me il eft arrivé que les générations fuccefîîves »
i pendant plus de cinq mille ans, ont été difper-
fées dans les différentes parties du monde, &
fe font divifées en plulleurs royaumes (Je pro-;
Tçms IL S
i
4I<2> IT 0 T E s
„ vinces , parce qu'un feul pays ne pouvoit ni les
„ contenir ni leur fournir les fubfiftances nécef.
„faires; c'efl pour cela que le feigneur notre Dieu
wa remis le foin de tous fes peuples à un hoin-
,>;me, nommé faint- Pierre, qu'il a conftitué fei*
» gneur & chef de tout le genre humain , afin que
„tous les hommes, en quelque lieu qu'ils foient
,ynés ou dans quelque religion qu'ils aient été ius«i
,,truits, lui obéifTent. Il a fournis la terre entie
>»re à fa jurifdi<5lion, & lui a ordonné d'établi»
„fa réfidence à Rome, comme le lieu le plus
» propre pour gouverner le monde. Il lui a pa- ^
„ reillement promis & accordé le pouvoir d'éten-
>j dre fon autorité fur quelqu'autre partie du mon
„de qu'il voudroit, 6c de juger & gouverner touj
„ les chrétiens , maures , juifs , idolâtres , ou tou
99 autre peuple de quelque fefte ou croyance qu'i
„ puifle être. Gn lui a donné le nom de Pape i
„ qui veut dire admirable , grand père & tuteur
>? parce qu'il eft le père & le gouverneur de touji
„l€s hommes. Ceux qui ont vécu du tems d<(
„ce faint -père lui ont obéi en le reconnoilTam
>j pour leur feigneur & roi & pour le maître du
„ l'univers. On a obéi de même à ceux qui lui
w ont fuccédé au pontificat; & cela continue aujour
,,d^hui & continuera jufqu'à la fin des fiecles".
„ L'un de ces pontifes , comme maître du mon
j,de, a fait la concefîlon de ces ifles & de ia tei
Mie-ferme de l'océan, à leurs majeltés catholl
ET ECLAiRCISSEÎklESîS. 411
laques les rois de Caftille, Don Ferdinand , & Do
i„na Ifabelle de glorieufe mémoire, & à leurs
i„ fucceffeurs nos fouverains , avec tout ce qu'él-
is les contiennent, comme cela fe trouve plus
p amplement expliqué par certains aéles qu'on
,, vous montrera fi vous le defirez. Sa majefté
,, eft donc , en vertu de cette donation, roi &
.„feigneur de ces iHes & de la terre-ferme, &
,, c'eft en cette qualité de roi & de feigneur que
,, la plupart des ifles à qui l'on a fait connoître
„ces titres, ont reconnu fa majefté & lui ren»
» dent aujourd'hui foi & hommage de bon gré &
„ fans oppofition , comme à leur maître légitime»
j> Et du moment que les peuples ont été infiruits
„ de fa volonté , ils ont obéi aux hommes faints
)î que fa majefté a envoyés pour leur prêcher la
î) foi ; & tous , de leur plein gré & fans le main»
îj dre efpoir de récompenfe, fe font rendus chré-
„ tiens & continuent de l'être. Sa mbjefté les
,3 ayant reçus avec bonté fous fa proteélion , a or-
„ donné qu'on les traitât de la même manière
,j que fes autres fujets & valTaux. Vou^: êtes te-
.„nus & obligés de vous conduire de néme; c'eft
„ pourquoi je vous pris & vous demande aujour»
. j, d'hui de prendre le tems nécelTaire pour réflé»*
„ chir miàrement à ce que je viens de vous décla*.
îjrer, a<în que vous puiflîez reconnoître Véglife
îî pour la fouveraine & le guide de l'univers , ainfî
,jque le faint- père, nommé le Pape, î^aj fa pro
S 2
4t^ ï^ o t e s "
„prs puîfTance, & fa majefté, par la conceflîoil'
,,du Pape, pour rois & feigneurs foiiverains dQ*te
„ ces ifles & de la terre - ferme ; & afin que vous «
^jconfentiez à ce que les fufdits faints pères vousr
5> annoncent & vous prêchent la foi. Si vous vousi
„ conformez à ce que je viens de vous dire, vous-^
^ ferez bien & vous remplirez les devoirs aux-;
„ quels vous êtes obligés & tenus. Alors fa ma-
5, jefté, & moi en fon nom, nous vous recevrons t
„avec amour & bonté, & nous vous laiflerons
„ vous, vos femmes & vos enfans, exempts de
,>fervitude, jouir de la propriété de tous vos'
„ biens, de la même manière que les habitans
wdes ifles. Sa majefîé vous accordera en outre
„plufieurs privilèges, exemptions & récompen«
„fes. Mais fi vous refufez,ou fi vohs différez
« malicieufement d'obéir âmon injonflion, alors, r
,,avec le fecours de Dieu, j'entrerai par force
„ dans votre pays , je vous ferai la guerre la plus
„ cruelle , je vous foumettrai au joug de l'obéif-
„fance envers l'églife & le roi, je vous enlevé.
„rai vos femmes & vos enfans pour les faire cf-.
„ cîaves , les vendre & en difpofer félon le bon ;
wplaifir de fa majefté; je failîrai tous vos biens
5) & je vous ferai tout le mal qui dépendra de
„moi , comme à des fujets rebelles qui refufent
„ de fe foumettre à leur fouverain légitime. J©
» protefte d'avance que tout le fang qui fera ré- • >
Mpajadw & tous les malheurs |qui feront la fuitt
ET ECLAIRCISSEMENS; 4x3
„de votre défobéilTance , ne pourront être impii«
' „ tés qu'à vous feu's , & non à fa majefté , ni à
„moi, nia ceux qui fervent fous mes ordres;,
V c'efl; pourquoi vous ayant fait cette déclaration
jy & requifition , je prie le notaire ici préfent de
„ m'en donner un certificat dans la forme requife,
jyHsrrera^ decad. i, lîb. VII, c, 14",
Note XXIV, pag. 50.
Balboa, dans fa lettre au roi, dit que de cent
quatre-vingt-dix hommes qu'il avoit emmenés
avec lui, il n'y en eut jamais quatre-vingts à la
fois en état de fervir, tant ils fouffroîent de la
fatigue , de la faim & des maladies. Herrera > de^»
f , Hh* X, c. 16. P. Martyr, dec. pag. 216*
Note XXV, pag, 70*
Fonfeca , évêque de Palencia & principal dl;
relieur des affaires de l'Amérique , avoit huis
cents Indiens en propriété ;. le commandeur Lope
de Conchillos, fon premier aflbcié dans ce dé-
partement , en polTédoit onze cents , à. les autres
favoris en avoient un grand nombre. Ils en-
voyoient des intendans aux ifles pour louer cet
efclaves aux colons. JHsrrera, dsc, i, lîb» /X,
e. 14, pa^. %l%. . ^
Note XXVI, pag. 107*
Quoiqu'il y ait plus d'eau en Amérique qu®
dans aucune autre partie du globe, on ne trouve
cependant ni ruilTeau ni rivière dans la province
de Yucatan. Cette péninfule s'étend dans la mer
S 3
4H N 0 T 2 s
a cent lîeues de longueur depuis le continent
înais n'a pas plus de vingt -cinq lieues dans ft
plus grande largeur. C'eft une plaine unie, où S
n'y a pas la moindre montagne» Les habitansi
fontufyge de l'eau de puits, qu'on trouve partouii
£n abondance. Toutes ces circonftances font re*:
garder cette vafte étendue de terre comme un lieûi
qui a fait autrefois partie de la mer. Herrsra,
defcr, Indî<B Occident, pag, 14. Hifi, Nat, pat MJ
de Buffon , tom* i , p. 593.
Note XXVII, pag. 120»
Suivant M. de Caflîni la plus grande hauteut
âes Pyrénées eft de fix cents quarante - fîx. pieds,^
Celle du mont Gemmî, dans le canton de Berner,!
€ft de dix mille cent & dix pieds. Le P. Feuille ditt
que , fuivant fa mefure , le Pic de TénériiFe a treize
mille cent foixante-dix-buit pieds de hauteur. La^
hauteur du Chimboraço, la partie la plus élevé©
des Andes , eft de vingt mille deux cents huit^
|)ieds. Foyages de D. J, Uiloa , ebfervatkn aflrottw
1[^ phyf» tom* 2, p» 114. La feule partie du Chitn»
boraço, qui eft toujours couverte de neige, îfe|
huit cents toifes de hauteur perpendiculaire. Pr^\
vôtf hiftoire gén* des voyages , vol, XX, •'*^
Note XXVIII, pag, 121.
Comme une defcription particulière fait une
plus forte impreflîon que des aflertions générales,
je placerai ici un détail de la rivière de la Plata
donné par un témoia oculaire, le P. Cattaneo ^
ET ECLAIRClSSEMENî. 4Î5
jëfuîte de Modene, qui arriva à Buenos- Ayres
en 1749» & qui décrit les fentimens qu'il éprou-
va à la première vue de cas objets nouveaux.
„ Lorfque j'étois en Europe & que je hfois dans
les livres de géographie & d'hiftoîre que l'em-
bouchure de la rivière de la Piata a voit cent cîn*
quante milles de largeur, je regardais ce récit
comme une exagération , parce que nous n'avons
dans notre hémifphere aucune rivière qui appro-
che de cetre grandeur. Mon plus grand defir en
approchant de fon embouchure fut de vérifier par
moi-même la vérité de ce fait , & j'ai trouvé
qu'on l'avoit rendu avec fidélité : ce que je coa*
cluai particulièrement d'une circonftance. Lorf-
que nous partîmes de Monte • Video , qui ei\ un
fort fîtué à plus de cent milles de l'embouchure
de la rivière & où fa largeur efi conîl Jérabletnent
diminuée, nous navigâraes un jour entier avant
de découvrir le bord oppofé de la rivière. Lorf*
que nous nous trou /âmes au milieu du Canal ,
nous ne pûmes difcerner ni Tune ni l'autre riv3
& ne vîmes que le ciel & l'eau, comme fi nous
avions été dans le grand océan. Nous audoTiS
même penfé être en pleine mer, fi la douceur dg'
Teau de cette rivière, qui eft aufS trouble q\i^
celle du Pô, ne nous eût pas convaincus du con-
traire. A Buenos - Ayres même , qui eil à cent
lieues plus haut , & où la rivière eft bien moins
large encore, il eft impofSble ds risn diftin^u^f
S 4
41(5 Notes
fur la rive oppofée qui, à la vérité, eft fort baffe
& fort plate: on ne peut pas feulement voir les
maifons ni les tours de l'établiffement Portugaisî
de Colonia, qui fe trouvent à l'autre bord. Let*-
tera irima , publiée par JMuratori , dans fon ChrîJ*
îiamjîmo fdice y &c. i, ^ag, 257.
Note XXIX, ^ag, 126.
Terre-Neuve, une partie de la Nouvelle Eco&|
fe & le Canada fe trouvent dans le même parai-
leîe de latitude que le royaume de France, &
•dans ces pays l'eau des rivières efl gelée pendant
l'hiver à plufieurs pieds d'épailTeur : la terre 7 '
eft couverte de neige ; la plupart des oi féaux quit-
tent pendant cette faifon un climat oii ils ne pour-
loient pas vivre. Le pays des Eskiiraux, une
partie de la côte de'Labrador, & les pays qui fe
trouvent au midi de la baie de Hudfon font fur
le même parallèle que la Grande-Bretagne^ ce.
pendant le froid 7 eft lî excefîlf que toute l'indus-
trie des Européens mêmes n'a pas tenté de les.
cultiver.
Note XXX, pag. 130.
Acofta efl, je crois, le premier philofophe qui
sit cherché à rendre raifon des dilFérens degrés'
de chaleur dans l'ancien & le nouveau continents
par Taélion des vents qui régnent dans l'un &
dans Tautre. Hift, moral, ^r. Uh. II âf IH*
]M. de BufFon a adopté cette théorie, qu'il a non-
feulement re^ifîée par de nouvelles obfervations ,
mais
ET ECLAIRCISSEMENS; 4.17
mais qu'il a même embellie & mife dans un jour
plus frappant avec la magie étonnante de fon
pinceau. On ajoutera ici quelques remarques qui
pourront éclaircir encore une doftrine très-im-
poi tante dans fes recherches fur la température
des difrérens climats.
Lorfqu'un vent froid fouffle fur un pays , il
doit en y palTant lui enlever une partie de fa
chaleur, & par-là-même perdre une partie de
fa froideur. Mais s'il continue à fouffler dans la
même direélion,il paflera par degrés fur une fur-
face déjà refroidie, & ne pourra bientôt plus per-
dre de fon âpreté. Si donc il parcourt un grand
jcfpace, il y apportera tout le froid d'une forte
gelée. - , '
Si le même vent parcourt l'étendue d'une mer
vafte & profonde, la fuperficié de l'eau fera dV
bord refroidie à un certain degré & le vent fe
trouvera réchauffé à proportion. Mais l'eau pir^
froide de la furface devenant fpécifiquement plus
pefante que l'eau plus chaude qui eft au-delTous,
defcend, & celle qui eft plus chaude prend fa
place : celle-ci fe refroidiflant à fon tour; conti-
nue à échauffer le courant d'air qui paffe par-
deffus & en. diminue la froideur. L'aftion mé-
chanique du vent & le mouvement de la marée
contribuent à opérer ce changement fucceflîf de
l'eau de la furface ^ l'élévation de celle qui eft
S5
4iS N O T 2 s
plus chaude , & par conféqiient le refroîdîffemefit
fucceflîf de l'air.
Cela continuera de même , â: Tâpreté du veiie
diminuera jufqu'à ce que Teau foit refroidie , aui
point que fa furfaae ne foit plus afîez agitée pâri
l'aftion du vent pour qu'elle ne puiiïe fe glacer..'
Parraut oii la furface^fe gele, le vent n*efl: plus
réchauffé par l'eau intérieure, & il continue alors
à fouffler avec le même degré de froid.
Ceft d'après ces principes qu'on peut expli-^
quer les fortes gelées dans les grands continens,.'
la douceur des hivers dans les petites ifles & le
froid exceflîf des hivers dans ces parties de l'A-
Hîérique feptentrionale qui nous font le mieux
connues. Dans les lieux qui font au nord - oueft
de l'Europe, la rigueur de l'hiver ell modérée
par les vents d'ouefl, qui foufîlent afTez conflam-
mefjt psndant les mois de novembre , de décem-
bre & une partie de janvier»
D'^un autre côté, lordju'ua vent chaiîd foufiîè:
fur la terre, il en échauffe la furface, qui païi
€onféquent doit celTer de diminuer la chaleur dw
vent. Mais lorfque ce même vent fouffle fur ieS-
eaux, il les agite, fait monter celle d'en -bas qiil
eft plus froide & cominue ainlî à perdre de f»
chaleur.
Mais la principale caufe de cette propriété ào^
la mer de moiéier la chaleur du vent ou de Talr
ET ECLAIRCISSEMENS. 319
qui pafTe delTus , c'eft que la furface de la mer ,
attendu la tranfparence de l'eau, ne peut pas être
échauffée à un degré conCdérable par les rayons
du foleil; au lieu que la terre qm eft expofée à
leur a<5lion , acquiert bientôt une grande chaleur.
i\infi, lorfque le vent parcourt un continent db
la zone torride, il devient bientôt d'une chaleur
infupportable^ mais en pafTant fur une vaHe éteî>
due de mer, il fe rafraîchit par degrés; de forte
qu'en arrivant à la côte la plas éloignée il de-
vient propre à la refpiration.
Ces principes peuvent nous aider à expliquer
la caufe des chaleurs étouffantes des grands con-
-Cinents de la zone torride, de la douceur du cli-
mat des ifles qui fe trouvent à la même latitude,
de la grande chaleur qu'on éprouve pendant l'été
dans les grands continens fîtués fous les zones^
tempérées ou plus froides , en comparaifon dâ
celle qu'on éprouve dans les ifles, La chaleur
du climat dépend non feulement de l'effet immé-^
dîat des rayons du foleil, mais encore de leur
aftion continue, & de la chaleur qu'ils ont déjà
produite antérieurement , & dont Ja terre demeu-
re imprégnée pendant quelque tems ; c'eft pour
eela qu'on éprouve dans le jour la plus grande:
chaleur vers les deux heures après-midi, que les^
grandes chaleurs de l'été fe font fentir vers ie^
mois de juillet & que le froid efV ordinairemenf:
plus violent §n hiver vers le mois dé janvieis^
420 Notes
, La température modérée des parties de TAmé-
rique qui fe trouvent fur l'équateur , provient des
forêts qui les couvrent & qui empêchent lest|f
rayons du foleil d'échauffer la terre. Le fol n'é-
tant point échauffé, ne peut pas à fon tour échauf-
fer l'air, & les feuilles qui interceptent les rayons
du foleil, ne font pas d'un volume fufïîfant pour
abforber la quantité de chaleur néceffaire pour
opérer cet effet. On fait d'ailleurs que la force
végétative d'une plante produic dans les feuilles
une perfpiration proportionnée à la chaleur à la*
quelle elles font expofées, & par la nature de
l'évaporation cette perfpiration produit dans les
feuilles un degré de froid proportionnel à la per*
fpiration. Ainfi donc l'effet de la feuille pour
échauffer l'air qui eft en contait avec elle, eft
prodigieufement diminué. Ces obfervations qui
jettent un nouveau jour fur ce fujet intéreffant ,
m'ont été communiquées par mon ami, M. Ro-
bifon , profefTeur de phyfique à l'uni ver fi té d'j^
dimbourg.
NoTJE XXX r, pag, 130.
Deux grands naturalises , Fifo & Margrave ;
nous ont donné la defcription du climat du Bré-
fil avec une précifion philofophique que nous dé-
lirerions de retrouver dans les relations de plu-
fieurs autres provinces de l'Amérique. Tous deux
difent qu'il ell: doux & tempéré en comparaifon
.du climat de l'Afrique j ce qu'ils attribuent pria-
ET ECLAIRCISSEMENS. 421
^îpalement au vent frais de la mer qui fouffld
-ConilammenÊ. L'air y eft non- feulement frais
pendant la nuit, mais même aflez froid pour obli*
ger les habitans à faire du feu dans leurs caba*
nés. Fifo y de Medîcina Brafilîenfl, lib, i, p. r>
^c, Margravius y hîft, rerum natural. B-rafiliœ f
Hb. FUI, c. 3, p. 264. Ce fait fe trouve con-
firmé par NieubofF, qui a longtems réfîdé dans
le Bréfil. Churckiii's' coUeUion , vtyL a, p. 26-,
Gumilla , qui a palIé pîufieurs années dans le pays
qu'arrofe l'Orénoque, nous fait le même rapport
de la température de fon climat. Hiftoîre de VO*
•réticque, torn. i, p, 26. Le P. Aeugna dit avoir
beaucoup fduffert du froid fur les bords de la ri^-
viere des Amazones : Relat, voU 2 , p, 56. M. Biet>
qui a vécu longtems à Cayenne , parle de même
de la température de ce climat & l'attribue à la
même caufe. Foyage de la France équinox. p. ssc'.
-Rien ne peut être plus différent de ces defcrip-
tions que celle que M. Adanfon nous a donnée
de la chaleur brûlante de la côte d'Afriqxie. Foya*
ge au Sénégal, paj/ïm,
La forme de l'extrémité méridionale de l'A-
^nérique, paroît être la caufe la plus fenfibîe 6c
•la plus probable du degré excefîif de froid qu'on
(j 'lefTent dans cette partie du continent. Sa largei^
'diminue à mefure qu'il s'étend du cap Saînt-Arr-
toine vers le fud, & fes dimenfions font fort ré*
tiécies depuis la baie de Saint- Julien jurqu'au dé»
S ï
42^ î? a T E s
troit de Magellan. Ses c6tes orientales & ôcci^
dentales font baignées par la mer du nord & l'o»
céan pacifique- Il eft probable qu'une vafte mer
s'étend depuis fa pointe méridionale jufqu'au pôle
antardique. Dans quelque direftion que fouffig
le vent, il fe trouve rafraîchi avant d'arriver aux
terres Magellaniques , en traverfant une immenfe
étendue d'eau, & la terre y occupe un efpace
trop peu confidérable pour pouvoir ré<:haufFer le
vent à fon pafTage, Ce font ces circonftances
qui concourent à rendre la température de l'aii
de cette partie de l'Amérique plus femblable à
celle d'une ifle qu'à celle du climat d'un conti-
nent, & qui l'empêchent d'acquérir ce degré de
^chaleur qu'éprouvent en été les pays , qui fe trou#
vent en Europe & en Afie dans la même latitude
feptentrionale. Le vent du nord eft le feul qui i
arrive à cette partie de l'Amérique après avoir j
traverfé un grand continent. Mais après un exa*-!
men attentif de fa pofition , nous trouverons que '.
cela même fert plutôt à diminuer qu'à augmenter
le degré de chaleur, Ceft à l'extrémité méridio^
naîe de l'Amérique que finit proprement l'immen^-i
fe chaîne des Andes, qui parcourt prefqu'en ligne^ \
droite du nord au fud toute l'étendue du contî-- •
nent. Les régions les plus brûlantes de l'Amérii'
que méridionale, la Guiane, leBréfil, le Para»*
guai & îe Tucuman font à plufîeurs degrés à l'eft
dss terres Magellaniques. Le pays plat du Péiou>i ,
ET ICLAIRCISSlMENa. 4^2j
GÎi Von éprouve la chaleur des tropiques , efl fî.
tué fort à l'ouefl: de ces terres. Le vent du nord ^
quoiqu'il traverfe la terre , n'apporte donc pas à
rextrêmité méridionale de 1* Amérique ràugmen--
tation de chaleur qu'il a pu- prendre en' paflant
par les régions brûlantes, parce qu'avant d'y ar«
river il doit rafer les fommets des Andes & s'im*-
prégner du froid de ces régions glacées.
