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Full text of "L'hybridite dans la nature : régne animal"

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L'HYBRIDITÉ 


DANS LA NATURE 


RÈGNE ANIMAL 


PAR 


ANDRÉ SUCHETET 


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BRUXELLES 


IMPRIMERIE POLLEUNIS, CEUTERICK ET LEFÉBURE 
35, RUE DES URSULINES, 39 


1888 


L'HYBRIDITÉ DANS LA NATURE. 


L'HYBRIDITÉ 


DANS LA NATURE 


RÈGNE ANIMAL 


PAR 


ANDRÉ SUCHETET 


BRUXELLES 


IMPRIMERIE POLLEUNIS, CEUTERICK ET LEFÉBURE 
35, RUE DES URSULINES, 39 


1838 


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L'HYBRIDITÉ 


DANS LA NATURE 


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Longtemps on crut que l’hybridation jouait un rôle 
considérable dans la nature ; les auteurs de la renaissance 
ne craignent pas de lui attribuer une puissance extraordi- 
naire dans la production des espèces, et c’est d’accouple- 
ments étranges et disproportionnés qu'ils font naître des 
êtres réguliers et normaux, qui depuis les temps les plus 


reculés se perpétuent cependant suivant les lois ordinaires 


«de la génération. 


Les savants de l'antiquité avaient les premiers conçu la 
. possibilité de ces fécondations entre animaux d'organisa- 
c-tion différente, même à l'état libre. Aristote (1 ] amène les 


_ carnivores aux eaux des fontaines, pour les unir à des 
espèces différentes et produire de nouvelles formes. Élien 
parle de croisements entre tigres et chiens (2); un autre 
auteur fait descendre le chacal du loup et de Fhyène (3); 


: celle-ci, d’après Pline, s’accouple avec la lionne d’Éthiopie 


(1) Hist. des animaux, 1. VIIT, chap. xxvur. 
(2) D'après les récits des Indiens. 
(3) Bochart, Commentaires sur la Genèse, 1, p. 832. 


PATES 


et produit la crocute (1); tandis que le loup et le chien, 
d’après Ctésias, engendrent la crocotte (2). Les herbivores 
sont compris dans la liste et, d’après le plus ancien histo- 
rien de la Grèce (3), une cavale enfanta un lièvre ! 

C’est surtout pendant les xvr° et xvin° siècles quon a 
fait revivre ces erreurs en les multipliant. Il n’y a plus 
alors aucune limite à ces accouplements hybrides : la 
marmotte descend du blaireau et du singe (4); ce dernier, 
uni à la tortue, produit le tatou (5); les lions et les léo- 
pards engendrent l’alphiel (6). On cite des croisements 
entre renards et lièvres (7), entre lapins et chiens (8); on 
croit à la fécondation dés ruminants par des carnivores; 
c'est un pachyderme qui porte dans ses flancs un grand 
nombre de ces derniers (9); ou bien encore c'est un ani- 
mal que l’on dit être moitié veau et moitié loup (10). 
La paix règne sans doute entre les mangeurs et les 
victimes; car Locke assure avoir vu à Londres une 
créature issue du chat et du rat (11). Réaumur lui- 
même n'aurait manifesté aucun étonnement sil avait 
obtenu de sa poule fiancée à un lapin des volatiles couverts 
de poil, empruntant à deux classes bien opposées, les 
mammifères et les oiseaux, leurs caractères distinctifs (12). 

À ces exagérations succède, au commencement de ce 
siècle, une période de scepticisme. On restreint considé- 


(1) Pline, VII, xxx. 

(2) Ib., VII, zxv. 

(3) Hérodote, VIII, vi. 

(4) Athanasius Kircherus cité par Hyrtl, p. 159. 

(5) Même source. 

(6) Historia nat. mex., ch. xx1v. Nüremberg, 1635. 

(7) Kalm. Wästgotha etc., p, 236, cit. par Haller, Ælementa physiologiæ, 1, 
p. 106. 1766. 

(8) Gleichen, De la génération, p. 48 en note. 1799. 

(9) Acta medica, 1673, vol. IL. 

(10) Voy. Galeria di Minerva, I. 

(11) An essay concerning human understanding, p. 330. London, édit. de 
1838. — On sait que l'Essai de Locke sur l’entendement humain fut com- 
mencé dès 1670. 

(12) L'art de faire éclore des poulets. 


Dr ESS 


rablement la possibilité des fécondations hybrides, on veut 
les borner aux espèces d’un même genre (1); on veut aussi 
: (et c'est le point qui va nous occuper) que le mélange ne 
s'opère qu'entre animaux dont un sexe au moins vit dans 
l'état de domesticité (2); l'hybridation dans la nature serait 
donc nulle. Aussi Cuvier dit-il que, sans artifices, l’exis- 
tence des hybrides n'aurait jamais été connue. Il faut, 
pour faire contracter des unions hybrides, même aux espè- 
ces qui se ressemblent le plus, « toutes les ruses, toutes les 
puissances de l'homme.» En 1835, Marcel de Serres écri- 
vait encore, dans la Revue du Midi, que les mélanges n’ont 
Jamais Lieu « dans les espèces livrées à elles-mêmes » (3). 
L'école classique exagérait certainement la difficulté : 
nous allons voir que l’hybridité, sans cependant apporter 
des modifications à l'espèce, se produit quelquefois dans 
l'état de nature (4). 


ZOOPHYTES. 


L’embranchement des Zoophytes, le premier dans le 
règne animal si l’on commence par les êtres les moins 
parfaits, ne nous offre aucun cas connu d'hybridation 
naturelle. — Existe-t-il réellement des hybrides chez ces 
êtres dont l’organisation est peu compliquée et dont les 
sexes chez le plus grand nombre ne paraissent même pas 
séparés ? Aucune observation positive n’est venue nous le 
dire. Des essais de fécondation artificielle n’ont été faits, 
à notre connaissance, que dans la classe des ÉCHINo- 
DERMES (groupe des Echinides), en 1873 par M. Ma- 


(1) Guvier, dans le Diet, des sciences de Levrault (art. Métis). 1874. 

(2) Desmarest, dans le même dictionnaire (art. Mulet). 

(3) Il faut au moins que l’une des deux espèces soit privée de sa liberté 
(t. IV, p. 345). 

(4) Nous déclarons toutefois ne prendre aucunement la responsabilité des 
faits que nous allons citer ; si plusieurs paraissent bien avérés, d'autres restent 
fort douteux. 


SERRES 


rion (1), en 1874 par M. Agassiz (2), en 1882 par 
M. Koehler (3), en 1883 par M. Stassano (4) et en 1885 
par MM. les docteurs O. et R. Hertwig (5). 


MOLLUSQUES. 


L’hybridation ne paraît commencer à se manifester que 
dans l’'embranchement des Mollusques et d’une façon tout 
exceptionnelle. 

Dans la classe des GASTÉROPODES, des accouplements 
ont été observés par M. Lecoq (6) entre les Helix nemo- 
ralis et aspersa, et la Clausilia papillaris et le Pupa 
cinerea (7). M. Gassiès a aussi parlé de l'union de lH 
aspersa avec lH nemoralis et TH vermiculata, et RU la 
nemoralis avec l’hortensis (8). 

Thompson (Annal. and Mag. of nat. history, vol. x, 
1832) déclare avoir vu plusieurs cas d’accouplement entre 
Littorina rudis et L. littoralis. M. Sauvage a observé les 
mêmes accouplements sur les côtes du Boulonais. (Journal 
de Conchyliologie, vol. xx1, 1873); et M. Battersby aurait 
fait des observations semblables en Irlande (Jeffreyes, 
British. Cocnhy. T. 11, p. 350, cité par Sauvage). 
M. Locard, (Études sur les Variations malacoloyiques, 
Lyon, 1881), a cité le croisement des Succinea putris et 


* 


(1) Comptes rendus Acad. des sciences, t. LXXVI, pp. 963 et suiv. 

(2) Archives de zoo. exp. t. IL. ch. xv, p. 46. 

(3) Comptes rendus Acad. des sciences, t. XCIV, pp. 1203 et suiv. 

(4) Contribuzione alla fisiologia degli spermatozoidi, ZO0LOGISCHER ANZEIGER. 
Cité par MM. Hertwig. 

(5) Experimentelle Untersuchungen über die Bedingungen der Bastardbe- 
fruchtung. Yena, 1885. 

(6) Étude sur la Géog. bot. de l'Europe, t. I, ch. x, p. 209. Paris, 1834. 

(7) Ce dernier accouplement a toutefois été observé dans un enclos à 
Anduze, (Gard), où la Clausilia papillaris avait été déposée quelque temps 
auparavant par M. le D' Mergue qui l'avait rapporté de Cette (Voy. Journal 
de Conchyliologie, t. 1I. Paris 1852). 

(8) Beaucoup de naturalistes considèrent l'hortensis comme une variété de 
la-nemoralis, plusieurs les ont même réunies en une seule espèce. Sur des 
croisements de ce genre consultez encore Dupuy, Hist. nat. d. moll.; Menke, 
Zeit. Mala. 1845 et Rossmassler, Zcono, t. I, 


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S. Pfeiffri, plusieurs fois observé sur la Saône, celui d’un 
Arion empiricorum avec un. Limaxæ cinereus, celui d'un 
Limmea limosa avec un Limmea peregra. Dans ces trois 
cas l'acte de la copulation, dit ce savant, a été accompli, 
mais y a-t-il eu fécondation, c'est ce qu'il ne peut avancer, 
n'ayant point conservé suffisamment longtemps les mol- 
lusques. 

M. Haldeman, dans une note envoyée à M. Morton (1), 
dit qu'il existe une variété presque intermédiaire entre 
l'Unio radiatus et VU. siliquoideus, ce qui lui fait croire 
que cette variété a une double origine. Cependant il 
déclare n'avoir jamais vu d’hybrides entre les autres 
espèces qui séjournent dans les eaux situées à l'est des 
Etats-Unis, quoique ayant toutes les facilités pour faire 
cette observation. 

Il dit encore dans cette note que l’on trouve des indivi- 
dus intermédiaires qu’il est difficile, sinon impossible, de 
ranger soit dans les Paludina derisa, soit dans les 
P. ponderosa. Est-ce, se demande-t-il, à une union 
hybride qu’il faut attribuer la difficulté que l’on éprouve à 
distinguer ces deux espèces qui peut-être s'unissent dans 
une même localité ? — Ces conjectures ont été repous- 
sées par Is. Geoffroy Saint-Hilaire, comme ne reposant 
sur aucun témoignage digne de foi (2). — On peut en 
dire autant de l'opinion (3) qui attribue à l’hybridation 
les différents changements qui paraissent s’opérer dans 
les formes des escargots de la Nouvelle-Calédonie ; la 
chose est possible, mais l'expérience n’est pas encore venue 
la confirmer. 

Un éminent conchyliologiste de Porto, M. Auguste 
Nobre, nous informe qu'il a observé également chez les 
Mollusques marins différents types qui présentent des 


(1) American Journal of science (Silliman), 1847. 

(2) Voy. Hist. générale des règnes organiques, t. TI, p. 186. 

(3) Citée par M. Semper, Saminlung gemeinverst'indlicher Vorträge, x1v 
série, cahier 322 (Modern Thiergeographie), 


caractères pouvant se rattacher à deux espèces distinctes; 
mais, ces espèces elles-mêmes étant sujettes à de grandes 
variations, il n’oserait dire si ces individus sont des 
hybrides ou des variétés. Il a vu, par exemple, des Fatella 
vulgata et des P. Tarentina qui présentaient des caractères 
se rapportant à l’une ou à l’autre de ces espèces. Il a encore 
observé des individus de T. uwmbilicatus avec certains 
caractères propres au T7. crassus. Mais M. Nobre, nous 
le répétons, serait bien embarrassé de dire si ces individus . 
doivent être rangés au nombre des productions hybrides. 
M. Friel nous écrit cependant avoir constaté que vers le 
Nord de la Norwège, dans des endroits où deux espèces 
se rencontrent pour se remplacer, des formes mixtes 
paraissent se produire. Voy. encore sur le même sujet 
Middindortff, Beit. zu. Mal Ross. IT, et Hartmann, Obs. in 
genus Part. 1881. Nous croyons pouvoir dire que sauf pour 
le genre Limacea lhybridation doit être rare chez les mol- 
lusques, les moindres variations suffisant souvent pour 
empêcher l'union sexuelle. 

Nous ne parlons pas, parmi les huîtres, des individus 
qui s’éloignent plus ou moins de deux types bien caracté- 
risés (l’huître ordinaire, Ostrea edulis, et l'huître portu- 
gaise, Ostrea angulata), que le D’ Henri Leroux croit pou- 
voir rattacher aux productions hybrides (1); d’abord parce 
que ces derniers ne se sont rencontrés que dans des gise- 
ments huîtriers cultivés, puis parce que des observations 
tendent à montrer le peu de probabilité de ces produits (2). 
— M. Bouchon-Brandely a bien voulu nous faire connaître 
son opinion, et 1l est d'avis qu'aucun croisement n’est pos- 
sible entre ces deux mollusques, l'huître portugaise étant 
unisexuée et l’huître ordinaire hermaphrodite. Les œufs 
de cette dernière sont en effet fécondés dans les canaux 


(1) Bull. de la Société d'acclimatation. Procès-verbaux 1880, p. 742. Voy. 
aussi son mémoire : Hybridation de l'huître. Nantes, 1878. 

(2) Voy. la communication de M. Berthoude, Bulletin Société acclim. 
Procès-verbaux, 1880, p. 748; et la lettre du docteur P. Fischer à M. de Mon- 
taugé, à Arcachon. 


afférents, et se développent dans la cavité de la coquille ; 
ceux de la Portugaise sont fécondés au sein des eaux où 
ils se développent; du reste, les spermatozoïdes de l’Ostrea 
edulis restent indifférents en présence des œufs de la Por- 
tugaise et vice versa. On pourra consulter à ce sujet le 
Mémoire sur l’hybridation et la fécondation artificielle des 
huîtres, de MM. de Montaugé frères, où les mêmes vues 
sont exposées (Bordeaux, 1880). 


ARTICULÉS. 


L’embranchement des articulés nous fournit au contraire 
un certain nombre d'exemples d’accouplements hybrides, 
mais la plupart de ces croisements n’ont pu être déclarés 
féconds. Nous les trouvons en grande partie dans la classe 
des INSECTES. Peut-être quelques-uns se rencontrent-ils 
aussi dans la classe des ARACHNIDES. Treviranus cite 
Phalangium cornutum et Ph. opilio comme capables de se 
croiser; mais le passage relatif à cet accouplement (p. 22 
des Vermischte Schriften) ne précise point s’il a été observé 
à l’état libre. 

On sait que chez les insectes on rencontre assez fré- 
quemment des individus hermaphrodites, montrant d'un 
côté les caractères du mâle et de l’autre ceux de la 
femelle (1). Quelques-uns d’entre eux offrent cette double 
particularité que chacun des sexes appartient à une espèce 
différente. Doit-on rapporter ces derniers à une produc- 
tion hybride? Des entomologistes éminents ont au con- 
traire inféré de cette réunion qu’une erreur avait été com- 
mise dans la classification, et que les deux types supposés 
distincts n'étaient que les deux sexes d’une même espèce. 
Ceci a même été démontré d’une manière victorieuse en 


(1) Hagen (Éntomologische Zeitung. Stettin, 1861, pp. 259 et suiv.) en a 
dressé une liste comprenant 118 cas: cette liste s’est trouvée notablement 
augmentée deux ans plus tard dans la même revue. Tout dernièrement le 
D: Arnold Pagenstecher, de Wiesbaden, a décrit trois nouveaux insectes 
hermaphrodites (Ueber Zwitterbildungen bei Lepidopteren. 1882). 


diverses occasions, notamment par M. Duponchel (1) et 
par M. Lefebvre (2). M. Wesmael partage cette manière 
de voir pour plusieurs autres cas, ainsi que Mac Leay (3). 
Ces individus sont du reste‘extrêmement rares; dans toute 
la littérature française, anglaise, belge, et dans une partie 
de la littérature allemande, où il est parlé d'hermaphro- 
dites, nous n'avons rencontré qu'un très petit nombre de 
faits de ce genre. 

On peut également faire la même remarque au sujet de 
ces accouplements observés entre individus de types si 
tranchés qu’on les a déclarés hybrides. Il existe dans plu- 
sieurs ordres des insectes une différence telle entre le 
mâle et la femelle qu'on a pensé à tort qu’ils appartenaient 
à des espèces distinctes. 

Quoi qu'il en soit, disons que, chez les Coléoptères, 
parmi les Scarabéiens, on peut citer Melolontha agricola 
vu par le D' Wolf (4) lorsqu'il était accouplé avec la 
femelle de Cetonia hirta; les scarabées vacca, ovatus, 
nuchicornis, qui se mêlent ensemble sans cependant cons- 
tituer de nouvelles espèces (5); le Melolontha hippocastan: 
et le M. vulgaris, exemple communiqué au congrès de 


(1) Il s'agissait d'un Lépidoptère hermaphrodite de la tribu des Phalénites 
présentant d’un côté les caractères d'angerona et de l’autre ceux de primaria, 
décrits comme espèces distinctes dans l’Æneyclopédie (art. Phalène), l’une sous 
le nom de corylaria et l'autre sous celui de primaria. Mais Duponchel fit 
remarquer que les chenilles provenant d'une même ponte produisaient indis- 
tinctement des primaria et des corylaria, ainsi du reste que l'expérience 
l'avait démontré depuis longtemps. (Ann. de la Soc. ent. 1835, t. IV, p. 143). 

(2) 11 s'agissait d'un autre Lépidoptère, Papilio polycaon mâle à droite et 
P. androgeus femelle à gauche. Or, dit Lefebvre, sur plus de 20 Pap. poly- 
caon que Godart observa, tous étaient mâles, et presque autant de P, andro- 
geus furent reconnus pour être des femelles. (Ann. de la Soc. ent. t. IV) 
Néanmoins Boisduval a cité un Lépidoptère nocturne dù genre Lithosia, qui 
tenait de deux espèces voisines, mais cependant fort distinctes, aurita et 
ramosa. 

(3) Voy. Bull. Acad. roy. Bruxelles, t. VI, 2% part. p. 448, et Trans. of the 
Lin. Soc. Lond., t. XIV, 1895, p. 584. 

(4) Magaz. für den neuesten Zustand der Naturkunde. IX B. Weimar, 1805. 

(5) Nouv. dict. d'hist. natur.,t. XX, p. 489. Paris, 1818. 


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Breslau en 1833 par M. Boksch (1); un #melolontha avec 
un Amphimallus (2), un autre avec une Cetonia aurata (3), 
cette dernière trouvée avec Anomala frischii par M. Moc- 
queries, enfin une Anisophia is avec une oæythirea, 
rencontrées par le même. 

Chez les Chrysoméliens, Linné a vu He Ch. ænea accou- 
plée avec Ch. alni. Müller fit souvent cette remarque (4); 
toutefois il n’aperçut point (comme l’a écrit à tort (5) l'illus- 
tre naturaliste) la Ch. ænea avec Ch. graminis. Hope a 
trouvé unis une Donacia et un Crioceris (6). Mac Leay 
découvrit une espèce de Chrysomela en croisement avec 
une Galeruca (7). Gistel a aussi raconté un exemple sem- 
blable entre la Ch. menthæ et Ch. polita (8), toutefois 1l est 
porté à croire que ces deux individus appartiennent à une 
même espèce, opinion combattue par Westwood (9). 

On peut citer encore dans la même famille le croise- 
ment de la ©. polita et Ch. graminis, observation de 
Müller (10), ainsi que le croisement de Timarcha Coriaria 
et T. lævigata, surpris par de Baran dans la forêt de Fon- 
tainebleau (11). M. de Verrin veut bien nous écrire qu'il 
prit à Hyères les Ch. menth. et lucida in copulé, tandis 
qu'une autre fois à Vichy il capturait Ch. homoptera avec 
lurida. 


(1) Transact. of the entomological Society. Article de Westwood. London, 
1841-1843. Il s’agit probablement ici du fait rapporté par M. Kelch (Isis. 1834 
p. 737). Il fut reconu que ces espèces de hannetons étaient toutes deux du 
sexe mâle. Ce cas n’est pas isolé, M. des Gozis nous a fait savoir qu'il avait 
observé lui-même un accouplement très complet de deux mâles du melolou- 
tha vulgaris. M. Ancey avait fait la même remarque. Quelquefois une même 
femelle reçoit deux et trois mâles. 

(2) Voy. Catal. de M. des Gogis. 

(3) Pris par M. Lucas. Communication qui nous est faite par M. Gossens. 

(4) Hydrachnæ, p. 19. 

(5) Systema Naturæ, art. Chrysomela, p. 587. 1767. 

(6) Westwood, Trans. of the entomological Society. London, 1841-1843. 

(7) Observation communiquée à Westwood par le D' Haworth, Transact. 
of the entomolog. Society. 1841-1843. 

(8) Isis, p. 626, B. XX. 1829. 

(9) Dans l’article cité. 

(10) Voir Transact. of entomological Society. 1841-1843. 

(11) Annales de la Société Entomologique. 3° série, t. I. 1853. 


