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L'HYBRIDITÉ
DANS LA NATURE
RÈGNE ANIMAL
PAR
ANDRÉ SUCHETET
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BRUXELLES
IMPRIMERIE POLLEUNIS, CEUTERICK ET LEFÉBURE
35, RUE DES URSULINES, 39
1888
L'HYBRIDITÉ DANS LA NATURE.
L'HYBRIDITÉ
DANS LA NATURE
RÈGNE ANIMAL
PAR
ANDRÉ SUCHETET
BRUXELLES
IMPRIMERIE POLLEUNIS, CEUTERICK ET LEFÉBURE
35, RUE DES URSULINES, 39
1838
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L'HYBRIDITÉ
DANS LA NATURE
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Longtemps on crut que l’hybridation jouait un rôle
considérable dans la nature ; les auteurs de la renaissance
ne craignent pas de lui attribuer une puissance extraordi-
naire dans la production des espèces, et c’est d’accouple-
ments étranges et disproportionnés qu'ils font naître des
êtres réguliers et normaux, qui depuis les temps les plus
reculés se perpétuent cependant suivant les lois ordinaires
«de la génération.
Les savants de l'antiquité avaient les premiers conçu la
. possibilité de ces fécondations entre animaux d'organisa-
c-tion différente, même à l'état libre. Aristote (1 ] amène les
_ carnivores aux eaux des fontaines, pour les unir à des
espèces différentes et produire de nouvelles formes. Élien
parle de croisements entre tigres et chiens (2); un autre
auteur fait descendre le chacal du loup et de Fhyène (3);
: celle-ci, d’après Pline, s’accouple avec la lionne d’Éthiopie
(1) Hist. des animaux, 1. VIIT, chap. xxvur.
(2) D'après les récits des Indiens.
(3) Bochart, Commentaires sur la Genèse, 1, p. 832.
PATES
et produit la crocute (1); tandis que le loup et le chien,
d’après Ctésias, engendrent la crocotte (2). Les herbivores
sont compris dans la liste et, d’après le plus ancien histo-
rien de la Grèce (3), une cavale enfanta un lièvre !
C’est surtout pendant les xvr° et xvin° siècles quon a
fait revivre ces erreurs en les multipliant. Il n’y a plus
alors aucune limite à ces accouplements hybrides : la
marmotte descend du blaireau et du singe (4); ce dernier,
uni à la tortue, produit le tatou (5); les lions et les léo-
pards engendrent l’alphiel (6). On cite des croisements
entre renards et lièvres (7), entre lapins et chiens (8); on
croit à la fécondation dés ruminants par des carnivores;
c'est un pachyderme qui porte dans ses flancs un grand
nombre de ces derniers (9); ou bien encore c'est un ani-
mal que l’on dit être moitié veau et moitié loup (10).
La paix règne sans doute entre les mangeurs et les
victimes; car Locke assure avoir vu à Londres une
créature issue du chat et du rat (11). Réaumur lui-
même n'aurait manifesté aucun étonnement sil avait
obtenu de sa poule fiancée à un lapin des volatiles couverts
de poil, empruntant à deux classes bien opposées, les
mammifères et les oiseaux, leurs caractères distinctifs (12).
À ces exagérations succède, au commencement de ce
siècle, une période de scepticisme. On restreint considé-
(1) Pline, VII, xxx.
(2) Ib., VII, zxv.
(3) Hérodote, VIII, vi.
(4) Athanasius Kircherus cité par Hyrtl, p. 159.
(5) Même source.
(6) Historia nat. mex., ch. xx1v. Nüremberg, 1635.
(7) Kalm. Wästgotha etc., p, 236, cit. par Haller, Ælementa physiologiæ, 1,
p. 106. 1766.
(8) Gleichen, De la génération, p. 48 en note. 1799.
(9) Acta medica, 1673, vol. IL.
(10) Voy. Galeria di Minerva, I.
(11) An essay concerning human understanding, p. 330. London, édit. de
1838. — On sait que l'Essai de Locke sur l’entendement humain fut com-
mencé dès 1670.
(12) L'art de faire éclore des poulets.