Quoiqu'il foit maintenant démontré qu'il rTy a
point de continent méridional dans cette partie
du globe , où l'en fuppofoit qu'il devoit fe trou*
ver, les découvertes du Capitaine Cook nous ont
cependant appris qu'irl y a une grande étendue dé-
terre près du pôle ardique , & qu'elle eft la caufe
de la plus grande partie des glaces que l'on trou-
ve fur la vafte mer du Sud. Tome IL Ce feroit
un objet digne des recherches d'un favant, que-
d'examiner fi l'influence d'un continent glacé, û
éloigné, peut s'étendre jufqu'à l'extrémité mérl-
dionae de l'Amérique.
Note XXXII, pag. 132;
En 1739 on fit partir deux frégates françoîfe*
pour faire de nouvelles découvertes. Les navî^»
gateurs commencèrent à fentir un froid excefîîf
au quarante-quatrième degré de latitude méridio*
nale. Au quarante -huitième degré ils trouvèrent
des ifles flottantes- de glace. Hi/i, des navig, aux^
tferres auflr. wme 2, p, 2s6» êfs. Le dofleur Hali
ky trouva de la gl^e au cinc^uante-Deuvieme d^
I
|24 N 0 T Ë f
gré de latitude: îd, tome i , p. 47. Le commodo^
re Byron fe trouvant fur la côte des Patagons, è t
cinquante degrés trente - trois minutes de latitude »
méridionale, îe 15 Décembre, qui eft le milieu 1
de l'été de cette partie du globe où le plus long
jour tombe au 21 Décembre, compare ce climat
avec celui de l'Angleterre au milieu de l'hiver,
ybyages de Hawkeswonh , i, 25. M. Banks étante
defcendu à la terre de feu dans la baie de Bon^^
Succès, fituée au cinquante - cinquième degré dej
latitude, le 16 Janvier, qui répond au mois de
Juillet de notre hémifphere, deux de fss gens
moururent de froid pendant. la nuit, & tous fu- ;
rent dans le plus grand danger de périr. Id, 2^1
f). 51, 52. Le 14 Mars, qui répond au mois <[& l
Septembre de l'Europe , Thiver s'étoit déjà décia» |
ré ,& les montagnes fe trouvoient couvertes de
Deige: ib, 72.
Le Capitaine Cook, dans fon Voyage autour ai
Yhémifphere AuJîraU nous fournit d'autres exem-
ples non moins frappans de la rigueur exceflive
du froid dans cette partie du globe : „ Qui pou- ,
voit jamais penfer, dît-il , qu'une ille qui n'a qu©-.:^
foixante & dix lieues de circuit, fituée entre le
54e. & le 55e. degré de latitude , fe fer oit trou#
vée au cœur de l'été , prefque toute couverte
de neige glacée, à plulîeurs toifes de hauteur?
& furtout auroit - on imaginé un pareil phéno-
mène fur la ÇQt^ di^ Sud - Queli? Les cimes
JET ECLAIRCISSÊMENS. 425
I des hautes montagnes étoient couvertes de nei-
ge & de glace; mais la quantité qu'on en trou-
ve dans les vallées eft incroyable ; & jufques
dans le fond des bayes , toute la côte étoit bor-
I dée d'un rempart de glace d'une hauteur confi-
dérable, &c." Fel. IL
Dans quelques endroits de l'ancien continent ,'
le froid efl: très rigoureux à des latitudes très baf-
fes. M. Bogie , dans fon Ambaflade à la cour du
Délai Lama, pafîâ rhiver Ha TannvÎG 1774. foUS
la latitude 31* 39' N. Il troavoit fouvent dans
fa chambre le thermomètre à 29 dégrés a la ge-
lée , & la neige tomboit fouvent à gros fioccons.
L'élévation extraordinaire du pays femble être la
! caufe de ce froid exceffif. En voyagant de l'In-
doufian au Thibet, il faut monter confidérablç-
ment pour arriver au ^fommet des montagnes
de Bontan ; mais de l'autre côté, la defcent©
n'efî pas proportionnée à cette première hauteur.
Le royaume de Thibet efl un pays élevé, ftéril^
& dévaflé. RelattQTi de Thibet, par M, Stenxim»
lue dans V Académie Royale 9 p. 7. On ne peut
afîigner la caufe du froid exceffif que Ton éprou-
ve dans les latitudes baffes de l'Amérique à ces
mêmes raifons. Ces régions ne font pas remarqua-
bles par leur élévation. Quelques • unes font des
terres baffes & des pays plats.
Note XXXIII, pag, 136.
M. de la Condamine , un des derniers & des
42^ 5Î 0 T E ^
plus exa<îls obfervateurs de l'état intérieur de
l'Amérique méridionale, dit: „à cette foule d'ob-
„ jets variés , qui diverfifient les campagnes cul-
„ tivées de ^ita, fuccédoit Pafpeft le plus uni-»
„ forme; de J'eau, de la verdure & rien de plusw*
„ On fouie la terre aux pieds fans la voir : elle
„ eft fi couverte d'heibes toniFues , de plante^
„ & de broulTaiiles, qu'il faudroit un aHèz longi
3, travail pour en découvrir l'efpace d'un pied,
„ Rtlat» abrégée d'un voy^g^a £7*^. f>. 48"» UnÔÎ
des fîngularités de ces forêts , c'efl une efpece
d'oller , que les Efpagnoîs appellent hejucos , leti
François lianes y & auquel les Indiens donnent le<
• nom de nihbess , (*) dont on fe fert ordinaire-*
ment en Amérique au lieu de cordes. Cett©J
plante monte en ferpentant autour des arbreji
qu'elle rencontre, & après s'être élevée juf--
qu'aux plus hautea branches ,. elle ].ette des filets i
qui defcendent perpendiculairement, rentrent dansai»
la terre , y prennent racine , s'élèvent de nou*»
?eau autour d'un autre arbre , montant aînfi & ;
défcendant alternativement. D'autres rejetton^J
portés obliquement par le vent ou par quelque^»
hafard, forment un alTemblage confus de corda»'
ges qui reflemble aux manœuvres d'un vaifTea*
Mancroftt nat, hift, of Guîana, p, 99. On trou- •
ve de ces filets de liane qui font de la grofleur
du bras d'un homme , ibid, p, 75. La relatioii
ET ECLAIRCISSEMENS* 42^-
^ue M. Bouguer a donnée des forêts du Pérou ,
relTtinble parfaitement à cette defcripcion. Voya»
ge au Pérou y p. i6. Oviedo nous a laiffé une
femblable defcription des forêts qui fe trouvent
en d'autres parties. Hi{i, lib, IK, p. 144, D»
Pendant plus de quatre mois de l'a-onée le»
Moxes ne peuvent avoir de communication en»
tfeux , parce que la néceflîté où ils tont de
chercher des hauteurs pour fe mettre à couvert
de l'inondation, fait que leurs caDanes font fort
éloignées les unes des autres. Lettres édifiantes,.
4oriu 10, p. 187.
Garcia nous a donné une defcription détaillée
-& exacte des rivières , des lacs 9 des bois ôc des
'marais des provinces de l^Amérique fîtuées entre
les Tropiques, Origen, de los Indios , lib* II,
t. 5 . S . 4 » S» Les di^culcés incroyables que
Gonzales Pizarre eut à furmonter en voulant
pénétrer dans le pays fïtué A Tfîll dç» *^pdes>
inous donne un tableau, frappant de^ l'état oà fe"
%ouvoit cette partie de l'Amérique avant d'êtra
défrichée. Garcil, de la. Vega , commeta* RO'S^
du Pérou y part* 2, lîv. j, c. 2-^5.
Note XXXIV, p. 13^-
Il paroit que les animaux de rAmérique n'oné
pas toujours été ' plus petits que ceux de^ autres^
parties du globe. On a trouvé près des rive»
i de rOhio , .un grand nombre d*os d'une gran*
! deur étonnante. Ueruteoit où Ton a faic cetee;
%2B ^ Notes
découveïte, fe trouve à cent quatre-vingt-dix
milles plus bas que le confluent de la rivière ;
Scio'o avec l'Ohio , & à près de quatre milles 4
de la rive de cette dernière , du côté d'un mar-
iais nommé le grand marais falé. Ces os fe trou-,
vent en grande quantité à cinq ou fix pieds fous
terre-, & la couche en eft vifîble fur le bord du.
marais fa lé. Journal of colonel George Croglan : MSi .
entre les- mains de T auteur* Cet endroit parolt
marqué avec exactitude dans la :ccwce d'£vans«
Ces os doivent avoir appartenu à des animaux v
d'une grandeur énorme; les naturalises qui i\'ont:
jamais connu d'animal vivant d'une pareille grof- •
feiir , ont d'abord été portés, à croire que c'é'»-
toient des fubftances minérales. ; Après en avoir'
jeçu plufîeurs échantillons de, différentes partieîi
de la terre & après les avoir examines avec,
plus d'attention, on eft enfin convenu que c'étoienl^
des os de quelques animaux ; comme l'éléphant
*eft le plus grand quadrupède connu, & que Ie*i
dents qu'on a trouvées refïemblent beaucoup èll
celles des éléphans, tant par. la qualité que par*
la forme, oa^en a conclu que les fqueletteski
trouvés près de TOhia étoient de cette efpece^,
Mais le dofleur Hunter, l'un des favans de ce >
iîecle qui eft_ 1q plus en état de décider cette ^
queftion , après avoir examiné attentivement plu-
iîeurs morceaux des dv^fenfes , des dents mâche-
lieree 6c des mâchoires , envoyées de l'Ohio
Londres, a prétendu qu'elles n'appartenoient pas
à l'éléphant , mais à quelque, grand animal Car-
nivore d'une efpece inconnue. Phil. tranfaU, vol,
53 , p. 34, On a trouvé des os de ia même
efpece & d'une grandeur aufîî remarquable près
des embouchures de l'Oby, de la Jenifeia & de
la Lena, trois grandes rivières de Sibérie. Strah^
lenberg , dejcrîp. des parties feptentrîonak {y*
orientale de V Europe ^ de l'Afie, p. 402. L'élé-
phant paroît ne pas fortîr de la zone torride &
ne point multiplier au-delà, 11 ne pourroit vi-
vre dans ces froides régions qui bordent la mer
glaciale. L'exiilence de ces grands finimaux en
Amérique pourroit ouvrir un vafte champ aux
! conjectures. Plus nous confidérons la nature &.
la variété de fes produflions, plus nous devons
êîie convaincus que ce globe terraqué a fubi
d'étranges changemens par des convuîfions &
des révolutions dont l'hiUoire ne nous a confer-
vé aucune trace.
Note XXXV, pag, 140.
Cette dégénération des animaux domeftiques
d'Europe en Amérique , doit être attribuée en
partie aux caufes fuivantes. Dans les établille-
niens Efpagnols qui fe trouvent ou fous la zone
torride , ou dans les pays qui l'avolfinent , le
plus grand degré de chaleur & le changement
de nourriture empêchent les moutons & les bê*
tes à corne de parvenir à la cjecie grandei«r
k
450 N O T E à
qu'en Europe. Us deviennent rarement aufïî gras,^
& leur chair n'en a ni le fuc ni la faveur déU|
rate. Dans l'Amérique feptentrionale , où le clil
mat efi: plus tempéré & plus approchant de celui
de l'Europe , les herbes qui viennent naturelle-
ment dans les pâturages font d'une mauvaife qua-
lité. Mîtchell^ p. 157. L'agriculture y a fait lîj
peu de progrès, que la nourriture artificielle poi
les troupeaux y eil en très -petite quantité , &|
l'on n'y prend prefqu'aucun foin du bétail pen-f
dant l'hiver , qui efl très • long dans plufieurs
provinces & rigoureux dans toutes. On traite
mal les chevaux & les bétes à corne dans tou-
tes les colonies angloiies. Toutes ces caufes
contribuent peut-êire plus que la qualité du cil.
mat à faire dégénérer , dans ces provinces , la
race des chevaux , des bœufs & des moutons.
Note XXXVI, pag, 141,
En 15 18 l'ifle d'Hi'paniola fut défolée par ceî
ftifefbes d ftrufteurs. Herrera, qui rapporte touH
tes les particularités de ce fléau , nous donne
wn exemple fingulier de la fuperflition des co-
lons Efpagnols. Après avoir effayé , dit - il ,
tous les moyens poflfîbles de détruire les fourmis,
ils réfolurent d'implorer la proteélion des faints;
mais comme c'étoit une efpece de calamité tou-
te nouvelle , ils furent embarr .ITés fur le chois
du faint qui pourroit leur ê:re le plus propice.
ils tirèrent au fort le patron qu'ils dtvoient
CT lECLAIRClSSïMENS. 431
choifir. Le fort décida en faveur de Saint- Satur-
nin. Ils céiébieient fa fête avec une grande fo*
lemnité , & le fléau, ajouce l'hifiorien, commen»
ça fur le chainp à diminuer fes ravages, Herre'
ra, dec» 2, Ub. III, c. 15, /). 107,
NoTfc XXXVil, pag, 145.
L'auteur des Recherches philofophiques fur les
Américains penfe que cette différence de chaleur
eft égale à douze degrés; c'eft-à- dire, qu'il fait
aufïï chaud en Afrique , à trente degrés de l'é-
quateur , qu'à dix - huit degrés feulement en A-
mérique, tom. I , p. z. Le Dr. Mitchell, après
trente ans d'obfervations , prétend que cette dif-
férence eft égale à quatorze ou quinze degrés de
latitude. Prejentftate, ^c, p. 257.
Note XXXVIIi, ibU.
M. Bertram, qui le 3 Janvier 1765 fe trouva
â la fource de la rivière de faint-Jean dans la
Floride orientale", y éprouva un froid fi violent
que dans une feule nuit la terre fut gelée de l'é-
pailTeur d'un pouce fur les bords de la rivière.
Les tilleuls, les citronniers & les bananiers pé'
rirent tous à Saint Auguftin. Bertram's jour*
îial, p. 20. Le Dr. Mitchf-U nous fournit plu-
fieurs exemples des effets extraordinaires du froid
dans les provinces du midi de l'Amérique Sep-
tentrionale. Prefent ftate , p. 0.06 , êfc» Le 7
Février 1747 le froid fut fi violent à Cbarles-
town, que deux bouteilles d'eau chaude qu'une
25.32 Notes
perfonnè avoit mifes en fe couchant dans foa
lit, fe trouvèrent fendues le lendemain au ma#
tin, & que l'eau n*étoit plus que deux morceaux
folides de glace. Une jatte d'eau dans laquelle
étoit une anguille vivante , fut gelée jufqu'au
fond dans une cuifine où il y avoit du feu.
Prefque tous les orangers & les oliviers furent
détruits. Defcrîpt, of fouth Carolina , f7// >
Î4ondon, 1761. *
Note XXXIX, pag. 146.
' Nous trouvons un exemple remarquable de
cette fertilité dans la Guiane Hollandoife, pays
fort plat , & fi bas que pendant les faifons plu* ?
vieufes il eft ordinairement couvert de près de ]
deux pieds d'eau. Cela rend le fol fi riche, qu'il '
y a fur la furface , à douze pouces de profon- 1
deur , une couche d'engrais excellent , qu'on ]
tranfporte pour cet ufage à la Barbade. On a i
fait fucceflivement trente coupes de cannes à fu- J
cre fur les bords de l'EiTequebo , tandis qu'on
n'en fait jamais plus de deux dans les ifles des 'j
Indes occidentales. Les colons fe fervent de plufi
eurs moyens pour diminuer cette excelTwe fertilité .|
du fol. Bancrofi, nat, hiji. of Guîana, p, 10, âf ^t ,
Note XL, pag, 163.
Il paroît que c'eft fans la moindre preuve
évidente que M. Muller a fuppofé que le cap
avoic été doublé : tom, I, p. 2, ^c. L'acadé-
mie impériale de Saiot - Pétersbourg paroît ap-
puyer
ET ecLaihcïssëmens. 433
■puyer ce fentiment fur la manière dont Tfdiikotf»
mî'noff {q trouve placé fur Tes cartes. Maîs'-
je fuis convaincu, d'après une autorité incontef-
table , que jamais aucun vaiffeau Rufle n'a fait
le tour de ce cap ; & l'on n'a que des notions
très - imparfaites du pays des Tfchuikî ^^qvii ne
dépend pas de l'empire de Ruffie.
Note XLI, ^ag, 167.
Si c'étoit ici le lieu d'entrer dans une longue
& épineufe recherche de géographie, nous pour-
rions faire plufieurs obfervations curieufes en
comparant les relations des deux voy.ages RulTes
& les cartes de leurs navigations refpeélives.
Une remarque nous fervira pour tous les deux;
on ne peut regarder comme abfolument exafl»
la pofîtion qu'ils donnent aux difFérens lieux
qu'ils ont vifités. Le tems étoit Ci nébuleux qu'ils
ne virent que rarement le foleil ou les étoiles,
& la pofîtion des ifles & des continens fuppofés
fut déterminée par le feul calcul, & non par des
obfervations. Beerings & Tfchirikow allèrent
beaucoup plus loin vers l'eft que Krenitzin. L©
pays découvert par Beerings , & qu'il regarda
comme faifant partie du continent de l'Amérique,
efl: fitué au deux cent trente - fixieme degré de
longitude , en comptant du premier méridien à
rifle de Fer, & au cinquante- huitième degré
vingt -huit minutes de latitude. Tfchirikow tou-
cha à la même côce au deux cent quarante « unie-
Toms II, T
454 ^ o T ^ s
me degré de longitude & au cinquante -{ixieffie
de latitude. Muller, I, 248, 249. H faut que
le premier fe foit avancé à foixante degrés de
Petropawlowska , d'où il mit à la voile , & le
dernier à foixante -cinq degrés. Mais il paroît
par la carte de Krenitzin qu'il ne poufTa fon,
voyage qu'au deux cent quatre- vingtième degré
à l'eft , & feulement à trenre -.deux degrés de
Petropawlowska. En 1741 , Beerings & Tfchiri-
feow, en allant & en revenant, dirigèrent prin*
ci'palement leur route au fud de la chaîne d'ifles
qu'ils avoient découverte , & en obfervant les
montagnes & le terrein inégal des caps qu'ils
voyoient au nord , ils penferent que c'étoient
des promontoires de quelque partie du continent
de l'Amérique qui , à ce qu'ils s'imaginèrent,
s'étendoit jufqu'au cinquante - fixieme degré de
latiiude au fud. C'efl ainfî qu'on les trouve pla-
cés dans la carte publiée par Muller, & fur une
carte defllnée à la main par un contre ■ maître
du navire de Beerings , & qui m'a été communi-
quée par M. le profelTeur Robifon. Mais en
.1769, Krenitzin, après avoir hiverné dans l'ille
d'Aiaxa , s'avança fi fort au nord en revenant,
que fa route fe trouva couper par le milieu ce
qu'ils avoient fuppofé devoir être un continent,
qu'il trouva n'être qu'une mer ouverte ; & il
vit que ce qu'on avoit pris pour des caps du
conûîient n'étoient que des ifles de roche. U
ET ECLAlKCISSttMKNSr 435
ieft a préfumer que les pays découverts en 1741
à l'eft, n'appartiennent pas au continent de l'A-
mérique, & ne font qu'une continuation de cet-
te chaîne d'illes. Le froid extrême qui pendapt
Vété règne dans toutes ces illes , nous porte à
conjedurer qu'elles ne font dans le voifînage,
d'aucun continent. Le nombre des volcans qui
fe trouvent dans ces régions du globe, efl ex-
traordinaire. Il y en a plufieurs au Kamtfchatka^
& il n'y pas une des ifles grandes ou pedtes
que les Rufles ont vifîtées , 011 l'on n'en trouve.
