Skip to main content

Full text of "L'histoire de l'Amérique"

See other formats


■S:- 


^ 


r^', 


Y 


fl^v  '' 


k% 


'-.■if' 


HISTOIRE 

D  E 

L'AMÉRIQUE. 

TOME    SECOND. 


A— ^     r>    T   V^ 


r^     r 


e   " 


HOC  ::  -^    ^  î^  o  T 


HISTOIRE 

D  E 

L'AMÉRIQUE. 

Tar  M.  RoBERTSOK/Doclfî/rer;  Tlmh- 
gie^  Principal  de  VUniverfité  d'Edimbourg  y 
&  Hijloriographe  de  Sa  Majefié  Britanni^ 
que  pour  VEcoJfg. 

NOUVELLE    EDITION, 

revue,  corrigée  &  augmentée  d'sprés  la  fecouds 

Edition  Angloife  &  enrichie  des  Cartes 

BéceiTaires. 

TOIVÎESECOND, 


?i 


w<^ 


f  %^  M  ^/  * 


« 


G» 


^    AMSTERDAM:, 

Chez     E.     VAN     HARPvEVELT. 

i^/  D  jC   C  i    ^  ^  /  X 


!*• 


^>w  Pz/y^tf  de  N,  S,  Us  Etais  de  UoUandc  &  ds  fFcJI-frifs, 

J 


■^^DAWS^IS'ii' 


H  ISTOI  RE 

D  E 

L'AMÉRIQUE. 


îaBB 


LIVRE   TROISIEME. 

A.  AN  DIS  que   Colomb  étoit  occupé  à    ■— ^ 
foD  dernier  voyage ,  Tifle  d'Hifpaniola  fur  ^^v,  m. 
le  théâtre  de  pluûeurs  événemens  remar-  Etat  dâ  la 
quables»     La  colonie  Efpagnole,  le  mode  à  HispL 
k  &  la  fource  de  tous  les  établiflemens  "^^^** 
poUérieurs   que  PEfpagne  a  faits  dans  le 
nouveau  monde  ,   acquéroit  par  degrés  la 
forme  d'une  fociété  régulière  &  floriflante. 
Les    foins    pleins  d'humanité  que  prenoit 
Ifabelle   pour    garantir  de  roppreflîon  le» 
malheureux  Indiens,  &  l'ordonnance  en  par- 
ticulier par  laquelle  il   étoit   défendu  aux 
Efpagnols  de  les  forcer  à  travailler,  retar- 
dèrent, i!  eH  vrai,  pour  quelque  tems  les 
Terne  IL  A 


2  Histoire 

■»5"  progrès  de  l'induftrie.  Les  naturels  regar- 
^1504!^*  dant  rinadtion  comme  la  fuprême  félicité, 
méprifoient  toutes  les  récompenfes  &  les 
carefles  par  lefquelîes  on  cherchoic  à  les  en« 
gager  au  travail.  Les  Efpagnols  n'avoient 
pas  afifez  de  bras  pour  cultiver  la  terre. 
Plufîeurs  des  premiers  colons  ,  accoutu- 
més au  fervice  des  Indiens,  abandonnèrent 
rifle  lorfqu'ils  fe  virent  privés  des  indru» 
mens  fans  lefquels  ils  ne  lavoient  rien  faire, 
Plufieurs  de  ceux  qui  étoient  arrivés  avec 
Ovando  furent  attaqués  des  maladies  par» 
ticulieres  aa  climat  ,  &  dans  un  court  in- 
tervalle il  en  périt  plus  de  mille.  En  mê- 
me tems  la  demande  d'une  moitié  du  pro-^ 
duit  des  mines,  exigée  pour  la  part  du  fou- 
verain ,  parut  une  condition  C  onéreufe  que 
perfonne  ne  voulut  plus  s'engager  à  les  ex- 
ploiter à  ce  prix.  Pour  fauver  la  colonie 
d'une  ruine  qui  paroiflbit  inévitable,  Ovan- 
Ï505.  do  prit  fur  lui  de  modérer  la  rigueur  des 
ordonnances  royales.  Il  fit  une  nouvelle: 
diflribution  des  Indiens  entre  les  Efpagnols, 
&  les  força  de  travailler  pendant  un  certain 
tems  à  creufer  les  mines  ou  à  cultiver  la 
terre  ;  mais  pour  empêcher  qu'on  ne  Tac-  ! 
cufât  de  les  avoir  fournis  de  nouveau  à  la 


D  E   l'A  m  e  II  î  q  u  e»  3  / 

fervitade  ,    il.  ordonna  à  leurs  maîtres  de  WÈêSl 
leur  payer  une  certaine  fomme  pour  le  fa-  ^\^'Jf* 
laire  de  leur  travail.  Il  réduifit  la  part  du 
fouverain  fur  l'or  qu'on  tireroit  des  mines, 
de  la  moitié  au  tiers  &  peu  de  tems  après 
au  cinquième  ,  oii  elle  refla  longtems  fixée. 
Malgré  la  tendre  foliicitude  d'ifabelle  pour 
adoucir  le  fort  des  Indiens,  &  le  defîr  ar* 
dent  de   Ferdinand  pour  augmenter  le  re- 
venu public  ,  Ovando  perfuada  à  la  cour 
d'approuver  ces  nouveaux  réglemens  (i). 
Les  Indiens  qui  venoient  de  jouir ,  quoi-    Guerr» 

,  .  1,      ,  .  j     avec  des 

que  pendant  un  mtervalle  "bien  court  ,  du  indiens, 
plaifir  d'échapper  à  l'oppreflion,  trouvèrent 
alors  (î  intolérable    le  joug  de  l'efclavage 
qu'ils  firent  plufieurs  tentatives  pour  recou-  ^ 

vrer  leur  liberté.  Les  Efpagnols  traitèrent 
ces  efforts  de  rébellion  &  prirent  les  armes 
pour  les  réduire  à  la  fourni  (lion.  Lorfqu'une 
guerre  s'élève  entre  des  nations  qui  fe  trou- 
vent dans  un  état  de  fociété  à  peu  près 
femblable  ,  les  moyens  de  défenfe  font  pro- 
portionnés à  ceux  d'attaque  ;  dans  cette 
querelle  à  force  égale  ,  les  efforts  qui  fe 
font  de  part  &  d'autre ,  les  talens  qui  dé- 


CO  Hsrrera ,  decad,  i ,  lïb,  V^  cap,  3, 

A  2 


4  Histoire 

ploknt  leur  adlivité  &  les  Daffionsquife  dé 
II. 
1505 


Lw.  iiL  veloppent ,  peuvent  préfenter   l'humanité 


fous  un  point  de  vue  auflî  curieux  qu'inté- 
reiTant.  C'eft  une  des  plus  nobles  fondions 
de  rhiitoire  que  d'obferver  &  de  peindre 
les  hommes  dans  les  fituations  oli  les  âmes 
font  le  plus  violemment  agitées  &  oîi  tou- 
tes leurs  facultés  font  mifes  en  mouve- 
ment :  auffi  les  opérations  ôc  le  conflit  de 
la  guerre  encre  deux  nations  ont -ils  été  re- 
gardés par  les  hiftoriens,  tant  anciens  que 
modernes  ,  comme  un  objet  important  &  ca- 
pital dans  les  annales  du  genre  humain.  Mais 
dans  une  querelle  entre  des  fauvages  entiè- 
rement nuds  &  une  des  nations  les  plus  bel- 
liqueufes  de  l'Europe  3  oii  la  fcience,  le  cou- 
rage &  la  difcipline  étoient  d'un  côté,  &  la 
timidité,  l'ignorance  &  le  dé  Tordre  de  l'au- 
tre, un  détail  circonflancié  des  événemens 
feroit  auffi  peu  agréable  qu'inflrudif. 

Si  la  fimplicité  &  Pinnocence  des  Indiens , 
éveillant  l'humanité  dans  le  cœur  des  Efpa- 
gnols ,  euflent  tourné  en  un  fentiment  de 
pitié  l'orgueil  de  la  fupériorité  &  les  euffent 
engagés  à  inflruire  les  habitans  du  nouveau 
monde, au  lieu  de  les  opprimer,  l'hiftorien 
pouuoit  raconter faus  hoi'reiir  quelques^- 


D  E    L'A  M  E  R  I  q  U  E.  jT 

tes  de  violence  qui  refFembîeroieot  au:^ 
châtimens  trop  rigoureux  infligés  par  des 
maîtres  impatiens  à  des  élevés  indociles. 
Mais  malheureufement  ce  fentiment  de  la 
fupériorité  s'exerça  d'une  manière  bien  dif- 
férente; les  Efpagnoîs  avoient  tant  d'à  van* 
tages  de  toute  efpece  fur  les  naturels  de 
l'Amérique  qu'ils  les  regardoient  avec  mé- 
pris ,  comme  des  êtres  d'une  nature  infé- 
rieure, pour  qui  les  droits  &  les  privilèges 
de  rhumanitc  n'étoient  pas  faits.  Dans  la 
paix  ils  les  fournirent  à  l'efcîavage  ;  dans  la 
guerre  ils  n'eurent  aucun  égard  à  ces  loix 
qui ,  par  Une  convention  tacite  entre  les  na- 
tions ennemies  3  règlent  les  droits  de  k 
guerre  ,  &  mettent  quelques  bornes  à  fes 
fureurs.  Les  Américains  ne  furent  point 
traités  comme  des  hommes  qui  combattent 
pour  défendre  leur  liberté  ,  mais  comms 
des  efclaves  révoltés  contre  leurs  maîtres. 
Ceux  de  leurs  Caciques  qui  tomboient  en- 
tre les  mains  des  Efpagnoîs  étoient  con«» 
damnés  comme  des  chefs  de  brigands  aux 
plus  cruels  &  aux  plus  infâmes  fupplices; 
&  tous  leurs  fujets ,  fans  aucun  égard  aus 
rangs  établis  parmi  eux,  étoient  également 
réduits  à  la  plus  abjede  fervitude,  C'elia.-» 

A3 


Liv.  IIL 

1505» 


^  Histoire 

9ÊÊÊÊ  vec    de  femblabîes   dispofitions    que   l*on 
^1^05!^'  attaqua  le  Cacique  de   Higuey  ,  province 
fituée  à  l'extrémité  orientale  de  Tifle.  Cet- 
te guerre  fut  une  fuite  de  la  perfidie  des 
Elpognols  qui  violèrent  le  traité  qu1ls  a- 
voient  fait  avec  les  naturels  ;  &  elle  fe  ter- 
mina par  le  meurtre  du  Cacique  ,  qui  fut 
pendu  pour  avoir  défendu  fon  peuple  avec 
une  bravoure  fupérieure  à  celle  de  fes  com- 
patriotes &  digne  d'un  meilleur  fort  (1). 
Conduite      Ovando  fe  comporta  dans  une  autre  par- 
perfide^  ^^^  de  l'ifle  d'une  manière  encore  plus  cru» 
^T)v3a-    elle  &  plus  perfide.  La  province  qu'on  ap- 
^    pelîoit  anciennement  Xaragua  ,  &  qui  s'é- 
tendoit  depuis  la  plaine  fertile  oU  Léogane 
eil  aujourd'hui   fitué  ,  jufqu'à   l'extrémité 
occidentale  de  l'ifle,  étoic  foumife  à  la  do- 
mination  d'une  femme  nommée  -Anacoana, 
chérie  &  refpeQée   de  fes  fujets.  Par  une 
fuite  de  ce  goût   de  préférence   que   les 
femmes  d'Amérique   avoienc  pour  les  Eu- 
ropéens &  dont  on  expliquera  la  caufe  dans 
la  fuite,  Anacoana  avoit  toujours  recher- 
ché l'amitié  des  Efpagnols  &  les  avoit  com- 
blés de  bons  offices;   mais  quelques-uns 


CO  Herrera  {îecad.  i ,  Uh»  F/,  eap.  9,  10. 


D  E    L*A  M  E  R  I  Q  xr  E.  f 

des  partifans  de  Roldan  s'étant  établis  dans  5?55 
fon  pays ,  furenc  tellement  irrités  des  moyens  1533.  ' 
qu'elle  prit  pour  réprimer  leurs  excès,  qu'ils 
i'accuferent  d'avoir  formé  le  deflein  de  fe- 
couer  le  joug  &  d'exterminer  les  Efpa- 
gnols.  Ovando  ,  quoique  bien  perfuadé  du 
peu  de  confiance  que  méritoic  le  témoigna- 
ge de  ces  hommes  corrompus,  marcha  fans 
autres  informations  vers  Xaragua  avec  trois 
cens  hommes  d'infanterie  &  foixance-dix 
cavaliers  ;  mais  pour  empêcher  que  cette 
expédition  militaire  ne  répandît  d'avance 
Talarme  parmi  les  Indiens,  il  annonça  que 
fon  intention  étoit  de  faire  une  viGte  ref- 
peûueufe  à  Anacoana,  à  qui  les  Efpagnols 
avoient  tant  d'obligation  ,  &  de  régler  a* 
vec  elle  la  manière  donc  on  leveroit  le  tri- 
but exigé  pour  le  roi  d'Efpagne.  Anacoana, 
s'empreflant  de  traiter  un  hôte  fi  diftingué 
avec  les  égards  qui  lui  étoient  dûs,  aflem- 
bla  les  hommes  les  plus  diflingués  de  fes 
domaines ,  au  nombre  de  trois  cens  ;  &  s'a- 
vançant  à  leur  tête,  fui  vie  d'une  foule  nom- 
breufe  des  autres  habitans  ,  elle  reçut  O* 
yando  a-u  milieu  des  chants  6c  des  danfes, 
félon  la  coutume  du  pays ,  &  le  conduifin 
enfuite  dans  le  lieu  qu'elle  habitoit.  Il  y  fat 

A4 


8  Histoire 

—  traité  pendant  quelques  jours  avec  tous  les 
^ijo-i"*  ^^^^^  ^^  ^^  fimple  hofpitaîité  ;  elle  l'amu- 
foit  des  jeux  &  des  fpedaclesen  ufagechez 
les  Américaios  dans  les  occaûons  de  fête  & 
de  réjouilTance.    Au  milieu  de  la  fécurité 
que  cette  conduite  infpiroit  à  Anacoana  , 
Ovando    méditoit  la  dellrudlion  de  cette 
reine  trop  peu  défiante  &  de  fon  peuple , 
&  la  barbarie  de  fon  projet  ne  peut  être 
égalée  que  par  la  baffe  perfidie  avec  laquel- 
le  il  Texécuca.  Sous  prétexte  de  donner  aux 
Indiens  la  repréfentation  d'un  tournois  Eu- 
ropéen, il  s'avança  avec  fes  troupes  ran- 
gées en  bataille,  vers  la  maifon  oli  étoienc 
affemblés  Anacoana  &  les  chefs  de  fa  fuite. 
L'infanterie  s'empara  de  toutes  les  avenues 
qui  conduifoient  au  village,  pendant  que  la 
cavalerie  inveftiffoit  la  maifon.  Ces  raouve* 
mens  n'excitèrent  d'abord  que  l'admiration 
fans  aucun  mélange  de  crainte,  jufqu'à  un 
lignai  qui  avoit  été  concerté:  les  Efpagnoîs 
tirèrent  tout  à  coup  leurs  épées  &  fondirent 
fur  les  Indiens  fans   défenfe    &  étonnés 
d'une  trahifon  à  laquelle  ne  pouvoient  pas 
s'attendre  des  hommes  fimples  &  confians. 
On  s'afTura  auflitôt  d'Anacoana.  Tous  ceux 
qui  la  fuivoient  furent  faifis  &  chargés  de 

liens  ; 


DE    L*A  MER  I  QUE.  :P 

liens  V  on  mit  le  feu  à  la  maifon,  &  fans  "SBI 
examen  ni  preuves,  tous  ces  infortunés  qui  ^'^q^^' 
étoient  les  perfonnes  les  plus  confidérables 
du  pays,  furent  confumés  par  les  flammes. 
Anacoana  fut  réfervée  à  un  deftin  plus  igno- 
minieux.    On  la   tranfporta    enchaînée    à 
Saint-E>omingue3  oh  après  la  formalité  d'u- 
ne procédure  faite  devant  les  juges  Efpa- 
gnols  5  elle  fut  condamnée  à  être  pendue 
publiquement  fur  le  témoignage  d-es  mêmes 
hommes  qui  Favoient  trahie  (i). 
Intimidés  &  humiliés  par  le   traitement  .  RMitr^ 

,  «  .^  .      ^  -  .  .  p    tion  des 

atroce  qu  on  faifoit  lubir  aux  princes  &  indes.  c« 
aux  perfonnages  les  plus  refpedtés  du  pays  yj^^f^i^^ 
les  habitans  de  toutes  les  provinces  d'Hi- 
fpanioîa  fe  fournirent  fans  réûftance  au 
joug  des  Efpagnols^  A  la  more  dlfabelle^ 
tous  les  réglemens  qu'elle  avoit  faits  pouç 
adoucir  la  rigueur  de  leur  fervitude  furenc 
oubliés.  Gn  retira  la  petite  gratification? 
qu'on  leur  payoit  comme  le  faîaire  de  leur 
travail ,  &  en  même  tems  on  augmentai 
les  charges  qu'on  leur  impofoit.    Ovanda 


0)  Oviedo,  Vb.  lîl.,   c,  12.  Herrera  dec.  r,  /ï7v  Ff-y 
i.  4.  Relacionm  de  defiray€,  de  las  ImSas  pa¥   Bait»  ds  La^ 

♦       A  5 


'^lo  Histoire 

'— ^  n'étant  plus  retenu  par  rien ,  partagea  les 
^%o6!'  ^^^^^^^  ^^trs  ^es  amis  dans  toute  l'ifle. 
Ferdinand  ,  à  qui  la  reine  avoit  laiffé  par 
fon  teflament  une  moitié  du  revenu  pro- 
venant des  établifiemens  du  nouveau  mon- 
de 5  accorda  à  fes  courtifans  des  conceflions 
du  même  genre,  qu'il  regardoit  comme  la 
manière  la  moins  onéreufe  de  récompenfer 
leurs  fervices.  Ceux-ci  afFermoient  les  In- 
diens dont  ils  étoient  devenus  les  proprié- 
taires, à  leurs  concitoyens  établis  à  Hifpa- 
BÎola  ;  ces  peuples  malheureux  étant  con- 
traints par  la  force  de  fatisfaire  la  rapaci- 
té des  uns  &  des  autres  ,  les  exadions  de 
leurs  opprefîeurs  n'eurent  plus  de  bornes. 
Mais  cette  police  barbare,  quoique  funede 
aux  habitans  de  l'ifle  ,  produiiît  pendant 
quelque  tems  des  effets  très  -  avantageux 
aux  Espagnols.  En  raffemblant  ainfi  les 
forces  d'une  nation  entiers  pour  les  diri- 
ger vers  un  même  objet ,  on  parvint  à 
poufler  l'exploitation  des  mines  avec  une 
rapidité  &  un  fuccès  prodigieux.  Pendant 
plufieurs  années  l'or  qu'on  apportoit  aux 
fontes  royales  d'Bifpaniola  montoit  à  qua- 
tre cents  foixante  mille  pezos  par  an,  C^^n- 
viron  deux  millions  quatre  cents  raille  livres 


DE    L*A  M  E  R  I  QUE.  II 

tournois) ,  ce  qui  doit  paroître  une  fom-  bbëç 
me  prodigieufe,  fi  Ton  fait  attention  à  la  ^'jl,^j^' 
grande  augmentation  de  valeur  que  l'argent 
a  acquife  depuis  le  commencement  du  fei- 
zieme  fiecle  jufqu'à  ce  moment -ci.  On  vit 
des  colons  faire  tout  à  coup  des  fortunes 
immenfes,  &  d'autres  diffiper  auffi  rapide- 
ment par  une  faftueufe  profufiun  les  tré- 
fors  qu'ils  avoient  amafîes  avec  tant  de  fa- 
cilité. Attirés  )par  cet  exemple,  de  nou-  . 
veaux  aventuriers  fe  portèrent  en  foule  en 
Amérique  ,  impatiens  de  partager  les  tré- 
fors  qui  enrichiflbient  leurs  compatriotes, 
&  la  colonie  continua  de  s'accroître  mal- 
gré la  mortalité  qu'y  occafîonnoit  Pinfalu* 
brité  du  climat  Qi). 

Ovando  gouvernoit  les  Efpagnols  avec  Progrès 
une  fageiïe  (Se  une  juftice  peut-être  égale  lo^nîe/^" 
à  la  cruauté  avec  laquelle  il  traitoit  les  In- 
diens. Il  établit  des  loix  équitables,  &  ea 
les  faifant  exécuter  avec  impartialité,  il  ac- 
coutuma la  colonie  à  les  refpedler.  11  fonda 
pluûeurs  villes  nouvelles  en  différentes  par- 
ties de  riile,  &  y  attira  des  habitans  par  la 
concelTion  de  divers  privilèges.    Il  chercha 

(i)  Herrera  dec*  i ,  /;^.  H ,  c.  i3.  &c* 

A  6 


12  H  I  s  T  O  I  R  E 

'ÊÊÊÊÊÊ  les  moyens  de  porter  Tattention  des  Efpa- 
^ilo6?'  gnols  vers  quelque  branche  d'induitrie  plus 
utile  que  celle  de  chercher  de  Tor  dans  les 
mines.  Quelques  cannes  de  fucre  ayant  été 
apportées  des  ifles  Canaries  ,  dans  la  vue 
feulement  de  faire  une  expérience  ,  la  ri- 
chelTe  du  fol  &  la  fertilité  du  climat  paru- 
rent fi  favorables  à  cette  culture  qu'on  fon- 
gea*bientôt  à  en  faireun  objet  de  commer- 
ce. On  vit  fe  former  de  ^vsfles  planta* 
tions  ;  on  établit  des  moulins  à  fucre ,  que 
les  Efpagnols  appélloient  ingenîofe ,  à  caufe 
de  leur  méchanifme  compliqué;  enfin  en 
peu  d'années  la  fabrication  du  fucre  fut  la 
principale  occupation  des  habitans  d'Hifpa- 
niola  &  la  fource  la  plus  abondante  de  leur 
lichefle  (î}. 

Les  fages  mefures  que  prenoit  Ovando 
pour  accroître  la  profpérité  de  la  colonie 
furent  puifîamment  fécondées  par  Ferdi- 
nand.  Les  fommes  confidérables  que  ^cé 
prince  recevoit  du  nouveau^  monde  lui  ou- 
vrirent enfin  les  yeux  fur  l'importance  d^ 
ces  découvertes ,  qu'il  avoit  jufqu'alors  af- 
fedé  de  regarder  avec  dédain.  Il  étoit  par* 

*— ■ — -     ■■ ■ ' ■   ■        n    ■«■■    I  I      *  ■-  .     >■— -A 


D  E    L'A  M  E  R  I  Q  U  Ë.  I3 

venu  par  fon  habileté  &  par  des  eirconftan-  g"°qg 
ces  heureufes  à  furmonter  les  embarras  oii  ^^^-^h 
Tavoient  jette  la  niort  d'Ifabelle  &  fes  dif- 
putes  avec  fon  gendre  pour  le  gouverne- 
ment  des  états  de  cette  princeiTe  (i}.  Il 
employa  le  loidr  dont  il  JouilToit  à  s'occu- 
per des  affaires  de  l'Amérique  i  c'eilà    fa 
prévoyance  &  à  fa  fagacité  que  l'Efpagne 
doit  pkiOeurs  des  réglemens  qui  ont  formé 
par -degrés  ce  fyftême  de  politique  profon- 
de &  jaloufe3  par  lequel  elle  gouverne  ^es 
domaines  dans  le  nouveau  monde.  Il  établir 
un  tribunal  a  connu  fous  le  titre  de  Cafa  de 
contratation  ou  bureau  de  commerce ,  com- 
ppfé  d'hommes  diftingués  par  leur  rang  & 
par  leurs  talens ,  à  qui  il  confia  Tadminiflra» 
.tipn  des   affaires  Américaines.    Ce   bureau 
s'afTembloit  régulièrement  à  Seviile  &  exer- 
çoit  une  jurifdidion  particulière  6c  très  éten- 
due. Ferdinand  donna  une  forme  régulière 
au  gouvernement  eccléiîaftique  d'Amérique 3 
en  nommant  des  archevêques  ,   des  évê- 
ques,  des  doyens,  &  des  eccléfiaitiques  in- 
férieurs ,  pour  veiller  fur  les  Efpagnoîs  qui 
y  étoient  établis  ,  ainfi  que  fur  ceux  de% 


(O  Il'Jioirg  ^.  règne  â&  Charles  V^ 

Aï 


14  Histoire 

fc— 1   naturels  qui  embrafleroient  la  foi  chrétiea-' 
Liv.m.  jjg^  Mais,  malgré  la  déférence  &  lerefpedl 
de  la  cour  d'Efpagne  pour  le  (iege  de  Ro- 
me, Ferdinand  fencit  l'importance  d'empê- 
cher toute  puillance  étrangère  d'étendre  fa 
jurifdidtion  ou  fon   influence  fur  fes  nou- 
veaux domaines  ;  en  conféquence  il  réfer- 
va  à  la  couronne  d'Efpagne  le  droit  exclu- 
lif  de  patronage  pour  les  bénéfices  de  l'A- 
mérique, &  Itipula  qu'aucune  bulle  ou  or- 
donnance  du  pape  n'y  feroit  promulguée 
qu'après  avoir  été  préalablement  examinée 
&  approuvée  par  fon  confeil.  Ce  fut  par  le 
tnéme  efprit  de  jaloufîe  qu'il  défendit  à  qui 
que  ce  fut  de  s'établir  en  Amérique,  ou 
d'en  exporter  aucune  efpece  de  marchand!^ 
fe ,  fans  une  permilîlon  Ipéciale  de  ce  mê^ 
me  confeil  (i}. 
Bhmnu-      Malgré  l'attention  que  ce  prince  donnolt 
pidVdû    ^  ^^  police  ëi  k  h  profpérité  de  la  colonie, 
membre  ^\\q  fe  trouva   menacée  par  un   accident 
iiieBs.      imprévu  d'une  deflru6lion  prochaine.    Les 
naturels  de  Tifle,  fur  le  travail  defquels  les 
Efpagnols  avoient  compté  pour  leur  fuccès 
&   même  pour  leur  exiflence  ^  fe  détrui- 

_  I       -  ■  I  I  I  III  ri 

0)  Herrera,  Oxad,  i,  Hb,  FI,  e,  19,  20, 


D  E   L*A  M  E  R  I  q  U  E»  I J 

foient  avec  tant  de  rapidité  que  Textinc  i— » 
tion  de  la  race  entière  paroiiïbit  inévitable.  ^^'  ^^^^ 
Lorfque  Colomb  découvrit  Hifpaniola,  on 
y  comptoit  au  moins  un  million  d'habi* 
tans  (i);  dans  Tefpace  de  quinze  ans,  ils 
fe  trouvèrent  réduits  à  foixante  mille.  Cet- 
te diminution  auffi  rapide  que  prodigieufe 
de  Pefpcce  humaine  réfultoit  du  concours  i 
de  différentes  caufes.  Les  naturels  des  ifles 
de  l'Amérique  étant  d'une  confiitution  plus 
foible  que  les  habitans  de  Tautre  hémifphè- 
re,  ne  pou  voient  ni  exécuter  les  mêmes  tra- 
vaux 5  ni  fupporter  les  mêmes  fatigues  que 
des  hommes  doués  d'une  organifation  plus 
vigoureufe.  L'indolence  &  Pinaâion  dans  la- 
quelle ils  fe  plaifoient  à  palfer  leur  vie  , 
étant  Teffet  de  leur  foibleife  &  contribuant 
en  même  tems  à  l'augmenter ,  les  rendoic 
par  habitude  autant  que  par  nature  incapa- 
bles de  tout  effort  pénible.  Les  alimens 
dont  ils  fublifloient  étoient  peu  nourrilfans  ; 
ils  n'en  prenoient  qu'en  petite  quantité  & 
cette  nourriture  n'étoit  pas  fufîifante  pour 
fortifier  des  corps  débiles  ôt  pour  les  met» 

(i)  Herrerft ,  decar!.  i ,  llb,  X ,  c  iz. 


16  Histoire 

^5Ëi  tre  en  état  de  foutenir  les  travaux  d*ur?e 
^Ko-f*  aflive  induftrie.    Les  Efpagnols  faifant  peu 
d'attention  à  cette  eonflitution  particulière 
des  Américains,  leur  iraporoient  des  tâches 
Il  difproportionnées  à  leur  force ,  qu'on  en 
voyoit  un    grand   nombre  fuceomber  à  la 
peine  &  périr  d'épuifement.    D'autres  s'a- 
bandonnant  au   défefpoir  terminoient  eux- 
mêmes  leurs  miférables  jours.     Une  partie 
de  ces  peuples  ayant  été  obligés  d'abandon^- 
ner  la  culture  des  terres  pour  aller  travail- 
ler dans  les  mines,  la  difette  des  fubfiftan- 
ces  amena  la^  famine  qui  en  fit  périr  ua 
grand  nombre-    Pour  compléter  la  défola* 
tion  de  l'ifîe  ,  les  habitans  furent  attaqués 
de-  différentes    maladies  ,  dont    les    unes 
étoient  occafîonnées  par  les  fatigues  aiix- 
quelles  on  les  condamnoit  ,   &  les  autres 
étoient  l'ciFet  de  leur  commerce  avec  les 
Européens.    Les  Efpagnols  fe. voyant  ainfi 
privés  par  degrés  des  bras  dont  ils  étoienS 
accoutumés  à  fe  fervir,  il  leur  fut  impof- 
fible  d'étendre  plus  loin  le  progrès  de  leur 
établiffement ,  &  même  de  continuer  les  ou- 
vrages  qu'ils  avoient  commencés.  Pour  ap«» 
porter  un  prompt  remède  à  un  état  fi  alar^ 


D  E  l'A  m  e  r  I  q  u  e.  17 

înant ,  Ovando  propofa  de  tranfporter  à  9ÊÊÊS 
Hifpaniola  les  habitans  des  ifles  Lucayes  ,  ^j^'i"' 
fous  prétexte  qu'il  feroic  plus  aifé  de  les 
civilifer  &  de  les  inftruire  dans  la  religioa 
chrétienne  lorfqu'ils  feroient  unis  à  la  colo^ 
nie  Efpagnoîe  5  fous  Pipfpedlion  immédiate 
des  millionnaires  qui  y  étoient  établis.  Fer- 
dinand ,  trompé  par  cet  artifice ,  ou  difpo- 
fé  peut  -  être  à  fe  prêter  à  un  adte  de  vio- 
lence que  la  politique  lui  repréfentoit  com- 
me néceflaire  ,  cpnfentit  à  la  propofîtion. 
On  équipa  pluûeurs  vaifleaux  pour  les  Lu- 
cayes; les  comraandans,  qui  favoient  lalan» 
gue  du  pays  5  dirent  aux  habitans  qu'ils  ve- 
Doient  d'une  contrée  délicieufe  oii  réfi- 
doient  leurs  aacêtres  défunts ,  &  que  ceux- 
ci  les  invitoient  à  s'y  rendre,  afin  de  parta- 
ger le  bonheur  dont  jouiflbient  ces  âmes 
fortunées.  Ces  hommes  (impies  &  crédules 
écoutoient  avec  admiration  ces  récits  mer* 
veilleux:  empreffés  d'aller  voir  leurs  pa- 
rens  &  leurs  amis  dans  l'heureufe  région 
dont  on  leur  parloit ,  ils  fuîvirenc  avec  plai- 
fir  les  Efpagnols.  Cet  artifice  en  fit  paf- 
fer  quarante  mille  à  Hifpaniola,  oîi  ils  al- 
lèrent partager  les  fouffrances  qui  étoienÊ 
le  partage  des  habitans  de  l'iUe,  &  mêler 


18  Histoire 

■SSB  leurs  pleurs  &  leurs  gémiflemens  avec  ceux 

^^^' o^*  de  cette  race  infortunée  (i)- 

1508.  ^  -^ 

d:cou«  Les  Efpagnoîs  avoient  pendant  quelque 
nouveaux  te  m  s  poufl'é  Icurs  travaux  dans  les  mines 
raensf^'  d'Hifpariola  avec  tant  d'ardeur  &  de  fuc- 
cès  que  cet  objet  paroilToit  avoir  abforbé 
toute  leur  attention.  Uefprit  de  découver- 
te languiflToît,  &  depuis  le  dernier  voyage 
de  Colomb  aucune  entreprife  de  quelqu*im- 
portance  n'avoic  été  formée.  Mais  la  dimi- 
nution des  Indiens  faifant  fentir  rimpoflibi- 
lité  de  s'enrichir  dans  cette  ille  avec  autanc 
de  rapidité  qu'auparavant ,  cette  conQdéra*» 
tion  détermina  les  Efpagnols  à  chercher  des 
contrées  nouvelles  011  leur  avidité  pût  trou^ 
ver  à  fe  fatisfaire  avec  plus  de  facilité. 
Juan  Ponce  de  Léon,  qui  commandoic  fous 
Ovando  dans  la  partie  orientale  d'Hifpanio- 
la  5  pafla  dans  l'ifle  de  Saint  -Jean -de* 
Pùrto-ricoy  que  Colomb  avoit  découverte  à 
fon  fécond  voyage ,  &  pénétra  dans  Tinté- 
rieur  du  pays.  Comme  il  trouva  un  fol 
fertile  &  que  d'après  quelques  indications. 
&  le  témoignage  des  habitans,  il  eut  lieu 


(i)  Herrera,  dâcad.  i  ,  libt  Fil»  c,  3.  'Oviedo,  Ho,  II/., 

a.  6.  Gomcra  ,  Hiji.  Ct  41. 


B  E    L'A  M  E  R  I  Q  U  E.  Ip 

il'erpérer  qu'on  pourroit  découvrir  des  mi-  ^sêêB 
nés  d'or  dans  les  montagnes  ,   Ovando  lui  ^^^'i^^' 
permit  d*eflayer  un  écablilTement  dans  Tifle  ; 
ce  qui  fut  exécuté  fans  peine  par  Ponce    .. 
de  Léon ,  dont  la  prudence  égaloit  le  cou- 
rage.   En  peu  d'années  Porto  •  rico  fut  fou- 
rnis au  gouvernement  Efpagnol  ;  les  natu- 
rels réduits  en  fervitude  furent  traités  avec 
la  même  rigueur  imprudente  que  ceux  d'Hif- 
paniola ,  &  la  race  des  premiers  habitans , 
épuifée  par  les  fatigues  &  les  fouffrances , 
fût  entièrement  exterminée  (i). 

Vers  le  même  tems ,  Juan  Diaz  de  So- 
îis,  de  concert  avec  Vincent  Janez  Pinfon, 
un  des  premiers  compagnons  de  Colomb  ^ 
fit  un  voyage  au  continent.  Ils  fuivirenc 
jufqu'à  rifle  de  Giianaios  la  même  route  que 
Colomb  avoit  tenue;  mais  tournant  de-  là  à 
l'oueft  ,  ils  découvrirent  une  nouvelle  & 
vafle  province  connue  depuis  fous  le  nom 
de  Jucatan ,  &  longèrent  une  grande  partie 
de  la  côte  de  ce  pays  (2^.  Quoique  cette 
expédition  n'ait  été  marquée  par  aucun  évé- 

O)  Herrcra,  âecad,  i,  lîb.  VII,  c,  i,  4.  Goiaera  9  fiîi?. 
*.  44.  Relacion  de  B.  de  Las  Cafas  ,^.10. 
C?)  Herrera  ,  decaà,  i ,  lUf,  VI  ^  c,  17. 


20  Histoire 

nement  mémorable  ,    elle  mérite  qu'on  ea 
tiv.  m.  £^^g  mention  i  parce  qu'elle  conduifit  à  des 
découvertes    de    plus  grande   importance. 
C'cfl  pour  la  même  raifon  qu'on  doit  rap- 
peller  le  voyage  de  Sébaflien  de  Ocampo. 
Il  fut  chargé  par  Ovando  de  tourner  Cuba^ 
&  il  reconnut  le  premier  avec  certitude  que 
ce  pays ,  regardé  autrefois  par  Colomb  com- 
me une  partie  du  continent,  n'étoit  qu'une 
grande  ifle  (i}. 
ï>!ego       Cette  expédition  autour  de  Cuba  fut  ua 
eft  nom-  dcs  derniers  incidens  du  gouvernement  d'O- 
TeriS"    vando.  Depuis  la  more  de  Colomb ,  Don 
8ioîa?^"    ^^^go  9  ^'^^  fi^s  ,  ne  ce^bit  de  folliciter 
Ferdinand  de  lui  accorder  les  charges  de  vu 
ce -roi  &  d'amiral  dans  le  nouveau  mon- 
de, avec  tous  les  privilèges  &  les  bénéfices 
dont  il  devoit  hériter  en  conféquence  de  la 
capitulation  primitive  faite  avec  fon  père. 
-Mais  fi  ces  dignités  &  les  revenus  qui  y 
étoient  joints  avoient  paru  fi  confidérables 
à  Ferdinand  ,   qu'il  n*avoit  pas  craint  de 
pafier  pour  injulle  <&  ingrat  en  les  ôtant  à 
Colomb  ,  il  n'efi:  pas  furprenant  qu'il  fût 
alors  peu  difpofé  à  les  accorder  à  fon  fils. 


CO  Ileifer^  s  ^cad.  i  ,  lîb.  Vil,  c,  r. 


D  E  l'A  m  E  R  I  q  u  s.  21 

Aufli  Don  Diego  perdic  deux  années  en- 
tières en  follicitations.  Fatigué  de  rinutilité  ^l^' 
de  fes  démarches,  il  tenta  enSn  de  fe  pro- 
curer par  une  fentence  légale  ce  qu'il  ne 
pouvoic  obtenir  de  la  faveur  d'un  prince 
intéreiTé.  Il  intenta  une  adion  contre  Fer- 
dinand devant  le  confeil  chargé  d'adminillrer 
les  affaires  de  l'Inde  ;  &  ce  tribunal  avec 
une  intégrité  bien  honorable  pour  ceux:  qui 
le  compofoient  ,  rendit  un  jugement  con. 
tre  le  roi ,  &  confirma  les  droits  de  Don 
Diego  à  la  vice  -  royauté  <k  aux  autres  pri- 
vilèges flipulés  dans  la  capitulation.  Mal- 
gré ce  décret  ,  la  répugnance  que  dévoie 
avoir  Ferdinand  à  mettre  un  fujet  en  pof- 
fefilon  d'une  autorité  fi  confîdérable ,  auroit 
pu  faire  naître  de  nouveaux  obitacles  ,  fi 
Don  Diego  n'avoit  pas  trouve  un  moyen 
d'inté relier  des  perfonnes  très  -  puilTantes 
au  fuccès  de  fes  prétentions.  La  fentence 
du  confeihdes  Indes  lui  donnoit  droit  à  un 
rang  fi  élevé  &  à  une  fi  haute  fortune, 
qu'il  lui  fut  aifé  de  conclure  un  mariage 
avec  Dona  Maria,  fille  de  Don  Ferdinand 
de  Tolède,  grand  commandeur  de  Léon  <Sc 
frère  du  duc  d'Albe,  grand  du  royaume  de 
la  première  clalTe  &  allié  de  près  au  roi.    " 


22  Histoire 

5^55  Le  duc  &  fa  famille  épouferenc  avec  tant 
I508.'  ^^  chaleur  la  caufe  de  leur  nouvel  allié  que 
Ferdinand  ne  put  pas  réûfter  à  leurs  folli- 
cications.     Il    rappella  CK'ando  &  nomma 
1509.    pour  lui  fuccéder  Don  Diego:  mais  même 
en  lui  accordant  cette  faveur  il  ne  put  pas 
cacher  fa  jaloufie  ;   car  il  lui  permit  feule- 
ment de  prendre  le  titre  de  gouverneur  , 
non  celui  de  vice  -  roi ,  quoique  le  confeil 
~"         eût  décidé  que  ce  dernier  titre  appartenoit: 
à  Don  Diego  (i). 
Il  Te  rend       II  partit  bientôt  pour  Hifpaniola  ,  accom- 
nioia!'^"    pagné  de  fon  frère,  de  fes  oncles  ,  de  fa 
femme,  qui  par  la  courtoifie  des  Efpagnols 
fut  honorée  du  titre  de  vice- reine,  &  d'un 
cortège  nombreux  de  perfonnes  de  l'un  & 
l'autre  fexe  ,  nées  de  familles  dillinguées. ,, 
Don  Diego  vécut  avec  une  magnificence  &  un  : 
fade  inconnu  jufqu'alors  dans  le  nouveau 
monde,  &  la  famille  de  Colomb  parut  en- 
fin jouir  des  honneurs  &  des  récompenfes  ! 
que  fon  génie  créateur  avoit  fi  bien  méri- 
tés &  dont  il  avoit  été  û  cruellement  pri- 
vé.    La  colonie  elle-même  acquit  un  nou- 
vel éclat  par  l'arrivée  de  ces  nouveaux  ha- 


Ci)  Herrera ,  decatf,  1.  B,  VII ^  c.  4. 


BE     l'A  M  ÉR  I  Q  U  E.  23 

bitans ,  d*un  caractère  &  d'un  rang  fupérieurs  ^— ^ 
à  celui  de  prefque  tous  ceux  qui  avoien.  ^^""509?' 
paffé  jufqu'alors  en  Amérique  ;  plulieurs 
des  familles  les  plus  illuilres  établies  dans 
les  colonies  Efpagnoîes  font  defcenJues  des 
perfonnes  qui  avoient  accompagné  Don 
Diego  Colomb  à  cette  époque  (i). 

"  Ce  changement  de  gouverneur  ne  fut 
d'aucune  utilité  pour  les  malheureux  habi- 
tans.  Don  Diego  fut  non  ■  feulemeot  auto* 
rifé  par  un  édit  royal  à  continuer  les  repar- 
îimientos  ou  diftributions  d'Indiens  ;  mais 
on  fpécifia  même  le  nombre  précis  qu'il 
pouvoit  en  accorder  à  chaque  perfonne  fe» 
losi  le  rang  qu'elle  avoit  dans  la  colonie. 
Il  fe  prévalut  de  cette  permilîion ,  &  bien- 
tôt après  fon  débarquement  à  Saint-  Do- 
mingue,  il  partagea  entre  fes  parens  &  ceux 
qui  l'avoient  fuivi  ceux  des  Indiens  qui  n'a-^ 
voient  encore  été  deflinés  à  perfonne  (2). 

Le  nouveau  gouverneur  s'occupa  enfuite  Pc^chene 
à  Cuivre  Pinflrudion  qu'il  avoit  reçue  du  les  à  Cu- 
roi   pour.  l'établiiTement   d'une  colonie   à^^^"^' 


(i)  Oviedo,  lih,  III,  ci,    Herrera,  decad,  i^  lib.  PU, 
cù  10,  ////?.  c.  78. 
CO  Recopilacîon  de  Leyes  ,  lih,  /7,  tit,  8 ,  liK  i ,  2. 


14  Histoire 

a«— a»  Cubagua,  petite  ifle  que  Colomb  avoit  dé- 
Liv.ïii.  couverte  à  fon  troifîeine  voyage.    Quoique 
ce  fût  un  terrain  flérile  qui  pouvoit  à  pei- 
ne fournir  la  fubfîftance  de  fes  miférables 
habitaos  ,  on  trouvoit  fur  fes  côtes  une  û 
grande  quantité  de  ces  huîtres  qui  produi- 
fent   les  perles  ,  que   cette  iHe  ne  put  é- 
chapper  aux   recherches  des  avides  Efpa- 
gnols  qui   s'y  portèrent  bientôt  en  foule. 
Il  fe  fit  des  fortunes  confîdérables  par  la 
pêche  des  perles ,  qui  fut  fuivie  avec  une 
ardeur  extraordinaire.     Les  Indiens  ,    fur- 
tout  ceux  des  iiles  Lucayes  ,  furent  obli- 
gés de  plonger  au  fond  de  la  mer  pour  y 
prendre   ces  huîtres  ,   &  cette  occupation 
aulïï  dangereufe  que  mal  -  faine  ,   fut  une 
nouvelle  calamité  qui  ne  contribua  pas  peu 
à  la    dellrudtion    de   cette   race  proscris 
te  CO- 
NÇU-      Vers  cette  même  époque,  Juan  Diaz  de 
voyages.  ^^^^^  ^  Piofon   s'cmbarqucrcnt   enfemble. 
pour  un  fécond  voyage.    Ils  cinglèrent  di- 
redlement  au  fud,  vers  la  ligne  équinoxiaîe 
que  Pinfon  avoit  précédemment  traverfée , 

& 

CO  HeiTera,  tiecaii*  i,  Jih  VII ^  c*  9.    Soraera,  hljf. 


©  E     L'A  M  E  R  I  Q  U  E.  25 

^  ils  s^avancerent  jufqu'au  quarantième  de- 
gré de  latitude  méridionale.  Ils  furent  éton-  ^l^^!^' 
nés  de  trouver  que  le  continent  de  l'Amé- 
rique s'étendoit  à  leur  droite  à  travers  tou- 
te cette  étendue  de  l'océan.  Ils  débarquè- 
rent en  dîfférens  endroits ,  pour  en  prendre 
poffeflion  au  nom  de  leur  fouverain  ;  mais 
quoique  le  pays  leur  parût  très -fertile  & 
les  invitât  à  s'y  arrêter ,  comme  leur  arme- 
ment avoit  été  delliné  à  faire  des  décou- 
vertes 5  plutôt  que  des  établifTemens  ,  ils 
n'avoient  pas  allez  de  monde  pour  laifler 
des  colonies  après  eux.  Leur  voyage  fer- 
vit  cependant  à  donner  aux  Efpagnoîs  des 
idées  plus  julles  &  plus  grandes  fur  l'éten- 
due de  cette  nouvelle  portion  du  globe  ("i}. 
Quoiqu'il  fe  fût  écoulé  plus  de  dix  ans    ^     . 

^.  ^  Premicre 

depuis  que  Colomb  avoit  découvert  le  con-  teinative 
tinent  de  l'Amérique,  les  Efpagnoîs  n'y  a-  biiil>-'^' 
voient  encore  fait  aucun  établilTement.    Ce  leTotS- 
fut  alors  qu'on  tenta  férieufement  &  avec  "^^"• 
vigueur  ce  qui  avoit  été  fî  longtems  négli- 
gé ;  mais  le  plan  de  cette  entreprife  ne  fut 
ni  formé  par  la  couronne  ni  exécuté  aux 
dépens  de  la  nation  ;    ce  fut  l'ouvrage  de 


(O  Henera,  decad,  i,  B,  Fil,  c.  9., 

Tome  IL  B 


Liv.III. 


a(f  Histoire 

l'audace  &  des  fpéculations  de  quelques  a- 
venturiers.     La  première  idée  de  ce  projet 
vint  d'Alonzo  d'Ojeda,  qui  avoit  déjà  fait 
deux  voyages  pour  tenter  des  découvertes 
&  qui  s'y  étoit  acquis  une  grande  réputa- 
tion,  mais  fans  fortune.  L'opinion  qu'il  avoit 
donnée  de  fon  courage  &  de  fa  prudence 
lui  procura  aifément  des  aîTociés  qui  firent 
les  fonds  nécefîaires  pour  les  dépenfes  de 
l'expédition.    Vers  le  même  tems ,  Diego 
•de  NicueiTa,  qui  avoit  fait  une  grande  for- 
tune  à   Hifpaniola  ,   forma  un    femblablc 
deflein,    Ferdinand  encouragea  l'un  &  l'au- 
tre ;  il  ne  voulut  pas ,  il  efl  vrai,  leur  avan- 
cer la  plus  légère  fomme;  mais  il  leur  pro- 
digua les  titres  &  les  patentes.    Il  érigea 
deux  gouvernemens  fur  le  continent,  dont 
l'un  s'étendoic  depuis  le  cap  de  Vela  juf- 
qu'au  golfe  de  Darien ,  &  l'autre  depuis  ce 
golfe  jufqu'au   cap  Gracias  à  Dios.     Le 
premier  fut  donné   à  Ojeda  ,   le    fécond 
à    NicueiTa,    Ojeda  équipa   un  vaifîeau  & 
deux  brigantins  ,    montés    de    trois  cents 
hommes  ,   &   NicuefTa  fix    vaifîeaux   avec 
fept  cents  quatre  -  vingts  hommes.    Ils  mi- 
rent h  la  voile  de  Saint-Domingue  vers  le 
même  tems  pour  fe  rendre  à  leurs  gouver- 


I 


o  E    l'A  m  e  k  I  q  u  e.  ^7 

nemens  rerpeâifs.  Afin  de  donner  quel-  — 
qu'apparence  de  validité  à  leurs  titres  de^^^'^J^* 
propriété  fur  ces  contrées  ,  plufieurs  des 
plus  célèbres  théologiens  &  jurisconfultes 
d'Efpagne  furent  employés  à  prefcrire  la 
manière  dont  on  devoit  en  prendre  pofîes- 
fion  (0-  L'hiftoire  du  genre  humain  n'of- 
fre rien  de  plus  fîngulier  ni  de  plus  extra- 
vagant que  la  forme  qu'ils  imaginèrent 
pour  remplir  cet  objet.  Les  chefs  des  deux 
expéditions  dévoient ,  en  débarquant  fur  le 
continent ,  annoncer  aux  naturels  les  prin- 
cipaux articles  de  la  foi  chrétienne;  les  in- 
former en  particulier  de  la  jurifdidtion  fu- 
préme  du  pape  fur  tous  les  royaumes  de 
la  terre;  les  inflruire  de  la  concefiîon  que 
le  faint  pontife  avoit  faite  de  leur  pays  au 
roi  d'Efpagne;  les  fommer  d'embrafifer  les 
dogmes  de  cette  religion  qu'on  leur  faifoit 
connoître ,  &  de  fe  foumettre  au  fouverain 
dont  on  leur  annonçoit  l'autorité.  S'ils  re- 
fufoient  d'obéir  à  cette  fommation,  dont 
il  étoit  impoflible  à  un  Indien  de  compren- 
dre feulement  les  termes ,  alors  Ojeda  &  Ni* 
cuefla  étoient  autorifés  aies  attaquer  avec  le 


(0  Herrera ,  decad.  1 ,  lib.  FIf,  e»  15. 

B  2 


as  Histoire 

H!^î  fer  &  le  feu  ;  à  les  réduire  en  fervitude ,  eux", 
jg*  '  -^^"^^  femmes  &  leurs  enfans  ;  à  les  obliger  par 
la  force  à  reconnoîtrela  jarifdidlionderégli- 
fe  &  l'autorité  du  roi  d'Efpagne,  puifqu'ils 
ne  vouloient  pas  le  faire  volontairement  Ci), 
fDéfaftres  ^^  ^^^^'^  difficile  aux  habitans  du  continent 
fent  "de^"  ^'^ï^brafler  fans  autre  examen  une  dodtrine 
cette  en-  tiop  fubtile  pour  des  efprits  fans  culture 
OC  qui  leur  etoit  expliquée  par  des  interprè- 
tes peu  inflruits  de  leur  langue;  il  ne  leur 
étoit  pas  plus  aifé  de  concevoir  comment 
un  prêtre  étranger,  de  qui  ils  n'avoient  ja- 
mais entendu  parler ,  pouvoit  avoir  quelque 
droit  de  difpofer  de  leur  pays ,  ni  comment 
un  prince  inconnu  pouvoit  s'arroger  une 
jurifdidion  fur  eux  comme  fur  Tes  fujets; 
auflî  s'oppoferent'  ils  vigoureufement  à  Tin- 
vaGon  de  leurs  territoires,  Ojeda  &  Ni- 
cuefla  tâchèrent  d'exécuter  par  la  force  ce 
qu'ils  ne  pouvoient  obtenir  par  la  perfualîon. 
Les  écrivains  contemporains  ont  rapporté 
leurs  opérations  avec  le  plus  grand  détail; 
mais  comme  ils  n'ont  fait  aucune  découver- 
te importante  ni  fondé  aucun  établiflem.ent 
permanent,  ces  événemens  ne  méritent  pas 


CO  Voyw  la  NoT^  XXIil. 


D  E    L'A  M  E  R  I   Q  U  E,  29 

de  tenir  une  place  confidérable  dans  l'hiftoi* 
le  générale  d'une  époque  ,  oli  une  valeur 
romaDefque  luttant  fans  ceiTe  contre  des 
difficultés  incroyables  ,  diftingue  toutes  les 
entrcprifes  des  armes  efpagnoles.  Les  ha- 
bitans  des  pays  dont  Ojeda  &  NicuefTa  al- 
loient  prendre  le  gouvernement ,  fe  trou- 
vèrent être  d*un  caractère  fort  différent  de 
celui  des  habitans  des  ifles.  Ils  étoient  guer- 
riers (jC  féroces.  Leurs  flèches  étoient  trem- 
pées dans  un  poifon  lî  violent  que  chaque 
bîefTure  étoit  fuivie  d'une  mort  certaine; 
dans  un  feul  combat  ils  taillèrent  en  pièces 
plus  de  foixante-dix  des  compagnons  d'O- 
jeda ,  &  pour  la  première  fois  les  Efpagnols 
apprirent  à  redouter  les  habitans  du  nou- 
veau monde.  NicuefTa  trouva  de  Ton  côté 
un  peuple  également  déterminé  à  défendre 
fes  poffeffions  &  dont  rien  ne  put  adoucir 
la  férocité.  Quoique  les  Efpagnols  eulTent 
recours  à  toute  forte  de  moyens  pour  les 
flatter  ô:  pour  gagner  leur  confiance,  ils 
lefuferent  de  former  aucune  liaifon  (Se  d'en- 
trer en  aucun  commerce  d'amitié  avec  des 
étrangers  donc  ils  regardoient  la  réfidence 
parmi  eux  comme  funede  à  leur  liberté  àc 
à  leur  indépendance.    Quoique  cette  haine 

^3 


Liv.  m. 


5di  Histoire 

ÈÊÊÊÊÊ  implacable  des  naturels  rendîc  auïïî  difficile 
^ifiioP  que  dangereufe  la  formation  d*un  étabiilTe- 
meot  dans  leur  pays  5  la  perfévérance  des 
EfpagnolSj  la  fupériorité  de  leurs  armes  & 
leur  habileté  dans  Tart  de  la  guerre  jauroienc 
pu  avec  le  tems  furmonter  cet  obftacle  ; 
mais  tous  les  défaflres  qu'on  peut  imagi- 
ner s'accumulèrent  fur  eux  &  parurent  fe 
Combiner  pour  combler  leur  ruine.  La  per- 
te de  leurs  vaifieaux  que  divers  accîdens  fi* 
rent  périr  fur  une  côte  inconnue  ;  les  ma» 
jadies  particulières  à  un  climat  ^  le  plus  mal- 
fain  de  toute  l'Amérique  ,*  le  défaut  de  fub- 
liflance  inévitable  dans  un  pays  mal  cultivé  ; 
les  divifions  qui  s'élevèrent  entr'euîc ,  &  les 
holliîités  continuelles  des  habîtans  les  plon- 
gèrent dans  un  abîme  de  calamités  dont  le 
iimple  récit  fait  frémir  d'horreur.  Quoi- 
qu'ils euflent  reçu  d'Hifpaniola  deux  ren- 
forts confidérables ,  la  plus  grande  partie 
de  ceux  qui  s'étoient  engagés  dans  cette 
malheureufe  expédition,  périrent  en  moins 
d'un  an  dans  la  plus  affreufe  mifere.  Le 
petit  nombre  de  ceux  qui  furvécurent  for- 
mèrent une  foible  colonie  à  Santa  •  Maria  el 
Antigua  fur  le  golfe  de  Darien  ,  fous  le 
commandement  de  Vafco  Nigaès  de  Bal- 


B  E    l'A  M  E  R  I  q  U  E.  31 

boa  ,  qui  dans  les  occafîons  les  plus  criti- 
ques  déploya  un  caradere  de  valeur  &  de 
prudence ,  qui  lui  mérita  d'abord  la  confîan. 
ce  de  fes  compatriotes  &  le  défigna  pour 
être  leur  chef  dans  des  entreprifes  plus 
brillantes  &  plus  heureufes.  Ce  n'étoit  pas 
le  feul  Efpagnol  de  cette  expédition  qui 
fût  deftiné  à  fe  montrer  enfuite  avec  éclat 
dans  des  fcenes  plus  importantes.  Fran- 
çois Pizarre  étoit  un  des  compagnons 
d'Ojeda  ;  ce  fut  à  cette  école  d'adverlité 
qu'il  acquit  ou  perfedlionna  les  talens  aux- 
quels on  doit  les  adions  extraordinaires 
qu'il  exécuta  lians  la  fuite.  Ferdinand  Cer- 
tes, dont  le  nom  efl  devenu  encore  plus 
fameux,  s'étoit  engagé  de  bonne  heure 
dans  cette  entreprife  qui  avoit  fait  pren- 
dre les  armes  à  toute  la  jeunefTe  bouillante 
d'Hifpaniola  ;  mais  le  bonheur  confiant,  qui 
l'accompagna  dans  fes  aventures  poftérieit'. 
Tes  y  le  déroba  dans  celle-  ci  aux  défailles 
auxquels  fes  compagnons  furent  expofés. 
Il  tomba  malade  à  Saint-Domingue  avant 
le  départ  de  la  flotte  &  cette  indifpafitioni 
l'empêcha  de  s'embarquer  (î). 

CO  BcYKvîi , decad.  1 ,  m.  Flf ,  c.  2 ,  &£.  Gomefa,  h/Jf.  ci 
57  >5'^>  59.  iienzon.  hiji,  Ub,  /,  c.  19-23.  P.  Martyr,  du,  12a. 

B  4 


3&  Histoire 

^555      L'ifîue  malheureufe  de  cette  expédition 
J^jQ^  •  ne  découragea  point  les   Efpagnols  &  ne 
Conquête  les  cmpêcha  point  de  former  de  nouvelles 
entreprîtes  du  même  genre»  Lorfque  les  ri- 
chefles  s'acquièrent  graduellement  à  force 
de  perfévérance  &  d'induflrie ,  ou  s'accu- 
mulent par  les  opérations  lentes  d'un  com- 
merce régulier,  les  moyens  qu'on  emploie 
font  tellement  proportionnés  à  leur  effet 
qu'il  n'en  réfulte   rien   qui   puifle  frapper 
l'imagination  ôc  exciter  les  facultés  avives 
de  Tame  à  des  efforts  extraordinaires.  Mais 
lorfqu'on  voyoit   de  grandes  fortunes  s'é- 
,    lever    prefque   dans   un  inffânt  ;  lorfqu'on 
voyoit  l'or  &   les  perles   s'échanger  pour 
des    bagatelles  ;    lorfque    les   pays    ch   fe 
trouvoient  ces  précieufes  productions,  dé- 
fendus  feulement   par  des   fauvages  nuds, 
devenoient  la  proie   du  premier  aventurier 
qui  avoit  de  l'audace  ;  des  circonflances  li 
extraordinaires    &   li  féduifantes    ne  pou- 
voient  manquer  d'enflammer  l'efprit  entre- 
prenant des  Efpagnols  &  de  les  précipiter 
en  foule  dans  cette  nouvelle  route  ouvert* 
aux  richeffes    &  aux:  honneurs.    Tant  que 
cet  efprit  conferva  fa  force  &  fon  ardeur, 
toutes  les  tentatives  de  découverte  ou  de 

coa- 


D  s    t'A  M  E  R  I  Q  U  E.  33 

conquête  furent  accueillies  avec  ardeur  &  ■■^ 
de  nouveaux  aventuriers  s'y  engagèrent  à  ^iv.iii. 
Fenvi  les  uns  des  autres.  Les  pallions  des 
-  nouvelles  entreprifes ,  qui  cara6térifent  cet- 
te époque  des  découvertes  à  la  fin  du 
quinzième  &  au  commencement  du  feizie* 
me  fiecles  ,  auroient  fuffi  pour  empêcher 
les  Efpagnoîs  de  s'arrêter  dans  leur  carriè- 
re ;  mais  des  événemens  arrivés  dans  le 
même  tems  à  Hifpaniola,  concoururent  à 
étendre  leur  navigation  &  leurs  conquêtes*  , 

La  rigueur  avec  laquelle  on  avoit  traité  les 
habitans  de  cette  iHe  en  ayant  prefqu'en- 
tierement  éteint  la  race,  plulî^urs  des  co- 
lons Efpagnols  fe  virent  dans  l'impoUiv 
bilité,  comme  je  l'ai  déjà  obfervé  5  de  con* 
tinuer  leurs  travaux  avec  la  même  vigueur 
&  le  même  avantage  ,  &  furent  obligés  de 
chercher  des  établifiemens  dans  quelques 
pays  ok  les  naturels  n'eufîent  pas  été  dé- 
truits par  l'oppreffion.  D'autres  entraînés 
par  cette  légèreté  inconfidérée,  fi  naturel- 
le aux  hommes  qui  font  des  fortunes  rapî» 
des,  avoienc  diffîpé  par  une  folie  prodiga> 
lité  ce  qu'ils  avoient  acquis  fans  peine  5.  & 
la  néceiïité  les  forçoit  à  s'embarquer  dans^ 
&3>  ^ereprife»  ijes  plus  hafardeufes  poi»  lé^ 


/ 


34  Histoire 

WêÊêê  tablir  leurs  affaires.  Lorfque  Don  Diego 
Liv.iii.  Colomb  fe  propofa  de  conquérir  Tifle  de 
Cuba  &  d'y  établir  une  colonie  ,  les  dif- 
férentes caufes  que  je  viens  d'expofer  dé- 
terminèrent plufieurs  des  colons  les  plus 
diftingués  d^HifpanioIa  à  entrer  dans  ce 
projet.  Il  confia  le  commandement  des 
troupes  deflinées  pour  l'expédition  à  Die- 
go Velafquès,  qui  avoit  accompagné  fon 
père  dans  fon  fécond  voyage  &  qui  étoit 
depuis  longtems  établi  à  Hifpaniola  ,  oit 
il  avoit  fait  une  fortune  confidérable ,  avec 
une  réputation  fi  diflinguée  d'habileté  & 
de  prudence,  que  perfonne  ne  paroiflbit 
plus  propre  à  conduire  une  expédition  im- 
portante. Trois  cents  hommes  parurent  fuf- 
£fans  pour  faire  la  conquête  d'une  ifle  très* 
peuplée  &  qui  avoit  plus  de  fept  cents^ 
milles  de  longueur;  mais  les  naturels  en 
étoient  auffi  peu  belliqueux  que  ceux  d'Hif- 
panioîa.  Ils  furent  intimidés  par  la  feule 
vue  de  leurs  nouveaux  ennemis  &  ils  n'é* 
toient  préparés  à  faire  aucune  réfiftancet 
quoique  depuis  le  tems  oîi  les  Efpagnols 
avoient  pris  poUeffion  de  Tille  voifine,  ils 
éufîent  s'attendre  à  une  defcente  fur  leur 
tteiiriioiire  a,  a.acuBe  d€&  pstjtes  bourgade*. 


D  E    L*  A  M  E  R  I  q  U  E.  3  j 

entre  lefqaelles  Cuba   étoic  partagé ,  n'a- 
voit  fait   des   difpoûtions   pour  fe  défen- 
dre ;  elles   n'avoient  pris   aucune  mefure 
pour  la  sûreté  commune.     La  feule  oppo- 
fition    que   les  Efpagnols  rencontrèrent  , 
fut   de  la  part   de   Hatuey  ,  Cacique   qui 
s'étoic  enfui  d'Hifpaniola  &  avoic  pris  pof- 
feffion  de  l'extrémité  orientale  de  Cuba.  Il 
fe  mit  fur  la  défenfive  à  leur  premier  dé- 
barquement &  tâcha  de  les  repouffer  vers 
leurs  vaijGTeaux  ;  mais  fa  foible  troupe  fut 
bientôt  rompue   à:   difperfée  ,  &  le   Caci- 
que  lui-même  ayant  été  fait  prifonnier  j. 
Velafquès,  fuivant  la  barbare  maxime  des 
Efpagnols  ,.  le   regarda  comme  un  efclave 
qui  avoit  pris  les  armes  contre  fon  maître; 
&  le  condamna  à  périr  dans  les  fiammes. 
Lorfque  Hatuey  fut  attaché   au   poteau  ,, 
un  moine  Francifcain  s'eiforçoit  de  le  con- 
vertir, en  lui  promettant  qu'il  jouiroit  fur 
΀  champ  de  toutes  les  délices  du  ciel  s'il 
vouloit  erabraffer  la  foi  chrétienne.  ,,  Y  a- 
„  t-il  quelques   Efpagnols/'  dit  Hatuey 
après  un  moment  de  fiience  ,   ,>  danS'  ce 
.5.  féjour  d^  délices  dont  vous  me  parlez;? 
„  Oui  5  répondit  le  moine,  maiS'  ceux-là 
^,  feulement  cpï  ont  été  juftes-  &  bo^^ 

B  6> 


Sfi  H  I  s  T  O  I  R-E 

——  )9  Le  meilleur  d'entre  eux ,  répliqua  1© 
^ir/^*»>  Cacique  indigné,  ne  peut  avoir  ni  juf- 
„  tice  ,  ni  bonté  ;  je  ne  veux  pas  aller 
„  dans  un  lieu  oh  je  rencontrerois  un  feul 
5,  homme  de  cette  race  maudite  (i)."  Cet 
exemple  effrayant  de  vengeance  frappa  les 
habitans  de  Cuba  d'une  fi  grande  terreur , 
qu'ils  tentèrent  à  peine  de  mettre  quel- 
qu'oppoûtion  aux  progrès  de  leurs  enne- 
mis ,  &  Velafquès  réunit ,  fans  perdre  un 
feul  homme ,  cette  ifle  vafle  &  fertile  à 
la  monarchie  efpagnole  (2}, 
Dicou-  La  facilité  avec  laquelle  s'exécuta  une 
k  ïîoride.^^"^^^'^®  fi  importante  fervit  d'aiguillon 
pour  former  d'autres  entreprifes,  Juan 
Ponce  de  Léon  5  qui  avoit  acquis  de  la 
gloire  &  de  la  fortune  par  la  réduction  de 
Porto -Rico  3  é toit  impatient  de  s'engager 
dans  quelqu'expédition  nouvelle*  Il  équi^ 
pa  trois  vaifleaux  à  fes  frais  pour  aller 
tenter  des  découvertes  ,  &  fa:  réputation 
ïafl*embîa  bientôt  à  fa  fuite  un  corps  nom?» 
breux  d'aventuriers.  Il  dirigea  fa  route  vers 


(;i)  B,  de  las  Cafàs,  p,  40.. 

(2)  HcH-era^  dfca^,  i,  lih  IX  ,.Ci  2-,  5,.  ^fi,  0\'V6^o% 


DE    L'A  M  E  R  I  Q  U  E.  ^J 

les  ifles  Lucayes ,  &  après  avoir  touché  à 
quelques  -  UDes  de  ces  ifles  ,  ainlî  qu'à  cel- 
le de  Bahama  ,  il  cingla  au  fud  •  efl ,  & 
découvrit  un  pays  que  les  Efpagnols  ne 
connoiffoient  pas  encore  y  &  auquel  il  don- 
na le  nom  de  Floride  ;  foie  parce  qu'il  le 
reconnut  le  jour  du  dimanche  des  rameaux^ 
foit  à  caufe  de  rafpeâ:  agréable  &  gai 
que  lui  offrit  le  pays  même.  Il  eflaya  de 
débarquer  en  difFérens  endroits  ;  mais  l'op- 
pofnion  vigoureufe  qu'il  éprouva  de  la. 
part  des  habitans  ,  qui  étoient  féroces  •& 
guerriers ,  lui  fit  fentir  la  néceffîté  d'avoir 
des  forces  plus  confidérables  pour  y  for* 
mer  un  établiiïement.  Con-tent  d'avoir  ou» 
vert  une  communication  avec  un  pays  noa* 
veau  ,  fur  la  richefîe  &  l'importance  du- 
quel il  fondoit  de  grandes  efpérances,  il 
retourna  à  Porto -Rico  par  le  canal,  con- 
nu aujoui-d'hui  fous  le  Eom  de  golfe  de 
la.Floride^ 

s  Ce  ne  fut  pas  feulement  le  deSr  de  dé- 
couvrir des  centrées  nouvelles  qui  cn.^a- 
gea  Ponce  de  Léon  à  entreprendre  ce  voya- 
ge ;  il  y  fut  déterminé  auffi  par  une  ds 
ces  idées  chimériques  qui  fe  mêloient  alors 
à  l'efpric  de  cosq^uiête  &  y  donaoient  plu» 


^  H  I   s   T  O  I  R  F, 

^— ^  d'aûîvîté»     II  y  a  voit  parmi  les  habîtans 
Xiv.iii.  ^e   Porto -Rico  une  tradition   établie  que 
dans  rifîe  de  Bimini,  Tune  des  Lucayes , 
on  trouvoit  une  fontaine  douée  de  la  ver- 
tu merveilleufe    de   reiKire   la  jeunefTe  ^ 
la  vigueur    à  tous  ceux  qui  fe  baignoienc 
dans  fes  eaux  falutaires»     Animés  par  Tef- 
pérance  de  trouver  ce  reflaurant  miracu* 
igi2.    leux.  Ponce  de  Léon  &   fes  compagnons 
parcoururent  ces  ifles,  cherchant  avec  beau- 
coup de  peine  &  de  folîicitude ,  mais  fans 
faccès  5  la   fontaine  qui  étoit  le  principal 
objet  de  leur  expédition.  11  n'^efi:  pas  éton- 
nant qu'un  conte  il   abfurde  ait  pu  trou» 
ver  quelque  crédit  parmi  des  peuples  Am- 
ples &   igQorans,  tels  qu'étoient  les  natu- 
rels i    mais    qu'il  ait   pu    faire  quelqu'im- 
prefîion    fur    des   hommes   éclairés  ,  c'eft" 
ee  qui   paraît  aujourd'hui   prefqu'incrôya^. 
ble;  le  fait  n*en  eft  pas  moins  certain  & 
les   biftorlens  Efpagaols  les  plus  accrédi-i 
tés  ont  rapporté  ce  trait  extravagant   de- 
là crédulité   de  leurs  compatriotes.     Les- 
Efpagnols  étoient  à  cette  époque  engagés^ 
dans  une  carrière  d*a6feivité  ,  qui  en  leur 
pré fen tant  chaque  jour  des-  objets  extraor* 
diaaifes  ^  merveiileuXi^  dévoie  dosner-  im 


P  E    L*A  M  E  R  I  Q  U  E»  39 

tour  romanefque  à  leur  imaginatiOii.  Un 
nouveau  monde  s'offroit  à  leurs  regards»  Ils  ^*^'  "^' 
vifitoient  des  ifîes  &  des  continens  donc  les 
Européens  n'avoient  jamais  imaginé  rexif* 
tence.  Dans  ces  contrées  délicieufes  la 
nature  fembloit  fe  montrer  fous  d'autres 
formes  ;  chaque  arbre,  chaque  plante ,  cha- 
que animal  étoit  différent  de  ceux  de  l'an- 
cien hémifphere.  Les  Efpagnols  fe  cru- 
rent  tranfportés  en  des  pays  enchantés  , 
&  après  les  merveilles  dont  ils  avoient 
été  les  témoins ,  dans  la  première  chaleur 
de  leur  admiration  il  n'y  avoit  rien  d'af- 
fez  extraordinaire  pour  leur  paroîcre  in* 
croyable.  Si  une  fuccefllon  rapide  de  Ccq^ 
nés  nouvelles  &  frappantes  put  faire  af- 
fez  d'imprelïïon  fur  refprit  Aige  de  Co- 
lomb pour  qu'il  fe  vantât  d'avoir  découd- 
vert  le  fiege  du  paradis  5  on  ne  doit  paa 
trouver  étrange  que  Ponce  de  Léon  ait 
cru  découvrir  la  fontaine  de  jouvence  (1)* 
Peu  de  teras  après  cette  expédition  à  la. 


Ci)  Pi  Martyr,  dec.  p,  102,  Enfnyo clïrnnoî,  para  îah'fli- 
it  la  Florïda,  par  D-  Gab.  Gardenas-,  p,  i*.  Oviedo*- 
lih,  XVI,  c,  2i  Herrera,  âec»  1,-  Ub,  l]L  c.  ^  Iliji.  </«• 
ÎA  ionq-*  d&  la.  Florïda:^  pat  Gare.  de.  fe.  Ve£â^,.  lliti  I^q,  ^ 


40  Histoire 

ÊÊÊSÊÊ  Floride,  il  fe  fit  une  découverte  beaucoup 

Liv.  m.  pjj^g  importante  dans  une  autre  partie  de 

Progrès   l'^'^niérique.     Balboa  ayant  été  nommé  au 

t^  1^^^-     gouvernement  de  la  petite  colonie  de  San- 

boa  Clans    ° 

rifthme     ta -Maria   dans  le  Darien  ,  par  le  fufFrage 
"*  volontaire  de  fes   afîbciés ,  fut  fi  empreffé 
d'obtenir  de  la  couronne  une  confirmation 
de  leur  choix ,  qu'il  dépécha  un  officier  eo 
Efpagne    pour    folïiciter    une   commiflioa 
royale  qui  le  revêtît  d'un   titre  légal   au 
fuprême  commandement.    Comme  il  fen- 
toit  cependant  qu'il  ne  pouvoit  fonder  le 
fuccès  de  fes  efpérances  ni  fur  la  protec» 
tion  des  minières  àc  Ferdinand  avec  lef- 
quels  il  n'avoit  aucune  liaifon,  ni  fur  des; 
négociations  dans  une  cour  dont  il  ne  con- 
noiffoit  pas  les  intrigues,  il   tâcha  de  fe 
rendre  digne  de  la  faveur  qu'il   follicitoit^ 
par  quelque  fervice  fignalé  qui  lui  méritât 
la  préférence  fur  fes  compétiteurs*  Frap- 
pé de  cette  idée  ,  il  fit  de  fréquentes  in- 
eurfions  dans   les    pays  adjacens  ,  fournit 
plufieurs   Caciques   &  recueillit  une  gran» 
de  quantité  d'or,  qui  étoit  plus  abondant 
dans  cette  partie  du  continent   que  dans 
les  ifies.    Dans  une  de  ces  incursions  les^ 
Efpag^nols   fe    difputerent  avec    une  teHe 


D  E   l'A  m  e  r  I  q  u  r,  41 

chaleur   pour   le  partage    d'un  peu  d'or  , 

L 


qu'ils  furent  près  de  fe  porter  à  des  ades  ^^^-  "^' 


de  violence  les  uns  contre  les  autres.  Un 
jeune  Cacique  ,  témoi»  de  cette  querelle 
&  étonné  de  voir  mettre  un  fi  haut  prix 
à  une  chofe  donc  il  ne  devinoic  pas  l'uti- 
lité ,  renverfa  avec  indignation  l'or  qui 
écoic  dans  une  balance  ,  &  fe  tournant 
vers  les  Efpagnols  leur  dit  ;  ,,  Pourquoi 
3,  vous  quereller  pour  fi  peu  de  chofe  ? 
55  fi  c'eft  l'amour  de  l'or  qui  vous  fait 
35  abandonner  votre  propre  pays  pour  ve- 
55  nir  troubler  la  tranquillité  des  peuples 
5,  qui  font  fi  loin  de  vous ,  je  vous  con- 
„  duirai  dans  un  pays  oli  le  métal  qui  pa- 
,5  roît  être  le  grand  objet  de  votre  admi- 
5,  ration  &  de  vos  defirs ,  efl  fi  commun 
„  que  les  plus  vils  uftenfiles  en  font  faits." 
Ravis  de  ce  qu'ils  cntendoient ,  Balboa  & 
fes  compagnons  demandèrent  avec  empref- 
fement  oti  étoic  cette  heureufe  contrée 
&  comment  ils  pourroient  y  arriver?  Le 
Cacique  leur  apprit  qu*à  la  diflance  de  ûx 
foleils  5  c'efi:  -  à  -  dire  ^  de  fîx  jours  de  mar- 
che  vers  le  fud,  ils  découvriroient  un  au- 
tre océan  près  duquel  cette  riche  contrée 
étoit  fîtuée;  mais  que  s'ils  fe  propcfoieni 


42  Histoire 

Bill  iiiiiiiw  d'attaquer  ce  royaume  puiffant ,  ce  ne  pou^ 
Liv.  iir.  yQj(.  ^(.j-e    qu'avec   des   forces    très-fupé- 

ricures  à  celles  qu'ils  a  voient  alors  (i}. 
Piojet  de     Ce  fut  la  première  information  que  re- 

»alboa, 

curent  les  Efpagnols  fur  le  grand  océan 
méridional  &  fur  le  riche  &  vafte  pays 
connu  enfuite  fous  le  nom  de  Pérou.  Bal- 
boa  eut  alors  devant  lui  des  objets  dignes 
de  fon  ambition  fans  bornes  &  de  Tauda- 
fcieufe  adivité  de  fon  génie.  ^  Il  conclue 
fur  le  champ  que  Tocéan  dont  parloit  le 
Gacique  étoit  celui  que  Colomb  avoit  cher- 
ché dans  cette  même  partie  de  l'Améri- 
que ,  dans  Tefpérance  de  s'ouvrir  par  ►  là 
une  communication  plus  diredle  avec  les 
'  Indes  orientales  ;  &  il  conjeQura  que  la 
riche  contrée  dont  on  lui  faifoit  la  def- 
cription  devoit  être  une  partie  de  cette 
grande  &  opulente  région  de  la  terre. 
Flatté  de  l'idée  d'exécuter  ce  qu'un  û 
grand  homme  avoit  en  vain  entrepris,  & 
empreffé  d'effedluer  une  découverte  qui  ne 
devoit  pas  être  moins  agréable  au  roi  qu'u- 
tile à  fon  pays,  il  attendit  avec  impatient 


Çi^  Herrera ,  decad,  i,  Ub.    JK-,  c»  2.  Gomerii,  c.6o. 


D  E    l'A  m  ë  r  I  q  u  k.  43 

ce  le  moment  de  partir  pour  cette  expé-  — ^ 
dition  5  auprès    de   laquelle  tous  Tes  pre-  ^j^J^^. 
miers  exploîts  paroiflbient  de  peu  d'impor- 
tance.    Mais   il  falloit  faire  des  arrange- 
mens  &  des  préparatifs  indifpenfables  pour 
s'afTurer  du  fuccès*    Il  commença  par  fol- 
liciter  &  gagner  l'amitié  des  Caciques  voi- 
fins.     Il  envoya  quelques-uns  de  fes  offi- 
ciers à  Hifpaniola  avec  une  grande  quanti- 
té d'or ,  qui  étoit  tout  à  la  fois  la  preuve 
du  fuccès  qu'il  avoit  déjà  eu  &  l'annonce 
de  ceux  qu'il  fe  promettoit  encore.     Les 
préfens  qu'il  en  fit ,  diftribués  à  propos  , 
lui  méritèrent  la  protedlion  du  gouverneur 
&  attirèrent  beaucoup  de  volontaires  à  fori 
I  fervice.  Dès  qu'il  eut  reçu  de  cette  ifle  le 
I  renfort  conudérable  qu'il  en  efpéroic ,  il  fe 
crut  en  état  de  tenter  fon  expédition. 
'  L'ifihme  de  Darien  n'a  pas  plus  de  foi*    Dîmcuî* 
îante  milles  de  largeur;  mais  cette  langue f'exéa»i* 
de  terre  qui  unit  enfemble  le  continent  ^^°"* 
méridional  de  l'Amérique  avec  le  fepten* 
trional ,  efl  fortifiée  par  une  chaîne  de  hau- 
tes montagnes  qui  s'étendent  dans  toute  fa 
longueur  &  en  font  une  barrière  aJTez  fo- 
îide  pour    réfifter  à  l'impulfion  des  deux 
mers  oppofées.  Les  montagnes  font  couver- 


4+  Histoire 

g—  tes  de  forêts  prefqu'inacGenîbles.  Dans  ce 
Liv.  III.  climat  humide  oîi  il  pleut  pendant  les  deux 
tiers  de  Tannée ,  les  vallées  font  marécageu- 
fes  &  fi  fréquemment  inondées  que  les  ha- 
bitans   fe    trouvent   en    plulîeurs  endroits 
dans  la  néceflîté  de  bâtir  leurs  maifons  fur 
les  arbres ,  afin  de  s'élever  à  quelque  dif- 
tance   au-delTus   d'un  fol    humide  &  des 
odieux  reptiles  qui  s'engendrent  dans   les 
eaux  corrompues  (i}.   De  grandes  rivières 
fe  précipitent  avec  impétuofité  des  mon- 
tagnes.    Cette  région  n'étoit  peuplée  que 
de  fauvages  errans  &  en   petit  nombre,  & 
'  la   main  de  l'indultrie  n'y   avoit  rien  fait 
pour  corriger  ou  adoucir  ces  inconvéniens 
naturels.     Dans   cet  état  des  chofes,  ten- 
ter de  traverfer  un  pays  inconnu ,    fans 
avoir  d'autres  guides  que  des  Indiens  fur 
la  fidélité  defquels  on  ne  pouvoit  guère 
compter ,  étoit  donc  l'entreprife   la  plusi 
hardie  que  les   Efpagnols    euffent   encore: 
formée  dans  le  nouveau  monde.  Mais  l'in-: 
trépidité   de  Balboa   étoit  iî  extraordinai-' 
re,  qu'elle  le  diflinguoit  de  tous  fes  com^ 
patriotes  dans  un   tems  oii  le  dernier  deii 

iO  P*  IVîartyr ,  eec*  p,  158. 


D  E   l'A  m  e  r  I  q  u  e.  45 

aventuriers   fe  faifoic   remarquer   par   fon 
audace  &.  par   fon  courage.    Il  joignoit  à  ^'^J' ^^^' 
la  bravoure  ,  la  prudence,  la  généroflcé  , 
l'afFabilité  &  ces  talens  populaires  qui  dans 
les  entreprifes  les  plus  téméraires  infpirent 
la  confiance  &  fortifient  l'attachement.  Ce- 
';  pendant,  nprès  la  jonction  des  volontaires    i-îj. 
*j  d*Hifpaniola  il  ne  put  rafiembler  que  cent 
ij  quatre- vingt- dix  hommes  pour  fon  expé-^ 
i  diiion  ;   mais  c*étoient  des  vétérans  robuf- 
tes,  accoutumés   au  climat   de  TAraérique 
&   prêts   à   le    fuivre   au   milieu   des  plus 
!  grands  dangers.    Ils  fe  firent  accompagner 
I  de  mille  Indiens  qui   portoient  leurs  pro- 
I  vifîons,  &,  pour  completter  leur  armement 
I  de  guerre  ,  ils  emmenèrent  avec  eux  plu- 
fieurs  de  ces  chiens  féroces ,  qui  ne  cau- 
foient  pas  moins  de  mal   que  de  frayeur 
à  des  ennemis  entièrement  nuds, 

Balboa  fe  mit  en  marche  pour  cette  gran-  iî  tiécoo- 
de  expea]tion  au  premier  septembre,  versduiud. 
le  tems  oh  les  pluies  périodiques  commen- 
çoient  à  diminuer.  Il  fe  rendit  par  mer 
fans  aucune  difficulté  fur  le  territoire  d*un 
Cacique  dont  il  avoit  gagné  l'amitié  ;  mais 
il  n'eut  pas  plutôt  commencé  à  pénétrer 
dans  la  partie  intérieure  du  pays ,  qu'il  fe 


4-6  Histoire 

W^Ê^  trouva  retardé  dans  fa  marche  par  tous  les 
Liv.iii.  obdacîes  qu'il  avok  eu  lieu  de  craindre  , 
tant  de  la  nature  du  terrain  que  de  la 
dirpofîtion  des  habitans.  A  fon  approche 
quelques  Caciques  s'enfuirent  avec  tous 
leurs  fujets  vers  les  montagnes ,  empor- 
tant avec  eux  ou  détruifant  tout  ce  qui 
pouvoit  fervir  à  la  fubfiftance  des  trou- 
pes efpagnoîes.  D'autres  raffemblerent  leurs 
fujets  pour  s'oppofer  à  Balboa,  qui  ne  tar- 
da pas  à  fentir  combien  il  lui  feroit  diffi- 
cile de  conduire  un  corps  de  troupes  au 
milieu  des  nations  ennemies,  à  travers  des 
marais  ,  des  rivières  &  des  bois  qui  nV 
voient  jamais  été  franchis  que  par  des  fau- 
vages  errans.  Mais  en  partageant  toutes 
les  fatigues  d'une  pareille  marche  avec  le 
dernier  de  fes  foldats  ;  en  fe  montrant 
toujours  le  premier  au  danger,  &  en  leui 
promettant  avec  confiance  plus  de  gloirei 
&  de  richefîes  que  n'en  avoit  jamais  méri' 
té  le  plus  heureux  de  leurs  compatriotes  . 
il  favoit  fi  bien  échauffer  leur  courage  qu'ils 
le  fuivoient  fans  murmure.  Ils  avoient  pé- 
nétré aflez  avant  dans  les  montaenes.lorf 
qu'un  Cacique  puilTant  fe  préfenta  avec  ut 
corps  nombreux  de  fes  fujets  pour  défen- 


D  T.     VA  M  E  R  I  Q  U  E.  47 

dre  le  pafiage  d'un   défilé  ;  mais  des  hom- 
mes accoutumés  à  vaincre  de  û  grands  obf- 
tacles  ne  pouvoient  être  arrêtés  par  de  fi 
foibles  ennemis.   Ils  attaquèrent  les  Indiens 
avec  impétuofité  &  continuèrent  leur  mar- 
che après  les  avoir  difperfés  fans  beaucoup 
de   peine   &   en  avoir    fait   un  grand  car- 
nage.  Quoique  leurs  guides  leur  euffent  die 
qu'il  ne  falloit  que  fix  jours  pour  traverfer 
riilhme  dans  fa  largeur ,  ils  en  avoient  dé- 
jà pafTé  vingt  •  cinq  à  fe  frayer  un  chemin 
à  travers  les  bois  &  les  montagnes.    Plu- 
fieurs   d'entr'eux    étoienc  prêts  à  fuccom- 
ber  fous  les  fatigues  continuelles  de  cette 
marche  dans  un  climat  brûlant  ;  piulieurs 
furent  attaqués   des    maladies  particulières 
au  pays  5  &  tous  étoient  impatiens  d'arri- 
ver au  terme  de  leurs  travaux  &  de  leurs 
foufFrances.     Enfin  les  Indiens  les  afTure- 
rent  que  du  foramet  de  la  montagne  la  plus 
.  voifine  ils  découvriroient  l'océan  qui  étoit 
^  Tobjet  de  leur  defir.  Lorfqu'après  des  pei- 
;  nés  infinies  ils  eurent  gravi  la  plus  grande 
,  partie  de  cette  montagne  efcarpée ,  Balboa 
:  fit  faire  halte  à  fa  troupe  &  s'avança  feul 
;  au  fommet ,   afin  de  jouir  le  premier  d'un 
.  fpetlacle  qu'il  defiroit  depuis  fi  longtems. 


4S  Histoire 

'mÊLmuM  Dès  qu'il  apperçut  la  mer  du  fud  s'éten- 
Liv.  m.  jjant  devant  lui  dans  un  horifon  fans  bor- 
nes ,  il  tomba  à  genoux  ,  &  levant  les 
mains  vers  le  ciel,  il  rendit  grâces  à  Dieu 
de  l'avoir  conduit  à  une  découverte  fi  avan» 
tageufe  pour  fon  pays  &  fi  glorieufe  pour 
lui  •  même.  Ses  compagnons ,  obfervant  fes 
tranfports  ,  s'avancèrent  vers  lui  pour  par- 
tager fon  admiration  ,  fa  reconnoiflance  & 
fa  joie.  Ils  fe  hâtèrent  de  gagner  le  riva* 
ge  ,  &  Balboa  s'avançant  jufqu*au  milieu 
des  eaux  de  la  mer  avec  fon  bouclier  & 
fon  épée ,  prit  pcflefijon  de  cet  océan  au 
nom  du  roi  d'Efpagne  ,  &  fit  vœu  de  le 
défendre  avec  les  armes  qu'il  tenoit  contre 
tous  les  ennemis  de  fon  fouverain  (i). 

Cette  partie  de  la  grande  mer  pacifique  [i 
ou  mer  du  fud  que  Balboa  découvrit  d'a- 
bord ,  &  qui  efl:  fituée  à  Tefl:  de  Panama , 
conferve  encore  le  nom  de  golfe  de  Saint- 
Michel  qu'il   lui  donna.    Il    força  h  maini 
armée  plufieurs  des  petits  princes  qui  gou-- 
vernoient  les  diftridls  voifins  de  ce  golfe,,!' 
à  lui  donner  des  vivres  &  de  Tor.  D'au- 
tres 

(O  Herrera,  dec,  I^  /.  X,  c.  i.   Goniera»  c,  62,  &c« 
P.  Martyr,  àec,  p.  205,  &c. 


D  E     L*A  M  E  R  I  Q  U  E.  4$> 

très    lui    en    envoyèrent    volontairement.  !!?^5 
Quelques  caciques  ajoutèrent    à   ces  dons  l^-^^^* 
précieux  une  quantité  confidérabîe  de  per- 
les, &  il  apprit  d'eux  avec  une  grande  fa- 
tisfaétion   que  les   huîtres   où  fe  trouvent 
les  perles  abondoient  dans  la  mer  qu'il  ve- 
noit  de  découvrir^ 
La  découverte  de  cette   fource  de  ri- .  On  luî 

^     m  .,  \  n  indique  un 

chelies    contribua    a  encourager  les   corn-  paysptus 
pagnons ,   &  il  reçut  en  même  tems   des  ^p"'^"^' 
avis  qui  le  confirmoient   dans  refpérance 
de  retirer  des  avantages  encore  plus  confii- 
dérables  que  fon   expédition.   Tous  les  In- 
diens des  côtes  de  la  mer  du  fud  raflure-^ 
rent  de  concert  qu'il  y  avoit  à  une  diftan- 
ce  affez  confidérabîe  vers   Teft,  un  riche 
&    puilTant   royaume  dont  les  habitans  a» 
voient  des  animaux  apprivoifés  pour  por- 
ter des  fardeaux  ;  &  pour  lui  en  donner 
une  idée  ils  traçoient  fur  le  fable  la  figure 
des  Hamas  ou  moutons ,  qu'on   trouva  en- 
fuite  au  Pérou  &  que  les  Péruviens  avoient 
en  effet  accoutumés  à  porter  des  fardeaux. 
Co  me    le    llama    relTemble    à  peu    près 
pour  la  forme  au  chameau  ,  bête  de  char, 
ge  qui   étoit  regardée  comm.e  particulière 
à  l'Afie,  cette  circonflance  jointe  à  la  dé- 
Tome  II,  C 


50  /Histoire 

?'""'^  couverte  des  perles,  autre  produdlion  T^fia- 
^%ill'  tique  ,   tendit   à  confirmer  les  Efpagnols 
dans  Ja  fauiïe   idée   oh  ils  étoient  que  le 
nouveau  monde  étoit  voifîn  des  Indes  orien- 
tales Ci). 

Mais,  quoique   les  avis  que  Balboa  re« 
cevoit  des  habitans  de  la  côte,  ne  contri* 
biiaffent  pas  moins  que  Tes  conjeftures  & 
fes  "efpérances ,  à  lui  donner  une  extrême 
impatience   de  voir   ce  pays  inconnu  ,  il 
étoit  trop  prudent  pour  tenter  d*y  entrer 
avec  une  poignée  d'hommes  épuifés  de  fa- 
tigue  &  aiîoiblis  par  le^  maladies  (2).    Il 
fe  détermina  à   ramener  fur  le  champ  fes 
compagnons  à  Tétabliflement  de  Santa-Ma* 
ria  dans  le  Darien,  pour  revenir  la  faifoa 
fuivante  avec  des  forces  proportionnées  à 
l'entreprife  hafardeufe  qu'il  méditoit.  Pour 
acquérir  une  connoifiance  plus  étendue  de 
1-Iithme  5  il   prit   à   fon  retour  une  route 
différente  de  celle  qu'il  avoit  fuivie  en  al- 
lant &  oli  il  n'éprouva  pas  moins  de  diffi- 
cultés &   de  dangers  que  dans  la  premiè- 
re; mais  il  n'y  a  rien  d'infurmontable  à  des 


'(0  Herrera,  àecaii.  i ,  !jb,  X.  c»  2. 
(û}  Voyeî  ia  Note  XXIV. 


Liv.  111. 


DE   L*A  M  r.  R  I  q  u  £•  51 

hommes  animés  par  refpérance  &  par  le 
fuccès.  Balboa  revint  à  Santa  -  Maria  , 
après  une  abfence  de  quatre  mois  ;  rappor- 
tant plus  de  gloire  &  de  richelTe  que  les 
Efpagnols  n'en  a  voient  encore  acquis  dans 
aucune  de  leurs  expéditions  au  nouveau 
monde.  Parmi  les  officiers  qui  Tavoient 
accompagné  ,  il  n'y  en  avoit  point  qui  fe 
fût  plus  diftingué  que  François  Pizarre  , 
&  il  n'y  en  eut  aucun  qui  déployât  plus 
de  courage  &  d'ardeur  pour  aider  Balboa 
à  s'ouvrir  une  communication  avec  ces 
pays,  oh  il  joua  enfuite  lui-même  un  rô- 
le û  glorieux  (ï). 

Le  premier  foin  de  Balboa  fut  d'envoyer  Pedraris* 
en  Efpagne  les  détails  de  l'importante  dé-  ^é  gou- 
couverte  qu'il  venoit   de  faire  &   de  de-^^^^^^J^JJ^'^'* 
mander  un  renfort  de  mille  hommes  pour 
tenter  la  conquête  de  cette  riche  contrée 
fur  laquelle  il  avoit  reçu  des  inftrudions 
û   encourageantes.    Le  premier  avis  de  la 
découverte  du  nouveau   monde  ne  caufa 
peut-être  pas   une   plus  grande  joie  que 
Cette  nouvelle  inattendue  qu'on  avoit  en» 


Ci)  Hcrrera,  ^ecad,  i,  !ib,  X,  c.  3-(î.  Gomera  t*  (S4?. 
P.  Martyr ,  deç,  p,  229. 

Câ 


52  Histoire 

5555  fin  trouvé  un  pafTage  au  grand  océan  mé- 
Liv.ui.  jj^jional.  On  ne  douta  plus  qu'il  n'y  eût 
une  communication  avec  les  Indes  orien- 
tales par  une  route  qui  étoit  à  Touefl:  de 
la  ligne  de  démarcation  tracée  par  le  pape. 
Les  tréfors  que  le  Portugal  tiroit  chaque 
jour  de  Tes  établilTemens  &  de  fes  conque* 
tes  en  Afie ,  étoient  un  fujet  d'envie  6c 
un  objet  d'émulation  pour  les  autres  puif- 
fances.  Ferdinand  fe  flatta  dès -lors  de  l'ef- 
pérance  de  partager  ce  commerce  lucratif; 
«Se  dans  l'empreflemenc  qu'il  avoit  d'arriver 
à  ce  but  ,  il  étoit  difpofé  à  faire  un  ef- 
fort fupérieur  à  ce'  que  Balboa  deraandoit. 
Mais  dans  cette  difpofîtion  même  on  re- 
connut les  effets  de  la  politique  jaloufe 
qui  le  guidoit  ,  ainfi  que  de  la  funefte  an- 
tipathie de  Fonfeca,  alors  évéque  de  Bur- 
gos  ,  pour  tout  homme  de  mérite  qui  fe 
diflinguoit  dans  le  nouveau  monde.  Mal- 
gré  les  fervices  récens  de  Balboa,  qui  le 
défignoient  comme  l'homme  le  plus  pro. 
pre  à  achever  la  grande  entreprife  qu'il 
avoit  commencée,  Ferdinand  fut  afiez  peu 
généreux  pour  n'en  tenir  aucun  compte  & 
pour  nommer  Pedrarias  d'Avilla  gouver- 
neur du  Darien.  Il  lui  donna  le  commaa- 


D  E    L*A  M  E  R  I  Q  U  E.  53 

demenc  de  quinze  gros  vaifleaux  avec  dou-  "'  "^ 
ze  cens  foldats.  Ces  bâtimens  furent  équi-  "^^sh!^* 
pés  aux  frais  du  public  avec  une  magnifi- 
cence que  Ferdinand  n*avoit  encore  mon- 
trée dans  aucun  des  armemens  deftinés 
pour  le  nouveau  monde;  &  telle  fut  l'ar- 
deur des  gentilshommes  Efpagnols  pour 
fuivre  un  chef  qui  dévoie  les  conduire 
dans  un  pays  oh  ,  fuivant  le  bruit  de  la 
renommée,  ils  n'auroient  qu'à  Jetter  leurs 
£lets  dans  la  mer  pour  en  tirer  de  l'or(i}, 
que  quinze  cens  d'entr'eux  s'embarquèrent 
à  bord  de  la  flotte  ,  &  qu'un  beaucoup 
plus  grand  nombre  fe  feroient  engagés 
pour  cette  expédition  fi  Ton  avoit  voulu 
les  recevoir  (2), 

Pedrarias  étant  arrivé  au  golfe  de  Da- 
rien  fans  aucun  accident  remarquable,  en» 
voya  fur  le  champ  h  terre  quelques  -  uns 
de  fes  principaux  officiers  pour  informer 
Balboa  de  fon  arrivée,  avec  la  commiflTioa 
dR  roi  qui  le  nommoit  gouverneur  de  la 
colonie.  Ces  députés  ,  qui  avoient  entea* 
du   parler  des    exploîcs  de  Balboa   &  qui 


(O  Herrera ,  deca-.I,  i ,  lik.  X ,  c.  14. 
Cs)  Ibid. ,  decad.    1 ,  //^.  X,c,  6,  7.  P.  Martyr^  ^. 
p.  177-256. 

C3 


ij4  Histoire 

"—  s'étoîent  formé  les  plus  hautes  idées  de 
^V^'xî"'  fes  richefîes ,  furent  bien  étonnés  de  le 
trouver  vêtu  d'un  mauvais  habit  de  toile, 
avec  des  fouliers  de  ficelle,  occupé  avec 
quelques  Indiens  à  couvrir  de  rofeaux  fa 
cabane.  Sous  ce  vêtement  fimpk  qui  ré- 
pondoit  û  peu  à  l'attente  &  aux  deiïrs  de 
fes  nouveaux  hôtes,  Balboa  les  reçut  avec 
dignité.  La  renommée  de  fes  découver- 
tes avoit  attiré  près  de  lui  un  fi  grand 
nombre  d'aventuriers  des  .différentes  illes^ 
qu'il  pouvoit  raffembler  quatre  cens  cin* 
quante  hommes  en  armes.  A  la  tête  de 
ces  hardis  vétérans  il  auroit  été  en  état  de 
réfifter  à  Pedrarias  &  à  fa  troupe;  mais, 
quoique  fes  compagnons  murmurafient  hau- 
tement  de  l'injullice  du  roi  «Se  fe  plaignif- 
fent  que  des  étrangers  vouluflent  recueillir 
le  fruit  de  leurs  travaux  &  de  leurs  fuc- 
cès ,  Balboa  fe  foumît  aveuglément  à  là 
volonté  de  fon  fouverain  &  reçut  Pedra- 
rias avec  tous  les  égards  dûs  à  fon  carac- 
tère (i). 

Quoique  Pedrarias  dût  à  cette  modéra- 
tion la  pofîeffion  paifible  de  fon  gouver- 

(O  Herrera ,  dsc,  i ,  Ub.  X,  c.  13  ^  14. 


D  E  l'A  m  e  r  I  q  u  e.  ss 

Bernent  ,  il  nomma  un  comité  pour   faire  ■be— 

des  informations  judiciaires  fur  la  condui-  ljv.  m. 

1514. 

te  de  Balboa  pendant  qu*il  étoit  aux  or-  Divinon 
dres  de  NicuefTa  &  d'Encifo,  &  lui  impo-  ""J^HH^ 
fa  une  amende  conlidérable  pour  répara-  Baiboai 
tion  de3  fautes  donc  il  fut  trouvé  coupa- 
ble par  fes  juges.  Balboa  fentit  vivement 
l'humiliation  de  fe  voir  foumis  à  une  pro- 
cédure &  condamné  à  un  châtiment  dans 
]e  lieu  même  où  il  venoit  d'occuper  le 
premier  rang.  D'un  autre  côté,  Pedrarias 
ne  pouvoit  cacher  la  jaloufie  qu'excitoit 
en  lui  le  mérite  fupérieur  de  Balboa  ;  de 
forte  que  le  reflentiment  de  Tun  &  la  ja- 
loufie  de  Tautre  furent  une  fource  de  di' 
vifion  très  -  pernîcieufe  à  la  colonie  ;  mais 
elle  étoit  menacée  d'une  calamité  plus  fa.- 
nèfle  encore.  Pedrarias  avoit  débarqué  au 
Darien  dans  le  tems  le  plus  défavorable  J^i'-let» 
de  l'année ,  vers  le  milieu  de  la  faifoa 
pluvieufe ,  dans  cette  partie  de  la  zoiye 
torride  oîi  les  nuées  verfent  des  torrens 
d'eau  inconnus  dans  les  climats  plus  tem- 
pérés (i).  Le  village  de  Santa-  Maria  étoit 
fitué   dans  une  plaine  fertile ,  environnée 

Ci}  Richard  ,  kljî,  nat,  àe  rair ,  tom,  i ,  p,  20|. 

C  4 


S6  Histoire 

— »■  de  bois  &  de  marais.  La  conftitution  des 
^ll'ill^'  ^^^'oP^^^s  ne  put  pas  réfiller  à  Tinfluence 
peflilentielîe  d'une  femblable  ficuation  , 
dans  un  cîimac  natureUemenc  mal-fain  «Se, 
dans  une  faifon  fi  fâcheufe.  Une  maladie 
violente  &  meurtrière  fie  périr  plufieurs 
des  foldats  qui  accompagnoient  Pedrarias. 
L'extrime  rareté  des  provifions  augmenta 
encore  par  ?impofîibilité  de  fe  procurer 
les  rafraîchiflemens  néceflaires  aux  mala- 
des &  une  fubfiftance  fufiifante  pour  ceux 
qui  fe  portoient  bien  (i).  En  un  mois  de 
téms  plus  de  fix  cents  Efpagnols  périrent 
dans  la  dernière  mifere.  L'abattement  & 
le  dérefpoir  fe  répandirent  dans  la  colo- 
nie.  Plufieurs  des  perfonnages  principaux 
demandèrent  leur  démifllon  &  renoncèrent 
avec  plaifîr  à  toutes  leurs  efpérances  de 
fortune  pour  fe  dérober  aux  dangers  de 
cette  région  meurtrière.  Pedrarias  s'efFor» 
ça  d'arracher  ceux  qui  refloient  au  fenti- 
ment  douloureux  de  leurs  malheurs ,  en 
leur  cherchant  de  l'occupation.  Dans  cet- 
te   vue  il  envoya   plufieurs    détachemens 

dans 


(0  Hen-era,  deç,i^lW,  X,c.  u.  P. Martyr,  àec,p^22%>. 


DE     L'A  M  E  R  I  <J  tJ  K.  jT/ 

dans  rintérieur  du  pays  pour  impofer  aux  "ma 
habitans  des  contributions  d*or  &  pour^^^**^'* 
chercher  les  mines  qui  le  produifoient.  Ces 
aventuriers  avides  ,  plus  occupés  du  gaia 
préfenc  que  des  moyens  de  faciliter  leurs 
progrès  pour  la  fuite  ,  pilloienc  fans  dif- 
tindlion  par  •  tout  oli  ils  alloîent.  Sans 
égard  pour  les  alliances  qu'ils  avoient  fai- 
tes avec  plufîeurs  caciques,  ils  les  dépouil- 
k>ient  de  tout  ce  qu'ils  avoient  de  pré- 
cieux ,  &  les  traicoient ,  ainfî  que  leurs  fu* 
jets,  avec  le  dernier  degré  de  rinfolence 
&  de  la  cruauté.  Cette  tyrannie  &  ces 
exactions,  que  Pedrarias  n'avoit  peut-être 
ni  le  pouvoir  ni  la  volonté  de  réprimer, 
ne  firent  plus  qu'un  défert  de  tout  le  pays 
qui  s'étend  du  golfe  du  Darien  jurqu'aii 
tec  de  Nicaragua  ,  &  les  Efpagnols  fe  vi- 
rent par  leur  imprudence  privés  des  avan- 
tages qu'ils  auroient  pu  trouver  dans  l'a* 
niitié  des  habitans  ,  pour  pouffer  leurs 
conquêtes  vers  la  mer  du  fud.  Balboa  qui 
Toyoit  avec  douleur  combien  une  condai* 
te  fi  mal  concertée  retardoit  l'exécutioit 
de  fon  plan  favori,  fit  paffer  en  Efpagne 
des  remontrances  très  «fortes  contre  l'ad* 
miniftiatioa  de  Pedrarias  qui  avoit  ruiné 


lâiboa. 


58  Histoire 

#— ^  une  colonie  heureufe  &  florifTante.  Pedrâ- 

^xrri^^' rias ,  de   fon  côté,  accufa  Balboa  d'avoir 

trompé  le  roi  par  des  récits  exagérés  de 

fes  exploits  &  par  un  faux  expofé  de  la 

richefîe  du  pays  (i). 

Mefures       Ferdinand  fentit  à  la  fin  la  faute  qu'il 

violentes  -      n  >  wi  i,/>-.       ,, 

contre  avoit  faite  en  déplaçant  l'ofBcier  le  plus 
a6tif  &  le  plus  expérimenté  qu'il  eût  dans 
le  nouveau  monde;  &  voulant  dédomma- 
ger Balboa  ,  il  le  nomma  Ad  lentade  ou 
gouverneur  -  lieutenant  des  pays  fitués.fur 
la  mer  du  fud  ,  avec  une  autorité  &  des 
droits  très -étendus.  Il  ordonna  en  même 
tems  à  Pedrarias  de  féconder  Balboa  dans 
toutes  fes  entreprifes ,  &  de  fe  concerter 
avec  lui  fur  toutes  les  opérations  que  Pe* 
drarias  voudroit  faire  lui  -  même.  Mais  il 
îi^étoit  pas  au  pouvoir  de  Ferdinand  de 
faire  paiïer  li  fubitement  ces  deux  hom- 
mes d'une  haine  déclarée  à  une  entière 
confiance.  Pedrarias  continua  de  traiter  fon 
rival  avec  dédain ,  &  la  fortune  de  Balboa 
fe  trouvant  épuifëe  par  le  payement  de 
fon  amende  ^  par  d'autres   exaQions  de 


(O  Herrera,  dec,  i ,  lib.   X,  c.  15  ,  d£C,  2,  tf-.  i,  &"c, 
Cornera,  c.  66.   Pi  Martyr, y«.   3,(r.  10.  Relac.  de  B. 

^&  \àS  CâfâS  >  ^«.  12». 


D  E    L*A  M  E  R  I  Q'  Il  E.  ^0 

Pedrarias ,  il  fut  hors  d*état  de  faire  les  HÉSI 
dirpofitions  de  fon  nouveau  gouvernement.  ^'Yi6^* 
Cependant ,  par  la  médiation  &  les  exhor- 
tations de  révêque  du  Darien  on  vint  à 
bout  de  les  réconcilier  ,  &  pour  cimenter 
plus  folidement  cette  union,  Pedrarias  con- 
fentit  à  donner  fa  fille  en  marisge  à  Bal- 
boa.  Le  premier  effet  de  leur  réunion  fut 
de  permettre  à  Balboa  de  faire  quelques 
petites  incurfions  dans  le  pays  y  &  il  les 
exécuta  avec  une  fageiïe  qui  ajouta  encore 
à  la  réputation  qu*il  s'étoit  déjà  acquife. 
Plufieurs  aventuriers  fe  joignirent  à  lui ,  &  ^ 

moyennant  les  feeours  &  la  proteflion  de 
Pedrarias  ,  il  commença  à  tout  prépara^ 
pour  (on  expédition  dans  la  mer  du  fud«- 
Pour  exécuter  ce  projet  il  étoit  nécelTai- 
re  de  conftruire  des  vaifleaux  capables  d*e 
tranfporter  des  troupes  dans  les  provinces' 
oh  il  fe  propofoit  de  defeendre.  Apr^ 
avoir  vaincir  un  grand  nombre  d'obftaclcs 
&  fupporté  plufieurs  de  ces  contrariétés' 
qui  femblcnt  avoir  été  réfervées  aux  con:* 
quérans  de  TAmérique ,  il  vint  à  bout  de 
epnftruire  quatre  petits  brigantins..  Il  étoie 
prêt  à  mettre  à  la  voile  pour  le  Pérou-, 
av©c  tr^  cents  hommes  d^éiite,,  (fer©^ 


(Jb  Histoire 

HHH  fupérîeure  à  celle  avec  laquelle  Pizarre  en* 
ïgi^/  treprit  depuis  la  même  expédition)  lorf- 
qu'il  reçut  un  mefîager  inattendu  de  Pe* 
drarias  (ij.  Comme  leur  réconciliation  n*a- 
voit  jamais  été  fincere,  Tentreprife  que 
Balboa  étoit  fur  le  point  d'exécuter  rani- 
ma ranciemie  inimitié  de  Pedrarias  &  la 
rendit  plus  active  encore.  Il  redoutoit 
l'élévation  &  la  profpérité  d*un  homme 
qu'il  avoit  fi  cruellement  offenfé*  Il  crai* 
gnit  que  le  fuceès  n'encourageât  Balboa  à 
fe  rendre  indépendant  de  fa  jurifdidion  ; 
&  ces  mouvemens  de  haine ,  de  crainte 
&  de  jaloufie  âgiflbient  fur  fon  ame  avec 
tant  de  force,  que  pour  fatisfaire  fa  ven«- 
geance  il  ne  craignit  pas  de  faire  échouer 
une  entreprife  d'une  (i  grande  importance 
pouF  fon  pays.  Sur  des  prétextes  faux, 
mais  plaufibles,  il  engagea  Balboa  à  diffé- 
ler  fon  voyage  de  quelque  tems  &  à  fe 
rendre  à  Acia  ob  il  vouloit  avoir  une  en- 
trevue avec  lui.  Balboa  ,  avec  la  confian- 
ce tranquille  d'un  homme  qui  n'a  rien  à 
fe  reprocher,  fe  rendit  au  lieu  qui  lui 
étoit  indiqué  ;  mais   il  ne  fut  pas  plutôt 


D  B  l'A  m  e  r  I  q  u  e.  <5i 

entré  dans  Acla ,  qu'il  fut  arrêté  par  l*or- 
de  de  Pedrarias  ,  qui  impatient  d'aflouvir 
fa  vengeance  ne  le  laifla  pas  languir  îongtems 
dans  la  captivité.  On  nomma  fur  le  champ 
des  juges  pour  inftruire  fon  procès.  Il  y 
eut  une  accufation  intentée  contre  lui  d'a- 
voir manqué  de  fidélité  au  roi  &  d*avoir 
voulu  fe  révolter  contre  le  gouverneur. 
La  fentence  de  mort  fut  bientôt  pronon* 
cée,  &  quoique  les  juges  eux-mêmes,  fé- 
condés par  toute  la  colonie  ,  follicitaffeD^ 
vivement  la  grâce  de  Balboa,  le  gouver- 
neur fut  inexorable  ,  &  les  Efpagnols  vi- 
rent avec  auîant  de  douleur  que  d'éton- 
nement  périr  fur  un  échafaud  un  homme, 
qui  de  tous  ceux  qui  avoient  commandé 
en  Amérique  étoic  généralement  regardé 
comme  le  plus  propre  à  concevoir  &  à 
exécuter  de  grands  projets  (i);  Sa  mort 
fit  renoncer  à  l'expédition  qu'il  a  voit  pro- 
jettée.  Pedrarias ,  puiffamment  protégé 
par  l'évéque  de  Burgos  &  de  quelques  autres 
courtifans  ,  échappa  non  -  feulement  à  la 
punition  que  mériioient  la  violence  &  Ti- 
fliquité  de  fa  conduit e>m.ai s  il  conferva  mê- 

•- ; ■ I     j  I  »■■ 

il)  îlerrera,  àscad»,  a.,  B.  /,  c,  21-,  2%»- 


Liv.ni. 
1517. 


d  Histoire 

WÊÊSB  me  fa  place  &  Ton  autorké.  Bientôt  après 
^1l51'!'  ^^  obtint  ]a  permifîion  de  faire  pafler  la 
colonie  dupofle  mal-fain  de  Santa- Maria 
à  Panama ,  qui  étoit  fur  le  côté  oppofé  de 
rifthme  ;  quoique  ce  changement  ne  fût 
pas  fort  avantageux  pour  la  falubrité  du 
lieu  3  la  fituatîon  commode  du  nouvel  éta« 
bîifTement  ne  contribua  pas  peu  à  facili- 
ter les  conquêtes  poflérieures  des  Efpa- 
gnols  dans  les  vaftes  provinces  qui  bor- 
dent la  mer  du  fud  (2). 
Houveï-      Pendant  que  ces  événemens^  dont  on  a 

les  décou-  j  .  .    ^  ^         JL    '^      r 

certes,  cru  ne  devoir  pas  interrompre  le  récit,  fe 
^^^5*  paflbient  dans  le  Darien  ,  il  fe  faifoit  ail- 
leurs  d'autres  opérations  importantes ,  re- 
lativement à  la  découverte^  à  la  conquête 
&  au  gouvernement  des  autres  provinces 
du  nouveau  monde»  Ferdinand  étoit  û 
occupé  du  projet  d'ouvrir  une  comraunf- 
cation  par  Touefl  avec  les  Moluques  oa 
ïiles  des  Epiceries  ,  que  dans  Psnnée  1515  " 
il  éq.uipa  à  fes  frais  deux  vaifTeaux  deflinés 
à  cette  expédition  &  dont  il  donna  le 
commandement  à  Juan  Diaz  deSoîis,  qui 
pafîbit   pour  le  plus  habile  navigateur  de 


D  Ê    L'A  M  E  R  I  Q  tr  E.  ^3 

rEfpagne.  Il  prit  fa  route  le  long  de  la  'êêêêê 
côte  de  rAmérique  méridionale  ,  &  h  ^^Y*i'^' 
premier  de  Janvier  151^  ,  il  entra  dans  une 
rivière  à  laquelle  ri  donna  le  nom  de  Ja- 
neiro &  oh  il  fe  fait  aujourd'hui  un  com- 
merce confidérable.  De- là  il  s'avança  dans 
une  baie  fpacieufe,  qu'il  imagina  être  ren- 
trée d'un  détroit  qui  communiquoit  avec 
la  mer  des  Indes  ;  mais  en  pénétrant  plus 
avant ,  il  découvrit  que  c^étoit  Tembou- 
ehure  de  Rio  de  la  Plata,  l'une  des  gran» 
des  rivières  qui  arrofent  le  continent  mé- 
ridional de'  l'Amérique.  Les  Efpagnols 
ayant  voulu  faire  une  defcente  dans  ce- 
pays  y  Soîis  &  plufîeurs  hommes  de  fori 
équipage  furent  tués  par  les  naturels,  quit 
à  la  vue  des  vaifTeaux  coupèrent  par  mor- 
ceaux les  corps  des  Efpagnols  &  les  man- 
gèrent après  les  avoir  fait  rôtir.  Epouvan- 
tés de  cet  horrible  fpectacîe  &  découra- 
gés par  la  perte  de  leur  commandant  y 
ceux  des  Efpagnols  qui  refloient  fur  les 
ifaiffeaux  retournèrent  en  Europe  fans  iQt> 
ter  aucune  auti-e  découverte  (i}.,  Quoiqur 


Liv.  111. 


04,  H  I  S  T  o  r  R  S 

cette  tentative  eût  échoué  ,  cUt  ne  fut  ; 
pourtant  pas  inutile  :  elle  attira  l'attentioa 
des  hommes  mllrvgts  vers-  cette  naviga- 
tion &  prépara  la  route  à  un  voyage  plus 
heureux,  qui  peu  d'années  après  cette  épo- 
que remplit  enfin  les  vues  de  Ferdinand. 
Etat  de  Quoique  les  Efpagnols  s'occupalTent  avec 
nied'i-iif-  tant  d'aclivité  a  étendre  leurs  découvertes 
pamoia.  ^  ^^^^^  établilTemens  en  AiTiécique  ,  ils 
confidéroient  toujours  Hirpaniola  comme 
leur  principale  colonie  &  le  fiege  du  gou- 
vernement. Don  Diego  Colomb  ne  man- 
quoit  ni  du  zele  ni  des  talens  nécelîaires 
pour  procurer  Je  bonheur  &  la  profpérité 
des  membres  de  cette  colonie  qui  étoienc 
plus  immédiatement  fous  fa  jurifdi^ion  f 
mais  il  étoit  gêné  dans  toutes  fes  opéra- 
tior^s  par  la  politique  foupçonneufe  de  Fer» 
dinand  ,  qui  en  toute  occalîon  &  fur  ks 
prétextes  les  plus  frivoles  ,.  lui  ôta  une 
partie  de  fes  privilèges,  &  encouragea  le 
trélbrier  ,  les  juges  &  les  autres  officiers» 
inférieurs  à  contrarier  fes  mefures  &  ai 
contefter  foi>  autorité.  La  prérogative  lai 
plus  importante  du  gouverneur  étoit  celîffl 
de  diflribuer  le&  Indisns  parmi  les  Efpa4 
gnols  établis  daas  Ti^e»    La  fervitude  li^ 


DE  l'A  M  E  R  I  Q  U  E.  65 

goureufe  de  ces  malheureux  n'ayant  reçu  ^êêêêêêê 
que  de  très-foibles  adouciffemens  par  les  ^^517}^ 
divers  réglemens  qu'on  avoic  faits  en  leur 
faveur  ;  le  pouvoir  de  difpofer  à  fon  gré 
de  ces  initrumens  du  travail ,  alluroit  au 
gouverneur  une  grande  influence  dans  la 
colonie.  Pour  l'en  dépouiller ,  Ferdinand 
créa  un  nouvel  emploi ,  auquel  il  attacha 
le  droit  de  faire  le  partage  des  Indiens,  & 
qu'il  donna  à  Rodrigue  Albuquerque,  pa- 
rent de  Zapaca  ,  fon  miniftre  de  confian- 
ce. Don  Diego  fentit  vivement  l'injullice 
&  l'affront  qu'on  lui  faifoit  en  le  privant 
de  fes  droits  fur  un  objet  fi  eilentiel,  &_ 
ne  voulant  pas  relier  plus  longtems  dans  ^ 

un  lieu  oîi  fon  pouvoir  &  fon  crédit  étoient 
prefqu'anéantis  ,  il  pafla  en  Efpagne  dans 
la  vaine  efpérance  d'obtenir  juftice  ("i}. 
Albuquerque  entra  dans  fes  nouvelles  fonc- 
tions avec  toute  la  rapacité  d'un  indigent 
aventurier  ,  impatient  de  faire  fortune.  .11 
commença  par  fe  faire  donner  le  nombre 
exadl  des  Indiens  qui  étoient  dans  l'ifle  & 
trouva  que  de  foixante  mille  qui  en  1508. 
avoient    furvécu  à   toutes    leurs   fouffran- 


0^  Heasraj  decad.  1,  //&.  IX,  c,  5,  lié.  X,  e*  la. 


C6  Histoire 

■p—  ces ,  il  n'en  refloit  plus  que  quatorze  mil- 
Liv.ni.  jç^  ,jj  gj^  £j.  plufieurs  lots  qu'il  mit  à  Ten* 
chère  &  qu'il  diftribua  à  ceux  qui  lui  en 
ofFroient  le  plus  haut  prix.  Par  cette  dif- 
tribution  arbitraire,  un  grand  nombre  d'In- 
diens furent  éloignés  de  leurs  anciennes 
habitations;  plufieurs  autres  furent  enlevés 
il  leurs  premiers  maîtres  ,  &  tous  furent 
fournis  à  des  travaux  plus  pénibles  par 
leurs  nouveaux  propriétaires ,  preffés  de  fe 
dédommager  de  leurs  avances.  Ce  furcroît 
de  calamité  combla  la  mifere  &  hâta  la 
deftrudlion  de  cette  race  innocente  <Sc  mal- 
heureufe  C^)» 
DiTpute  La  violence  de  cette  conduite  ,  jointe 
Sere'de^"^^^  funeftes  conféquences  qui  en  furent 
traiter  les  la  fuite ,  excita  non  -  feulement  les  plaintes 
des  colons  qui  fe  croy oient  léfés  ,  mais 
encore  toucha  les  cœurs  de  tous  ceux  en 
qui  il  refloit  quelque  fentiment  d'humam» 
té.  Du  moment  qu'on  envoya  en  Améri- 
que des  eccléfiaftiques  pour  inftruire  & 
convertir  les  naturels,  ils  fuppoferent  que 
la  rigueur  avec  laquelle  on  traitoit  ce  peu- 
ple ,  rendoit  leur  minidere  prefqu'inutile. 

Ci)  lierrera ,  éâs,  i ,  ilî>»  X,  c*  12. 


D  E    L'A  M  E  R  î  Q  U  E.  €7 

Les  piifîionnaires  fe  conformant  à  l'efprit  "551^ 
de  douceur,  de  la  religion  qu'ils  venoient  ^^j^''^' 
annoncer  ,  s'élevèrent  auffitôt  contre  les 
maximes  de  leurs  compatriotes  à  l'égard  des 
Indiens  ,  à.  condamnèrent  les  repartimien» 
Us  ou  ces  diflribu tiens,  par  lefquelles  on 
les  livroit  en  efclaves  à  leurs  conquérans, 
comme  des  a£les  auffî  contraires  à  l'équi- 
té naturelle  &  aux  préceptes  du  chriftia- 
nirme  qu'à  la, faine  politique.  Les  Domi» 
nicains,  à  qui  rinflruQion  des  Américains 
fut  d'abord  confiée,  furent  les  plus  ardens 
à  attaquer  ces  dillributiôns.  En  ijii, 
Montegno,  un  de  leurs  plus  célèbres  pré- 
dicateurs 3  déclama  contre  cet  ufage  dans 
la  grande  églife  de  Saint  -  Doniingue  avec 
toute  rimpétuoûté  d'une  éloquence  popu- 
laire. Don  Diego  Colomb ,  les  principaux 
officiers  de  la  colonie,  éc  tous  les  laïques 
qui  avoient  entendu  ce  fermon ,  fe  plai- 
gnireat  du  moine  à  fes  fupérieurs  ;  mais 
ceux-ci,  loin  de  le  condamner,  approu» 
verent  fa  dodlrine  comme  également  pieu» 
fe  &:  convenable  aux  circonftances.  Les 
Francifcains  ,  guidés  par  l'efprit  d'oppofi- 
tion  &  de  ri\^lité  qui  fubfifloit  entre  les 
deux  ordres  ,  parurent  difpofes  à  fe  joia- 


<5S  H  I  s  T  0  I  a  E 

-"""""'^  dre  aux  laïques  &  à  prendre  la  défenfe  de» 
,^J' ^^^  "  repartimientos.    Mais  ,  comme  ils  ne   pou- 
voient  pas  avec  décence  approuver  ouver* 
tement  un  fyflême  d'oppreffion  fi  contraire 
àrefprit  du  chriûianifme ,  ils  s'efforcèrent  de 
pallier  ce  qu'ils  ne  pouvoient  pas  juflitier, 
&  alléguèrent,   pour   excufer  la  conduite 
de  leurs  concitoyens,  qu'il  étoit  impoffibîè: 
de  faire  aucune  amélioration  dans  la  colo» 
•Bî%^'^à  moins  que  les  Efpagnols  n'eufTenc 
afïez  d'autorité   fur  les  naturels  pour  les 
forcer  au  travail  (i). 
Décifions     Les  Dominicains ,  fans   égard  pour  ce« 
?e?fur'    confidérations  de  politique  &  d'intérêt  per- 
cée objet,  fonnel  ,  ne  voulurent  fe  relâcher  en  rien 
de  la  févérité  de  leur  dodlrihe  &  refufe- 
rent   même   d'abfoudre  &  d'admettre  à  la 
communion  ceux  de  leurs  compatriotes  qui 
tenoient  les  Indiens  en  fervitude  (2).     Les 
deux  partis  s'adrefFerent  au  roi  pour  avoir 
fa  déeifion  fur  un  objet  de   û  grande  im- 
portance.   Ferdinand  nomma  une  commis- 
fîon   de  fon   confeit  privé  ,   à  laquelle  il 


Ci)  Herrera,  decaà,  i,  lUf,  VIII,  «.  ii.    Oviedo,  Uè* 
H,  c,  6.  p.  97. 