— 14 — 


Chez les Coccinelles, on rencontre souvent unies la 
C. bipunctata et la C. dispar; cet accouplement, d’après 
les expériences de M.Audouin, paraît demeurer stérile (1). 
Fabricius déclare avoir vu la C. quadripustulata unie à 
C. bipunctata (2). M. Haworth a eu des larves prove- 
nant de l'union de ©. tripunctata et C. quadripustulata (3), 
et on dit que des hybrides offrant la confusion des carac- 
tères de deux espèces naissent du mélange de diverses 
petites bêtes à bon-dieu (4). Dans la famille des Curculo- 
niens, Boheman (5) a rencontré en croisement un mâle de 
Strophosomus coryli avec une femelle de Sciaphilus musi- 
catus. Chez les Piméliens on a observé un croisement entre 
Blaps fatidica et Akis reflexa, chez les Télephoriens une 
Raghonycha melanura avec un Telephorus rusticus, chez les 
Elatériens un Athous vittatus avec Agriotes pilosus (6) ainsi 
qu'un Diacauthus latus avec eneus. Chez les Cleriens un 
Trichoiles apiarius uni à un T'. octopunctatus. Enfin chez les 
Cérambyciens un Pachyta virginea avec un Ragium inda- 
gator. (7). 

Mais les accouplements les plus remarquables dans 
l'ordre des Coléoptères sont assurément ceux qui se sont 
produits entre individus appartenant à des familles diffé- 
rentes. On en connaît plusieurs. Le plus ancien, devenu 
classique, est celui qui a été observé par Rossi au siècle 
dernier (8), entre un Ælater et une Cantharis. Celle- 
ci, prise au moment où elle était unie à l’Elater, se trou- 


(1) Ann. de la Société entomologique de France, t. I, p. 232. 1832, — M. Au- 
douin a en effet mis en rapport ces deux -espèces; les femelles fécondées 
n'ont pas tardé à pondre, mais toujours les œufs ont été stériles. 

(2) C. quadripustulatam sæpius cum bipunctata copula connexam vidi. 
Fabricius, Entom. systematica, p. 288. Hafniæ, 1792. 

(3) Nous ignorons toutefois si ces accouplements ont eu lieu à l'état de 
nature. Ils sont cités par Morton, American Journal of science, 1837. 

(4) Revue des deux mondes, t. V, p. 596. 1874. 

(6) Git, par Erichon. Archiv. für Naturgeschichte. 1856 

(6) Les deux crois., observés par M. Mocqueries. 

(7) Observés le 1° croisement par M. Marschall, le 2° par M. Valery-Mayet, 
le 3° par M. Noël-Cassien. 

(8) Memorie di matematica e fisica della Società Italiana, t. VII, part. 1, 
pp- 119 et suiv. Modena, 1799. 


AE CR 


vait sur des feuilles de pêcher, dans les premiers jours de 
juin, elle était donc, dit Rossi, en avance d’un mois sur 
les autres de son espèce, que, de fait, on ne voyait pas 
encore. Le manque de femelles de son espèce l’aura for- 
cée à rechercher l’Ælater, union difficile à contracter à 
cause de la dissemblance des parties génitales. Marsham 
observe de son côté un croisement entre une Coccinelle et 
une Chrysomèle (1); M. Hope en mentionne un autre entre 
un Buprestis et un Elater (2) et, d’après Müller, West- 
wood (3) aurait observé un accouplement entre Donacia 
simplex et Apoderus coryli. On en a encore cité entre Élater 
et Telephorus (4), et entre des Dorcadions et des Hetero- 
meres (5). Aucun de ces accouplements, sauf chez les 
Coccinelles, ne parait avoir été déclaré fécond. Cependant 
M. Carpentier, d'Amiens, nous a fait savoir qu'un de 
ses amis qui à étudié spécialement les Gyrins a remarqué 
des formes de passage entre espèces de ce genre, vivant 
ensemble, et il est convaincu de leur croisement; toutefois 
son opinion est toute hypothétique. M. Bedel nous informe 
aussi qu'il à signalé dans sa Fau. d. Coléop. un Amara 
présumé hybride. Le Dict. de Vorepierre, que nous n'avons 
pû consulter, mentionnerait quelques autres hybrides. 

L'ordre des Lépidoptères nous fournit aussi plusieurs 
exemples d’accouplements entre espèces distinctes, mais 
peu dissemblables, au moins appartenant à un même 
genre ou à une même famille ; encore y a-t-il des genres 
considérables, où rien de semblable n'a été signalé. 

Nous nommerons d'abord les Zygènes. M. Treitschke a 
souvent eu la preuve que la Z. filipendulæ s’accouple avec 
Z. ephialtes jaune; il en prit cinq paires en 1817, et 
suppose que la Z. ephialles rouge doit sa naissance à cet 


(1) Observations communiquées à Westwood par le D' Haworth. (Trans 
of the entomolog. Society. 1841-1843.) 

(2) Proceedings, p.83. Vol. I, cité. par Westwood. 

(3) Transact. 1841-1843. 

(4) Voy. Catalogue de M. des Gozis. 

(5) Comm. faite par M. de la Brüûlerie à M. de Verrin. 


TD 


accouplement. M. Lefebvre, lors de son passage à Vienne, 
en vit dans sa collection deux couples se tenant encore 
ensemble (1), mais on regarde aujourd’hui ces deux types 
comme des variétés d’une même espèce. Stein dit que lon 
rencontre souvent Z. minos accouplée avec Z. peucedani (2). 
Boisduval trouva plusieurs fois la filipendulæ unie à la 
peucedani et la trifolii avec l'hippocrepidis. Il fit pondre 
des femelles pour savoir si leurs œufs avaient été fécon- 
dés ; il ne fut jamais assez heureux pour les voir éclore (3). 
M. Gossens obtint un meilleur résultat avec Mippocrepidis 
qu'il trouva à Paris en croisement avec peucedani; les œufs 
éclorent, mais les produits moururent bientôt sans cause 
apparente. Hippocrepidis et fausta, rencontrés ensemble 
à Lardy, donnèrent aussi de petites chenilles qui paraissent 
ne pas avoir vécu. Au même endroit M. Gossens captura 
une hippocrepidis avec un anneau abdominal comme en 
possède fausta. 

On peut encore mentionner des accouplements de Z. fili- 
pendulæ avec Z. loniceræ et minos, d'après Ochsenheimer(4). 

MM. Ch. et R. Oberthür, de Rennes, possèdent une 
Zygæna minos ou achilleæ qui tient autant de minos que 
d'achilleæ, et une Zygæna scabiosæ-loniceræ paraissant 
bien résulter d’un accouplement hybride. Ils ont encore 
une Zygæna filipendulæ et une Zygæna achilleæ prises en 
accouplement. Enfin ces messieurs ont signalé dans leurs 
travaux entomologiques la rencontre faite par eux-mêmes 
d’une Zygæna accouplée avec une Procris. C'est le seul 
cas, nous disent-ils, où ils ont constaté l’alliance entre 
deux espèces éloignées. Le D’ Staudinger nous fait savoir 
que, pendant un récent voyage en Algérie, un de ses amis 
a trouvé en accouplement, près de Lambèse, une Zygæna 
avec un Îno. 

Chez les Eryciniens, M. Klopsch a décrit une variété 


(1) Annal. de la Société entomologique de France, t.I. Paris, 1832. 
(2) Isis, von Oken, p. 343. Leipzig, 1835. 

(3) Essais sur une monographie des Zygènes, p. 5. Paris, 1829. 
(4) Die Schmetterlinge von Europa, Band II, p. vin. Leipzig, 1808. 


— 17 — 


remarquable, probablement, dit Hagen (1), un hybride de 
Lycæna adonis et L. alexis. 

Dans la famille des Papilloniens nous citerons un 
papillon considéré comme hybride par M. Stein, qui 
l'a capturé, il serait le produit de laccouplement de 
Maniola pamphilis avec M. iphis. Tous les collection- 
neurs qui l'ont vu sont, paraît-il, d'accord sur ce point. 

Les. papillons du chou, Pieris brassicæ, de la rave, 
P. rapæ, et de la moutarde, P. sinapis, se mêlent ensem- 
ble (2). Des croisements fréquents ont lieu entre les 
grands papillons bleus et rouges de l’Amazone, dont les 
produits présentent, plus ou moins accentuées, les nuances 
des deux espèces, et forment le passage de lune à 
l'autre (3). 

M. Semper a voulu voir dans le Pammon à queue une 
forme hybride. Il fait remarquer que, dans les îles des 
Indes-Occidentales, existent de nombreuses espèces de 
papillons, parmi lesquelles lespèce appelée Pammon, 
remarquable en ce que le mâle prend deux formes bien 
distinctes. La différence consiste en ce que l’une porteaux 
ailes une queue pareille aux hirondelles, tandis que l’autre 
n'en à point. Is sont encore différents par la couleur. Les 
analogies, d’après l’auteur allemand, proviennent de lhybri- 
dation d'espèces différentes ; mais il à soin d'ajouter que 
c’est une hypothèse (Sammlung gemeinverständlicher…etc., 
série XIV. Ueber die Aufqabe der modernen Thiergeogra- 
phie. Berlin 1879). Nous ferons remarquer à ce propos que 
Wallace passe sous silence la diversité des mâles, et 
parle au contraire de celle de femelles,’ dont l’une ressem- 
ble beaucoup au mâle et l’autre en diffère complètement. 
(La sélection naturelle, trad. de V. de Candolle, p. 149. 
Paris 1872.) 

Doit-on, chez les Nymphaliens, dans le genre Satyrus, 


(1) Eut. Zeitung. p. 232. 1858. 

(2) Nouv. dict. d'hist. naturelle, t. XX, p. 489. Paris, 1818. 

(3) Bull. Soc. d'acclim., 1882, p. 118; communication de M. Pichot. 
2 


LEA DY 


parler de $. jurtina, accouplé avec $. janira, croisement 
cité dans un grand nombre d'auteurs (1)? Müller se 
demande si les deux insectes ne sont point les deux sexes 
d’une même espèce (2). Dans la forêt d’'Armainvilliers, on 
trouve en Juin $. hero et S. arcanius; pariois des sujets 
tiennent des deux espéces et paraissent provenir de leur 
mélange, M. Goossens en possède plusieurs sujets. 
M. Chichel, de Mulhouse, a rencontré dans une excursion 
faite dans les Vosges un mâle de Satyrus janyra accouplé 
avec la femelle de la Vanesse urticæ. Il a conservé ces deux 
insectes et ne les a piqués qu'après leur mort, espérant 
obtenir des œufs hybrides, mais son attente a été trompée(3). 

On a aussi capturé un Satyrus janyra accouplé avec 
Argynnis paphia (4). 

On a encore des exemples d’hybridité entre la vanesse 
urticæ et la vanesse atalanta (5). M. Scale a observé un 
accouplement entre une vanesse wrticæ et un petit papillon 
d'espèce différente. On prétend que les Deilephila epilobir 
et D). vespertilioides sont les produits du D. euphorbiæ avec 
le Deilephila vespertilio et le Deilephila hippophaes (6). 
M. Heyne, de Leipzig, a possédé deux hybrides de D. 
elpenor et de D. porcellus dont un avait été trouvé à l'état 
libre. D’autres hybrides chez les Sphingiens ont été 
produits, mais en captivité (7). 

Il en est de même des hybrides des Lépidoptères noc- 
turnes (famille des Bombyciens) sur lesquels de nom- 
breuses expériences ont été tentées. On a cependant ren- 


(1) Treviranus, Burdach, Bronn, Brande, d'après Müller probablement 

(2) Hydrachnæ. 

(3) Annal. de la Societ. Entom. de France. t. IL. Se II° Bulletin p. VI. 

(&) Ibid. p. VII. 

(5) Voy. Hist. gén. des règnes organiques, t. IT, p. 185. 

(6) Voy. Revue des deux mondes, t. V, p. 596. 1874. Cette assertion a cepen- 
dant été mise en doute dans Société Entomologique t. IV. p. 29. 1856. 

(7) Une lettre du professeur Spengel, de Giessen, fait savoir que M. Ekstein, 
assistant au Zoolog. Institut der Forstakademie, Eberswalde, a récemment 
décrit un Smerinthus hermaphrodite et hybride (?) d’ocellata et populi, dont 
il a donné le dessin dans Bericht der oberhessischen Gesellschaft für Natur. 
Ces hybrides sont fort communs, du reste, et on en rencontre dans un grand 
nombre de collections. 


mr OT 


contré à l'état libre Saturnia spin accouplée avec 
carpini (1). Ochsenheimer (2) possédait un hybride de 
ces deux espèces, connu sous le nom de Pavonia 
hybrida. On trouve à Vienne dans quelques collections 
plusieurs de ces produits. 

Spilosoma erumisca a encore été trouvé avec lubrice- 
pada, et Pædisea seminaculans avec Pæd. batana; ces trois 
accouplements observés : le premier par M. Stein ; le 
second par M. Yates (3) ; le troisième par M. Lefebvre (4). 
Celui-ci a supposé qu'il pourrait en être de même de deux 
espèces de la même tribu (Tinestes), les Teras emargana 
et les Ter. effractana, qu'ilsurprit dans la position de l’accou- 
plement sans cependant qu’elles fussent réellement accou- 
plées ; du reste, la première espèce n’est peut-être qu’une 
variété de la deuxième. Le plus curieux croisement peut- 
être, observé par un ami du D’ Standinger, de Dresde, est 
celui d'un G'éomètre avec une Lyceana (Lepidoptère diurne). 

Quatre ordres dans la classe des insectes nous fournis- 
sent encore des faits d’hybridation ou d’accouplement entre 
espèces distinctes, à savoir : l’ordre des Diptères, l’ordre 
des Hyménoptères, l’ordre des Hémiptères et celui des 
Névroptères. Chez le premier, dans la famille des Syr- 
phiens, nous constatons des individus intermédiaires entre 
la Volucelle à zones et la V. vide, entre la Volucelle trans- 
parente et la Volucelle enflée, entre la V. bourdon et la 
V. plumeuse. 

En 1735, on mit sous les yeux de l'Académie des scien- 
ces un accouplement entre ces deux dernières; dans cette 
action les deux sexes de ces espèces jouaient un rôle 
inverse (5). Chez les Musciens on à constaté que la mou- 


(1) Isis. 1835. 

(2) Die Schmetterlinge von Europa, B. II. Leipzig, 1808. 

(3) Gité par Westwood, Transactions. 1841-1843. 

(4) Ann, de la Société entomologique de France, t. I, pp. 231 et 232. 

(©) Voy. pour ces divers renseignements Encyclopédie méthodique, t. X, 
p. 784. 1825; et, plus particulièrement pour ce croisement, Westwood, 
Transact. of the entomological Society. 


M DO 


che à viande et plusieurs autres mouches se mêlent avec 
la mouche domestique (1). 

Dans Le second ordre que nous venons de nommer, nous 
citerons : l’'accouplement de diverses mouches àscie, chez 
les Tenthrédiniens ; de différents ichneumons chez les 
Ichneumoniens; d'une osmie avec une chelestonie chez les 
Apiens (2).M. Costa, de Naples, possède une Ælis sexmacu- 
lata hybride (3). M. Rouget mentionnerait dansune bro- 
chure imprimée à Dijon en 1873 divers accouplements entre 
guépes différentes, notamment chez lesvariétés des Polistes. 

Dans le troisième, des unions de Cicadées diverses, d’où 
procède occasionnellement un assortiment de variétés hybri- 
des (4). Enfin, dans le quatrième, des croisements chez cer- 
tains Névroptères tels que les Agrions (5). Fueldner, à Neu- 
Strelitz, prit en croisement Labell. pectoralis et Libell. cau- 
das. Brauer vit aussi dans la même position L. depressins- 
cula et L. striolata, fem. (6) ; et Hagen : Lestes sponsa, mas. 
et Agrion najas, fem. Dans sa Monographie des Libelluli- 
dées, M. de Selys-Longchamps a cité l’accoup. de calepterix 
virgo avec C. ludoviciana et de A.puella avec A.pulchella(s). 

Tels sont les hybrides ou les accouplements que nous 
avons recueillis dans les trois premiers embranchements 
du règne animal (7). Le quatrième et dernier embranche- 
ment, celui des Vertébrés, nous présente des faits sem- 
blables, mais seulement dans trois classes : la classe 
des PoIssons, celle des REPTILES et celle des o1sEAUX, les 
hybrides chez les MAMMIFÈRES restant fort douteux. 


(1) Nouv. dict. d'hist. naturelle, t. XX, p. 489. Paris, 1818. 

(2) D'après M. Schuckard, cité par Westwood, Transactions. 1841-1843. 

(3) American Journal, vol. IV, 1° série, art. de Morton. 1847. 

(4) Décrit dans “ Notizie ed osservazionti sulla geo. fauna sarda. , 

(5) Bull. de la Société d'accl., séance générale du 13 janvier, communication 
de M. le Mi de Sinety. 

(6) Cit. p. Hagen, Entomol. Zeitung. 1858 p. 444. 

(7) Nous apprenons que Hagen a publié en 1857, dans the Entomologists 
Weekly Intelligencer, un mémoire sur l'hybridité des Insectes. Ce travail nous 
a échappé ; nous y renvoyons donc le lecteur pour combler les lacunes que 
nous avons pu laisser. 

(8) A l'état libre pensons-nous. — Voy. encore une étude sur les Libellules 
de l'Indre par M. Martin. 


POISSONS. 


Lacépède à avancé, sans citer aucun fait, que les hybri- 
des chez les Poissons peuvent devenir les souches d'espè- 
ces métisses et constantes (1); Haller au contraire à fait 
remarquer, avec plus de raison peut-être, que les mâles 
ne suivent Jamais que les femelles de leur propre espèce(2). 
Les hybrides que l’on cite sont en effet peu nombreux ; ce 
n'est que dans la famille des Cyprinées qu’ils se rencon- 
trent fréquemment au dire d’éminents naturalistes. 

Bloch, dans son Œconomische Naturgeschichte der F'i- 
sche (3), fait mention de ces croisements. Du carassin, de 
la gibèle et de la carpe, dit-il, naissent deux sortes d'hy- 
brides, dont la grosseur dépasse celle de ces deux pre- 
mières espèces ; mais elle n’atteint jamais celle de lacarpe, 
car ces produits ne pèsent pas plus de trois livres. On les 
reconnaît aux écailles de la tête, qui sont plus-petites que 
dans l'espèce mère, et à des raies longitudinales qui 
s'étendent sur le corps. Il n’a jamais eu l’occasion d’exa- 
miner un hybride de cette sorte ; 1l parle d’après ce qu'il 
a-entendu dire par un pisciculteur expérimenté, et ne pré- 
sente pas ces faits avec certitude. Cependant il cite: Gess- 
ner, Aldrovande, Schwenchfeld, Schoneveld, Marsigli, 
Willoughby et Klein, comme ayant mentionné ces hybri- 
des, dont les gardes des étangs et les pêcheurs contempo- 
rains constatent également l'existence, sous différentes 
déterminations. 

Bloch a encore parlé d’un autre poisson supposé 
hybride (4), connu sous le nom de Blei-Guster, ressem- 
blant en partie à la Brême bordelière ou Guster (Cyprinus 
blicca) et à la Brême ordinaire ou Blei (C. brama). 


(1) Hist. natur. des poissons. 

(2) Elementa physiologiæ. 

(3) Erster Theil, pp. 124-195. Berlin, 1783. 
(4) Op. cit., p. 108. 


Treviranus (1) dit aussi que parmi les Cyprinus brama, il 
. existe un hybride qui se fait remarquer par une belle cou- 
leur et qui est toujours accompagné d’une suite nom- 
breuse ; ce qui lui a fait donner par les pêcheurs le nom 
de conducteur des brêmes. C'est probablement, ajoute-t-il, 
un hybride de la Brême et du Cyprinus erythrophthalmus. 

Bürner (2) parle de la Carpe carassin, et ajoute que 
les pêcheurs sont unanimement d'accord à dire que ce pois- 
son naît dans les étangs destinés aux carpes, lorqu'on y 
laisse pénétrer des carassins. 

Taube (3) est de cet avis : dans les étangs où il existe 
des carassins et des bièvres, dit-il, dans son Histoire de 
Lunebourg, il se forme des produits qu'on appelle intermé- 
diaires parce qu'ils tiennent des deux. 

Defay avait mentionné en 1787, dans les Schriften der 
Gesellschaft der naturforschender Freunde (4), un produit 
supposé du barbeau et de la carpe, pêché dans la Loire. 

On trouve encore dans Haller (5) une vague mention de 
croisements entre carpe et tanche. 

Tels sont à peu près les divers croisements indiqués au 
siècle dernier. Beaucoup de nos modernes les ont confir- 
més, et y ont ajouté d’autres faits. Il faut cependant recon- 
naître que la plupart de ces hybrides restent douteux, à 
en juger par les réserves de ceux qui les ont cités et, plus 
particulièrement encore, par la divergence des opinions 
auxquelles ïls ont donné lieu, de savants ichtyologistes les 
ayant classés au rang d'espèces. — Valenciennes a même 
pensé que Bloch n'avait pas su distinguer les espèces voi- 
sines des Cyprins. 

Th. E. von Siebold Die Süsswasserfische von Mittel- 
europa) (6); le D' Günther (Catalogue of the acanthoptery- 


(1) Biologie, p.416; d'après Bloch, pensons-nous. 

(2) Zoologiæ Silesiacæ Prodromus, p. 205, cité par Siebold. 
(3) Beiträge fur Naturkunde des Herzogthums, Lunebourg. 
(4) Berlin 1787, t. VII. 

(5) Elementa physiologiæ. Lausanne. MDCCLVII. . 