Dr ESS
rablement la possibilité des fécondations hybrides, on veut
les borner aux espèces d’un même genre (1); on veut aussi
: (et c'est le point qui va nous occuper) que le mélange ne
s'opère qu'entre animaux dont un sexe au moins vit dans
l'état de domesticité (2); l'hybridation dans la nature serait
donc nulle. Aussi Cuvier dit-il que, sans artifices, l’exis-
tence des hybrides n'aurait jamais été connue. Il faut,
pour faire contracter des unions hybrides, même aux espè-
ces qui se ressemblent le plus, « toutes les ruses, toutes les
puissances de l'homme.» En 1835, Marcel de Serres écri-
vait encore, dans la Revue du Midi, que les mélanges n’ont
Jamais Lieu « dans les espèces livrées à elles-mêmes » (3).
L'école classique exagérait certainement la difficulté :
nous allons voir que l’hybridité, sans cependant apporter
des modifications à l'espèce, se produit quelquefois dans
l'état de nature (4).
ZOOPHYTES.
L’embranchement des Zoophytes, le premier dans le
règne animal si l’on commence par les êtres les moins
parfaits, ne nous offre aucun cas connu d'hybridation
naturelle. — Existe-t-il réellement des hybrides chez ces
êtres dont l’organisation est peu compliquée et dont les
sexes chez le plus grand nombre ne paraissent même pas
séparés ? Aucune observation positive n’est venue nous le
dire. Des essais de fécondation artificielle n’ont été faits,
à notre connaissance, que dans la classe des ÉCHINo-
DERMES (groupe des Echinides), en 1873 par M. Ma-
(1) Guvier, dans le Diet, des sciences de Levrault (art. Métis). 1874.
(2) Desmarest, dans le même dictionnaire (art. Mulet).
(3) Il faut au moins que l’une des deux espèces soit privée de sa liberté
(t. IV, p. 345).
(4) Nous déclarons toutefois ne prendre aucunement la responsabilité des
faits que nous allons citer ; si plusieurs paraissent bien avérés, d'autres restent
fort douteux.
SERRES
rion (1), en 1874 par M. Agassiz (2), en 1882 par
M. Koehler (3), en 1883 par M. Stassano (4) et en 1885
par MM. les docteurs O. et R. Hertwig (5).
MOLLUSQUES.
L’hybridation ne paraît commencer à se manifester que
dans l’'embranchement des Mollusques et d’une façon tout
exceptionnelle.
Dans la classe des GASTÉROPODES, des accouplements
ont été observés par M. Lecoq (6) entre les Helix nemo-
ralis et aspersa, et la Clausilia papillaris et le Pupa
cinerea (7). M. Gassiès a aussi parlé de l'union de lH
aspersa avec lH nemoralis et TH vermiculata, et RU la
nemoralis avec l’hortensis (8).
Thompson (Annal. and Mag. of nat. history, vol. x,
1832) déclare avoir vu plusieurs cas d’accouplement entre
Littorina rudis et L. littoralis. M. Sauvage a observé les
mêmes accouplements sur les côtes du Boulonais. (Journal
de Conchyliologie, vol. xx1, 1873); et M. Battersby aurait
fait des observations semblables en Irlande (Jeffreyes,
British. Cocnhy. T. 11, p. 350, cité par Sauvage).
M. Locard, (Études sur les Variations malacoloyiques,
Lyon, 1881), a cité le croisement des Succinea putris et
*
(1) Comptes rendus Acad. des sciences, t. LXXVI, pp. 963 et suiv.
(2) Archives de zoo. exp. t. IL. ch. xv, p. 46.
(3) Comptes rendus Acad. des sciences, t. XCIV, pp. 1203 et suiv.
(4) Contribuzione alla fisiologia degli spermatozoidi, ZO0LOGISCHER ANZEIGER.
Cité par MM. Hertwig.
(5) Experimentelle Untersuchungen über die Bedingungen der Bastardbe-
fruchtung. Yena, 1885.
(6) Étude sur la Géog. bot. de l'Europe, t. I, ch. x, p. 209. Paris, 1834.
(7) Ce dernier accouplement a toutefois été observé dans un enclos à
Anduze, (Gard), où la Clausilia papillaris avait été déposée quelque temps
auparavant par M. le D' Mergue qui l'avait rapporté de Cette (Voy. Journal
de Conchyliologie, t. 1I. Paris 1852).