(2}  Oviedo,  ihîd,  ' 


D  fi    L'A  M  E  R  I  Q  U  £•  69 

joignit  quelques  -  uns  des  plus  habiî&s  ju- 
risconfulces  6c  théologiens,  pour  entendre  ^^^- '^^' 
les  députés  d'Hifpaniola  chargés  de  défen- 
dre leurs  opinions  refpedtives.  Après  une 
longue  difcufîîon  la  partie  fpéculative  de 
la  controverfe  fut  décidée  en  faveur  des 
Dominicains ,  &  les  Indiens  furent  déclarés 
un  peuple  libre  ,  fait  pour  jouir  de  tous 
les  droits  naturels  de  l'homme;  mais 
malgré  cette  décifion ,  les  repartimienîos 
continuèrent  de  fe  faire  dans  la  même  for- 
me  qu'auparavant  (^i).  Comme  le  jugement 
de  la  commilTion  reconnoilToit  le  principe 
fur  lequel  les  Dominicains  fondoient  leur 
opinion  ,  il  étoit  peu  propre  à  les  convain- 
cre &  à  les  réduire  au  filence»  Enfin  , 
pour  rétablir  la  tranquilité  dans  la  colonie, 
alarmée  par  les  remontrances  &  les  cenfu- 
res  de  ces  religieux  ,  Ferdinand  publia  un 
décret  de  fon  confeil  privé  ,  duquel  il  ré- 
fultoit  qu'après  un  mûr  examen  de  la  bui- 
le  apoftolique  &  des  autres  titres  qui  alTu- 
Toient  \qs  droits  de  la  couronne  de  Caftille 
fur  fes  poffeffîons  dans  le  nouveau  monde, 
la  fervitude  des  Indiens  étoit  autorifée  par 

Ci)  Herrera,  dicaâ,  i,  Uh,  VIII,  c,  12.  UhlXt  c.  5, 


7Ô  :M  I  s  T  o  I  R  E 

!5^??!  les  loix  divines  &  humaines  ;  qu*à   moins 
Liv.  m.  qu'jjs  ue  fullent  foumis    à  Taiitoricé   des 
Efpagnols  &  forcés  de  réfider  fous  leur 
infpedion,  il  feroit  impoflîbîe  de  les  arra- 
cher  à  l'idolâtrie  &   de  les  inftruire  dans 
I  les  principes  de  la  foi  chrétienne  ;   qu'on 

ne  dévoie  plus  avoir  aucun  fcrupule  fur 
la  légitimité  des  repartimientos ,  attendu 
que  le  roi  &  fon  confeil  en  prenoient  le 
rifque  fur  leur  confcience  ;  qu'en  confé- 
quence  les  Dominicains  &  les  moines  des 
autres  ordres  dévoient  s'interdire  à  l'ave-- 
nir  les  invedives  que  l'excès  d'un  zèle  cha- 
ritable ,  mais  peu  éclairé  ,  leur  avoit  fait 
proférer  contre  cet  ufage  (i^. 

Ferdinand  voulant  faire  connoître  clai- 
rement l'intention  où  il  étoit  de  faire  exé- 
cuter ce  décret,  accorda  de  nouvelles  con- 
cefîîons  d'Indiens  à  plufieurs  de  fes  cour- 
tifans  Qi),  Mais  afin  de  ne  pas  paroître 
oublier  entièrement  les  droits  de  l'humani- 
té ,  il  publia  un  édit  par  lequel  il  tâcha 
de  pourvoir  à  ce  que  les  Indiens  fuflent 
traités  doucement   fous  le  joug  auquel  11 


Ci)  Herrera ,  decad,  1 ,  UK  IX  ]  G*  14% 
(2)  Voyez  la  Note  X  V. 


D  E  l'A  m  e  ri  que.  71 

les  afTujettiffoit  ;  il  régla  la  nature  du  tra- 
vail  qu'ils    feroient  obligés    de   faire  ;   il 
prefcrivic  la  manière  donc  ils  dévoient  être 
vêtus  &  nourris ,  &  fît  des  réglemens-  re- 
latifs  à  leur  inftrudion  dans  les  principes 
du  chriftianifme    (i).     Mais    les  Domini- 
cains qui  jugeoient  de  Tavenir  par  la  eon- 
noiflance  qu'ils  avoient  du  padé,  fentirent 
bientôt  rinfuffifance  de  ces  précautions,  (5c 
prétendirent  que  tant  que  les  individus  au- 
roient  intérêt  de  traiter   les  Indiens  avec 
rigueur ,  aucun  règlement  public  ne  pourroit 
rendre  leur  fervitude  douce  ni  même  tolé- 
rable.    Ils  jugèrent  qu'il  feroit  inutile  de 
I  con fumer  leurs  forces  à  eflayer  de  commu- 
!  niquer  les  vérités  fublimes  de  l'évangile  à 
i.des  hommes   dont  Tame  étoit   abattue  & 
I  i'efprit  affoibli  par  l'oppreffion.    Quelques- 
I  uns  de  ces  mifîîonnaires  découragés  deman- 
1  derent  à  leurs  fupérieurs  la   permiiTion  de 
pafler  fur    le  continent  ,  pour   y  remplir 
l'objet  de  leur  million  parmi  ceux  des  in- 
diens qui  n'étoient  pas   encore  corrompus 
par  l'exemple  des  Efpagnols  ni   prévenus 
par  leurs  cruautés  contre  les  dogmes  du 

CO  Herrera,  decad,  i^Jib»  IX,  c,  14, 


Liv.  Ilî, 


72  HiSTOIRK 

^- —  chriflianifme.    Ceux  qui  refterent  à  Flifpa- 

Liv.  III.  j^IqI^    continuèrent  de  faire  des  remontran- 
1517. 

ces  avec  une  fermeté  décente  contre  la 

fervitude  des  Indiens. 

Barrbe-      Lcs  Opérations  violentes  d*Albuquerque, 

W  ca-  <îui  venoit  d'être  chargé  du  partage  des  In* 

fas  entre- (^jgfjg     rallumèrent  le  zèle  des  Dominicains 

prend  la  ' 

tiéfenie    contrc  \qs  repartîmîentoî  ^   &  fufcicerent  à 

des  în-  ,  ^    .      ,  j        .     , 

«tiens,     ce  peuple  opprimé  un  avocat  doue  du  cou- 
rage, des  talens  &  de  i'adivité  néceiTaires 
pour    défendre  une   caufe    (i    défefpérée. 
"  Cet  homme  zélé  fut  Barthélémy  de  Las  Ca- 
fas  5  natif  de  Séville ,  &  Tun  des  eccléfiafti- 
ques   qui  accompagnèrent  Colomb  au  fé- 
cond voyage  des  Efpagnols,  lorfqu'on  vou« 
lut  commencer  un  établifferaent  dans  Pille 
d'Hifpaniola.    Il    avoit    adopté    de   bonne 
heure  l'opinion  dominante  parmi  fes  con- 
frères   les  Dominicains  ,    qui    regardoient 
comme  une  injuftice  de  réduire  les  Indiens 
en  fervitude  ;  &  pour  montrer  fa  fincérité 
&  fa  convidion  il  avoit  renoncé  à  la  por- 
tion d'Indiens  qui  lui  étoît  échue  lors  du 
partage  qu'on  en  avoit  fait  entre  les  con- 
quérans   &    avoit   déclaré   qu'il    pleureroit 
toujours  la  faute  dont  il  s'étoin  rendu  cou- 
pable en  exerçant  pendant  un  moment  fur 

fes 


DE      L*A  M  Tî  R  ï  Q  tJE.  73 

fes  frères  cette  dominatiou  impie  (^i). 
Dès-lars  il  fut  le  patron  déclaré  des  Iq- 
diens,  &  par  fon  courage  à  les  défendre, 
aufli  bien  que  par  le  refpedt  qu'infpiroieat 
fes  talens  &  fon  caractère  ,  il  eut  fouvenc 
le  bonheur  d'arrêter  les  excès  de  fes  com- 
patriotes. Il  s'éleva  vivement  contre  les 
opérations  d'Albuquerque  &  s*appercevant 
bientôt  que  l'avide  rapacité  du  gouverneur 
lé  rendoit  fourd  à  toutes  les  follicitations^ 
H  n'abandonna  pas  pour  cela  la  malheureufc 
nation  dont  il  avoit  époufé  la  caufe.  Il 
partit  pour  PEfpagne  avec  la  ferme  efpé» 
rance  qu'il  ouvriroic  les  yeux  &  touchcroic 
le  cœur  de  Ferdinand  j  en  lui  faifant  le  ta- 
bleau de  l'oppreflion  que  fouÔVoienc  fes 
nouveaux  fujets  (2^. 

Il  obtint  facilement  une  audience  du  roî , 
dont  la  fanté  étoit  fort  afFoiblie.  Il  mie 
fous  fes  yeux  avec  autant  de  liberté  que 
d'éloquence  les  effets  funeftes  des  rep-artU 
mientos  dans  le  nouveau  monde ,  lui  repro» 


CO  Fr.  Aug.  Davila  Padilla ,  kift,  de  la  funâaàon  de  lu 
proy'wca  de  Sant-Jago  ne  Mexico  ^  p.  303,  304.  Herre- 
ra,  (kc.  J,  lib.  X,  c.  12. 

(i)  lUxmfi ^  decad.  I ,  Hb.  X.  €.  12  j  êeco^,  2,  îîh,  /, 
#k  2.    Daviia  Padilla,  hift,  p,  304. 

Tome  IL  D 


Liv.  m. 


Liv.  m. 

le  1517' 


74  Histoire 

chant  avec  courage  d'avoir    autorifé   ces 
mefures  impies  qui  avoient  porté  la  mife* 
re  &  la  deftrudlion  fur  une  race  nombreufe: 
d'hommes  innocens  que  la  providence  avoit; 
confiés  à  fes  foins.    Ferdinand,  dont  i'ef- 
prit  étoic  affoibli  par  la  maladie,  fut  vive» 
ment    frappé   de  ce    reproche   d'impiété , 
qu'il  auroit   méprile  dans  d'autres  circon» 
fiances.    Il  écouta  le  difcours  de  Las  Cafasj 
avec  les  marques    d'un  grand  repentir   &: 
promit  de  s'occuper  férieufement  des  mo- 
yens de  réparer  les   maux  dont  on  fe  plai- 
gnoit.    Mais  la  mort  l'empêcha  d'exécuterr 
cette   réfolution.    Charles    d'Autriche  ,  ai 
qui  la  couronne  d'Efpagne  palToit,   faifoitj 
alors  fa  réûdence  dans  fes  états  des  pays^' 
ba\    Las  Cafas ,  avec  fon  ardeur  accoutu-^ 
mée,  fe  préparoit  à  partir  pour  la  Flandre,, 
dans  la  vue  de  prévenir  le  jeune  monarque,, 
lorfque  le  cardinal  Ximenès  devenu  régenC 
de  Caflille  lui  ordonna  de  renoncer   à  cen 
voyage  &  lui  promit  d'écouter  lui  -  même 
fes  plaintes. 

Régie-         Le  cardinal  pefli  la  matière  avec  ratten«i 

'"ardînai^    tion  que  méritoit  fon  importance,  &  comme 

Xùiicnès.   fon  efprit  impétueux  aimoit  les  idées  har 

dies  &  peucoramuLes,  le  plan  qu'il  adopt; 


©  E    l'A  m  e  r  I  q  u  k.  7j 

très -promptemenc  étonna  les  miniflres  Ef  gajug 
pagnols  ,  accoucumés  aux  lenteurs  .&  aux  Liv.  iii, 
formalicés  de  l'adminiflration  de  Ferdinand.  ^^^^* 
Sans  égard  ni  aux  droits  que  réclamoit 
Don  Diego  Colomb ,  ni  aux  règles  établies 
par  le  feu  roi ,  il  fe  détermina  à  envoyer 
en  Amérique  trois  furintendans  de  toutes 
les  colonies,  avec  Tautoricé  Tuffifance  pour 
décider  en  dernier  reflbrc  la  grande  ques- 
tion de  la  liberté  des  Indiens  ,  après  qu'ils 
auroient  examiné  fur  les  lieux  toutes  les 
circonftances.  Le  choix  de  ces  furinten- 
dans écoic  délicat.  Tous  les  laïques,  tant 
ceux  qui  étoienc  établis  en  Amérique ,  que 
ceux  qui  avoienc  écéconfuîtés  comme  mem-  _ 
bres  de  Tadminifcracion  de  ce  département, 
avoient  déclaré  leur  opinion  &  penfoient 
que  les  Efpagnols  ne  pouvoient  confer- 
ver  leurs  établilTemens  au  nouveau  monde 
à  moins  qu'on  ne  leur  permît  de  retenir 
les  Indiens  dans  la  fervicude.  Ximenès 
crut  donc  qu'il  ne  pouvoit  compter  fur 
leur  impartialité  &  fe  détermina  à  donner 
fa  confiance  à  des  eccléfiafliques.  Mais, 
comme  d*un  autre  côté  les  Dominicains  <Sc 
les  Francifcains  avoient  époufé  le  fentimenc 
contraire ,  il  exclut  ces  deux   ordres  reli- 

D  2 


'j6  Histoire 

■»"—  gieuîT.  Il  fit  tomber  fon  choix  fur  les  moî- 
Liv.iii.  j^eg  appelles  Hiéronimites  5  communauté  peu 
nombreufe  en  Efpagne,  mais  qui  y  jouif- 
foit  d'une  grande  confidération.  D'après 
le  confeil  de  leur  général  &  de  concerc 
avec  Las  Cafas  ,  il  choifit  parmi  eux  trois 
fujets  qu*il  jugea  dignes  de  cet  important 
emploi*  Il  leur  alTocia  Zuazo,  jurifconful- 
te  d'une  probité  diftinguée,  auquel  il  don- 
na tout  pouvoir  de  régler  Tadminiflration 
de  la  juflice  dans  les  colonies.  Las  Cafas 
fut  chargé  de  les  accompagner  avec  le  titre 
de  protefteur  des  Indiens  (i). 

Confier  un  pouvoir  aflez  étendu  pour 
changer  en  un  moment  tout  le  fyftême  du 
gouvernement  du  nouveau  monde,  à  quatre 
perfonnes  que  leur  état  &  leur  condition 
n'appelloient  pas  à  de  fi  hauts  emplois,  pa- 
rut à  Zapata  &  aux  autres  miniflres  du  der- 
nier roi  une  démarche  fi  extraordinaire  & 
fi  dangereufe  qu'ils  refuferent  d'expédier 
les  ordres  nécefiaires  pour  l'exécution. 
Mais  Ximenès  n'étoit  pas  difpofé  à  fouffrir 
patiemment  qu'on  mît  aucun  obilacle  àfes 
projets.    Il  envoya  chercher  les  miniflres  , 

Cl)  Herrera ,  éfee^ui.  2 ,  M,  II ,  f,  3. 


D  E    l'A  m  e  ri  q  u  e.  Ç7 

leur  parla  d'un  ton  fi  haut  &  les  efFraya 
tellemeot  qu'ils  obéirent  fur  le  champ  (l).  Liv.im 
Les  furintendans ,  leur  aflbcié  Zuazo  &  Las 
Cafas ,  mirent  à  la  voile  pour  Saint  -  Domin» 
gue.  A  leur  arrivée  ,  le  premier  ufage 
qu'ils  firent  de  leur  autorité  fut  de  mettre 
en  liberté  tous  les  Indiens  qui  a  voient  été 
donnés  aux  courtifans  Efpagnols  &  à  toute 
perfonne  non  réfidante  en  Amérique.  Cet, 
adle  de  vigueur ,  joint  à  ce  qu'on  avoit  ap. 
pris  d'Efpagne  fur  l'objet  de  leur  commis* 
fion  ,  répandit  une  alarme  générale.  Les 
colons  conelurent  qu'on  alloit  leur  enlever 
en  un  moment  tous  les  bras  avec  lefquels 
ils  conduifoient  leurs  travaux  &  que  leur 
ruine  étoit  inévitable.  Mais  les  PP.  de 
Saint -Jérôme  fe  conduifirent  avec  tant  de 
précaution  &  de  prudence  que  les  craintes 
furent  bientôt  dij[ïïpées.  Ils  montrèrent 
dans  toute  leur  adminiftration  une  connoif- 
fance  du  monde  &  des  affaires  qu'on  n'ac-- 
quiert  guère  dans  le  cloître,  &  une  modé- 
ration &  une  douceur  encore  plus  rares 
parmi  des  hommes  accoutumés  à  Tauflérité 
de  la  vie  monallique.     Ils  écoutèrent  tout 


(i)  Herre»,  i*c»  î>  Uh,  II,  c,  5. 
D3 


?8  Histoire 

*^==  le  monde  ;  ils  comparèrent  les  informations 
Ltv.  m.  qu'ils  avoient  recueillies,  &  après  une  mû- 
i*e   délibération  ils   demeurèrent   perfuadés 
que  rétat  de  la  colonie  rendoit  le  plan  de 
Las  Cafas,  vers  lequel  penchoit  le  cardinal, 
împoflîble  dans  l'exécution.    Ils  fe  convain- 
quirent que  les  Efpagnols  établis  en  Amé- 
rique  étoient   en  trop  petit  nombre   pour 
pouvoir  exploiter  les  mines  déjà  ouvertes 
&  cultiver  le  pays  ;  que  pour  ces  deux  gen- 
res  de  travaux  ils   ne  pouvoient  fe  pafler 
des  Indiens;  que  fi  on  leur  ôtoit  ce  fecours 
il  faudroit  abandonner  les  conquêtes  ,  ou 
au  moins  perdre  tous  les  avantages  qu'on 
en   retiroit  ;    qu'il   n'y  àvoit  aucun  motif 
,  affez  pui (Tant  pour  faire  furmonter  aux  In- 
diens rendus  libres  leur  averfîon  naturelle 
pour  toute  efpece  de  travail  &  qu'il  faîloit 
l'autorité  d'un  maître  pour  les  y  forcer  ; 
que  fi  on  ne  les  tenoit  pas  fous  une  difci» 
pline  toujours   vigilante ,  leur  indolence  & 
leur  indifférence  naturelles  ne  leur  permet- 
troient  jamais  de  recevoir  rinftruûion  chré- 
tienne ni  d'obferver  les  pratiques  de  la  re- 
ligion.   D'après  tous  ces  motifs  ils  trouvè- 
rent nécelTaire  de  tolérer  les  repart imientos^ 
&  l'efclavage  des  Américains.    Ils  s'efforce- 


B  E    l'A  m  e  r  I  q  û  e.  7^ 

rent  en  même  tems  de  prévenir  les  funeftes  "^ 

effets  de  cette  tolérance  &  d'alTurer  aux  ^,^J;J^^* 
Indiens  le  meilleur  traitement  qu*on  pûc 
concilier  avec  Tétat  de  fervitude.  Pour 
cela  ils  rcnouvellerent  les  premiers  régle- 
tnens  ,  y  en  ajoutèrent  de  nouveaux  ,  ne 
négligèrent  aucune  des  précautions  qui  pou- 
voient  diminuer  la  pefanteur  du  joug  :  en- 
fin ils  employèrent  leur  autorité  ,  leur 
exemple  &  leurs  exhortations  à  infpirer  à 
leurs  compatriotes  des  fentimens  d'équité 
&  de  douceur  pour  ce  peuple  malheureux, 
dont  rinduftrie  leur  étoit  fi  néceffaire.  Zua- 
zo  dans  Ton  département  féconda  les  efforts 
des  furinrendans.  Il  réforma  les  cours  de 
juftice  5  dans  la  vue  de  rendre  leurs  déci- 
fions  plus  équitables  &  plus  promptes  ,  <3c 
fit  divers  réglemens  pour  mettre  fur  un 
meilleur  pied  la  police  intérieure  de  la  co- 
lonie. Tous  les  Efpagnols  du  nouveau  mon» 
de  témoignèrent  leur  fatisfadtion  de  la  con- 
duite de  Zuazo  &  de  fes  affociés ,  &  ad- 
mirèrent la  hardieffe  de  Ximenès ,  qui  s'é- 
toit  écarté  fi  fort  des  Toutes  ordinaires 
dans  la  formation  de  fon  plan ,  &  fa  faga- 
cité  dans  le  choix  des  perfonnes  à  qui  il 
àvoit  donné  fa  confiance  &  qui  en  étoient 

D  4 


8o  Histoire 

BHH  dignes  par  leur  fagefle,  leur  modéraiion  & 
Liv.iii.  jg^j.  défintéreflemenc  (i). 

Las    Gafas    feul  étoit  mécontent.     Les 
confidéracioQs  qui  avoient  déterminé  les  fur- 
intendans  ne  faifoient  aucune  impreiïion  fur 
lui.    Le  parti  qu'ils  prenoient  de  conformer 
leurs  réglemens  à  l'état  de  la  colonie  ,  lui 
paroiflbit  l'ouvrage  d'une  politique  profane 
&  timide,   qui  confacroic  une  injuftice  par- 
ce qu'elle  étoic  avantageufe.    Il  prétendoit 
que  les  Indiens  étoient  libres  par  le  droit 
de  nature  ,    6c  comme   leur  protedleur   il 
■  fommoit  les  furintendans  de  ne  pas  les  dé- 
pouiller du  privilège  commun  de  rhumani- 
té.     Les  furintendans  reçurent  fes  remon- 
trances les  plus  âpres  fans  émotion  &  fans 
s'écarter  en  rien  de  leur  plan.    Lés  plan- 
teurs Efpagnols  ne  furent  pas  fi  modérés  à 
fon  égard  &  il  fut  fouvent  en  danger  d'être 
mis  en  pièces  pour  la  fermeté  avec  laquel- 
le il  infifloit  fur  une  demande  qui  leur  étoic 
fi  odieufe.     Las  Cafas ,  pour  fe  mettre  à 
l'abri  de  leur  fureur  ,  fut  obligé  de  cher- 
cher un  afyle  dans  un  couvent ,  &  voyant 

que 

Ci)  Herrera,tf'<?f^^.2,  lih,  11^  c.  15.  Remefal,  hîfi,  ^^«. 
l!b,  /y,  e,  14,  ig,    iC, 


DE    l'A  M  E  RI  q  U  E.  Bl 

que  tous  fes  efforts  en  Amérique  étoient 
fans  effet,  il  partit  pour  l'Europe  ,  avec  la 
ferme  réfolation  de  ne  point  abandonner 
la  défenfe  d'un  peuple  qu'il »regardoit  com- 
me viQime  d'une  cruelle  oppreiîion  (i}. 

S'il  eût  trouvé  dans  Ximenès  la  même   Ses  »^- 
Vigueur  d  elprit  que  ce  mmiltre  mettoit  or-  fvec  les 
dinairement   aux  affaires  ,  il  eût   été  vrai-  ^^^  ebarî 
femblablement  fort  mal  reçu.     Mais  le  car- les  v. 
dinal  étoit   atteint  d'i^ne  maladie  mortelle 
&  fe  préparoit  à  remettre  i'aucorké  dan5 
les  mains  du  jeune  roi  qu'on  actendoit  de 
jour  en  jour  des  pays-bis.    Charles  arriva , 
prit  pOiTeiîîon  du  gouvernement  &  par  la 
mort   de  Ximenès  perdit  un   minidre  qu-i 
auroit  mérité   fa  confiance  par  fa  drokure 
&  fes  talens.    Beaucoup  de  Seigneurs  Fla- 
mands a  voient  accompagné  leur  Souverairs 
CH    Efpagne.      L'attachement    naturel    de 
Charles  pour  fes  compatriotes  rengagemc 
h  les  confulter  fur  toutes  les  affaires  de  fou 
nouveau  royaume  ,  &  ces  étrangers  mon* 
trerent  un  empreflement  indifcret  à  fe  mé> 
ier  de  tout  &  à  s'emparer  de  pvefque  toa- 

I>5 


%i  Histoire 

^i— ■  tes  les  parties  de  Tadminiflration  Çi'),  La 
Xiv.iii.  jifeftion  des  affaires  d'Amérique  étoit  un 
objet  trop  féduifant  pour  leur  échapper. 
Las  Cafas  remarqua  leur  crédit  naiflant. 
Quoique  les  hommes  à  projet  foient  com- 
rhunément  trop  ardebs  pour  fe  conduire 
:  avec  beaucoup  d'adrefle ,  celui  •  ci  étoit 
doué  de  cette  adlivité  infatigable  qui  réus- 
fit  quelquefois  mieux  que  Pefprit  le  plus 
délié.  Il  fit  fa  cour  aux  Flamands  avec 
beaucoup  d'affîduité.  Il  mit  fous  leurs  yeux 
î'abfurdité  de  toutes  les  maximes  adoptées 
jufques-là  dans  le  gouvernement  de  l'Amé- 
rique ,  &  particulièrement  les  vices  des  dif- 
pofitions  faites  par  Ximenès.  La  mémoire 
de  Ferdinand  étoit  odieufe  aux  Flamands. 
La  vertu  &  les  talens  fupérieurs  de  Xime- 
nès avoient  été  longtems  pour  eux  des  mo- 
tifs de  jaîoufîe.  Ils  defiroient  vivement  de 
trouver  des  prétextes  plaufibles  pour  con» 
damner  les  mefures  du  minillre  &  du  dé- 
funt monarque  &  pour  décrier  la  politique 
de  l*un  &  de  l'autre.  Les  amis  de  D.  Die* 
go  Colomb  5  aufli  bien  que  les  courtifans 
Efpagnols  qui  avoient  peu  à  fe  plaindre  de 


(0  J^^'fi*  ^  Chartes  F. 


D  E     L*A  M  E  R  I  Q  U  E.  83 

Tadminiflration  du  cardinal ,  fe  joignirent  ^«mm 
à  Las  Cafas  pour  défapprouver  le  plan  ^jl'j^^/' 
d'envoyer  des  furintendans  en  Amérique. 
Cette  union  de  tant  de  paflîons  &  d'inté- 
rêts devint  fi  puifTante  que  les  Hiéroni- 
Tîiites  &  Zuazo  furent  rappelles.  Rodri* 
gue  de  Figueroa ,  jurifconfulte  eftimé,  fat 
Romn>é  premier  juge  de  Tille  &  reçut  des 
inftruftions  nouvelles  d'après  les  infiances 
de  Las  Cafas ,  pour  examiner  encore  avec 
la  plus  grande  attention  la  queflion  im- 
portante élevée  entre  cet  eccléfiaftique  & 
les  colons,  relativement  à  la  manière  dont 
on  devoit  traiter  les  Indiens.  Il  étoit  au- 
torifé  en  attendant  à  faire  tout  ce  qui  fe- 
rait poffible  pour  fouîager  leurs  maux  & 
prévenir  leur  entière  deftruûion  ("i). 

Ce  fut  tout  ce  que  le  zele  de  Las  Ca- 
fas put  obtenir  alors  en  faveur  des  In- 
diens. L'imponUbilité  de  faire  faire  aux 
colonies  aucun  progrès,  à  moins  que  les 
planteurs  Efpagnols  ne  puÏÏent  forcer  les 
Américains  au  travail,  étoit  une  obje£lion 
infurmontable   à  l'exécution   de    fon   plan 


D  6 


84  Histoire 

— —  de  liberté.    Pour  écarter  cet  obflacle  Las 

Liv.iii.  Cai^s  propofa  d'acheter  dans  les  établifle- 
1517.  *     *■ 

Projet  ïiîens  des  Portugais  à  la  côte  d'Afrique  un 
j;?",es^^"ol'nombre  fuffifant  de  Nègres  &  de  les  tranC.^ 
tonies  de  porter  en  Amérique  où  on  les  employeroit 
comme  efclaves  au  travail  des  mines  &  à 
la  culture  du  fol.  Les  premiers  avantages 
"  que  les  Portugais  avoient  retirés  de  leurs 
découvertes  en  Afrique  leur  avoient  été 
procurés  par  la  vente  des  efclaves*  Plu- 
iîeurs  circonftances  concouroient  à  faire 
revivre  cet  odieux  commerce,  aboli  depuis 
longtems  en  Europe  &  auOi  contraire  aux 
fentimens  de  rhumanité  qu'aux  principes 
de  la  religion.  Dès  l'an  1503  on  avoit 
envoyé  en  Amérique  un  petit  nombre  d'ef- 
claves  nègres  (î).  En  15 lî  Ferdinand 
avoit  permis  qu'on  y  en  tranfportât  en  plus 
grande  quantité  (2)^  On  trouva  que  cet- 
te efpece  d'hommes  étoic  plus  robufte 
que  les  Américains  ,  plus  capable  de  réiî- 
Her  à  une  grande  fatigue  &  plus  patien- 
te fous  le  joug  de  la  fervitude.  On  cal- 
culoit  que  le  travail  d'un  Nègre  équiva;- 


D  E     L'A  M  E  R  I  Q  U  E.  ES 

loit  à  celui  de  quatre  Américains  (i).  Lé  9ÊÊÊm 
cardinal  Ximenès  avoic  été  preffé  de  per-  ^^^^J"' 
mettre  &  d'encourager  ce  commerce  ;  mais 
il  avoit  rejette  le  projet  avec   fermeté  , 
fentant  combien  il  étoit  in/ufle  de  réduire 
une  race  d'hommes   en    efclavage  en  déH»; 
béranc  fur  les  moyens  de  rendre  la  liberté 
à  une  autre  (2).    Mais  Las  Cafas,  incon- 
féqucnt    comme   le  font  les  efprits  qui  fe: 
portent    avec    une    impétuoûté    opiniâtre 
vers  une  opinion  favorite ,  étoit  incapable 
de    faire    cette   réflexion.     Pendant    qu'il 
combattoit  avec    tant    de  chaleur  pour  la 
liberté  des  habitans  du  nouveau  monde  » 
il  travailloit  à  rendre  efclaves  ceux  d'une 
autre    partie  ,   &  dans  la  chaleur   de  foa 
zèle  pour  fauver  les  Américains  du  joug,, 
il  prononçoit  fans  fcrupule  qu'il  étoit  juf- 
te  &   utile  d'en  impofer  un   plus  pefant 
encore  fur  les  Africains.  Malheureufement 
pour  ces  derniers  le  plan  de  Las  Cafas  fut 
adopté.    Charles  accorda  à  un  de  fes  cour- 
tifans  Flamands  le  privilège  exclufif  d'in> 
porter  en    Amérique  quatre  mille    Noirs, 


CO  Herrera ,  dec.  r ,  lih;  IX,  c,  5» 


ZS  Histoire 

i«55  Celui»  ci  vendit  fon  privilège  pour  vîngt- 
^îs'is"'  cinq  mille  ducats  à  des  marchands  Gé- 
nois 5  qui  les  premiers  établirent  avec  une 
forme  régulière  entre  T Afrique, &  l'Amé- 
rique ce  commerce  d'hommesa  qui  a  reçu 
depuis  de  û  grands  accroiflemens  Ci}« 

Mais  les   marchands  Génois    conduifant 
leurs    opérations    avec    l'avidité    ordinaire 
aux  monopoleurs,  demandèrent  bientôt  des 
prix   il    exorbirans    des  Noirs   qu'ils  por- 
toient  à  Hifpanlola  qu'on  y  en  vendit  trop 
peu    pour  améliorer  l'état   de   la  colonie. 
LasCa-  ^^^  Cafas ,  dont  le  zèle  étoit  auffî  inven- 
pofed'en-tif  qu'infatigablc ,  eut  recours  à  un  autre 
cultiva-''  expédient   pour   foulager   les  Indiens.     Il 
wi^aJo-  avoit  obfervé  que  le  plus  grand   nombre 
Ja«  de  ceux  5  qui  jufques-là  s'étoient  établis 

en  Amérique  ,  étoient  des  foldats  ou  des 
matelots  employés  à  la  découverte  ou  à 
la  conquête  de  ces  régions  ,  des  fils  de 
'  familles  nobles  attirés  par  i'efpoir  de  s'en- 
richir promptement ,  ou  des  aventuriers 
fans  reflburce  &  forcés  d'abandonner  leur 
patrie  par  leurs  crimes  ou  leur  indigence* 
A   la  place  de  ces  hommes  avides,  fana 


CO  Herrera,  m.  Il,  c.  S3^ 


DE    l'A  m  K  R  I  QU  E.  ^f 

mœurs,  incapables  de  rinduflrie  perfévé-  5559 
rante  &  de  l'économie  néceflaire  dans  ré-  ^J^;^** 
tabliflement  d'une  colonie,  il  propofa  d'en- 
voyer à  Hifpaniola  &  dans  les  autres  ifles 
un  nombre  fuffifant  de  cultivateurs  &  d*ar- 
tifans,  à  qui  on  donneroic  des  encourage- 
mens  pour  s*y  tranfporter.  De  tels  hom- 
mes accoutumés  à  la  fatigue  feroient  en 
état  de  foutenir  des  travaux,  dont  les  Amé- 
ricains étoient  incapables  par  la  foiblelTe 
de  leur  conftitution  ,  &  bientôt  ils  devien- 
droienc  eu^c- mêmes  par  la  culture  de  ri- 
ches &  d'utiles  citoyens.  Mais,  quoiqu'on 
eût  grand  befoin  d'une  nouvelle  recrue 
d'habitans  à  Hifpaniola  ,  oîi  la  petite  vé- 
role venoit  de  fe  montrer  &  d'emporter 
un  nombre  con  fi  dé  rabîe  d'Indiens,  ce  pro- 
jet ,  quoique  favorifé  par  les  miniftres  Fla- 
mands ,  fut  traverfé  par  l'évêque  de  Bur- 
gos  que  Las  Cafiis  trouvoîc  toujours  en  foa 
chemin  (i). 

Las  Cafas  commença  alors  h  défefpérer  n  forme 
de  faire  aucun  bien  aux  Indiens  dans  les  d'usé  noi$« 
établifTeraens  déjà   formés*     Le  mal  étoitîoliL"^^* 
trop  invétéré  pour  céder  aux  remèdes.  On 

*■  ■ ^ —  m 


es  H   I  s  T  O  I  R  E 

p— *  fàifoit  tous  les  jours  des  découvertes  nou* 
^1518?*  velles  dans  le  confinent ,  qui  donnoient  de 
hautes  idées  de  fa  population  &  de  fon 
étendue.  Dans  toutes  ces  vaftes  régions 
il  n*y  avoit  encore  qu'une  feuk  colonie 
très-foible,  &  fi  Ton  en  exceptoit  un  pe- 
tit efpace  fur  Tlfthme  de  Darien ,-  les  na-* 
turels  éioient  maîtres  de  toiit  le  pays.  C'é- 
toit  •  là  un  champ  nouveau  &  plus  étendu 
pour  le  zeîe  &  rhumaaité  de  Las  Cafas  , 
qui  fe  flatcoit  de  pouvoir  empêcher  qu'on 
n'y  introduifft  le  pernicieux  fyflême  d'ad- 
miniftration  qu'il  n'avoit  pu  détruire  danS' 
les  lieux  oh  il  étoic  déjà  tout  établi.  Plein 
de  ces  efpérancss  il  fallieica  une  conceflTion 
de  la  partie  qui  s'étend  le  long  de  la  côte 
depuis  le  golfe  de  Paria  jufqu'à  la  fron- 
tière occidentale  de  cette  province ,  aujour- 
d'hui connue  fous  le  nom  de  Sainte  -  Mar- 
the. Il  propofa  d'y  établir  une  colonie  for* 
mée  de  cultivateurs ,  d'artifans  &  d'ecclé- 
Cafliques.  11  s'engagea  à  civiiifer  dans 
l'efpace  de  deux  ans  dix  mille  Indiens  & 
à  les  inftruire  aflez  bien  dans  les  arts  uti- 
les pour  pouvoir  tirer  de  leurs  travaux  & 
de  leur  induftrie  un  revenu  de  quinze  milr 
k  ducats  pour  k  couronne.  II  proinettoit 


B  E      L'A  M  E  R  I  q  U  E.  $9 

,  aufll  qu'en   dix   ans  fa  colonie  aiiroit  fait  WêSêê 
!  aflez  de  progrès   pour   rendre  au  gouver-  ^i^^g^^^* 
nement  foixante   mille  ducats  par   an.     Il 
ftipula  qu'aucun    navigateur    ou   foîdat  ne 
pourroic  s'y  établir  ,  &  qu'aucun  Elpagnol 
n'y  mettroit  le  pied  fans  fa  permiflion.    Il 
alla  même  jufqu'à  vouloir  que  les  gens  qu'il 
emmeneroit  eufTent  un  habillement  particu- 
lier, différent  de  celui  des  Efpagnols,  afin 
qu'ils  ne   parulTent  point  aux  Indiens  de 
ces  diftrids  de  la  même   rsce   d'hommes 
qui  a  voit  apporté  tant  de  calamités  à  VA^ 
mérique  (i).     Par  ce  plan,   dont  je  ne 
donne  qu'une  légère  efquifle,  il  paroît  clai* 
rement  que  les  idées  de  Las  Cafas  fur  la 
manière  de  civilifer  &  de  traiter  les  In« 
diens  étoient  fort  femblables  à  celles  que 
les  Jéfuites  ont  fuivjes  depuis   dans  leurs 
grandes    entreprifes.  fur    l'autre  partie  du 
même  continent.  Las  Cafas  fuppofoic  que 
les  Européens,  employant  l'afcendanc  que 
leur  donnoit  une  intelligence  fupérieure  & 
de  plus   grands   progrès  dans  l6s  fciences 
&  les  arts,  pourroient  conduire  par  degrés 
l'efprit  des  Américains  à  goûter  ces  moyens 


CO  Herrera,  dec,  2,  Hk»  ly^  «•  a« 


po  Histoire 

de  bonheur   dont  ils   étoient  dépourvus , 
^^^*P^*  leur  faire  cultiver   les  arts  de  l'homme  en 
fociété  &  les  rendre  capables  de  jouir  des 
avantages  de  la  vie  civile. 

L'évêque  de  Bargos  &  le  confeil  des  In- 
des regardèrent  le  plan  de  Las  Cafas  non- 
feulement  comme  chimérique,  mais  comme 
extrêmement  dangereux.  Ils  peofoient  que 
l'efprit  des  Américains  étoit  naturellement 
fi  borné  &  leur  indolence  fi  exceffive  qu'on 
ne  réuflîroit  jamais  à  les  inftruire  ni  à  leur 
ouvrir  refprit.  Ils  prétendoient  qu'il  fe- 
rbit  fort  imprudent  de  donner  une  autori- 
té (î  grande  fur  un  pays  de  plus  de  neuf 
cens  milles  de  côtes  à  un  enthoufiafîe  vi- 
fionnaîre  &  préfomptueux  ,  étranger  auX' 
affaires  &  lans  connoiiTance  de  l'art  du 
gouvernement.  Las  Cafas  qui  s'attendoit 
bien  à  cette  réfiflance  ^  ne  fe  découragea 
ion  projet  pas.  Il  eut  recouts  encore  aux  Flamands, 
qui  favoriferent  fes  vues  auprès  de  Char- 
lés  V  avec  beaucoup  de  zèle ,  précifément 
p&rcé  que  Iqs  miniftres  Efpagnols  les 
avoient  rejettées.  Ils  déterminèrent  le  mo- 
narque ,  qui  venoit  d'être  élevé  à  l'empi- 
re 5  à  renvoyer  l'examen  de  cette  affaire 
à  un  certain   nombre  de  membres   de  foa 


DE   l'Amérique.  pi 

confeil  -  privé  ,  &  comme  Las  Cafas  ré-  SISE 
cufoic  tous  les  membres  du  confeil  des  ^^^'^^  ' 
Indes  comme  prévenus  &  intéreffés  , 
tous  furent  exclus.  La  décifion  des  ju- 
ges choifis  à  la  recommandation  des  Fla- 
mands fut  entièrement  conforme  aux  fen- 
timens  de  ces  derniers.  On  approuva 
beaucoup  le  nouveau  plan  ,  ù,  Ton  donna 
des  ordres  pour  le  mettre  à  exécution  , 
mais  en  reftreignant  le  territoire  accordé 
à  Las  Cafas  à  trois  cens  milles  le  long 
de  la  côte  de  Curaana  ,  d'oii  il  lui  feroic 
libre  de  s'étendre  dans  les  parties  intérieu* 
res  du  pays  Çi^, 

Cette  décifion  trouva  des  cenfeurs.  Pref- 
que  tous  ceux  qui  avoient  été  en  Amé- 
rique la  blâmoient  ,  &  foutenoienc  leur 
opinion  avec  tant  de  confiance  &  par  des 
raifons  fi  plaufibles  qu'on  crut  devoir  s'ar- 
rêter &  examiner  de  nouveau  la  queflion 
avec  plus  de  foin.  Charles  lui -même  ,- 
quoiqu'accoutumé  dans  fa  jeunefTe  à  fuivre 
les  fentiraens  de  fes  miniftres  avec  une 
déférence  &  une  foumiffion  qui  n'annon- 
çoient  pas  la  vigueur  &  la  fermeté  d'efprit 

„(0  Gomera,  hiji,  gen*  c,  77.  Herrera,  àe$,  2,  Ub»  IK 
9.  3.  Ovîedo,  lih.  XIX,  Cn  5. 


92  Histoire 

»™"  qu'il  montra  dans  un  âge  plus  mûr^com- 
Liv.m.  i^^gpça    >^  foupçonner  que    la  chaleur  que 
les  Flamands  metcoient  dans  toutes  lesaf-i- 
faires    relatives  à    TAmérique   avoit    pourr 
principe  quelque  motif  dont   il   dévoie  fe; 
défier  ;   il  déclara   qu'il  étoit  déterminé  ai 
approfondir  lui-même  la   queflion  agitéej 
depuis    û  longtems  fur    le    caradlere  desi 
i\mericains  &  fur  la  manière  la  plus  convena«« 
sojuin.  ble  de  les  traiter.  Il  fe  préfenta  bientôt  une^î 
circondance    qui   rendoit   cette   difcufîîoiM 
plus  facile»  Quevedo ,  évêque  du  Darien,, 
qui  avoit  accompagné  Pedrarias  fur  le  con* 
tinent  en   15 13  ,  venoit  de  prendre  terrea 
à'  Barcelone    oti  la   cour  faifoit   alors  fai 
réfidence.     On  fçut  bientôt  que  fes  fenti- 
mens  étoienc  difFérens  de  ceux  de  Las  Ca- 
fas,  &  Charles  imagina  aflez  naturellement 
qu'en   écoutant   &  en  comparant  les  rai- 
fpns  de  deux  perfonnages  refpedtables  qui  ,> 
par  un  long  féjour  en  Amérique,  avoienÊ^t 
eu   le   tems  nécelTaire  pour  obferver  lesi 
mœurs  du  peuple    qu'il  s'agiflbit  de  faire; 
connoître  ,    il  feroit  en  état  de  découvrir: 
lequel  des  deux  avoit  formé  Ton  opinioa 
avec  plus  de  juflelTe  &  de  difcernement. 
On    défîgna  pour  cet  examen  un  jour* 


D  Ê    l'A  MERiquf.  P3 

fixe  &   une  audience  folemnelle.    L'empe-   — ^ 
I  reur  parue  avec  une  pompe  extraordinaire     'J^^^^  • 
;  &  fe  plaça  fur  Ton   trône   dans  la   grande   Déiib($ra. 
jfalle  de  Ton  palais.   Ses  principaux  courti  [^^^^.^^y^; 
ifans  Tenvironnoient.   Don  Diego  Colomb /i';  ^a '«a- 

1  niere  doiu 

I  amiral   des  Indes  ,  fut  appelle.    L'évêque  on  dévoie 
'  du  Darien  fut    interpellé    de  dire  le  pre.  indieiis!^ 
;  mier   fon   avis.      Son   difcours  ne  fut  pas 
I  long.     11  commença  par  déplorer  les  mal- 
i  heurs  de  l'Amérique  &  la  deftrudlion  d'un    , 
i  fi  grand  nombre  de  fes  habitans  ,  qu'il  re- 
connut être  en  partie  l'effet  de  rexcefll- 
ve  dureté   &  de   l'imprudence   des    Efpa* 
gnols;  mais  il    déclara   que   tous   les    ha-- 
bitans  du  nouveau   monde    qu'il  avoit  ob- 
fervés  ,  Toit  dans   le    continent,  foit  dans 
les   ifles  ,    lui    avoient     paru    une     efpe- 
ce  d'hommes   deftinés  à  la    fervitude   par 
l'infériorité  de  leur  intelligence  &  de  leurs 
taîens   naturels  ,   &  qu'il  feroit  impoiTible 
de  les  inftruire  ni  de  les  faire  avancer  vers 
la  civilifation,  lî  on  ne  les  tenoit  pas  fous 
l'autorité  continuelle  d'un  maître.    Las  Ca- 
-fas  s'étendit  davantage  &  défendit  fon  fen- 
timent  avec   plus    de  chaleur.     Il  s'éleva 
avec  indignation  contre  l'idée  qu'il  y  eût 
aucune  race  d'hommes  née  pour  la.fervitu» 


^4  Histoire 

■1—  de ,  &  attaqua  cette  opinion  comme  irréli- 
Liv.iii.  ^jeufe  ^  inhumaine.  Il  alTura  que  les  Amé-  î 
ricains  ne  manquoient  pas  d'intelligence  <Sc  il 
qu'elle  n'avoit  befoin  que  d'être  cuUivée  ;, 
qu'ils  étoient  capables  d'apprendre  les  prîn* 
cipes  de  la  religion  &  de  fe  former  à  l'in- 
duftrie  &  aux  ans  de  la  vie  fociale  ;  quçi 
leur  douceur  &  leur  timidité  naturelles  lesi 
rendant  fournis  &  dociles  ,  on  pouvoit  lesi 
conduire  &  les  former ,  pourvu  qu'on  ne  lesi 
traitât  pas  durement.  Il  protefta  que  dansj 
le  plan  qu'il  avoit  propofé  fes  vues  étoienti 
pures  &  défintéreffées  ,  &  que  quelquesi 
avantages  qui  duflent  revenir  de  leur  exé-- 
cution  à  la  couronne  de  Caflille,  il  n'avoitl 
jamais  demandé  &  ne  demanderoit  jamaisi 
aucune  récompenfe  de  fes  travaux. 
T.e  plan  Charles  ,  après  avoir  entendu  les  deu)Q 
c*4^efl:  P^^^^oyers  &  con fuite  fes  miniftres  ,  ne  f^j 
approuvé,  crut  pas  encore  aflez  bien  inftruit  pouri 
prendre  une  réfolution  générale  relative-: 
ment  à  la  condition  des  Américains  ;  maisi 
comme  il  avoit  une  entière  confiance  en  lai 
probité  de  Las  Cafas  &  que  l'évêque  dm 
Darien  lui-même  convenoit  que  l'afFairei 
étoit  affez  importante  pour  qu'on  pût  elTa'^ 
yer  le  plan  propofé,  il  céda  à  Las  Cafaj 


D  E    l'A  m  e  r  I  ^  u  e.  5)5 

par  des  lettres -patentes  la  partie  de  la  côte 
de  Cumana  dont  nous  avons  fait  mention 
plus  haut ,  avec  tout  pouvoir  d*y  établir 
une  colonie  d'après  le  plan  qu'il  avoit  pro- 
pofé  (i). 

Las  Cafas  preffa  les  préparatifs  de  fbn  lif'iîtfcs 
voyage  avec  Ion  ardeur  accoutumée  ,  mais  iis<, 
foit  par  fon  inexpérience  dans  ce  genre 
d'affaires,  foit  par  l'oppolition  fecrette  de 
la  nobleife  Efpagnple  qui  craignoic  que  l'é- 
migration de  tant  de  perfonnes  ne  leur 
enlevât  un  grand  nombre  d'hommes  indus- 
trieux &  utiles  occupés  de  la  culture  de 
leurs  terres ,  il  ne  put  déterminer  qu'environ 
deux  cents  cultivateurs  ou  artifans  à  Tac- 
eorapagner  à  Cumana. 

Rien  cependant  ne  put  amortir  fon  zele.   ïi  paît 

,,..,.,  _  .  ^   pour  l'A- 

il mit  a  la  voile  avec  cette  petite  troupe  a  mérique 

peine  fuffifante  pour  prendre  polTeflion  du  !Jnr,5'de 

vafce  territoire  qu'on  lui  accordoit  &  avec  «^i'^l'^'^l 

laquelle  il  étoic  impoflible  de  réuffir  à  en 

civilifer  les  habitans.  Le  premier  endroit  où 

il  toucha  ,  fut  l'ille  de  Porto  -  Rico.    Là 


(O  Heiixra,  decti^.  2,  iib.  /^,  c.  3,4,5.  Argenfoîa, 
Annales  de  AragQ»,  7\'^7*  Remefal,  hifi*  gen^  Ub*  II, 
*.  19  j  20. 


9<5  Histoire 

^^^s  il  eut  connoi fiance  d'un  nouvel  obdâ" 
3^20.  *  ^^^  ^  l'exécution  de  fon  plan ,  plus  diffi- 
cile à  furmonter  qu'aucun  de  ceux  qu'il 
avoit  rencontrés  jurqu'alors.  Lorfqu'il  avoit 
quitté  l'Amérique  en  1517,  les  Efpagnols 
n'avoient  prefqu'aucun  commerce  avec  le 
continent  fî  Ton  excepte  les  pays  voifîns 
du  golfe  de  Darien,  Mais  tous  les  genres 
de  travaux  s'afFoiblifiant  de  jour  en  jour  à 
Hifpaniola  par  la  deflrudlion  rapide  des  na- 
turels du  pays  ,  les  Efpagnols  manquoient 
de  bras  pour  continuer  les  entreprifes  déjà 
formées  &  ce  befoin  les  avoit  fait  recourir 
à  tous  les  expédiens  qu'ils  pouvoient  ima- 
giner pour  y  fuppléer.  On  leur  avoit  en- 
voyé beaucoup  de  Nègres  3  mais  le  prix  en 
étoit  monté  fi  haut  que  la  plupart  des  co- 
lons ne  pouvoient  y  atteindre.  Pour  fe 
procurer  des  efclaves  à  meilleur  marché  ,  J 
quelques-uns  d'entr'eux  armèrent  des  vais-^ 
féaux  &  fe  mirent  à  croifer  le  long  des 
côtes  du  continent.  Dans  les  lieux  oii  ils 
étoient  inférieurs  en  force,  ils  commer- 
çoient  lavec  les  naturels  &  leur  donnoienti 
des  quincailleries  d'Europe  pour  les  pla-i 
ques  d'or  qui  fervoient  d'ornemens  à  ces^ 
peuples  ;    mais    partout   oU   ils  pouvoienej 

fur- 


D  É     L*A  M  E  R  I  Q  U  E.  97 

'fùrprendre   les   Indiens    ou  l'emporter  fur  f=~= 
«  ...         ,      .       Liv.  m. 

eux  à  force   ouverte  ,  ils  les   enlevoient    j^^g, 

&  les  vendoient  à  Hirpaniola  (i).  Cette 
piraterie  étoit  accompagnée  des  plus  gran- 
<les  atrocités.  Le  nom  Efpagnol  devint 
en  horreur  fur  tout  le  continent.  Dès 
qu'un  vaifTeau  paroilToit  ,  les  habitans 
fuyoient  dans  les  bois ,  ou  couroient  au  ri- 
vage en  armes  pour  repoufTer  ces  cruels 
ennemis  de  leur  tranquillité.  Quelquefois 
ils  forçoient  les  Efpagnols  à  fe  retirer 
avec  précipitation  ,  ou  ils  leur  coupoient 
la  retraite.  Dans  la  violence  de  leur  ref- 
fentiment ,  ils  maiïacrerent  deux  miffion* 
naires  Dominicains  que  le  zeîe  avoit  por- 
tés à  s'établir  dans  la  province  de  Cuma- 
na  (2%  Ce  meurtre  de  perfonnes  révé- 
lées pour  la  fainteté  de  leur  vie  excita 
une  telle  indignation  parmi  les  colons  d'Hif- 
paniola  ,  qui ,  au  milieu  de  la  licence  de 
leurs  mœurs  &  de  la  cruauté  de  leurs  ac- 
tions 5  étoient  pleins  d'un  zele  ardent  pour 
la  religion  &  d'un  refpedl  fuperflitieux  pour 
fes  miniftres  ,  qu'ils  réfolurent  de  punir 
ce  crime  d'une  manière  qui  pûc  fervir  d'e- 

-'CO  Herrei-a,  dec.  3,  liK  II^c,  z- 

'  Tome  lU  E 


çÈ  Histoire 

xemple,   non  •  feulement  fur  ceux  qui  Ta* 
tlô.  '  voient  commis,   mais  fur  la  nation  entie- 
re.  Pour  rexécution  de  ce  projet  ils  don- 
nèrent le  commandement  de  cinq  vailTeaux 
'  &  de  trois  cents  hommes  à  Diego  Ocam- 
po^  avec   ordre  de   détruire  par  le  fer  & 
par    le  feu   tout    le  pays    de  Cumana   & 
d'en  faire   les  habitans  efclaves  pour  être 
iianfponés  à  Hifpanioîa.    Las  Cafas  trouva 
à  Porto  -  Rico    cette  efcadre  faifant  voile 
vers  le  continent  ;  ù,    Ocampo   ayant  re- 
fufé   de  différer  fon   voyage  ,  il   comprit 
qu'il  lui   feroit   impoffible  de  tenter  l'exé- 
cution   de  fon  plan  de  paix  dans  un  pays 
qui  alloit    être   le   théâtre  de  la  guerre  & 
de  la  dcfolation. 
r  travail-      Dans  l'erpérance  d'apporter  quelque  re 
Ikmoi^ter.  "^^^<^^  aux    fulies  funeflcs    de   ce  maîheu» 
i2Avai.  j.(_ux   incident,  il  s*cmbarqua  pour    Saint- 
Dorairgue,   laidant  ceux  qui  Tavoient  fui- 
vi  cantonnés  parmi    les  Colons  de  Porto- 
Rico.      Pjufjeuis   circonflances    concouru* 
rent  à  le  faire  recevoir  fort  mal  à  Hifpa- 
'liîolà.  En  travaillant  à  foulager  les  Indiens 
il  avoit  cenfuré    la  conduite  de  fes  com* 
patriotes,  les  colons d'Hifpaniola,  avec  une 
févérité  fi  grande  qu'il  leur  étoic  deveni 


I 


B  E     L*A  M  E  U  î  Q  U  S.  9P 

univerfellement  odieux.  Ils  regardoient  îe  ?™!5f 
fuccès  de  fa  tentative  comme  devant  en-  ^ijj/,^^* 
traîner  leur  ruine.  Ils  attendoient  de  Cuma- 
na  de  grandes  recrues  d^efclaves  ;  ces  ef# 
pérances  s^évanouifToient  fi  Las  Cafas  par* 
venoic  à  y   établir  fa  colonie.    Figueroa, 

_en  conféquence  d'un  plan  formé  en  Efpagne 
pour  déterminer  le  degré  d'intelligence  & 
de  docilité  des  Indiens,  avoit  fait  une  ex- 
périence qui  paroiflbit  décifive  contre  le 
fyfl-ême  de  Las  Cafas.  Il  en  avoit  raflem- 
bié  à  Hifpaniola  un  adez  grand  nombre 
&  les  avoit  établis  dans  deux  villages,  en 
leur  laiiTant  une  entière  liberté  &  les  aban- 
donnant à  leur  propre  conduite.  Mais 
ces  Indiens  accoutumés  à  un  genre  de  vie 
tout  -  à  '  fait  différent ,  incapables  de  pren- 
dre en  û  peu  de  tems  de  nouvelles  habi- 
tudes &  d'ailleurs  découragés  par  leur  mal- 

I  heur  particulier  &  par  celui  de  leur  pa- 
trie, fe  donnèrent  trop  peu  de  peine  pour 
cultiver  le  terrain  qu'on  leur  avoit  donné. 

I  Ils  parurent  (i  dépourvus  de  foin  &  de 
prévoyance  pour  fournir  à  leurs  propres 
befoins  &  fi  éloignés  de  tout  ordre  &  de 

'  tout  travail  régulier  ,  que  les  Efpagnols 
en  conclurent  .^u'il  étoit  impoQible  de  les 

E  2 


100  Histoire 

ff555  former  à  mener  une  vie  fociale  &  qu'il 
Liv.m.  f^ijQJj.  igg  regarder  comme  des  enfans  qui 
avoient  befoin  d'être  continuellement  fous 
la  tutele  des  Européens,  qui  leur  étoient 
fupérieurs  en  fagefîe  &  en  fagacité  (i). 
sonpro-  Malgré  la' réunion  de  toutes  ces  cir* 
entfere^"^  conftances ,  qui  armoient  fi  fortement  con* 
meot.  tre  fes  mefures  ceux  -  mêmes  à  qui  il  s'a- 
drefîbit  pour  les  mettre  à  exécution.  Las 
Cafas  par  fon  adlivité  &  fa  perfévérance , 
par  quelques  condefcendances  &  beaucoup 
de  menaces,  obtint  à  la  tin  un  petit  corps 
de  troupes  pour  protéger  fa  colonie ,  au 
premier  moment  de  fon  établilTement.  Mais 
à  fon  retour  à  Porto  -  Rico ,  il  trouva  que 
les  maladies  lui  avoient  déjà  enlevé  beau- 
coup  de  fes  gens ,  &  les  autres  ayant 
trouvé  quelqu'occupation  dans  l'ifle  refu- 
ferent  de  le  fuivre.  Avec  ce  qui  lui  ref- 
toit  de  monde  il  fit  voile  vers  Cumana. 
Ocarapo  avoit  exécuté  fa  commiiîion  dans 
cette  province  avec  tant  de  barbarie,  il 
avoit  maflacré  ou  envoyé  en  efcîavage  à 
Hifpaniola  un  fi  grand  noinbre  d'Indiens, 
que  tout  ce  qui  reftoit  de  ces  malheureux 
s'étoit   enfui   dans    les  bois  &   que  l'éta* 

Cl)  Herrera,  fUcad,  2,  //*.  X,.f.  5. 


IS2Ii 


B  E    L'A  MER  I  Q  U  E.  ÎOI 

blifTement  formé  à  Tolède  fe  trouvant 
dans  un  pays  défère  touchoit  à  fa  def-  ^^ Jâi" ^' 
tru£lion.  Ce  fut  cependant  en  ce  même 
endroit  que  Las  Cafas  fut  obligé  de  pla- 
cer le  chef- lieu  de  fa  colonie.  Aban- 
donné &  par  les  troupes  qu'on  lui  avoie 
données  pour  le  protéger  &  par  le  déta* 
chement  d'Ocampo  ,  qui  avoit  prévu  les 
calamités  auxquelles  il  devoit  s'attendre 
dans  un  pofle  fi  miférable ,  il  prit  les  pré- 
cautions qu'il  jugea  les  meilleures  pour  la 
sûreté  &  la  fubfiftance  de  fes  colons; 
mais  comme  elles  étoient  encore  bien  in* 
fuffifantes  ,  il  retourna  à  Hifpaniola  foUi- 
citer  des  fecours  plus  puiflans  ,  afin  de 
fauver  des  hommes  que  leur  confiance  en 
lui  avoit  engagés  à  courir  de  fi  grands 
dangers.  Bientôt  après  fon  départ  ,  les 
naturels  du  pays  ayant  reconnu  la  foiblef- 
fe  des  Efpagnols  s'aflembîerent  fecréte* 
ment ,  les  attaquèrent  avec  la  furie  natu- 
relle à  des  hommes  réduits  au  défefpoir 
par  les  barbaries  qu'on  avoit  exercées  con- 
tre eux,  en  firent  périr  un  grand  nombre 
&  forcèrent  le  refhe  à  fs  retirer  à  l'ifie 
de  Cubagua  dans  la  dernière  confternatioa. 
La   petite  colonie  qui  y  étoit  établie  pour 

E  3 


ÏOfi  H    I  s  T  O   I  R  E 

?  la  pêche    des  perles  ^  partagea   la   terreur 


^ll'zL^'  P^°^^^^  ^^^^  l^s  fugitifs  étoient  faifis  & 
abandonna  l'iUe*  £n  i"  il  ne  refta  pas  un 
feul  Efpagnol  dans  aucune  partie  du  con- 
tinmt  ,  ou  des  ifles  adjacentes,  depuis  le 
golfe  de  Pacia  jufqu'aux  confins  du  Da- 
ïjen.  Accablé  par  cette  fucceffion  de  dé- 
failres  &  voyant  cette  fin  malheureufe  de 
tous  fes  grands  projets  ,  Las  Cafas  n'ofa 
plus  fe  montrer;  il  s'enferma  dans  le  cou- 
vent des  Dominicains  à  Saint-Domingue 
&  prit  bientôt  après  Thabic  de  cet  or- 
dre (i). 

Quoique  la  deflruâ:ion  de  la  colonie  de 
Cumana  ne  foie  arrivée  que.  l'an  1521,  je 
n'ai  pas  voulu  interrompre  le  récit  des  né- 
gociations de  Las  Cafas  depuis  leur  origi- 
ne jufqu'à  leur  illue.  Son  fyftême  fut  l'ob- 
jet d'une  longue  &  férieufe  difcuflion,  & 
quoique  fes  tentatives  en  faveur  des  Amé- 
ricains opprimés  n'aient  pas  été  fuivies  du 
fuccès  qu'il  s'en  promettoit  (fans  doute 
avec  trop  de  confiance) ,  foit  par  fon  im« 
prudence ,  foit  par  la  haine  aûive  de  fes 

Ci)  Herreia,  deca^.  2,  Ub.  X,  c.  5  s  decad.  3,  lib.  11^ 
e.  3,  4,  5.  Oviedo,  hift.  lib.  XIX >  c.  5.  Gomera,  c.  jj» 
Davila  Padilla  j  Ub.  /,  c.  97.  Remefai ,  h;Jl.  génd/.  Uy,  11^ 

S»  22,  2>  \ 


DR    l'A  M  E  R  I  Q  U  E.  I03 

ennemis  ,  elles  donnèrent  lieu  à  divers  ré-  ^^ 
glemens  qui  furent  de  quelqu'utilité  à  ces  ^^^\^^' 
malheureufes    nations.     Je  reviens  mainte- 
nant à  l'hiftoire  des  découvertes  efpagno- 
les  en  fuivant  Tordre  des  tems  (î). 

Diego  Velafquès,  qui  avoit  conquis  Ca-jg^'J"J'^«|;_ 
ba  en  151 1  ,  confervoit  encore  le  souver  yeites  à 
nement  de  cette  me  comme  députe  de 
Don  Diego  Colomb  ,  quoiqu'il  lui  donnât 
rarement  des  marques  de  fubordj nation/^ 
qu'il  cherchât  à  fe  rendre  entièrement  in- 
dépendant (2).  Sous  fa  fage  adminiftra- 
tion  Caba  devint  l'un  des  établi  (Te mens 
efpagnols  les  plus  florilTdns.  L'idée  avan- 
iageufe  qu'on  avoit  de  cette  colonie  y  at- 
tiroit  beaucoup  de  perfonries  qui  efpO-oient 
y  trouver  des  écabliîTemens  folides  ou  quel- 
que moyen  d'occuper  leur  afn'vicé.  Com- 
me Cuba  étoit  la  plus  occidentale  des 
ifles  occupées  par  les  Efpagnols  &  que 
l'océan  qui  s'étend  beaucoup  plus  îôia  à 
l'oued  n'avoit .  pas  encore  été  vifité,  ces 
circonftances  invitoient  les  habitans  de  cet- 
te ifle  à  tenter  de  nouvelles  découvertes. 
Toute  expédition  oii  le  courage  5e  l'aOivi- 

—     ■         — — : A — -if.ft.  ■■■-i    a. 

(1)  Herrera ,  dgc.  2,  lib.  X,  c.  f  ,^»  329» 
(3^  Dïif,  (kead»  2 ,  lïb,  11^  c,  iQ» 

E  4 


104  Histoire 

i™^5  té  pouvoient  conduire  promptement  à  là 
Liv.iii.  richefîe,  étoit  plus  conforme  au  génie  de 
ce  fîecle  que  cette  lenteur 3  cette  patience 
d'induflrie  nécefTaire  pour  défricher  un 
,..  terrain  ou  pour  fabrîqueî'  le  fucre.  Plu- 
lieurs  officiers  qui  avoient  fervi  fous  Pe- 
drarias  dans  le  Darien,  formèrent  une  aflb- 
ciation  pour  tenter  des  découvertes.  Ils 
perfuaderent  à  François  Hernandes  Cor- 
dova ,  riche  colon  de  Cuba  &  homme  d'un 
courage  diflingué^  de  fe  joindre  à  eux  & 
d'être  leur  commandant.  Velafquès,  non- 
feulement  approuva  leur  projet ,  mais  leur 
donna  des  fecours.  Comme  les  aventu- 
riers qui  avoient  fervi  au  Darien  man* 
quoient  de  tout ,  lui  &  Cordova  leur  avan- 
cèrent de  l'argent  pour  acheter  trois  pe- 
tits vaifleaux  &  leur  fournirent  tout  ce 
qui  leur  étoit  nécefTaire  pour  le  commer* 
ce  &  pour  la  guerre.  Cent  dix  homm.es 
s'embarquèrent  &  firent  voile  de  San-Ja- 
go  de  Cuba  ,  le  8  Février  IJ17.  Par  le 
confeil  de  leur  principal  pilote,  Antoine 
Alaminos,  qui  avoit  fervi  fous  l'amiral  Co- 
lomb,  ils  portèrent  directement  à  Touefl:,  1 
fe  guidant  d'après  l'opinion  de  ce  grand  j 
navigateur,  qui  avoit  conllarament  fouienu  i 

que 


n  E    t'A  M  E  R  I  Q  U  E.  lOJ 

que  la  route  à  Toueft  conduiroit  aux  plus  — — ^ 
importantes  découvertes.  ^^'J^ 

Le  vingt- unième  jour  après  leur  départ 
de  San-Jago  ils  virent  terre.    C'étoic  le 
1  cap  Catache ,  qui  forme  la  pointe  orienta- 
'  le  de  cette  grande  péninfule  en  avant  du 
continent  de  T Amérique ,  qui  a  confervé  le 
i  nom  de  Tucaîan  que  lui  donnent  les  ha-  YucatR». 
;  bitans  du  pays.    Gomme  ils  approchoient 
!  du  rivage ,  ils  virent  venir  à  eux  cinq  ca- 
î  nots    pleins    d'Indiens    vêtus    décemment 
I  d'habits  de  coton,  fpeclacle  nouveau  pour 
I  les  Efpagnols,  qui  avoient  trouvé  jufques*   ^ 
I  là    l'Amérique    habitée  par   des    fauvages 
nuds.  Cordova  s'efforça  de  gagner  la  bien- 
veillance de  ce  peuple  par  de  petits  pré- 
fens.      Les  Indiens  ,  quoiqu'étonnés   à  la 
vue  des  objets  extraordinaires  qui  fe  pré- 
fentoient    pour   la  première   fois  à    leurs 
yeux  ,   invitèrent  les   Efpagnols  à   vifiter 
leurs    habitations  avec  une   apparence  de 
cordialité.    Les  Efpagnols  débarquèrent  & 
«'avançant  dans  le  pays,  remarquèrent  avec 
un  nouvel  étonnement  de  grandes  maifons 
bâties  en  pierre;  mais  ils  éprouvèrent  biea- 
tôt  que  fi  les  Indiens  du  Yucatan  étoienc 
plus  civilifés  que  les  autres  Américains^  il$ 

Ej 


io6  Histoire 

fp— ™  étoient  aufïï  plus  artificieux  &  plus  guer- 
Liv.  m.  i-iers.  Le  Cacique  en  recevant  Cordova 
avec  beaucoup  de  témoignages  d'amitié, 
avoit  pofté  en  embufcade  derrière  un  pe» 
tic  bois  un  corps  confidérable  d*lndiens 
qui,  fur  un  lignai  qu'il  leur  fit,  coururent 
fur  les  Efpagnols  &  les  attaquèrent  avec 
beaucoup  de  hardiefle  &  une  efpece  d'or» 
dre  militaire.  A  la  première  décharge  de  ' 
leurs  flèches  quinze  Efpagnols  furent  blef- 
fés,  mais  l'explofion  foudaine  des  armes 
à  feu  frappa  les  Indiens  d'une  û  grande 
terreur  &  ils  furent  (i  étonnés  du  ravage 
que  firent  parmi  eux  les  arquebufes  &  les 
autres  armes  de  leurs  nouveaux  ennemis, 
qu'ils  s'enfuirent  avec  précipitation.  Cor- 
dova abandonna  un  pays  oii  il  avoit  été 
fi  mal  reçu  ,  emmenant  avec  lui  deux, 
prifonniers  &  emportant  les  ornemens  d*uni 
petit  temple  qu'il  pilla  dans  fa  retraite» 

Il  continua  fa  route  à  Touefl  fans  per- 
dre la  côre  de  vue  &  le  feizieme  jour  il 
arriva  à  Campéche.  Là,  les  Indiens  le 
reçurent  avec  plus  d'hofpitalité.  Les  Efpa- 
gnols s'étonnoient  beaucoup  de  n'avoir  trou- 
vé aucune  rivière  fur  une 'côte  d'une  fi 
grande   étendue  &   qu'ils  imaginoient  ap* 


D  15     L'A  M  E  R  I  Q  U  E.  107 

partenir  à  une  grande  ifle  (t).  Comme 
Teau  commençoit  à  leur  manquer,  ils  s'a- 
vancerent  encore  &  découvrirent  h  la  fin 
l'embouchure  d'une  rivière  à  Potonchaa  , 
quelques  lieues  par-delà  Campêche. 

Cordova  débarqua  toutes  fes  troupes  , 
pour  protéger  fes  mitelots  pendant  qu'ils 
feroient  de  Teau.  Mais  malgré  toutes  fes 
précautions  les  Indiens  les  attaquèrent  avei? 
une  telle  furie  &  en  fi  2:rand  nombre, 
que  quarante  -  fept  Efpagnols  furent  tués 
fur  la  place  &  qu'un  feul  d'entr'eux  fe  re- 
tira fans  être  blefTé.  Leur  commandant , 
quoique  blelTé  en  douze  endroits ,  dirigea 
la  retraite  a^'ec  autant  de  préfence  d'efprit 
qu'il  avoit  montré  de  courage  dans  Tac- 
tion.  Les  Efpagnoîs  regagnèrent  avec  pei- 
ne leurs  vaifleaux.  Après  une  tentative  fi 
malheureufe  il  ne  leur  reftoit  d'autre  par- 
ti que  de  hâter  leur  retour  à  Cuba.  Ils 
fouffrirent  dans  le  trajet  tous  les  tourmens 
que  la  foif  peut  faire  éprouver  à  des  hom- 
mes bleffés  &■  malades ,  renfermés  dans  de 
petits  vaiiïeaux  &  expofés  à  la  chaleur  de 
la  zone  torride.  Quelques-uns  fuccombe- 
rent   à  tant   de   maux    dans   la   traverfée, 

CO  Voyez  ia  NoTit  XXVJU 

E  (S 


Liv.  III. 


io8  Histoire 

mmmÊ  Cordova,  leur  chef,  mourut  peut  de  tems 
Liv.  m.  après  avoir  pris  terre  à  Cuba  (i). 
Voyage  de  Toute  malheureufe  qu'a  voie  été  cette 
Giijfilva.  expédition,  elle  anima  plutôt  qu'elle  n'abat- 
tit la  paffion  des  Efpagnols  pour  les  en- 
treprifes.  On  venoit  de  découvrir  à  une 
petite  diftance  de  Cuba  une  contrée  d'une 
grande  étendue  ,  qui  paroiflbit  fertile  & 
habitée  par  des  peuples  bien  plus  civilifés 
qu'aucune  autre  nation  alors  connue  en 
i\mérique.  Quoiqu'on  eûte  u  peu  de  corn- 
merce  avec  eux  ,  on  en  avoit  tiré  quel- 
ques ornemens  d'or  de  peu  de  valeur ,  maïs 
d*un  travail  curieux.  Ces  circonflances  , 
exagérées  par  des  hommes  qui  cherchoient 
à  réchauffer  le  mérite  de  leurs  exploits* 
étoîent  plus  que  fuffifantes  pour  réveiller 
leurs  efpérances  romanefques.  Il  s'offrit 
beaucoup  de  monde  pour  une  nouvelle  ex- 
pédition. Velafquès,  defirant  de  fe  diftin- 
guer  par  un  feivice  important  qui  pût  lui 
mériter  du  roi  l'indépendance  à  laquelle  il 
afpiroit  dans  fon  gouvernement  de  Cuba  , 

(i)  Herrera,  rJecû^.  2,  lib.  II,  c,  ly ,  î8.  IlJft,  Ferdu- 
âer-a  de  la  conquîfia  de  la  Niteva  Efpana^  par  Bernai  Dia^ 
de  CaftiUo ,  r.  17.  Oviedo  %  Hh.  XIII,  c.  3.  Gomera ,  c» 
52.  P,  Martyr  de  lufuUs  nu^er  inymîls  ^  p»  329* 


D  E  l'A  m  e  r  I  q  u  k,  lop 

ne  fe  contenta  pas  d*exciter  leur  ardeur,  —S 
il  arma  à  Tes  dépens  quatre  vaifleaux  pour  ^^l'^^^* 
k  voyage.     Deux   cens   hommes  &  qua- 
rante   volontaires  ,   parmi   lefquels   il  s'en 
trouvoic  plufieurs  qui  avoienc  de  la  naif- 
[fance   &    de  la    fortune,   s'embarquèrent 
ipour  cette  expédition.    Elle  étoit  fous  les 
I  ordres  de  Jean  de  Grijalva,  jeune  homme 
jd'un    mérite    &    d'un    courage   reconnus^ 
jSes  inftrudtions  étoient  d'obferver  avec  at- 
Itention  la  nature  des  pays  qu'il  découvrir 
jroit,  de  faire  des  échanges  pour  de  l'or, 
&  fi  les   cir confiances    lui  paroKToient  fa- 
vorables ,  d'établir  une  colonie  dans  quel- 
que pofition  avantageufe.     Il  mit  à  la  voi- 
le de  San-Jago  de  Cuba  le  il  Avril  1518. 
Le  pilote  Alaminos   fuivic  la  môme  roure 
que   dans    le    voyage   précédent  ;  mais  la 
violence   des   courans    ayant   entraîné    les 
vaifleaux   vers   le   fud  ,  la  première  terre 
qu'ils   reconnurent  fut  l'ifle  de  Cozumel  à 
Teft  de  Yucatan.    Tous  les  habitans  s'en-  d^coo- 
jfuirent    dans  les    bois    &    dans   les   mon  n^î^,ei,e'^ 
itasnes  à  l'approche  des  EfpnGjnols,  qui  ne^^P^f?^> 
lurent  pas  un   grand  féjour  dans  l'ifle;  ils 
[arrivèrent   fans    aucun  accident  remarqua- 
ble à  Poconchan  ,  far  le  côté  oppofé  de 


(Xip  Histoire 

ti^i   la  péninfule.    Le  defîr  de  venger  ceux  de 
Liv.iii»  leurs   compatriotes  qui   avoienc  été  mafia- 
crés    en   cet   endroit ,    fortifié    par    leurs 
principes  de   politique  ,  les  détermina  à  y 
defcendre   dans    la  vue  de  châtier  les  In- 
diens de  ce  diftrift   avec  une    rigueur  &t 
un  éclat    qui  pulTent    frapper   de    terreur' 
tous  les  peuples  du  voifinage.   Mais ,  quoi 
qu'ils  euflent  débarqué  toutes  leurs  rrou. 
pes  &  mis  à  terre  quelques  pièces  de  cam- 
pagne ,   les   Indiens    fe    déferdirent    avec: 
tant  de  courage  que    les  Efpagnols  eurenti 
beaucoup  de    peine  à   les  repoufler  &  fe 
confirmèrent   dans  l'opinion   oh  ils  étoient 
déjà  qu'ils   trouveroient   dans  les  habitans 
de  ce  pays  des    ennemis   plus   redoutables 
que  tous   ceux    qu'ils    avoient    rencontrés 
dans  les  autres  parties  de  l'Amérique»   De 
Potonchan  ils  continuèrent  leur  route  vers 
l'eft  3  fe  tenant;  auiïî  près  de  la  côte  qu'i 
leur  étoit  poffible  3   &  mettant   h  Vqxictp 
tous  les    foirs    pour  fe   garantir  des  ace} 
dens  dangereux  auxquels  ils  pouvoient  êtr 
expofés  dans  une  mer  inconnue.    Pendant 
le  jour  leurs    yeux    coiitinuellement  atta 
chés  fur  la  terre  ,  étoient  frappés  de  far 
prife  &  d'admiration  à  la  vue  des  beauté 


3 

i 


D  E    l'A  m  E  R  I   QUE.  lit 

du  pays  &  de  la  nouveauté  des  objets  ■— 
qui  fe  préfentoient  à  eux.  Ils  voyoient  ï'iv.iii. 
difperfés  fur  la  côte  des  villages  oli  ils 
diftinguoient  des  maifons  de  pierre ,  qui 
de  loin  leur  paroifToient  blanches  &  éle- 
vées. Dans  la  chaleur  de  leur  admiration 
ils  croyoient  voir  des  villes  ornées  de 
tours  &  de  clochers  ;  &  un  des  foldats 
ayant  remarqué  que  ce  pays  reQembloit 
par  Ton  afpedfc  à  rEfpagne  ,  Grijalva  lui 
donna  avec  un  applaudiflernenc  univerfel 
le  nom  de  Nouvelle  Efpagne  ^  nom  qui  dé- 
figne  encore  cette  vafte  &  riche  province 
de  la  domination  efpagnole  en  Amérique. 
Ils  defcendirent  à  une  rivière  appel lée  par 
les  naturels  Tabafco:  la  nouvelle  de  l'a  van.-  9  J^^"» 
tage  qu'ils  avoient  remporté  à  Potonchan  ^^^^^^*» 
étant  parvenue  en  cet  endroit  ,  le  Cacique 
les  reçut  non  ■  feulement  d'une  manière 
amicale  ,  mais  même  leur  fit  des  préfens 
confîdérables ,  qui  confirmèrent  les  hautes 
idées  que  les  Efpagnols  avoient  prifes  de 
:1a  richeffe  à  de  la  fertilité  du  pays.  Ces 
idées  s'étendirent  &  fe  fortifièrent  encore 
par  ce  qui  leur  arriva  dans  le  lieu  oh  ils 
touchèrent  enfuite  ;  c'étoic  à  l'oueft  de 
Tabasco,  dans  ia  province  connue  depuis 


Iï3  Histoire 

fÊSÊÊi  fous  le  nom  Guaxaca.  Ils  y  furent  reçus 
Hs'is"*  avec  des  marques  de  refpe<5t  extraordinai- 
Cuaxaca.res  i  comme  des  êtres  au-deflus  de  Ihu- 
manité.  Lorfqu'ils  débarquèrent,  les  na« 
turels  brûloieht  devant  eux  un  encens  de 
gomme  copale  &  leur  préfentoient  en  of- 
frande tout  ce  que  leur  pays  avoit  de  plus 
précieux.  Ils  s'eiTiprefîerent  d'établir  un 
commerce  avec  ces  étrangers  ,  &  en  fis 
jours  les  Efpagnols  obtinrent  des  bijoux  d'or 
d*un  travail  curieux  ,  pour  la  valeur  de 
quinze  mille  pezos  ,  en  échange  de  quel- 
ques bagatelles  européennes  de  vil  prix. 
Les  deux  prifonniers  que  Cordova  avoit 
emmenés  de  Yucatan  avoient  jufqu'alors 
fervi  d'interprètes  ;  mais  comme  ils  n'en- 
tendoient  pas  la  langue'  de  ce  nouveau, 
pays  5  les  naturels  firent  entendre  par  fi-  • 
gnes  qu^ils  étoient  fujets  d*un  grand  mo- 
narque appelle  Montézume,  dont  la  domi* 
nation  s'étendoit  fur  cette  province,  ajnû 
que  fur  plufîeurs  autres,  Grijalva  quitta  cet 
endroit  dont  il  dut  être  fort  fatisfait  & 
jff  Juin,  continua  fa  route  vers  Touefl:.  Il  débarqua 
fur  une  petite  ifle,  qu'il  noiTvma  IHJle  des  fa» 
crifices ,  parce  que  ce  fut  -  là  que  les  Ef- 
pagnols vii'ent  pour  la  première  fois  rborri- 


I 


DE   l'Amérique»  113 

'[ble  fpeâacle  de  vidtimes  humaines  que  la  — «i 
^IfuDerfliiion   barbare  des  naturels  ofFroic  à  Liv.iiî. 
î  leurs  dieux.    Il  toucha  à  une  autre  petite 
lîfle,  qu'il  appellà   Saint  Jean  de  Ulua,    Il 
!  dépêcha   de  cette  ifle  Pedro  de  Alvarado, 
un  de  Tes  officiers,  à  Velafquès,  avec  un 
détail    circonftancié    des    importantes  dé- 
couvertes  qu'il  avoit  faites,    &  avec  lest 
;richeires  qu'il  avoit  obtenues  en  trafiquant 
javec  les  naturels.     Après  le  départ  de  Al- 
jvarado  il  continua  avec  les   vailTeaux  qui 
jlui  reftoient  ,  de  fuivre  la  côte  jufqu'à  la 
I  rivière  de  Panuco  ,   &  le  pays  lui  parue 
partout  riche,  fertile  &  très -peuplé. 
[^  Plufîeurs   des  officiers  de  Grijalva  pré- 
1  tendirent    que  ce  n'étoit  pas  allez  d'avoir 
I  découvert  ces   belles  régions ,  ni  d'avoir 
I  rempli  à   leurs  différens  débarquemens  la 
frivole   cérémonie  d'en  prendre  pofleffioa 
[pour   la   couronne   de   Caftille  ;  que  leur 
gloire  feroit  imparfaite  s'ils  n'établiflbient 
une   colonie  dans  un  lieu  favorable  ,  qui 
non -feulement    alTureroit  à   la  nation  es- 
pagnole un  abord  dans  le  pays,  mais  qui^ 
avec  les  renforts  qu'ils  avoient  la  certitu- 
de   de  recevoir  5    pourroit   fervir  par  de- 


I 

114  Histoire 

Sf5H  grés  à  foumettre  le  pays  même  en  entier 
^u'ib!^'  ^  ^^  domination  de  leur  fouverain.     Mais 
il  y  avoic  plus   de  cinq  mois  que  Tefca* 
dre  itoit  à  la  mer  ;  la  plus  grande  partie 
des  vivres  étoic  épuifée  &  ce  qui  reftoit 
de  provifîons  avoit  été  tellement  gâté  par 
la  chaleur  du  climat  qu*il  n'étoit  plus  gue- 
Te  pofîibîe  d'en  faire  ufage.     La  mort  avoit 
emporté   plufieurs    Efpagnols  ;  d'autres  é- 
toient  malades;  le  pays  étoit  rempli  dlia- 
bitans  qui  paroiflbient  auïïi  indudrieux  que 
braves  ,   &.  ils   écoient  fous  la  domination 
d'un   monarque    puifTant    qui   pouvojt   les 
réunir  &  raiïembler  des  forces   puiiTantes 
pour   repoufler    une    invafion.      Songer    ai 
établir  une   colonie  dans  des  circondances 
fi  défavantageufes  ,    c'eût   été  s'expofer  à' 
une  deftrudlion  inévitable.  Quoique  Grijal- 
va  eût  de  l'ambition  &  du  courage  ^  il  n'a- 
voit  pas  les  grands  talens  néceflaires  pour 
former  &  exécuter  une  li  grande  entrepri*  J 
fe.     Il  jugea  plus  prudent  de  retourner  àl 
Cuba  ,   après  avoir  rempli   l'objet  de  fon  j 
voyage  &;  exécuté  tout  ce  que  l'armement  I 
qu'il   commandoit   l'avoit  mis  en   état  de 
faire.     11  revint   à   San  -  Jago    de  Cuba  le  i 


DE    L'A  MER  I  QUE.  IIJ 

inn:t-fîx  Otlobre,  environ  fix  mois  après  ^êêêêb 
ijin  être  parti  (i>  ^^^8^ 

:i  Ce  fut- là  le  voyage  le  plus  long  &  en  Prépara- 
[nême  tems  le  plus  heureux  que  les  Erpa-^n^Pulfe 
j^nols  euffent  encore  fait  dans  le  nouveau  expédi- 

■\  '  lion* 

nonde.  Ils  avoient  découvert  que  Yuca- 
an  n'étoit  pas  une  iile  comme  ils  Tavoient 
aiaginé  ,  mais  une  partie  du  grand  conti- 
ient  d*Araérique.  De  Potonchan  ils  avoient 
uivi  leur  route  pendant  pluiieurs  centaines 
le  milles  le  long  d*une  côte  qui  n'avoit 
)as  encore  été  reconnue  &  qui  s'étendant 
l'abord  vers  Pouell  tournoit  enfuite  vers 
e  nord.  Enfin  tout  le  pays  qu'ils  avoiene 
découvert  paroiffoit  auffi  important  par  fa 
•ichefle  que  par  fon  étendue.  Dès  qu'AU 
varado  fut  arrivé  à  Cuba^  Velafquès ,  en* 
|:hanté  d'un  fuccès  qui  furpaflbit  de  û  loia 
[toutes  fes  efpérances,  dépêcha  fur  le  champ 
lune  perfonne  de  confiance  pour  annoncer 
!  [cette  importante  nouvelle  en  Efpagne,  y 
Iporter  les  riches  productions  des  contrées 
iqu'il  venoit  de  découvrir ,  &  foliiciter  une 
laugmentation  d'autorité  qui  pût -le  mettre 
iCn  état  d'en  entreprendre  la  conquête.     Il 

•  \  (O  Herrera,  decai.  2,  lih.  IIl ,  c,  i  ,  2,9,  îo.  Bern. 
iDiaz  ,  c.  8,  17.  Oviedo  ,  hïjî,  iib,  XHI,  c.  g,  20,  Gô- 
inera,  c»  49. 


iï6  Histoire,  &g. 

9mm  n'attendît  pas  même  le  retour  de  fon  mef- 
^7\d^'  fager ,  ni  Tarrivée  de  Grijalva ,  qui  com" 
mençoit  à  lui  infpirer  beaucoup  de  défian- 
ce &  de  jaloufie  &  qu*il  étoit  réfôlu  de  né 
plus  ernployer:  il  commença  doiîc  à  prépa- 
rer un  armement  puiflant ,  proportionné  â 
l'importance  &  aux  dangers  de  Tentreprife 
qu'il  méditoit. 

Comme  l'expédition  dont  Velafquès  étoit 
alors  occupé,  s'ell  terminée  à  des  conquê- 
tes beaucoup  plus  importantes  que  tout  ce 
que  les  Efpagnols  avoient  fait  jufqu'alors . 
i&  les  a  conduits  à  la  connoifîance  d'un  peu- 
ple qui  peut  être  regardé  comme  très  -  civl 
lifé  ,li  on  le  compare  avec  ceux  des  Améri- 
cains que  Ton  connoiflbit  auparavant  ,  il 
convient  de  fufpendre  quelque  tems  le  ré'« 
cit  de  ces  événemens  fi  difFérens  de  ceux 
que  nous  avons  déjà  rapportés  ,  afin  déi 
jetter  un  coup  d'œil  fur  l'état  du  nouveau] 
monde  quand  il  a  été  découvert  &  d'ex^ 
miner  la  police  ^  les  mœurs  des  tribm 
lîmples  &  groflieres  qui  occupoient  toutej 
les  parties  du  continent  oii  les  Efpagnols 
avoient  pénétré. 

Fin  du  îroifiems  Livre* 


HISTOIRE 

D  E 

L'AMÉRIQUE. 


LIVRE    QUATRIEME. 

VINGT- SIX   ans  s'étoient  écoulés  de» 
)uîs   que  Colomb  avoit  conduit  les  Euro-    '^*„ 

^  Quelles 

")éens  dans  le  nouveau  monde;  &  pendant étoiert îes 
:et   intervalle   les    Elpagnols    avoient  ecerAînén- 
'ort  occupés  à  en  parcourir  différentes  ré- connaeil 
^ions.     Ils  avoient   vifîté   toutes  Jes  ifles 
iiîfperfées  en  grouppes  à  travers  cette  par- 
ftie  de  l'océan  qui    coule  entre  le    conti- 
înent  feptentrional  &  le  méridional  de  l'A- 
mérique.    Ils  avoient  navigué  le  long  de 
la  côte  orientale   du  continent    depuis    la 
'rivière  de  la  Plata  jufqu'au  fond  du  gol- 
ffedu  Mexique,  &  avoient  reconnu  qu'el- 
ile  s'étendoit    fans    interruption    à    travers 
cette  vafte  portion  du  globe.    Ils  avoienc 
jdécouvert  la  grande   mer  du  fud  qui  ou* 
ivrit  une  nouvelle  perfpedtive  de  ce  côté. 


Il8  H  I  s  TOI  RÉ 

■iiiiiH  Ils  avoient  acquis  quelque  connoiflance  de; 

Liv.  IV.  c^tes  ^Q  la  Floride  ,  ce  qui  les  conduifii 
à  obferver  &  à  fuivre  le  continent  dani 
une  diredlion  oppofée ,  &  quoiqu'ils  n'euf 
fent  pas  pouffé  leurs  découvertes  plus  ioii 
vers  le  nord,  d'autres  nations  avoient  vi 
fité  les  parties  que  les  Efpagnols  avoien 
négligées.  Les  Anglois,  dans  un  voyag( 
dont  on  rapportera  ailleurs  les  motifs  &  U 
fuccèsj  avoient  navigué  le  long  de  la  côt( 
d'Amérique  depuis  la  terre  de  Labradoi 
jufqu'aux  confins  de  la  Floride;  &  les  Por 
tiîgais  >  en  cherchant  un  paffage  plus  cour 
aux  Indes  orientales ,  s'étolent  jettes  dan; 
la  mer  du  nord  &  avoienc  reconnu  le 
mêmes  régions  (i^.  Ainfi,  à  cette  époqu( 
oh  je  me  fuis  propofé  d'examiner  Téta 
du  nouveau  monde,  on  en  connoiflbi 
prefqu'en fièrement  l'étendue  ,  depuis  foi 
extrémité  feptentrionale  jufqu'au  trente 
cinquième  degré  au  fud  de  l'équateur 
mais  les  pays  qui  s'étendent  de -là  jufqu'i 
l'extiêmité  méridionale  de  l'Amérique,  L 
grand  empire  du  Pérou  «Se  les  valles  do 
maines  foumis  au  fouverain  du  Mexique 
n'étojent  pas  encore  découverts. 

CO  Herrera ,  decad,  i ,  //^.  FI,  c,  i6» 


DE    l'A  m  er  I  q  u  e.         119 

En   fixant  nos  regards   fur  le  continent  f^^fÊ 
rAmérique  ,   la  première  circonftance  qui  ^y'^^' 
ious  frappe  efl:  fon  immenfe  étendue.    La  écuidua 
liécouverte  de  Colomb  ne  s'eft  pas  bornée  veau  mon- 
,:  nous  faire  connoître  une  portion  de  ter-"^^* 
e  qui  par  le  peu  d'efpace  qu*eUe  occupe 
ur  le  globe  ,   avoit  pu  éciiapper  aux  re- 
;herches    des    fiecles   précédens.     On   lui 
loic  la    connoiflance   d'un   nouvel   hémif- 
■h\:re,  plus  valte  que  l'Europe,  l'Afie  ou 
'Afrique  ,   les   trois   divilions  connues  de 
.'ancien  ccncinent ,   &    dont  l'étendue  efl 
prefqu'égale  au  tiers  du  globe  habitable. 

L'Amérique  efl  remarquable,  non  feuîe- 
lient  par  fa  grandeur,  mais  encore  par  fa  po- 
fition.  Elle  fe  prolonge  depuis  le  cercle  po- 
jaire  du  nordjufqu'à  une  latitude  très- haute 
ivers  le  fud,  plus  de  quinze  cents  milles  au 
Idelà  de  l'extrémité  la  plus  avancée  de  l'an- 
|cien  continent  vers  le  pôle  antarctique. 
lUne  contrée  d'une  telle  étendue  comprend 
itous  les  climats  propres  à  devenir  l'habi- 
tation de  l'homme  (5c  à  fournir  les  diffé- 
Jrentes  produdions  »  particulières  aux  ré- 
Igions  tempérées ,  ain(i  qu'aux  régions  brû- 
I  lames  du  globe. 
Il     Après  rétendue  du  nouveau  monde  riea 


Liv.  IV. 


1 20  Histoire 

n'eft  plus  fait  pour  frapper  les  regards 
d'un  obfervateur  que  la  grandeur  des  ob- 
jets qu'il  prèfente  à  la  vue.  La  nature 
fembîe  y  avoir  tracé  fes  opérations  d'une 
main  plus  hardie  &  avoir  diftingué  les  traits 
de  ce  pays  par  une  magnificence  particu- 
i^jQj^,  liere.  Les  montagnes  d'Amérique  font 
tagnes.  bcaucoup  plus  hautes  que  celles  des  au« 
très  divifîons  du  globe  ;  la  plaine  même  de 
Quito  5  qui  peut  être  regardée  comme  la 
bafe  des  Andes ,  efl  plus  élevée  au  •  delTus 
du  niveau  de  la  mer  .que  le  fommet  des 
Pyrénées.  Cette  chaîne  étonnante  des  An-i 
des,  non  moins  remarquable  par  fon  éten.' 
due  que  par  fa  hauteur,  s'élève  en  diffé< 
rens  endroits  de  plus  d'un  tiers  de  leui 
hauteur  au  -  defius  du  Pic  de  Ténériffe ,  h 
plus  hau^e  montagne  de  l'ancien  hémifphe. 
re.  C'eft  des  Andes  qu'on  peut  dire  à  h 
lettre  qu'elles  cachent  leur  tête  dans  leî 
nues .'  on  entend  fouvent  les  tempêtes  écla: 
ter  &  le  tonnerre  rouler  au-deflbus  dt 
leurs  fommets  ;  qui,  tout  expofés  qu'ili 
font  aux  rayons  du  foleil  dans  le  centre 
de  la  zone  torride,  font  couverts  de  neigej 
éternelles  fO» 
■    (O  Voyez  la  Note  XXVII. 

De 


I 


B  E    L'A  M  E  R  I  Q  U  R.  tZi 

De  ces  montagnes   élevées  à  perte    de    ■«»■ 

ae ,  on  voit  defcendre  des  rivières  d'une  ,,¥Y'^^^' 

^       ,       .       llivieres* 
irgeur  proportionnée  &  avec  leiquelles  les 

ivieres  de  l'ancien  continent  ne  peuvent 
tre  comparées  ni  pour  la  longueur  de  leur 
ours  ni  pour  la  mafle  énorme  d'eau  qu'el- 
;s  roulent  vers  l'océan.  Les  fleuves  du 
laragnon  ,  de  l'Orénoque  &  de  la  Plata 
ans  l'Amérique  méridionale,  ceuxduMis- 
iîipi  &  de  Saint  -  Laurent  dans  l'Amérique 
epcentrionale ,  coulent  dans  des  lits  fi  fpa* 
ieux^que  même  longtems  avant  d'éprouver 
'influence  de  la  marée  ,  ils  relTemblenC 
lus  à  des  bras  de  mer  qu'à  des  rivières 
■'eau  douce  (i). 

Les  lacs  du  nouveau  monde  ne  font  pas  Lacs. 
poins  remarquables  par  leur  grandeur  que  les 
nontagnes  &  les  rivières  :  il  n'y  a  rien  dans  les 
utres  parties  du  globe  qui  reflemble  à  cet- 
'e  chaîne  prodigieufe  des  lacs  de  l'Amérique 
éptentrionale.  On  pourroit  les  appel  1er  pro- 
prement des  mers  médicerranécs  d'eau  douce: 
^eux  -  mêmes  qui  ne  font  que  de  la  féconde  & 
îe  la  troifieme  claiTe  pour  la  grandeur ,  ont  en- 
jfore  plus  de  circonférence  que  le  plus  grand  lac 
le  Tancien  continent ,  à  la  mer  Caspienne  près. 
'(0  Voyez  la  Note  XXVIII. 

Tome  IL  F 


1^2^  Histoire 

— "^       La  foririe  du  nouveau  monde  efl  extrê» 

Forme  d'e  i^emenc  favorable  aux  communications  du 

l'Améri-    commerce.      Lorfqu'un    continenc    comme 

que  ravo-  ^ 

rabie  au   T Afrique  efl  compofé  d'une  mafie  valte  & 
ce,      *  folide,  qui  n*eft  poinc  coupée  par  des  bras 
de  mer  pénétrant   dans   l'intérieur,  &  qui 
n'a  qu'un  petit  nombre  de  grandes  rivières 
placées  très  loin   l'une  de  l'autre  ,  la  plus 
grande    partie   d'un  tel    continent    femble 
condamnée  par  la  nature  h  n'être  jamais  ci- 
vilifée  &  à  refier  privée  de  toute  commu- 
nication aQive  avec  le  refle  des  hommes. 
Lorfque  ,  comn:ie   l'Europe  ,  un  continent 
efl  ouvert  par  de  v ailes  branches  de  l'océan, 
telles  que  la  méditerranée  &  la  mer  balti- 
que,  ou,  lorfque, comme  l'Alie 5  Tes  côtes 
font  ouvertes  par  des  baies  profondes  pé- 
nétrant  fort  avant  dans  les  terres  ,   telles 
que  la  mer  noire  &  les  golfes  d'Arabie , 
de  Perfe,  de  Bengale,  de  Siam  &  de  Léo«: 
tang  ;  lorfque  les  mers  environnantes  foni 
remplies  d'ifles   grandes   &  fertiles  &  que 
le  continent  même  efl  arrofé  d'un  grand 
nombre  de  rivières  navigables  ,  on    peut 
dire  que  de  telles  régions  poUedent   toui 
ce  qui  peut  favorifer  les  progrès  de  leur; 
habitans  dans  la  civilifation  <5t  dans  le  com 


B  E   l'A  m  e  r  I  q  u  e.  103 

mcrce.    A  tous  ces  égards  TAmérique  peut 
entrer  en  comparai  Ton  avec  les  autres  par- 
'ties  du  globe.     Le  golfe  de  Mexique,  qui 
coule  entre  la  partie  méridionale  à.  la  fep- 
tentrionale   de  l'Amérique  ,   peut  être  re« 
gardé   comme  une   mer  méditerranée  pro- 
pre à  ouvrir  un  commerce   maritime  avec 
toutes  les  contrées   dont  elle  efl  environ- 
née.   Les  ifles  qui  y  font  répandues,  ne 
font  inférieures   en  nombre,   en  grandeur 
«S:  en  fertilité  qu'à  celles  de  l'archipel  In- 
dien,    En  avançant  le  long  de  la   partie 
feptentrionale  de  l'hémifphere  Américain, 
la  baie  de  Chefapeak  préfente  un  canal  fpa- 
cieux  qui  conduit  le  navigateur  fort  avant 
dans  les  parties  intérieures   de    provinces 
jnon  moins  fertiles  qu'étendues;  &  fi  jamais 
le  progrès  de  la  culture  &  de  la  population 
parvient  à  adoucir  l'extrême  rigueur  du  cli- 
|mat  dans  les  diftrifts  plus  feptentrionaux 
ïde  l'Amérique,  la  baie  de  Hudfon  peut  de- 
I venir  aufli  favorable  aux  communications 
[de  commerce  dans  cette  partie   du  globe 
S  que  la  Baltique  l'efl  en  Europe.    L'autre 
s  grande  portion  du  nouveau  monde  eft  en- 
;vironnée  de  tous  côtés  par  la  mer,  à  l'ex- 
ception d'un  iflhme  étroit   qui  fépare  la 


Liv.  iV, 


Xiv.  IV. 


124  HïSTOIRK 

mer  atlantique  de  la  mer  pacifique  ;  & 
quoiqu'elle  ne  foit  ouverte  ni  par  des  baies 
profondes ,  ni  par  des  bras  de  mer  ,  les 
parties  intérieures  en  font  acceffibles  par 
pîufîeurs  grandes  rivières  qui  reçoivent  un 
fi  grand  nombre  de  courans  auxiliaires  & 
coulent  dans  des  directions  fî  variées  que 
fans  aucun  fecours  de  l'art  ni  de  Tinduitrie 
il  efl  aifé  d'établir  une  navigation  intérieu- 
re à  travers  toutes  les  provinces  de  ce 
continent ,  depuis  la  rivière  de  la  Plata 
jufqu'au  golfe  de  Paria,  Cette  bienfaifan- 
ce  de  la  nature  n'eft  pas  bornée  à  la  divi- 
fion  méridionale  de  l'Amérique.  Le  conti- 
nent feptentrionaî  n'efl  pas  moins  abondant 
en  rivières  qui  font  navigables  prefque  jaf-^ 
qu'à  leur  fource  ;  &  l'immenfe  chaîne  de 
fes  lacs  eft  un  moyen  de  comjr.unication 
intérieure,  plus  étendu  &  plus  commode 
qu'il  n'y  en  a  dans  aucune  partie  du  globe. 
Les  pays  qui  s'étendent  depuis  le  golfe  de 
Darien  d'un  côté  jufqu'h  celui  de  Califor- 
nie de  l'autre  ,  &  qui  forment  la  chaîne 
qui  unit  enfemble  les  deux  parties  du  con- 
tinent Am.éricain ,  ont  auffi  leurs  avantages 
particuliers.  Les  côtes  en  font  baignées 
d'un  côté  par  la  mer  atlantique ,  de  Tautre 


B  E  ,  L;  A  MER  î(^  U  E.  -125 

par  la  mer  pacifique:  les  rivières  qui  y  cou- 
lent, fe  jettant  les  unes  vers  la  première  de  Lw.iv. 
:es  mers  &.  les  autres  vers  la  féconde,  as- 
furent  aux  différentes  provinces  toutes  les 
facilités  de  commerce  qui  peuvent  réfulter 
d'une  communication  avec  les  deux  mers. 

Mais  ce  qui  diftingue  furtout  l'Amérique  femnl. 
des  autres  parties  de  la  terre*  c'efl  la  tem-  rature  du 
péruture  particulière  du  climat  &  les  diffé- 
rentes loix  qui  y  règlent  la  diflribution  de  la 
chaleur  &  du  froid.    Ce   n'eft  pas  fimple- 
raent  en  mefurant  la  diftance  d'une  partie 
du  globe  h  Téquateur  qu'il  eft  pofïible  de 
déterminer  avec  préciûon  le  degré  de  cha*« 
leur  qu'on  y  éprouve.    IL.e  climat  d'un  pays 
eft  affedlé   tout  -à  -  la  -  fois  par  l'élévatioa 
jde  la  terre  au-defTus  du  niveau  de  la  mer, 
^  [par  l'étendue  du  continent ,  par  la  nature 
•  1  du  fol  5  par  la  hauteur  des  montagnes  voî- 
'  ;  fines  &  par  d'autres  circonftances.    Cepen- 
'  dant  l'influence  de  ces  caufes  refpedllve» 
eft  par  différentes   raifons  moins  fênfîble 
dans  la  plus  grande  partie  de  l'ancien  con- 
tinent, oU  la  pofîtion  d'un  pays  étant  déter- 
Imiinée  ,  on  peuc  prononcer  avec   affez  d& 
"  icertitude  quelle  doit  y  être  la  chaleur  de 
ion  cli.nat  de  la  nature  des  Drodadlions» 

fa 


125  Histoire 

i?^H       Les  maximes  fondées  fur  la  connoiflance 
^piSiomi-^^  notre  hémifphere  ne  peuvent  pas  s'ap- 
nuncedu  pliquer  à  l'autre.    Dans    celui -ci  le  froid 
prédomine  &  la  rigueur  de  la  zone  glacée 
s'étend   fur  la  moitié  de  celle  qui  par  fa 
poiition  devoit  être  tempérée.     Des  pays 
oii  la  figue  &  le  raifîn  devroient  mûrir  fone- 
enfevelis  fous  la  neige  pendant  une  moitié 
de  l'année  ,   &   des  terres  fi  tuées   dans  le 
même  parallèle  que  les  provinces  les  plus 
fertiles   &  les  mieux  cultivées  font  defTé— 
chées  par  des  gelées  perpétuelles  qui  y  dé-- 
truifent  prefqu'entierement  l'adtivité  de  la^ 
végétation  (3).    En  avançant  vers  ces  par?- 
lies   de  l'Amérique   placées  fous  le  même! 
parallèle   que  des  provinces  d'Afie  &  d'A-- 
frique,  qui  jouiflent  conftamment  de  cette 
chaleur  féconde  favorable  à  la  vie  &  à  laa 
végétation  ,  l'empire  du  froid  continue  àî 
s'y  faire  fentir,  &  l'hiver  y  règne  fouvençt 
avec  une  extrême  rigueur,  quoique  pendant: 
un  court  efpace  de  tems.    Si  nous  traver- 
fons  le  continent  d'Amérique  vers  la  zone 
torride ,  nous  trouverons  encoTe    que   le 
froid  qui  domine  dans  le  nouveau  monde  , 
s'étend  auflî  à  cette  région  &  y  modère;] 


^i)  Voyez  la  Notis  XlilX, 


D  E   l'A  m  e  r  I  q  u  e%  xa7 

•excès  de  la  chaleur.  Tandis  que  le  Ne-  H^a 
rre  fur  la  côte  d'Afrique  eft  dévoré  par  l-»^--^"' 
'ardeur  continuelle  âc  brûlante  du  climat , 
'habitant  du  Pérou  refpire  un  air  égaleraent 
iouK  &  tempéré,  oîP.bragé  pour  ainfi;  dixQ 
bus  un  dais  de  nuages  légers  qui  intercepte 
es  rayons  brûîans  du  foleil  fans  affoibliç 
on  influence  bienfairante(i).  Le  long,  de  k 
:ôte  orientale  de  l'Amérique ,  le  climat ,  quoi* 
^ue  plus  approchant  de  celui  de  la  zone 
corride  dans  les  autres  parties  de  la  terre, 
sfl  cependant  beaucoup  plus  doux  que  dans 
les  contrées  d'Aûe  &  d'Afrique  fituées  dans 
la  même  latitude.  Si  du  tropique  méridio- 
nal nous  continuons  notre  marche  jufqu'à 
l'extrémité  du  continent  Américain ,  nous 
rencontrons  beaucoup  plutôt  que  dans  le 
nord  des  mers  glacées  &  des  pays  affreux , 
llériles  &  prefqu'inhabi tables  par  la  rigueur 
du  froid  (2). 

Différentes  caufes   concourenÉ-  k  fénélré 

^  le  climat  de  l'Amérique  fi  différent  de  celui 

de  l'ancien  continent.    Quoiqu'on  ne  con- 

Cl)  Voyage  deUiloa,  tom.  i,  p.  453.  Anfon's  voyages, 
p.  184, 

CO  Anron's  voyages,  p.  74.  Hîjf,  gén»  àis  voytiget, 
tom,  XXf.    llichard ,  hij},  nat.  de  raîr, 

F 


Ï28  Histoire 

^^B  noiffe  pas  encore  jufqu'oh  l'Amérique  s'é- 
i-iv,  IV,  ^g^^  ^gj.g  jg  j^Qj.^  ^  jjQ^g  favons  qu'elle  s'a- 

vance  plus  près  vers  le  pôle  que  l'Âfie  ou 
l'Europe.    Il  y  a  au  nord  de  TAiie  de  vaS' 
tes  mers  qui  font  couvertes  pendant   une 
partie  de  Tannée  &  lors  même  qu'elles  font 
couvertes  de  glace  ,  le  vent  qui  y  foufïïe 
a  une  intenfité  de  froid  moindre  que  celui 
qui  règne  à  terre  dans  les  mêmes  latitudes^, 
Mais  en  Amérique  la  terre  fe  prolonge  duj 
fleuve  Saint -Laurent  vers  le  pôle  &  s'étendJ 
confidérablement  à  Touefl.  Une  chaîne  d'é 
normes  montagnes  couvertes  de  neige  &  ÛQi 
glace  traverfe  toute  cette  trille  région.  Lej 
vent,  en  palTant  fur  une  fi  grande  étendues 
de  terre  élevée  &  glacée,  s'imprègne  tel-« 
lement  de  froid  qu'il  acquiert  une  adlivicéi 
perçante  qui   fe   conferve  même   dans    fa;! 
route  à  travers  des  climats  plus  doux  &  ne. 
fe  corrige  entièrement  que  lorfqu'il  arrive? 
au  golfe  de  Mexique.    Sur  tout  le  conti-l 
nent  de  l'Amérique  feptentrionale  un  vent 
de  nord  -  oueft  à.   un  froid  excefllf  font 
des  termes  fynonymes.    Même  dans  Tété 
le  plus  brûlant,  dès  que  le  vent  tourne  de 
ce  côté,  fon  adlivité  ptnctrante  fe  fait  fen- 
tir  par  un  paflage  auHî  violent  que  fubit 


©R   L'A  M  ER  I  QU  E»  I2P 

dacha-ud  au  froid.  ,C'ell  à  cette  p^uilTance  "ëh» 
qu'il  faut  attribuer  Tinfluence  extraordinaire ^^^•- ^^* 
du  froid  &  Tes  incurfions  violentes  dans  les 
provinces  méridionales  de  cette  partie  du^ 

globe  Ci)' 
D^autres  caufes  non  moins  remarquables^ 

fervent  à  diminuer  la  puiffance  active  de 
la  chaleur  dans  les  régions  du  contineac 
de  l'Amérique  fi  tuées  entre  les  tropi- 
ques. Dans  toute  cette  partie  dn  globe  le 
vent  foufîle  invariablement  dans  une  di- 
reftion  de  Teft  à  Touefl.  Ce  vent,  en  fui*- 
vant  fa  route  à  travers  l'ancien  continent , 
arrive  à  des  pays  qui  s'^étendent  le  long  de 
la  côte  occidentale  de  l'Afrique ,  embrafé  de 
toutes  les  particules  ignées  qu'il  a  entraî- 
nées des  plaines  échauffées  de  l'Alie  &  des- 
fables brûlans  des  déferts  de  l'Afrique.  La 
GÔte  d'Afrique  efl:  donc  la  région  de  la^ 
terre  qui  pétant  expofée  à  toute  l'ardeur  de 
la  zone  torride  fans  aucune  circonftance 
qui  la  tempère,  doit  éprouver  la  plus-  vio- 
lente chaleur.  Mais  ce  même  vent  quï 
apporte  cette  augmentation  de  chaleur  au^r 
pays  Htués  entre  la  rivière  de  Sénégal  65: 


CO  Charlevoix  hiji;  de  loi  nour*   France  ^tonh   /i2',> 
i^f,-  WJ^  gùt*  âes  voyages  y  fom,  XXâ- 


I30  H  I  s  T  O  T  R  E 

*— ^  la  Cafrerîe ,  traverfe  l'océan  atlantique^- 
ï^-  ly»  avant  que  d'arriver  aux  côtes  d*Amérique.', 
Il  fe  refroidit  en  paffanc  fur  ce  vafte  amasi 
d*eau,  &  ne  fe  fait  plus  fentir  que  comme* 
cne  brife  rafraîchifTante  le  long  des  côtesi 
du  Bréfîl  XO  &  de  i^  Guyane  ;  de  fortee 
que  ces  pays  ,  quoique  comptés  parmi  les! 
plus  chauds  de  l'Amérique ,  ont  un  climat 
tempéré  en  comparai fon  de  ceux  qui  fonti 
dans  les  latitudes  correfpondantes  en  Afri- 
que (2)é  En  avançant  dans  fon  cours  ai 
travers  TAmérique  ,  ce  vent  rencontre  desi 
plaines  immenfes  couvertes  de  forêts  im- 
pénétrables ou  occupées  par  de  grandesi 
rivières  ,  par  des  marais  &  des  eaux  fla*« 
gnantes  qui  ne  peuvent  pas  lui  rendre  unoi 
grande  chaleur.  Enfin  il  arrive  aux  Andesi 
qui  traverfent  tout  le  continent  dans  una 
diredlion  du  nord  au  fud.  En  paîTant  furr 
ces  hauteurs  glacées  il  acquiert  un  tel  degré! 
de  froid  que  la  plus  grande  partie  des  pays! 
qui  fe  trouvent  au-  delà  n'éprouvent  pas  lai 
chaleur  dont  ils  paroi  (lent  fufceptibles  pari 
leur  pofition  (3),    Dans  les  autres  provin-< 

(O  Voyez  la  Note  XXX. 

(2)  Voyez  la  Note  XXXf. 

fe)  Acolla,  hi^.aon  orMs,  B»  ih  c. su  M.  de BuC^a  J| 


DE     l'A  M  E  R  I  Q  U  E.  t^t 

\  ces  de  l'Amérique  ,  depuis  la  terre  -  ferme    5" 


à  Touefl:  jufqu'à  Tempire  de  Mexique,  la  ^^^v.'iy. 
chaleur  du  climat  eft  tempérée  en  quelques 
endroits  par  Télévation  du  fol  au-delTus 
de  la  mer,  en  d'autres  par  Thumidicé  ex- 
traordinaire du  terrain  ,  &  dans  tous  par 
les  énormes  montagnes  qui  y  font  répan- 
dues. Les  ifles  de  l'Amérique  fous  la  zone 
torride  font  ou  très  -  petites  oir  montagneu- 
fes ,  &  font  rafraîchies  alternativement  par 
les  brifes  de  terre  &  de  mer. 

On  ne  peut  pas  expliquer  d'aune  manier© 
également  fatisfaifante  les  caufes  du  fi-oicî 
exceflif  qui  fe  fait  fcntir  vers  rextrômité 
méridionale  de  l'Amérique  &  dans  les  mers 
qui  font  au  -  delà.  On  a  fuppafé  longtems 
qu'il  y  avoit  entre  la  pointe  méridionale 
de  l'Amérique  &  le  pôle  antardtique  un 
vade  continent  auquel  on  a  donné  le  nom 
de  terre  aiiftrale  inconnue^  Les  mêmes  pria»  - 
cipes  qui  ont  fervi  à  expliquer  Fintenlité 
extrême  du  froid  dans  les  régions  repten» 
trionales  de  l'Amérique,  ont  été  employés 
à  expliquer  celui  qui  fe  fait  fentir  au  cap 
Horn  &  dans  les  pays  voifins*    L'immenfe 

1^/?.  nai.ikc.  tom.  Fil,  p.  512,  &c.  tom.  IX ,  p.  107,  &€» 
Osb-ixa's  calk^*  (^voyages,  tom.  II ^  p,  86B. 

F  0 


Ltf.IV. 


313a  Histoire 

étendue    du   continent    méridional   &    les 
grandes  rivières  qu'il  verfe  dans  l^océan  cm. 
été   regardées  par  les  philofophes  comme.' 
des  CEufes   fufBfantes   pour   occaConDer  h 
fenra:ion  extraordinaire  de  froid  &  Je  phé- 
nomène plus  extraordinaire  encore  des  Tr.Qn  \ 
glacées  dans  cette  partie  du  globe.    Mai! 
on  a  cherché  en  %'ain  le  continent  imaginai--   , 
le  auquel  on  artribuoit  cette  inficence ,  &    ; 
l'efpace  qu'il  étoic  cenfé    occuper   s'écani    ; 
trouvé    une   mer   entièrement  ouverte ,   il 
^Qt  avoir  recours  à  une  nouvelle  hypotbe 
fe  pour  expliquer  une  température  ce  cli^ 
mat  fi  différente  de  celle  qu'on  trouve  danj 
les  pays  fltués  à  une  égaie  diftance  du  pok 
oppofé  Ci). 
Après  avoir  essr.'né  ces  qualités  carac- 
rAméri-    térifliques    <5i    permanentes    du  continent 

oue  lod- 

«{u'ôn  la  Amiéricain  qui  naifient  des  circonflances 
^rr£*'^"  particulières  de  fa  iltuation  &  de  la  difpo- 
lîtion  de  fes  parties ,  le  principal  objet 
qui  doit  fixer  enfuice  notre  attention ,  c'efl 
rétat  ck  étoit  ce  continent  lorfqu'cn  en 
fit  la  découverte,  relativement  à  ce  qui 
-dépend  de  rintelligence  ai  des  opérations 
de  l'homme.     Les   effets   de  Tinduûrie  <5c 

0^  Voyiez.  U^  ^'gTft  XX^. 