(6) Leipzig, 1863. 


sa) RTE ES 


gian Fishes) (1), et le D° Fatio (Faune des Vertébrés de 
la Suisse) (2), doivent être comptés parmi les auteurs récents 
qui ont étudié d’une façon toute particulière les hybrides 
ichtyologiques (3). Voici, d’après ces naturalistes et d’au- 
tres, la nomenclature des poissons supposés hybrides 
parmi les Cyprins : 

1° La Carpe de Kollar /Cyprinus Kollarii Heck), pro- 
duit de la Carpe {C.brama) et du Carassin (C. carassius). 
Cet hybride est aussi connu sous le nom de Carreau. 
2° La Brême de Buggenhagen (Cyprinus Buggenhagii), 
produit de la Brême commune /C. brama) et du Gardon 
commun /Leuciscus rutilus). 3° La Brême rosse, produit 
par Leuciscus rutilus et Cyprinus blicca; 4° L'hybride du 
Rotengle (Scardinius erythrophthalmus) et du Gardon. 
5° Celui de l’Ablette /Alburnus lucidus) et du Rotengle. 
6° Le produit de la Bordelière /Cyprinus blicca) et du 
Rotengle. 7° Celui de la Nase ((Chondrostoma nasus) et du 
Blageon (Telestes). 8 L'hybride d'Alburnus lucidus et 
Leuciscus dobula. 9° Enfin, trois autres hybrides du Chon- 
drostome avec quelques espèces du genre Chevaine (Leu- 
ciscus dobula). | 

Parlant du premier, Siebold croit pouvoir dire qu'il pro- 
vient de la Carpe et du Carassin, les pécheurs dés diffé- 
rentes contrées de l’Europe lui ayant depuis longtemps 
attribué cette origine. Les exemplaires qu'il a reçus du 
Brunswick étaient nommés également par les pêcheurs 
Hülverlinge, c'est-à-dire mélange. L'autorité de Dybowski 
qui se range à cette opinion est pour lui d’une grande 
valeur. 

Pour peu que l’on prenne en considération, dit le 


(1) London, 1868, vol. VII. 

(2) Genève-Bâle, 1882. 

(3) Le savant académicien belge, M. de Selys-Longchamps, s’est également 
occupé de cette question dans un important travail sur les poissons d’eau 
douce de la Belgique, qu’il vient de publier et dont nous avons eu seule- 
ment connaissance après la rédaction de cette note. 


D° Fatio (1), les formes et les proportions, constamment 
intermédiaires, des barbillons, de la tête, du corps et des 
nageoires de ce Cyprin, ainsi que la forme et le nombre ou 
la disposition toujours variables de ses dents, il devient 
difficile de ne pas y voir un mélange confus des principaux 
caractères du Cyprinus carpio et du Carassius vulgaris. — 
MM. Gervais et R. Boulart, dans leur ouvrage sur les 
poissons (2), ne se prononcent pas d’une façon catégori- 
que ; ils n’osent avancer le fait, ils nele contestent pas non 
plus. M. E. Moreau, (Hist, d. poiss. d. fran.) admet. Mais 
Cuvier, Valenciennes, Selys-Longchamps (3) et Blan- 
chard (4) nient la double origine supposée de ce poisson. 
Ce dernier ajoute cependant « qu'il serait bon que la 
question fût résolue par l'expérience ». L'argument que 
développent Cuvier et Valenciennes en faveur de leur opi- 
nion paraît péremptoire : Dans le lac de Saint-Gratien, où 
ils n'ont jamais vu le Cyprinus carassius et où le Gibèle 
ne leur paraît se rencontrer que par hasard, l'espèce de 
Cyprinus Kollarii est abondante. 

Reste à savoir si les observations de ces ichtyologistes 
sont exactes. 

Ces auteurs disent.encore que la Brême de Buggenhagen 
est une espèce (5); Siebold, qui l’a prise aussi pour telle, 
fait remarquer qu'il doute néanmoins que ce poisson réu- 
nisse les caractères d’une espèce. Il à fait venir différents 
sujets des contrées moyennes de l'Europe, et il lui paraît 
de plus en plus que ce Cyprinoïde n’est qu'un hybride du 
Cyprinus brama et d’un Leuciscus. Sur 45 individus qu'il a 
étudiés, deux lui ont paru faire exception pour le système 
dentaire. 

On rencontre cette forme dans le Danube, dans la 
Somme, la Moselle et dans le Rhin moyen, elle ne manque 


(1) Op. cit., p. 198. 

(2) Paris 1877, I, p. 91. 

(3) Faune belge, p. 197. 

(4) Poissons de la France, p. 331. 1886. 
(5) Vol. XVII. 1844, 


Pro 


pas dans les lacs de la haute Bavière; Siebold en a vu 
quelques exemplaires dans le lac de Kochel et de Staren- 
berg. On la trouve aussi dans le bassin de l’Elbe, de lOder 
et de la Vistule. 

Le D’ Fatio ne l’a pas encore rencontré en Suisse (1), 
quoique les deux espèces que l’on suppose lui donner nais- 
sance, c'est-à-dire le Cyprinus brama et le Leuciseus rutilus, 
se trouvent ensemble sur plusieurs points de ce pays. 
Néanmoins, il ne paraît avoir aucun doute sur l’origine 
mixte de ce poisson, ni sur la détermination des espèces 
qui lui ont donné naissance. Il le range à la suite des 
Brêmes, à cause de la forme de ses nageoires, de la dis- 
position de quelques parties de son écaillure et de la forme 
relativement peu ramassée de ses os pharyngiens. De La 
Fontaine l’a mentionné dans sa Faune du Luxembourg (2), 
mais il garde le silence sur son origine ; il se contente de 
dire qu’il est très rare partout où il existe. Le D' Günther(3), 
dans le catalogue des poissons du British Museum, l'a 
considéré comme hybride du Cyprinus brama et du 
L. rutilus; M. Selys lui attribue cette origine ; le D° Boett- 
ger nous écrit de Francfort qu'il l’a trouvé trois fois dans 
le Mein; Heckel lui a donné le nom d’Abramis Leuckartii. 

Quant à la Brême rosse, produit supposé de L. rutilus et 
de Abramis blicea (4), le D’ Fatio dit que l'irrégularité du 
corps et des nageoires et le nombre intermédiaire des 
écailles et des rayons ne semblent laisser aucun doute sur 
l'origine mixte de ce poisson. Toutefois, pas plus que le 
précédent, il ne l’a rencontré en Suisse, bien que les deux 
espèces mères abondent et se trouvent souvent en contact. 
Holandre l'a décrit le premier dans sa Faune de la 
Moselle (5), mais sans parler de son origine. 

L'auteur des Fische Bayern paraît établir d’une manière 


(1) Faune suisse. 

(2) 1873, p. 38. 

(3) 1868, t. VII, p. 213, dé par Gervais et Boulart. 
(4) Op. cit., p. 387. 

(5) Metz, 1836. 


SE PNR 


indubitable, dit le D' Fatio, que le Rotengle (Scard. 
erythrophthalmus) et le Gardon (Leucistus rutilus) pro- 
duisent ensemble ; union dans laquelle le Rotengle four- 
nirait probablement le mâle. Comme les deux derniers 
hybrides, ce produit n’est pas encore apparu en Suisse, 
quoique les deux espèces qu'on suppose lui donner nais- 
sance y habitent. M. de Selys-Longchamps, dans une let- 
tre, a entretenu le D’ Fatio d’une forme particulière de ce 
poisson qu'il aurait rencontrée en Belgique et qu'il dis- 
tingue, sous le nom de Scardiniopsis amphigenus, par le 
fait qu’elle serait le produit du Rotengle, non plus avec 
le L. rutilus ordinaire, mais avec L. rutilus variété Sely- 
si. Le D' Günther, dans son Catalogue of the acanthopte- 
rygian Fishes, décrit cette forme comme hybride (1). 

Dans sa Faune suisse, le D’ Fatio donne les principaux 
caractères attribués par Jæckel (2) aù cinquième poisson 
dont nous venons de parler. Ce poisson se rencontre dans 
certaines eaux de la Bavière. Jæckel (3) a cru reconnaître 
dans ses formes les preuves d’un mélange de Alburnus 
lucidus et de Scardinus erythrophthalmus. L'identité du 
second facteur dans cette combinaison ne paraît pas 
encore parfaitement établie au D' Fatio; aussi l'appelle-t-11 
hybride ou simple variété. 

Le sixième est décrit par M. Selys-Longchamps dans sa 
Faune belge; il ne dit rien sur son origine. (4) Les uns l'ont 
considéré comme espèce pure, les autres comme hybride. 
Siebold n’est pas sûr qu'il provienne du mélange de deux 
espèces. (5) Le D' Fatio, après en avoir donné une des- 
cription extrêmement détaillée d’après un individu qu'il a 
examiné, dit qu'il rappelle évidemment la Bordelière et le 
Rotengle, et se distingue en même temps assez facilement 


(1) Vol. VIT, p. 214. London, 1868. 

(2) Zool. Garten, p. 20. 

(3) Cité par Fatio. 

(4) Depuis M. de Selys l’a décrit comme hybrdél 
(5) Op. cit., pp. 142 à 151. 


du produit de la première espèce avec le Gardon. I] paraît 
le considérer comme hybride. Le D' Boettger l'a observé 
une fois dans le Mein. 

Siebold considère le septième, malgré l'opinion des 
autres ichtyologistes qui le prennent pour une espèce 
pure, comme produit par le Ch. rysela et Agassizii;il a la 
forme du premier et les couleurs du second. Le D Fatio 
partage cette manière de voir et se borne à décrire un 
individu de forme moyenne, les spécimens du Rhin qui 
lui ont été confiés s'étant trouvés peu différents les uns 
des autres. Enfin le huitième, qui semble se trouver dans 
toutes les localités habitées par Alburnus lucidus et 
L. dobula (1) et qui a été regardé successivement comme un 
Leuciseus, un Squalius, un Abramis, un Alburnus, qui 
même a été rapproché du Scardinius, serait considéré 
maintenant comme hybride de Squalius et d'Alburnus (2). 

Quant aux trois derniers, qui proviendraient du Chon- 
drostome et de quelques espèces du genre Chevaine, ils 
reposent sur l'examen et la comparaison de trois sujets 
suisses tenant, chacun plus ou moins et sur divers points, 
des caractères de l’une et de l’autre des espèces mères. 
Ils sont décrits très minutieusement dans la Faune 
suisse (3), mais leur origine mixte n’est pas encore bien 
assurée. M. David Starr Jordan, très compétent en cette 
matière, croit que les hybrides sont bien moins communs 
que ne l'ont supposé MM. Siebold, Günther et autres, cepen- 
dant dans le discours que M. de Selys-Longchamps a pro- 
noncé le 16 décembre dernier à la séance publique de la 
classe des sciences de l’Académie royale de Belgique,sur la 
Revision des poissons d’eau douce de la faune belge, Yémi- 
nent naturaliste se déclare pleinement partisan de lhybri- 
dité fréquente chez les Cyprinidés ; il en a même acquis 
la preuve pour certaines espèces. 

Ainsi une expérience quil à faite lui a prouvé l’exac- 

(1) Voy. Catalog. of the acanthopterygian Fishes, vol. VII, London, 1868. 


(2) Faune suisse. 
(3) P. 706 sqq., 1° volume. 


DRE 


titude de ce principe relativement à la prétendue Brême 
de Leuckart (Abr. Leuckartii Heckel, Abr. Heckelii Selys). 
Il a introduit un certain nombre de Brêmes ordinaires dans 
un étang à Longchamps-sur-Geer, où L. rutilus existait 
déjà, et après trois ou quatre années il y trouvait quelques 
Brêmes de Leuckart, produits du croisement de Abr. brama 
et de Leuciscus rutilus. De même, depuis lintroduction de 
l'A. brama dans son étang de Longchamps, où se trouvaient 
des erythrophthalmus, 11 a observé quelques exemplaires 
hybrides, produits par le croisement de ces deux espèces. 
Nous ajouterons à ces faits qu’un propriétaire de l'Yonne, 
ayant mis dans un petit étang des carpes et des poissons 
rouges (Cyprinus auratus), trouva, au bout de quelques 
années, des poissons paraissant hybrides de ces deux espèces. 

Dans son savant travail, M. de Selys-Longchamps a 
dressé une liste des hybrides connus chez les Cyprinidés ; 
il les croit stériles. 

Chez les Clupes qui appartiennent au même ordre, c’est- 
à-dire à l’ordre des Malacopterigiens abdominaux on cite 
les produits de Clupea harangqus et C, pilchardus, et de 
cette dernière espèce avec Alosa, communication qui nous 
est faite par M. Day. 

Le docteur Fatio doit indiquer dans le 2° volume de 
ses Poissons, qui paraîtra à la fin de l’année, d’autres 
hybrides chez les Salmonidés, groupe des Corégones. Il 
aurait observé plusieurs faits de croisement chez ces der- 
niers. Déjà Siebold (1), à l'article Trutta fario, après avoir 
examinéles variations de couleur chez les Truites,avait émis 
la pensée que ces diverses variétés pouvaient provenir du 
croisement des Truites de mer avec celles de rivière. Mais 
il ne citait aucun fait spécial. En attendant l'apparition 
du 2° volume des Poissons de la Suisse, qu'on nous per- 
mette de dire quelques mots sur ces espèces. 

On sait que depuis plusieurs années les fécondations 
artificielles parmi les Salmonides ont pris une grande 


(1) Op. cit., p. 321, 


extension ; elles sont pratiquées sur une vaste échelle à 
peu près dans tous les pays de l’Europe, en Amérique, au 
Canada et aux États-Unis, et même en Océanie; elles ont 
pour but de repeupler les cours d’eau et d'introduire des 
races étrangères (1). — De nouvelles espèces se trou- 
vent ainsi en contact avec les anciennes ; il serait très 
intéressant de savoir si des mélanges se sont opérés. Nous 
avons pris et nous prenons encore des renseignements ; 
l'enquête que nous avons faite ne nous a donné Jusqu'ici 
que peu de résultats, parce que beaucoup d’alevins péris- 
sent ou sont dévorés dans les eaux. Dans les rivières où 
ils ont prospéré, nous n'avons pu recueillir aucun exem- 
ple de croisement. Nous avons appris cependant (2) que 
dans les lacs de la Suisse, où on avait introduit des 
hybrides de Saumon et de Truite, on avait pris de fort 
beaux sujets ; mais ces produits, excellents pour la table, 
sont peu féconds. Cette communication de M. le D’ Dela- 
chaux nous est confirmée par celle de M. le D° Vouga 
qui nous écrit que de l'introduction d'espèces étrangères 
il est résulté une vaste confusion dans les espèces ancien- 
nes, à tel point qu'on ne peut plus différencier ces derniè- 
res des nouvelles; la confusion se serait spécialement 
produite chez les Corégones. Cependant nous devons faire 
observer que le D’ Fatio, qui s’est occupé tout particu- 
lièrement de ces questions et a signalé un assez grand 
nombre dhybrides de Cyprins dans le 1° vol. de sa Faune 
suisse, n'a encore aucune observation sur ces prétendus 
mélanges, entre Salmonides et Corégones, nous écrit-il 
dans une lettre reçue le 25 mars dernier. On nous per- 
mettra donc de faire quelques réserves en attendant de 
nouveaux renseignements, quoique dans le lac de Berh- 
tesgaden et dans quelques lacs de la Haute-Autriche on 


(1) Veut-on ramener cette prospérité qui existait au moyen âge, alors que 
les poissons étaient si abondants que l’on mangeait des truites salées ou 
séchées ? Voy: Traité de pisciculture pratique, par Bouchon-Brandely, p. 468, 
cité dans Bull. Société d’accl., 1876, p. 809. 

(2) Par M. Delachaux, président de la Société oberlandaise de pisciculture, 


_Laee 


rencontre des produits de Salmo Salvelinus et Trutta fario 
lacustris, hybrides recounus inféconds (1). On sait du reste 
que chez les Saumons la validité de plusieurs espèces est 
très contestable. | 

Il nous reste maintenant à parler de plusieurs hybrides 
appartenant à des genres tout à fait distincts de ceux que 
nous avons nommés, faisant partie de l’ordre des Mala- 
Coptérygiens Subrachiens En 1885, dans les Proceedings 
of the zoological Society of London, M. F. Day décri- 
vait un hybride supposé entre Pleuronectes limanda et 
P. flesus. Ce poisson venait de Brixham ; il fut acheté 
par M. Day dans la boutique d’un marchand de poisson à 
Cheltenham. Certains des caractères qu'il présente sont 
ceux de la Limande et du Carrelet. M. le professeur 
Braun, de Rostock, nous fait aussi savoir que le D’ Krause 
a décrit, dans Archiv des Vereins der Freunde der Natur- 
geschichte, XX XV, 1881, « un poisson dont la forme du 
corps peut laisser croire à une hybridation de Platessa vul- 
garis par Platessa flesus ou de Platessa vulgaris par Rhom- 
bus maximus; mais, au sentiment du professeur Braun, cet 
exemplaire doit être considéré comme variété de Pleuro- 
nectes  platessa. — Des hybrides auraient encore été 
observés entre Rhombus maximus et R. lævis. On pourra 
consulter Les Poissons de la Baltique, Berlin 1883, 
où M. Mœbius parle d'hybrides ou de variétés chez des 
Pleuronectes, ainsi que l’{ntroduction to the Study of fisches, 
du D’ Gunther (2). On conserve au British Museum le 
produit de deux espèces de Pleuronectes. Enfin dans l’or- 
dre des Acanthoptérigiens, M. Jordan nous signale un 
hybride entre le Scomber scombus et S. colias ; il a vu aussi 
quelques hybrides dans le genre Lutjanus. 


(1) Voy. Zoologishe Garten. Frankfurt 1875. p. 156. 
(2) Edimbourg, 1880, 


ee 


REPTILES. 


. 
Quelques zoologistes ont supposé que, dans l’ordre des 
Sauriens, deux espèces appartenant à la famille des Lacer- 
üens, le ZL. lacustris et le L. palustris, produisaient des 
hybrides (1); aucun fait ne paraît avoir été cité par eux. 

Dans le sous-ordre des Anoures, au contraire, des accou- 
plements entre espèces diverses de Crapauds et de Gre- 
nouilles ont été constatés, et même entre ces deux familles 
et celle des Salamandres. M. Van Bambeke (2), au prin- 
temps de l’année 1865, trouva quelques femelles de Pelo- 
bates accouplées à des mâles de Grenouilles à tempes noires; 
ceux-ci avalent étreint les premières sous les aisselles, et 
la glande du pouce avait contracté une forte adhérence 
avec la peau du ventre. Cet accouplement avait été fatal 
aux Pelobates femelles, quitoutes étaient mortes sans émet- 
tre leurs œufs. 

En 1881,M. Héron-Royer captura à Enghien-les-Bains 
un mâle de Rana fusca accouplé avec une femelle de 
Pelobates fuscus. Un bout de cordon d'œufs de dix à douze 
centimètres de longueur pendait au cloaque de cette der- 
nière; ce cordon ayant été détaché et mis dans un vase 
contenant des plantes aquatiques immergées, une certaine 
partie des œufs hybrides évoluèrent comme dans leur 
espèce propre Jusqu'à éclosion. Les têtards devenus grands 
n'ont dévoilé en rien leur double origine ; leur allure a été 
celle de la jeune Grenouille rousse, pendant un an qu’on 
put les conserver /Bull. de la Société zoologique de France, 
LANLIT.41883À 

Parmi les diverses espèces de Crapauds, nous ne trou- 
vons à signaler aucun accouplement à l’état libre; les crol- 
sements que nous connaissons ont été obtenus en capti- 


(1) Voy. Magazin für Thiergeschichte und T'hieranatomie,von d. À. À. Meyer. 
Erst. Band, Erst. Stück. Gôttingen, 1790. 
(2) Mém. de l' Acad. royale de Belgique, t. XXXIV, p. 12. 1868. 


ARTE 


vité(1); mais les Crapauds contracteraient des unions dans 
la famille des Raniformes. 

Dans son Historia naturalis ranarum nostratium (2), 
Réœsel nous dépeint les Grenouilles excitées par l’'aiguillon 
de la passion à un tel point qu’à l’époque de la reproduction 
elles perdent jusqu’au « sentiment de leur propre conser- 
vation (3) ». Alors un mâle se jette sur un autre mâle ou 
s'accouple avec un Crapaud s'il vient à perdre sa femelle. 
Toutefois Rœsel n’a pas été jusqu'à dire qu'il s’accou- 
ple avec une femelle morte comme on l'a écrit; ceci vient 
assurément d’une fausse interprétation. 

D’après Blumenbach (4), Ch. Reichart (5) se serait 
exprimé à peu près dans les mêmes termes. Nous nous 
demandons s’il n’y a pas lieu ici à double emploi. 

On lit encore dans le Theriotropheum de Schwenck- 
felt (6) que le Crapauu « ne s’unit pas seulement avec la 
Grenouille venimeuse qui se tient dans les buissons (la 
rubeta), mais encore avec la Grenouille des jardins (kor- 
tensis). On a vu ces animaux, quoique très différents, 
unis ensemble. » Roesel ajoute « que cet accouple- 
ment, provoqué par une passion aveugle, est de courte 
durée. Dès que le mâle aperçoit une femelle de son espèce, 
il délaisse l’autre pour courir après celle-ci. » Brandt (7) 
pousse les choses plus loin, des hybrides naîtraient de ces 
accouplements ; mais Brandt ne cite aucun fait. — Scheïd- 
weller a répété la même assertion (8) sans indiquer la 
source où il a puisé ce renseignement. Certains auteurs, 


(1) M. de l'Isle observa dans un aquarium l'accouplement d’un Crapaud 
ordinaire avec la femelle du Calamite et vice versa. — M. Héron-Royer obtint 
aussi des accouplements entre ces deux espèces, et les hybrides qui en résul- 
tèrent passèrent à peu près par les mêmes phases que ceux obtenus par 
M. de l'Isle. 

(2) Grand in-f°, p. 4. Nuremberg, 1758. 

(3) D'après Swammerdam, cité par Rœsel. 

(4) Kleine Schriften, pp. 132-133, Leipzig, 1880. 

(5) Gemischte Schriften. 

(6) Siesiæ, 1603, p. 159. 

(7) Dict. of sciences and arts. London. 

(8) Journal des Haras, t. XLV, p. 136. 1848. 