(8) Beaucoup de naturalistes considèrent l'hortensis comme une variété de
la-nemoralis, plusieurs les ont même réunies en une seule espèce. Sur des
croisements de ce genre consultez encore Dupuy, Hist. nat. d. moll.; Menke,
Zeit. Mala. 1845 et Rossmassler, Zcono, t. I,
C0 pe
S. Pfeiffri, plusieurs fois observé sur la Saône, celui d’un
Arion empiricorum avec un. Limaxæ cinereus, celui d'un
Limmea limosa avec un Limmea peregra. Dans ces trois
cas l'acte de la copulation, dit ce savant, a été accompli,
mais y a-t-il eu fécondation, c'est ce qu'il ne peut avancer,
n'ayant point conservé suffisamment longtemps les mol-
lusques.
M. Haldeman, dans une note envoyée à M. Morton (1),
dit qu'il existe une variété presque intermédiaire entre
l'Unio radiatus et VU. siliquoideus, ce qui lui fait croire
que cette variété a une double origine. Cependant il
déclare n'avoir jamais vu d’hybrides entre les autres
espèces qui séjournent dans les eaux situées à l'est des
Etats-Unis, quoique ayant toutes les facilités pour faire
cette observation.
Il dit encore dans cette note que l’on trouve des indivi-
dus intermédiaires qu’il est difficile, sinon impossible, de
ranger soit dans les Paludina derisa, soit dans les
P. ponderosa. Est-ce, se demande-t-il, à une union
hybride qu’il faut attribuer la difficulté que l’on éprouve à
distinguer ces deux espèces qui peut-être s'unissent dans
une même localité ? — Ces conjectures ont été repous-
sées par Is. Geoffroy Saint-Hilaire, comme ne reposant
sur aucun témoignage digne de foi (2). — On peut en
dire autant de l'opinion (3) qui attribue à l’hybridation
les différents changements qui paraissent s’opérer dans
les formes des escargots de la Nouvelle-Calédonie ; la
chose est possible, mais l'expérience n’est pas encore venue
la confirmer.
Un éminent conchyliologiste de Porto, M. Auguste
Nobre, nous informe qu'il a observé également chez les
Mollusques marins différents types qui présentent des
(1) American Journal of science (Silliman), 1847.
(2) Voy. Hist. générale des règnes organiques, t. TI, p. 186.
(3) Citée par M. Semper, Saminlung gemeinverst'indlicher Vorträge, x1v
série, cahier 322 (Modern Thiergeographie),
caractères pouvant se rattacher à deux espèces distinctes;
mais, ces espèces elles-mêmes étant sujettes à de grandes
variations, il n’oserait dire si ces individus sont des
hybrides ou des variétés. Il a vu, par exemple, des Fatella
vulgata et des P. Tarentina qui présentaient des caractères
se rapportant à l’une ou à l’autre de ces espèces. Il a encore
observé des individus de T. uwmbilicatus avec certains
caractères propres au T7. crassus. Mais M. Nobre, nous
le répétons, serait bien embarrassé de dire si ces individus .
doivent être rangés au nombre des productions hybrides.
M. Friel nous écrit cependant avoir constaté que vers le
Nord de la Norwège, dans des endroits où deux espèces
se rencontrent pour se remplacer, des formes mixtes
paraissent se produire. Voy. encore sur le même sujet
Middindortff, Beit. zu. Mal Ross. IT, et Hartmann, Obs. in
genus Part. 1881. Nous croyons pouvoir dire que sauf pour
le genre Limacea lhybridation doit être rare chez les mol-
lusques, les moindres variations suffisant souvent pour
empêcher l'union sexuelle.
Nous ne parlons pas, parmi les huîtres, des individus
qui s’éloignent plus ou moins de deux types bien caracté-
risés (l’huître ordinaire, Ostrea edulis, et l'huître portu-
gaise, Ostrea angulata), que le D’ Henri Leroux croit pou-
voir rattacher aux productions hybrides (1); d’abord parce
que ces derniers ne se sont rencontrés que dans des gise-
ments huîtriers cultivés, puis parce que des observations
tendent à montrer le peu de probabilité de ces produits (2).
— M. Bouchon-Brandely a bien voulu nous faire connaître
son opinion, et 1l est d'avis qu'aucun croisement n’est pos-
sible entre ces deux mollusques, l'huître portugaise étant
unisexuée et l’huître ordinaire hermaphrodite. Les œufs
de cette dernière sont en effet fécondés dans les canaux
(1) Bull. de la Société d'acclimatation. Procès-verbaux 1880, p. 742. Voy.
aussi son mémoire : Hybridation de l'huître. Nantes, 1878.