Etatd& 


DE    L'A  M  E  R  I  Q  U  E.  I33 

du  travait  font  plus  étendus  &  plus  confi-  — ^ 
dérables  que  notre  vanité  même  ne  nous  ^^v.iv, 
porte  à  le  croire.  En  jettant  les  yeax 
fur  la  face  du  globe  habité  ,  on  vaic  qu'a* 
Ee  grande  partie  de  la  beauté  &  de  la 
fertilité  que  nous  attribuons  à  la  main  de 
la  nature  eft  l'ouvrage  de  l'homme»  Ces 
elForts ,  lorfqu'ils  fe  continuent  pendant 
yne  fuite  de  fiecles,  parviennent  à  perfec- 
tionner les  qualités  de  la  terre  6i  à  en. 
changer  même  Tapparence.  Comme  une. 
grande  partie  de  l'ancien  continent  a  été. 
longtems  occupée  par  des  nations  fort  avan?- 
cées  dans  les  arts  ,  notre  œil  s'eft  accou- 
tumé à  voir  la  terre  fous  la  forme  qu'on, 
lui  a  donnée  en-  la  rendant  propre  à  être. 
habitée  par  une  race  nombreufe  d'hommes 
&  à  leur  fournir  des  fubûftances^ 
j'  Mais  dans  le  nouveau  monde.,  Pefpece    On  la 

1  •  w      •  r*  rot  trouve  faa^ 

Bumame  n  étoit  pas  u  avancée  &  la  natu-  yage  & 
je  y  préfentoit  un  afpedb  bien  différent»^"^^''^ 
Pans  toutes  les  vafles  régions  qui  le  co,m- 
pofeDC  ;  il  ne  fe  trouvoit  que  deux  mo- 
Barchies  remarquables  pour  l'étendue  du. 
territoi^-e  &;  diflinguées  par  quelque  pro* 
grès  dans  la  eiviliiatiQn^.  Le  rede  du  con- 
toêiit  étoic  peuplé  de  petites  tribus  iadd* 


134  'Histoire 

ses»  pendantes  ,  privées  d'art  &  d*induflrie, 
Liv.lV.  qyj  n'avoient  ni  les  moyens  de  corriger 
les  défauts,  ni  le  dellr  d*amé]iorer  l'état 
de  cette  portion  de  la  terre  qu'ils  habi- 
toient.  Des  pays  ainfî  occupés  étoient 
prefque  dans  le  même  état  que  s'ils  fuf- 
fent  refiés  fans  habitans.  D'immenfes  £o* 
Têts  couvroient  une  grande  partie  de  cet- 
te terre  inculte  ;  &  comme  la  main  de 
rinduflrie  n'avoic  pas  encore  forcé  les 
rivières  à  couler  dans  le  canal  qui  leur 
étoic  ie  plus  convenable  &  n'avoit  pas 
ouvert  des  écoulemens  aux  eaux  Gagnan- 
tes, pîufîeurs  des  plaines  les  plus  fertiles 
étoient  inondées  par  les  débordemens  ou 
converties  en  marais.  Dans  les  provin- 
ces méridionales,  oh  la  chaleur  du  foleil, 
l'humidité  du  climat  &  la  fertilité  du  fol 
concourent  à  donner  de  l'adtivité  à  toutes 
les  puiflances  de  la  végétation  ,  les  bois 
font  tellement  embarrafTés  par  Texubérance 
même  de  la  végétatioa  qu'il  efl  prefque 
impofTible  d'y  pénétrer,  &  que  la  furface 
du  terrain  y  efl  cachée  fous  des  couche» 
épailTes  d'arbriffeaux  ,  d'herbes  &  de  plart- 
tes  fauvages.  C'eil  dans  cet  état  d^  na- 
ture brute  à,  abandoDiîée  à  elle-même  cp& 


D  t  l'A  m  e  r  I  q  u  e.  i^f 

reflent  encore  plufîeurs  des  grandes  pro-  <na— 
vinces  deMmérique  méridionale  qui  s'é*Liv.  iv. 
tendent  du  pied  des  Andes  jufques  à  la 
nier.  Les  colonies  Européennes  ont  dé» 
friche  &  cultivé  quelques  cantons  le  long 
de  la  côte  ;  mais  les  naturels  ,  toujours 
groŒers  &  indolens  ,  n'ont  rien  faic  pour 
découvrir  ni  pour  améliorer  un  pays  qui 
pofTede  tous  les  avantages  de  fituation  & 
de  climat  que  la  nature  peut  donner.  En 
avançant:  vers  les  provinces  feptentrionales 
de  r  Amérique  ,  la  nature  continue  de  pré- 
fenter  un  afpeft  fauvage  &  abandonné  ;  & 
à  proportion  que  la  rigueur  du  climat 
augmente  ,  la  terre  olFre  une  perfpedbive 
plus  horrible  &  plus  déferte.  Là  les  fo- 
rêts 5  quoique  moins  embarraiTées  par  l'ex- 
cès de  la  végétation ,  font  également  vaf. 
tes;  d*immenfes  marais  couvrent  les  plai- 
nes, &  à  peine  apperçoit  •  on  quelques 
tentatives  de  Tindultrie  humaine  pour  cul- 
tiver ou  embellir  la  terre.  Il  n'eft  pas  fur- 
prenant  que  les  colonies  envoyées  d'Euro* 
pe  aient  été  étonnées  à  la  première  vu© 
du  nouveau  monde  :  il  leur  parut  défère  ^ 
trifte  &  folitaire.  Lorfque  les  Angîois  corn» 
xuencerent  à  s*établir   es  Amérique,  'Éa^ 


l^  K  I   s  T  O    I  R 


cî 


Ië5S"  appelèrent  les  pays  dont  ils  prirent  pof» 
LiY.  IV.  fefliQQ  ig  dêfert,.  Il  n'y  avoit  que  refpé- 
rance  flatteufe  de  découvrir  des  mines  d'oF 
qui  pût  engager  les  Efpagnols  à  pénétrer 
dans  les  bois  &  les  marais  d'Amérique , 
011  ils  obfervoient  à  chaque  pas  Textrême 
différence  de  Tafpedl  que  préfente  la  nacu^ 
re  inculte  &  fauvage  d*avec  celui  qu'elle 
prend  fous  la  main  induftrieufe  de  l'art  (iX 
Ledimat  Non- feulement  les  travaux  de  l'homme 
mi-fam.  améliorent  &  embelhfTent  la.  terre,  maia 
ils  la  rendent  encore  plus  falubre  &  plu« 
favorable  à  la  vie.  Dans  toute  région  né- 
gligée &  deftituée  de  culture ,  l'air  e(l  fia» 
gnant  dans  les  bois  ;  des  vapeurs  corrom^ 
pues  s'^élevent  des  eaux;  la  furface  de  la 
terre  furchargée  de  végétation  n'éprouve 
point  rinfluence  purifiante  du  foîeil;  la  ma- 
lignité des  maladies  naturelles  au  climat 
s'augmente  ;  elles  en  engendrent  d'autres  , 
qui  ne  font  non  moins  funefles.-  Aufli 
toutes  les  provinces  de  l'Amérique  furent^ 
elles  trouvées  extrêmement  mal  -  faines, 
lorfqu'on  en  fit  la  découverte.  C'ed  ce  que 
les-  Efpagnols  éprouvèrent  dans  toutes  le^. 
expéditwns   qu'ils   Erenc   dans  le  nouveam 

lia  Vo^er  la^  Nam  XJSOIii. 


m 


D  E   l'A  m  e  r  I  q  u  r.  137 

monde ,  foit  pour  tenter  des  conquêtes ,  ■ 


foit  pour  former  des  établifferaens.  Quoi-  l-iv.iM» 
que  la  vigueur  naturelle  de  leur  conftitu- 
tion,  leur  tempérance  habituelle,  leur  cou- 
,  rage  6c  leur  confiance  les  rendiiTent  aulïi 
propres  qu'aucun  autre  peuple  d'Europe  à 
une  vie  adlive  dans  un  climat  brûlant,  ils 
éprouvèrent  les  qualités  funefles  &  nuifi- 
bles  de  ces  régions  incultes  qu'ils  traver- 
foient  &  oU  ils  tâchoient  de  planter  des 
colonies.  Il  en  périt  un  grand  nombre  des- 
maladies violentes  &,  inconnues  dont  ils 
furent  attaqués.  Ceux  qui  échappèrent  à 
la  fureur  meurtrière  de  cette  contagion  ne 
purent  fe  dérober  zuk.  pernicieux  effets  du 
climat.  On  les  vit,  fuivant  la  defcription 
des  anciens  hifloriens  Efpagnols  ,  revenir 
en  Europe  foibles ,  maigres,  avec  des  re- 
gards languilTans  &  un  teint  jaunâtre  ,  û* 
gnes  non  équivoques  de  la  température  mal? 
laine  des  pays  oti  ils  avpient  réfldé  (i^. 
.  L'état  inculte .  du  nouveau  monde  alFec-  Animaa^ 
.toit  non  -  feulement  la  température  de  l'air, 
mais  les  qualités  mômes  de  fes  produc- 
tions.     Le  principe  de  la  vie  fembloit  y 

(  [  )  Gomera ,  hijï,   c.    20  -  2,2.    Oviedo ,  hifi.  lih.  ll\  ^ 
13.  //^.  /^,  c.  10,  P.  Martyr,  £^.'^.545,  dsc^  P.  17^ 


13S  Histoire 

avoir  moins  de  force  &  d'aclivité  que  dans  1 
•Liv.  IV.  i»ancien  continent.     Maître  la  vafte  écen- 

Quadru-  ° 

pedes.     due  de  TAmérique  &  la  variété  de  les  cli- 
ihats,  les  difTérentes  efpeces  d'animaux  qui 
lui   font   propres    y  fonc   proporcionneîle- 
ment  en  beaucoup  plus  petit   nombre  que 
dans  Tautre  hémirphere.  On  ne  trouva  dans 
les  iHes  que  quatre  efpeces  de  quadrupe- 
des  connus,  dont  le  plus  grand  n*excédoit 
pas  là  groffeur  d'un  lapin.    Il  y  avoit  une 
plus  grande  variété  fur  le  continent.     Lesi 
individus   de   chaque  efpece  ne  pouvoient 
pas  manquer  de  s'y  multiplier  extrêmement, , 
parce  qu'ils  étoient  peu  tourmentés  par  lesi 
hommes ,  qui  n'étoient  encore  ni  afTez  nom* 
fereux  ni  afîez  unis  en  fociété  pour  s'être  reO' 
dus  redoutables  aux  animaux  ;  cependant  le: 
nombre  des  efpeces  diftindtes  ne  peut  être  en-  • 
core  regardé  que  comme  très  -  petit.  De  deux  t 
cents  efpeces  différentes  de  quadrupèdes  ré- 
pandues fur  la  furface  de  la  terre,  on  n'en  trou* < 
va  en  Amérique  qu'environ  un  tiers  lorfqu'el" 
le  fut  découverte  Ci).  La  nature  étoit  non» 
feulement  moins  féconde  dans  le  nouveau  1 
monde ,  mais  elle  femble  encore  avoir  été  f 
moins  vigoureufe  dans  fes  produdions.    Lesi 

(jj  M.  di  Buflfoiij  Hijio  nai,  iûn.ê  IX ,  /.'•  3(5.  '1 


DE  l'Amer  i  que.  139 

fguadrupedes    qui  appartiennent  originaire-  ^^'m 
Tient  à  cette  partie    dû  globe,  paroiflent    Liv.iv. 
§cre  d'une   race   inférieure;  ils  ne  font  ni 
îuffi  rbbuftes  ni  auffi'  farouches  que  ceux 
de  l'ancien  continent.    Il  n'y   en  a  aucuQ 
sn  Amérique  qu'on  puiffe  comparer  à  l'é- 
éphant  &  au  rhinocéros  pour  la  grandeur  , 
li  au  lion  ou  au  tigre  pour  la  force  &  la 
férocité  Ci).    Le   tapir  du  Bréfîl,  le  plus 
grand  des  quadrupèdes  du  nouveau  monde, 
:eft  de  la  grofleur  d'un  veau  de  lix  mois, 
']Lcs  pumas  ^  les  jaguars  y  les  plus  farouches 
|des  animaux  carnaciers  &  auxquels  les  Eu» 
ropéens  ont  donné  mal  à  propos  la  dénomi- 
nation de  lions  &  de  tigres,  n'ont  ni  le 
courage  intrépide  des  premiers  ni  la  voraci- 
|té  cruelle  des  derniers  (2).  Ils  font  indo- 
.  lens  &  timides, peu  redoutables  pour  l'hoiii- 
I  me ,  &  ils  s'enfuient  fouvent  à  la  moindre 
,  i  apparence   de  réfiftance  ("3).    Les  mêmes 
.:  qualités  du  climat  d'Amérique  qui  rendene 
•  les  animaux  indigènes  plus  petits,  plus  foi- 

'  i  •  (O  Voyez  la  Note  XXXIV.        ■ 

CO  M.  de  Buffon,  hifi,  nnt,'tom.IKf  p.  87.  Marges- 
viijA//?,  nat,  Brnfil  ^  p.  229. 

Cs)  M.  de  Buflfon,  hifi,  nat,  tom,  IX,  p»  13 -.203. 
Acofta,  hiji.  lié,  If^,  c.  34.  Pifonis  hijî»  p,  é,  HerrerUa 
dec*  4 ,  Uc^,  JFy  c,  i  i  lié.  X  3  c,  13. 


■l 


140  Histoire 

^^^  blés  &  plus  timides ,  ont  exercé  leur  in. 

^^'     *  fîuence  pernicieufe  fur  ceux  qui  y  ont  paC 
fé  fpontanément  de  l'autre  continent  ou  qui. 
y  ont  été  tranfportés  par  les  Européens  (i}. 
Les  ours,  les  loups,  les  daims  d'Amérique, 
ne  font  pas  égaux  en  volume  à  ceuK  de  l'an- 
cien monde  (2}.    La  plupart  des  animaux 
domefliques  5  dont  les  Européens  ont  pour- 
vu les  provinces  où  ils  fe  font  établis ,  ont 
dégénéré  &  pour  la  grofîeur  &  pour  la  qua?. 
lité ,  dans  un  pays  dont  la  température  & 
le  fol  femblent  être  moins  favorables  à  la; 
force  &  à  la  perfe6lion  du  genre  animal  C33. 
fnfecles      Mais  les  mêmes  caufes  qui  eoncouroient 
«reptiles.  ^  diminuer  le  volume  &  k  vigueur  des  plus 
grands  animaux  ,   favorifoient  la  propaga-^ 
tion  &  l'accroilTeraent  des  reptiles  &  des  in 
feflies.  Quoique  cela  ne  foit  pas  particulier 
au   nouveau  monde,  &  que  ces  odieufes; 
familles^  nées  de  la  chaleur,  de  l'humidi 
té   &  de  la  corruption  ,  infectent  toutes 

(i)  Churchil ,  tom.  V^  p,  6ç;i.  Ovalle ,  relat»  of  Chtlh  \ 
Ckurch.  tom.  /Il,  p.  lo.  Sommario  de  Oviedo,  c,  14  -  22. 
Voy.  de  Des  Marchais,  tom,  III^  p,  299. 

Q^)  M.  de  Buffoii  9   hlfl,  nat,  tom,  IX  ^  p.  103.  Kalai' 
trayels,  tom,  /,  102.  Biettô  ,  yoy,  de  la  France  E^uin,  p, 

~  CS)  Voyez  îa  Noth  XXXV^ 


/ 


DE    l'A  M  E  R  I  QUE.  I4Ï 

.'  es  parties  de  la  zone  torride  ,  elles  fe  mul- 
iplient  peut-être  encore  plus  rapidement 
,  m  Amérique  ,   &  les  individus  y  parvien- 
'  lent    à   une    grolTeur  plus  extraordinaire. 
;^omme  cette  contrée  efl:  en  général  moins- 
;u1tivée   &  moins   peuplée  que  les  autres 
parties  de  la  terre ,  le  principe  de  la  vie  y 
on  fume  fon  aftivité  &  fa  force  dans  les 
'  )roduaions  de  cette  clafle  inférieure.  L'air 
j  efl  fouvent  obfcurci  par  des  nuées  d*in- 
I  etles  5  &;  la  terre  couverte  de  reptiles  dé- 
agréables &  mal-faifans.    Les  environs  de 
^orto-Bello  produifent  une  fi  grande  multi- 
\  :ude  de  crapauds  que  la  furface  de  la  terre 
;n  efl  entièrement  cachée.  Les  ferpens  àc 
es  vipères  ne  font  guère  moins  nombreuse 
ï   GuayaquiU   Carrhagene   efl  infedlée  de 
roupes  nombreufes  de  chauve  -  fouris ,  qui 
:ourmentent  non  -  feulement  les  troupeaux  , 
mais  les  hommes  mêmes  (i^.  Dans  les  ifîes 
|)n  voit  de  tems   en  tems  des  légions  de 
j'ourmîs  confumer  toutes  les  productions  vé- 
l>étales  (2) ,  &  laififer  la  terre  auOl  pavfai- 
bernent  dépouillée  que  fi  elle  avoit  été  dé- 

!   (i)  Voynge  de  Ulloa  ,  tow.  I,  ^.  89.  Idem.  p.  147.  lier* 
jera,  dec,  2,  lih.  Iff^  c.  3-19.  - 

(2)  Voyez  la  Note  XXXVI, 


Liv.  IV. 


Liv.iV. 


142  Histoire 

vorée  par  le  feu.  Les  forêts  humides  &.ie 

fol  marécageux  des  pays  qui  bordent  TOré-.' 

noque  &  le  Maragnon,  fourmillent  de  prefi 

que  tous  les  êcres   malfaifans  &   venimeux 

auxquels  Tadivité  d'un  foleil  brûlant  peuu 

donner  la  vie  Çi), 

oifeaux.      Les  oifeaux  du  nouveau  monde  ne  foni 

pas  diflingués   par    des  qualités  aufli  mar. 

quées  &   aufli    caraûériftiques  que    celle! 

qui   ont  été  obfervées  dans  les  quadrupe 

des.    Les  oifeaux  font  plus  indépendans  d( 

l'homme  &  moins  afFedlés  par  les  change 

mens  que  fon  induflrie  &  fon  travail  opec 

rent  dans  Tétat  de  la  terre.     Ils  ont  unr 

grande  propeniîon  à  pafTer  d*un  pays  à  ui 

autre  ,  &  ils  peuvent  aifément  &  fans  dan 

ger    facisfaire  cet  inflind   de  leur  nature, 

Auffi  le  nombre  des  oifeaux  communs  auîi 

deux  continens  efl  -  il  beaucoup  plus  grano 

que  celui  des  quadrupèdes,   &  les  efpecet 

mêmes  particulières  à  l'Amérique  reffenK 

blent  beaucoup  à  celles  que  Ton  trouve  danr 

les  régions  correfpondantes  de  l'ancien  hé 


CO  Voyage   de  la   Condamitre ,  p.  167.  Gumilla ,  to» 
IH  t  p.   120  ,  &€,    Hlft,  gén,    des    Foyases  tom,   Xl^ 
Duinont,   Mémires  fur  la  Louîfiane,  tom,  1  ,  p»   v 
Sommario  de  Oviedo ,  c .  5a  -  64. 


D  E     L'A  M  E  R  I  Q  U  E.  I43 

i  . 

f'inirphere.  Les  oifeaux  Américains  de  la  zo- 
ne lorride  ,  comme  ceux  du  même  climat  ^^^-i^- 
en  ASe  6c  en  Afrique,  font  parés  d'un  plu- 
image  qui  éblouit  Toeil  par  réclat&  la  beau- 
|!té  de  Tes  couleurs;  mais  la  nature  qui  fem- 
ble  bêtre  contentée  de  leur  avoir  donné 
i  cette  agréable  parure  ,  a  refufé  à  la  plupart 
ce  chant  mélodieux  &  varié  qui  flatte  &  a* 
imufe  roreille.  Les  oifeaux  des  climats  tem- 
jpérés  dans  le  nouveau  continent ,  de  même 
iîque  dans  le  nôtre,  ont  un  extérieur  moins 
«brillant  ;  mais  ils  ont  auiïi  en  dédommage- 
«ment  une  voix  douce  &  méîodieufe.  Ea 
I quelques  diftrids  de  FAmérique  la  tempe* 
irature  mal-fame  deFair  fembie  avoir  éténui- 
ifible  même  à  cette  partie  de  la  nature  ani- 
imée  ;  on  y  voit  moins  d'oifeaux  que  dans 
|les  autres  contrées ,  &  le  voyageur  eil  éton- 
iné  de  la  folitude  &  du  filence  qui  régnent 
\  dans  les  forêts  f  i}.  Il  eft  cependant  remar- 
iquable  que  l'Amérique,  oii  les  quadrupe- 
i  des  font  û  poltrons  ,  ait  produit  le  condor 
:  à  qui  Ton  ne  peut  refufer  la  prééminence 

I  ^  CO  Boiîguer,  voy.  au  Pérou  ,  p.  17.  Cbnnvalon  ,  voyage 
\à  la  Mariimque  ,  p.  96.  Warien  ,  àefcript.  de  Surinam, 
\  Oibora's  colleM,  tom..  Il,  p.  92 -4.  Lettres  édifiantes  y  îom, 
i[  XX/F,  p,  339.  Chaïlevoix,  bifl,  de 4a  NouyeiU ~ FrctKe\ 
to?K,  III,  p,  is5,  i;^-;b  uui:; .. 


•t44  Histoire 

mmaam  fur  toute  la  race  aîlée  pour  le  volume,  la 

Liv.  iv.  force  &  le  courage  (i). 

s«. ,       Dans  un  continent  auiîî  étendu  que  l'A- 
mérique ,   il    doit  néceflairement  y  avoir 
beaucoup  de  variété  dans  le  fol.  On  trouve 
dans  chaque  province  quelques  particulari- 
tés diïlindlives  ,   mais   dont  la  defcription 
doit  être  réfervée  à  ceux  qui  en   écrivent 
l'hifloire  détaillée.     En  général ,  nous  ob- 
fervons  que  l'humidité  &  le  froid  qui  do- 
minent d*une  manière  fi  frappante  dans  tou- 
tes les  parties  de  l'Amérique  ,   doivent   y 
avoir  une  grande  influence  fur  la  nature  du 
fol.     Des.  pays  fîtués  fous  le  même  paralle-* 
le  que  des  régions  de  l'ancien  continent  oti 
Textrême  rigueur  de  Thiver  ne  fe  fait  ja- 
mais fentir,  font  entièrement  gelés  en  Amé- 
rique pendant  une  grande  partie  de  Tannée 
La  terre  reflerrée  par  ce  froid  exceiïif  n'y' 
acquiert  jamais  une  chaleur  fuffifante  pour  itCi 
mûrir  les  fruits  qui  fe  trouvent  dans  les  par-  'p 
ties  correfpondantes  de  l'autre  hémifphere. 
Si  Ton  vouloit  faire  croître  en  Amérique: 

les  » 


(0  Voyage  de  Ulloa  ,  iom.  I ,  p.   363.    Voyage  de  la  J 
Condamine,^.  175.  M.  de  Biiffon,  fiifi.  nat.  tom.  X^/»  »|C 
p.  184.  Voyage  de  Des  Marchais,  tom.  Ill,p*  320. 


D  E     L'A  M  E  R  î  q  U  E.  I45 

ss  productions  qui  abondent  dans  quelques   — "^^ 
antons  particuliers  du  globe,  on  ne  pour-  -^^'^^^ 
Dit  y  réuffir  que  dans  les  parties  de  ce        ^ 
ontinent  qui  fe  trouvent  de  pîulieurs  de- 
rés  plus  près  d€  la  ligne  que  le  fol  namrel 
e  ces  produdions ,  parce  qu'on  auroit  be- 
)in   d'une   augmentation  de   chaleur  pour 
DHtrebalancer  la   froideur  naturelle  de  la 
^rre  &  du  climat  Ci).    Plutleurs  des  plan- 
is  &  des  fruits  particuliers  aux  pays  (icués 
)us  les  tropiques  ,   ont  été  cultivés  avec 
iccès  au  cap  de  Bonne- Efpérance  ;  tandis 
a'àSaint- Auguflin  dans  la  Floride,  à  Char- 
;s  -Town  dans  la  Caroline  méridionale,  qui 
)nt  beaucoup  plus  près  de  la  ligne  que  le 
îp,les  mêmes  produdiohs  n'ont  pu  y  réuf- 
r  également  (2).    Mais  en  tenant  comp- 
;  de  cette  différence  de  température  ,    le 
)1  de  l'Amérique  e(l  naturellement  aufîi  ri- 
le  &  aùfli  fertile  qu'aucune  autre  portioa 
j  globe.  Comme  le  pays  n'avoir,  qu'un  pe- 
c  nombre  d'habitans  peu  induftrieux  &  pri- 
és du  fecours   des    animaux  domeftiques 
Dnt  les  nations  civilifées  élèvent  de  fi.  gran- 
ds multitudes ,  la  terre  n'étoit  pas  épuifée 

CO  Voyez  la  Note  XXXVIL 
C2)  Voyez  la, Note  XXXVIII. 

Toms  IL  G 


Uw.  IV. 


T46  Histoire 

par  leur  confommation.  Les  végétaux  pro»  ■ 
duits  par  fa  fertilité,  reftoient  fouvent  en- 
tiers ,  &  en  fe  poUrriflant  fur  fa  furface  ren 
troient  dans  fon  fein  en  y  portant  un  fur* 
croît  de  matière  végétale  Qi),  Comme  les 
arbres  &  les  plantes  tirent  de  Tair  &"  de 
Teau  une  grande  partie  de  leur  nourriture, 
s'ils  n*étoient  pas  détruits  par  l'homme  & 
par  les  animaux,  ils  rendroient  à  la  ter- 
re plus  qu'ils  n*en  reçoivent  &  renrichi- 
roient  plutôt  que  de  l'appauvrir  ;  ainli  les 
terres  inhabitées  de  l'Amérique  pouvoient, 
continuer  de  s'engraifler  pendant  plufîeursi 
fiecles.  Le  nombre  prodigieux  &  l'énorme 
groiïeur  des  arbres  de  ce  continent  atteften 
la  vigueur  extraordinaire  du  fol* dans  fon  etai 
naturel.  Lorfque  les  Européens  commence-, 
rent  à  cultiver  le  nouveau  monde,  ils  fa 
rent  étonnés  de  l'exubérance  &  de  Fadliviti 
de  la  végétation  dans  fon  moule  primitif 
&  en  pluCeurs  endroits  l'indullrie  du  plani 
teur  s'exerce  encore  à  diminuer  6i  à  épuife 
une  fécondité  fuperflue,  afin  de  réduire  la  ter 
re  à  un  état  propre  à  une  cuUuie  utile  (2; 

CO  M.   de  B'jfFon .  hijî,  nat,   tom.  /,  p.  242.     Kalro 
*c»j.  /,  p.  151. 
(2)  Charlevoix,  A//?,  </«?  la  NouvelU  France ,  tom»  I,  p»  40, 


D  E    l'A  m  e  r  1  q  u  e.  147 

Après  avoir  ainû  obfervé  l'état  du  nou- 
veau monde  à  l'époque  de  fa  découverte ,  ^iv.  iv, 
5c  confidéré  les  traies  particuliers  qui  le  dis-  rS\^ 
:inguent&  le  Criraftérifent ,  l'objet  qui  mé-^'^^^^jl^^ 
'îte  de  fixer  notre  attention ,  c'efl  de  re- 
:hercher  comment  l'Amérique  a  été  peu- 
plée, par  quelle  route  les  hommes  ont  pas- 
'é  d'un  continent  à  l'autre  ,  &  dans  quelle 
partie  du  globe  il  eft  le  plus  probable  que 
ïeft  établie  une  communication  entre  les 
kux  hémifpheres. 

Nous  favons  avec  une  certitude  infaillible   Les  a- 
^ue  toute  la  race  humaine   eft  fortie  de  la  n'omcon- 
liéme   fource  ,  &  que  les  defcendans  d'un  cmîena- 
ieul  homme,   fous  la  protedion  divine  &  li^f^cnfur 

^  ^  cet  cbjefr 

Dbéiflant  aux  ordres  du  ciel,  fe  font  mul- 
tipliés (Se  ont  peuplé  la  terre.    Mais  ni  les 
■  annales  ni  les  traditions  des  peuples  ne  re- 
[montent  jufqu'à  ces  tems   éloignés  oii  ils 
'jDnt  pris  pofTeflion  des  diverfes  contrées  oii 
;|ils  font  à  préfent   établis.    Nous  ne  pou- 
^  |v*ons  ni  fuivre  les  branches  de  ces  premier 
'^es  familles,  ni  indiquer  avec  certitude  l'é- 
Doque  de  leurs  féparations  &  la  manière 
dont  elles  fe  font  répandues  fur  la  furface 

ik'oyage  de  Des    Marchais  >  tcm.  I/l^  p,  229.    Lery,   fip, 
bebry,  ■^.  3  &  p.  174,  Voyez  la  Note  XXXIX. 

G  2 


il^S  Histoire 

-'■■"■■ du  globe.    Chez  les  nations  mêmes  les  plus 

^^^•^^'  éclairées  ,  le  période  de  l'hifloire  authenti-; 
que  efl:  extrêmement  court,  &  tout  ce  qui 
remonte  au-delà  eft  fabuleux  ou  obfcur. 
Il  n'eft  donc  pas  étonnant  que  les  naturels 
ignorans  de  l'Amérique  ,  qui  n'ont  ni  in- 
quiétude fur  l'avenir  ni  curiofué  fur  le  pas- 
fé,  n'aient  aucune  conooifiance  de  leur  pro- 
pre origine.  Les  Californiens  &  les  Eski- 
iTïaux^  en  particulier,  qui  occupent  les  par- 
ties de  l'Amérique  les  plus  voiflnes  de  Tan» 
cién  continent ,  font  fî  groffiers  qu'il  feroit 
abfolument  inutile  de  chercher  parmi  eux 
quelques  moyens  de  découvrir  le  lieu  d'oii 
ils  font  venus,  ou  les  ancêtres  dont  ils  font 
defcendus  (i)r  Nous  devons  le  peu  de  lu- 
mière que  nous  ayons  fur  cet  objet  ,  non 
aux  naturels  de  l'Amérique,  mais  à  refprit 
de  recherche  de  leurs  conquérans, 
D'fTéren-  Lorfque  les  Européens  firent  la  décou- 
[{jef2s!^°' verte  inattendue  d'un  monde  nouveau ,  pla* 
ce  ;à  lUne  grande  dillance  de  toutes  ]qs  paN 
ties' connues  alors  de  l'ancien  continent,  & 
rempli  d'habitans  dont  l'extérieur  &  lesr 
mœurs  différoient  fenfiblement  du  refte  de!' 
Tefpece  humaine ,  la  curiofîcé  &  l'attentioQi 

Cl)  Vençgas ,  hijl,  0/  CaJfornia^j  tom,  /,  p,  60.         i 


D  E     L'A  M  E  R  liq   U  E.  14O 

i 

'des  hommes  'indruits  dut  naturellement  les 

porter  à  rechercher  Torigine  de  ces  peu- 
iples.  On  rempliroit  plufieurs  volumes  des 
I  théories  <Sc  des  fpéculations  qu'on  a  imagU 
s  nées  fur  ce  fûjec^r  mais  :  ce  font  pour  la 
!  plupart  des  idées-  (i  bifarres  -  &  û  chiméfl- 
'^ques,  que  -je  croirois  faire  un  affront  à; Piîî- 
[jtelligence  de  mek  lëdeurs  li  j'^ntreprenois 
de  les  expofer  en  détail  ou  de  les  réfuter. 
;  Quelques  -  uns  ont  eu  la  préfomption  d'ima- 
iginer  que  les  habitans  de  l'Amérique  ne 
Idefcendoient  pas  du  père  commun  de  tous 
'les  hommes,  mais  qu'ils  formoient  une  ra- 
ce féparée,  diftinguée  par:  des  traits  parti- 
culiers &  dans  la  forme  extérieure  de  leur 
j-corps  &  dans  les  qualités  caradériftiques  de 
jleur  efprit.  D'aucres  prétendent  qu'ils  font 
idefcendus  de  quelques  refies  des  anciens 
!  habitans  de  la  terre,  échappés  au  déluge  qui 
jdu  tems  de  Noé  détruit  la  pl.^s  grande  par- 
îtie  de  Tefpece  humaine ,  &  ils  regardent 
(contre  toute  raifon  des  tribus  groffieres  éc 
fauvages,  difperfées  fur  un  continent  incul- 
ite,  comme  la  race  d'hommes  la  plus  ancien-- 
ine  qu'il  y  ait  fur  la  terre.  Il  n'y  a  guère 
de  nation  depuis  le  pôle  du  nord  jufqu'à 
I  celui  du  fud,  à  laquelle  quelque. antiquaire 
I  G  3 


Liv.  IV. 


ÎJO  H   X  8  TO   IRE 

»M  livré  à  la  folie  des  conjedures  n'ait  attti- 
Liv.iv.  bué  rhonneur  d'avoir  peuplé  l'Amérique.  Oa 
a  fuppofé  tour  à  tour  que  les  Juifs,  les  Ca- 
nanéens, les  Phéniciens,  les  Carthaginois, 
lesGrecs^,  les  Scythes  avoient  dans  les  tems  ' 
anciens  formé  des  établilTemens  fur  cet  hé- 
mirphere  occidental.  On  a  dit  que  dans 
des  tems  pollérieurs  les  Chinois,  les  Sué- 
dois, les  Norvégiens,  les  Gallois,  les  Ef« 
pagnols  y  avoient  envoyé  des  colonies  en 
différentes  circonftances  &  à  des  époques 
diverfes.  Les  prétentions  refpeûives  de  ces 
peuples  ont  trouvé  des  zélés  partifans,  & 
quoique  les  raifons  les  plus  plaufibles  dont  ils 
appuyaflent  leurs  hypothefes  ne  fuflent  que 
des  rapports  accidentels  de  quelques  coutu- 
mes ou  une  refîemblance  équivoque  dé 
quelques  mots  dans  les  langues  refpedtives,, 
on  a  employé  de  part  &  d'autre  beaucoup^ 
d'érudition  &  encore  plus  de  chaleur  à  dé* 
fendre  fans  beaucoup  d'utilité  les  hypothe^ 
fes  contraires.  Ces  objets  de  conjedlure  &i 
de  controverfe  n'appartiennent  pas  à  l'hisN 
torien  :  renfermé  dans  des  limites  plus  é* 
troites  ,  il  fe  borne  à  recueillir  ce  qui  pa- 
roît  fondé  fur  des  témoignages  certains  ou 
très  -  probables.    Je  ne  crois  pas  franchic.i 


D  E   l'A  M  E  RI  q u  E.  151 

:es  limites  en  préfentanc  ici  quelques  ob-  «f^iS 
ifervations  qui  peuvent  contribuer  à  répan-  ^^'^•^^' 
dre  de  la  lumière  fur  ces  queilions  curieu- 
-ifes  &  fi  fouvent  agitées. 

l^.  ]1  y  a  des  auteurs  qui  ont  tâché  d'ex-   11  ne  faut 
•  pliquer  par  de  pures  conjeclures  la  popula-^er^;}^^' 
îtion  de  l'Amérique.    Quelques  uns  ont  lup- ^^^^^^j^^^^' 
Dofé  qu'elle  avoit  été  originairement  unie  à 
l'ancien  continent  &  qu'elle  en  avoit   été 
[ réparée  par  le  choc  d'un   tremblement  de 
terre    ou  la   violence   fubite  d'un   déluge. 
!  D'autres  >ont  imaginé  qu'un   vaifleau  ,   dé- 
tourné de  fa  route  par  la  violence  d'un  venc 
id'ouefl ,  avoit  pu  être  pouffé  par  accid^^nt 
îfur  la  côte  d'Amérique  d  avoir  commencé 
à  peupler  ce  continent  délert  (i).     Il  fe« 
froit  mutile  d'examiner  &   de  difcuter  ces 
[hypothefes ,  parce  qu'il  eft  impolTible  d'en 
itirer  aucun  réfultat  certain.   Les  événemens 
[qu'on  y  fuppofe  font  fimplemenc  polfibles  ; 
imais  nous    n'avons    aucune  preuve    qu'ils 
[font  arrivés  ,  ni  par  le  témoignage  pofitif 
■de  l'hifloire  ni  même  par  les  fuppoiitions 
} vagues  de  la  tradition. 

'     (i)  Parfon's,  Remams   of  Japhei ,  p»  240.  Ancient  uni- 
yerf,   hijl,  yol,  XX,  p.    164.    P.    Fïeyjoo ,  t^atro   critîco,  * 

Itom.  k\p,  304,  6?c.  Acofcaa  Mfi,  mou  novi  orbis,  lit,/, 
c  16— lû, 

G4    , 


I5â  H  I   s  T  O  I  R   F. 

20.  Rien  ne  peut  être  plus  frivole  ou 
Liv.îV.  pj^_,j^  incertain  que  de  chercher  à  découvrir 
lefiem-  i'origine  des  Américains,  en  obfervant  fim- 
demœurs.  plement  les  refTemblances  qui  peuvent  fe 
rouver  entre  leurs  mœur«  &  celles  de  quel- 
que nation  particulière  de  l'ancien  continent. 
Si  i*ôn  fuppofe  deux  peuples  placés  aux 
deux  extrêmicés  de  la  cerre  ,  mais  dans  un 
état  de  fociété  également  avancée  pour  la 
civilifauon  (Se  i'induilrie ,  ils  éprouveront; 
les  pnêmes  befoins  &  feront  les  mêmes  ef-  ■ 
forts  pour  les  fatisfaire^  attirés  par  les  me-, 
mes  objets,  animés  des  mêmes  paillons ,  lesi 
.mêmes  idées  &  les  mêmes  fentimens  s'élés  ^ 
veront  dans  leur  ame.  Le  caradlere  &  lés 
occupations  du  ehaiTeur  d'Amérique  feront 
peu  difFérens  de  ceux  d'un  Afiatique  qui  ti- 
re également  fa  fubfiflance  de  la  chafle,  U- 
ne  tribu  de  fauvages  fur  les  bords  du  Da- 
nube reffemblera  beaucoup  à  ceux  qui  vivent 
dans  les  plaines  qu'arrofe  le  MiiTiffipi.  Au 
lieu  donc  de  préfumer  d'après  de  pareils 
rapports  qu'il  y  ait  quelqu'affinité  entre  ces 
peuples  divers ,  nous  devons  feulement  eni 
conclure  que  les  difpofitions  &  les  mœurs 
des  hommes  font  formées  par  leur  iîtuationi 
&  naiflent  de  l'état  de  fociabilité  oli  ils  fel 

trou*i 


D  E'   li'A  M  É  R  I  Q  U  Er  153 

Crouvent.    Du  moment  bb  ces  circbnflances  ^êêêêêM- 
Idommencent  à  s'altérer,  le  caraftere  d'un  ^^^"  ^^' 
peuple  doit  changer,  &  à  proportion  qu'il 
îfait  des  progrès  dans  la.  civilifation  ,   fe^ 
mœurs  fe  raffinent,  fes  facultés  &  fes  ta- 
-lens  fe  développent»  Les  progrès -de  rhom* 
me  ont  été  à  peu  près  les  mêmes  dans  tou- 
tes les  parties  du  globe ,  &  nous  pouvons 
le  fuîvre  dans  fa  marche  de  la  fimplicité 
:groffiere  d'une  vie  fauvage  jufqu'à  ce  qu'il 
■arrive  à  l'induflrie,  aux  arts  &  à  l'élégance 
fdes  focié tés  policées*    Il  n'y  a  donc  rien 
'de  merveilleux  dans  les  reilemblances  qu'on 
a  obfervées  entre  les  Américains  &  les  na-r    ^ 
tions  barbares  de  notre  continent»  Si  Lafî- 
teau  ,  Garcia  ,  &  plufiears  autres  auteurs 
favoient  fait  ces  réflexions ,   ils  n'auroient 
ipas  embrouillé  le  iujec  quils  vouloient.  é- 
fclaircir,  par  leurs  vains  efforts  pour  établir 
[une  affinité  entre  différentes  nations  de  l'an- 
icien  &  du  nouveau  continent,  fans  en  avoir 
j d'autre  preuve  que  cette  reffemblance  dans 
Iles  mœurs ,  qui  eft  le  produit  nécelfaire  d'un 
iétat  femblable  de  foeiabihtér  II  eft  vrai  qu'il 
ly  a  chez  tous-  les  peuples  certaines  coutu*- 
Imes,  qui  n*ayant  kur  fource  dans  aucun  be* 
îfois  naturel,  ni  dans  aucun  defir  paruculieir 

G  5 


Lrv,  IV. 


154  Histoire 

à  leur  Ctuation  ,   peuvent  être  regardées 
comme  des  ufages  d'une  inilitution  arbitra- 
le.   Si  l'on  découvroit  entre  deux  peuples 
établis  dans  6es  régions  fort  éloignées  Tu- 
ne  de  l'autre  une  parfaite  conformité  dans 
quelques-  uns  de  ces  ufages  ,  il  feroîc  natu- 
rel de  foupçonner  que  ces  deux  peuples  ont 
été  liés  par  quelqu'affinité.  Si  l'on  trouvoit 
en  Amérique  une  nation  qui  confacrât  tous 
les  feptieraes  jours  à  un  repos  religieux  ;  fi 
chez  une  autre  la  première  apparition  de. 
la  nouvelle  lune  étoit  célébrée  avec  appai 
reil ,  on  pourroit  fuppofer  avec  raifon  qupt 
la  première  a  reçu  des  Juifs  cet  ufage  d'ia-- 
Hitution  arbitraire  ;    mais  la  fête  obfervée, 
parla  féconde  ne  devroit  être  regardée  que 
comme    une    expreffion  de  joie   naturelle 
à  l'homme  en  voyant  reparoître  la  planète 
qui  le  guide   &  Téclaire  pendant  la  nuit.. 
Les  exemples  de  coutumes  purement  arbi- 
traires &  communes  aux  habitans  des  deux 
héraifpheres  font  à  la  vérité  û  équivoques 
&  en  il  petit  nombre  qu'on  ne  peut  en  dé* 
duire  aucune  théorie  fur  la  manière  dont  1 
nouveau  monde  a  été  peuplé. 
>r  fvT  les     «0.  Les  hvoothefes  que  l'on  a  hazardées 
cKiui.     fur  l'origine  des  Américams ,  d'après  Tob» 


D  E   l'A  m  e  II  I  q  u  e.  -155 

fervation  de  leurs  rites  &  de  leurs  pratiques  — ■ 
,  religieufes,  ne  font  pas  moins  imaginaires  &  liv^v. 
,  deftituées  de  fondemens  folides.    Lorfque 

les  opinions  leligieufes  d'un  peuple  ne  fonc 
;  ni  le  réfultat  d'une  combiuaifon  raifonnée 

ni  l'effet  de  la  révélation,  elles  ne  peuvent 

être  que  bifarres  &  extravagantes  ;  mais  les 
.  nations  barbares  font  incapables  de  fuivre 
,  la  première  méthode  &  n'ont  pas  été  favo- 
;  rifées  des  avantages  de  la  révélation.  Ce- 
:  pendant  l'ePprit  humain  a  des  procédés  fi 
,  réguliers  ,  lors  même  que  fes  opérations 

femblent  n'annoncer  que  de  la  bifarrerie  & 
,  du  caprice ,  que  dans  tous  les  âges  &  dans 
1  tous  les  pays  la  prédominance  de  certaines 
,  paîîlons  fera  conftamraent  fuivie  des  mêmes 

effets.  Le  .  fauvage  ,  foit  d'Europe  ,  foit 
,  d'Amérique ,  qu'agite  la  crainte  fuperflitieufe 

des  êtres  invifibîes  ou  le  defîr  inquiet  de 
I  pénécrer  dans  l'avenir  ,  éprouve  également 
»  les  friffons  de  la  terreur  ou  les  feux  de  l'im- 
j  patience;  il  a  recours  à  des  prodiges  &  à  des 
I  moyens  de  m^ême  efpece ,  foie  pour  détour- 
j    ner  le  malheur  dont  il  fe  croit  menacé,  foit 

pour  deviner  le  fecret  qui  excite  fa  curiofi. 

té.    Ainû  le  rituel  de  la  fuperflition  fur  un 

continent  femble  à  plufieurs  égards  n'être 

G  6 


lj€  Histoire 

s—"  que  la  copie  de   celui  qu'on  trouve  daoS 
Liv.iv.|,^yjj.g  hémifphere;  Fun  &  l'autfe  autorifent 
desinflïtutionsfemblables,  (Quelquefois  fi  fri» 
voles  qu'elles  n'excitent  que  la  pitié,  quel- 
quefois fi  baibares  &  fi  fanguinaires  qu'el- 
les infpirent  l'horreur.  Mais ,  fans  avoir  be- 
foin  de  fuppofer  aucune  affinité  entre  ces 
nations  éloignées,  &  fans  imaginer  que  leurs 
cérémonies  religieufes  eufienc  c'té  tranfmi- 
fes  par  la  tradition  de  l'une  à  l'autre,  on 
peut  attribuer  cette  uniformité,  qui  en  pla- 
^lîeurs  exemples  femble  en  effet  très  •  éton« 
nante,  à  l'influence  naturelle  de  la  fuperfi:i* 
tion  &  de  renthoufiafme  fur  la  foiblefie  de 
l'efprit  humain.  r'î^? 

i/Amê'  4°«  Nous  pouvons  établir  comme  un  prin^ 
S^ét?  ^^'P^  certain  dans  cette  difcufîion,  que  l'A- 
peupiée    rnérique  n'a  été  peuplée  par  aucune  nation 

par  une  ■  /» 

nation  ^  de  l'ancicG  continent  qui  eut  fait  des  pro- 
ifèe^^^^^'grès  confidérables  dans  la  civilifation.  Les 
habitans  du  nouveau  monde  étoient  dans  un 
état  de  fociété  fi  peu  avancé,  qu'ils  igno- 
roiént  les  arts  qui  font  les  premiers  efiais 
de  rinduilrie  humaine.  Les  nations  même 
les  plus  cultivées  de  l'Amérique  n'avoient 
aucune  connoifiance  de  plufieurs  inventions 
Êmpîes ,,  prefqu^auiïï  anciesoes-  que  la  fa* 


D  E    L^A  M  E  Itl  Q  U  E.  I57 

iîété  dans  les  autres  parties  du  monde  &  'WÊÊm 
qu'on  retrouve  dans,  les  preinieres  époques '•'^^^^^* 
de  la  vie  civile.    Il  efl  manifefte  par -là  que 
es  tribus  qui  originairement  ont   pafTé  en 
I  Amérique  fortoient  de  nations  qui  doivent  ; 

ivoir  été  aufli  barbares  que  leui's  defcendans 
'étoient  quand  ils  ont  été  découverts  par 
es  Européens  ;  car  les  arts  de  goût  &  de 
uxe  peuvent  bien  décliner  ou  périr  par  les 
ecoufles  violentas ,  ;  les  révolutions  &  les 
téfaftres  auxquels  les  nations  font  expofées; 
nais  les  arts  nécelTaires  à  la  vie  ne.  peuvent 
ilus  fe  perdre  chez  un  peuple  qui  les  a  une 
bis  connus  ;  ils  ne  font  fujets  à  aucune  des 
'icifiitudes  des  chofes  humaines  &  la  prati- 
[ue  en  fubfifte  auffi  longcems  que  la  race 
nôme  des  hommes.    Si  Tufage  du  fer  avoit 
amais  été  connu  aux  fauvages  de  l'Améri- 
;^ue  ou  à  leurs  ancêtres  ^  s'ils  avoient  jamais 
Imployé  une  charrue,  une  navette  ou  une 
:jbrge,  l'utilité  de  ces  inventions  ks  auroit 
I  onfervées  ^    &   il  ed:  impoffible    qu'elles 
iuiTent  pu  être  oubliées   ou  abandonnées. 
*Tous  pouvons  donc  en  conclure  que  les  A- 
.aériCains  font  defcendus  de  quelque,  peuple:. 
;  ui  fe  trouvoit  dans  un  état  de  fociécé  trop; 
'SU;  avancé  pour  connoître  les-  arts  nécef* 

G2 


JSS  H  I  s  T  O   I   R;E 

— ^  faires ,  puifque  ces  mêmes  arts  étoîent  in- 
4l.xY*.iy.  connus  à  leurs  defcendans. 
Ni  par  des     50.  H  ne  paroît  pas  moins  évident  que 
du  midi    TAmérique  n'a  été  peuplée  par  aucune  co- 
continent.  ^^^^^  ^^^  nations  plus  méridionales  de  Tan- 
cien  continent.    On  ne  peut  pas  fuppofer 
qu'aucune  des  tribus  l'auvages  établies  dans 
cette   partie  de  notre  hémifphere   ait   été 
chercher  un  pays  fi  éloigné.  Elles  n'avoient 
ni  Taudace,  ni  rinduflrie ,  ni  la  force  qui 
pouvoient  leur  infpirer  le  defir  &  leur  four- 
nir les  moyens  d'exécuter  un  fi  long  voyait 
ge.     Les  Américains  ne  peuvent  pas  nop 
plus  être  defcendus  des  nations  plus  civili. 
fées  d'Afîe  &  d'j^frique;  <5c  cela  eft  prouvé 
non -feulement  par  les  obfervations  que  j'aij 
déjà  faites   fur  l'ignorance  oh  ils   étoientf 
des  arts  les  plus  nécefiaires  ,  mais  encore 
par  une  circonftance  qui  mérite  d'être  re- 
marquée.    Lorfqu'un  peuple  a  éprouvé  une 
fois  les  avantages  que  procurent  aux  hom- 
mes en  fociété  les  animaux  domeftiques  3  il  ne 
peut  plus  ni  fubfifler  fans  la  nourriture  qu'i 
en  tire,  ni  continuer  fes  travaux  fans  îeui 
fecours.    Aufiî   le  premier  foin   des  Efpa- 
gnols,  lorfqu'ils  s'établirent  en  Amérique; 
fut  d'y  porter  tous  les  animaux  domeftiqucî 


DE    L'A  M  E  R  I  Q  U  E,  1S9  -^ 

l'Europe;  &  (î  avant  eu^  les  Ty riens,  les  — ^ 
Carthaginois,  les  Chinois,  oa  quelqu'autre  ^^^*  ^^* 
tbeuple  .  policé  avoic  pris  pofleflîon  de  ce 
r'rontinentjnousy  aurions  trouvé  les  animaux 
Darticuliers  aux  régions  d'oti  ils  auroient  été 
(iipporcés.  Mais  dans  toute  l'Amérique  il 
4*y  a  pas  un  feul  quadrupède  ,  apprivoifé 
ou  fauvage  ,  qai  appartienne  proprement 
fjiux  pays  cliauds  ,  ou  même  aux  climats 
i^plus  tempérés  de  l'ancien  continent.  Le  cha- 
ifmeau,  le  dromadaire,  le  cheval,  le  bœuf, 
iétoient  aulïï  inconnus  en  Amérique  que  le 
(jiion  &  l'éléphant.  Il  eft  évident  par -là  que 
i'ie  peuple  qui  s'établit  le  premier  dans  le 
itmonde  occidental  ne  venoit  pas  des  pays  oîi 
^ces  animaux  abondent  ;  car  des  hommes 
^accoutumés  à  en  faire  ufage  auroient  natu- 
'rellement  regardé  leur  fecours  non -feule- 
ment comme  utile  ,  mais  encore  comme 
Inéceflaire  pour  l'amélioration  &  même  pour 
la  confervation  de  la  fociété  civile. 

6o»  En  confidérant  les  animaux  dont  l'A-  Les  dei^ 
mérique  eft  pourvue,  on  peut  conclure  que  p^îoSf 
■le  point  de  contadl  le  plus  voifln  de  l'an-  ^^'"51?^"* 

^  ^  voiuns 

'cien  ôc  du  nouveau  continent  fe  trouve  vers  l'un  de 
^l'extrémité  feptentrionale  de  l'un  &  de  l'au-  vers  i« 
■  tre ,  (jC  que  c'èfl  par  -  là  que  la  communica^  "^^^ 


--      1(56  Histoire 

'ÉÊÊm  tions^eft  ouverte  &  qu'il  s'eft  établi  un© 
tiv.  IV.  correfpondance  entre  ces  deux  parties  du 
globe.  Les  vaftes  contrées  d'Amérique,  qui 
font  (îtuées  fous   les  tropiques  ou  qui  en 
approchent ,  font  remplies  d'animaux  indi«i 
gènes  de  différentes  efpeces  ,  entieremenCi 
différentes  -de  celles  qui  fe  trouvent  dans 
les  parties  correfpondantes  de  l'ancien  con- 
tinent.    Mais  les  provinces  feptentrionales 
du  nouveau  monde  font  peuplées  d'animaux i 
fauvages  5    communs  aux  parties  de  notre 
hémifphere  fituées  fous  les  mêmes  latitudes; 
L'ours,  le  loup ,  le  renard,    le  lièvre ,  lé; 
daim,  le  chevreuil,  l'élan,  &  plufîeurs  au* 
très  efpeces  abondent  dans  les  forêts  dô 
l'Amérique  feptentrionale  ,  ainfî  que  dans' 
celles  du  nord  de  l'Europe  &  de  l'Afie  (i);. 
Il  paroît  donc  évident  que  les  deux  conti*- 
nencs  s^approchent   l*un  de  l'autre  par  cet 
côté ,  &  font  unis  ou  fi  voifms  que  ces  ani- 
maux ont  pu  paffer  de  l'un  à  Tautre.  = 
Ceta  e(ï     7^.  Le  voifmage  aftuel  des  deux  eonti-- 
par"!es     TïQTïts  efV  Clairement  prouvé  par  des  découd- 
découver- yej.f es  niodernes  qui  ont  détruit  la  principa*" 
le  difficulté  fur  la  manière  dont  s'eft  peu'i 
plée  l'Amérique.  Tant  que  les  vades  régional 

CO  M,  de  Bufîbn,  biJI;  naU  tom,  IX j  p.  m>  ^^ 


D  E    L'A  M  E  R  I  Q  U  E.  l(5l 

^uî  s'étendent  vers  l'eft ,  depuis  la  rivière  — < 
d'Oby  jufqç'à  la  mer  de  Kàmtfchatka,  ont  Liv.iV. 
été  inconnues  ou  imparfaicement  décrites, 
irextrémicé  nord  -  eft  de  notre  heîiifphère 
étoit  fuppofée  à  une  fi  grande  didance  du 
;; nouveau  monde,  qu'il  n'étoit   pas   aifé  de 
iconcevoir  cornaient  îLaurok  pu  s'établir  une 
communication   entre  les  deux  continents, 
[Mais  les  RuflTes  ayant  fournis  à  leur  domi- 
nation la  partie -occideataïe  de  la  Sibérie, 
acquirent  par  degrés  la  conooiiTance  de  cet- 
te valle   contrée  ,   en  pénétrant  vers  refl 
dans  des   provinces  jufqu'alors  inconnues. 
Elles  furent  découvertes  par  des  chalTeurs 
qui  fui  voient  le  gibier,  ou  par  des  foldats 
employés  à  lever  les  impôts  ;  mais  la  cour^ 
de  Mofcou  n'évaluoit  l'importance  des  nou- 
velles provinces  que  par  la  petite  addition 
ide  revenu  qui  en  réfukoit.     Enfin  jPierre  le 
Grand  monta  fur  le  trône  de  Rufiîe^    Son 
génie  vafte  <Sc  éclairé,  occupé  à  iàiûr  tou- 
jtes  les  circonftances  qui  pouvoient  agrandir 
i fon  empire  ou  illudrer  fon  règne,  apperçut 
I  dans  ces  découvertes   des  conféquences  qui 
[avoient  échappé  aux  regards  de  fes  ignorans 
iprédécefîeurs.  Il  fentit  que  les  régions  d'A- 
Ce  en  s'étendaat  vers  l'eft,  s'approchoient 


S62  .  Histoire 

>— i  dans  la  même  proportion  vers  T Amérique  5 
Xîv.  IV.  qu'on  trou veroit  probablement  par  •  là  cettêi 
communication   entre  les    deux   continens 
qu'on  cherchoit  depuis  fi  longtems  en  vain, 
&  qu'en  ouvrant  lui  -  même  cette  communi- 
cation, il  pourroit  faire  couler  dans  fes  do- 
maines par  un  nouveau  canal  une  partie  du 
commerce  &  des  richeffes  du  monde  occi- 
dentaL    Un  tel  projet  étoit  digne  d'un  gé 
nie  qui  aimoit  les  grandes  entreprifes,  Pier- 
re rédigea  de  fa  propre  main  des  inftruûions 
pour  fuivre  ce   plan  &   donna  des  ordres 
pour  le  mettre  en  exécution  (i). 

Ses  fucceffeurs  ont  adopté  fes  idées  & 
fuivi  fon  projet  ;  mais  les  officiers  que  lî 
cour  de  RufTie  a  employés  à  cette  expédl 
tion,  ont  trouvé  tant  de  difficultés  à  vain 
cre  que  leurs  progrès  ont  été  extrêmemenii 
lents.  Quelques  traditions  obfcures  conferi 
vées  chez  les  peuples  de  Sibérie  fur  u 
voyage  qui  fe  fît  heureufement  en  164 
autour  du  promontoire  nord-efl  de  TAfie 
encouragèrent  les  Rufles  à  fuivre  la  mém 
route.  Dans  cette  vue  on  équipa  en  diiFé 
rens  tems  des  vailTeaux  fur  les  rivières  d 


Ci)  Millier,  Foyas&s  £?   décous  crus  des  Rujfes^  tom.  /' 
f- 49  5>  141. 


DE     l'A  M  E  R  I  Q  U  E,  1^3 

.ena  &  de  Kolyma  ;  mais  dans  un  océan    — ^ 
ijacé  ,  que  la  nature  ne  femble  pas  avoir  ^^^•^^^ 
i.eftiné  à  la  navigation  ^ces  vaiiTeaux  éprou- 
erenc  des  défaftres  multipliés  &  ne  purent 
sraplif  l'objet  qu'on  s*étoît  propofé.    Au- 
un  vaiffeau  armé  par  la  cour  de  Ruffie  n'a 
imais  doublé  ce  cap  formidable  (i);  tout 
e  qu'on  connoît  de  ces  extrémités  de  l'A- 
ie eft  dû  aux  découvertes  qui  ont  été  fai- 
ss  dans  des  excurfîons  par  terre.  On  trou- 
e  dans  toutes  ces  provinces  une  opinion 
tablie  qu'il  y  a  des  contrées  vaftes  &  fer* 
lies  à  une  diflance  peu    conûdérabîe    de 
;èurs  côtes  ;  les  Ruffes  imaginèrent  que  ces 
iiontrées  faifoient  partie  de  l'Amérique;  & 
.)luficurs   circonftances  concouroient  non- 
i'eulement  à  les  confirmer  dans  cette  opini- 
ipn  ,  mais  encore  à  leur  perfuader  qu'une 
fnîortion  de  ce  continent  ne  pouvoit  pas  être 
11  !.rès  -  éloignée.     Des  arbres  de   différentes 
^jiîfpeces,  inconnues  dans  ces  régions  ftériles 
iJe  l'Afie  ,  font  chaffés  fur  la  côte  par  un 
ni/ent  d*eft;  le  même  vent  y  amené  en  peu 
2  le  jours  des  glaces  flottantes  ;  de  grandes 
(i|:roupes  d'oifeaux  arrivent  tous  les  ans  du 
néme  côté  ;  enfin  il   s'eft  confervé  parmi 

(i)  Voyez  Ja  Not£  XL. 


1(^4  Histoire 

ËËMlLLi  les.habîtans  la  tradition  d'un  commerce  éta-i 
Liv.  IV.  {3fj  ancienneraenî  avec  des  pays  ficués  à  l'eftit 
.    Après  avoir  peCé  toutes  ces  circonftaa'^ 
ces  ,  &  avoir  comparé  la  pofîtion  des  coû^i 
crées    d'Aiîe   qii'ils   avoient    découvertes) 
avec  celles  des  parties  du  nord-oueft  de 
l'Affiérique  qui  étoient  déjà  connues  ,   Is 
cour  de  Ruffie  forma  im  plan  qu'auroic  dif- 
ficilement ofé  concevoir  toute  autre  natiof 
moins  accoutumée  à  tenter  des  entreprifef 
difficiles  &  à  lutter  contre  de  grands  obftaii 
clés.     On  donna  ordre  de  conflruire  deux 
:Vaifleaux  à  Ochotz  dans  la  mer  de;Kam4?t 
fchatka,  d'où  ils  dévoient  mettre  à  la  voilé 
pour  aller  faire  des  découvertes.    Quoique 
cette  région  inculte  &  flérile  ne  produiffj 
rien  qui  pût  fervir  à  la  conftruâ:ion  de  cei* 
vaifTeaux ,  à  Texception  de  quelque  bois  d 
melefe;  quoique  non -feulement  le  fer,  le| 
cordages,  les  voiles  &  tous  les  agrès  néceû 
^     faires  pour  les  épiquer ,  mais  encore  U 
provifîons  &  les  vivres  duffent  être  tranfi 
portés  à  travers  les  immenfes  déferts  de  U 
Sibérie,  fur  des  rivières  d'une  navigation 
difficile  &  par  des  routes  prefqu'impraticai 
blés ,  la  volonté  du  fouverain  &  la  patieno 
du  peuple  Ruile  furmonterent  à  la  fia  tousi 


D  E  *  L'Am  E  R  I  Q  U  E.  l€s 

2S  obflacles.     On  vint  à  bout  de  conflrui-  -mamm 

3  les  deuK  vailTeaux,  qui  appareillèrent  de  i-rv^îv. 

174!. 

Camtfchacka  fous  le  commandement  des  ca-   4  j'^;^n. 
•itaines  Beerings  &  Tfchirikow,  pour  aller 
econncîrre  le  nouveau  monde  par  un  côté 
îh  Ton  n'en  avoit  jamais  approché.  Ils  diri- 
;erent  leur  route  vers  re(l;une  tempête  fé- 
>ara  bienrôt  les  deux  vaifleaux  aui  ne  purent     ' 
ilas  fe  rejoindre;  mais,   malgré  cet  acci- 
snt  &  plulieurs   autres  défaftres  qu*ils  é- 
srouverent,  les  efpérances  qu'on  avoit  con- 
lues  de  cette  expédition  ne  furent  pas  ab- 
blument  fruftrées.     Chacun  des  comman» 
lans  découvrit  une  terre  qui  leur  parut  fai- 
c  partie  du  continent  d'Amérique,  &  qui 
uivant  leurs  obfervations  femble  être  lîtuée 
i  quelques  degrés  au  nord -oued  de  la  côte 
le  la  Californie.    Les  deux  commandans  fi- . 
fent  auffi  defcendre  à  terre  quelques-  uns  de 
leurs  gens  ;  mais  à  Tun  de  ces  débarquemens- 
îp.$  habitans   s'enfuirent   à  l'approche    des 
^uffes;   à  l'autre  ils  enlevèrent  ceux  des- 
sluflesqui  étoient  defcendus  &  détruiiîrenc 
ieur  chaloupe,    La  violence  du  tems  &  Té- 
i;at    déplorable  oh    fe  trouvoit    i'équipage 
obligèrent  les  deux  capitaines  à  abandonner 
,?^s.  côtes  inhofpitalieres.    En  revenant  ils 


l66  H  I  s  T  O  I^tt  E 

■uiijMLji  touchèrent  à  difFérentes  ifles  qui  forment 
Ltv.  IV.  une  chaîne  de  Teft  à  Toueft  entre  le  pays 
qu'ils  avoient  découvert  &  la  côte  d'Afie. 
Ils  eurent  quelque  communication  avec  les 
naturels  de  ces  ifles,  qui  leur  parurent  avoir 
beaucoup  de  refîemblance  avec  ceux  de  TA- 
mérique  feptentrîonale  Ils  préfenterent  aux 
Ruffes  le  calumet  ou  tuyau  de  paix,  fymbo" 
le  d'amitié ,  d'un  ufage  univerfel  chez  touj 
les  habitans  du  nord  de  l'Amérique,  &  qui 
paroît  être  une  inflitution  particulière  à  ces 
peuples. 

Les  ifles  de  ce  nouvel  archipel  ont  été 

fréquentées  depuis  par  les  chafTeurs  RufTesi 

mais  la  cour  fembloit  avoir   abandonné  foc 

premier  plan  de  pourfuivre  les  découvert© 

de  ce  côté.     Ce   projet  fut  repris  tout  i 

coup  en  1768,  &  le  capitaine  Krenitzîn  euii 

le  commandement  de  deux  petits  vaifTeaus 

équipés  pour  cet  objet.     Il  tint  dans  fo» 

voyage  à  peu  près  la  même  route  que  lei 

premiers  navigateurs  ;  il  toucha  aux  même 

ifles,  dont  il  obferva  avec  plus  de  foin  l 

fituation  &  les  produdtions ,  &  il  en  décoiJ 

vrit  plufîeurs  nouvelles  que  les  autres  n*é 

voient  pas  rencontrées.    Il  n'alla  pas  afTi 

avant  vers  l'efl  pour  reconnoître  le  pay 


DR     l'A  M  E  R  I  Q  U  K.  15^ 

[ueBeerings  &  Tfchirikow  avoient  jugé  fai. 

e  partie  du  continent  de  l'Amérique  ;  mais  ^^^•^''^» 

:n  revenant  par  une  route  beaucoup  plus  au 

jiord  que  celle  qu'ils  avoient  tenue,  il  cor- 

iigea   quelques  erreurs  importances  oh  ils 

îtoient  tombés, de  fon  expédition  fervira  du 

noins  à  faciliter  les  progrès  des  navigateurs 

^Lii  voudront  ie  fuivre  dans  ces  mers  (i}. 

La  poifibilité  d'une  communication  entre 
es  deux  continens  par  cette  partie  du  glo-» 
s  n'ell  plus  fondée  fur  de  fimples  con- 
,  edtures ,   mais  fUr  des  preuves  inconteHa- 
Dles  Ç2).    11  fe  peut  qu'une  tribu  ou  quel- 
ques familles  de  Tartares  errans ,  guidées 
;Par  ce  befoin  d'adtivité  particulier  à  ce  peu- 
ple ,  aient  paffé  dans  les  illes  les  plus  voiû- 
;nes;  &  quelque  groffiere  que  fut  leur  ma- 
jniere  de  naviguer,  elles  ont  pu  en  allant; 
.d'une  ifle  à  une  autre  arriver  enfin  h  la  côte 
I  d'Amérique  &  commencer  à  peupler  ce  con- 
itinent.La  dilîance  des  ifles  Mariannes  ou  des 
I  Larrons  à  la  terre  d'AGe  la  plus  voifine  ell 
:  encore  plus  confidérable  que  celle  qui  fs 
trouve  entre^-^a  partie  d'Amérique  que  les 
Ruffes  ont  découverte  &  la  côte  de  Kamt- 


(0  Voyez   la  Note  XLI. 

(2)  ^û/.  ^  Dec*  6ic.  de  Mullcr ,  tome  /• 


Liv.  IV. 


1(^8  Histoire 

fchatka.  Cependant  les  habitans  des  iiles 
Mariannes  font  évidemment  d'origine  A fiati- 
que.  Si  malgré  l'éloignement  nous  recon- 
DoifToDS  que  ces  ifles  ont  été  peuplées  par 
des  émigrations  de  notre  continent,  la.dif- 
tance  feule  n'eft  pas  une  raifon  pour  nous 
empêcher  d'attribuer  à  la  même  origine  la 
population  de  TAmérique.  Il  eft  probable 
que  les  navigateurs  qui  vifîteront  dans  la, 
fuite  ces  mers,  découvriront,  en  remon* 
tant  davantage  vers  le  nord,  que  le  conti- 
Eent  de  l'Amérique  cfl  encore  plus  près  de: 
TAfie.  Les  habitans  encore  barbares  du  pays 
lîtué  autour  du  cap  nord-efl  de  l'Afie,  préf 
tendent  qu'il  y  a  à  la  hauteur  de  leur  côte, 
une  petite  ifle  où  ils  peuvent  arriver  en 
moins  d'un  jour,  &  que  de -là  on  découvre 
un  grand  continent  qui  félon  leur  récit  eflf 
couvert  de  forêts  &  occupé  par  un  peupî^i 
dont  ils  n'entendent  pas  la  langue  (i)..  lîi 
reçoivent  de  ce  peuple  des  peaux  de  marte,* 
animal  inconnu  dans  les  parties  feptentrio- 
nales  de  la  Sibérie  &  qui  ne  fe  trouve  que 
dans  les  pays  oh  il  y  a  neaucoup  d'arbresj 
Si  nous  pouvions  ajouter  foi  à  ce  récit ,  il 

faui( 

O)  yoy.  &'déc,  &c.-cie  Mullér,  tome  /•  '■   -- 


D  E    L'A  Isl  E  U   1  Q  U  E.  169 


Liv.  iV. 


tfaudi'oit  en  conclure  que  le  continent  d'Ame 

^rique  n'eft  féparé  du  nôtre  que  par  un  ca 

nal  étroit;  &  alors  toutes  les  d'fficuîtés  fur 

fleur  communication  s'évanouiroient.    Peut- 

[ôtre  que  le  mérite  de  décider  cette  queftioa 

■efl  réfervé  à  la  Souveraine  qui  eft  affîfe  fur 

îrône  de  Ruflle  &  qui^  en  perfedlionnant 

ij  plan    de  Pierre  le  Grand,    ajoutera  un 

''■UT  ce  brillant  fuccès  à  ceux  qui  illuftrent 

_.jà  fon  règne. 

Il  eft  évident  aufïï  d'après  des  découver-    ccirmtî- 
tes  récentes,  qu'une  communication  entre  p^Hcî^d 
iîotre  continent  &  l'Amérique  a  pu  s'établir  ^^^\^ 
Wec  une  égale  facilité  par  l'extrémité  nord-     î^sô» 
^oueft  de  l'Europe.  Dès  le  neuvième  liecle , 
Iles  Norvégiens   découvrirent  le  Groenland 
|&  y  plantèrent  des  colonies;  cette  commu- 
|n!cation  ,  après  avoir  été  longtems  inter- 
[rompue,  s'eft  renouvellée  dans  le  fiecle  der- 
(nier.  Quelques   mifiionnaires  Luthériens  & 
(Moraves  ,  animés  par  un  zèle  ardent  pour 
[la  propagation  de  la  foi  chrétienne,  n'ont 
[pas  craint  de  s'établir  dans  cette  région  in- 
:[culte  &  glacée  (i).    C'eil  à  eux  qu'on  doit 
[beaucoup  de  détails  curieux  fur  la  nature 
Viu  pays  &  fur   les  habitans.     Ils  nous  ont 


CO  CraïKz,  hi/iaire  du  Groenland^  tom,  L 
Tuina  II,  H 


170  Histoire 

appris  que  la  côte  nord-oueil  du  Grcen- 
^'''•^'^•land  eft  féparée  de  PAmérique  par  un  dé- 
troit très  -  rellerré  ;  qu'au  fond  de  la  baie 
oh  aboutit  ce  détroit  il  eft  très  -  probable 
que  les  deux  continens  font  unis  (i);  que; 
les  habitans  de  l'un  &  de  l'autre  ont  des 
relations  entr'eux  ;  que  les  Eskimaux  d'Amé- 
rique relTemblent  parfaitement  aux  Groen» 
landois  pour  la  figure ,   le  vêtement  &  la 
manière   de  vivre  ;   que  des  matelots    qui; 
avoient  appris  quelques  mots  Groenlandois 
avoient  rapporté  que  ces  mêiries  mots  é- 
toient  entendus   par  les   Eskimaux  ;    enfin!] 
1754.     qu'un  mifilonnaire  Morave,  très-  verfé  dans: 
Ija   langue  du  Groenland  ,    ayant  viilté   le! 
pays  des  Eskimaux,  découvrit  à  fon  grand. 
ètonnement  qu'ils  parloient  la  même  languei 
que  les  Groenlandois  ,  que  c'étoit  à  tousi 
égards  le  m.ême  peuple  ,   oc  .qu'en   conféi 
quence  il  en  fut  reçu  &  traité  comme  m 
gmi  &  un  frère  (2).  l 

Ces  faits  décififs  établiflent  non  =  feule?^ 
ment  la  confanguinité  des  Eskimaux  &  d^ 
Groenlandois;  ils  démontrent  encore  la  pc 
fibilité  que  l'Amérique  ait  été  peuplée  p^ 


CO  Eggede,  k'iftoîre  àa  Groenland ,.  p.  2,  3. 
(2)  Crantz,  htp,Qire  du  Groenland,  p,  ad,  162* 


T)  E   l'A  m  F.  r  î  q  u  e.  171 

^|le  nord  de  i' Europe.  Si  les  Norvégiens  5  dans 
un  iiecle  barbare  oii   la   fcience  n'avoic  pas  ^,'^t^^'' 
encore  commencé  à  éclairer  de  Tes  rayons 
[e  nord  de  notre  hémifphere ,  onc  été  ce- 
pendant affez  bons  navigateurs  pour  s'ouvrir 
jne  communication  avec  le  Groenland,  il 
le  feroit  pas  étonnant  que  leurs  ancêtres, 
luHi  accoutumés  à  errer  dans  les  mers  que 
|les  Tartares  le  font  jà  errer  par  terre,  euf* 
,  îrent  à  une  époque  plus  reculée  exécuté  le 
înême  voyage  &  laiiTé    au  Groenland  une 
:oloDie  donc  les  defcendans  onc  pu  dans  la 
^ite  des  tems  palier  en  Amérique.  Mais  fî  , 
'  iu  lieu  de  fe  hafarder  à  voguer  direâ:emenc 
leur  côté  au  Groenland,  nous  fuppofons 
'  ^lue   les  Norvégiens   onc   fuivi   une  routa 
^  boins   hardie  ,   en    s'avançant  de  Shecland 
»  kux  iiles  Feroë  (k  de-là  en  îilande,  &  qu'ils 
f  Dnt  établi  des  colonies   en  ces  différentes 
^  ifles ,  leurs  progrès   peuvent  avoir  été  tel- 
ement  gradués  que  cette  navigation  n*au- 
î  roit  été  ni  plus  longue   ni  plus  périlleufe 
E  î^ue  tant  de  voyages  exécutés  dans  tous  les 
i  f.ems  par  ce  peuple  robuCle  &  entreprenant.  LMm-iri- 
80.  Quoiqu'il  foit  poffible  que  l'Améri-  ^[^'^'^^l 
'  i^ue  ait  reçu  de  notre  hémifphere  Tes  pre- "'^"'^p^"- 
îîiers  habicans  >  foie  par  le  nord-oaeft  denora-eft, 

H  2 


172  Histoire 

l'Europe  5  foit  par  le  nord-eft  de  PAfîë^ 

i  Liv.  iV. ;  il  y  a  de  bonnes  raifons  pour  Tuppcfer  quei 

les  ancêtres  de   toutes  les   nations  Amérî-ii. 

caines ,   depuis   le  cap  Horn  jufqu'aux  ex-: 

trêmités  méridionales  de  Labrador  ,   font! 

venus  d*A(5e  plutôt  que  d'Europe.  Les  Es-'* 

kimaux  font   les  feuls  peuples  d'Amérique 

qui  par   la  figure  &  par  le  caradlere  aient 

quelque  refiemblance  avec  les  Européens, 

C'efl  évidemment    une    efpece  d'hommes 

particulière,  diftinguée  de  toutes  les  nations* 

'de  ce  continent  par  le  langage  ,  les  mœurs 

|&  la  manière  de  vivre.  On  peut  donc  être 

autorifé  à  faire  remonter  leur  origine  à  lia 

fource  que  j'ai  indiquée.  Mais  il  y  a  parmi' 

tous  les  autres  peuples  d'Amérique  une  ref*» 

femblance  û  frappante  &  dans  leur  conili. 

tution  phyfique   &  dans  leurs  qualités  moo 

raies ,  que  malgré  les  différences  produitei 

par  l'influence  du  climat  ou  par  l'inégalitèi 

de  leurs  progrès  dans  la  civilifation,  noiïiJ 

devons  les  regarder  comme  defcendus  d'ifJ 

ne  mêm.e  foucbe.  Il  peut  y  avoir  de  la  vâ<! 

riété  dans  les  teintes ^  mais  on  retrouve  par*i 

tout  la  même  couleur  primitive.     Chaqui 

tribu  a  quelque  caraâere  particulier  qui  % 

diflingue  j  mais    dans  toutes  on  reconnoi 


DE    l'A  M  E  R  I  Q  U  E.  I73 

|:er!ains  traits  communs  à  la    race  entière.   laraM 
jG'efl:  une  chofe  remarquable  que  dans  tou*  Liv.  iv 
|:es  les  particularités,  foit  phyfiques,  foit 
l^iorales ,  qui  caradlérifent  les   Américains, 
Jdfi  leur  trouve  de  la  reOemblance  avec  les 
;ribus  barbares  diPperfées  au  nord-efl  de 
'A(ie,  mais  prefqu'aucune  avec  les  nations 
établies  au  nord  de  TEarope.  On  peut  donc 
, remonter  à  leur  première  origine,  &.  coa- 
^:lure  que  leurs  ancêtres  Afiatiques,  s'étans 
, établis  dans  les  parties  de  l'Amérique  oU  les 
,|Ruires  ont  découvert  le  voiûnage  des  deux 
[Continens,  fe  font  enfuite  répandus  par  de- 
[grés  dans  ces   différentes,  régions.    Cetce 
idée  du  progrès  de  la  population  en  Amé^- 
[lique  s*accorde  avec  les  traditions  que   les 
[Mexicains  avoient  fur  leur  propre  origine , 
N&  qui  tout  imparfaites  qu'elles  étoient,  a* 
:ivoient  été  confervées  avec  plus  de  foin  (3c 
méritoient  plus  de  confiance  que  celles  d'au- 
cun peuple  du  nouveau  monde.    Les  Mexi»  , 
Icains  prétendoient  que  leurs  ancêtres  étoient 
venus  d'un  pays  éloigné,  lîtué  au  nord-efl: 
|de  leur  empire.    Ils  indiquoient  les  différens 
endroits  oh  ces  étrangers  s'étoienc  àrrêiîés 
en  avançant  fucceîïïvement  dans  les  provin- 
rCes  intérieures,  &  c'efl  précifémenc  la  md^ 

H3 


174  Histoire 

■™sa  me  route  qu'ils  ont  dû  fuivre  en  fupporafeÇï 
Liv.iv.  q^j'ijs  vinfTenc  d'Afie.  La  defcripdon  qiiéi 
les  Mexicains  faifoient  de  la  figure  ,  deâJ 
mœurs  ^  de  la  manière  de  vivre  de  leur-j 
ancêtres  à  cette  époque  ^efl:  une  peinture  fi-i 
deîe  des  tribus  fauvages  de  Tartares ,  doriti 
je  fuppofe  qu'ils  font  defcendus. 

Je  terminerai  ici  cette  difcufîion  fur  Ui 
point  auquel  on  a  attaché  tanc  d'importan 
ce  qu'il  auroic  été  peu  convenable  de  ro- 
mettre  en  écrivant  l'hiftoire  de  l'Amérique 
J'ai   ofé   examiner  la  queftion  ,  mais  fari^ 
prétendre  l'avoir  décidée.   Content  d'ofFri 
des  conjedlures ,  je  ne  veux  établir  aucoi 
fyftême.     Lorfqu'une  recherche   efl   par  f 
nature    trop    obfcure    &   trop   compliqué 
pour  qu'il  foit  poffible  d'arriver  à  des  cor 
féquences   certaines,  il  peut  y  avoir  que! 
que  mérite  à  indiquer  du  moins  celles  qi 
font  probables  Ci}. 
Etat  &       ^^  ^^  P^^s  intéreffant  d'examiner  l'état  (• 
des^A^'é  î^  caraûere  des  peuples  d'Amérique,  à  !'( 
licains.     poque  oh  ils  ont  été  connus  desËuropéei' 

(O  Acofta ,  hijï.  nat,  &  mor,  B,  Fil,  c.  2 ,  &c.    G. 
cia,  Orlgen.  de    los  IncUos,  lih  F^   c*   i*    Torque mad 
Monor.  Ind.  l'ib.  i ,  r,  2  5  âfr .   Boturinî  Benaduci ,  tdra 
Ufia  hîfi,  de  VAm,  fcpt-  §.  XFUl ,  p.  127. 


[  DE   l'Amérique»  175 

, qa'i  celle  de  leur  origine.  A  celle-ci  un 
j  pareil  examen  n'eit  qu'un  objec  de  cavioû- 
I  té  ;  mais  à  l'autre  époque  il  peuc  donner 
,  lieu  aux  recherches  les  plus  importantes  .6c 
iles  plus  inftrudlives  qui  foient  dignes  d'oo 
I  cuper  le  philofophe  ou  l'hillorien.  Si  Ton 
veut  completter  Thilloire  de  refprit  humain 
ôi  parvenir  à  une  parfaite  connoiflance  .de 
fa  nature  &  de  fes  procédés ,  il  faut  con- 
templer l'homme  dans  toutes  les  licuations 
diverfes  oh  la  nature  Ta  placé;  il  faut  fuivre 
fes  progrès  dans  les  difrérens  états  de  fo* 
ciabilité  par  011  il  paiTe,  en  avançant  par 
degrés  de  l'enfance  de  la  vie  civile  vers  la 
maturité  &  le  déclin  de  l'état  focial.  Il 
faut  examiner  à  chaque  période  comment 
les  puiffances  de  fon  entendement  fe  déve- 
loppent, obferver  les  efforts  de  fes  facultés 
adives,  épier  les  mouvemens  de  fes  affec- 
tions à  mefure  qu'elles  naiflent  dans  fon 
ame  ,  voir  le  but  oh  elles  tendent  &  la 
force  avec  laquelle  elles  s'exercent.  Les 
anciens  philofophes  &  hiftoriens  de  la  Grè- 
ce &  de  Rome ,  qui  font  nos  guides  dans 
cette  recherche,  comme  dans  toutes  les  au- 
tres 5  n'avoient  que  des  vues  bornées  fur 
ce  fujet ,  parce  qu'ils  n'avoient  eu  prefqa'au- 

H  4 


Liv.  iV. 


3  7^  Histoire 

5   cun  moyen  d*obferver  l'homme  dans  Tdtat 
1.1V.  i/.  ^^  ^jg  fauvage.  La  fociété  civile  avoic  dé- 
jà fait  de   grands  progrès  dans  toutes  les*! 
régions  de  la  terre  qu'ils  connoiflbient ,  &  les 
nations  qui  exiftoient,  avoient  déjà  achevé 
une  grande  partie  de  leur  carrière  avant  qu'ils 
eulTent  commencé  à  les  obierver.   Les  Scy« 
thés  &  les  Germains  font  les  peuples   les 
moins  avancés  dans  la  civilifation  s  fur  lef- 
quels  les  anciens  auteurs  nous  aient  tranf- 
mis  quelque  détail  authentique  ;   mais  ces 
mêmes  peuples  polTédoient  déjà  des  trou- 
peaux &.  des  beflîaux,  ils  connoifibient  des 
propriétés  de  différentes  efpeces ,  6c  lorf- 
qu'on   les  compare  avec  les  hommes    qui 
font  encore  dans  l'écat  fauvage  ,    on  peut 
les  regarder   comme  déjà  parvenus   à    un 
grand  degré  de  civilifation. 
Moins         La  découverte  du  nouveau  monde ,  a  ag- 
qif aucun   grandi  la  fphere  des  fpéculations  6c  a  of-- 
pïïe'T  ^^^'^  à  notre  vue  des  nations  dans  un  état: 
tcne.        de  fociété  beaucoup  moins  avancé  que  ce- 
lui oli  Ton  a  pu  obferver  les  diftérens  peu->. 
pies  de  notre  continent.  C'eft  en  Amérique  : 
que  l'homme  fe  montre  fous  la  forme  la  plus  i 
lîmpîe  oh  nous  concevons  qu'il  puifle  fub* 
lifter.     Nous    y    voyons  des  foçiétés  quii 


D  E  l'A  m  e  r  I  Q  u  E.  177 

eommencent  feulement  à   fe  former  ,   &  :  ■"—* 
BOUS  pouvons  obferver  les  fentimens.  &  les' i^^v*^^»^ 
allions  des  hommes  dans  Tenfance  de  la  vie. 
fociale,  au  moment  oU  ils  ne Tentent  enoo-  - 
re  qu'imparfaitement  la  force  de  fes  liens- 
&  OLi  ils  ont  à  peine  abandonné  une  partie-  . 
de  leur  liberté  naturelle.    Cet  état  de  fîm- 
plicité  primitive,    qui  n'étok   connu   dans 
notre  continent  que  par  les  defcriptions  fan- 
.  çafliques  des  poètes  ,    exiiloit   réellement 
dans  cet  autre  hémifphere.     La  plus  gran- 
de partie  de  fes  habitans,  étrangers  à  l'in- 
éuflrie  &  au  travail  ,  ignoroient  les-  arts-, 
avoient  à  peine  quelqu*ldée  de  propriété  ;& 
jouiflbient  en  commua  des  biens  que)pr9' 
duifoit  la  fécondité  fpontanée  de  la.natur^*^ 
Il  n*y  avoit  fur  ce  vade  continent  que  deux 
nations  qui  fuITent  forties  de  cet  état  grof- 
fier,,  &  qui  euîTent  commencé  d'une  maniè- 
re fenfible  à  acquérir  les  idées  &  à  adopter 
les  inflitutions  qui  appai-tiennent  aux  focié-' 
tés  policées.  Leur  gouvernement  6&  leurs 
mœurs  deviendront  naturellement  l'objet  de 
nos  obfervations ,  lorfque  nous  rapporterons^ 
la  découverte  &  la  conquête  des  empires  da^ 
Mexique  &  da  Pérou  ;  cette   époque:  nouS' 
©^ifa  une  occalion  de  confidérer  les.  Aino^ 


fjS  Histoire 

ricaihs  dans  le  plus  haut  degré  de  civilifa- 


Liv.  IV.  j.JQj^  oh  ils  fuient  jamais  parvenus. 
Cette  re-    Nous  bornerons  pour  le  moment  notre 
eft'bomée^tf^^^^^^^  &  nos  recherches  à  l'examen  des 
j^gg^^^jj'^"^  petites  tribus  indépendantes  qui  occupoient 
Ciuvages.  les  autres  parties  de  l'Amérique.  Quoiqu'on 
obfervât  quelques  diverfités  dans  le  carac- 
tère 5  les  mœurs   &  les  inflitutions  de  ces 
différentes  tribus,  elles  fe  trouvoient  à  peu 
près  dans  un  même  état  de  fociété,  telle- 
ment  lîraple  &  grolîler ,   qu'on  peut  leur 
donner  à  toutes  également  la  dénomination 
de  fativagei\    Dans  une  hiiloire  générale  de . 
l'Amérique  il  feroit  peu  convenable  de  dé-- 
crire  l'état  de  chaque  petite  peuplade  ,  6ci 
de  rechercher  toutes  les  circonftances  qui 
contribuent  h  former  le  caractère  des  indi-  • 
vidus  qui  la  compoCent.   Un  pareil  examen  i 
entraîneroit  dans  des  détails  faftidieux  &; 
interminables.    Les  qualités  qui  diftinguentt 
ces  différens  peuples  ont  entr'elles  une  fil 
grande  reflemblance ,  qu'elles  peuvent  être  ; 
préfentées  fous  les  mêmes  traits.     Si  quel-« 
ques  circonflances  paroifTent  établir  dans  les 
caraâlere  &  les  mœurs  de  quelques-uns  desi 
particularités  dignes  d'être  remarquées  ,  il] 
fufiira  de  les  indiquer    6l   d'en  rechercher 


D  E     L*A  M  E  R  I  Q  U  E.  I79 

les  caufes ,  à  mefure  que  Toccafion  de  les  15555 
obferver  fe  préfentera.  i^'^-  ï^* 

Il  efl:  extrêmement  difficile  de  fe  procurer  Difficui- 
des  informations  fatisfaifantes  &  auihenti-  ptccmer^ 
ques  far  les  mœurs  des  peuples  lorfqu'ils  '^^^^'f^'^' 
ne  font  pas  encore  civjlifés:  pour  découvrir  exactes. 
fous  cette  forme  groffiere  leur  véritable  ca- 
radtere  (Se  pour  recueillir   les  traits  qui  les 
diftinguent  ,   il  faut  dans  robfervateur  au- 
tant  d'im^partialité    que   de    fagacité  ;   car 
dans  les  différens  degrés  de  fociabllité ,  les 
facultés ,    les    fentimens    à.  les   defirs  de 
rhomme  font  tellement  appropriés  à  fa  lî« 
tuation  qu*ils  deviennent  pour  lui  la  reg^e 
de  tous  fes  jugemens.    Il  attache  l'idée  de 
perfection  &  de  bonheur  aux  qualités  fem- 
blables  à  celles  qu'il  poiTede,  &  partout  oa 
il  ne  trouve  pas  les  objets  de  plaiûr  &  de 
jouiiTance  auxquels  il  efl  accoutumé,  il  pro- 
Donce  hardiment  que  le  peuple  qui  en  ed 
privé ,  doit  être  barbare  &  miféfable.  De  •  là 
le  mépris  mutuel  qae  conçoivent  les  uns  pour 
les  autres  les  membres  des  petites  fociétés  oiï 
la  civilifaiion  n*a  pas  fait  encore  les  mêmes 
progrès.  Les  nations  polies, qui  fentent  tous 
les  avantages  que  leur  donnent  les  lumières 
&  les  âi'ts  y  font  portées  à  regarder  avec  dd» 

B6 


Liv.  iV. 


180  Histoire 

dain  les  peuples  fauvages  ;  &  dans  l'orgueil 
de  leur  fupériorité,  à  peine  conviendront- 
elles  que  les  occupations,  les  idées  &  les 
plaifirs  de  ces  peuples  foient  dignes  de 
rhommc  Ces  nations  groffieres  &  fauva- 
ges ont  rarement  été  obfervées  par  des  per- 
fonnes  douées  de  cette  force  d'efprit  fupé- 
rieure  aux  préjugés  vulgaires  &  capables 
de  juger  l'homme,  fous  quelqu'afped:  qu'il 
fe  pré  fente ,  avec  candeur  &  avec  difcer-:- 
nement. 

ïnczvz'      Les  Efpagnols  qui  entrèrent  les  premiers! 

cité  des    q^  Amérique  &  eurent  occaiion  de  connoî. 

premiers  ^ 

obiViva-  cre  les  diiférentes  peuplades  avant  qu'eîlesi 
fuirent  fubjuguées,  difperfées.  ou  détruites,, 
étoient  bien  loin  de  pofleder  les  qualités^ 
néceflaires  pour  bien  obferver  le  fpeâ;acl5< 
intérelTant  qui  s'ofFroit  à  leurs  yeux. 

Ni  le  fiecle  011  iJs  vivoient ,  ni  la  natiot 
à  laquelle  ils  appartenoient ,  n'avoient  faic 
encore  aflez  de  progrès  dans  les  connoiflaiï^ 
ces  folides  pour  qu'ils  eufîent  des  idée; 
grandes  &  étendues.  Les  conquéraos  di 
nouveau  monde  étoient  pour  la  plupart  de 
aventuriers  ignorans  ou  dépourvus  de  toii* 
tes.  les  idées  qui  auroient  pu  les  conduira 
k  biea  obferver  des  objets,  fi  djfférens.  dft 


lems. 


D  E     L'A  M  E  R  I  Q  tr  E.  îS]I 

:eux  auxquels  ils  étoient  accoutumés.  Con-  J 

EJnuellement  environ-nés  de  périls  &  luttaDt-^-^^'*^'^* 
l^rontre  les  difficultés  y  ils  avoient  peu   de 
'loifir  &  moins  encore  de  capacité  pour-  fe 
livrer  à  des  recherches  de  fpcculation.  Im- 
patiens  de  s'emparer  d*un   pays  fi.  opulent 
Se  fi  vafte  ,  &  trop  heureux,  de  le  trouver 
habité  par  des  peuples  fi  peu  en  état  de  le 
[défendre,  ils  fe  hâtèrent  de  les  traiter  com- 
:me  une  miférable  efpece  d'hommes,  pro- 
pres uniquement  à  la  fervitude,  &  s'occa- 
perent  plus  à  calculer  les  profits  qu'ils  poii- 
voient  retirer  du  travail  des  Américains  , 
qu'à  obferver  le  caractère  de  leur  efprit, 
ou  à   chercher  les  caufes  de  leurs  inftita- 
i tions  &  de  leurs  ufages.    Ceux  des  Efpa- 
;  gnols  qui  pénétrèrent  enfuite  dans  les  provin» 
I  ces  intérieures  que  les  premiers  conquérans 
I  a'avoient  pu  encore  ni  connoître  ni  dévafi:er5 
1  y  portèrent ,   ea  général ,  le  même  efprit 
I  &  le  même  caraÛere  ;  audacieux  &  braves 
,  au  plus  haut  degré,,  ils  étoient  trop  peu  in-- 
i  ftruits  pour  être  en  état  d'obferver   6c  de 
I  décrire  ce  qu'ils  voyoient. 

Ce  n'eil  pas  feulement  l'incapacité  des  Leum^ 
j  Efpagnols  ,  ce  font  encore  leurs  préjugés ^^^^'"^^^ 
:  ^ui  oat  rendu  H  défeâueufes  les  aotiona 


ï8è  Histoire 

;■— ■  qu'ils  nous  ont  laiiTées  fur  l'état  des  nat- 
tiv.iv.  jeis  de  rAmérique.  Peu  de  tems  apr; 
qu'ils  eurent  établi  des  colonies  dans  le- 
nouvelle  conquête,  il  s'éleva  parmi  euxc; 
difputes  fur  la  manière  dont  on  dévoie  tr,. 
ter  les  Indiens.  Un  des  partis  intérelTést 
rendre  perpétuelle  la  fervitude  de  ce  pe» 
pie,  le  prélëncoit  comme  une  race  (lupi.: 
&  obilinée,  incapable  d'acquérir  des  idés 
religieufes  &  d'être  formée  aux  occupation 
de  la  vis  fociale.  L'autre  parti,  plein  d' i 
zèle  pieux  pour  ia  converfion  des  Indien 
affirmoit  que  ,  malgré  leur  ignorance  ; 
leur  fimpîicité,  ils  étoient  doux,  affeflio» 
nés,  dociles,  &  que  par  des  inflrudions  ; 
des  réglemens  convenables  ^  il  feroic  ai; 
d'en  faire  de  bons  chrétiens  &  des  citoye; 
utiles.  Cette  controverfe  fut  foutenuc^ 
comme  je  l'ai  déjà  dit,  avec  toute  la  ch. 
leur  qu'on  doit  naturellement  attendre,  loi- 
que  des  vues  d'intérêt  d'un  côié,  &  le  zej 
religieux  de  l'autre,  animent  les  difputaa 
La  plupart  des  laïques  embrafferent  la  pri 
miere  opinion  ;  tous  les  eccléiiafllques  fl 
culiers  furent  les  défenfeurs  de  l'autre; 
nous  voyons  condamment  que  félon  qu'i' 
auteur  tenoit  à  l'un  de  ces  deux  partis  p\ 


D  E    L'A  M  E  R  I  q  U  E.  I83 

étoit  porté  à  exagérer  les  vertus 'ou  les  dé»  «s»» 
fauts  des  Américains  fort  au-delà  de  là  vé-  Liv.  iv* 
1  rite.  Ces  récits  oppofés  augmentent  la  dif- 
1  ficulté  de  parvenir  à  uile  connoilTance  par^ 
afaite  du  caractère  de  ce  peuple,  &  mettent 
^ans  la  néceflTité  de  lire  avec  défiance  tou- 
tes les  relations  qu'en  ont  données  les  écri- 
vains Efpagnols  5  6c  à  n'adopter  leurs  té- 
1  TiOignages  qu'avec  des  modificationSi  ^ 
iii  11  s'ctoit  écoulé  près  de  deux  flecles  de-  sy^ême^ 
ipuîs  la  découverte  de  l'Améri^^ue  ,  avant  ^Jj^i^^s^^' "^^ 
:  que  les  mœurs  de  Tes  habitans  euflent  atti- 
ré férieufement  Tattention  des  philofophes. 
li ils  s'apperçurent  enfin  que  la  connoifFancè 
ide  rétat  &  du  caraftere  de  ce  peuple  pou- 
rvoit leur  offrir  un  moyen  de  remplir  un 
1  vuide  confidérable  dans  Thifloire  de  refpe* 
;ce  humaine,  &  les  conduire  à  des  fpécula- 
titions  non  moins  curieuCes  qu'importantes. 
rlls  entrèrent  avec  ardeur  dans  cette  nou- 
îiVelle  carrière  d'obfervation  ;  mais ,  au  lieu 
]  de  répandre  la  lumière  fur  ce  fujet ,  ils  ont 
■(Contribué  à  quelques  égards  à  Tenvelopper 
'(d'une  nouvelle  obfcurité.  Trop  impatiens 
idans  leurs  fpéculations  ,  ils  fe  font  hâtés 
jde  décider  ,  &  ont  commencé  à  bâtir  des 
Ifyftêmesj  lorrqu*iI&  aur oient  dû  chercher 


1^4  Histoire 

-' '-""""■'  àes  faits  fur   lefquels  ils  pufifent  en  pofèi 

Liv.iv.  |,^  fondemens. ,  Frappés  d'une  apparence 
de  dégradatioa  de  l'efpece  humaine  dans  Vé 
.tendue  du  nouveau  monde,  &  étonnés  é 
voir  un  vafle  continenc  occupé  par  une  raqi: 
4'hommes  nuds,  foibles  &  ignorans,  quel 
.%ms  auteurs  célèbres  ont  fou  tenu  que  cett.' 
|>arc;ie  du  gîobe  étoit  refiée  plus  locgtem 
couverte  des  eaux  de  la  m.er  que  l'autr 
continent ,  &;  n'étoit  devenue  que  depui. 
peu  propre  à  être  habitée  par  l'homme 
.que  tout  y  portoit  les  marques  d'une  origj^ 
De  récente;  que  fes  habitans^  nouvellemeoi 
appelles  à  rexiftence  &  encore  au  commeiî 
cernent  de  leur  carrière ,  ne  pouvoient  êt^i 
comparés  aux  habitans  d'une  terre  plus  as 
cienne  &  déjà  perfedionnée  (i}.  D'atu 
très  ont  imaginé  que  dominés  par  l'influea 
ce  d'un  climat  peu  favorable  qui  arrête  \ 
énerve  le  principe  de  la  vie  y  l'homme  n'i 
voit  jamais  pu  atteindre  en  Amérique  au  d^ 
gré  de  perfedion  dont  fa  nature  efl  Tufceg 
tible,  &  qu*ily  étoit  relié  un  animal  d'uiM 
cîafTe  inférieure,  dépourvu  de  force  daiji 
fa  conflitution  phyfîquCj  ainfî  que  de  fenfi 

CO  M.  de  BuiTon  ,  hiji*  mU  îQm&  IIV,  p%  494  i   '^* 
^yp*  112^,  1*4-  •  ^  V 


D  E     L*A  îkï  E  R  I  Q  U  E.  I85 

pilité  &  de  vigueur  dans  fes  facultés  mora-  — "^ 
es  (i),   D*uutres  philofophes  ,  oppofés  ,à  ^^*  ^'^* 

X  •  \h  5  ont  prétendu  que  l'homme  arri- 
7oit  au  plus  haut  degré  de  dignité  &  d'es. 
rellence  donc  il  folt  fufceptible  ^   longtems 
i.vant  que  de  parvenir  à  ug  état  de  ciyilifa- 
ion,  &  que  dans  la  fîmplicité  groiTiere  de 
a  vie  fauvage,  il  déployoic  une  élévation 
rame  ,  un  fentiment  d'indépendance  &  une 
:haleur  d'affedion,  qu'on  chercheroit  vai- 
jîement  parmi  les  membres  des  fociétés  po- 
licées (2.}.    Ils  paroilTent  croire  que  l'état 
[le  l'homme  eft  d'autant  plus  parfait,  qu'H 
îft  moins  civilifé.    Ils  décrivent  les  mœurs 
[les  fauvages  de  l'Amérique  avec  l'enthou- 
Liafme  de  l'admiration,  comme  s'ils  vouloient 
•es  propofer  pour  modèles  au  refle  de  l'ef- 
j3ece  hum.aine.    Ces  théories  contradiftoires 
pnt  été  avancées  avec  une  égale  confiance, 
±  l'on  a  vu  le  génie  ô:  l'éloquence  déployer 
[:outes  leurs  reffources  pour  les  revêtir  d'à- 
lie  apparence  de  vérité. 

Comme  toutes  ces  circonflances  coneou.- 
\:ent  à  embrouiller  &  obfcurcir  toutes  les 
[recherches  fur  l'état  des  nations  fauvages  de 

CO  ^î»  àe  Paw,  recherches  phUof^  fur  les  JJmérk*. 


126  Histoire 

l'Amérique,  iJ  eil  néceflaire  d'y  procédei 
Lw,  IV.  ^^Q^  beaucoup  de  circonfpedioD. 

LoiTque  nous  fommes  guidés  dans  ce  trâ 
•va^l  par  les  obrervations  éclairées  du  pet; 
■n'ôni.bî'e  de  philoibphes  qui  ont  parcour 
cette  partie  du  globe,  nous  pouvons  hafai 
der  de  porcer  un  jugement  ;  mais  lorfqui 
nous  n'avons  pour  garants  que  les  remar 
ques  ruperticielles  des  voyageurs  vulgaires 
'de  marins,  de  commerçans ,  de  boucanier 
&  de  miffionnaires,  il  faut  fouvent  héfiteri 
&  en  comparant  des  faits  épars,  lâcher  d( 
découvrir  ce  qu'ils  n'ont  pas  eu  la  fagaciti 
d'obferver.  Sans  fe  livrer  aux  conjedlures! 
fans  montrer  de  penchant  pour  aucun  fyftéi 
me,  il  faut  mettre  une  égale  attention 
éviter  les  excès  ou  d'une  admiration  extra 
vagante  ou  d'un  mépris  dédaigneux  pour  ce* 
mœurs  que  nous  allons  décrire. 
^,, ,   ,       Afin  de  procéder  dans  cette  recherchi 

Méthode  ^ 

obfeivée  avec  la  plus  grande  exaditude ,  il  faudroi) 
teciierche,  la  fimplifier  autant  qu'il  efl  poflTible.  L'hoim 
me  exiftoit  comme  individu  avant  de  dev^ 
nir  membre  d'une  fociété.  Il  fautMonc  co^ 
noître  les  qualités  qui  lui  appartiennent  fou; 
ce  premier  rapport,  avant  que  d'çxaminei 
c:llc-s  qui  réfuitent  du  fécond.    Ce  procédï 


DE   l'Amérique.  187 

iell  particulièrement  indifpenfable  pour  étu-  9êêêêê 
dier  les  mœurs  des  .peuples  fauvages.    Leur  ^i^"^^* 
union  politique  eft  û  imparfaite;  leurs  infti- 
itutions;  &  leurs  rcirlemens  civils  font  en  fi 
ipetit  nomibre,  fillmples,  revêtus  d'une. au- 
itorité  fi  foible,  qu'on  doit  plutôt  regarder 
ices  peuples  comme,  des  êtres  indépendans 
Ique  comme  des  membres  d'une  fociété  ré- 
Iguliere.    Le  caraftere  d'un  fauvage  réfulte 
iprefqu'entiéremenc  de  fes  idées  &  de  fes 
ifentimens  comme  individu;  il  n'eft  que  foi- 
'blement  modifié  par  Tautorité  imparfaite  de 
la  police  (Se  de  la  force  publique.    Je  fuivrai 
cet  ordre  naturel  dans  mes  recherche^  fur 
les  mœurs  des  Américains  5.  en  procédant 
par  degrés  du  plus  fimple  au  plus  compofé. 
Je  confîdérerai ,  L  la  conflitution  phyfi- 
\  que  des  Américains   dans  les  pays  dont  il 
efl:  quefl:ion  ;  II.  leurs  facultés  intelleQuel- 
î  les;  111.  leur  état  domeflique;  IV.  leurs  in- 
I  ftitutions  6l  leur  état  politique  ;  V.  leur  fyf- 
.  tême  de  guerre  &  de  fureté  publique;  VL 
i  les  arts  qu'ils  pratiquoient  ;  VIL  leurs  idées 
I  &  leurs  infiitutions  religieufes  ;   VlII.  les 
coutumes  particulières  &  ifolées  qui  ne  peu- 
i\  vent  fe  ranger  fous  aucun  de  "ces  chapitres 
divers.  Je  terminerai  le  tout  par  une  appré- 


188  Histoire 

P^B&  ciaeion  6c  une  balance  générale  de  leurs  ver»i 
Liv.  IV.  j-j^g  ^  ^Q  jgyyg  cjéfauts. 

Confiitu-    I.  ConJîîtuHon  phyfique  des  Américains.  Le 
fiquVdes"  corps  humain  ed:  moins  affedé  par  le  cliraab 
caS"     ^'^^   ^^^^^   d'aucune  autre  efpece   animale- 
Quelques  animaux  font  bornés  à  une  régios 
^       particulière  du  globe  &  ne  peuvent  exiftei 
au-delà  ;  d'autres  peuvent  bien  fupporter  les 
intempéries  d'un  climat  qui, leur  efl  étran* 
ger  ;  mais  ils  cefîent  de  multiplier  dès  qu'ils, 
font  tranfportés  hors  de  cette  partie  du  glo* 
be  que  la  nature  leur  avoit  affignée  pouc 
demeure.    Ceux-même  qui  peuvent  fe  natu-i 
jalifer  dans  des  climats  différens  éprouvent, 
les  effets  de-  toute  tranfplantation  hors  de 
leur  pays  natal ,   &  dégénèrent  par  degrés 
de  la  vigueur  &  de  la  perfedion  dont  l.euri 
efpece  efl  fufceptible.    L'homme  ell  la  feu- 
le créature  vivante  dont  l'organifation  foiû 
à  la  fois  ajGTez  robulle  &  affez  flexible  pour 
'lui  permettre  de  fe  répandre  fur  toute  la 
terre,  d'habiter  toutes  les  régions,  de  pro-» 
pager  &  de  multiplier  fous  tous  les  climats, 
Soumis  néanmoins  à  la  loi  générale  de  la  na-i 
ture,  le  corps  humain  n'eft  pas  abfolument^ 
infenfible  à  l'influence  du  climat,   &  lorf*î 
qu'il  ed  expafé  aux  excès  de  la  chaleur  <Sc 


DE  l*Ameîlique.  l8p 

froid,  il  diminue  de  grandeur  &  de  force. 


La  première  vus  des  habitans  du  nouveau  ~^j^^^^^.  * 
(ôrtde  infpira  à  ceux  qui  les  découvrirent  teint^jcur 
Éne  telle  furprife,    qu'ils  crurent  voir  uneéTcr' 
l'ace  d'hommes  différente  de  celle  qui  peu* 
lïîoit  l'ancien  hémifphere.     Leur  teint  eft 
îi*un  brun  rougeâtre,  reffemblant  à  peu  près 
Il  la  couleur  du  cuivre  C13.   Leurs  cheveux 
font- noirs,  longs,  grodiers  &  foibles.   Ils    . 
v'ont  point  de  barbe  &  toutes  les  parties  de 
seurs  corps  font  parfaitement  unies.   Ils  ont 
la'  taille  haute ,  très  -  droite  &  bien  propor- 
ionnée   ("2).    Leurs  traits    font  réguliers , 
quoique  fouvent  déformés  par  les    efforts 
libfurdes  qu'ils  font  pour  augmenter  la  beau- 
té de  leur  forme  naturelle ,  ou  pour  rendre 
leur  afped  plus  redoutable  à  leurs  ennemis. 
Dans   les  ifles  oh  les  quadrupèdes  étoienc 
petits  &  peu  nombreux,  &  oh  la  terre  pro- 
duifoit  prefque   d'elle-même^  la  conftitu- 
tîon  phyfique  des  naturels  n'étant  fortifiée 
bi  par  rexercice  adlif  de  la  chaffe ,    ni  par 
le  travail  de  la  culture,  éToit  extrêmement 
foible  &  délicate;  fur  le  continent  oh  les 
Iforêts  abondent  en  gibier  de  toute  efpece  , 
I— ■ ■ '■ — — ' 

•  (X)  Oviedo  ,  SomniArlo  p.  46,  D.  Fie  de  Colomb  ^chap.  24. 
(2}  Voyez  k.  NOTB  XLli.  . 


IÇO  HiSTOI    RE 

&  011  la  principale  occupation  de  piulîeurs 
Liv.iv.  peuplades  étoit  dé  le  pourfuivre  à  la  chalTe, 
le  corps  des  naturels  avoit  acquis  plus  de  vi 
gueur.     Cependant  les  Américains   étoient 
toujours  plus  diflingués  par  Tagilité  que  paii 
la  force  ;  ils  reflembloient   plus  aux  anii 
maux  de  proie  qu'à  des  animaux  deftinés  av 
travail  Ci}.  Non- feulemenc  ils  avoitnc  d( 
l'averfion  pour  la  fatigue  ;  ils  étoient  mêm< 
incapables  de  la  fupporter ,  &  lorfqu'on  lej 
arracha  par  la  violence  à  leur  indolence  na-H 
turelle  &  qu'on  les  força  de  travailler  ,  ilî 
fuccomberent  à  la  fatigue  de  travaux  qm 
les  habitans  de  Tancien  continent  aur oient) 
exécutés  avec  facilité  (^2).  Cette  foiblelTe 
de  conflitution,  qui  étoic  univerfelle  parm^ 
les  peuples  quf  occupoient  les   régions  de 
l'Amérique  dont  nous  parlons,  peut  être  re< 
gardée  comme  une  marque  caràdériitiquti 
de  cette  efpece  d'hommes  (^3). 

Le  défaut  de  barbe  &  la  peau  unie  dt 
l'Américain  femblent  indiquer  un  genre  d* 

Ci)  Voyez  la  Note  XLill. 

C2^J  0\nedo ,  fom,  p.  ^i,  Foy^  de  Cowiû  II,  138,  Wl| 
fer's  defcription,  p.  131.  % 

O)  B-  Las  Cafas ,  ^riîy.  rdac.  p.  4.  Torquem,  MonarAi 
580.  Oviedo  Sowario ,  p.  41  :  Hiftor,  Ub.  Ul.^  c,  6.  lier 
reia,  iiecad*  1,  Ub,  iX,  c.  5.  Simon,/»,  41, 


J)  E    L'A  M  E  R  I  Q  U  E.  ipi 

)iblene  ,   occafionné   par    quelques   vices 
ans  fa  confliiution.    Il  efl  dépo,urvu  d'un  ^^'''  ^^* 
one  de  virilité  &  de  force.     Cette  particu- 
iicé  qui  diftingue  les  habitans  du  nouveau 
cnde  d'avec  toutes  les  autres  nations,  ne 
:  être  attribuée,  comme  l'ont  cru  quel- 
?  voyageurs ,  à  leur  manière  de  fe  nour- 
(i^.  Quoique  les  alimens  de  la  plupart 
..  Américains  foient  extrêmement  infipi- 
:^s ,  parce  qu'ils  ne  connoifTent  point  l'ufa- 
t  du  fel,  on  voit  en  d'autres  parties  de  la 
!rre  des  peuplades  fauvages  qui  vivent  d'a- 
mens  également  nmples,  fans  avoir  cette 
rarque  de  dégradation  ni  aucun  fymptôme 
^parent  d'une  diminution  de  force, 
if  Comme  la  forme  extérieure  des  Améri- 
:ains  nous  porte  à  croire  qu'il  y  a  dans  la 
ûnftitution  de  leur  corps  quelques  princi- 
i>es  naturels  de  foiblefle,  la  petite  quantité 
e  nourriture  qu'ils  prennent,   a  été  citée 
far  plufieurs  auteurs  comme  une  confirma- 
tion de  cette  idée.     La  quantité  d'alimens 
jjue  les  peuples  confomment,  varie  félon  la 
empérature  du  climat  oh  ils  vivent,  le  de- 
^ré  d'adivité  qu'ils  exercent  &  la  vigueur 
|iàturelle  de  leur  conftitution  phyfique.  Sous 


CO  Cbiïk\'oix  ,<  hljl;  ée  la  Nouyclle  France,  IIL  310»^ 


ipa  Histoire 

la  chaleur  accablante  de  la  zone  torride,  c 
Uv,  IV.  j^g  hommes  paffent  leurs  jours  dans  rind< 
lence  &  le  repos ,  il  leur  faut  moins  c 
nourriture  qu'aux  habitans  actifs  des  pa^ 
froids  ou  tempérés.  Mais  le  défaut  d'app» 
tit^  fi  remarquable  chez  les  Américains,  v 
peut  s'expliquer  ni  par  la  chaleur  de  lei 
climat  ni  par  leur  extrême  indolence.  L 
Efpagnols  témoignèrent  leur  étonnement  < 
obfervant  cette  particularité  non-feuleme] 
dans  les  ifles ,  m.ais  même  en  différentes  pa 
lies  du  continent.  La  tempérance  naturel! 
de  ces  peuples  leur  parut  furpaiïer  de  bea 
coup  l'abilinence  des  hermites  les  plus  au 
teres  (i);  tandis  que  d'un  autre  côté  Ta 
petit  des  Efpagnols  parut  aux:  Américaij 
d'une  voracité  infatiable:  ceux-ci  difoieï 
qu'un  Efpagnol  dévoroit  en  un  jour  pli 
d'aliment  qu'il  n'en  auroit  fallu  pour  à 
Américains  ("2).  Une  preuve  encore  pli] 
frappante  de  la  foibleiTe  naturelle  des  Am' 
ricains  eit  le  peu  de  fenfibilité  qu'ils  moj 
trent  pour  les  charmes  de  la  beauté  &  po' 

1 


CiJ  Ramufio  111,3045F.  3c6,  A.Simon,  CQnquifta,à\ 
$.  39.  Hîiîduyt  I[^  468 ,  /^o3. 

(2}  Herrtra ,  (kcad,  1 ,  lib,  //.  c,  16, 


D  E     L'A  M  E  R  I  Q  U  E.  ÏP3 

iles  pîaifirs  de  Tamour.  Cette  pafîîon  defli- 
[lée  à  perpétuer  la  vie,  à  être  le  lien  de  L^^*  ^^^* 
(l'union  fociale  &  une  fource  de  tendrefîe  & 
[ie  bonheur,  eft  la  plus  ardente  de  toutes 
(:elles  qui  enflamment  le  cœur  humain. 
i^^Joique  les  peines  &  les  dangers  qui  tien* 
lient  à  rétat  fauvage;  quoiqu'en  quelques 
|)ccaiîons  Texceflive  fatigue  &  dans  tous  les 
tems  la  difficulté  de  fe  procurer  la  fubOflan- 
fre.  puifTent  paroître  contraires  à  cette  paf- 
jion  &  concourir  à  en  diminuer  l'énergie  ; 
|:ependant  les  nations  les  plus  fauvages  des 
iutres  parties  du  globe  femblent  éprouver  Ton 
iijnfluence  d'une  manière  plus  puifiante  que 
j'fss  habitans  du  nouveau  monde.  Le  Nègre 
^•rûle  de  toute  l'ardeur  des  defirs  qui  efl 
ijaturelle  au  climat  oti  il  vit,  &  les  peuple? 
||es  plus  greffiers  de  TAfie  montrent  égale- 
ijaent  un  degré  de  fenfibilité  proportionnée 
à  leur  pofition  fur  le  globe.  Mais  les  i\mé- 
i([icains  font  h  un  degré  étonnant  infenfîbles 
o;i  la  puiflance  de  ce  premier  inftin6l  de  la 
glature.  Dans  toutes  les  parties  du  nouveau 
liionde  les  femmes  font  traitées  par  les  na« 
Jirels  avec  froideur  &  indifférence:  elles  ne 
).\mt  pas  l'objet  de  cette  affedlion  tendre 
lui  fe  forme  dans  les  fociétés  civilifées ,  S: 
Tome  IL  I 


îp4  Histoire  ^ 

n'infpirent  point  ces  defîrs  ardens,  naturels 

Liv.  IV.  aux  nations  encore  groffieres.  -  Même  dansj 

les  climats  oii  cette  pafllon  acquiert  d'ordi- 

naire  fa  plus  grande  énergie ,  le  fauvage  dei 

l'Amérique  regarde  fa  compagne  avec  dédain^ 

comme   un  animal  d*une  efpece  inférieuret 

à  lui.  Il  ne  s'occupe  point  à  gagner  fon  af- 

fedion  par  des  foins  affidus ,  &  s'embarraffei 

encore  moins  de  la  conferver  par  la  com^ii 

plaifance  &  la  douceur  (i^.   Les  Miffion^ii 

Baires  euK- mêmes ,  malgré  Tauflérité  dea 

idées  monaftiques,  n'ont  pu  s'empêcher  de 

témoigner  leur  étonnement  de  la  froide  in^ 

différence  que  les  jeunes  Américains  mon- 

trent^  dans    leur    commerce,  avec   l'autre 

fexe  (^23  ;  &  il  ne  faut  attribuer  cette  ré( 

ferve  à  aucune  opinion    particulière  ,    qui 

Jeur  falîe  attacher  quelque  mérite  à  la  chaf» 

teté  des  femmes;  c'efl  une  idée  trop  rafil 

née  pour  un  fauvage,  &  qui  tient  à  une  déi 


(0  Henncpin,  Blœurs  des  Sauvages ,  p.  3a,  &c.  RocbjP 
fort,  liifl,  des  Iflcs  Antilles  ^  p,  461.  Voyage  û'*?  Cordai  I|| 
141.  Ramufio,  lll,  309.  F.  Lozrno ,  Defmptlon  dclGm 
Ckaco  ,71.  Faikner's  ,  Befmption  ofPatagon^p,  125.  Le£ 
il  P.  Cataneo,  ap*  Muratoii  II,  Chrlflian,  Felke  /,  %a^ 

Cû>  Chamraten/».  51 ,  Leur»  edif.  cqïn.  24 ,  318.  Du  Tert| 
0,337.  Vene^asI,  81,  Ribas, ////?., 6fe  los  îriuinf.  p<- 


D  E  l'A  m  e  r  I  q  u  iî.  1P5 

icatefie  de  fentiraent  &  d'aîFcQion  qui  lai 

lîft  étrangère.  Liv.iv'. 

.  'Dans  les  recherches  qu'on  fait  fur  les  fa- Réflexion 

fur  ces 

î&ltés  phyfiques  ou  intelleduelles  des  races  objets. 
)ar,ticulieres  d'hommes,  il  n'y  a  point  d'er- 
•ear  pîus  commune  &  plus  féduifante  que 
:eîle  d'attribuer  à  un  feul  principe  des  lin- 
içularités  caradérifliques  qui  font  l'effet  de 
'adion  combinée  de  plufieurs  caufes.    Le 
:limat  &  le  fol  d'i^mérique  différent  à  tant 
regards  de  ceux  de  Tautre  hémifphere ,  & 
pette  différence  eft  lî  fenfible  &  11  frappan- 
te que  des  philofophes  diflingués  ont  trou- 
vé cette  circonflance  fufRfante  pour  expli- 
Ijuer  ce  qu'il  y  a  de  particulier  dans  la  coa* 
jlitution  des  Américains.  Ils  attribuent  tout 
lux  caufes  phyfiques  &  regardent  la  foiblef- 
e  de  corps  &  la  froideur  d'ame  des  Améri- 
cains comme  des  conféquences  de  la  tempé- 
i'ature  de  cette  portion  du  globe  qu'ils  habi- 
ent.    Cependant  l'influence  des  caufes  mo- 
|ales  apolitiques  méritoit  quelqu'actention, 
tar  elles  opèrent  avec  autant  de  force  que 
[celles  par  lefquelles  on  a  cru  pouvoir  expli-  . 
'|uer  entieremenciJes  phénomènes  finguliers 
;iont  on  a  parlé.   Partout  cîi  l'état  de  focié- 
é  eft  tel  qu'il  en  réfuke  des  befoins  (3c  des 

I  2 


ip<î  Histoire 

mmam  defîfs  qui  ne  peuvent  être  fatisfaits  que  pa 
^^'^^'  des  efforts  réguliers  de  rinduflrie,  le  corp 
accoutumé  au  travail  devient  robulte  &  s'en 
durcit  à  la  fatigue.  Dans  un  état  plus  fiim 
pie,  où  les  deOrs  des  hommes  font  (i  modéi 
tés  &  en  fi  petit  nombre  qu*on  peut  les  fai 
tjsfaire  prefque  fans  nul  travail  avec  le( 
productions  fpontanées  de  la  nature,  les  fà'j 
cultes  du  corps  n'étant  pas  mifes  en  exerci 
ce  ne  peuvent  acquérir  la  force  dont  elle( 
font  fufceptibles.  Les  habitans  des  deuii 
régions  tempérées  du  nouveau  monde.  Il 
Chili  &  l'Amérique  feptentrionaîe,  vivenc 
de  la  chafîe  &  peuvent  être  regardés  commii 
une  race  d'hommes  adifs  &  vigoureux, 
on  les  compare  aux  habitans  des  ifles  ou  dei 
parties  du  continent  oh  un  léger  travail  fui 
fît  pour  fe  procurer  fa  fubfîftance.  Les  oc( 
cupatîons  du  chafTeur  ne  font  cependant  ii 
auffi  régulières  ni  auiîi  continues  que  celki 
des  hommes  employés  à  la  culture  de 
terre  ou  aux  difFérens  arts  de  la  fociété  a 
vilifée;  il  peut  les  furpafler  en  agilité,  maj 
il  leur  eft  inférieur  en  force.  Si  l'on  doDi 
noit  une  autre  direction  aux  facultés  aâ:ivei 
de  l'homme  dans  le  nouveau  monde ,  &  qui 
fa  vigueur  fût  augmentée  par  l'exercice, 


D  E    L*A  M  ER  I  Q  U  E.  ÎP7 

)0'arroit  acquérir  un  degré  de  force  qu'il  ne  — » 
r-boiTede  point  dans  fon  état  adlueî.     Ceft  Liv.iv. 
î'hne  vérité  confirmée  par  rexpérience.  Par- 
:out  oh  les  Américains  fe  font  accoutumés 
5ar  degrés  à  un  travail  pénible,  ils  font  de- 
venus robufles  de  corps  &  capables  d'exé- 
:uter  des  chofes  qui  paroifTent  non- feule- 
î'^nent  lurpalTer  les  forces  d'une  conftitution 
'  luflî  foible  que  celle  qu'on  fuppofoit  parti- 
.:uliere  à  leur  climat,    mais  même  égaler 
;out  ce  qu'on  pourroit  attendre  des  natu^ 
els  de  l'Afrique  ou  de  l'Europe  (i). 
Le  même  raifonnement  peut  s'appliquer 
:  1  ce  qui  a  déjà  été  obfervé  fur  le  peu  de 
:  nourriture  dont  ils  ont  befoin.    Pour  prou» 
lÊfirer  que  cela  doit  être  attribué  à  leur  extré- 
ne  indolence  &  fouvent  même  à  une  inac- 
3(^;ion  totale,  autant  qu'à  aucune  circonflaa- 
i|:e  relative  à  la  conftitution  phyfîque  de  leur 
Iborps,  on  a  remarqué  que  dans  Iqs  canton» 
ibù  les  naturels  d'Amérique  font  obligés  de 
cifaire  quelques  efforts  extraordinaires  d'adli- 
lifvité,  afin  de  fe  procurer  leur  fubfiftançe, 
3|Sc  partout  oh  ils  font  occupés  à  des  tra- 
rjvaux  pénibles,   leur  appétit  n'efl:  pas  infé- 
îlrieur  à  celui  des    autres  hommes  ;  &  ea 

(0  Voyez  la  Note  XLIV, 

^3 


ipS  Histoire 

S^H  quelques  endroits  ils  ont  même  paru  à  quel 
Liv.iv.  qyes  obfervaceurs  d'une  voracité  remarqu» 

bleCi). 

■'  L'action  des  eau  Tes  politiques  &  moralfeic 
s^exerce  d'une  manière  encore  plus  frappann 
teen  modiâant  le  degré  d'affe6lion  qui  uni 
les  deux  Çe^es,  Dans  un  état  de  civilifatioi 
très  «avancé,  cette  paflion,  enflammée  pa: 
la  contrainte ,  rafinée  par  la  délicatefle  de 
fentimens,  encouragée  par  la  mode,  occu. 
peôc  embraie  le  cœur  tout  entier.  Ce  n'ef 
plus  un  lîmple  inftind  de  nature  ;  le  fenti-i 
ment  ajoute  à  l'ardeur  des  defîrs  &  Famé  ft 
fent  agitée  &  pénétrée  des  plus  tendre, 
émotions  dont  elle  foit  fufceptibîe.  Cett< 
peinture  ne  peut  cependant  convenir  qu'aux 
hommes  qui  par  leur  fituation  font  exempéii 
des  foins  &  des  travaux  de  la  vie.  ParnÉ 
ceux  des  clafles  inférieures ,  condamnés  paa 
leur  état  à  un  travail  continuel ,  l'empire  dd 
cette  paflloû  a  moins  de  violence  :  occupée 
fans^  relâche  à  fe  procurer  leur  fubûftancè 
&  à  pourvoir  au  premier  befoin  de  la  nature} 
ils  ont  peu  de  loifîr  pour  fe  livrer  aux  im^i 
prenions  d'un  befoin  fecondaire.    Mois  fi  h 

■. . . — : = -, ~^'' 

(i)   Gurailla  II,    12-70-237.    Lalicau  1,  515.    U\iM> 
Church.  lU,  81.  Miiratori  I»  295. 


D  E    l'A  m  e  k  I  q  u  e.  T90 

nature  des  rapports  établis  entre  les  deux  ^«i 
fexes  varie  fi  fore  dans  les  rangs  différeas  liv.  iv. 
des  fociétés  policées,  Tétac  de  Thomme  , 
lorfqu'iVn'eft  pas  encore  civilifé  ,  doit  pro- 
duire des  variations  encore  plus  fenûbles. 
Au  milieu  des  fatigues,  des  dangers  &  de  Pa 
,  iiinpiicité  de  la  vie  fauvage,  cti  la  fublîftan- 
ce  e(l  toujours  précaire  oc  fouvent  infuffi- 
fante,  oh  les  hommes  font  preique  conti- 
nuellement occupés  à  pourfuivre  leurs  enne- 
mis ou  à  fe  garantir  contre  leurs  attaques, 
c  h  enfin  les  femmes  ne  connoilTent  encore 
ri  l'art  de  la  parure,  ni  les  réductions  de  la 
réierve  même,  il  eft  aile  de  concevoir  qu€ 
les  Américains  ont  pu  n'écre  que  foiblement 
attirés  vers  l'autre  '^exe  ,  fans  être  obligé 
d'imputer  cette  indifférence  uniquement  à 
une  iroperfedion  ou  à  une  dégradadon  phy* 
fique  dans  'leur  organifation. 

On  obferve  en  conféquence  que  dans  les 
parties  de  l'Amérique  oh  la  fertilité  du  fol  , 
la  douceur  du  climat,  les  progrès  que  les 
naturels  ont  faits  dans  la  civilifation ,  one 
rendu  les  moyens  de  fubfiilance  plus  abbn* 
^ans  &  ont  adouci -les  peines  attachées  àMa 
vie  faavage ,  rinfcincl  animal  des  deux  fexes 
eft  devenu  plus  ardent.    On  en  trouve  djs 

1  4 


Liv.  IV. 


20O  Histoire 

exemples  frappans  dans  quelques  tribus  éta« 
blies  fur  les  bords  des  grandes  rivières,  obi 
abondent  les  fub(i{tan:es ,  <5c  parmi  d'autres 
peuplades  qui  pofTedent  des  terreins  oh  ra4 
bondance  du  gibier  leur  fournit  fans  beau4 
coup  de  peine  un  moyen  confiant  &  aiTuréi 
de  fe  nourrir.  Ce  furcroîc  de  fécurité  ôd 
d'abondance  produit  fon  effet  naturel.  Par-^ 
Jà  les  fentimens  que  la  main  de  la  nature  â 
gravés  au  cœur  de  l'homme  acquièrent  une- 
nouvelle  force  ;  il  fe  forme  de  nouveaux^ 
goûts  &  de  nouveaux  deûrs;  les  femmes ,, 
plus  aimées  &  plus  recherchées,  apportent( 
plus  d'attention  à  leur  maintien  ôc  à  leurr 
parure,  6c  les  hommes  commençans  à  fen* 
tir  combien  elles  peuvent  ajouter  à  leur 
bonheur,  ne  dédaignent  plus  les  moyens  de. 
gagner  leur  afFe6lion&de  mériter  leurs  pré-- 
férences.  Le  commerce  des  deux  fexesi 
prend  dès -lors  une  forme  différente  de  cel-- 
le  qu'il  a  chez  les  peuplades  plus  groffieres;; 
&  comme  ni  la  religion,  ni  les  loix,  ni  lai 
décence  ne  les  gênent  fur  les  moyens  de  fa-  • 
tisfaire   leurs  defirs  ,    la  licence  de  leur»  i 

mœurs  doit  être  excefïïve  (i). 