497, 


Godron (De l’Espèce, tome I, p. 182), le D' Boudin 
(Gazette médicale, t. XXI, p. 382), et plusieurs autres 
disent que Morton affirme avoir vu un Crapaud féconder 
les œufs d'une Grenouille, Is. G. Saint-Hilaire (Histoire 
naturelle des Règnes organiques, t. TT, p. 160) dit même 
quil mentionne des hybrides de grenouilles et de cra- 
pauds. Morton dit seulement (Hybr. in animals, in Amer. 
Journ. of. sc. 1847, p. 208) qu’il a trouvé un seul exem- 
ple authentique de croisement entre Grenouille et Cra- 
paud. Il indique la source où il a puisé ce renseignement : 
c’est dans Brandt (Dict, of sc.), lequel, on vient de Le voir 
ne cite aucun exemple. 

Nous ferons observer ici que le célèbre physiologiste 
italien, l'abbé Spallanzani, affirme n'avoir jamais vu les 
amphibies d'espèces différentes accouplés les uns avec les 
autres, quoique pendant le temps de leurs amours il mît 
un Crapaud puant avec une femelle de Grenouille verte (1). 
Dans « la multitude immense » d’accouplements qu'il a 
observés, il n’a jamais vu de pareilles unions. Il rejette 
opinion, accréditée de son temps, de ceux qui croient 
aux accouplements entre Crapauds et Grenouilles, opinion 
qui Jui paraît n'avoir d'autre fondement que la crédulité 
et une tradition populaire. Spallanzani avait lui-même 
essayé de féconder les œufs de Ia Grenouille verte aquati- 
que par la liqueur séminale du Crapaud puant. Cette 
expérience avait été répétée en sens inverse, mais tou- 
jours inutilement (2). 

Cependant, depuis ce temps, des faits nouveaux ont été 
signalés. Un jeune professeur de langue allemande, d’ori- 
gine alsacienne, nous affirmait, il y a peu de jours, qu'il 
avait vu dans son enfance, en se rendant à l’école, sur une 
mare où grouillaient, une quantité de Crapauds et de Gre. 
nouilles la plupart accouplés, quelques-unes de ces der- 


(1) Expériences pour servir à l’histoire de la génération, pp. 221 et 222, 
Genève, 1790. 
(2) Op. cit., pp. 219 et 220. 


AP feu 


nières se cramponnant sur des Crapauds. La vue de plu- 
sieurs couples aussi désassortis l'avait assez frappé pour 
qu'il pât encore aujourd'hui en conserver un souvenir 
très exact. De La Fontaine, dans sa Faune du Luxem- 
bourg (1), après avoir reproduit les assertions de ses 
devanciers, à savoir, que non seulement les Crapauds, 
‘au temps de la reproduction, s’attaquent aux individus de 
leur propre espèce, sans distinction de sexe, mais encore 
aux Grenouilles et même aux Poissons, dit qu'il vit lui- 
même un Crapaud cramponné. sur la nuque d'un Barbeau 
du poids de 125 grammes. Le reptile avait tant fatigué le 
poisson que ce dernier ne se maintenait plus qu'avec peine 
dans sa position normale. 

M. A. de l'Isle (2) à été témoin, non loin de Palvas, au 
bord de la Méditerranée, de laccouplement hybride du 
Calamite mâle avec le Pélobate cultripède. — I à pêché 
lui-même en Vendée, en 1873, une Grenouille verte de 
grande taille que six mâles Crapauds serraient de leurs 
bras noueux, comme autant de paires de tenailles ; elle 
semblait suffoquer et creva en effet deux jours après. — 
Il vit aussi dans un aquarium un mâle agile plongeant ses 
poings dans les flancs d’un énorme Crapaud femelle qu'il 
serrait avec force. De tels accouplements pourraient-ils 
être fertiles? Nous avons vu que les essais de Spallanzani 
étaient restés sans succès (3). 


(1) 1870, p. 35. 

(2) Annales des sciences naturelles. 1873. 

(3) En 18892, M. Héron-Royer accoupla Bufo vulgaris avec Pelobates fus- 
cus. Gette femelle effectua presque aussitôt sa ponte; huit jours après ses 
œufs avaient encore la forme sphérique. — M. Héron-Royer nous a fait 
savoir que cet essai était resté sans résultat. La même année il tenta l'accou- 
plement du Pelobates fuscus avec Bufo calamita et de Pelobates fuscus avec 
Bufo calamita. C'était le 1% avril au matin ; le lendemain le Bufo calamita fit 
sa ponte, le surlendemain ses œufs avaient acquis la taille de ceux du Pélo- 
bate ; malheureusement,placés trop au soleil,ils furent tués deux jours après. 
— Note Sur l’Hybridation des Batraciens. Extrait du BuLLETIN DE LA SOCIÉTÉ 
ZOOLOGIQUE DE FRANCE, VIII, 1883. E. Pfüger, Die Bastardzeuger bei den 
Batrachiern, ARCHIV. F. D. GESAMMTE PHYSIOLOGIE, Bd. xx1x, a aussi entrepris 
des expériences entre Rana fusca et Bufo vulgaris, Rana fusca et Rana 
esculenta, différentes espèces de Tritons et Rana fusea avec Triton alpestris 
et Triton tæniatus, 


#7 8. 


À la mare de Grammont, il aperçut un accouplement 
non moins étrange entre deux individus appartenant l'un 
à la famille des Raniformes, et l'autre à la famille des 
Hylæformes, il surprit un Pélodyte qui tenait une Rainette 
étroitement embrassée à l'aîne selon son mode habituel 
d'accouplement. — Il a encore pêché un mâle de Gre- 
nouille rousse accouplé avec une femelle de Triton marbré, 
très grosse et très corpulente. Quand M. de l'Isle enleva 
et mania ce couple monstrueux, le mâle continua à étrein- 
dre fortement le ‘Triton, ses mains se joignaient et ses 
doigts s’entrelaçaient selon sa coutume sous la poitrine 
de la Salamandre. Il mourut le lendemain victime de ce 
malheureux accouplement et du poison qu’il avait absorbé. 

À propos de ces accouplements entre Raniformes et 
Salamandrides, nous rappellerons à titre de simple curio- 
sité ce que Kundmann a raconté,qu'après une inondation 
qui, en l’année 1736, couvrit une grande partie de la 
Silésie, une quantité innombrable d'animaux à queue appa- 
rurent dans les marais que les eaux avaient formés. Ils 
furent d’abord pris pour des Lézards, mais après un 
examen attentif on remarqua qu'ils ressemblaient à des 
Grenouilles qui avaient une queue ; cette queue était deux 
fois plus longue que le reste du corps. Treviranus, qui a 
raconté ce fait dans les termes que nous venons d'indiquer, 
s’est demandé si ces animaux n'étaient point des hybrides 
de Grenouilles et de Salamandres ; mais, en confrontant ce 
récit avec le texte original (Acéa physico-medica Acade- 
miæ Cæsareæ-Leopoldinæ) (1) nous avons trouvé qu'il est 
dit seulement « que ces animaux furent pris pour des 
lézards (Lacerta) par des ignorants ; on comprit bientôt 
en les voyant sauter de côté et d'autre sur l'herbe qu'on 
était en présence de grenouilles. — Ce fait, comme on le 
voit, est sans valeur; du reste, si de tels accouplements 
avaient eu lieu, nous savons depuis longtemps, par les 


(1) Norimbergæ, t. V, p. 366. 1740. De singulari eluvie et inundatione quæ 
anno 1736 magnam partem ducatus Silesiæ adflixit, 


Le ee 


expériences de Spallanzani, que probablement ils n’au- 
raient pas été suivis de fécondité. Plusieurs fois le savant 
physiologiste baigna des œufs de Grenouilles dans la 
liqueur séminale des Salamandres ; il fit la même chose 
avec la liqueur séminale de Grenouilles sur des œufs de 
Salamandres, mais aucun œuf ne se développa (1). 

Cette expérience fut renouvelée entre Crapauds et Sala- 
mandres,et toujours même insuccès. Enfin, M. Philippeaux 
vient de résoudre d’une manière péremptoire la question 
des prétendus métis qu'on obtiendrait de ces fécondations 
artificielles (2). 

Les nombreuses expériences auxquelles il s’est livré lui 
ont démontré que de tels produits n'avaient jamais existé. 
En effet, lorsqu'on abandonne à eux-mêmes les premiers 
œufs qu'on exprime du corps d’une Grenouille, on voit 
bien sortir assez. souvent de ces œufs quine paraissent 
pas fécondés de petits tétards ; la raison est que, dans les 
laboratoires, les Grenouilles nagent ordinairement dans 
une eau remplie de spermatozoairés, qui adhèrent au corps 
de la Grenouille et de son oviducte. Les premiers œufs 
qui traversent l’oviducte se chargent ainsi à leur passage 
de spermatozoaires. Si l’on recouvre ensuite ces œufs de 
sperme de Salamandre, la fécondation opérée par les sper- 
matozoaires de la Grenouille n’en continue pas moins sa 
marche. On se trouve donc en présence de tétards naturels 
et non pas hybrides (3). 

Mais si toute hybridation paraît impossible entre Rani- 
formes et Salamandrides, en est-il de même chez les dif- 
férentes espèces de ces dernières ? La ressemblance 
extrême, dit Meckel (4), qui existe entre beaucoup de Tri- 

(1) Op. cit. p. 219. 

(2) M. Pflüger (cité par MM. 0. et R. Hertwig, p.28 de leurs Experimentelle 
Untersuchungen über die Bedingungen des Bastardbefruchtung) dit cepen- 
dant avoir fécondé des œufs de Rana fusca par la semence de Triton alpes- 
tris et de Triton tœniatus. 

(3) Société de Biologie, 30 mars 1874, REVUE sGleNTIFIQUE, t. I, p. 1171, 
même année. 


(4) Traité gén. d'anatomie comparée (traduction française), pp. 400-402. 
Paris, 1828. 


— 37 — 


tons « ne rend pas invraisemblable que plusieurs de ces 
espèces puissent se féconder réciproquement ». Cette con- 
Jecture avait déjà été émise par Blumenbach (1). « Quoi- 
qu'on sache, dit-il, qu’il n’y ait pas eu accouplement réel 
chez les Lézards, il n’est pas improbable d'admettre que les 
œufs d’une espèce aient été fécondés par la semence du 
mâle d’une autre espèce. » 

Ceci aurait lieu pour le Triton Blasii, à en croire M. le 
docteur comte Mario $. Peracca (2). Cette forme, d’après 
lui, serait produite par l'alliance du T° cristatus et du 
T. marmoratus. 

C’est également l'avis de M. Boulenger (3). On sait que 
parmi le petit nombre d'auteurs qui se sont occupés de 
ce Triton, quelques-uns l’ont considéré comme une espèce, 
d’autres comme une variété (4). M. le D' Peracca s'étant 
rendu dans les environs d'Angers, où on rencontre cette 
forme, a fait les observations suivantes : 

Le T. Blasii ne se voit que dans les régions où se 
trouvent également le T. marmoratus et le T°. cristatus. On 
ne le rencontre pas dans les mares où le T. marmoratus 
vit seul. — Il est très rare là où abonde le T. marmora- 
tus. Il résulterait donc que la présence du 7. Blasi 
dépend de l’abondance du T!. cristatus et d'une rareté rela- 
tive du T. marmoratus. « La vraisemblance de l’idée que 
le T. Blasii est un hybride serait grandement accrue, 
ajoute l’auteur, si on démontrait l'existence d’une forme 
analogue au T. Blasii que l'on pût considérer comme 
hybride entre les deux Tritons, marmoratus et cristatus, 
mais en sens inverse. Or il a précisément trouvé dans les 
environs d'Angers une forme nouvelle qui lui paraît rem- 
plir toutes ces conditions. 


(1) Op. cit. 

(2) Bull. dei Musei di Zool. ed Anat. comp. di Torino, vol. 1°, 11, 19, 15 
Luglio, 1886. 

(3) Catalogue of the Batrachia gradiientia seu caudata. Brit. Mus., p. 10. 
1882 ; cité par le comte Peracca. 

(4) Voir à ce sujet Edoardo de Betta, Fauna d'Italia, part. VI, pp. 86-87; et 
Monografia degli Anfibi urodeli italiani. 


Le ee 


On se trouverait donc en présence de deux formes, l’une 
que le D' Peracca appelle Triton Trouessarti (1), très rare, 
et l’autre, le T°. Blasi. Il n'hésite pas à assurer que ces 
deux formes sont deux hybrides. Cette dernière forme 
paraît privée de la fécondité. M. Peracca possède depuis 
deux ans quatre femelles et un mâle de 7. Blast et, 
malgré leurs accouplements, il n’a jamais obtenu d'œufs. 
M. de Pischer, qui eut loccasion d'observer un bon 
nombre de Blast en vie, à fait les mêmes remarques, ou 
du moins, s’il a obtenu quelquefois des œufs, ces œufs se 
sont trouvés stériles. 

M. Peracca nous a fait savoir que, depuis deux ans, il a 
introduit en Italie le T°. marbré dans une localité où abonde 
le T. cristatus. Si son hypothèse est vraie et si les nou- 
velles conditions où se trouve le 7. marbré lui permettent 
de vivre, le 7. Blast doit, d’après lui, paraître en Italie 
dans un temps donné. Malheureusement M. Peracca n’a 
introduit que 80 ou 90 T°. marbrés, qui ont survécu, il est 
vrai, mais qui sont en trop petit nombre pour permettre, 
après diffusion de l’espèce sur une grande étendue, de 
constater bientôt des résultats positifs; il faudrait, tous les 
ans, ajouter quelques renforts. On ne saurait trop encou- 
rager le savant naturaliste dans ses recherches et le féli- 
citer de son heureuse idée. La constatation d’un fait en 
histoire naturelle est toujours d’une grande importance, 
surtout lorsqu'il s’agit de questions aussi peu étudiées. 


OISEAUX. 


On ‘n’a presque jamais pu surprendre des oiseaux 
d'espèce différente accouplés, mais on a rencontré des 
individus dont la forme et le plumage paraissaient dévoiler 
une double origine. 

Ces remarques ont été faites dans les ordres des Passe- 


(1) Parce qu'il l'a dédiée au D' Trouessart, qui lui a fourni les indications 
nécessaires à ses recherches. 


LT 


reaux, des Palmipèdes, des Échassiers et des Gallinacés. 
Nous ne croyons pas devoir nommer l’ordre des Colombes, 
le seul exemple que nous connaissions dans cette division 
ne pouvant guère se rattacher à l’hybridité : il s’agit en 
effet des Bisets à croupion blanc et des Bisets à croupion 
bleu, qui se reproduisent ensemble dans les contrées où 
ces deux variétés se rencontrent (1). 

M. le professeur comte Tomaso Salvadori a cependant 
parlé, dans sa Faune d'Italie (Oiseaux IT, p. 180), ‘d'un 
individu qui fut tué dans les environs de Turin au mois 
d'octobre 1870 et qui se rapporte à la description que 
M. degh Odi a faite d’un hybride de Turtur auritus et de 
T. r'isorius (2). Les détails que donne M. Salvadori s’adap- 
tent si bien au sujet décrit par M. degli Odi que celui-ci 
est porté à croire que cet oiseau est un hybride. M. degli 
Odi aurait-il raison, que lon ne pourrait encore ranger 
dans les hybrides naturels l'individu décrit dans la Faune 
italienne, puisque le T° risorius ne se rencontre pas à l’état 
sauvage en Italie. 

Ajoutons que Blyth (Journ. of the Asiatic Soc. of Ben- 
gal, vol. XIV, année 1845) a dit qu'il avait quelques 
raisons de suspecter des croisements entre les Trerous 
phænicoptera et chlorogaster de l'Inde: mais il ne cite aucun 
exemple ; c’est une simple supposition qu'il se permet de 
faire. 


Passereaux. 


Les premiers hybrides des Passereaux déodactyles à 
l'état libre que la science paraît avoir enregistrés sont 
ceux des Corneilles noires et des Corneilles mantelées. 


(1; Voy. Degland, Ornith. europ., t. Il, p. 11. 1867. 

(2) Nota sopra un ibrido artificiale di Turtur auritus Ray, con un T. 
risorius Lin. Rovigo 1885. Voy.aussi ATENEO VENETO, gennaio-febbraio 1887 : 
Note ed osservazioni sopra un ibrido non ancora descritto e sul! ibridismo 
in generale. 


— 40 — 


Avant Temminck, Brehm, Naumann, qui ont parlé de ces 
croisements, Buffon avait émis l'opinion que la Corneille 
mantelée n’était qu'une race métisse produite par le mélange 
du Freux {Corvus frugilequs) avec la Corneille {C. corone); 
les anciens n'ayant ni connu, ni nommé la Corneille man- 
telée, il en concluait que cette race n'existait pas de leur 
temps. Mais Temminck dit positivement que la Corneille 
noire et la Corneille mantelée s’allient quelquefois ; qu'elles 
produisent des métis qui tiennent de l’une et de l’autre 
espèce ; que ceci a lieu dans les contrées méridionales et 
orientales de l'Europe où la Corneille noire est rare. 

Naumann donne à ce sujet de très longs détails. Il 
constate ces accouplements ; les hybrides qui en naissent 
sont eux-mêmes féconds. — « Il ne faut pas croire, dit-il, 
que cela soit rare et exige un concours de circonstances 
particulières ». — Des faits de ce genre se produisaient 
en effet chaque année chez lui. Son père, chasseur-natu- 
raliste de grand mérite, avait déjà rassemblé une foule 
d'observations. Les observations personnelles de Nau- 
mann sont venues depuis les confirmer, en sorte que ses 
assertions reposent sur cinquante années de recherches; 1l 
pourrait citer un grand nombre d'exemples. — Il a con- 
staté en plus que les produits qui naissent de ces unions 
s'unissent entre eux ou avec les espèces mères ; 1l est pres- 
que impossible de trouver un hybride complètement sem- 
blable à un autre. Ils se rapprochent de l’une ou de l’autre 
espèce. 

Le Magazine of natural history, 1836 (1), mentionne 
aussi ces croisements; la même revue 1837 en parle de 
nouveau. L’/sis de 1828 en fait aussi une vague mention, 
page 25. Le Field Naturalist (2) remarque que rien n’est 
plus commun dans quelques parties du nord de l'Écosse. 
D'après Tschusi (3), la forme pure des Corvus cornix serait 
même, dans les environs d’Arnsdortf, actuellement dispa- 


(1) P. 65, n° 57-68. 
(2) Vol. I, p. 279. 
(3) Journal für Ornithologie, pp. 240-241. 1869. 


rue ; tous les exemplaires qui s’y trouvent sont des formes 
intermédiaires entre le C. cornix et le C. corone. Cet 
auteur, dans le même journal en 1871, confirme ces ren- 
seignements (1). Il n’a jamais remarqué à Salzbourg de 
Cornix de race pure, il lui est arrivé plusieurs fois de voir 
le Corvus corone, qui, en plus de sa couleur gris-noir, 
avait aussi des parties noires. Lors de son séjour en Sty- 
rie, M. Menzbier eut l'occasion de voir un grand nombre 
d'exemplaires de Corneilles mantelées et de Corneilles 
noires ; il s’est convaincu que le nombre des C. cornix 
surpasse de beaucoup le nombre des ©. cornix typiques. 
D’après M. Sewertzow, la coloration intermédiaire n’est 
pas héréditaire chez ces hybrides qui reprennent vite les 
couleurs des deux espèces pur sang, dès la deuxième 
génération au plus tard, dit-il, plus souvent dès la pre- 
mière. Beaucoup de collections particulières possèdent des 
hybrides de ce genre, mais nous désirons appeler l'attention 
sur deux individus (mâle et femelle), figurant aujourd’hui 
au musée de Florence, qui ont été pris, l’un en Toscane en 
1870, l’autre à Turin en 1882 (2). 

Nous ajoutons qu'après un examen approfondi des Cor- 
neilles noires et des Corneiïlles mantelées, Naumann n’a 
trouvé aucune différence dans la structure de ces deux 
espèces, dans leur manière de vivre, dans leur voix, dans 
la façon de faire leurs nids, dans la conformité de leur 
nature tout entière; aussi pense-t-il que ces deux espèces 
sont de simples variétés. Cependant, afin de ne pas intro- 
duire de changement dans la classification établie Jusqu'ici, 
il a maintenu les deux variétés comme espèces distinctes, 
et c’est à ce titre seulement que nous mentionnons les 
hybrides de ces oiseaux (3). 


(1) Ornithologische Mittheilungen aus Oesterreich, par Victor Ritter von 
Tschusi Schmidhofen. 1871. 

(2) Nous devons ce renseignement à l’obligeance de M. le professeur 
Giglioli. 

(3) Les réserves faites par Faivre, Variabilité des espèces (p.126), et Godron 
(De l'espèce, p. 181) sur ces accouplements, ne sont, comme on le voit, aucu- 
nement justifiées. 


— 42 — 


La Corneille mantelée s’unirait encore avec le Corbeau 
(Corvus corax). L'Isis de 1828 en fait une vague mention 
(p. 25). Gerard (Dict. d'Orbigny, p. 445) rappelle ce croi-. 
sement (1). | 

Dans son Manuel d'ornithologie(1820-1840), Temminck 
a parlé de croisements entre la Bergeronnette grise et la 
Bergeronnette lugubre, d’où résulteraient des individus 
tapirés de noir et de cendré clair. Is. Geoffroy Saint-Hi- 
laire (2) remarque que ces croisements ne sont pas décrits 
avec la précision nécessaire. Ce qui est hors de doute 
d'après M. Degland (3), c’est que la Budytes flava et ses 
races ou variétés locales s’'accouplent entre elles. On a tué 
près de Lille un mâle de Budytes flava des mieux caracté- 
risés accouplé avec une femelle de la Budytes Rayi, 
variété de cette dernière. 