(2) Voy. la communication de M. Berthoude, Bulletin Société acclim.
Procès-verbaux, 1880, p. 748; et la lettre du docteur P. Fischer à M. de Mon-
taugé, à Arcachon.
afférents, et se développent dans la cavité de la coquille ;
ceux de la Portugaise sont fécondés au sein des eaux où
ils se développent; du reste, les spermatozoïdes de l’Ostrea
edulis restent indifférents en présence des œufs de la Por-
tugaise et vice versa. On pourra consulter à ce sujet le
Mémoire sur l’hybridation et la fécondation artificielle des
huîtres, de MM. de Montaugé frères, où les mêmes vues
sont exposées (Bordeaux, 1880).
ARTICULÉS.
L’embranchement des articulés nous fournit au contraire
un certain nombre d'exemples d’accouplements hybrides,
mais la plupart de ces croisements n’ont pu être déclarés
féconds. Nous les trouvons en grande partie dans la classe
des INSECTES. Peut-être quelques-uns se rencontrent-ils
aussi dans la classe des ARACHNIDES. Treviranus cite
Phalangium cornutum et Ph. opilio comme capables de se
croiser; mais le passage relatif à cet accouplement (p. 22
des Vermischte Schriften) ne précise point s’il a été observé
à l’état libre.
On sait que chez les insectes on rencontre assez fré-
quemment des individus hermaphrodites, montrant d'un
côté les caractères du mâle et de l’autre ceux de la
femelle (1). Quelques-uns d’entre eux offrent cette double
particularité que chacun des sexes appartient à une espèce
différente. Doit-on rapporter ces derniers à une produc-
tion hybride? Des entomologistes éminents ont au con-
traire inféré de cette réunion qu’une erreur avait été com-
mise dans la classification, et que les deux types supposés
distincts n'étaient que les deux sexes d’une même espèce.
Ceci a même été démontré d’une manière victorieuse en
(1) Hagen (Éntomologische Zeitung. Stettin, 1861, pp. 259 et suiv.) en a
dressé une liste comprenant 118 cas: cette liste s’est trouvée notablement
augmentée deux ans plus tard dans la même revue. Tout dernièrement le
D: Arnold Pagenstecher, de Wiesbaden, a décrit trois nouveaux insectes
hermaphrodites (Ueber Zwitterbildungen bei Lepidopteren. 1882).
diverses occasions, notamment par M. Duponchel (1) et
par M. Lefebvre (2). M. Wesmael partage cette manière
de voir pour plusieurs autres cas, ainsi que Mac Leay (3).
Ces individus sont du reste‘extrêmement rares; dans toute
la littérature française, anglaise, belge, et dans une partie
de la littérature allemande, où il est parlé d'hermaphro-
dites, nous n'avons rencontré qu'un très petit nombre de
faits de ce genre.
On peut également faire la même remarque au sujet de
ces accouplements observés entre individus de types si
tranchés qu’on les a déclarés hybrides. Il existe dans plu-
sieurs ordres des insectes une différence telle entre le
mâle et la femelle qu'on a pensé à tort qu’ils appartenaient
à des espèces distinctes.
Quoi qu'il en soit, disons que, chez les Coléoptères,
parmi les Scarabéiens, on peut citer Melolontha agricola
vu par le D' Wolf (4) lorsqu'il était accouplé avec la
femelle de Cetonia hirta; les scarabées vacca, ovatus,
nuchicornis, qui se mêlent ensemble sans cependant cons-
tituer de nouvelles espèces (5); le Melolontha hippocastan:
et le M. vulgaris, exemple communiqué au congrès de
(1) Il s'agissait d'un Lépidoptère hermaphrodite de la tribu des Phalénites
présentant d’un côté les caractères d'angerona et de l’autre ceux de primaria,
décrits comme espèces distinctes dans l’Æneyclopédie (art. Phalène), l’une sous
le nom de corylaria et l'autre sous celui de primaria. Mais Duponchel fit
remarquer que les chenilles provenant d'une même ponte produisaient indis-
tinctement des primaria et des corylaria, ainsi du reste que l'expérience
l'avait démontré depuis longtemps. (Ann. de la Soc. ent. 1835, t. IV, p. 143).