Quoi-  • 

Ci)  Bier,   389.   Charlevok,  III,  423,  Duoiont,  Mém, 
fur  la  Loulfianel,  155, 


DE    l'A  m  b r  I  q  tr  e.         201 

I    Quoique  la  conftitution  phyfîque  des  Atné-   —im 

iricains  foie  crès*  foible,  on  n'en  voit  aucun    Liv.iv. 

!  parmi  eux  qui   foie   difforme  ,   mutilé  ou  Amérkain 
privé  de  quelques  fens.  Tous  les  voyageurs  ^^^^^' 
ont  été  frappés  de  cette  particularité  &  ont 
vanté  la  régularité  &  la  perfedion  de  leur 
figure  &  de  leurs  traits.     Quelques  auteurs 

'  ont  cherché  la  caufede  ce  phénomène  dans 
l'état  phyfique  de  ces  peuples.  Ils  fuppo» 
fent  que  les  enfans  nailfent  fains  &  vigou» 
reux ,  parce  que  les  pères  ne  font  ni  épui- 

■  fés,  ni  excédés  par  le  travail.  Ils  imaginent 
que  dans  la  liberté  de  l'état  fauvage  ,  le 
corps  humain,  toujours  nud  &  fans  entra- 
ves depuis  la  première  enfance ,  en  confer- 
ve  mieux  fa  forme  naturelle  ;  que  tous  les 

!  membres    acquièrent  une  proportion    plus 

;  jufte  que  lorfqu'ils  font  garottés  par  ces 
liens  artificiels  qui  en  arrêtent  les  dévelop- 

1  pemens  &  en  altèrent  les  formes  (i}.  Ou 
ne  peut  pas  fans  doute  refufer  de  reconnoî» 

!  tre  à  quelques  égards  l'influence  de  ces  eau* 
fes:  mais  l'avantage  apparent  dont  nous  par- 
lons &  qui  eft  commun  à  toutes  les  narions^ 
fauvages,  tient  à  un  principe  plus  profond, 
plus  intimement  lié  avec  la  nature  &  le  gé» 


202  Histoire 

■— 1  nie  de  cet  état  de  fociété.    L'enfance  dc! 

UvAV.  l'homme  efl  (î  longue,  elîe  a  be foin  de  tant 
de  fecours,  qu'il  efl  très  -  difficile  d'élevei 
les  enfans  chez  les  nations  fauvages,  Leî< 
moyens  de  fubfillance  y  font  non  •  feulement! 
peuabondans,  mais  incertains  &  précaires.^ 
Ceux  qui  vivent  de  la  chaiïe  font  obligéii 
de  parcourir  de  vafles  étendues  de  terreir 
&  de  changer  fouvent  d'habitation.  L'édu- 
cation des  enfans ,  comme  tous  les  autres  tra^ 
vaux  pénibles ,  efl  abandonnée  aux  femmes;, 
Les  peines,  les  privations  &  les  fatigues  in« 
réparables  de  l'état  fàuvage,  à.  telles  qu'il 
efl  fouvent  di  fi!  ci  le  de  les  foutenir  dansk' 
vigueur  de  l'âge ,  doivent  être  fatales  h 
renfance.  Les  femmes  craignant  dans  quel- 
que partie  de  l'Amérique  d'entreprendre 
une  tâche  auîîî  pénible  Se  aufli  longue  quei 
celle  d'élever  leurs  enfans  ,  étouffent  eîlesi' 
mêmes  hs  premières  étincelles  de  cette  vis 
qu'elles  fe  trouvent  incapables  d'entretenir^ 
&  par  l'ufage  de  certaines  herbes  fe  procu- 
rent de  fréquens  a  vortemens  Ci}.  D'autreé 
nations,  perfuadées  quil  n'y  a  que  les  en* 

fans  forts  îk  bien  conformés  qui  foient  em 

_____ -. , î^f 


D  E   l'A  lt  e  r  I  Q  u  E.  203 

,  état  de  rupporter  les  peines  du  premier  âge , 
'"abandonnent  ou  font  périr   ceux  qui   leur  ^^^'^^' 

paroiflent  foibles  &  mal  conflitués,  comm_p 
'  peu   dignes   d'être   confervés    (i).     Chez 
■  ceux  '  mêmes  qui  entreprennent  d'élever  in- 
"  diftindlement  tous  'eirs  enfans,  il  en  périt 
'"  un  fi  grand  nombre  par  le  traitement  rigou- 
reux auquel  ils  font  condamnés  dans  la-  vie 
fauvage,  que  très  peu  de  ceux  qui  naiiT^nt 
avec  quelqu'imperfedion  phyfîque  parvien- 
nent à  rage  viril  (2).  Ainfi  dans  les  fociétés^ 
policées  5  ou  les  moyens  de  fubiîllance  font 
!  conftans  5   atTurés  ,  obtenus  avec  facilité^ 
'  &  oîi  les  talens  de  refprit  font  fouvent  plus 
'  utiles  que  les  facultés  du  corps ,  les  enfans- 
peuvent  fe  conferver  malgré  la  difformité 
à,  les  vices  phyfiques ,  <5c  deviennent  des 
citoyens  utiles  ;  au  lieu  que  chez  les  peu* 
pies  fauvages ,  ces  mêmes  enfans  périîTantr 
au  moment  de  leur  nailTance ,  ou  devenanc 
bientôt  à  charge  à  la  communauté  <!i  à  eux- 
mêmes  ,  ne  peuvent  traîner  longtems  leur 
miférabic  vie.    Mais  dans  ces  provinces  dct 
nouveau  monde,  oh  rétabli iTcirienc  des  Ea^ 

(O  Gumilla ,  2--234.  Techo-s ,  hifl»  of  Paraguirj^-,  ?£-q^ 
€huTChlirs  ,  fr./fec?.  6— 103. 
^s^  Qrâuxii-  /«}?.  Canaû,-  p^  S7' 


204  Histoire 

F—  ropéens  a  procuré  des  moyens  plus  afluréî 
Liv.lV.  ^g  pourvoir  à  la  fubfiftance  des  habitans, 

oh  il  ne  leur  efl  pas  permis  d'attenter  à  lài 
vie  de  leurs  enfans,  les  Américains  font  fii 
loin  d'être  diflingués  par  la  régularité  &  lai 
beauté  de  leur  forme  qu'on  foupçonneroic 
plutôt  quelqu'imperfedion  dans  leurs  races,,! 
en  voyant  le  nombre  extraordina  re  d'indi- 
vidus qui  y  font  difformes,  mutilés,  aveu- 
gles, fourds   ou  d'une  petitefle  monflrueu-- 

.      fe  CO. 

_  «^  ^      Quelle  que  foit  la  foibleffe  d'organîfation  i 

bîance      (Jes  Américains,  il  efl:  fina:u]ier  que  la  for- 
frappante        -        .  ,  (.  .  ''    ,         .  >   /    1 
dans  la    me  humame  prelente  moms  de  variété  dans 

Amdri-     ce   nouveau   comment   que  dans  l'ancien, 

Lorfque  Colomb  &  les  autres  Efpagnols  qui 

découvrirent  le  nouveau  monde,  vificerent 

pour  la  première  fois  les  différentes  contrées 

iituées  fous  la  zone  torride,  ils  durent  s'at» 

tendre  à  y  trouver  des  peuples  relTembîans . 

pour  le  teint  &  la  peau  à  ceux  qui  vivent 

dans  les  régions  correfpondant^s  de  Fautre 

bémifphere.  Ils  trouvèrent  à  leur  grand  é- 

tonnement  quil  n'y  avoit  point  de  Nègres 

en  Amérique  (2^ ,  &  la  caufe  de  ce  phé» 

(O  Voyage  de  Ulloa  /,  233» 
{p.)  P.  Mai-tyr ,  deu  j>.  71» 


cainSf 


DE     L'A  M  E  R  I  Q  U  B.  20^ 

lomene  extraordinaire  excita   la   curîofîté   — i^ 
les  hommes  inftruics.     Cefl  aux  anatomif-  l-sv-lVr 
es  à  rechercher  6l  à  nous  apprendre  quelle 
(t  la  partie  oa  membrane  du  corps  oii  ré- 
de  cette  humeur  qui  teint  d'un  noir  foncé 
\  peau  du  Nègre.     L'aftion  puiffante  de  la 
haleur  paroît  être  évidemment  la  caufe  qui- 
roduit  cette  variété  finguliere  dans  refpe- 
e  humaine.  Toute  l'Europe,  prefque  tou* 
3  TAGe  &  les  parties  tempérées   de  l'A* 
•ique  font  habitées  par  des  hommes  blancs, 
^oute  la  zone  cor  ri  de   en  Afrique  ,   quel- 
ues-unes  des  contrées  les  plus  brûlantes 
ui  en  approchent ,  &  quelques  cantons  de 
Afie,  font  habités  par  des  peuples  de  cou- 
îur  noire.    Si  nous  fuivons  les  nations  de 
otre  continent ,  en  allant  des  pays  froids 
:  tempérés   vers  les  régions   expofées  à 
,,aâ:ion  d'une  chaleur  forte  &  continue,, 
jous  trouverons  que  l'extrême  blancheur  de 
'i  peau  commence  bientôt  à  diminuer  ;  que 
i  couleur  du  teint  s'obfcurcit  par  degrés  à 
jîefure  que  nous  avançons  ,  &  qu'après  a- 
joir  pafTé  par  toutes  les  nuances  fucceiHves 
jlle  fe  termine  à  un  noir  décidé  &  unifor- 
me.    Mais  en  Amérique,  oh  l'aétion  de  la 
j  haleur  efl  balancée  &  affoiblie  par  diff6» 


2q6  Histoire 

mÊÊÊBm  rentes  caufeis  que  j'ai  déjà  expliquées ,  le 
jLiv.  IV.  climat  femble  être  privé  de  l'énergie  quj 
produit  ces  effets  étonnans  fur  la  figure 
humaine.  La  couleur  de  ceux  des  Améri- 
cains rqui  vivent  fous  la  zone  torride  eft 
à  peine  d'une  nuance  plus  foncée  -que  celle 
des  peuples  qui  habitent  les  régions  pluî 
tempérées  du  m.éme  continent.  Des  obfer 
vateurs  attentifs  qui  ont  eu  occafion  d( 
voir  les  Américains  dans  les  différens  climat; 
&  dans  des  contrées  fort  disantes  les  unei 
des  autres  ,  ont  été  frappés  de  la  reiTeni' 
blance  étonnante  qu'ils  ont  trouvée  dani 
leur  air  &  leur  forme  extérieure  fO- 

Mais  (i  la  main  de  la  nature  femble  n'a 
voir  fuivi  qu'un  modèle  en  formant  la  figu 
re  huroaine  en  Amérique  ^  rimagination  y; 
eréé  des  fantômes  aufTi  bizarres  que  divers 
Les  mêmes  fables  qui  s^étoient  répandue 
dans  l'ancien  continent,  ont  été  reflurcitée 
dans  le  nouveau  monde  ,  à,  l'Amérique  . 
'  été  peuplée  aufîi  d'êtres  humains  d'une  foi 
me  monflrueufe  &  fantallique.  On  a  cont 
que  certaines  provinces  étoient  habitées  pa 
des  Pygmées  de  trois  pieds  de  haut ,  &  qu 
telle  autre   contrée  produifoit   des  Géar 

Ci>)  Voyez  la  NoTii  SI^vT  ''^  .    ." 


D  E      L'A  M  E  R  I  Q  U  E.  20? 

ane  énorme  grandeur.  Quelques  voyageurs  t=r= 

ît  publié  des  defcriptions  de  certains  peu-    l'iv.!^»- 

es  qui  n'avoient  qu'un  œil  ;' d'autres  pré- 

nJoient  avoir  découvert  des  hommes  fans 

te  y  dont  les  yeux  &  la  bouche  fe  trou* 

)ient  placés  à  la  poitrine.    Sans  doute  la 

iriété  de  la  nature  dans  fes  produirions 

t  (î  grande  ,  qu'il  y  auroit  delà  préfomp* 

:n  à  vouloir  fixer  des  bornes  à  fa  fécon» 

té  &  à  rejetter  indiftih(5lement  toute  ré- 

tion  qui  ne  feroit  pas  entièrement  confor- 

[e  à  notre  expérience  &  à  nos  obrervation» 

mitéeè.     Mais  fe  hâter  d'adopter  ^  furies 

reuves  les  plus  légères,  tout  ce  qui  porte' 

n  caractère  de  merveilleux ,  c'efl  une  ad- 

•e  extrémité  encore  moins  digne  d'un  efpfic 

•hilorophe  ;  d'autant  que  les  hommes  ont 

oujours  été  plus  facilement  entraînés  dans 

'erreur  par  la  foibie'ue  à  croire  trop  que  par 

'orgueil  de  ne  pas  croire  afTez.   A  mefure 

lue  les  connoiiïances  s'étendent  ^  que  la: 

lature  qH  obfervée  par  des  yeux  plus  exer» 

rés  5  on  voit  s'évanouir  les  mt^rveilles  qiii 

'rmufoient  les  (lecles  d'ignorance;  on  a  ba- 

)îié  les  contes  que  des  voyageurs  crédules 

;)nt  répandus  fîirr Amérique;  on  a  cherché^ 

lu  vaiales  monllres  (|u'iîs  ooc  décrm^:^ 


«o8  Histoire 

■WÊÊm  Ton  fait  aujourd'hui  que  ces  provinces  c 

Liv.iv.  ils  prétendoient  avoir  trouvé  des  habitai 

d'une  forme  extraordinaire  ,    font  habitéi 

par  des  peuples  qui  ne  différent  en  rien  d 

autres  Américains  ([}. 

Quoiqu'on  j^uifle,  fans  entrer  dans  aucui 
difcuffion  ,  -lejetter  de  pareilles  relatioi 
comme  fabuleufes ,  il  y  a  d'autres  variéti 
de  refpece  humaine  qu'on  prétend  avoir  éi 
obfervées  dans  quelques  parties  du  nouvej 
inonde ,  &  qui  paroiifant  fondées  fur  di 
témoignages  plus  graves  ,  méritent  d'ôt; 
examinées  avec  plus  d'attention.  Ces  vari( 
tés  ont  été  particulièrement  obfervées  ( 
trois  cantons  diiférens  ;  la  première  fe  tro 
ve  à  l'ifthme  de  Darien  près  du  centre  c 
rAmérique.  Lionel  Wafer,  voyageur  q 
montre  plus  de  curiofité  &  d'inrelîigem 
qu'on  ne  s'attendroit  à  en  trouver  dans  i 
afTocié  des  boucaniers  ,  découvrit  en  c 
endroit  une  race  d'hommes  peu  nombreuA 
mais  finguliere  Suivant  fa  defcripiion  i 
font  d'une  petite  taille ,  d'une  conftitutic 
délicate  &  incapable  de  fupporter  la  fatigui 
Leur  teint  efl  d'un  blanc  de  lait  fade,  qi 
ne  reflembîe  point  à  celui  des  Worïds  pa: 

0)  Voyez  U  Note  XLVi, 


D  E     L*A  M  E  R  I  q  U  R.  1^ 

/ 
^nî  les  Européens,  &  fans  la  moindre  nuan    9BÊSÊ 
l'.G  d'incarnat  ou  de  rouge.    Leur  peau  efl  ^^v.iv. 
fiouverte  d'un  duvet  fin  ,  couleur  de  craie 
jilanche  ;  leurs  cheveux  ,  leurs  fourcils   & 
eurs  cils  font  de  la  même  nuance.    Leurs 
jeux  font  d'une  forme  finguliere  &  fi  foi- 
l'ies  qu'ils  ont  de  la  peine  à  fupporter  la  lu- 
j.iiere  du  foleil  ;  mais  ils  voient  difl:in6te« 
I  lent  à  la  lumière  de  la  lune ,  &  ils  font 
j.ais  &  adifs  pendant  la  nuit  (i).    On  n'a 
l-écouvert  aucune  race  femblable  dans  les 
|,utres  parties  de  l'Amérique.    Cortès  re« 
^.larqua,  il  efl:  vrai,  parmi  les  animaux  ra- 
j3s  &   monftrueux   que  Montézuma  avoit 
.afTemblés, quelques  créatures  humaines  ref» 
j^mblant  aux  hommes  blancs  du  Darien  (^a); 
pais  comme  l'empire  du  Mexique  étendoic 
A  domination  jufqu'aux  provinces  qui  bor» 
^ent   riflhme  de    Darien  ,    il  efl:    proba- 
le  que  c'étoient  des  êtres  de  la  oléine  ra^ 
e.     Quelque  fingularité   qu'il   y  ait  dans 
a  forme  extérieure  de  ce  petit  peuple,  on 
|ie  peut  cependant  pas  le  regarder  comme 
.'onflituant  une  efpece  particulière.    Parmi 

I  (0  Wafer ,  defcr,  de  Vljîhme  de  Darien  ,  danf  la  voyage^ 

j!  DampUrre;  tom,  III. 

■  (2)  Cortis ,  ap,  Ramus,  /.  241,  £. 


210  Histoire 

9tMmm  ]es  Negrés   de  l'Afrique ,  ainîî  que   dan 
liv.  IV.  quelques  ifles  de  Tlnde ,  la  nature  prodiii 
quelquefois  un  petit  nombre  d'individus,  qii 
ont  tous  les  traits  &  toutes  les  qualités  carafl 
tériiîiques  des  hommes  blancs  du  Darien:l( 
premiers  font  appelles  Albinos  par  les  Pa 
tugais  ,  &  les  derniers  Kackerlakes  par  li 
Holîandois.     Au  Darien  les  pères  &  men 
de  ces  hommes  blancs  font  de  la  même  con 
leur  que  ceux  des  habitans  du  pays  :  ceti 
obfervation  s'applique  également  à  la  prc 
géniture  anomale  des  Nègres  &  des  Indienïj 
La  même  mère  qui  met  au  monde  quelque 
en  fans  d'une  couleur  qui  n'efl  pas  celle  cl 
la  race,   en  produit  d'autres  de  la  coulei| 
qui  eft  propre  à  fon  pays  (i^.    On  pei 
donc  tirer  une  conclufion  générale ,  relad 
vement  aux  blancs  de  Wafer,  aux  Âlbin\ 
&  aux  Kackerlakes;  c'efl  qu'ils  forment  ui 
race  dégénérée  &  non  une  clafTe  particuliej 
d'hommes,  &  que  la  couleur  &  la  foiblefîe  pj 
ticuliere  qui  marque  leur  dégradation ,  leJ 
a  été  tranfmife  par  quelque  maladie  ou.vi< 
phyfique  de  leurs  parens.    Oa.a  obfervd 
comme  une  preuve  déciiîve  de  cette  op[ 
nion  ,  que  ni  'es  blancs  du  Darien ,  ni 
Ci}  I>Iargrav.  hljlt  r&r,  nau  hraf»  lib,  FIl1\  c,  4, 


DE    l'Amërk^uk.  âll 

.Ibinos  d'Afrique  ne  propagent  leur  race  :  ■«« 
•îurs  enfans  naiflent  avec  la  couleur  &  le  Lïv.  iv, 
iiupérament  propres  auK  autres  habitans  du 
léme  fol  (i}. 

Le  fécond  diflridl  occupé  par  des  habitans 

li  différent  à  l'extérieur  des  autres  Améri- 

àas ,  efl;  fitué  fous  une  latitude  fort  avaa* 

ée  vers  Je  nord,  s'étendanc  de  la  côte  de 

labrador  vers  le  pôle  3  tant  que  le  pays  elt 

abitable.    Les  malheureux  habitans  de  ces- 

liiles  régions  5  connus  en  Europe  fous  le 

om  d'Efquimaux  ,  fe  font  donné  le  nom 

e  Keralit ,  qui  veut  dire  homme  ^   par  un 

[fFet  de  ce  fentiment  d'orgueil  national  qui 

'onfole  les  peuples  les  plus  groiîîers  &  les 

|)lus  miférables.    Ils  font  robuftes  ôc  d'une' 

faille  médiocre;  ils  ont  la  tête  d'une  grof*' 

'  eur  déméfurée  &  les  'f)ieds  d'une  petitefTe 

également  difproportionnée.    Leur  teint  , 

f^uoique  bafané ,  parce  qu'ils  font  continueU 

fement  expofés  à. la  rigueur  d'un  climat  gla« 

|eé  i  approche  cependant  plus  du  blanc  des* 

'Européens  que  de  la  couleur  cuivrée  des  Amé-^ 

'ricains,  &  les  hommes  ont  des  barbes  qui 

I _ _________ L^ 

\  '  CO  Wafer ,  ^.  34S.   Demanèt ,  ^^.  de  r.lfrque  II,  p^ 
[254,  l<JcJicr:/ics  ^-UHof,  fur  les  Jntér.  //,  p.  I ,  â?c 


2ia  Histoire 

>—  font  quelquefois  longues  <Sc  toufFues  (i] 
Liv.  IV.  Ces  particularités  diftindlives,  jointes  à  un 
autre  encore  moins  équivoque,  qui  eft  l'a: 
iinité  de  leur  langue  avec  celle  des  Groer 
landois,  affinité  dont  j'ai  déjà  parlé,  pec 
vent  nous  faire  conclure  avec  afîez  de  cor 
fiance  que  les  Efquimaux  font  une  race  dili 
férente  des  autres  habitans  de  l'Amérique.: 
;  On  ne  peut  pas  prononcer  avec  la  mêmi 
certitude  fur  les  habitans  du  troiûeme  dl;i 
tria:,  qui  elt  litué  à  l'extrémité  méridiona 
le  de  l'Amérique.  Je  parle  de  ces  fameui 
Patagons  qui  pendant  deux  fiecles  &  deni 
ont  été  un  fujet  de  difpute  pour  les  favani 
&  un  objet  d'admiration  pour  le  vulgaire 
On  les  regarde  comme  une  des  tribus  er 
rantes,  difperfées  fur  cette  région  vaflec 
mais  peu  connue ,  de  l'Amérique,  qui  s'éteni 
depuis  la  rivière  de  la  Plata  jufqu'au  détroi) 
de  Magellan.  Leur  rélidence  propre  et 
dans  cette  partie  de  l'intérieur  des  terrei 
qui  borde  le  fleuve  Negron  ;  mais  dans  1 
faifon  des  chafles  ils  pouffent  fou  vent  leur 

CO  EUis,  yoyage  à  la  baie  d'Huàfon^p,  130- 131  ;  d 
la  Potlieiie ,  tom*  /,  p.  79.  Wale's  journ.  of  a  voy*  .< 
Cbuf Chili  river*  PMU  tranf,  y  oh  LX,  p»  109. 


DE  l'Amérique.  213 

;)urres  jufqu'au  détroit  qui  fépare  la  terre- 

|î.feu  du  continent.    Les  premières  rela-  Liv.iv. 

pns  qu'on  ait  eues  de  ce  peuple  furent  ap- 

orcées  en  Europe  par  les  compagnons  de 

[agellan  (i),  &  on  les  déciûvoit  comme 

le  race  gigantefque  d'une  taille  au  -  deflus 

i  huit  pieds  &  d'une  force  proportionnée 

leur  énorme  grandeur.    On  obferve  par- 

,  i  différentes  clafTes  d'animaux  des   diffé- 

nces  tout  auffi  remarquables  pour  la  grof- 

ur.     Les  grandes  races  de  chevaux  &  de 

riens  furpaffent  les  plus  petites  en  volume 

en  force  ,  autant  que  les  Patagons  font 

(ippofés  s'élever  au-deffus  du  modèle  com- 

.  un  de  la  forme  humaine.  Mais  les  animaux 

f3  parviennent  à  la  perfection  dont  leur  ef- 

^2ce  eft  fufceptible,  que  dans  les  climats 

pux  &  oh  ils  trouvent  en  abondance  les 

jimens  les  plus  nourriflans.    Ce  n'efl  donc 

ps  dans  les  déferts  incultes  des  terres  Ma- 

[ellaniques ,  &  parmi  une  tribu  de  fauvages 

dépourvus  d'indullrie  &   de  prévoyance  , 

jue  nous  devrions  nous  attendre  à  trouver 

homme  avec  les  plus  glorieux  attributs  de 

h  nature  &  diilingué  par  une  fupériorité  de 

'randeur  &  ■  de  force ,    fort  au  -  delTus  de 

j  (i)  Falkier'Sj  cefcript,  of  Paiogomaf  p»  I02« 


2^4  H  I  s  T  O  I  it  E 

tout  ce  qu'il  a  acquis  dans  toutes  les  autre 
l^iv.iv.  régions  de  la  terre. ,  On  a  befoin  des  preu 
ves  les  plus  pofitives  &  les  plus  incontefta 
blés  pour  établir  un  fait  û  contraire  au; 
loix  &  aux  maximes  générales  qui  femblen 
afFefter  à  tout  autre  égard  Ja  forme  humai 
ne  &  en  déterminer  les  qualités  elTentielles 
mais  ces  preuves  n'ont  pas  encore  été  prc 
duites.    Quoique  pi ulieurs  voyageurs  3  dot 
le  témoignage  eft  d'un   grand  poids  ,  akr 
depuis  Magellan  vifîté  cette  même  parti 
de  TAmérique  &  communiqué  avec  les  m 
turels  (^i);  quoique  les  uns   aient  aftîrm 
que  ces  peuples  étoient  d'une  taille  gigac 
tefque  &  que  d'autres  aient   tiré  la  mêm 
conclufion  en  mefurant  la  trace  de   leuii 
pieds  ou  les  fquelettes  des  morts  ;  cependad 
les  relations  des  uns  &  des  autres  différent  daol 
des  points  fi  elTentiels  &  font  mêlés  de  tant  di 
eirconflances  évidemment  fauffes  &  fabuleisl 
fes  qu'il  eft  impofîible  d'y  donner  une  ei 
tiere  confiance.  D'un  autre  côté,  quelque 
navigateurs,  &  parmi  ceux-ci  les  homme 
les  plus  diftingués  par  le  difcernement  ^1 
l'exaQimde,  ont  affirmé  que  les  Patagon» 
qu'ils  avoient  vus,  quoique  grands  &  bieij 

(0  Voyez  la  Note  XLVII. 


DE  l'Amérique.  215 

îts ,  n'étoient  point  de  cette  grandeur  ex- 
aordinaire  qui  en  feroit  une  race  didinfte^^^'-^'^^' 
es  autres  habitans  de  la-  terre.    L'exiftence 
î  cette  prétendue  race  de  géans   femble 
(>nc  être  encore  un  de  ces  problèmes  d'hif- 
ire  naturelle  ,  fur  lefquels  un  efprit  fage 
Dit  fufpendre  fon  jugement,  jafqu'à  ce  que 
îs  preuves  plus  complettes  lui  apprennent 
l  peut  adopter  un  fait  contraire  en  appa- 
ipnce  à  ce  que  Pexpé'rience  &  la  raifon  ont 
iécouvert  jufqu*ici  concernant  l'état  &  la 
jruçlurede  l'homme  dans  toutes  les  contrées 
iyerfes  oîi  il  a  été  obfervé. 
Pour  nous  former  une  idée  complette  fur  la    Lear 
onftitution  des  habitans  de  Tua  <3<:  l'autre  hé-  '^'^^  * 
lifphere,  il  faudroit  non  -  feulement  confidé- 
^rla  forme  &  la  vigueur  de  leur  corps,  mais 
ncore  examiner  quel  efl  le  degré  de  fan  té 
iont  ils  jouilTent  6c  quelle  efl:  la  durée  com- 
mune de  leur  vie.    Dans  la  (implicite  de 
état  fauvage,  oh  l'homme  n'eft  ni  accablé 
f>ar  le  travail ,  ni   énervé  par  le  luxe  ,  ni 
fourmenté  par  l'inquiétude,  on  eil  porté  à 
broire  que  fa  vie  doit  couler  doucement  , 
fens  être  prefque  jamais  troublée  par  la  ma« 
fadie  ni  la  douleur  ,  jufqu'à  ce  qu'elle  fe 
'termine  enfin  dans  une  extrême  vieilleffe 


ftid  Histoire 

^™™  par  la  dégradation  fuccefiive  de  îa  natu . 

Liv.iV. Qjj  trouve  en  effet  parmi  les  Américain, 
ainfi  que  chez  d'autres  peuples  fauvage, 
des  hommes  dont  îa  figure  flétrie  &  déc . 
pite  femble  indiquer  une  vieillefle  ex  trac  • 
dinaire.  Mais,  comme  la  plupart  des  û> 
vages  ignorent  Tart  de  compter  &  qu'j 
oublient  auffi  aifémeut  le  pafle  qu'ils  s'c- 
cupent  peu  de  l'avenir ,  il  efl  împoffible  î 
connoître  leur  âge  avec  un  certain  deg 
X  de  précifîon  ("!)•    H  efl  évident  que  la  d  ■ 

rée  commune  de  leur  vie  doit  varier  con 
dérablement,  felcn  la  diverûté  des  clima 
&  la  manière  différente  dont  les  homm 
fe  nourrifient.  Cependant,  ils  femblent  et 
partout  exempts  de  plufîeurs  des  infirmit 
qui  afHgent  les  nations  civilifées.  Ils  ] 
connoifTent  aucune  des  maladies  qui  font 
produit  immédiat  du  luxe  ou  de  la  pareffc 
&  ils  n'ont  point  de  mot  dans  leur  langi 
pour  exprimer  ce  nombreux  cortège  ( 
maux  accidentels  auxquels  nous  fomm" 
fujets. 
^  ££*"*"    Mais ,  quelle  que  foit  la  fituation  oîi  l'hon 

n 

CO  Ulloa,  notlc,  Amérkt  z^i%    Baucioft,  «<?/#  hîjî, 
Cuma,  p.  334, 


D  E   l'A  m  e  r  I  q  u  n.  217 

ne  retrouve  placé,  il  ed  né  pour  foufFrir. 

'^es  maladies  dans  l'état  fauvage  font ,  à  la  ^^^•^^* 

^ mérité,  en  plus  petit  nombre;  mais,  corn* 

10  celles  des  animaux,  à  qui  Phomme  ref- 

sTible  beaucoup  dansée  genre  de  vie,  el- 

font  plus  violentes  &  plus  funeftes.    Si 

i  luxe  engendre  &  entretient  des  infirmités 

;n  certain  genre,  la  rigueur  &  les  peines 

h  vie  fauvage  en  produifent  d'autres.  Corn- 

;  ;2  les  hommes  dans  cet  état  n'ont  aucune 

^f  révoyance  &  que  leurs  moyens  de  fubûltan- 

'^'3  font  précaires,  ils  pafTent  fouvent d'une 

ifette  extrême  à  une  extrême  abondance, 

'  :lonles  vicilTitudes  de  la  fortune  dans  leurs 

.{Tes  ou  celles  des  faifons  dans  les  pro» 

•  uclions  de  la  nature.    Leur  exccHIve  vo- 

ité  dans  l'une  de  ces  lituations  &  leur 

tinence  rigoureufe  dans  l'autre  font  éga- 

i riment  nuifibles; car,  quoique  l'homme  puif. 

ifl  12  s'accoutumer   par  l'habitude,  ainfî  que 

lïs  animaux  de  proie,  à  fupporter  une  lon- 

0  lue  abdineace  &   à  manger  enfuite  avec 

oracité,  fa  conditutioa  ne  peut  manquer 

i^jétre  fortement  affedée  par  ces  contraltes 

lens  &  fubits.     AinQ  la  force  &  la  fan- 

;  des  fauvages  efl:  dans  certains  tems  alté- 

;2  par  ce  que  leur  fait  fouffir  la  difette 

Toms  IL  K 


hivAV. 


21  g  Histoire 

d'alimens ,  &  en  d'autres  tems  ils  font  fu 
jets  aux  maladies  qui  naifTent  des  indigel 
tions  &  de  l'excès  de  nourriture.    Ces  ma  i 
ladies  font  fi  communes  qu'on  peut  les  ni 
garder  comme  une  fuite  inévitable  de  leu| 
manière   de  vivre  ,  &  elles  font  périr  u  | 
grand  nombre  d'individus  au  printems  de  lei  }^ 
vie.  Ils  font  très-fujets  auflî  à  la  confomjd 
tion,  aux  pleuréfies,  à  l'afthme  &  à  la  p; 
lalyfie  (î)^  maladies  produites  par  la  fati 
gue  &  les  peines  exceflîves  qu'ils  ont  à  fuji 
porter  dans  la  chafTe  &  dans  la  guerre,  c 
par  les  intempéries  des  faifons  auxquell 
ils  font  continuellement  expofés.    Dans 
vie  fauvage  l'excès  de  fatigue  attaque  vi 
lemment  la  conilicution  ;  dans  les  fociét 
policées  l'intempérance  la  mine.    Il  n'f 
pas  aifé  de  déterminer  laquelle  de  ces  dee 
caufes  produit  les   plus  funefles  effets  I 
contribue  davantage  à  abréger  la  vie   if 
rhomme.  L'influence  de  la  première  eft  c  • 
tainement  plus  étendue:  les  efiets  pernicie;  l 
du  luxe  ne  fe  font  fentir  dans  toutes  les  :»  s 
ciétés  qu'à  un  petit  nombre  d'individill 
les  peines  de  la  vie  fauvage  fe  font  éga» 


(0  Cbadevoix,  Nouy,  Fr,  g.  Lafitau^U,^.  4<J®»  ^ 
la  Potherie,  ^.  2,  37. 


DE   l'Amérique.  aip 

iient  fentir  à  tous.     Autant  que  j'en  puis   ■— ■ 

ijger  après  des  recherches  très- détaillées,   Lw.iv» 

h  durée  commune  de  la  vie   humaine  effc 

lus  courte  parmi  les  fauvages  que  chez  les 

suples  Induflrieux  &  policés.    Une  mala-» 

ie  redoutable,  fléau  le  plus  terrible  dont  la 

ici  irrité  ait  voulu  dans  cette  vie  châtier  la 

cence  des  defîrs  criminels  ,  femble  avoir 

:é  particulière  aux  Américains.  En  la  com* 

luniquant  à  leurs  conquérans  ils  ont  ample- 

(lent  vengé  leurs  injures,  &  cette  nouvelle 

ilamité  ajoutée  à  celles  qui  empoifonnoienc 

éjà  la  vie  humaine,  a  peut-être  plus  que 

ampenfé  tous  les  avantages  que  l'Europe 

tirés  de  la  découverte  du  nouveau  monde.! 

'ette  maladie,   prenant  Ton  nom  du  pays 

th  elle  a  d'abord  exercé  fes  ravages  ou  du 

leuple  par  qui  on  a  cru  qu'elle  avoit  été 

jépandue  en  Europe,  a  été  appellée  quel- 

[uefois  le  mal  de  Naples,  &  quelquefois  le 

|;.ial  François.-  Elle  fe  montra  d'abord  fi  ter- 

|ibîe,  avec  des  fymptômes  fî  violens, &  des 

JTOgrès  fi  rapides  ce  û  f  une  (tes ,  qu'elle  le 

iDUoit  de  tous  les  efforts  de  la  médecine, 

L'étonnement  &  la  terreur  accompagnoient 

e  fléau  inconnu  dans  fa  marche  &  les  hom- 

Qes  commencèrent  à  craindre  qu'il  n'annon- 

K  2 


220^ 


Histoire 


cât  l'extindlion  entière  de  la  race  hiimaiin 
Liv.iv.  L'expérience  &  l'habileté  des  médecins  d( 
couvrirent  par  degrés  des  remèdes  propres 
à   guérir  ou  du  moins  à   adoucir    le  maljl 
Pendant  le  cours  de  deux  fiecles  &  demi  laii 
violence  de  cette  cruelle  maladie  s'eft  cal- 
mée d'une  manière  fenfible  ;  enfin,  fembla*ii 
ble  à  la  lèpre  qui  a  défolé  TEurope  pendant^ 
plufîeurs  fiecles ,  peut-être  s'épuifera  - 1  -  el- 
le d'elle-même  ;  &  dans  un  âge  plus  hea'i| 
reux  cette  pelle  occidentale,  ainfi  que  cel- 
le de  l'Orient,  ne  fera  plus  connue  que  pan 
les  defcriptions  (i), 

II.  Après  avoir  conûdéré  ce  qu'il  paroît- 
y  avoir  eu  de  particulier  dans  la  conflitU^ 
tion  phyOque  des  Américains,  notre  attend 
tfen'doit  naturellement  fe  porter  fur  îeursJ 
facultés  morales.  De  même  que  rindividu;| 
paffe  par  degrés  de  l'ignorance  &  de  la  fàh 
blefle  de  l'enfance  à  la  vigueur  &  à  la  mattf^ 
rite  de  la  raifon ,  on  peut  obferver  une  m; 
che  femblabîe  dans  les  progrès  de  l'erpc^el 
car  il  y  a  auffi  peur  elle  un  période  d'ei 
fance,  pendant  lequel  plufieurs  des  facult< 
de  l'ame  ne  font  pas  encore  développées 
&  toutes  font  encore  foibles  &  imparfaitej 

CO  Voyez  la  Note  XLVHI. 


Qualités 
morales 
des  Amé- 
licains» 


D  E    L'A  M  E  R  I  Q  U  E.  22t 

lans  leur  action.    Dans  les  premiers,  âges 
le  la  fociété,  oh  l'état:  de  l'homme  eft  en-  ^'^- ^^' 
s^ore  fîmple  &  groOier ,  fa  raifon  eft  très- 
•eu  exercée  &  Tes  deflrs  fe  meuvent  dans 
;ne  fphere  très -étroite.     De  •  là  naiffent 
leux  caraQeres  remarquables  qui  diilinguenc  - 
''efprit  humain  dans  cet  état  :  fes  facultés 
j  nteileduelles  font  extrêmement  bornées  ;  fes 
fForts  &  {es  émotions  font  foibîes   &  en        .    - 
•etit  nombre.    Ces  deux  caraderes  fe  re- 
marquent clairement  chez  les  plus  fauva- 
;es  des  tribus  Américaines  &  forment  une 
)artie  eiTentielle  de  leur  defcription. 

Ce  que  les  nations  polies  appellent  rai'.f^cuît^s 
onnemensou  recherches  de  fpécuktion  5  eft  tueiies 
■■ntierement  mconnu   dans  ce  premier  etattées. 
le  fociété,  &  ne  peut  jamais  devenir  Toc- 
rupation  ou  l'amufement  de  l'homme,  juf- 
pa'à  ce  qu'il  ait  fait  aflez  de  progrès  pour 
e  procurer  une  fubliftance  con liante  &  af* 
urée  &  pour  jouir  du  loifîr  &  du  repos, 
^es  penfées  &  l'attention  d'un  fauvage  font 
■enfermées  dans  le  petit  cercle  d'^objets  qui 
[ntéreffent  immédiatement  fa  confervation 
[)U  une  jouilTance.  atluelie.    Tout  ce  qui  eil 
iU^delà  échappe  à  fes  regards,  ou  lui  eil 


^.Tte 


ment  indiiférent  :  femblable  aux  ani. 

K3 


222  Histoire 

?*5Ë5i  maux ,  ce  qui  efl  fous  fes  yeux  rintérefle  5 

Liv.  IV.  ]»affcde  i  ce  qui  eft  hors  de  la  portée  de  f 

vue  ne  lui  fait  aucune  iniprelîîon  (i)»  ^^  Y 

en  Amérioue  plufieurs  peuples  qui  ont  Tinte) 

ligence  trop  bornée  pour  être  en  état  de  fair 

aucune  difpofition  pour  l'avenir.    Leur  prc 

voyance  &  leurs  foins  ne  s'étendent  pas  jui 

ques .  là.     Ils  fuivent  aveuglément  Timpu! 

fion  du  fentiment  qu'ils  éprouvent,  &  d 

s'embarraflent    point  des  conféquences  qi 

peuvent  en  réfulter  dans  la  fuite,  ni  mêm 

de  celles  qui  ne  fe  préfentent  pas  immédia 

tement  à  leur  efprit.    Ils  mettent  le  plu 

grand  prix  à  tout  ce  qui  leur  pré  fente  quel 

qu'utilité  ou    quelque  jouifTance  adtuellei 

&  ne  font  aucun  cas  de  tout  ce  qui  n'ei 

pas  l'objet  d'un  befoin  ou  d'un  defîr  du  mo 

ment  ("2).    Lorfqu'à  l'approche  de  la  nuk 

un  Caraïbe  fe  fent  difpofé  à  fe  livrer  ai 

fommeil,  il  n'y  a  aucune  confidération  qt^ 

puifle  le  tenter  de  vendre  fon  hamac  ;  mail 

le  matin  ,  lorfqu'il  fe  levé  pour  fe  livrer 

aux  travaux  ou  aux  plaifîrs  que  le  jour  h 


(i)  Ulloa,  Noîidas   ^meric,  p,  222. 

Câ)  Venegas  ,  htftolre  de  la  Californien  1,  p,  66.  Chui 
Chili  colleSi,  V^  693,  Barde,  àefcr,  des  Caraïbes ^p»  li 
WiiiiFoy,  194. 


D  E    L*A  M  E  R  I  Q  U  E.  2Ô3 

i annonce,  il  donnera  ce  même  hamac  pour   mmm 
la  bagatelle  la  plus  inutile  qui  viendra  frap-  ^^^'*  ^^' 
per  Ton  imagination  (i}.     A  la  fin  de  i'hi- 
îver  3  quand  Timpreffion  de  ce  que  la  rigueur 
du  froid  lui  a  fait  fouffrir  efl  encore  récen- 
te dans  refprît  du  fauvage  d'Amérique ,  il 
,5'occupe  avec  aûivicé  à  préparer  des  maté- 
riaux pour  fe  bâtir  une  hutte  commode  qui 
puifie  le  garantir  contre  Tinclémence  de  la 
Ifaifon  fuivante;  mais  à  mefure  que  le  tems 
^devient  plus  doux  ,  il  oublie  ce  qu'il  a  é- 
Iprouvé,  abandonne  Tes  travaux  &  n'y  penfe 
[plus,  jufqu'à  ce  que  le  retour  du  froid  le 
force,  mais  trop  tard,  à  les  reprendre  (2}. 
Si  pour  les  intérêts  les  plus  preiTans ,  & 
h  ce  qu'il  fcmble  les  plus  iîmples ,  la  raifoa 
[de  l'homme  fauvage  &  dénué  de  cukure  , 
diffère  fi  peu  dé  la  légèreté  des  enfans  6c 
du   pur  inftmdl  des  animaux  ,  elle  ne  peac 
pas  avoir  une  grande  influence  fur  les  au- 
tres allions  de  fa  vie.    Les  objets  fur  lef- 
,  quels  la  raifon  s'exerce  &  les  recherches 
auxquelles  elle  fe  livre ,  dépendent  de  la  fi- 
tuation  011  l'homme  efl  placé  ,  &  lui  font 
indiquées  par  fes  affedlions  &  fes  befoins. 

CO  Labat,  Foy,  7/,  114,  115.  Dutertre,  //,  385* 
Qt)  Aia.lt  i  hîjh  of  Amer,   înd,  417. 

K4 


224 


H    ISTOI    RE 


Liv.  ÎV. 


Les  réflexions  qui  paroifîent  les  plus  nécef- 
faires  Ôc  les  plus  importantes  aux  hommej 
dans  un  certain  état  de  fociété  ,  ne  le  pré^ 
fentent  jamais  à  eux  dans  un  autre  ordre  dé| 
chofes.    Chez  les  nations  civilifées,  l'arith-i 
métique  ou  l'art  de  combiner  les  nombres^ 
efl  regardée  comme  une  fcience  eflentielîe 
élémentaire,  dont  Tinvention  &  l'ufage  dansa 
notre  continent  remontent  à  des  tems  antéf  ^ 
rieurs  aux   monumens  de  rhifloire.    Mais;< 
parmi  des  fauvages  qui  n'ont  ni  des  biens  ai 
évaluer,,  ni  des  richefies  accumulées  àcomp?>i 
ter  5  ni  une  multitude  d'objets  &  d'idées  il 
dénombrer,  l'arithmétique  efl  un  art  inutifi 
le  &  fuperflii  ;  auOi  efl -elle  entièrement 
inconnue  à  pluiieurs  peuplades  Américaines^, 
11  y  a  des  fauvages  qui  ne  peuvent  comp- 
ter que  jufqu'à  trois,  &:  n'ont  aucun  termei 
pour  diflinguer  un  nombre  fupérieur   (i).l 
Quelques-uns   comptent  jufqu'à    dix,    (Sci 
d'autres  jufqu'à  vingt.     Lorfqu'ils  veulent  j 
donner  l'idée  d'un  nomibre  au  -  delà  ,  il^i 
montrent  leur  tête,  pour  faire  entendre  que 
ce  nombre  efl  égal  à  celui  de  leurs  che^ 
veux,  ou  difent  avec  étonnement  qu'il  efti 

fil 

Cij  LaCondaniine,  p,  67.  Stndius,  ap.  deBry.^X,  i2S»i 
LQtYfîMd.  251.  Biet,  362»  Leurss  Edif,  23-214. 


ï>  E    l'A  m  e  r  I  Q  û  Ë,  225 

il  grand  qu'il  e(l  impofilbledé  re?cprimer(iO. 

i^on-Teulem-irt  les  Américains,  mais  .enco-  Lxv.IV. 

e  tous  les  peuples  qui  font  dans  cec  étac 

aavage,  fembîenc  ignorer  V^t  du  calcul (2). 

vcpendanc ,  auffitôt  qu'ils  apprennent  à  con* 

oître  une  grande  variété  d'objets  &  qu'ils 

nt  des  occafions  fréquentes  de  les  confidé- 

cY  unis  ou  divifés  ,   ils  fe   perfedionnent 

ans  la  connoillance  des  nombres;  de  for-     • 

e  que  l'état  de  cet  art  chez  tous  les  peu- 

lies  peut  être  regardé   comme  une   régie 

l'a  près  laquelle  oh  peut  eflimer  les  degrés 

le  leurs  progrès  dans  la  ciyilifatiôn.     Les 

roquois  dans  l'Amérique  feptentrionale,  é- 

ant  beaucoup  plus  civilifés  que  les  habitans 

^rofliers  du  Bréûl  ,  du  Paraguai    &  de  îa 

juyane ,  font  auffi  beaucoup  plus  avancés 

i  cet  égard ,  quoique  leur  calcul  ne  s'étende 

)as  au-d^là  de  mille  ;  ma-is  ils  n*ont  point 

d'affaires  aflez  compliquées  pour  avoir  bs* 

':bin  de  fùppmer  de  plus  grands  nombres  (3^ 

LesCherakis,  qui  forment  umi  nation  moins 


Ci)  Duniorit ,  Louis,  I,  p.  iS^.  Heri'eia ,  ^^t'^^.'  i ,  lif^ 
7/,  c.  3.  Bict,  396.  Borde,  6. 

C^)  C'eft  le  cas  des  Groenlandois ,  voyez  Crantz,  T, 
ils,    &  des  Kanufchadales ,.  voy.    l'Abbé  Ch.tpp&,   m^ 

Qi.y  Chadevobi ,  Nouy,  Fr,  Iir,  po>  40s,- 

K5 


22(î  Histoire 

—    confidérable  du  même  continent,  ne  pe 
Uv.  IV.    ygjj^  compter  que  jufquà  cent ,  &  ils  o 
des  mots  pour  exprimer  les  difFérens  nor 
bres  jufqu'à  ce  terme -là.     Les  tribus  pli 
petites  de  leur  voifmage  ne  vont  pas  au  -d 
là  de  dix  (i). 
Ils  n'ont     L'exercice  de  Tentendement  chez  les  pe« 
Séès'^abr*  P^^^  fauvages  efl:  à  d'autres   égards  encoi 
eaices.     plus   limité.     Les  premières  idées  de  toi 
être  humain  ne  peuvent  être  que  celles  quy 
reçoit  par  les  fens  ;  mais  il  ne  peut  guenr 
en  entrer  d'autres  dans  l'efprit  de  rhomnr 
tant  qu'il  eft  dans  l'état  fauvage.    Son  œ 
cft  frappé  des  objets  qui  l'environnent.  Ceui 
qui  peuvent  fervir  à  Ton  ufage  ou  fatisfain 
quelqu*un    de  fes  defirs  attirent  Ton  attei' 
tion;  mais  il  voit  les  autres  fans  intérêt  « 
fans  curiofité,     lî  fe  contente  de  les  con() 
dérer  fous  le  rapport  fimpîe  où  ils  s'ofïrec 
à  lui;,  c'eft-à-dire,  ifolés  tSi  diftindls  les  ud 
des  autres  ;   mais  il  ne  fonge  point  à   U 
combiner  pour  en  former  des  clafles  génè 
raies;  il  ne  conlidere  point  leurs  qualité, 
particulières  &  ne  fe  rend  point  compta  d® 

impreffions  qu*ils  font  fur  fon  propre  efprit 

' .      .^ 

(O  Adair,  h}{}  of  Jmsr.  ind*  p*  27-    ^oyei  h  Nai3 
XLUC. 


BE    L'A  M  R  R  I  q  U  E»  SI? 

j  Ainfi  il  ne  connoîc  aucune  des  idées  que 
j  nous  avons  appellées  univerfelles ,  uhftraiîes 
j  ou  réfléc'ies.     L'attivité  de  fon  intelligence 
\  ne  doit  donc  pas  s'étendre  bien  loin ,  &  foa 
l  raifonnement  ne  peut  s'exercer  que  fur  les 
chofes  fenfîbles.     Ceia  eil  fi  évident  chez 
les  nations  les  pkis  grofîîeres  de  l'Améri- 
:  que,  qu'il  n'y  a  pas  dans  leur  langue,  corn- 
nie  on  le  verra  plus  bas ,  un  feul  mot  pour 
.  exprimer  ce  qui  n'eit  pas  matériel.  Les  mots 
^  de  tems  ^  à'ejpace ,  àt  fuhftance  &  mille  au- 
tres termes  qui  expriment  des  idées  abftrai* 
tes  &  univerfelles,  n'ont  aucun  équivalent 
.  dans  leurs  idiomes  (i).    Un  fauvage  nud  , 
accroupi  près  du  feu  qu'il  a  allumé  dans  fa 
J  miférable  cabane,  ou  couché  fous  des  bran-, 
chages  qui  lui  offrent  un  abri  momentané  , 
;  n'a  ni  le  tems ,  ni  le  pouvoir  de  fe  livrer  à 
;  de  vaines  fpéculations.    Ses  penfées  ne  fe 
[  portent  pas  au-  delà  de  ce  qui  intéreffe  la 
j  vie  animale,  &  lorfqu'elles  ne  font  pas  di- 
\  rigées  vers  quelqu'objet  d'utilité  préfence  , 
I  fon  efprit  refte  dans  une  entière  inaflion. 
;  Dans  les  fituations  oh  il  ne  faut  aucun  ef- 
i  fort  extraordinaire  de  travail  ni  d'induitrie 
pour  fatisfaire  aux  befoins  timples  de  la  nâ- 

Cl)  Ia  Condamioe,  f.  54* 

K0 


Liv.  IV. 


Liv.  IV. 


2a8  Histoire 

ture,  refprit  efl  fi  rarement  mis  en  adivîté 
que   les    facultés  du    raifonnnement   n'ont 
prefqu'aucune  occafion  de  s'exercer.     Les 
nombreufes  tribus  dirperiees  fur  les  riches 
plaines  de  l'Amérique  méridionale ,    à,  les 
habitais  de  quelques-unes  des  iflcs  &  de 
plufieurs  plaines  fertiles  du  continent  peu- 
vent être  compris  dans  cette  elalTe.    Leur 
phyfionomie  inanimée,  leur  regard  fixe  & 
fans  expreffion ,    leur  froide  inattention  & 
l'ignorance  entière  cii  ils  étoientfur  les  pre-j 
miers  objets  qui  fembleroient  devoir  occu** 
per  les  penfées  de  tout  être  raifonnable , 
firent  une  telle  impreffion  fur  les  Efpagnois« 
qui  les  obferverenc  pour  la  première  fois», 
qu'ils  ne  purent  croire  qu'ils  appartinflent 
à  l'efpece  humaine  &  les  regardèrent  com- 
me des  animaux  qui  leur  étoient  inférieurs/ 
(i>  Il  fallut  l'autorité  d'une  bulle  du  pape< 
pour  détruire  cette  opinion  &  pour  convain^i 
ère  ks  Efpagnols  que  les  Américains  étoienCi 
capables  de  toutes  les  fondllons  d'hommes-, 
&  dévoient  jouir  de  tous  Iqs  droits  de  l'hu- 
îiianité  (2).  Depuis  ce  tems,  des  perfonnes 
plus  éclairées  &  plus  impartiales  que  les 

Ct>  Herreia,  d^.cL:',  2  ,  lib.  II,  c,^  15.. 
i%X  TorAX»eiîîada  j  mmU.  Ud^  IIU  igl,. 


D  E  l'A  m  e  r  I  q  u  e.        229 

mteurs  de  la  découverte  &  de  la  conquête   — -7 

,   .      ,  .  n         M   1  r       Lav.  IV» 

Je  l'Amérique,  a>yanc  eu  oceaiioa  d  obler- 
v'er  les  plus  fauvages  de  ces  peuples ,  ont 
été  auffi  étonnées  qu'humiliées  de  voir  com- 
bien en  cet  état  l'homme  efl:  peu  difFérent 
:ies  animaux.    Mais  dans  des.  climats    plus 
rigoureux: ,  oîi  l'on  ne  peut  fe  procurer  fa 
fubUftance  avec  la   même  facilité  ,   ob  leiî 
lommes  font  obligés  de  s'unir  plus  étroite- 
ment &  d'agir  avec  plus  de  concert,  la  né- 
:eiîîré  développe  leurs  talens  &  aiguife  leur 
Inveniion  ;  de  forte  que  les  facultés  intel- 
lectuelles y  font  plus  exercées  &  plus  per- 
fectionnées.    Les  naturels  du  Ciiili  &    da 
nord  de  l'Amérique,  qui  habitent  les  régions 
tempérées  des   deux  grands  diftriûs  de  ce 
•continent ,  font  des  peuples  d'un  efprit  cul- 
tivé &  étendu  en  comparaifon  de  ceux  q^ii 
.habitent  les  ifîes  ou  les  bords  da  iMaragnon 
&  de- rOrenoque,    Leurs  occupations   fonc 
^.plus  variées,  leur  fyfteme  de  police  cS:  de 
iguerre  plus  combiné,  leurs  arcs  plus  nom- 
>breux.     Mais-  chez  ces  peuples  mêmes  ks 
ifacukés   intelleCluelles    font    extrêmem.enc 
ibornées    dans  leurs  opérations  ,  &  ils  n'en 
ifont  point  de  cas, à  moins  qu'elles  ne  foient 
^dirigées  vers  les  objets  qui  intérefientii^a^- 


Liv.  IV. 


«30  HiSTOIRÎÎ 

médiatement  l'homme  fauvage.  Les  Atné 
ricains  feptentrionaux  ,  ainfi  que  ceux  d 
Chili ,  lorfqu'ils  ne  font  point  engagés  dan 
quelques  ♦  unes  des  occupations  qui  appai 
tiennent  h  la  guerre  ou  à  la  chafle,  confu 
ment  leur  rems  dans  une  indolence  ftupide 
&  ne  connoiflent  aucun  objet  digne  d'attiré 
leur  attention  ou  d'occuper  leur  efprit  (ij 
Si  chez  ces  mêmes  peuples  la  raifon  humaii 
ne  fe  meut  dans  une  fphere  fi  étroite  d'a£l:il 
vite ,  &  n'arrive  jamais ,  dans  Tes  plus  grand 
cffot'ts ,  à  la  connoifiance  dej»  principes  ( 
des  maximes  générales  qui  fervent  de  foi) 
dément  à  la  fcience,  nous  pouvons  conclil 
re  que  les  facultés  intelleftuelles  de  l'horm 
me  dans  l'état  fauvage,  ne  fe  portant  point 
fur  les  objets  les  plus  propres  à  leur  donno 
de  l'aûivité,  ne  peuvent  acquérh*  que  p@ 
de  vigueur  &  d'étendue. 
y  . .  Par  un  effet  des  mêmes  caufes ,  les  puiîi 
înteiiec-  fances  adlives  de  l'ame  doivent  s'exercer  rîl' 
foibies  &  rement  &  prefque  toujours  foiblement  S 
fenfei.  ^°"s  examinons  les  motifs  qui  dans  la  vii 
civilifée  mettent  les  hommes  en  mouvemai 
&  les  portent  à  foutenir  longtems  des  efl 
forts  pénibles  de  vigueur  ou  d'induftrie 


D  E     L*A  M  E  R  I  Q  U  E.  23I 

ilîous  trouverons  que   ces  moiifs    tiennent   — 1 
i  particulièrement  à  des  befoins  acquis.     Ces  ^iv,  IV. 
tbefoins  multipliés  &  importuns  tiennent  l'a- 
fmedans  une  agitation  perpétuelle,  à,  pour 
[les  fatisfaire  ,   l'invention  doit  être  conti- 
nuellement tendue  Ù.  refprit  fans  cefle  oc* 
cupé.     Mais  les  defirs  de  la  ûmple  nature 
font  en  petit:  nombre;  dans  les  lieux  oti  un 
climat  favorable  produit  prefque  fans  effort 
Etout  ce  qui  peut  les  fitisfaire,  à  peine  agis» 
sfent-ils  fur  Tame  &  ils  y  excitent  rarement 
des  émotions  violentes.     Ainfi  les  habicans 
'de  pluûeurs  parties   de  TAmerique  pafTent 
leur  vie  dans  une  indolence  &  une  inaélion 
totale:  tout  le  bonheur  auquel  ils  afpirent 
îc'ell  d*être  difpenfés  de  travail.     îls  relient 
fdes  jours  entierjs  couchés  dans  leur  hamac  , 
jeu  alTis  n  terre,  dans  une  oifiveié  parfaite, 
'fans  changer  de  pofture,  fans  lever  les  yeux 
Ide  delTus  la  terre,  fans  prononcer  une  feule 
(parole  (i). 

Leur  averuon  pour  le  travail  eft  telle,  que  Manr^ 

de  pré- 

fni  refpérance  d'un  bien  futur ,  ni  la  crainte  cautioi^ 
d'un  mal  prochain,  ne  peuvent  la  furraoB- 
Iter.     Ils  paroiffent  également  indifférens  à 
irun  &  à  Tautre,  montrant  peu  d'inquiétude 

CO  Bou^uer ,  yoyag»  au  Pérou ,  102»  Borde  >  15, 


1^  H  I  s  T  O  I  R  E 

■—  pour  éviter  le  mal  &  ne  prenant  aucune  pré- 
Liv.  IV  g^m-JQj^  pour  s'affurer  le  bien.     L'aiguillon 
.de  la  faim  les  mec  en  mouvement  ;   mais 
eomme  ils  dévorent  prefque  fans  diftindion 
tout  ce  qui  peut  appaifer  ces  befoins  de  Tin- 
flinâ:,  les  efforts  qui  en  font  l'effet  n'ont 
que  peu  de  durée.     Comme  leurs  defirs  ne 
font  ni  ardens  ni  variés,    ils  n'éprouvent 
point  l'adtion  de  ces  reîTorts  puilTans  qui 
donnent  de  la  vigueur  aux  mouvemens  de 
l'ame  &  excitent  la  main  patiente  de  l'in- 
duflrie  à  perfévérer  dans  fes  efforts.  L'hom« 
Eie ,   en  quelque  partie  de  l'Amérique,  fe 
montre  fous  une  forme  (î  giofliiere  que  nous 
î3e  pouvons  découvrir  aucun  des  effets  de 
fon  indudrie,   (Se  que  le  principe  de  raifoa 
qui  doit  la  diriger  femble  à  peine  dévelop- 
pé.    Semblable  aux   autres  animaux   il  n'a 
point  de  réfidence  fixe;  il  ne  s'eft  poiûti 
fait  d'habitation  pour  fe  mettre  à  l'abri  dé 
l'inclénunce  des  faifons;  il  n'a  pris  aucunf 
précaution   pour  s'afiurer    une    fubOflancà 
Gonflante;  il  ne  fait  ni  femer^  ni  recueilliï^l 
mais  il  erre  çà  &  là  pour  chercher  les  plan«i^ 
tes  &  les  fruits  que  la  terre  produit  fucce 
fivement  d'elle-même;  il  pourfuit  le  gibieff 
qu'il  tue   dans  les  forées,  ou  il  pèche  lè 
poifTon  daos  les  rivières.. 


D  E      L'^A   m  E  R  I    Q    U   E.  233 

1  Cette  peinture  ne  peut  cependant  s'appli-  silLi 
fuer  qu'à  certains  peuples.     L'homme  ne  ^vanéS* 

îeut  relier  lonctems  dans  cet  état  d'enfance  fur  ces 
°  objets. 

:  de  foibleflfe.  Né  pour  agir  &  pour  pen- 
sr,  les  facultés  qu'il  tient  de  la  nature  & 
i  néceffité  de  fa  condition  le  prelTent  de 
emplir  fon  defnn.  Aufiî  voit -on  que  par- 
li  la  plupart  des  nations  Américaines,  par- 
iculierement  celles  qui  vivent  fous  des  cli- 

iaats  rigoureux,  l'homme  fait  des  efforts  & 
)rend  des  précautions  pour  fe  procurer  une 

[ubfiftance  alTurée;  c'eft  alors  que  les  tra- 
aux  réguliers  commencent  &  que  l'indus* 
rie  laborieufe  fait  les  preirviers  eflais  de  foa 

■  pouvoir.  Cependant  on  y  voit  encore  pré- 
iiominer  l'efprit  de  parelîe  &  d'infcuciance 
^ie  l'état  fauvage.  Même  parmi  ces  tribus 
moins  groiTieres  le  travail  eft  regardé  com- 

^  me  honteux  &  aviliilant  ,  &  ce  n'efl  qu'à 

I  lies  ouvrages  d'un  certain  genre  que  l'hom- 
nie  daigne  employer  fes  mains.  La  plus 
grande  partie  des  travaux  eft  le  partage  des 
femmes»  Ainfî  une  moitié  de  la  communaux 
té  refte  dans  l'inadion ,  tandis  que  l'autre 
|e(l  accablée  de  la  multitude  &  de  la  conti- 
nuité de  fes  occupations.  Leur  indu Riie  fe 
borne  à  quelques  objets ,  ^  leur  prévôyaE* 


234  Histoire 

ce  n*efl:  pas  moins  limitée.     On  voit  u 

IV.  exemple  remarquable  de  ce  que  je  dis  dai 

l'arrangement  général  qu'ils  fuivent,  relat 

vement  à  leur  manière  de  vivre.    Ils  coraj 

tent  fur  la  pêche  pour  leur  fubûitance  pei 

dant  une  partie  de  Tannée ,  fur  la  chaf 

pour  une  autre  partie,  &  fur  le  produit  ( 

leur  culture  pour  une  troifîeme,    Quoiqi 

Texpérience  leur  ait  appris  à  prévoir  le  r- 

tour  des  différentes  faifons  &  à  faire  quelquv 

provifîons  pour  les  befoins  refpedlifs  de  C(( 

tems  divers,  ils  n'ont  point  la  fagacité  ( 

proportionner  ces  provifîons  à  leur  confoui 

mation,  ou  bien  ils  font  tellement  încap.f 

blés  de  dompter  leur  appétit  vorace  qu'i' 

éprouvent  fou  vent  les  calamités  de  la  fanii 

ne  avec  autant  de  rigueur  que  les  tribus  kl 

plus  grôlïïeres.    Ce  qu'ils  fouffrent  une  ai 

née  ne  fert  ni  à  augmenter  leur  induftrié 

ni  à  leur  infpirer  plus  de  prévoyance  pou| 

prévenir  un  femblable  malheur  (i}.    Ceti^ 

indifférence  fi  peu  réfléchie  fur  l'avenir,  qH 

ell  l'effet  de  l'ignorance  &  la  caufe  de  la  pij 

relfe,  caraftérife  l'homme  dans  tous  les  d* 

Ci^  Charlevoîx,  Nouy»  J^rance,  III,  338.  Latr,  édif,  2. 
98.  Befcrïpt.  de  Id  Nouy,  Frana*  Osbom's  C9lkSi,^tZ^ 
De  la  Potherie.  II,  63. 


D  E    L*A  M  E  R  I  QUE.  235 

|rés  de  la  vie  fauvage  ;  &  par  une  bifarre  — ■ 
■jngularité  de  fa  conduite,  il  devient  d'au*  ^^v.iv. 
:ant  moins  inquiet  fur  fes  befoins  que  les 
noyens  d'y  pourvoir  font  plus  incertains  & 
)lus  difficiles  à  obtenir  (i}. 

III.  Après  avoir  examiné  quelle  étoic  la  Etat  fe- 
:on{litution  phyGque  des  Américains  &quel*  "^^ 
es  étoient  leurs  facultés  morales,  l'ordre 
laturel  de  notre  travail  nous  conduit  à  les 
:onlidérer  comme  raflemblés  en  corps  de 
'fociété.  Jufqu'à  préfent  nos  recherches  fe 
jont  bornées  aux  effets  de  leur  induftric 
pour  eux  •  mêmes ,  comme  individus  ;  nous 
allons  examiner  maintenant  quelles  font  les 
affedtions  (Se  quel  eft  le  degré  de  fenfibilité 
qu'ils  montrent  pour  leurs  fembîables. 

L'état  domeftique  eft  la  première  &  la  unicm 
:plus  fimple  forme  des  aûbciatioas  humaines,  ^f^^^ 
[L'union  des  deux  fexes  entre  les  dilFérens 
[animaux  a  toujours  une  durée  proportionnée 
'aux  moyens  &  aux  difficultés  d'élever  leurs 
petits.  Il  ne  fe  forme  aucune  union  perma» 
nente  parmi  les  efpeces  oii  la  durée  de  l'en- 
fance eft  très -courte  &  oh  l'animal  acquiert 
rapidement  la  vigueur  &  l'agilité,  La  natu» 
ire  y  confie  à  la  mère  feule  le  foin  d'élever 

Ci)  Voyez  la  Note  L, 


2^6  Histoire 


^515  les  petits  &  fa  tendrelTe  fuffit  à  ce  devo- 

IV.  iv.^^jjg  aucune  autre  affiftance.    Mais  dans  k 

efpeces  oti  Tenfance  eft  très -longue  &  très 

foible ,  oh  les  fecours  réunis  du  père  6c  d 

la  raere  font  nécellaires  pour  le  foutien  dt 

petits,  il  Te  forme  des  unions  plus  intimesa 

qui  continuent  jufqu^à  ce  que  l'objet  de  '. 

nature  foit  accompli  &  que  la  nouvelle  rac 

•foit  parvenue  à  l'âge  de  la  force,    Comm 

l'enfance  de  l'homme  ell  beaucoup  plus  fo 

ble  &  a  plus  befoin  de  fecours  que  celle  d 

tous  les  autres  animaux  ;  comme  il  dépen 

beaucoup  plus  auffi  des  foins  &  de  la  pré 

voyance  de  fes  parens ,  l'union  de  l'homm 

Ù.  de  la  femme  doit  être  coniidérée  comffli 

le  contrat  non  ■  feulement  le  plus  folemnel 

mais  même  le  plus  permanent.   Cet  état  d 

nature  ob  toutes  les  femmes  appartienne] 

à  tous  les  hommes  &  tous  les  hommes 

toutes   les  femmes,  n'a  jamais  exiflé  q.u 

dans  l'imagination  des  poëtes.    Dans  l'orirj 

gine  des  fociétés,  quand  l'homme  fans  a^ 

&  fans  induftrie  mené  une  vie  dure  &  pr 

Caire ,  l'éducation  des  enfans  exige  les  foin 

&  les  efforts  du  père  &  de  la  raere.    Lea 

race  ne  pourroit  fe  conferver  (î  leur  uniot 

B'étoit  formée  <5c  continuée  dans  cette  vue 


Liv.  IV, 


DE    L*A  M  E  R  I  Q  U  E.  237 

!n  Amérique  même,  parmi  les  tribus  les 
»lus  barbares  ,  Tunion  de  l'homme  &  de 
1  femme  étoit  foumife  à  des  règles,  &  les 
'Foi es  du  m.ariage  étoient  reconnus  &  fixés, 
^ans  les  contrées  oii  les  moyens  de  rubfifter 
toicnt  peu  nombreux  5c  oii  les  difficultés 
'élever  une  famille  étoient  par  conféquent 

es  •  grandes  ,  ] 'homme  fe  bornoit  à  une 
îule  femme.  Dans  les  climats  plus  chauds 
:  plus  fertiles ,  la  facilité  de  fe  procurer 
les  fubfiilances ,  jointe  aux  influences  de  Far* 
jeUT  du  climat,  portoit  les  habitans  à  aug- 
menter le  nombre  de  leurs  femmes  (i^.  Dans 
belques  pays  le  mariage  duroit  pendant 
bute  la  vie  ;  dans  d'autres ,  le  caprice  &  la 
^gereté  qui  forment  le  caradere  naturel 
es  Américains,  &  leur  averfion  pour  tou- 
3  efpece  de  contrainte ,  leur  faifoient  rom» 
re  le  nœud  du  mariage  fur  k  plus  léger 
irétex^e ,  &  même  fouvent  fans  en  affigoer 
(bcune  caufe  (2}. 

Mais  foit  qu'ils  confidérafTent  le  mariage  Çonjimn. 

^  ^    des  fem- 

I IJIQS, 

!  (i)  Lettres  éd'if.  23-318.  Laficau ,  Mœurs  des  Sauy.  /, 
y,.  Lery,  ap.  de  Bry  IIU  234.  Joura.  de  GuîlleS  &  Bc- 
'^amel ,  88. 

'■(2)  Lafitau  I,  580.  Joutel,  Jo-a/n,  liifl.  345.  Lozanzo  , 
..\  del  gi-an,  Chaco*   70.  Heiinepiii,  M&urs  d^s  Sauya\ 


23S  Histoire 

comme  une  um'on  pafiagere,  foit  qu'ils  1 
Liv.iv.  regardaflenc  comme  un  contrat  perpétuel 
rhumiliation  &  la  peine  étoient  toujoui 
également  le  partage  de  la  femme.    On 
demandé  û  la  condition  de  Thomme  éto 
devenue  meilleure  par  les  progrès  des  ar. 
&  de  la  civilifation  5  &  c'eft-là  encore  un 
de  ces  vaines  queilions  qui  nourriflent  l 
difputes  des  philofophes.  Mais  il  n'eft  poil 
douteux  que  les  femmes  ne  foient  redevi\ 
blés  à  la  politefîe  des  mœurs  d'un  changii 
ment  très  -  heureux  dans  leur  fort,    Dai 
toutes  les  parties  du  globe,  ce  qui  caradtu 
rife  particulièrement  l'état  fauvage,  c'efl  1 
mépris   &  l'oppreffion  auxquels  y  efl  cou 
damné  le  fexe  le  plus  foible.    L'homm 
enorgueilli  de  fa  force  &  de  fon  couragq 
qui  font  toujours   les  premiers  titres  à 
prééminence  parmi  les  nations  barbares , 
traite  la  femme  avec  dédain  &  comme  un 
tre  d'une  efpece  inférieure.  Peut-être  que  li 
fauvages  Américains  ont  encore  pour  eli 
plus  de  mépris  &  de  dureté,  par  une  fuij 
de  cette  infenfibilité ,  de  cette  froideur  n 
turelle  qu'on  a  remarquée  dans  leur  confl 
tution  phylîque.    Les   voyageurs   les  p| 
éclairés  ont  été  frappés  de  leur  extrêi 


D  E  l'A  m  e  r  I  q  u  e.  239 

.idifférence  pour  leurs  femmes.  Ce  n'eH:  «^S! 
toinc,  comme  je  l'ai  déjà  obfervé,  par  ces^'^*  ^"^'^ 
ïnns  complaifans  qu'infpire  la  teadrefle  , 
iiie  les  Américains  s'efforcent  de  mériter  le 
teur  de  la  femme  qu'ils  défirent  d'avoir  pour 
}rnpagne.  Le  mariage  même ,  au  lieu  d'ê- 
e  une  union  d'amour  &  d'intérêt  entre 
«ax  égauy,  efl  plutôt  une  chaîne  qui  lie 
ine  efclave  à  fon  m.aître.  Un  auteur,  dont  les 
opinions  doivent  être  d'un  très  -  grand 
foids,  a  obfervé  que  partout  où  Ton  ache- 
ri  les  femmes  leur  condition  eft  infiniment 
^lalheureufe  (i).  Elles  deviennent  les  efcla- 
es  &  la  propriété  de  celui  qui  les  acheté. 
•)ette  obfervation  fe  vérifie  dans  tous  les 
fays  du  monde  oîi  la  même  coutume  s'efi: 
établie.  Chez  les  peuples  qui  ont  fait  quel- 
ues  progrès  dans  la  civilifation ,  renfermées 
jians  des  appartemens  féparés ,  elles  gémif- 
lent  fous  la  garde  vigilante  &  févere  de  leur 
fnaître.  Chez  les  peuples  grofTiers,  elles 
[ont  condamnées  aux  plus  viles  occupation?, 
parmi  plufieurs  nations  de  l'Amérique,  le 
contrat  de  mariage  n'eft  proprement  qu'un 
bntrat  de  vente;  l'homme  y  acheté  une 
jémme  de  fes  parens.     Quoiqu'on  n'y  con- 

*  CO  ^keicfh's  of  hîflrëfmn,  /,  184. 


Liv.  iV. 


240  Histoire 

ncifle  l'afage  ni  de  la  monnoie,  ni  da'i 
autres  moyens  que  le  commerce  a  imagià^ 
parmi  les  nations  civilifées  pour  en  te; 
lieu  3  on  y  fait  cependant  fe  procurer  k 
objets  qu'on  defire  en  donnant  en  échang 
quelque  chofe  d'une  valeur  équivalent 
Chez  quelques  nations ,  l'acheteur  confaci 
fes  fervices  pour  un  certain  tems  aux  p£ 
rens  de  la  femme  qu'il  recherche  :  chc 
d'autres,  il  chafîe  pour  eux  dans  l'occafio 
&  les  aide  ou  à  cultiver  leurs  champs  ou 
creufer  leurs  canots.  Chez  quelques  autre 
enfin  5  il  leur  fait  préfent  des  cho fes  k 
plus  ellimées  &  les  plus  recherchées  pou 

leur  utilité  ou  leur  raretéXO*  ^^  ^^  ^^Ç° 
fa  femme  en  retour.  Toutes  ces  cauû 
jointes  au  peu  de  cas  que  tous  les  fauvagc 
font  des  femmes,  portent  un  Américain  i 
regarder  fa  femme  comme  une  fervan 
qu'il  a  acquife  ,  &  à  fe  croire  en  droit  d 
la  traiter  comme  un  être  inférieur  C^).  C 

t 


CO  Lafitau  5  Mœurs  des  Sauv*  1 ,  p,  560,  CharlevoiîN 
liouv,  France  lll^  -p,  285.  Heriera,  dec»  4,  lih,  FI,  c,t%\ 
Dumont  II ,  p,  156. 

Cs)  DLitertre  II ,  p,  382.  Borde,  Relat.  des  Mœurs  ii\ 
Caraïbes^  p,  21,  Bjet,  357,  La  Condainine,  p.  no.  Fet] 
snin,  l,j),  7p, 


D  E    l'A  îvI  e  r  I  q  u  e.  241 

putes  nations  non  civilifées ,  il  efl  vrai, 

\ts  fonctions  de  l'économie  domeflique,;na-  liv.  iv, 
prellement  réfervées  aux. femmes,  font  fi 
ombreufes  qu'elles  les  alTajettiffent  aux  tra- 
aux  les  plus  pénibles,  &  leur  .font  porter, 
lus  de  la  moitié  du  fardeau  qui  devroit 
i:re  le  partage  commun  des  deux  i'QKes4 
liîais  en  Amériqiae   particulièrement ,  leur 
Dildition  eft  fi  miférable  ,    &  la  tyrannie 
.i*ôn  exerce  fur   elles  fi  cruelle ,  que  le 
[  ot  de-fervitude  eft  encore  trop  doux  pour 
i^nner  une  jufte  idée  des  malheurs  de  leur 
[:at.    Parmi  quelques  tribus  la  femme  efl 
bnfidérée  comme  une  bête  de  fomme  def» 
bée  à  tous  les  travaux  &  à  toutes  les  fa- 
lguesj&, -tandis  que  l'homme  perd  fa  jouri- 
îe  entière  dans  la  diflipation  ou  dans  la 
iirefie ,  elle  eft  condamnée  à  un  travail 
'i)ntinuel  ,   on  lui  impofe  les  ouvrages  les 
tus  pénibles  fans  en  avoir  de  reconnoilTan- 
I'.    Il  n'eft  point  de  circonftance  dans  la 
\q  qui  ne  rappelle  aux  femmes  cette  infé*» 
brité  humiliante.     Il  ne  leur  eft  permis 
opprocher  de  leurs  maîtres  qu'avec  le  plus 
jofond  refpedt  ;  les   hommes    font    pour 
^es   des   êtres    fi   fupérieurs   qu'elles  ce 
Tome  IL  L 


:v:: 


Liv.IV. 


24*  HlSTOIRB 

peuvent  pas  même  manger  en  leur  préfen- 
ee  (i).  Enfin,  dans  quelques  contrées  de 
riimérique,  leur  defl-inée  efi:  fi  affreufi 
qu'on  a  vu  des  femmes  devenues  barbare: 
par  les  mouvemens  même  de  la  tendreff 
maternelle  ,  arracher  la  vie  à  leurs  fille 
pour  leur  épargner  la  fisrvitude  intolérabl 
à  laquelle  elles  alîoient  être  condamnée! 
C'eft  ainfi  que  la  première  infiitution  de  ] 
vie  fociale  efi:  pervertie  en  i\mérique:  c'ei 
ainfi  qu'en  mettant  tant  d'inégalité ,  en  étrj 
blifiTant  des  difi;in6lionjS  fi  cruelles  dans  cei 
te  union  domeftique ,  que  la  nature  avo 
deftinée  à  infpirer  aux  deux  fisxes  des  feii 
timens  doux  &  humains  ,  on  la  fait  fervl 
à  rendre  l'homme  dur  &  farouche  &  à  d* 
grader  la  femmx  par  Tabaififement  de  la  fd 
vitude. 

Femmes      C'efi:  peut  -  être  à  cette  opprefiîon  dai 

çgndes.    laquelle  elles  gémifient ,  qu'on  doit  at tribun 

en  partie  le  peu  de  fécondité  des  femi 

chez  les  nations  fauvages  ("2).  La  viguei 

de  leur  confi:itution  phyfique  efi:  épuifij 

— '- ■ ■ r;  I 

(i)  Gumilla  I ,  p,  153.    Bafiere ,  p.  164.   Labat  ,  i;| 

//,  p.  78.  Chanvalon , />.  51.  Duteitre  II,  p.  300. 
CO  Gumilla   II,  233-238.   Henera,  ^ica(^*  7,  Uk*  i\ 

#•  4« 


B  E  l'A  me  Kl  (IV  im  243 

par  Texcès  du  travail:  les  moyens  de  fubrif-  — -^ 
tance  dans  la  vie  faavage  font  û  peu  nom-  ^^^.1/. 
«breux  &  fi  (i)  incertains ,  qu'elles  font  for- 
':ées  de  prendre  une  multitude  de  précaa* 
pions  pour  prévenir  une  trop  grande  fécon- 
ilité.    Parmi  les  tribus   errantes ,   dont  la 
'ubQ fiance    dépend    principalement   de   la 
,:haiTe  ,  la  mère  ne  peut  guère  donner  fes 
oins  à  un  fécond  enfant  avant  que  le  pre- 
-;nier  ait  atteint  afTez  de  force  pour  être  en 
'juelque  forte  indépendant  des  foins  de  la 
•  endrefle  maternelle.    C*efl  •  là  fans  doute 
a  fource  de  cet  ufage  univerfel  parmi  les 
iemmes  Américaines  de  nourrir  leurs  enfans 
)endant  plufleurs  aLiées  (^2)  ,    &  comme 
!;lles  fe  marient  prefque  toujours  fort  tard, 
e  tems  de  leur  fécondité  eft  pafTé  avant 
liu'elles  aient  pu  achever  d*élever  fuccelïï- 
l-ement  deux  ou  trois  enfans  (^3).     Parmi 
\Qs  tribus  groffieres,  qui  n'ont  ni  afTez  de 
(irévoyance  ni  aflez  d'induflrie  pour  faire 
iles  proviiîons  de  vivres ,  c'efl  une  maxime 
|;énérale  qu'il  ne    faut  jamais   fe  charger 

I  CO  Laficau,  I,  p.  590.  Chailevoix,  lll,p.  304» 
I  Ca)  Herrera ,  de:ad.  6,  Hb,  /,  c.  4. 
[(.S)  Charlevoix  III,  303.    Damont,  M^tn,  fur  U  Lotà' 
■xne  Ifi  p>  z-o,  Dsnys,  hiji.  nat.  de  VJm^rique  //,i>.  3^» 
barlevQLi»  hifi*  du  Paras*  II 9  f»  4aa«, 

L  2 


244  Histoire 

d'élever  plus  de  deux  enfans  (i);  aufli  ne 
Liv.  IV.  trouve  - 1 .  on  jamais  parmi  ces  peuples  des 
familles  auiïî  nombreufes  que  daas  les  fo- 
ciétés  civilifées  (2}.  Quand  il  naît  deux 
jumeaux,  l'un  des  deux  ell  communément 
abandonné,  parce  que  la  mère  ne  .pourroit 
fuffire  à  les  élever  l'un  &  l'autre  (3).  Lorf- 
qu^il  arrive  que  la  mère  meurt  dans  le  tems 
qu'elle  nourrit  fon  enfant,  on  ne  peut  plus 
efpérer  de  conferver  fa  vie  <Sc  on  l'enterre 
à  côté  de  fa  mère  (4).  Enfin ,  dans  ces  di- 
fcttes  fréquentes  auxquelles  les  Américains 
font  expofés  par  leur  llupide  indolence ,  la 
difficulté  de  nourrir  les  enfans  devient  quel- 
quefois û  grande  qu'il  n'efl  point  rare  de 
les  voir  abandonnés  &  même  tués  par  leun 
parens  (j).  C'efl  ainfi  que  le  fentiment  dçî 
peines  qu'il  faut  fs  donner  dms  la  vie  fau« 
vage  pour  conduire  les  enfans  jufques  à  l'â- 
ge mûr,  étouffe  fouvent  la  voix  de  la  na- 

(i)  Tecbo's  accoimt  of  Paraguay i  &c.  CburcbiH  collet 
6,  log.  Lettr.  éibf,  XXlV-ioo.  Lozano,  defcr*Çf2% 

(2)  Maccleufs  Journal  ^  6},, 

(3)  Lettr,  édif,  X ,  p.  200,  Voyez  la  Note  LT. 

(4)  Charlevoix  îll,  p.  5^8,  L;ttr.  édif.  X,  p.  2co.  P 
Melcb.  Hernandès ,  il/(?/-»or.  àô  ŒerLjui,' Co'.hea  cotleli 
orig.  pap.  I. 

Cs)  Venegas ,  //(/?.  0/  CaUforn»  I,  ^.  82, 


D  E     L*A  M  E  R  I  Q  U  E.  245 

[ture  parmi  les  Américains  &  les  rend  même 
[iQfenfibîes  aux  vives  émotions  de  la  tendref-  liv.iv. 
ifè  paternelle, 

■  Mais ,  quoique  la  nécefllté  oblige  les  ha-  Tenirefi 
Ibitans  de  PAmérique  à  mettre  des  bornes  à  f'^;^^^J^.^^ 
Iraccvoiffement  de  leur  famille,  il  s'en  faut&  les^ën- 
JDien  cependant  qu'ils  manquent  d'afîedlioa  " 
[&  d'attachement  pour  leur  progéniture» 
[Tant  que  la  foiblelTe  des  enfans  exige  leurs 
;  recours,  ils  Tentent  fortement  le  pouvoir 
[de  TindinQ  de  la  nature ,  &  aucun  peuple 
ine  peut  les  furpalTer  dans  les  foins  de  la 
itendreirepaterneHe  (i).  Mais  chez  les  na- 
tions barbares  la  dépendance  des  enfans  & 
le  pouvoir  des  pères  ont  bien  moins  de  du- 
rée que  chez  les  peuples  policés.  Quand 
une  éducation  prévoyante  doit  préparer  les 
enfans  aux  fonctions  variées  de  la  vie  civi- 
le; quand  il^  doivent  acquérir  la  connoIC- 
[fance  des  fciences  les  plus  abdraites  ou  fe 
[former  aux  arts  les  plus  compliqués  avant 
d'entrer  dans  la  carrière  du  monde ,  les 
foins  attentifs  des  parens  ne  fe  bornent  pas 
aux  jours  de  l'enfance;  ils  s'étendent  enco- 
,re  jufe]u'à  l'établiflement  de  l'homme  dans 
la  fpciété.    Et  même  alors  les  tendres  in- 

(0  Gumilla  I,  p.  211.    Biec,  p.  %go, 

1^3 


»4^  Histoire 

quiétudes  des  parens  ne  font  pas  finies  : 
i.i\,  IV.  leur  protedion  eft  encore  fouvent  néceffai- 
re;  leur  fagelTe  &  leur  expérience  font  en» 
core  des  guides  utiles.    C'eft  ce  qui  forme 
une  union  permanente  entre  les  enfans  & 
les  pères.    Mais  dans  la  fîmplicité  de  la  vie 
fauvage  la  tendrefle  paternelle,  femblable 
à  cette  aifeclion  d'inflindl  que  les  animaux  _ 
ont  pour  leurs  petits ,  cefTe  dès  que  les  en- 
fans  font  parvenus  à  l'âge  de  maturité.  ! 
ne  faut  pas  de  longues  inftrudlions  pour  les; 
rendre  propres  au  genre  de  vie  auquel  ilsn 
font  deftinés.    Les  parens  ,   auffitôt  qu'ils 
ont  conduit  leurs  enfans  jufqu'au-delà  dea 
cet  âge  de  foibleffe  oli  ils  ne  peuvent  pointa 
fubvenir  à  leurs  propres  befoins ,  leur  laif- 
fent  une  entière  liberté.    Ils  ne  leur  don^ 
nent  prefque  jamais  de  confeils ,  ils  ne  lei 
grondent  &  ne  les  châtient  point ,  ils  les 
laiflent  enfin  maîtres  abfolus  de  leurs  pro«o 
près  aftions  (i).    Dans  une  cabane  améri^ 
caine ,  le  père ,  la  mère  &  les  enfans  vi- 
vent enfemble  comme  des  perfonnes  que 
hafard  auroit  rafiemblées ,  fans  avoir  jamais 

(i)  Charlevoix  111,  p.  272.  Blet,  390.    Gumiila,  I,p.i 
212.  Lafitan,I,p.  602.  Creu.\ii  Canad^jp,  yi.  Fenian- 
dès,  relau  hîjî.  de  los  che^uit.  i&.  33. 


©  E     L'A  M  E  R  I  Q  U  E.  t^f 

es  uns  pour  les  autres  aucune  de  ces  attea-  ^— W 
jfions   qui   fembleroient  devoir    naître  des    Liv.iv. 
•apports  qui  les  unilTcnt:  (i^.    Le  fojvenir 
ks  bienfaits  qu'on  a  reçus  dans  la  premiè- 
re enfance  efl  trop  foiole  pour  exciter  ou 
iiourrir  la  tendreife  filiale,  lorfqu'elle  n'eft 
plus  entretenue  par  les   ioins  de  l'amour 
jpaternel.    Plein  du  fentimenc  de  fa  liberté 
i&  impatient  de  toute  gêne,  le  jeane  Amé* 
jricain  s'accoutume  à  agir  toujours  comme 
,s*il  étoit  entièrement  indépendant.    Il  n*a 
'.pas  plus  de  reconnoi (Tance  pour  fes  parens 
,  que  pour  toutes  les  autres  perfonnes  qui  vi* 
;  vent  avec  lui.     11  les  traite  même  queîque- 
ifois  avec  tant  de  mépris,  d'infoîeoce  ce  de 
cruauté  que  tous  ceux  qui   en  ont  été  Ie$ 
témoins  en  ont  été  pénétrés  d'horreur  Ç2}, 
Ces  mœurs ,  qui  fembjent  naturelles  à  Phom» 
I  me  dans  l'état  fauvage ,  parce  qu'elles  font 
i  le  produit   des   circonftances   de  cet  étal 
I  même,  influent  puiiTamment  fur  les  deux 
I  plus  grands  rapports  de  la  vie  domeflique. 
Dans  l'union  des  deux  fexes ,  elles  intro- 

(i)  Charlevoix,  Nouy»  Franc,  III,  p.  273. 
C^)  Gumilla,  I,  p.  212.   Dutertre,  H,/>.  37^»   Charle- 
i    voix,  Nouy.  Franc,  III,  p,  309.  Charlevoix,  hîjî,  du  Pa- 
!    ragimy,  /,  p.  115.  LozaoD,  defcr.  del  granChaco,  p,  (58, 
IC1S- 110.  Femand.  rela:,  hijh  de  los  chiquil»  p,  416» 

L  4 


Histoire 

duifent  une  grande  inégalité  entre  l'homme 
,hiyAV.  ^  ]^  femme;  elles  bornent  la  durée  &  af 
foibliflent  la  force  de  Tunion  des  pères  6 
des  en  fans. 
înîlitu-    •   IV-  Après  avoir  parlé  de  l'état  domefti 
tiquesl^'''  que  chez  les  Américains,  nous  fommes  con^ 
duits  naturellement  à  confidérer  leur  gou 
vernement  civil  &  leurs  in ilicutions  politi 
ques.    Dans  toutes  les  recherches  concer. 
cant  l'état  de  l'homme  ralTemblé  en  fociér 
té ,  les  moyens  de  fubflftance  font  le  pre» 
jnier  objet  qui  doit  fixer  l'attention.    Lef 
loix  &  la  police  varient  toujours  avec  ces 
moyens.    Les  inflitutions  nailTent  des.idée« 
&  des  befoins  des  tribus  oh  elles  s'établift 
fent:  celles  des  peuples  pêcheurs  &  chaf^ 
feurs,  qui  peuvent  à  peine  fe  former  l'idéQ 
de  quelqu'efpece  de  propriété,  doivent  é-,- 
tre  beaucoup  plus  fimples  que  celles  des 
peuples  qui  fe  font  fixées   fur  une   terre 
qu'ils  cultivent  régulièrement,  &;chez  lef- 
quels  il  exifle  des  droits  de  propriété ,  non- 
feulement  fur  les  produaions  du  fol ,  mais 
fur  le  fol  même. 
Leurs        Tous  les  peuples  de  l'Amérique  dont  nous 
reffources' paj.|Qj^g  ^  doivent  être  mis  dans  la  première 

cîalle.     Mais  quoiqu'ils  pu.'fTent  être  tous 

'■   •  ■     '         éga- 


vie* 


D  E    IL'A  m  E  R  I  Q  tJ  È.  24P 

également  compris  fous  le  nom  da  peuples 

jauvages ,  quelques  -  uns  étoient  beaucoup 

plus  avancés   que  les  autres  dans   les  arts 

I  ui  préparent  des  fubOftances  pour  l'avenir. 

[aniais  l'homme  ne  s'eft  montré  &  n'exilte. 

1  peut-  être  dans   un  état  plus  fauvage 

a'on  ne  le  trouve  dins  les  vaftes  plaines 

a  midi  de  PAmérique.    Quelques  peuples 

e   fubfiftent  que  des  produâiions  fponta- 

ées  de  la  nature.    Ils  ne  montrent  aucu- 

e  inquiétude  ,  ils  n'emploient  prefqu'aucu- 

:  e  précaution  ,   ils  n'exercent  aucun  art  ^ 

■ucune  induftrie  pour  s'alTurer  les  chofes  les 

•lus  néceflaires  à  la  vie.    Lqs 'Topayers  du 

Jrefil,  les  Guaxeros  de  Terre  -  ferme  ,  les 

hïguas  5  les  Moxoî  à,  quelques  autres  peu- 

;>les.  du  Paraguay  5  ne  coanoiffent  abrolumenc 

lucune  efpece  de  culture»     Ils  ne   favenc 

|nême  ni  femer  5  ni  planter.    La  culture  du 

inânioc  avec  lequel  on  fait  le  pain  de  caf- 

lave^  ell  un  art  trop  compliqué  pour  leur  in - 

.iuflrie,  ou  trop  fatigant  pour  leur  parelTe. 

il.es  racines  que  la  terre  produit  d'elle   mê* 

iîie,  les  fruits,  les  baies  &  les  grains  qu'ils 

i'ecueillent  dans  les  bois ,  avec  les   lézards 

l5c  les  autres  reptiles  que  la  chaleur  engen- 

|jre  tpujours  dans  les  terreins  gras  &  arro- 


Liv.  IV. 


250  Histoire 

fmamm  fés  par  de  fréquentes  pluies ,  forment  leur 
Liv.  IV.  nourriture  pendant  une  partie  de  l'année  (i). 
La  pêche.  Ils  vivent  de  la  pêche  le  refle  du  tems. 
La  nature  elle-même  femble  avoir  favori* 
fé  la  pareffe  de  ce  peuple ,  par  la  profufîon 
avec  laquelle  elle  lui  donne  tout  ce  qui  fuf. 
fit  à  fes  befoins.  Les  vaftes  rivières  de  l'A- 
mérique méridionale  fourniffent  en  abon- 
dance les  poiiïbns  les  plus  délicats  &  lei 
plus  variés.  Les  lacs  &  les  marais ,  formel 
par  les  inondations  annuelles  des  eaux ,  foni 
remplis  de  différentes  efpeces  de  poiflbn! 
qui  y  reftent  comme  en  des  réfervoirs  na. 
turels  pour  les  befoins  des  habitans:  il  y  î 
des  lieux  oh  le  poiffon  efl  en  fi  grand» 
abondance  qu*il  ne  faut  ni  art  ni  adrelTi 
pour  le  pécher  ("2).  En  quelques  autre 
endroits  les  naturels  du  pays  ont  trouvé  h 
moyen  d*infeâ:er  les  eaux  du  fuc  de  certaii 
ces  plantes ,  qui  enivre  le  poifTon  de  manie 


^  (O  Nieuhoff ,  M  fi.  of  Brafd,  Churchill  colledi.  Il\  p, 
134.  Simon,  conquîfîa  de  tierra- firme ^  p,  156.  Techon 
acconnt  of  Paraguay,  Churchill ,  F/,  78.  Lettr.  éàif.  2!jl 
38|-îo-i()0.  Lo?ano,  defcr,  àel  gran  Chaco  t  p»  81.  Ribifiîi 
Ai/?,  de  los  Tr'mmfos  ^  P-  7*  » 

Ca)  Voyez  la  Noth  LIf. 


DE     L'A  M  E  R  I  Q  U  E,  2Jl 

3  qu'il  vient  flotter  fur  la  furface  de  l'eau 
h  Ton  le  prend  avec  la  main  (î).    Quel-  ^^v.iv, 
ues  tribus  ont  l'art  de  le  conferver  fans 
î  fecours  du  fel ,  en  le  faifant  fécher  ou 
amer  fur  des  claies  au  moyen   d'un  feu 
rès  -  lent  (2^,    La  fécondité  des  rivières 
e   l'Amérique  méridionale   a  engagé  plu* 
eurs  peuples  à  ne  vivre  que  fur  les  côtes 
:  à  fe  confier  entièrement  pour  leur  nour- 
iture  à  l'abondance  des  poiflbns   que  les 
aux  leur  fourniflent  (3).    Dans  cette  par- 
ie du  globe,  la  chaffe  n'a  été  ni  la  premie- 
e  occupation  de  l'homme  ,  ni  le  premier 
îfFort  de  fon  efprit  &  de  fon  activité  ;  il  y 
.   été   pêcheur  avant  d'être  chaiTeur  ;    & 
lorame  la  pêche  n'exige  ni  autant  d'adivité 
,n  autant  d'adrelTe  que  la  chafle  ,  les  peu- 
f)les  qui  font  encore  dans  ce  premier  état 
le  peuvent  pas  avoir  le  même  degré  d'in- 
|relligence  &  d'induftrie.  Les  nations  qui  habi» 
bnt  les  bords  de  TOrénoque  5l  du  Maragnon^ 
font  évidemment  les  moins  aâ:ives  &  les  plus 

'   Cl)  Voyez  la  Note  LUI. 

I  C2)  La  Condamine ,  j!>.  159.  Gumilla,  II,  j>.  37.  Letir. 
jE-S/.  14.   199.   23.    328.    Acugna,  relai»  de  la   riy*  às$ 
,A-nazonss,  p.   138. 
O)  liarrere ,  rdai*  de  la  Fr,  é^nmox ,  p>  155. 

L  (5 


^5^  M  I  s  T  O  I  R  E 

-W^B  flupides  de  toutes  les   nations  Améncaiuï 
»Liv,iv.     j^^jg  ij  j^»y  ^  q^^^g  jgg  peuples  qui  viven 
LachafTe.je  jQj^g   ^^g  grandes   rivières   qui  puiilen 
fubfîiler  ainfi.    Prefque  aucune  des  nation 
d'Amérique  5  répandues  dans  les  vafles  fo 
rets  qui  couvrent  cette  contrée,  ne  pouvpi 
fe  procurer  des  fubfiftances  avec  la  meiiK 
facilité  ,  quoique  ces  forêts  ,  particulière 
ment  celles  du  midi  de  l'Amérique,  fufîen 
remplies  de  gibier  (i).    Il  falloit  toojour;  » 
&  beaucoup  d'aclivité  &  beaucoup  d'adreiïi 
pour  le  pourfuivre  &  pour  l'atteindre.    Le 
néceflité  força  les  A.méricains  à  être  adif^ 
ù:  leur  apprit  à  devenir  indudrieux.  La  chaf 
fe  fut  leur  principale  occupation;  &  commt 
c'efl  un  exercice  qui  exige  beaucoup  de.  cou 
rage  5  de  force  &  d'adreffe  ,  elle  fut  con' 
fîdérée  comme  une  occupation  auffi  honO' 
Table  que   néceffaire.    Elle  étoic  réfervée 
particulièrement  aux  hommes:  ils  s'y  eKeiv| 
çoient  dès  la  plus  tendre  jeunelTe.  Un  chaf- 
feur  hardi  &  courageux  étoit  placé  par  Vo- 
pinion  publique  à  côté  du   guerrier  le  plus 
diflingué  &  l'alliance  du  premier  ëtoit  fou- 
vent  préférée  à  celle  du  fécond  (2).  Pref 

CO  P*  Martyr,  aecûd.  p.  324.  Gumiiiajïf  ^  p.  4,  ^c, 
Ac  !gnri ,  t, /A  156.  ■ -\tj  ,  M  : 

i&j  Chadevoix ,  /iJJï,  (fe  la  Noiiv,  Fniru  ///,  p.  1 15, 


D  E    L* A  M  E  jl  .1  q  u:E«  253 

:  l^ue  aucun  des  moyens  que  l'homme  a  ima-  «w^ 
laines  pour  furprendre  &  détruire'  les   ani-  Liv.  iv* 
îiausc  fauvages,  n'écoit  inconnu  aux  Amérî- 
:ains»      Quand  ils  ont  entrepris  une   chaf- 
■'e  j  ils  forcent  de  ceite  indolence  qui  leur 
îll  naturelle ,  ils  développent  des  facultés 
le  leur  efprit  qui  demeuroient  prefque  tou- 
ours  cachées  ,  &  deviennent  adlifs ,  con* 
l:ans  &  infatigables.    Leur  fagacité  à  dé- 
rouvrir leur  proie  égale  leur   adrefle  à  la 
uer.    Toutes  leurs  facultés  étant  conilam* 
[Tient  dirigées  vers  cet  objet,  ils  montrent 
[me  fécondité  d*inventioa  &  leurs  fens  ont 
jicquis  un  degré  de  finelTa ,  qu'on  a  peine  à 
concevoir.     Ils  diilinguent  les  divers   ani- 
naux  à  des  traces  de  leurs  pas  qui  échap- 
>eroient  à  tous  les  autres  yeux,  &:  ils  les 
^ourfuivent  avee  intrépidicé   à.  travers  les 
forêts  les  plus  impén^^trables.  .Loi-rqu'ils  at-, 
laquent  le  gibier  directe men t ,  prefque  ja- : 
liais  leurs  flèches  ne  manquent  C^)  ^^  but, 
k  lorn.]u'iIs  lui  tendent  des  pièges  ,  il  efl:  : 
îrefqu'impolTible  qu'il  leur  échappe.    Dans 
[quelques    peuplades   il  n'étoic    permis  auir- 
jeunes  gens:  de  -fe    marier    que    iQrfqa'ils 


O).  Bjet,  yoj.  ds  la  Fr,  Equinôx-,-  p.^-i^^r,  DiVïès,dt/^ 
'fOV.,of  îhç^rîyer»  ofAmaz,  Parclias,:  IVj',^.  123^.. 

L7 


254  Histoire 

— I  avoient  fait  preuve  de  leur  habileté  dans  laj 
LiY.  IV.  chafle  &  loiTqu'ils  avoient  montré  bien  évv 
demment  qu'ils  étoient  capables  de  fubvci 
nir  à  tous  les  befoins  d'une  famille.  Quoi- 
que l'efprit  des  Américains  foie  naturelle- 
ment très  -peu  adlif,  l'émulation  qui  les  ex- 
cite  à  chaque  inftant  leur  a  fait  imaginet 
des  moyens  qui  facilitent  beaucoup  les  fuccèa; 
de  leur  chalTe.  La  plus  remarquable  dei 
leurs  découvertes  en  ce  genre  efl  celle  d'uni 
poifon  dans  lequel  ils  trempent  les  flèches; 
dont  ils  fe  fervent.  La  plus  légère  blefTu^ 
rc  de  ces  flèches  empoifonnées  efl:  toujoursi 
mortelle.  Si  elles  percent  feulement  la  peau , 
le  fang  fe  fige  &  fe  glace  dans  un  moment: 
l'animal  le  plus  vigoureux^tombe  fans  mou?i 
vement  fur  la  terre.  Ce  poifon  cependant, 
malgré  fa  violence  &  fa  fubtilité,  ne  cor- 
rompt point  la  chair  de  l'animal  qu'il  faiCi 
périr  :  on  peUt  la  manger  en  toute  fureté: 
&  elle  conferve  toutes  les  qualités  qui  luji 
font  naturelles.  Les  peuples  du  Maragnofl 
&  de  rOrénoque  compofent  principalement 
ce  poifon  avec  des  fucs  extraits  d'une  raci- 
ne qu'ils  nomment  curare  &  qui  efl;  une  ef4 
pece  de  liane  ("i}. 

Ci)  Gumilla  II,  p,  i.  La  Coadainine,  p,  208.  Recher-* 


DE    L'A  M  E  R  I  Q  U  E.  2SS 

Dans  quelques  autres  pays  de  TAmérique   ^êêêS 
h  emploie  le  fuc  du  Mancenilier  ^  qui  agit  Liv.iV. 
'our  le  moins  avec  une  adlivité  aufïî  funef- 
:.    Pour  les  peuples  qui  pofledent  ce  fe- 

et ,   l'arc  eft  une  arme  plus  meurtrière 
l'un  fufil ,  &  dans  leurs  mains  habiles  fert 

faire  un  grand  carnage  des  oifeau^c  &  des 
jadrupedes  dont  les  forêts  de  l'Amérique 
f)nt.  remplies. 

■  Mais  la  vie  de  chaffeur  n'eft  qu'un  degré 

ui  conduit  l'homme  à  un  état  de  fociété 

lus  avancé.    La  chafTe,  dans  les  pays  mé- 

le  oîi  le  gibier  efl  le  plus  abondant  &  oh 

2s  chafTeurs  ont  le  plus  d'adrefle,  ne  peut 

onner  qu'une  fubfiflance  incertaine  <Sc  qui 

nanque  même   totalement  dans    certaines 

jailbns  de  l'année.     Si  le  (auvage  fait  dé- 

kndre  entièrement  fa  fubfiftance  de  les  fle- 

':hes,  il  fe  voit  fouvent  réduit  avec  fa  fa- 

|nille  aux  plus  cruelles  extrémités  Ci).    Il 

H'efl  guère  de  pays  oh  la  terre  produife  af- 

fez  d'elle-  même  pour  fuffire  à  tous  les  be- 

foins  de  l'homme.  Dans  les  climats  les  plus 

'ioux  &  oh  les  terres  font  les  plus  fécon» 

i- . , , — -. ^ . 

'hes  phUofoph.  II,  p,  239.  Bancrofc ,  iVô^  hîft*  of  Guyaau^ 

i,  aSi, 

f  CO  Voyex  la  Note  LIV. 


2^6  .H  L  S  T  O  I   R  E        a 

^-^ —  des,  l'indUilrie  &.Ia  prévoyance  font  nécef 
Liv.,iv.:£^^j.gg  JQfqu'à  un  certain  point  pour  s'affure] 
Leur  a-  yî;je  fubûftancc  conilante.  L'expérience  de 
^  '  difettes  qu'éprouvent  les  peuples  chalTeur 

leur  fait  furraonter  enfin  cette  horreur  pref 
qu'invincible  qu'ils  ont  pour  le   travail  ô 
les  oblige  à  avoir  recours  à  la  culture  de 
terres  comme  à  un  fupplément  à  la  chaiïe 
Il  y  a  des  fituations  particulières  oli  de  pe 
tites  tribus  peuvent  .fubfifter  de  la  pêche 
indépendamment  des  productions  que  le  tra 
vail  peut  arracher  à  la  terre;  mais  dans  toute 
l'étendue  de  l'Amérique  il  feroit  difficile  de 
trouver   quelque   nation   de  chaiïeurs   qui 
n'eût  pas  une  efpece  de  culture. 
I7^.^,jfs        Leur  agriculture  n'ell'  cependant  ni  éten* 
Suf^ï  '^^^  ^^  pénible.  Comme  le  gibier  &  le  poif. 
Elire.       fon  font  leur  principale  nourriture  ,  ils  ne 
fe  propofent  en  cultivant  la  terre  que   de 
fuppléer  au  défaut  accidentel:  de  ces  moyens 
de  fubfîflance.  Dans  le  continent  méridional 
de  l'Amérique,  les  naturels  bornoient  leur 
induflrie  à  élever  certains   végétaux ,   qui 
dans  u-n  fol  riche  &  fous  un, climat  chaud 
parviennent   ai  Cément  à    la  maturité.    Le 
principal  écbit  le  maiz,  plus  connu  en , Eu- 
rope fous  le  nom  de  bledjd'iAde  .aHiieTur- 


D  E    l'A  m  e  r  I  q  u  r:.  257 

'aie,  efpece  de  grain  très-prolifiqae,  d*u- 
'e  culture  (impie,  agréable  au  goûc  &  qui  Liv. iv% 
I  onne  une  nourricure  forte  &  favoureufe.  Le 
'3cond  de  ces  végétaux  eft  le  manijc,  qui  ^ 
Icquiert  le  volume  d'un  gros   arbrilTeau  ou 

'un  petit  arbre,  &  produit  des  radnes  qui 
^iTembîent  alTez  aux  navets.  Après  en:  avoir 

Kprimé  avec  foin  le  fuc ,  on  réduit  ces  ra* 
'ines-en  une  poudre  fine,  dont  on  fait  de^- 

âteaux  minces ,  appelles  pain  de  caQave  , 

:  qui,  quoiqu'inlipides  au  goût,   ne^  fonù 

as  une  mauvaife  nourric.ure  CO»    Comme 
2  fuc  du  manioc    eu:  un  poifon  mortel  ,j 
uelques  auteurs  ont  vanté   l'induftrie  des.- 
méricains  qui  ont  fu  convertir  en  un  ali* 
lent  fain  une  plante  vénéneufe  ;  mais  on, 
evroit  plutôt  n'y  voir  qu'un  de  ces  expé- 
îsns  auxquels  la  néceOlté  de   trouver  un 
loyen  de  fubfiftance  force  les  nations  fau-. 
lages;  &  peut-être  les  hommes  ifont*ils 
tfté' ccFiduits  à  cette  découverte  que  par 
ifes  procédés  gradués  ob  il  n'y  a  plus  rien 
'e  merveilleux,  - 


r  (i)  Sloane ,  7^//?.  of  ^anmca  ^  ïnîrod,  p.  i8.  Labat  I, 
\  394.  Acofta ,  hlft.  înd.  Oc&d».naiur.  Ub,  If^,  c,  17.  Ut- 
[•a  I,^.  62.  Aubkt,  mémoire  fur  le  manioc,  Hlji»  dts 
•"anîcs,  mu  II,  p.  Cs.L^c, 


2j8'  Histoire 

^—      Il  y  a  une  efpece  de  manioc,  enderemewi 
*^^'  ^^'*  dépouillée  de  qualité  nuiHble  ,   &    qu*o  \ 
peut  manger  fans  aucune  autre  préparatiof; 
que  celle  de  le  faire  griller  fur  la  cendres 
chaude.    Il  eft  probable  que  cette  efpec 
fut  la  première  dont  les  Américains  firei 
leur  nourriture  ;  &  la  néceffité  leur  ayan 
appris  par  degrés  l'art  de  féparer  les  fuL 
ïiuifibles  de  Tautre  efpece ,  ils  ont  enfuii 
trouvé  par  les  expériences  que  celle-ci 
toit  la  plus  prolifique,  ainû  que  la  plus  noui 
riflante  des  deux  (i).  Le  troiûeme  des  v^ 
géraux  dont  nous  avons  parlé  efl  le  plai 
tain  ,  qui  s'élève  à  la  hauteur  d'un  arbre 
&  qui  cependant  croît  avec  une  telle  rap 
dite  qu'en  moins  d'un  an  il  récompenfe  ,< 
fes  fruits  l'induflrie  du  cultivateur  qui  1 
planté.  Le  plantain  grillé  tient  lieu  de  pa 
&  donne   un   aliment  agréable  &  nourri 
fant  (2).    Le  quatrième  efl  la  patate,  do 
la  culture  &  les  qualités  font  trop  connui 
pour  avoir  befcin  d'être  décrites;  Le  fixL 
me  efl  le  pi  ment ,  arbufle  qui  produit  m 

(i)  Martyr,  clec.  301.  Labat,  I,  f*  4"«  Gumilla,  I 
p.  192.  Ma:huca  milie  Indîana,p,  164,  Voyez  la  No 
LV. 

(j.^  X^'oyez  la  Note  LVU 


{ 


D  E  l'A  m  e  r  I  q  u  e.  259 

dicerie  aromatique  &  forte.  Les  Améri»  m^m 
tins  qui ,  comme  les  autres  habitans  des  ^iv.iv^ 
^  mats  chauds ,  aiment  les  faveurs  chaudej 
^piquantes,  regardent  cet  aiTailbnnenenc 
aume  un  befoin  de  la  vie  &  le  mêlent  en 
j  inde  quantité  avec  tous  les  alimens  dont 
i  fe  nourriflcnt  (i). 

Telles  font  les  diverfes  productions  qui 
Irmoient  le  principal  objet  de  la  culture 
<ez  les  peuples  chaflTeurs  du  continent  de 
limérique.    Avec  une  induftrie  médiocre- 
J^nt  aftive  &  un  peu  de  prévoyance,  ces 
jodu^ions  auroient  fum  pour  fubvenir  aus 
l  foins  d*un  peuple  nombreux.    Mais  dei 
bmmes  accoutumés  à  la  vie  libre  &  erran- 
i  de  chalTeurs ,  font  incapables  de  toute  affi* 
kké  régulière  au  travail ,  &  regardent  Ta- 
I  iculture  comme  une  occupation  d'un  or- 
<e  inférieur.  Ainfi  les  provilions  de  fublif» 
fnce  que  les  Américains  tiroient  de  la  cul» 
^re,  étoient  fi  bornées  &  û  peu  alTurées, 
^le  fi  quelqu'accideat  rendolt  leurs  chafles 
loins  heureufes  qu'à  l'ordinaire,  ils  étoient 
îduits  à  la  plus  grande  difette. 
|Dans  les  ifles  la  manière  de  vivre  étoit 
|)rt  différente.     On  n'y  connoifloit  aucun 

Cij  Gumilla  UI,  p.  117.  Acofta,  lib,  IV ^  e,  20. 


25o  H  ï  s  T  O  ï  R  E 

!— **  des  grands  animaux  qui  abondent  fur  le  cor 
Liv.  IV'.  tJQgQt .  Qn  n'y  a  trouvé  que  quatre  efpeces  ( 
quadrupèdes,  outre  une  race  de  petits  chier 
muets  ;.&  les  plus  grands  de  ces  quadrup 
des  n'excédcient  pas  la   groîîeur    d'un   1 
pin  (i).  Il  ne  falloit  ni  adivité  ni  courai 
pour  aller  à  la  chafTe  de  fi  petits  animaux 
auffi  la  i3rincipâle  occupation  d*un  chafie 
dans  ces  ifles  étoit  de  tuer  des  oifeaux ,  q 
fur  le  continent  étoient  regardés  comme  i 
gibier  ignoble,  abandonné  à  la  pourfuite  d 
jeunes  garçons  (2).  Les  habitans  des  ifi 
ont  dont  été  forcés  par  ce  défaut  de  g\ï 
&  par  leur  fijtuation  même,  à  chercher  dài 
la  pêche  leur  principal  moyen  de  fubfîft'âi 
ee  (3):  leurs  rivières,  &  la  mer  dont! 
étoient  environnés ,  leur  fournilToient  avi 
abondance  ce  genre  de  nourriture.      Dai 
certaines  faifons,  les  tortues , ,  les  crabdl 
&  d'autres  coquillages,  fe  trouvoient  fur  I 
c^tes  en  fi  grande  quantité,  que  ces  infiïM 
res^  trouvoient  à  s'en  nourrir  avec  une  fé 
lité  qui  conyenoit  fort  à  leur  indolence  (4 

(i)  Oviedo,  IW.'Xllf  in  prœm,  . 
(2)  Ribas ,  h'ift^  de  lot  îriumf  ^  p.  13,  De  la  Pothérw 
II?  33»  UI,  20* 

Cs)  Oviedo,  Uh.  XllI,  c.  i.  Goniara,  hJft.  gin,  c.  2 
(4)  Gomrra,  kljl.  gc'n.c,»  g,  Lfibat  IL,  221,  &'Ci 


t  E    l'A  m  e  r  I  q  u  e.         2(5i 

;i  d'autres  tems ,   ils  mangeoient  des  lé-   ^^^ 
ii'ds  &  d'autres  repples.dégoûtans  (i).  Ils  '  liv.iv. 
i  [^pient  4'ailleurs  à  japêclie  quelque  forte 
(  culture.    I^maïz  (2),   le.mm-oc^^  &  Agncuî- 
«lutres   plantes    étoient  cultivés  dans  les '[jJg^^J[;l 
i^s  de -la  même  manière  que  fur  le  conti*  P'^"^'"-'^^* 
yM  ;  mais  tout  le  pToduit  de  leur  induftrie, 
inÇ' à;Ce  que  la  terre  produrfyic  d^elle  -  mê^^ 
3,  i^'étoit  pour  eux  qjii'.une  fqible  reirouri. 
^  Quoiqu'il?  (i?  comtentafferjc  d'une  petite 
iaptité  d^  nourriture ,  à  peine  tiraient  -  ils 
;  la  terre  ce  qui  était  néceffaire.à.. leur  con^ 
immation  ,  &  fi  quelques  Erpagnals   ve- 
bjent  à  s'établir  dans  un  canton ,  Àl  fufîîfcit 
;  ce  petit  furcroitde  bouches  furnumérai- 
s  pour  épuifer  leurs  proyiûons  (Se  amener 
famine. 

Deux  circondances ,  communes  à  toutes  p^.ii;-)ps 
nations  fauvap:es  de  i'Amériaue ,    con  ^^'-  ^^}}^ 
rurent  avec  celles  dont  i'ai  déjà  parlé  jtiou. 
•a-  feulement   à  ren:dre  iQurs  agriculture 
imparfa^e ,  mais  encore  à  reilreindre 
induurie  dans  toutes,  leur  opérations. 
n'avoient  point  d'animaux  domefliques  & 
|..De  connoiflbienç  point  l-'ufage des  métaux. 


^13  Oviedo ,  iih  XIH;  c,  3» 
O'Voyei  la  NoTS  LVii.  - 


96a  Histoire 

■■w»      En  d'autres  parties  du  globe  ^  Phomir, 
Liv.iv.  n](^me  dans  Tétat  de  fociété  le  plus  fau  - 
Maiîque  gg     fe  montre  encore  comme  le  maître  s 
njaiix  do-  îa  terre ,  donnant  des  loix  aux  difFérec  s 
clalles   d animaux  ,  quil  a  apprivoifeesc 
réduites  en  fervitude.    Le  Tartare  pouri  t 
fa  proie  fur  le  cheval  qu'il  a  élevé  , 
conduit  les    nombreux   troupeaux    qui 
fournifient  fa  nourriture   &   le  vétemc 
L'Arabe  a  rendu  le  chameau  docile  &  : 
fervir  h.  fon  ufage  la  force  &  la  patience:' 
cet  animal.    Le  Lapon  a  fournis  le  rennti 
fa  volonté,  &  les  habitans  même  du  Kan 
fchatka   ont  formé  les  chiens  au    traix 
C'eft  une  des  plus  belles  prérogatives 
l'homme ,  un  des  plus  grands  efforts  de  : 
intelligence  &  de  fon  pouvoir ,  que  cet  emi 
re  qu'il  exerce  fur  les  créatures  d'une  cM 
inférieure:  fans  cet  empire,  fa  dominatit 
eft  imparfaite;  c'eft  un  monarque  fans 
jets,  un  maître  fans  ferviteurs.    Il  eil  ot 
gé  d'exécuter  tous  fes  travaux  par  la  for 
feule  de  fes  bras,  &  telle  étoit  la  conditii 
des  nations  fauvages  en  Amérique.     Le. 
efpriî  étoit  (i  peu  cultivé,  leur  union  foc- 
le  fi  imparfaite,   qu'ils  ne  paioifîbient  p 
fentir  la  fupériorité  de  leur  nature,  &  qu't 


H  %    L'A  M  E  R  I  q  U  E.  2^3 

j.ifibîent  tous  les  animaux  jouir  de  leur  li-   !L'|"|*8 
jsrté  fans  fonger  à  exercer  leur  pouvoir  fur  ^^^*  ^^* 
JiCUD.    Il  efl  vrai  que  la  plupart  des  ani- 
^iiaux  qui  ont  été  rendus  domeftiques  fur 
^lotre  continent ,   n'exilloient  pas  dans  k 
[.jouveau  monde;  mais  ceux  qui  font  parti-    _ 
iliers  à  l'Amérique,  ne  font  ni  affez  fa- 
Duclies  ni  affez  redoutables  pour  n'avoir  pu 
:re  domptés  &  aifervis.    Il  y  a  quelques 
,iimaux  dont  les  efpeces  font  communes 
|jx  deux  continens;  mais  le  renne  qui  a  éié 
upprivoifé  &  foumis  au  joug  dans  un  des 
[jeux  hémifpheres,   efl  reflé  fauvage   dans 
Vautre.    Le  bifon  d'Amérique  efl  évidera- 
yient  de  la  même  efpece  que  le  bœuf  d'Eu- 
qope  Ci).  Les  nations  même  les  plus  gros- 
jeres  de  notre  continent  ont  rendu  cet  ani- 
lal  domeflique,  &  c'efl:  par  fon  fecours  que 
^s  hommes  ont  fçu  exécuter  des  travaux 
lécefTaires  avec  plus  de  facilité,  &  augmen- 
ter utilement  leurs  moyens  de  fubfiflance. 
'.es  habitans  de  plufieurs  régions  du  nou. 
l'eau  monde,  oii  le  bifon  efl  très-commun, 
[în  auroient  pu  tirer  les  mêmes  avantages  ; 
l  n'eft  pas  d'une   nature  fi  indocile  qu'on 
reûc  pu  l'élever  à  rendre  aux  hommes  les 

l  CO  M,  de  Bufibn,  ^(/?.  ««/,  art,  Bifon, 


264  Histoire 

à  mêmes  fervices  qùs  lui  rendent  les  bêtes 


Liv.iV.  cornés  (i).  Mais  ûms  l'état  oh  les  Amer 
cains  ont  été  trouvée  lors  de.  la  dëcouve. 
tCj  un  fauvage  ed  l'ennemi  des  autres  an 
maux:,  non  leur  fupérieur.  Il  leschaiTe  i 
les  détruit;  mais  il  ne  fait  ni  les  mukiplii 
ni  les  gouverner  (2}. 

Cètte^circonllance  forme  peut-être 

diftindion'  la  plus  importante  qu'il  y  ait  ei 

tre  les  habitans  de  l'ancieii  &  du  nouvel 

monde,  celle  qui  donne  aux  peuples  civil 

fés  plus  de  fupériorité  fur  ceux  qui  reflei 

fauvages.    Les  plus  grandes  opérations  c 

d'homme  pour  changer  &  embellir  la  face  d 

la  nature,   &  fes  efforts  les -plus  puiûaî 

pour  augmenter  la  fécondité  de  la  terré 

s'exécutent  au  moyen  des  fecours  qu'il  n 

çoit  des  animaux  qu'il  a  arprivoifés  &  fo: 

mes  au  travail.     C'efl  par  leur  force  qu' 

parvient  à  dompter  le  fol  rebelle  &  à  cor 

vertir  en  champs  fertiles  les  déferts  &  k 

marais.    Mais  l'homme  dans  l'état  de  civil 

fî 

Cl)  Hennepin , Nouy» àec^p^ -192.; Kalin^,  yoyt  dans  VAn 
fept,  1 ,  207. 

(2)  M.  de  BtifFon,  hljï,  nat.  IX  ^  95*  JH^*  philofji 
poliiique  des  deux  Indes  ^7,-364.  . 


B  E     t'A  M  t:  R  I  Q  U  E.  iôy 

'ation  eft  (î  familiarifé  avec  l'afage  des  ani- 
naux  domeftiques,  qu'il  ne  réfléchit  guère  ^-^v*^^* 
ur  les  avantages  inedimables  qu'il  en  reti- 
e.  Suppofons-le  cependant,  même  dans 
'état  de  fociété  le  plus  parfait,  privé  de 
'utile  fecours  de  ces  animaux ,  nous  ver* 
uns  cefler  à  quelques  égards  Ton  empire  fur 
1  nature,  &  il  reftera  un  animal  foible  , 
mbarrafîe  de  trouver  les  moyens  de  fubfî- 
ber,  &  incapable  de  tenter  ces  entreprifes 
)énibles  que  leur  afliflance  le  met  en  état 
.'exécuter  avec  tant  de  facilité. 

Il  eft  très  '  difficile  de  décider  fi  l'empire  iw-^g^c  de« 
lue  l'homme  exerce  fur  les  animaux,  ou'^^fg^fn^ 
ufage  qu'il  a  fu  faire  des  métaux,  a  le  plus  connu, 
ontribué  à  étendre  fon  pouvoir.  L'époque 
le  cette  importante  découverte  eft  incon- 
lue,  &  dans  notre  hémifphere  elle  ne  peut 
ître  que  très-reculée.    Il  n'y  a  que  la  tra- 
lition  &  quelques  inftrumens  groffiers  de 
los  ancêtres ,  retrouvés  par   hafard  ,  qui 
lous  apprennent  que  les  hommes  ignoroient 
nciennement    l'ufage    des  métaux    &    ta- 
|:hoient  d'y  fuppléer  en  employant  les  cail- 
oux,  les  coquilles,  les  os  &  d'autres  fub- 
tances  dures  aux  mêmes  ufages   auxquels 
es  peuples  policés  font  fervir  les  métaux. 