Plufieurs de ces volcans font encore allumés ,
& toutes les montagnes confervent des m^.rques
de leurs anciennes éruptions. Si je vouîois ad»
mettre les conje6tures qu'on a avancées en par- ;
lant de la population de l'Amérique, je pourrofs
fuppofer que cette partie de la terre ayant Xouf*
fert de violentes fecoulTes par des tremblement
de terre & des volcans, l'iilihme qui peut être
a uni autrefois l'Afie â i*Amérique, a été brifé
& transformé par le choc en un grouppe d ifles,
, Il eft fingulier que dans le même ^ems que
les RuîTes cherchoient à faire des découvertes ait
^ nord-oueft de l'Amérique, les E'pagnols éroient
occupés du même projet dans une autre partie
de ce continent. En 1769, deux petits navires
partirent de Lorette en Californie pour décou-
vrir les côtes du pays qui eft au nord de cette
péninfule. Ils ne pafferent pas l« port de Moa»
Ta
435 Notes
te«Rey, (îtué au trente- fîxieme degré de lati-
tude. Mais dans plufieurs autres expéditions fai»
tes du port de Saint Blas dans la Nouvelle Ga-
lice, les Efpagnols s'avancèrent jufqu'au cinquan-
te-huitième degré de latitude. Gazetta de Ma-
drid, des 19 Mars £? 14 Mai 1776. Mais com-
me les journaux de ces voyages n'ont pas enco-
re été publiés , je ne puis comparer les progrès
qu'ils ont faits avec ceux des Rufîes , ni faire
voir à quel point les navigateurs des deux na-
tions fe font approchés les uns des autres. Il
faut efpérer que le minière éclairé , qui efl au-
jourd'hui à la tête des affaires d'Efpagne en zV-
mérique , ne privera pas le public de ces in-
ftrudions.
Note XLII, pag. 189.
Peu de voyageurs ont eu autant d'occafions
que Don Antoine Ulloa d'obferver les habitans
des différentes contrées de l'Amérique. Dans
un ouvrage qu'il a publié dernièrement, il décric
de la manière fuivanté les traits caraftériflijues
de cette race d'hommes. Un front très -petit,
couvert de cheveux aux extrémités jufques vers
le milieu des fourcils ; de petits yeux ; un nez
mince , effilé & recourbé vers la lèvre fupérieu»
re ; le vifage large , les oreilles grandes ; les
cheveux très -noirs, liîfes & rudes; les membres
bien tournés ; le pied petit ; le corps d'une pro- j
portion esadle ; la peau unie ^ fans poil , ex* "
ET ECLAIRCISSÊMEN5. 437
cepté dans la visillefîe où il leur vient un peu
de barbe , mais jamais aux joues ". Notîcîas
jimerîcanaSi ^c, p, 307. M. le chevalier Pin-
te qui , pendant plufieurs années , a rélîdé dans
une partie de l'Amérique où Ulloa n'a jamais
été , donne l'efquifïe fuivante de rafpeét général
des Indiens de ces contrées. „ Ils font tous
d'une couleur de cuivre, avec quelque difFérence
dans les teintes, non pas en proportion de leur
diftance de l'équateur , mais félon le degré d'é-
lévatioa du fol qu'ils habitent. Ceux qui vivent:
fur les hauteurs, font plus blancs que ceux qui
occupent les terreins. bas & marécageux de la
côte. Leur vifage efi: rond & plus éloigné peut-
être de la forme oval^ que celui d'aucun autre
peuple. Leur front eft petit, l'extrémité de leurs
oreilles fort éloignée du vifage , leurs lèvres
épaiflfes , leur nez camus , les yeux noirs ou
couleur de châtaigne , petits , mais didinguanÉ
les objets à une grande didance. Leurs che-
veux font toujours épais , lilfes & fans la moin*
dre apparence de frifure. Ils n'ont de poil fur
aucune partie du corps, excepté à la tête. Au
premier regard un habitant de l'Amérique mé-
ridionale paroît un être doux & tranquille;
mais en l'examinant de plus près on trouve dans
fa figure quelque chofe de fauvage, de méfiant
& de fombre". MS. entre les mains de l'auteur»
Ces deux portraits faits par des mains plus ha*
M O T E ^
biles que celles du commun des voyageurs, ont
une grande reflemb lance entre eux.
Note XLIII, pag, 190.
Il 7 a des exemples étonnans de l'agilité fou
tenue des Américain^ à la courfe. Adaîr rap-
porte les aventures d'un guerrier de Chikkafah,
qui en un jour & demi & deux nuits fit trois
cents railles comptés , au travers des bois & des
aiïQRtrignes» Hiji. of ^Jmer. Indians » 396.
Note XLIV, pag. 197.
H. Godin le jeune, qui pendant quinze ans'
a réfidé parmi les Indiens du Pérou & de Quito^
€c pendant vingt ans dans la colonie^ Françoife^
de Cayenne, où il y a un commerce fuivi avec
les Galibis & les autres peuplades de l'Oréno.
que, obferve' que la vigueur de la conflitutioii
des Américains eft exafle^ment en raifon de leur
habitude au (ravail. Les Indiens des climats-
chauds , tels que ceux des côtes de la mer du
fud , de la rivière des Amazones &. de celle de
rOrénoque , ne peuvent pas être comparés pour
la force à ceux des régions froides; cependant,
dit -il, il part tous les jours des chaloupes de
Para , établiflement Portugais fur la rivière des
Amazones , pour remonter la- rivière malgré la
rapidité de fon cours : ces chaloupes avec les
mêmes rameurs fe rendent à San-Pablo, qui eft
à huit cents lieues de -là. On ne trouvera aucun
équipage de blancs ni même de nègres , en éta
i
i
ET ÈCLAïUClSSEMENSr '439
êe réfifîer à une pareille fatigue, comme les
Portugais en ont fait l'expérience ; cependant
e'eft ce qu'on voit faire tous les jours aux In-
diens , parce qu'ils y font habitués depuis leur
enfance. MS. entre les mains de l'auteur.
Note XLV, pag. 206.
Don Antoine Ulîaa , qui a parcouru une gran»
de partie du Pérou & du Chili, le royaume de
h Nouvelle Grenade & plufieurs autres provinces
qui bordent le golfe du Mexique , pendant les
dix années qu'il a travaillé avec les macbéinati*
GÎens François , & qui eut en fuite oecafîon de
voir les habitans de l'Amérique feptentrionale ^
dit : jt quand on a vu un feul Américain , on
peut dire qu'on les a tous vus , tant ils fe ref«
femblent , par le teint & par la figure ". Notic,
Amerkanas , p. 308. Un obfervateur plus an-
cien , Pedro de Cieca de Léon, un des conqué-
rans du Pérou , qui a traverfé auiîr plufieurs
provinces de l'Amérique, alTure que ces peuples,
■hommes & femmes , paroiffent être tous enfans
d'un même père & d'une même mère , malgré
le nombre infini de peuplades ou de nations &
k diverfîté des climats qu'ils habitent, Chronica.
del Peru, parte i, c, ig, Gn ne peut pas doutée
qu'il n'y ait une certaine combinaifon de traHs
& un certain air particulier qui forment cs^
qu'on peut appeller une figure Européenne O'i
Afiatique. Il doit donc y en avoir une auiS
T 4
*44'2^ Notes
qu'on peut nommer figure Américaine & qui doit
être propre à la race entière. Ce caradere gé-
néral peut frapper les voyageurs au premier coup-
d'ϔl, tandis que les nuances qui diftinguent les
peuples de différentes régions échappent à leurs
obfervations* Mais lorf^ue des perfonnes qui
ont n longtems réfidé parmi les Américains ,
atteftent toutes cette refTemblance de figure dans
les difFérens climats, nous pouvons en conclure
qu'elle eft plus remarquable que celle d'aucune
autre race d'hommes. Voyez auffî Garcia orîgen,'
de los IndîoSy p, 54-242. Torquemada, Monarch.
Jnd, II, 571.
Note XLVI, pag, 2o3.
M. le chevalier Pinto dit , qu'on lui a afTii-
ïé qu€ dans les parties intérieures du Bréfîl on
trouve quelques individus qui reflemblent aux
BlafFards dû Darien , mais que la race ne s*ea
propage point & que leurs enfans font femblables
aux autres Américains, Cette efpece d'hommes
çft cependant peu connue, MS» entre les mains
ds r auteur.
Note XL VII, pag. 214.
L'auteur des Recherches philojophîques ^ ^c. tome
1 , p, 281 , t?c. a rafTemblé & conftaté avec
beaucoup d'exaflitude les témoignagnes de plu-
fieurs voyageurs touchant les Patagons. Depuis
la publication de cet ouvrage, plufieurs naviga-
teurs ont vifité les terres Mageilaniques , & dif-
fç-
ET EÔLAIRCISSEMENS. 44T'
ferent beaucoup , ainfî que leurs prédéceiïeurs ,
dans les relations qu'ils ont données des habi-
tans de ce pays. Suivant le Commodore Byron
& fon équipage , qui palTerent le détroit ea
1764, la grandeur, ordinaire des Patagons eil: de
huit pieds ; plufieurs même font beaucoup plus
grands: FhiLtranfa^, ml. LFH , p, 78. Los
capitaines Wallis & Carteret qui les ont réelle-
ment mefurés en 1766, difent qu'ils ont fis piedf
& jufqu'à fîx pieds ciaq & fept pouces: Vhfh
tranfaU, vol, LX, p, 22. Ces derniers paroilTeiît
cependant avoir été le même peuple dont on -ar
û fart exagéré la grandeur en 1754 , puifqita*
plufieurs avoient encore des coiriers & de la ik--
nelle rouge de la môme efpece que celle qu'on'
avoit mife à bord du vailTeau du capitaine WaW
lis 'f d'où il conclut fort naturellement qu'ils^
avoient reçu ces préfens de M. Byron : Foj»
rédigés par Hawkefwdrth , tom* L M. de'
Bougainvilîe les mefura de nouveau en 1767,
& fon rapport s'approche beaucoup de celui dyï
capitaine Wallis. Foy, tom, /, p, 242. Aux té-
moignages que je viens de citer, j'en ajouterai en-
core un autre d'un grand poid&. En Î762, Don
Bernard Ibagnez d'Echavarri accompagna le mac-
quis de Valdelirios à Buenos • Ayres-, oi\ il réil:.
da pendant plufieurs années^ C'efi: un auteiîr
fort judicieux & qui parmi fes compatriotes paifè
p©«f ne s'être pas écarté de la. vérité» En p2i>
X5
|4î Notes
lant des contrées qui fe trouvent à l'extrémité
Biéridionale de l'Amérique , il dit : ?> par quels
Indiens font-elles habitées? Ce n'eft certainement
pas par les fabuleux Patagons, qui, à ce qu'on
prétend, occupent ce dillrift. Plufieurs témoin*
oculaires qui ont vécu & commercé avec ces In-
diens, m'en ont donné une defcription exadte.
Us font de la même taille que les Efpagnols; je
n'en ai jamais vu qui eût plus de deux vares &
deux ou trois pouces"; c'eft^à-dire, environ
So ou 8i, 332 pouces Angloîs , lî M. Echavairi
a calculé d'après la vare de Madrid ; ce qui
s'accorde beaucoup avec la mefure donnée par
le capitaine Wallls. Reym Jejuît , p, 238. M^
f alkener , qui a demeuré pendant quarante ans
comme mifîlonnaire dans les parties méridionales
de l'Amérique ^ dit que „les Patagons ou VueU
eJies font un peuple d'une grande taille,' mais
jje n'ai jamais entendu parler de cette race de
géants dont quelques voyageurs ont fait mention>
quoique j'aie vu les individus de différentes peu»
plades des Indiens méridionaux". Introd. p, i(k
Note XLVIH, pa^, 220.
Antoine Sanchès Ribeiro, favant & ingénieux
médecin, a publié en 1765 une differtation , par
laquelle il cherche à prouver que cette maladie
n''3 pas été apportée de l'Amérique, mais qu'el-
le a pris naiffance en Europe , où elle a été la (uU
te à:wi^ maladie égidémique & maligne, ^i j^
ET R CL A I R C I S SE M EN S. , 443
VGulois entrer ici dans une difcufTion fur ce fu.
Jet t dont je n'aurois pas parlé s'il n'avoit p^s
été intimement lié avec mes recherches , il ne
feroit pas difficile de faire voir quelques mépri.
fes dans les faits fur lefquels il fe fonde , &
quelques erreurs dans les conféquences qu'il en'
tire. La communication rapide de cernai, «ie-
TEfpagne fur toute l'Europe, reflemble plus au-
progrès d'une épidémie qu'à une maladie^ tranfmî-
fe par contagion. On en a parlé pour la pre-
mière fois en Europe en i4<?3 , & avant l'année^
1497 ce mal s'étoit déclaré dans prefque tou^
tes les contrées de l'Europe avec des fymptô--
mes fi alarmans, qu'on jugea nécelTaire d'interpo^
fer l'autorité civile pour en arrêter le progrès;^
Depuis que cet ouvrage a paru , on m'a com-
muniqué la differtation du Dcxîleur Sanchès. Et-
le contient plufîeurs autres faits tendans à con-
firmer fon opinion. Elle eft étayée de preuves-
aiïez plaufibles pour mériter l'attention &- leS'
recherches de quelques médecins favans^.
Note XLIX, ^ag, 226.
Le peuple d'Otahiti n'a point de terme pour
fignifier un plus grand nombre que celui de deus:
cents, qui fiîffit pour -fes calculs. Relât. dss myu^
ges ^c. par Havjksfwvrth , trad. Franc., în - ^
Farts 1774, t, //, p. 502.
Î^TS L,-. pag. 235*
CcMTïme la peintir^e que j'ai faite des mifimm
Té
444 Notes
fauvages, dîfFere beaucoup de celle que nôu^ qvî
ont donnée des auteurs très - eftimables , il efl
peut-être néceiïaire de produire ici quelques-unes
des autorités fur lefquelles j'ai fondé ma defcrip»
tion. Janrais les mœurs des fauvages n'ont été
décrites par des perfonnes plus en état de les ob-
ferver avec difcernement que les philofophes.em^
ployés en 1735 par la France & par l'E^agne
pour déterminer la figure de la terre. M. Boa-
guer, Don Antonio Ulloa & Don George Juan
ont vécu longtems parmi les nations les moins
civilifées du Pérou. M. de la Condamine a eu
non-feulement aufS cette occafion de les obfer-
ver, mais en defeendant le Maragnon il a été h
portée de voir les différentes peuplades qui ha^
bitent fur les bords de cette rivière dans fon long
cours au travers du continent de l'Amérique mé^
lidionale.
Il y a un rapport frappant entre les defcrip-
tîons qu'ils nous ont données du caraclere des
Américains, ils font tous d'une parelTe extrême ,
dit M.Boiiguer; ik pafleront des journées entie-
ïes dans la même place, aOîs fur leurs talons ,
fans remuer ni fans rien dire. . . On ne peut alTea
dire combien ils montrent d'indifférence pour les
licheHes & même pour toutes leurs commodi-
tés. ... On ne fait fou vent quelle efpece de mo-
tif leur propofer lorfqu'on veut en exiger quel-
que fgrvic?..... On kur offre inutil^insnt q^iel
ti,
ET BCLAIRCI5SEMEN5. 44.^
ques pièces d'argent, ils répondent qu'ils n'onc
pas faim. Voy, au Pérou, î/î-40. Paris 1749-,
p. 102.
Si on les regarde comme des hommes , les
bornes de leur intelligence femblent incompati-
bles avec l'excellence de l'ame , & leur imbécil*
lité eft fî vilible qu'à peine en certains cas peut-
on fe faire d'eux une autre idée que celle qu'on
a des bêtes. Rien n'altère la tranquillité de leur
ame, également infenfible aux reveys & aux prof*
pérîtes. Quoiqu'à demi-nuds, ils font aufïï con-
tens que le roi le plus fomptueux dafns fes habile
lemens. Les richelTes n'ont pas le moindre at*
trait pour eux , & l'autorité & les dignités où ils
peuvent prétendre, leur paroiflent fi peu des ob.
jets d'ambition , qu'un Indien recevra avec la
même indifférence l'emploi d'alcade & celui def
bourreau, fi on lui 6tQ l'un pour lui donner l'au»
tre. Rien ne peut les émouvoir ni les faire chan*
ger; l'intérêt n'a aucun pouvoir fur eux, & fou#
vent ils refufent de rendra un petit fervice, quoi-
que fur s de recevoir une groiïe récompenfe. La
crainte ne fait aucun effet fur eux ; le refpe^
n'en produit pas davantage : difpofition d'autant
plus finguliere qu'on ns peut la changer par au-
cun moyen : on ne peut ni les tirer de cette in*
différence qui eO: à répreuve des efforts des hornsf^
mes les plus habiles , n-i leur faire renoncer à
♦cette groilîere ignorance, ni à cette négli^nce iô«.
T7
44Ô' Note s
^uciante, qui déconcertent la prudence de ceuï
qui s'occupent de leur b'iQn-ètïQ, Foy. de Ulloar
t* I, p. 33J-33<5. H cite des traits extraordînai-
Tes de ces qualités fînguîieres, p. 33<)-34T« )»L'ini-
fenfibilité, dît M. de la Condamine, fait la bafe
du caraftere des Américains. Je laifTe à décider
fi on la doit honorer du nom d'apathie, ou l'a-
vilir par celui de ftupidité. Elle nait fans doute
du petit nombre de leurs idées, qui ne s'étend
pas au - delà de leurs befoins. Gloutons jufqu'à la
voracité quand ils ont de quoi la fatisfaire ; fo»
bres quand la nécelîîté les y oblige, jufqu'à fe
pafler de tout fans paroître rien defirer; pufîlia-
nimes & poltrons à l'excès, fî l'ivretTe ne les
tranfporte pas ; ennemis du travail ; indifFérens à-
tous motifs de gloire, d'honneur & de recon-
noilTance; unique.nent occupés de l'objet pré-
fent , 6c toujours déterminés par lui , fans inquié-
tude pour l'avenir ; incapables de prévoyance
& de réflexion; fe livrant quand rien ne les gêne
à une joie puérile, qu'ils manifedent par des
fauts & des éclats de rire immodérés, fans objet
& fans delTein; ils pafTent leur vie fans penfer,
^& ils vieilliiTent fans fortir de l'enfance dont lit
confervent tous les défauts-. Si ces reproches ne
îegardoient que les Indiens de quelques provinces
du Pérou , auxquels il ne manque que le nom^
d'efclaves,. on pourroif croire que" cette efpece
d'abrutiffement naît de la fervile dépendance oh
ET E ex A m C I S S EME NS.' 447
îîs vivent; l'exemple des Grecs modernes prou*
vant alTez combien l'efclavage eft propre à dé-
grader les hommes^;, mais les Indiens des miflions
& les fauvages qui jouiflent de leur liberté', étant
pour le moins auffî bornés, pour ne pas dire auffî
ftupides que les autres , on ne peut voir fans hu-
miliation combien l'homme abandonna à la Am-
ple nature, privé d'éducation & de fociété', dif*
fere peu de la bête". Relat, abrégée d*un voyage ^^
^c, p, 52, 53. M. de Chanvalon,. obfervateur
rnteHigent & philofophe, qui fe rendit à la Mar-
tinique en 1751 , & qui y réiîda pendant fîx ans 5.
a fait des Caraïbes le portra-it fuivant. « Ce n'eft
pas la couleur rougeâtre de leur teint, ce ne font
pas leurs traits difFérens des nôtres , qui mettent
«me fi grande différence entr'eux & nous; c'efl
leur excefîîve fimplicité, ce font les bornes dé leur
conception. Leur raifon n'eîl pas plus prévoyant
te que l'inftinft des bêtes. Celle des gens de \z
campagne les plus greffiers, celle -même des rs-
gres élevés dans les parties de l'Afrique les plus-
éloignées du commerce,. laiÏÏe entrevoir quelque,
fois une intelligence encore enveloppée, mais ca"-
pabl^e d^^accroifTement. Celle des Caraïbes ne^
paroît prefque pas en être fufceptible. Si la fai-
ne philofophie & la religion^ ne noua prétoient
pas leurs lumières ; fi i'or^ fe déeidolî par les pre-
mières impulfions de l'^efprif, on feroit porté d'a^
bc«d à croire que ces peuples n'appartiennent pââ-
;|4^ N a T a g
à la même efpece humaine que nous. Leur? yeiîjf
ftupides font le vrai miroir de leur ame ; elle pa-
roît fans fondions ; leur indolence efl: extrême,.