M. Th. Pleske a décrit l’année dernière, dans un 
mémoire lu le 28 avril à l'Académie des sciences de Saint- 
Pétersbourg (4), une Lavandière jaune qu’il croit provenir 
de la Motacilla flava et de la Motacilla melanocephala. 
Cette Lavandière fut prise par M. Karelin le 8 avril 1854, 
près de Gurjew. M. Th. Pleske suppose que la Motacilla 
flava est son père; on ne peut distinguer son sexe; 
d’après ses couleurs vives cet oiseau doit être un mâle. 
On sait que la Bergeronnette mélanocéphale n’est qu'une 
variété de la Bergeronnette printanière. 

Gloger en 1825 signalait un hybride paraissant être le 


(1) D’après M. de Quatrefages, Burdach a cité un croisement du Corbeau 
noir et de la Corneille mantelée qui a produit cinq hybrides, dont deux noirs, 
deux gris et un mixte. Nous n’avons trouvé, dans l'édition de 1838 que nous 
avons consultée, que ce passage : Parmi les oiseaux, on constate des bâtards 
de Corvus corone et de cornix. Le musée de Dijon posséderait deux 
Corneilles produites par le C. cornix et le C. frugilegus, suivant une commu- 
nication qui nous a été faite par M. Collot, directeur du Musée; mais, comme 
ces deux exemplaires tiennent beaucoup plus de la première espèce que de 
la seconde, nous pensons qu'ils doivent être reportés aux produits ordinaires 
de cornix et corone. M. Sewertzow a recueilli, en hiver, dans le Turkestan 
russe, un grand nombre de métis de C. corone et C. orientalis. 

(2) Hist. naturelle des règnes organiques, t. IT, p. 182. 

(3) Ornithologie européenne, t. 1, p. 379. 

(4) Beschreibung einiger Vogelbastarde, t. XXXV, n°5. 


produit de l’'Hirundo rustica et de l Hirundo urbica. Ce 
spécimen fut envoyé à Naumann qui crut l'opinion de 
Gloger fondée. Cet oiseau présentait, en effet, dans plu- 
sieurs de ses parties un mélange des deux espèces. Il est 
représenté dans l'ouvrage de Naumann (1), et figure 
encore aujourd'hui, d'après la communication qui vient de 
nous être faite par M. K. Mœbius, dans les galeries du 
musée de Berlin. Ce fait n’est pas isolé, nous avons appris, 
grâce à l’obligeance de M. C. Emery, professeur de zoo- 
logie à l’université de Bologne, que M. le D" Fiori, de 
cette ville, possédait un hybride de Chelidon urbica et 
d'Hirundo rustica. Cet oiseau, tué à Catanzaro au prin- 
temps de 1884, sur les bords de la mer, était en compagnie 
de beaucoup d’T. rustica et de deux ou trois ©. wrbica; 
il paraissait être le seul de son genre. M. le D' Fiori, sur 
notre demande, nous en a adressé une description très 
détaillée que nous regrettons de ne pouvoir reproduire ici. 
Cette description avait déjà été communiquée à M. le pro- 
fesseur Giglioli, de Florence, qui s’était rallié à l'opinion de 
M. Fiori, et lui avait fait savoir qu'un autreexemplaire sem- 
blable existait à Bari chez M. le D' Romita. Celui-ci a été 
assez aimable pour faire exécuter deux aquarelles du sujet 
qu'il possède et nous les a adressées avec la description 
et plusieurs renseignements. Cet oiseau ressemble à celui 
qui a été donné au musée de Florence ; tous deux ont été 
pris au filet, dans les mêmes endroits, le premier à la fin 
d'avril 1872, et l’autre en 1873. M. le D' Romita les 
trouva tous les deux mâles, ayant les testicules bien déve- 
loppés et dépassant en dimension une graine de millet. 
Bec etiris noirs; sur le front une ligne très étroite, brun- 
marron comme la gorge jusqu'à la poitrine; sur la poi- 
trine, quelques taches noirâtres; poitrine, abdomen et 
sous-caudales blancs, tirant légèrement sur le roussâtre 
aux flancs et aux sous-caudales ; parties supérieures du 


(1) Naturgeschichte der Vügel Deutschlands, Leipzig, 1833. 


AA 


corps noires, à reflets violets ; croupion blanc avec petites 
taches noires ; tarses couverts dans la face interne de rares 
petites plumes blanches très étroites. Longueur 0",143. 
Rectrices externes dépassant les médianes de 0,035. 

En 1834, M. Henry Berry a raconté, dans le Magazine 
of natural history (1), un fait singulier au sujet d’une Grive 
et d’un Merle qui, dans le jardin de James Hankin, à 
Ormskirk dans le Lancashire, se sont accouplés durant 
deux années successives. Les oiseaux élevèrent leurs 
couvées et les petits avaient les traits d'oiseaux hybrides. 
« Ce fait, dit l’auteur, était connu de bon nombre de 
personnes. » Macgillivray, dans son History of British 
Birds, t. II, London 1839, parle d’un fait semblable 
arrivé à Moss-Side en 1836. Il existe au Musée de Liepzig 
des hybrides de Turdus ruficollis et atriqularis, ainsi que 
de T. fuscatus et naumannii, communication qui nous est 
faite par M. le D’ Reichenow. 

Le Magazine of natural history rapporte encore (2) qu’en 
1838 un oiseau mâle, issu d’un Chardonneret et d’une 
Serine, s'étant échappé, on le vit l’année suivante revenir en 
compagnie d’un Chardonneret avec laquelle il construisit 
un nid dans un cèdre; cinq oiseaux naquirent de cette 
union. Un fait à peu près semblable se passait tout 
dernièrement chez M. de B., au château de Cerisay. Un 
couple de Calfats, sorti de ses volières, se croisait avec 
des oiseaux dont on ignore l’origine. On voit aujourd'hui 
plusieurs de ces produits, mais on n'a pas réussi à les 
capturer. Ils tiennent surtout du Calfat. 

Crespon, dans sa Faune méridionale (1844) (3), parle 
d’une espèce de Merle azuré dont il ne connaît que le mâle. 
Il pense, par la description qu'il en donne, que cet 
oiseau est le produit de deux espèces différentes. Ses 
caractères semblent indiquer qu'il provient du Merle bleu 
et du Merle de roche. 


(1) London, vol. VII, p. 598, n° 37. 
(2) Année 1840, p. 424 sqq. 
(C)TLp179; 


Ce Merle fut tué le 28 septembre 1840, sur le mont 
Saint-Loup, près de Montpellier. Il a été reconnu depuis 
par d’autres ornithologistes pour avoir cette origine (1). 
Le prince Ch. Bonaparte n’a point cependant été de cet 
avis dans son Conspectus generum avium (2). 

En mars 1853, on annonçait dans la Revue et Magasin 
de zvologie qu'un oiseau mâle, pris au filet dans les envi- 
rons de Marseille, paraissait provenir du croisement du 
pinson ordinaire, Fringilla cælebs, et du pinson d’Arden- 
nes, Æ, montifringilla (3). 

Un an plus tard, deux autres hybrides, de même ori- 
gine, l’un mâle, l’autre femelle, étaient pris aux environs 
d'Anvers, le premier pendant l'automne, le second durant 
l'hiver (4). Ces deux oiseaux sont conservés par M. De- 
gland. Un hybride semblable se trouve dans la collec- 
üon de M. de Selys-Longchamps. Cet oiseau a été décrit 
dans Bull. della Società veneto-trentina di Sc. nat. (Jun. 
1880, p. 99). Un caractère appartient à montifringilla, le 
croupion blanc ; denx caractères à cælebs, le bout des deux 
rectrices blanc et les rémiges bordées de vert jaunâtre. Il 
fut pris, nous dit M. de Selys, pendant l'automne de 1879 
par M. Romanese, de Levico. M. le professeur Giglioli 
nous informe que trois autres hybrides auxquels on attri- 
bue la même origine sont au musée des Vertébrés de Flo- 
rence, et proviennent de la Toscane (1881-1886). Enfin 
_ dans le cabinet de M. Laurain, à Marseille, on voit un 


(1) Voy. Degland et Gerbe, Ornith. européenne, p. 448. 

(2) Voy. Revue et Mag. de Guérin-Menneville, p. x11-6. 1853. 

(3) P. 117. On en donne une description; cet oiseau, mort en 1859, et qui 
ornait la petite collection de M. Laurain, paraît aujourd'hui, d'après une 
communication qui nous est faite par M. Marion, se trouver dans le musée de 
Marseille. Le Naturaliste (numéro du 15 octobre 1886) parlait à peu près dans 
les mêmes termes de la capture d'un chardonneret-linot pris au filet dans les 
environs de Montauban. Mais il y avait lieu à une méprise. Voyez le même 
journal, numéro 24, du 1°° mars 1888. 

(4) Ce dernier fait est cité par MM. Degland et Gerbe, Ornithologie europ., 
t. II, p. 272. 


CH TUE 


mâle Pinson spodiogène qui, lorsqu'il fut tué, paraissait 
accouplé avec une femelle de Pinson ordinaire (1). 

M. Lemeiteil, de Bolbec, a donné, dans son Catalogue 
raisonné des oiseaux de la Seine-Inférieure (2), la description 
d'un moineau abattu par lui en décembre 1868. Cet oiseau, 
« par la taille, les caractères zoologiques et le mode de 
coloration », paraît un intermédiaire entre le moineau 
ordinaire etle friquet. Nous avons obtenu cette année deux 
jeunes du croisement de ces deux espèces, nous nous pro- 
posons bien d'aller quelque jour les confronter avec 
l'exemplaire de M. Lemeiteil. 

Les Annali del museo di storia naturale di Genova 
donnent de longs détails sur deux espèces de Paradisea, 
le P. raggiona (Sclal) et le P. apoda (Linn.), qui doivent 
s’'accoupler. Les exemplaires cités par MM. Salvador: 
et d’'Albertis présentent, d’après ces auteurs, tous les 
caractères qui peuvent les faire considérer comme hybri- 
des des deux espèces. M. le D° Lorenzo Camerano (3) 
nous a fait savoir que le musée zoologique de Turin pos- 
sède un de ces oiseaux {4). Nous devons aussi à lobli- 
geance de M. Oustalet de savoir qu'un autre individu 
de la même provenance est conservé dans les galeries du 
Muséum d'histoire naturelle de Paris. Un troisième nous 
est signalé par M. le professeur Sordelli dans la collection 
Curati à Milan. Ces hybrides paraissent se rencontrer 
dans la Nouvelle-Guinée. | 

En 1882, M. Henry Seebohm exposa à la Zoological 
Society de Londres une série de formes intermédiaires 
entre Carduelis caniceps et C. major obtenues à Krasno- 
yarsk, dans la Sibérie centrale. La même année, il fit 
paraître dans l'/bis un article intitulé : On the interbreeding 
of Birds (5), oùil énumère plusieurs genres de croisements. 


(1) Ornithologie européenne. 

(2) Rouen, t. IL, p. 83. 

(3) Du musée 200logique de Turin, pr de la Société zoologique de 
France. 

(4) Décrit dans Ornitologia della papiosa, vol. IT, pp. 620-693. 

(5) P. 546, 


Les uns serapportent aux Shrikes (pies-grièches), les autres 
aux Dippers (merles plongeurs), les troisièmes aux Gold- 
finches (chardonnerets). Cet auteur pense que du Lanius 
eæcubitor se sont détachésle L. major et le L. leucopterus(1). 
Dans le nord-est de l’Europe, on trouve des formes inter- 
médiaires entre ce dernier et L. leucopterus. Il présume 
aussi que le Cinclus cachemiriensis forme, en s’unissant 
avec le ©. leucogaster, une génération intermédiaire ; parce 
que, dit-il, on trouve depuis le lac Baïkal jusqu'aux 
monts Altaï l’une et l’autre forme extrême aussi bien que 
les formes intermédiaires. Il a eu dernièrement l’occasion 
d'examiner une grande quantité de Cinclinés envoyés des 
monts Altaï par le collecteur sibérien Her Tanere, de 
Anclam, et 1l apprit que dans l'extrémité sud de ces monts 
le C. cachemiriensis est en contact avec le C. sordidus, avec 
lequel 1l paraît évident qu'il croise, parce qu'encore ici on 
rencontre aussi bien les formes intermédiaires que les 
formes extrêmes. 

M. Secbohm avance enfin que le cas des Goldfinches 
(chardonnerets), où les formes extrêmes s'unissent, est un 
cas exceptionnel, mais les cas où les individus de chaque 
vallée s’allient à leurs voisins immédiats ne sont pas 
rares. Nous ignorons où cet auteur a puisé ces derniérs 
renseignements, et si son dire est le résultat deses observa- 
tions personnelles ; ce que nous pouvons avancer, c’est que 
dans les divers musées d'Europe ces formes intermédiaires 
ne se rencontrent presque jamais; beaucoup de conserva- 
teurs ou directeurs de ces musées nous ont donné des 
renseignements très précis, et nous avons appris que 
leurs collections en sont à peu près dépourvues. 

Toutefois, si nous ne pouvons admettre la fréquence de 
ces croisements, nous ne voulons pas en nier absolument 
la possibilité, surtout parmi les variétés d’une même 
espèce. M. Michel Menzbier, dans une conférence à la 


(1) Nous faisons observer ici que MM. Degland et Gerbe, Ornithologie euro- 
péenne, t. I, p. 221, 1867, coruprennent dans une seule espèce le Lanius excubi- 
tor de Linné etle Lanius major de Pallas, 


— 48 — 


Société zoologique de France (1), à fait connaître des 
faits du même ordre. C’est ainsi qu’il a recueilli une série 
d'exemplaires de Mésanges qui, d’une part, présentent les 
caractères du croisement des ©. Pleski et des C. cyanus 
et, d'autre part, ceux du croisement de ces hybrides 
et des C. cyanus ; ces individus ont été capturés dans la 
contrée où les ©. cyanus et les C. Pleski nichentensemble ; 
ils présentent une série de formes intermédiaires entre ces 
deux espèces. Sur cinq cents exemplaires de C. Cyanus 
que M. Menzbier possède, il a dix exemplaires de C. Pleski 
et cinq autres de ceux qu'il est enclin à envisager comme 
des hybrides produit de croisement de cyanus et pleski. 
D'un autre côté, les ©. Pleski se rapprochent, par leurs: 
stations et leurs habitudes, à un tel point des C. cæruleus, 
qu'on ne devra pas s'étonner, ajoute le savant professeur, 
si des observations ultérieures prouvent que ces Mésanges 
se croisent entre elles et produisent des hybrides. 

Il dit aussi que les C. Pleski et les C. flavipectus, en se 
croisant dans diverses régions avec les C. cyanus, donnent 
naissance à des hybrides; ce qui contribue à l'extension 
des C. Pleski et des C. flavipectus et à la prépondérance 
des ©. cyanus. Ces deux formes s'accordent toutefois à un 
tel point dans les traits typiques de leur coloration qu'il 
est très difficile d'indiquer les caractères d’après lesquels 
on pourrait distinguer les hybrides. 

Dans le groupe des gorges-bleues, M. Menzbier trouve 
encore un autre exemple de croisement. Pour lui les 
trois variétés qui composent ce groupe, c’est-à-dire les 
C. Wolffii, les C. leucocyana et les C. suecica, ne peuvent 
être réunies en une seule espèce, parce que ces trois types 
occupent chacun pendant la période de nidification une 
région tout à fait distincte. Or, entre les C. Wolffu et les 
C. leucocyana, de même qu'entre les C!. leucocyana et les 
C, suecica, on trouve des individus aux caractères 
intermédiaires. Il s’est convaincu que chacune de ces 


(1) Rev. scientif. du 26 avril 1884, p. 515. 


classes d'intermédiaires ne se trouvent que dans la 
région où ses deux formes parentes séjournent ensemble. 
Mais pour beaucoup d'auteurs l'espèce appelée Cyanecula 
Wolffii par le pasteur Brehm ne serait autre que la 
C. suecica; du reste, les noms de Wolffii et de leucocyana 
désignent bien plutôt de simples variétés que de véritables 
espèces, variétés dépendant de l’âge et du sexe (1). Il 
s'agissait donc tout au plus, dans cette circonstance, de 
métis et non d'hybrides. Qu'on nous permette de faire la 
même remarque au sujet des Mésanges, notamment à ce 
qui concerne les C. Pleski et les C. flavipectus. M. Vian 
qui en possède plusieurs exemplaires dans sa collection 
est convaincu, nous écrit-il, que ce ne sont point deux 
espèces distinctes, mais des produits de la mésange bleue 
et de la mésange azurée ; ses spécimens tiennent plus ou 
moins des deux types, varient dans les emprunts qu'ils 
leur font, sont pleski ou flavipectus suivant qu'ils ont pris 
ou moins à P. Cœruleus où à P. Cyanus. 

M. de Selys-Longchamps a bien voulu également nous 
faire connaître son opinion à ce sujet, pour lui, il n’y a 
jusqu'ici que deux espèces fondamentales: 1° Parus cæru- 
leus, avec des races qui n’en diffèrent que par la nuance 
des couleurs, parmi lesquelles on doit compter Pleski ; 
et 2° Parus cyanus, dont flavipectus est une race. Quant 
au mélange entre ces espèces fondamentales, 1l le regarde 
comme accidentel et incapable de faire souche. 

Nous avons vu dans la magnifique collection ornitholo- 
gique de M. Noury à Elbeuf un type de mésange-nonnette, 
qui, présenté à une des réunions des Sociétés savantes 
tenues à la Sorbonne, n’a pu être rapporté à aucune espèce 
connue, mais qui certainement n’a rien d'hybride. D'un 
autre côté, M. Degland a conservé vivant pendant deux 
ans un individu chez lequel la forme Nonnette dominait 
manifestement, mais qui portait aussi des traces de la 
Mésange bleue ; M. Degland n'hésite pas à dire que cette 


(1) Voy. Ornith. europ., pp. 436 et 434. 4 


+ Dore 


dernière espèce s'allie quelquefois à la Nonnette vulgaire 
et que de leur union résultent des métis (1). Tout der- 
nièrement aussi M. Th. Pleske, dans les Mémoires de 
l'Académie de Saint-Pétersbourg, t. XXXV, à parlé d'un 
hybride mâle de Parus borealis et de Lophophanes crista- 
tus. Cet exemplaire, qui a été du reste mentionné plusieurs 
fois, a été acheté le 15 septembre 1880 sur le marché aux 
oiseaux de Saint-Pétersbourg, et est parvenu plus tard en 
la possession du musée zoologique de l’Académie impériale 
des sciences. 

Les Sittelles présenteraient selon M. Menzhier des faits 
analogues. Celui-ci possède quelques exemplaires de Sit- 
telles provenant de la Russie centrale, et il les considère 
comme produits du croisement de Sitla cæsia et de S. eu- 
ropea et de ces deux formes typiques avec leurs hybrides. 
Il fait remarquer que les Siftæ semblables à celles qu'il 
possède ne se rencontrent que dans les endroits habités 
par les deux formes. 

Enfin, chez les Grarruliens, que nous aurions dû citer 
après les Corvidés (ons’estaperçu que nous n'avons point 
suivi pour les oiseaux la classification régulière ; nous 
avons préféré nommer les faits hybrides dans l'ordre à 
peu près où ils se sont produits), on a rencontré à l'état 
sauvage des individus tenant le milieu entre le Geaiï ordi- 
naire (Garrulus glandarius) et le Geai à tête noire de Kry- 
mik ; mais Ceux-ci étaient peut-être des jeunes de l’année, 
il est du reste reconnu que le geai de Krymik n'est 
qu'une variété de la première espèce; Degland (Ornitho- 
logie de l’Europe,t. I, p.216), qui cite ce fait, s'est demandé 
si la Loxia rubri- fasciata (de la famille des Loxiens, genre 
Bec croisé), n’était point le produit d’un accouplement 
fortuit du Bec croisé ordinaire et du Bec croisé bifascié. 
Après diverses considérations, il pense que cet oiseau ne 
constitue qu'une variété accidentelle à laquelle il n’y a 


(1) Ornithologie europ., t. I, p. 567. M. Hardy a reçu de Moscou un Pæcile 
à bec petit comme chez P. communis de France et dont la livrée est sem- 
blable à celle de P. palustris (ib., p. 561). 


Ste 


par conséquent aucun rang à assigner. M. de Selys-Long- 
champs nous fait savoir qu'ilse rappelle avoir vu au Musée 
de Lausanne un Lamus, que lon croit hybride de L. rufus 
et L. collaris, exemple qui nous est confirmé par 
M. Nicoud, de Chaux-de-Fonds (Suisse). 

Nous aurions encore à citer quelques autres exemples 
de croisements chez les Passereaux déodactyles. 

Dans le genre Bruant par exemple, celui de l'Emberiza 
citrinellà et de l'Emberiza leucocephala. Le musée de 
Saint-Pétersbourg conserve un individu auquel on attri- 
bue cette origine. Il fut pris le 8 mars 1887 par le profes- 
seur Eversmann, aux environs de Kasan. D’après ses 
caractères variés, M. Th. Pleske, qui en a donné une 
longue description dans les Mémoires de l’Académie (1), 
dit qu'il est incontestablement un hybride de ces deux 
espèces ; il croit même pouvoir affirmer avec certitude 
qu'il a ea pour père l’Æ. citrinella. Son sexe n’est point 
connu, mais on suppose qu'il est mâle. 

Disons encore que, dans la collection de M. de Selys- 
Longchamps, il existe un hybride pris à l’état sauvage de 
Spinus et de Chloris; dans celle du musée des Vertébrés de 
Florence, un de Carduelis elegans et de Chrysomitris spi- 
nus, venu de Spalatro (Dalmatie), en 1878; un autre de 
Ligurinus chloris et de Carduelis elegans ; enfin dans 
celle de M. le C*® Curati (2), aujourd’hui donnée au musée 
de Milan, on voit divers hybrides de Fringillés, dont 
les noms ne sont pas encore relevés (3). 