Tome  IL  M 


266  Histoire 

La  nature  complette  la  formation  de  quel- 

^•^^' ques  métaux:  Ter,  l'argent  &  le  cuivre  f( 

trouvent  purs  &  parfaits  dans  les  fentes  dej 

rochers,  dans  le  fein  des  montagnes,  dam 

le  lit  des  rivières.    Ces  métaux  furent  dom 

les  premiers  qu'on  dut  connoître  àc  les  pre 

ïïîiers  dont  on  fit  ufage.     Mais  le  fer,  qu 

efl   le   plus   utile  de  tous   &  celui  auque 

l'homme  a  le' plus  d'obligation  ,  ne  fe  trou 

ve  jamais  dans  fcn  état  parfait:  fon  minera 

grolïier  &  rebelle  doit  être  fournis  deux  foi 

à  la  puifîance  du  feu  &  fubir  deux  opéra 

tions  pénibles  avant  de  devenir  propre 

aucun  fer  vice.    L'homme  a  dû  connoîtn 

pendant  longtems  les  autres  miétaux   avan 

que  d'acquérir  l'art  de  fabriquer  le  fer ,  ^ 

avant  que  d'arriver  à  ce  degré  d'induftrie  né 

ceflaire  pour  perfedionner  une  invention  qq 

lui  fournit  les  inflrumens  au  moyen  defquel 

il  fubjugue  la  terre  &  commande  à  tous  fë 

habitans.    Mais  à  cet  égard,  ainfî  qu'à  plil 

fieurs  autres,   l'infériorité  des  Américai 

étoit  bien  frappante.  Toutes  les  tribus  faui 

vsges,  difperfées  fur  le  continent  &  daa 

les  ifles,  ne  connoifToient  point  du  tout  le 

métaux  que  le  fol  produit  en  abondance, 

nous  en  exceptons  un  peu  d'or  qu'ils  n 


i  n  E   l'A  m  e  r  I  q  u  e.  x62 

lieilloient  dans  les  torrens  qui  tomboient  p»™™! 
I^s  montagnes  &  dont  ils  faifoient  quelques  'Liv.  iv. 
l'nemens.  Les  moyens  qu'ils  avoient  i  ma- 
rnés pour  fuppléer  au  défaut  de  ces  mé- 
tux  néceffaires,  étoient  extrêmement  grof- 
[îrs.  L'ouvrage  le  plus  lîmple  étoit  pour 
['.X  de  la  plus  grande  difficulté  &  exigeoie 
'5  plus  grands  efforts  de  travail.  Ils  n'a- 
i  )ient  pour  abattre  les  bois  que  des  haches 
;'  pierre  &  ils  y  employ oient  des  mois  en- 
irs,  Creufer  un  canot  étoit  pour  eux  l'ou* 
f âge  d'une  année ,  &  fouvent  k  bois  dont 
i  le  faifoient  étoit  pourri  avant  que  le.ca* 
1 1  fût  achevé.  Leurs  travaux  pour  l'agri-. 
(Iture  étoient  également  lents  &  impar- 
tes. Dans  les  contrées  couvertes  de  hau- 
ts forêts  il  falloit  les  efforts  réunis  d'une 
pjolade  entière  pour  nettoyer  le  champ 
c  'on  deflinoit  à  la  culture  &  ce  travail  de- 
landoit  beaucoup  de  tems  &  beaucoup  d'ef» 
Irts.  Les  hommes  croyoient  avoir  afTez 
i'z  quand  ils  avoient  ainfi  préparé  grofîîé- 
ruent  la  terre;  les  femmes,  chargées  du 
r^le  de  la  culture ,  la  creufoient  ou  du 
nins  la  remuoient  avec  des  boyaux  de  bois 
i  femoient  ou  plantoient  enfuite.  Là  fe 
t-rminoient  tous  les  travaux ,  &  la  fertilité 

M  2 


i(59  Histoire 

*555!  naturelle  du  fol  devoit  faire  le  refle.     L' 
"^* '^*  griculture ,  lors  même  que  l'homme  eft  f 
condé  par  les  animaux  qu'il  a  fournis  à  f( 
joug  &  par  les  inftrumens  divers  qu'il  a 
fabriquer  depuis  la  découverte  des  métaui 
eft  toujours  un  travail  très -pénible.      ( 
n'eft  jamais  qu'à  la  fueur  de  notre  front  q 
nous  pouvons  féconder  la  terre.    Il  n'( 
donc  pas  étonnant  que  des  peuples  priv. 
de  tous  ces  fecours  aient  fait  fi  peu  de  pri 
grès  dans  l'agriculture  &  qu'ils  aient  toc 
jours  dépendu  pour  leur  fubfiftance  de 
pêche  &  de  la  chafîe,  beaucoup  plus  c 
des  produdlions  qu'ils  tiroient  de  la  terre, 
lesinfti-     -Après  avoir  fait  connoître  la  manière 
tutions     fubfîfter  des  peuplades  groffieres  de  l'Ami 

politiques     .  ^       ^  j'J    •         1       r 

raiiTent    iiquc,  nous  pouvons  en  déduire  la  formée 
état!"     l'efprit  de  leurs  inftitutions  politiques, 
indiquer  les  différences  les  plus  frappant 
qui  fe  remarquent  entre  ces  peuples  fauTi 
ges  &  les  nations  civilifées. 
^,  II,        10.  Ils  font  partagés  en  petites  peuplai 
font  par-  indépendantes.  Quand  la  chafle  feule  foi: 

tages  en  *  ^ 

petires      nit  prefquc  feule  à  la  fubfiftance  de  l'hoi 
Bsutés.     me ,  il  faut  une  grande  étendue  de  tern 

pour  nourrir  un  très  -  petit  nombre  d'ho. 

mes.    A  mefure  que  les  hommes  fe  rouli 


DE   L'A  M  E  R  I  q  U  E.  ZÔg 

lient  &  fe  réuniffent,  les  animaux  qui  leur   WÊiÊm 

|;rvent  de  proie,  diminuent  ou  fuient  à  de  ^^v.iv. 

irandes  diftances  des  habitations  de  leur  en- 

,\zmu    Tant  que  la  chafîe  efl  le  principal 

:lioyen  de  fubfîftance,  la  population  ed  fort 

\\oméQ  &  les  hommes  font  obligés  de    fe 

[ifperfer ,   comme  le  gibier   même  qu'ils 

ourfuivent,   ou    de  recourir   à    d'autres 

loyens  plus  faciles  pour  fe  procurer  de 

uoi  vivre.  Les  animaux  de  proie,  folitai- 
i[^  &  infociables  de  leur  nature,  ne  vont 
i|ioint  à  la  chafîe  en  compagnie;  ils  fe  plaî- 
I  ent  dans  les  profondeurs  des  forêts ,  oli  fans 

tre  troublés  ils  peuvent  errer  &  détruire 

lies  autres  animaux.    Les  peuples  chafleurs 

f,  efîemblent  par  leur  génie  à  ces  animaux  de 

i)roie.  Ils  ne  peuvent  former  de  grands  corp» 

parce  qu'il  leur  feroit  impoflîble  de  trouver 

eur  fubfîftance,   &  ils  font  obligés  de  re» 

bouffer  bien  loin  tous  les  rivaux  qui  vou- 

Miroient  empiéter  fur  le  territoire  qu'ils  re« 

jyardent    comme  une    propriété  exclufive. 

Tel  étoit  l'état  des  tribus  Américaines:  leur 

Qombre  étoit  toujours  très  -  petit  ,  quoi- 
(qu'elles  fulTent  répandues  fur  de  très-valtes 
;contrées  :  elles  écoient  très  -  éloignées  les 
îanes  des  autres  &  dans  des  guerres  ^  des 

M  3 


270  Histoire 

?^5!S  rivalités  continuelles.  En  Amérique ,  le  m^ 

Liv.  IV.  ^g  nation  ne   réveille  pas   d'aufïï  grand 

idées  que  dans  les  au:res  parties  du  glob 

On  l'applique  à  de  petites  fociétés  qui  i 

font  compofées  que  de  deux  ou  de  trc( 

cents  perfonnes ,  mais  qui  occupent  fouve:: 

des  pays  plus  conlldérables    que    certaii 

royaumes  de  l'Europe.    La  Guyane,  que 

que  plus  étendue  que  la  France  &  diviO 

en  un  grand  nombre  de  nations,  ne  cont 

noit  pas  plus  de  vingt -cinq  mille  habitan 

Dans  les  plaines  des  bords  de  TOrénoque; 

on  fait  plus  de  cent  milles  en  différentes  dJ 

restions  j  fans  rencontrer  une  feule  cabani 

&  fans  trouver  même  des  traces  de  créati 

res  humaines.  Dans  le  nord  de  l'Amérique 

oh  le  climat  eft  plus  rigoureux  &  la  terr 

moins  fertile,  la  mifere  &  la  dépopulatîo 

font  encore  plus  grandes.     C'efl  -  là  qu'où 

fait  des  centaines  de  lieues  à  travers  des  fo( 

rets  &  des  campagnes  défertes.    L'homrai 

ne  peut  gueres  occuper  toute  la  terre ,  tanj 

que  la  chaiTe  continue  d'être  fa  principale 

reflburce  pour  fa  fubfiftance.  ! 

2.  Ils         2o.  Les  peuples  chafleurs  ne  connoiHenl 

n'ont  an-         •1,-1  . ,    ,         ^  i 

cime  idée  pomt  le  droit  de  propriété.     Comme  les 
j,rj^é.^^^  ^J^^o^^^x  qui  nourrilTent  le  chaffeur  ^ne  font 


DE   l'Amérique.         271 

.'point  élevés  par  fes  foins,  il  ne, peut  avoir 
[aucun  droit  far  eux  tant  qu'ils  errent  dans  î-iv.iv. 
Ues  forêts.    Dans  le  pays  011  le  gibier  eft  fi 
i^bondant^  qu'on  peut  le  prendre  fans  beau- 
ifcoup  de  peine,  on  ne  fonge  point  à  s'ap- 
'^ proprier  ce  qu'on  peut  toujours  avoir  û  ai- 
féraent.  Dans  les  pays,  au  contraire  ,  oh  il 
eil  fi  rare  que  les  dangers  &  les  fatigues  de 
la  chafie  exigent  les  efforts  réunis  de  toute 
une  tribu,  de  tout  un  village,  il  doit  pa- 
iTOÎtre  appartenir  également  à  tout  le  mon- 
de, parce  que  tout  le  monde  a  également 
contribué  au  fuccès  de  l'expédition.     Les 
forêts  chez  les  peuples  chafleurs  font  confia 
dérées  comme  la  propriété  d'une  tribu,  qui 
a  le  droit  d'en  exclure  toutes  les  tribus  ri- 
vales.   Mais  parmi  ces  tribus  il  n'eft  point 
d'individu  qui  puifl'e  s'arroger  quelque  por- 
tion particulière  de  propriété,  exclufive- 
ment  à  tous  les  autres  membres  de  la  fo- 
ciété.    Tout  appartient  également  à  tous , 
|&  chacun  va  prendre  dans  le  magafin  com- 
-mun  où  l'on  a  mis  le  butin  de  la  chafle, 
tout  ce  qui  .lui  efi:  nécefî*aire  pour  fa  fubfi- 
?ilance.    Les  principes  qui  règlent  la  prin- 
rcipale  occupation  de  leur  vie  ,  s'étendent 
Uuifi  aux  travaux  acceiToires  qu'ils  y  joi- 

M  4 


Liv.  IV. 


27«  Histoire 

gnent.  L'agriculture  même  n'a  pu  introduire 
parmi  eux   une  idée  complette  de  la  pro- 
priété.   Tandis  que  les  hommes  chaflent , 
les  femmes   travaillent  à  la  terre ,  &  tous 
enfemble  ,   après  avoir  fini  leurs  tâches , 
jouiflent  en  commun  des  fruits  de  leurs  tra- 
vaux. Parmi  quelques  tribus  toutes  les  pro«» 
durions  de  la  terre  font  dépofées  dans  des. 
greniers  publics ,  pour  être  partagées  enfui^i 
te  entre  tous  les  membres,  fuivant  une  juf?i 
te  proportion  des  befoins.     Quoiqu'on  les. 
renferme  dans  des  greniers  féparés,  parmji 
quelques  autres  tribus,  on  n'y  peut  cepen* 
dant  jamais  acquérir  un  droit  aflez  exclufif 
de  propriété  pour  qu'il  foit  permis  à  quel* 
qu'un  de  jouir  du  fuperflu ,  tandis  qu'autoun 
de  lui  quelqu'un  manque  du  néceflaire.  Tou- 
tes  les  diftinélions  qui  naiffent  de  l'inégalitéi 
des  richefîes  leur  font  inconnues.  Les  nomsn 
même  de  riche  &  de  paume  n'ont  pu  péné?î 
trer  dans  leurs  langues.    Ils  font  enfin  abfo- 
lument  étrangers  à    tous  les   rapports  qui 
naiffent  de  la  propriété,  ce  grand  objet  des 
loix  &  de  la  politique,  cette  bafe  principale 
de  tous  les  gouvernemens  que  le  genre  hu- 
main a  établis  fur  la  terre. 
Les  hommes  dans  cet  état  confervcnt  tou- 
jours 


f  DE    L'A  M  E  R  I  Q  U  E.  I73 

ïjours  un  fentimenc  très -fore  de  leur  indé    'êêêêë 
pendance  &  de  leur  égalité.    Partout  oli  la  ^^'^^* 
propnété  n'ell  point  établie,  les  didinûions ^fj""^^/'* 
[qui  naiflenc  des  qualités  perfonnelles  font^'^fj^nce 
(es  feules  qu'on  puifTe  connoître,  6c  ces  dis-iité, 
tindions  mêmes  ne  peuvent  fe  rendre  fenfî- 
blés  que  dans  les  occalions  où  les  hommes 
font  forcés  à   déployer  toutes  leurs  facul- 
|tés.    Dans  les  tems  de  grand  danger  &  dans 
'les  affaires  difficiles ,  on  confulte  la  fageffe 
!&  l'expérience  des  vieillards  qui  prefcriveni 
fies  mefures  que  l'on  doit   prendre.     Lorf- 
qii'ils  entrent  en  campagne  contre  l'ennemi, 
le  guerrier  le  plus  diftingué  par  fon  courage 
fe  met  à  la  tête  de  la  jeunefle  &  la  conduit 
aux  combats  (0.  Quand  ils  vont  en  troupe^ 
à  la  chafle,  le  chaileur  le  plus  adroit  &  le 
plus  heureux  dans  fes  entreprifes  fe  met  en- 
icore  à  la  tête  de  la  troupe  &  en  règle  tour 
Iles  mouvemens.    Mais  dans  les  rems  de  re- 
pos &  de  tranquillité  ,  où  l'on  n'a  plus  au- 
ieune  occaGon  de  développer  ces  talens  na- 
'turels ,  on  ne  connoît  plus  aucune  efpece  de 
!  prééminence.    Toutes  les  circonftances  de 
lia  vie  rappellent  toujours  aux.  membres  de 

I     CO  Acoîla ,  MJi,  n,  c,  19.   Stadins    firjf,  Brajîl,  Uh 
ii/j  f,  15.  Detay,  lu,  p,  10.  Biec,  ^6l, 

!  M  5 


274  H  I  15  T  O  I  R  E^ 

^*^*^  la  communauté  qu'ils  font  égaux.  Ils  font 
^^^*  ^^*  tous  vêtus  5  nourris  &  logés  de  la  même  ma. 
niere.  Rien  de  ce  qui  conftitue  la  fupério- 
rité 'd'une  parc  <&  la  dépendance  de  l'autre 
n'efl  connu  chez  eux.  Tout  homme  eft  & 
fent  qu'il  efi:  libre ,  &  il  défend  avec  la  plus 
grande  fermeté  les  droits  attachés  à  fa  con- 
dition f  0.  Ce  fentiment  d'indépendance  eft 
tellement  gravé  dans  leurs  âmes  que  rien  ne 
j)eut  l'en  arracher  $  &  que  jamais  le  malheur 
n'a  pu  foumettre  leur  fierté  à  la  fervitude* 
Accoutumés  à  être  les  maîtres  abfolus  de 
leurs  adtions,  ils  dédaignent  d'exécuter  les 
ordres  d'un  fupérieur.  N'ayant  jamais  ef- 
fuyé  aucune  réprimande ,  ils  né  peuvent 
fouffrir  aucune  correction  C^).  Un  grand 
nombre  d'Américains ,  lorfqu'ils  virent  que 
les  Efpagnols  les  traitoient  en  efcîaves  , 
moururenc  de  doulçur  ou  fe  tuèrent  de  dé- 
lefpoir  C3).  :    "     ■ 

Héesim-  I^«  Les  idées  de  la  fubordinatlon  civile 
parfaites  ç^^t  toujours  très  -  imparfaites  &  le  goaver- 
boidiim-   nement  n'a  jamais  qu'une  autorité  bien  foi- 


U^il.. 


(O  Labat  VI,  124.  Erickell,  MJi.  of  Carol.  310. 

C^)  Voyez  la  Note  LXI.  j^ 

Cs^  Oviedo,  Uh  m,  c.  6^p,  97.   Vsga,   conquîjla  de-. 

U'  Fhrida,  //so.  II,  4l(;»  Labat,  II  a  133,  Bejizo,   /#» 

mr*  oi:h  W\  c.  25V 


D  E    X'A  M  E  R  I  Q  tr  E.  Î275 

ible  chez  des  peuples  qui  font  reilés  dans 
cet  état.    Q-iand  la  propriété  eft  inconnue 
'dans  une  nation  ou  qu'elle  n'en  a  que  des 
:  idées  incomplettes  ;   quand  les  productions 
;de  rinduftrie  &  les  fruits  fpontanés  de  la 
!  terre  font  confidéris  comme  appartenans  à 
lia  fociété  entière,  il  eft  difficile  qu'il  naifle 
parmi  les  concitoyens  aucune  de  ces  difcuf* 
[fions  qui  exigent  ^intervention  des  loix  & 
:de  l'autorité  publique. 
.     Quand  les  droits  qui  naiflent  d'une  pro* 
priété  exclufive  ne  font  pas  connus  encore, 
■  les  grands  objets  des  loix  &  du  pouvoir  ju- 
diciaire ne  peuvent  exifter.  Lorfqus  les  faU'-^ 
;  vages  vont  aux  combats  3  ou  pour  leur  pro- 
pre défenfe,   ou  pour  envahir  le  territoire 
:  d'un  ennemi ,  &  lorfqu'ils  font  engagés  dana 
}  quelqu'entreprife  de  chaffe  difficile  &  péril- 
ikufe,  alors  on  s'apperçoit  que  les  membres^  ' 
!  d'une  tribu  font  partie  d'un  corps  politique; 
\  alors   ils  fentent  qu'ils  ont  une  exift^nee* 
commune  avec  les  compagnons  de  leurs  tra- 
vaux ,  &  ils  fuivent  avec  foumiffion  celui 
qui  s'eft  diftingué  par  fa  valeur  &  par  fa  fa* 
gelTe,    Mais  hors  de  ces  cas,  011  ils  réuni f- 
fent  leurs  efforts  pour  un  intérêt  commun^ 
or*  n'apperçoic  parmi  eux  aucune  trace  d'i^ 

M  # 


Liv.  iV, 


17^  MlSTOlRIS 

SÊÊÊSm  nîon  politique  Ci)»  on  ne  voie  aucune  for- 
Liv.  IV.  jjjg  ^Q  gouvernement.     Les  noms  de  ma* 
gijîrat  Ôc  de  fujet  n'y  font  pas  même  en 
ufage.  Chacun  femble  jouir  encore  de  toute 
fon  indépendance  naturelle.    Si  Ton  propo- 
fe  quelqu'entreprife  pour  l'utilité  publique, 
chaque  membre  de  la  communauté  efl  libre 
d'y  concourir  ou  de  ne  pas  y  concourir.  Ils 
n'ont  ni   réglemens  qui  leur  irapofent  des 
fer  vices ,  ni  loix  coadlives  qui  les  forcent  h 
les  exécuter.  Toutes  leurs  réfolutions  font 
volontaires  &  partent  toujours  des  mouv 
mens  naturels  de  leur  ame  (2),  Dans  la  plu-* 
part  de  ces  peuplades  grolîieres  on  n'a  pas 
même  fait  encore  le  premier  pas  qui  con?! 
duit  à  l'établiffement  du  pouvoir  judiciaire^ 
Le  droit  de  la  vengeance  eft  laifTé  dans  les; 
mains  des  particuliers  (3).    Lorfqu'il  y  a  eai 
'    quelque  violence  commife  ou  du  fang  ré*) 
pandu,  la  communauté  ne  fe  charge  point 
d'infliger  ou  de  modérer  la  punition.    C'eft 
aux  parens  ou  aux  amis  à  venger  l'olFenfé 
ou  la  viQime ,  &  à  recevoir  la  réi  aration 

(i)  Lozano,  defc,  del  gran  Chaco ,  93.  Meleudez,  ief$» 
fos  yerJadeyos,  If,  23.  Voyez  la  Note  LXIf. 
(2)  Cbarlevoix ,  hijf,  àe  la  Notîy,  France  »  Ilt^  3.66 ,  £^ 
Cî)  Herrera ,  dec,  8 .  iih  IF^  c,  ^ 


B  S   l'A  me  ri  q  u  e.  177 

offerte  par  le  coupable.  Si  les  vieillards  s'en-  — ^ 

•tremettent  ,  ce  n'eft  jamais  pour   décider  ^^^' ^^^ 

•l'affaire,  mais  pour  donner  des  confcils  qui 

ne  font  prefque  jamais  écoutés.    Comme  il 

•paroîc  honteux  de  laiflfer  une  offenfe  impu» 

inie,  le  reffentiment  eft  toujours  implacable 

l'&  éternel  (  i).  On  peut  dire  que  parmi  les 

fauvages  robjet  du    gouvernement   ne  s'é- 

ftend  pas  au-  delà  de  l'intérieur  des  familles. 

ills  ne  s'occupent  jamais  à  maintenir  un  or» 

^dre  général  &  public  par  Texercice  d'une  au- 

ftorité  permanente;  &  fi  des  travaux  com- 

jinuns  maintiennent  quelqu'union  entre   les 

I  membres  d'une  tribu  ,   c'eft  furcouc   pour 

[attaquer  ou  repouffer  l'ennemi  avec  plus  de 

ivigueur  &  d'avantage. 

Telle  étoit  la  forme  de  l'ordre  politique  a  quête 
'établi  chez   prefque  toutes    les  nations   de[Jf^^'^(5^ 
l'Amérique.  C'eft  dans  cet  état  que  fe  trou- ^pp'^'^';;^^^^ 
'vent   toutes   les  peuplades  répandues  dans cripuoïs» 
'les  vafles   provinces  qu'arrofe  le  Mifïïffipi, 
■depuis  l'embouchure  du  fleuve  Saint- Lau- 
'reot,  jufqu'aux  confins  de  la  Floride.     Les 
^  peuples  du  BréfiJ ,   les  habitans  du  Chili , 

quelques  tribus  du  Paraguay  6l  de  îa  Guya- 

\  /v, . __ . 

'     O^  Charlevoix,  hiJI.  de  la  Notiy.  Fran.  Ill,  261.  Lafi. 
im  ï,  486»  Calfani,  hifi,  de  Nitevo' Reym  d^  Granadét ,  22& 

M  7 


278  .H  I  s  Ta  IRE 

■ ■■"■■'  neV^  celles  qui 'habitent  les  contrées  qui 

^^^•^^•s'étendenc  depuis  reraboùchure  de  TOreno- 
que  jufqu^à  la  péninfule  d* Yucatan ,  étoient 
auflî  dans  le  même  état.  Dans  ces  fociétés 
il  petites  &  il  nombreufes,  il  devoit  y  avoir 
fans  doute  quelques  variétés  qui  marquoient 
dés  dïfFérenees  dans  les  progrès;  de  la  civili- 
fètion.  Mais  ce  feroit  en  vain  que  nous 
chercherions  ces  variétés  ,  parce  qu'elles 
n'ont  pas  été  obfervées  par  des  hommes  en 
état  de  démêler  ces  légères  différences  qui 
diflinguent  les  nations  les  unes  des  autres 
lors  même  qu'elles  ont  en  général  le  même 
caradere.  A  quelque  chofe  près,  le  tableau 
que  nous  venons  de  tracer  convient  égaler 
ment  à  tous  les  peuples  de  l'Amérique,  qui 
joignoient  un  peu  d'agriculture  aux  produits 
de  la  chaile  &  de  la  pêche. 

Quelque  imparfaites  ^  grofîieres  que  nous- 
-  paroiffent  ces  inftitutions  >  il  y  avoit  des 
tribus  qui  avoient  fait  encore  moins  de  pro* 
grès.  Parmi  les  nations  qui  vivoient  unique- 
ment de  la  chafTe  &  de  la  pêche  à,  qui  n'a» 
voient  aucune  efpece  d'agriculture,  l'union' 
&  le  fentiment  de  la  dépendance  mutuelle 
entre  les  membres  étoient  ii  foibles,  qu'on 
avoit  peine  à  ûéoouvxit  dans  leurs  a^ion« 


D  E    L^A  M  E  R  I  Q  tj  E.  279 

juelqu'apparence  d'ordre  &  de  gouverne- 
ncnt.  Leurs  befoias  étoient  en  petit  nom- ^^"^^  ^^•* 
)re,  Tobjet  de  leurs  entreprifes  étoit  fim- 
3le;  elles  formoient  des  peuplades  féparées 
>cagi{roient  de  concert  par  inftinâ;,  par  ha« 
>itude  ou  par  intérêt,  plutôt  que  par  des 
n-jncipes  raifonnés  d'union  &  d'aiïbciation, 
î  faut  placer  dans  cette- clafTe  les  Califor- 
liens  5  plufieurs  des  nations  qui  habitent  la 
'^aile  contrée  du  Paraguay,  quelques  peu- 
ples des  bords  de  l'Orénoque  &  de  la  ri- 
'iere  de  Sainte  -  Magdéleine  dans  le  nouveau 
oyaume  de  Grenade  (î)» 

Mais  parmi  ces  nations  même ,  oh  l'on  Quelques 
pperçoit  à  peine  l'ombre  d'un  gouverne-^erde"" 
nent  régulier  .  oh  l'autorité  eft  refTerrée  gouvera». 

°  ^  menu 

•ans  des  bornes  11  étroites  ,  on  trouve 
jaelquefois  des  inilitutions  qui  donnent  au 
hef  un  pouvoir  qui  femble  oppofé  au  ca- 
adlere  des  peuples  fauvages.  En  obfervant 
es  inftitutions  politiques  établies  par  l'hom- 
'He,  foit  dans  l'état  fauvage,  foit  dans  la 
vivilifation ,  on  en  découvre  toujours  quel- 
!5ues  -  unes  d'irrégulieres  qui  forteat  des  re. 
i^lès  générales ,  qui  contrarient  l'ordre  de- 

0)  Venegas  l,p.  6a.  Lmr,  édlf,  //,  p.  i-jC,  Tecbov 


afio  H  r  s  T  o  I  u  e 

y—  toutes  les  autres  -  &  qu*on  s'etForceroît  va 
1,1V.  IV.  jjen^ent  ^e  concilier  avec  le  fydême  gém 
rai  des  loix  &  des  principes  qai  gouve 
nent  les  foci  tés  dans  les  mêmes  circonftai 
ces.  On  en  rencontre  quelques-  unes  de  fer 
blables  en  Amérique  pam^i  les  peuples  qt 
nous  avons  confondus  fous  le  nom  commt 
de  Sauvages.  Elles  font  (î  curieufes  & 
importantes,  que  je  crois  néceflaire  de  h 
faire  connoître  &  de  remonter  à  leur  or 
gine. 
Surtout       Dans  le  nouveau  monde  ,  comme   dar 

dans  quel-  ,  •         i        i    i  i 

qucs  par-  toutes  Ics  autrcs  parties  du  globe ,  les  cor 
pays'^^^  trées  froides  à.  tempérées  Ton'  le  (iege  ù 
chauds.  Yori  de  la  liberté  &  de  Tindépendance,  L 
les  âmes  font  fortes  &  vigoureufes  comm 
les  corps.  Plein  du  fentiment  de  fa  dign 
té  perfonnelle  &  capable  des  plus  grand 
efforts  pour  la  faire  refpeder,  l'homme 
afpire  toujours  à  Tindépendance,  &  rien  n 
peut  foumettre  fa  fierté  opiniâtre  au  jou 
de  la  fervitude.  Dans  les  climats  chauds 
oh  les  corps  font  toujours  énervés,  oL  un 
fenlation  agréable  &  pré  fente  paroît  la  ft 
prême  félicité  ,  l'homme  confent  aifémer 
à  pafler  fous  la  puifTance  d'un  maître.  Au( 
fi, en  parcourant  le  continent  de  TAmériqu 


DE    L'A  ME  a  I  qu  E.  Sgl 

lu  nord  au  fud,  nous  verrons  toujours  Tau-  m^— i 
brité  s'accroître  avec  la  chaleur  du  climat ,  ^^*  ^^^ 
ic  les  hommes  perdre  de  leur  activité  à 
^efure  que  le  foleil  en  acquiert  davantage. 
f)ans  la  Floride  l'autorité  des  chefs  &  des 
aciques  étoit  non  -  feulement  permanente  , 
laais  héréditaire.  On  les  avoit  diflingués 
iar  des  ornemens  particuliers ,  par  des  pré- 
pgatives  de  différens  genres  ,  &  leurs  fu- 
2ts  n'ofoient  les  approcher  qu'avec  ces 
Jémonftrations  de  refped  &  de  vénéra- 
^on,  que  les  fujets  d'un  defpote  font  ac- 
foutumés  à  employer  en  approchant  du 
ffône  de  leur  maître  Çi).  Chez  les  Nat*  chez  k» 
phez ,  nation  qui  habite  fur  les  bords  du  Natchea. 
jvlinifîipi ,  on  connoît  des  différences  de 
âng  qui  font  abfolument  ignorées  des  na« 
ions  feptentrionales.  Quelques  familles 
ont  réputées  nobles  &  jouiflent  de  plu- 
leurs  dignités  héréditaires.  Le  corps  du 
)euple  eft  confidéré  comme  vil  &  formé 
feulement  pour  la  fujétion.  Ces  diflindions 
font  fixées  par  des  noms,  qui  marquent  l'é- 
lévation de  la  première  claiTe  &  TabailTe- 
.  i- _ . 

f  (0  Cardenas  y  Cano  enfuyo  Chrinol,  à  la  h'ift.  de  Fh» 
;ida ,  p,  46.  Lemoine  de  Morgues  ^^oenes  Florin ,  ap.  de 
^^y  •>  P-  I  >  4 >  ^««  Charlevoix ,  b'tfi,  tle  Ui  Nouy,  fté 
Ul,  p.  467. 


282  Histoire 

ment  ignominieux  de  la  féconde»    On  doi 

Liv.iv.  j^g  ^^^  nobles  le  nom  de   reJpectàbUs , 

aux  gens  du  peuple  celui  de  puants.    I 

premier  chef,  celui  dans  lequel  réfide  Tai 

torité  fuprême  ,  efl  coniidéré  comme  i 

être  d'une  nature  fupérieure,  comme  le  é 

du  foleil ,  le  feul- objet  de  leurs  adoratiôr» 

On  n*en  approche  qu'avec  une  vénératici 

religieufe  &  on  lui  rend  les  honneurs  qi 

font  dûs  au  repréfentant  de    la  Divinit 

Ses  volontés  font  des  loîx:,  auxquelles  ( 

doit  une  obéiiïance  aveugle.    La  vie  de  f 

fuj€ts  efl  tellement  dans  fa  dépendance 

que  le  malheureux  qui  a  pu  lui  déplaire  \ 

lui  offrir  fa  tête  avec  une  profonde  humil 

té.     Sa  puiflance  ne  finit  pas  avec  fa  viïi 

il  doit  être  accompagné  dans  l'autre  mond 

par  les  perfonnes  qui  l'ont  fervi  dans  celuii 

ci  :  pluûeurs  de  fes  domefliques ,  fes  prici 

cipaux  officiers  &  fes  femmes  les  plus  ché 

ïies  font  immolés  fur  fa  tombe  ;  &  tel 

efl  la  vénération  qu'il  a  infpirée,  que  toute 

^  ces  victimes  vont  avec  joie  à  la  mort  &  r€i 

gardent  comme  la  diftindion  la  plus  honà 

rable  &  la  récompenfe  la  plus  belle  de  leui 

fidélité  Ci)  d'être  cboifîs  pour  accompagna 

Ci}  Dumoïi!: ,  Mémoire  liifl,  fur  la  Louïfiane,  I,  />.  i 


D  E      L*A  M  E  R  I  Q  U  E.  283 

eur  maître  au  tombeau.    Ainfi  Ton  voit  é-   — ■ 
abli  chez  les  Natchez  un  defpotifme  par-  Liv.iv. 
['ait,  avec  tout  Ton  cortège  de  fuperfticion , 
.'arrogance  &  de  cruauté  ;  &  par  une  fin- 
;ulier-e  fatalité  ce  peuple  a  éprouvé  toutes 
|J2S  calamités  qui  appartiennent  aux  nations 
iolicées ,   quoiqu'il  n'ait  pas  fait  dans  les 
rts  &  dans  la  civilifation  beaucoup  plus  de 
ijrogrès  que  les  tribus  dont  il  eft  entouré. 
.  A  Hifpaniola^  à  Cuba  &  dans  les  grandes  Dans  le» 
les  ,   les  caciques  &  les  chefs  jouiffoient  ^^^^' 
l'un  pouvoir  fort  étendu,  &  leur  dignité 
îjs  tranfmettoit  par  droit  héréditaire  du  pe- 
je  au  fils,  avec  les  honneurs  &  les  préra» 
itatîves  diflinguées  qui  y  étoient  attachées. 
Les  fujets  avoient  un  grand  refped  pour 
pur  chef  &  fe  foumettoient  à  fes  ordres 
^lins  réferve  &  fans  réfîflance   (i).    Les 
ilaciques  étoient  diflingaés   par   des  orne# 
':  ^lens  particuliers  ;  &  pour  augmenter  &  main- 
tenir la  vénération  des  peuples,  ils  avoient 
u  l'art  d'appeller  la  fuperflition  au  fecours 
e  leur  autorité.  Ils  préfentoient  leurs  conî- 
landemens    comme   les  oracles  du  ciel  & 


I 


hadevois,  Wfi,  de  la  Nouy.  Fr,  III,  p.  419,  &€.  Lettu 
'if.  XX,  106,  III. 

Ct>  Ilenera,  dccaJ,  i  ,  îîh,  I,c,  i<5;  lih  III ^  c,  ^,  pn 
).  Fie  de  Colomb ,  chah.  ;j. 


fiS4  Histoire 

1—  prétendoient  être  doués  du  pouvoir  de  ré 

Liv.  IV.  gler  les  faifons ,  de  difpenfer  le  foleil  &  1 

pluie  ,  félon  que  leurs  fujets  en  avoier 

befoin» 

.g    ^      Dans  quelques  parties  du  continent  Faute 

*»•         rite  des  caciques  femble  avoir  été  aufli  éter 

due  que  dans  les  ifles.  Dans  Bogota ,  qui  e; 

aujourd'hui  une  province  du  nouveau  royati 

me  de  Grenade ,  il  y  avoit  une  nation  pli 

nombreufe  &  plus  avancée  dans  les  diffc 

rens  arts  qu'aucun   autre  peuple  d'Araér 

que  y  à  l'exception  des  Mexicains  &  de 

Péruviens,     Elle  fubQftoic  principalemet 

du  produit  de  l'agriculture.    L'idée  de  prc 

priété  y  étoic  établie  &  les  droits  en  étoiet 

maintenus  par  des  loix,  tranfmifes  par  m 

dition  &  obfervées  avec  un  grand  foin  (^i 

Ce  peuple  vivoit  dans  de  grandes  villes;  : 

étoit  vêtu  d'une  manière  convenable,  & 

avoit  des  maifons  qu'on  pouvoit  regardd 

comme  commodes  en  comparaifon  de  celh 

des  nations  qui  Tenvironnoient.    Cette  é 

vilifation  extraordinaire  avoit  produit  de 

effets  fenfibles.     Il  y  avoit  une  forme  rè 

guliere  de  gouvernement  &  un  tribunal  éti 

Ci)  Piedrabita ,  hifi,  ds  las  con^tiifias  M  noffV,    m 
i&  gros,  p*  4$» 


D  E  l'A  m  e  r  I  q  u  e.  485 

)li  pour  connoîcre  des  difFérens  crimes  &   ^55i 
es  punir  avec  févérité.     On  y  connoiflToit  ^^^'^^^ 
a  diftindion  des  rangs.    Le  chef,   à  qui 
es  Efpagnols  donnoienc  le  titre  de  monar- 
[ue  5  &  qui  méritoic  ce  nom  par  l'appareil 
z  rétendue  de  fon  autorité  ,    gouvernoic 
ivec  un  pouvoir  abfolu.    Il  avoit  des  offi- 
'  :iers  de  difFérens  grades,  &  il  ne  paroifToîc 
Jamais  en  public  fans  une  fuite  nombreufe: 
1  étoit  porté  avec  beaucoup  de  pompe  dans 
:ine  efpece  de  palanquin  ,  précédé  par  des 
:oureurs  qui  alloient  en  avant  pour  faire 
nettoyer  la  route  de  fon  paiTage  &  la  jon* 
:her  de  fleurs.    La  dépenfe  de  cette  pom- 
pe extraordinaire  fe  prenoit  fur  les  taxes  & 
fur  les  préfens   qu'il  recevoit  du  peuple , 
''pour  qui  ce  prince  étoit  un  objet  de  véné- 
ration Il  impofant  que  perfonne  n'ofoic  le 
[regarder  en  face ,  ni  même  s'approcher  de 
Oui  autrement  qu'en  détournant  le  vifage(i}. 
ill  y  avoic  fur  le  même  continent  d'autres 
'tribus  ,  moins  avancées  dans  la  civilifation 
que  le  peuple  de  Bogota  ,  chez  lefquelles 
cependant  l'^fprit   de  liberté  &  d'indépen- 
fdance ,  fi  naturel  à  l'homme  fauvage ,  étoit 

1     CiJ  Herrera,  dec.  6,  lib.  /,  f.   2,  lib.  F,  r.  56.    Pie- 
àiahita ,  c,  5 ,  p.  2g,  &^c.  Cornera ,  ft>/?.  c*  72. 


285  Histoire 

déjà  fournis  à  une  forte  de  police,  &  qui 
Liv.iv.  avoient  des  caciques  revécus  d'une  autorirfi 

té  aflez  étendue. 
Caufede     II  n*effc  pas  aifé  d'indiquer  les  circonflaw 
«^s  van  -^gg  ^.  ^e^^j-j^âier  les  caufes  qui  ont  contri* 
bué   à  introduire   &   à  établir   parmi  cqé 
peuples,  une  forme  de  gouvernement  û  dif- 
férente de  celui  des  tribus  qui  les  environ- 
nent ,  &  li  oppofée  au  génie  des  nations  fau. 
vages.    Si  les  hommes  qui  ont  eu  occafion 
de   les  obferver  dans,  leur  état  primitif,  -j/ 
avoient  apporté  plus  d'attention  &  de  dif- 
cernement ,  nous  aurions  pu  en   recevoir 
des  lumières  fuffifantes  pour  nous  guidei 
dans  cette  recherche.    Si  d'un  autre  côte 
l'hifloire  d'un  peuple  à  qui  l'ufage  de  l'é* 
criture  efl  inconnu ,  n'étoit  pas  enveloppé 
de  ténèbres  impénétrables ,  nous  pourrions: 
tirer  de  cette  fource   quelques   éclaircifle" 
mens.    Mais  nous  ne  pouvons  rien  recueil* 
lir  de  fatisfaifant  ni   des  relations  des  Ef- 
pagnols  ni  des   traditions  même  des  habi- 
tans  ;  il  faut  avoir  recours  aux  conjedlures 
pour  expliquer  les  irrégularités  qui  fe  pré» 
fentent  dans  l'état  politique  des   peuples 
dont  nous  parlons.    Comme  toutes  ces  tri- 
bus qui  avoieiic  déjà  perdu  leur  liberté  & 


DE     l'A  M  E  R  I  Q  U  E.  287 

pur  indépendance  naturelle,  étoîent  fîtuées  ^^êêêê 
jUs  la  zone  torride  ou  dans  des  pays  qui  ï-iv.iv. 
1  font  voifins  ,  on  peut  fuppofer  que  le 
limât  a  contribué  à  les  difpofer  k  cet  état 
;?  fervitude  ,  qui  femble  être  la  deftinée 
^  Thomme  dans  ces  régions  de  la  terre. 
lais,  quoique  l'influence  du  climat,  plus 
uiflante  que  celle  d'aucune  autre  caufe  na- 
relle,  ne  doive  pas  être  négligée  ,  cette 
rconilance  feule  ne  peut  cependant  pas 
iffire  pour  donner  la  folution  du  problê- 
,e.  Les  adlions  des  hommes  font  lî  com- 
iquées  qu'il  ne  faut  pas  fe  hâter  d'attri- 
ier  à  un  feul  principe  la  forme  particu- 
2re  qu'on  leur  voit  prendre»  Quoique  le 
^fpotifme  ne  fe  trouve  en  Amérique  que 
i)us  la  zone  torride  &  dans  les  pays  chauds 
Ji  l'avoiSnent ,  j'ai  déjà  obfervé  que  ces 
lys  font  habités  par  différentes  tribus  , 
ont  les  unes  jouiiTent  d'une  grande  liberté 
I  les  autres  ne  font  foumifes  à  aucune  ef* 
bce  de  police.  L'indolence  &  la  timidité  , 
particulière  aux  habitans  des  ifles  les  ren- 
bient  tellement  incapables  des  lentimens 
:  des  efforts  néceffaires  pour  refier  dans 
|indépendance ,  qu'il  feroit  inutile  de  cher- 
bier  quelqu'autre  caufe  de  leur  lâche  fou- 


i88  Histoire 

"^a—  miflion  à  la  volonté  d*un  chef^  La  fervi 
Liv.  iV.  fyj^g  (jgg  Natchez  &  des  habitans  de  Bog(| 
ta  femblent  avoir  été  un  efFec  naturel  c 
la  différence  qu'il  y  avoit  entre  leur  éti 
&  celui  des  autres  Américains.  Ils  fo 
moient  des  nations  fixes ,  réfidant  conflan 
ment  dans  le  même  lieu.  La  chafîe  n'éto 
point  la  principale  occupation  des  premiern 
&  les  derniers  ne  paroiffent  pas  avoir  com 
té  fur  cette  reffource  pour  en  faire  i 
moyen  de  fubfiftance.  Les  uns  &  les  a 
très  avoient  fait  affez  de  progrès  dans  1'; 
griculture  &  dans  les  arts ,  pour  avoir  { 
introduire  dans  leur  police  une  idée  pli 
ou  moins  précife  de  la  propriété.  Dans  c< 
état  de  fociété,  l'avarice  &  l'ambition  oi 
déjà  des  objets  fur  lefquels  elles  peuveit 
exercer  leur  influence.  Des  vues  d'intén 
réveillent  les  égoïfles  ,  le  défîr  de  coD 
mander  excite  les  efprits  entreprenans:  lîj 
uns  &  les  autres  afpirent  à  la  dominatic 
&  des  paffions  inconnues  à  l'homme  fai 
ge  les  portent  à  empiéter  fur  les  droits  4| 
leurs  concitoyens.  Des  motifs  qui  font 
gaiement  étrangers  à  toutes  les  nations  fai 
vages,  obligent  le  peuple  à  fe  foumetti 
fans  réfîftance  à  Tautorité  ufurpée  de  Jeui 

m 


D  E  l'A  m  p.  r  I  q  u  e.  28P 

iupcricurs;  mais  parmi  ces  nations  mêmes,  Ç^»5 
>>n  n'auroit  pas  pu  ,  fars  le  fecours  de  la  ^^^''  ^^* 
[upei-ftition ,   rendre  i'efpiic  des  peuples  fi 
llocile  &  le  pouvoir  des  chefs   fi  étendu. 
]'£(l  la  fatale  influence  de  la  fuperflition , 
!  dans  tous  les  degrés  de  la  fociété  abaif^ 
;î  &  dégrade  refprit  humain  ,  brife  fa  vi- 
;ur  &  fon  indépendance  naturelle.  Qui- 
:que  fait  manier  cet  inllrument  redouta- 
is  e(l  fur  de  dominer  fur    fon   efpece. 
lalheureufement  pour    les   peuples    dont 
is  inflitutions  font  l'objet  de  nos  recher- 
hes ,  ce  pouvoir  étoic  entre  les  mains  de 
2UYS  chefs.     Les  caciques  des   ifles  pou* 
cient  faire  parler  comme  il  leur  plaifoit , 
;urs  Cémis  ou  divinités,  &  c'étoit  par  leur 
iterpodtion   61:   en  leur  nom  qu'ils  impo» 
)ient  des  tributs  &  des  charges  fur  le  peu- 
,'c  (i).    Le  grand  chef  des  Natchez  étoît 
^  principal  miniflre,  ainli  que  le  repréfen- 
^nt  du  foleil  qu'ils  adoroient.    Le  refpedt 
|ue  le  peuple  de -Bogota  avoit  pour  fes 
jionarques  étoit  dicté  parla  religion;  l'hé- 
[tier  apparent  du  royaume  étoit  élevé  dans 
intérieur  du  temple  principal ,   fous    une 
iTcipline  auPtere  ,  &  avec  des  cérémonies 


■  -^^rfatvcy»-^»»*^ 


Toms  IL  N 


\' 


590 


Histoire 


particulières  ,   propres  à   inrpirer  à  Tes  fu. 
Liv.  iv,jgj.g  la  plus  haute  opinion  de  la  fainceté  di^ 
fon  caradtere  &  de  la  dignité  de  fa  pla: 
ce  (i^.    Ainû  la  fuperflition ,  qui  dans  le. 
premiers  périodes  de  la  fociété  efl  entières 
ment  inconnue, ou  qui  épuife  toute  fa  fon 
ce'  en   pratiques  vaines  &  puériles ,  avoi 
déjà  pris  un   empire  marqué  fur  les  peu 
pies  /américains  qui   avoient  fait  quelque  1 
progrès  vers    la  civilifation  ;    ainîî   c'éto 
déjà  le  principal  indrument  qui  avoit  .ferv| 
à  plier  leur  ame  à  une  fervitude  prématu 
rée;  &  dès  le  commencement  de  leur  cai 
riere  politique ,  elle  les  avoit  foumis  à  u 
defpoiifme  prefqu'auiïï  rigoureux  que  celi 
qui  opprime  les  nations  dans  le  dernier  p( 
riode  de  leur  corruption  ù.  de  leur  décaj 
dence. 
Art  de  la    V.  Après  avoir  examiné  les  inflitutic 
guerre,    politiques  des  peuples  fauvages  en  Améri^ 
que,  notre  attention  fe  porte  naturellemei; 
fur  leur  art  de  faire  la  guerre  ;  c'eil  -  à 
re ,  fur  les  moyens  qu'ils  ont  imaginés  pdS 
la  fureté  &  la  défenfe  nationale.     Les  p« 
tites  tribus  difperfées  fur  ce  continent  foi 
non  -  feulement  indépendantes   &  ifoîéesi 

(i)  Piediahita,^.  £/. 


D  E      L'A  M  K  R  I  Q  U  E,  2pl 

lais  fe  trouvent  engagées  dans  des  hoflili-  ^^m 
es  perpétuelles  les  unes  avec  les  autres  (i).  Liv.iv. 
Quoique  Tidée  d'une  propriété  particulière 

,\uienant  à  un  feul  individu  leur  foit  é» 
rangere  ,  les  Américains  les  plus  groffiers 

nuOiTient  le  droit  que  chaque  coramunau- 
j, .  a  fur  Tes  propres  domaines  ;  ils  regar- 
ent ce  droit  comme  entier  &  exclufîf ,  au- 
briiant  le  pofîefleur  à  repoufler  par  la  fbr- 
lù  toute  ufurpation  des  tribus  voifînes. 
iomme  il  efl:  de  la  plus  grande  importance 
pour  eux  qu'on  ne  vienne  point  troubler 
m  détruire  le 'gibier  dans  leur  terrein  de 
hafie,  ils  défendent  avec  une  attention  ja- 
oufe  cette  propriété  nationale;  mais  com- 
ae  en  même  tems  leurs  territoires  font 
brt  étendus  &  que  les  limites  n'en  font 
las  exaclement  fixées ,  il  s'élève  des  fujets 
nnombrables  de  querelles  qui  rarement  fe 
erminent  fans    effufioQ  de    fang.     Même 

^ns  cet  -état  (impie  &  primitif  de  la  fo- 
^.xité  ,  l'intérêt  efl  une  fource  de  difcor- 
|le,  qui  fouvent  oblige  les  tribus  fauvages 
ji  prendre  les  armes ,  pour  repoulfer  ou  pu« 
iiir  ceux  qui  font  des  incurûons  dans  les 

(î)  Ribas,  hiji^  de  los  îrhimf,  p.  9, 

N  2 


292  Histoire 

mBssna  foréts  OU  dans  les  plaines    d'où  ils  tirent 
Liv.  iv.jeur  fubfiflance» 

Mais  rintérêc  n'efl  pas  le  motif  le  plu, 

Leurs  mo-  ^  *■ 

tifs  pour  fréquent  ni  le  plus   puifTant  des  hoftilité; 

guerre,  continuelles  qui  fubiiflent  parmi  les  natiom 
fauvages.  Il  faut  en  chercher  la  principal 
caufe  dans  cette  palBon  de  vengecince  qu 
brûle  dans  le  cœur  des  fauvages  avec  tac 
de  violence,  que  le  befoin  de  la  fatisfair 
peut  être  regardé  comme  le  caraâ:ere  dil 
tindif  des  hommes  dans  l'état  qui  préced 
la  civîlifation.  Des  circonflances  très -puis 
fantes  ,  foit  dans  la  police  intérieure  de 
tribus  fauvages ,  foit  dans  leurs  opération 
au  dehors  contre  des  ennemis  étrangers 
concourent  à  nourrir  &  à  fortifier  une  pas 
lion  û  funede  à  la  tranquilité  générak 
Lorfqu'cn  laifTe  à  chaque  individu  le  droi 
de  venger  fes  injures  de  fes  propres  mains 
toute  cffenfe  ed  refientie  avec  une  extr^i 
me  vivacité ,  &  la  vengeance  s'exere 
avec  une  animofité  implacable.  Le  tenu 
ce  peut  effacer  la  mémoire  de  Tinjut 
qu'on  a  reçue ,  à.  il  eft  rare  qu'elle  ne  fb 
Efpntdepas  à  la  fin  expiée  par  le  far»  g  de  i'ag^J 

\^ngean.  ^^^^^  ^^g  nations  fauvages  font  gouverné 
dans  leurs  guerres  publiques  par  les  même 
idées  ôc  animées  du  mêaie  efprlt  que  dan 


D  E    L'A  M  E  R  I  Q  U  E.  ap^ 

a  pourfuite  de  leurs  vengeances  particulie- 

es.  Dans  les  petites  communautés  chaque  Liv.  iv. 

adividu  efc  afFedté  de  l'injure  &  de  l'affront: 

[u*on  fait  au  corps  dont  il  eft  membre , 

:omme  fi  c'étoit  une  atteinte  diredle  à  fôn 

)ropre  honneur  ou  à  fa  fureté  perfonnelle. 

^e  defir  de  la  vengeance  fe  communique 

le  l'un  à  l'autre  &  devient  bientôt  une  ef- 

)ece  de  fureur.    Comme  les  fociétés  foi- 

)les  ne  peuvent  entrer  en  campagne  que 

)ar  petites  troupes ,  chaque  guerrier  a  le 

entiment  de  fa  propre  importance  &  fait 

.]u'une  partie  confidérable  de  la  vengeance 

publique    dépend    de  fes  propres   efforts. 

f^infi  la  guerre  qui  entre  de  grands  états  fe 

Fait  avec  peu  d'animoUté ,  fe  pourfuit  par 

les  petites  tribus  avec  toute  la  violence  d'à* 

ne  querelle  particulière.    Le    reiTentimentfDe-iUa 

de  ces  nations  efl  aufli  implacable  que  ce-  de  feuts 

.lui  des  individus.   Il  peut  diiîlmuler  ou  fuf-  i^^^^* 

jpendre  fes  effets ,  mais  il  ne  s'éteint  jamais  ^ 

..&  fouvent  lorfqu'on  s'y  attend  le  moins  il 

[éclate    avec    un  furcroît    de   fureur  (i). 

CO Boucher,  hljî,  mi.  de  la  Nouv,  Fr,  p.  93.  Charles 
voix ,  W.fl,  de  la  Nouv.  Fr,  III ,  p.  215  -  251.  Lery ,  ap, 
di  Bij ,  III,  p.  204.  Creuxii,  Mfl,  Canad.  p.  72.  Lozano, 
uj'.  dd  gran  Chaco ,  p,  95,    Hennepin,   mœurs  des  Sauy, 

N3 


ôP4  Histoire  I 

Lorfque   les    nations  policées   ont  obtenu  ! 
Liv.  IV.  rhonneur  de  la  victoire  ou  une  augmenta- J 
tion  de   domaine ,   elles  peuvent  terminer  | 
glorieufement  une  guerre;  mais  les  fauva-ji 
ges  ne  font  fatisfaits  qu'après   avoir  ex  ter  ï 
miné  la  tribu  qui  efl  l'objet  de  leur  rage. 
Ils  combattent  non  pour  conquérir  ,   mais 
pour  détruire.   S'ils  commencent  des  hoRi» 
lités  3  c'efl  avec  la   réfolution  de  ne  plu; 
voir  la  face  de  leurs  ennemis  qu'en  état  de 
guerre  5  &  de  pourfuivre  la  querelle  avec 
une  haine  éternelle  (i}.    Le  deûr  de  la 
vengeance  efl  le  premier  &  prefque  le  feu 
principe   qu'un   fauvage  fonge  à  inculquei 
dans  l'ame  de  fes  enfans  (2}.     Ce  fenti 
ment  croît  ^vec  eux  à  mefure  qu'ils  avan* 
cent  en  âge  ,  &  comme  leur  attention  né 
fe  porte  que  fur  un  petit  nombre  d'objets» 
il  acquiert  un  degré  de  force  inconnue  par-r 
mi  les  hommes  dont  les  paillons  font  dilïï-l 
pées  &  affoiblies   par  la  variété  de  leurs 
goûts  &  de  leurs  occupations.   Ce  delir  del 
vengeance  qui  s'empare  du  cœur  des  fauva-i 

CO  Charlcvoix,  hlfl.  âe  la  Nouy.  Fr,  IIl ,  p.  251.  Gol- 
den, I,  103}  II,  126.  Barrere,  p.  170--X73. 

C2)  Chadevoix,  hifl.  de  la  Nouy.  Fr.  ![[,  ^269  Lery, 
ap*  de  Bry,  III,  23(3.  Lozauo,  hi/l.  du  Parag.  /,  144,  r. 


D  E  l'A  m  e  r  î  q  u  e.  ^gs 

3,  reflemble  plutôt  à  la  fureur  d'iiiftindl  ? 


.les  animaux  qu'à  une  pafïïoa  humaine.  Oa^^^*  ^^* 
le  voit  s*exercer  avec  une  fureur  aveugle 
'même  contre  des  objets  inamimés.  Si  un 
fauvage  efl  blelTé  par  hafard  par  une  pier- 
re, il  la  faiiit  fouvent  par  un  tranfport  de 
colère  6c  tâche  d'appaifer  fur  elle  foa  res- 
fentlment  en  la  brifant  (i}.  S'il  efl:  blelTé 
d'une  flèche  en  combattant,  il  Tarrache  de 
fa  bleiTure ,  la  rompe  avec  fes  dents  &  ^a 
jette  en  pièces  fur  la  terre  (2).  A  Tégard 
de  fes  ennemis ,  la  rage  de  la  vengeance 
ne  connoît  point  de  bornes.  Dominé  par 
cette  palTioa  ,  l'homme  devient  le  plus  cruel 
de  tous  les  animaux;  il  ne  fait  ni  plaindre, 
ni  pardonner ,  ni  épargner. 

La  violence  de  cette  palTion  efl:  û  bien 
connue  des  Américains  eux-mêmes,  que 
'c*efl:  elle  qu'ils  invoquent  toujours  pour 
exciter  le  peuple  à  prendre  les  armes.  Si 
les  anciens  d'une  tribu  veulent  arracher  les 
1  jeunes  gens  à  l'indolence;  û  un  chef  fe 
ipropofe  d'engager  une  troupe  de  guerriers 
I  à  le  fuivre  dans  une  incurûon  fur  le  terri* 

CO  I^ery,  ap,  de  Bry ,  Kl ^  190. 
(2)  Lery,  ap,  de  Bry  3  Hf,  2o3.    Herrera,  àec,  l,  lih 
FI,  u  S. 

N4  ■ 


29(S  Histoire 

msmm  toÏYQ  ennemi,  c'efl  de  refprit  de  vengeaû- 
Liv.iv.  ce  qu'ils  tirent  les  mocifs  les  plus  puiffani 
de  leur  éloquence  martiale.  „  Les  os  dti 
j(,  nos  concitoyens,  difenc-ils,  font  enco- 
9  re  expofés  fur  la  terre.  Leur  lit  enfan 
»  glanté  n*a  pas  encore  été  nettoyé.  Leurs 
39  efprits crient  contre  nous;  il  faut  les  ap 
^  paifer.  Allons  &  dévorons  ceux  qui  les 
^  ont  malTacrés.  Ne  reftez  pas  plus  long*' 
„  tems  dans  Tinadlion  fur  vos  nattes  ;le« 
j,  vez  la  hache  ;  confoîez  les  efprits  des 
,,  morts  &  dites  -  leur  qu'ils  vont  être  ven- 
*  gés  fO." 
Perpé-  Echauffés  par  ces  exhortations,  les  jeunes 
guerres?  .^^^vages  fe  faililTent  de  leurs  armes  avec  un 
tranfport  de  fureur;  ils  entonnent  la  chan*) 
fon  de  guerre  &  brûlent  d'impatience  de 
tremper  leurs  mains  dans  le  fang  de  leurs 
ennemis.  Des  guerriers  particuliers  rafle:n- 
blent  fouvent  de  petites  troupes  &  vont 
attaquer  une  tribu  ennemie  fans  coofulter 
les  chefs  de  la  bourgade.  Un  feul  guerrier,  ^ 
par  un  mouvement,  ou  de  caprice  ou  de  i 
vengeance,  fe  met  quelquefois  feul  en  catn*  si] 

pagne 

(i)  Charievoix,  hifî.  da  li  Niuy,    Fr,  IIL^  216»  217. 
Lery,  ap.  de  Bry,  III,  204. 


B  fi    L'A  M  E  R  I  Q  U  E.  297 

oagne  &  fait  plufîeurs  centaines  de  milles  ^êêêêêê 
oour  furprendre   &    tuer    quelques   enne-Liv.  iv. 
mis  (i).    Les  exploits  d*un  guerrier  dans 
tes  excurfions  folitaires ,  forment  fou  vent 
ia- partie  principale  de  Tbiftoire  d'une  cam- 
pagne Américaine  (2),  &  les  chefs  fe  pré- 
;ent  à  ces  faillies  irrégulieres  du  courage, 
5arce  qu'elles  tendent   à  entretenir  refprit 
nartial  &  qu'elles  accoutument  le  peuple  à 
'audace  &  au  danger  C3).     Mais ,  lorfqu'il 
i'éleve  une  guerre  nationale,  entreprife  par 
autorité  publique,  les  délibérations  fe  pren- 
nent avec  règle  &  avec  lenteur.    Les  an- 
siens  s'afTemblent  ;  ils  expafent  leurs  opi- 
nions dans  des  difcours  folemneîs  ;  ils  pe* 
^rent  avec  maturité  la  nature  de  l'entreprï- 
^fe,  &  en  difcutent  les  avantages  ou  les  dé^ 
'favantages  avec  beaucoup   de  prudence  & 
de  fagacité   politique.     Les  preuves   &  les 
devins   font  confuîtés  ;  quelquefois  même 
bn  prend  l'avis  des  femmes  ("4}.    Si  la  dé. 
[cifion  ^{l  poar  la  guerre  ,  on  s'y  prépare 

;   (O  Voyez  la  Note  LXIII. 

f  CO  Voyez  la  Note  LXIV. 

I    (3.)  BoITli,  vùy.  I,  140.  Lery,  op.  de  Bry.ziS»     Heir- 

Repia,  fmurs  des  Sauy,  41»  Lafitau,  II,  169. 

(4)  Charlevoix,  Ufi,  à&  la  Nouy»  Fu  III »  aig-séSir 
Bkt>  367.380*- 


2p8  Histoire  j 

p— ■  avec  beaucoup  de  cérémonie.    Il  fe  préfen-  \ 
Ijv.iv.  te  un  chef  pour  diriger  l'expédition,  &  il  : 
efl  accepté  ;  mais  perfonne  n*efl  obligé  de' 
lefuivre:  la  réfolution  qu'a  prife  la  commu-f^ 
nauté  de  commencer  les  holtilités ,  n'inipo»  ;.( 
fe  à  aucun  de  fes  membres  l'obligation  de 
prendre  part  à  la  guerre.   ^Chaque  individu 
relie  le  maître  de  fa  conduite ,  &  il  ne  s'en' 
gage  à  fervir  que  de  fa  pure  volonté  (i}. 
Manière      ^^^  principes    qui  dirigent  leurs  opéra- 1| 

défaire    tions  militaires,   quoiqu'extrêmement  difFé-jl 

là  guerre.  ,  ....  ,,       j  '■] 

rens  des  prmcipes  qui  règlent  celles  des  na  û 

tions  cîvilifées  3  font  cependant  très-apprO'jj 

priés  à  leur  état  politique  &  au  pays  dans| 

lequel  ils  font  la  guerre,     lis  n'entrent  ja| 

mais   en  campagne    avec  des   corps  nom  |i 

breux,  dont  la  fubfiflance  durant  de  longi'i 

voyages,  à  travers  des  lacs  &  des  rivières  i 

&  dans  des  marches  de  plufieurs  centaine?  1 

de  milles  à  travers  des  forêts  horribles 3  exi*:  :; 

geroit  de  plus  grands  efforts  de  prévoyanccc;] 

&  d'induflrie  que  ne  peuvent  en  faire-^deiii! 

fauvage'.    Leurs  armées  ne  font  point  emM 

barradées  de  lourds  bagages.   Chaque  gueri^ 

rier  porte  avec  fes  armes  une  natte   &  ur  | 

petit;  fac  do  maiz,   &  c'ed   ce  qui  form<;i 


il}  ChâÛQ./oh  a  /47«.  6"<ï  ^  i\û^5'*  />.  217-2234 


D  E   l'A  m  E  R  I  QUE.  2p9 

out  Ton  équipage  militaire.   Quand  ils  font   9ÊÊÊÊ 
ncore  à  uae  certaine  diftance  des  frontie-  ^^v.iv. 
es  du  pays  ennemi ,  ils  fe  difperfent  dans 
es  bois  &  vivent  du  gibier  qu'ils  tuent  (Se 
les  poiffons  qu'ils    prennent.       Dès   qu'ila 
s'approchent  du  territoire  de  l'ennemi  qu'ils 
/ont   attaquer  ,   ils  raflemblent  toutes  les 
rroupes  &  s'avancent  avec  beaucoup  d'ordre 
iz  de  précaution.     Ils  n'ont  recours  qu'aux 
^mbufcades  &  aux  ilratagêraes.    Ils  ne  met- 
:ent  point  leur  gloire  à  attaquer  l'ennemi  de 
Front  &  à  force  ouverte.    Le  furprendre  & 
le  détraire,  voilà  le  plus  grand  mérite  d'un 
chef  &  la  gloire  de  fes  guerriers.     Comme 
la  chaHe  &  la  guerre  font  leurs  feules  occu- 
pations ,  ils  y  portent  le  raétiie  efprit  (3c  les 
mêmes  rufes.  Ils  fuivent  leurs  ennemis  à  la 
trace  au  travers  des  forêts.    Ils  eraploienc 
dans  la  guerre   ces   moyens  que  prend  le 
Ghaiïeur    pour   découvrir  fa  proie  ,    cette 
adreOe  à  fe  tenir  caché  près  des  lieux  ob 
elle  peut  être ,  cette  patience  à  l'attendre 
pendant  plulîeurs  jours  jufqu'à  ce  qu'elle  ne 
puîlTe  plus   lui  échapper  &  qu'il  fait  plus 
fur  de  la  prendre.  Lorfqu'lls  ne  rencontrent 
point  de  parti  détaché  de  l'ennemi   ils  s''a- 
vaaceat  iufques  dans  les  villages ,  nmls  avec 


3^  Histoire 

i™55l  tant  de  précautions  pour  cacher  leur  approi 
Li  v.iv,  çYiQ^  qu'ils  fe  gliflent  fouvent  dans  les  forêt 
en  marchant  fur  les  mains  &  fur  les  pieds 
&  pour  mieux  fe  cacher  ils  fe  peignent  1 
peau  de  couleur  de  feuilles  mortes  (ij 
Lorfqu'ils  font  aflez  heureux  pour  n'ôtre  pa 
découverts^  ils  profitent  du  filence  de  1; 
nuit  pour  mettre  le  feu  aux  cabanes  &  mal 
facrer  les  habitans ,  qui  fuient  nuds  &  fan 
défenfe  pour  fe  dérober  aux  flammes.  S'il 
efperent  de  n'être  pas  pourfuivis  dans  leu 
retraite  ,  ils  amènent  avec  eux  quelque 
prifonniers ,  qu'ils  deftinent  au  fort  le  plu; 
affreux.  Mais  fî ,  malgré  toutes  leurs  précau* 
tions  &  toute  leur  adreire,  leurs  defleins  6* 
leurs  mouvemens  font  découverts,  l'enne 
mi  a  pris  l'allarme  <Sc  fe  prépare  à  les  rece» 
voir,  ils  penfent  alors  que  le  parti  le  pluil 
fage  eîl  de  fe  retirer.  Attaquer  un  ennemi 
en  plein  champ,  lorfqu'il  eft  fur  fes  gardet 
&  avec  des  forces  égales ,  leur  paroît  une 
extrême  folie.  Le  fuccès  le  plus  brillant 
paroît  une  défaite  au  chef,  .s'il  l'a  acheté 
par  une  perte  confidérable  de  fes  compati  ^ 

(O  Cbailevoix  ,    /;.|/?.  de  la  Nouv.  Fr.   III ,   237- 238^-^ 
i-Ujincpin,  Moeurs  dss  Sauyag&s ,  p,  ^g»,  \ 


D  E     t'A  M  E  R  I  Q  U  E.  30I 

gnons  (0^  <5c  jamais  il  ne  fe  glorifie  d'une   «es* 
vidoire  fouillée  de  leur  fang  (2),   La  mort   Liv.lV. 
môme  la  plus  honorable  ne  fauve  pas  la  mé- 
moire d'un  guerrier  du  reproche  d'impru» 
dence  &  de  témérité  (3). 

Certe  manière  de  faire  la  guerre  étoit  uni-  Hs  ne 
verfelle  en  Amérique  ;   les  petites  nations pls^de^^ 
fauvages  répandues  dans  des  pays  (Se  des  cli- ^°^^^''^^^* 
mats  très -divers  montroient  toutes  plus  de 
'îufe  que  d'audace  dans  leurs  entreprifes  mi- 
litaires.    Frappés  de  roppofîtijan  de  leurs 
^principes  à  cet  égard  avec  les  idées  &  les 
maximes  des  nations  Européennes ^  quelques 
auteurs  ont  penfé  qu'il  ftilloit  en  chercher 
la  fource  dans  la  foibleiïe  <Si  la  lâcheté  qui 
:  femblent  cara^lérifer  furtout  \qs  Américains 
i  &  qui  les  rendent  incapables  de  touce  adioa 
\  noble  &  généreufe  (4)  ;  mais   û  nous  fai» 
'  fons  réflexion  que  dans  les  occaûons  extra* 
'  ordinaires  qui  exigent  de  grands   efforts, 
'  non  -  feulement  la  plupart  de  ces  tribus  fa» 
vent  fe  défendre  avec   opiniâtreté,   mais 

(i)  Voyez  la  Notû  LXy,  Lalimu ,  Mœurs  des  Sauva*' 
ges  ,  //,  248. 

C2J  Cbarlevoix ,  ^;/J.  âe  InNbuy.  Fr,  TU»  23a -  307.  Bie J. 

(3)  Charlevois,  lïl ,  376.  Voyez  ia  Notb  LXVL 

C4)  Recherch,  phîlof,  [ar  Te&  Amérïs*  /;  11$.  Fv$,  ^ 
Iks.  Marcb,  IF^  p,  410, 


Liv.  IV, 


302  H  I^  S  T  O  I  R  E 

qu'elles  attaquent  même  rennemi  avec  h 
courage  le  plus  audacieux,  &  montrent  un* 
préfence  d'efprit  qui  ne  craint  ni  le  dange 
ni  la  mort  3  nous  verrons  bien  que  leurs  pré 
cautions  doivent  avoir  quelqu*autre  cauf 
que  cette  timidité  qu'on  prétend  leur  êtr 
naturelle  (i).  Le  nombre  des  homme 
dans  chaque  tribu  eft  fi  petit  &  les  diffi 
cakes  de  l'accroître  parmi  les  dangers  6 
les  peines  de  la  vie  fauvage  font  û  con 
lidérables ,  que  la  vie  d'un  citoyen  ef 
extrêmement  précieufe  &  fa  confervatioi 
le  premier  objet  du  gouvernement.  Si  1( 
point  d'honneur  parmi  les  foi  blés  tribuî. 
d'Amérique  eût  été  le  même  que  chez  lei 
nations  puiffantes  de  l'Europe ,  (i  elleî 
avoient  couru  à  la  célébrité  &  à  la  vic- 
toire en  méprifant  les  dangers  &  la  mort  j 
elles  auroient  été  bientôt^détruites  entière- 
ment par  des  maximes  fi  peu  conformes  U 
l'état  de  leur  population.  Mais  dans  les  tri- 
bus alTez  norabreufes  pour  être  en  état  d'a- 
gir avec  des  forces  plus  confidérables  &  dp 
fautenir  des  pertes  fans  un  afFoibliiïement' 
fenûble,  les  opérations  militaires  des  Amé* 


Ci)  Lafitau ,  Mœurs  des-  Saur,  H»  248"249.  Chaiie-voix., 

m?t.  de.  la-  Nm-ir>  Fra^ics  ÎUi.  ao-^»- 


1 


DE    L'AMKRIQUE*  3O3 

:ains  relTembloient  beaucoup  à  celles  des 


itres  nations.     Les  Bréfiliens  &  les  peu-  ^^'  ^^' 
^  les  qui  habitoient  les  bords  de  la  rivière  de 
'    Plata,  entroient  en  campagne  avec  des 
orps  de  troupes  afîez  confidérables  pour 
lériter  le  nom  d'armée.    Ils  défioient  Pen- 
emi  au  combat,  engageoienc  des  bataille» 
angées  &  difputoient  la  vidoire  avec  cette 
érocitc  opiniâtre  ,  qui  femble  naturelle  à 
[es  hommes  qui  ne  font  la  guerre  que  pour 
îxterminer  leur  ennemi   fans   demander  ni 
aire  de  quartier  (^l).  Dans  les  puifTans  empi- 
•es  du  Mexique  &  du  Pérou  ,  on  alTembloit 
'de  très- grandes  armées,  &  l'on  donnoit  de 
fréquentes  batailles;  la  théorie  &  la  prati- 
que de  la  guerre  y  étoient  bien  différentes 
;que  chez,  ces  petites  tribus  qui  prenoient  le 
*nom  de  nations. 
"  Mais ,  quoique  la  vigilance  &  l'attention  iis  ne 
foient  les  qualités  les  plus  nécefTaires ,  par-  ?Sà"au* 
tout  OLi  la  guerre  fe  fait  par  la  rufe  &  pir^P  °^'^^^ 

^  ^      &  aucune. 

les  furprifes  ;  quoique  les  Américains  dans  ^'^cipiine 

„      ^         ,  o-  ...  dans  les- 

toutes  les  actions  particulières  montrent  années^ 
toujours  la  plus  grande  adreiTe  à  cacher 
leurs  mouvemens  &  à  pénétrer  ceux  dePen- 
nemi ,  c'ed  une  chofe  très-remarquable  que 
lorfqu'ils  entrent  en  campagne  ils  prennent 
Ci}  Voyâz  la  Note.  LXVk. 


504  Histoire 

W—  rarement  les  précautions  les  plus  efTentie 
Liv.iv.  les  pour  leur  fureté.  Telle  eft  la  difficult 
de  fouraettre  les  fauvages  à  la  fubordinatio 
&  de  les  faire  agir  de  concert  ^  telle  efl  let 
préfomption  &  leur  averlion  pour  toute  ei 
pece  de  contrainte  y  que  prefque  jamais  0 
ne  peut  les  obliger  à  fuivre  les  ordres  &  le 
confeils  de  leurs  chefs.  Us  n'ont  pendan 
la  nuit  aucune  fentiaelle  autour  des  lieu:. 
oh  ils  font  campés.  Souvent  après  avoir  fai: 
plufieurs  centaines  de  milles  pour  furpren 
dre  l'ennemi,  ils  font  furpris  eux-mêmes  ô 
égorgés  dans  le  forameil  profond  oh  ils  f< 
plongent  y  comme  s'ils  n'avoient  à  redoute, 
aucun  danger  (1^. 

Mais  il,  malgré  cette  négligence  &  cett( 
fécurité  qui  leur  fait  perdre  fouvent  le  fruit 
de  toutes  leurs  rufes,'  ils  furprennent  rea* 
nemi  fans  défenfe ,  ils  fondent  fur  lui  avec 
la  plus  grande  férocité  ;  ils  enlèvent  la  che^ 
velure  de  tous  ceux  qui  tombent  fous  leun 
rage  &  rapportent  chez  eux  en  triomphe 
ces  étranges  trophées  (2}.  Ils  les  confervent 
comme  des  monumens,  non  -  feulement  de 
leur  valeur,  mais  de  la  vengeance  qu'ils  fa- 
vent  exercer  fur  ceux   qui  deviennent   les 

CO  Chailevoix,  MI,  135» 


DE    L*A  M  E  R  I  <J  U  E.  305 

hjets  du  reflentiment  public  Ci).  Ils  em-  — — f 
loient  plus  de  foins  encore  pour  faire  des  ^^^*  ^^* 
rifonniers.     Dans  leur  retraite,  s'ils  efpe- 
mt  la  faire  fans  être  inquiétés  par  Tenne- 
li,  ils  ne  font  communément  aucune  inful- 
ï  à  ces  prifonniers ,  (5c  ils  les  traitent  même 
vec  quelqu'humanité ,  quoiqu'ils  les  gardent 
vcc  Tattention  la  plus  rigoureufe. 
Mais  après  cette  furpeniion  momentanée  Traite- 

1  r,        •   f     ^  1  ment  d^ 

2  leur  férocité  3  leur  rage  reprend  une  noU'pnfon- 
elle  fureur.     Lorfqu'ils  approchent    des"^^^'^' 
•entières  de  leur  pays ,  on  dépêche  quel- 
ues-UDs  d'entr'eu?c  pour  aller  apprendre  à 
rars  concitoyens  le  fuccès  de  leur  expédi- 
:on.    Ceft  alors  que  les  prifonniers  cora- 
lencent  à  preflentir  le  fort  qui  les  menace, 
.es  femmes  des  villages  &  les  jeunes  gens 
ui  ne  font  pas  encore  en  âge  de  porter  les 
rmes  s'alTemblent  :  ils  fe  rangent  en  deux 
ignés,  armés  de  pierres  &  de  bâtons,  dont 
;ls  maltraitent  cruellement  Ç2)  les  prifonniers 
orfqu'ils  pafîent  au  milieu  d'eux.    Des  la- 
mentations fur  la  perte  des  concitoyens  qui 
jbnt  tombés  dans  le  combat ,  avec  les  ex- 
hreffions  de   la  douleur   la  plus   excelîive. 


(i)  Lautau,  Mœurs  des  Sauyages^  /.  3j  p»  2^6» 
(2)  Labontan  ,  Il ,  184* 


3C<5  Histoire 

ï^^  fuccedent  à  ces  premiers  cris  de  joie  & 

Liv.iv.  veDgeaoce;   mais  dans  un  moment  ,  à 

fgoal  donné  3  les  larmes  cefTent,  on  pal 

encore  avec  une  rapidité  incroyable  de 

douleur  la  plus  profonde  à  la  joie  la  pi 

vive 3  &  Ton  comm.ence  à  célébrer  la  vi 

toire  avec  les  aiFreux  tranfports  d'un  trior 

phe  barbare  (ï^.     Le  fort  des  prifonnie 

eft  cependant  encore  incertain.  Les  ancie; 

de  la   tribu    s'afferablent  pour  le  décide 

Quelques-uns  font  deflinés  à  être  tourmei 

tés  jufqu'à  la  mort  peur  alTouvir  la  vengeai 

ce  des  vainqueurs  ;  d'autres  à  remplacer  U 

membres  de  la  tribu-vidorieufe  qui  ont  et 

tués  dans  cette  guerre  ou  dans  les  préc( 

dentés.    Ceux  qui  font  réfervés  à  ce  foi 

plus  doux,  font  conduits  aux  cabanes  d 

ceux  dont  les  parens  ont  été  tués.  Les  fem 

'     mes  les  attendent  à  la  porte,  &  (î  elles  le 

reçoivent  leurs  foufFrances  font  finies.     II 

font  adoptés  dans  la  famille  &  placés  fui* 

vant  leur  manière  de  s'exprimer,  fur  la  nat 

te  du  mort.  Ils  prennent  fon  nom,  fon  rani 

&  font  traités  avec  la   tendrefle  que  Foi 

doit  à  un  père,  à  un  frère,  à  un  mari  ou  ; 


^i)  CbadevoiA,  -hifi.  de  la  Nouy.  France,  III,  241.  La 
fitau ,  Mœurs  des  Smv,  II ,  -264. 


D  E   l'A  m  e  r  I  q  u  e.  307 

m  ami.    Mais  fi  par  un  caprice,  ou  par  un  ■— ^ 

^'iïe  de  defir  de  vengeance,  les  femmes  re-  * 

ifent  de  recevoir  le  prifonnier  qui  leur  eft 
fert ,  fon  arrêt  efl  prononcé  ,  &  il  n'efl 

j  cun  pouvoir  qui  puilTe  le  fauver  de  la  tor- 

jre  &  de  la  mort, 

■  Les  prifonniers,  quand  leur  fort  eft  enco-  indiss- 

,.,      ,     .  ,     rence  des 

i  incertam,  vivent  comme  s  ils  etoient  ab- prifon- 

îlumeot  étrangers  à  tout  ce  qui  peut  leur  jg^^f^j^^ 

.river.    Ils  mangent ,  boivent  &  dorment 

)mrae  s'ils  jôuiiTolent  du  fort  le  plus  tran- 

(jille  61  comme  fi  aucun  danger  ne  les  me- 

içoir.  Ils  entendent  fans  changer  de  vifage 

irrêt  fatal  qu'on  leur  prononce ,  fe  prépa- 

nt  à  le  fubir  en  hommes ,  &  entonaeat  la 

iianfon  de  mort.    Les  vainqueurs  s'aiiem- 

j.ent  comme  à  une  fête  folemnelle,  réfoîus 

mettre  le  courage  des  patiens  aux  plus 

i'ueiles  épreuves»   C'eft  alors  que  Ton  voit 

pe  fcene  dont  la  defcription  doit  glacer 

horreur   tous   ceux  que    des  inftitutions 

puces  ont  accoutumés  à  refpe^ter  l'homme 

i;  à  s'attendrir  à  Tafpeâ:  de  fes  fouiFrances# 

jiC  prifonnier  e(t  lié  à  un  poteau ,  mais  de 

|ianiere  qu'il  peut  courir  tout  autour.  Tous 

eux  qui  font  préfens ,  hornoiss,  femmes  5 

iOfans,  tous  fondent  fur  lui  conims  des  fa- 


300  Histoire 

ÊÊ^m  ries.  On  emploie  contre  ce  malheureux  to\? 

Liv.  iv.  j-gg  jgg  efpeces  de  torture  que  peut  invenu 
la  fureur  de  la  vengeance.  Quelques- un 
lui  brûlent  le  corps  avec  des  fers  rouges 
d'autres  le  coupent  en  morceaux  avec  du 
couteaux  ;  d'autres  féparent  la  chair  des  c 
ou  lui  enfoncent  des  clous  qu'ils  tourner 
enfaite  dans  les  nerfs.  Ils  s'efforcent  , 
Tenvi  les  uns  des  autres ,  d'imaginer  des  ri 
finemens  de  cruauté.  Rien  ne  met  des  bo. 
nés  à  leur  rage  que  la  crainte  d'abréger  '. 
durée  de  leur  vengeance,  en  accélérant  leu 
mort  par  l'excès  des  foufifrances  ;  &  tell 
ell  leur  ingénieufe  barbarie  qu'ils  éviter 
toujours  de  porter  des  coups  dans  les  pai 
ties  du  corps  où  ils  feroient  martels;  i] 
prolongent  pendant  plufieurs  jours  les  toui 
mens  de  leur  vifStime.  Cet  infortuné ,  au  rai 
lieu  de  toutes  fes  fouffrances,  chante  d'un- 
voix  ferme  la  chanfon  de  mort,  célèbre  Çë 
propres  exploits ,  infulte  à  ceux  qui  le  toui 
mentent ,  en  leur  reprochant  de  ne  favoi 
pas  venger  la  mort  de  leurs  parens  &  d' 
leurs  amis ,  les  avertit  de  la  vengeance  qu'oi 
tirera  de  fa  mort,  &  excite  enfin  leur  féro 
cité  par  toutes  fortes  d'injures  &  de  mena 
ces.    La  force  ù,  le  courage  qu'il  fait  écla 


D  E   l'A  m  e  r  I  q  u  e.  30P 

fi'  dnns  cette  fituation  terrible,  eft  le  plus 

f  au  triomphe  d'un  guerrier»    Fuir  ou  abré-  Liv.  iv. 

ih  fes  tourmens  par  une  mort  volontaire, 

ill"  une  lâcheté  qu'on  punit  par  l'infamie, 

dui  qui  laiiTe  échapper  quelque  figne  de 

ibleiTe,  efl:  mis  à  mort  fur  le  champ  par 

épris,  parce  qu'on  le  juge  indigne  d'être 

aité  comme  un  homme  (i^.   Animés  par 

is  idées  6c  par  ces  fentimens ,   les  Améri- 

ins  fouffrent,  même  fans  pouûer  un  feul 

hîiiiTement,  des   tourmens  que  ia  natu'e 

Umaine  ne  fembleroit  pas  être  capable  de 

apporter.    On  diroic  qu'ils  ne  bravent  pas 

îulement  les  tourmens ,  mais  qu'ils  les  dé- 

rent. 

,,  Laiflez-là,"  difoit  un  vieux  chef  des 
oquois  à  un  de  fes  bourreaux  qui  l'avoic 
effé  d'un  coup  de  couteau,   ,,laifrez-]à 
vos  coups  de  couteau  &  faites -moi  mou- 
rir par  le  feu,  afin  que  par  mon  exem- 
ple j'apprenne  à  ces  chiens,    vos  allies 
d'au-delà  des  mers,  à  fouffrir  comme  des 
hommes  C^^"-  Cette  magnanimité,   donc 
bs  exemples  font  très-fréquens  parmi  les 
berriers  Américains,  au  lieu  d'exciter  d2 

f  CO  De  la  Potherle.  II,  zxy  ;  lîl,  48 r. 
I  CO  Colden,  /;/}?.  offifc  nations,  I,  2cc. 


q[o       ^      Histoire 


o 


l'admiraticn  ou  d'infpirer  de  la  pitié,  ne fa< 
^^^'' ^^' qu'irriter  ]a  vengeance  féroce  des  euneir 
ù.  les  porter  à  de  nouveaux  aftes  de  crua. 
té  (0.  Las  enfin  de  lutter  avec  des  hoD 
mes  dont  rien  ne  peut  vaincre  la  conftaua 
quelque  chef  dans  un  mouvement  de  rai 
finit  par  les  tuer  de  fon  poignard  ou  de 
maffue  (2). 

A  ces  fcenes  barbares  en  fuccedent  fo 

vent  de  plus  horribles  encore.  Il  eft  impo' 

fible  d'afîbuvir  jamais  l'affreux  fentiment  ( 

la  vengeance  dans  le  cœur  d'un  fauvage 

les  Américains  mangent  quelquefois  les  vi 

tîmes  qu'ils  ont  fi  cruellement  tourm.entée 

Dans  l'ancien  monde  la  tradition  a  conferv 

]a  miémoire  de  quelques  nations  féroces  > 

barbares  qui  fe  nourriflbient  de  chair  humar 

ne;  mais  il  y  avoit  dans  toutes  les  partie 

du  nouveau  monde  des  peuples  à  qui  cettt 

coutume  étoit  familière.     Elle  étoit  établi^ 

dans  le  continent  méridional  (3) ,  dans  plu 

(i)  Fcy,  de  Lahontan ,  1 ,  236. 

C2)  Chadevois ,  kiJI,  de  la  Nouv.  Fr.  III ,  243 ,  ^c.  38; 
Lafitau ,  Blœurs ,  II ,  365.  Cteuxii  hift,  Canada  p,  73,  Hen 
nt^m , Mœurs  desScaiy.p,  64,  &:.  Laliontan,  I.  233,6?' 
Diiteitre,  II,  405.  De  la  Potherie,  II,  22,  &c, 

Cs)  Stadius ,  ^p.  deBryAll,  123.  Lery  ,  ibid,  210.  Blet 
384.  Lettr.  édlf.  XXIII,  341.  Pifo ,  8.  La  Condainine 
84-97.  Ribas  j  k'ifi,  de  los  triumfos ,  473, 


EE    l'A  m  er  I  q  u  e,         311 

iurs  des  ifles  (i),  &  dans  diifcrens  can-  ~~— 

ras  de  l'Amérique  feptentrionale  (2)*  Dans  ^^^*  ^Y' 

1  pays  de  ^Amérique,  oii  des  circondan- 

(  :î  qui  nous  font  inconnues  ont  en  grande 

jitie  aboli  cet  ufage.  il  paroîc  avoir  été 

I  lement  connu  que  l'idée  en  eft  incorpo- 

2  dans  les  formules  même  du  langage. 

Drfque  les  Iroquois   veulent  exprimer  la 

foîutîon  qu'ils  ont  prife  de  faire  la  guerre 

une  nation  ennemie,   ils  difent   allons  cf 

ingeons  cette  nation.    S'ils  follicitent  le  fe- 

urs  d'une  tribu  voiûne,   ils  rinvitenE  à 

mir  manger  du  houillon  fait  de  la  chair  de 

urs  ennemis  fs).  Cette  coutume  n'étoit  pas 

irticuliere  aux  peuplades  les  plus  grofiieres 

I  les  iBoins  civilifées:  le  principe  qui  y  a 

pnné  naiflance  eft  fi  profondément  enraciné 

lus  l'ame  des  Américains ,  qu'elle  fubîiftoit 

1  Mexique  5  l'un  des  empires  policés  du 

uveau  monde,  &   qu'on  en  a  découvert 

s  traces  parmi  les  habitans  plus  doux  en- 


j(i)  L'îfe  of  Coîumb,  529.   Martyr,  ctecad.  p,  lo.  Duter- 
,  II,  405. 

(2)  Duinont,  mem.  I»  25.  Charlevoix,  hifl.âe  ïaNouy, 
\  I,  259 j  II,  14;  III 5  21.  De  la  Potheiîe,  III,  50. 
^3)  Charlevoix,  klft,  delaNcuy.  Fr.  III, 208-209.  Leîtr, 
'if,  XXFîI ,  p,  277.   D©  la  Pothene ,   II ,  298.  Voyez  ia 
OTS  LXIX. 


312  Histoire 

core  de  l'empire  duJPérou.  Ce  n'étoit 


I 


Liv.îy.  i^  difette  ôqs  alimens  &  les  befoins  impp» 
tuns  de  la  faim  qui  forçoient  les  Américai:; 
à  fe  nourrir  ainfi  de  leurs  femblables.  Dâi 
aucun  pays  la  chair  humaine  n'a  été  eif 
ployée  comme  une  nourriture  ordinaire,  ' 
il  n*y  a  que  la  crédulité  &  les  méprifes  ( 
quelques  voyageurs  qui  aient  pu  faire  crc 
re  que  certains  peuples  en  faifoient  un  d 
moyens  ordinaires  de  leur  fubûflance.  L'a 
deur  de  la  vengeance  a  d'abord  porté  Ii 
hommes  à  cette  adion  barbare  (i)  ;  ma 
les  peuples  les  plus  farouches  ne  mangeoiei 
que  les  prifonniers  qu'ils  avoient  faits  à 
guerre  ,  ou  ceux  qu'ils  regardoient  comm 
ennemis  (2).     Les  femmes  &  les  enfaii 
n'étant  point  pour  eux  des  objets  de  haine 
n'avoient  rien  à  craindre  des  effets  réfléchi 
de  leur  vengeance  ,  lorfqu'ils  n'étoient  pa| 
maffacrés  dans  la  fureur  d'une  première  inf 
curfion  en  pays  ennemi  (3). 
Les   peuples  de  l'Amérique  méridional» 

af 

Ci)  Biet,  383.  Bianco,  conyerfwn  de  Plriiu ,  p,  28.  Ban 
crofc,  mt,  Mft,  of  Qidana  »  p.  259,  &c* 

(2)  Voyez  îa  Note  LXX» 

(3)  Biet  s  82,  Bandini,  yita  àt  Jmeric),  84,  Dutertre 
405»  Fefœîni  defçrlptt  de  Surinam  ^  I,  54. 


DE  l'Amérique.  313 

fTouviffenc  leur  vengeance  d'une  manière  ^^5 

T  WT 

n  peu  différente  ,  mais  avec  une  férocité  ^^^'  * 
on  moins  implacable.  Lorfqu'ils  voient  ar- 
river leurs  prifonniers ,  ils  les  traitent  au 
-Premier,  abord  auffî  cruellement  que  les  ha- 
itans  de  ^Amérique  leptentrionale  traitent 
\is  leurs  (i)  ;  après  ce  premier  mouvement 
'e  fareur  ,  non  •  feulement  on  cefîe  de 
;s  infulter,  mais  on  leur  marque  même  la 
lius  grande  bonté.  Ils  font  carelTés  &  bien 
ourris,  &  on  leur  envoie  même  de  belles 
:  jeunes  femmes  pour  les  foigner  &  les 
bnfoîer.  Il  n'efl:  pas  aifé  d'expliquer  cette 
ngularité  de  leur  conduite,  à  moins  qu'on 
b  rimpute  h  un  rafinement  de  cruauté  ; 
r,  tandis  qu'ils  paroifîent  occupés  d'atta- 
;er  davantage  leurs  prifonniers  à  la  vie  , 
leur  fourniflant  tout  ce  qui  peut  la  ren- 
re  agréable,  l'arrêt  de  leur  mort  eft  irré« 
ocablement  porté.  A  un  certain  jour  dé- 
brminé ,  la  tribu  vidorieufe  s'aiTemble;  le 
japtif  eft  amené  en  grande  folemnité  ;  il 
[oit  les  préparatifs  du  facrifîce  avec  autant 
^'indifférence  que  s'il  n'étoit  pas  lui-même 
i  victime;  il  attend  fon  fort  avec  une  fer- 
lieté  inébranlable,  &  un  feul  coup  lui  fait 

(0  Stadiiis,  ûj>,  d&  Bry ,  III,  40,  i  3, 

Tome  IL  O 


314  Histoire 

5  perdre  la  vie.  Au  moment  oii  il  tombe 
Liv.  IV.  jgg  femmes  s'emparent  de  fon  corps  ' 
Tapprêtent  pour  le  feftin.  Elles  teignei 
leurs  enfans  de  fon  fang  ,  pour  alluma 
dans  leur  ame^une  haine  implacable  conti 
leurs  ennemis ,  &  toute  la  tribu  fe  réun 
pour  dévorer  la  chair  de  la  vidime  av( 
une  avidité  &  des  traîifports  de  joie  inei 
primables  (i^.  Ces  peuples  regardent  ' 
plaifir  de  manger  le  corps  d'un  ennemi  ma: 
facré,  comme  le  plaiiir  le  plus  doux  &  . 
plus  complet  de  la  vengeance.  Partout  c 
cet  ufage  effc  établi,  les  prifonniers  ne  pei 
vent  point  échapper  à  la  mort  ;  mais  ils  r 
font,  pas  toujours  tourmentés  avec  la  mên 
barbarie  qu'ils  le  font  chez  les  peuples  moi) 
familiarifés  avec  ces  horribles  feflins  (2}. 
Comme  il  n'y  a  point  de  guerrier  Âm 
îicain  dont  la  confiance  ne  puifTe  être  m 
fe  à  ces  rudes  épreuves,  le  grand  objet  ( 
l'éducation  &  de  la  difcipline  dans  le  noi 
veau  monde  ell  d'y  préparer  les  hommr 
de  bonne  heure.  Chez  des  nations  oh  V( 
fait  la  guerre  à  force  ouverte ,  oh  l'on  d^ 
fie  fes  ennemis  au  combat,  oh  la  v'idoh 


CO  Stadius ,  ap.  de  Bry ,  III ,  128 ,  &c.  Lery ,  itU.  ait 
Ca)  Voyez  la  Note  LXXI. 


D  E     L'A  îvl  E  R   I  Q  U   E.  3Î5 

■  l  le  fruit  de  la  fupériorité  des  talens  ou    raa— 
'I  courage,  les  foldats  font  formés  à  être  Liv.  iV« 

^  tifs,  forts  &  audacieux.    Mais  en  Amé- 
■ ''^e,  oh  l'efprit  &  les  maximes  de  la  guerre. 
,.:c    très-dilFérens,   le  courage  paffif  efl 

'^   vertu  qu'on  efcime  le  plus»    Auflî  les  A* 

*' éricains  s'occupent -ils  de  bonne  heure  à 
;quérir  une  qualité  qui  leur  apprendra  à 
comporter  en  hommes,  lorfque  leur  fer* 
été  fera  mife  à  l'épreuve.  Tandis  que 
ins  les  autres  pays  les  jeunes  gens  s'adon* 
mt  à  des  exercices  qui  demandent  de  la 
)rce  &  de  Tadlivité  ,  les  jeunes  Améri- 
lins  difputent  entr'eux  à  qui  montrera  la 
'US  gi-ande  patience  dans  les  fouffrances. 
s  endurcifTent  les  organes  de  la  fenfibili- 
;  par  ces  épreuves  volontaire^,  &  s'ac- 
butument  par  degrés  à  foufFrir,   fans  fe 

Plaindre  ,  les  douleurs  les  plus  aiguës.  On 
oit  un  jeune  garçon  &  une  jeune  iille  en» 
délacer  leurs  bras  nuds  &  placer  un  char- 
bn  allumé  entre  les  deux  bras ,  pour  voir 
);quel  montrera  le  premier  aiïez  d'impa- 

Mence  pour  fecouer  le  charbon  (i}.  Lorf- 
a-un  jeune  homme  efl  admis  à  la  clalTe  des 


CO  Chaiîevoix ,  hJJ^,  de  la  Nouy*  Fr*  III,  30;^, 
O  2 


^16  Histoire 

guerriers ,  ou  lorfqu'un  guerrier  eft  éltvi 
Liv.iVe  ^  2a  dignité  de  capitaine  ou  de  chef,  or 
les  foumet  à  des  épreuves  toujours  analo 
gués  à  ce  genre  de  fermeté.  Ce  ne  Ton' 
pas  des  a£tes  de  valeur,  mais  de  patience 
on  ne  leur  demande  pas  de  fe  montrer  er 
état  d'attaquer,  mais  capables  de  fouffrir 
Chez  les  nations  qui  habitent  les  bords  dt 
rOrenoque  ,  fi  un  guerrier  afpire  au  ran| 
de  capitaine ,  il  efl  obligé  de  s'y  prépara 
par  un  long  jeûne,  plus  rigoureux  que  ce^ 
^  lui  des  plus  aufteres  hermites.  Les  chef: 
s'aflemblent  enfuite;  chacun  d'eux  lui  don 
De  trois  coups  d'un  gros  fouet ,  fi  vigou 
reufement  appliqués  que  tout  fon  corps  eii 
efl  couvert  de  plaies  -,  à,  s'il  donne  le  moiaij 
dre  fjgne  d'impatience  ou  même  de  fenfibi 
Hté,  il  eft  deshonoré  &  rejette  à  jamais 
comme  indigne  de  l'honneur  auquel  il  pré 
tend,  Après  quelques  intervalles  la  cons 
tance  du  candidat  efl  foumife  à  des  épreu- 
ves plus  cruelles  encore.  On  le  couch( 
dans  un  hamac  ,  les  mains  fortement  atta- 
chées ,  &  l'on  jette  fur  lui  une  mukitudt 
innombrable  de  fourmis  venimeufes  ,  doni 
la  morfure  caufe  des  douleurs  très -vives  <5 
produit  une  violente  inflammation.    Les  ju 


D  E   l'A  m  e  r  I  q  u  e.  317 

-S  de  fon  courage  fe  tiennent  debout  au- 
Dur  du  hamac,  &l  tandis  que  ces  cruels  in-  Liv.iv. 
?âes  s'attachent  aux   parties  les  plus  fen» 
blés  de  fon  corps ,  il  ne  faudroit  qu'un 
X'P'ir ,  un   gémilTement ,   un  féul  mouve- 
leot  involoataire   de  fenGbiiité  ,   pour   le 
lire  exclure  de  la  dignité  qu'il  ambitionne 
'obtenir.    Cela  ne  fufiit  pas  encore  pour 
tabîir  complètement  le  degré  de  mérite 
u'on  attend  de  lui  ;  il  faut  qu'il  fe  foumet- 
e  à  une  nouvelle  épreuve  plus  redoutable 
[u'aucune  de  celles  qu'il  vient  de  fubir.  On 
e  fufpend  de  nouveau  dans  foa  hamac  & 
)n  le  couvre  de  feuilles  de  palmier  :   oa 
ullume  au  -  deflbus  de  lui  un  feu  d'herbes 
)uantes ,  de  manière  qu'il  ea  fent  la  cha* 
[.eur  &  qu'il  efl  enveloppé   de  la  famée. 
Quoique  brûlé  tout  à  la  fois  &  prefqu'é- 
:oaffé  ,  il  eil  obligé  de  montrer  la  même 
patience  6;  la  même  infenfibilité.    Oa  en 
(voit  plufieurs  périr  dans  ce  terrible  effai 
|de  fermeté  ;   mais  ceux   qui  le   fubilTjnt 
avec  applaudifTement ,  reçoivent  en  céré- 
monie les  marques  de  leur  nouvelle  digni- 
ité  &  font  dès  -  lors  regardés  comiBe  des 
^chefs  d'un   courage  reconnu  ,  &  doat  la 
conduite  dans  les  occalîons  les  plus  criti* 

03. 


313  HlSTOIKE 

5!™3  ques  ne  peut  manquer  de  faire  honneur  ; 
Liv.  IV.  igyj.  pgyg   çj^j^     £)^j^5  rAmérique  fepten 

trionale  le  noviciat  d'un  guerrier  n'eft  r 
auffi  rigoureux  ni  fournis  à  autant  de  for 
malices.  Cependant,  un  jeune  homme  n'y 
le  droit  de  porter  les  armes  qu'après  qu 
fa  patience  &  fon  courage  ont  été  éprou 
vés  par  le  feu,  par  des  coups,  &  par  de 
infulces  plus  intolérables  encore  pour  de 
âmes  fîeres  (2}. 

Celte  fermeté  extraordinaire  avec  laquell 
les  Américains  endurent  les  tourraensîes  plu 
cruels,  a  porté  quelques  auteurs  à  croire  qu 
par  une  fuite  de  la  foibleffe  particulière  di 
leur  conflitution,  ils  ont  moins  de  fenfibiliti 
que  les  autres  hommes;  de  même  que  le 
femmes  &  les  perfonnes  qui  ont  la  fibn 
molle  &  lâche,  font  moins  affedlées  de  h 
douleur  que  les  hommes  robulles  donc  li 
fibre  eft  plus  forte  &  plus  tendue  ;  mair 
les  Américains  ne  différent  pas  tellemeni; 
du  refte  de  l'efpece  humaine  par  leur  coû'. 
flitution  phylique ,  que  cela  fuffife  pour  ex- 
pliquer cette  fîngularité  de  leurs  mœurs. 
Elle  a  fa  fource  dans  un  principe,  d'honneur, 

__ . -^ — -r 

O)  Gumilla,  II,  2?>6 ,  à\.    Biet,  27-5,  &c. 
Çz)  eiiailevoix,  Aï/I,  de  la  Nouy.    Fr»  III,  219. 


I 


DE     L*A  M  E  R  I  Q  U  E.  3IP 

feculqué  dès  l'enfance  &  cultivé  avec  alTez 
ie  foin  pour  infpirer  à  riiomme  même  dans  ^^^'  ^^* 
tet  état  fauvage ,  une  magnanimité  héroï- 
que à  laquelle  la  philofophie  a  vainemenc 
âché  de  l'élever  dans  l'état  de  civilifation 
&   de  lumières.    L'Américain  apprend  de 
Donne  heure  à  regarder  cette  confiance  iné- 
Dranlable,   comme  la  principale  diftindlion 
Je  l'homme  &  la  plus  haute  perfedion  d'un 
Guerrier,     Comme  les  idées  qui  règlent  fa 
Conduite  &  les  paOions  qui  échauffent  fon 
:c3ar,  font  en  petit  nombre,  elles  agiHenc 
avec  plus  d'efîicacité  que  lorfque  l'ame  elt 
occupée  d'une  grande  multitude  d'objets,  ou 
dlftraite  par  la  diverfité  de  fes  aiFecllons, 
Ainii ,  lorfque  tous  les  motifs  qui  peuvent 
agir  avec  force  fur  l'ame  d'un  fauvage ,  fe 
réunifTent  pour  lui  faire  foufFrir  le  malheur 
avec  dignité  ,  on  le   verra  fupporter  des 
tourmens  qui  paroifTent  au-defTus  de  cou» 
tes  les  forces  humaines  ;  mais  dans  toutes 
îles  occafîons  oîi  le  courage  des  Américains 
[n'ed  pas  excité  par  les  idées  qu'ils  fe  font 
i  faites  de  l'honneur  ,  ils   fe  montrent  aulli 
î  fenfibîes  à  la  douleur  que  les  autres  hom- 
mes (1).     D'ailleurs,  cette  fermeté    dans 

CO  Voyez  la  Note  LXXiï.  ^ 

04 


323  H  I  S  T  O  I  R  R 

les  fouffrances  pour  laquelle  les  Américains 
Liv.iv.  Çq^^  q  juflement  célébrés,  n'efl:  pas  un© 
vertu  générale  parmi  eux.  On  a  vu  la  con- 
fiance de  plufieurs  vidtimes  fuccomber  au»i 
agonies  de  la  torture  ;  alors  leur  foiblelTe! 
éi  leurs  plaintes  mettent  le  comble  au 
triomphe  de  leurs  ennemis  &  réfiéchiiTeni 
une  idée  de  deshonneur  fur  leurs  conci* 
toyens  (i). 

Dépo-  Les  hoftilités  continuelles  qui  fubriflenti 
cSSai P^^'^^i  les  tribus  Américaines,  produifent 
ccsgucr-  des  effets  très  •  f uneftes.    Comme  ils  n'ont 

res  perpé- 
tuelles,   pas  auez  d'indultrie  pour  amafler  ,  même 

dans  le  tems  de  paix,  des  pro vidons  de  fub- 
Cflance  au  -  delà  du  nécefTaire ,  lorfque  l'ir- 
ruption d'un  ennemi  vient  dévafler  leurs 
terres  cultivées  ou  les  troubler  dans  leur 
chafle,  c'efl  une  calamité  qui  réduit  pref. 
que  toujours  à  une  extrême  difette  un  peu- 
ple naturellement  dépourvu  de  prévoyance; 
&  de  reflburces;  tous  les  habitans  du  dif- 
tridl  expofé  à  cette  invaiion  font  forcés: 
d'ordinaire  à  fe  réfugier  dans  les  bois  ou  dans 
les  montagnes,  oh  ils  ne  trouvent  que  très- 
peu 

(I)  Chailevoix ,  /i7/?.   d£  la  Nouy,   ir.  7//,  248  -  383. 
De  la  Potherie,  III,  48. 


D  E   l'A  me  r I q u e.  321 

5eu  de  moyens  de  fubûfter,  &  oh  une  gran-  — — ■ 

ie  partie  périt.  Malgré  les  précautions  ex-  ^^v*  ^^» 

rêmes  avec  kfquelles  leurs  opérations  mi- 

itaires  font  dirigées  3  &  le  foin  que  prend 

ihaque  chef  pour  conferver  la  vie  de  fes 

lompagnons,  comme  ils  joulflent  rarement 

le  quel  qu'intervalle  de  paix ,  la  perte  des 

lommes  eft  très  -  conûdérable  panni  les  A- 

néricains,  eu  égard  au  degré  de  population. 

^a  famine  &  la  guerre  fe  réunifient  pour  di- 

ninuer  leur  nombre.  Toutes  les  tribus  font 

■bibles  3  &  plufîeurs  de  celles  qui  étoient 

lutrefois  puiflantes ,  fe  font  épuifées   par 

degrés  &  ont  à  la  fin  difpa^uj  il  n'en  relie 

aujourd'hui  que  le  nom  (l)* 

Pour  remédier  à  cet  afFoiblifTement  con-   i^^  ç^^ 
idnuel  »  il  y  a  des  tribus  qui  cherchent  à  pe"P;ent 
jréparer  leurs  forces  nationales  en  adoptant  tant  leur» 
iies  prifonniers  faits  à  la  guerre ,  &  qui  par  mersf' 
(cet   expédient  préviennent  leur  extin<^ion 
Itotale.    Cet  ufage  n'eft  cependant  pas  uni* 
iverfellemeot  établi.    Le  reOentiment  agii 
en  général  avec  plus  de  force  fur  les  fau- 
vages  que  les  eonfidérations  de  politique. 
iPrefque  tous  leurs  captifs  étoieîic  ancien- 

:     (0  Charlevois,  Mjt,  de  la  Nouv,  Fr,   III,  202-1^2^^ 
CSwïnilla,  II,  22/, 


3^*  Histoire 

■555  nement  facrifîés  à  la  vengeance,  &  ce  n*èft 
ttv.  IV.  q^g  depuis  que  leur  nombre  a  commencé  ? 
diminuer  fenfîbîement  qu'ils  ont  adopté  den 
ufages  plus  doux.  Mais ,  ceux  qui  fe  troa< 
A^ent  ainfi  naturalifés,  renoncent  pour  jamaii» 
à  leur  patrie,  &  prennent  fi  abroîument  le 
mœurs,  ainîi  que  les  pafîions  du  peuple  qu 
^les  adopte  CO  »  qu'ils  fe  joignent  fouven 
à  fes  guerriers  dans  des  expéditions  contrit 
leurs  anciens  concitoyens.  .Un  changement 
û  fubit  &  fi  contraire  à  un  des  fentimen; 
les  plus  puilîans  que  donne  la  nature,  pa 
roîtroit  étrange  chez  tous  les  peuples  ;  maii 
il  efl  encore  plus  inexpliquabîe  dans  ccî 
peuplades  oii  les  animolités  nationales  font 
fî  violentes  &  fi  profondément  enracinées. 
Cela  paroît  cependant  réfîlter  naturelle* 
-  ment  des  principes  fur  lefquels  la  guerre 
fe  fait  en  Amérique.  Chez  des"  nations  dont 
l'objet  efl  d'exterminer  leurs  ennemis,  Pé- 
change  des  prifonniers  ne  peut  point  avoir 
lieu.  Du  moment  qu'un  guerrier  efl  pris  à 
la  guerre,  fa  tribu  &  fes  parens  le  regar- 
dent comme  mort  (2).     Il  s'efl  couvert 

CO  eharlevoix,  hiji,  de  laNony.  Fr» JH ,  255.  Lafitau,! 
II,  30S. 
(2j  Voyez  la  Note  LXXIII, 


D  E    L'A  M  E  R  I  Q  U  E.  323 

l'une  honte  ineffaçable,  en   fe  laifTant  fur- 


rendre  par  un  ennemi,  &  s'il  revenoit  avec  Liv. iv. 
ette  tache  à  Ton  honneur  ,  fes  plus  pro- 
bes parens  ne  le  recevroient  pas  &  même 
e  voudroient  pas  avouer  qu'ils  le  connoif- 
£nt  CO'   ^^  y  ^^olt  même  des  tribus  ah 
l'on  étoit  encore  plus  rigoureux.  Lorfqu'un 
prifonnier  revenoit  parmi  les  fien^,  ils  cro* 
yoient  devoir  expier  le  deshonneur  dont  il 
lavbit  couvert  Ton  pays   en   le  mettant    à 
nnort  fur  le  champ  C2).    Le   malheureux 
l-p^ifonnier  fe  voyant  donc  profcrit  de  fa 
patrie  &  les  liens  qui  Tattachoient  à  die 
étant  irrévocablement  brifés ,  il  n'éprouve 
aucune  répugnance  à   contrarier   de  nou* 
veaux  engagemens  avec  des  étrangers ,  qui 
I  non  •  feulement  le   délivrent    d'une    mort: 
I  cruelle ,  mais  lui  offrent  de  l'admettre  à 
tous  les  droits  de  concitoyen.    La  parfaite 
reffemblance  des  mœurs  parmi  les  nations 
[  fauvages  facilite  &  complette  cette  union , 
;  &  rien  n'empêche  un  prifonnier  de  tranf- 
porter  non  -  feulement  fes   fervices  ,  mais 
même  Ton  affection,  à  la  communauté  dans 
le  fein  de  laquelle  il  vient  d'être  reçu. 

(1)  Labontan,  H,  î8?ï, 

(a)  Herrera,  4e:ad.  3, 10,  IF^  c.  16,  p.  i^^ 

0  6 


324  Histoire 

9^^B      Quoique  la  guerre  foit  la  principale  occu* 

«ffont*  pation  des  hommes  dans  l'état  fauvage,  è 

dSh^^  qu'ils  mettent  leur  plus  grande  gloire  à  y 

guerre  aux  exceller,  ils  y  ont  une  infériorité  bien  mar- 

nations  i        r  •  ,-i       , 

policées,  quée  toutes  les  fois  qa  us  s  y  trouvent  en- 
gagés  avec  des  nations  policées.     Dépour- 
vus de  cette  prévoyance  qui  fait  prévenii 
les  événemens  futurs  &  y  pourvoir,  ne  con- 
noifTant  ni  l'union  à.  la  confiance  mutuelles, 
nécelTaires  pour  former  de  vailes  plans  d'o^ 
pérations,  ni  la  fubordination  non  moins 
néceffaire  pour  en  afTurer  l'exécution  &  let 
fuccès,  les  peuples  fauvages  peuvent  éton< 
ner  par  leur  valeur  un  ennemi  difcipliné  , 
mais  rarement  peuvent- ils  s'en  faire  redou- 
ter par  leur  conduite;  &  toutes  les  fois  que 
la  guerre  fera  de  longue  durée,  ils  feront 
forcés  de  céder  à  la  fupériorité  de  l'art  ("i^»i 
Les  Péruviens    &  les  Mexicains  ,   quoique! 
leurs  progrès  dans  les  arts  de  la  civilifationi 
fufTent  peu  confîdérables,  fi  on  les  compare i 
aux  peuples  policés  de  l'Europe  ou  de  VA* 
lie,  avoient  pris  un  tel   afcendant  fur  lesl 
tribus  fauvages  dont  ils  étoient  environnés, 
qu'ils  en  avoient  fournis  la  plupart  avec  une 
grande  facilité  à  leur  domination.     Lorfque 

oTvoyea  la  Note  IKKW^-  ~^ 


D  Ë   l'A  m  e  r  I  q  u  e.        325 

les  Européens  allèrent  affaillir  les  différen-  nmmm 
tes  provinces  de  l'Amérique,  cette  fupério-  liv.iv» 
i-ité  fe  fie  fentir  d'une  manière  encore  plus 
frappante.  Ni  le  courage  ni  le  nombre  des 
naturels  ne  put  tenir  contre  les  eftbrts  d'une 
poignée  d'ennemis  dîfciplinés;  les  querelles 
&  les  haines  qui  divifoient  ces  peuples  fau» 
vages,les  empêchoient  defe  réunir  pour  for- 
mer un  plan  de  défenfe  commune ,  &  cha- 
que tribu  combattant  à  part ,  il  fut  aifé 
,de  les  fubjuguer  toutes. 

*  '5  VL  Si  les  arts  des  peuples  grofîîers  qui  Arts  dei 
me  connoiflent  point  l'ufage  des  métaux  ^fains^.^' 
lïïîéritent  qu'on  y  fafle  quelqu'attention ,  ce 
n'ell  qu'autant  qu'ils  fervent  à  faire  connoî» 
tre  le  génie  &.  les  mœurs  d'un  peuple»  Le 
premier  fentim.ent  de  peine  qu'un  fauvage 
peut  éprouver,  doit  naître  de  la  manière 
dont  fon  corps  efl  affecté  par.  la  chaleur, 
le  froid  oa  l'humidité  du  climat  fous  lequel 
il  vit  ;  fon  premier  foin  fera  donc  de  cher- 
cher à  fe  garantir  contre  cet  inconvénient. 
Dans  les  climats  plus  chauds  &  plus  doux  vête- 
de  l'Amérique  ,  aucun  des  peuples  fauva- 
ges  n'avoit  des  habillemens,.  La  nature  ne 
leur  avoic  pas  même  appris  qu'il  pût  y  avoir 
queîqu'indécence  à  fe  montrer  eacieremeûÊ 

O  I 


mens  ^ 


i^â.  Histoire 

— ^  nud  Ci).  Comme  fous  un  ciel  doux  on  â 
Liv.  IV,  pg^  befoin  de  fe  défendre  contre  les  inju- 
res de  l'air  3  &  que  leur  extrême  indolen- 
ce leur  faifoic  éviter  toute  efpece  de  tra- 
vail qui  n'étoit  pas  commandé  par  la  né?- 
ceflité  5  tous  les  habitans  des  iiles  &  une 
grande  partie  de  ceux  du  continent  refloient. 
dans  cet  état  de  nudité  abfolue.  D'autres 
fe  contentoient  d'un  léger  vêtement  pour 
fatisfaire  uniquement  à  la  décence.  Mais, 
quoique  nuds  ,  ils  n'étoient  pas  fans  quel- 
r  que  forte  d'ornemens  ,  &  ils  arrangeoient 

leurs  cheveux  de  plufîeurs  manières  diffé- 
rentes. Ils  attachoient  des  morceaux  d'or, 
des  coquilles  ou  des  pierres  brillantes  à  leurs 
oreilles  5  à  leurs  nez  &  à  leurs  joues  (2). 
Ils  defiinoient  fur  leur  peau  une  multitude 
de  figures  diverfes;  ils  pafFoient  beaucoup! 
de  tems  &  prenoient  beaucoup  de  peine 
pour  parer  leurs  perfonnes  d'une  manière  1 
bizarre.  Mais  la  vanité  ,  qui  trouve  des: 
occafions  fans  nombre  d'exercer  l'invention 
&  l'induilrie  dans  les  pays  oh  la  parure  ell 
devenue  un   art  très  -  compliqué ,  doit  fe 


(i)  Lery,  mvigùî   ap,  de  Bry  ^  ïlf,  p,  164.  Fie  de  Co-» 
lo?nh ,  tf.  24.  Venegas ,  hlfl»  ofCaUforn.  p.  70. 
i.  C2)  Lery,  ap,  de  Bry^  UI,  lè^^J^etir*  édlf,   XX,  2j;^ 


DE     L'A  M  E  R  I  q  U  E.  327' 

Touver  circonfcrite  dans  un  cercle  très»é»   —S 

|;roit  &  bornée  à  un  très  petit  nombre  d'ob-  Liv.iv. 

f  ets  chez  des  fauvages  nuds  ;  auflî  ces  peu- 

blés  ne  fe  contentent  pas  de  ces  fimples  or- 

lemens  dont  nous  avons  parlé;  ils  ont  un 

ingulier  penchant  à  changer  les  formes  na^^ 

urelles  de  leurs  corps.  Cette  pratique  étoit 

iniverfelle  chez  les  tribus  les  plus  groflîe- 

es  de  l'Amérique.    Leurs  opérations  pour 

:et  objet  commencent  à  Tindant  même  oii 

'enfant  eil  né.     Quelques  peuples  en  lui 

:omprim3nt  les  os  du  crâne  encore  mous 

k  flexibles ,  lui  applatiffent  la  couronne  de 

a  têce.    Quelques  -  uns  donnent  à  la  tête  la 

igure   d'un  cône  ;  d'autres  cherchent  à  lui 

^aire  prendre  une  forme  quarrée  (î^.    Ils 

nettent  fou  vent  en  datiger  la  vie  de  leurs 

snfans  par  ces  efforts  violens  &  abfurdes 

3our  déranger  le  plan  de  la  nature  ,  fous  le 

ç/ain  .prétexte  de   le    perfectionner.    Mais 

î^ans  tous  ces  moyens  que  les  Américains 

iprenoient ,    foit  pour  orner   leurs   perfon-    ^ 

fnes  ,    ou  pour  changer   leurs  formes    na- 

^turelles ,    ils  femblent    s'être    moins  pro- 

[•  CO  Oviedo,  kift.  Uh,  III,  c.  5.  Ullaa ,  I,  329.  Labat:^ 
my.  11^  72.   Cbarlevolx,  IiI,27o.    Gumilla,  I,  197.   A* 
leagna ,  relat»  de  la  riv,  des  Amaz,  \ll ,  83.  Lawlbn's ,  ys^        / 
ko  Carollna,  jp.  33.  :  -  r 


gsS  H  I  s  T  0  t  II  Ê 

■——  pofé  de  plaire  oa  de  s'embellir,  que  de  fe 
^*^' ^^' donner  un  air  plus  impofant  &  plus  redou- 
table.   Leur  goût  de  parure  fe  rapportoit 
plus  à  la   guerre  qu'à  la  galanterie.    Il  y 
avoit  entre  les  deux  fexes  une  fubordination 
fi  marquée  qu'elle  éteignoit  jufqu'au  defir 
de  fe  plaire  l'un  à  l'autre.  L'homme  aui'oit| 
cru  au-delTous  de  lui  de  fe  parer  pour  plai-" 
re  à  celle  qu'il  étoic  accoutumé  à  regarder 
comme  fon  efclave.  C'étoit  lorfqu'un  guer- 
rier fe  propofoit  d'être  admis  au  confeil  de 
fa  nation  ou  d'entrer  en  campagne  contre 
les  ennemis,  qu'il  prenoic  fes  plus  beaux ^ 
ornemens  &  qu'il  paroit  fa  perfonne  avec 
le  plus  de  recherche  &   de  foin  (i).    Le 
vêtement,  parure  des  femmes,  étoit  très-, 
fîmple  &  peu  varié;  tout  ce  qu'il  y  avoic  de 
précieux  ou  de  brillant  étoit  réfervé  aux 
hommes.  Dans  pluiîeurs  tribus  les  femmes 
étoient  obligées  de  pafTer  chaque  jour  une; 
grande  partie  de  leur  tems  à  parer  &  è; 
peindre  leurs  maris  ;  il  ne  leur  refloic  pasi 
le  loifir  de  s'occuper  de  leur  propre  parure. 
Parmi  une   race  d'hommes  aflez  hautaine 
pour  méprifer  les  femmes,  ou  allez  infen- 

CO  Wafei'^s,  voy*  p,  142.  Lery,  ap*  de  B}y  3 III ,  i6j» 


D  E    l'A  m  e  r  I  q  u  e,  329 

i 

ïible  pour  les  dédaigner ,  elles  doivent  na-  ■■"■■"gJ 
urellement  devenir  parelTeufes  &  négligen-  Liv.iv, 
.es,  tandis  que  le  goût  de  la  parure,  qu*oa 
[(egarde  comine  leur  paiïion  favorite  ,    eft 
rarcicaliéreaienc  rciervé  à  l'autre  Icxe  (ij. 
:}*étoit    tout  -  à  •  la  -  fois  la  diftindlion    du 
r.uerrier  &  une  de  Tes  plus  férieufes  occu- 
tations  (2}.  Un  ufage  des  Américains  qui, 
ku  premier  coup-d*œil,  paroît  très-fîngu- 
ier  &  très  -  bifarre ,  n'eft  qu'un  moyen  in- 
jjénieux  que  leur  fagacité  a  découvert  pour 
^emédier  aux   principaux   inconvéniens  do 
eur  climat ,  fo-uvent  brûlant  ou  humide  à 
'excès.    Tous  les  peuples    qui  n'ont  pas 
encore  Tufage  des  vêtemens,  font  dans  l'u- 
,  âge  d'oindre  leur  corps  avec  de  la  graifle 
i'animaux ,  des  gommes  vifqueufes  &  des 
luiles  de  différente  efpece»    Ils    arrêtent 
par -là  cette  tranfpiration  furabondante  quij 
jfous  la  zone  torride,  épuife  la  force  de  la 
Iconflitution  &  abrège  la  durée  de  la  vie 
îhumaine  ;  ils  fe  gai-antiflent  en  même  tems 
icontre  rexceffive  humidité  qui  règne  pen- 

Ci)  Charlcvoix ,  hijl,  de  la  Noiiy,  Fr,  III»  278-327.  La&- 
itau,  //,  53.  Kalni,  yoy,  en  Amir'i^.  III,  273.  Lery,  ap, 
de  Bry ,  ///,  169.  Purchas ,  pUgr»  IV,  1287.  Ribag ,  hîfi* 

de  Iqs  trîumfos ,  472. 
Cs)  Voyez  la  Kots  I XXV, 


33^  Histoire 

dant  îa   faifon  des  pluies   ("0.    Ils  mêlei 

Liv.iv.  aufiî  en  certains  tems  différentes  couleu 

avec  ces  fubftances  ondlueufes  &  couvrei 

leurs   corps   de   cette  compoûtion.     Soi 

cet  impénétrable   vernis,    non  -  feuîemei 

leur  peau  fe  trouve  défendue  contre  la  ch; 

leur  pénétrante  du  foleil  ,  mais  l'odeur  c 

le  goût    de  ce  mélange  écarte  auffi  Icii 

d'eux  ces   effaims  innombrables   d'infecte 

qui  abondent  dans  les  bois  &  dans  les  ma 

récages ,  furtout  dans  les  climats  chauds» 

&  dont  la  perfécution  feroit  intolérable  pot 

des  hommes  entièrement  nuds  C^)* 

Habita-       Après  le  foin  de  la  parure  ,  l'objet  qi 

doit  attirer  l'attention  d'un  fauvage  eft  d 

fe  former  quelqu'habitation  qui  puifTe  li 

procurer  un  abri  pour  le  jour  6c  une  retrai. 

te  pour  la  nuit.    Le    guerrier  fauvage  re 

garde  comme  un  objet  d'importance  toui: 

ce  qui  efl  lié  avec  fes  idées  de  dignité  per 

fonnelle  ,  tout  ce  qui  a  quelque  rapport  i 

fon  caradlere  militaire  ;   mais  il  voit  aveô 

la  plus  grande  indifférence  ce  qui  ne  cdÉ 

cerne  que  la  vie  paifible  &  inaûive.    Ain- 

CO  Voyez  la  Note  LXXVI. 
C2)  Labat,  If,  ^Z*  Gumilla,  I,  T90-202.   Bancroft,  natt 
hiji,  of  Guyana ,  279-280, 


\      D  E    l'A  m  e  r  I  q  u  e.  331 

quoiqu'il  fe  montre  fort  recherché  fur 
1  parure,  il  ne  fait  guère  d'attention  à  Télé-  i^iv.iv.. 
ance  ou  à  la  commodité  de  fon  habitation, 
.es  peuples  fauvages ,  trop  éloignés  encore 
e  cet  état  de  civilifation  oîi  la  manière  de 
ivre  efl:  regardée  comme  une  marque  de     . 
iftindlion,  ne  connoiffant  aucun  de  ces  be- 
ûins  qui  ne  peuvent  fe  fatisfaire  que  par 
iiTérens  genres  d'induftrie ,  règlent  la  con- 
trudlion   de   leurs  '  maifons   d'après   leurs 
dées  bornées  du  pur  néceffaire.    Quelques- 
ms  des  peuples  d'Amérique  étoient  encore 
i  groflîers  &  û  peu  éloignés  de  la  limpli- 
:ité  primitive  de  la  nature,  qu'ils  n'avoient 
lacune  efpece  de  cabane.    Dans  cet  état 
Is  fe  mettent  à  l'abri  de  l'ardeur  du  foleil 
xDUs  des  arbres  touffus  ,   &  la  nuit  ils  fe 
Forment  un  couvert  de  branches  iSc  de  feuil- 
les (i).  Dans  le  tems  des  pluies  ils  fe  re- 
tirent fous  des  abris  formés  par  la  nature 
ou   creufés   de   leurs  propres  mains   ("2}. 
D'autres ,  qui  n'ont  point  de  demeure  fixe 
'&  qui  errent  dans  les  forêts  à  la  recherche 

I    (0  Voyez  la  Note  LXXVII. 

j    (2)  Leur,  éâif.  //,  176;  V,  273.  Veiiegas,  hijî,  of  Ca.     ■ 
Viforn,  /,   175.     Lozvno,  defaip t.  àsl  gran  Chaco ^  p,  55, 
Gaïqillaj  î,  323.  BancrofCj  «^/.  hiiu  ofGuiana,  377. 