Jamais de foucis pour le moment qui doit fuccé»
der au moment préfent. Foyage à la Martinique ,
h 44 > 45- 5 ï. M, de la Borde, Dutertre & Ro-
chefort confirment cette defcription. Les marques
.earaélériftiques des Californiens , dit le Père Ve»
negas, de mime que de tous les autres Indiens,
font la ftupidité 6c l'infenfîbilitéi le défaut de con-'
noiffance & de réflexion; l'inconllance, l'impé*
tuofîté & un appétit aveugle ; une pareîîè excef- .
fîve qui leur fait abhorrer la fatigue & le travail;
l'amour du plaiGr & des amufemens, quelqu'infî-
pides ôcgrofEers qu'ils foient; la puflîllammité &
îe découragement; en un mot, le défaut total Se
âbfolu da tout ce qui conftitue l'homme , & le
rend raifonnable, inventif, traitable, utile à lui-
même & à la fociété. Il n'efl pas aifé aux Euro-
péens qui ne font pas fortis de leur pays, de f@
former une jude idée des peuples dont je parle.
On auroit de la peine à trouver dans le recoin le
moins fréquenté du globe, une n-atîon aulîî ftupi»
de, auliî bornée, auiîî foible d'efprit & de corps
que les malheureux Californiens. Leur intelligen-
ce ne va pas au-delà de ce qu'ils voient: les
idées abilraites, les raifonnemens les moins com-
pliqués font hors de leur portée, de manière
<^'iis ne perfeclioanent prefque j^œais leurs pre^
ET ÏCLAIRCISSEMENS. 449
mieres idées; encore font-elles faufles & impar-
faites. On a beau leur faire fentir les avantages
qu'ils peuvent fe procurer en agiflant de telle ou
. telle façon , ou en s'abllenant de ce qui les fiât'
te: on ne gagne rien fur eux; ils ne peuvent
comprendre le rapport qu'il y a entre les moyen»
& les. fins; ils ne favent ce que c'eft que de s'oc-
cuper à fe procurer un bien ou à fe garantir d'un
mal dont ils font menacés. Leur volonté eft prc
portionnée à leurs facultés, d coûtes leurs paf-
. fions n'agilTent que dans une fphere très -bornée.
Ils n'ont abfolument point d'ambition , & ils font
infiniment plus jaloux de pafler pour robuftes que
pour vaill ans, ils ne connoiffent ni l'honneur,
ni la réputation, ni les titres, ni les pofles, ni
les diftinélions de fupériorité ; de manière qu9
Tambition , ce puilTânt reiîbrt des aftions humai»
nés , qui caufe tant de biens apparens & tant de
maux réels dans le monde, n'a aucun pouvoir
fur eux. Cette difpofition d'efprit les rend non»
feulement pareffeux, indolens, inaclifs & enne-
mis du travail , mais leur fait encore failîr aves
emprelTement le premier objet qui fe préfente de-
vant eux pour peu qu'il leur plaife. Ils regar-
dent avec indifFérence les fervices qu'on leur
rend, & n'en confervent aucune reconnoiflance.
En un mot , on peut les comparer à des enfans
en qui la raifon n'ell pas encore développée. C'eft
proprement une nation chez qui aucun individa^
450 ^ 0 T E ê '
'ne parvient à l'âge viril. Hift, nat. ^ civil, de /«i
Califor, t. î, p. 85-90, M. Ellis parle- de. mêmç 1
de l'indo'ence & du caraftere inconféquent du- 1
peuple qu'on trouve près de la baie de Hudfon,
Foy, p. 194» 19'-
Les Américains font il ftupides que tous les
negies en général ont une aptitude beaucoup plus
grande qu'eux à apprendre les diiFérentes chofe»-
qu'on veut leur enfeigner , & dont il leur eft im»»
pofTible de faifir l'idée; c'eft pourquoi les nè-
gres, quoiqu'efclaves, fe croient des êtres d'une
nature fupérieure aux Américains , qu'ils ne re-
gardent qu'avec mép'ris, comme incapables de
•idifcernement &. de raifon. Ulloa, Notie, Ammt.
h 322, 323. ^.
Note LI, pag* 244.
J'ai remarqué , page 202 , que c'eft pour I» ;
înême raifon qu'ils ne cherchent jamais à éleveî
les enfans foibles ou mal-faits. Ces deux idéea
font fi profondément imprimées dans l'efprît de»
Américains, que les Péruviens^ qui font très-ci-
vilifés fî on les compare avec les peuples fauva»
ges dont je dépeins les mœurs, les ont retenues^^
malgré leur commerce journalier avec les Efpa-
gnols. Ce peuple regarde encore la naiffance -
des jumeaux comme un événement de mauvais
augure, & les parens ont recours à des adles de
la plus rigoureufe mortification pour écarter les
malheurs dont ils font menacés, Lorf(xu'un en»
IT ÉCLAIRCi JSEMENS^ 45Z
fant efl: né avec quelque difformité , ils cherchent
à éviter de le faire bapcifer, & ce n'eft pas fan&
peine qu'on les engage à le nourrir. Ariaga, ex^
tirpacy de la Idolat. del Peru , p. 32 j 33.
Note LU, pag, 2S0»
La quantité de poiflfon, qu'on trouve dans lef
! rivières de l'Amérique méridionale eft fi confidé-'
i rable qu'elle mérite queiqu'attention. Le P. Aca*
gna dit , „ qu'il y a une G grande quantité de
fpoiflbn dans le Maragnon , qu'on peut le prendre
avec la main fans employer aucun art^ifîce s
p. 13S". L'Orénoque, dit le P. Gumilla, pro-
duit une fî grande quantité de tortues que je ne
faurois trouver des termes pour l'exprimer. J^
ne doute même pas que ceux qui liront ce que
je vais dire, ne m'accuferit d'exagérer la chofe;
mai& je puis les alTurer qu'il efl: auffi difBcile de
les compter que de compter le fable des rivages
dQ rOrénoque. On peut juger de leur quantité
par la confommation extraordinaire qu'il s'ent
fait; car toutes les nations & tous les peuples
voifins de ce fleuve, & mêm^ ceux quîen font
éloignés, s'y rendent avec leurs familles pour eih
•faire la récolte ; & non - feulement ils s'en nour- ^
xiflent tout le tems qu'il dure, mais ils en font
.même fécher pour les emporter chez eux , y
joignant une multitude de corbeilles pleines d'œufs^
qu'ils ont fait cuire au feu , &c. Hift. de l'Oré*
^ f /5 , tome II, ck. 22 , p. 59,' 6a. M. de Ia_ Con»
damine confirme ces récits; p. 159,
45^ Notes
Note LUI, pag. 251.
Fifo a décric deux de ces plantes, la cururuafi'
& la guajma-tiîïibo. Il eft fingulier que , quoiqu'el-
les opèrent ce fatal effet fur les poiiïbns , bieni
loin d'être nuifibles à l'homme , on s'en ferti
avec fuccês dans la médecine. FifOt lîb, IF ^ c*
88. Bancroft parle d'une autre plante, nomméei
hiarrén , dont une petite quantité fufîit pour eni-
vrer les poifTonj à une diftance confidérabîe ; de^
forte qu'en peu de mîimccs ils flottent fans mou*<
vement fur la furface de l'eau y où il eft facile dsj
ÏGS prendre. Nat, hift, of Guîana , p. iq6.
Note LIV, pag. 255.
Nous avons des exemples remarquables deti
malheurs auxquels des nations fauvages ont étéJ
expofées par la famine. Alvar Nugnès Cabecaj
de Vaca , l'un des plus braves & des plus ver-
tueux avanturiers Efpagnols, a demeuré pendant
neuf ans parmi les fauvages de la Floride qui
ignoroient toute efpece d'agriculture, & dont ^
nourriture étoit auffi mauvaife que précaire '*, Ilâ!i
vivent principalement , dit- il, des racines de»
plantes, qu'ils ne fe procurent qu'avec beaucouj:**
de peine, en errant de tous côtés pour les cher*
cher. Ils tuent quelquefois un peu de gibier ou
prennent du poifFon, mais en fi petite quantité,
que la faim les oblige à manger des araignées
des œufs de fourmis, des vers, des lézards, des-
fcrpens & une efpece de terre onélusufej je fuis»
ET fiCLAIRCISSEMENS. 453
!nême perfuadé que s'il fe trouvoit dans ce pays
quelques pierres, ils les avaleroient. Ils gardent
les arêtes de-poiflbn & de ferpent, qu'ils rédui-
fent en poudre pour les manger. La feule faifoa
pendant laquelle ils ne foufFrent point de la fa-
mine, eft celle où fe mûrit un certain fruit, qu'ils
^nomment tunas. C'efl; le même que Vopuntîa, ou
poire piquante, dont la couleur eft rougeâtre &
d'un acabit doux & inllpide. Ils font fou vent obli-
gées de s'éloigner beaucoup de leurs demeures
pour en trouver. Nanfragias , c. 18 , p. 20 , 27 ,
22. Il remarque dans un autre endroit qu'ils font
fouvent réduits à pafler deux ou trois jours fans
manger. C. 24, p. 27.
Note LV, pag. 258.
M. Fermin a donné une defcrîption exacte des
deux efpeces de manioc, avec un détail fur la
manière de les cultiver ; à quoi il a joint quel-
ques expériences qu'il a faites pour fe convain-
cre des qualités veneneufes du fuc, extrait de
refpece qu'il appelle cajjave amere, connue par-
j mi les Efpagnols fous le nom de Tiica-hrava,
Dejcriptt de Surinam, t. I , p. 66»
Note LVI , ihid.
On trouve le plantain en Afie & en Afrique,
suffi bien qu'en Amérique. OTÎedo prétend que
ce n'ell point une plante indigène du nouveau
monde , mais qu'elle a été portée à Hifpaniola en
1516, par le P. Thomas de Bsrlanga, qui l'a»
4J4 N o T E « - î
voit pnTe aux ifles Canaries, où les boutures ori*
ginalres en avoient été apportées des Indes orien»
tsies. Oviedo, lîb, FIIJ^ c, i: cependant l'opi-
îiion d'Acofta à. d'autres Naturaliftes qui la re--
gardent comme une plante de TAmérique paroît
mieux fondde. Accjla, hijî. nat. lib, /K, 21. Ellôi
^toit cultivée par des peuples fauvages de l'Amé-
îique, qui avoient peu de comirunication avec
les Efpagnols, & qui étoient privés de cette in-
telligence qui porte l'homme à imiter des nations
étrangères ce qui peut lui être utile, Cimil. III,]
$, 186. Foy. de Wafer, p. 87,
Note LVII , pag. 261.
11 efi: furprenant qu'Acofla , l'un des écrivains,»
les plus exa6ts & les plus inftruits fur les affaires ■
d'Amérique , affirme que le maïz , quoique culti
vé fur le continent, n'étoît pas connu dans lea»
ifles, où l'on ne mangeoit que du pain de cafla-;
ve: hiji, nat, lib. If^, c. 16. Mais P. Maityr^,
dans le premier livre de Tes Décades , qu'il écri-
vit en I49:i . après le retour du premier voyage
de Colomb, cite expreffément le msïz comme;
-une plante cultivée par !es infulaires, & dont ila-^
faifoicnr du pain, p. 7. Gomera alTure aufîi qu'ils
connoifToîenr la culture du maïz : hîfl- génér. c, 28.
Oviedo décrit le m;ua, fanj» dire que ce fût une
plance qui n'étoit pas naiureiie à Hifpanioia. Li^>
Vil , c. I.
'.^
£T E^LAIRCISSEMENS. 4$^
(*; Note LVIII, pa§, 270.
La Nouvelle Hollande, pays qu'on ne connoif-
foit autrefois que de nom , mais qui depuis peu a
[été vifitée par des obfervaLeurs intelligens, efl
fituée dans une région du globe où l'on doit jouir
d'un climat très- heureux, puif^u'elle s'étend de-
puis le dixième jufqu'au trente-huit'eme degré de
lotitude feptentrionale. Sa furfacii quarrée doit
être plus grande que celle de toute l'Europe^
Le peuple qui en habite les différentes parties,
paroît ne former qu'une feule race. Il eft évi-
demment moins civilifé que la plupart des Araé-
tlcains & a fait moins de progrès dans les arts
de la vie. On n'apperçoit pas la moindre trace
de culture dans toute cette vafte étendue de ter*
re. Les habitans font en fi petit nombre que
le pays paroît prefque défert. Leurs tribus font
beaucoup moins confîdérables que celles de l'A-
mérique. Ils ne vivent pour ainO dire que de
poIOTon; ils n'ont point de demeure fixe, mais er-
rent de côté & d'autre pour chercher leur nour-
riture. Les deux fexes vont entièrement nuds-
Leurs habitations, leurs udenfiles, &c, font plus
fimples & plus grolîiers que ceux des Américains,
Voyages f ^c. par H&ivkel'worth , tome III p. 104,
^c» în-40, La Nouvelle Ho'Iande efl peut-être
C*") Le renvoi de cette Note & des deux fuiyarites a
été oublié dans le Texie. Les deux premières fe rappof*
tcm à la page 270, & la troifîsmc k la page 271.
455 Notes
le paj'S oîi Ton trouve l'homme dans Tdtat de h
plus grande ignorance, & oii il nous ofFre le plus
-trifte exemple de fa condition & de fes moyens
dans cet état de nature brute. Si dans la fuite
de nouveaux voyageurs y font des recherches plu^
exades, Ja comparaifon des mœurs de fes habi*
tans avec celles des Américains ne pourra man-
quer de former un article intéreffant & inftrudif
pour l'hiftoire de l'efpece humaine.
Note LIX, pag. 270.
Le P. Gabriel Marefl, que les affaires de fa
iniffion obligèrent de fe rendre de Cajcaskîas , vil»
lage des llinois, à MachîlUmakinac y c*efl-2-dire à
plus de trois cents lieues de-là,nous donne de ce
pays la defcription fuivante: ,, nous avons mar»
ché pendant douze jours fans rencontrer une feu-
le ame. Tantôt nous nous trouvions dans des
prairies à perte de vue , coupées de ruifleaux & :.
de rivières, fans trouver aucun fentîer qui nous
guidât; tantôt il falloit nous ouvrir un paffage â .
travers des forêts épailfes , au milieu de broffail- •
les remplies de ronces & d'épines ; d'autres fois ï
nous avions à palTer des marais, pleins de fange, .,
où nous enfoncions quelquefois jufqu'à la ceintu-
re. Après avoir bien fatigué pendant le jouri
il nous falloit prendre le repos de la nuit fur
l'herbe ou fur quelques feuillages , expofés au '
vent, à la pluie & aux injures de l'air. Lettres
Edîftantes, p» 360, 3611 Le Dr. Biic^Qlif dans
une
ET ECLAÎÏICISSEMENJ. 457
uns courfe qu'il fie en 1730 de Ja Caroline fep-
teiKrionale vers les montagnes , marcha quinze
I jours fans rencontrer une feule créature humaine:
Nat. hîft. of Nonh CaroUna , p, 389. Diego de
I Ordas, qui voulut former un établilT^ment dans
l'Amérique méridionale en 1532, parcourut de
même ce pays pendant quinze jours fans y trou-
ver un feul habitant, Harera, decatU 5, lib. /,
\ C, II.
Note LX, pag, l'ji,
J3 fuis fort porté à croire que la communauté
de biens & la jouiiTance commune des vivres ne
font connues que des peuples cbalTeurs les plus
fauvages , & que l'idée du droit excluiîf de pro-
priété fur les fruits de la terre naît chez une na*
tion au moment qu'elle connoît quelqu'tfpece d'a-
griculture ou d'induririe réglée. Les détails que
j'ai reçus fur l'état de la propriété chez les In-
diens de différentes parties de l'Amérique me
confirment dans, cette opinion. „ L'idée des nam-
rels du Bréfil touchant" la propriété, eft que, fî
quelqu'un a cultivé un champ, lui feul doit joiilî:
de fon produit, fans qu'un autre puitfe y préten-
dre. Tout ce qu'un individu ou une famille prend
à la chaire ou à la pêche, appartient de droit à
cet individu ou à cette famille, fans qu'on foit
obligé d'en faire part à qui que ce foit, .excepté
aux caciques ou a quelque parent malade.. S:
quelqu'un du village entre dans leurs cabants, il
T,mi II. V
458 Notes
peut s*y afleoir & manger fans en demander la
permiffion; mais ce n'eft qu'une conféquence de M
Jeur principe général d'hofpitalité; car je ne me
fuis jamais apperçu qu'ils partageaient la lécolte
de leurs champs ou le produit de leur cbafîe, ce
qu'on auroit pu regarder comme le réfultat de
quelqu'idée de communauté de biens. Ils font,
-au contraire , fî attachés à ce qu'ils regardent
comme leur bien propre , qu'il feroit très - dange-
reux de vouloir les en priver. Je n'ai jamais vu
ni entendu parler d'aucune nation Indienne de
l'Amérique méridionale , parmi laquelle cette
communauté de biens qu*on vante tant foit con^
nue. Ce qui coûta le plus aux Jéfuites à faire
goûter aux Indiens du Paraguay, fut la jouifTance
commune de biens , qu'ils introduifîrent dans
leurs mifîions , & qui étoit contraire aux idées
antérieures de ces Indiens. Ils connoiiToient les
droits d'une propriété privée & exclufive, & v.q
fe foumirent qu'avec répugnance à des lôix qui y
étoient oppofées. MS. de M. le Chsv. de Pïnto ,
entre les mains de Vautmr, „ La poffefïïon aéluel-
le, dit un miflionnaire qui pendant plufieurs an-
nées a réfidé parmi les Indiens des cinq nations,
donne un droit fur un terrein; mais lorfque le
pofTefTeur le quitte, un autre a le même droit de
s'en rendre maître qu'avoit eu celui qui vient de le
quitter. Cette loi, ou cette coutume, ne regarde
pas feulement le terrein fur lequel eft bâtie un?
ET ECLAIRCISSEMENS» 459
maîfon, mais encore iin champ cultivé. Si quel»
qu'un a préparé une pièce de terre pour y bâtir
ou planter, perfonne n'a le droit de l'en priver,
& moins encore de lui enlever le fruit de fes
travaux, à moins qu'il ne renonce lui - même à fa
pofTcflîon ; mais je n'ai jamais entendu parler
d'un aéle formel de cefîîon d'un Indien à un autre
dans leur état naturel. Les limites de chaque
canton font marquées, c'eft • à -dire, qu'il leur eft
permis de chafTer jufqu'à telle rivière d'un côté
& telle montagne de l'autre. Cet efpace eft oc-
cupé & cultivé par un certain nombre de famil-
les qui jouiiïent en particulier du fruit de leur
travail & du produit de leur chafle, fans qu'il
foit permis à la communauté d'y prétendre. MS»
ds M. Hawley Gideon, entre les mains de l^autsur*
Note LXI, pag, 274.
Cette différence entre le caraélere des Améri-
cains & celui des nègres eft lî frappante , qu'il eft
■priffé en proverbe dans les ifles Françoifes : „ que
regarder un fauvage de travers , c'eft ;le battre ;
le battre, c'eft le tuer: battre un nègre, c'eft le
nourrir". Dutertre , tome //, p. 490. ^
Note LXII, pag, 276.
La defcription de l'état politique du peuple de
Cinaloa lelTemble parfaitement à celui des habi-
tans de l'Amérique feptentrionale. » Ils n'ont ni
loix ni fouver.iins pour punir leurs crimes, dit
un miffionnaire qui a vécu longtems pariai eux,
V 2
4dd N O T E îT
Ils n'ont aufîî aucune efpece d'autorité ou de
gouvernement politique, qui les contienne dans
de certaines bornes. Ils ont, à la vérité, des ca-
ciques qui font les chefs des familles ou des vil»
îages ; mais leur autorité fe borne à les com-
mander pendant la guerre ou lorfqu'ils font quel-
ques expéditions contre leurs ennemis. Cette au-
torité des caciques n'eil pas héréditaire, & ils.
ne la doivent qu'à leur valeur pendant la guerre,
ou au pouvoir & au nombre de leurs parens &
de leurs amis. Quelquefois même ils obtiennent
cette prééminence par leur éloquence à faire va-
loir leurs propres exploits ", Rihas , hifl. de los
tihmph.^c. p. lï. L'état des Chiquitos dans
l'Amérique méridionale eft à peu près le même.