(2) 11 s'agissait d'un autre Lépidoptère, Papilio polycaon mâle à droite et
P. androgeus femelle à gauche. Or, dit Lefebvre, sur plus de 20 Pap. poly-
caon que Godart observa, tous étaient mâles, et presque autant de P, andro-
geus furent reconnus pour être des femelles. (Ann. de la Soc. ent. t. IV)
Néanmoins Boisduval a cité un Lépidoptère nocturne dù genre Lithosia, qui
tenait de deux espèces voisines, mais cependant fort distinctes, aurita et
ramosa.
(3) Voy. Bull. Acad. roy. Bruxelles, t. VI, 2% part. p. 448, et Trans. of the
Lin. Soc. Lond., t. XIV, 1895, p. 584.
(4) Magaz. für den neuesten Zustand der Naturkunde. IX B. Weimar, 1805.
(5) Nouv. dict. d'hist. natur.,t. XX, p. 489. Paris, 1818.
FEU Cu
Breslau en 1833 par M. Boksch (1); un #melolontha avec
un Amphimallus (2), un autre avec une Cetonia aurata (3),
cette dernière trouvée avec Anomala frischii par M. Moc-
queries, enfin une Anisophia is avec une oæythirea,
rencontrées par le même.
Chez les Chrysoméliens, Linné a vu He Ch. ænea accou-
plée avec Ch. alni. Müller fit souvent cette remarque (4);
toutefois il n’aperçut point (comme l’a écrit à tort (5) l'illus-
tre naturaliste) la Ch. ænea avec Ch. graminis. Hope a
trouvé unis une Donacia et un Crioceris (6). Mac Leay
découvrit une espèce de Chrysomela en croisement avec
une Galeruca (7). Gistel a aussi raconté un exemple sem-
blable entre la Ch. menthæ et Ch. polita (8), toutefois 1l est
porté à croire que ces deux individus appartiennent à une
même espèce, opinion combattue par Westwood (9).
On peut citer encore dans la même famille le croise-
ment de la ©. polita et Ch. graminis, observation de
Müller (10), ainsi que le croisement de Timarcha Coriaria
et T. lævigata, surpris par de Baran dans la forêt de Fon-
tainebleau (11). M. de Verrin veut bien nous écrire qu'il
prit à Hyères les Ch. menth. et lucida in copulé, tandis
qu'une autre fois à Vichy il capturait Ch. homoptera avec
lurida.
(1) Transact. of the entomological Society. Article de Westwood. London,
1841-1843. Il s’agit probablement ici du fait rapporté par M. Kelch (Isis. 1834
p. 737). Il fut reconu que ces espèces de hannetons étaient toutes deux du
sexe mâle. Ce cas n’est pas isolé, M. des Gozis nous a fait savoir qu'il avait
observé lui-même un accouplement très complet de deux mâles du melolou-
tha vulgaris. M. Ancey avait fait la même remarque. Quelquefois une même
femelle reçoit deux et trois mâles.
(2) Voy. Catal. de M. des Gogis.
(3) Pris par M. Lucas. Communication qui nous est faite par M. Gossens.
(4) Hydrachnæ, p. 19.
(5) Systema Naturæ, art. Chrysomela, p. 587. 1767.
(6) Westwood, Trans. of the entomological Society. London, 1841-1843.
(7) Observation communiquée à Westwood par le D' Haworth, Transact.
of the entomolog. Society. 1841-1843.
(8) Isis, p. 626, B. XX. 1829.
(9) Dans l’article cité.
(10) Voir Transact. of entomological Society. 1841-1843.
(11) Annales de la Société Entomologique. 3° série, t. I. 1853.
— 14 —
Chez les Coccinelles, on rencontre souvent unies la
C. bipunctata et la C. dispar; cet accouplement, d’après
les expériences de M.Audouin, paraît demeurer stérile (1).
Fabricius déclare avoir vu la C. quadripustulata unie à
C. bipunctata (2). M. Haworth a eu des larves prove-
nant de l'union de ©. tripunctata et C. quadripustulata (3),
et on dit que des hybrides offrant la confusion des carac-
tères de deux espèces naissent du mélange de diverses
petites bêtes à bon-dieu (4). Dans la famille des Curculo-
niens, Boheman (5) a rencontré en croisement un mâle de
Strophosomus coryli avec une femelle de Sciaphilus musi-
catus. Chez les Piméliens on a observé un croisement entre
Blaps fatidica et Akis reflexa, chez les Télephoriens une
Raghonycha melanura avec un Telephorus rusticus, chez les
Elatériens un Athous vittatus avec Agriotes pilosus (6) ainsi
qu'un Diacauthus latus avec eneus. Chez les Cleriens un
Trichoiles apiarius uni à un T'. octopunctatus. Enfin chez les
Cérambyciens un Pachyta virginea avec un Ragium inda-
gator. (7).