332  Histoire 

^^^  du  gibier,  fe  logent  pour  un  tems  dans  de 
î-'v.  iv^.  huttes  qu'ils  conflruifentiavec  facilité,  <! 
qu'ils  abandonnent  fans  peine.  Les  habitan 
de  ces  valles  plaines,  inondées  par  îe  dé 
bordement  des  rivières  dans  les  grolTe 
pluies  qui  tombent  périodiquement  entr 
les  tropiques,  conllruifent -des  cabanes  fu 
des  bafes  élevées  6:  fortement  attachées  a. 
terrein ,  ou  bien  ils  les  placent  au  mille, 
des  branches  des  arbres  &  fe  garantiiFen 
par -là  de  la  grande  inondation  dont  ils  fon 
environnés  (i}.  Tels  ont  été  les  premier 
.efîais  des  peuples  les  plus  fauvages  de  l'A 
mérique  pour  fe  former  des  habitations 
Parmi  ceux -même  qui  étoient  plus  indus, 
trieux  ^  dont  la  réfidence  étoit  fixe,  1 
Itrudure  des  raaifons  étoit  extrêmemen 
limple  &  groffiere  :  c'étoient  de  miférable 
huttes,  d'une  forme  quelquefois  oblongun 
&  quelquefois  circulaire ,  oîx .  ils  ne  cheK 
choient  qu'un  abri,  fans  s'embarralTer  à 
l'élégance  ni  même  de  la  commodité.  Lei 
portes  en  étoient  û  baffes  qu'on  ne  pouvait 
y  entrer  qu'en  fe  courbant  jufqu'à  terre  oi 
en  rampant  fur  fes  mains.  Elles  étoient  fan: 


CO  Gumilk,  r,  225,    Herrera,  deCf   i,  îïh  IX  3  c*^ 
Oviedo ,  fommar,  p.  53.  C. 


D  E    L'A  M  E  R  I  QUE.  333 

enêtres,  &  le  toit  étoit  percé  d'un  grand  ç 


roa  par  oh  for  toi  c  la  fumée,  Liv.  iv^. 

Il  feroît  au.delTous  de  la  dignité  deThis- 
cire,  &  même  étranger  à  Tobjec  de  mon 
ravail^  de  Cuivre  les  voyageurs  dans  les  au^ 
res  détails  circonflanciés  de  leurs  relations. 
Jn  feul  trait  mérite  d'être  obfervé,  parce 
]u-il  eft  finguîier  &  qu'il  jette  du  jour  fur 
e  caradlere  du  peuple.    Il  y  avoit  quelques 
rai  ions  allez  grandes  pour  y  loger  quatre- 
ingts  ou  cent  perfonne?.    Elles  étoient  ba- 
ies pour  recevoir  différentes  familles  qui 
labitoient  enfemble  fous  le  même  toit  (i_), 
cuvent  autour  d'un  feu  commun,  fans  au- 
:ine  efpece  de  cloifon  ou  de  féparation  en- 
;re  les  efpaces  qu'elles  occupoient  refpefti» 
vcment.     Lorfque  les  hommes  ont  acquis 
jes  idées  diftindes  de   propriété  ou  qu'ils 
ffont  aflez  attachés  à  leurs  femmes  pour  les 
bbferver  avec  inquiétude  &  avec  jaloufie  , 
'es  familles  commencent  à  fe  féparer  &  à 
's'établir  dans  des  maifons  particulières,  011 
Chacun  puiffe  garder  &  défendre  ce  qa*il  a 
:ntérét  de  conferver.    Cette  forme  fingulie' 
[re  "^d'habitation   chez  les  Américains  peut 
donc  être  confidérée  non-feulement  comme 

(O  Voyez  la  Note  LXXVill. 


334  Histoire 

^^^^^^  Teffet  de  la  communauté  des  biens  qui  fut_ 

Liv.lV.  ^f]-QJepj{-  parmi  les  différentes  peuplades 
mais  encore  comme  une  preuve  de  TindifF^ 
rence  des  homm.es  pour  leurs  femm.es.  S'i 
n'avoient  pas  été  accoutumés  à  une  parfa 
te  égalité,  un  tel  arrangement  n'auroit  pj 
pu  avoir  lieu.  S'ils  avoient  eu  une  fenfib 
]îté  prompte  à  s'alarmer,  ils n'auroient  pj 
expofé  la  vertu  de  leurs  femmies  aux  tenti 
tiens  &  aux  facilités^qui  Daiflbient  de  ce  mi 
lange  des  différées  fexes.  On  ne  peut  s'en:, 
pêcher  en  même  tems  d'admirer  la  conco- 
de  qui  règne  dans  ces  habitations  oti  des  f; 
milles  nomibreufes  font  ainfî  entaiïees  ; 
n'y  a  que  des  hommes  d'un  caractère  trè: 
doux  ou  d'un  tempérament  flegmatique,  qi 

^  dans  une  fem,blable  fîtuation  puilTent  évite 

le  tumulte  &  les  animofltés  (i). 

Armes  Après  avoir  pourvu  à  fon  vêtement  & 
fon  habitation ,  le  fauvage  doit  fentir  la  né 
cefîlté  de  fe  faire  des  armes  convenable 
pour  attaquer  ou  repoufTer  un  ennemi;  c'ei 
un  objet  qui  a  exercé  de  bonne  heure  Tin 

Cij  journal  de  Grïllet  &  Béchamel  dans  la  Guyane  ^i 
65.  Lafitau,  Bïœurs^  &c,  11,  4.  Torquemada ,  monarqA 
£27.  Joutel,  Journ,  hifl.  217.  Lery,  hifl,  Brafil,  ap»  (> 
Bry  ,  III ,  238.  Lozano  ,  defc*  M  grau  Chaco ,  67. 


D  E  l'A  m  e  r  I  q  u  e.      ,     335 

.  jRne  &  l^invention  des  peuples  les  moins   ^^* 

ïij  vijifés  :  les  premières  armes  offenfives  fu- 

^nt,  fans  doute,  celles  que  le  hafard  pré- 

nta  &  les  premiers  efforts  de  l'arc  pour 

s  perfedionner  durent  &e  extrêmement 

'mpîes  &  greffiers.    Des  malTues  fiiites  de 

'lelque  bois  pefant,  des  pieux  durcis  au 

iu,  des  lances  dont  la  pointe  efl  armée 

un  caillou  ou  d'un  os  de  quelqu'animal, 

i)nt  des  armes  connues  aux  nations  les  plus 

•offîeresjtîiais  qui  ne  pouvoienc  fervir  que 

ms  des  combats  corps  à  corps.    Les  hom* 

•es  ont  cherché  enfuite  les  moyens  de  fai- 

;  du  mal  à  leurs  ennemis  à  une  certaine 

!  (lance:  l'arc  &  les  fîeches  font  la  premie- 

i  invention  qu'ils  aient  imaginée  pour  cet 

bjet  ;   cette  efpece  d'arme   s'efl:  trouvée 

hez  des  peuples  qui  font  encore  dans  l'en- 

înce  de  lafociété,  &  Tufage  en  efl  fami- 

er  aux  habitans  de  toutes  les  parties  du 

lobe.    Il  efl  cependant  remarquable  qu'il 

ait  eu  en  Amérique  des  tribus  allez  dé- 

burvues  d'induflrie  pour  n'avoir  pas  encore 

ait  une  découverte  fi  flmple  (0,   &  qui 

iaroifToient  ne  connoitre  l'ufage  d'aucune  * 

rme  de  trait.  La  fronde,  dont  la  conftruc- 

CO  Piedrahita ,  conq*  de  aoiiyo  ri^m ,  9-12. 


33^  H  I  s  T  o  I  11  E 

^^^  tion  n'eft  pas  plus  compliquée  que  celle  d€ 
'^''    '  Tare  &  donc  Tufage  n'efl  pas  moins  anciei 
chez  plufîeurs  nations  ^  étoit  peu  connu( 
des  habitans   de  TAmérique   feptentriona^ 
le  Ci)  ou  des  illes;  mais  elle  paroît  avoir 
été  connue  de  quelques  tribus  dans  le  con« 
tinent  méridional  (^2).  Les  naturels  de  quel 
ques  provinces  du  Chili  <Sc  les  Patagons  qu 
habitent  l'extrémité  méridionale  de  TAmé- 
rique,  ont  une  arme  qui  leur  efl  propre:  ilîi 
attachent  des  pierres  grofles  environ  com 
me  le  poing  5   à  chaque   extrémité   d'une 
courroie  de  cuir  de  huit  pieds  de  long,  6 
après  les  avoir  fait  tourner  autour  de  leun 
têtes,  ils  les  lancent  avec  une  telle  adrelTe 
qu'ils  manquent  rarement  l'objet  auquel  iîîi 
vifent  ('3). 
ufTerfiics    Chez  des  peuples  qui  ne  connolflbient 
ques,      guère  d'autre  occupation  que  la  guerre  &Ia 
chafle,  les  principaux  efforts  de  refprit  & 
de  l'induflrie  ont  dû  naturellement  fe  diri- 
ger vers  ces  deux  objets  (4}.  A  l'égard  de 

tous 

CO  Naufr,  de  Alv.  Nim.  Caheca  de  Vaca ,  c.  X,  p»  12. 
(2)  Pied.ahita,  />.  i5.  Voyez  la  Note  LXXIX.  | 

iZ)  Ovaire,  Télat,  cf  ChïU,  Churchill,  collet.  III,  82* 
Fa'kner's  defc  of  Patag.  p.  130» 
(4)  Voyez  la  Note  LXXX. 


D  E    L'A  M  E  R  I  Q  U  E.  537 

itous  les  autres ,  leurs  befoins  &  leurs  defirs  — ■■ 

[étoient  ii  bornés  que  leur  invention  n*avoic  lw.iv. 

[pas  de  quoi  s'exercer.    Comme  leur  nourri- 

i:ure  &  leurs  habitations  étoient:  extrême- 

j-nent  fimples,  leurs  uflenfiles  domefliques 

lîtoient  très  -  grofliers  &  en  petit  nombre. 

Quelques- unes    des     tribus     méridionales 

ivoient  trouvé  Tart  de  faire  des  %^ifreaux 

ie  terre  &  de  les  cuire  au  foleil,  de  manie- 

•e  qu'ils  pouvoient  fupporter  le  feu.    Les 

jiabitans  de  l'Amérique  feptentrionale  creu-   Manière 

oient  un  morceau  de  bois  dur  en  forme  ,^^^  ^,1'"^ 

les  all- 
ie marmite,  &  la  rempîifToient  d'eau  qu'ils  mens. 

'aiToient  bouillir  en  y  jettant  des  pierres 
ougies  au  feu  (i):  ils  fe  fervoient  de  ces 
^aifleaux  pour  apprêter  une  partie  de  leurs 
limens.  On  peut  regarder  cette  invention 
:omme  un  pas  vers  le  rafinement  &  le  luxe  ; 
ar  dans  le  premier  état  de  fociété  les  hom- 
:  ines  ne  connoiffeat  d'autres  moyens  d'ap- 
j>rêter  leurs  alimens  que  celui  de  les  faire 
i;riller  fur  le  feu  ;  &  dans  plufieurs  peupla- 
lies  Américaines ,  c'eft  la  feule  efpece  de 
^uiûne  qui  foit  encore  connue  (2).  Mais  le  Çonflmc- 
Ihef  -  d'œuvre  de  l'art  chez  les  fauvages  du  canots^ 

(O  Chailevoix,  MJf,  de  la  Notiy,  France^  111,  332. 
(2)  Voyez  la  NoTÇ  LXXXU 

Tome  II,  P 


II 


338  Histoire 

nouveau  monde  ,  c'efl  la   conflruâion  de 
Liv.  IV.  leurs  canots.   Un  efquimaux,  enfermé  dans 
fon  bateau  d'os  de  baleine ,  couvert  de  peau 
de  veaux  marins,  peut  braver  cet  océan 
orageux  oîi  la  flérilité  de  fon  pays  le  force 
à  chercher  la  principale  partie  de  fa  fubfîs-. 
tance  (i}.  Les  naturels  du  Canada  fe  hafaM 
dent  fur  leurs  rivières  ^  fur  leurs  lacs  dam 
des, bateaux  faits  d'écorces  d'arbre,  &  ii  lé- 
gers que  deux  hommes  peuvent  les  porter 
lorfque  des  bas- fonds  ou  des  catarades  arrê^ 
tent  la  navigation  (2^.  C'efl:  dans  ces  fragi 
les  bâtimêns  qu'ils  entreprennent  &  exécu 
tent  de  longs  voyages  ("3).  Les  habitans  de 
ifles  &  du  continent  méridional  fe  font  de 
canots  en  creufant  avec  beaucoup  de  peim 
le  tronc  d'un  gros  arbre ,  &  quoique  ces  bâ 
timens  paroiHent  lourds  &  mal  confirmes 
ils  s'en  fervent  avec  tant  de  dextérité  qui 
des  Européens  qui  connoifîent  tous  les  pro^^, 
grès  qu'a  faits  la  fcience  de  la  navigatio: 
ont  été  étonnés  de  la  rapidité  de  leurs  mou 
vemcns  &  de  la  célérité  de  leurs  évolutionr 
Leurs  pirogues  ou  bateaux  de  guerre  îot^ 

(i)  EUis,  yoy,  à  la  baye  â'Hudfon»  133. 

(2)  Voyez  la  Note  LXXXII. 

C3)  LafitAu ,  maurs  des  Scuy*  II ,  213. 


D  E    l'A  m  e  r  I  q  u  e.  339 

ifTez  grands  pour  contenir  quarante  ou  cin-  ™™ËI 
ijuante  perfonnes:  les  canots  dont  iis  fe  fer-  ^^*  ^^* 
i^ent  pour  la  pêche  5c  les  petits  voyages  ont 
noins  de  capacité  (i).  La  forme,  aiali  que 
es  matériaux  de  ces  ditférens  bâtimens,  eft 
rès-bien  adaptée  au  fervice  pour  lequel  ils 
ont  deftinés^  &  plus  on  les  examine  avec 
oin,  plus  on  admire  le  méchanifme  &  la 
onvenance  de  leur  conflru£tioo. 
Dans  tous  les  efforts  d'induflrie  que  font  indolence 
;3  Américains ,  il  y  a  un  trait  frappant  de  queîi/îis 
}ur  caraQere  qui  fe  marque  d'une  manière  {^^1.*^^' 
ïnfibîe.  Ils  commencent  un  travail  fans  ar- 
eur ,  le  continuent  avec  peu  d'adtivité,  &, 
Dmme  les  enfans  ,    s'en  lailTent  aifément 
iilraire.     Même  dans  les  opérations  qui 
iroifient  les  plus  intéreiTantes ,  &  oh  les 
lus  puiffans  motifs  demandent  des  efforts 
igoureux:,  ils  travaillent  avec  une  molleffe 
;  une  langueur  extrême.  L'ouvrage  avance 
)us  leurs  mains  avec  tant  de  lenteur  qu'un 
îmoin  oculaire  le  compare  aux  progrès  im- 
srceptibles  de  la  végétation  (2).  lis  em- 
loient  quelquefois  plulîeurs  années  à  faire 
1   canot,  de  manière  qu'il  commence  à 


I 


(i)  Labat,  yoy.  II,  91-131. 
(2)  GumiUa,  II,  297. 

P   2 


I 


340  Histoire 

S«"  pourrir  de  vieillefTe  avant  d'être  achevé.  Ils 
,Liv.  IV.  ]QJ^gj.Qjjj.  p^j.jj.  yj^g  partie  de  toit  avant  de 

finir  l'autre  (i).  L'opération  manuelle  h 
plus  facile  confume  un  grand  efpace  d( 
tems,  &  ce  qui  chez  les  nations  policée; 
demanderoit  à  peine  quelqu'efforc  d'indus 
trie,  eft  pour  les  fauvages  une  longue  5 
pénible  entreprife.  Cette  lenteur  dans  l'exé 
cution  des  travaux  de  toute  efpece  ,  peu 
être  attribuée  à  différentes  caufes.  Pour  de 
fauvages  qui  ne  doivent  point  leur  fubûflan 
ce  aux  travaux  d'une  indufliie  régulière,  1 
teras  eft  de  û  peu  d'importance  qu'ils  n'- 
attachent aucun  prix ,  ù.  pourvu  qu'ils  puil 
fent  venir  à  bout  de  ce  qu'ils  ont  entrepris 
ils  ce  s'embarraiïent  jamais  du  tems  qu'- 
leur  en  a  coûté.  Les  outils  qu'ils  emploien 
font  fi  imparfaits,  fi  peu  commodes,  qq 
tous  les  ouvrages  qu'ils  entreprennent  b 
peuvent  manquer  d'être  difficiles  &  eft 
nuyeux.  L'artifte  le  plus  habile  à.  le  pli 
induftrieux  auroit  bien  de  la  peine  à  venir 
bout  du  travail  le  plus  Cmple ,  s'il  n'avo 
pas  de  meilleurs  outils  qu'une  hache  de  piei 
le ,  une  coquille  tranchante  ou  l'os  de  que 
qi^'animal:  il  n'y  a  que  le  tems  qui  puil 

Çi)  Borde,  r^U^»  (fa  Qnraï^ss^  p,  az* 


DE     l'A  M  E  R  I  q  U  E.  è4t 

'  uppléer  à  ce  défaut  de  moyens;  mais  c'efl  «««a 
e  tempérament  flegmatique  &  froid  parti-  ^^^'  ^^' 
:ulier  aux  Américains  qui  rend  furtout  leurs 
)p'!rations  fi  languiffantes.  Il  eft  prefquMm* 
)ofrible  de  les  tirer  de  cette  indolence  habi- 
uelle,  &à  moins  qu'ils  ne  foient  engagés 
ans  une  expédition  de  guerre  ou  de  chafle, 
■s  paroiflent  incapables  de  faire  aucun  ef- 
ort  de  vigueur.  L'application  qu'ils  met- 
ent  aux  objets  n'eft  pas  alTez  forte  pour 
onner  reflbr  à  cet  efprit  inventif  qui  fug- 
;ere  des  expédiens  pour  abréger  &  facilker 
3  travail.  Ils  reviendront  chaque  jour  à 
2ur  tâche  ;  mais  tous  les  moyens  qu'ils  ont 
our  l'achever  font  faflidicux  &  péni- 
les  (i).  Môme  depuis  que  les  Européens 
3ur  ont  communiqué  la  connoifTance  de 
surs  indrumens  &  leur  ont  appris  à  imiter 
2urs  arts ,  le  caradlere  propre  des  Améri- 
cains fe  remarque  encore  dans  tout  ce  qu'ils 
^ont.  Ils  peuvent  mettre  de  la  patience  & 
e  l'aifiduité  au  travail;  ils  favent  copier 
vec  une  exactitude  fervile  &  minucieufe  ; 
aais  ils  montrent  peu  d'invention  &  tou- 
ours  une  grande  lenteur.  Malgré  l'inflruc- 
ion  &  l'exemple,  refprit  de  ce  peuple  pré- 


Ci}  VoyQL  la  Note  LXXXJIl. 

P3 


3435  Histoire 

9ÊÊÊSÊ  domine  ;  leurs  mouvemens  font  naturellc- 
*  ^^'  ment  pefans  ^  &  il  efl  inutile  de  les  preffei 
d'accélérer  leur  marche.  Un  ouvrage  cVIn> 
àîen  efl  une  expreffion  familière  parmi  lej 
Efpagnols  d'Amérique,  pour  exprimer  toui 
ce  dont  l'exécution  a  demandé  beaucoup  de 

tems  &  de  travail  (0* 
Religion.  VII.  Il  n'y  a  aucune  circonftance  dans  1î| 
defcription  des  peuples  fauvages  qui  ait  eX' 
cité  une  plus  grande  curiolité  que  leurs  opi 
nions  &  leurs  pratiques  religieufes;  &  il  n'3 
en  a  point  peut-être  qu'on  ait  plus  mal  en 
tendues  ou  repréfentées  avec  moins  de  fi- 
délité. Les  prêtres  &  les  miffionnaires  fon? 
les  perfonnes  qui  ont  eu  le  plus  d'occafioii 
de  fuivre  cette  recherche  parmi  les  tribun 
de  l'Amérique  \qs  moins  civilifées  5  maîî 
leur  efprit ,  prévenu  des  dogmes  de  leui 
propre  reh'gion  &  accoutumé  à  fes  inftitu^ 
tions,  efl  toujours  porté  à  découvrir  dans 
les  opinions  &  les  rits  de  tous  les  peuplées 
quelque  chofc  qui  reflemble  à  ces  objets  de 
leur  vénération.  Ils  ne  voient  les  objetsi 
qu'à  travers  un  milieu  qui  en  altère  la  for- 
me. Ils  cherchent  à  concilier  avec  leur  pro- 
pre croyance   les  iuftitutions  qu'ils   obfer- 

'I    »     ■  «II.      ■■    ■!»■■■■■        ■     ■     ..    ^        ■■■-     — .1     >— ■■  ■■■    -II- 

Cî)  Uiloa,  voy,  Ij  335.  Leur*  édif,  XV,  348. 


DE  l'Amérique»  343 

vent,  non  à  les  expliquer  conformément  ™S5! 
lux  idées  groffieres  du  peuple  môme  à  qui  liv.i\^. 
slles  appartiennent.  Ils  attribuent  à  ce  peu- 
ple des  idées  qu'il  efl  incapable  d'avoir,  & 
ile  fuppofent  inflruic  de  principes  &  de  faits 
idont  il  eft  impoffible  qu'il  ait  la  connoiffan-  ^ 
ce.  De -là  quelques  miffionnaires  ont  cru 
découvrir ,  même  chez  les  nations  les  plus 
Darbares  de  l'Amérique  ,  des  traces  non 
moins  claires  que  furprenantes  d'une  con« 
Qoifïance  diftinfte  des  myfteres  fiiblimes  & 
fdes  inflitutions  particulières  du  Chriftianif- 
;me.  En  interprétant  arbitrairement  certai- 
Des  expreffions  &  certaines  cérémonies,  ils 
en  ont  conclu  que  ces  nations  connoiflbient 
la  dodrine  de  la  Trinité,  de  l'Incarnation, 
du  fils  de  Dieu,  de  fon  facrifice  expiatoire, 
de  la  vertu  de  la  croix  &  de  Tefficacité  des 
'facremens  ("i}.  On  fent  que  des  guides  fi 
crédules  &  fi  peu  éclairés  ne  méritent  gue- 
'le  de  confiance, 

I  Mais ,  lors  même  que  nous  cboifirons  avec 
île  plus  grand  foin  nos  autorités,  il  ne  faut 
pas  les  fuivre  avec  une  foi  aveugle.    Toute 

CO  Veiiegas,  I,  88-92.  Torquemada,  11,445-  Garcia, 

erigen^  122.  Henera,  dac.  4,  lib,  IX,  c»  T»  ^^-*  5»  Hh 
IV,  f.  7. 

P4 


344*  Histoire 

9ÊÊÊÊÊ  recherche  dans  les  notions  religieufes  des 
^^•ly*  peuples  fauvages  efl  enveloppée  de  difficul-^ 
tés  particulières ,  &  il  faut  fouvent  s'arrêter 
pour  réparer  les  faits  qu'on  rapporte  d'avec 
les  raifonnemens  dont  ils  font  accompagnés 
&  les  théories  qu'on  en  veut  déduire.  Plu* 
fleurs  écrivains  pieux,  plus  frappés  de  l'ira-i 
portance  du  fujet  dont  ils  s'occupoienti 
qu'attentifs  à  l'état  du  peuple  dont  ils  cher*- 
choient  à  découvrir  les  fentimens ,  ont  etn» 
ployé  beaucoup  de  travail  inutile  à  des  re- 
cherches de  ce  genre  (i). 
^  II  y  a  deux  points  fondamentaux  far  lef- 

deux  arti-  quels  efl  établi  le  fyflême  entier  de  la  reli- 

cles.  .  *  •  1 

gion,  autant  quon  en  peut  juger  par  les, 

feules  lumières  de  la  nature.     L'un  regarde 

l'exiftence  d'un  Dieu,  l'autre  l'immortalité 

de  l'ame.     C'eft  un  objet  non-feulement  de 

curiofité ,  mais  aufli  d'inftrudion ,  que  d'exa-i 

miner  quelles  étoient  les  idées  des  naturels 

de  l'Amérique  fur  ces  points  importans.  ]^ 

bornerai  mes  recherches  à  ces  deux  artf 

clés,  laiffant  à  d'autres  l'examen  des  opi^. 

nions  fubordonnées  &  le  détail  des  fuperfti- 

tiens  locales 

Qui. 

CO  Voyez  la  Note  LXXXIV. 


DE  l'A  M  E  R  I  Q  U  E.  345 

Quiconque  a  eu  occafîan  d'obferver  les 


opinions  reîigieufes  des  hommes  des  demie-  1"^*^ 
res  clafifes  de  la  fociété  ,    même  chez  les^^  ^i^*** 
I  nations  les  plus  éclairées  &  les  plus  civili. 
'{ées^  trouvera  que  leur  fyflême  de  croyan- 
tce  leur  a  été  communiqué  par  l'indruflion , 
&  n'ell  point  le  fruit  de  leurs  propres  re- 
cherches.  Cette  nombreufe  partie  du  genre 
i humain  condamnée  au  travail,  dont  l'occu- 
pation  principale   &  prefqu'unique  eil   de 
s'aiTurer  une   fubfiflance  ,    conlîdere  fans 
!  beaucoup  de  réflexion  le  plan  &  les  opéra- 
tions de  la  nature,  &  n'a  ni  le  loifir,  ni  la 
capacité  d'entrer  dans  ces  fpéculations  fut>- 
tiles  &  compliquées  ,  qui  conduifent  à  la 
connoiffance  des  principes  de  la  religion  na* 
turelle.     Dans  les  premiers  périodes  de  Is 
vie  fauvage,   de  pareilles  recherches  font 
abfolument  inconnues.    Qaand  les  facultés- 
intelledluelles  commencent  feulement  à  fe 
développer  &  que  leurs  premiers  efforts  fe 
iportent  fur  un  petit  nombre  d'objets  de  pre- 
Imiere  nécefîîté  ;  quand  Tefprit  n'eft  pas  en* 
':ore  allez  étendu  pour  fe  former  des  idées 
générales  6c  abilraites;  quand  le  langage  ed 
iiellement  borné  qu'il  manque  de  mots  pour 
iiflinguer  tout  ce  qui  n'affecte  pas  quei- 


%^S  Histoire 

ques-uns  des  fens ,  il  feroit  abfurde  de  pré- 


Ijv.  IV.  tendre  que  Thomme  fût  capable  d*obferver 
exâdement  la  relation  qui  fe  trouve  entre  la 
caufe  &  l'effet,  ou  qu*il  pût  s'élever  de  la 
contemplation  de  l'un  à  la  connoilTance  de  ; 
l'autre  I  &  fe  former  des  notions  juftes  d'uo' 
Dieu  ,  comme  créateur  &  modérateur  de: 
l'univers*    Partout  oîi  l'efprit  a  été  étendu 
par  la  philofophîe  &  éclairé  par  la  révéla- 
tion, l'idée  de  création  efl  devenue  fi  fa- 
milière que  nous  ne  réfléchiflbns  guère  com- 
bien cette  idée  efl  abflraite  &  profonde ,  ÔCi 
combien  d'obfervations  &  de  recherches  il 
a  fallu  à  l'homme  pour  arriver  à  la  connois. 
fance  de  ce  principe  élémentaire  de  la  reli- 
gion.   Aufîl  a-t-on  découvert  en  Amérique 
plufîeurs  tribus  qui  n'ont  aucune  idée  d'un 
être  fupréme  ni  aucune  pratique  de  culte  re- 
ligieux-»    Indifférens  à  ce  fpeûacîe  magnifi- 
que d'ordre  &  de  beauté  que  le  monde  pré- 
fente à  leurs  regards  j^  ne  fongeant  ni  à  ré- 
fléchir fur  ce  qu'ils  font  eux-mêmes,  ni  è< 
lechercher  quel  efl:  l'auteur  de  leur  exiflen^i 
ce,  les  hommes  dans  Tétat  fauvage  confun 
ment  leurs  jours  ^  femblables  aux  animaux 
qui  vivent  autour  d'eux ,  fans  reconaoître 
ni  adorer  aucuae  puifTance  fupérieure»    II* 


D  E     ï/A  M  E  R  ï  Q  0  E.  347 

n'oDt  dans  leur  langue  aucun  mot  pour  dé- 
Cgner  la  divinité ,  &  les  obfervateurs  les 
plus  attentifs  n'ont  pu  découvrir  parmi  eux 
aucune  inflitution  ,  aucun  ufage  qui  parût 
fuppofer  qu'ils  reconnuflent  l'autorité  d'ua^ 
Dieu  &  qu'ils  s'occupafTent  à  mériter  fes  fa* 
veurs  Ci}'  Ce  n'eft  cependant  que  dans  l'é- 
tat de  nature  le  plus  limple  &  lorfque  les 
facultés  intellefluelles  de  Thomme  font 
trop  fojbles  &  trop  bornées  pour  l'élever 
beaucoup  au-deflus  des  animaux,  qu'on  ob- 
ferve  cette  ignorance  abfolue  de  toute  puif* 
fance  invilîble.  Mais  refprit  humain  natu* 
Tellement  formé  pour  la  religion,  s'ouvre 
bientôt  à  des  idées  qui,  lorsqu'elles  font  cor- 
rigées i3c  épurées,  font  deflinées  à  être  une- 
grande  fource  de  confolation  au  milieu  des^ 
calamités  de  la  vie.  On  apperçoit  des  no- 
tions de  quelques  êtres  inviûbles  &  puifTans^ 

■  - 

(i)  Blet,  539.  Lery,  ap,  de  Bry,  III,  221.  Nieuhoft, 
Churchllh  colh  II,  T32,  Uttr,  édîf.  II,  177.  iâ,  12-13.  \4- 
negas,  I,  87.  Lozano-,  defcr*  (Ul  gran  Chaco  59.  Gumillâa 
H ,  156,  Rochîfort ,  hifl,  des  Antilles  ,'p.  468.  Margrave, 
Az/?.  m  appe:iL  de  ChUlenfibus ,  285.  Uiioa,  notb.  Amerk* 
335  >  :^^»  Barrere  5  218-219.  Harcourt ,  yôy.  to  Gmans, 
Furclias,  PUgr,  IV,  p'.  1273.  Account  of  Brafil,  by  «' 
l'orîugu^fe'  ib'uL  p.  1289,  Jones's  journal,  p.  59.  Vo^*- 
la  No-iji  LXXXV.- 

Pô 


348  Histoire 

B    dans  les  ufages  de  plufîeurs  tribus  Améri. 


Liv.  IV.  caines  qui  font  encore  dans  l'enfance  de  la 
fociété.  Ces  notions  font  dans  Torigine  va* 
gués  &  obfcures,  &  paroiflent  plutôt  pro» 
venir  d'un  fentiment  de  crainte  pour  des 
maux  dont  l'homme  eft  menacé  ^  que  d'un 
fentiment  de  reconnoifTance  pour  des  bien- 
faits reçus.  Tandis  que  la  nature  pourfuit 
fon  cours  avec  une  régularité  confiante  & 
uniforme ,  l'homme  jouit  des  biens  qu'elle 
lui  procure  fans  en  rechercher  la  caufe  ; 
mais  tout  écart  de  cette  marche  régulière 
le  frappe  &  l'étonné.  Lorfqu'il  voit  arriver 
des  événemens  auxquels  il  n'eft  point  ac- 
coutumé, il  en  cherche  les  câufes  avec  une 
curiofîté  adive.  Son  entendement  efl  inca- 
pable  de  les  démêler;  mais  l'imagination, 
qui  eft  une  faculté  de  l'arae  plus  ardente  &\ 
plus  audacieufe,  décide  fans  héfîter  :  elle 
attribue  les  événemens  extraordinaires  de^, 
Ja  nature  à  l'influence  de  quelques  êtres  ia-|| 
vifibles  &  fuppofe  que  le  tonnerre,  les 
tremblemens  de  terre  &  les  ouragans  font 
leur  ouvrage.  On  a  trouvé  chez  pîufîeurs 
Dations  groffieres  quelques  idées  confu fes 
d'une  puiflance  fpirituelle  ou  invifîble,  diri- 
geant les  fléaux  naturels  qui  défolent  la  ter* 


D  E     L*A  M  E  R  I  Q  U  E,  34P 

e  &,  épouvantent. fes  habitans  f i).   Mais  pimw» 
ndépendamment  de  ces  calamités,  les  pei-Liv.iv,, 
ics  &  les  dangers  de  la  vie  fauvage  font  (1 
lulcipliés ,  l'homme  dans  cet  état  fe  trou- 
e  fouvent  dans  des  (îtuations  li  critiques , 
ue  fon  efprit  eft  forcé  par  le  fentiment  de 
3  propre  foibleffe  de  recourir  à  l'adlion  d'u»^ 
2  intelligence  fupérieure  aux  forces    hu- 
laines.    Abattu  par  les  calamités  qui  Fôp- 
riment,  expofé  à  des  dangers  qu*il  ne  peut 
^pouffer ,  le  fauvage  ne  compte  plus  fur 
li-même;  il  fent  toute  fon  impuiiTance, 
:  ne  voit  aucun  moyen  d*échapper  à  tant 
e  maux  que  par  l'interpoûtion  de  quelque 
ras  invifible.     Ainû  Ton  trouve  que  chez 
DU  tes  les  nations  ignorantes ,  les  premières- 
ratiques  qui  préfentent  quelques   relTem- 
lances  avec  des  afles  de  religlcxi ,  n*ont 
car  objet   que    d*écarter  des    maux   que 
■homme  peut  foufFrir  ou  redouter.     Les 
'^anîtoiLs  ou    OeUs  des   naturels   de  FA* 
.lérique  feptentrionale  ,    étoient   des    ef- 
ieces  d*amulettes  ou  de  charmes  ,  auxquels 
s   atcribuoient  la  vertu   de  préferver  de^ 
but  événement  fâcheux  ceux  qui  y  mec-; 
>ient  leur  confiance  ;   ou  bien  on  les  re-    ^ 

CO  Voyei  h  Notb  LXXXVI. 

F? 


35^  Histoire 

WêëêS  gardoit  comme  des  efprits  tutéîaires  don 

îfW.IV.  on  pouvoit  implorer  le  fecours  dans  des  cir 

conftanees  malheureufes  ("i).  Les  habitan 

des  ifles  admettoient  des  êtres  qu'ils  appel 

loient  Cemis  ,  &  qu'ils  regardoient  comm 

les  auteurs  de  tous  les  maux  qui  afîligen 

refpece  humaine;  ils  repréfentoient  ces  ter 

ribles  divinités  fous  les  formes  les  plus  ef 

frayantes,  &  ne  leur  rendoient  un  homma 

ge  religieux  que  dans  la  vue  d'appaifer  leu 

courroux  (2},  Il  y  avoit  des  tribus  qui  s'é 

toient  fait  des  idées  de  religion  plus  étec 

dues,,  àc  qui  reconnoiflbient  des  êtres  bon 

qui  fe  plaifoient  à  faire  le  bien,  ainû  qu 

des  êtres  médians  qui  aimoient  à  faire  I 

mal;  mais  chez  ces  peuples  même  la  fuper| 

ftition  paroît  encore   être  le  fruit  de  I 

crainte,  &  tous  fes  efforts  avoient  pour  bu 

de  détourner  des  malheurs.  Ils  étoienc  per., 

fuadés    que    leurs    divinités    bienfaifaûtd 

itoient  portées  par  leur  naturg  jnéme  à  faiJ 

re  tout  le  bien  qui  étoit  en  leur  pouvoir 

fans  avoir  befoin  de  prières  ni  de  reconnoif 

fance  ;  ainfi  leur  unique  foin  étoit  de  cher 

cher  à  conjurer  à:  à  fîéchir  la  colère  de; . 

(i)  Chailevoix,  kijî,  âe  laNouy,  Fr,  7/7,345.  Creuxii 
Mft»  Canad,  p.  82. 
C^)  Oviedo  ^l\h  m ,  c.  I , p;  3»  P»  Martyi?^  dec,  /.  vm 


DE    L'A  M  ï  RI  Q  U  E.  35I 

uiiTances   tnalfaifantes    qu'ils   regardoîent   ■«« 

Dmme  ennemies  de  Thomme  Ci).  Liw.Wr 

Telles  étoient  les  notions  imparfa^ices  de  la 

iupart  des  Américains ,  relativement  à  l'in- 

uence  des  agens  inviûbles,  &  telle  étoit 

refqu'univerfellement  le  vil  &  groiïler  ob* 

!t  de  leurs  fuperftitions.  Si  nous  pouvions 

^monter  à  la  fource  des  idées  des  autres 

itions,  jufqu'à  ce  premier  état  de  fociété 

Li  l'hifloire  commence  de  les  offrir  à  no» 

égards  ,   nous  appercevrions  une  relTem- 

lance  frappante    entre   leurs   opinions  & 

iurs  pratiques ,  &  celles  dont  nous  venons 

e  parler  :  nous  nous  convaincrions  aifé- 

ent  que  dans  des  circonftances  femblable» 

efprit  humain  fuit  partout  à  peu  près  la 

ême  route  dans    fes  progrès   &   arrive 

ïefqu'aux  mêmes  réfultats.  Les  impreflîons 

e  la  crainte  fe   marquent  d'une  manière 

fenfible  dans  tous  les  fyflêmes  de  fuperfli- 

lion  formés  dans  cet  état  de  fociété,  & 

[es  notions  les  plus  exaltées  des  hommes 

fe  bornent  à  une  idée  obfcare'  de  certains 

Hres  dont  la  puilTance^ quoique  furnatureiîe^ 

(i)  Dutertre ,  II,  3(55,  Borde ,  />.  14.    Siau  •f  FlrgU 
lia,  by  s  native,  Jlhp*  32»  33.  Duruont,  l,  iG^n  ]&âî^ 


35a  Histoire 

MM  efl  limitée  dans  Tes  objets  3  comme  dansfeg, 

Liv.  iv.moyens. 

Diverfî-  Chez  d'autres  peuples ,  qui  font  unis  en 
J^j^y^^j^'^'^-fociété  depuis  plus  longtems  ,  ou  qui  ont 
dans  les  fait  plus  de  progrès  dans  la  civrlifation , 

opinions  .  ,      ,/   •        n      j, 

reiigieu-  OU  apperçoit  quelqu'étmceile  d  une  concep- 
^^*  tion  plus  jufle  de  la  puiffanee  qui  gouverne 
le  monde.  Ils  femblent  avoir  vu  qu'il  doit  l 
exifter  quelque  caufe  univerfelle  à  laquelle* 
tous  les  êtres  doivent  leur  exidence,  &  fi 
nous  pouvons  en  juger  par  quelques  ex- 
preffions  de  leur  langage,  ils  paroiflent  re» 
connoître  une  puifTance  divine  qui  a  fait  le 
monde  &  qui  difpofe  de  tous  les  événe- 
mens.    Ils  l'appellent  le  grand  efprît  QiJ,    \ 

Mais  ces  idées  font  vagues  &  confufes, 
&  lorfqu*lls  eflayent  de  les  expliquer ,  il 
eft  évident  qu'ils  donnent  au  mot  efprit  u» 
fens  très  -  différent  de  celui  que  nous  y  at- 
tachons &  qu'ils  ne  conçoivent  aucun  êtrei 
qui  ne  foit  corporel.    Ils  croient  que  leurs* 
dieux  ont  une  forme  humaine,  mais  aveCïi 
une  nature  fupérieure  à  celle  de  l'homme; 
&  ils  débitent  fur  les  qualités  &  les  opé- 
rations de  ces  divinités  des  fables  trop  afr- 

Ci>  Cloarlevoix,  hlfl.  de  la  Nouy,  Fr*  IU,34a.  Sagîijir 
»oy*  au  pays  des  Huram ,  22âi 


l 


D  E    l'A  m  e  r  I  x^  u  e.         353 

jrdes  &  trop  incohérentes  pour  mériter  ^êêêêS 
ne  place  dans  Thiftoire.    Ces  mêmes  peu-  ^^v*^"^* 
les  ne  connoiiTent  aucune  forme   établie 
e  culte  public;  ils  n'ont  ni  temples  érigés 

l'honneur  de  leurs  divinités,  ni  rainiftres 
^écialement  confacrés  à  leur  fervice.  Les 
IfFérentes  cérémonies  &  pratiques  fuper- 
itieufes  reçues  parmi  eux  leur  ont  été 
anfmifes  par  tradition  ,  &  ils  y  ont  re- 
Durs  avec  une  crédulité  puérile  ,  lorfque 
23  çirconftances  particulières  les  tirant  d« 
;;ur  apathie  ordinaire,  les  portent  à  récla* 
ler  la  puifTance  &  à  implorer  la  protection 
3  quelques  êcres  fupérieurs  Çi). 

La  tribu  des  Natchez  &  les  naturels  de   Sydémei 
logota  font  beaucoup  plus  avancés  dans  chez  & 
:urs  idées  de  religion,  ainfi  que  dans  leurs  ^els^dT' 
ilitutions  politiques  ,  que  les   autres  m.*  Bogota. 
ons  fauvages  de  l'Amérique  ;  &  il  n'eil 
îs  moins  difficile  de  trouver  la  caufe  de 
'îtte  diflin6lion  que  de  celle  dont  nous  avons 
iéjà  parlé.    Le  foleil  étoit  le  principal  ob* 
ît  du  culte  chez  les  Natchez.    Ils  entre-, 
'înoient  dans  leurs  temples  un  feu  perpé^ 
lel,  comme  l'emblème  le  plus  pur  de  leur 

CO  Chadevoix,  hiji»  de  la  Nouy,  Fr»   III ^  345.    CoK 
^n,  i,  «7. 


354  Histoire 

divinité  ;    ces   temples   étoîent   conflruit 


3 


Liv.  IV.  avec  une  grande  magnificence  &  décoré 
de  difFérens  ornemens,  autant  que  le  coniH 
portoit  leur  grclTiere  architedure.     Us  an 
voient  des  miniflres  chargés  de   veiller  \ 
l'entretien  du  feu  facré.  La  première  fonçj 
tion  du  chef  de  la  nation  étoic   un  adt^ 
d'obéilTance  au  foieil  tous  les  matins  j  &  j 
certains  tems  de  l'année  il  y  avoit  des  fè 
tes  établies,  qui  étoient  célébrées  par  touij 
le  peuple  en  grande  cérémonie,  mais  fans 
répandre  du  fang  (i).    Ces  fêtes  font  h 
pratique  de  fuperilition  la  plus  rafinée  qu'or 
ait  trouvée  en  Amérique ^  &  peut  -être  um 
des  plus  naturelles  &  des  plus  féduifantes, 
Le  foieil  eft  la  fource  apparente  de  la  ioie,i 
de  la  fécondité  &  de  la  vie  répandues  fui 
toute  la  nature  ;  & ,  tandis  que  Tefprit  hU'i 
main  ,  dans  fes  premiers  efîais  de  fpécula-^ 
don ,  contemple  &  admire  la  puiiTance  uni^ 
verfelle  &  aftive  de  cet  aftre,  il  efl  nata-i 
rel  que  fon  admiration  s'arrête  à  ce  qui  eft 
vilîble,  fans  pénétrer  jufqu'à  la  caufe  qu'ij 
ne  voit  pas,  &  qu'il  rende  à  l'ouvrage  U\ 
plus  brillant  &  le  plus  bienfaifant  de  l'être 


I 


Ci)  Dumont,  I,  15B.  Chadevoix,  hiji,  ikla  N-mv*  Fr 
II,  418-41:9.  Lafitau,  Ij  167. 


> 


I 
II 


D  E  l'A  m  e  r  I  q  u  e.  355 

luprême  un  culte  qui  n'eft  dû  qu*à  fon  au-  ■"*— ^ 
ieur.  Comme  le  feu  efl  le  plus  pur  &  le  plus  Liv.  iv. 
ctif  de  tous  les  élémens,  &  qu'il  reffemble 
u  foleil  par  quelques  «unes  de  les  qualités  & 
e  Tes  effets,  ce  n'eft  pas  fans  raifon  qu*il 
été  choifi  pour  emblème  de  Tadlion  puif- 
mtQ  de  cet  aftre.     Les  anciens   Perfes^ 
euple  bien  fupérieur  à  tous  égards  aux  na- 
ions  fauvages  donc  je  rappelle  les  ufages, 
onderent   leur  ifyftême  religieux  fur  le» 
lémes  principes,  &  établirent  des  formes 
e  culte  public,  moins  groffieres  &  moins 
bfurdes  que  celles  des  autres  peuples  qui 
voient  été  privés  du  fecours  de  la  révéla- 
ion*    Cette  étonnante  conformité  d'idées 
ntre  deux  nations- vivant  dans  deux  états^ 
!e  fociété  û  dijfférens,  eft  une  des  circoa» 
tances  les  plus  linguîieres  &  les  plus  inex- 
»liquables  qui  fe  rencontrent  dans  Ttiiftoire^ 
les  révolutions  humaines. 
!  A  Bogota ,  le  foleil  6c  la  lune  étoient  é- 
i^alement  les  principaux  objets  de  la  véné* 
•ation  publique.     Le  fyftême  de  religion  y 
îtoit  plus  régulier  &  plus  complet ,  quoi- 
que moins  pur  que  celui  des  jNTatchez.    Il 
i  avcit  des  temples,  des  autels,  des  prè- 
.res^  des  facriEces  ^  tout  ce  long  cortège 


35^  Histoire 

5  de  cérémonies  ,  que  la  fuperftition  întro" 
Liv.  IV.  ^yj^  paitout  oh  elle  s'arroge  un  empire  ab. 
folu  fur  refpric  des  hommes.    Mais  ce  peu- 
ple avoit  des  rits  cruels  &  fanguinaires  :  i 
oflfroit  à  fes  dieux  des  viQimes  humaines. 
&   plufîeurs   de   fes  ufages    refîembloieni 
beaucôlipaux  inftitutions  barbares  des  Mex^l, 
cains ,  dont  nous  examinerons  ailleurs  plus  ' 
en  détail  le  génie  &  les  mœurs  (i}. 
Leurs        A  Tégard  de  cet  autre  point  de  religion* 
rlmmoï/  ^ui  établit  l'immortalité  de  Tame,  les  fen-i 
taiité  de  timens  des  Américains  étoient  plus  unifor-' 

1  amc.  t  A 

jnes.  L'efprit  humain ,  lors  même  qu'il  n'eft 
encore  ni  éclairé  ni  fortifié  par  la  culture , 
fe  révolte  à  la  penfée  d'une  diilolutioa  to- 
talc  ù,  fe  pîaîc  à  s'élancer  par  l'efpérance 
dans  un  état  d'exiflence  future^    Ce  fenti-à 
ment,  produit  dans  l'homme  par  la  confcien- 
ce  de  fa  propre  dignité  &  par  un  in(tin6fc|'i 
fecret  qui  le  porte  vers  l'immortalité ,  Q&^i 
univerfel  &  peut  être  regardé  comme  natu-/'? 
rel  à  l'efpece  humaine  :  il  efl  la  bafe  des 
efpérances  les  plus  fublimes  de  l'homme 
dans  l'état  de  fociété  le  plus  parfait ,  &  la    ; 

nature  n'a  pas  voulu  le  priver  de  cette  dou- 

I.  ■         ■       —  I  -- 

Ci)  Piedrahita ,  conq.  del  nto/yo  reyno ,  />.  17,    Herier?» 
tîec,  6 ,  lib,  y,  c.  6. 


DE    l'A  M  E  R  I  Q  U  E.  35? 

a  confolation,  même  dans  l'état  de  focié-  SÊ^sm 
3  le  plus  fimple  &  le  plus  grofîîer.    Nous  Ltv.  iv. 
'ouverons  cette  opinion  établie  d'un  bout 
e  l'Amérique  à  l'autre,  en  certaines  ré- 
ions plus  vague  &  plus  obfcure,  en  d*au- 
res  plus  développée  &  plus  parfaite ,  mais 
uUe  part  inconnue.    Les  fauvages  les  plus 
rofliers  de    ce  continent ,    ne  redoutent 
oint  la  mort  comme  Textindrioa  de  i'exir» 
ence:  ils  efperent  tous  un  état  à  venir  oti 
Is  feront  à  jamais  exempts  des  calamités 
[ui  empoifonnent  la  vie  humaine  dans  fa 
.ondition  adluelle.    Ils  fe  repréfenceac  une 
:ontrée  délicieufe,  favorifée  d'un  printems 
;ternel  ;  oh  les  forêts  abondent-  en  gibier 
k  les  rivières  en  poiflbn  ;  oh  la  famine  ne 
e  fait  jamais  fentir,  &  oh  ils  jouiront  fans 
;ravail  &  fans  peine  de  tous  les  biens  de 
a  vie.    Mais,  en  fe  formant  ces  premières 
jidées  11  imparfaites  d'un  monde  iaviûble  , 
'les  hommes  fuppofent  qu'ils  continueront 
d'éprouver  les  mêmes  defîrs  ù.  de  fuivre 
les  mêmes  occupations  ;  en  conféquence  ils 
doivent  naturellement  réferver  les  diflinc- 
tions  &  les  avantages  dans  cet  état  futur 
aux  qualités  &  aux  talens  qui  font  ici  bas 
l'objet  de  leur  ellime.  Ainû  les  Américains 


Liv.  IV» 


35^  Histoire 

accordoient  le  premier  rang  dans  îa  régior 
des  efprits,  au  chafTeur  le  plus  habile,  at 
guerrier  le  plus  heureux  &  le  plus  hardi . 
à  ceux  qui  avoient  furpris  &  tué  le  plun 
d'ennemis ,  qui  avoient  tourmenté  le  plij 
grand  nombre  de  captifs  &  dévoré  leu 
chair  (i).  Ces  idées  étoient  fi  générale 
ment  répandues  qu'elles  ont  donné  naiflan 
ce  à  une  coutume  univerfellej  qui  eft  à  1 
fois  îa  preuve  la  plus  forte  de  la  croyanc 
des  Américains  à  une  vie  à  venir  &  Tex 
plication  la  plus  claire  de  ce  qu'ils  efpercB 
ïîsenter-y  trouver.  Comme  ils  imiaginent  que  le 
caix'^quî  niorts  vont  recommencer  leur  carrière  dan 
îneurent,  Je  Douvcau  monde  oti  ils  font  allés,  ils  n 

leurs  ?.r-  ■' 

mes ,  écc.  veulent  pas  qu'ils  y  entrent  fans  défenf 
&  fans  provifions  ;  c'efl  pour  cela  qu'o: 
enterre  avec  eux  leur  arc,  leurs  fieches  t 
les  autres  armes  employées  dans  la  chaflîl 
&  dans  la  guerre;  on  dépofe  dans  leur  tomi 
beau  des  peaux  ou  des  étoffes  propres 
faire  des  vêtemens ,  du  bled  d'Inde ,  du 
manioc  ,  du  gibier  ,  des  uflenfiles  domeflil 
ques  &  tout  ce  qu'on  met  au  nombre  des 

CO  Lery ,  cp,  de  £ry\  III,  222.  Charlevoix  ,  hiji 
ie  la  Nouy,  Fr.  JII^  551.  De  la  Potherie,  Mj»  40 
111,5. 


D   E   L'A  M  E  R  I  Q  U  E.  3T9 

hofes  nécelTaires  de  la  vie  (i).  Dans  quel-  '  '  "'*""'5" 
ues  provinces,  lorfqu'uo  cacique  ou  chef  ^^^v. iv. 
enoit   à  mourir ,  on  meitoir  à    mort   un 
srtain  nombre  de  Tes  femmes ,  de  fes  fa- 
oris  &  de  fes    efclaves  ,  qu'on  encerroit 
vec  lui,  afin  qu'il  pût  le  montrer  avec  la 
lême  dignité  &  être  accompagné  des  mê- 
les perfonnes  dans  fon  autre  vie  (ji).  Cet- 
3  perfuafion  efl  li  profondément  enracinée, 
a'on  voit  les    perfonnes  attachées  à   un 
hef  s'offrir  en  vidimes  volontaires  &  fol- 
iciter  comme  une  grande  diftindtion  le  pri- 
'ilege  d'accompagner  leurs  maîtres  au  tom- 
)eau.    Il  y  a  même  des  occaûons  oh  l'on 
ivoit  de  la  peine  à  réprimer  cet  enthouûaf- 
ne  d'affeélion  &  de  dévouement  &  à  ré- 
duire le  cortège  d'un  chef  chéri  à  un  nom- 
bre modéré  &  tel  que  la  tribu  n'en  fouffrît 
pas  un  dommage  trop  confidérable  f  3). 
Chez  les  Américains,  ainfi  que  chez  les 

(i)  Chronica  de  Cieca  de  Léon,  c.  28.  Sfigard  »  â88. 
CreuxU  lûfi,  Cmiad,  p,  gi.  Rochefort ,  kijf.  des  Antilles, 
568.  Biet,  391.  De  la  Potherie  II,  445  III,  8.  Bianco, 
£onverf,  de  pîritu ,  p,  35. 

^    C2>Dumont,  mémoire  fur  la  Louif,  /,  208.    Oviedo, 
\Ub.  F,  c.  %,   Gomera,  hijî.  gén.  c   28.    P.  Martyr,  dec,'^ 
;304.  Cbarlevoix,  Mfl.  de  la  Nom\  Fr,  Jll^  421.  Herrera, 
dec,  I,  lîb,  III i  c.   3.   P.  Melchior  Hernandez,  me^mr,  de 
Chtriqîiî.  Coll.  «rîg,  papers  L  Chron,de  Clcca  de  Léon  ^  c.  33» 

Cs)  Voyez  la  Note  LXXXVII. 


2^0  Histoire 

^ÊÊÊÊÊt  autres  nations  non  civilifées ,  pluûeurs  ût 

^merfii-"^^  &  des  pratiques  qui  refîemblent  à  d(^ 

lion  liée    aftes  de  religion  ,   n'ont  rien  de  commii 

avec  la  -       ../„,.        ,«,       ^     , 

piété.       avec  la  pieté,  &  font  TefFec  feulement  d'u 
defir  ardent  de  pénétrer  dans  Pavenir.  C*e 
lorfque  les  facultés  intelleftuelles  font  pkl 
foibles  &  moins  exercées  que  Tefprit  humaii 
eft  plus  porté  à  fentir  &  i  montrer  cett' 
vaine   curiofité.      Etonné   des    événemei 
dont  il  lui  eft  impofllble  de  concevoir  1 
caufe,  il  y  fuppofe  naturellement  quelqu 
chofe  de  merveilleux:  &  de  myftérieux:  a 
larme,  d'un  autre  côté,  par  des  circonflar 
ces  dont  il  ne  peut  prévoir  la  fuite  &  le 
effets  ,  il  eft  obligé,  pour  les  découvrir 
d'avoir    recours  à   d'autres   moyens    qu' 
l'exercice  de   fa  propre  intelligence,    Pai 
tout  oîi  la  fuperftition  a  fait  aflez  de  pro 
grès  pour  former  un  fyftême  régulier,  0( 
delir  de  percer  dans  les  fecrets  de  Tavenii 
fe  trouve  lié  avec  elle.    Alors  la  divinatioK 
devient  un  aâ;e  religieux;  les  prêtres,  com^ 
me  des  miniftrcs  du  ciel,  prétendent  annon-' 
cer  fes  oracles.    Ils  font  les  feuls  devins^ 
augures  &   magiciens,    qui  poffedent  l'an 
imponant  &  facré  de  découvrir  ce  qui  efl 

caché  aux  yeux  des  autres  hommes. 

Chez 


D  E     t'A  M  E  R  I  Q  U  1.  ^tSl 

Chez  ceux  des  peuples  fauvages  qui  ne  *^ 
^connoiffenc  point  de  puiiTance  qui  gou- q^'/^^; 
erne  le  monde  ,   qui  n'ont  ni  prêtres  niP'^'.^p*. 

Ji  *  paittentà 

érémonies  religieufes,  la  curioûté  de  lireieursmé- 
ans  l'avenir  &  de  découvrir  ce  qui  eft  in- 
onnu,  tient  à  un  principe  différent  &  tire 
i    force   d'une  autre  aflbciation   d'idées, 
lomme  les  maladies  de  l'homme  dans  l'état 
luvage  font,  ainû  que  celles  des  animaux, 
û  petit  nombre ,  mais  extrêmement  violen* 
3s ,  l'impatience  de  la  fouffrance  &  le  de- 
r  de  retrouver  la  fanté  lui  infpirent  aifé- 
lent  un  refpedt  extraordinaire  pour  ceux 
ui  fe  vantent  de  connoître  la  nature  de 
es  maladies  ou  d'en  prévenir  les  funelles 
ffets,    JVTais  ces  charlatans  d'Amérique  é-  v 
DÎent  fi  ignorans  fur  la  flrudture  du  corps 
umain ,  qu'ils  n'avoient  aucune  idée  ni  des 
érangemens  qui  pouvoient  y  furvenir,  ni 
e  la  manière  dont  ils  fe  terminoient.  L'en- 
houfiafme  fuperftitieux  réuni  fouvent  à  la 
■ufe  fuppléoit  à  la  fcience.    Ils  attribuoient 
f origine  des  maladies  à  une  influence  fur- 
laturelle  ,  à.  prefcri voient  ou  exécutoient 
ux- mêmes  différentes  cérémonies  myflé- 
ieufes  auxquelles  on  fuppofoit  la  vertu  de 
es  guérir.  La  crédulité  &  l'amour  du  mer- 
Tofiie  JL  O 


3^2  Histoire 

^=^  veilleux  ^  û  naturels  à  des  hommes  ign^i 
^^*      '  rans  ,  favorifoient  l'impofture  &  les  difpo 


j 


foient  à  en  être  aifément  dupes.    Les  pre-j 
miers  médecins  des  fauvages  font  des  efpenî 
ces  de  magiciens  qui  fe  vantent  de  connoî-î 
tre  le  palTé  &  de  prédire  Tavenir.    Les  en*i 
chantemens,  la  forcellerie  &  diverfes  céré- 
monies aufli  vaines  que  bifarres  ,   font  lei 
moyens  qu'ils  emploient   pour  chafTer  let! 
caufes  imagmaires  du  mal  (i);  &  pleins  dt 
confiance  fur  Tefficacité  de  ces  moyens ,  ilî 
prédifent  hardiment  quel  fera  le  deflin  de 
leurs   malades.     Ainfî   la  fuperftition  dam 
fa  forme  primitive  eut  pour  principe  l'im' 
patience  naturelle  à  l'homme  de  fe  délivre] 
d'un  mal  préfent ,  &   non  la  crainte  dej 
maux  qui   i'attendoient   dans  une  vie  fu, 
ture  ;  elle  fut  originairement  entée  fur  h\ 
médecine,  non  fur  la  religion.     Un  dcK 
premiers  &  des  plus   fages  hiftoriens  dd 
l'Amérique  fut  frappé  de  cette  alliance 
tre  l'art  de  la  divination  &  celui  de  la  mé' 
decine  chez  les  habitans  d'Hifpaniola  (2J 
Mais  cela  n'étoit  pas  particulier  à  ces  pem 


(1)  p.  Melch.  Hernaiîdez,  memor*  de  cherîqu! ,  coUcSi 
or'i^,  p»  I. 
C^)  Oviedo,  lib.lF,  c,  u 


D  E  l'A  m  e  r  I  q  ù  e.  3^3 

•les.  Il  y  avoit  dans  toutes  les  parties  de  «ëëëI 
'Amérique  des  devins  &  des  enchanteurs  Liv.lV. 
;  ui  s'appelloient  les  Alexis ,  les  Piayas ,  les 
Huîmoins^^Q.  fuivant  les  différens  endroits, 
c  qui  étoient  les  médecins  de  leurs  tribus 
ei]ie£lives,  comme  les  Biihitos  Tétoient  à 
lirpaniola.  Comme  leurs  fondions  les  met- 
oient  à  portée  d'obferver  Tefprit  humain 
ffFoibli  par  la  maladie,  &  que  dans  cet  état 
Tabatcem-ent ,  l'homme  eft  naturellement: 
lifpofé  à  s'alarmer  de  craintes  chimériques 
k  à  fe  bercer  d'efpérances  imaginaires,  ils 
nfpiroient  aifément  une  confiance  aveugle 
'ians  la  vertu  de  leurs  enchantemens  &  dans 
a  certitude  de  leurs  prédirions  (i). 

Lorfque  les  hommes  ont  une  fois  recon-  Lafuper- 
Mi  la  réalité  d'une  puifiance  furnaturelle  fendVar" 
fqui  agit  dans  certains  cas^  ils  font  aifément  degrés, 
portés  à  la  reconnoître  dans  d'autres.    Les 
(Américains  ne   fuppoferent    pas   longtems 
*que  l'efficacité  des  conjurations  fût  bornée  à 
Un  feul  objet:  ils  y  eurent  recours  dans  toutes 
les  fîtuations  de  danger  ou  de  malheur.  Lorf- 

f  CO  Herrerà,  dec,  i,  Ub.  W,  e.  4.  Osborne  ,  collet, 
lit  860.  Dumont  5  I,  169.  Ch.irJevoix,  Mfi.  de  la  Nouy, 
■Fr.  Ult  361.  Lav/fonj  Dipuy,  CaroL  214.  Kih^s ,  trîtimf, 
j?.  17.  Biet,  33(5.  De  la  Putherie,  II,  35. 


LïV,lV. 


3(Î4  Histoire 

qu'ils  éprouvoient  des  défaflres  à  la  guer- 
re ,  lorfqu'ils  étoient  contrariés  dans  leur 
chafîe  par  des  contre- tems  imprévus,  îorf. 
que  les  inondations  ou  la  féchérefîe  mena- 
çoient  leurs  moifTons  ,  ils  appelloient  leursi 
magiciens  &  leur  faifoient  commencer  leurs^ 
enchantemens  pour  découvrir  la  caufe  de< 
ces  calamités  ou  pour  prédire  quelle  en 
feroit  rifTue  Ci).  Leur  confiance  dans  cet 
art  chimérique  s'augmenta  par  degrés  &  fe 
manifefloit  dans  toutes  les  circonflances  de 
la  vie  î  chaque  individu  qui  fe  trouvoic 
dans  quelqu'embarras  ou  qui  vouloit  s'enga- 
ger dans  quelqu'entreprife  importante,  ne 
manquoit  pas  de  confulter  le  forcier  &  de 
diriger  fa  conduite  fur  les  inftrudtions  qu'il 
recevoit.  C'eil  fous  cette  forme  que  h 
fuperflition  fe  montre  chez  les  peuples  les 
plus  fauvages  de  l'Amérique,  &  la  divina-i 
tion  y  eft  un  art  tenu  dans  la  plus  hautéi 
eflime.  Longtems  avant  que  l'homme  aie* 
porté  la  connoiflance  d'une  divinité  jufqu'am 
point  qui  infpire  le  refped  &  conduit  à 
un  culte ,  nous  le  voyons  lever  une  main 


I 


(0  Cliarlevoix ,  hlj}.  de  la  Nom,  Fr,  III,  3.  Dumont, 
ï>  173'  Fernandez  >  ?'^/tff.  ù  ch'^qulît  p*  40.  JLozaiiOj  84. 
Margrave,  a^^i. 


D  E  l'A  m  e  r  I Q  u  e;         3(^5 

Dréfomptueufe  pour  écarter  le  voile  falutai-  — * 
ire  fous  lequel  la  providence  a  voulu  cacher  tiv.iv. 
ifes  defleias  aux  regards  des  humains;  nous 
le  voyons  s'efForçant   avec  une  vaine  ia» 
quiétude  de  percer  les  myfteres  de  Tadmi* 
liftration  divine.    Ceft   une    preuve    des 
progrès  &  de  la  maturité  de  Tefprit  humaiQ 
que  de  reconnoître  &  d'adorer  une  puifFan- 
::e  modératrice  de  l'univers  ;  mais  le  vain 
iefir  de  pénétrer  dans  Tavenir  n'eft  qu'une 
[erreur  de  fon  enfance  &  une  preuve  de  fa 
foiblefle. 

C'efl  à  cette  même  foiblefTe  qu'il  fauÉ 
attribuer  la  confiance  des  Américains  dans 
les  fonges,  leur  foin  d'obferver  les  préfa- 
iges,  leur  attention  au  ramage  des  oifeaur 
&  aux  cris  des  animaux  ;  ils  regardent  tou- 
Ites  ces  circonflances  comme  des  indications 
des  événemens  futurs  ,  &  fi  quelques  •  uns 
ïde  ces  pronoftics  leur  paroifient  défavora- 
ibles  ,  ils  renoncent  auflîtôt  à  Tentreprife 
;qu'ils  venoient  de  former  avec  le  plus 
d'ardeur  (i). 


}y(i)  Charlevoix,  hîft,  de  la  Nouy»  Fr.  m,  262 ->  55^0 
Stadius,  ap,  de  Bry ,  111,  120.  Creuxii,  hljï.  Ganaa*%^ 
Techo,  hîft,  of  Parag.  Churchill,  colh  FI»  $7»  De  la  Po 
therie,  IH,  5, 

Q  3 


^66  Histoire 

51*55      Si  l'on  veut  fe  former  une  idée  complet'^ 

"coucu^*  te  des  nations  fauvages  de  l'Amérique  ,  i;  " 

^•^s  par-  j^e  faut  pas  'pafTer  fous  filence   quelquej 

'  coutumes  fingulieres ,  qui ,  quoiqu'univerfel 

les  &  caradlériftiques ,  n'ont  pu  convenable 

ment  être  rapportées  à  aucun  des  article! 

fous  lefqueîs  j'ai  divifé  mes  recherches  fujv 

leurs  mœurs. 

Amour  de     L'amour  de  la  danfe  efl  une  paffîon  fd^'i 

la  tianfe,  yorite  des  fauvages  de  toutes  les  parti©! 

du  globe.     Comme  une  grande  partie  de 

leur  tems  fe  confurae  dans  un  état  de  laa 

gueur  &  d'indolence,  fans  aucune  occupa 

tion  qui  puifle  les  animer  ou  les  intéreifer. 

ils  fe  plaifent  généralement   à  un  exercice 

qui  donne  l'efTor  aux  facultés  avives  de  1; 

nature.     Lorfque   les  Efpagnols  entrèrent 

pour   la  première   fois  en  Amérique,  ils 

furent  étonnés  de  ce  goût  extrême  des  na 

turels  pour  la  danfe  ;  ils  voyoient  avec  è< 

tonnement   un    peuple ,   prefque    toujoufii 

froid  &  inanimé ,  montrer  une  activité  ex- 

-   '  traordinaire  toutes  les  fois  que  cet  amufe. 

ment  favori  les  y  portoit.    Il  e(l  vrai  que 

chez  eux  la  danfe  ne  doit  pas  être  appelle 

un  amufement.  C'efl  une  occupation  férieu« 

fe  &  importante  qui  fe  mêle  à  toutes  les 


D  E    L'A  M  E  R  I  Q  U  E.  367 

ciiconflances  de  la  vie  publique  &  privée,    mmmm 

Si  une  entrevue  ef):  néceflaire  entre  deux  ^^v.  iv. 

bourgades   Américaines  ,  les   ambafladeurs 

;de  Tune  s'approchent  en  formant  une  danfe 

jfolemnelle  &  préfentent  le  calumet  ou  em- 

iblême  de  paix:  les  Sachems  de  l'autre  triba 

:1e  reçoivent  avec  la  même  cérémonie  (i}. 

Si  la  guerre  fe  déclare  contre  un  ennemi  ;> 

c'eft  par  une  danfe  qui  exprime  le  relTen:- 

-timent  dont  ils  font  animés  &  la  vengean- 

Ice  qu'ils  méditent  (2),    S'ils  veulent  ap- 

[paifer  la  colère  de  leurs  dieux  ou  célébrer 

leurs  bienfaits  ^  s'ils  fe  réjouiffent  d^  la 

naiffance  d'un  tils  ou  pleurent  la  mort  d'au 

ami  (3),  ils  ont  des  danfes  convenables  h 

chacune  de   ces  fîtuations    &  appropriées 

i  aux  fentimens  divers  dont  ils  font  pénétrés. 

iSi  l'un  d'eux  efl  malade,  on  ordonne  une 

danfe  comme  le  moyen  le  plus  efficace  de 

.lui  rendre  lafanté;  &  s'il  ne  peut  pas  ÇiJtp* 

\  porter  la  fatigue  de  cet  exercice,  „le  méde- 

;  cin  ou  (brcier  exécute  la  danfe  lui  -  même, 

(i)  De  la  Potherie^  hîjl,  II,  17.    Charbvoix,  hljl*  àê 
I  f(t  Néuy,  Fr,  III,  211,  212.  Lahontaii,  I,  100-137.  Heii- 

i  nepin,  découv,  149, 

i      (2)  Charlevoix,  hîjî»  de  la  Nouy,  Fr,  III ^  298.    Lafi- 
I  tau,  I,  523,  ""■..■.  ^\'j% 

C3)  Jputel  g  3 13.  Gomera ,  Wfï.  gén,  c,  ig6i- 

Q4 


3(^8  Histoire 

■■■iiiii'ii'  comme  fi  la  vertu  de  fa  propre  adivité  pou- 
Liv.iv.  ^Qjç  fe  tranfmettre  à  fon  malade  (i}. 

Toutes  leurs  danfes  font  des  imitatiom 
de  quelqu'aftion  ,  &  quoique  la  mufîque 
qui  en  règle  les  mouvemens  ,  foit  d'une 
extrême  fimplicité  &  choque  l'oreille  pat 
fa  platte  monotonie,  quelques  «unes  de  leur? 
danfes  paroifTent  très  -  exprelîîves  &  très 
animées.  La  danfe  de  guerre  eft  peut  •  êtu 
]a  plus  frappante  de  toutes  :  c'efl:  la  repré' 
Tentation  d'une  campagne  Américaine  corn» 
plette.  Le  départ  des  guerriers ,  leur  mar- 
che dans  le  pays  ennemi',  les  précautions 
avec  lefquelles  ils  campent,  Tadrefle  avec 
laquelle  ils  placent  des  détachemens  en  em- 
bufcade ,  la  manière  de  furprendre  l'enne^ 
iTîi,  le  tumulte  &  la  férocité  du  combat , 
l'art  d'enlever  la  chevelure  aux  morts  &  de 
fe  failGb:  des  prifonniers ,  le  retour  triom- 
phant des  vainqueurs  &  les  tourmens  des^ 
•victimes,  font  mis  fucceffivement  fous  les^ 
yeux  des  fpeûateurs»  Les  auteurs  entrent 
<3ans  leurs  difFérens  rôles  avec  tant  de  cha- 
leur &  d'enthoufîafme  ;  leurs  geftes ,  leurs 

phy. 

CO  Denys,  hijf,  nat,  i8p.  Brikell,  372.    De  la  Potl»' 


ÏJB     t'A  M  E  U  I  Q  U  E.  5^59 

:)hyGônomies ,  leurs  voix  font  û  bifarres  &  — ^ 
î  conformes  à  leurs  ficuadons  refpedlives,  l'iv.iy. 
jue  les  Euro  )dens  ont  peine  à  croire  que 
:e  foit  une  fcene  d'imitation  &  ne  peuvent 
a  voir  fans  de  vives  impreflîoDs  d'horreur 
k  de  crainte  (^i).  Quelque  exprefîion  qu'il 
DuilTe  y  avoir  dans  les  danfes  Américaines  ,> 
slles  préfentent  une  circonftance  remarqua* 
Die,  qui  fe  lie  avec  le  cara£tere  de  la  race 
entière.  Les  chanfons,  les  danfes  &  les^ 
amufemens  des  autres  nations  3  emblâmes> 
des  fentimens  qui  échauffent  leurs  coeurs  ^- 
font  fouvent  deflinés  à  exprimer  ou  à  ex- 
citer cette  fenûbiiké  qui  attache  les  deux 
fexes  l'un  à  l'autre.  Il  y  a  des  peuples 
chez  qui  l'ardeur  de  cette  pafîion  eft  telle  ^ 
que  l'amour  y  efl  prefque  le  feul  objet  des 
fêtes  à.  des  plaifîrs  ;  &  comme  les  peuples^ 
groflîers  ne  connoiffent  point  la  délieateffe 
des  featimens  &  ne  font  point  accoutumés 
à  déguifer  les  émotions  de  leur  ame,  leurS' 
danfes  font  fouvent  licencieufes  &  indé- 
eentes.  Telle  eft  la  Caknâa  dont  les  na- 
turels d'Afrique  font  fi  paflîonnés  (2):  tel- 

■^-         '      I  -|  ,1111  I  - . LU,   .   U ~        M" 

Cl)  De  la  Potheiie  ,  II,  ii6.    Charlevoix ^ /«V?..  ^   Is^ 
Pifouy,  Fi\  III t  2^7.  LaStau  y  1 ,  52> 
Qjr}  Adanfon ,  yoy,  ouSénégaT,  p.  3.  L^st ,  yoy.  IF^i^^f 


570  H  I  s  T  a  I  R  E 

I  les  font  les  danfes  des  jeunes  filles  d'Alîe 


LiYtlv.  qy|  fejnbient  exciter  tous  les  delirs  de  la 
volupté   dans  ceux  qui    en  font  témoins^ 
Mais  chez  les  Américains,  qui  par  des  eau- 
.   fes  qu*on  a   déjà   expliquées ,   font  plus 
froids  &  plus  indifférens  pour  les  femmes» 
les  idées  d'amour  n'entrent  que  très-peii 
dans   leurs    fêtes   &    leurs  divertifTemens. 
Leurs  chanfons  &  leurs  danfes   font  pour 
là  plupart  graves  &  martiales  ,  liées  avec 
quelques-unes  des  affaires  les  plus  férieu- 
fcs  &  les  plus  importantes  de  leur  vie  (i)  ; 
&  comme  elles  n'ont  aucune  relation  aveé 
l'amour  ou  la  galanterie,  elles  font  rare*- 
ment  communes  aux  deux  fexes ,  6t  s'exé»  ■ 
cutent  par  les  hommes  &  les  femmes  h  part; 
(2}.    Si  dans  quelques  occaiîons  il  efl  per*« 
mis  aux  femmes  de  fe  joindre  à  la  fête  ,., 
le  caraftere  des  danfes  refte  le  même ,  &  J 
l'on  n'y  voit  aucun   mouvement ,   aucuai 

Sloane, «^.  hijï,  ofjamalcâ:  întrod,  p»  48.  Fermin,  deJU^) 
de  Surinam  y  I,  139, 

CO  Defcnp.  de  la  Nouy,  Fu  Osborne,  colM.  //,  883^  , 
^  Chaiievoîx ,  ////?.  de  la  Nouy.  Fr,  UI,  84. 

(2)  Wlifer's,  account  of  Iflhm»  i6{).  Lery,^/>.   de  Bry y 

MI  y  ï2T*  LozanO',  iJfi.  de  Parag.  f,  149;  Herr^ra,  dscad, 

■-i,  Ub.  Vii^  Q^  8i  dic,  4,j,  Ub,  ]i^  c  4;.    Voyeur  la  Nû3!«. 


DE     L*AmeRIQUE.  571 

gefle  qui  exprime  des  idées  de  volupté  ou 
qui  encourage  la  familiarité  (i).  Liv.iv, 

L'amour  excefîif  du  jeu,  &  particulière-    Amour 
■  ment  des  jeux  dehafard,  qui  femble  être  ^^"^  •'^"' 
;  naturel  à  tous  les  hommes  qui  ne  font  pas 
accoutumés  aux  occupations  d'une  induftrie 
régulière  ,  eft   univerfel  chez  les  Améri- 
cains. ,Les  mêmes  caufes  qui  dans  la  focié- 
té  civiiifée  portent  les  hommes  qui  ont  de 
la  fortune  &  du  loifir ,  à  rechercher  cet  a*- 
mufement ,  en  font  les  délices  des  fauva-- 
ges.    Les  premiers  font  difpenfés  du  tra- 
vail; ceux 'Ci  n'en  fentent  pas  la  néceOité,.' 
,  &  comme  ils  font  également  oiûfs  ,  ils  fè 
givrent  avec  traafport  à  tout  ce  qui  peut- 
émouvoir  &  agiter  leur  ame.  Ainû  les  Amé- 
ricains qui  pour  Tordinaîre  font  fi  indiîFé- 
rens,  fi  flegmatiques,  û  taciturnes  &  (i  dé-- 
fintéreîTés,  deviennent,  dès  qu'ils  font  en- 
gagés à  une  partie  de  jeu,  avides,  impa- 
,  tiens,  bruyans  &  d'une  ardeur  prefque  fré- 
nétique.   Ils  jouent  leurs  fourrures  ,  leurs- 
uftenûles  domelliques ,  leurs  vêtemens ,  leurs^ 
armes  ;>  &  lorfqus  tout  eft  perdu,-  on  les 
voit  fouveat  dans  l'égarement  du  défefpair 
©Ur  de  l'efpéraiice ,  rifqaer  d'un  feul  coup-- 

-"^ ' ■ ■ : I ■-  Il      r  -I     .         !■■       i.l    .-       -.«g^ 


372  Histoire  I 

■  leur  liberté  perfonnelle ,  malgré  leur  paf.  ^ 


Liv.  hv.  £qq  extrême  pour  rindépendance(i)*  Chez 
différentes  peuplades  ces  parties  de  jeu  fe 
renouvellent  fouvent  &  deviennent  Tamufe- 
ment  le  plus  intéreflant  dans  toutes  les  oc- 
calîons  de  fèces  publiques.  La  fuperllltion , 
toujours  prête  à  tourner  à  fon  profit  les  i 
palïïons  qui  ont  le  plus  d'influence .  &  d'é- 
nergie,  concourt  fouvent  à  confirmer  &i 
à  fortifier  cette  difpofition  des   fauvages. 
Leurs  magiciens  font  accoutumés  à  prefcri*- 
re  une  grande  partie  de  jeu ,  comme  uan 
des  moyens   les  plus    eflacaces  d'appaifer 
leurs  divinités,  ou  de  rendre  la  fanté  auxi 
malades  (2). 
Goût  des     Des  caufes  femblables  à  celles  qui  infpr* 

Mcitisurs 

îoms.  rent  aux  Américains  l'amour  du  jeu  ,  les^ 
portent  aufîî  à  Tivrognerie.  Il  femble  qu'un 
des  premiers  efforts  de  l'induHrie  humaine 
ait  été  de  découvrir  quelque  boiffon  ent»  J 
vrantc;  &  l'on  n'a  guère  trouvé  de  nation,  ' 
quelque  grofîiere  &  dépourvue  d'invention 
qu'elle  fût,  qui  n'ait  réuflî  dans  cette  fata- 
le recherche.    Les  plus  barbares  des  tribus 

(1)  Chailevoix ,  hîjl,  àe  la  Nouy.  Fr.  IH,  £61-318.   La? 
Êraii»  //a  338.  Ribas,  tr'tumf.  13.  BrikelJ,  335. 
(a^  Oiailfivois  3  hijî,.  ds  lu.  Na.uy^  Fu  UI^  oJSik.  | 


D  E     t*A  M  E  R  I  Q  U  E.  37^3 

fAméf icaînes  ont  été  aflez  malheureufes  pour  éêêêê' 
Ifaire  cette  découverte;  celles- même  qui^^^*^^* 
fent   trop   ignorantes    pour    connoître   le 
[moyen  de  donner  aux  liqueurs  par  la  fer- 
[mentation  une  force  enivrante,  obtiennent 
Ile  même  effet  par  d'autres  moyens.     Les 
Ihabitans  des  ifles,  ceux  de  la  Ca4ifarnie  £s 
du  nord  de  TAmérique,  emploient  pour  cet 
objet  la  fumée  du  tabac,  qu'ils  font  pa (Te? 
•avec  un  certain  inflrument  dans  les  narines 
&  dont  les  vapeurs  en  montant  au  cerveau 
y  excitent  tous  les  mouvemens  &  les  tranf- 
iports  de  PivrefTe  (i).  Dans  prefque  toutes 
Iles  autres  parties  du  nouveau  monde,  les 
naturels  polTédoient  Tart  d'extraire  une  li- 
queur enivrante  du  maïz  ou  de  îa  racine  de 
I  manioc ,  les  mêmes  fubflances  dont  ils  fai« 
I  foient  du  pain.     L'opération  qu'ils  avoieni 
imaginée  pour  cela  reflemble  aflez  au  pro^» 
cédé  ordinaire  des  brafîeurs  ;  mais  avec  cet- 
te différence  qu'ati  lieu  de  levure,   ils  y 
fubftituoient  une  dégoûtante  infulion  d'une 
certaine  quantité  de  maïz   ou  de  manioc 
mâché  par  leurs  femmes.    La  fa live  excite 
une  fermentation  vigoureufe,  &  en  peu  de 

CO  Ovîedo,  hiJK  ap,  Ramus,  III,  ii^  Venegas,  1,63^ 
JSaufr,  d&  Qç,liçca  de  Faca ,  eap,  26.  Voyej^Ia  No"^  XiXXXIX* 


— f-  jours  la  liqueur  devient  propre  à  être  bue. 

^•^^*  Elle  n'eil  pas  défagréabie  au  goût,  &  lorf- 
qu'on  en  boit  une  grande  quantité ,  elle  a 
le  pouvoir  d'enivrer  (1).  C'eft  la  boifîbn 
générale  des  Américains,  qui  la  défignent 
par  ditFérens  noms  &  la  recherchent  avec 
une  fureur  qu'il  n'eft  pas  plus  aifé  de  conce- 
voir que  de  décrire.  Chez  les  nations  polies, 
oîi  une  fucceffion  d'occupations  &  d'amufe- 
mens  divers  tient  l'efprit  dans  une  adivité 
continuelle,  le  defir  des  liqueurs  fortes  eft 
modifié  en  grande  partie  par  le  climat,-  & 
il  augmente  ou  diminue  félon  les  variations 
de  la  température.  Dans  les  pays  chauds,, 
Torganifation  feniible  &  délicate  des  habi- 
tans  n'a  pas  befoin  du  flimulant  des  liqueurs 
fermentées.  Dans  les  pays  plus  froids,  la 
conftitution  des  naturels  ,  plus  robufle  & 
plus  pefante ,  en  a  befoin  pour  être  excitée 
&  mife  en  mouvement.  Mais, parmi  les  fau* 
Tages ,  le  delîr  de  tout  ce  qui  a  la  faculté 
d'enivrer  eft  le  même  dans  toutes  les  poû* 
tions  du  globe.  A  l'exception  de  quelques 
petites  tribus  difperfées  près  du  détroit  de 
Magellan,  tous  les  habitans  de  l'Amérique, 
foit  qu'ils  habitent  la  zone  torride  ou  les  ré- 


DE  l^Ameriquk.  57y 

^^Tons  tempérées ,  foit  qu'un  fort  plus  dur 
es  ait  fait  naître  dans  les  climats  plus  ri-  Liv.l^i 
;oureux  des  deux  extrémités  nord  <Sc  fud  de 
re  continent,  paroiflent  être  également  do- 
minés par  cette  palTion  (i).  Cette  reflem» 
)Iance  de  goût  chez  des  peuples  placés  dan& 
les  fîtuations  û  différentes ,  ne  peut  être  re- 
gardée comme  l'effet  d'un  befoln  phyfique  ^ 
3c  ne  peut  être  attribuée  qu*à  l'influence 
i'une  caufe  morale.  Lorfque  le  fauvage  efE 
engagé  dans  une  expédition  de  guerre  ou  de- 
fîhafle ,  il  fe  trouve  fouvenc  dans  des  fîtua- 
rions  critiques,  oii  toutes  les  facultés  de  fa< 
sature  font  obligées  de  s'exercer  par  les 
plus  grands  efforts  ;  niais  à  ces  fcenes  incë- 
veiïantes  fuccedent  de  longs  intervalles  de; 
repos,  pendant  lefqueîs  le  guerrier  ne  voit 
•rien  d'alfez  étonnant  ou  important  pour  mé* 
riter  fon  attention.  Il  languit  dans  ce  tems 
d'indolence.  L'attitude  de  fon  corps  efl  ua^ 
iemblôme  de  l'état  de  fon  ame:  là,  accrou- 
pi près  du  feu  dans  fa  cabane,  ici  étendu  à 
[Fombre  de  quelques  arbres,  il  confume  fes 

-     .  I  - «lij 

j.  (i3  Giimilla,  I,  257.  Lozaso ,  «'if/cr.  del  gj-an  Clmo'^~ 
.56-103.  lUbas,  8,  Ulloa,  I,  249-337.  Marchais,  IV,  43(& 
fFefnandez,   mî(Jwm  de  las- Ch'iqmit  35.  Banere-y  ^.gogè 


3?€  Histoire 

^fÊËÊÊÊÈ  journées  dans  m  fommeil  prefque  conti- 
*^*  ^^*  nuel ,  ou  dans  une  inaftion  infipide  &  flu- 
pide  qui  n'en  efl  guère  différente.    Gomme 
les  liqueurs  fortes  le  tirent  de  cet  état  de 
torpeur ,  donnent  un  mouvement  plus  rapi- 
de à  Tes  efprits  &  raniment  encore  plus  for* 
tement  que  la  danfe  ou  le  jeu,  il  en  efl  ex- 
celîivement  avide.   Un  fauvage  qui  n'efl  pas- 
«n  adtion  efl:  un  animal  triile  &  penûf  ;  mais 
dès  qu'il  boit  ou  qu'il  a  feulement  l'efpéran» 
ce    de  boire  d'une  liqueur  enivrante ,    il 
prend  de  la  vivacité  &  de  la  gaité  (i).  Quel 
que  foit  l'occafion  ou  le  prétexte  qui  raf- 
femble  les  Américains ,  la  féance  fe  terml-  ■ 
ne  toujours  par  une  débauche.  Pîulîeurs  dei 
leurs  fêtes  n'ont  point  d'autre  objet,  &  il»i 
en  voient  arriver  l'époque  avec  des  tranf» 
ports  de  joie.    Comme  ils  ne  font  accoutu»- 
Hiés   à  contraindre  aucun  de  leurs   fenti*!- 
mens ,  ils  ne  mettent  point  de  bornes  à  ce-î 
lui -ci.    La  fête  dure  fouvent  fans  interrup* 
tion  pendant  plufîeurs  jours,  &  quelque  fu* 
nèfles  que  puilTent  être  les  fuites  de  leurs| 
excès,  ils  ne  cefTent  de  boire  que  lorfqu'ill 
ne  refte  plus  une  feule  goutts  de  liqueur»i 
Ceux  d^entr*eux  qui  font  les  plus  diflin'- 

QO  Mel^i  des  j  t^oro^  vsidsdt  Illy.  i^^ 


D  fi   L'A  M  E  R  ï  q  U  !:•  377 

;ués ,  les  guerriers  les  plus  célèbres  ,   les  — — 
:hefs  les  plus  renommés  pour  leur  fagefle,  Liv.iv. 
l'ont  pas  plus  d'empire  fur  eux-mêmes  que 
e  dernier  membre  de  la  communauté,  L'at- 
|:rait  irréfîftible  d'un  plaifîr  préfent  les  aveu» 
i^le  fur  les  conféquences ,  &  ces  hommes 
'juî  dans  d'autres  lituations  femblent  doués 
l'une  force  d'ame  plus  qu'humaine  ^  ne  font 
ians  celle-ci  que  de  vils  efclaves  d'un  ap» 
'petit  brutal ,  inférieurs  aux  enfans  en  pré- 
voyance aufli  bien  qu'en  raifon  ("!}♦  Lorf- 
que  leurs  pallions,    qui  font  naturellement 
ifortes ,  font  encore  excitées  &  enflammées 
Ipar  TivrefTe,  ils  fe  portent  aux  plus  terri- 
bles excès,  «Scia  fête  fe  termine  raremeat 
fans  des  ades  de  violence  &  mema  fans  du 
fang  répandu  (2}, 

Au  milieu  de  cette  débauche  extrava-gan- 
te,  il  y  a  une  circonftance  qui  mérite  d'être 
{remarquée  :  chez  la  plupart  des  nations 
'Américaines  il  n'eft  pas  permis  aux  femmes 
de  prendre  part  à  la  fête  ("3}.  Leur  occupa- 
tion eft  de  préparer  la  liqueur,  de  Ja  ferviy 
aux  convives,  &  d'avoir  foia  de  leurs  maris 

CORibas,  IX.  Ulloa,  1,338, 
Cs}  Vpyez  la  JN«TB  XC. 


'xyB  H  I  s  T  o  I  R 


j 


«3  &  de  leurs  parens  lorfqu'ils  commencent  i 
Liv.  IV.  pQY^Ye  la  raifon.    Rien  ne  prouve  plus  Té 
tat  d'infériorité  des  femmes   &  le  raéprii 
avec  lequel  elles  étoient  traitées  dans  li 
nouveau  monde ,  que  cet  ufage  de  les  e» 
dure  d^un  plaifîr  li  recherché  de  tous  h 
fauvages.     Lorfqu'on  découvrit  TAmériqui 
feptentrionale,  les  habitans  ne  connoifToien 
-encore  aucune  boiflbn  enivrante;  mais  lô 
Européens  ayant  trouvé  bientôt  un  intérê 
à  leur  fournir  des  liqueurs  fpiritueufes,  Vl 
vrognerie  eft  devenue  aufîî  univerfelie  pan 
mi  eux  que  parmi  les  Américains  des  partie 
méridionales  ;  leurs  femmes  même  ont  prir 
ïe  même  goÛc  &  s'y  livrent  avec  auffi  pei 
de  décence  ^  de  modération  que  les  hoifti 
mes  (i3-  . 

Il  feroit  trop  long  d'examiner  toutes  ie^ 
de  faîre    coutumes  particulières  qui  ont  excité  Téton^ 
Safdï^ nsment  des  voyageurs,  en  Amérique;  maiS' 
Udes  in-^'i^  "^  puis  en  paffer  fous  fiience  une  qui  pa*i 
curables,  roîc  auiîî  extraordinaire  x^u'aucune  de  celles 
dont  on  a  parlé,    Lorfqu'un  Américain  de- 
vient vieux  oii  qu'il  fouffre  d'une  maladie 
que  leur  médecine  ^roffiere  ne  peut  guérir» 

.^  CO,  Hutchinfon,  hifi^  of  Mafachufit.  Bay^  46^,  Lafita» 
II,  125,  Sagard,  I4(). 


D  E     L*A  M  E  R  I  Q  U  E.  379 

fes  enfans  ou  fes  parens  lui  ôtent  la  vie  eux-  ——g' 
mêmes ,  pour  être  délivrés  du  fardeau  de  le  ^^^*  ^^* 
nourrir  &  de  le  foigner.  Cette  coutume  s'efl 
:rouvée  établie  chez  les  tribus  les  plus  fau- 
^i^ages  dans  toute  l'étendue  du  continent ,  de- 
puis la  baie  d*Hudfon  jufqu'à  la  rivière  de 
a  Plata;  «Se  quelqu'oppofée  qu'elle  paroif- 
7e  à  ces  fentimens  de  tendrefTe  &  d'afFec* 
•:ion  que  les  hommes  civilifés  regardent 
:omme  naturels  à  refpece  humaine ,  l'hom- 
ime  femble  y  être  conduit  par  la  condi- 
ition  de  la  vie  fauvage.  Les  mêmes  pei- 
nes &  les  mêmes  difficultés  pour  fe  pro» 
curer  des  fubû (lances  ,  qui  en  quelques  cas 
empêchent  les  fauvages  d'élever  leurs  en-  ' 
fans ,  les  obligent  à  terminer  la  vie  des 
vieillards  &  des  infirmes,  La  foibieile  de 
ceux-ci  auroit  befoin  des  mêmes  fecours  que 
î'enfance.  Les  uns  &  les  autres  font  égale- 
ment incapables  de  remplir  les  fondions  de 
^guerriers  ou  de  cbalTeurs,  &  de  fupporter 
ries  peines  ou  d'échapper  aux  dangers  aux- 
•quels  les  fauvages  font  fi  fouvent  expofés 
par  leur  défaut  de  prévoyance  &  d'indullrie^ 
^Incapables  de  fubvenir  aux  befoins  ou  de 
|fecourir  la  foiblejGTe  des  aucres,  ce  furcroît 
j  d'embarras  leur  donne  ues  impatience  qui 


380  HISTOIRE 

«555  les  porte  à  terminer  une  vie  qu'il  leur  fe 

Liv.  IV,  j-oit  trop  difficile  de  conferver.    Cela  n'el 

point  regardé  comme  un  trait  de  cruauté 

mais  comme  un  a£le  de  pitié.     Un  Améri 

cain,  accablé  d'années  ou  d'infirmités,  fen 

tant  qu'il  ne  peut  plus  compter  fur  le  fe 

cours  de  ceux  qui  l'environnent ,  fe  plac 

lui-même  d'un  air  content  dans  fon  tom 

beau,  &  c'eft  des  mains  de  fes  enfans  ou  d 

fes  plus  proches  parens  qu'il  reçoit  le  cou] 

qui  le  délivre  à  jamais  des  miferes  de  1 

vie  O)- 

idée  gé*     IX.  Après  avoir  confidéré  les  peuplei 

ïémca^^  fauvages   d'Amérique    dans    ces    dilféreni 

faatere.    points  de  vue,  &  après  avoir  examiné  leuri 

ufages  dans  tant  de  fituations  diverfes,  i 

ne  refte  qu'à  nous  former  une  idée  générait 

de  leur  caradtere,  comparé  avec  celui  de« 

nations  plus  policées.    L'homme,  dans  fosr 

état  primitif ,    fortant  pour  ainfî  dire  des 

mains  de  la  nature  ^  eft  partout  le  même^î 

Dans  les  premiers  initans  de  l'enfance,  foiti 

parmi  les  fauvages  les  plus  bruts ,  foit  dans 

la  fociété  la  plus  civilifée,  on  ne  lui  recon- 

noît  aucune  qualité  qui  marque  quelque  dif- 

■  Ci)  Cafîanî,  hlfi»  de  N,  Reyno  àc  gran*  p,  300.  Pifa, 
p*  6.  Ellis,  7oy,  161.  Gurailla,  I,  333.^ 


D  E  l'A  m  e  r  I  q  u  e.         3gi 

înûion  ou  quelque  fupériorité.    Il  paroît 


lartout  fufceptible  de  la  même  perfeélibili-  liv.  iv. 
é,  &  les  talens  qu*il  peut  acquérir  par  la 
bite ,  ainfi  que  les  vertus  qu'il  peut  devenir 
feapable  d'exercer,  dépendent  entièrement 
e  rétat  de  fociété  dans  lequel  il  fe  trouve 
^lacé.    Son  efprit  fe  conforme  naturelle» 
ïient  à  cet  état  &  en  reçoit  fes  lumières  & 
"es  talens.    Ses  facultés  intelledtuelîes  font 
îfes  en  adlivité,  en  proportion  des  befoins 
bituels  que  fa  fîtuation  lui  fait  éprouver 
fe  des  occupations  qu'elle  lui  impofe.    Les 
ffeftions  de  fon  cœur  fe  développent  fe- 
ion  les  rapports  qui  fe  trouvent  établis  en* 
re  lui  &  les  êtres  de  fon  efpece.    Ce  n'eft 
u'en  fuivant  ce  grand  principe  que  nous 
ôurrons  découvrir  quel  eft  le  caradlere  de 
homme  dans  les  difFérens  périodes  de  fes 
brogrès. 

Si  nous  l'appliquons  à  la  vie  fauvage  &  fscuit^ 
|ue  nous  mefurions  à  cette  règle  les  quali-tueiies,^ 
tés  de  l'efprit  humain  dans  cet  état  de  fo» 
ciété,  nous  trouverons  comme  je  l'ai  déjà 
obfcrvé,  que  les  facultés  intelledluelles  de 
l'homme  doivent  être  extrêmement  limitées 
dans  leurs  opérations.     Elles  font  renfer- 
mées dans  l'étroite  fphere  de  ce  qu'il  regar- 


382  Histoire 

mamm  de  comrae  nécefîaîre  pour  fub venir  à  fes'« 
Liv.  ly.  befoins:  tout  ce  qui  ne  s'y  rapporte  pas  n'a&* 
tire  point  fon  attention  &  n'efl  point  rob^ 
Jet  de  fes  recherches.  Mais ,  quelque  bor« 
nées  que  puilTent  être  les  connoifTances  d*ur 
fauvage,  il  poffede  parfaitement  la  petite 
portion  d'idées  qu'il  a  acquifes:  elles  ne  lui 
ont  point  été  communiquées  par  une  in 
flruûion  méthodique  ;  elles  ne  font  poinfi 
pour  lui  un  objet  de  curiofité  &  de  purr 
fpéculation  ;  c'efl  le  réfultat  de  fes  prc' 
près  obfervations  &  le  fruit  de  fon  expé- 
rience j  elles  font  analogues  à  fa  condition 
&  à  fes  befoins.  Tandis  qu'il  eft  engagé 
dans  les  occupations  actives  de  la  guerre 
ou  de  la  chalTe,  il  fe  trouve  fouvent  dansi 
des  Ctuations  difficiles  &  périlleufes ,  donùi 
il  ne  peut  fe  tirer  que  par  des  efforts  dei 
.fagacité;  il  s'engage  dans  des  démarches  oh 
chaque  pas  dépend  de  fa  pénétration  à  dif- 
cerner  le  danger  auquel  il  efl  expofé  &  d^ 
fon  habileté  à  trouver  les  moyens  d'y  é^ 
chappér.  ^^ 

Comme  les  talens  des  individus  font  mis 
en  a£livité  &  perfeâ;ioonés  par  cet  exerci- 
ce répété  de  l'efprit  ^  ils  déploient ,  dit- 
on,  beaucoup  de.  fagelTe  politique  dans  la 


D  E     L*A  M  E  R  I  Q  U  E.  383 

onduite  des  affaires  de  leurs  petites  com«  ' "g 

unautés.    Le  confiiil  de  vieillards  déiibé»^^' '^* 
nt  fur  les  intérêts  d'uue  bourgade  Arnéri- 
line  &  décidant  de  la  paix  ou  de  la  guer* 
;,  a  été  comparé  aux  fénacs  des  républi- 
jes  policées,  éi  les  procédés  du  premier 
3   foDC  pas  conduits  avec  moins  d*ordre 
.  de  fagacité  que  ceux  des  derniers.    De 
randes  combinaifons  ^politiques  font  mifes 
n  œuvre  pour  pefer  les  différentes  mefu» 
28  qu'on  propofe  ôl  pour  en  balancer  les 
vantages  probables  avec  les  inconvéniens 
ui  peuvent  en  réfuker.  Les  chefs  qui  afpi- 
ent  à  obtenir  la  confiance  de  leurs  conci- 
oyens,  emploient  beaucoup  d*adreffe&  d'é- 
jquence  pour  acquérir  la   prépondérance 
flans  ces   affemblées  (i).    Mais  chez  ces 
btions  groffieres  les  talens   politiques  ne 
)euvent   fe  déployer   que  dans  un  cercle 
'ort  étroit.    Partout  oîi  Tidée  de  propriété 
oarticuliere  n'clt  pas  encore  connue  à.  qu'il 
n'y  a  point  de  jurifdidion  criminelle  éta- 
blie ,   il   n'y  a    prefque  point    d'occafîon 
^'exercer  aucune  fonction  de  police  inté- 
irieure.    Par-  tout  oh  il  n'y  a  point  de  com- 
merce &  oU  il  n'y  a  que  très-  peu  de  corn* 

il   Cï)  Chadevoix ,  hijl,  de  la  Nouy*  Fr,  UI3  sj6g* 


3^4  HiSTOIRR 

— ■  munication  entre  les  différentes  tribus ,  oui 
ï^'iv.  les  haines  nationales  font  implacables  &  le» 
hoflilité»  prefque  continuelles ,  il  ne  peut 
y  avoir  que  peu  d'objets  d'intérêt  public  à 
difcuter  avec  fes  voiOns,  &  ce  département 
qu'on  pourroit  appeller  des  affaires  étrange*!» 
res ,  n'eft  pas  affez  compliqué  pour  demann 
der  une  politique  bien  profonde.  Partoutâ 
où  les  individus  manquent  de  prévoyance? 
&  de  réflexion,  au  point  de  ne  favoir  pren* 
dre  que  rarement  des  précautions  efficaces 
pour  leur  propre  confervation ,  on  ne  doitf 
pas  s'attendre  à  voir  les  délibérations  &  les 
mefures  publiques  réglées  par  la  confîdé- 
ratioD  de  l'avenir.  Le  génie  des  fauvages 
efl  de  fe  conduire  par  les  imprelîîons  dui 
moment.  Ils  font  incapables  de  former  dess 
arrangemens  compliqués  ,  relativement  ài 
leur  conduite  future.  Les  aflemblées  des^ 
i\méricains  font  à  la  vérité  û  fréquentes, 
&  leurs  négociations  fi  longues  &  fi  mulci-1' 
pliées  (i},  que  cela  donne  à  leurs  procé 
dés  une  apparence  extraordinaire  d'habile-' 
té;  mais  c'efl  moins  dans  la  profondeur  de\ 
leurs  vues  qu'il  faut  en  chercher  la  caufe, 

que 

(i)  Voyez  la  Note  2(CI. 


I 


D  E  ■  l'A  m  e  r  I  q  u  e.        s'Sj' 

qiie  dans  la  froideur  de  leur  caradlere  qui  «55Ë^ 
>les  rend  très  -  lents  à  prendre  une  réfoiu-  Liv.IV.' 
tion  (i).    Si  nous  en  exceptons  là  ligue 
îcélebre  qui  a  uni  les  cinq  nations  du-Cana* 
da  en  une  république  fédérative ,  dont  on 
Iparlera  en  fbn  lieu,  nous  ne  découvrirons- 
parmi  les  nations  fauvages  de  l'Amérique' 
■  quQ  peu  de  traces  d'une  habileté  politique 
iqui  fuppofe  un  certain  degré  de  prévoyan- 
jce  ou  de  fupériorité  d'efprit.    Nous  ver- 
'rons  leurs  opérations  publiques  plus  fou- 
vent  dirigées  par  la  férocité  impétueufe  de 
leurs 'jeunes  gens^que  par  Texpérience  &  la 
fageUe  de  leurs  vieillards. 

En  même  tems  que  la  conduite  de  rhora**  AfFea'ou 
me  dans  l'état  fauvage  eft  peu  favorable  ^^^^^';* 
aux  progrès  de  Ferprit ,  elle  tend  "  auflî  à 
quelques  égards  à  retferrer  le  cœur  &  à  ré« 
primer  l'exercice  de  la  fsnGbilité.  I,e  feu- 
timent  le  plus  fort  qui  foit  dans  Tame  d'un 
fauvage ,  ed  celui  de  fôn  indépendance.  Il 
,1  facrifié  une  fi  petite  portion  de  fa  liberté 
tourelle  en  devenant  membre  d'une  focié- 
ce  5  qu'il  refle  prefque  entièrement  maître 
de  Tes  adlions  ^s).    Il  prend  fou  vent  fer 

CO  Charlevoix,  hljï.  de  la  Ncuy.  Fr,  III,  2^u      "  ^*^^ 
.  C^)  Fernandez,  J//>7ç;?  de  ïo$  Chiqui^y^Z'    1  "^  ^'''? 

Tome  II.  R 


38<î  Histoire 

S^^  réfolutions  feul ,  fans  confulter  perfonne^ 
^^*    *  fans  conlidérer  aucune  relation  avec  ceux 
qui  Tenvironnent.  Dans  plufieurs  de  fes  dév 
inarçhe§  il  refle  aufîî  féparé  du  refte  des 
hommes,  que  s'il  n'avoit  formé  aucune  u- 
won  avec  eux.  Comme  il  fent  combien  peu 
il  dépend  des  autres,  il  les  voit  avec  une 
froide  indifférence.    La  force  même  de  fon 
ame  contribue  à  augmenter  cette  infoucian- 
ce  :  ne  fongeant  qu*à  lui  -  même  en  délibé- 
rant fur   la  conduite  qu*il  a  à  tenir,  il  ne 
s'embarrafTe  guère  des  conféquences  que  re- 
lativement à   fon  intérêt.     Il   pourfuit  fa 
carrière  &  fe  livre  à  fes  idées,  fans  recher- 
cher lî  ce  qu'il  fait  eft  agréable  ou  défagréa- 
ble  aux  autres ,  s*ils  peuvent  en  tirer  quel»^ 
qu*avantnge  ou  en  recevoir  du  dommage*'^ 
De -là  ces  caprices  indomptables  des  fauva-.' 
ges ,  cette  impatience  de  toute  efpece  d^i 
gêne  ,  cette  incapacité  de  réprimer  ou  de^ 
modérer  leurs  defîrs ,  cette  négligence  iïl 
ce  dédain  avec  lequel  ils  reçoivent  les  con? 
feils ,  enfin  cette  haute  opinion. qu'ils  on£ 
d'eux-mêmes  &  le  mépris  qu'ils  ont  pour 
les  autres.     Chez  eux  l'orgueil  de  l'indé- 
pendance produit  prefque  les  mêmes  effets  1 
que  la  perfonnalité  dans  un  état  de  fociété 


D  Efl  L"A  M  E  R  I  Q  U  E.  387 

plus  avancé.    Par  ces  deux  fentimens  Tin-   ^5»" 
dividu  rapporte  tout  à  lui-même  &  unique-      ^^V  ^ 
nient  occupé  de  fatisfaire  fes  defirs ,  fait  de 
ce  feul  objet  la  règle  de  fa  conduite. 

C*eft  à  la  même  caufe  qu'on  peut  impu-  Dureté  ^ 
:er  la  dureté  de  cœur  &  l'infenfibilité  qu'on 
-eproche  à  tous  les  peuples  fauvages.  Leurs 
iraes,  peu  fufceptibles  d'afFedions  douces, 
iélicates  &  tendres ,  ne  peuvent  être  re- 
nuées que  par  des  impreffions  fortes  ("i). 
^eur  union  fociale.  efl:  fi  incomplette  que 
:haque  individu  agit  comme  s'il  avoit  coa- 
ervé  fes  droits  naturels  dans  toute  leur  in*. 
égrité.  Si  on  lui  accorde  une  faveur,  Q 
m  lui  rend  un  fer  vice  ,  il  les  reçoit  avea 
îeaucoup  de  fatisfadion ,  parce  qu'il  en  ré-* 
uke  un  plaifir  ou  un  avantage  pour  lui  ; 
nais  ce  fentiment  ne  va  pas  plus  loin  & 
Texcite  en  lui  aucune  idée  d'obligation  ;  il 
le  fent  point  de  reconnoiflance  &  ne  fonge 
^oint  à  rien  rendre  pour  ce  qu'il  a  reçu  (2^* 
^armi  les  perfonnes.  mêmes  qui  font  le  plus 
itroitement  unies ,  il  y  a  peu  de  correfpon» 
lance  ni  d'échange  de  ces  fervices  qui  for- 
iSent  rattachement ,  attendrifîent  le  cœur- 

(i)  Charlevoix ,  kifi,  de  la  Nouv»  Fr,  III ,  309. 
(2)  Oviedo ,  hifu  llh  XIF.  Voyez  la  Note  XCII. 


H  I  s  T  O  I  R  E 


■   &  adoucifient  le  commerce  de  la  vie.  Leurs 


tiv.iv.  i^^Q^   exaltées  d'indépendance  donnent  à 
leur  carafter-e  une  rëferve  Ibmbre  qui  les 
fépaTe  les  uns  des  autres.    Les  plus  pro^^ 
ches  parens  craignent  mutuellement  de  fe 
faire  quelque  demande^,  de  follicicer  quel-; 
ques  fervices  (^ï}  ,  de .  crainte  d*avoir  Tairr 
de  vouloir  impofer  aux  autres^  une  charge 
où  gêner  leur  volonté.    .-.    j 
înrenfi.        V^^^  déjà  remarqué  l'influence  de  cette 
»%é.       (Pureté  de.carad:ere  fur  lavie  domeftique, 
relativement  à  Tunion  du  mari  avec  la  fem- 
me 5  de  même  qu'à  celle  des  pères  avec  les! 
ènfans.    Les  effets  n'en  font  pas  moins  fen-1 
.fibles  dans  Texerciçe.  des  devoirs  mutuels 
d'affedion  qu'exigent  fouvent  la  foibleffQJ: 
&  les  accidens  attachés  à  la  nature  humai? 
ne.    Dans  certaines  tribus,  lorfqu'un  Amé^ 
ricaîn  eft  attaqué  d'une  maladie,  il  fe  voil^ 
généralement  abandonné  par  tous  ceux  q^ 
étoîent  autour  ^e  lui,  &  qui  fans  s'emba 
raffer  de  fa^uérifon  ,  fuient  dans  la  plusi 
grande  conflernation  pour  éviter  le  danger 
fuppofé  de  la  contagion  (2).    Chez  les  na- 

Ci)  I>e  la  Potherie ,  III  ,28. 

(2)  Lettres  du  P,   Oataneo ^   ap,  Muratori  C/inJîiau  J,\ 

309.  Duteruep  II,  410.  Lo^auo,  ïoo»    Herrçra,  (f^»  Ât\ 


DE    L'A  M  E  R  I  Q  tJ  E.  33^ 

I  tions  même  oh  Ton  n'abandonne  pas  aînû  \mmmm 
■  les  malades ,  la  froide  indifférence  avec  la»  Liv.  iv. 
quelle  ils  fonc  foignés  ne  leur  procure  que 
de   foibles  confolations.    Ils   ne   trouvent 
dans  leurs  compagnons  ni  ces  regards  de  la 
pitié,  ni  ces  douces  expreffions,  ni  ces  fer- 
vices   officieux  qui  pourroient  adoucir  ou 
leur    faire    oublier   leurs   fouiFrances   (^i); 
Leurs  parens  les  plus  proches  refufenc  fou- 
vent  de  fe  foumettre  à  la  plus  petite  ia- 
commodité  ou  de  fe  priver  de  la  moindre 
bagatelle  pour  les  foulager  ou  leur  être  uti? 
les  (2).  L*ame  d*ua  fauvage  eft  fi  peu-fuf- 
ceptible  des  fentimens  q.u'inrpiFent  aux:  ham- 
iTies  ces  attentions  tendres  qui  adouciitenc 
l'infortune,  que  dans  quelques  provinces  de 
l'Amérique  les  Erpagnols  ont  jugé  néceiTai- 
ré  de  fortifier  par  des  loix  poQtives  les  de- 
voirs communs  de  l'humanité,  &  "d'obliger 
4es  maris  &  les  femmes ,-  les  pères  &  les^ 
énfans ,  fous  des  peines  très  -  graves ,   à 
prendre  foin  -les  uns  des  autres  dans  leurs: 
înaladies  (3).    La  même  dureté  de :caraû£- 
liï'.  Fin  y  c.  5^;  dsc,   5,  Ii&»  IF,  c*  2.  Faliiefaeifs  defmpi 

O)  Gumilla,  I,  329,  Lozano ,  100. 

(2)  Garcia,  orÂo-5«^ 90.  Hèrrera,  decâ^jiK  FIlI\c,%* 

Cs)  Cogulludo,  hlfi,  iè  TucatM,  p.  300; 

R3 


5^  Histoire 

re  eft  encore  plus  frappante  dans  la  manie. . 
Liv.  IV.  j.g  çJqjjj.  jjg  traitent  les  animaux.    Avant  Tar- . 
rivée  des  Européens  ,  les  naturels  de  VAh^ 
mérique    feptentrianale    avoient    quelque^' 
chiens  apprivoifés  qui  les  accompagnoient 
dans  leurs  chafles  &  les  fer  voient  avec  tou-^ 
te  l'ardeur  &  la  fidélité  particulières  à  cet- 
te efpece.    Mais ,  au  lieu  de  cet  attache-^ 
ment  que  nos  chafleurs  fentent  naturelle;^ 
ment  pour  ces  compagnons  utiles  de  leurJ 
plaiûrs ,  le  chafTeur  Américain  recevoic  avec?^ 
dédain  les  fervices  de  fon  chien  ,  le  nour- 
TiflToit  rarement  &:  ne  le  carefToit  jamais  Cip. 
En  d'autres  provinces  oh  les  animaux  do- 
meftiques  d'Europe  ont  été  introduits,  le»^ 
Américains  ont  appris   à  les  faire  fervir  àl 
leurs  travaux;  mais  on  a  généralement  obfer* 
vé  qu'ils  les  traitent  très  -  durement  (^2}» 
&  n'emploient  jamais  que  la  violence  &  lai 
cruauté  pour  les  dompter  ou  les  gouverner, 
Ainfî  dans  toute  la  conduite  de  l'homm^i 
fauvage,  foit  à  l'égard  des  humains  fes  é*^- 
gaux  5  ou  des  animaux  qui  lui  font  fubor*  ^ 
donnés,  nous  retrouvons  le  même  caradle»^  • 
re,  nous  reconnoiiTons  les  opérations  d'une  : 

(i)  Charlevoix,  hijî,  de  la  Nouv»  Fr»  III,  iip,  33?» 
(2)  Uiloa,  notîc,  Amsrican    312, 


»  E     L*A  M  E  R  I  Q  U  E.  391 

1  ame  qui  n'efl  occupée  qu'à  fe  fatis faire  &  «M 
>  réglée  que  pa;r  fon  caprice  ,  fans  faire  au-  Liv.iv. 
\  cane  attentioa  aux  idées  &  aux  intérêts  des 
I -êtres  qui  renvironnenc. 

Après  avoir  fait  voir  combien  la  vie  faa-  Tacitur. 
vage  étoit  peu  favorable  au,  développe ineat:  "^'^^' 
I  des  facultés  intelleduelles  &  de  la  feafibi- 
lité  du  cœur,  je  n'aurois  pas  cru  néceffaire 
de  m'arréter  fur  ce  qu*on  ea  peut  regarder 
I  comme  les  moindres  défauts,  fi  le  caraCte* 
I  re  des  nations,  comme  celui  des  individus, 
ne  fe  marquoit  fouvent  plus  clairement  par 
,  des  circonilances    qui  paroifTent  frivoles , 
i  que  par  celles  qui  font  plus  importantes, 
i  Le  fauvage,  accoutumé  à  le  trouver  dans 
;  des  fituations  périlleufes  &  embarraffances , 
ne  comptant  que  fur   fes  propres  forces  , 
enveloppé  tout  entier  dans  fes  plans  &  dans 
fes  penfées,  ne  peuc  écre  qu'un  animal  fë*- 
rieux  &  mélancolique.    Il  fait  peu  d'attenf 
I  tion  aux  autres,  &  fes  peafées  parcoureng 
I  un  cercle  fort  étroit.    De -là  cette  tacitur*- 
nité  Q.  défagréable  pour  les  hommes  aceau* 
'  tumés  à  la  libre  communication  de  la  vie 
i  fociale.    Un  Américain,  lorfqu'il  n'eft  pas 
obligé  d*agir  ,  eft  fouvent  afîîs  des  jours 
entiers  dans  la  même  pollure  fans  ouvrir  les 

R  4 


3^^  H  I  s  T  O  IRE 

mmm  levres  (i).  Lorfqu'ils  fe  réuniflent  pour  al. 
Liy».  i V.  iqy  à  la  guerrer  ou  à  la  chafle ,  ils  marcheriÊ 
d'ordinaire  fur  une  ligne,  à  quelque  diftan* 
ce  l'un  de  l'autre,  &  fans  fe  dire  une  pa- 
role.   Ils  obfervent  le  même  fîlence  en  ra- 

mant  enfemble  dans  un  canot  (2),  Ce  n'efl: 

que  lorfqu'ils  font  échauffés  par  les  liqueurs 
enivrantes  ou  animés  par  le  mouvement  d'a^ 
ne  fête  ou  de  la  danfe,  qu'on  les  voit  s'é- 
gayer   &  converfer  entr'eux.  "^ 

Finefl*e.  On  peut  expliquer  par  les  mêmes  caufe^ 
la  fînefle  avec  laquelle  ils  forment  &  exé- 
cutent leurs  projets.  Des  hommes  qui  né 
font  pas  accoutumés  h  fe  communiquer  a- 
vec  franchife  leurs  fentimens  à,  leurs  penr- 
fées ,  font  naturellement  défîans ,  ne  fe  li- 
-vrent  à  perfonne  &  emploient  une  rufc  in- 
fidieufe  pour  venir  à  bout  de  leurs  deffeins. 
Dans  la  fociété  civilifée,  les  hommes,  qui 
par  leur:  lituation  n'ont  que  très -peu  d'ob- 
jets oh  ieùrs^delirs  fe  portent,  mais  dont 
leur  efprit  eft  fans  ceiTe  occupé ,  font  les 
plus  remarquables  par  l'habitude  de  Partifî^ 
ce  &  de  la  rufe  dans  la  conduite  de  leurà 

CiD  ^oy,  de  Bouguer,  102. 
,   (2^  Chaiievoix, J^^i^.  de  la  Nouy.Fr,  III ,  340, 


D  rE  xxf A  M  E  R  I(ï  u  E.  393 

Ipetits ;  projets.  ;  €es  cirçonflances   doivent 
agir  encore  plus  puilTamment  fur  les  faava-  ^^*^^ 
ges ,  dont  les  vues  font  également  boraées 
&  qui  fuivent  leur  objet  avec  la  même  utr 
jtention  &  la  même  perfévérance;  aufli  s'ac- 
[coutument  -  ils   par  degrés    à  porter   dans 
(toutes  leurs  allions  une  fub'tilité  dont  il  faut 
ife  défier;  &  cette  difpofitionfe  fortifie  par 
iles  habitudes  qu*ils  contractent  dans  les  deux: 
!  occupations  les  plus  intérefTantes  de  leur' 
vie.    La  guerre  elt  chez  eux  un  fyfléme 
de  rufe  ,  oh  ils  préfèrent  le  ftratagôme  ài 
ila  force   ouverte,  &  oh  leur  imaginatioa 
lefl:  continuellement  occupée  à  trouver  les- 
moyens  d'envelopper  ou  de  furprendre  leurs  ^ 
îennemis.    Comme  chalTeurs ,  leur  confiant- 
!  objet  eft  de   tendre  des  pièges  au  gibier' 
qu'ils  veulent  détruire.    Aufli  l'artifice  &  lài 
•finefle  ont  été  généralement  regardés  corn;» 
jne  formant  le/ caractère  diftindlif  de  tousi  . 
les  fauvages.  Ceux  des  tribus  les  plus^  grof-- 
lieres  de   l'Amérique  [font   dlfcingués   par' 
leur  adrefle  &  leur  duplicité.    Ils  mettent- 
un  fecrct  impénétrable  dans  la  combinairoa^ 
de  leurs  plans-;  ils  les  fuivent  av-ec  une  pa^-- 
tience  &  une  confiance  à  toute  épreuve-^, 
êc41  n'y.  ^aucun  rafihement  dediilimuladQsi 


294  H  I  s  T  O  î  R  E 

■  qu'ils  ne  puiflent  employer  pour  en  afluref 


ïav.iv.  |g  fuccès.    Les  naturels  du  Pérou  étoieitt 
occupés  depuis  plus  de  trente  ans  à  cob;.   i 
certer  le  plan  de  leur  foulévement  fous  h  I 
vice- royauté  du  marquis  de  Villa  -  Garcia  ^ 
mais  quoique  ce  projet  eût  été  commune bi 
que  à  un  grand  nombre  d'Indiens  de  toifô^ 
les  ordres ,  il  n'en  avoit  pas  tranipiré  la 
moindre  indication  pendant  ce  long  efpaGe 
de  tems  ;  perfonne  n'avoit  trahi  fbn  fecret  ; 
aucun  regard  indifcret ,  aucune  parole  im-  ' 
prudente  n'avoit  fait  naître  le  moindre  foup- 
çon  fur  le   plan  qui  fe  tramoit  Ci)*   ^®^' 
efprit  de  diffîmulation  &  de  finefle  n'eil 
pas   moins  remarquable  dans  les   individus 
que  dans   les  nations»    Quand  ils  veulent 
tromper,  ils  fe  déguifent  avec  tant  d'artifice 
qu'il  efl  impofîjble  de  pénétrer  leurs  inten» 
tions,  ni  de  démêler  leurs  defieins  (2)* 

Vsftuî,  S'il  y  a  des  défauts  &  des  vices  particai» 
Hers  à  la  vie  fauvage,  il  y  a  auflî  des  ver» 
tus  qu'elle  fait  naître  &  de  bonnes  qualité^ 
dont  elle  favorife  l'exercice  &  le  dévelop» 
pement.  Les  liens  de  la  fodété  font  fi 
peu  gênans  pour  les  membres  des  tribus  les 

Cl)  Voyage  de  Ullea,  11,  309* 


n  E  i.*A  M  E  R  I  q  u  E.  i39 j 

plus  fauvages  de  rAmérique,  qu'à  peine  é-   9ÊÊ^ 
iprouvent  -  ils  quelque  contrainte.  De  -  là  cet  ^^'  ^^' 
îfprit  d'indépendance  qui  fait  l'orgueil  d'un  ^^,||PJ^'^gjj^ 
fauvage,  &  qu'il  regarde  comme  le  droit  ina»  àancs. 
iénablede  l'homme.  Incapable  de  fe  foumet- 
:re  à  aucun  frein ,  &  craignant  de  reconnoîtrq: 
iin  fupérieur,  fon  ame,  quoique  bornée  dans 
'exercice  de  fes  facultés  &  égarée  par  l'er- 
eur  fur  pîufieurs  points  ,  acquiert  par  le 
entiment  de  fa  propre  liberté  une  élévation^ 
^ui  donne  à  l'homme  en  beaucoup  d'occa- 
lons  une  force,  une  perfévérance  &  une 
iignité  étonnantes. 