„lls n'ont aucune forme régulière de gouverne-
ment ou de fociété civile ; mais fur les objets
d*intérêt public ils écoutent les confeils de leurs
vieillards, qu'ils fuivent ordinairement, La di-
gnité de es ci que n'eil pas héréditaire, & n'eft
accordée qu'au mérite ou à la valeur. Il ne
règne parmi eux qu'une efpece d'union imparfai-
te. Leur fociété reffemble à une république. ,
fans chef, où chacun ed le maître de fa perfon--
ne, & peut , fur le moindre dégoût, fe féparer
de ceux avec qui il parciffbit le plus lié ". Re-
lacîon hiftorîcal de las mijjimes de los Chiquitos ^
^or P. Jua?i Patr, Fernandez ^ p. 32, 33. Ainfî
il paroît que les nations qui font dans un n;éiiie
ET ECLAIRCISSEMENS* 4ÔÏ
état de fociété, quoiqii'habitant des climats fort
(iifFérens , ont les iiiêmes inftitutions civiles &
la même forme de gouvernement.
Note LXIII, pag, 297.
w J'ai connu des Indiens , dit un auteur fori)
înftruit de leurs mœurs , qui pour fe venger ont
fait environ trois cents trente lieues" à travers
des forêts , des montagnes & des marais dje ro«
féaux , expofés à toutes les inteiiipéries de Pair,
à la faim & à la foif. Leur defîr de vengeance
eft lî violent qu'il leur fait méprifer tous ces
dangers, pourvu qu'ils aient le bonheur d'enle»
ver la chevelure du mengrier ou d'un ennemi,
afin d'appaifer les ombres irritées de leurs pareni
maffacrés". Jdairy hijl. of Amer, Indians, P^ISO*
Note LX17, ibid.
Les exploits que Piî^karet, chef des Algonquins,
a exécutés pour la plupart feul ou avec un oa
deux de fes compagnons , tiennent une place
dilliiiguée dans l'hifloire de la fameufe guerre
entre les Algonquins & les Iroquois. De la Po*
therîe, t. /, p. 267, ^c. Coîden's hift, of fi^
nations, p» 12$*
Note LXV, pag, 301.
La vie d'un chef qui échoue dans une expédî?
tion efl fouvenr en danger , & il eîl toujourai
dégradé du rang qu'il avoit obtenu par fes ex»
ploits antérieurs. Alair, p. 338.
V3
4^2 N 0 T li s
Note LXVl, pag, 301.
Comme la manière de faire la guerre chez
les peuples de l'Amérique feptentrionale , ell gé*
réralement connue, j'ai fondé principalement mes
obfervations fur les témoignages des auteurs qui
en ont parlé. Mais on retrouve les mêmes
maximes chez d'autres nations du nouveau mon-
de. Un mifîîonnaire judicieux nous a donné une
defcrîption des opérations guerrières du peuple
du grand Chaco dans l'Amérique méridionale ,
& ces opérations relTemblent parfaitement à cel-
les des Iroquois. „ Prefque tous ces Indiens
font antropophages , & n'ont d'autre occupation
fjue la guerre & le pillage. Ils fe font rendus
formidables aux Efpagnols par leur acharnement
dans le combat, & plus encore par les llratagê-
mes qu'ils emploient pour les furprendre. S'ils
ont entrepris de piller une habitation , il n'y a
îien qu'ils ne tentent pour tenir dans une faufTe
fécurité ou pour écarter ceux qui peuvent la dé-
fendre. Ils cherchent pendant une année entiè-
re le moment de fondre fur eux fans s'expofer ;
ils ont fans celle des efpions en campagne , qui
ne marchent que la nuit, fe traînant, s'il le faut,
fur les coudes , qu'ils ont toujours couverts de
«alus. C'eft ce qui a fait croire à quelques Ef-
pagnols , que par des fecrets magiques ils pre-
noient la forme de quelqu'animal , pour obfer"
ver ce qui fe palToit chez leurs ennemis. Lorf-
ET ÉCLAIRCISSEMENS. ^53
qu'eux-mêmes ils font furpris, le déCefpoir les
rend fi furieux qu'il n'y a point d'Efpagnol qui
voulût les combattre avec égalité d'armes. On
a vu des femmes vendre leur vie bien cher aux
foldats les mieux armés "• Relacion Chrorographi^
ca del gran Chaco de P. Lozaîio , p, 78. Hîft*
génér» des'voyages, U XX,
Note LXVII, pag. 303.
Lery , qui a été le témoin ocuiaire d'une bz-
taille entre les Topinambous & une autre nation
puifTante du Brelîl , nous a donné un tableau
frappant du courage & de la férocité de ces
peuples ; i> ego cum gallo altero , dit -il, paulo
^ycuriojîus, magno noftro perkulo Qfi enim dbhoS'^
p tihus capti aut Icsfi ftiîjjemus , devoratîonî fuis*
y^jhnus devoti^, harbaros nojiros in militiam euri"
^tes comîtari voluL Hi ^ numéro 4CX30 capita ^
^ycum hoftîbus ad littus decertdrunùj îantâ feroci"
^ytaîe, ut vsl rahidos ^ furîofos quofqus fupera»
y^rent, Cùm primwn hojîes coufpsxere , in mag**
„ ?îw atque edîtos uluht7is perruperuni» Hœc gen^
^,adeo fera eft ^ truculenta , ut tantîfpsr dupi
nVirium vel tantillmn refiat , contînuo dimicent 9
^yfugamque numquam capejjant» Qjiod à namrd
nillis inditum effe reor. Teftor iiuere^a me, qui
„no7i femel , tum peditim tum equîtum copias
jj ingefites in aciem inftruUas hic confpexi^
?> tantâ nunqiiam voluptate viieniis peditun legio'
« nibiis armis fulgenîibus , quanta tum pugnani^it'
V 4
464 Notes
5, hus îftîs psrcuîfum fuîjje *\ Lery , hilî. navU
gat. in Brafil , ap, de Bry, t, III ^ f* 207,
208, 2op".
1 Note LXVIII, /'a^'. 304.
Les Américains , aînfi que les autres peuples
fauvages , coupoient autrefois la tête aux ernie-
Sîis qu'ils tuolent à la guerre, pour Ja 'rapporter
en trophée; mais comme ces têtes les incommo-
doient beaucoup dans leur retraite , qu'ils font
toujours avet précipitation , & quelquefois juf-
qu'à une grande diftance, ils fe font contentés
enfuite d'enlever la chevelure avec la peau da
crâne. Quoique cette coutume foit plus en ufa*
ge dans l'Amérique feptentrionale , elle ne laîile
pas d'être connue des peuples méridionaux. P»
Lozano , p, 79.
Note LXIX, pag. 311.
Les paroles de la chanfo?i de guerre femblent
diélées par ce même ef|irit féroce de vengeance.
„ Je vais en guerre venger la mort de mes frè-
res : je tuerai , j'exterminerai , je faccagerai , je
brûlerai mes ennemis; j'amènerai des efclaves;
je mangerai leur cœur , je ferai fécher leur
chair, je boirai leur fang, j'apporterai leur che-
velure , & je me fervirai de leurs crânes pour
en faire des tafTes ". Nouv. voy, aux Indes occid,
"Par M, BoJJu , iti 12, f. /, p. 115, note.
Des perfonnes inftruites m'ont aTuré que de-
puis que le nombre des Indiens a confidérable-
. . ment
ET ECLAIRCISSEMENS. 46$
ment diminué, ils ne mettent prefque plus aucun
4e leurs prifonnieis .i mort , parce qu'ils regar-
dent comme une politique plus fage de leur ac-
corder la vie & de les adopter. Ces fcenes ter-
ribles dont j'ai parlé, arrivent aujourd'hui fi ra*
rement que des miffionoaires & des négocians
qui ont demeuré longtems parmi les Indiens n'en
ont jamais vu»
Note LXX, pag. 312. -
Tous les voyageurs qui ont vifité les peuples
les moins civiiifés de l'Amérique s'accordent fur
ce fait, qui fe trouve confirmé par deux exem-
ples remarquables. Lors de l'expédition de Narv
vaès dans la Floride , en 1528 , les Eipagnols
furent réduits pour conferver leur propre vie à
manger ceux de leurs compagnons qui mouroient?
ce qui parut fi révQJtant aux Indiens, accoutiî*
mes à manger leurs prifonniers , qu'ils ne regiî*
dsrent plus les Efpagnoîs qu'avec horreur Si in*
dignation. Torquemada, monarch, Ind. t. Jly p^
584. Naufr agios de Alv, Nugnes Cabeca ds VacXy
c. 14. , p. 15, Quoique les Mexicains dévora?-
fent avec avidité pendant le fiege de Mexico îeg
Efpagnols & les Tiafcalans qu'ils faifoient pri-
fonniers , la famine la plus cruelle ne put les
engager à manger les corps morts de leurs com-
pstrîotes. Burn Diaz del Cafiillo, conqui/h ds ta
Nquv, Ejpagna, p, 1^6,
V 5
4<55 Notes
Note LXXI, pag. 314.
On trouve plufieurs exemples finguliers de la
manière dont les peuples du Bréfil traitent les
prifonniers, dans une relation de Stadius , offi^
cier Allemand au fervice des Portugais, publiée
en 1555, Il fut fait prifonnier par les Topinam-
bous qui le tinrent pendant neuf ans en captivi-
té. Il fut fouvent le témoin de ces fêtes horri-
bles qu'il décrit, & il étoic lui-même deftiné à
fubir le fort cruel des autres prifonniers ; mais
il fauva fa vie par des efforts extraordinaires de
courage & d'adreffe. De Bry, t. III, p, 34, £fr.
De Lery, qui accompagna M. de Villegagnon
dans fon expédition au Bréfil en 1556 , & qui
demeura longtems dans ce pays, fe trouve d'ac-
cord avec Stadius dans toutes les circonflances.
Il fut fouvent le témoin oculaire de la manière
dont les peuples du Bréfil traitent leurs prifon-
niers. De Bry , t. III , p. 210. Un auteur Por-
tugais en rapporte plufieurs particularités remar-
quables , que Stadius & de Lery ont pafiTées fous
filence, Purcli, Pilgr. t. IF, p. 129-34, ^c.
Note LXXII, pag. 319.
Quoique j'aie fuivi touchant cette apathie des
Américains l'opinion qui paroît être la plus rai-
fonnable, & qui fe trouve appuyée par l'autori-
té des auteurs les plus refpeélables , il y a ce-
pendant des écrivains d'un mérite reconnu qui
ont donné des théories fort différentes fur ce
ET ECLAIRCISSEMENS. 46^
fujet. Don Antonio Uiloa, dans un ouvrage qui
a paru depuis peu , prétend que la contexture
de la peau & la confcitution phyfique des Améri»
cains les rend moins fenfibles à la douleur que
' le relie des hommes. Il en trouve plufieurs
preuves dans la tranquillité avec laquelle ils
[- foufFrent les plus cruelles opérations de cbîrar*
gie, &c, Noîkias Amerkanas y p, 313, 314. Des
chirurgiens ont fait les mêmes obfervations dans
le BtéCû, Un Indien , difent-ils, ne fe plaint
jamais de la douleur , & foufFre l'amputation
d'un bras ou d'une jambe fans pouffiir le moin.
dre foupir. MS, entre les mains de Vauteur.
Note LXXIil, pag. 322.
Cette idée eft naturelle à tout peuple groiîîer.
Dans les premiers tems de la république , c'étoit
une maxime parmi les Romains qu'un prifonaier,
y^îim decejjljje viietur cum captus efl^\ Digsfl:.
lib. XLIX, tit. 15, c. 18. Dans la fuite, Iorf«
que le progrès du luxe les eut rendus plus in^
dulgens fur cet article , ils furent obligés d'em-
ployer deux fictions de jurifprudence pour alTurer
la propriété, & pour permettre à un prifoimier
de retourner chez lui, Tune par la loi Corndiat
& l'autre par le ^us polîliminîL Heinecii , juris
civ. Jec, ord. Pani.î. II, p. 29.}.. Les mêmes
idées fe trouvent chez les nègres. Jamais on
n'y a reçu la rançon d'un prifonnier. Dès qu'ori
en prend un à la guerre , il eft regardé comois
V 6
4^3 Notes
un homme mort, & on peut en efFet le regar*
der comme perdu pour fa patrie & pour fa fa»
mille. Vo'^. duChev. de Marchais ^ t, 1 1 p. l6^.
Note LXXIV, pag. 324.
Les naturels du Chili, les plus braves 5î les
plus fiers de tous les peuples Américains , font
les feuls exceptés de cette obfervation. Ils com-
battent leurs ennemis en plaine campagne; leurs
troupes s'avancent & attaquent non - feulement
avec courage , mais avec ordre. Quoique les
peuples de l'Amérique feptentrionale puiiïent
pour la plupart changer leurs arcs & leurs flè-
ches pour des armes à feu d'Europe, ils fuivent
toujours leur ancienne manière de faire la guerre
& ne s*écartent point de leur fyflêms particulier ;
mais les opérations militaires des peuples da
Chili reffemblent beaucoup à celles des nations
de l'Europe & de l'Afie. Ovalks , relation of
Chili. Churchill' s coll. t, lll, p. 71, Lozano ^
liiji. dsl Parag, t, lîl, p. 144, 145.
Note LXXV, pag. 329.
Herrera nous en a donné un exemple fînguv
lier. A Yucatan les hommes font (î foigneux
de leur parure, qu'ils portent partout avec eur
de miroirs., qui fans doute font faits de pierre,
comme ceux des Mexicains, (dee. 4, lib: Jïl,
c» 8) , & dans lefquels ils aiment beaucoup à fe
regarder; mais les femmes n'en font jamais ufa^
ge ; diCcÀ, 4, Uj, X, c. 3, H remarque cpa
ET É'CLAlkCrSSËMENS. ^Çj^f
parmi les FancJies, peuple féroce de la Nouvel-
le Grenade, il ny a que les guerriers diitingués
c qui il foit permis de percer leurs lèvres &
d'y porter des pierres ou d^orner leurs têtes- de
plûtiies : decad. 7 , lib. IX , c, 4. Quoique le
royaume du Pérou fût très-civiliféjil y avoit ce-
pendant des provinces où la condition des feni*
mes étoit déplorable. Elles étoient chargées da
foin de la culture & des- travaux doraeftiques. Il
ne leur étoit pas permis de porter dss bracelets
ou d'autres ornemens dont les hommes fe pa*
roier.t avec complaifance. Z'iratej hifi, de Féru ,
t* li h 15, i5-
NoTB LXXVl, pag, 330.
Pai hafardé d'appeller cette méthode d'oindre
& de peindre leurs corps, V habillement: des Amé-
ricains ; ce qui s'accorde même avec leur propre
idiome. Ils ne forcent jamais de leurs maifon^
s'ils ne font oints depuis les pieds jufqu'à la tê«
te, & ils b*excufent de fortir en diCant qu'ils ne
peuvent point paroître parce qu'ils font nud^,
Cumillat hifi, de VOrénûque^ t. /. ^. 191.
Note LXXVII, pag. 331.
On trouve dans la province de Cinaloa, dans
le golfe de Californie, des peuplades nui parois-
ftnc vivre dans un état de fociété , quoiqu'on
puiife les compter parmi les nations les plus
groiîîeres de l'Amérique; Ils nQ cultivent ni ne
lemeiit janjais j ils n'ont même aucuae habitatioiir
V i
470 Notes
Ceux de l'intérieur du pays, ne vivent que de la
chafTe, & ceux des côte^ que de la pêche; les
lins & les autres fuppléent au refte par les fruits,
plantes, racines & autres différentes produélions
fpontanées de la terre. Comme ils n'ont aucun
abri pendant les tems pluvieux, ils ralTemblent
des rofeaux ou des herbes fortes , qu'ils lient
par un bout & qu'ils ouvrent de l'autre pour
leur fervir d'efpece de capuchon, qui femblable
à un auvent reçoit la pîuie &. les en garantit pen-
dant plufieurs heures. Dans les tems chauds ils
fe forment avec des branches d'arbres un abri
contre les rayons brûîans du foleil. Pour fe
préferver du froid ils font de grands feux, autour
defqueîs Vs dorment en plein air. Hiftoria de
îûs triumphos de Nueftra Santa -Fé^ entre gsntes
las mas harharas , ^c, por F, And, Ferez de Ri'
las, p, 7, ^c.
Note LXXVIÎI, pag, 333.
Ces maifons reflemblent â des granges. Nous
en avons mefuré qui avoîent cent cinquante pas
de long fur vingt pas de large. Il y en a où
p^us de cent perfonnes habitent enfemblcc Wil'
fons accûunt cf Gulana, Fiirch. Filg, vol, ly^
p, 1263, ihid. 1291. Les maifons des Indiens,
dit M. Barrere, ont l'air d'une extrême pauvreté
& font une image parfaits de la groffiere fimplicité
des premiers tems Toutes ces cafés ou hut-
tes , qui font ordinairement bâties ou fur une
ET ECLAIRCISSEMENS; '47I:
hauteur , ou au bord de quelque rivière, pêle-
mêle & fans aucun ordre, forment un afpeél des
plus trlftes & des plus défagréables. On n'y
voit rien que de hideux & de fauvage. Le pay-
fage n'a rien de riant. Le filence même qui
règne dans tous ces endroits, & qui n'eft inter-
rompu quelquefois que par le bruit défagréable
des oifeaux ou des bêtes fauves , n'eft capable
dlnfpirer que de la frayeur. Nouvelle relat. de la
France Equîn. p, 146, 147-
NoTE LXXIX, pag. 33(5.
On trouve dans l'Amérique méridionale des
peuples, qui ont l'art de lancer des fieches a
une grande diftance & avec une force extraordi-
naire ians fe fervir d'arcs. „ Us font ufage d'une
farhacane, par le moyen de laquelle ils foufflent
une flèche à plus de cent vingt pas. Cet in-
ftrument eft fait d'un rofeau naturel & creux,
long de neuf à dix pieds , de la grofleur d'un
bon pouce ; & pour que la flèche puifle attein»
dre à un fî grand éloignement, à caufe de fa
grande légèreté , ils en enveloppent le gros
bout de coton non filé, qui la fait entrer avec
un peu de diïHcufté dans la farhacane ; ce qui
comprimant Tair la fait fortir avec une rapidité
furprenante, fans quoi il ne feroit pas poflible de
la faire traverfer un fi grand efpace. Ces peti-
tes flèches font toujours empoifonnées*'. Fermirit
dejcripu de Surinam ^ t. /, p. 55. Bancfofi's^ Ufi.
^^t N a T E ff
ù/Guiana, p. 281, &'c. Les peuples' des Indes
orientales font un grand ufage de cette farba-
cane»
Note LXXX, pag. 33(T.
Je pourrois en produire pîufieurs exemples ,
mais Je me bornerai à en citer un feul pris chez
les Efquiinajx, „ Leurs arcs font d'une conilruc-
tion fort ingénleufe, dit M. EUis. Ils font or-
dinairement compofés de trois morceaux de bois,
qu'ils favent joindre très» proprement ôc avec un
arc admirable. C'eft du fapin ou du meiefe ,
que les Anglois nomment en ce pays genévrier,-
qu'ils emploient communément pour cet ufage,
& comme ces bois ne font ni forts ni élaftiquss ,
ils fuppléent à iua & à l'autre en renforçant
leur arc par derrière, avec une efpeee de ban-
de faite de nerfs ou tendons de leurs bêtes fau-
ves» Ils ont foin de mettre fouvent leurs arcs
dans l'eau ; ce qui faifant rétrécir les cordes leujr
donne par - là plus d'élailicité à les fait porter
plus loin qu'ils ne feroient autrement. Ils font
habitués à cet exercice depuis leur jeunelTe, &
ils tirent avec une dextérité inconcevable. Foyag&
4e la haie de Hudfonf f, //, p. 27, 28.
Note LXXXI, pafr, 337.