Mais les accouplements les plus remarquables dans
l'ordre des Coléoptères sont assurément ceux qui se sont
produits entre individus appartenant à des familles diffé-
rentes. On en connaît plusieurs. Le plus ancien, devenu
classique, est celui qui a été observé par Rossi au siècle
dernier (8), entre un Ælater et une Cantharis. Celle-
ci, prise au moment où elle était unie à l’Elater, se trou-
(1) Ann. de la Société entomologique de France, t. I, p. 232. 1832, — M. Au-
douin a en effet mis en rapport ces deux -espèces; les femelles fécondées
n'ont pas tardé à pondre, mais toujours les œufs ont été stériles.
(2) C. quadripustulatam sæpius cum bipunctata copula connexam vidi.
Fabricius, Entom. systematica, p. 288. Hafniæ, 1792.
(3) Nous ignorons toutefois si ces accouplements ont eu lieu à l'état de
nature. Ils sont cités par Morton, American Journal of science, 1837.
(4) Revue des deux mondes, t. V, p. 596. 1874.
(6) Git, par Erichon. Archiv. für Naturgeschichte. 1856
(6) Les deux crois., observés par M. Mocqueries.
(7) Observés le 1° croisement par M. Marschall, le 2° par M. Valery-Mayet,
le 3° par M. Noël-Cassien.
(8) Memorie di matematica e fisica della Società Italiana, t. VII, part. 1,
pp- 119 et suiv. Modena, 1799.
AE CR
vait sur des feuilles de pêcher, dans les premiers jours de
juin, elle était donc, dit Rossi, en avance d’un mois sur
les autres de son espèce, que, de fait, on ne voyait pas
encore. Le manque de femelles de son espèce l’aura for-
cée à rechercher l’Ælater, union difficile à contracter à
cause de la dissemblance des parties génitales. Marsham
observe de son côté un croisement entre une Coccinelle et
une Chrysomèle (1); M. Hope en mentionne un autre entre
un Buprestis et un Elater (2) et, d’après Müller, West-
wood (3) aurait observé un accouplement entre Donacia
simplex et Apoderus coryli. On en a encore cité entre Élater
et Telephorus (4), et entre des Dorcadions et des Hetero-
meres (5). Aucun de ces accouplements, sauf chez les
Coccinelles, ne parait avoir été déclaré fécond. Cependant
M. Carpentier, d'Amiens, nous a fait savoir qu'un de
ses amis qui à étudié spécialement les Gyrins a remarqué
des formes de passage entre espèces de ce genre, vivant
ensemble, et il est convaincu de leur croisement; toutefois
son opinion est toute hypothétique. M. Bedel nous informe
aussi qu'il à signalé dans sa Fau. d. Coléop. un Amara
présumé hybride. Le Dict. de Vorepierre, que nous n'avons
pû consulter, mentionnerait quelques autres hybrides.
L'ordre des Lépidoptères nous fournit aussi plusieurs
exemples d’accouplements entre espèces distinctes, mais
peu dissemblables, au moins appartenant à un même
genre ou à une même famille ; encore y a-t-il des genres
considérables, où rien de semblable n'a été signalé.
Nous nommerons d'abord les Zygènes. M. Treitschke a
souvent eu la preuve que la Z. filipendulæ s’accouple avec
Z. ephialtes jaune; il en prit cinq paires en 1817, et
suppose que la Z. ephialles rouge doit sa naissance à cet
(1) Observations communiquées à Westwood par le D' Haworth. (Trans
of the entomolog. Society. 1841-1843.)
(2) Proceedings, p.83. Vol. I, cité. par Westwood.
(3) Transact. 1841-1843.
(4) Voy. Catalogue de M. des Gozis.
(5) Comm. faite par M. de la Brüûlerie à M. de Verrin.
TD
accouplement. M. Lefebvre, lors de son passage à Vienne,
en vit dans sa collection deux couples se tenant encore
ensemble (1), mais on regarde aujourd’hui ces deux types
comme des variétés d’une même espèce. Stein dit que lon
rencontre souvent Z. minos accouplée avec Z. peucedani (2).