Si  l'indépendance  entretient  cet  efprit  de  Çowts^ 
iierté  chez  les  fauvages  y  les  guerres  per- 
pétuelles dans  lefquelies  ils  font  engagés  y. 
le  mettent  en  adivité.  Ils  ne  connoiflènc 
point  ces  intervalles  de  tranquilité  ^  fré- 
quens  dans  les  états  civilifés.  Leurs  hai- 
;aes ,  comme  je  l'ai  déjà  obfervé  ,  font 
iimplacables  &  éternelles.  Ils  ne  lailTenc 
ipas  languir  dans  l'inadbion  la  valeur  de- 
leurs  jeunes  gens  ,  &  ils  ont  toujours  la* 
hache  à  la  main  ,  ou  pour  attaquer  ^  ow 
pour  fe  défendre.  Même  dans  leurs  ex- 
péditions de  chafle,  ils  font  obligés  de^ 
le  teair  ©n;  garde  €ontre  les  furgrifes  de© 


39^  H  I  s  T  O  I  ^  E        I 

■— t  nations  ennemies  dont -ils    font    environ* 
Liv.  IV.  jjj^s^      Accoutumés   à  :  des:  alarmes    conti»?,  • 
nuèlles,  ils  fe  familiarifent  avec  le  danger j^ 
&  le  courage  devient  parmi  eux  .une  vert.iï 
habituelle ,  réfultant  naturellement  de  leur- 
licuation  &  fortifiée  par  un  exercice  con* 
liant.     La  manière  de  déployer  le  courage- 
peut  n'être  pas  chez  des  peuples  bruts  & 
peu  nombreux  la  même  que  dans  les  états( 
puiflans  &  civilifés.    Le  fyftême  de  guerre; 
&  les  idées  de  valeur  peuvent  fe  former- 
far  diirérens  principes  ;  mais  Thomme  ne  fe: 
montre  dans  aucune  fituation  plus  fupérieuE< 
au  fentiment  du  danger-  &  à  la  crainte  de 
la  mort  que  dans  l'état  de  fociété  le  plus^ 
limple  &  le  moins  cultivé» 
Attache-     Une  autre  vertu  qui  di (lingue  les  fauva^ 
^ommui^  gesj  c'eft  leur  attachement  à  la  communaux 
ï.Lut4*     té  dont  ils  font  membres.    La  nature  de 
leur  union  politique  pourroit  faire  croire; 
que  ce  lien  doit  êjtre  extrêmement  foible;: 
lïiais  il  y  a  des  circonflances  qui  rendenc 
très  -  puifTante  Piiîflaence  de  cette  forme 
d'affociatioD  3   toute  imparfaite  qu'elle  eHi. 
Les  tribus  Américaines  ne  font  pas  très-peu* 
plée?  t  armées  les  imes  contre  les-  autres  > 
.au  pour  fadsfaire  d'anciennes  Iniiuitiés.^oy* 


D^'  tW  M  E  R'  I  q  U  E»  JPT" 

poar  venger  des  injures  réeentes,  leurs  in-  p— ■? 
térêts  &  leurs  opérations  ne  font  ni  nom.  tîv.iy*j. 
breux  ni  compliqués.    Ce  font -là  des  ob' 
jets  que  réfprit  brut  d*trn  fauvage  peut  corn' 
prendre  aifément,  &  fon  coeur  eft  capable 
de  former  des  attachemens  qui  ne  font  pas^ 
fort  étendusi    II  adhère  avec  chaleur  à  des 
mefures  publiques,  diiftées  par  des  palTions 
femblables  à  celles  qui  règlent  fa  conduite. 
De -là  cette  ardeur  avec  laquelle  les  indi- 
vidus s'engagent  dans   les  entreprifes    les» 
plus  périlleufes^lorfque  la- communauté  les 
juge  néceffaires.    Delà  cette  haine  féroce 
&  profonde  qu'ils  vouent  aux  ennemis  pu- 
blics. De-là  ce  zèle  pour  l'honneur  de  leurs 
tribus  ;  cet  amour- de  leur  patrie,  qui  les- 
porte  à  braver  le"  danger  pour  là  -faif e  triom^ 
pher  3  &  à  fùpporter  fans  la  moindre  plain*- 
te  les  tourmens  les  plus  cruels  pour  ne  pas> 
râ  deshonorer. 

Ainfi  dans  toutes  les  lîtùatîèns,  même  las-  conten-> 
phs  défavorables  bb  des  êtres  humains  piii^.  ^j:^^^^^^ 

ï^nt  être  placés  3  il  y  a  des  vertus  qui  apP^^ *  îg^J  copt- 
tiennent  particulièrement    à  chaque  état-édition»-  ' 
des  aifedlions  qu'il  développe ^  (Se  un  genre- 
Be  bonheur  qu'il  procure*    La  nature  bien<»^ 
Ëufante  lait  piiêr  Fefprit  dellïommei  k'Jm. 


3S)S  H  I  s^T  o  r  R  Et 

jjaaiju  condidon";  &  fes  idées  &  fes  defîrs  ne  s'é- 
i,w.  IV.  tendent  pas  au-delà  de  Ja  forme  de  focié- 
té  à  laquelle  il  eft  accoutumé.  Les  objets 
de  contemplation  ou  de  jouiiTance  que  fa 
lîtuation  lui  préfente,  rempliflent  &  fatif- 
font  fon  ame  ,  &  il  auroit  de  la  peine  à 
concevoir  qu'un  autre  genre  de  vie  pût  être 
heureux  ou  même  tolérable.  Le  Tartare 
accoutumé  à  errer  fur  de  vafles  plaines  & 
à  fubfifter  du  produit  de  fes  troupeaux  , 
croit  invoquer  la  plus  grande  des  malédic- 
tions fur  la  tête  de  fon  ennemi ,  en  lui  fou- 
liaitant  d'être  condamné  à  réfîder  conftam- 
Hient  dans  le  même  lieu  &  à  fe  nourrir  de 
l'extrémité  d'une  plante.  Les  fauvages  d'A- 
mérique, attachés  aux  objets  qui  les  int^r 
relTent  &  fatisfaits  de  leur  fort ,  ne  peu- 
vent comprendre  ni  Fintention  ni  l'utilité, 
des  différentes  commodités  qui  dans  les  fo* 
ciétés  policées  font  devenues  eflentielleS'! 
aux  douceurs  de  la  vie.  Loin  de  fe  plain^' 
dre  de  leur  condition,  ou  de  voir  avec  de^ 
yeux  d'admiration  «Se  d'envie  celle  des  hom* 
mes  plus  civilifés ,  ils  fe  regardent  comme" 
les  modèles  de  la  perfedion  ,  comme  les 
êtres  qui  ont  le  plus  de  droits  &  de  moyeni 
pur  j:ouiT  du  véritable  bonheur^  Accouais» 


fnés  à  ne  contraindre  jamais  leurs  volontés  SËËft' 
'  bI  leurs  adions,  ils  voient  avec  étonnement  ^^^-^^* 

■  Tinégalité  de  rang  ^  la  fubordinadoQ  éta. 
bile  dans  la  vie  policée,  &  coaûderent  la  fujé- 
tion  volontaire  d'un  homme  à  un  autre,  com- 

}  me  une  renonciation  auflî  aviliffante  qu'inex- 
plicable de  la  première  prérogative  de  l'hu- 
manité. Deflitués  de  prévoyance,  exempts 
de  foins  &  contens  de  cet  état  d'indolente 
,  fécurité ,  ils  ne  peuvent  point  concevoir 
I  ces  précautions  inquiètes ,  cette  adivité  con» 
f  tînuelle  »  ces  difpolîtions  compliquées ,  aux- 
quelles les  Européens  ont  recours  pour  pré-^ 
venir  des  maux  iloignés  oa  fub venir  à  des 
befoins  futurs,  &  fe  récrient  contre  cette 
étrange  folie  de  maltiplier  ainiî   gratuite- 
ment les  peines  &  les  travaux  de  la  vieCî^^ 
La  préférence  qu'ils  donnent  à  leurs  mœurs 
'  fe  remarque  dans  toutes  les  occaGons.    Les 
noms  mêmes  par  lefquels  les  différentes  na* 
tions  de  l'Amérique  veulent  être  diflinguées 
ont  leur  principe  dans  cette  idée  de  leur 

■  prééminence.  La -dénomination  que  Jes  Iro-^ 

■  quois  fe  donnent  à  eus  -  mêmes  ^  efl  celle 


Ci)  Chadevoix,  hij},  de  la  JSbuy,  Fj\  III,  3pS.  LabçR* 


■ûe  pfemîa's  des   hommes' (^ly    Le  mt>t  d6' 
Urf,  i?.  Caraïbe  ,  qui  eft  le  nom  primitif ,  des  féro? 
ces  habitans  des,  ifles  du  vent,  figaifie /?5M* 
^/e  guerrier  Qii).    Les  Cherakis ,  pleins  du 
fentiment  de  leur  fupériGrité ,  appellent  les 
Européens  des  riens  ou  la  race  maudite ^^, 
fe  donnent  le  nom  de  peuple  chéri  (3}.  Le 
même  principe  a  formé  les  idées  que  les 
autres  Américains  fe  faifoient  des^  Euro»- 
péens  ;  car ,   quoiqu'ils  paruflent  d'abord . 
fort  étonnés  des  arts  &  fort  effrayés  de  la 
puilTance  de  ces  étrangers,  ils  perdirent? 
bientôt  de    l'eflirae  qu'ils  avoient  conçue 
pour  des  hommes ,  dont  ils  virent  enfuite 
que  la  manière  de  vivre  étoit  fi  différente 
de  la- leur.    Ils  les  appellerent  f^V^/m^^e  la- 
mer  ^   des  hommos  fans  père   ni  mère.    Ils 
fuppoferent  qu'ils  n'avoienc  point  de  pays 
à  eux,  puifqu'iîs  venoient  envahir  celui  des? 
autres  (^4),  ou  que  ne  trouvant  pas  de  quoi, 
fubfifter  chez^  eux,  ils  écoient  obligés  d'er*; 
ler  fur  l*océan  pour  aller  dépouiller  ceux» 


(i)  Colden,  I,  3." 

Ça)  Rochefort,  hifl,  àes  Ant'iUis  ,^  455»- 
(3)  Adair-,  fe//?.  0/  Amîr*  Inâïcms^  p,  32^ 
C4^  Benzoni,  hljl.^  noyi  orVis^M,  ïllf^.ç,  2.U- 


D  E    l'A  m  e  r  I  qxj  E.  401 

quî  poffédoîent   les   biens  qui  leur  man-  **^^ 
quoienr.  ^'^*^^ 

Des  hommes  fî  contens  de  leur  état  font 
Dien  loin  d'être  difpofés  à  quitter  leurs  ha- 
:)itudes  &  à  adopter  celles  de  la  vie  civî- 
Kée,  ■  Le  paflage  efl  trop  violent  pour  être 
Tanchi  brufquement.  On  a  tenté  de  fevrer 
)our  ainfi  dire  un  fauvage  de  fon  genre  de 
Aq  à,dQ  le  familîarifer  avec  les  commodités 
5c  les  agréraens  de  la  vie  fociale  ;  on  Ta  mîs^ 
i  portée  de  jouir  des  piaifîrs  à,  âes  diftînc- 
ions  qui  font  les  principaux  objets  de  nos 
lefîrs.  Mais  on  Pa  vu  bientôt  s'ennuyer 
k  languir  fous  la  contrainte  des  loiîc  &  des 
•ormes,  faifir  la  première  occaûon  de  s'en 
iébarrafrer,^  retourner  avec  tranfport  dans 
a  forêt  ou  le  défert  ob  il  pouvoit  jouir 
i'une  entière  indépendance  CO» 
J'ai  enfin  terminé  cette  efquiffe  difficile 
lu  caraârere  &  des  niœurs  des  peuples  grof^  "^ 
fers,  difperfés  fur  le  vafte^  continent  de 
imérique.  Je  n'ai  point  prétendu  égaler  ^ 
pour  la  hardiefîe  du  deffein,  ni  pour  Té- 
it  &  la  beauté  du  coloris ,  les  grands  mai- 
5s  qui  ont  compofé  &  embelli  le  tableaif 
la  vie  fauvage.  Je  fuis  content  de  l'hum- 

^ï-^  ChailevoiXj  hljî,  de  la  Nouy,  Fr,  lîl,  322,   "        " 


4<^2  Histoire 

■Ë!!iM  ble  mérite  d'avoir  perûflé  avec  une  patier 

hïv,  IV,  ce  laborieufe  à  conlidérer  mon  fu jet  foi 

im;  grand  nombre  de  faces  diverfes,  &  à  ri 

cueillir  d'après  les    obfervateurs   lea    pli 

exacts  3  les  traits  détachés  à.  fouvent  trè«j 

déliés ,  qui  pouvoient  me  mettre  en  état  d 

faire  un  portrait  reffemblant  à  l'original. 

précau-      Avant  que  d'achever  cette  partie  de  mo 

Sion  gêné-  «in.*  ^      ^     i       r  • 

raie  pour  ouvrage ,   il  ell:  important  de  faire  encor 
Serche."^^  obfervation  qui  fervira  à  juftifier  k 
conféquences  que  j'ai  tirées  ^  ou  à  préven 
les  méprifes  oh  pourroient  tomber  ceux  qt 
voudroient  les  examiner.     Pour  parvenir 
connoître  les  habitans  d'une  contrée  auf 
vafte  que  l'Amérique^  il  faut  faire  une  gran 
de  attention  à  la  diverfîté  des  climats  fou 
lefquels  ils  font  placés.    J'ai  fliit  voir  l'iiii 
fiuence  de  cette  caufe  ,  relativement  à  plu 
Heurs  circonftances  importantes  qui  ont  ét(| 
l'objet  de  mes  recherches;  mais  je  n'en  a  d 
pas  examiné  tous  les  effets,  &  il  ne  faqijt 
pas  négliger  ce  principe  dans  les  cas  parti'}  | 
culiers  oh  je  n'en  ai  pas  fait  mention.    Les  ï 
provinces  d'Amérique  ont  des  températures  j 
û  différentes,  que  cette  variété  feule  fufîit  |, 
pour  établir  une  dî(tin6kion    fenûble  entre  fg 
ieurs  habitans.   Dans  quelque  partie  du  glo-  f: 


I 


ï 


n 


n  E .  L'A  M  E  R  I  Q  U  E.  4O3 

)e  que  l'homme  exifte ,   le  climat  exerce    ■■■ ■'""f 

me  influence  irréfiftible  fur  fon  éiac  <Sc  fon  Liv.iv. 
:araâ:ere»  Dans  les  pays  qui  approchent  da- 
'antage  des  extrêmes  de  la  chaleur  ou  du 
roid ,  cette  influence  eft  û  fenflble  qu'elle 
rappe  tous  les  yeux.  Soit  que  nous  confi- 
lérions  Thomme  Amplement  comme  un  ani- 
nal,  ou  comme  un  être  doué  de  facultés 
atelledtuelles  qui  le  rendent  propre  à  agir 
l  à  méditer, nous  trouverons  que  c'eft  dans 
es  régions  tempérées  de  la  terre  qu'il  a 
:onftamment  acquis  la  plus  grande  perfec- 
ion  dont  fa  nature  Toit  fufceptible  ;  c'eft» 
à  que  fa  confl:itution  efl  plus  vigoureufe,. 
a  forme  plus  belle,  fes  organes  plus  déli« 
:ats.  C'efl  -là  auflî  qu'il  pcflede  une  intel- 
igence  plus  étendue,  une  imagination  pto 
'éconde  ,  un  courage  plus  entreprenant  & 
me  fenûbilité  d'ame  qui  donne  naiffance  à 
des  paffions  non  -  feulement  ardentes  >  mais 
lurables.  C'ell  dans  cette  fituation  favora- 
ble -qu'on  l'a  vu  déployer  les  plus  grands 
3flforts  de  fon  génie  dans  la  littérature,  dans 
la  politique,  dans  le  commerce,  dans  la 
i$uerre,- &  dans  tous  les  arts  qui  embellif- 
|îent  &  perfeftionnent  la  vie  (O' 

t'tO  Ferguibn's  efai  on   ibs  liijti  of  dv-U  f^cia^. ^  Pai^**» 


494         o     H  I  s  T  o  I  R  B 

— "^      Cette  puifla-Dce  du  climat  fe  fak  fentl 
Liv.iV.pjyg  fortement  chez  les  nations ,  fauvages  ^ 
y  produit  de  plus  grands  effets  que  dans  le 
fociétés  policées.     Les  talens  des  homme 
civilifés  s'exercent  continuellement  à  ren 
.dre  leur  condition  plus  douce  ^  par  leurs  in 
•  ventions  &  leur  indullrie  ils  viennent  à  bon 
de  remédier  en  grande  partie  aux  défauts  i 
aux  inconvéniens  de  toutes  les  tempéracu 
^les.    Mais  le  fauvage,  dénué  de  prévoyan 
-ce,  eft  affeâé  par  toutes  les  circonftancc 
propres  aux  lieux  oh  il  vit;  il  ne  prend  au 
.  cune  précaution  pour  améliorer  fa  fituation 
Semblable  à  une  plante  ou  à  un  animal,  i 
eft  modifié  par  le  climat  fous  lequel  il  ef 
.né  &  en  éprouve  l%flaence  dans  toute  f. 
-force*,  jj.L.;.  ,..^...  t.'.iii   ^::.    :.:■■     ■.    .:..  r^',   -■■• 
;   En  parcourant  l'es   nations  fauyages  dî 
l'Amérique  ^  la  diflindion'  naturelle   entre 
Jeshajji  tans  des  régions  tempérées  &  ceuxi 
4e  la  zone  torride  efl  très-remarquaJDîe.    On' 
peut  en  conféquence  Iqs  divifer   en  f  deux 
(  grandes  çlafles.    L'une  comprend  tous  les 
habitans  de  l'Amérique  feptentrion^le,  de- 
puis la  riyiçre,  Saint-Laurent.jy.rqu'au .golfe 
du  Mexique,  ayecles  habitans  du  Chili  & 
quelques  petites  tribus  placées  à  l'extrémiste 


D  E     L'A  M  E  11  I  Q  U  E.  405 

'tf'"contînent  inéHdiaDàT.  -   On  rangera  dans 
iMitre  clalTe   tous  les  habîtans  des  ifles  &  ^^^*  ^'''* 
fCU^t  des  différentes  •  provinees  qui  s'éten- 
[ent  depuis  111lhn>e  de  Darien  jufques  vers 
lés  limites  méridionales  du  Bréfil,  le  long 
^  côté  oriental  des  " Andes^  Dans  la  premle^ 
fé  daiïe  Vefpeccf  humaine  fe  montre  manî^ 
'èftement  plus  -parfaite.  Les  naturels  y  forif 
i>lus^  robuÛes  j  plus, actifs,  plus  intelligens 
pc  plus  courageux'.     Ils  poîTedent  aU  plus 
Haut  degré  cette  force  d'ame  &  cet  amour 
^e  rindépendance  que  j'ai  pré  fentes  comme 
tes  principales  vertus  de  l'homme  dans  l'éJ 
iàt  faùvage.     Ils  ont  défendu  leur  liberté' 
\vec  beaucoup  de  courage  &  de  psrfévéran* 
pfe  contre  les  Européens ,  qui  ont  fubjugué 
ivec  la  plus  grande  facilité  les  autres  nations' 
de  l'Amérique.     Les  naturels  de   la  zons 
tempérée  font  les  feuls  peuples  du  nouveau 
ponde  qui  doivent  leur  liberté  à  leur  pro*. 
\pi'Q  valeur.  Les  habitans  de  l'Amérique  fep- 
stentrionaîa ,  quoiqu'environnés  depuis  long- 
tcms   par    trois  puiffances  formidables  de 
l'Europe ,  confervent  encore  une  partie  ds 
ikurs   anciennes    poffeirions   &  continuent 
id'exilter    comme    .nations    indépendantes. 
'Quoique  le  Chili  ait  été  envahi  de  bonrie^ 


4à6  Histoire 

heure  par  les  EfpagDols,  ΀s  habitans  fom  1 
Liv.  IV.  toujours  en  guerre  avec  leurs  vainqueurs  ^1 
ont  fçu  par  une  réfiilance  vigoureufe  arrê 
ter  les  progrès  de  leurs  ufurpations.  Dan: 
les  pays  plus  chauds ,  les  hommes  étan' 
d'une  conflitution  plus  foible  ,  ont  aufl 
moins  de  vigueur  dans  refprit  ;  leur  carao 
tere  eft  doux,  mais  timide,  &  ils  s'aban 
donnent  davantage  au  goût  de  Tindolenc^ 
&  du  plaiiir.  C'eft  en  conféquence  dans  h 
zone  torride  que  les  Européens  ont  établ 
plus  complettement  leur  empire  fur  TAmé. 
rique  :  les  plus  belles  &  les  plus  fertiles  pro- 
vinces y  font  foumifes  à  leur  joug  ;  &  { 
plulieurs  tribus  y  jouifîent  encore  de  l'indé- 
pendance, c'efl  parce  qu'elles  n'ont  jamais 
été  attaquées  que  par  un  ennemi  raflafîé  de 
conquêtes  &  déjà  en  poileffion  de  territoi- 
res plus  étendus  qu'il  n'en  pouvoit  occuper, 
ou  bien  que  placés  dans  des  cantons  éloi-i 
gnés  &  inacceflibles  ,  leur  lituation  les  a 
préfervés  de  la  fervitude. 

Quelque  frappante  que  puifle  paroître 
cette  diflinûion  entre  les  habicans  des  di- 
verfes  régions  d'Amérique,  elle  n'eft  ce* 
pendant  pas  univerfelle.  La  difpolicion  & 
le  carai^ere  des  individus ,  ainû  que  des  na» 


DE      l'A  M  E  U  I  Q  U  E.  407 

ions  5  font, comme  je  Tai  obfervé,  plus  puif-  "— ^ 
imment  afFeftés  par  les  caufes  morales  &  ^-^^av, 
oIitiques,que  par  Tinfluence  du  climat.  Par 
n  eftet  de  ce  principe,  il  y  a  en  différen- 
es  parties  de  la  zone  torride  quelques  tri- 
us  qui,  pour  le  courage,  la  fierté  &  l'amour 
e  l'indépendance ,  n'étoient  gùeres  infé- 
ieures  aux  naturels  des  climats  plus  tempé- 
é?.    Nous  connoiiTons  trop  peu  l'hiftoire 
e  ces  peuples  pour  être  en  état  d'indiquer 
?s  circonftancés  particulières  de  leurs  pro- 
,rès  .&  de  leur  fituation  auxquelles  ils  doi- 
vent cette  prééminence  remarquable.     Le 
ait  n'en  efl  pas  moins  certain.  Colomb  fut 
ûfornié  à  fon  premier  voyage  que  pîufieurs 
les  ifles  étoient  habitées  par  les  Caraïbes, 
lommes  féroces  ,   fort  difFérens  de  leurs 
bibles  &  timides  voifîns.    Dans  la  féconde 
expédition  au  nouveau  monde,  il  eut  occa- 
sion de  vérifier  la  juftelTe  de  cet  avis ,  & 
ht  lui-même  témoin  de  la  valeur  intrépide 
iîe  ces  peuples  (^i).  Ils  ont  confervé  inva- 
iablement  le  même  cara6bere  dans  toutes  les 
querelles  pofiérieures  qu'ils  ont  eues  avec 
■es  Européens  C^};.  &  même  de  notre  teras 


(i)  Fie  de  Colomb  ^  c,  47-48.  Voyez  h  Note  XCUI. 
I  (2)  Rochefort,  MJi.  des- Antilles ^  551. 


Llv.  IV. 


^-OB  H  Ij&^T  O  I  R  E,   lîCi  ^- 

nous  leur  fvons'ya  faire,  une  v-igoureufe  ré 

llflaEce  pour  déftndre  le  dernier;  territoir 

que  la  rapacité  de  leurs  pppreffeurs  eût  lail 

fé  en  leur  poiTefllon  (i).  Il  s'efl  trouvé  a 

Bréfil  quelques  nations  qui  n'ont  pas  mon 

tré  moins  de  vigueur  d*ame  &  de  bravour 

à  la  guerre  (2}.  Les  habitans  ide  l'illhme  d 

Darien  n'ont  pas  craint  de  mefurer  leurs  ai 

mes  avec  les  Efpagnols,  &  ont, plus  d'un 

fois   repoulTé  ces  formidables    conquéran 

(^3j).  On  pourroit  citer  d'autres  faits.  Que 

que  puifTante  &  qu^îqu'étendue  que  puiff 

paroitre  l'influence  d'un  principe  particu 

lier,,  ce  n'efl  pas  par  une  feuîe  caufe  qu'i 

fera  pofîible  d'expliquer  le  caractère  &.Ie 

aûions  des  peuples.    La  loi  même  du  cli 

mat,  plus  uni  ver  feile  peut-être  dans  foj 

îidliop.  qu'aucune  de  celles  qui  affectent  l'ef 

pece  humaine,  ne  peut  nous  feryir  à  juge 

la  conduite  de  l'homme. qu'au  moyen  d'ur 

srand  nombre  d'exceptions* 

NO. 


Ci)  Voyez  la  Note  XCIV. 

(2)  Lery,  ap.  de  Bry  ^  III,  207. 

(3)  Herrera,  âec*  i>  l'é.  X»  e,  151  dec,  2,  pa/^m, 

Im  du  quatrième  Livre. 


409 

NOTES 

ET    ECLAIRCISSEMENTS. 


Note  XXIII,  pag.  28. 

L/E  formulaire  employé  à  cette  occafîon  a  fer^ 

i    de  modèle   aux  Efpagtiols  dans  toutes  leurs 

enquêtes  poftérieures  en  Amérique.     Il  efl:  d'u- 

e  nature  fi  extraordinaire  &  donne  une  idée  û 

ette  d€s  procédés  des  Efpagnoîs  &  des  princî« 

>es  fur  lefquels  ils  fondoient  leurs  droits  au  vafte 

:mpire  qu'ils  acquirent  dans  le  nouveau  monde, 

|U3  cette  pièce  mérite  toute  l'attention  du  lec- 

eur.    „  Moi   Alonfo  d'Ojeda  ,    ferviteur    des. 

)  très  hauts  &  très-puiflans  rois  de  Caltille  &  de 

, Léon  ,  vainqueurs  de  nations  barbares,  leur  am- 

,bafladeur  &  capitaine,   je  vous  notifie  &  vous 

,  déclare ,  avec  toute  l'étendue  des  pouvoirs  que 

jj'ai,  que  le  feigneur  notre  Dieu,  qui  eft  un  & 

.éternel,  a  créé  le  ciel  &  la  terre,  sinfi  qu'un 

.homme  &  une  femme,  de  qui  font  descendus 

jvous  &  nous,  &  tous  les  hommes  qui  ont  exis- 

l.té  ou  qui  exiiîeront  dans  ie  monde.    Mais  com» 

me  il  eft  arrivé  que  les  générations  fuccefîîves  » 

i  pendant  plus  de  cinq  mille  ans,  ont  été  difper- 

fées  dans  les  différentes  parties  du  monde,  & 

fe  font  divifées  en  plulleurs  royaumes  (Je  pro-; 

Tçms  IL  S 


i 


4I<2>  IT     0     T     E     s 

„  vinces ,  parce  qu'un  feul  pays  ne  pouvoit  ni  les 
„  contenir  ni  leur  fournir  les  fubfiftances  nécef. 
„faires;  c'efl  pour  cela  que  le  feigneur  notre  Dieu 
wa  remis  le  foin  de  tous  fes  peuples  à  un  hoin- 
,>;me,  nommé  faint- Pierre,  qu'il  a  conftitué  fei* 
»  gneur  &  chef  de  tout  le  genre  humain ,  afin  que 
„tous  les  hommes,  en  quelque  lieu  qu'ils  foient 
,ynés  ou  dans  quelque  religion  qu'ils  aient  été  ius«i 
,,truits,  lui  obéifTent.  Il  a  fournis  la  terre  entie 
>»re  à  fa  jurifdi<5lion,   &  lui  a  ordonné  d'établi» 
„fa  réfidence  à  Rome,  comme  le  lieu  le  plus 
»  propre  pour  gouverner  le  monde.    Il  lui  a  pa-  ^ 
„  reillement  promis  &  accordé  le  pouvoir  d'éten- 
>j  dre  fon  autorité  fur  quelqu'autre  partie  du  mon 
„de  qu'il  voudroit,  6c  de  juger  &  gouverner  touj 
„  les  chrétiens ,  maures ,  juifs ,  idolâtres ,  ou  tou 
99  autre  peuple  de  quelque  fefte  ou  croyance  qu'i 
„  puifle  être.     Gn  lui  a  donné  le  nom  de  Pape  i 
„  qui  veut  dire  admirable ,  grand  père  &  tuteur 
>?  parce  qu'il  eft  le  père  &  le  gouverneur  de  touji 
„l€s  hommes.     Ceux  qui  ont  vécu  du  tems  d<( 
„ce  faint -père  lui  ont  obéi  en  le  reconnoilTam 
>j  pour  leur  feigneur  &  roi  &  pour  le  maître  du 
„  l'univers.     On  a  obéi  de  même  à  ceux  qui  lui 
w  ont  fuccédé  au  pontificat;  &  cela  continue  aujour 
,,d^hui  &  continuera  jufqu'à  la  fin  des  fiecles". 

„  L'un  de  ces  pontifes ,  comme  maître  du  mon 
j,de,  a  fait  la  concefîlon  de  ces  ifles  &  de  ia  tei 
Mie-ferme  de  l'océan,  à  leurs  majeltés  catholl 


ET     ECLAiRCISSEÎklESîS.  411 

laques  les  rois  de  Caftille,  Don  Ferdinand ,  &  Do 
i„na  Ifabelle    de  glorieufe  mémoire,   &  à  leurs 
i„  fucceffeurs  nos  fouverains ,  avec  tout  ce  qu'él- 
is les  contiennent,    comme  cela  fe   trouve  plus 
p  amplement  expliqué   par  certains  aéles  qu'on 
,,  vous  montrera  fi  vous  le  defirez.     Sa  majefté 
,, eft  donc  ,    en  vertu  de  cette  donation,  roi  & 
.„feigneur  de  ces   iHes  &  de  la  terre-ferme,  & 
,,  c'eft  en  cette  qualité  de  roi  &  de  feigneur  que 
,,  la  plupart  des  ifles  à  qui  l'on  a  fait  connoître 
„ces  titres,  ont  reconnu  fa  majefté  &  lui  ren» 
»  dent  aujourd'hui  foi  &  hommage  de  bon  gré  & 
„  fans  oppofition ,  comme  à  leur  maître  légitime» 
j>  Et  du  moment  que  les  peuples  ont  été  infiruits 
„  de  fa  volonté ,  ils  ont  obéi  aux  hommes  faints 
)î  que  fa  majefté  a  envoyés  pour  leur  prêcher  la 
î)  foi  ;  &  tous ,  de  leur  plein  gré  &  fans  le  main» 
îj  dre  efpoir  de  récompenfe,  fe  font  rendus  chré- 
„  tiens  &  continuent   de  l'être.    Sa  mbjefté  les 
,3  ayant  reçus  avec  bonté  fous  fa  proteélion ,  a  or- 
„  donné  qu'on  les  traitât  de  la  même  manière 
,j  que  fes  autres  fujets  &  valTaux.    Vou^:  êtes  te- 
.„nus  &  obligés  de  vous  conduire  de  néme;  c'eft 
„  pourquoi  je  vous  pris  &  vous  demande  aujour» 
.  j,  d'hui  de  prendre  le  tems  nécelTaire  pour  réflé»* 
„  chir  miàrement  à  ce  que  je  viens  de  vous  décla*. 
îjrer,  a<în  que  vous  puiflîez  reconnoître  Véglife 
îî  pour  la  fouveraine  &  le  guide  de  l'univers ,  ainfî 
,jque  le  faint-  père,  nommé  le  Pape,  î^aj  fa  pro 

S  2 


4t^  ï^   o   t  e   s  " 

„prs  puîfTance,  &  fa  majefté,  par  la  conceflîoil' 
,,du  Pape,  pour  rois  &  feigneurs  foiiverains  dQ*te 
„  ces  ifles  &  de  la  terre  -  ferme  ;  &  afin  que  vous  « 
^jconfentiez  à  ce  que  les  fufdits  faints  pères  vousr 
5>  annoncent  &  vous  prêchent  la  foi.  Si  vous  vousi 
„ conformez  à  ce  que  je  viens  de  vous  dire,  vous-^ 
^ ferez  bien  &  vous  remplirez  les  devoirs   aux-; 
„  quels  vous  êtes  obligés  &  tenus.    Alors  fa  ma- 
5,  jefté,  &  moi  en  fon  nom,  nous  vous  recevrons  t 
„avec  amour  &  bonté,  &  nous  vous  laiflerons 
„ vous,  vos  femmes  &  vos  enfans,   exempts  de 
,>fervitude,   jouir   de  la  propriété  de  tous  vos' 
„ biens,   de  la  même  manière  que  les  habitans 
wdes  ifles.    Sa  majefîé  vous  accordera  en  outre 
„plufieurs  privilèges,  exemptions  &  récompen« 
„fes.    Mais  fi  vous  refufez,ou  fi  vohs  différez 
« malicieufement  d'obéir  âmon  injonflion,  alors, r 
,,avec  le  fecours  de  Dieu,  j'entrerai  par  force 
„  dans  votre  pays ,  je  vous  ferai  la  guerre  la  plus 
„  cruelle ,  je  vous  foumettrai  au  joug  de  l'obéif- 
„fance  envers  l'églife  &  le  roi,  je  vous  enlevé. 
„rai  vos  femmes  &  vos  enfans  pour  les  faire  cf-. 
„  cîaves ,  les  vendre  &  en  difpofer  félon  le  bon  ; 
wplaifir  de  fa  majefté;  je  failîrai  tous  vos  biens 
5)  &  je  vous  ferai  tout  le  mal  qui  dépendra  de 
„moi ,  comme  à  des  fujets  rebelles  qui  refufent 
„  de  fe  foumettre  à  leur  fouverain  légitime.    J© 
»  protefte  d'avance  que  tout  le  fang  qui  fera  ré-  •  > 
Mpajadw  &  tous  les  malheurs  |qui  feront  la  fuitt 


ET     ECLAIRCISSEMENS;  4x3 

„de  votre  défobéilTance ,  ne  pourront  être  impii« 
'  „  tés  qu'à  vous  feu's ,  &  non  à  fa  majefté ,  ni  à 
„moi,  nia  ceux  qui  fervent  fous  mes  ordres;, 
V  c'efl;  pourquoi  vous  ayant  fait  cette  déclaration 
jy  &  requifition ,  je  prie  le  notaire  ici  préfent  de 
„  m'en  donner  un  certificat  dans  la  forme  requife, 
jyHsrrera^  decad.  i,  lîb.  VII,  c,  14", 
Note  XXIV,  pag.  50. 

Balboa,  dans  fa  lettre  au  roi,  dit  que  de  cent 
quatre-vingt-dix  hommes  qu'il  avoit  emmenés 
avec  lui,  il  n'y  en  eut  jamais  quatre-vingts  à  la 
fois  en  état  de  fervir,  tant  ils  fouffroîent  de  la 
fatigue ,  de  la  faim  &  des  maladies.  Herrera  >  de^» 
f ,  Hh*  X,  c.  16.  P.  Martyr,  dec.  pag.  216* 
Note  XXV,  pag,  70* 

Fonfeca ,  évêque  de  Palencia  &  principal  dl; 
relieur  des  affaires  de  l'Amérique ,  avoit  huis 
cents  Indiens  en  propriété  ;.  le  commandeur  Lope 
de  Conchillos,  fon  premier  aflbcié  dans  ce  dé- 
partement ,  en  polTédoit  onze  cents ,  à.  les  autres 
favoris  en  avoient  un  grand  nombre.  Ils  en- 
voyoient  des  intendans  aux  ifles  pour  louer  cet 
efclaves  aux  colons.  JHsrrera,  dsc,  i,  lîb»  /X, 
e.  14,  pa^.  %l%.  .  ^ 

Note  XXVI,  pag.  107* 

Quoiqu'il  y  ait  plus  d'eau  en  Amérique  qu® 
dans  aucune  autre  partie  du  globe,  on  ne  trouve 
cependant  ni  ruilTeau  ni  rivière  dans  la  province 
de  Yucatan.  Cette  péninfule  s'étend  dans  la  mer 

S  3 


4H  N   0    T    2    s 

a  cent  lîeues  de  longueur  depuis  le  continent 

înais  n'a  pas  plus  de  vingt -cinq  lieues  dans  ft 

plus  grande  largeur.  C'eft  une  plaine  unie,  où  S 

n'y  a  pas  la  moindre  montagne»    Les  habitansi 

fontufyge  de  l'eau  de  puits,  qu'on  trouve  partouii 

£n  abondance.    Toutes  ces  circonftances  font  re*: 

garder  cette  vafte  étendue  de  terre  comme  un  lieûi 

qui  a  fait  autrefois  partie  de  la  mer.  Herrsra, 

defcr,  Indî<B  Occident,  pag,  14.  Hifi,  Nat,  pat  MJ 

de  Buffon ,  tom*  i ,  p.  593. 

Note  XXVII,  pag.  120» 

Suivant  M.  de  Caflîni  la  plus  grande  hauteut 
âes  Pyrénées  eft  de  fix  cents  quarante  -  fîx.  pieds,^ 
Celle  du  mont  Gemmî,  dans  le  canton  de  Berner,! 
€ft  de  dix  mille  cent  &  dix  pieds.  Le  P.  Feuille  ditt 
que ,  fuivant  fa  mefure ,  le  Pic  de  TénériiFe  a  treize 
mille  cent  foixante-dix-buit  pieds  de  hauteur.  La^ 
hauteur  du  Chimboraço,  la  partie  la  plus  élevé© 
des  Andes  ,  eft  de  vingt  mille  deux  cents  huit^ 
|)ieds.  Foyages  de  D.  J,  Uiloa ,  ebfervatkn  aflrottw 
1[^  phyf»  tom*  2,  p»  114.  La  feule  partie  du  Chitn» 
boraço,   qui  eft  toujours  couverte  de   neige,  îfe| 
huit  cents  toifes  de  hauteur  perpendiculaire.  Pr^\ 
vôtf  hiftoire  gén*  des  voyages ,  vol,  XX,  •'*^ 

Note  XXVIII,  pag,  121. 

Comme  une  defcription  particulière  fait  une 
plus  forte  impreflîon  que  des  aflertions  générales, 
je  placerai  ici  un  détail  de  la  rivière  de  la  Plata 
donné  par  un  témoia  oculaire,  le  P.  Cattaneo  ^ 


ET     ECLAIRClSSEMENî.  4Î5 

jëfuîte  de  Modene,   qui  arriva  à  Buenos- Ayres 
en  1749»  &  qui  décrit  les  fentimens  qu'il  éprou- 
va à  la  première  vue  de  cas   objets  nouveaux. 
„  Lorfque  j'étois  en  Europe  &  que  je  hfois  dans 
les  livres  de  géographie  &  d'hiftoîre  que  l'em- 
bouchure de  la  rivière  de  la  Piata  a  voit  cent  cîn* 
quante  milles  de  largeur,  je  regardais  ce  récit 
comme  une  exagération ,  parce  que  nous  n'avons 
dans  notre  hémifphere  aucune  rivière  qui  appro- 
che de  cetre  grandeur.     Mon  plus  grand  defir  en 
approchant  de  fon  embouchure  fut  de  vérifier  par 
moi-même  la  vérité  de  ce  fait ,  &  j'ai  trouvé 
qu'on  l'avoit  rendu  avec  fidélité  :  ce  que  je  coa* 
cluai  particulièrement  d'une  circonftance.    Lorf- 
que nous  partîmes  de  Monte  •  Video ,  qui  ei\  un 
fort  fîtué  à  plus  de  cent  milles  de  l'embouchure 
de  la  rivière  &  où  fa  largeur  efi  conîl Jérabletnent 
diminuée,  nous  navigâraes  un  jour  entier  avant 
de  découvrir  le  bord  oppofé  de  la  rivière.  Lorf* 
que  nous  nous  trou /âmes  au  milieu  du  Canal , 
nous  ne  pûmes  difcerner  ni  Tune  ni  l'autre  riv3 
&  ne  vîmes  que  le  ciel  &  l'eau,   comme  fi  nous 
avions  été  dans  le  grand  océan.    Nous  audoTiS 
même  penfé  être  en  pleine  mer,  fi  la  douceur  dg' 
Teau  de  cette  rivière,  qui  eft  aufS  trouble  q\i^ 
celle  du  Pô,  ne  nous  eût  pas  convaincus  du  con- 
traire.   A  Buenos  -  Ayres  même ,  qui  eil  à  cent 
lieues  plus  haut ,  &  où  la  rivière  eft  bien  moins 
large  encore,  il  eft  impofSble  ds  risn  diftin^u^f 

S  4 


41(5  Notes 

fur  la  rive  oppofée  qui,  à  la  vérité, eft  fort  baffe 
&  fort  plate:  on  ne  peut  pas  feulement  voir  les 
maifons  ni  les  tours  de  l'établiffement  Portugaisî 
de  Colonia,  qui  fe  trouvent  à  l'autre  bord.  Let*- 
tera  irima ,  publiée  par  JMuratori ,  dans  fon  ChrîJ* 
îiamjîmo  fdice  y  &c.  i,  ^ag,  257. 
Note  XXIX,  ^ag,  126. 

Terre-Neuve,  une  partie  de  la  Nouvelle  Eco&| 
fe  &  le  Canada  fe  trouvent  dans  le  même  parai- 
leîe  de  latitude  que  le   royaume  de  France,   & 
•dans  ces  pays  l'eau  des  rivières  efl  gelée  pendant 
l'hiver  à  plufieurs  pieds  d'épailTeur  :  la  terre  7  ' 
eft  couverte  de  neige  ;  la  plupart  des  oi féaux  quit- 
tent pendant  cette  faifon  un  climat  oii  ils  ne  pour- 
loient  pas  vivre.    Le  pays    des  Eskiiraux,  une 
partie  de  la  côte  de'Labrador,  &  les  pays  qui  fe 
trouvent  au  midi  de  la  baie  de  Hudfon  font  fur 
le  même  parallèle  que  la  Grande-Bretagne^  ce. 
pendant  le  froid  7  eft  lî  excefîlf  que  toute  l'indus- 
trie des  Européens  mêmes  n'a  pas  tenté  de  les. 
cultiver. 

Note  XXX,  pag.  130. 

Acofta  efl,  je  crois,  le  premier  philofophe  qui 
sit  cherché  à  rendre  raifon  des  dilFérens  degrés' 
de  chaleur  dans  l'ancien  &  le  nouveau  continents 
par  Taélion  des  vents  qui  régnent  dans  l'un  & 
dans  Tautre.  Hift,  moral,  ^r.  Uh.  II  âf  IH* 
]M.  de  BufFon  a  adopté  cette  théorie,  qu'il  a  non- 
feulement  re^ifîée  par  de  nouvelles  obfervations , 

mais 


ET     ECLAIRCISSEMENS;  4.17 

mais  qu'il  a  même  embellie  &  mife  dans  un  jour 
plus  frappant  avec  la  magie  étonnante  de  fon 
pinceau.  On  ajoutera  ici  quelques  remarques  qui 
pourront  éclaircir  encore  une  doftrine  très-im- 
poi  tante  dans  fes  recherches  fur  la  température 
des  difrérens  climats. 

Lorfqu'un  vent  froid  fouffle  fur  un  pays  ,  il 
doit  en  y  palTant  lui  enlever  une  partie  de  fa 
chaleur,  &  par-là-même  perdre  une  partie  de 
fa  froideur.  Mais  s'il  continue  à  fouffler  dans  la 
même  direélion,il  paflera  par  degrés  fur  une  fur- 
face  déjà  refroidie,  &  ne  pourra  bientôt  plus  per- 
dre de  fon  âpreté.  Si  donc  il  parcourt  un  grand 
jcfpace,  il  y  apportera  tout  le  froid  d'une  forte 
gelée.  -  ,  ' 

Si  le  même  vent  parcourt  l'étendue  d'une  mer 
vafte  &  profonde,  la  fuperficié  de  l'eau  fera  dV 
bord  refroidie  à  un  certain  degré  &  le  vent  fe 
trouvera  réchauffé  à  proportion.  Mais  l'eau  pir^ 
froide  de  la  furface  devenant  fpécifiquement  plus 
pefante  que  l'eau  plus  chaude  qui  eft  au-delTous, 
defcend,  &  celle  qui  eft  plus  chaude  prend  fa 
place  :  celle-ci  fe  refroidiflant  à  fon  tour;  conti- 
nue à  échauffer  le  courant  d'air  qui  paffe  par- 
deffus  &  en.  diminue  la  froideur.  L'aftion  mé- 
chanique  du  vent  &  le  mouvement  de  la  marée 
contribuent  à  opérer  ce  changement  fucceflîf  de 
l'eau  de  la  furface  ^  l'élévation  de  celle  qui  eft 

S5 


4iS  N    O    T    2    s 


plus  chaude ,  &  par  conféqiient  le  refroîdîffemefit 
fucceflîf  de  l'air. 

Cela  continuera  de  même ,  â:  Tâpreté  du  veiie 
diminuera  jufqu'à  ce  que  Teau  foit  refroidie  ,  aui 
point  que  fa  furfaae  ne  foit  plus  afîez  agitée  pâri 
l'aftion  du  vent  pour  qu'elle  ne  puiiïe  fe  glacer..' 
Parraut  oii  la  furface^fe  gele,  le  vent  n*efl:  plus 
réchauffé  par  l'eau  intérieure,  &  il  continue  alors 
à  fouffler  avec  le  même  degré  de  froid. 

Ceft  d'après  ces  principes  qu'on  peut  expli-^ 
quer  les  fortes  gelées  dans  les  grands  continens,.' 
la  douceur  des  hivers  dans  les  petites  ifles  &  le 
froid  exceflîf  des  hivers  dans  ces  parties  de  l'A- 
Hîérique  feptentrionale  qui  nous  font  le  mieux 
connues.  Dans  les  lieux  qui  font  au  nord  -  oueft 
de  l'Europe,  la  rigueur  de  l'hiver  ell  modérée 
par  les  vents  d'ouefl,  qui  foufîlent  afTez  conflam- 
mefjt  psndant  les  mois  de  novembre ,  de  décem- 
bre &  une  partie  de  janvier» 

D'^un  autre  côté,  lordju'ua  vent  chaiîd  foufiîè: 
fur  la  terre,  il  en  échauffe  la  furface,  qui  païi 
€onféquent  doit  celTer  de  diminuer  la  chaleur  dw 
vent.  Mais  lorfque  ce  même  vent  fouffle  fur  ieS- 
eaux,  il  les  agite,  fait  monter  celle  d'en -bas  qiil 
eft  plus  froide  &  cominue  ainlî  à  perdre  de  f» 
chaleur. 

Mais  la  principale  caufe  de  cette  propriété  ào^ 
la  mer  de  moiéier  la  chaleur  du  vent  ou  de  Talr 


ET     ECLAIRCISSEMENS.  319 

qui  pafTe  delTus ,  c'eft  que  la  furface  de  la  mer , 
attendu  la  tranfparence  de  l'eau,  ne  peut  pas  être 
échauffée  à  un  degré  conCdérable  par  les  rayons 
du  foleil;  au  lieu  que  la  terre  qm  eft  expofée  à 
leur  a<5lion ,  acquiert  bientôt  une  grande  chaleur. 
i\infi,  lorfque  le  vent  parcourt  un  continent  db 
la  zone  torride,  il  devient  bientôt  d'une  chaleur 
infupportable^  mais  en  pafTant  fur  une  vaHe  éteî> 
due  de  mer,  il  fe  rafraîchit  par  degrés;  de  forte 
qu'en  arrivant  à  la  côte  la  plas  éloignée  il  de- 
vient propre  à  la  refpiration. 

Ces  principes  peuvent  nous  aider  à  expliquer 
la  caufe  des  chaleurs  étouffantes  des  grands  con- 
-Cinents  de  la  zone  torride,  de  la  douceur  du  cli- 
mat des  ifles  qui  fe  trouvent  à  la  même  latitude, 
de  la  grande  chaleur  qu'on  éprouve  pendant  l'été 
dans  les  grands  continens  fîtués  fous  les  zones^ 
tempérées  ou  plus  froides ,  en  comparaifon  dâ 
celle  qu'on  éprouve  dans  les  ifles,  La  chaleur 
du  climat  dépend  non  feulement  de  l'effet  immé-^ 
dîat  des  rayons  du  foleil,  mais  encore  de  leur 
aftion  continue,  &  de  la  chaleur  qu'ils  ont  déjà 
produite  antérieurement ,  &  dont  Ja  terre  demeu- 
re imprégnée  pendant  quelque  tems  ;  c'eft  pour 
eela  qu'on  éprouve  dans  le  jour  la  plus  grande: 
chaleur  vers  les  deux  heures  après-midi,  que  les^ 
grandes  chaleurs  de  l'été  fe  font  fentir  vers  ie^ 
mois  de  juillet  &  que  le  froid  efV  ordinairemenf: 
plus  violent  §n  hiver  vers  le  mois  dé  janvieis^ 


420  Notes 

,  La  température  modérée  des  parties  de  TAmé- 
rique  qui  fe  trouvent  fur  l'équateur ,  provient  des 
forêts  qui  les  couvrent  &  qui  empêchent  lest|f 
rayons  du  foleil  d'échauffer  la  terre.  Le  fol  n'é- 
tant point  échauffé,  ne  peut  pas  à  fon  tour  échauf- 
fer l'air,  &  les  feuilles  qui  interceptent  les  rayons 
du  foleil,  ne  font  pas  d'un  volume  fufïîfant  pour 
abforber  la  quantité  de  chaleur  néceffaire  pour 
opérer  cet  effet.  On  fait  d'ailleurs  que  la  force 
végétative  d'une  plante  produic  dans  les  feuilles 
une  perfpiration  proportionnée  à  la  chaleur  à  la* 
quelle  elles  font  expofées,  &  par  la  nature  de 
l'évaporation  cette  perfpiration  produit  dans  les 
feuilles  un  degré  de  froid  proportionnel  à  la  per* 
fpiration.  Ainfi  donc  l'effet  de  la  feuille  pour 
échauffer  l'air  qui  eft  en  contait  avec  elle,  eft 
prodigieufement  diminué.  Ces  obfervations  qui 
jettent  un  nouveau  jour  fur  ce  fujet  intéreffant , 
m'ont  été  communiquées  par  mon  ami,  M.  Ro- 
bifon ,  profefTeur  de  phyfique  à  l'uni  ver  fi  té  d'j^ 
dimbourg. 

NoTJE  XXX  r,  pag,  130. 
Deux  grands  naturalises ,  Fifo  &  Margrave  ; 
nous  ont  donné  la  defcription  du  climat  du  Bré- 
fil  avec  une  précifion  philofophique  que  nous  dé- 
lirerions de  retrouver  dans  les  relations  de  plu- 
fieurs  autres  provinces  de  l'Amérique.  Tous  deux 
difent  qu'il  ell:  doux  &  tempéré  en  comparaifon 
.du  climat  de  l'Afrique  j  ce  qu'ils  attribuent  pria- 


ET    ECLAIRCISSEMENS.  421 

^îpalement  au  vent  frais  de  la  mer  qui  fouffld 
-ConilammenÊ.     L'air  y  eft  non- feulement  frais 
pendant  la  nuit,  mais  même  aflez  froid  pour  obli* 
ger  les  habitans  à  faire  du  feu  dans  leurs  caba* 
nés.  Fifo  y  de  Medîcina  Brafilîenfl,  lib,  i,  p.  r> 
^c,  Margravius  y  hîft,  rerum  natural.  B-rafiliœ  f 
Hb.  FUI,  c.  3,  p.  264.   Ce  fait  fe  trouve  con- 
firmé par  NieubofF,  qui  a  longtems  réfîdé  dans 
le  Bréfil.     Churckiii's'  coUeUion  ,  vtyL  a,  p.  26-, 
Gumilla ,  qui  a  palIé  pîufieurs  années  dans  le  pays 
qu'arrofe  l'Orénoque,  nous  fait  le  même  rapport 
de  la  température  de  fon  climat.  Hiftoîre  de  VO* 
•réticque,  torn.  i,  p,  26.  Le  P.  Aeugna  dit  avoir 
beaucoup  fduffert  du  froid  fur  les  bords  de  la  ri^- 
viere  des  Amazones  :  Relat,  voU  2 ,  p,  56.  M.  Biet> 
qui  a  vécu  longtems  à  Cayenne ,  parle  de  même 
de  la  température  de  ce  climat  &  l'attribue  à  la 
même  caufe.  Foyage  de  la  France  équinox.  p.  ssc'. 
-Rien  ne  peut  être  plus  différent  de  ces  defcrip- 
tions  que  celle  que  M.  Adanfon  nous  a  donnée 
de  la  chaleur  brûlante  de  la  côte  d'Afriqxie.  Foya* 
ge  au  Sénégal,  paj/ïm, 

La  forme  de  l'extrémité  méridionale  de  l'A- 
^nérique,  paroît  être  la  caufe  la  plus  fenfibîe  6c 
•la  plus  probable  du  degré  excefîif  de  froid  qu'on 
(j  'lefTent  dans  cette  partie  du  continent.  Sa  largei^ 
'diminue  à  mefure  qu'il  s'étend  du  cap  Saînt-Arr- 
toine  vers  le  fud,  &  fes  dimenfions  font  fort  ré* 
tiécies  depuis  la  baie  de  Saint- Julien  jurqu'au  dé» 

S  ï 


42^  î?     a    T     E     s 

troit  de  Magellan.     Ses  c6tes  orientales  &  ôcci^ 
dentales  font  baignées  par  la  mer  du  nord  &  l'o» 
céan  pacifique-    Il  eft  probable  qu'une  vafte  mer 
s'étend  depuis  fa  pointe  méridionale  jufqu'au  pôle 
antardique.    Dans  quelque  direftion  que  fouffig 
le  vent,  il  fe  trouve  rafraîchi  avant  d'arriver  aux 
terres  Magellaniques ,  en  traverfant  une  immenfe 
étendue  d'eau,  &  la  terre  y  occupe  un  efpace 
trop  peu  confidérable  pour  pouvoir  ré<:haufFer  le 
vent  à  fon  pafTage,    Ce  font  ces  circonftances 
qui  concourent  à  rendre  la  température  de  l'aii 
de  cette  partie  de  l'Amérique   plus  femblable  à 
celle  d'une  ifle  qu'à  celle  du  climat  d'un  conti- 
nent, &  qui  l'empêchent  d'acquérir  ce  degré  de 
^chaleur  qu'éprouvent  en  été  les  pays ,  qui  fe  trou# 
vent  en  Europe  &  en  Afie  dans  la  même  latitude 
feptentrionale.    Le  vent  du  nord  eft  le  feul  qui  i 
arrive  à  cette  partie  de  l'Amérique  après  avoir  j 
traverfé  un  grand  continent.    Mais  après  un  exa*-! 
men  attentif  de  fa  pofition ,  nous  trouverons  que  '. 
cela  même  fert  plutôt  à  diminuer  qu'à  augmenter 
le  degré  de  chaleur,   Ceft  à  l'extrémité  méridio^ 
naîe  de  l'Amérique  que  finit  proprement  l'immen^-i 
fe  chaîne  des  Andes,  qui  parcourt  prefqu'en  ligne^  \ 
droite  du  nord  au  fud  toute  l'étendue  du  contî--  • 
nent.   Les  régions  les  plus  brûlantes  de  l'Amérii' 
que  méridionale,  la  Guiane,  leBréfil,  le  Para»* 
guai  &  îe  Tucuman  font  à  plufîeurs  degrés  à  l'eft 
dss  terres  Magellaniques.  Le  pays  plat  du  Péiou>i , 


ET     ICLAIRCISSlMENa.  4^2j 

GÎi  Von  éprouve  la  chaleur  des  tropiques ,  efl  fî. 
tué  fort  à  l'ouefl:  de  ces  terres.  Le  vent  du  nord  ^ 
quoiqu'il  traverfe  la  terre ,  n'apporte  donc  pas  à 
rextrêmité  méridionale  de  1* Amérique  ràugmen-- 
tation  de  chaleur  qu'il  a  pu-  prendre  en'  paflant 
par  les  régions  brûlantes,  parce  qu'avant  d'y  ar« 
river  il  doit  rafer  les  fommets  des  Andes  &  s'im*- 
prégner  du  froid  de  ces  régions  glacées. 

Quoiqu'il  foit  maintenant  démontré  qu'il  rTy  a 
point  de  continent  méridional  dans  cette  partie 
du  globe ,  où  l'en  fuppofoit  qu'il  devoit  fe  trou* 
ver,  les  découvertes  du  Capitaine  Cook  nous  ont 
cependant  appris  qu'irl  y  a  une  grande  étendue  dé- 
terre près  du  pôle  ardique ,  &  qu'elle  eft  la  caufe 
de  la  plus  grande  partie  des  glaces  que  l'on  trou- 
ve fur  la  vafte  mer  du  Sud.  Tome  IL  Ce  feroit 
un  objet  digne  des  recherches  d'un  favant,  que- 
d'examiner  fi  l'influence  d'un  continent  glacé,  û 
éloigné,  peut  s'étendre  jufqu'à  l'extrémité  mérl- 
dionae   de  l'Amérique. 

Note  XXXII,  pag.  132; 

En  1739  on  fit  partir  deux  frégates  françoîfe* 
pour  faire  de  nouvelles  découvertes.  Les  navî^» 
gateurs  commencèrent  à  fentir  un  froid  excefîîf 
au  quarante-quatrième  degré  de  latitude  méridio* 
nale.  Au  quarante -huitième  degré  ils  trouvèrent 
des  ifles  flottantes-  de  glace.  Hi/i,  des  navig,  aux^ 
tferres  auflr.  wme  2,  p,  2s6»  êfs.  Le  dofleur  Hali 
ky  trouva  de  la  gl^e  au  cinc^uante-Deuvieme  d^ 


I 


|24  N     0     T     Ë     f 

gré  de  latitude:  îd,  tome  i ,  p.  47.  Le  commodo^ 
re  Byron  fe  trouvant  fur  la  côte  des  Patagons,  è  t 
cinquante  degrés  trente  -  trois  minutes  de  latitude  » 
méridionale,  îe  15  Décembre,  qui  eft  le  milieu  1 
de  l'été  de  cette  partie  du  globe  où  le  plus  long 
jour  tombe  au  21  Décembre,  compare  ce  climat 
avec  celui  de  l'Angleterre  au  milieu  de  l'hiver, 
ybyages  de  Hawkeswonh ,  i,  25.  M.  Banks  étante 
defcendu  à  la  terre  de  feu  dans  la  baie  de  Bon^^ 
Succès,  fituée  au  cinquante  -  cinquième  degré  dej 
latitude,  le  16  Janvier,  qui  répond   au  mois  de 
Juillet  de  notre  hémifphere,  deux  de  fss  gens 
moururent  de  froid  pendant. la  nuit,  &  tous  fu-  ; 
rent  dans  le  plus  grand  danger  de  périr.  Id,  2^1 
f).  51,  52.  Le  14  Mars,  qui  répond  au  mois  <[&  l 
Septembre  de  l'Europe ,  Thiver  s'étoit  déjà  décia»  | 
ré  ,&  les  montagnes  fe   trouvoient  couvertes  de 
Deige:  ib,  72. 

Le  Capitaine  Cook,  dans  fon  Voyage  autour  ai 
Yhémifphere  AuJîraU  nous  fournit  d'autres  exem- 
ples non  moins  frappans  de  la  rigueur  exceflive 
du  froid  dans  cette  partie  du  globe  :  „  Qui  pou-  , 
voit  jamais  penfer,  dît-il ,  qu'une  ille  qui  n'a  qu©-.:^ 
foixante  &  dix  lieues  de  circuit,  fituée  entre  le 
54e.  &  le  55e.  degré  de  latitude ,  fe  fer  oit  trou# 
vée  au  cœur    de  l'été ,   prefque  toute  couverte 
de  neige  glacée,  à  plulîeurs  toifes  de  hauteur? 
&  furtout  auroit  -  on  imaginé  un  pareil  phéno- 
mène fur  la  ÇQt^  di^  Sud  -  Queli?    Les  cimes 


JET     ECLAIRCISSÊMENS.  425 

I  des  hautes  montagnes  étoient  couvertes  de  nei- 
ge &  de  glace;  mais  la  quantité  qu'on  en  trou- 
ve dans  les  vallées  eft  incroyable  ;  &  jufques 
dans  le  fond  des  bayes ,  toute  la  côte  étoit  bor- 

I  dée  d'un  rempart  de  glace  d'une  hauteur  confi- 
dérable,  &c."  Fel.  IL 

Dans  quelques  endroits  de  l'ancien  continent ,' 
le  froid  efl:  très  rigoureux  à  des  latitudes  très  baf- 
fes. M.  Bogie ,  dans  fon  Ambaflade  à  la  cour  du 

Délai  Lama,    pafîâ  rhiver   Ha  TannvÎG    1774.  foUS 

la  latitude  31*  39'  N.  Il  troavoit  fouvent  dans 
fa  chambre  le  thermomètre  à  29  dégrés  a  la  ge- 
lée ,  &  la  neige  tomboit  fouvent  à  gros  fioccons. 
L'élévation  extraordinaire  du  pays  femble  être  la 
!  caufe  de  ce  froid  exceffif.  En  voyagant  de  l'In- 
doufian  au  Thibet,  il  faut  monter  confidérablç- 
ment  pour  arriver  au  ^fommet  des  montagnes 
de  Bontan  ;  mais  de  l'autre  côté,  la  defcent© 
n'efî  pas  proportionnée  à  cette  première  hauteur. 
Le  royaume  de  Thibet  efl  un  pays  élevé,  ftéril^ 
&  dévaflé.  RelattQTi  de  Thibet,  par  M,  Stenxim» 
lue  dans  V Académie  Royale  9  p.  7.  On  ne  peut 
afîigner  la  caufe  du  froid  exceffif  que  Ton  éprou- 
ve dans  les  latitudes  baffes  de  l'Amérique  à  ces 
mêmes  raifons.  Ces  régions  ne  font  pas  remarqua- 
bles par  leur  élévation.  Quelques  •  unes  font  des 
terres  baffes  &  des  pays  plats. 

Note  XXXIII,  pag,  136. 
M.  de  la  Condamine ,  un  des  derniers  &  des 


42^  5Î      0     T      E      ^ 

plus  exa<îls  obfervateurs   de  l'état   intérieur  de 
l'Amérique  méridionale,  dit:  „à  cette  foule  d'ob- 
„  jets  variés ,  qui  diverfifient  les  campagnes  cul- 
„  tivées  de  ^ita,  fuccédoit  Pafpeft  le  plus  uni-» 
„  forme;  de  J'eau,  de  la  verdure  &  rien  de  plusw* 
„  On  fouie  la  terre  aux  pieds  fans  la  voir  :  elle 
„  eft  fi  couverte  d'heibes  toniFues ,  de  plante^ 
„  &  de  broulTaiiles,  qu'il  faudroit  un  aHèz  longi 
3,  travail   pour  en  découvrir  l'efpace  d'un  pied, 

„    Rtlat»  abrégée  d'un    voy^g^a    £7*^.    f>.  48"»      UnÔÎ 

des  fîngularités  de  ces  forêts  ,  c'efl  une   efpece 

d'oller ,  que  les  Efpagnoîs  appellent  hejucos ,  leti 

François  lianes  y  &  auquel  les  Indiens  donnent  le< 

•  nom  de  nihbess  ,  (*)  dont  on  fe  fert  ordinaire-* 

ment  en  Amérique  au  lieu   de  cordes.    Cett©J 

plante  monte  en  ferpentant  autour   des    arbreji 

qu'elle   rencontre,  &   après   s'être  élevée    juf-- 

qu'aux  plus  hautea  branches ,.  elle  ].ette  des  filets  i 

qui  defcendent perpendiculairement,  rentrent  dansai» 

la  terre ,  y  prennent  racine ,  s'élèvent  de  nou*» 

?eau  autour  d'un  autre  arbre ,  montant  aînfi  &  ; 

défcendant  alternativement.    D'autres    rejetton^J 

portés  obliquement  par  le  vent  ou  par  quelque^» 

hafard,  forment  un  alTemblage  confus  de  corda»' 

ges  qui  reflemble  aux  manœuvres  d'un  vaifTea* 

Mancroftt  nat,  hift,  of  Guîana,  p,  99.     On  trou-  • 

ve  de  ces  filets  de  liane  qui  font  de  la  grofleur 

du  bras  d'un  homme ,  ibid,  p,   75.    La  relatioii 


ET    ECLAIRCISSEMENS*  42^- 

^ue  M.  Bouguer  a  donnée  des  forêts  du  Pérou , 
relTtinble  parfaitement  à  cette  defcripcion.  Voya» 
ge  au  Pérou  y  p.  i6.  Oviedo  nous  a  laiffé  une 
femblable  defcription  des  forêts  qui  fe  trouvent 
en  d'autres  parties.  Hi{i,  lib,  IK,  p.  144,  D» 
Pendant  plus  de  quatre  mois  de  l'a-onée  le» 
Moxes  ne  peuvent  avoir  de  communication  en» 
tfeux  ,  parce  que  la  néceflîté  où  ils  tont  de 
chercher  des  hauteurs  pour  fe  mettre  à  couvert 
de  l'inondation,  fait  que  leurs  caDanes  font  fort 
éloignées  les  unes  des  autres.  Lettres  édifiantes,. 
4oriu  10,  p.  187. 

Garcia  nous  a  donné  une  defcription  détaillée 
-&  exacte  des  rivières ,  des  lacs  9  des  bois  ôc  des 
'marais  des  provinces  de  l^Amérique  fîtuées  entre 
les  Tropiques,  Origen,  de  los  Indios ,  lib*  II, 
t.  5  .  S .  4  »  S»  Les  di^culcés  incroyables  que 
Gonzales  Pizarre  eut  à  furmonter  en  voulant 
pénétrer  dans  le  pays  fïtué  A  Tfîll  dç»  *^pdes> 
inous  donne  un  tableau,  frappant  de^  l'état  oà  fe" 
%ouvoit  cette  partie  de  l'Amérique  avant  d'êtra 
défrichée.  Garcil,  de  la.  Vega ,  commeta*  RO'S^ 
du  Pérou  y  part*  2,  lîv.  j,  c.  2-^5. 

Note  XXXIV,  p.  13^- 

Il  paroit  que  les  animaux  de  rAmérique  n'oné 

pas  toujours  été  '  plus  petits  que  ceux  de^  autres^ 

parties   du  globe.    On  a  trouvé  près  des  rive» 

i   de  rOhio ,  .un  grand  nombre  d*os  d'une  gran* 

!  deur  étonnante.    Ueruteoit  où  Ton  a  faic  cetee; 


%2B  ^      Notes 

découveïte,  fe  trouve  à  cent  quatre-vingt-dix 
milles  plus  bas  que  le  confluent  de  la  rivière  ; 
Scio'o  avec  l'Ohio ,  &  à  près  de  quatre  milles  4 
de  la  rive  de  cette  dernière ,  du  côté  d'un  mar- 
iais nommé  le  grand  marais  falé.  Ces  os  fe  trou-, 
vent  en  grande  quantité  à  cinq  ou  fix  pieds  fous 
terre-,  &  la  couche  en  eft  vifîble  fur   le  bord  du. 
marais  fa  lé.  Journal  of  colonel  George  Croglan  :  MSi . 
entre  les-  mains  de  T auteur*    Cet  endroit  parolt 
marqué  avec   exactitude  dans   la  :ccwce   d'£vans« 
Ces  os  doivent  avoir  appartenu  à  des   animaux  v 
d'une  grandeur  énorme;  les  naturalises  qui  i\'ont: 
jamais  connu  d'animal  vivant  d'une  pareille  grof-  • 
feiir  ,  ont  d'abord  été  portés,  à  croire  que  c'é'»- 
toient  des  fubftances  minérales.  ;  Après  en  avoir' 
jeçu  plufîeurs  échantillons  de,  différentes  partieîi 
de  la  terre  &   après  les    avoir  examines   avec, 
plus  d'attention, on  eft  enfin  convenu  que  c'étoienl^ 
des  os  de  quelques  animaux  ;  comme  l'éléphant 
*eft  le  plus  grand  quadrupède  connu,  &  que  Ie*i 
dents  qu'on  a  trouvées  refïemblent  beaucoup  èll 
celles  des  éléphans,  tant  par. la  qualité  que  par* 
la  forme,   oa^en  a  conclu  que  les   fqueletteski 
trouvés  près  de  TOhia  étoient  de  cette  efpece^, 
Mais  le  dofleur  Hunter,  l'un  des  favans  de  ce  > 
iîecle  qui  eft_  1q  plus  en  état  de  décider  cette  ^ 
queftion ,  après  avoir  examiné  attentivement  plu- 
iîeurs  morceaux  des  dv^fenfes  ,  des  dents  mâche- 
lieree  6c  des  mâchoires ,  envoyées  de  l'Ohio 


Londres,  a  prétendu  qu'elles  n'appartenoient  pas 
à  l'éléphant ,  mais  à  quelque,  grand  animal  Car- 
nivore d'une  efpece  inconnue.  Phil.  tranfaU,  vol, 
53  ,  p.  34,    On  a  trouvé  des  os  de  ia   même 
efpece  &  d'une  grandeur  aufîî  remarquable  près 
des  embouchures  de  l'Oby,  de  la  Jenifeia  &  de 
la  Lena,  trois  grandes  rivières  de  Sibérie.  Strah^ 
lenberg ,    dejcrîp.    des    parties  feptentrîonak    {y* 
orientale  de  V Europe  ^  de  l'Afie,  p.  402.     L'élé- 
phant paroît  ne  pas  fortîr  de  la  zone  torride  & 
ne  point  multiplier  au-delà,    11  ne  pourroit  vi- 
vre dans  ces  froides  régions  qui  bordent  la  mer 
glaciale.    L'exiilence  de  ces  grands  finimaux  en 
Amérique  pourroit   ouvrir  un   vafte  champ  aux 
!  conjectures.    Plus  nous  confidérons  la  nature  &. 
la  variété  de  fes  produflions,  plus  nous   devons 
êîie  convaincus   que  ce  globe  terraqué  a  fubi 
d'étranges    changemens   par   des   convuîfions   & 
des  révolutions  dont  l'hiUoire  ne  nous  a  confer- 
vé  aucune  trace. 

Note  XXXV,  pag,  140. 
Cette  dégénération  des  animaux  domeftiques 
d'Europe  en  Amérique  ,  doit  être  attribuée  en 
partie  aux  caufes  fuivantes.  Dans  les  établille- 
niens  Efpagnols  qui  fe  trouvent  ou  fous  la  zone 
torride  ,  ou  dans  les  pays  qui  l'avolfinent ,  le 
plus  grand  degré  de  chaleur  &  le  changement 
de  nourriture  empêchent  les  moutons  &  les  bê* 
tes  à  corne   de  parvenir  à  la  cjecie  grandei«r 

k 


450  N    O    T    E    à 

qu'en  Europe.  Us  deviennent  rarement  aufïî  gras,^ 
&  leur  chair  n'en  a  ni  le  fuc  ni  la  faveur  déU| 
rate.     Dans  l'Amérique  feptentrionale ,  où  le  clil 
mat  efi:  plus  tempéré  &  plus  approchant  de  celui 
de  l'Europe  ,  les  herbes  qui  viennent  naturelle- 
ment dans  les  pâturages  font  d'une  mauvaife  qua- 
lité. Mîtchell^  p.   157.     L'agriculture  y  a  fait  lîj 
peu  de  progrès,  que  la  nourriture  artificielle  poi 
les  troupeaux  y  eil  en   très -petite  quantité  ,  &| 
l'on  n'y  prend  prefqu'aucun  foin  du  bétail  pen-f 
dant  l'hiver  ,   qui  efl  très  •  long  dans  plufieurs 
provinces  &  rigoureux  dans  toutes.    On   traite 
mal  les  chevaux  &  les  bétes  à  corne  dans  tou- 
tes  les  colonies   angloiies.     Toutes   ces  caufes 
contribuent  peut-êire  plus  que  la  qualité  du  cil. 
mat  à  faire  dégénérer  ,  dans  ces  provinces ,  la 
race  des  chevaux ,  des  bœufs  &  des  moutons. 
Note  XXXVI,  pag,  141, 
En  15 18  l'ifle  d'Hi'paniola  fut  défolée  par  ceî 
ftifefbes  d  ftrufteurs.    Herrera,  qui  rapporte  touH 
tes  les  particularités  de  ce  fléau  ,  nous    donne 
wn  exemple  fingulier  de  la  fuperflition  des  co- 
lons   Efpagnols.     Après    avoir  effayé  ,   dit  -  il , 
tous  les  moyens  poflfîbles  de  détruire  les  fourmis, 
ils  réfolurent  d'implorer  la  proteélion  des  faints; 
mais  comme  c'étoit  une  efpece  de  calamité  tou- 
te nouvelle  ,  ils  furent  embarr  .ITés  fur  le    chois 
du  faint  qui  pourroit  leur  ê:re  le  plus  propice. 
ils  tirèrent  au   fort  le  patron  qu'ils  dtvoient 


CT   lECLAIRClSSïMENS.  431 

choifir.  Le  fort  décida  en  faveur  de  Saint- Satur- 
nin. Ils  céiébieient  fa  fête  avec  une  grande  fo* 
lemnité ,  &  le  fléau,  ajouce  l'hifiorien,  commen» 
ça  fur  le  chainp  à  diminuer  fes  ravages,  Herre' 
ra,  dec»  2,  Ub.  III,  c.  15,  /).  107, 

NoTfc  XXXVil,  pag,   145. 
L'auteur   des    Recherches  philofophiques  fur  les 
Américains  penfe  que  cette  différence  de  chaleur 
eft  égale  à  douze  degrés;  c'eft-à- dire,  qu'il  fait 
aufïï  chaud  en  Afrique ,   à  trente  degrés  de  l'é- 
quateur ,  qu'à  dix  -  huit  degrés  feulement  en  A- 
mérique,  tom.  I ,  p.  z.  Le  Dr.  Mitchell,  après 
trente  ans  d'obfervations ,  prétend  que  cette  dif- 
férence eft  égale  à  quatorze  ou  quinze  degrés  de 
latitude.     Prejentftate,  ^c,  p.  257. 
Note  XXXVIIi,  ibU. 
M.  Bertram,  qui  le  3  Janvier  1765  fe  trouva 
â  la  fource  de  la  rivière  de  faint-Jean  dans  la 
Floride  orientale",  y  éprouva  un  froid  fi  violent 
que  dans  une  feule  nuit  la  terre  fut  gelée  de  l'é- 
pailTeur  d'un  pouce  fur  les  bords  de  la  rivière. 
Les  tilleuls,  les  citronniers  &  les  bananiers  pé' 
rirent  tous   à  Saint     Auguftin.     Bertram's  jour* 
îial,  p.  20.     Le  Dr.  Mitchf-U   nous  fournit  plu- 
fieurs  exemples  des  effets  extraordinaires  du  froid 
dans  les  provinces  du  midi  de  l'Amérique  Sep- 
tentrionale.    Prefent  ftate  ,  p.  0.06 ,  êfc»     Le  7 
Février  1747  le  froid   fut   fi  violent  à  Cbarles- 
town,  que  deux  bouteilles  d'eau  chaude  qu'une 


25.32  Notes 

perfonnè  avoit  mifes  en  fe  couchant  dans   foa 

lit,  fe  trouvèrent  fendues  le  lendemain  au  ma# 

tin,  &  que  l'eau  n*étoit  plus  que  deux  morceaux 

folides  de  glace.    Une  jatte  d'eau  dans  laquelle 

étoit  une  anguille  vivante  ,  fut  gelée  jufqu'au 

fond   dans  une  cuifine    où  il    y  avoit  du  feu. 

Prefque  tous  les  orangers  &   les  oliviers  furent 

détruits.     Defcrîpt,   of  fouth    Carolina  ,   f7//  > 

Î4ondon,  1761.  * 

Note  XXXIX,  pag.  146. 
'    Nous  trouvons  un  exemple   remarquable  de 
cette  fertilité  dans  la  Guiane  Hollandoife,  pays 
fort  plat ,  &  fi  bas  que  pendant  les  faifons  plu*  ? 
vieufes  il  eft  ordinairement  couvert  de  près  de  ] 
deux  pieds  d'eau.  Cela  rend  le  fol  fi  riche,  qu'il    ' 
y  a  fur  la  furface  ,  à  douze  pouces  de  profon-   1 
deur ,  une    couche  d'engrais  excellent ,    qu'on    ] 
tranfporte  pour  cet  ufage  à  la  Barbade.     On  a   i 
fait  fucceflivement  trente  coupes  de  cannes  à  fu-   J 
cre  fur   les  bords  de  l'EiTequebo  ,  tandis  qu'on 
n'en  fait  jamais  plus  de  deux  dans  les  ifles  des   'j 
Indes  occidentales.  Les  colons  fe  fervent  de  plufi 
eurs  moyens  pour  diminuer  cette  excelTwe  fertilité  .| 
du  fol.  Bancrofi,  nat,  hiji.  of  Guîana,  p,  10,  âf ^t  , 
Note  XL,  pag,  163. 
Il  paroît  que   c'eft  fans   la  moindre   preuve 
évidente  que  M.  Muller  a  fuppofé  que  le  cap 
avoic  été  doublé  :  tom,  I,  p.  2,   ^c.    L'acadé- 
mie impériale  de  Saiot  -  Pétersbourg  paroît  ap- 
puyer 


ET  ecLaihcïssëmens.  433 

■puyer  ce  fentiment  fur  la  manière  dont  Tfdiikotf» 
mî'noff  {q  trouve  placé  fur  Tes  cartes.  Maîs'- 
je  fuis  convaincu,  d'après  une  autorité  incontef- 
table  ,  que  jamais  aucun  vaiffeau  Rufle  n'a  fait 
le  tour  de  ce  cap  ;  &  l'on  n'a  que  des  notions 
très  -  imparfaites  du  pays  des  Tfchuikî  ^^qvii  ne 
dépend  pas  de  l'empire  de  Ruffie. 

Note  XLI,  ^ag,  167. 

Si  c'étoit  ici  le  lieu  d'entrer  dans  une  longue 
&  épineufe  recherche  de  géographie,  nous  pour- 
rions  faire  plufieurs   obfervations   curieufes  en 
comparant  les  relations  des  deux  voy.ages  RulTes 
&  les    cartes    de  leurs   navigations    refpeélives. 
Une  remarque  nous  fervira  pour  tous  les  deux; 
on  ne   peut  regarder  comme  abfolument  exafl» 
la  pofîtion    qu'ils  donnent  aux    difFérens    lieux 
qu'ils  ont  vifités.  Le  tems  étoit  Ci  nébuleux  qu'ils 
ne  virent  que  rarement  le  foleil  ou  les  étoiles, 
&  la  pofîtion  des  ifles  &  des  continens  fuppofés 
fut  déterminée  par  le  feul  calcul,  &  non  par  des 
obfervations.     Beerings    &  Tfchirikow   allèrent 
beaucoup  plus  loin  vers  l'eft  que  Krenitzin.    L© 
pays   découvert  par  Beerings ,    &   qu'il  regarda 
comme  faifant  partie  du  continent  de  l'Amérique, 
efl:  fitué  au  deux  cent  trente  -  fixieme  degré  de 
longitude  ,  en  comptant  du  premier  méridien  à 
rifle  de  Fer,   &    au  cinquante- huitième  degré 
vingt -huit  minutes  de  latitude.    Tfchirikow  tou- 
cha à  la  même  côce  au  deux  cent  quarante  «  unie- 

Toms  II,  T 


454  ^    o    T    ^    s 

me  degré  de  longitude  &  au  cinquante -{ixieffie 
de  latitude.  Muller,  I,  248,  249.  H  faut  que 
le  premier  fe  foit  avancé  à  foixante  degrés  de 
Petropawlowska ,  d'où  il  mit  à  la  voile  ,  &  le 
dernier  à  foixante -cinq  degrés.  Mais  il  paroît 
par  la  carte  de  Krenitzin  qu'il  ne  poufTa  fon, 
voyage  qu'au  deux  cent  quatre- vingtième  degré 
à  l'eft  ,  &  feulement  à  trenre  -.deux  degrés  de 
Petropawlowska.  En  1741  ,  Beerings  &  Tfchiri- 
feow,  en  allant  &  en  revenant,  dirigèrent  prin* 
ci'palement  leur  route  au  fud  de  la  chaîne  d'ifles 
qu'ils  avoient  découverte  ,  &  en  obfervant  les 
montagnes  &  le  terrein  inégal  des  caps  qu'ils 
voyoient  au  nord  ,  ils  penferent  que  c'étoient 
des  promontoires  de  quelque  partie  du  continent 
de  l'Amérique  qui  ,  à  ce  qu'ils  s'imaginèrent, 
s'étendoit  jufqu'au  cinquante  -  fixieme  degré  de 
latiiude  au  fud.  C'efl  ainfî  qu'on  les  trouve  pla- 
cés dans  la  carte  publiée  par  Muller,  &  fur  une 
carte  defllnée  à  la  main  par  un  contre  ■  maître 
du  navire  de  Beerings ,  &  qui  m'a  été  communi- 
quée par  M.  le  profelTeur  Robifon.  Mais  en 
.1769,  Krenitzin,  après  avoir  hiverné  dans  l'ille 
d'Aiaxa ,  s'avança  fi  fort  au  nord  en  revenant, 
que  fa  route  fe  trouva  couper  par  le  milieu  ce 
qu'ils  avoient  fuppofé  devoir  être  un  continent, 
qu'il  trouva  n'être  qu'une  mer  ouverte  ;  &  il 
vit  que  ce  qu'on  avoit  pris  pour  des  caps  du 
conûîient  n'étoient  que  des  ifles  de  roche.    U 


ET    ECLAlKCISSttMKNSr  435 

ieft  a  préfumer  que  les  pays  découverts  en  1741 
à  l'eft,  n'appartiennent  pas  au  continent  de  l'A- 
mérique, &  ne  font  qu'une   continuation  de  cet- 
te chaîne  d'illes.     Le  froid  extrême  qui  pendapt 
Vété  règne  dans  toutes    ces  illes ,  nous  porte  à 
conjedurer  qu'elles  ne  font    dans   le    voifînage, 
d'aucun  continent.    Le  nombre  des  volcans  qui 
fe  trouvent  dans  ces  régions  du  globe,  efl  ex- 
traordinaire. Il  y  en  a  plufieurs  au  Kamtfchatka^ 
&  il  n'y   pas  une  des  ifles  grandes  ou  pedtes 
que  les  Rufles  ont  vifîtées ,  011  l'on  n'en  trouve. 
Plufieurs  de   ces  volcans  font   encore  allumés , 
&  toutes  les  montagnes  confervent  des  m^.rques 
de  leurs  anciennes  éruptions.    Si  je  vouîois  ad» 
mettre  les  conje6tures  qu'on  a  avancées  en  par-  ; 
lant  de  la  population  de  l'Amérique,  je  pourrofs 
fuppofer  que  cette  partie  de  la  terre  ayant  Xouf* 
fert  de  violentes  fecoulTes  par  des  tremblement 
de  terre  &  des  volcans,  l'iilihme  qui  peut   être 
a  uni  autrefois  l'Afie  â  i*Amérique,  a  été  brifé 
&  transformé  par  le  choc  en  un  grouppe  d  ifles, 
,  Il   eft  fingulier  que  dans    le   même  ^ems  que 
les  RuîTes  cherchoient  à  faire  des  découvertes  ait 
^  nord-oueft  de  l'Amérique,  les  E'pagnols  éroient 
occupés  du  même   projet  dans   une  autre  partie 
de  ce  continent.    En  1769,  deux  petits  navires 
partirent  de  Lorette  en  Californie  pour  décou- 
vrir les  côtes  du  pays  qui   eft  au  nord  de  cette 
péninfule.    Ils  ne  pafferent  pas  l«  port  de  Moa» 

Ta 


435  Notes 

te«Rey,  (îtué  au  trente- fîxieme  degré  de  lati- 
tude. Mais  dans  plufieurs  autres  expéditions  fai» 
tes  du  port  de  Saint  Blas  dans  la  Nouvelle  Ga- 
lice, les  Efpagnols  s'avancèrent  jufqu'au  cinquan- 
te-huitième degré  de  latitude.  Gazetta  de  Ma- 
drid, des  19  Mars  £?  14  Mai  1776.  Mais  com- 
me les  journaux  de  ces  voyages  n'ont  pas  enco- 
re  été  publiés ,  je  ne  puis  comparer  les  progrès 
qu'ils  ont  faits  avec  ceux  des  Rufîes ,  ni  faire 
voir  à  quel  point  les  navigateurs  des  deux  na- 
tions fe  font  approchés  les  uns  des  autres.  Il 
faut  efpérer  que  le  minière  éclairé  ,  qui  efl  au- 
jourd'hui à  la  tête  des  affaires  d'Efpagne  en  zV- 
mérique  ,  ne  privera  pas  le  public  de  ces  in- 
ftrudions. 

Note  XLII,  pag.  189. 
Peu  de  voyageurs  ont  eu  autant  d'occafions 
que  Don  Antoine  Ulloa  d'obferver  les  habitans 
des  différentes  contrées  de  l'Amérique.  Dans 
un  ouvrage  qu'il  a  publié  dernièrement,  il  décric 
de  la  manière  fuivanté  les  traits  caraftériflijues 
de  cette  race  d'hommes.  Un  front  très -petit, 
couvert  de  cheveux  aux  extrémités  jufques  vers 
le  milieu  des  fourcils  ;  de  petits  yeux  ;  un  nez 
mince ,  effilé  &  recourbé  vers  la  lèvre  fupérieu» 
re  ;  le  vifage  large ,  les  oreilles  grandes  ;  les 
cheveux  très -noirs,  liîfes  &  rudes;  les  membres 
bien  tournés  ;  le  pied  petit  ;  le  corps  d'une  pro-  j 
portion  esadle  ;  la  peau  unie  ^  fans  poil ,  ex*  " 


ET  ECLAIRCISSÊMEN5.  437 

cepté  dans  la  visillefîe  où  il  leur  vient  un  peu 
de  barbe  ,  mais  jamais  aux  joues  ".  Notîcîas 
jimerîcanaSi  ^c,  p,  307.  M.  le  chevalier  Pin- 
te qui ,  pendant  plufieurs  années ,  a  rélîdé  dans 
une  partie  de  l'Amérique  où  Ulloa  n'a  jamais 
été ,  donne  l'efquifïe  fuivante  de  rafpeét  général 
des  Indiens  de  ces  contrées.  „  Ils  font  tous 
d'une  couleur  de  cuivre,  avec  quelque  difFérence 
dans  les  teintes,  non  pas  en  proportion  de  leur 
diftance  de  l'équateur ,  mais  félon  le  degré  d'é- 
lévatioa  du  fol  qu'ils  habitent.  Ceux  qui  vivent: 
fur  les  hauteurs,  font  plus  blancs  que  ceux  qui 
occupent  les  terreins.  bas  &  marécageux  de  la 
côte.  Leur  vifage  efi:  rond  &  plus  éloigné  peut- 
être  de  la  forme  oval^  que  celui  d'aucun  autre 
peuple.  Leur  front  eft  petit,  l'extrémité  de  leurs 
oreilles  fort  éloignée  du  vifage  ,  leurs  lèvres 
épaiflfes ,  leur  nez  camus ,  les  yeux  noirs  ou 
couleur  de  châtaigne ,  petits  ,  mais  didinguanÉ 
les  objets  à  une  grande  didance.  Leurs  che- 
veux font  toujours  épais ,  lilfes  &  fans  la  moin* 
dre  apparence  de  frifure.  Ils  n'ont  de  poil  fur 
aucune  partie  du  corps,  excepté  à  la  tête.  Au 
premier  regard  un  habitant  de  l'Amérique  mé- 
ridionale paroît  un  être  doux  &  tranquille; 
mais  en  l'examinant  de  plus  près  on  trouve  dans 
fa  figure  quelque  chofe  de  fauvage,  de  méfiant 
&  de  fombre".  MS.  entre  les  mains  de  l'auteur» 
Ces  deux  portraits  faits  par  des  mains  plus  ha* 


M     O     T      E      ^ 

biles  que  celles  du  commun  des  voyageurs,  ont 
une  grande  reflemb lance  entre  eux. 
Note  XLIII,  pag,  190. 
Il  7  a  des  exemples  étonnans  de  l'agilité  fou 
tenue  des   Américain^  à  la  courfe.    Adaîr  rap- 
porte les  aventures  d'un  guerrier  de  Chikkafah, 
qui  en  un  jour  &  demi  &  deux  nuits  fit  trois 
cents  railles  comptés ,  au  travers  des  bois  &  des 
aiïQRtrignes»  Hiji.  of  ^Jmer.  Indians  »  396. 
Note  XLIV,  pag.  197. 
H.  Godin   le  jeune,  qui  pendant  quinze  ans' 
a  réfidé  parmi  les  Indiens  du  Pérou  &  de  Quito^ 
€c  pendant  vingt  ans  dans  la  colonie^  Françoife^ 
de  Cayenne,  où  il  y  a  un  commerce  fuivi  avec 
les  Galibis  &  les  autres  peuplades  de   l'Oréno. 
que,  obferve'  que  la  vigueur  de  la  conflitutioii 
des  Américains  eft  exafle^ment  en  raifon  de  leur 
habitude   au   (ravail.    Les  Indiens   des   climats- 
chauds  ,  tels  que  ceux  des  côtes  de  la  mer  du 
fud ,  de  la  rivière  des  Amazones  &.  de  celle  de 
rOrénoque ,  ne  peuvent  pas  être  comparés  pour 
la  force  à  ceux  des  régions  froides;  cependant, 
dit -il,   il  part  tous  les  jours  des  chaloupes  de 
Para  ,  établiflement  Portugais  fur  la  rivière  des 
Amazones ,  pour  remonter  la-  rivière  malgré  la 
rapidité  de  fon  cours  :  ces  chaloupes  avec  les 
mêmes  rameurs  fe  rendent  à  San-Pablo,  qui  eft 
à  huit  cents  lieues  de -là.    On  ne  trouvera  aucun 
équipage  de  blancs  ni  même  de  nègres ,  en  éta 


i 


i 


ET    ÈCLAïUClSSEMENSr  '439 

êe  réfifîer  à  une  pareille  fatigue,  comme  les 
Portugais  en  ont  fait  l'expérience  ;  cependant 
e'eft  ce  qu'on  voit  faire  tous  les  jours  aux  In- 
diens ,  parce  qu'ils  y  font  habitués  depuis  leur 
enfance.  MS.  entre  les  mains  de  l'auteur. 
Note  XLV,  pag.  206. 
Don  Antoine  Ulîaa ,  qui  a  parcouru  une  gran» 
de  partie  du  Pérou  &  du  Chili,  le  royaume  de 
h  Nouvelle  Grenade  &  plufieurs  autres  provinces 
qui  bordent  le  golfe  du  Mexique  ,  pendant  les 
dix  années  qu'il  a  travaillé  avec  les  macbéinati* 
GÎens  François  ,  &  qui  eut  en  fuite  oecafîon  de 
voir  les  habitans  de  l'Amérique  feptentrionale  ^ 
dit  :  jt  quand  on  a  vu  un  feul  Américain  ,  on 
peut  dire  qu'on  les  a  tous  vus  ,  tant  ils  fe  ref« 
femblent ,  par  le  teint  &  par  la  figure  ".  Notic, 
Amerkanas  ,  p.  308.  Un  obfervateur  plus  an- 
cien ,  Pedro  de  Cieca  de  Léon,  un  des  conqué- 
rans  du  Pérou ,  qui  a  traverfé  auiîr  plufieurs 
provinces  de  l'Amérique,  alTure  que  ces  peuples, 
■hommes  &  femmes  ,  paroiffent  être  tous  enfans 
d'un  même  père  &  d'une  même  mère  ,  malgré 
le  nombre  infini  de  peuplades  ou  de  nations  & 
k  diverfîté  des  climats  qu'ils  habitent,  Chronica. 
del  Peru,  parte  i,  c,  ig,  Gn  ne  peut  pas  doutée 
qu'il  n'y  ait  une  certaine  combinaifon  de  traHs 
&  un  certain  air  particulier  qui  forment  cs^ 
qu'on  peut  appeller  une  figure  Européenne  O'i 
Afiatique.    Il  doit  donc   y   en  avoir  une   auiS 

T  4 


*44'2^  Notes 

qu'on  peut  nommer  figure  Américaine  &  qui  doit 
être  propre  à  la  race  entière.  Ce  caradere  gé- 
néral peut  frapper  les  voyageurs  au  premier  coup- 
d'ϔl,  tandis  que  les  nuances  qui  diftinguent  les 
peuples  de  différentes  régions  échappent  à  leurs 
obfervations*  Mais  lorf^ue  des  perfonnes  qui 
ont  n  longtems  réfidé  parmi  les  Américains , 
atteftent  toutes  cette  refTemblance  de  figure  dans 
les  difFérens  climats,  nous  pouvons  en  conclure 
qu'elle  eft  plus  remarquable  que  celle  d'aucune 
autre  race  d'hommes.  Voyez  auffî  Garcia  orîgen,' 
de  los  IndîoSy  p,  54-242.  Torquemada,  Monarch. 
Jnd,  II,  571. 

Note  XLVI,  pag,  2o3. 

M.  le  chevalier  Pinto  dit ,  qu'on  lui  a  afTii- 
ïé  qu€  dans  les  parties  intérieures  du  Bréfîl  on 
trouve  quelques  individus  qui  reflemblent  aux 
BlafFards  dû  Darien  ,  mais  que  la  race  ne  s*ea 
propage  point  &  que  leurs  enfans  font  femblables 
aux  autres  Américains,  Cette  efpece  d'hommes 
çft  cependant  peu  connue,  MS»  entre  les  mains 
ds  r auteur. 

Note  XL VII,  pag.  214. 

L'auteur  des  Recherches  philojophîques  ^  ^c.  tome 
1  ,  p,  281  ,  t?c.  a  rafTemblé  &  conftaté  avec 
beaucoup  d'exaflitude  les  témoignagnes  de  plu- 
fieurs  voyageurs  touchant  les  Patagons.  Depuis 
la  publication  de  cet  ouvrage,  plufieurs  naviga- 
teurs ont  vifité  les  terres  Mageilaniques ,  &  dif- 

fç- 


ET  EÔLAIRCISSEMENS.  44T' 

ferent  beaucoup ,  ainfî  que  leurs  prédéceiïeurs , 
dans  les  relations  qu'ils  ont  données  des  habi- 
tans  de  ce  pays.  Suivant  le  Commodore  Byron 
&  fon  équipage  ,  qui  palTerent  le  détroit  ea 
1764,  la  grandeur,  ordinaire  des  Patagons  eil:  de 
huit  pieds  ;  plufieurs  même  font  beaucoup  plus 
grands:  FhiLtranfa^,  ml.  LFH ,  p,  78.  Los 
capitaines  Wallis  &  Carteret  qui  les  ont  réelle- 
ment mefurés  en  1766,  difent  qu'ils  ont  fis  piedf 
&  jufqu'à  fîx  pieds  ciaq  &  fept  pouces:  Vhfh 
tranfaU,  vol,  LX,  p,  22.  Ces  derniers  paroilTeiît 
cependant  avoir  été  le  même  peuple  dont  on  -ar 
û  fart  exagéré  la  grandeur  en  1754  ,  puifqita* 
plufieurs  avoient  encore  des  coiriers  &  de  la  ik-- 
nelle  rouge  de  la  môme  efpece  que  celle  qu'on' 
avoit  mife  à  bord  du  vailTeau  du  capitaine  WaW 
lis  'f  d'où  il  conclut  fort  naturellement  qu'ils^ 
avoient  reçu  ces  préfens  de  M.  Byron  :  Foj» 
rédigés  par  Hawkefwdrth ,  tom*  L  M.  de' 
Bougainvilîe  les  mefura  de  nouveau  en  1767, 
&  fon  rapport  s'approche  beaucoup  de  celui  dyï 
capitaine  Wallis.  Foy,  tom,  /,  p,  242.  Aux  té- 
moignages que  je  viens  de  citer,  j'en  ajouterai  en- 
core un  autre  d'un  grand  poid&.  En  Î762,  Don 
Bernard  Ibagnez  d'Echavarri  accompagna  le  mac- 
quis  de  Valdelirios  à  Buenos  •  Ayres-,  oi\  il  réil:. 
da  pendant  plufieurs  années^  C'efi:  un  auteiîr 
fort  judicieux  &  qui  parmi  fes  compatriotes  paifè 
p©«f  ne  s'être  pas  écarté  de  la.  vérité»    En  p2i> 

X5 


|4î  Notes 

lant  des  contrées  qui  fe  trouvent  à    l'extrémité 
Biéridionale  de  l'Amérique ,  il  dit  :  ?>  par  quels 
Indiens  font-elles  habitées?  Ce  n'eft certainement 
pas  par  les  fabuleux  Patagons,  qui,  à  ce  qu'on 
prétend,  occupent  ce  dillrift.  Plufieurs  témoin* 
oculaires  qui  ont  vécu  &  commercé  avec  ces  In- 
diens, m'en  ont  donné   une   defcription  exadte. 
Us  font  de  la  même  taille  que  les  Efpagnols;  je 
n'en  ai  jamais  vu  qui  eût  plus  de  deux  vares  & 
deux  ou  trois  pouces";    c'eft^à-dire,   environ 
So  ou  8i,  332  pouces  Angloîs ,  lî  M.  Echavairi 
a    calculé   d'après  la   vare  de  Madrid  ;  ce   qui 
s'accorde  beaucoup  avec  la  mefure  donnée  par 
le  capitaine  Wallls.  Reym  Jejuît  ,  p,  238.    M^ 
f  alkener  ,  qui  a  demeuré  pendant   quarante  ans 
comme  mifîlonnaire  dans  les  parties  méridionales 
de  l'Amérique  ^  dit  que  „les  Patagons  ou  VueU 
eJies  font  un  peuple   d'une  grande   taille,'   mais 
jje  n'ai  jamais  entendu  parler  de   cette  race  de 
géants  dont  quelques  voyageurs  ont  fait  mention> 
quoique  j'aie  vu  les  individus  de  différentes  peu» 
plades  des  Indiens  méridionaux".  Introd.  p,  i(k 
Note  XLVIH,  pa^,  220. 
Antoine  Sanchès  Ribeiro,  favant  &  ingénieux 
médecin,  a  publié  en  1765  une  differtation ,  par 
laquelle  il  cherche  à  prouver  que  cette  maladie 
n''3  pas  été  apportée  de  l'Amérique,  mais  qu'el- 
le a  pris  naiffance  en  Europe ,  où  elle  a  été  la  (uU 
te  à:wi^  maladie  égidémique  &  maligne,    ^i  j^ 


ET  R  CL  A I R  C I  S  SE  M  EN  S.  ,  443 

VGulois  entrer  ici  dans  une  difcufTion  fur  ce  fu. 
Jet  t  dont  je  n'aurois  pas  parlé  s'il  n'avoit  p^s 
été  intimement  lié  avec  mes  recherches ,  il  ne 
feroit  pas  difficile  de  faire  voir  quelques  mépri. 
fes  dans  les  faits  fur  lefquels  il  fe  fonde  ,  & 
quelques  erreurs  dans  les  conféquences  qu'il  en' 
tire.  La  communication  rapide  de  cernai,  «ie- 
TEfpagne  fur  toute  l'Europe,  reflemble  plus  au- 
progrès  d'une  épidémie  qu'à  une  maladie^  tranfmî- 
fe  par  contagion.  On  en  a  parlé  pour  la  pre- 
mière fois  en  Europe  en  i4<?3 ,  &  avant  l'année^ 
1497  ce  mal  s'étoit  déclaré  dans  prefque  tou^ 
tes  les  contrées  de  l'Europe  avec  des  fymptô-- 
mes  fi  alarmans,  qu'on  jugea  nécelTaire  d'interpo^ 
fer  l'autorité  civile  pour  en  arrêter  le  progrès;^ 
Depuis  que  cet  ouvrage  a  paru  ,  on  m'a  com- 
muniqué la  differtation  du  Dcxîleur  Sanchès.  Et- 
le  contient  plufîeurs  autres  faits  tendans  à  con- 
firmer fon  opinion.  Elle  eft  étayée  de  preuves- 
aiïez  plaufibles  pour  mériter  l'attention  &-  leS' 
recherches  de  quelques  médecins  favans^. 
Note  XLIX,  ^ag,  226. 

Le  peuple  d'Otahiti  n'a  point  de  terme  pour 
fignifier  un  plus  grand  nombre  que  celui  de  deus: 
cents,  qui  fiîffit  pour -fes  calculs.  Relât.  dss  myu^ 
ges  ^c.  par  Havjksfwvrth ,  trad.  Franc.,  în  -  ^ 
Farts  1774,  t,  //,  p.  502. 

Î^TS  L,-.  pag.  235* 

CcMTïme  la  peintir^e  que  j'ai  faite  des  mifimm 

Té 


444  Notes 

fauvages,  dîfFere  beaucoup  de  celle  que  nôu^  qvî 
ont  donnée  des  auteurs  très  -  eftimables  ,  il  efl 
peut-être  néceiïaire  de  produire  ici  quelques-unes 
des  autorités  fur  lefquelles  j'ai  fondé  ma  defcrip» 
tion.  Janrais  les  mœurs  des  fauvages  n'ont  été 
décrites  par  des  perfonnes  plus  en  état  de  les  ob- 
ferver  avec  difcernement  que  les  philofophes.em^ 
ployés  en  1735  par  la  France  &  par  l'E^agne 
pour  déterminer  la  figure  de  la  terre.  M.  Boa- 
guer,  Don  Antonio  Ulloa  &  Don  George  Juan 
ont  vécu  longtems  parmi  les  nations  les  moins 
civilifées  du  Pérou.  M.  de  la  Condamine  a  eu 
non-feulement  aufS  cette  occafion  de  les  obfer- 
ver,  mais  en  defeendant  le  Maragnon  il  a  été  h 
portée  de  voir  les  différentes  peuplades  qui  ha^ 
bitent  fur  les  bords  de  cette  rivière  dans  fon  long 
cours  au  travers  du  continent  de  l'Amérique  mé^ 
lidionale. 

Il  y  a  un  rapport  frappant  entre  les  defcrip- 
tîons  qu'ils  nous  ont  données  du  caraclere  des 
Américains,  ils  font  tous  d'une  parelTe  extrême , 
dit  M.Boiiguer;  ik  pafleront  des  journées  entie- 
ïes  dans  la  même  place,  aOîs  fur  leurs  talons  , 
fans  remuer  ni  fans  rien  dire. . .  On  ne  peut  alTea 
dire  combien  ils  montrent  d'indifférence  pour  les 
licheHes  &  même  pour  toutes  leurs  commodi- 
tés. ...  On  ne  fait  fou  vent  quelle  efpece  de  mo- 
tif leur  propofer  lorfqu'on  veut  en  exiger  quel- 
que fgrvic?.....  On  kur  offre  inutil^insnt  q^iel 


ti, 


ET     BCLAIRCI5SEMEN5.  44.^ 

ques  pièces  d'argent,  ils  répondent  qu'ils  n'onc 
pas  faim.  Voy,  au  Pérou,  î/î-40.  Paris  1749-, 
p.  102. 

Si  on  les  regarde  comme  des  hommes  ,   les 
bornes  de    leur  intelligence  femblent  incompati- 
bles avec  l'excellence  de  l'ame ,  &  leur  imbécil* 
lité  eft  fî  vilible  qu'à  peine  en  certains  cas  peut- 
on  fe  faire  d'eux  une  autre  idée  que  celle  qu'on 
a  des  bêtes.    Rien  n'altère  la  tranquillité  de  leur 
ame,  également  infenfible  aux  reveys  &  aux  prof* 
pérîtes.    Quoiqu'à  demi-nuds,  ils  font  aufïï  con- 
tens  que  le  roi  le  plus  fomptueux  dafns  fes  habile 
lemens.    Les  richelTes  n'ont  pas  le  moindre  at* 
trait  pour  eux ,  &  l'autorité  &  les  dignités  où  ils 
peuvent  prétendre,  leur  paroiflent  fi  peu  des  ob. 
jets  d'ambition  ,  qu'un  Indien  recevra  avec  la 
même  indifférence  l'emploi  d'alcade  &  celui  def 
bourreau,  fi  on  lui  6tQ  l'un  pour  lui  donner  l'au» 
tre.  Rien  ne  peut  les  émouvoir  ni  les  faire  chan* 
ger;  l'intérêt  n'a  aucun  pouvoir  fur  eux,  &  fou# 
vent  ils  refufent  de  rendra  un  petit  fervice,  quoi- 
que fur  s  de  recevoir  une  groiïe  récompenfe.    La 
crainte  ne  fait  aucun  effet  fur  eux  ;   le  refpe^ 
n'en  produit  pas  davantage  :  difpofition  d'autant 
plus  finguliere  qu'on  ns  peut  la  changer  par  au- 
cun moyen  :  on  ne  peut  ni  les  tirer  de  cette  in* 
différence  qui  eO:  à  répreuve  des  efforts  des  hornsf^ 
mes  les  plus  habiles ,  n-i  leur  faire  renoncer  à 
♦cette  groilîere  ignorance,  ni  à  cette  négli^nce  iô«. 

T7 


44Ô'  Note    s 

^uciante,  qui  déconcertent  la  prudence  de  ceuï 
qui  s'occupent  de  leur  b'iQn-ètïQ,  Foy.  de  Ulloar 
t*  I,  p.  33J-33<5.  H  cite  des  traits  extraordînai- 
Tes  de  ces  qualités  fînguîieres,  p.  33<)-34T«  )»L'ini- 
fenfibilité,  dît  M.  de  la  Condamine,  fait  la  bafe 
du  caraftere  des  Américains.  Je  laifTe  à  décider 
fi  on  la  doit  honorer  du  nom  d'apathie,  ou  l'a- 
vilir par  celui  de  ftupidité.  Elle  nait  fans  doute 
du  petit  nombre  de  leurs  idées,  qui  ne  s'étend 
pas  au  -  delà  de  leurs  befoins.  Gloutons  jufqu'à  la 
voracité  quand  ils  ont  de  quoi  la  fatisfaire  ;  fo» 
bres  quand  la  nécelîîté  les  y  oblige,  jufqu'à  fe 
pafler  de  tout  fans  paroître  rien  defirer;  pufîlia- 
nimes  &  poltrons  à  l'excès,  fî  l'ivretTe  ne  les 
tranfporte  pas  ;  ennemis  du  travail  ;  indifFérens  à- 
tous  motifs  de  gloire,  d'honneur  &  de  recon- 
noilTance;  unique.nent  occupés  de  l'objet  pré- 
fent ,  6c  toujours  déterminés  par  lui ,  fans  inquié- 
tude pour  l'avenir  ;  incapables  de  prévoyance 
&  de  réflexion;  fe  livrant  quand  rien  ne  les  gêne 
à  une  joie  puérile,  qu'ils  manifedent  par  des 
fauts  &  des  éclats  de  rire  immodérés,  fans  objet 
&  fans  delTein;  ils  pafTent  leur  vie  fans  penfer, 
^&  ils  vieilliiTent  fans  fortir  de  l'enfance  dont  lit 
confervent  tous  les  défauts-.  Si  ces  reproches  ne 
îegardoient  que  les  Indiens  de  quelques  provinces 
du  Pérou ,  auxquels  il  ne  manque  que  le  nom^ 
d'efclaves,.  on  pourroif  croire  que"  cette  efpece 
d'abrutiffement  naît  de  la  fervile  dépendance  oh 


ET     E  ex  A  m  C I S  S  EME  NS.'  447 

îîs  vivent;  l'exemple  des  Grecs  modernes  prou* 
vant  alTez  combien  l'efclavage  eft  propre  à  dé- 
grader les  hommes^;,  mais  les  Indiens  des  miflions 
&  les  fauvages  qui  jouiflent  de  leur  liberté',  étant 
pour  le  moins  auffî  bornés,  pour  ne  pas  dire  auffî 
ftupides  que  les  autres ,  on  ne  peut  voir  fans  hu- 
miliation combien  l'homme  abandonna  à  la  Am- 
ple nature,  privé  d'éducation  &  de  fociété',  dif* 
fere  peu  de  la  bête".  Relat,  abrégée  d*un  voyage ^^ 
^c,  p,   52,   53.  M.  de  Chanvalon,.  obfervateur 
rnteHigent  &  philofophe,  qui  fe  rendit  à  la  Mar- 
tinique en  1751 ,  &  qui  y  réiîda  pendant  fîx  ans  5. 
a  fait  des  Caraïbes  le  portra-it  fuivant.  «  Ce  n'eft 
pas  la  couleur  rougeâtre  de  leur  teint,  ce  ne  font 
pas  leurs  traits  difFérens  des  nôtres ,  qui  mettent 
«me  fi  grande  différence  entr'eux  &  nous;  c'efl 
leur  excefîîve  fimplicité,  ce  font  les  bornes  dé  leur 
conception.  Leur  raifon  n'eîl  pas  plus  prévoyant 
te  que  l'inftinft  des  bêtes.    Celle  des  gens  de  \z 
campagne  les  plus  greffiers,  celle -même  des  rs- 
gres  élevés  dans  les  parties  de  l'Afrique  les  plus- 
éloignées  du  commerce,.  laiÏÏe  entrevoir  quelque, 
fois  une  intelligence  encore  enveloppée,  mais  ca"- 
pabl^e  d^^accroifTement.     Celle  des    Caraïbes   ne^ 
paroît  prefque  pas  en  être  fufceptible.    Si  la  fai- 
ne philofophie  &  la  religion^  ne  noua  prétoient 
pas  leurs  lumières  ;  fi  i'or^  fe  déeidolî  par  les  pre- 
mières impulfions  de  l'^efprif,  on  feroit  porté  d'a^ 
bc«d  à  croire  que  ces  peuples  n'appartiennent  pââ- 


;|4^  N    a    T    a    g 

à  la  même  efpece  humaine  que  nous.  Leur?  yeiîjf 
ftupides  font  le  vrai  miroir  de  leur  ame  ;  elle  pa- 
roît  fans  fondions  ;  leur  indolence  efl:  extrême,. 
Jamais  de  foucis  pour  le  moment  qui  doit  fuccé» 
der  au  moment  préfent.  Foyage  à  la  Martinique , 
h  44 >  45- 5 ï.  M,  de  la  Borde,  Dutertre  &  Ro- 
chefort  confirment  cette  defcription.  Les  marques 
.earaélériftiques  des  Californiens ,  dit  le  Père  Ve» 
negas,  de  mime  que  de  tous  les  autres  Indiens, 
font  la  ftupidité  6c  l'infenfîbilitéi  le  défaut  de  con-' 
noiffance  &  de  réflexion;  l'inconllance,  l'impé* 
tuofîté  &  un  appétit  aveugle  ;  une  pareîîè  excef-  . 
fîve  qui  leur  fait  abhorrer  la  fatigue  &  le  travail; 
l'amour  du  plaiGr  &  des  amufemens,  quelqu'infî- 
pides  ôcgrofEers  qu'ils  foient;  la  puflîllammité  & 
îe  découragement;  en  un  mot,  le  défaut  total  Se 
âbfolu  da  tout  ce  qui  conftitue  l'homme ,  &  le 
rend  raifonnable,  inventif,  traitable,  utile  à  lui- 
même  &  à  la  fociété.  Il  n'efl  pas  aifé  aux  Euro- 
péens qui  ne  font  pas  fortis  de  leur  pays,  de  f@ 
former  une  jude  idée  des  peuples  dont  je  parle. 
On  auroit  de  la  peine  à  trouver  dans  le  recoin  le 
moins  fréquenté  du  globe,  une  n-atîon  aulîî  ftupi» 
de,  auliî  bornée,  auiîî  foible  d'efprit  &  de  corps 
que  les  malheureux  Californiens.  Leur  intelligen- 
ce ne  va  pas  au-delà  de  ce  qu'ils  voient:  les 
idées  abilraites,  les  raifonnemens  les  moins  com- 
pliqués font  hors  de  leur  portée,   de  manière 
<^'iis  ne  perfeclioanent  prefque  j^œais  leurs  pre^ 


ET    ÏCLAIRCISSEMENS.  449 

mieres  idées;  encore  font-elles  faufles  &  impar- 
faites. On  a  beau  leur  faire  fentir  les  avantages 
qu'ils  peuvent  fe  procurer  en  agiflant  de  telle  ou 
.  telle  façon ,  ou  en  s'abllenant  de  ce  qui  les  fiât' 
te:  on  ne  gagne  rien  fur  eux;  ils  ne  peuvent 
comprendre  le  rapport  qu'il  y  a  entre  les  moyen» 
&  les. fins;  ils  ne  favent  ce  que  c'eft  que  de  s'oc- 
cuper à  fe  procurer  un  bien  ou  à  fe  garantir  d'un 
mal  dont  ils  font  menacés.  Leur  volonté  eft  prc 
portionnée  à  leurs  facultés,  d  coûtes  leurs  paf- 
.  fions  n'agilTent  que  dans  une  fphere  très -bornée. 
Ils  n'ont  abfolument  point  d'ambition ,  &  ils  font 
infiniment  plus  jaloux  de  pafler  pour  robuftes  que 
pour  vaill ans,  ils  ne  connoiffent  ni  l'honneur, 
ni  la  réputation,  ni  les  titres,  ni  les  pofles,  ni 
les  diftinélions  de  fupériorité  ;  de  manière  qu9 
Tambition ,  ce  puilTânt  reiîbrt  des  aftions  humai» 
nés ,  qui  caufe  tant  de  biens  apparens  &  tant  de 
maux  réels  dans  le  monde,  n'a  aucun  pouvoir 
fur  eux.  Cette  difpofition  d'efprit  les  rend  non» 
feulement  pareffeux,  indolens,  inaclifs  &  enne- 
mis du  travail ,  mais  leur  fait  encore  failîr  aves 
emprelTement  le  premier  objet  qui  fe  préfente  de- 
vant eux  pour  peu  qu'il  leur  plaife.  Ils  regar- 
dent avec  indifFérence  les  fervices  qu'on  leur 
rend,  &  n'en  confervent  aucune  reconnoiflance. 
En  un  mot ,  on  peut  les  comparer  à  des  enfans 
en  qui  la  raifon  n'ell  pas  encore  développée.  C'eft 
proprement  une  nation  chez  qui  aucun  individa^ 


450  ^     0     T    E     ê       ' 

'ne  parvient  à  l'âge  viril.  Hift,  nat.  ^ civil,  de  /«i 
Califor,  t.  î,  p.  85-90,    M.  Ellis  parle- de. mêmç  1 
de  l'indo'ence  &   du  caraftere  inconféquent  du- 1 
peuple  qu'on  trouve  près  de  la  baie  de  Hudfon, 
Foy,  p.  194»   19'- 

Les  Américains   font  il  ftupides  que  tous  les 
negies  en  général  ont  une  aptitude  beaucoup  plus 
grande  qu'eux  à  apprendre  les  diiFérentes  chofe»- 
qu'on  veut  leur  enfeigner ,  &  dont  il  leur  eft  im»» 
pofTible  de  faifir  l'idée;    c'eft  pourquoi  les  nè- 
gres, quoiqu'efclaves,  fe  croient  des  êtres  d'une 
nature  fupérieure  aux  Américains ,  qu'ils  ne  re- 
gardent qu'avec  mép'ris,   comme   incapables  de 
•idifcernement  &.  de  raifon.  Ulloa,  Notie,  Ammt. 
h  322,  323.  ^. 

Note  LI,  pag*  244. 
J'ai  remarqué  ,  page  202  ,    que  c'eft  pour  I»  ; 
înême  raifon  qu'ils  ne  cherchent  jamais   à  éleveî 
les  enfans  foibles  ou  mal-faits.    Ces  deux  idéea 
font  fi  profondément  imprimées  dans  l'efprît  de» 
Américains,  que  les  Péruviens^  qui  font  très-ci- 
vilifés  fî  on  les  compare  avec  les  peuples  fauva» 
ges  dont  je  dépeins  les  mœurs,  les  ont  retenues^^ 
malgré  leur  commerce  journalier  avec  les  Efpa- 
gnols.    Ce  peuple  regarde  encore  la  naiffance  - 
des  jumeaux  comme  un  événement  de  mauvais 
augure,  &  les  parens  ont  recours  à  des  adles  de 
la  plus  rigoureufe  mortification  pour  écarter  les 
malheurs  dont  ils  font  menacés,    Lorf(xu'un  en» 


IT     ÉCLAIRCi  JSEMENS^  45Z 

fant  efl:  né  avec  quelque  difformité ,  ils  cherchent 
à  éviter  de  le  faire  bapcifer,  &  ce  n'eft  pas  fan& 
peine  qu'on  les  engage  à  le  nourrir.  Ariaga,  ex^ 
tirpacy  de  la  Idolat.  del  Peru ,  p.   32  j  33. 
Note  LU,  pag,  2S0» 
La  quantité  de  poiflfon,  qu'on  trouve  dans  lef 
!  rivières  de  l'Amérique  méridionale  eft  fi  confidé-' 
i  rable  qu'elle  mérite  queiqu'attention.  Le  P.  Aca* 
gna   dit ,  „  qu'il  y  a  une  G  grande  quantité   de 
fpoiflbn  dans  le  Maragnon ,  qu'on  peut  le  prendre 
avec   la    main    fans    employer   aucun    art^ifîce  s 
p.  13S".  L'Orénoque,  dit  le  P.  Gumilla,   pro- 
duit une  fî  grande  quantité  de  tortues  que  je  ne 
faurois  trouver  des  termes  pour  l'exprimer.    J^ 
ne  doute  même  pas  que  ceux  qui  liront  ce  que 
je  vais  dire,  ne  m'accuferit  d'exagérer  la  chofe; 
mai&  je  puis  les  alTurer  qu'il  efl:  auffi  difBcile  de 
les  compter  que  de  compter  le  fable  des  rivages 
dQ  rOrénoque.     On  peut  juger  de  leur  quantité 
par  la  confommation  extraordinaire    qu'il    s'ent 
fait;  car  toutes  les  nations  &   tous   les  peuples 
voifins  de  ce  fleuve,  &  mêm^  ceux  quîen  font 
éloignés,  s'y  rendent  avec  leurs  familles  pour  eih 
•faire  la  récolte  ;  &  non  -  feulement  ils  s'en  nour-  ^ 
xiflent  tout  le  tems  qu'il  dure,  mais  ils  en  font 
.même  fécher  pour  les  emporter  chez  eux ,    y 
joignant  une  multitude  de  corbeilles  pleines  d'œufs^ 
qu'ils  ont  fait  cuire  au  feu ,  &c.   Hift.  de  l'Oré* 
^  f  /5 ,  tome  II,  ck.  22 ,  p.  59,'  6a.  M.  de  Ia_  Con» 
damine  confirme  ces  récits;  p.  159, 


45^  Notes 

Note  LUI,  pag.  251. 

Fifo  a  décric  deux  de  ces  plantes,  la  cururuafi' 
&  la  guajma-tiîïibo.  Il  eft  fingulier  que ,  quoiqu'el- 
les opèrent  ce  fatal  effet  fur  les  poiiïbns ,  bieni 
loin  d'être  nuifibles  à  l'homme  ,  on  s'en  ferti 
avec  fuccês  dans  la  médecine.  FifOt  lîb,  IF  ^  c* 
88.  Bancroft  parle  d'une  autre  plante,  nomméei 
hiarrén ,  dont  une  petite  quantité  fufîit  pour  eni- 
vrer les  poifTonj  à  une  diftance  confidérabîe  ;  de^ 
forte  qu'en  peu  de  mîimccs  ils  flottent  fans  mou*< 
vement  fur  la  furface  de  l'eau  y  où  il  eft  facile  dsj 
ÏGS  prendre.  Nat,  hift,  of  Guîana ,  p.  iq6. 
Note  LIV,  pag.  255. 

Nous    avons  des  exemples  remarquables  deti 
malheurs  auxquels  des  nations  fauvages  ont  étéJ 
expofées  par  la  famine.     Alvar  Nugnès  Cabecaj 
de  Vaca ,  l'un  des  plus  braves  &  des  plus  ver- 
tueux avanturiers  Efpagnols,  a  demeuré  pendant 
neuf  ans  parmi   les  fauvages  de  la  Floride  qui 
ignoroient  toute  efpece  d'agriculture,  &  dont  ^ 
nourriture  étoit  auffi  mauvaife  que  précaire  '*,  Ilâ!i 
vivent  principalement ,   dit- il,  des  racines  de» 
plantes,  qu'ils  ne  fe  procurent  qu'avec  beaucouj:** 
de  peine,  en  errant  de  tous  côtés  pour  les  cher* 
cher.    Ils  tuent  quelquefois  un  peu  de  gibier  ou 
prennent  du  poifFon,  mais  en  fi  petite  quantité, 
que  la  faim  les  oblige  à  manger  des  araignées 
des  œufs  de  fourmis,  des  vers,  des  lézards,  des- 
fcrpens  &  une  efpece  de  terre  onélusufej  je  fuis» 


ET    fiCLAIRCISSEMENS.  453 

!nême  perfuadé  que  s'il  fe  trouvoit  dans  ce  pays 
quelques  pierres,  ils  les  avaleroient.  Ils  gardent 
les  arêtes  de-poiflbn  &  de  ferpent,  qu'ils  rédui- 
fent  en  poudre  pour  les  manger.    La  feule  faifoa 
pendant  laquelle  ils  ne  foufFrent  point  de  la  fa- 
mine, eft  celle  où  fe  mûrit  un  certain  fruit,  qu'ils 
^nomment  tunas.  C'efl;  le  même  que  Vopuntîa,  ou 
poire  piquante,  dont  la  couleur  eft  rougeâtre  & 
d'un  acabit  doux  &  inllpide.  Ils  font  fou  vent  obli- 
gées de  s'éloigner  beaucoup  de  leurs   demeures 
pour  en  trouver.  Nanfragias ,  c.  18 ,  p.  20 ,  27 , 
22.  Il  remarque  dans  un  autre  endroit  qu'ils  font 
fouvent  réduits  à  pafler  deux  ou  trois  jours  fans 
manger.  C.  24,  p.  27. 