Le befoin eft le grand mobile qui excite &
guide l'homme dans les inventions nouvelles. U
y a cependant une inégalité fî grande dans k$
progrès des décou-vsrtss, & qii^l^^es naîions ont
ET ECLAIRCZSSEMENS, 473
fi fort devancé les autres , quoique daas des cir-
conllances prefque feaiblablss , qu'il fa.it attri-
buer cette différence à queiqu'événement de leur
hiftoire ou à quelque caufe particulière de leur
lîtuation phyfique que nous ignorons. Les habi-
tons de i'iflé d'Otaiiiti y découverte depuis peu
dans la mer da fud, fiirpalTent de beaucoup la
plupart des Américains dans la connoiflance des
arts d'îndudrie ; cependant ils ignoroient la mé-
thode de faire hoiiillir Teau , & n'a voient aucun
vafe dans lequel ils puilent la contenir & la
foumettre à l'action du feu: ils ne concevoient
pas plus qu'on pût l'échauffer que la rendre fo-
lide. yoy, autour du monde , rédigés par Hawkef*
wortJi, f. //, p. 132-155, ï^-4°-
Note LXXXII , pag, 338.
Une de ces chaloupes , qui pouvoit conteniif
neuf hommes , ne pefoit que- foixante . livres.
Cofnol, relat» des voy» à la Firgîiu Rsc» de my*
GU nord , t, V, p. 403.
Note LXXXIlI.p. 341.
Ulloa nous en donne une preuve remarqua-
ble. „ Dans leurs fabriques de tapis , de rideaux,
de couvertures de lit , & autres femblables
étoffes , toute leur indudrie conlifte à prendre
chaque fil l'un après l'autre, à les compter cha*
que fois, & à y faire enfuice paffer la trame; de
forte que pour fabriquer une pièce de quelqu'une
ds ces éLoffes , ils emploient jur^'à deux anâ
4^4
Note
ou même davantage. Vo^j. au Pérou y t, ï, p. 335.
Bancroft donne la même defcnption des naturels
de Ja Guiane: p. 255. Suivant Adairi les. Indiens
de l'Amérique feptentrionale n'ont pas plus d'ef»
prit ni de dextérité: p. 422. Les planches qu'on
trouve dans Purchas, t, III, p» iio5, des pein»
tures des Mexicains , me font croire que ce peu-
ple ne polTédoit pas une méthode plus parfaite
ni plus prompte d'ourdir la toile. L'inven»
tion d'un métier étoit an-defTus de la portée de
l'efprit des Américains les plus civilifés. Ils font
fi lents dans tous leurs ouvrages, qu'un de leurs
ouvriers demeure plus de deux mois à faire avec
fon couteau une pipe à fumer. Ihid, p. 423.
Note LXXXIV, pag, 344.
Le P. LaOtau , dans fes mœurs des Sauvages y
emploie 347 pages faftidieufes in- 4^. pour le
feul article de la religion.
NoT3 LXXXV, pag; 347.
J'ai renvoyé le kdeur aux difFérens auteurs
qui ont parlé des peuples les moins civilifés de
l'Amérique. Leur témoignage eft uniforme. Ce-
lui du P. Ribas touchant les peuples de Cinaloa
s'accorde avec tous les autres : ^9 Pendant plu-
fieurs années , dit - il , que je réfîdai parmi ces
peuples , je fus très - attentif à obferver fî Ton
devoit les regarder comme idolâtres, & je puis
affurer avec vérité , que , quoiqu'on trouve chez
quelques - uns des traces d'idolâtrie , les autres
ET ECLAIRCISSEMEKS. 475
n'ont pas la moindre connoifTance de Dieu, ni
même de quelque fauffe divinité , & qu'ils ne
rendent aucun hommage formel à l'être fuprême
qui gouverne le monde. Ils ne peuvent fe for-
mer aucune idée de la providence d'un créateur
de qui ils doivent attendre dans la vie future la
récompenfe de leurs vertus & la punition de
leurs crimes. Ils ne s'afTemblent jamais en pu-
blic pour exercer aucun a6le de religion. Ribas ,
triumphos , ^c* p, x6.
Note LXXXVI, pag. 349.
Le peuple du Bréfil étoit fî effrayé du tonner-
re, qui eft fréquent & terrible dans ce pays, ain/î
que dans d'autres parties de la zone torride, que
c'étoit non-feulement pour eux un objet de culte
religieux, mais que le mot le plus expreflif de
leur langue pour défigner la divinité étoit celui
de toupan , dont ils fe fervent auiîî pour défigner
le tonnerre. Fifo de Medec, BraJiL p. 8. Nienhoff.
Church, coll. t. II y p, 132.
Note LXXXVII, pag, 359.
Suivant le rapport de M. Dumont , témoin aciî-
laire des funérailles du grand chef des Natchez,
il paroît qne les fentimsns de ceux qui fe facri-
fioient à cette occafion étoient fort difFéreas. Il
y en avoit qui briguoient cet honneur avec ar?
deur; d'autres cherchoient à éviter leur fort, &
plufieurs même conferverent la vie en fe fauvant
dans les bois. Les braraines donnent aux femmes
4?(î Notes
qu'on doit brûler avec les corps de leurs marîs
une liqueur enivrante, qui les rend infenfibles à
Jeur maliieureux fort: les Natchez obligent de
même leurs viélimes d'avaler pîufieurs morceaux
de tabac, ce qui produit un femblable effet.
Mém, de h L&w'fianet tom, /, pag, 227.
Note LXXXVIll, pag. 370.
Ils font très-licentieux en pîufieurs occafîons,
furtout dans les danfes inflîtuées pour le rétablif-
fement de la fanf^ de quelque perfonne malade,
Ds la PotheriSi Jiîft, ^c, t. II ^ p, 42. Charle»
voix, liifl. de la Noiiv. France ^ t. III ^ p, 319,
Mais leurs danfes font ordinaiiement telles qug
je les ai décrites.
Note LXXXIX, pag. 373.
Les Oth&maques , qui habitent les bords de TO-
rénoque, emploient pour ce même effet une pou*
dre faite de grains à'Tiiapa & de coquilles de cer-
tains gros coliimaçons calcinés au feu & pulvéri-
fés. Les effets en font fi violens quand on la
prend par le nez, qu'elle infpire plutôt la fréné-
fîe que l'ivrefTe, Hiji^ de rOrénoque par Gumîl-
la, t. I, p. 285.
Note XC, pag, 377,
Quoique cette cbfervation foit vraie à l'égard
de la plupart des nations méridionales, il y en a
cependant quelques-unes où l'intempérance des
femmes n'eft pas moins exceffive que celle des
hommes. Bancrofts, nat.Ufi. of Guiandip* ^ISA
ET ECLAïaciSSEMENS# 4.7/
NoTF. XCI, pag, 3S4.
On trouve de ces circonftances contradiâoires
& inexplicables dans les auteurs les plus judi-
cieux qui ont parlé des mœurs des Américains.
Le P. Charlevolx, que la difpute de Ton ordre
avec celui des Francifcains fur l'efprit & les con-
noifTances des peuples de l'Amérique feptentrio»
nale , intérefToit à expofer leurs qualités morales
& intelleéluelles dans le jour le plus favorable,
ailure qu'ils font continuellement occupés à né-
gocier avec leurs voifins , & qu'ils font paroître
dans leurs négociations autant d'habileté que de
nôbleiTe de fentimens. Il ajoute cependant ,, qu'il
y va de tout pour un plénipotentiaire d'employer
tout ce qu'il a d'efprit & d'éloquence; car fi les
propofîtions ne font pas agréées , il faut qu'il fe
tienne bien fur fes gardes, li n'efl pas rare qu'un
coup de hache foit l'unique réponfe qu'on lui
faffe. II n'eil pss même hors de danger quand
il a évité la première furprife; il doit s'attendre
à être pourfuivi , & à être brûlé s'il eft pris. Hîft,
de la Nquv. Fr, t, III, p. 257. Des hommfs
capables de fe porter à de pareils actes de vio-
lence, paroiiTent i;:;norer les premiers principes
fur lefquels eft fondé le commerce réciproque
entre les nations, & au Heu des négociations per»
pétuelles dont parje Charlevolx , il paroît impos-
.fible qu'il y ait même la moindre coirimunicailon
entre ces peuples.
478 Notes
Note XCII, pag, 387.
Tacite dit des Germains : „ gaudent munerU
lus, Jed nec data imputant ^ nec acceptis ohligan-
tur'\ De mer. Germ. c. 21, Un auteur qui s'eft
trouvé à portée d'obierver le principe qui porte
les Sauvages à ne montrer aucune reconnoilTance
des dons qu'ils ont reçus, & à n'attendre aucun
retour de ceux qu'ils ont faits, explique ainfi leur
idée à ce fujet: „ Si vous m'avez donné ceci,
difent-iîs, c'eft que vous n'en aviez pas befoin
vous-même: quant à moi, je ne donne jamais
ce qiie je crois pouvoir m'être néceffaire ". Mém,
fur les Galîhis. Hîft. des plantes de la Giiiane
Françoife, par M» Auhlet y t. //, p. iio.
Note XClII , pag. 407.
And. Bernaldes, contemporain & ami de Co-
lomb , a cité quelques exemples du coursge des
Caraïbes, dont Ferdinand Colomb & les autres
hiftoriens de ce tems n'ont pas parlé. Un canot
Caraïbe , où il y avoit quatre hommes , deux fem-
mes & un enfant , fe trouva un jour , fans le fa-
voir , au milieu de la flotte de Colomb , lorfqu'à
fon fécond voyage il paffoit entre leurs ifles. Ils
relièrent d'abord dans un étonnement ftupide à
la vue d'un pareil fpeclacle, & ne fortirent pref-
que pas de la même place pendant plus d'une
heure. Une barque Efpagnole, armée de vingt-
cinq hommes, s'avança vers eux & la flotte mê-
me les entoura peu à peu jufqu'i leur couper
I
ET rCLAIRCISSÏMlîNS. 479
toute communication avec la côte.- „ Lorfqu'iis
s'apperçurent, dit l'hiflorien, qu'il leur étoit im-
polîîble de s'échapper , ils faifirent leurs armes avec
un courage intrépide, & commencèrent l'attaque.
Je dis avec un courage intrépide , parce qu'ils
n'étoient qu'en petit nombre, & qu'ils voyoient
une grande multitude prête à les afTaillir, lis blef-
ferent plulîeurs Efpagnoîs , quoique ceux - ci euf-
fent des boucliers & d'autres armes défenfîves.
Lors même que le canot eut chaviré , ce ne fut
qu'avec beaucoup de peine & de danger qu'on
en prit quelques-uns, parce qu'ils ne celToient
de fe défendre & de faire ufage de leurs arcs avec
beaucoup d'adrefle, quoique nageant en pleine
mer. Hifl. de D. Feni. y D, Tfab, MS. c, iiy.
Note XCIV, pag, 408.
On peut former une conjeflure fort probable
fur la caufe qui diftingue le caraàlere des Caraï-
bes d'avec celui des habitans des plus grandes
ifles. Il paroît clairement que les premiers" font
d'une race particulière. Leur langue ed èotaîe-
ment différente de celle de leurs voifin? , habi'
tans des grandes ifies. Il y a même parmi eus
une tradition qui porte que leurs ancêtres font
originairement venus de quelque partie du grand
continent, & qu'après avoir conquis & exterminé
les anciens habitans des ifles j ils ont pris polfef-
fion de leurs terres & de leurs femmes. Rockefort ,
4?ô Notes;
1
fag, 384; Dîiterîre, pag. 36a C'eft pour cela
qu'ils ont pris le npm de Banarée , cjui fignifie un
homme venu d'au-delà de la mer: Lahat , tonu
VI. 1)* 131. Les Caraïbes ont même encore deux
langues différentes , dont l'une efl: particulière
aux hommes & l'autre aux femmes: Dutertre ^
pcg' 36j. La langue des hoinmes n'a rien de
commun avec ceile qu*on parle' dans les grandes
ifles; mais l'idiome des femmes y relTemble beau-
coup: Lahaty pag. 1201 ce qui confirme encore
la tradition dont j'ai parlé. Les Caraïbes eux-
mêmes penfent qu'ils font une colonie de Gali'
Ust nation puiiTante de la Guîane dans l'Améri-
que méridionale. Dutertre» pag. 36 r. Rochefort ,
pag.' 348* Mais comme leurs mœurs féroces ont
plus de rapport avec celles des nations qui habi-
tent le nord du continent, qu'avec celles des peu-
ples de l'Amérique méridionale; que" d'ailleurs
leur langue a quelqu'analogie avec celle qu'on
parle dans la Floride, il éft à croire qu'ils def-
cendent plutôt des premiers qu« des autres; La-
bat t p. 128, ^c. Herreray decad. i, lib. IX, c^ 4.
Bans leurs guerres i.'s conrervent encore l'ancien
ufage de détîuire tous les mâles ce de ne laiiTer
la vie qu'aux perfonnes de l'autre fexe pour leur
fervir d'^fclaves eu de femmes.
Fin des Notes du J-.cond volume,
TABLE
48r
TABLE
- " DES
M A T I E R E S
— Contenues dans le premier S le fécond volu*
me de riiifloire de P Amérique,
A.
AûYSsiNiE, ambafiade envoyée dans ce pays par Jeaa
II, Roi de Portugal ; T. I, p. 90.
Açores , découverte de ces iflss par les Portugais ; T. I^
p. 83.
Jcofia , ih méthode de calculer les difTérens degré^ de
chaleur dans l'ancien & dans le nouveau continent i
T. II, p. 416.
-/îdair , peinture qu'il fait du caradere vindicatif des na-
turels de l'Amérique 5 T. 11, p. 4<5i.
Jdanfon confirme le récit d'Hannoii fur les mers d'Afri-
que; T. I-, p. 279.
Afrique, (tôtes occidentales de 1'^ découvertes pour la
première fois par ordre de Jean Ij Roi de Portugal j
T. I, p. 67. Découvertes depuis le cap Non ji-fqu'à Bo-
jador, p. 70. On double le cap Bojador, p. 76. Dé-
couverte des contrées ficuées au fud de la rivière du
Sénégal, p. 86. Le cnp de Bonne -Efpéiance découvert
par Barthelemi Diaz, p. 91, Ignorance des anciens aC-
troPiOmes fur ceiite partie du monde, p 279. Ciufe de
l'extrême chaleur de ce climat; T. H, p. 129.
Agriculture (état de V) parmi l-;s naturels de l'Anérique}
T. II, 256. Les deux caufes principales de fon imper?
fecVion , p. 26r,
Aguado eil envoyé à Hifpaniola en qualité de commiflaire
pour examiner la conduite de Colomb j T. J. p, 2o5.
Tijme lU X .
4^2' TABLE
i^bmn» Les anciens ont connu fa propriété d'attirer îe
fer, niais non pas fa direftion vers les pôles-, T. I,
p. 7. Avantiiges confidérables qui ont réfulté de cette
découverte , p. 64.
AMquerque, (Rodrigue) manière barbare dont il traite
les Indiens d'Hifpaniola 5 T. Il, p. 65.
Alexv.ndre le Grande caraélere de es prince; T. I, p. 22.
Pourquoi .il a fondé la ville d'Alexandrie , p. 23. Ses
découvertes dans l'Inde, p. 24, &c.
Alexandre FI, (le pape) accorde à Ferdinand & à Ifa-
bel'e de Caftille la pofleffion des pays découverts à
l'ouefl: des ifles Açores ; T. I, p. 180. Fait partir des
nriffionnaires avec Colomb à fon fécond voyage, p. 181.
Ame , idées des Américains touchant fon immortalités
T. II , p. 356.
Américains de l'Amérique Efpagmle, Leur conftitution
phyfique j T- II, p. i83. Leur teinr & leur figure , p. 189.
Leur force & leur adrefîe, p. 190. Leur infenfibilité
pour les femmes , p. 192. Ils n'ont aucune difformité
du corps, p. 201. Réflexions fur ce fujet, ihid. Uni-
formité de leur couleur , p. 204. Defcription d'une race
particulière, p. 208. Les Efquimaux , p. 211. Doutes
.qui fubfillent encore fur les géans Patagons, p. 212,
"Leur faute, p. 215. Leurs maladies, p. 216. La mala-
die vénérienne leur efl particulière, p. 219. Leurs qua-
lités morales, p. 220. Ne pcnfenc qu'au befoin pré-
fent , p. 22ir, L'art de compter à peine connu chez ce
peuple, p. 224. Ils n'ont aucune idée abflraite,p. 226.
Les habitans du nord de l'Amérique font beaucoup plus
intelligens que ceux du midi, p. 229. Leur répugnance
pour le travail , p. 231. Leur état focial , p. 235, Leur
union domeftique, îbîd. Leurs femmes , p. 237. Elles
font peu fécondes, p. 242. De l'afifeClion paternelle &
dufdevoir filial, p. 245. Manière de pcurvoir à leur fub-
firtauce j p. 24S, Leur pôdie , p. 250, Leur chafle, p. 252#
D E S M A T I E R E S. 4^3;
Leur agriculture, p< 256. Fruits divers de leur culture,
îhicl. Les deux principales caufes de l'irapeifeélioii
de leur agriculture, p. £61. Ils manquent d'animaux
domeftiques , ibid, & de métaux utiles, p. 265. Leurs
inflitutions politiques , p. 268, Ils étoient divifés en pe-
tites comir.unautés indépendantes, îb'ià. Ils n'ont au-
cune idée de propriété , p, 270. Leur amour pour l'é-
galité & l'indépendance , p. 273. Ils n'ont qu'une idée
imparfaite de la fubordination , p. 274. A quels peu-
ples ccnviennent ces defcriptions , p. 2'^7* Quelques
exceptions, p. 278. La Floride, p. 281. Les Natchez,
îhid. Les ifles, p. 283. A Bogota, p. 284. Recher-
ches fur les caufes de ces variétés, p. 286. Leur art
de la guerre . p. 290. Leurs motifs pour faire la guer-
re, p. 292. Caufes de leur férocité, p. 293. Perpétuité
des guerres, p. 296. Leur manière de faire la guerre,
p, 298. Ils ne manquent ni de courage ni de fermeté, p,
301. Incapables de difcipline militaire, p. 303. Manière,
dont ils traitent leurs prifonniers , p. 305. Leur fermeté
dans les tourmens , p. 307. Ils ne mangent de la chair
humaine que par efprit de vengeance, p. 310. Manière,
dont les peuples de l'Amérique méridionale traitent leuis
prifonniers, p. 312. Leur éducation militaire, p. 314,
INlJthode finguliere de choifir un capitaine parmi les In-
diens fur les bords de l'Oiéuoque , p. 316. Leur nom-
bre diminué par les guerres continuelles , p. 320. Ils
adoptent leurs prifonniers pour repeupler leur pays, p.
321. Sont inférieurs dans la guerre aux nations policées,
p. 324. Leurs- arts , habillemeus & parures , p. 325. Leurs
habitations , p. 330. Leurs armes , p. 334* Leurb uiieii-
files domeftiques, p. 336. Conftruclion des canots, p.
337. Leur indolence pour le travail, p. 339» Leur reli-
gion , p. 342. Plufieurs de ces peuples n'en ont aucii-
ne, p. 345. DiverOté remarquable dans leurs opiniojis
religieufess p. 352. Leurs idées fur l'immortalité de i'a-
X 2
0^ TABLE
, me , p. 356. Leurs cnterremens , p. 358. Pourquoi leurs
médecins piétendent eue forciers, p. 361. Leur amour
de la danfe , p. 366. Leur paffion extraordinaire pour
le jeu, p. 371. Sont fort enclins à l'ivrognerie, p. 372.
Tuent les vieillards & les malades incurables, p. 378.
Idée générale de leur caradere, p. 3co. Leurs qualités
intelleéluelles , p. 381. Leurs talens politiques , p. 382,
Incapables d'anâtié, p. 385. Dureté de leur cœur, p.
587. Leur iniènfibilité , p. 3B8. Leur taciiumité, p. 391»
Leurs rufes, p. 392. Leurs vertus, p. 394. Leur ejprit
d'indépendance, p. 395. Leur fermeté dans le danger,
îM^. Leur attachement à leur communauté , p. 396.
Satisfaits de leur état, p. 397. Avis général fur ces re-
cherches, p. 402. Deux claOes difiindes de ce peuple,
p. 404, Exceptions quant à leur caraélere, p.4c6. Def-
cription de leurs traits caraélérifliques , p. 436. Exem-
ples de leur agilité foutenue à la courfe, p. 438.
Amérique , (le continent de 1') découvert par Colomb 5 T.
I, p. 217. Origine de ce nom, p. 235. Ferdinand de
Cadille y établit deux gouvernemens j T. Il , p. 25.