Il nous reste maintenant à parler des croisements chez 


les Passereaux zygodactyles et chez Passereaux syndac- 
tyles. 


Nous n'avons pu découvrir que deux exemples d’hybri- 
dité chez ces derniers, parmi les Coracias. M. Blyth (4) 


(1) T. XXXV, 1887. 
(2) La plus riche de l'Italie. 
(3) Lettre de M. le professeur Ferd. Sordelli, directeur adjoint. 


(4) Journal of the Asiatic Society of Bengal, vol. XIV, 1 et 2p., p. 19. 
Année 1845, 


L'b0 fe 


a obtenu dans le voisinage de Calcutta plusieurs spéci- 
mens qui présentent une gradation de plumage entre le 
C. affinis et le C. indica, et aussi un ou deux avec le plu- 
mage pur de l’a/finis. Il en conclut que ces espèces (ou 
plutôt ces deux variétés) s’accouplent assez souvent 
ensemble lorsqu'elles se trouvent dans une même localité, 
et tendent à se fondre dans un type particulier mélangé. Il 
n'a jamais vu un exemple de vrai C. affims avec la large 
bande pourpre de la queue qui caractérise l'adulte 
C.indica; mais il l’a trouvée imparfaitement AéreLoppés 
dans l'espèce mêlée. 

Ses observations ont été citées par Horsfield et Moore, 
(Catalogue of the Birds in the Museum of the East-Ind. 
Company, XX, p.114). Legge (1), dit que l'espèce Coracias 
indica se trouve dans presque toutes les parties de l'Inde, 
mais qu'elle ne va pas jusqu’en Birmanie, où elle est rem- 
placée par la race C. affinis, qui s’en rapproche beaucoup. 
Les deux formes se fondent tellement l’une dans l’autre 
qu'il est difficile de dire où l’indica finit et où l’affinis 
commence. 

Coracias garrula avec C. indica produiraient égale- 
ment ensemble. Chez un spécimen de Coracias garrula 
pris dans le Cachemire, dit Blyth ({bis, 1873), une trace 
de croisement avec C. indica est très visible dans le 
plumage, et montre que ce dernier s’unit au C. garrula 
dans l'Ouest, comme il s’unit au C. affinis dans l'Est. Un 
semblable hybride aurait été signalé par Bell parmi plu- 
sieurs oiseaux capturés dans les iners de l'Arabie (2). 

Parmi les Zygodactyles nous ne voyons qu’un seul fait 
à signaler dans le genre Colaptes de la famille des Picidés. 
D’après une communication de M. von Berlepsch il y aurait 
des hybrides entre C. auratus et C. mexicanus(3). 11 possède 
lui-même un Colaptes recueilli en Californie qui ne peut 


(1) History of Birds of Ceylon, 1880, p. 282. 
(2) Proceedings of the Asiatic Society of Bengal, 1870, p. 249. Cité par Blyth. 
(3) Voy. à ce sujet, Proceed, 6,S$. 1. 


REY. 


être que le produit de ces deux espèces ; il y en aurait 
d'autres au Musée National. 

On voit par ce qui précède que presque tous les exem- 
ples de croisements chez les Passereaux (exemples plus ou 
moins hypothétiques, souvent entre variétés et non entre 
espèces) se sont rencontrés, sauf pour les trois derniers 
exemples, chez les Passereaux déodacti yles, aucun chez les 
Dysodes, les Perroquets et les Colibris 

D'un autre côté, les grands groupes de la division des 
déodactyles sont tous représentés, puisque nous avons 
mentionné des croisements chez les Fissirostres (1), les 
Dentirostres (2) les Ténuirostres(3) et notamment chez les 
Conirostres (4). 


Palmipèdes. 


Dans cet ordre, la famille des Anatidés, dont la plupart 
des espèces sont comestibles, est à peu près la seule où 
l’on rencontre des hybrides. Le plus intéressant à men- 
tionner est le WMerqus anatarius d'Eimbeck, ou le Clangula 
angustirostris du pasteur Brehm, appelé encore par 
M. von Kjabolling Clangula mergoides. Eïmbeck, le pre- 
mier, en fit connaître un exemplaire mâle tué sur l’Ocker, 
près Brunswick, en 1825 ; la forme de cet oiseau rappelle 
celle de lAnas clanqula et du Merqus albellus (5). Un 
second spécimen femelle, tué quatre ans plus tard sur un 
marais, est mentionné dans l'ouvrage de Brehm (6). Enfin 
un troisième, mâle jeune, a été trouvé par M. Kjabolling 


. (1) Un chez les Hirundinés. 
(2) Un chez les Laniens, deux chez les Méruliens. 

(3) Un chez les Paradiséidés. 

(4) Deux chez les Corvidés, cinq ou six Les les Fringillés, un chez les Mota- 
cilliens, un chez les Cinclinés, et plusieurs enfin chez les Paridés. Nous 
apprenons, grâce encore à l’obligeance de M. Berlepsch, que l’on connait des 
hybrides parmi quelques espèces du genre Helmin-tho-phaga de la famille des 
Mniotiltidae, oiseaux propres aux États-Unis d'Amérique. Voy. aussi Ze0Fo Il. 

(5) Isis, Heft I, XII, Leipzig, 1831. 

(6) Handbuch der Dnrdeschioite aller Vügel Deutschlands, ht 1831. 


dans une collection d'oiseaux achetés par lui à Copenha- 
gue (1). Doit-on considérer ces trois oiseaux comme pro- 
venant des deux espèces que l’on vient de mentionner, ou 
plutôt comme appartenant à une espèce régulière et bien 
définie? Plusieurs ornithologistes, auxquels Eimbeck 
montra le premier exemplaire mentionné dans l’Ibis, le 
prirent pour une production hybride (2); le pasteur Brehm 
l'a au contraire considéré comme une véritable espèce, 
ainsi que la femelle qu'il décrit (3). Naumann (4), tout en 
faisant des réserves, penche à croire que ces deux pre- 
miers individus, qu'il a examinés, sont hybrides des deux 
oiseaux en question, c’est-à-dire de l’A. c/angula et du 
M. albellus; M. Kjabolling fait des trois une même 
espèce (5); Gloger (6), en parlant de l’exemplaire de 
Copenhague et de celui de Brunswick, dit qu'il croit 
reconnaître à leurs caractères l’origine indiquée par Eim- 
beck et Naumann. Degland et Gerbe sont de cet avis (7) ; 
enfin, M. de Selys-Lonchamps, pour expliquer les légères 
différences qui existent entre l’oiseau d’'Eimbeck et celui 
de Brehm, a proposé cette conjecture que l’anatarius 
pourrait être le produit du Merqus albellus mâle et de 
la Fuligula clangula femelle, tandis que l'angustirostris 
serait le produit du clangula mâle et de l’albellus femelle, 
ou vice versa. (8) 

Il y eut à cette oecasion, lors de la réunion des orni- 
thologistes allemands tenue à Halbertstadt en 1855, une 
discussion très intéressante ; la majorité des membres qui 
y prirent part se prononcèrent dans le sens de lhybri- 
dité (9). Is. Geoffroy Saint-Hilaire s’est rangé à cette opi- 


(1) Naumannia, pp. 327 et suiv. Stuttgart, 1853. 
(2) P. 300. 1831. k 

(3) Op. cit., pp. 930, 931 et 932. 

(4) Cité. par Kjabolling. 

(5) Naumannia, pp. 237 et suiv. 

(6) Journal für Ornithologie, novembre 1853. 
(7) Op. cit., p. 471. 

(8) Mémoires de l’Acad., XXIII. 

(9) Voy. Selys, mém. 


PET TU 


nion, etil croit que le Harle-Garrot ne tardera pas à être 
inscrit d’un accord unanime sur la liste des hybrides 
authentiques. (1) Depuis M. de Selys-Longchamps a vu à 
Copenhague l'oiseau d'Eimbeck, et il pense aussi que cet 
oiseau est bien certainement un hybride de clangula et 
d'albellus. Enfin un nouvel exemplaire a été tiré en 1865, 
dans le voisinage du Pôl (2), et un autre en 1881 à Kal- 
marsund. M. le D' Blasius (3) qui les a étudiés les a recon- 
nus comme hybrides, quoique l'opinion contraire ait été 
émise. À ce propos, rappelons que M. Negelein a raconté 
en 1853, dans la Naumania, que pendant un violent 
ouragan de neige on vit près d'Oldenburg deux À. Clan- 
gula fem. accompagnées d’un M. merganser masc. 

En 1854 le D' Cabot exposait à la Société d'histoire 
naturelle de Boston, un canard paraissant être le produit 
de la Clanqula americana et du Mergus cucullatus. 

Un autre hybride anatien qui a encore donné lieu à de 
nombreuses discussions, est la Fuliqula Homeyeri, décrite 
d’abord comme espèce par M. Bædeker qui en à fait une 
longue description (4). M. Jaubert (5) mentionne cinq 
exemplaires mâles tous semblables ; il a examiné attenti- 
vement l’un d'eux, et il s’est trouvé amené à les considérer 
comme hybrides. MM. Degland et Gerbe partagent entiè- 
rement cette manière de voir (6): M. de Selys-Longchamps 
penche aussi pour cette opinion (7). Cependant Gloger (8) 
n’est de l’avis ni des uns ni des autres, et il prend ces 
oiseaux, non pour une véritable espèce comme l'avait fait 
M. Bædeker, mais pour une simple variété de la Fuligula 


(1) Hist. des règnes org. T. NII. 

(2) Voy. Siebenter Jahresbricht des Annaberg Buch holzer Vereins für 
Naturkunde.1883-1885. 

(3) Monatsfschrift des Deutschen. 1887. Nr. 14 

(4) Naumannia. Arch. für die Ornithologie. Herausgegeben von Ed. Balda- 
mus. Stuttgart, 1852. 

(5) Rev. et Mag. de zoologie de Guérin-Menneville, p. 118. Mars 1843. 

(6) Op. cit. t. IT, p. 540. 

(7) Mém. de l' Acad. de Belgique, t. XXII. 

(8) Journal für die Ornithologie, 5 Héft. Septembre 1834. 


ER VE 


ferina. C'est en effet de cette espèce, le canard milouin, 
et de la FF. nyroca que l’on fait descendre ces hybrides, 
qui paraissent avoir été rencontrés en assez grand nombre. 
Un couple fut vu, au mois d'avril 1851, dans les environs 
de Rotterdam, et recueilli par M. de Berg; un autre exem- 
plaire, trouvé sur le marché de Montpellier, est conservé 
dans le musée de Genève (1). M. Boulenger nous a fait 
savoir que le British Museum en possède. Ces oiseaux 
sont encore connus sous les noms de Fuligula intermedia 
et de Fuligqula ferinoides. 

L’Anas purpureo-viridis, produit supposé de la Carina 
moschata et de l'Anas boschas, mérite aussi une mention 
spéciale; car cet ‘oiseau a été décrit comme race énigma- 
tique par M. Schinz, dans sa Faune européenne, et mis 
provisoirement au rang d'espèce par M. de Selys, dans sa 
Faune belge (2). Plusieurs individus de ce genre ont été 
rencontrés à l’état sauvage. Les deux premiers, tirés sur 
le lac de Genève en avril 1815 et en mars 1824, figurent 
au musée de Lausanne ; deux autres furent tués sur le 
lac de Constance ; un autre a été recueilli à Abbeville, le 
20 novembre 1818; puis en décembre 1835 (3) M. de 
Selys-Longchamps a été assez heureux pour abattre une 
femelle à Longchamps-sur-Geer; enfin, M. Van Beneden 
a eu entre les mains un mâle, provenant des environs de 
cette localité. D’autres oiseaux semblables ont été vus 
également sur les lacs de Lombardie (4). 

Comme ils présentent les mêmes caractères, on serait 
disposé à les prendre pour une véritable espèce ; cepen- 
dant beaucoup de ceux qui les ont examinés les ont rap- 


(1) Communication qui nous a été faite par M. Godefroy Lunel, conserva- 
teur du musée de cette ville. | 

(2) Liège 18492. 1r° partie. M. de Selys-Longchamps en donne une descrip- 
tion. 

(3) Voy. pour ces renseign. Schinz, Europ. Fauna. 

(4) Bulletin de l'Académie royale de Belgique, t. XII. Nous mentionnerons 
un 7° exemplaire dans la collection Gurati, de Milan, probablement tué sur 
ces lacs. l 


portés à des productions hybrides : ils sont en effet 
presque tous mâles; Degland et Gerbe (1) tiennent à les 
considérer comme venant du croisement de VA. boschas et 
de la C. moschata. L'Anas bicolor (Donavan), d'après M. 
Jenyus (2), aurait la même origine. 

Enfin, d’après M. de Selys et M. Berkeley (3) /Field, 
16 mars 1861), l'Anas glocitans (de Gmel.) et l’Anas 
bimaculata (de Keyserling) ne seraient qu'une production 
hybride de l'A. boschas et de la Dafila Penelope. M. Alfred 
Newton (4), tout en s'inclinant devant de semblables auto- 
rités, pense plutôt que cet oiseau descend du Canard sau- 
vage et de la Sarcelle /Querquedula crecca), comme la 
déjà suggéré, ajoute-t-il, M. Tomes et aussi M. Bartlett, 
dans le Zoologist. Il est arrivé à cette conclusion, non 
seulement à la suite d'observations répétées sur des spéci- 
mens décrits par Vigors (Linn. Trans. XIV, p. 559), 
mails aussi pour avoir vu plusieurs oiseaux de cette sorte 
dans différentes collections. 

M. Wiepken, directeur du musée d'Oldenbourg, nous 
a informé qu'il possédait un hybride d’Anas strepera et 
d'Anas clypeata, pris vivant à Mecklembourg. Il associa 
à des Canards, et observa souvent des accouplements ; 
mais les œufs demeurèrent toujours clairs. L'expérience 
fut faite pendant trois années. 

Dans le genre Anas, nous avons encore à citer l’accou- 
plement de lAnas boschas avec l'Anas obscura men- 
tionné par Morton (5). Cette dernière espèce produit avec 
l'A. acuta. Un sujet auquel on attribue cette origine se 
voit dans le musée de M. Reïd à Doncaster (6). Un autre, 


(1) Op. cit., p. 41. , 

(2) Cité par Degland, p. 471. 

(3) Ces deux auteurs cités par Alfred Newton, Proceedings of the Zoo- 
logical Society, p. 392. 1861. 

(4) Proceedings, p. 392. 1861. 

(5) Cité par Selys-Longchamps. Nous ignorons toutefois s’il s'agit ici d’un 
hybride produit en captivité. 

(6) Magazine of natural history, vol. IX, p. 107. 1836. 


_LLERT 


tué près de Newcastle-sur-Tyne en février 1835, se 
trouve chez M. W.-C. Trevelyan à Wellington (1). M.de 
Selys-Longchamps (2) en possède un troisième, dont il 
donne la description. Nous en savons un quatrième, dans 
la collection de M. Lacroix. Cet exemplaire a été tué 
dans la banlieue de Toulouse, près Blagnac-sur-Garonne, 
sur les bords du fleuve, en 1853, d'après la communica- 
tion qui nous a été faite. La collection Curati de Milan, 
le musée des Vertébrés de Florence et le British Museum 
en possèdent ; cet hybride figure, du reste, dans presque 
toutes les collections; on le rencontre même sur les 
marchés. D’après Degland, il n’y a pas d'espèce qui, à 
l'état sauvage, se croise plus facilement que le Pillet 
acuticaude avec le Canard sauvage. En 1859 M. G. Elliot 
avait exposé à la Société zoologique de Londres un speci- 
men tué sur la côte sud de Long Island et qui a été consi- 
_déré comme ayant cette origine. 

Nous mentionnerons encore, l’hybride de l'A. crecca et 
de l'A. boschas, et un autre qui se voit au musée de 
Paris (3), que l’on pense provenir du Canard souchet et du 
Canard de Barbarie ; ce dernier hybride, tué par 
M. Dybowski, à la fin de l’année 1886. M. Oustalet, qui 
a bien voulu nous signaler ce spécimen, nous dit que peut- 
être il était échappé de quelque basse-cour. M. le C"° Pegli 
Odi possède dans sa collection un hyboide naturel de 
Dafila acuta et de Querquedula crecca, et un autre produit 
de cette dernière espèce avec Marecca penelope. 

Enfin, M. de Selys-Longchamps cite dans sa récap. des 
hybrides des Anatidés un individu tué en Allemagne comme 
produit douteux de $. clypeata et de D. acuta. 

La famille des Fuliguliens contracterait des alliances 


(1) Dans le Northumberland, Mag. of natur. history, vol. VIII, p. 509. 
1835. 

(2) Mém. del Académie de Belgique, t. XXIIT; cite exemplaire mâle adulte, 
qui aurait été pris, dit-on, à l'état sauvage. | 

(3) Dit M. de Selys, t. XXIII. Nous ignorons toutefois si cet oiseau a été tué 
à l'état sauvage. 


no 


dans le genre Querquedula. Morton, d’après Pritchard (1), 
cite l’accouplement de la Fuligula cristata plongeur 
huppé) avec l'Anas querquedula (canard sarcelle). 

Plusieurs autres espèces de Fuligules se marieraient 
aussi entre elles : la Fuligula ferina, Linn. et la Fulix 
cristata, Ray, d'après M. le comte Ettore Arrigoni degli 
Odi, qui en a donné le premier une description dans l Afe- 
neo Veneto (2), et la F. spectabilis (plongeur élégant), avec 
la F, mollissima (plongeur eider); toutefois aucune certi- 
tude n’est donnée au sujet de ce dernier croisement (3). 
M. de Selys possède dans sa collection un hybride de fuli- 
gula nyroca et de f. cristata, tué à l'état sauvage, et un 
produit tout à fait extraordinaire qu'on pourrait peut-êlre 
attribuer au croisement de F. clangula ? avec F. marila ? 
M. le D Marmottan nous fait savoir qu'il en possède un 
autre produit probable de F. cristata avec F. marila. 
M. Newton avait donné dans les Proceedings de 1860 la 
figure d'une fuligule produite probablement par le croise- 
ment de F, collaris et F. americana. 

Nous aurions encore à parler de plusieurs autres hybri- 
des appartenant à divers genres de la famille des Anatidés, 
mais l’espace nous manque. 

Dans la famille des Ansériens nous ne trouvons à signa- 
ler qu'une oïe bernicla, qui produisit avec une oïe du 
Canada dans une île de la propriété de M. Waterton en 
Angleterre. — Encore est-il que ces deux oiseaux, rede- 
venus à moitié sauvages, paraissent avoir tout d'abord vécu 
ensemble à l’état de domesticité dans la propriété où ils 
se reproduisaient (4). Ajoutons que l’Anser Bruchi Brehm, 


(1) Cité par Selys-Longchamps, 1859, mais nous HAMPDDS si cet hybride a 
été tué à l’état sauvage. 

(2) Note ed osservazioni sopra un ibrido non ancora descritto. Venezia, 1887. 

(3) Voy. Selys, t. XXIIT, et Degland, t. 11, p. 587. 

(4) Nous donnons ce fait avec beaucoup de réserves, n'ayant pu retrouver 
dans nos notes qu'une partie du récit de M. Waterton, paru dans Essay of 
natural history, 5° édit. London, 1844, 


ÉLDO — 


d'après M. de Selys, serait un hybride ou un jeune âge 
d'Albifrons où d'A. arvensis (1). 

Dans l’ordre des Palmipèdes longipennes nous devons 
mentionner l’accouplement probable de la Sterne hirundo 
avec la Sterne paradis; M. Hardy (2) croit avoir acquis 
la certitude que ces deux espèces, qui ont été confondues 
Jusqu'en 1819, produisent des hybrides, 


Échassiers. 


Enfin l’hybridité se manifesterait dans l’ordre des 
Échassiers coureurs. Le Courlis à bec grêle, dit Deg- 
land (3), doit s’accoupler quelquefois soit avec le Courlis 
cendré, soit avec le Courlis corlieu, et de ces alliances 
accidentelles résultent des métis, qui ont été décrits 
comme espèces. — « Tels sont le Numen sungenicos (Van 
der Mühle, Beitr. zur Ornith. Griechenlands) et Numen 
hostatus (Contarini, Venezia e le sue laqune). Le premier, 
selon toute probabilité, n’est qu'un hybride du Courlis à 
bec grêle et du corlieu ; le second serait également un 
hybride de ce même Courlis à bec grêle et du Courlis cen- 
dré ». M. Lacroix, de Toulouse, nous a fait savoir qu'il a 
dans sa collection un hybride de Héron cendré et de 
Héron pourpré. Cet individu a été tué dans les ramiers 
de Braguesselle à 8 kilomètres au sud de Toulouse, en 
février 1854. Ce sont les deux seuls exemples que nous 
connaissions chez les Échassiers. 


Gallinacés. 


Les anciens ont constaté l’ardeur immodérée de ces 
oiseaux à l’époque des amours. En parlant des perdrix, 
Aristote va jusqu’à dire que les mâles se cochent entre eux 


(1) Voy. Rev. et Mag. de zoologie, n° 3, 1857. 
(2) Cité par Degland, Op. cit., t. II, p. 459. 
(3) Op. cit., t. II, pp. 161 et 162. 


On — 


et satisfont même leurs désirs sur les petits. Buffon, qui 
rapporte ces faits en les admettant, cherche à les confir- 
mer, et1l ajoute que les mâles des perdrix rouges, lors- 
qu'ils sont bien animés, ne peuvent entendre le cri de leurs 
femelles sans répandre leur liqueur séminale. Si la 
nourriture abondante de nos champs cultivés est capable 
de porter les volatiles qui les habitent à de tels excès, ce 
dont nous doutons, du moins ceux-ci cherchent bien rare- 
ment à contracter des alliances avec des individus spécifi- 
quement distincts, et c’est à peine si, chez les perdrix, on 
rencontre quelques hybrides douteux. Voici, du reste, les 
exemples que nous avons pu recueillir dans cette famille. 