Boisduval trouva plusieurs fois la filipendulæ unie à la
peucedani et la trifolii avec l'hippocrepidis. Il fit pondre
des femelles pour savoir si leurs œufs avaient été fécon-
dés ; il ne fut jamais assez heureux pour les voir éclore (3).
M. Gossens obtint un meilleur résultat avec Mippocrepidis
qu'il trouva à Paris en croisement avec peucedani; les œufs
éclorent, mais les produits moururent bientôt sans cause
apparente. Hippocrepidis et fausta, rencontrés ensemble
à Lardy, donnèrent aussi de petites chenilles qui paraissent
ne pas avoir vécu. Au même endroit M. Gossens captura
une hippocrepidis avec un anneau abdominal comme en
possède fausta.
On peut encore mentionner des accouplements de Z. fili-
pendulæ avec Z. loniceræ et minos, d'après Ochsenheimer(4).
MM. Ch. et R. Oberthür, de Rennes, possèdent une
Zygæna minos ou achilleæ qui tient autant de minos que
d'achilleæ, et une Zygæna scabiosæ-loniceræ paraissant
bien résulter d’un accouplement hybride. Ils ont encore
une Zygæna filipendulæ et une Zygæna achilleæ prises en
accouplement. Enfin ces messieurs ont signalé dans leurs
travaux entomologiques la rencontre faite par eux-mêmes
d’une Zygæna accouplée avec une Procris. C'est le seul
cas, nous disent-ils, où ils ont constaté l’alliance entre
deux espèces éloignées. Le D’ Staudinger nous fait savoir
que, pendant un récent voyage en Algérie, un de ses amis
a trouvé en accouplement, près de Lambèse, une Zygæna
avec un Îno.
Chez les Eryciniens, M. Klopsch a décrit une variété
(1) Annal. de la Société entomologique de France, t.I. Paris, 1832.
(2) Isis, von Oken, p. 343. Leipzig, 1835.
(3) Essais sur une monographie des Zygènes, p. 5. Paris, 1829.
(4) Die Schmetterlinge von Europa, Band II, p. vin. Leipzig, 1808.
— 17 —
remarquable, probablement, dit Hagen (1), un hybride de
Lycæna adonis et L. alexis.
Dans la famille des Papilloniens nous citerons un
papillon considéré comme hybride par M. Stein, qui
l'a capturé, il serait le produit de laccouplement de
Maniola pamphilis avec M. iphis. Tous les collection-
neurs qui l'ont vu sont, paraît-il, d'accord sur ce point.
Les. papillons du chou, Pieris brassicæ, de la rave,
P. rapæ, et de la moutarde, P. sinapis, se mêlent ensem-
ble (2). Des croisements fréquents ont lieu entre les
grands papillons bleus et rouges de l’Amazone, dont les
produits présentent, plus ou moins accentuées, les nuances
des deux espèces, et forment le passage de lune à
l'autre (3).
M. Semper a voulu voir dans le Pammon à queue une
forme hybride. Il fait remarquer que, dans les îles des
Indes-Occidentales, existent de nombreuses espèces de
papillons, parmi lesquelles lespèce appelée Pammon,
remarquable en ce que le mâle prend deux formes bien
distinctes. La différence consiste en ce que l’une porteaux
ailes une queue pareille aux hirondelles, tandis que l’autre
n'en à point. Is sont encore différents par la couleur. Les
analogies, d’après l’auteur allemand, proviennent de lhybri-
dation d'espèces différentes ; mais il à soin d'ajouter que
c’est une hypothèse (Sammlung gemeinverständlicher…etc.,
série XIV. Ueber die Aufqabe der modernen Thiergeogra-
phie. Berlin 1879). Nous ferons remarquer à ce propos que
Wallace passe sous silence la diversité des mâles, et
parle au contraire de celle de femelles,’ dont l’une ressem-
ble beaucoup au mâle et l’autre en diffère complètement.
(La sélection naturelle, trad. de V. de Candolle, p. 149.
Paris 1872.)
Doit-on, chez les Nymphaliens, dans le genre Satyrus,
(1) Eut. Zeitung. p. 232. 1858.
(2) Nouv. dict. d'hist. naturelle, t. XX, p. 489. Paris, 1818.
(3) Bull. Soc. d'acclim., 1882, p. 118; communication de M. Pichot.