Propofitions faites aux naturels du pays, p* 27. Ojeda
ôiNicuenafont mal reçus par ce peuple 5 p. 281 Décou-
verte de la mer du fud par Balboa, p. 47. La rivière
de la Plaia découverte, p. 6^, Les habitans en font
fort maltraités par les Efpfgnols, Und. VaRe étendue
du nouveau monde, p. 119. Grandeur des objets qu'il
préfente à la vue , ih'id. Sa forme fivorable au com-
merce, p. 122. Température du climat, p. 125» Diffé-
rentes caufes du climat qui y règne p. 127. ion état
inculte & fauvage lorfqu'on le découvrit , p. 133. Anir
maux qu'on y trouve , p. 137. Inftéles & reptiles , p.
14c. Oifeaux, p, 142. Sol, p. 144. Recherches fur fa
première population , p. 147. N'a pas été peuplé par une
nation civiiifée , p. i5<5. Son extrémité fepientrionale
touche h i'Alie, p. 150;, Peuplé probablement par les
D È s M A t I Ë R E s. 4B5
Afiatiqiies, p. I7i. Etat & caraélere des Américains,
p. 174, Us étoieiiî plus fauvages qu'aucun aiure peuple
connu de la terre, p. 176. Excepté les Péruviens &
les Mexicains , p. 177. Incapacité des premiers voya-
geurs , p. 180, DifFérens Tyllêmes des philofopbes con-
cernant ces peuples, p. 183. Méthode obfervée dans
cette recherche de leur conflitucion phyfique , &c« p.
186. La maladie vénérienne vient de cette partie da
inonde, p. 219. Qualité morale des Américains , p. 220.
Pourquoi l'Amérique ell fi peu peuplée, p. 268. Dépeu-
plée par des guerres continuelles, p. 29-). Caufe du
froid extrême vers la partie méridionale de l'Amérique ,
p. 421. Defcription de l'état inculte ik naturel du pays,
p. 426. Os de grands animaux dont la race ne fubfîfte
plus , trouvés fous terre près des rives de l'Ohia , p. 427,
Pourquoi les animaux d'Iiurope y dégénèrent, p. 429.
Suppofé avoir été féparée de l'Afîe par quelque violen-
te fecouQe, p. 435,
jUmér'ic V^efpuce, publie fon premier récit du nouveau
inonde & lui donne fon nom ; T. I , p. 235. Sa pré-
tention d'avoir le premier découvert l'Amérique exami-
née, p. 31Î.
Anacoana^ indignement & cruellement traitée par les Ef-
pagnols 5 T. II , p. 6.
Anciens , caufe de leur ignorance dans l'art de la navîga '
tion; T. I, p. 6. Imperfeélion de leurs connoiirances
géographiques, p. 35.
Andes ^ étendue & hauteur furprenantes de cette chaîne
de montagnes I T. II, p. 120. Leur hauteur comparée
avec celle d'autres montagnes , p. 414.
Animaux^ C grands") ou en trouva fort peu en Ainérîqua
lors de la découverte; T. II 5 p» 137.
Arabes^ fe font particulièrement appliqués à l'étude de la
géographie j T. I , p. 45.
X3
f%t6 TABLE
/argonautes, (rexpédition des) pourquoi fî fameufe parmi
les Grecs i T. I, p. 18.
/irithmétique . on l'art de compter, à peine connu par les
Aniédcainsj T. II, p. 124.
/JftoUno, (le père) fa miflion extraordinaire auprès du Kaii
des Tartaiesi T. I, p. 52.
^fie, découvertes faites dans cette partie du monde par
les Ruffes i T. II , p. 160, &c.
B.
ïjalboa, ^Vafco Nugnès de) établit une colonie à Sain-
te-Marie dans le golfe de Darien ,- T. II , p. 30. Reçoit
avis de l'exiftence & des ricliefîes du Pérou , p. 40.
Son cacaélere, p. 44. Il traverfe l'IUlime p. 46. Décou-
vre la mer du fud, p> 48. Revient à Sainte-Marie , p. 50.
Eft lemplacé dans fon gouvernement par Pedrarias Da-
. vi!a, p. 51. Condamné à l'amende par Pedrarias pour
fes adlions paffées, p. 55. Rfl: nommé vice - gouverneur
des pays découverts dans la mer du fud, & époufe la
fille de Pedrarias , p. 58. Eft arrêté & mis à mort par
Tordre de Pedrarias, p. 60,
'Banere, fa defcription de la conftrudion des maifons des
Indiens; T. II, p. \70.
Behring & Tfchirikow , navigateurs Rufles , croient avoir
découvert l'extrémité nord-ouefl: de l'Amérique du côté
de l'eft i T. II s p. 165. Incertitude de leurs récits ,
P- 433»
Benjamin , juif de Tudela , fes voyages extraordinaires $
T. I, p. 51'
Bernaldes, exemple qu'il donne de la bravoure des Caraï-
bes; T. II, p. 478*
Bethencourt^ (Jean de) Baron Normand, prend poflefllon
des ifles Canaries; T. I , p. 62*
Bfigoia en Amérique , defcription de fes habitans ; T. II ,
p. 284»Caufe de leur fou miflion aux Efpagnols, p. 285.
D E s INI A T I E R E s. 4?;-
Leur doélrine & leurs cérémonies religieufes , p. 355.
Boyador ^ Qt cap) quand découvert; T. I , p. 70. Ed
doublé par les Porcugais, p. 76.
Bonne - Efpéyance , ( le cap de ) découvert par B. Diaz j
T. I, p. pr.
Bofu , Ion récit de la chanfon de guerre des Américains 5
T. II, p. 464.
Bovadllla, (François de) envoyé à Hirpaniola pour exami-
ner la conduite de Colomb j T. I, p. 243. Envois Co-
lomb les fers aux pieds en Efpagne, p. 344. EftdiG'
gracié & rappelle, p. 248.
Bougahzville, ik défenfe du Périple d'Hannon j T. I , p. 277,
Bouguer , parle du caradere des Péruviens s T. Il, P'444.
Boujfùie^ (invention de la) T. ï, p. 58. Par qui, p. 59,
Bréfil, (\d. côte du) découverte par Alvarès Cabrai j T. f ,
p. 256, Remarque fur le climat de ce pays j T. II 5 p. 420»
C.
KjaWalt (Alvarès) capitaine Portugais , découvre la cô-
te du Biéfil ; T. I j p. 256.
Californiens i leur caradiere fuivant le P. A^enegas j T. .II ,
p. 44B.
Campêche , découverte par Cordova , qui efl: repouiTé par
les naturels du pays j T. II , p. io5. ■
Canaries^ (les ides) éi\^ées en royaume par le pape Clé-
ment VI î T. 1 , p« 62. Soumifes par Jean de Bethea-
conrt, ibid.
Cannibales: on n'a trouvé aucun peuple qui mangent la
chair humaine pour nourriture ordinaire , quoique fou.
- vent par efprit de vengeance; T. Il, p. 312.
Canots Américains , leur conHiruction s T. Il , p. 337.
Caraïbes^ (les ifles) découvertes par .Colomb dans fan fe*
cond voyage ; T. I , p. 183.
Caraïbes , leur caraélere féroces T. Il» P» ^'^7• Décrit par
M. de Chanvalon, p. 447. Conjeéluce probable fur la
X4
438 TABLE
différence du caraélere de ce peuple avec celui des ht
bitaiis des grandes ifles , p. 479.
Carpini, fa miffion extraordinaire auprès du Kaii des Tai-
tares ; T. I , p. 52.
Carthaginois , état du commerce & de la navngation de
ce peuple; T. I, p. 12.^ Les fameux voyages d'Han-
non & de Himilcon, p. 14.
Chaleur , caufes de-s différens degrés de chaleur dans l'an-
cien & le nouveau continens j T. II , p. 41(j. Calcu-
lée, 431.
Chanion de guerre des Américains î T. II , p. 464.
Chauyaïon, (M. de} portrait qu'il fait du caractère d^&
Caraïbes ; T . H , p. 447.
Charles - Quint ^ Q'E.va^Q.ïQVix') envoie Rodrigue de Figue-
roa à Hilpaniola, en qualité de juge fuprême, pour ré-
gler la manière de traiter les Indiens ; T. II , p. 83.
Fait délibérer en fa préfence fur ce fujet, p. 93,
Chiquitos 5 état de politique de ce peuple fuivant Fer-
nandez ; T. II, p. 460.
Ciceion , preuve de fon ignorance dans la géographie i T. I ,
p. 284.
Ctnaloa, (Etat politique du peuple de) T. II j p. 459,
Sa manière de vivre, ihid. Ne profeiTent aucun culte re-
ligieux, p. 474.
Clément FI, (le pape) érige les ifles Canaries en royaiv
• me; T. I, p. 62.
Climats, caufes de leur variété; T. Hjp. 125. Leurs
effets fur le corps humain , p. 402. Recherches fur
les différens degrés de chaleur des climats , p. 41(5.
Coîomh, (ChriHophe) fa naiffance & fon éducation i T, I,
p. ^7. Ses premiers voyages , p. 98. Il fe marie &
• s'établit à Lisbonne , p. 100. Ses réflexions géogra-
phiques , p. loi. II forme le projet d'ouvrir une nou-
velle route aux Indes, 102. Il propofe fon projet au
Sénat de Gênes, p. iio. Pourquoi ks propofiLions fout
le-
D E s M A t î E R E s. ^fiçf
ïèjettées en Portugal, p. m. H s'adrefle h la cour
d'Efpagne & à celle d'Angleterre , p. 113. Son projet
examiné par des juges ignorans, p. 120. Eft protégé
par Juan Pérès, p. 124. Il efl de nouveau découragé,
p. 122. 11 efl rappelle par Ifabelle & engagé au fer-
vice de l'Efpagne, p. 129. Préparatifs pour fon voya-
ge, p. 129. En quoi confiftoit fa flotte, p. 130. Son
départ d'Efpagne, p. 132. Sa vigilance & fon atten-
tion pendant fon voyage, p. 135. Craintes & alarmes
de fon équipage , p. 136. Son adreffe à les calmer ,
p. 137. Apparences flatteiifes de fuccès, p. 1^3. Ou
découvre la terre, p. 14!^. Première entrevue avec les
naturels du pays , p. 145. Prend les titres d'amiral &
de vice - roi , p. 149. Donne à fifle le nom de San-
Salvador, Wd, S'avance vers le Sud, p. 150. Décou-
vre Cuba, p. 151. Ainfi que l'ifle d'HiliDaniola, p. 154*
Perd un de fes vaifieaus, p. 156. Bâtit un fort, p. 163,-
Retourne en Europe , p. 167. Expédient donc il fe
fert pendant une tempête pour fauver la mémoire de-
fes découvertes, p. 169. Il relâche aux Açores, p. r^o».
Arrive à Lisbonne, p. 171. Sa réception en Efpagne,,
p. 172. S<>n audience de Ferdinand & Ifibelle, p. 173,
Préparatifs pour un fécond voyage , p. 178. Découvre
les ides Caraïbes, p. 183. Trouve la colonie d'Hîfpa»
niola détruite , p. 184. Bâtit une ville qu'il nomme Ifi-
laelle, p. 187. Examine l'état du pays, p. 189. Situa-
tion fâcheufe & mécontentement de la cobnie , p i^Sr
Il découvre Tifle de Jamaïque , p. 194. A fon retour k
ifabelle il y trouve fon frère Barthelemi, p, 195, Le-5
Indiens prennent les armes contre les Rrpagnols , p, 195.
Guerre avec les Indiens , p. 199. Ta:îe impofée fur
les Indiens , p. 202. Il retourne en EÇoagne pour jufti-
fier fa conduites p. ^8» On fak un- plarï plus régulier'
pour l'établifièment d'une colonie, p. 210, Son troifîe-
me voyage , p» 215. Découvre l'ille de la TEiaké-,
X 5 ' .*^
4go TABLE
p. 217.- Découvre le continent de l'Aménque , îhid.
Etat d'Hirpaniola à fon arrivée , p. 220. Il appaife la
révolte caufée par Roldan, p. 224. Intrigues contre
Colomb , p. 240. Succès de fes ennemis auprès de
Ferdinand & Ifabeîle, p, 242. Il eft envoyé en Efpa-
gne les fers aux pieds, 244. Mis en liberté, mais' dé-
pouillé de toute autorité, p. 247. Dégoûts qu'il éprou-
ve, p. 254. 11 forme de nouveaux projets de décou-
vertes , p. 255, Entreprend un quatrième voyage ,
p. 257. Traitement qu'il efifuie à Hifpaniola, p. 258.
Cherche un psfil^ge à l'océan Indien, p. 261. Fait
naufrage fur la côte de la Jamaïque, p. q6^* Recher-
che l'amitié des Indiens , p. 264. Sa détrefle & fes
foufFrances, p. 266, Il quitte l'ifle & arrive à Hifpa-
niola, p. 272. Retourne en Efpagne, p. 273. Sa mort,
p. 275. Ses droits à la première découverte de l'Amé-
rique défendus, p. 299.
Colomb, (Don Diegue} réclame les droits accordés à fon
père ; T. lî , p. 20, Se marie , p, 21 , & pafîe h Hifpanio-
la , p. 22. Etablit une pêcherie de perles à Cubagua ,
p. 23. Il forme îe projet de conquérir Cuba, p. 32,
Ses mefures traverfées par Ferdinand, p. 64. Il retour-
ne en Efpagne, p. 65.
Commerce, à quelle époque il faut rapporter fon origine;
T. I, p. 3. Sert à faciliter la communication entre les
peuples, p, 5. Fleurit dans Tempire d*orient après la
ruine de l'empire d'occident, p. 33. Renaît dans
l'Europe, p. 46.
Conâamine, (M. de la) fon récit du pays qui fe trouve
au pied des Andes dans l'Amérique méridionale j T. If,
p. 425. Ses lemarques fur le caraders des Américains,
p. 445.
Co!^go , (le royaume de) découvert par les Portugais ^
T. I , p. 87.
Conjlanîhwpk, fuites fùcheufes de l'établiffement du fiege
DES MA T lE Pv E S. 491
de l'empire dans cette ville; T. I, p. 40. Continue
à être une ville commerçante après la chute de l'em-
pire d'oecidânt , p. 43. Devient le principal marché de
ricalie'j p. 4'î»
Cordoy,^ , ( François Hernandes ^ découvre le Yacatan 5
T. n, p. 105. Eîl repouffé k Campêche 6c retourne k
Cuba, p. 107.
Croglan , ( le colonel George ) , parle des os de grands
animaux , d'une race éteints depuis longt^ms , trou-
vés dans l'Amérique feptentvionale ; T. Il, p.^ 427.
Crolfades, (les) favorifent les progrès du commerce &
de la navigation, T. I, p. 4g.
Cula , Cl'ifle de) découverte par Clir. Colomb j T. ï ,
p. 151. Defcription magnifique que fait Colomb d'un
port de cette ifle, 293. Ocampo en fait îe toiu'j T. II,
' p. 20. Diego Velafqaès en entreprend la conquêie 9
p. 32. Traitement cruel fait au Cacique Hatuey, &
fa réponfe à un moine , p. 35.
Cubngiia^ établiflement d'une pêcherie de perles; T. II,
p. 23.
Cumau-tt (les habitans de) fe vengent du mauvais trai-
tement qu'ils ont reçu des Efpagnoîs ,* T. II , p. 97,
Le pays eft dévafté par Diego Ocampo, p. iod.
D.
-Llrt/z/^. Paffion violente des Américains pour ce plaifîrj
. T. II, p, 366.
Darîen j (defcription de l'idhme de) T. II , p. 45.
D'mz, (Barrhelemi) découvre le cap de Bonne ECpérances
T. 1,91.
Découvertes^ dltTérence entre les découvertes faites paf
terre c^ celles faites par mer ,* T. î , p.- 283.
porhveU , fes objedVions contre le Périple d'Hannon i^in-
téesj T. I5 275.
K 6
492 - '-"TABLE
JDom'mgue , (Saint) dans l'ifle d'Hifpaniola, fondée par Bar.
thelemi Colomb j T. I , p. 220.
Dominicains, ceux d'riifpaniola s'oppofent publiquement
au trakemenc cruel qu'on fait elTuyer aux* Indiens ;
T. II, p. 6-^» Voyez Las Cafas,
E.
SLgyptkns , ancien état du commerce & de la navigation
de ce peuple 5 T. I , p. 8.
Eléphant i animal particulier à la zone torride; T. II,
• -p. 429.
"Enterrement des Américains j T. lî , p. 358.
Espagnols , manière fînguliere dont ils prennent poCTeffion
des pays nouvellement découverts j T. II, p. 409.
Efprit humain , Tes efforts proportionnés aux befoins pliy-
fiques de l'homme ; T. II , p. 230.
Efqumaiix , (Indiens), reflemblance entre ce peuple & les
Groenlandois , leurs voifins ; T. II , p. 170. Defcription
de leur pays , 416.
Eugène IV, (le pape) accorde aux Portugais un droit
exclufif fur tous les pays qu'ils découvriroient depuis
le cap Non jufqu'au continent de l'Inde; T. I, p- 80.
Europe^ ce qu'elle a foufferte par le démembrement de
l'empire Romain par les peuples barbares j T. I, p. 41.
Renaifiance du commerce & de la navigation en Eu-
rope, p. 46. Avantage qu'elle retiie des croifades-,
p. 49.
F.
X^emmes, leiir condition parmi les Américains j T. If,
p. 237-. Ne font pas fécondes , p. 242. Il ne leur eft
pas permis d'alîiller aux fêtes, p. 377, ni de porter
des ornemeiis, p. 468.
,Fdr , pourquoi les nations fauvages n'avoient aucune
coniiolilEiice de ce métal j T. II, p. 16^
DE s M AT TE R E s. ^
Ferdinand de Cnftille donne enfin fon attention au règle-
ment des affaires de rAméiique j T. II, p. 12. Don
Diego Colomb lui demande les prérogatives accordée!
à fon père, p. 20. Etablit deux gouverneniens dans le
.continent de l'Amérique, p. 26. Envoie une flotte au
Darien & rappelle Balboa , p. 51. Nomme Balboa vi-
ce - gouvernenr des pays découverts dans la mer du
fud , p. 58, Fait partir Diaz de Solis pour découvrit
un pafîage à l'oueft des Moluques, p. 62. Traverfe
les mefures de Diego Colomb , p. 64. , Son ordonnance
fur la manière de traiter les Indiens, p. 69. Voyez Cù*
Imiib & Ifabelle,
Fernandez, (le père) fa defcrîption de l'état politique des
Chiquitos; T. Il, p. 4<5o^
Fïgueroa , (Rodrigue de) efl: nommé jugs fuprême d'Hif-
panioîa, avec ordre d'examiner le traitement fait au3B
Indiens j T. Il» p. 83. Fait une expérience pour juger
de l'intelligence & de la docilité des Indiens, p. 99.
Floride^ découverte par Jean Ponce de Léon; T. U,
p. ^6. L'autorité des chefs y efl: héréditaire ^ p. 281.
Fonfeca , archidiacre de Sêville , enfuite évêque de Bada*
joz, miniftre pour les alfaires de l'Inde, traveL-fe Co-
lomb dans les plans qu'il forme pour faire des décot>
vertes & établir des colonies; T. I, p. 203, 215.
Protège l'expédition d'Alonzo de Ojeda , p. 234.
G..
\Jama^ (Vaf. de) fou voyage pour faire des découver*
' tesj T. I, p. 228. Double le cap de Bonne - Efpéran*
ce, p. 230. Mouille devant la ville de Mélinde, ibld.
Arrive h Calicnt au Malabar, p. 231.
Xkings^ (le) ii'iées eiTonnées des aïKiens fur la pofitioîj
de cette rivière; Tr I, p. 282.
Géants , ce qu'en difent les premiers voyageurs n'efc pai^
cou fumé pan les. dernières découvertes j T. I, p. SI-*
4^4 T A Î5 L E
Geininus 9 préiîve de fon ignorance en giographie| T. T,
p. 285.
Géographie, étoit fort bm-née chez les an dans ; T. I,
p. 41. Devient l'étude favorite des Arabes, p. 45.
Gîola, (Flavio) inventeur de la boufTole^ T. I , p. 59.
Ghbe , fa divifion en zones par les anciens j T. I 3
p. 37 & 284.
Gouvernement , on n'eii a trouvé aucune forme vifible
parmi les Américains j T. II , p. 273, Exceptions à ce:
égard, p. 279.
Grand Chaco, récit de Lozano fur la manière de faire la
giieiTe par le peuple de ce pays; T. II, p. 462.
Grecs , (anciens) leurs progrès dans la navigation & les
découvertes > T. I , p. 14, Leur commerce avec les
autres nations étoit fort borné , p. 17.