L'exemple le plus connu est celui que cite Dureau de 
la Malle, dans les Comptes rendus de l Académie des scien- 
ces (1). 

Dans la partie du Perche où se trouvait son domaine, 
la Perdrix rouge, surtout la grosse Bartavelle ou Perdrix 
grecque, formait le tiers de ce genre; mais en 1854 la 
Bartavelle rouge avait presque entièrement disparu ; néan- 
moins, depuis plus de dix ans, le garde rapportait qu'on 
avait aperçu des Perdrix rouges avec des ailes de Perdrix 
grises. Il parvint un jour, sur les indications que Jui 
donna Dureau de la Malle, à découvrir dans le territoire 
de Colonard, situé entre deux grands taillis, le produit à 
l'état sauvage de la Bartavelle grecque femelle, avec un 
mâle de Perdrix grise nommée la Roquette, étrangère 
aussi et originaire des Pyrénées-Orientales. Dureau de la 
Malle pensa que la Bartavelle, pressée sans doute par la 
violence de ses désirs, «et ne trouvant plus dans le canton 
qu'elle habitait de mâle de sa race, avait contracté cette 
union avec le mâle de la Roquette. « Cette circonstance 
explique à la fois, dit-il, la rareté des métis, et la persis- 
tance (plus de 15 ans) du produit à l’état sauvage et tou- 
jours fécond de deux étrangers. » 


(1) T. XLIII, pp. 783-784, ann. 1865. 


ND: 2 


Le savant académicien, très sobre de détails, ne dit pas 
comment il a pu connaître la paternité supposée aux hybri- 
des tués par son garde, il ne fait même aucune description 
de ces oiseaux. 

Aussi Is. Geoffroy Saint-Hilaire remarque-t-1l qu'il n’a 
point justifié complètement son assertion (1), et M. de 
Quatrefages trouve (2) tout à fait insuffisants ces quelques 
renseignements. | 

Cependant, d’après plusieurs ornithologistes, on ren- 
contrerait des hybrides de la Perdrix grise et de la Perdrix 
rouge (3). Buffon a voulu voir, dans la Perdrix de mon- 
tagne (4), une race intermédiaire entre les deux espèces. Il 
parait avoir appris qu'elle se mêle quelquefois avec les 
Perdrix grises; et 1l la soupçonne fort de contracter des 
alliances avec la Perdrix rouge, à laquelle elle ressemble 
par la couleur de son bec et de ses pieds (5). 

Tout dernièrement M. G. Duwarnet vit chez un mar- 
chand de gibier une Perdrix qui portait évidents les carac- 
tères de l'hybridation. « Son bec et ses tarses étaient 
rouges ; les plumes des flancs, bien qu’un peu moins vives’ 
de couleurs, étaient celles de l'espèce rouge. Les ailes 
ressemblaient à celles de la grise, avec des tons un peu 
plus chauds..» Cet observateur est convaincu d’avoir eu 
sous les yeux un véritable hybride. Pour corroborer son 
dire, il ajoute qu'un chasseur de son voisinage possédait 
en cage un couple composé d’une Perdrix grise et d’une 
Perdrix rouge, qu'il surprit en accouplement ; quatorze 
œufs furent pondus, neuf perdreäux en naquirent dont 
cinq rouges et quatre gris. — Ce ‘croisement paraît bien 
authentique d’après les nombreux détails qu'on en a 


(1) Voy. Is. Geoffroy Saint-Hilaire, Histoire des règnes organiques. 

(2) Revue des cours scientifiques. 1867-1869. 

(3) M. Marion m'informe que le musée de Marseille possède un spécimen 
ayant cette provenance et indiqué dans le catalogue comme pris à l'état 
sauvage. 

(4) La Perdrix de montagne, p.240 des Œuvres complètes, édit. de 1844, 

(5) Bulletin de la Société d'acclimatation, p. 545. 1874. 


_— 63 — 


donnés. C’est en vain cependant que Dureau de la Malle 
l'avait tenté; ses essais, répétés pendant vingt ans, restè- 
rent infructueux. À l'exemple de Varron et de Columelle, 
pour domestiquer loie et le canard domestique, il avait 
couvert d'un réseau à mailles suffisamment serrées une 
vaste cour close de murs, dans laquelle se trouvaient des 
Perdrix grises et des Perdrix rouges; elles ne se croisèrent 
jamais. Dureau de la Malle rapporte aussi que M. Patu de 
Saint-Vincent avait essayé, dans sa cour bordée de fossés, 
et en employant l’appât des œufs de fourmis et du blé, 
dont ces sortes de Perdrix sont très avides, de domesti- 
.quer la Perdrix rouge avec la Perdrix grise et d’en obtenir 
des métis. À l’époque de l’appariage, les Perdrix rouges et 
les grises s’'envolaient et ne reparaissaient plus. Si l’'accou- 
plement de la Perdrix grise avec la Perdrix rouge à l’état 
de nature reste douteux, le croisement de cette dernière 
avec la Bartavelle paraît mieux établi, sans toutefois 
reposer sur des données certaines. Il en résulte, nous dit 
Bailly, dans son Ornithologie de la Savoie (1), « des sujets 
qui, par la taille, les couleurs et leur disposition tiennent 
le milieu entre ces deux espèces ». D’habitude, le mâle a 
plus d’aflinités avec la Bartavelle qu'avec la Perdrix rouge ; 
c'est le contraire chez la femelle. Degland a examiné plu- 
sieurs hybrides que lon suppose provenir de ces accou- 
plements ; il a constaté entre eux des différences très 
notables sous le rapport du nombre et de létendue des 
taches du cou. Deux femelles, dont l’une appartient au 
Muséum d'histoire naturelle de Paris, diffèrent si peu, par 
le nombre et l'étendue des taches du cou, des femelles de 
la Perdrix rouge, qu’on les rapporterait volontiers à cette 
espèce, si la double bande noire des plumes des flancs ne 
les distinguait (2). M. Lacroix, de Toulouse, nous a fait 
savoir qu'il possédait un hybride de Perdrix rouge et de 
_Perdrix bartavelle, pris à l'état sauvage dans Les environs 


(1) Tome IIL, p. 467. 1854. 
(2) Ornithologie européenne, À. Il, p. 64. 


de Muret, 20 kilomètres sud de Toulouse ; un autre a été 
capturé chez un de ses amis près Miremont (Haute- 
Garonne), sur la ligne du chemin de fer de Toulouse à 
Foix ; le premier en octobre 1869, le second en octobre 
1872. — Un troisième exemplaire, tiré en novembre 1869, 
figure dans le musée de Toulouse (1). 

Ces hybrides ont reçu le nom de Perdrix Labatieri ou 
Rochassière. Le prince Ch. Bonaparte, dans sa Revue cri- 
tique de l’'Ornithologie européenne de M. le D' Degland (2), 
en a fait une espèce distincte, par ce fait que toutes les 
Perdrix dans certains cantons donnés offrent les mêmes 
caractères ; cependant, dans son catalogue des oiseaux de 
l'Europe (3), il paraît être revenu sur cette opinion. 
N. Bouteille (4), qui d’abord avait fait comme le prince 
Ch. Bonaparte, puis avait changé d'avis, est revenu à sa 
première appréciation, parce qu'il a reconnu que si, dans le 
voisinage des lieux qu'habite la fRochassière, on trouve 
quelquefois la Perdrix rouge, on n’y rencontre Jamais la 
Bartavelle. M. Olphe Gaillard, dans la Faune ornith. 
europ.,qu'il vient de faire paraître, considère la Rochas- 
sière comme un véritable hybride. 

On voit que les opinions sont partagées sur ce point et 
que l'existence de cet hybride reste douteuse. Nous avons 
vu il y a peu de temps, dans le cabinet de M. Lemetteil à 
Bolbec, deux exemplaires de la Rochassière, mâle et 
femelle, venant des Alpes. Ils étaient si bien caractérisés, 
que nous les aurions pris volontiers pour deux individus 
appartenant à une espèce réelle. — Il y a six ans, un 
amateur, avec lequel nous avons l’honneur d’être en rela- 
tions, rapportait de la Palestine une Perdrix qu'il pensa 


(1) Voy. Catalogue des oiseaux des Pyrénées, par Lacroix. — Nous sommes 
porté à croire qu'il y a ici double emploi. 

(2) P. 78. Bruxelles, 1850. 

(3) Offert en 1856 aux Ornithologistes par M. Parzurski. (Rédigé d’après les 
classifications du prince Ch. Bonaparte, cité par Degland.) 

(4) Ornithologie du Dauphiné, pp. 337-338. 


Arras. 


être une Bartavelle ; celle-ci accepta un coq de Perdrix 
rouge et pondit 15 œufs tous fécondés ; six mois après, les 
petits mouraient tous de la diphtérie. Si cette expérience 
avait réussi, on aurait pu constater la validité des asser- 
tions des ornithologistes, partisans d’une double origine 
chez la Rochassière. M. Armand, préparateur au muséum 
de Marseille, avait eu, en 1863, la pensée d'effectuer le 
rapprochement de la Perdrix rouge et de la P. sinaica, 
provenant de la Syrie. Un grand nombre d'œufs furent 
pondus et il obtint des petits ; nous ignorons ce qu'ils 
devinrent (1). M. L. Calpini nous dit qu'il a vu une perdrix 
provenant de la Bartavelle et de la Perdrix grise, ce sujet 
doit être conservé à Sion (Suisse). 


Parmi les Faisans, nous n'avons que fort peu de croise- 
ments à constater à l'état libre; encore ceux qui se sont 
opérés ont-ils eu lieu bien plutôt entre variétés qu'entre 
espèces distinctes, et beaucoup se sont produits dans les 
bois, ou dans les chasses réservées. C’est ainsi que, le 
colchicus, le torquatus et le versicolor, qui ont été abon- 
damment introduits dans les réserves anglaises, se marient 
entre eux très facilement et se mélent à tel point que, si 
l’on n’a pas la précaution de les tenir soigneusement sépa- 
rés, il est extrémement difficile d'en trouver qui ne pré- 
sentent aucun caractère de mélange (2). 

On rencontre en Allemagne dans quelques parcs une 
race bâtarde provenant de l'espèce vulgaire et du Faisan 
à collier. Dans une localité où les Faisans n’existaient pas, 
M. le baron de Bussière a lâché, il y a sept ans, quatre- 
vingts poules de Bohême, importées d'Autriche, et sept 
coqs de Mongolie, importés de Chine. Ces croisements ont 


(4) Lettre de M. Barthélemy Lapommeraye, dans Bull. Société d’Acclim. 
pp. 485 sqq. 1883. — M. l'abbé Vincelot a parlé dans son ouvrage d'une 
Perdrix sous lenom d’atro-rufa. Cette variété, qui ne ressemble à aucune des 
espèces connues, n’a été observée que peu de temps en France, mais il ne 
l’inscrit pas comme hybride. 

(2) Bulletin Société d'acclimatation, n°° 417 et 418, 


LME 


parfaitement réussi. On pourrait citer une quantité de 
faits semblables tant en France qu’à l'étranger. | 

D’après Dresser (1),en Écosse, les Faisans ordinaires se 
croisent non seulement avec les versicolores qui y ont été 
introduits, mais encore avec le HRevesii (Faisan vénéré), 
d'espèce distincte. Ces croisements se sont opérés dans 
tous les sens ; il devient déjà difficile, dit l’auteur anglais, 
de rencontrer un Faisan de Colchide pur sang (2). Nous 
ne pensons pas que ce fait soit général; nous savons par 
exemple que dans le parc de Ferrières, où on a lâché des 
vénérés, on n’a point vu d'hybrides en liberté (3). On nous 
a bien présenté dernièrement un exemplaire tué dans ces 
chasses et que l’on pensait provenir de ces deux espèces, 
mais, après examen, il nous a été impossible de découvrir 
aucune trace du vénéré. 

A l’état tout à fait sauvage, Elliot, dans sa Monographie 
des Phasianidés (4), a remarqué que le Black-Barked 
Kalerge /Euplocamus melanotus) et le White-Crested 
Kalerge (Euplocamus albocristatus) engendrent souvent 
ensemble dans les provinces du Népaul, où ils se rencon- 
trent sur la ligne qui sépare leur territoire respectif, et 
produisent des hybrides qui se distinguent facilement des 
parents. Ces hybrides ont été décrits comme formant une 
espèce nouvelle sous le nom d’Ewuplocamus Hamiltont ; 
cependant, ajoute l’auteur (5), on sait actuellement que 
ces hybrides ne peuvent être rangés comme espèce parti- 
culière. Les voyageurs en Asie ont aussi mentionné 
l'existence de types intermédiaires entre les différentes 
espèces d'Euplocames qui sont très strictement localisées (6). 


(1) Birds of Europa. cité par M. Alfred Dubois. — Oiseaux de la Belgique 
(ouvrage à l'impression). 

(2) Il ne s’agit pas ici de croisements de demi-sang féconds entre eux, mais 
de mélanges divers. : 

(3) Communication qui vient de nous être faite par le faisandier. 

(4) 1871, 8 partie, 5. 

(5) Première partie, juin 1870. ; 

(6) Note que je dois à l’obligeance de M. Pichot, directeur de la Revue Bri- 


Re 2 


Nous ne connaissons point d’autres exemples à citer 
chez les Faisans, à moins de rappeler d’après les Neue 
Notizen, de Froriep (1), que le garde de M. Halsch, de 
Henley Park, ayant abandonné dans les bois une femelle 
dorée avec des faisans communs, il en résulta deux beaux 
hybrides chez lesquels les caractères des espèces mères 
étaient réunis. M. Tegetmeier a aussi, en 1875, exposé à 
la Société zoologique de Londres deux Faisans hybrides 
sauvages provenant de Ph. colchicus et de Euplocamus 
nycthemerus, tués dans le Surrey. Leur mère était une 
poule argentée qui s'était échappée et s'était accouplée 
avec un Faisan commun. Ils furent pris pour un mâle et 
une femelle, mais leur sexe n’a pas été bien déter- 
miné. On lit encore dans les Proceedings of the 2001. 
Soc, XXXVII, p. 149, qu'un hybride à été transmis 
en vie du Japon à la Société zoologique d'Amsterdam, et 
aue cet oiseau à paru être issu d’un croisement entre 
Euplocamus nycthemerus et Thaumalea picta; mais on ne 
dit pas s’il à été capturé dans les forêts, ou s’il a été pro- 
duit en captivité. 


Les exemples de Faisans s’accouplant avec des Tétras 
sont plus nombreux; un grand nombre de faits de ce genre 
ont été observés en Angleterre, du moins des individus 
présentant les caractères plus ou moins accentués des 
deux espèces ont-ils été pris pour des hybrides. 

White (2) mentionne, dans son Âistoire de Selborne, 
éd. 1833 (3), un oiseau curieux, tué dans un taillis à 
Colt ; il n’a pu, ainsi que plusieurs auteurs, déterminer 
son origine d’une façon précise, mais le révérend William 


tannique.— Dans l'Himalaya et ailleurs, dit Blyth, ces races s'accouplent entre 
elles ou avec leurs produits, d'où chaque gradation de l’une à l’autre race 
peut être tracée dans une série de spécimens. 

(1) 13 vol. Weimar. 1840. 

(2) Cité par Thompson, Mag.of Zool., 1837. 

(3) Nous n'avons pu nous procurer cette édition, ni celle de 1875.Dans celle 
de 1848, il n’est point parlé du fait qui va suivre, 


1 RAS 


Herbert, qui a vu le spécimen dans la collection du comte 
d'Égremont à Petworth, se prononce d'une façon décisive 
et le croit produit du Ph. colchicus et du Tetrao tetrix. 

En 1834, dans un meeting de la Zoological Society, 
M. Sabine appelait l'attention des membres présents sur 
un spécimen d'oiseau provenant du même croisement, et en 
donnait une description (1). | 

En 1838,à une des réunions de cette société, on lut un 
rapport de M. Thomas C. Eyton sur un oiseau qu'on sup- 
posait avoir la même origine. Quelques années aupara- 
vant, on avait observé dans le voisinage de Merrington une 
femelle de Téetrao, mais on ne l'avait jamais vue avec 
aucun oiseau de son espèce, quand, au mois de no- 
vembre, sur les terres avoisinantes fut abattu un oiseau 
qui tenait du coq noir et du Faisan. Un autre individu 
ressemblant à ce dernier, quoique plus petit, fut tué un 
mois plus tard. 

On lit dans l'History of the rarer British Birds (4), de 
cet auteur, que trois autres oiseaux présentant des carac- 
tères hybrides furent tués en même temps que la vieille 
poule Tetrix. La même année dans le Wigtownshire, sur 
les terres de Lochman, il fut abattu un spécimen que 
lon avait pris pour un Dindon sauvage, mais qui fut 
reconnu comme produit par l'union du Faisan et du Tetrix. 
Une très longue description en a été faite dans le Magazine 
of 200log. Botany, par William Thompson. 

En 1837, M. Th. Yarrel avait exposé à la Société zoo- 
logique de Londres, de la part de M. John Leadbeaton, 
un hybride mâle du Faïsan et du Black Grouse (2). Dans 
son Histoire des oiseaux de l’ Angleterre (3), 1 mentionne 
trois autres spécimens que lui firent connaître le Rev. de 
Stoke et M.Selby de Tivizell ; deux furentrencontrés dans 
le Devonshire, le troisième dans le Northumberland en 


(1) Voy. Proceedings of the zoolog. Society, partie ILE, p. 52. 1834. 
(2) Proceedings of the z0olog. Society, p. 139. 1837. 
(3) Hist. of British Birds, p.358. 


64 — 

1839 par lord Howick. Le Zoologist de 1854 mentionne 
un autre individu qui fut tué dans un grand bois appelé 
Staunton Springs, près de Melbourne, par le garde du 
comte Ferrers. 

Puis, en décembre 1855, parmi le gibier tué dans les 
couverts du comte de Stafford à Enville, on trouva un 
très curieux et très bel oiseau qui tenait du coq de bruyère 
et du Faisan et ressemblait plus au premier qu’au second(1). 

Enfin, en 1883, M. Burton exposait à la Société zoolo- 
gique de Éondres un hybride du même genre acheté au 
marché de Leadenhall, et en 1886 M. le C Johann Harrach 
tuait près de Zèbe, en Bohème, un nouvel exemplaire (2). 

Ces exemples nombreux paraissent mettre hors de doute 
l'existence d'hybrides provenant du Phasianus colchicus et 
du Tetrao tetrix; ils sont confirmés d’ailleurs par plusieurs 
savants, notamment par le Pce Ch. Bonaparte, qui, à la 
demande Is. Geoffroy Saint-Hilaire, ont bien voulu 
recueillir en Angleterre, sur les oiseaux désignés comme 
hybrides, des renseignements confirmant pleinement leur 
double origine. Celle-ci paraît encore avoir été admise par 
MM. Degland et Gerbe (3) qui citent Thompson, par 
Westwood (4) d'après Eyton, par Gloger (5), par M. de 
Quatrefages, etc. (6). 

Des tentatives faites en 1857 pour obtenir des hybrides 
du petit coq de bruyère et de la femelle du Faisan en 
domesticité, d’abord restées sans résultat (7), paraissent 
avoir été ensuite menées a bien (8). 

Mais, parmi les Gallinacés, l’hybride le plus répandu et 
qui paraît aussi le plus authentique, est assurément le Rac- 


(1) Zbid. 

(2) Fritsch. (M. O. Ver Wien, p. 98. 1886), cit. par M. le Dr Meyer de Dresde. 
(3) Ornithologie européenne, p. 48. 

(4) Transactions of the entomological Society, vol. VIIL. London, 1841-1843. 
(3) Journal für Ormithologie, 1854, p. 408. 

(6) Revue des cours scientifiques, p.740. 1867. 

(7) Les Alpes, par Tschudi, p. 394. Strasbourg, 1857. 

(8) Voy. Jour. soc. zool. 1883; p. 578, que nous n’avons pu consulter. 


kelhane, produit du Tetrao tetrix et du Tetrao urogallus. 
Étudié depuis plus d’un siècle par une foule d’ornithologis- 
tes qui l'ont considéré tantôt comme espèce, tantôt 
comme variété, tantôt comme hybride, 1l doit à Nilsson (1) 
d'être bien connu. Celui-ci a, en effet, apporté des preu- 
ves si nombreuses en faveur de l’hybridité qu'il serait diffi- 
cile de les récuser. Non seulement on a rencontré les 
poules du T. urogallus sur les jeux du petit coq, mais 
encore on a vu celui-ci sauter sur ces dernières, tandis 
que l’on n’a jamais rencontré de poules du T° fetrix sur 
les jeux du grand coq. — Le plus grand nombre de nos 
savants modernes se sont donc prononcés pour l’hybridité. 
Nous citerons parmi eux : Temminck ( Manuel d'Ornitho- 
logie, Paris 1820-1840, vol. IT); Naumann/Naturgeschichte 
der Vügel Deutschlands, 6 Theïl, Leipzig, 1833); Gould 
(Birds of Europa, vol. IV, London 1837); Burdach 
(Traité de physiologie, 1838), Macgillivray (History of 
British Birds, London 1837); R. Wagner ([Lehrbuch der 
Physiologie, Leïipzig 1839); Yarrel (History of British 
Birds); Gloger (Journal de Cabanis, 11° année, 1854); 
mais il donne indifféremment l’urogallus pour père et le 
tetrix pour mère; Morton (Hybridity in animals; in 
American Journal, 1847); Tschudi {Les Alpes, Stras- 
bourg 1857); Is. Geoffroy Saint-Hilaire ç Hist. générale : 
des règnes organiques, t. TT); Quatrefages /Rev. des cours . 
scientifiques, 1867-1869); Degland et Gerbe /Ornithologie 
européenne); Brehm (Oiseaux, t. II, p. 393, trad. fran- 
çaise), etc. : | 

Déjà au siècle dernier cette hypothèse avait été soule- 
vée et admise par Rutenskiold {Kongl. Svensk. Vetensk. 
Handling, 1744) ; Linné [Faune suéd., 1761); Klein 
(Ova avium plurimarum, Leipzig 1776) ; Pennant {Arctic 
Zoology, vol. I, 1785) ; D" Sparmann [Museum Carlso- 
nianum, Holmiæ 1786) ; Latham //ndex ornithologicus, 


(1) Skandinavisk F'auna. 