Note  LV,  pag.  258. 
M.  Fermin  a  donné  une  defcrîption  exacte  des 
deux  efpeces  de  manioc,  avec  un  détail  fur  la 
manière  de  les  cultiver  ;  à  quoi  il  a  joint  quel- 
ques expériences  qu'il  a  faites  pour  fe  convain- 
cre des  qualités  veneneufes  du  fuc,  extrait  de 
refpece  qu'il  appelle  cajjave  amere,  connue  par- 
j  mi  les  Efpagnols    fous   le  nom  de  Tiica-hrava, 
Dejcriptt  de  Surinam,  t.  I ,  p.  66» 
Note  LVI  ,  ihid. 
On  trouve  le  plantain  en  Afie  &  en  Afrique, 
suffi  bien  qu'en  Amérique.    OTÎedo  prétend  que 
ce  n'ell  point  une  plante  indigène  du  nouveau 
monde ,  mais  qu'elle  a  été  portée  à  Hifpaniola  en 
1516,  par  le  P.  Thomas  de  Bsrlanga,   qui  l'a» 


4J4  N    o    T    E    «         -  î 


voit  pnTe  aux  ifles  Canaries,  où  les  boutures  ori* 
ginalres  en  avoient  été  apportées  des  Indes  orien» 
tsies.  Oviedo,  lîb,  FIIJ^  c,  i:  cependant  l'opi- 
îiion  d'Acofta  à.  d'autres  Naturaliftes  qui  la  re-- 
gardent  comme  une  plante  de  TAmérique  paroît 
mieux  fondde.  Accjla,  hijî.  nat.  lib,  /K,  21.  Ellôi 
^toit  cultivée  par  des  peuples  fauvages  de  l'Amé- 
îique,  qui  avoient  peu  de  comirunication  avec 
les  Efpagnols,  &  qui  étoient  privés  de  cette  in- 
telligence qui  porte  l'homme  à  imiter  des  nations 
étrangères  ce  qui  peut  lui  être  utile,  Cimil.  III,] 
$,  186.  Foy.  de  Wafer,  p.  87, 

Note  LVII ,  pag.  261. 
11  efi:  furprenant  qu'Acofla ,  l'un  des  écrivains,» 
les  plus  exa6ts  &  les  plus  inftruits  fur  les  affaires  ■ 
d'Amérique ,  affirme  que  le  maïz ,  quoique  culti 
vé  fur  le  continent,  n'étoît  pas  connu  dans  lea» 
ifles,  où  l'on  ne  mangeoit  que  du  pain  de  cafla-; 
ve:  hiji,  nat,  lib.  If^,  c.  16.    Mais  P.  Maityr^, 
dans  le  premier  livre  de  Tes  Décades ,  qu'il  écri- 
vit en  I49:i .  après  le  retour  du  premier  voyage 
de  Colomb,    cite   expreffément  le  msïz  comme; 
-une  plante  cultivée  par  !es  infulaires,  &  dont  ila-^ 
faifoicnr  du  pain,  p.  7.  Gomera  alTure  aufîi  qu'ils 
connoifToîenr  la  culture  du  maïz  :  hîfl-  génér.  c,  28. 
Oviedo  décrit  le  m;ua,  fanj»  dire  que  ce  fût  une 
plance  qui  n'étoit  pas  naiureiie  à  Hifpanioia.  Li^> 
Vil ,  c.  I. 


'.^ 


£T     E^LAIRCISSEMENS.  4$^ 

(*;  Note  LVIII,  pa§,  270. 
La  Nouvelle  Hollande,  pays  qu'on  ne  connoif- 
foit  autrefois  que  de  nom  ,  mais  qui  depuis  peu  a 
[été  vifitée  par  des  obfervaLeurs  intelligens,  efl 
fituée  dans  une  région  du  globe  où  l'on  doit  jouir 
d'un  climat  très- heureux,  puif^u'elle  s'étend  de- 
puis le  dixième  jufqu'au  trente-huit'eme  degré  de 
lotitude  feptentrionale.  Sa  furfacii  quarrée  doit 
être  plus  grande  que  celle  de  toute  l'Europe^ 
Le  peuple  qui  en  habite  les  différentes  parties, 
paroît  ne  former  qu'une  feule  race.  Il  eft  évi- 
demment moins  civilifé  que  la  plupart  des  Araé- 
tlcains  &  a  fait  moins  de  progrès  dans  les  arts 
de  la  vie.  On  n'apperçoit  pas  la  moindre  trace 
de  culture  dans  toute  cette  vafte  étendue  de  ter* 
re.  Les  habitans  font  en  fi  petit  nombre  que 
le  pays  paroît  prefque  défert.  Leurs  tribus  font 
beaucoup  moins  confîdérables  que  celles  de  l'A- 
mérique. Ils  ne  vivent  pour  ainO  dire  que  de 
poIOTon;  ils  n'ont  point  de  demeure  fixe,  mais  er- 
rent de  côté  &  d'autre  pour  chercher  leur  nour- 
riture.  Les  deux  fexes  vont  entièrement  nuds- 
Leurs  habitations,  leurs  udenfiles,  &c,  font  plus 
fimples  &  plus  grolîiers  que  ceux  des  Américains, 
Voyages f  ^c.  par  H&ivkel'worth ,  tome  III  p.  104, 
^c»  în-40,  La  Nouvelle  Ho'Iande  efl  peut-être 

C*")  Le  renvoi  de  cette  Note  &  des  deux  fuiyarites  a 
été  oublié  dans  le  Texie.  Les  deux  premières  fe  rappof* 
tcm  à  la  page  270,  &  la  troifîsmc  k  la  page  271. 


455  Notes 

le  paj'S  oîi  Ton  trouve  l'homme  dans  Tdtat  de  h 
plus  grande  ignorance,  &  oii  il  nous  ofFre  le  plus 
-trifte  exemple  de  fa  condition  &  de  fes  moyens 
dans  cet  état  de  nature  brute.    Si  dans  la  fuite 
de  nouveaux  voyageurs  y  font  des  recherches  plu^ 
exades,  Ja  comparaifon  des  mœurs  de  fes  habi* 
tans  avec  celles  des  Américains  ne  pourra  man- 
quer de  former  un  article  intéreffant  &  inftrudif 
pour  l'hiftoire  de  l'efpece  humaine. 
Note  LIX,  pag.  270. 
Le  P.  Gabriel  Marefl,  que  les  affaires  de  fa 
iniffion  obligèrent  de  fe  rendre  de  Cajcaskîas  ,  vil» 
lage  des  llinois,  à  MachîlUmakinac  y  c*efl-2-dire  à 
plus  de  trois  cents  lieues  de-là,nous  donne  de  ce 
pays  la  defcription  fuivante:  ,,  nous  avons  mar» 
ché  pendant  douze  jours  fans  rencontrer  une  feu- 
le ame.    Tantôt  nous  nous  trouvions  dans  des 
prairies  à  perte  de  vue ,  coupées  de  ruifleaux  &  :. 
de  rivières,  fans  trouver  aucun  fentîer  qui  nous 
guidât;  tantôt  il  falloit  nous  ouvrir  un  paffage  â  . 
travers  des  forêts  épailfes ,  au  milieu  de  broffail-  • 
les  remplies  de  ronces  &  d'épines  ;  d'autres  fois  ï 
nous  avions  à  palTer  des  marais,  pleins  de  fange, ., 
où  nous  enfoncions  quelquefois  jufqu'à  la  ceintu- 
re.   Après  avoir  bien  fatigué  pendant  le  jouri 
il  nous  falloit  prendre  le  repos  de  la  nuit  fur 
l'herbe  ou   fur  quelques  feuillages  ,    expofés  au  ' 
vent,  à  la  pluie  &  aux  injures  de  l'air.    Lettres 
Edîftantes,  p»  360,  3611  Le  Dr.  Biic^Qlif  dans 

une 


ET    ECLAÎÏICISSEMENJ.  457 

uns  courfe  qu'il  fie  en  1730  de  Ja  Caroline  fep- 
teiKrionale  vers  les   montagnes ,  marcha  quinze 

I  jours  fans  rencontrer  une  feule  créature  humaine: 
Nat.  hîft.  of  Nonh  CaroUna ,  p,  389.  Diego  de 

I  Ordas,  qui  voulut  former  un  établilT^ment  dans 
l'Amérique  méridionale  en  1532,  parcourut  de 
même  ce  pays  pendant  quinze  jours  fans  y  trou- 
ver un  feul  habitant,  Harera,  decatU  5,  lib.  /, 

\    C,    II. 

Note  LX,  pag,  l'ji, 

J3  fuis  fort  porté  à  croire  que  la  communauté 
de  biens  &  la  jouiiTance  commune  des  vivres  ne 
font  connues  que  des  peuples  cbalTeurs  les  plus 
fauvages ,  &  que  l'idée  du  droit  excluiîf  de  pro- 
priété fur  les  fruits  de  la  terre  naît  chez  une  na* 
tion  au  moment  qu'elle  connoît  quelqu'tfpece  d'a- 
griculture ou  d'induririe  réglée.     Les  détails  que 
j'ai  reçus  fur  l'état  de  la  propriété  chez  les  In- 
diens de  différentes   parties  de  l'Amérique  me 
confirment  dans,  cette  opinion.  „  L'idée  des  nam- 
rels  du  Bréfil  touchant"  la  propriété,  eft  que,  fî 
quelqu'un  a  cultivé  un  champ,  lui  feul  doit  joiilî: 
de  fon  produit,  fans  qu'un  autre  puitfe  y  préten- 
dre. Tout  ce  qu'un  individu  ou  une  famille  prend 
à  la  chaire  ou  à  la  pêche,  appartient  de  droit  à 
cet  individu  ou  à  cette  famille,  fans  qu'on  foit 
obligé  d'en  faire  part  à  qui  que  ce  foit,  .excepté 
aux  caciques  ou  a   quelque   parent  malade..    S: 
quelqu'un  du  village  entre  dans  leurs  cabants,  il 

T,mi  II.  V 


458  Notes 

peut  s*y  afleoir  &  manger  fans  en  demander  la 
permiffion;  mais  ce  n'eft  qu'une  conféquence  de  M 
Jeur  principe  général  d'hofpitalité;  car  je  ne  me 
fuis  jamais  apperçu  qu'ils  partageaient  la  lécolte 
de  leurs  champs  ou  le  produit  de  leur  cbafîe,  ce 
qu'on   auroit  pu  regarder  comme   le  réfultat  de 
quelqu'idée  de  communauté  de  biens.    Ils  font, 
-au  contraire  ,   fî  attachés  à  ce  qu'ils  regardent 
comme  leur  bien  propre ,  qu'il  feroit  très  -  dange- 
reux de  vouloir  les  en  priver.     Je  n'ai  jamais  vu 
ni  entendu  parler  d'aucune  nation  Indienne  de 
l'Amérique  méridionale ,    parmi    laquelle   cette 
communauté  de  biens  qu*on  vante  tant  foit  con^ 
nue.     Ce  qui  coûta  le  plus  aux  Jéfuites  à  faire 
goûter  aux  Indiens  du  Paraguay,  fut  la  jouifTance 
commune   de  biens  ,   qu'ils  introduifîrent   dans 
leurs  mifîions ,   &  qui  étoit  contraire  aux  idées 
antérieures  de  ces  Indiens.    Ils  connoiiToient  les 
droits  d'une  propriété  privée  &  exclufive,  &  v.q 
fe  foumirent  qu'avec  répugnance  à  des  lôix  qui  y 
étoient  oppofées.  MS.  de  M.  le  Chsv.  de  Pïnto , 
entre  les  mains  de  Vautmr,  „  La  poffefïïon  aéluel- 
le,  dit  un  miflionnaire  qui  pendant  plufieurs  an- 
nées a  réfidé  parmi  les  Indiens  des  cinq  nations, 
donne  un  droit  fur  un  terrein;  mais  lorfque  le 
pofTefTeur  le  quitte,  un  autre  a  le  même  droit  de 
s'en  rendre  maître  qu'avoit  eu  celui  qui  vient  de  le 
quitter.  Cette  loi,  ou  cette  coutume,  ne  regarde 
pas  feulement  le  terrein  fur  lequel  eft  bâtie  un? 


ET     ECLAIRCISSEMENS»  459 

maîfon,  mais  encore  iin  champ  cultivé.  Si  quel» 
qu'un  a  préparé  une  pièce  de  terre  pour  y  bâtir 
ou  planter,  perfonne  n'a  le  droit  de  l'en  priver, 
&  moins  encore  de  lui  enlever  le  fruit  de  fes 
travaux,  à  moins  qu'il  ne  renonce  lui  -  même  à  fa 
pofTcflîon  ;  mais  je  n'ai  jamais  entendu  parler 
d'un  aéle  formel  de  cefîîon  d'un  Indien  à  un  autre 
dans  leur  état  naturel.  Les  limites  de  chaque 
canton  font  marquées,  c'eft  •  à  -dire,  qu'il  leur  eft 
permis  de  chafTer  jufqu'à  telle  rivière  d'un  côté 
&  telle  montagne  de  l'autre.  Cet  efpace  eft  oc- 
cupé &  cultivé  par  un  certain  nombre  de  famil- 
les qui  jouiiïent  en  particulier  du  fruit  de  leur 
travail  &  du  produit  de  leur  chafle,  fans  qu'il 
foit  permis  à  la  communauté  d'y  prétendre.  MS» 
ds  M.  Hawley  Gideon,  entre  les  mains  de  l^autsur* 
Note  LXI,  pag,  274. 

Cette  différence  entre  le  caraélere  des  Améri- 
cains &  celui  des  nègres  eft  lî  frappante ,  qu'il  eft 
■priffé  en  proverbe  dans  les  ifles  Françoifes  :  „  que 
regarder  un  fauvage  de  travers ,  c'eft  ;le  battre  ; 
le  battre,  c'eft  le  tuer:  battre  un  nègre,  c'eft  le 
nourrir".  Dutertre ,  tome  //,  p.  490.  ^ 

Note  LXII,  pag,  276. 

La  defcription  de  l'état  politique  du  peuple  de 
Cinaloa  lelTemble  parfaitement  à  celui  des  habi- 
tans  de  l'Amérique  feptentrionale.  »  Ils  n'ont  ni 
loix  ni  fouver.iins  pour  punir  leurs  crimes,  dit 
un  miffionnaire  qui  a  vécu  longtems  pariai  eux, 

V  2 


4dd  N     O     T     E     îT 

Ils  n'ont  aufîî  aucune  efpece  d'autorité  ou  de 
gouvernement  politique,  qui  les  contienne  dans 
de  certaines  bornes.  Ils  ont,  à  la  vérité,  des  ca- 
ciques qui  font  les  chefs  des  familles  ou  des  vil» 
îages  ;  mais  leur  autorité  fe  borne  à  les  com- 
mander pendant  la  guerre  ou  lorfqu'ils  font  quel- 
ques  expéditions  contre  leurs  ennemis.  Cette  au- 
torité des  caciques  n'eil  pas  héréditaire,  &  ils. 
ne  la  doivent  qu'à  leur  valeur  pendant  la  guerre, 
ou  au  pouvoir  &  au  nombre  de  leurs  parens  & 
de  leurs  amis.  Quelquefois  même  ils  obtiennent 
cette  prééminence  par  leur  éloquence  à  faire  va- 
loir leurs  propres  exploits  ",  Rihas ,  hifl.  de  los 
tihmph.^c.  p.  lï.  L'état  des  Chiquitos  dans 
l'Amérique  méridionale  eft  à  peu  près  le  même. 
„lls  n'ont  aucune  forme  régulière  de  gouverne- 
ment ou  de  fociété  civile  ;  mais  fur  les  objets 
d*intérêt  public  ils  écoutent  les  confeils  de  leurs 
vieillards,  qu'ils  fuivent  ordinairement,  La  di- 
gnité de  es  ci  que  n'eil  pas  héréditaire,  &  n'eft 
accordée  qu'au  mérite  ou  à  la  valeur.  Il  ne 
règne  parmi  eux  qu'une  efpece  d'union  imparfai- 
te. Leur  fociété  reffemble  à  une  république.  , 
fans  chef,  où  chacun  ed  le  maître  de  fa  perfon-- 
ne,  &  peut ,  fur  le  moindre  dégoût,  fe  féparer 
de  ceux  avec  qui  il  parciffbit  le  plus  lié  ".  Re- 
lacîon  hiftorîcal  de  las  mijjimes  de  los  Chiquitos ^ 
^or  P.  Jua?i  Patr,  Fernandez  ^  p.  32,  33.  Ainfî 
il  paroît  que  les  nations  qui  font  dans  un  n;éiiie 


ET    ECLAIRCISSEMENS*  4ÔÏ 

état  de  fociété,  quoiqii'habitant  des  climats  fort 
(iifFérens  ,  ont  les  iiiêmes  inftitutions  civiles  & 
la  même  forme  de  gouvernement. 

Note  LXIII,  pag,  297. 

w  J'ai  connu  des  Indiens  ,  dit  un  auteur  fori) 
înftruit  de  leurs  mœurs ,  qui  pour  fe  venger  ont 
fait  environ  trois  cents  trente  lieues"  à  travers 
des  forêts ,  des  montagnes  &  des  marais  dje  ro« 
féaux ,  expofés  à  toutes  les  inteiiipéries  de  Pair, 
à  la  faim  &  à  la  foif.  Leur  defîr  de  vengeance 
eft  lî  violent  qu'il  leur  fait  méprifer  tous  ces 
dangers,  pourvu  qu'ils  aient  le  bonheur  d'enle» 
ver  la  chevelure  du  mengrier  ou  d'un  ennemi, 
afin  d'appaifer  les  ombres  irritées  de  leurs  pareni 
maffacrés".  Jdairy  hijl.  of  Amer,  Indians,  P^ISO* 
Note  LX17,  ibid. 

Les  exploits  que  Piî^karet,  chef  des  Algonquins, 
a  exécutés  pour  la  plupart  feul  ou  avec  un  oa 
deux  de  fes  compagnons  ,  tiennent  une  place 
dilliiiguée  dans  l'hifloire  de  la  fameufe  guerre 
entre  les  Algonquins  &  les  Iroquois.  De  la  Po* 
therîe,  t.  /,  p.  267,  ^c.  Coîden's  hift,  of  fi^ 
nations,  p»  12$* 

Note  LXV,  pag,  301. 

La  vie  d'un  chef  qui  échoue  dans  une  expédî? 
tion  efl  fouvenr  en  danger  ,  &  il  eîl  toujourai 
dégradé  du  rang  qu'il  avoit  obtenu  par  fes  ex» 
ploits  antérieurs.  Alair,  p.  338. 

V3 


4^2  N     0     T     li     s 

Note  LXVl,  pag,  301. 
Comme  la  manière  de  faire  la  guerre  chez 
les  peuples  de  l'Amérique  feptentrionale ,  ell  gé* 
réralement  connue,  j'ai  fondé  principalement  mes 
obfervations  fur  les  témoignages  des  auteurs  qui 
en  ont  parlé.  Mais  on  retrouve  les  mêmes 
maximes  chez  d'autres  nations  du  nouveau  mon- 
de. Un  mifîîonnaire  judicieux  nous  a  donné  une 
defcrîption  des  opérations  guerrières  du  peuple 
du  grand  Chaco  dans  l'Amérique  méridionale , 
&  ces  opérations  relTemblent  parfaitement  à  cel- 
les des  Iroquois.  „  Prefque  tous  ces  Indiens 
font  antropophages ,  &  n'ont  d'autre  occupation 
fjue  la  guerre  &  le  pillage.  Ils  fe  font  rendus 
formidables  aux  Efpagnols  par  leur  acharnement 
dans  le  combat,  &  plus  encore  par  les  llratagê- 
mes  qu'ils  emploient  pour  les  furprendre.  S'ils 
ont  entrepris  de  piller  une  habitation ,  il  n'y  a 
îien  qu'ils  ne  tentent  pour  tenir  dans  une  faufTe 
fécurité  ou  pour  écarter  ceux  qui  peuvent  la  dé- 
fendre. Ils  cherchent  pendant  une  année  entiè- 
re le  moment  de  fondre  fur  eux  fans  s'expofer  ; 
ils  ont  fans  celle  des  efpions  en  campagne ,  qui 
ne  marchent  que  la  nuit,  fe  traînant,  s'il  le  faut, 
fur  les  coudes ,  qu'ils  ont  toujours  couverts  de 
«alus.  C'eft  ce  qui  a  fait  croire  à  quelques  Ef- 
pagnols ,  que  par  des  fecrets  magiques  ils  pre- 
noient  la  forme  de  quelqu'animal  ,  pour  obfer" 
ver  ce  qui  fe  palToit  chez  leurs  ennemis.    Lorf- 


ET    ÉCLAIRCISSEMENS.  ^53 

qu'eux-mêmes  ils  font  furpris,  le  déCefpoir  les 
rend  fi  furieux  qu'il  n'y  a  point  d'Efpagnol  qui 
voulût  les  combattre  avec  égalité  d'armes.  On 
a  vu  des  femmes  vendre  leur  vie  bien  cher  aux 
foldats  les  mieux  armés  "•  Relacion  Chrorographi^ 
ca  del  gran  Chaco  de  P.  Lozaîio  ,  p,  78.  Hîft* 
génér»  des'voyages,  U  XX, 

Note  LXVII,  pag.  303. 
Lery  ,  qui  a  été  le  témoin  ocuiaire  d'une  bz- 
taille  entre  les  Topinambous  &  une  autre  nation 
puifTante  du  Brelîl  ,   nous  a  donné   un  tableau 
frappant   du   courage  &   de  la    férocité  de  ces 
peuples  ;    i>  ego  cum    gallo  altero  ,   dit -il,   paulo 
^ycuriojîus,  magno  noftro  perkulo  Qfi  enim  dbhoS'^ 
p  tihus  capti  aut  Icsfi  ftiîjjemus ,  devoratîonî  fuis* 
y^jhnus  devoti^,  harbaros  nojiros  in  militiam  euri" 
^tes  comîtari   voluL    Hi ^  numéro   4CX30  capita ^ 
^ycum  hoftîbus  ad  littus  decertdrunùj  îantâ  feroci" 
^ytaîe,   ut  vsl  rahidos  ^  furîofos  quofqus  fupera» 
y^rent,      Cùm  primwn  hojîes  coufpsxere  ,  in  mag** 
„  ?îw  atque  edîtos  uluht7is  perruperuni»    Hœc  gen^ 
^,adeo  fera   eft   ^  truculenta  ,    ut  tantîfpsr  dupi 
nVirium  vel  tantillmn  refiat  ,  contînuo  dimicent  9 
^yfugamque  numquam   capejjant»     Qjiod  à  namrd 
nillis  inditum  effe  reor.     Teftor  iiuere^a  me,  qui 
„no7i  femel  ,    tum  peditim  tum    equîtum    copias 
jj  ingefites     in    aciem    inftruUas     hic    confpexi^ 
?>  tantâ   nunqiiam  voluptate  viieniis  peditun  legio' 
«  nibiis  armis  fulgenîibus  ,  quanta  tum   pugnani^it' 

V  4 


464  Notes 

5,  hus  îftîs  psrcuîfum  fuîjje  *\    Lery  ,    hilî.    navU 
gat.   in   Brafil ,  ap,   de  Bry,   t,  III ^    f*   207, 
208,  2op". 
1  Note  LXVIII,  /'a^'.  304. 

Les  Américains  ,  aînfi  que  les  autres  peuples 
fauvages ,  coupoient  autrefois  la  tête  aux  ernie- 
Sîis  qu'ils  tuolent  à  la  guerre,  pour  Ja  'rapporter 
en  trophée;  mais  comme  ces  têtes  les  incommo- 
doient  beaucoup  dans  leur  retraite ,    qu'ils  font 

toujours  avet  précipitation  ,  &  quelquefois  juf- 
qu'à  une  grande  diftance,  ils  fe  font  contentés 
enfuite  d'enlever  la  chevelure  avec  la  peau  da 
crâne.  Quoique  cette  coutume  foit  plus  en  ufa* 
ge  dans  l'Amérique  feptentrionale ,  elle  ne  laîile 
pas  d'être  connue  des  peuples  méridionaux.  P» 
Lozano ,  p,  79. 

Note  LXIX,  pag.  311. 

Les  paroles  de  la  chanfo?i  de  guerre  femblent 
diélées  par  ce  même  ef|irit  féroce  de  vengeance. 
„  Je  vais  en  guerre  venger  la  mort  de  mes  frè- 
res :  je  tuerai ,  j'exterminerai ,  je  faccagerai ,  je 
brûlerai  mes  ennemis;  j'amènerai  des  efclaves; 
je  mangerai  leur  cœur ,  je  ferai  fécher  leur 
chair,  je  boirai  leur  fang,  j'apporterai  leur  che- 
velure ,  &  je  me  fervirai  de  leurs  crânes  pour 
en  faire  des  tafTes  ".  Nouv.  voy,  aux  Indes  occid, 
"Par  M,  BoJJu ,  iti  12,  f.  /,  p.  115,  note. 

Des  perfonnes  inftruites  m'ont  aTuré  que  de- 
puis que  le  nombre  des  Indiens  a  confidérable- 
.     .  ment 


ET    ECLAIRCISSEMENS.  46$ 

ment  diminué,  ils  ne  mettent  prefque  plus  aucun 
4e  leurs  prifonnieis  .i  mort ,  parce  qu'ils  regar- 
dent comme  une  politique  plus  fage  de  leur  ac- 
corder la  vie  &  de  les  adopter.  Ces  fcenes  ter- 
ribles dont  j'ai  parlé,  arrivent  aujourd'hui  fi  ra* 
rement  que  des  miffionoaires  &  des  négocians 
qui  ont  demeuré  longtems  parmi  les  Indiens  n'en 
ont  jamais  vu» 

Note  LXX,  pag.  312.  - 

Tous  les  voyageurs  qui  ont  vifité  les  peuples 
les  moins  civiiifés  de  l'Amérique  s'accordent  fur 
ce  fait,  qui  fe  trouve  confirmé  par   deux  exem- 
ples remarquables.  Lors  de  l'expédition  de  Narv 
vaès  dans  la  Floride  ,   en  1528  ,  les  Eipagnols 
furent  réduits  pour  conferver  leur  propre  vie  à 
manger  ceux  de  leurs  compagnons  qui  mouroient? 
ce  qui  parut  fi  révQJtant   aux  Indiens,  accoutiî* 
mes  à  manger  leurs  prifonniers  ,  qu'ils  ne  regiî* 
dsrent  plus  les  Efpagnoîs  qu'avec  horreur  Si  in* 
dignation.    Torquemada,   monarch,   Ind.   t.    Jly  p^ 
584.  Naufr agios  de  Alv,  Nugnes  Cabeca  ds  VacXy 
c.  14. ,  p.   15,     Quoique  les  Mexicains   dévora?- 
fent  avec  avidité  pendant  le  fiege  de  Mexico  îeg 
Efpagnols  &  les  Tiafcalans  qu'ils   faifoient  pri- 
fonniers ,   la   famine  la  plus   cruelle  ne  put  les 
engager  à  manger  les  corps  morts  de  leurs  com- 
pstrîotes.  Burn  Diaz  del  Cafiillo,  conqui/h  ds  ta 
Nquv,  Ejpagna,  p,  1^6, 

V  5 


4<55  Notes 

Note  LXXI,  pag.  314. 

On  trouve  plufieurs  exemples  finguliers  de  la 
manière  dont  les  peuples  du  Bréfil  traitent  les 
prifonniers,  dans  une  relation  de  Stadius ,  offi^ 
cier  Allemand  au  fervice  des  Portugais,  publiée 
en  1555,  Il  fut  fait  prifonnier  par  les  Topinam- 
bous  qui  le  tinrent  pendant  neuf  ans  en  captivi- 
té. Il  fut  fouvent  le  témoin  de  ces  fêtes  horri- 
bles qu'il  décrit,  &  il  étoic  lui-même  deftiné  à 
fubir  le  fort  cruel  des  autres  prifonniers  ;  mais 
il  fauva  fa  vie  par  des  efforts  extraordinaires  de 
courage  &  d'adreffe.  De  Bry,  t.  III,  p,  34,  £fr. 
De  Lery,  qui  accompagna  M.  de  Villegagnon 
dans  fon  expédition  au  Bréfil  en  1556  ,  &  qui 
demeura  longtems  dans  ce  pays,  fe  trouve  d'ac- 
cord avec  Stadius  dans  toutes  les  circonflances. 
Il  fut  fouvent  le  témoin  oculaire  de  la  manière 
dont  les  peuples  du  Bréfil  traitent  leurs  prifon- 
niers. De  Bry ,  t.  III ,  p.  210.  Un  auteur  Por- 
tugais en  rapporte  plufieurs  particularités  remar- 
quables ,  que  Stadius  &  de  Lery  ont  pafiTées  fous 
filence,  Purcli,  Pilgr.  t.  IF,  p.  129-34,  ^c. 
Note  LXXII,  pag.  319. 

Quoique  j'aie  fuivi  touchant  cette  apathie  des 
Américains  l'opinion  qui  paroît  être  la  plus  rai- 
fonnable,  &  qui  fe  trouve  appuyée  par  l'autori- 
té des  auteurs  les  plus  refpeélables  ,  il  y  a  ce- 
pendant des  écrivains  d'un  mérite  reconnu  qui 
ont  donné  des  théories  fort  différentes  fur  ce 


ET     ECLAIRCISSEMENS.  46^ 

fujet.  Don  Antonio  Uiloa,  dans  un  ouvrage  qui 
a  paru  depuis  peu  ,  prétend  que  la  contexture 
de  la  peau  &  la  confcitution  phyfique  des  Améri» 
cains  les  rend  moins  fenfibles  à  la  douleur  que 

'    le   relie    des   hommes.    Il   en  trouve  plufieurs 
preuves    dans   la  tranquillité   avec    laquelle   ils 

[-  foufFrent  les  plus  cruelles  opérations  de  cbîrar* 
gie,  &c,  Noîkias  Amerkanas y  p,  313,  314.  Des 
chirurgiens  ont  fait  les  mêmes  obfervations  dans 
le  BtéCû,  Un  Indien  ,  difent-ils,  ne  fe  plaint 
jamais  de  la  douleur  ,  &  foufFre  l'amputation 
d'un  bras  ou  d'une  jambe  fans  pouffiir  le  moin. 
dre  foupir.  MS,  entre  les  mains  de  Vauteur. 
Note  LXXIil,  pag.  322. 
Cette  idée  eft  naturelle  à  tout  peuple  groiîîer. 
Dans  les  premiers  tems  de  la  république ,  c'étoit 
une  maxime  parmi  les  Romains  qu'un  prifonaier, 
y^îim  decejjljje  viietur  cum  captus  efl^\  Digsfl:. 
lib.  XLIX,  tit.  15,  c.  18.  Dans  la  fuite,  Iorf« 
que  le  progrès  du  luxe  les  eut  rendus  plus  in^ 
dulgens  fur  cet  article  ,  ils  furent  obligés  d'em- 
ployer deux  fictions  de  jurifprudence  pour  alTurer 
la  propriété,  &  pour  permettre  à  un  prifoimier 
de  retourner  chez  lui,  Tune  par  la  loi  Corndiat 
&  l'autre  par  le  ^us  polîliminîL  Heinecii ,  juris 
civ.  Jec,  ord.  Pani.î.  II,  p.  29.}..  Les  mêmes 
idées  fe  trouvent  chez  les  nègres.  Jamais  on 
n'y  a  reçu  la  rançon  d'un  prifonnier.  Dès  qu'ori 
en  prend  un  à  la  guerre ,  il  eft  regardé  comois 

V  6 


4^3  Notes 

un  homme  mort,  &  on  peut  en  efFet  le  regar* 
der  comme  perdu  pour  fa  patrie  &  pour  fa  fa» 
mille.  Vo'^.  duChev.  de  Marchais  ^  t,  1 1  p.  l6^. 
Note  LXXIV,  pag.  324. 

Les  naturels  du  Chili,  les  plus  braves  5î  les 
plus  fiers  de  tous  les  peuples  Américains ,  font 
les  feuls  exceptés  de  cette  obfervation.  Ils  com- 
battent leurs  ennemis  en  plaine  campagne;  leurs 
troupes  s'avancent  &  attaquent  non  -  feulement 
avec  courage ,  mais  avec  ordre.  Quoique  les 
peuples  de  l'Amérique  feptentrionale  puiiïent 
pour  la  plupart  changer  leurs  arcs  &  leurs  flè- 
ches pour  des  armes  à  feu  d'Europe,  ils  fuivent 
toujours  leur  ancienne  manière  de  faire  la  guerre 
&  ne  s*écartent  point  de  leur  fyflêms  particulier  ; 
mais  les  opérations  militaires  des  peuples  da 
Chili  reffemblent  beaucoup  à  celles  des  nations 
de  l'Europe  &  de  l'Afie.  Ovalks ,  relation  of 
Chili.  Churchill' s  coll.  t,  lll,  p.  71,  Lozano  ^ 
liiji.  dsl  Parag,  t,  lîl,  p.  144,  145. 
Note  LXXV,  pag.  329. 

Herrera  nous  en  a  donné  un  exemple  fînguv 
lier.  A  Yucatan  les  hommes  font  (î  foigneux 
de  leur  parure,  qu'ils  portent  partout  avec  eur 
de  miroirs.,  qui  fans  doute  font  faits  de  pierre, 
comme  ceux  des  Mexicains,  (dee.  4,  lib:  Jïl, 
c»  8) ,  &  dans  lefquels  ils  aiment  beaucoup  à  fe 
regarder;  mais  les  femmes  n'en  font  jamais  ufa^ 
ge  ;   diCcÀ,  4,   Uj,  X,   c.   3,    H  remarque  cpa 


ET    É'CLAlkCrSSËMENS.  ^Çj^f 

parmi  les  FancJies,  peuple  féroce  de  la  Nouvel- 
le Grenade,  il  ny  a  que  les  guerriers  diitingués 
c  qui  il  foit  permis  de  percer  leurs  lèvres  & 
d'y  porter  des  pierres  ou  d^orner  leurs  têtes-  de 
plûtiies  :  decad.  7  ,  lib.  IX ,  c,  4.  Quoique  le 
royaume  du  Pérou  fût  très-civiliféjil  y  avoit  ce- 
pendant des  provinces  où  la  condition  des  feni* 
mes  étoit  déplorable.  Elles  étoient  chargées  da 
foin  de  la  culture  &  des-  travaux  doraeftiques.  Il 
ne  leur  étoit  pas  permis  de  porter  dss  bracelets 
ou  d'autres  ornemens  dont  les  hommes  fe  pa* 
roier.t  avec  complaifance.  Z'iratej  hifi,  de  Féru , 

t*  li  h  15,  i5- 

NoTB  LXXVl,  pag,  330. 

Pai  hafardé  d'appeller  cette  méthode  d'oindre 
&  de  peindre  leurs  corps,  V habillement:  des  Amé- 
ricains ;  ce  qui  s'accorde  même  avec  leur  propre 
idiome.  Ils  ne  forcent  jamais  de  leurs  maifon^ 
s'ils  ne  font  oints  depuis  les  pieds  jufqu'à  la  tê« 
te,  &  ils  b*excufent  de  fortir  en  diCant  qu'ils  ne 
peuvent  point  paroître  parce  qu'ils  font  nud^, 
Cumillat  hifi,  de  VOrénûque^  t.  /.  ^.  191. 
Note  LXXVII,  pag.  331. 

On  trouve  dans  la  province  de  Cinaloa,  dans 
le  golfe  de  Californie,  des  peuplades  nui  parois- 
ftnc  vivre  dans  un  état  de  fociété ,  quoiqu'on 
puiife  les  compter  parmi  les  nations  les  plus 
groiîîeres  de  l'Amérique;  Ils  nQ  cultivent  ni  ne 
lemeiit  janjais  j  ils  n'ont  même  aucuae  habitatioiir 

V  i 


470  Notes 

Ceux  de  l'intérieur  du  pays,  ne  vivent  que  de  la 
chafTe,  &  ceux  des  côte^  que  de  la  pêche;  les 
lins  &  les  autres  fuppléent  au  refte  par  les  fruits, 
plantes,  racines  &  autres  différentes  produélions 
fpontanées  de  la  terre.  Comme  ils  n'ont  aucun 
abri  pendant  les  tems  pluvieux,  ils  ralTemblent 
des  rofeaux  ou  des  herbes  fortes  ,  qu'ils  lient 
par  un  bout  &  qu'ils  ouvrent  de  l'autre  pour 
leur  fervir  d'efpece  de  capuchon,  qui  femblable 
à  un  auvent  reçoit  la  pîuie  &.  les  en  garantit  pen- 
dant plufieurs  heures.  Dans  les  tems  chauds  ils 
fe  forment  avec  des  branches  d'arbres  un  abri 
contre  les  rayons  brûîans  du  foleil.  Pour  fe 
préferver  du  froid  ils  font  de  grands  feux,  autour 
defqueîs  Vs  dorment  en  plein  air.  Hiftoria  de 
îûs  triumphos  de  Nueftra  Santa -Fé^  entre  gsntes 
las  mas  harharas ,  ^c,  por  F,  And,  Ferez  de  Ri' 
las,  p,  7,  ^c. 

Note  LXXVIÎI,  pag,  333. 
Ces  maifons  reflemblent  â  des  granges.  Nous 
en  avons  mefuré  qui  avoîent  cent  cinquante  pas 
de  long  fur  vingt  pas  de  large.  Il  y  en  a  où 
p^us  de  cent  perfonnes  habitent  enfemblcc  Wil' 
fons  accûunt  cf  Gulana,  Fiirch.  Filg,  vol,  ly^ 
p,  1263,  ihid.  1291.  Les  maifons  des  Indiens, 
dit  M.  Barrere,  ont  l'air  d'une  extrême  pauvreté 
&  font  une  image  parfaits  de  la  groffiere  fimplicité 
des  premiers  tems Toutes  ces  cafés  ou  hut- 
tes ,  qui  font  ordinairement  bâties  ou  fur  une 


ET     ECLAIRCISSEMENS;  '47I: 

hauteur  ,  ou  au  bord  de  quelque  rivière,  pêle- 
mêle  &  fans  aucun  ordre,  forment  un  afpeél  des 
plus  trlftes  &  des  plus  défagréables.  On  n'y 
voit  rien  que  de  hideux  &  de  fauvage.  Le  pay- 
fage  n'a  rien  de  riant.  Le  filence  même  qui 
règne  dans  tous  ces  endroits,  &  qui  n'eft  inter- 
rompu quelquefois  que  par  le  bruit  défagréable 
des  oifeaux  ou  des  bêtes  fauves ,  n'eft  capable 
dlnfpirer  que  de  la  frayeur.  Nouvelle  relat.  de  la 
France  Equîn.  p,  146,   147- 

NoTE  LXXIX,  pag.  33(5. 
On  trouve  dans   l'Amérique   méridionale    des 
peuples,  qui   ont  l'art  de  lancer    des  fieches  a 
une  grande  diftance  &  avec  une  force  extraordi- 
naire ians  fe  fervir  d'arcs.  „  Us  font  ufage  d'une 
farhacane,  par  le  moyen  de  laquelle  ils  foufflent 
une   flèche  à  plus  de  cent  vingt  pas.     Cet  in- 
ftrument  eft   fait  d'un  rofeau   naturel  &  creux, 
long  de   neuf  à  dix  pieds ,  de  la  grofleur  d'un 
bon  pouce  ;  &  pour  que   la  flèche  puifle  attein» 
dre  à  un  fî  grand  éloignement,  à  caufe  de  fa 
grande  légèreté  ,   ils    en    enveloppent    le   gros 
bout  de  coton  non  filé,  qui  la  fait  entrer  avec 
un  peu  de  diïHcufté  dans  la  farhacane  ;  ce  qui 
comprimant  Tair  la  fait  fortir  avec  une  rapidité 
furprenante,  fans  quoi  il  ne  feroit  pas  poflible  de 
la  faire  traverfer  un  fi  grand  efpace.     Ces   peti- 
tes flèches  font  toujours  empoifonnées*'.  Fermirit 
dejcripu  de  Surinam ^  t.  /,  p.  55.  Bancfofi's^  Ufi. 


^^t  N    a    T    E    ff 

ù/Guiana,  p.  281,  &'c.  Les  peuples'  des  Indes 
orientales  font  un  grand  ufage  de  cette  farba- 
cane» 

Note  LXXX,  pag.  33(T. 
Je  pourrois   en  produire  pîufieurs  exemples , 
mais  Je  me  bornerai  à  en  citer  un  feul  pris  chez 
les  Efquiinajx,  „  Leurs  arcs  font  d'une  conilruc- 
tion  fort  ingénleufe,  dit  M.  EUis.    Ils  font  or- 
dinairement compofés  de  trois  morceaux  de  bois, 
qu'ils  favent  joindre  très»  proprement  ôc  avec   un 
arc   admirable.     C'eft  du  fapin  ou   du   meiefe , 
que  les  Anglois  nomment  en  ce  pays  genévrier,- 
qu'ils  emploient  communément  pour  cet  ufage, 
&  comme  ces  bois  ne  font  ni  forts  ni  élaftiquss , 
ils  fuppléent   à  iua   &  à  l'autre  en    renforçant 
leur  arc  par  derrière,  avec  une  efpeee  de  ban- 
de faite  de  nerfs  ou  tendons  de  leurs  bêtes  fau- 
ves»   Ils  ont  foin  de  mettre  fouvent  leurs   arcs 
dans  l'eau  ;  ce  qui  faifant  rétrécir  les  cordes  leujr 
donne  par  -  là  plus  d'élailicité   à  les  fait  porter 
plus  loin  qu'ils  ne  feroient  autrement.     Ils  font 
habitués  à  cet  exercice  depuis  leur  jeunelTe,  & 
ils  tirent  avec  une  dextérité  inconcevable.  Foyag& 
4e  la  haie  de  Hudfonf  f,   //,  p.  27,   28. 
Note  LXXXI,  pafr,  337. 
Le  befoin  eft  le  grand  mobile  qui  excite  & 
guide  l'homme  dans  les  inventions  nouvelles.  U 
y  a  cependant  une  inégalité  fî  grande  dans  k$ 
progrès  des  décou-vsrtss,  &  qii^l^^es  naîions  ont 


ET     ECLAIRCZSSEMENS,  473 

fi  fort  devancé  les  autres ,  quoique  daas  des  cir- 
conllances  prefque  feaiblablss ,   qu'il  fa.it  attri- 
buer cette  différence  à  queiqu'événement  de  leur 
hiftoire  ou  à  quelque  caufe  particulière  de  leur 
lîtuation  phyfique  que  nous  ignorons.    Les  habi- 
tons  de  i'iflé  d'Otaiiiti  y  découverte  depuis  peu 
dans  la  mer  da  fud,  fiirpalTent  de  beaucoup  la 
plupart  des  Américains  dans  la  connoiflance  des 
arts  d'îndudrie  ;  cependant  ils  ignoroient  la  mé- 
thode de  faire  hoiiillir  Teau  ,  &  n'a  voient  aucun 
vafe  dans   lequel  ils    puilent   la   contenir    &  la 
foumettre  à  l'action  du  feu:  ils  ne  concevoient 
pas  plus  qu'on  pût  l'échauffer  que  la  rendre  fo- 
lide.  yoy,  autour  du  monde ,  rédigés  par  Hawkef* 

wortJi,  f.  //,  p.  132-155,  ï^-4°- 

Note  LXXXII  ,  pag,  338. 

Une  de  ces  chaloupes ,  qui  pouvoit  conteniif 
neuf  hommes  ,  ne  pefoit  que-  foixante .  livres. 
Cofnol,  relat»  des  voy»  à  la  Firgîiu  Rsc»  de  my* 
GU  nord ,  t,  V,  p.  403. 

Note  LXXXIlI.p.  341. 

Ulloa  nous  en  donne  une  preuve  remarqua- 
ble. „  Dans  leurs  fabriques  de  tapis ,  de  rideaux, 
de  couvertures  de  lit  ,  &  autres  femblables 
étoffes  ,  toute  leur  indudrie  conlifte  à  prendre 
chaque  fil  l'un  après  l'autre,  à  les  compter  cha* 
que  fois,  &  à  y  faire  enfuice  paffer  la  trame;  de 
forte  que  pour  fabriquer  une  pièce  de  quelqu'une 
ds  ces  éLoffes ,  ils  emploient  jur^'à  deux  anâ 


4^4 


Note 


ou  même  davantage.  Vo^j.  au  Pérou  y  t,  ï,  p.  335. 
Bancroft  donne  la  même  defcnption  des  naturels 
de  Ja  Guiane:  p.  255.  Suivant  Adairi  les. Indiens 
de  l'Amérique  feptentrionale  n'ont  pas  plus  d'ef» 
prit  ni  de  dextérité:  p.  422.   Les  planches  qu'on 
trouve  dans  Purchas,  t,  III,  p»  iio5,  des  pein» 
tures  des  Mexicains ,  me  font  croire  que  ce  peu- 
ple ne  polTédoit  pas  une  méthode  plus  parfaite 
ni   plus  prompte   d'ourdir    la  toile.      L'inven» 
tion  d'un  métier  étoit  an-defTus  de  la  portée  de 
l'efprit  des  Américains  les  plus  civilifés.   Ils  font 
fi  lents  dans  tous  leurs  ouvrages,  qu'un  de  leurs 
ouvriers  demeure  plus  de  deux  mois  à  faire  avec 
fon  couteau  une  pipe  à  fumer.  Ihid,  p.  423. 
Note  LXXXIV,  pag,  344. 

Le  P.  LaOtau  ,  dans  fes  mœurs  des  Sauvages  y 
emploie  347  pages  faftidieufes  in- 4^.  pour  le 
feul  article  de  la  religion. 

NoT3  LXXXV,  pag;  347. 

J'ai  renvoyé  le  kdeur  aux  difFérens  auteurs 
qui  ont  parlé  des  peuples  les  moins  civilifés  de 
l'Amérique.  Leur  témoignage  eft  uniforme.  Ce- 
lui du  P.  Ribas  touchant  les  peuples  de  Cinaloa 
s'accorde  avec  tous  les  autres  :  ^9  Pendant  plu- 
fieurs  années  ,  dit  -  il ,  que  je  réfîdai  parmi  ces 
peuples ,  je  fus  très  -  attentif  à  obferver  fî  Ton 
devoit  les  regarder  comme  idolâtres,  &  je  puis 
affurer  avec  vérité  ,  que ,  quoiqu'on  trouve  chez 
quelques  -  uns  des   traces  d'idolâtrie ,   les  autres 


ET     ECLAIRCISSEMEKS.  475 

n'ont  pas  la  moindre  connoifTance  de  Dieu,  ni 
même  de  quelque  fauffe  divinité  ,  &  qu'ils  ne 
rendent  aucun  hommage  formel  à  l'être  fuprême 
qui  gouverne  le  monde.  Ils  ne  peuvent  fe  for- 
mer aucune  idée  de  la  providence  d'un  créateur 
de  qui  ils  doivent  attendre  dans  la  vie  future  la 
récompenfe  de  leurs  vertus  &  la  punition  de 
leurs  crimes.  Ils  ne  s'afTemblent  jamais  en  pu- 
blic pour  exercer  aucun  a6le  de  religion.  Ribas , 
triumphos ,  ^c*  p,  x6. 

Note  LXXXVI,  pag.  349. 

Le  peuple  du  Bréfil  étoit  fî  effrayé  du  tonner- 
re, qui  eft  fréquent  &  terrible  dans  ce  pays,  ain/î 
que  dans  d'autres  parties  de  la  zone  torride,  que 
c'étoit  non-feulement  pour  eux  un  objet  de  culte 
religieux,  mais  que  le  mot  le  plus  expreflif  de 
leur  langue  pour  défigner  la  divinité  étoit  celui 
de  toupan ,  dont  ils  fe  fervent  auiîî  pour  défigner 
le  tonnerre.  Fifo  de  Medec,  BraJiL  p.  8.  Nienhoff. 
Church,  coll.  t.  II  y  p,  132. 

Note  LXXXVII,  pag,  359. 

Suivant  le  rapport  de  M.  Dumont ,  témoin  aciî- 
laire  des  funérailles  du  grand  chef  des  Natchez, 
il  paroît  qne  les  fentimsns  de  ceux  qui  fe  facri- 
fioient  à  cette  occafion  étoient  fort  difFéreas.  Il 
y  en  avoit  qui  briguoient  cet  honneur  avec  ar? 
deur;  d'autres  cherchoient  à  éviter  leur  fort,  & 
plufieurs  même  conferverent  la  vie  en  fe  fauvant 
dans  les  bois.  Les  braraines  donnent  aux  femmes 


4?(î  Notes 

qu'on  doit  brûler  avec  les  corps  de  leurs  marîs 
une  liqueur  enivrante,  qui  les  rend  infenfibles  à 
Jeur  maliieureux  fort:  les  Natchez  obligent  de 
même  leurs  viélimes  d'avaler  pîufieurs  morceaux 
de  tabac,  ce  qui  produit  un  femblable  effet. 
Mém,  de  h  L&w'fianet  tom,  /,  pag,  227. 
Note  LXXXVIll,  pag.  370. 
Ils  font  très-licentieux  en  pîufieurs  occafîons, 
furtout  dans  les  danfes  inflîtuées  pour  le  rétablif- 

fement  de  la  fanf^  de  quelque  perfonne  malade, 
Ds  la  PotheriSi  Jiîft,  ^c,  t.  II  ^  p,  42.  Charle» 
voix,  liifl.  de  la  Noiiv.  France ^  t.  III ^  p,  319, 
Mais  leurs  danfes  font  ordinaiiement  telles  qug 
je  les  ai  décrites. 

Note  LXXXIX,  pag.  373. 

Les  Oth&maques ,  qui  habitent  les  bords  de  TO- 
rénoque,  emploient  pour  ce  même  effet  une  pou* 
dre  faite  de  grains  à'Tiiapa  &  de  coquilles  de  cer- 
tains gros  coliimaçons  calcinés  au  feu  &  pulvéri- 
fés.  Les  effets  en  font  fi  violens  quand  on  la 
prend  par  le  nez,  qu'elle  infpire  plutôt  la  fréné- 
fîe  que  l'ivrefTe,  Hiji^  de  rOrénoque  par  Gumîl- 
la,  t.  I,  p.  285. 

Note  XC,  pag,  377, 

Quoique  cette  cbfervation  foit  vraie  à  l'égard 
de  la  plupart  des  nations  méridionales,  il  y  en  a 
cependant  quelques-unes  où  l'intempérance  des 
femmes  n'eft  pas  moins  exceffive  que  celle  des 
hommes.  Bancrofts,  nat.Ufi.  of  Guiandip*  ^ISA 


ET    ECLAïaciSSEMENS#  4.7/ 

NoTF.  XCI,  pag,  3S4. 
On  trouve  de  ces  circonftances  contradiâoires 
&  inexplicables  dans  les  auteurs  les  plus  judi- 
cieux qui  ont  parlé  des  mœurs  des  Américains. 
Le  P.  Charlevolx,  que  la  difpute  de  Ton  ordre 
avec  celui  des  Francifcains  fur  l'efprit  &  les  con- 
noifTances  des  peuples  de  l'Amérique  feptentrio» 
nale  ,  intérefToit  à  expofer  leurs  qualités  morales 
&  intelleéluelles  dans  le  jour  le  plus  favorable, 
ailure  qu'ils  font  continuellement  occupés  à  né- 
gocier avec  leurs  voifins ,  &  qu'ils  font  paroître 
dans  leurs  négociations  autant  d'habileté  que  de 
nôbleiTe  de  fentimens.  Il  ajoute  cependant ,,  qu'il 
y  va  de  tout  pour  un  plénipotentiaire  d'employer 
tout  ce  qu'il  a  d'efprit  &  d'éloquence;  car  fi  les 
propofîtions  ne  font  pas  agréées ,  il  faut  qu'il  fe 
tienne  bien  fur  fes  gardes,  li  n'efl  pas  rare  qu'un 
coup  de  hache  foit  l'unique  réponfe  qu'on  lui 
faffe.  II  n'eil  pss  même  hors  de  danger  quand 
il  a  évité  la  première  furprife;  il  doit  s'attendre 
à  être  pourfuivi ,  &  à  être  brûlé  s'il  eft  pris.  Hîft, 
de  la  Nquv.  Fr,  t,  III,  p.  257.  Des  hommfs 
capables  de  fe  porter  à  de  pareils  actes  de  vio- 
lence, paroiiTent  i;:;norer  les  premiers  principes 
fur  lefquels  eft  fondé  le  commerce  réciproque 
entre  les  nations,  &  au  Heu  des  négociations  per» 
pétuelles  dont  parje  Charlevolx ,  il  paroît  impos- 
.fible  qu'il  y  ait  même  la  moindre  coirimunicailon 
entre  ces  peuples. 


478  Notes 

Note  XCII,  pag,  387. 

Tacite  dit  des  Germains  :  „  gaudent  munerU 

lus,  Jed  nec  data  imputant ^  nec  acceptis  ohligan- 

tur'\  De  mer.  Germ.  c.  21,  Un  auteur  qui  s'eft 

trouvé  à  portée  d'obierver  le  principe  qui  porte 

les  Sauvages  à  ne  montrer  aucune  reconnoilTance 

des  dons  qu'ils  ont  reçus,  &  à  n'attendre  aucun 

retour  de  ceux  qu'ils  ont  faits,  explique  ainfi  leur 

idée  à  ce  fujet:  „  Si  vous  m'avez  donné  ceci, 

difent-iîs,  c'eft  que  vous  n'en   aviez  pas  befoin 

vous-même:  quant  à  moi,  je  ne  donne  jamais 

ce  qiie  je  crois  pouvoir  m'être  néceffaire  ".  Mém, 

fur  les  Galîhis.    Hîft.   des  plantes  de  la  Giiiane 

Françoife,  par  M»  Auhlet  y  t.  //,  p.  iio. 

Note  XClII ,  pag.  407. 

And.  Bernaldes,  contemporain  &  ami  de  Co- 
lomb ,  a  cité  quelques  exemples  du  coursge  des 
Caraïbes,  dont  Ferdinand  Colomb  &  les  autres 
hiftoriens  de  ce  tems  n'ont  pas  parlé.  Un  canot 
Caraïbe ,  où  il  y  avoit  quatre  hommes ,  deux  fem- 
mes &  un  enfant ,  fe  trouva  un  jour ,  fans  le  fa- 
voir ,  au  milieu  de  la  flotte  de  Colomb ,  lorfqu'à 
fon  fécond  voyage  il  paffoit  entre  leurs  ifles.  Ils 
relièrent  d'abord  dans  un  étonnement  ftupide  à 
la  vue  d'un  pareil  fpeclacle,  &  ne  fortirent  pref- 
que  pas  de  la  même  place  pendant  plus  d'une 
heure.  Une  barque  Efpagnole,  armée  de  vingt- 
cinq  hommes,  s'avança  vers  eux  &  la  flotte  mê- 
me les  entoura  peu  à  peu  jufqu'i  leur  couper 


I 


ET     rCLAIRCISSÏMlîNS.  479 

toute  communication  avec  la  côte.-  „  Lorfqu'iis 
s'apperçurent,  dit  l'hiflorien,  qu'il  leur  étoit  im- 
polîîble  de  s'échapper ,  ils  faifirent  leurs  armes  avec 
un  courage  intrépide,  &  commencèrent  l'attaque. 
Je  dis  avec  un  courage  intrépide  ,  parce  qu'ils 
n'étoient  qu'en  petit  nombre,  &  qu'ils  voyoient 
une  grande  multitude  prête  à  les  afTaillir,  lis  blef- 
ferent  plulîeurs  Efpagnoîs ,  quoique  ceux  -  ci  euf- 
fent  des  boucliers  &  d'autres  armes  défenfîves. 
Lors  même  que  le  canot  eut  chaviré  ,  ce  ne  fut 
qu'avec  beaucoup  de  peine  &  de  danger  qu'on 
en  prit  quelques-uns,  parce  qu'ils  ne  celToient 
de  fe  défendre  &  de  faire  ufage  de  leurs  arcs  avec 
beaucoup  d'adrefle,  quoique  nageant  en  pleine 
mer.  Hifl.  de  D.  Feni.  y  D,  Tfab,  MS.  c,  iiy. 
Note  XCIV,  pag,  408. 
On  peut  former  une  conjeflure  fort  probable 
fur  la  caufe  qui  diftingue  le  caraàlere  des  Caraï- 
bes d'avec  celui  des  habitans  des  plus  grandes 
ifles.  Il  paroît  clairement  que  les  premiers"  font 
d'une  race  particulière.  Leur  langue  ed  èotaîe- 
ment  différente  de  celle  de  leurs  voifin? ,  habi' 
tans  des  grandes  ifies.  Il  y  a  même  parmi  eus 
une  tradition  qui  porte  que  leurs  ancêtres  font 
originairement  venus  de  quelque  partie  du  grand 
continent,  &  qu'après  avoir  conquis  &  exterminé 
les  anciens  habitans  des  ifles  j  ils  ont  pris  polfef- 
fion  de  leurs  terres  &  de  leurs  femmes.  Rockefort , 


4?ô  Notes; 


1 


fag,  384;  Dîiterîre,  pag.  36a  C'eft  pour  cela 
qu'ils  ont  pris  le  npm  de  Banarée ,  cjui  fignifie  un 
homme  venu  d'au-delà  de  la  mer:  Lahat ,  tonu 
VI.  1)*  131.  Les  Caraïbes  ont  même  encore  deux 
langues  différentes  ,  dont  l'une  efl:  particulière 
aux  hommes  &  l'autre  aux  femmes:  Dutertre ^ 
pcg'  36j.  La  langue  des  hoinmes  n'a  rien  de 
commun  avec  ceile  qu*on  parle'  dans  les  grandes 
ifles;  mais  l'idiome  des  femmes  y  relTemble  beau- 
coup: Lahaty  pag.  1201  ce  qui  confirme  encore 
la  tradition  dont  j'ai  parlé.  Les  Caraïbes  eux- 
mêmes  penfent  qu'ils  font  une  colonie  de  Gali' 
Ust  nation  puiiTante  de  la  Guîane  dans  l'Améri- 
que méridionale.  Dutertre»  pag.  36  r.  Rochefort  , 
pag.'  348*  Mais  comme  leurs  mœurs  féroces  ont 
plus  de  rapport  avec  celles  des  nations  qui  habi- 
tent le  nord  du  continent,  qu'avec  celles  des  peu- 
ples de  l'Amérique  méridionale;  que"  d'ailleurs 
leur  langue  a  quelqu'analogie  avec  celle  qu'on 
parle  dans  la  Floride,  il  éft  à  croire  qu'ils  def- 
cendent  plutôt  des  premiers  qu«  des  autres;  La- 
bat  t  p.  128,  ^c.  Herreray  decad.  i,  lib.  IX,  c^  4. 
Bans  leurs  guerres  i.'s  conrervent  encore  l'ancien 
ufage  de  détîuire  tous  les  mâles  ce  de  ne  laiiTer 
la  vie  qu'aux  perfonnes  de  l'autre  fexe  pour  leur 
fervir  d'^fclaves  eu  de  femmes. 

Fin  des  Notes  du  J-.cond  volume, 

TABLE 


48r 

TABLE 

-  "  DES 

M    A    T    I    E    R    E    S 

—    Contenues  dans  le  premier  S  le  fécond  volu* 
me  de  riiifloire  de  P Amérique, 

A. 

AûYSsiNiE,  ambafiade  envoyée  dans  ce  pays  par  Jeaa 
II,  Roi  de  Portugal  ;  T.  I,  p.  90. 

Açores ,  découverte  de  ces  iflss  par  les  Portugais  ;  T.  I^ 
p.  83. 

Jcofia ,  ih  méthode  de  calculer  les  difTérens  degré^  de 
chaleur  dans  l'ancien  &  dans  le  nouveau  continent  i 
T.  II,  p.  416. 

-/îdair ,  peinture  qu'il  fait  du  caradere  vindicatif  des  na- 
turels de  l'Amérique  5  T.  11,  p.  4<5i. 

Jdanfon  confirme  le  récit  d'Hannoii  fur  les  mers  d'Afri- 
que; T.  I-,  p.  279. 

Afrique,   (tôtes   occidentales  de  1'^  découvertes  pour  la 
première  fois  par    ordre  de  Jean  Ij  Roi   de   Portugal  j 
T.  I,  p.  67.  Découvertes  depuis  le  cap  Non  ji-fqu'à  Bo- 
jador,  p.  70.     On  double   le  cap  Bojador,   p.  76.  Dé- 
couverte des    contrées  ficuées   au  fud  de  la  rivière  du 
Sénégal,  p.  86.  Le  cnp  de  Bonne -Efpéiance  découvert 
par  Barthelemi  Diaz,  p.  91,   Ignorance  des  anciens  aC- 
troPiOmes  fur  ceiite  partie  du  monde,  p   279.  Ciufe  de 
l'extrême  chaleur  de  ce  climat;  T.  H,  p.  129. 
Agriculture  (état  de  V)  parmi  l-;s  naturels  de  l'Anérique} 
T.  II,  256.  Les  deux  caufes  principales  de  fon  imper? 
fecVion ,  p.  26r, 
Aguado  eil  envoyé  à  Hifpaniola  en  qualité  de  commiflaire 
pour  examiner  la  conduite  de  Colomb  j  T.  J.  p,  2o5. 
Tijme  lU  X . 


4^2'  TABLE 

i^bmn»  Les  anciens  ont   connu  fa  propriété  d'attirer  îe 

fer,  niais  non    pas  fa   direftion  vers  les  pôles-,  T.  I, 

p.  7.  Avantiiges    confidérables  qui  ont  réfulté  de  cette 

découverte ,  p.  64. 

AMquerque,  (Rodrigue)  manière   barbare    dont  il  traite 

les  Indiens  d'Hifpaniola 5  T.  Il,  p.  65. 

Alexv.ndre  le  Grande  caraélere  de  es  prince;  T.  I,  p. 22. 

Pourquoi  .il  a  fondé  la  ville   d'Alexandrie  ,  p.  23.    Ses 

découvertes  dans  l'Inde,  p.  24,  &c. 

Alexandre  FI,  (le   pape)   accorde  à  Ferdinand  &  à  Ifa- 

bel'e   de  Caftille   la    pofleffion   des  pays  découverts  à 

l'ouefl:  des  ifles  Açores  ;  T.  I,  p.  180.    Fait  partir  des 

nriffionnaires  avec  Colomb  à  fon  fécond  voyage,  p.  181. 

Ame  ,    idées    des   Américains   touchant   fon  immortalités 

T.  II ,  p.  356. 
Américains   de    l'Amérique    Efpagmle,   Leur   conftitution 
phyfique  j  T-  II,  p.  i83.  Leur  teinr  &  leur  figure ,  p.  189. 
Leur  force  &    leur  adrefîe,  p.    190.   Leur   infenfibilité 
pour  les  femmes  ,  p.    192.   Ils  n'ont  aucune  difformité 
du  corps,  p.  201.   Réflexions  fur   ce  fujet,  ihid.    Uni- 
formité de  leur  couleur ,  p.  204.  Defcription  d'une  race 
particulière,  p.  208.    Les  Efquimaux ,  p.  211.    Doutes 
.qui  fubfillent  encore   fur  les   géans   Patagons,   p.  212, 
"Leur  faute,  p.  215.  Leurs  maladies,  p.  216.   La  mala- 
die vénérienne  leur  efl  particulière,  p.  219.   Leurs  qua- 
lités morales,  p.   220.    Ne  pcnfenc   qu'au   befoin   pré- 
fent ,  p.  22ir,  L'art  de  compter  à  peine  connu  chez  ce 
peuple, p.  224.  Ils  n'ont  aucune  idée  abflraite,p.  226. 
Les  habitans  du  nord  de  l'Amérique  font  beaucoup  plus 
intelligens  que  ceux  du  midi,  p.  229.  Leur  répugnance 
pour  le  travail ,  p.  231.  Leur  état  focial ,  p.  235,  Leur 
union  domeftique,    îbîd.    Leurs  femmes ,  p.  237.   Elles 
font  peu  fécondes,  p.  242.  De  l'afifeClion  paternelle  & 
dufdevoir  filial,  p.  245.  Manière  de  pcurvoir  à  leur  fub- 
firtauce  j  p.  24S,  Leur  pôdie ,  p.  250,  Leur  chafle,  p.  252# 


D  E  S    M  A  T  I  E  R  E  S.  4^3; 

Leur  agriculture,  p<  256.  Fruits  divers  de  leur  culture, 
îhicl.     Les   deux   principales   caufes   de    l'irapeifeélioii 
de  leur    agriculture,   p.    £61.  Ils  manquent  d'animaux 
domeftiques ,   ibid,  &  de  métaux  utiles,  p.  265.  Leurs 
inflitutions  politiques ,  p.  268,  Ils  étoient  divifés  en  pe- 
tites comir.unautés  indépendantes,    îb'ià.    Ils    n'ont   au- 
cune idée  de  propriété ,  p,  270.  Leur  amour  pour  l'é- 
galité &  l'indépendance ,  p.  273.  Ils  n'ont  qu'une  idée 
imparfaite  de  la  fubordination ,  p.  274.  A   quels   peu- 
ples ccnviennent  ces   defcriptions ,  p.   2'^7*    Quelques 
exceptions,  p.  278.  La  Floride,  p.  281.  Les  Natchez, 
îhid.    Les    ifles,  p.   283.    A   Bogota,  p.   284.   Recher- 
ches fur   les  caufes  de  ces  variétés,  p.  286.    Leur  art 
de  la  guerre  .  p.  290.  Leurs  motifs  pour  faire  la  guer- 
re, p.  292.  Caufes  de  leur  férocité,  p.  293.  Perpétuité 
des  guerres,  p.  296.  Leur  manière  de  faire   la  guerre, 
p,  298.  Ils  ne  manquent  ni  de  courage  ni  de  fermeté,  p, 
301.  Incapables  de  difcipline  militaire,  p.  303.  Manière, 
dont  ils  traitent  leurs  prifonniers ,  p.  305.  Leur  fermeté 
dans  les  tourmens ,  p.  307.  Ils  ne  mangent  de  la  chair 
humaine  que  par  efprit  de  vengeance,  p.  310.  Manière, 
dont  les  peuples  de  l'Amérique  méridionale  traitent  leuis 
prifonniers,  p.  312.  Leur  éducation  militaire,    p.    314, 
INlJthode  finguliere  de  choifir  un  capitaine  parmi  les  In- 
diens fur  les  bords  de  l'Oiéuoque ,  p.  316.  Leur  nom- 
bre diminué  par  les  guerres  continuelles ,   p.   320.    Ils 
adoptent  leurs  prifonniers  pour  repeupler  leur  pays,  p. 
321.  Sont  inférieurs  dans  la  guerre  aux  nations  policées, 
p.  324.  Leurs-  arts ,  habillemeus  &  parures ,  p.  325.  Leurs 
habitations ,  p.  330.  Leurs  armes ,  p.  334*  Leurb  uiieii- 
files  domeftiques,  p.  336.  Conftruclion  des  canots,  p. 
337.  Leur  indolence  pour  le  travail,  p.  339»  Leur  reli- 
gion ,  p.  342.    Plufieurs  de  ces  peuples  n'en  ont  aucii- 
ne,  p.  345.   DiverOté   remarquable  dans  leurs  opiniojis 
religieufess  p.  352.  Leurs  idées  fur  l'immortalité  de  i'a- 

X  2 


0^  TABLE 

,  me ,  p.  356.  Leurs  cnterremens ,  p.  358.  Pourquoi  leurs 
médecins  piétendent  eue  forciers,  p.  361.  Leur  amour 
de  la  danfe ,  p.  366.  Leur  paffion  extraordinaire  pour 
le  jeu,  p.  371.  Sont  fort  enclins  à  l'ivrognerie,  p.  372. 
Tuent  les  vieillards  &  les  malades  incurables,  p.  378. 
Idée  générale  de  leur  caradere,  p.  3co.  Leurs  qualités 
intelleéluelles ,  p.  381.  Leurs  talens  politiques ,  p.  382, 
Incapables  d'anâtié,  p.  385.  Dureté  de  leur  cœur,  p. 
587.  Leur  iniènfibilité ,  p.  3B8.  Leur  taciiumité,  p.  391» 
Leurs  rufes,  p.  392.  Leurs  vertus,  p.  394.  Leur  ejprit 
d'indépendance,  p.  395.  Leur  fermeté  dans  le  danger, 
îM^.  Leur  attachement  à  leur  communauté ,  p.  396. 
Satisfaits  de  leur  état,  p.  397.  Avis  général  fur  ces  re- 
cherches, p.  402.  Deux  claOes  difiindes  de  ce  peuple, 
p.  404,  Exceptions  quant  à  leur  caraélere,  p.4c6.  Def- 
cription  de  leurs  traits  caraélérifliques ,  p.  436.  Exem- 
ples de  leur  agilité  foutenue  à  la  courfe,  p.  438. 
Amérique ,  (le  continent  de  1')  découvert  par  Colomb  5  T. 
I,  p.  217.  Origine  de  ce  nom,  p.  235.  Ferdinand  de 
Cadille  y  établit  deux  gouvernemens  j  T.  Il ,  p.  25. 
Propofitions  faites  aux  naturels  du  pays,  p*  27.  Ojeda 
ôiNicuenafont  mal  reçus  par  ce  peuple  5  p.  281  Décou- 
verte de  la  mer  du  fud  par  Balboa,  p.  47.  La  rivière 
de  la  Plaia  découverte,  p.  6^,  Les  habitans  en  font 
fort  maltraités  par  les  Efpfgnols,  Und.  VaRe  étendue 
du  nouveau  monde,  p.  119.  Grandeur  des  objets  qu'il 
préfente  à  la  vue  ,  ih'id.  Sa  forme  fivorable  au  com- 
merce, p.  122.  Température  du  climat,  p.  125»  Diffé- 
rentes caufes  du  climat  qui  y  règne  p.  127.  ion  état 
inculte  &  fauvage  lorfqu'on  le  découvrit ,  p.  133.  Anir 
maux  qu'on  y  trouve ,  p.  137.  Inftéles  &  reptiles ,  p. 
14c.  Oifeaux,  p,  142.  Sol,  p.  144.  Recherches  fur  fa 
première  population ,  p.  147.  N'a  pas  été  peuplé  par  une 
nation  civiiifée ,  p.  i5<5.  Son  extrémité  fepientrionale 
touche  h  i'Alie,  p.  150;,   Peuplé  probablement  par  les 


D  È  s    M  A  t  I  Ë  R  E  s.  4B5 

Afiatiqiies,  p.  I7i.  Etat  &  caraélere  des  Américains, 
p.  174,  Us  étoieiiî  plus  fauvages  qu'aucun  aiure  peuple 
connu  de  la  terre,  p.  176.  Excepté  les  Péruviens  & 
les  Mexicains ,  p.  177.  Incapacité  des  premiers  voya- 
geurs ,  p.  180,  DifFérens  Tyllêmes  des  philofopbes  con- 
cernant ces  peuples,  p.  183.  Méthode  obfervée  dans 
cette  recherche  de  leur  conflitucion  phyfique ,  &c«  p. 
186.  La  maladie  vénérienne  vient  de  cette  partie  da 
inonde,  p.  219.  Qualité  morale  des  Américains  ,  p.  220. 
Pourquoi  l'Amérique  ell  fi  peu  peuplée,  p.  268.  Dépeu- 
plée par  des  guerres  continuelles,  p.  29-).  Caufe  du 
froid  extrême  vers  la  partie  méridionale  de  l'Amérique , 
p.  421.  Defcription  de  l'état  inculte  ik  naturel  du  pays, 
p.  426.  Os  de  grands  animaux  dont  la  race  ne  fubfîfte 
plus ,  trouvés  fous  terre  près  des  rives  de  l'Ohia ,  p.  427, 
Pourquoi  les  animaux  d'Iiurope  y  dégénèrent,  p.  429. 
Suppofé  avoir  été  féparée  de  l'Afîe  par  quelque  violen- 
te fecouQe,  p.  435, 

jUmér'ic  V^efpuce,  publie  fon  premier  récit  du  nouveau 
inonde  &  lui  donne  fon  nom  ;  T.  I ,  p.  235.  Sa  pré- 
tention d'avoir  le  premier  découvert  l'Amérique  exami- 
née, p.  31Î. 

Anacoana^  indignement  &  cruellement  traitée  par  les  Ef- 
pagnols  5  T.  II ,  p.  6. 

Anciens ,  caufe  de  leur  ignorance  dans  l'art  de  la  navîga  ' 
tion;  T.  I,  p.  6.  Imperfeélion  de  leurs  connoiirances 
géographiques,  p.  35. 

Andes  ^  étendue  &  hauteur  furprenantes  de  cette  chaîne 
de  montagnes  I  T.  II,  p.  120.  Leur  hauteur  comparée 
avec  celle  d'autres  montagnes ,  p.  414. 

Animaux^  C grands")  ou  en  trouva  fort  peu  en  Ainérîqua 
lors  de  la  découverte;  T.  II 5  p»  137. 

Arabes^  fe  font  particulièrement  appliqués  à  l'étude  de  la 
géographie  j  T.  I ,  p.  45. 

X3 


f%t6  TABLE 

/argonautes,  (rexpédition  des)  pourquoi  fî  fameufe  parmi 

les  Grecs i  T.  I,  p.  18. 
/irithmétique .  on  l'art  de   compter,  à  peine  connu  par  les 

Aniédcainsj   T.  II,  p.  124. 
/JftoUno,  (le  père)  fa  miflion  extraordinaire  auprès  du  Kaii 

des  Tartaiesi  T.  I,  p.  52. 
^fie,  découvertes  faites   dans  cette  partie  du  monde  par 
les  Ruffes  i  T.  II ,  p.  160,  &c. 

B. 

ïjalboa,  ^Vafco  Nugnès  de)  établit  une  colonie  à  Sain- 
te-Marie dans  le  golfe  de  Darien ,-  T.  II ,  p.  30.  Reçoit 
avis  de  l'exiftence  &  des  ricliefîes  du  Pérou ,  p.  40. 
Son  cacaélere,  p.  44.  Il  traverfe  l'IUlime  p.  46.  Décou- 
vre la  mer  du  fud,  p>  48.  Revient  à  Sainte-Marie  ,  p.  50. 
Eft  lemplacé  dans  fon  gouvernement  par  Pedrarias  Da- 
.  vi!a,  p.  51.  Condamné  à  l'amende  par  Pedrarias  pour 
fes  adlions  paffées,  p.  55.  Rfl:  nommé  vice  -  gouverneur 
des  pays  découverts  dans  la  mer  du  fud,  &  époufe  la 
fille  de  Pedrarias ,  p.  58.  Eft  arrêté  &  mis  à  mort  par 
Tordre  de  Pedrarias,  p.  60, 

'Banere,  fa  defcription  de  la  conftrudion  des  maifons  des 
Indiens;  T.  II,  p.  \70. 

Behring  &  Tfchirikow ,  navigateurs  Rufles ,  croient  avoir 
découvert  l'extrémité  nord-ouefl:  de  l'Amérique  du  côté 
de  l'eft  i  T.  II  s  p.  165.  Incertitude  de  leurs  récits , 
P-  433» 

Benjamin  ,  juif  de  Tudela ,  fes  voyages  extraordinaires  $ 
T.  I,  p.  51' 

Bernaldes,  exemple  qu'il  donne  de  la  bravoure  des  Caraï- 
bes; T.  II,  p.  478* 

Bethencourt^  (Jean  de)  Baron  Normand,  prend  poflefllon 
des  ifles  Canaries;  T.  I ,  p.  62* 

Bfigoia  en  Amérique ,  defcription  de  fes  habitans  ;  T.  II , 
p.  284»Caufe  de  leur  fou  miflion  aux  Efpagnols,  p.  285. 


D  E  s    INI  A  T  I  E  R  E  s.  4?;- 

Leur  doélrine  &  leurs  cérémonies  religieufes ,  p.  355. 

Boyador  ^  Qt  cap)  quand  découvert;  T.  I ,  p.  70.  Ed 
doublé  par  les  Porcugais,  p.  76. 

Bonne  -  Efpéyance ,  (  le  cap  de  )  découvert  par  B.  Diaz  j 
T.  I,  p.  pr. 

Bofu ,  Ion  récit  de  la  chanfon  de  guerre  des  Américains  5 
T.  II,  p.  464. 

Bovadllla,  (François  de)  envoyé  à  Hirpaniola  pour  exami- 
ner la  conduite  de  Colomb  j  T.  I,  p.  243.  Envois  Co- 
lomb les  fers  aux  pieds  en  Efpagne,  p.  344.  EftdiG' 
gracié  &  rappelle,  p.  248. 

Bougahzville,  ik  défenfe  du  Périple  d'Hannon  j  T.  I ,  p.  277, 

Bouguer ,  parle  du  caradere  des  Péruviens  s  T.  Il,  P'444. 

Boujfùie^  (invention  de  la)  T.  ï,  p.  58.  Par  qui,  p.  59, 

Bréfil,  (\d.  côte  du)  découverte  par  Alvarès  Cabrai  j  T.  f  , 
p.  256,  Remarque  fur  le  climat  de  ce  pays  j  T.  II 5  p.  420» 

C. 

KjaWalt  (Alvarès)  capitaine  Portugais ,  découvre  la  cô- 
te du  Biéfil  ;  T.  I  j  p.  256. 

Californiens  i  leur  caradiere  fuivant  le  P.  A^enegas  j  T.  .II , 
p.  44B. 

Campêche ,  découverte  par  Cordova ,  qui  efl:  repouiTé  par 
les  naturels  du  pays  j    T.  II ,  p.  io5.  ■ 

Canaries^  (les  ides)  éi\^ées  en  royaume  par  le  pape  Clé- 
ment VI  î  T.  1 ,  p«  62.  Soumifes  par  Jean  de  Bethea- 
conrt,  ibid. 

Cannibales:  on  n'a  trouvé  aucun  peuple  qui  mangent  la 
chair  humaine  pour  nourriture  ordinaire ,  quoique  fou. 

-  vent  par  efprit  de  vengeance;  T.  Il,  p.  312. 

Canots  Américains ,  leur  conHiruction  s  T.  Il ,  p.  337. 

Caraïbes^  (les  ifles)  découvertes  par  .Colomb  dans  fan  fe* 
cond  voyage  ;  T.  I ,  p.  183. 

Caraïbes ,  leur  caraélere  féroces  T.  Il»  P»  ^'^7•  Décrit  par 
M.  de  Chanvalon,  p.  447.  Conjeéluce  probable  fur  la 

X4 


438  TABLE 

différence  du  caraélere  de  ce  peuple  avec  celui  des  ht 
bitaiis  des  grandes  ifles ,  p.  479. 
Carpini,  fa  miffion  extraordinaire  auprès  du  Kaii  des  Tai- 

tares  ;  T.  I ,  p.  52. 
Carthaginois  ,  état   du  commerce   &  de  la  navngation  de 
ce  peuple;  T.  I,  p.   12.^  Les  fameux  voyages  d'Han- 
non  &  de  Himilcon,  p.  14. 
Chaleur ,  caufes  de-s  différens  degrés  de  chaleur  dans  l'an- 
cien &  le  nouveau  continens  j  T.  II ,  p.  41(j.    Calcu- 
lée, 431. 
Chanion  de  guerre   des  Américains  î  T.  II ,  p.  464. 
Chauyaïon,  (M.    de}   portrait   qu'il   fait  du   caractère  d^& 

Caraïbes  ;  T .  H  ,  p.  447. 
Charles  -  Quint  ^  Q'E.va^Q.ïQVix')  envoie  Rodrigue  de   Figue- 
roa  à  Hilpaniola,  en  qualité  de  juge  fuprême,  pour  ré- 
gler  la    manière    de  traiter  les  Indiens  ;  T.   II ,  p.   83. 
Fait  délibérer  en  fa  préfence  fur  ce  fujet,  p.  93, 
Chiquitos  5  état  de  politique    de  ce  peuple    fuivant  Fer- 

nandez  ;  T.  II,  p.  460. 
Ciceion ,  preuve  de  fon  ignorance  dans  la  géographie  i  T.  I , 

p.  284. 
Ctnaloa,  (Etat  politique    du  peuple   de)  T.    II  j  p.   459, 
Sa  manière  de  vivre,  ihid.  Ne  profeiTent  aucun  culte  re- 
ligieux, p.  474. 
Clément  FI,  (le  pape)  érige  les  ifles  Canaries  en  royaiv 

•  me;  T.  I,  p.  62. 

Climats,  caufes  de  leur  variété;  T.  Hjp.  125.  Leurs 
effets  fur  le  corps  humain  ,  p.  402.  Recherches  fur 
les  différens  degrés  de  chaleur  des  climats ,  p.  41(5. 

Coîomh,  (ChriHophe)  fa  naiffance  &  fon  éducation  i  T,  I, 
p.   ^7.    Ses  premiers  voyages ,  p.   98.    Il   fe  marie  & 

•  s'établit  à  Lisbonne ,  p.  100.  Ses  réflexions  géogra- 
phiques ,  p.  loi.  II  forme  le  projet  d'ouvrir  une  nou- 
velle route  aux  Indes,  102.  Il  propofe  fon  projet  au 
Sénat  de  Gênes,  p.  iio.   Pourquoi  ks  propofiLions  fout 

le- 


D  E  s    M  A  t  î  E  R  E  s.  ^fiçf 

ïèjettées  en  Portugal,  p.  m.    H   s'adrefle  h  la   cour 
d'Efpagne  &  à  celle  d'Angleterre ,  p.  113.    Son  projet 
examiné  par  des  juges   ignorans,  p.   120.    Eft  protégé 
par  Juan  Pérès,  p.  124.  Il  efl  de  nouveau  découragé, 
p.  122.     11   efl  rappelle  par   Ifabelle  &  engagé  au  fer- 
vice  de  l'Efpagne,  p.  129.     Préparatifs  pour  fon  voya- 
ge,  p.   129.    En  quoi  confiftoit  fa  flotte,  p.  130.   Son 
départ  d'Efpagne,  p.    132.    Sa   vigilance  &   fon   atten- 
tion  pendant  fon  voyage,  p.  135.    Craintes  &  alarmes 
de   fon    équipage ,  p.   136.    Son  adreffe  à  les  calmer , 
p.   137.  Apparences  flatteiifes  de  fuccès,  p.  1^3.   Ou 
découvre  la  terre,  p.   14!^.  Première  entrevue  avec  les 
naturels  du  pays ,  p.  145.    Prend  les  titres  d'amiral  & 
de  vice  -  roi ,  p.   149.    Donne   à   fifle  le  nom  de  San- 
Salvador,  Wd,    S'avance   vers  le  Sud,  p.  150.    Décou- 
vre Cuba,  p.  151.   Ainfi  que  l'ifle  d'HiliDaniola,  p.  154* 
Perd  un  de  fes  vaifieaus,  p.  156.  Bâtit  un  fort,  p.  163,- 
Retourne   en   Europe  ,  p.    167.    Expédient  donc   il  fe 
fert  pendant  une  tempête   pour  fauver  la   mémoire  de- 
fes  découvertes,  p.  169.  Il  relâche  aux  Açores,  p.  r^o». 
Arrive  à  Lisbonne,  p.  171.   Sa  réception  en  Efpagne,, 
p.  172.  S<>n  audience  de  Ferdinand  &  Ifibelle,  p.  173, 
Préparatifs  pour  un  fécond  voyage ,  p.   178.    Découvre 
les  ides  Caraïbes,  p.  183.    Trouve  la    colonie  d'Hîfpa» 
niola  détruite ,  p.  184.  Bâtit  une  ville  qu'il  nomme  Ifi- 
laelle,  p.  187.   Examine  l'état   du  pays,  p.  189.  Situa- 
tion fâcheufe  &  mécontentement  de  la  cobnie ,  p   i^Sr 
Il  découvre  Tifle  de  Jamaïque ,  p.  194.  A  fon  retour  k 
ifabelle  il  y  trouve  fon  frère  Barthelemi,  p,  195,   Le-5 
Indiens  prennent  les  armes  contre  les  Rrpagnols ,  p,  195. 
Guerre  avec  les   Indiens ,  p.    199.    Ta:îe    impofée  fur 
les  Indiens ,  p.  202.    Il  retourne  en  EÇoagne  pour  jufti- 
fier  fa  conduites  p.  ^8»  On  fak  un-  plarï  plus  régulier' 
pour  l'établifièment  d'une  colonie,  p.  210,   Son  troifîe- 
me  voyage  ,  p»  215.    Découvre   l'ille  de   la   TEiaké-, 

X  5  '       .*^ 


4go  TABLE 

p.  217.-  Découvre  le  continent  de  l'Aménque ,  îhid. 
Etat  d'Hirpaniola  à  fon  arrivée  ,  p.  220.  Il  appaife  la 
révolte  caufée  par  Roldan,  p.  224.  Intrigues  contre 
Colomb ,  p.  240.  Succès  de  fes  ennemis  auprès  de 
Ferdinand  &  Ifabeîle,  p,  242.  Il  eft  envoyé  en  Efpa- 
gne  les  fers  aux  pieds,  244.  Mis  en  liberté,  mais' dé- 
pouillé de  toute  autorité,  p.  247.  Dégoûts  qu'il  éprou- 
ve, p.  254.  11  forme  de  nouveaux  projets  de  décou- 
vertes ,  p.  255,  Entreprend  un  quatrième  voyage , 
p.  257.  Traitement  qu'il  efifuie  à  Hifpaniola,  p.  258. 
Cherche  un  psfil^ge  à  l'océan  Indien,  p.  261.  Fait 
naufrage  fur  la  côte  de  la  Jamaïque,  p.  q6^*  Recher- 
che l'amitié  des  Indiens  ,  p.  264.  Sa  détrefle  &  fes 
foufFrances,  p.  266,  Il  quitte  l'ifle  &  arrive  à  Hifpa- 
niola, p.  272.  Retourne  en  Efpagne,  p.  273.  Sa  mort, 
p.  275.  Ses  droits  à  la  première  découverte  de  l'Amé- 
rique défendus,  p.  299. 

Colomb,  (Don  Diegue}  réclame  les  droits  accordés  à  fon 
père  ;  T.  lî ,  p.  20,  Se  marie ,  p,  21 ,  &  pafîe  h  Hifpanio- 
la ,  p.  22.  Etablit  une  pêcherie  de  perles  à  Cubagua , 
p.  23.  Il  forme  îe  projet  de  conquérir  Cuba,  p.  32, 
Ses  mefures  traverfées  par  Ferdinand,  p.  64.  Il  retour- 
ne en  Efpagne,   p.  65. 

Commerce,  à  quelle  époque  il  faut  rapporter  fon  origine; 
T.  I,  p.  3.  Sert  à  faciliter  la  communication  entre  les 
peuples,  p,  5.  Fleurit  dans  Tempire  d*orient  après  la 
ruine  de  l'empire  d'occident,  p.  33.  Renaît  dans 
l'Europe,  p.  46. 

Conâamine,  (M.  de  la)  fon  récit  du  pays  qui  fe  trouve 
au  pied  des  Andes  dans  l'Amérique  méridionale  j  T.  If, 
p.  425.  Ses  lemarques  fur  le  caraders  des  Américains, 
p.  445. 

Co!^go ,   (le  royaume   de)  découvert  par   les  Portugais  ^ 
T.  I ,  p.  87. 

Conjlanîhwpk,  fuites  fùcheufes  de  l'établiffement  du  fiege 


DES    MA  T  lE  Pv  E  S.  491 

de  l'empire  dans  cette  ville;  T.  I,  p.  40.  Continue 
à  être  une  ville  commerçante  après  la  chute  de  l'em- 
pire d'oecidânt ,  p.  43.  Devient  le  principal  marché  de 
ricalie'j  p.  4'î» 

Cordoy,^  ,  (  François  Hernandes  ^  découvre  le  Yacatan  5 
T.  n,  p.  105.  Eîl  repouffé  k  Campêche  6c  retourne  k 
Cuba,  p.  107. 

Croglan ,  (  le  colonel  George  ) ,  parle  des  os  de  grands 
animaux ,  d'une  race  éteints  depuis  longt^ms  ,  trou- 
vés dans  l'Amérique  feptentvionale  ;  T.  Il,  p.^  427. 

Crolfades,  (les)  favorifent  les  progrès  du  commerce  & 
de  la  navigation,   T.  I,  p.  4g. 

Cula ,  Cl'ifle  de)  découverte  par  Clir.  Colomb  j  T.  ï , 
p.  151.  Defcription  magnifique  que  fait  Colomb  d'un 
port  de  cette  ifle,  293.  Ocampo  en  fait  îe  toiu'j  T.  II, 

'  p.  20.  Diego  Velafqaès  en  entreprend  la  conquêie  9 
p.  32.  Traitement  cruel  fait  au  Cacique  Hatuey,  & 
fa  réponfe  à  un  moine ,  p.  35. 

Cubngiia^  établiflement  d'une  pêcherie  de  perles;  T.  II, 
p.  23. 

Cumau-tt  (les  habitans  de)  fe  vengent  du  mauvais  trai- 
tement qu'ils  ont  reçu  des  Efpagnoîs  ,*  T.  II ,  p.  97, 
Le  pays  eft  dévafté  par  Diego  Ocampo,  p.  iod. 

D. 

-Llrt/z/^.  Paffion  violente  des  Américains  pour  ce  plaifîrj 
.  T.  II,  p,  366. 

Darîen  j  (defcription  de  l'idhme  de)  T.  II ,  p.  45. 
D'mz,  (Barrhelemi)  découvre  le  cap  de  Bonne  ECpérances 

T.  1,91. 
Découvertes^  dltTérence  entre  les    découvertes  faites    paf 

terre  c^  celles  faites  par  mer  ,*  T.  î ,  p.-  283. 
porhveU  ,  fes  objedVions  contre  le  Périple  d'Hannon   i^in- 

téesj  T.  I5  275. 

K  6 


492  -  '-"TABLE 

JDom'mgue ,  (Saint)  dans  l'ifle  d'Hifpaniola,  fondée  par  Bar. 

thelemi  Colomb  j  T.  I ,  p.  220. 
Dominicains,  ceux   d'riifpaniola  s'oppofent    publiquement 

au   trakemenc    cruel   qu'on   fait   elTuyer  aux*  Indiens  ; 

T.  II,  p.  6-^»  Voyez  Las  Cafas, 

E. 

SLgyptkns ,  ancien  état  du  commerce  &  de  la  navigation 
de  ce  peuple  5  T.  I ,  p.  8. 

Eléphant  i  animal  particulier  à  la  zone  torride;  T.   II, 
•    -p.  429. 

"Enterrement  des  Américains  j  T.  lî ,  p.  358. 

Espagnols ,  manière  fînguliere  dont  ils  prennent  poCTeffion 
des  pays  nouvellement  découverts  j  T.  II,  p.  409. 

Efprit  humain ,  Tes  efforts  proportionnés  aux  befoins  pliy- 
fiques  de  l'homme  ;  T.  II ,  p.  230. 

Efqumaiix ,  (Indiens),  reflemblance  entre  ce  peuple  &  les 
Groenlandois ,  leurs  voifins  ;  T.  II ,  p.  170.  Defcription 
de  leur  pays ,  416. 

Eugène  IV,  (le  pape)  accorde  aux  Portugais  un  droit 
exclufif  fur  tous  les  pays  qu'ils  découvriroient  depuis 
le  cap  Non  jufqu'au  continent  de  l'Inde;  T.  I,  p-  80. 

Europe^  ce  qu'elle  a  foufferte  par  le  démembrement  de 
l'empire  Romain  par  les  peuples  barbares  j  T.  I,  p.  41. 
Renaifiance  du  commerce  &  de  la  navigation  en  Eu- 
rope, p.  46.  Avantage  qu'elle  retiie  des  croifades-, 
p.  49. 

F. 

X^emmes,  leiir  condition  parmi  les  Américains  j  T.  If, 
p.  237-.  Ne  font  pas  fécondes ,  p.  242.  Il  ne  leur  eft 
pas  permis  d'alîiller  aux  fêtes,  p.  377,  ni  de  porter 
des  ornemeiis,  p.  468. 
,Fdr ,  pourquoi  les  nations  fauvages  n'avoient  aucune 
coniiolilEiice  de  ce  métal  j  T.  II,  p.  16^ 


DE  s    M  AT  TE  R  E  s.  ^ 

Ferdinand  de  Cnftille  donne  enfin  fon  attention  au  règle- 
ment des  affaires  de  rAméiique  j  T.  II,  p.  12.  Don 
Diego  Colomb  lui  demande  les  prérogatives  accordée! 
à  fon  père,  p.  20.  Etablit  deux  gouverneniens  dans  le 
.continent  de  l'Amérique,  p.  26.  Envoie  une  flotte  au 
Darien  &  rappelle  Balboa ,  p.  51.  Nomme  Balboa  vi- 
ce -  gouvernenr  des  pays  découverts  dans  la  mer  du 
fud ,  p.  58,  Fait  partir  Diaz  de  Solis  pour  découvrit 
un  pafîage  à  l'oueft  des  Moluques,  p.  62.  Traverfe 
les  mefures  de  Diego  Colomb ,  p.  64. ,  Son  ordonnance 
fur  la  manière  de  traiter  les  Indiens,  p.  69.  Voyez  Cù* 
Imiib  &  Ifabelle, 

Fernandez,  (le  père)  fa  defcrîption  de  l'état  politique  des 
Chiquitos;  T.  Il,  p.   4<5o^ 

Fïgueroa ,  (Rodrigue  de)  efl:  nommé  jugs  fuprême  d'Hif- 
panioîa,  avec  ordre  d'examiner  le  traitement  fait  au3B 
Indiens  j  T.  Il»  p.  83.  Fait  une  expérience  pour  juger 
de  l'intelligence  &  de  la  docilité  des  Indiens,  p.  99. 

Floride^  découverte  par  Jean  Ponce  de  Léon;  T.  U, 
p.  ^6.  L'autorité  des  chefs  y  efl:  héréditaire  ^  p.  281. 

Fonfeca ,  archidiacre  de  Sêville ,  enfuite  évêque  de  Bada* 
joz,  miniftre  pour  les  alfaires  de  l'Inde,  traveL-fe  Co- 
lomb dans  les  plans  qu'il  forme  pour  faire  des  décot> 
vertes  &  établir  des  colonies;  T.  I,  p.  203,  215. 
Protège  l'expédition  d'Alonzo  de  Ojeda ,  p.  234. 

G.. 

\Jama^  (Vaf.  de)  fou  voyage  pour  faire   des    découver* 
'  tesj  T.  I,  p.  228.  Double   le  cap  de  Bonne  -  Efpéran* 

ce,  p.  230.    Mouille  devant  la  ville   de  Mélinde,  ibld. 

Arrive  h  Calicnt  au  Malabar,  p.  231. 
Xkings^   (le)  ii'iées  eiTonnées  des  aïKiens  fur  la   pofitioîj 

de  cette  rivière;  Tr  I,  p.  282. 
Géants  ,  ce  qu'en  difent  les  premiers  voyageurs  n'efc  pai^ 

cou  fumé  pan  les.  dernières  découvertes  j  T.  I,  p.  SI-* 


4^4  T    A   Î5    L    E 

Geininus  9  préiîve  de  fon  ignorance  en  giographie|  T.  T, 

p.  285. 
Géographie,   étoit  fort   bm-née   chez   les   an  dans  ;   T.  I, 

p.  41.  Devient  l'étude  favorite  des  Arabes,  p.  45. 
Gîola,  (Flavio)  inventeur  de  la  boufTole^  T.  I ,  p.  59. 
Ghbe  ,   fa   divifion  en  zones  par  les    anciens  j   T.   I  3 

p.  37  &  284. 
Gouvernement  ,  on   n'eii    a  trouvé   aucune   forme   vifible 

parmi  les  Américains  j  T.  II ,  p.  273,  Exceptions  à  ce: 

égard,  p.  279. 
Grand  Chaco,  récit  de  Lozano  fur  la  manière  de  faire  la 

giieiTe  par  le  peuple  de  ce  pays;  T.  II,  p.  462. 
Grecs ,  (anciens)  leurs  progrès   dans  la  navigation  &  les 

découvertes  >   T.  I ,  p.  14,    Leur  commerce  avec   les 

autres  nations  étoit  fort  borné ,  p.  17. 
Grljalva  ,  Q\x^n   de)  part  de  Cuba  pour  aller  faire   des 

découvertes,  T.   II,  p.    108.    Découvre  &  donne   le 

nom   à  la  Nouvelle  Elpagne,  p.   iio.   Ses  raifons  pour 

ne  pas  établir  une  colonie  dans  les  terres  qu'il  venoit 

de  découvrir  5  p.  114» 
Groenland,  fa  proximité  avec   l'Amérique   feptentrionale  j 

T.  lî,  p.  169. 
Guiane  Hùlîandolfs ,    caufe   de   l'extrême   fertilité  de   fbîi 

fol  5  T.  II,  p.  432. 

H. 

xiannoiî,  apologie  de  (bn  périple,  avec  un  récit  de  foii 
voyage  j  T.  I ,  p.  2/5. 

Hatuey  ^  Cacique  de  Cuba,  traitement  cruel  qu'on  lui 
fait  fabir  &  fa  réponPe  remarquable  à  un  moine  Fraiî- 
cifcain  ;  T.  II ,  p.  35. 

Henrî^  (ie  Prince)  de  Portugiil,  fon  carai^ere  &  Tes  étu- 
des; T.   I,   p.  70,    Expéditions  faites  par  fon  ordre, 

•  p.  73.  Demande  au  pape  la  poIfeOTion  de  fes  nouvel 
les  découvertes  3  p.  80*  Sa  mort ,  p.  84*   . 


D  E  s    M  A  T  I  E  R  E  s.  495 

Sifpcin'wla>  (rifle  d')  découverte  par  Chrifl:ophe  Colom^j 

~  T.  I,  p.  154»  M.îiilere  donc  il  fe  comporte  avec  les 
naturels  du  pays,  p.  155,  Colomb  y  laiOTe  une  colonie, 
p.  i5£.  La  colonie  efl:  détruite ,  p.  184  Colorai?  bâtit  une 
vilie  nommée  Ifabelle,  p.  187.  Les  Indiens  maltraités 
prennent  les  armes  contre  les  Erpagnols,  p,  196.  Ib 
font  défaits,  p.  199.  On  leur  impole  une  taxe ,  p.  202» 
Leur  deffein  d'afifamer  les  Efpagnols,  p.  204,  Saint- 
Domingue  fondée  par  Barthelemi  Colomb  ,  p.  220. 
Colomb  envoyé  en  Efpngne  les  fers  aux  pieds  par  Bo- 
vadilla,  p,  244.  Nicolas  de  Ovando  eft  nommé  gou- 
verneur, p.  250.  Récit  de  Colomb  de  la  manière  hu- 
maine dont  il  y  efl:' reçu,  p.  294.  Conduite  des  Ef- 
pagnols avec  les  naturels  de  Tifle;  T.  II,  p.  4.  Etat 
malheureux  d'Anacoana  ,  p.  8.  Produit  confidérable 
des  mines  de  Tifle  j  p.  10.  Diminution  rapide  du 
nombre  des  Indiens,  p.  14.  Les  Efpagnols  y  fuppléent 
en  trompant  les  habitans  des  ifles  Lucayes  ,  p.  17. 
Arrivée  de  Diegue  Colomb,  p.  22,  L'efclavage  y  fait 
périr  prefque  tous  les  habitans  ,  p.  65.  Difpute  fur 
la  manière  de  traiter  les  efclaves  ,  p.  66.  Exemple 
curieux  de  la  fuperllition  des  planteurs  Elpagnols  ds 
rifle,p.  430. 

Homère ,  fon  récit  de  la  navigation  des    anciens  Grecs  ^ 
T.  I,p.  19. 

Homme ,  la  difpolîtion  de  fon  corps  &  fes  moeurs  dépen» 
dent  de  fa  ficuaiion}  T.  II,  p,  152.  Refiemblance  qUi 
réfulte  de-là  entre  les  peuples  éloignés  les  uns  des  au- 
tres ôc  qui  n'ont  aucune  communication  entre  Q\xt  ^ 
ibid.  L'homme  a  généralement  atteint  le  plus  haut" 
degré  de  perfedion  dans  les  régions  tempérées, p,  371. 


jki. 


I. 


ma'lqiie ^  découverte  par  Chr.  Colomb,  T.  I,-p.  194* 
Jerornsy  (ttois  moines  de   l'orure  de  Saint)  envoyés  p^ 


TABLE 

le  cafdinîil  Xîmenès  à  Hifpanio'a  pour  y  r>?gler[  la  ma- 
nière de  traiter  les  Indiens  j  T.  II  >  p.  76,  Conduite 
qu'ils  ont  tenue ,  p.  77.  Sont  rappelles  ,  p.  83. 

^eu ,  amour  des  Américains  pour  le  jeu  ;  T.  II ,  p.  371. 

^ean  I^  roi  de  Portugal,  eft  le  premier  qui  envoie  quel- 
ques vaifleaux  pour  découvrir  les  côtes  occidentales 
de  l'Afrique  î  T.  I ,  p.  67,  Le  prince  Henri ,  fon  fils , 
prend  parc  \\  Tes  entreprifes ,  p.  70. 

Jean  //,  roi  de  Portugal,  protège  les  entreprifes  pour 
des  découvertes,  T.  I,  p.  86.  Envoie  une  ambafTade 
en  Abyfiinie ,  p.  93.  Manière  peu  généreufc  dont  il 
traite  Colomb,  p.   lii. 

Jn^e,  0'^  motifs  des  expéditions  qu'Alexandre  le  Grand 
y  a  faites  i  T.  I,  p.  24.  Comment  les  anciens  y  fai- 
foient  le  commerce ,  p.  30 ,  &  lorfque  les  arts  com- 
mencèrent à  refieurir  en  Europe ,  p.  46.  Premier  voya- 
ge autour  du  cap  de  Bonne -Efpéran ce,  p.  228. 

Indiens  de  l'Amérique  Efpagnole.    Voyez  Américains. 

Innocent  IF  y  (le  pape)  envoie  une  miflion  extraordinaire 
au  Kan  des  Tartaresj.  T.   I,  p.  52. 

Inqu'ifitïon ,  quand  &  par  qui  introduite  en  Portugal  3 
T.  I,  p.  289. 

îfàbelle^  reine  de  Caîliîle,  follicitée  par  Juan  Pérès  en  fa- 
veur de  Clir.  Colomb  ;  T.  I ,  p.  120.  Eft  de  nouveau 
follicitée  par  Quintanilla  &  Santangel,  p.  121.  Elle  fe 
îaifle  gagner  &  perm.et  d'équiper  une  flotte,  p.  124. 
Elle  meurt ,  p.  273. 

Ifahelle ,  (la  ville  d'}  à  Hlfpaniola  >  bâtie  par  Chr.  Colomb  ; 
T.  I ,  p.  187. 

Italie  t  efl:  le  premier  pays  en  Europe  où.  les  arts  &  la 
civilifation  reparoiïTent  après  l'invafîon  des  barbares  5- 
T.  I,  p.  45.  L'efprit  de  commerce  y  efl:  aélif  &  en-- 
treprenant ,  p.  47. 

Juifs ,  ancien  état  du  commerce  &;  de  la  navigation  da? 
ce  peuple  >  T.  J  >  p.  lu 


D  E  s    M  A  T  I  E  R  E  s.  •  49?^ 

L. 

L^acs,  d'une  étendue  extraordinaire  dans  l'Amérique  fep- 
tentnonale,'  T.  II,  p.  121. 

las  Ca/ast  (Barthélemi)  retourne  d'Hifpaniola  en  Efpa- 
gne  pour  plaider  la  caufe  des  Indiens  j  T.  II ,  p.  73. 
Eft  renvoyé  avec  des  inftrudions  par  le  cardinal  Xime- 
nès ,  p.  74.  Son  raécontencement ,  p.  80.  Il  obtient 
l'envoi  d'une  nouvelle  commilTion,  p.    83.    Propofe  le 

-  projet  -de  fournir  les  coloiTies  de  Noirs ,  p.  84.  Entre- 
prend une  nouvelle  colonie,  p.  87.  Son  entretien  avec 
l'évêque  de  Darien  en  préfence  de  Charles  -Quint , 
p.  92.  Part  pour  l'Amérique  pour  y  mettre  fes  projets 
§n  exécution,  p.  65.  Obftacies  qu'il  rencontre,  p.  9g-, 
Son  projet  échoue  eiiûerement ,  p.  100. 

Lery,  fon  récit  du  courage  Ôc  de  la  férocité  des  Tapi- 
nambous  ;  T.  II ,  p.  463. 

Louis,  (Saint)  roi  de  France,  envoie  une  ambsflade  ai| 
Kan  des  Tartares  i  T.   I ,  p.  54* 

Lozano,  fon  récit  fur  la  manière  de  faire  la  guerre  parmi 
les  habitans  du  Grand  Chaco  j   T.  H ,  p.  462. 

M, 

Sviadere,  (VIHq  de)  découverte;  T.  I,  p.  74. 

Madoc ,  prince  du  pays  de  Galles ,  liiHoire  de  fon  voyage 

;    &  de  fa  découvsite   de  i'Ainédque  feptentrionale  exa- 

.    minée  j  T.  I ,  p.  303. 

Magel/an,  (Ferdinand)  fju  ré:it  de  la  taille  gjgantefque 

r    des  Patagoiis,  T.  H,  p.  £13.   L'exiftence  de  cette  ra- 

.    ce  de  géans  n'elt  pas  encore  prouvée,  p.  214  &  215. 

Maiideyille ,  (Jean)  fes  voyages    en   orient  a    &    manière 

dont  il  a  écries  T.  I,  p.  57. 
Marc-Paul sVémitn.,  fes  voyages   extraordinaii'es  daas 

l'occident,  T.  I ,  p.  55, 
Marejî,  (Gabriel)  fon   récit   du  pays  qui  fe   trouve  entre 

les  IL'iiio.'s  &  les  .-\I.icliiili.nalduacs  i  T.  II ,  p.  456. 


^493^  TABLE 

Marinus  de  Tyr,  faufîe  pofition  qu'il  a  donnée  à  la  Chi- 
ne ;   T.  I ,  p.  290. 

Martyr^  (P.;  fon  fentiment  fur  la  première  découverte  ds 
l'Amérique;  T.  I,  p.  308. 

Médecine^  pourquoi  jointe  en  Amérique  à  la,  forcellerie; 
T.  II,  p.  361. 

Métaux  utiles»  étoient  inconnus  aux  peuples  de  l'Amé- 
rique; T.  II,  p.  265. 

Mexicains^  récit  qu'ils  font  de  leur  origine  comparé  avec 
les  découvertes  poftérieures  ;  T.  II ,  p.  l'^S» 

Michel^  (Je  golfe  de  Saint)  dans  la  mer  du  fud,  décou- 
vert par  Baiboa  ;  T.  lî,  p,  48, 

Montefim ,  Dominicain  à  Saint  -  Domingue  ,  fait  des  re- 
montrances publiques  contre  la  manière  cruelle  dont  o» 
y  traitoit  les  Indiens  ;  T.  II ,  p.  6^* 

Montezume  ^  première  nouvelle    que  les  Eslpagnols  reçoi- 
vent de  ce  prince;  T.  II,  p.  112. 
Moufons ,   leur    cours  périodique  j   quand   découvert  pffiC 
les  navigateurs  ;  T.  I ,  p.  31, 

N. 

xSaicIies,  peuple  de  l'Amérique,  leurs  inflîtutîons  po- 
litiques; T.  II,  p.  281.  Caufe  de  leur  obéifîance  pafli» 
ve  pour  les  EfpagnolSj  p,  288.    Leur  culte  religieux» 

P*  353* 

NavigaiioK  ,  les  progrès  qu'on  a  fait  dans  cet  art  ont  été 
fort  lents;  T.  I,  p.  2.  A  été  connue  avant  la  commu- 
nication entre  les  peuples  ,  p.  3.  Imperfeé^ion  de  la| 
navigation  chez  les  anciens,  p.  6.  La  conaoliTance  de^ 
la  boufîble  a  plus  fervi  à  la  peifeélionner  que  tous  les 
efforts  des  fiecles  précédens,  p.  58c  Le  premier  pian' 
régulier  de  découverte  conçu  par  les  Portugais ,  p.  64, 

Nouvelle  Efpagne  découverte  &  nommée  ainfî  par  Grijal- 
va;  T.  II,  p.  III.  Voyez  Mexique, 

Nouvelle  Hollande^  récit  fuccint  de  ce  pays  &  de  fes  ha* 
bicuns  ;  ï.  II ,  p.  455. 


D  E  s    M  A  T  I  E  R  E  s.  499 

Nîgm ,  CAl'jnzo)  fon  voyage  en  Amérique  5  T.  I ,  p.  235, 
Norvégiens^  il  fe  peut  que  ce  peuple  ait  paflTé  aicieniie- 

ment  en  Amérique  &  qu'il  y  ait  établi   des  colonies; 

T.  I,  p.  3')6,-  T.  Il,  p.  171. 

O. 

\J camps ,  (Diegue)  expédié  avec  une  efcadre  d'Hifpanîo 
la  pour  ravager  la  province  de  Cumana;  T.  Il,  p» 
98  - 100. 

Ocampo ,  (Sebaftien  de)  fait  le  premier  le  tour  de  Cuba  & 
découvre  que  c'efl:  une  ifle;  T.  II,  p.  20*. 

Océan ,  QV ^  quoique  deftiné  à  faciliter  la  communication 
entre  les  pays  éloignés  ,  a  paru  longtems  une  barrière 
immenfe }  T.  I ,  p.  2.  Voyez  boufale  &  navigation. 

Q'ecfa ,  (Alonzo  de)  fon  expédition  particulière  aux  Indes 
orientales;  T.  I,  p.  234.  Son  fécond  voyage,  p.  250» 
Obtient  un  gouvernement  fur  le  continent  j  T.  II,  p.  25» 

Oifeaiix,    Ils  s'éloignent  (buvent  â  une  grande  diftance  de' 
la  terre,'  T.  I,  p.  138.  Récit  de  ceux  qui  font  naturels 
^     à  l'Amérique;  T.  II,  p.  142, 

■}<Orenoque ,  (la  grande  rivière  de  !')  découverte  par  Chrift* 
Colomb  ;  T.  I  j  p.  217.  Méthode  extraordinaire  de  choi- 
fir  un  chef  parmi  les  peuples  qui  habitent  les  bords  de 
cette  rivière  ,  p.  316.  Quantité  furprenante  de  poilToa 
qui  s'y  trouve,  p.  451. 

Olahiti ,  les  habitans  de  cette  iOe  ignorent  Tart  de  faire 
bouillir  de  l'eau  ;  T.  II ,  p.  473. 

Ovando ,  (Nicolas  de)  efl:  fait  gouverneur  d'HiPpamola  ;  T^ 
I,  p.  250.  Mefures  prudentes  qu'il  prend,  p.  252.  Re«r 
fuie  de  recevoir  Colomb  lors  d^  fon  quatrième  voyage , 
p.  259.  Conduite  peu  gàiéreufe  qu'il  tient  av£cColoml> 
lorfqu'il  fit  naufrage ,  p,  265.  Le  reçoit  enfin  &  le  ren- 
voie en  Efpagoe ,  p.  272.  Fait  la  guerre  aux  Indiens  i 
T.  II,  p.  3.  Manière  cruelle  dont  il  les  traite,  p»  6» 
Encourage  la  culture  ik  les  manufactures ,  p.  iit  Rufe 


5po  TABLE 

dont  il  fe  feit  pour  attirer  les   habitnns  des  ifles  Ln- 
cayes ,  p.  17.  Eft  rappelle ,  p.  22. 

P. 

jranama.   Pedrarias  Davîla  y  établit  une  colonie  $  T.  II , 

p.  62. 
Parmanlde  eft  le  premier  qui  ait  divifé  la  terre  par  zones  ; 

T.  I,  p.  287. 
Patagons^   L'exiftence  de  leur  taille  gîgantefque   u'eft  pas 
,     encore  conftatée  î  T.  II,  p.  214,440. 
Pedrarias-  (Daviia)  eft  envoyé  avec  une  ftotte  pour  fuccé- 
der  àBalboadans  Ion  gouvernement  de  Sainte-Marie  far 
rifthme  de  Darien  ;  T.  II,  p.  51.    Ses   divifions  avec 
Balboa ,  p.  55.   Conduite  avide  de   Tes  troupes ,  p.  57. 
Se  réconcilie  avec  Balboa  &  lui  donne  fa  fille  j  p.  58. 
Condamne  &  fait  exécuter  Balboa ,  p.  60.   Tranfporte  fa 
colonie  de  Sainte -Marie  k  Panama,  p.  62. 
Penguîn,  le  nom  de  cet  oifeau  ne  dérive  point  du  Gal- 
lois} T.  I,  p.  305» 
Pérès ,  CJuan)  protège  Colomb  à  la  cour  de  Caftille  5  T.  I  s 
p.  120.  Il  invoque  publiquement  le  ciel  pour  le  fuccès 
du  voyage  de  Colomb ,  p.  132. 
Périple  dTlannon ,  authenticité  de  cet  ouvrage  juftifiée  ; 

T.  I,  p.  275. 
Pérou,  Vafques  Nugnès  de  Balboa  reçoit  le  premier  avis 

fur  ce  royaume  î  T.  II,  p.  41. 
Pierre  le  Gracie! ,  \aiïes  plans  de  ce  prince  pour  continuel 

les  découvertes  en  Afie;  T.  II,  p.  161. 
Phéniciens,  Canciens}  état  du  commerce  &  dé  la  naviga- 
tion parmi  ce  peuple 5  T.  I,  p»  9.    Route  qu'ils   pre- 
noient  pour  faire  leur  commerce,  p.  27^. 
Pinlo,  (le  chevalier)  fa   defcription  des  traits  caracflérifti- 

ques  des  Américains  j  T.  II,  437  &  440. 
Pinfon,  (Martin  &  Yanez)  commandent  chacun  un  vaif- 
feau  fous  Colomb  k  fon  premier  voyage  j  T.  I,  pt  130, 


D  E  s    M  A  T  I  E  R  E  s.  501 

Le  dernier  découvre  Yucatan  j  T.  Il ,  p.  19. 
JP/^^rr^ ,  r  François)  accompagne  Balbozi  dans  fon  établiffe- 

ment  de  riflhme  de  Darien  j  T.  II,  p.  31.    Le  iiiic  au 

travers  de  i'ifthme  oii  ils  trouvent  la  mer  du  rud,p.43. 
riata ,  C  la  rivière  de  la  )  découverte  par  Diaz  de  Solis  i 

T.  II,  p»  63.  Sa  largeur  extraordinaire,  p,  414, 
Pline ,  (  le  naturalifte  )  preuve  de    fon  ignorance  dans  la 

géograpliie ,*  T.  I,  p.  285. 
JPoiice  de  Léon  ,  (Juan)  découvre  la  Floride  ;  T.  II,  p.  35. 

Motif  romanefque  de  fon  voyage ,  p.  37. 
Population  de  la  terre  s'e'l  faite  lentement  ;  T.  I ,  p.  r. 
Porto  Bello   découvert  &  nomme  ainfi  par  ChriHoplie  Co- 

loiiîb  ;  T.  I.  p^  252. 
Porto- Rico  i  (iûe  de)  foumife  par  Juan  Ponce  de  Léon,  qui 

y  forme  un  établiffe  ment  j  T.  II,  p.  î8. 
Porto 'Sanîo,  première   découverte  de  cette   ifle;   T.  I. 

V'  73» 
Portugal,  quand  &   par   qui   l'Inquifition   fut  introduite 

dans  ce  royaume  ,*  T.  I ,  p.  2,89. 
Portugais ,  motifs  qui  les  ont  engagés  à  tenter  la  décou- 
verte des  pays  incomius;  T.  I,  p.  64,  67,  Leurs  pre- 
mières découvertes  en  Afrique,  p.  70.  Découverte  de 
Madère  ,  p.  74.  Ils  doublent  le  cap  Bojador ,  p.  7(3.  Ob- 
tiennent une  conceffion  du  pape  pour  tous  les  pays 
qu'ils  poiuroient  découvrir,  p.  80.  Découverte  des  iflss 
du  Cap-veud  &  des  Açoies,  p.  83.  Voyage  de  Yafco 
de  Gama  aux  Indes  orientales ,  p.  228. 
Pïifonnlers  de   guerre,   comment  traiiés   par  les  Ainsri- 

cains,*  T,  II,  p.  305. 
Propriété:    Les  Américains  n'en  ont  aucune  idée;  T.  Il, 

p.  270.  Notions  qu'en  ont  les  Bréfiliens ,  p.  457. 
Ptoîomée,  (le  pbilofophe)  fes  defcriptions  géographiques 
font  plus. circonflanciées  &  pbs  exactes  que  celles  de 
fes  prédéceffeurs  ,•  T.  I,  p.  40.  Sa  géographie  traduite 
par  I.es  Arabes ,  p.  45,  Fauife  pofîtiou  qu'il  donne  au 
Gange ,  p.  283. 


go2  TABLE 

Q. 

xj^î/eycdo,  dvêqus  du  Dnrien ,  fa  conférence  avec  Las 
Cafas  en  piéfence  de  l'eiTipeieur  Charles  -  Quint ,  fur  la 
inaniere  de  traiter  les  Indiens,*  T.  Il,  p.  92. 

R. 

R^w?//?o  ,  fa  défenfe  du  récit  qu'Hannon  fait  de  la  côte 
d'Afrique;  T.  1,  p.  277. 

Relighm^  recherches  fur  celle  des  Américains;  T.  II, 
p.  342. 

Ribas,  fon  récit  de  l'état  politique  du  peuple  de  Cinaloa  ; 
T.  II ,  p.  459' 

Rivières,  grar.deur  extraordinaire  de  celles  d'Amérique,* 
T.  IL  p.  121. 

Rohifon ,  (le  profefieur")  fes  remarques  fur  la  température 
de  difFérens  climats;  T.  II,   p.  417. 

Roldan,  CFumçois)  eft  nommé  juge  fuprême  d'Hifpaniola 
par  Chrill.  Colomb ,  T.  I ,  p.  208.  Se  fait  chef  d'une 
révolte,  p.  221.  Se  foumet,  p.  224. 

Romains  ,  leurs  progrès  dans  la  navigation  &  les  décou- 
vertes ;  T.  I.  p.  28.  Leur  elprit  militaire  s'oppofe  aux 
progrès  des  arts  méchaniques  &  du  commerce,  p.  29. 
Ils  protègent  le  commerce  &  la  navigation  dans  les 
provinces  5  p.  30.  Leurs  grandes  découvertes  par  terre , 
p.  33.  Leur  empire  &  les  fciences  périlTent  en  même 
tems ,  p.  40. 

Ruhrvquis  9  Qle  père)  fon  ambaffade  de  France  auprès  du 
Kan  des  Tartares  ,•  T.  I ,  p.  54. 

Rufes^  leurs  découvertes  en  Afie;  T.  II,  p.  161.  Incerti- 
tude à  cet  égard ,  p.  432. 


S 


S. 


an-Salvador ,  découverte  &  ainfi  nommée  par  Chr.  Co- 
lomb ;  T.  I,  p.  149. 
Sauvages^  idée  générale  de  leur  caradere;  T.  II j  p.  380» 


DES    MATIERE  S.  503 

Sîralon  ,  citation  de  cet  auteur  qui  prouve  la  grande  igno- 
rance des  an-ciens  dans  h  géographie  ,•  T.  I,  p.  280.  Il, 
étoit  lui-même  peu  yeifé  dans  cett^  fcience ,  p.  287.  . 

Sud  ^  Oa  mer  du)  découverte  par  Vafquès  Nugnès  de  Bal- 
boa  ,  T.  II,  p.  48. 

SL'p£rfiaw!2 ,  povtéQ  à  percer  dans  les  fecrets  de  l'avenir  ,• 

T.  II,  p.  360. 

T. 

l.ûrtares,  pôiTibir-té  de  leur  émigration   en  Amérique; 

T.  II,  p.  ïôj. 
Terre  '  ^^euye ,  defciiption  d€  fa  fituation;  T.  II,  p.  416. 
Tophiamhous  ^  récic  de  leur  courage  féroce  par  Lery,  T. 

II,  p.  463. 
TrlnUé^  (.fie  de  la)  découverte  par  Chrifl:.  Colomb  à  fon 

troifieme  voyage  ;  T.  I ,  p.  217. 

Tyr ,  commerce  de  cette  ville  ,  comment  conduit  ;  T.  1 9 

p.  276, 

V. 

y  afer  ^  (Lionel)  fon  récit  d'une  race  particulière  d'A-- 
médcains  j  T,  II ,  p*  20S.  Comparée  avec  une  fembia- 
ble  race  de  l'Afrique,  p.  210. 

Végétaux ,  fertiiifent  naturellement  le  fol  où  ils  croifîent  ,* 
T.  II,  146V 

Veïufquès,  (Diego  de)  foumec  llfîe  de  Çubaj  T.  Il, 
p.  34  &  103. 

Venegas ,  (  P.  )  fo"  récit  du  caraélere  des  Californiens  ; 
T.  II,  p.  443. 

Vénérienne^  (maladie)  vient  originairement  de  l'Améri- 
que ;  T.  II.  p.  219.  Paroît  diminuer ,  p.  220.  Ses  premiers 
progrès  rapides ,  p.  442. 

Venîfe .  fon  origine  comme  état  maritime;  T.  I,  p.  49. 
Voyages  de  Marc  -  Paul ,  p.  55. 

Vents  alifés  ^  Xqwïs  Qomà  périodiques  :  quand  découverts 
par  les  navigateurs  ,•  T.  I ,  p.  3ï» 


504  T    A    B    L    E  ,  &c, 

Vird  5  (les  iîlcs  du  cap}  découvertes  par  les  Poitugak  ,• 
T.  il,  p.  83. 

Vllca^  (Don  Antoine  de)  fa  defcription  des  traits  carac- 
téiiftiques  des  Américains  ;  T.  II ,  p.  43^.  Raifons  qu'il 
donne  pourquoi  les  Américains  ne  font  pas  fi  fenfibles  à 
la  douleur  que  les  autres  hommes,  p.  467. 

Volcajis ,  grand  nombre  que  les  Ruflès  en  ont  découvert 
dans  la  partie  feptentrionale  du  globe  ,•  T.  II ,  p.  435. 

Voyageurs p  (anciens)  leur  manière  d'écrire,-  T.  I,  p.  sf, 

^t^imenès j  (le  cardinal)  fes  réglemens  fur  la  manière  de 
traiter  les  Indiens  dans  les  colonies  Efpagnoles;  T.  II, 

P.74.  ^ 

1  ucatan ,  (  la  province  de  )  découverte   par  Pinfon   & 
Diaz  de  Solis,  T.  II,  p.  19.   Defcription  de  ce   pays, 
p.  413. 
2y/#?.  Les  Américains  y  font  fort  enclins  ;  T.  II ,  p.  372. 

Z. 

dLàOnes  (la  teire  divifée  en)  par  les  anciens  géographes  ^^ 
T.  I5  p.  37»  Par  qui  en  premier  lieu ,  p.  284. 

Fin  de  la  TdbU  des  Matières  au  premier  &  du  fécond 
Folnme, 


^ 


4^ 


/ 


■»' ■  ■(»• 


i\ 


js'*-. 


v^^^ 


î.i::» 


■\  .  i^i 


,'»A 


jd^'  -*.  vl 


iCS- 


^r?