Grljalva , Q\x^n de) part de Cuba pour aller faire des
découvertes, T. II, p. 108. Découvre & donne le
nom à la Nouvelle Elpagne, p. iio. Ses raifons pour
ne pas établir une colonie dans les terres qu'il venoit
de découvrir 5 p. 114»
Groenland, fa proximité avec l'Amérique feptentrionale j
T. lî, p. 169.
Guiane Hùlîandolfs , caufe de l'extrême fertilité de fbîi
fol 5 T. II, p. 432.
H.
xiannoiî, apologie de (bn périple, avec un récit de foii
voyage j T. I , p. 2/5.
Hatuey ^ Cacique de Cuba, traitement cruel qu'on lui
fait fabir & fa réponPe remarquable à un moine Fraiî-
cifcain ; T. II , p. 35.
Henrî^ (ie Prince) de Portugiil, fon carai^ere & Tes étu-
des; T. I, p. 70, Expéditions faites par fon ordre,
• p. 73. Demande au pape la poIfeOTion de fes nouvel
les découvertes 3 p. 80* Sa mort , p. 84* .
D E s M A T I E R E s. 495
Sifpcin'wla> (rifle d') découverte par Chrifl:ophe Colom^j
~ T. I, p. 154» M.îiilere donc il fe comporte avec les
naturels du pays, p. 155, Colomb y laiOTe une colonie,
p. i5£. La colonie efl: détruite , p. 184 Colorai? bâtit une
vilie nommée Ifabelle, p. 187. Les Indiens maltraités
prennent les armes contre les Erpagnols, p, 196. Ib
font défaits, p. 199. On leur impole une taxe , p. 202»
Leur deffein d'afifamer les Efpagnols, p. 204, Saint-
Domingue fondée par Barthelemi Colomb , p. 220.
Colomb envoyé en Efpngne les fers aux pieds par Bo-
vadilla, p, 244. Nicolas de Ovando eft nommé gou-
verneur, p. 250. Récit de Colomb de la manière hu-
maine dont il y efl:' reçu, p. 294. Conduite des Ef-
pagnols avec les naturels de Tifle; T. II, p. 4. Etat
malheureux d'Anacoana , p. 8. Produit confidérable
des mines de Tifle j p. 10. Diminution rapide du
nombre des Indiens, p. 14. Les Efpagnols y fuppléent
en trompant les habitans des ifles Lucayes , p. 17.
Arrivée de Diegue Colomb, p. 22, L'efclavage y fait
périr prefque tous les habitans , p. 65. Difpute fur
la manière de traiter les efclaves , p. 66. Exemple
curieux de la fuperllition des planteurs Elpagnols ds
rifle,p. 430.
Homère , fon récit de la navigation des anciens Grecs ^
T. I,p. 19.
Homme , la difpolîtion de fon corps & fes moeurs dépen»
dent de fa ficuaiion} T. II, p, 152. Refiemblance qUi
réfulte de-là entre les peuples éloignés les uns des au-
tres ôc qui n'ont aucune communication entre Q\xt ^
ibid. L'homme a généralement atteint le plus haut"
degré de perfedion dans les régions tempérées, p, 371.
jki.
I.
ma'lqiie ^ découverte par Chr. Colomb, T. I,-p. 194*
Jerornsy (ttois moines de l'orure de Saint) envoyés p^
TABLE
le cafdinîil Xîmenès à Hifpanio'a pour y r>?gler[ la ma-
nière de traiter les Indiens j T. II > p. 76, Conduite
qu'ils ont tenue , p. 77. Sont rappelles , p. 83.
^eu , amour des Américains pour le jeu ; T. II , p. 371.
^ean I^ roi de Portugal, eft le premier qui envoie quel-
ques vaifleaux pour découvrir les côtes occidentales
de l'Afrique î T. I , p. 67, Le prince Henri , fon fils ,
prend parc \\ Tes entreprifes , p. 70.
Jean //, roi de Portugal, protège les entreprifes pour
des découvertes, T. I, p. 86. Envoie une ambafTade
en Abyfiinie , p. 93. Manière peu généreufc dont il
traite Colomb, p. lii.
Jn^e, 0'^ motifs des expéditions qu'Alexandre le Grand
y a faites i T. I, p. 24. Comment les anciens y fai-
foient le commerce , p. 30 , & lorfque les arts com-
mencèrent à refieurir en Europe , p. 46. Premier voya-
ge autour du cap de Bonne -Efpéran ce, p. 228.
Indiens de l'Amérique Efpagnole. Voyez Américains.
Innocent IF y (le pape) envoie une miflion extraordinaire
au Kan des Tartaresj. T. I, p. 52.
Inqu'ifitïon , quand & par qui introduite en Portugal 3
T. I, p. 289.
îfàbelle^ reine de Caîliîle, follicitée par Juan Pérès en fa-
veur de Clir. Colomb ; T. I , p. 120. Eft de nouveau
follicitée par Quintanilla & Santangel, p. 121. Elle fe
îaifle gagner & perm.et d'équiper une flotte, p. 124.
Elle meurt , p. 273.
Ifahelle , (la ville d'} à Hlfpaniola > bâtie par Chr. Colomb ;
T. I , p. 187.
Italie t efl: le premier pays en Europe où. les arts & la
civilifation reparoiïTent après l'invafîon des barbares 5-
T. I, p. 45. L'efprit de commerce y efl: aélif & en--
treprenant , p. 47.
Juifs , ancien état du commerce &; de la navigation da?
ce peuple > T. J > p. lu
D E s M A T I E R E s. • 49?^
L.
L^acs, d'une étendue extraordinaire dans l'Amérique fep-
tentnonale,' T. II, p. 121.
las Ca/ast (Barthélemi) retourne d'Hifpaniola en Efpa-
gne pour plaider la caufe des Indiens j T. II , p. 73.
Eft renvoyé avec des inftrudions par le cardinal Xime-
nès , p. 74. Son raécontencement , p. 80. Il obtient
l'envoi d'une nouvelle commilTion, p. 83. Propofe le
- projet -de fournir les coloiTies de Noirs , p. 84. Entre-
prend une nouvelle colonie, p. 87. Son entretien avec
l'évêque de Darien en préfence de Charles -Quint ,
p. 92. Part pour l'Amérique pour y mettre fes projets
§n exécution, p. 65. Obftacies qu'il rencontre, p. 9g-,
Son projet échoue eiiûerement , p. 100.
Lery, fon récit du courage Ôc de la férocité des Tapi-
nambous ; T. II , p. 463.
Louis, (Saint) roi de France, envoie une ambsflade ai|
Kan des Tartares i T. I , p. 54*
Lozano, fon récit fur la manière de faire la guerre parmi
les habitans du Grand Chaco j T. H , p. 462.
M,
Sviadere, (VIHq de) découverte; T. I, p. 74.
Madoc , prince du pays de Galles , liiHoire de fon voyage
; & de fa découvsite de i'Ainédque feptentrionale exa-
. minée j T. I , p. 303.
Magel/an, (Ferdinand) fju ré:it de la taille gjgantefque
r des Patagoiis, T. H, p. £13. L'exiftence de cette ra-
. ce de géans n'elt pas encore prouvée, p. 214 & 215.
Maiideyille , (Jean) fes voyages en orient a & manière
dont il a écries T. I, p. 57.
Marc-Paul sVémitn., fes voyages extraordinaii'es daas
l'occident, T. I , p. 55,
Marejî, (Gabriel) fon récit du pays qui fe trouve entre
les IL'iiio.'s & les .-\I.icliiili.nalduacs i T. II , p. 456.
^493^ TABLE
Marinus de Tyr, faufîe pofition qu'il a donnée à la Chi-
ne ; T. I , p. 290.
Martyr^ (P.; fon fentiment fur la première découverte ds
l'Amérique; T. I, p. 308.
Médecine^ pourquoi jointe en Amérique à la, forcellerie;
T. II, p. 361.
Métaux utiles» étoient inconnus aux peuples de l'Amé-
rique; T. II, p. 265.
Mexicains^ récit qu'ils font de leur origine comparé avec
les découvertes poftérieures ; T. II , p. l'^S»
Michel^ (Je golfe de Saint) dans la mer du fud, décou-
vert par Baiboa ; T. lî, p, 48,
Montefim , Dominicain à Saint - Domingue , fait des re-
montrances publiques contre la manière cruelle dont o»
y traitoit les Indiens ; T. II , p. 6^*
Montezume ^ première nouvelle que les Eslpagnols reçoi-
vent de ce prince; T. II, p. 112.
Moufons , leur cours périodique j quand découvert pffiC
les navigateurs ; T. I , p. 31,
N.
xSaicIies, peuple de l'Amérique, leurs inflîtutîons po-
litiques; T. II, p. 281. Caufe de leur obéifîance pafli»
ve pour les EfpagnolSj p, 288. Leur culte religieux»
P* 353*
NavigaiioK , les progrès qu'on a fait dans cet art ont été
fort lents; T. I, p. 2. A été connue avant la commu-
nication entre les peuples , p. 3. Imperfeé^ion de la|
navigation chez les anciens, p. 6. La conaoliTance de^
la boufîble a plus fervi à la peifeélionner que tous les
efforts des fiecles précédens, p. 58c Le premier pian'
régulier de découverte conçu par les Portugais , p. 64,
Nouvelle Efpagne découverte & nommée ainfî par Grijal-
va; T. II, p. III. Voyez Mexique,
Nouvelle Hollande^ récit fuccint de ce pays & de fes ha*
bicuns ; ï. II , p. 455.
D E s M A T I E R E s. 499
Nîgm , CAl'jnzo) fon voyage en Amérique 5 T. I , p. 235,
Norvégiens^ il fe peut que ce peuple ait paflTé aicieniie-
ment en Amérique & qu'il y ait établi des colonies;
T. I, p. 3')6,- T. Il, p. 171.
O.
\J camps , (Diegue) expédié avec une efcadre d'Hifpanîo
la pour ravager la province de Cumana; T. Il, p»
98 - 100.
Ocampo , (Sebaftien de) fait le premier le tour de Cuba &
découvre que c'efl: une ifle; T. II, p. 20*.
Océan , QV ^ quoique deftiné à faciliter la communication
entre les pays éloignés , a paru longtems une barrière
immenfe } T. I , p. 2. Voyez boufale & navigation.
Q'ecfa , (Alonzo de) fon expédition particulière aux Indes
orientales; T. I, p. 234. Son fécond voyage, p. 250»
Obtient un gouvernement fur le continent j T. II, p. 25»
Oifeaiix, Ils s'éloignent (buvent â une grande diftance de'
la terre,' T. I, p. 138. Récit de ceux qui font naturels
^ à l'Amérique; T. II, p. 142,
■}<Orenoque , (la grande rivière de !') découverte par Chrift*
Colomb ; T. I j p. 217. Méthode extraordinaire de choi-
fir un chef parmi les peuples qui habitent les bords de
cette rivière , p. 316. Quantité furprenante de poilToa
qui s'y trouve, p. 451.
Olahiti , les habitans de cette iOe ignorent Tart de faire
bouillir de l'eau ; T. II , p. 473.
Ovando , (Nicolas de) efl: fait gouverneur d'HiPpamola ; T^
I, p. 250. Mefures prudentes qu'il prend, p. 252. Re«r
fuie de recevoir Colomb lors d^ fon quatrième voyage ,
p. 259. Conduite peu gàiéreufe qu'il tient av£cColoml>
lorfqu'il fit naufrage , p, 265. Le reçoit enfin & le ren-
voie en Efpagoe , p. 272. Fait la guerre aux Indiens i
T. II, p. 3. Manière cruelle dont il les traite, p» 6»
Encourage la culture ik les manufactures , p. iit Rufe
5po TABLE
dont il fe feit pour attirer les habitnns des ifles Ln-
cayes , p. 17. Eft rappelle , p. 22.
P.
jranama. Pedrarias Davîla y établit une colonie $ T. II ,
p. 62.
Parmanlde eft le premier qui ait divifé la terre par zones ;
T. I, p. 287.
Patagons^ L'exiftence de leur taille gîgantefque u'eft pas
, encore conftatée î T. II, p. 214,440.
Pedrarias- (Daviia) eft envoyé avec une ftotte pour fuccé-
der àBalboadans Ion gouvernement de Sainte-Marie far
rifthme de Darien ; T. II, p. 51. Ses divifions avec
Balboa , p. 55. Conduite avide de Tes troupes , p. 57.
Se réconcilie avec Balboa & lui donne fa fille j p. 58.
Condamne & fait exécuter Balboa , p. 60. Tranfporte fa
colonie de Sainte -Marie k Panama, p. 62.
Penguîn, le nom de cet oifeau ne dérive point du Gal-
lois} T. I, p. 305»
Pérès , CJuan) protège Colomb à la cour de Caftille 5 T. I s
p. 120. Il invoque publiquement le ciel pour le fuccès
du voyage de Colomb , p. 132.
Périple dTlannon , authenticité de cet ouvrage juftifiée ;
T. I, p. 275.
Pérou, Vafques Nugnès de Balboa reçoit le premier avis
fur ce royaume î T. II, p. 41.
Pierre le Gracie! , \aiïes plans de ce prince pour continuel
les découvertes en Afie; T. II, p. 161.
Phéniciens, Canciens} état du commerce & dé la naviga-
tion parmi ce peuple 5 T. I, p» 9. Route qu'ils pre-
noient pour faire leur commerce, p. 27^.
Pinlo, (le chevalier) fa defcription des traits caracflérifti-
ques des Américains j T. II, 437 & 440.
Pinfon, (Martin & Yanez) commandent chacun un vaif-
feau fous Colomb k fon premier voyage j T. I, pt 130,
D E s M A T I E R E s. 501
Le dernier découvre Yucatan j T. Il , p. 19.
JP/^^rr^ , r François) accompagne Balbozi dans fon établiffe-
ment de riflhme de Darien j T. II, p. 31. Le iiiic au
travers de i'ifthme oii ils trouvent la mer du rud,p.43.
riata , C la rivière de la ) découverte par Diaz de Solis i
T. II, p» 63. Sa largeur extraordinaire, p, 414,
Pline , ( le naturalifte ) preuve de fon ignorance dans la
géograpliie ,* T. I, p. 285.
JPoiice de Léon , (Juan) découvre la Floride ; T. II, p. 35.
Motif romanefque de fon voyage , p. 37.
Population de la terre s'e'l faite lentement ; T. I , p. r.
Porto Bello découvert & nomme ainfi par ChriHoplie Co-
loiiîb ; T. I. p^ 252.
Porto- Rico i (iûe de) foumife par Juan Ponce de Léon, qui
y forme un établiffe ment j T. II, p. î8.
Porto 'Sanîo, première découverte de cette ifle; T. I.
V' 73»
Portugal, quand & par qui l'Inquifition fut introduite
dans ce royaume ,* T. I , p. 2,89.
Portugais , motifs qui les ont engagés à tenter la décou-
verte des pays incomius; T. I, p. 64, 67, Leurs pre-
mières découvertes en Afrique, p. 70. Découverte de
Madère , p. 74. Ils doublent le cap Bojador , p. 7(3. Ob-
tiennent une conceffion du pape pour tous les pays
qu'ils poiuroient découvrir, p. 80. Découverte des iflss
du Cap-veud & des Açoies, p. 83. Voyage de Yafco
de Gama aux Indes orientales , p. 228.
Pïifonnlers de guerre, comment traiiés par les Ainsri-
cains,* T, II, p. 305.
Propriété: Les Américains n'en ont aucune idée; T. Il,
p. 270. Notions qu'en ont les Bréfiliens , p. 457.
Ptoîomée, (le pbilofophe) fes defcriptions géographiques
font plus. circonflanciées & pbs exactes que celles de
fes prédéceffeurs ,• T. I, p. 40. Sa géographie traduite
par I.es Arabes , p. 45, Fauife pofîtiou qu'il donne au
Gange , p. 283.
go2 TABLE
Q.
xj^î/eycdo, dvêqus du Dnrien , fa conférence avec Las
Cafas en piéfence de l'eiTipeieur Charles - Quint , fur la
inaniere de traiter les Indiens,* T. Il, p. 92.
R.
R^w?//?o , fa défenfe du récit qu'Hannon fait de la côte
d'Afrique; T. 1, p. 277.
Relighm^ recherches fur celle des Américains; T. II,
p. 342.
Ribas, fon récit de l'état politique du peuple de Cinaloa ;
T. II , p. 459'
Rivières, grar.deur extraordinaire de celles d'Amérique,*
T. IL p. 121.
Rohifon , (le profefieur") fes remarques fur la température
de difFérens climats; T. II, p. 417.
Roldan, CFumçois) eft nommé juge fuprême d'Hifpaniola
par Chrill. Colomb , T. I , p. 208. Se fait chef d'une
révolte, p. 221. Se foumet, p. 224.
Romains , leurs progrès dans la navigation & les décou-
vertes ; T. I. p. 28. Leur elprit militaire s'oppofe aux
progrès des arts méchaniques & du commerce, p. 29.
Ils protègent le commerce & la navigation dans les
provinces 5 p. 30. Leurs grandes découvertes par terre ,
p. 33. Leur empire & les fciences périlTent en même
tems , p. 40.
Ruhrvquis 9 Qle père) fon ambaffade de France auprès du
Kan des Tartares ,• T. I , p. 54.
Rufes^ leurs découvertes en Afie; T. II, p. 161. Incerti-
tude à cet égard , p. 432.
S
S.
an-Salvador , découverte & ainfi nommée par Chr. Co-
lomb ; T. I, p. 149.
Sauvages^ idée générale de leur caradere; T. II j p. 380»
DES MATIERE S. 503
Sîralon , citation de cet auteur qui prouve la grande igno-
rance des an-ciens dans h géographie ,• T. I, p. 280. Il,
étoit lui-même peu yeifé dans cett^ fcience , p. 287. .
Sud ^ Oa mer du) découverte par Vafquès Nugnès de Bal-
boa , T. II, p. 48.
SL'p£rfiaw!2 , povtéQ à percer dans les fecrets de l'avenir ,•
T. II, p. 360.
T.
l.ûrtares, pôiTibir-té de leur émigration en Amérique;
T. II, p. ïôj.
Terre ' ^^euye , defciiption d€ fa fituation; T. II, p. 416.
Tophiamhous ^ récic de leur courage féroce par Lery, T.
II, p. 463.
TrlnUé^ (.fie de la) découverte par Chrifl:. Colomb à fon
troifieme voyage ; T. I , p. 217.
Tyr , commerce de cette ville , comment conduit ; T. 1 9
p. 276,
V.
y afer ^ (Lionel) fon récit d'une race particulière d'A--
médcains j T, II , p* 20S. Comparée avec une fembia-
ble race de l'Afrique, p. 210.
Végétaux , fertiiifent naturellement le fol où ils croifîent ,*
T. II, 146V
Veïufquès, (Diego de) foumec llfîe de Çubaj T. Il,
p. 34 & 103.
Venegas , ( P. ) fo" récit du caraélere des Californiens ;
T. II, p. 443.
Vénérienne^ (maladie) vient originairement de l'Améri-
que ; T. II. p. 219. Paroît diminuer , p. 220. Ses premiers
progrès rapides , p. 442.
Venîfe . fon origine comme état maritime; T. I, p. 49.
Voyages de Marc - Paul , p. 55.
Vents alifés ^ Xqwïs Qomà périodiques : quand découverts
par les navigateurs ,• T. I , p. 3ï»
504 T A B L E , &c,
Vird 5 (les iîlcs du cap} découvertes par les Poitugak ,•
T. il, p. 83.
Vllca^ (Don Antoine de) fa defcription des traits carac-
téiiftiques des Américains ; T. II , p. 43^. Raifons qu'il
donne pourquoi les Américains ne font pas fi fenfibles à
la douleur que les autres hommes, p. 467.
Volcajis , grand nombre que les Ruflès en ont découvert
dans la partie feptentrionale du globe ,• T. II , p. 435.
Voyageurs p (anciens) leur manière d'écrire,- T. I, p. sf,
^t^imenès j (le cardinal) fes réglemens fur la manière de
traiter les Indiens dans les colonies Efpagnoles; T. II,
P.74. ^
1 ucatan , ( la province de ) découverte par Pinfon &
Diaz de Solis, T. II, p. 19. Defcription de ce pays,
p. 413.
2y/#?. Les Américains y font fort enclins ; T. II , p. 372.
Z.
dLàOnes (la teire divifée en) par les anciens géographes ^^
T. I5 p. 37» Par qui en premier lieu , p. 284.
Fin de la TdbU des Matières au premier & du fécond
Folnme,
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