7," Mrs 


Londini, 1790) ; Bechstein {Gemen. Natur. Deutsch. 
Leipzig 1793); Gleichen {Découvertes dans le règne végétal). 
— Cependant il faut reconnaître que d’autres naturalistes 
s'étaient prononcés pour l'opinion contraire ; c’est ainsi 
que Brisson /Ornithologie, t. I, 1760); Buffon [Du petit 
Tétras, p.189, Œuvres comp., édit. de 1844); Langsdorff, 
Mém. de l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg, 
t. IT, 1811), Meyer /Mag. für die neue. Ent., Berlin 
1811), et plus récemment le pasteur Brehm /Handbuch 
der Naturgeschichte der Vügel Deutschlands, menau, 
1831) (1), et Jagareff /Tidser, 1832) font du Rackelhane 
soit une espèce, soit une variété. 

De nos jours encore des doutes ont été émis dans le 
Magasin de zoologie. M. J. B. Jaubert, sans se prononcer 
d'une façon catécorique, critique les raisons alléguées par 
le D' Gloger, et expose au contraire les motifs qui mili- 
tent en faveur d’une véritable espèce. 

M. Schintz, dans son ÆEuropæische Fauna, 1840 (2), 
n'ose pas se prononcer et « laisse la chose indécise ». 
Enfin, Faivre et Godron, le premier en 1868 (3), le 
second (4) en 1872, disent, l’un, que les croisements entre 
les deux Tétras méritent confirmation; l’autre, en parlant 
des produits, qu’il s’agit seulement de variétés. 

Quoi qu’il en soit, le Rackelhane est généralement admis 
comme hybride; nous en avons eu encore la preuve tout 
dernièrement dans les communications qu'ont bien voulu 
nous faire les directeurs ou conservateurs des musées où 
figurent ces oiseaux, répandus aujourd'hui dans toutes les 
collections, que l’on rencontre dans les moindres cabinets 
et même sur les marchés, à Saint-Pétersbourg comme à 
Paris. 

I nous serait impossible de donner ici l’histoire de ce 


(1) Cité par Nilsson. 

(2) P. 279. Stuttgart. 

(3) De la variabilité des espèces et de leurs limites. 
(4) De l'espèce et des races dans les êtres organisés. 


— 72 — 


curieux hybride, chassé dans toutes les forêts de l’Alle- 
magne, de la Russie, de la Norwège, de la Suède, que 
l'on voit aussi en Suisse, dans les Alpes, et en Écosse. — 
M. À. B. Meyer, de Dresde, vient de faire paraître un 
ouvrage très important sur les Tétras (1). Il s’est étendu 
très longuement sur les hybrides de ces oiseaux. Il cite 
des faits récents et admet que les hybrides peuvent se 
croiser avec les espèces pures. Il a donné la description de 
treize exemplaires de Rackelhane nouvellement tués. De 
magnifiques gravures accompagnent le texte. Le prof. 
Sewertzow a également donné des détails très intéressants 
et tout à fait nouveaux sur cet hybride. 

On trouvera encore dans le journal de chasse Jagd- 
Zeitung, années 1883 et suivantes et dans Mittheilung der 
Ornithologischen, plusieurs faits concernant les Rackel- 
hanes racontés par le Kronprinz Rudolph. Une expérience 
bien curieuse vient d’être tentée par M. Kralik, de Vienne. 
Celui-ci, pour la première fois croyons-nous, a obtenu 
dans ses volières le croisement de l’urogallus et du fetrix. 
Ses essais ont été racontés par M. von Tschusi (2) et par 
Student (3), (cités par M. Meyer). 

Nous ajouterons que le mâle du T. tétrix se croise 
avec la femelle du Lagopède (Ptarmigan), et produit des 
hybrides qui ont été décrits par Nilsson (4), Naumann (5), 
Yarrel (6), et autres naturalistes. Les musées de Milan, 
de Darmstadt, de Varsovie et de Stockholm nous ont fait 
savoir qu'ils en possédaient des exemplaires. Huit spéci- 
mens sont conservés au musée de Saint-Pétersbourg ; la 
plupart sont des mâles avec leur livrée d'hiver ; onze 
autres existent à l’université de Christiania, quatre dans 


(1) Unser Auer- Rackel- und Birkwild und seine Abarten. Vienne, 1887. 

(2) Mittheilungen der Ornithologischen, Vienne, 1884. 

(3) Waidenaustheil, 1885. M. Wiebke. dans le Journal für Ornithologie, 
année 1885, a parlé sur le même sujet. 

(4) Skandinavisk Fauna. 

(5) Naturgeschichte. 

(6) British Birds. 


À 
rl 


ST 2 


la collection d'Upsala, et quatre au musée de Bergen. 
M. Albert Collett, qui donne ces derniers renseignements, 
vient de publier dans les Proceedings of the z2oologieal 
Society of London, 1886, une histoire naturelle très com- 
plète de cet hybride, désigné, en Suède et en Norwège, 
sous le nom de Rype Orre. M. Wiebke a parlé derniè- 
rement (1) de trois exemplaires tués en 1884, le premier 
dans les environs d'Helsingfors, le deuxième à Petroza- 
vodsk le 23 décembre, et le troisième dans le gouverne- 
ment de Novgorod, le 17 janvier. Un quatrième a été 
abattu à Kasan au mois de mars de la même année. Nous 
apprenons par M. Schlüter, naturaliste de Halle, que le 
Musée de cette ville en possède aussi un exemplaire, et 
qu'il en existe un autre dans le Musée de Berlin. 

Le Tetrix s’'accouplerait aussi avec la Bonasa betulina 
(Gelinotte). Dresser, dans les Proceedings of the zoological 
Society, en 1876 (2), a le premier signalé ce nouveau croi- 
sement. Il montra à une des réunions de la Société un 
spécimen paraissant avoir cette origine et appartenant à 
M. John Flower, qui l'avait acheté à un marchand 
d'oiseaux ; disséqué par M. Dresser, cet oiseau fut reconnu 
pour être mâle. M. Th. Pleske (3) vient de décrire dans 
- les Mémoires de l’Académie de Saint- Pétersbourg (4) deux 
exemplaires ayant la même origine et dont il donne une 
figure. Ce sont deux mâles, ils furent pris dans le même 
nid par M. Andrejensky en septembre 1860 à Toksowo; 
l'un appartient au musée de l’Académie des sciences, 
l’autre au cabinet zoologique de l'Université. Un troisième, 
une femelle, fut acheté au marché, sans que l’on sache 
d'où il venait. M. Pleske ne croit pas se tromper en 
désignant pour père de ces oiseaux la Bonasa betulina et 


(1) Journal für Ornithologie, 1885, p. 394. 

(2) P. 345. 

(3) Conservateur au musée zoologique de l’Académie des sciences de 
Saint-Pétersbourg. 

(4) VIT: série, t. XXXV, n° 5. 1887. 


pour mère le T, tetrix; car on ne peut guère admettre, 
dit-il, qu'une Gelinotte femelle se rencontre dans les 
endroits fréquentés par les coqs de bruyère lorsque ceux- 
ci sont en amour. M. Dresser avait fait la même obser- 
vation au sujet du spécimen présenté par lui à la Société 
zoologique de Londres. M. Lindner, de Salzbourg, a fait 
savoir à M. Meyer (1) qu'un nouveau sujet avait été abattu 
dans les environs ; malheureusement, il avait été vendu et 
on n’a pu le retrouver. 

La Bonasa betulina contracterait elle-même des alliances 
avecle Lagopus albus. 

M. le comte Vertova, de Bergame, nous écrit qu'il possède 
dans sa collection un produit auquel on attribue cette ori- 
gine et qui a été pris il y a longtemps dans les Alpes. On 
avait cru d’abord à un cas d’albinisme ; mais, après avoir 
été examiné avec soin par M. Vertova et Le professeur 
di Filippi, il a été reconnu pour un hybride de L. albus 
et de B. betulina. M. Kolthoff vient de décrire un autre 
exemplaire sous le nom de Lagopus Bonasioides dans les 
comptes rendus de l’Académie des sciences de Stockholm, 
(Band 13. 1888). Cet oiseau se trouve au musée d'Upsala. 
I existe aussi des croisements entre le Lagopus mutus et 
le T. tetrix. Le comte Alphonse Auersperg, de Laibach, 
a donné d'intéressants détails sur ces croisements (2). 
M. Newton, en 1878, a exposé à la Société zoologique de 
Londres la peau d’un oiseau qu'il supposait être un hybride 
de L. mutus et de L. scoticus (3). Enfin, ce dernier oiseau 
contracterait des alliances avec le tetrix dit M° Meyer. 

Beaucoup de naturalistes ont cru, par l'examen des 
sujets qui leur étaient présentés, non seulement pour des 
Tétras, mais aussi pour beaucoup d’autres hybrides, pou- 
voir déterminer le sexe des deux espèces qui s'étaient 
mélangées. — Des expériences assez nombreuses nous ont 


(1) Op. cit; p. 91. 
(2) Voy. Meyer, Op. cit., p. 88. 
(3) Voy. Proceed., p. 793, 1878, 


prouvé que, dans une production hybride, le renverse- 
ment des sexes n’est point, le plus souvent, cause de varia- 
tion (1). Tantôt l'hybride est intermédiaire, tantôt il res- 
semble à un parent plus qu'à l’autre, quelquefois même 
c’est à peine s'il révèle sa double origine, ses caractères 
étant presque uniquement ceux d’une des deux espèces. Il 
ressort de là qu’on ne peut davantage déterminer quel est 
le degré de pureté des deux facteurs et avancer, comme 
on l’a fait quelquefois, que tel hybride provient d’un autre 
hybride croisé avec une espèce pure, parce qu'il paraît pos- 
séder plus de sang d’une espèce que de l’autre. — Nous 
croyons utile de faire ces remarques, parce que souvent, 
dans les faits qu'ils rapportent, les auteurs sont portés à 
indiquer le sexe des deux espèces mères. Cette détermina- 
tion nous parait absolument impossible. 


Rapaces. 


Il n’y a que peu de chose à dire sur les oiseaux de proie; 
on trouve, il est vrai, une mention de leurs croisements 
dans Willoughby. Celui-ci dit que les Accipitres et les 
autres rapaces d'espèces diverses s’accouplent, « soit que 
leur aspect les rende semblables à eux-mêmes, soit parce 
qu'ils sont très portés à l’amour. +» M. Michel Menzbier 
en a fait aussi une mention dans sa conférence à la Société 
zoologique de France (2). Mais aucun fait positif n’a 
encore été cité, et tous les croisements qu’il énumère ne 
reposent que sur des conjectures. C’est ainsi que deux 
formes de Faucons réunies, à tort selon l’éminent profes- 
seur de Moscou, sous le nom de Falco Eleonora, se croi- 
seraient entre elles ainsi qu'avec les oiseaux provenus de 


(1) Sauf dans des cas très rares, comme dans l’union du cheval et de l'âne. 
Le bardot, produit du cheval et de l’ânesse,est absolument différent du mulet, 
produit par la cavale et par l’âne, 

(2) Revue scientifique, p. 519. 


Eu 


leurs croisements (1); deux Buses, Buteo vulgaris et Buteo 
vulpinus,agiraient de même ; l’Aquila pennata etYA . minuta 
ne formeraient plus une seule espèce comme l’ont pensé les 
zoologistes, et leurs produits devraient être déclarés 
hybrides, ete. M. Mentzhier réunit en ce moment les œu- 
vres posthumes de N. A. Sewertzow ; plusieurs matériaux 
mis en ordre ont été déjà publiés dans les Mémoires de la 
Société des Naturalistes, années 1885 et 1888. On y trou- 
vera des observations concernant les hybrides supposés 
d'Aq. chrysaëtos, nobilis et daphonea. L'expérience 
seule pourra confirmer ces dires. Il est toutefois inté- 
ressant de constater que ces hybrides paraissent pro- 
venir assez souvent d'individus importés, deux exem- 
plaires recueillis par le professeur étaient échappés de 
captivité (2). 


MAMMIFÈRES. 


Semblables aux êtres du premier embranchement du 
règne animal, les Zoophytes, qui n'ont présenté aucun cas 
d'hybridation connu, les Mammifères ne paraissent à l'état 
sauvage contracter aucune alliance avec des espèces dif- 
férentes de la leur. Rudolphi, dans Beiträge zur Anthro- 
pologie(3), a bien dit que Steller avait vu sur l’île de Béring 
des lions marins (Phoca jubata) s'accoupler avec des 
femelles de l'ours marin (Phoca ursina) ; mais il ne donne 
pas cet accouplement comme fécond. En plus, Steller, le 
texte consulté (4), ne dit pas qu'il a été témoin de ces 
accouplements, mais bien que les ours marins n'osent 


(1) Nous avons trouvé dans un livre du Dr Casanova (Zbridismo, etc., 1878, 
Milan, p. 62), que le faucon uni à la colombe engendre le coucou ! 

(2) Ces divers documents viennent de nous être adressés gracieusement, 
mais trop tard pour que nous puissions en faire l'analyse, 

(3) P. 165. Berlin, 1812. 

(4) Ausführliche Beschreibung von sonderbaren Meerthiere, pp. 146-147. 
Hall, 1753. 


pas retenir leurs femelles lorsque celles-ci et leurs petits 
se jouent (mot à mot se rendent joyeuses) avec les lions 
marins. On le voit, le texte est large et n'autorise point à 
conclure à l’hybridité chez les Mammifères ; car c’est à peu 
près le seul fait que l’on ait cité, à moins de prétendre avec 
le colonel Hamilton Smith, d'Édimbourg (1), que, dans 
l'Inde, le Daim axis produit à l’époque du rut, avec une 
espèce de porc,une race intermédiaire connue sous le nom 
de daim-cochon; ou bien encore avec Pichat, d’après le 
D Casanova de Milan (2), que l’Impooko est le produit 
d’un chameau et d’une biche gigantesque ! 

Nous avons lu aussi, dans Sammlung von Natur und 
Medicin de Leipzig, qu'on a tué en Silésie dans la forêt 
royale un Cerf ressemblant par la tête et le cou à un che- 
val napolitain, On le prit pour le bâtard d’un Élan qui 
serait arrivé dans les forêts de la Prusse en s’égarant à 
travers les forêts polonaises. Ce recueil date de 1728. On 
lit aussi dans l'Histoire des Incas, rois du Pérou, éditée à 
Amsterdam en 1704 (3), qu'un Espagnol ayant tué dans la 
province des Antis une grande lionne (Puma), on trouva 
dans son ventre « deux faons de tigre » qui étaient tache- 
tés comme leur père. De telles assertions ne peuvent être 
considérées comme sérieuses. [l est vrai que l’on a parlé de 
lapins-lièvres, et nous avons eu l’occasion d’en citer nous- 
même plusieurs exemples dans une étude sur les lépori- 
des (4); mais ces exemples ne sont pas assez concluants. 
Depuis, nous avons lu dans les procès-verbaux des séances 
de la Société d'acclimatation (5), que dans le pare de M. 
le comte d’Aoust (Pas-de-Calais), on prit en furetant dans 
une bourse au sortir du terrier un jeune léporide mâle 
âgé de cinq mois environ. M. le D’ Blain, qui était présent 


(1) The naturalist library, vol. XII, p. 340. 1841. 

(2) Tbridismo, etc., série I, p. 62. 1878. 

(3) Trad. de l'espagnol de l’Ynca Garcilaso de la Vega par J Baudoin, 
t. IL, ch. xvunr, p. 327. 

(4) Revue des questions scientifiques, janvier 1887. 

(5) P. 54. 1873. 


RFTERS 


à cette communication, a pensé qu'il s'agissait, soit d’un de 

ces Lapins au pelage de Lièvre comme il n’est pas rare 
d'en rencontrer, soit d’un léporide né en captivité et qui 
aurait retrouvé sa liberté. Nous avons vu aussi à Rouen 
chez un naturaliste un animal auquel on attribue une 
semblable origine ; ses oreilles sont courtes, son poil est 
plus grisâtre que celui du Lièvre, sa tête surtout res- 
semble beaucoup à celle du Lapin, mais son corps et 
ses pattes sont entièrement ceux du Lièvre. Ce sont les 
seuls caractères qui le distinguent ; suffisent-ils pour le 
déclarer hybride ?... Disons encore qu'à Florence on con- 
serve dans le musée des Vertébrés une forme de Rongeur 
attribuée au croisement du Lepus timidus et du L. cuni- 
culus, provenant des environs de Palerme. En Sicile, nous 
dit le professeur H. Giglioli, directeur de la collection de 
Florence, les Lièvres sont assez rares et les Lapins sauva- 
ges très communs, ce qui explique à son avis l’origine 
hybride de ce petit quadrupède. Il a observé un cas iden- 
tique à Messine en 1883. M. de Selys-Longchamps a vu 
à Tournay un Lièvre paraissant un hybride du Lapin; ce 
lièvre avait été tué en rase campagne. La collection 
d'Iéna a aussi possédé un hybride de ZL. timidus et de 
L. cuniculus, nous écrit M. Hæckel ; mais cet animal a dis- 
paru. On ne nous dit pas s'il avait été pris à l’état sauvage. 
Enfin, d’après Tschudi (1), le Lièvre des Alpes et le Lièvre 
commun se croiseraient ; des observations exactes, dit-il, 
prouvent chaque année la réalité du fait. I cite plusieurs 
exemples observés à Ammon au-dessus du lac de Wallen- 
stadt, dans l’Emmenthal et dans les montagnes de 
l’'Appenzell ; nous pensons que Tschudi a voulu parler de 
deux variétés du Lepus variabilis et du Lepus timidus. 
M. Oscar von Lœvis a recueilli pendant l’espace de vingt 
années une douzaine de métis de ces deux espèces. 


(1) Der 200log. Garten, Francfort, 1887, p. 19. 


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Tels sont les exemples que nous avons pu recueillir 
chez les animaux vivant à l’état de liberté. 

Cette étude est le résultat d'assez longues recherches, 
nous avons consulté un grand nombre de mémoires, de 
brochures, d'articles de journaux et de revues. Pour être 
aussi complet que possible, nous avons fait appel à beau- 
coup de directeurs de musées, de collectionneurs, de 
professeurs d'histoire naturelle, etc. ; mais, très proba- 
blement, des faits intéressants et que la science a enregis- 
trés auront été passés sous silence. Nous nous montrerons 
très reconnaissant envers ceux qui, ayant remarqué une 
lacune dans notre travail, seront assez obligeants pour 
bien vouloir nous la signaler. 

Nous croyons cependant pouvoir dès à présent tirer 
cette conclusion : L’hybridité est rare dans la nature; si 
l'on considère le nombre immense des espèces qui existent 
aujourd’hui sur la terre, plus de 143 000, disent Les zoolo- 
gistes, les quelques faits que nous avons cités, viendraient- 
ils à être décuplés par des observations ultérieures, ne 
pourraient encore acquérir une grande importance. 

Beaucoup des croisements signalés ont lieu entre 
variétés et non entre espèces distinctes. Cette remarque 
s'applique spécialement aux animaux dont la couleur se 
modifie par croisement. De ce nombre sont les Euplo- 
cames de l'Himalaya, quelques Coracias de l'Inde, les 
groupes des gorges-bleues, les Corneilles mantelées de 
l'Europe septentrionale, des Laniens, plusieurs Bergeron- 
nettes, etc. 

Une grande partie des croisements entre espèces dis- 
tinctes, quoique observés dans la nature, peuvent néan- 
moins avoir été déterminés par l’action de l’homme; l’his- 
toire des hybrides des Gallinacés, de quelques Cyprinés et 
d’autres animaux, dans le détail de laquelle nous n'avons 
malheureusement pu entrer, nous l’a montré. 

Enfin les hybrides paraissent généralement stériles ou, 
s'ils se montrent féconds en se croisant avec les espèces 


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mères, ils retournent aussi forcément à l’un des deux types 
premiers. Comme l’a remarqué avec beaucoup de justesse 
le prof. Sewertzow dans ses Ltudes sur les variations des 
Aquilinés, si l'ensemble des croisements présente les 
combinaisons les plus variées, ces combinaisons aboutissent 
toutes cependant au même résultat définiüif : à absorption 
des descendants d’hybrides par les deux espèces pures et 
à l'effacement complet de leurs caractères diagnostiques 
d'hybridation. 

Par un hasard bien grand, les accouplements vien- 
draient-ils toujours à se produire entre hybrides demi-sang, 
il en serait encore probablement de même, à en juger par 
les expériences qui ont été entreprises sur lesanimaux 
captifs. L'espèce la plus ancienne exerce, lors de l’appa- 
rlage, une action prépondérante et l’hybride se dépouille 
bientôt de ses caractères mixtes, souvent dès la 2° ou 3° 
génération. 

L'hybridation ne modifie donc pas l'espèce, au moins 
d’une façon durable. 


ANDRÉ SUCHETET. 


Antiville, par Goderville (Seine-Inférieure).