2
LEA DY
parler de $. jurtina, accouplé avec $. janira, croisement
cité dans un grand nombre d'auteurs (1)? Müller se
demande si les deux insectes ne sont point les deux sexes
d’une même espèce (2). Dans la forêt d’'Armainvilliers, on
trouve en Juin $. hero et S. arcanius; pariois des sujets
tiennent des deux espéces et paraissent provenir de leur
mélange, M. Goossens en possède plusieurs sujets.
M. Chichel, de Mulhouse, a rencontré dans une excursion
faite dans les Vosges un mâle de Satyrus janyra accouplé
avec la femelle de la Vanesse urticæ. Il a conservé ces deux
insectes et ne les a piqués qu'après leur mort, espérant
obtenir des œufs hybrides, mais son attente a été trompée(3).
On a aussi capturé un Satyrus janyra accouplé avec
Argynnis paphia (4).
On a encore des exemples d’hybridité entre la vanesse
urticæ et la vanesse atalanta (5). M. Scale a observé un
accouplement entre une vanesse wrticæ et un petit papillon
d'espèce différente. On prétend que les Deilephila epilobir
et D). vespertilioides sont les produits du D. euphorbiæ avec
le Deilephila vespertilio et le Deilephila hippophaes (6).
M. Heyne, de Leipzig, a possédé deux hybrides de D.
elpenor et de D. porcellus dont un avait été trouvé à l'état
libre. D’autres hybrides chez les Sphingiens ont été
produits, mais en captivité (7).
Il en est de même des hybrides des Lépidoptères noc-
turnes (famille des Bombyciens) sur lesquels de nom-
breuses expériences ont été tentées. On a cependant ren-
(1) Treviranus, Burdach, Bronn, Brande, d'après Müller probablement
(2) Hydrachnæ.
(3) Annal. de la Societ. Entom. de France. t. IL. Se II° Bulletin p. VI.
(&) Ibid. p. VII.
(5) Voy. Hist. gén. des règnes organiques, t. IT, p. 185.
(6) Voy. Revue des deux mondes, t. V, p. 596. 1874. Cette assertion a cepen-
dant été mise en doute dans Société Entomologique t. IV. p. 29. 1856.
(7) Une lettre du professeur Spengel, de Giessen, fait savoir que M. Ekstein,
assistant au Zoolog. Institut der Forstakademie, Eberswalde, a récemment
décrit un Smerinthus hermaphrodite et hybride (?) d’ocellata et populi, dont
il a donné le dessin dans Bericht der oberhessischen Gesellschaft für Natur.
Ces hybrides sont fort communs, du reste, et on en rencontre dans un grand
nombre de collections.
mr OT
contré à l'état libre Saturnia spin accouplée avec
carpini (1). Ochsenheimer (2) possédait un hybride de
ces deux espèces, connu sous le nom de Pavonia
hybrida. On trouve à Vienne dans quelques collections
plusieurs de ces produits.
Spilosoma erumisca a encore été trouvé avec lubrice-
pada, et Pædisea seminaculans avec Pæd. batana; ces trois
accouplements observés : le premier par M. Stein ; le
second par M. Yates (3) ; le troisième par M. Lefebvre (4).
Celui-ci a supposé qu'il pourrait en être de même de deux
espèces de la même tribu (Tinestes), les Teras emargana
et les Ter. effractana, qu'ilsurprit dans la position de l’accou-
plement sans cependant qu’elles fussent réellement accou-
plées ; du reste, la première espèce n’est peut-être qu’une
variété de la deuxième. Le plus curieux croisement peut-
être, observé par un ami du D’ Standinger, de Dresde, est
celui d'un G'éomètre avec une Lyceana (Lepidoptère diurne).
Quatre ordres dans la classe des insectes nous fournis-
sent encore des faits d’hybridation ou d’accouplement entre
espèces distinctes, à savoir : l’ordre des Diptères, l’ordre
des Hyménoptères, l’ordre des Hémiptères et celui des
Névroptères. Chez le premier, dans la famille des Syr-
phiens, nous constatons des individus intermédiaires entre
la Volucelle à zones et la V. vide, entre la Volucelle trans-
parente et la Volucelle enflée, entre la V. bourdon et la
V. plumeuse.
En 1735, on mit sous les yeux de l'Académie des scien-
ces un accouplement entre ces deux dernières; dans cette
action les deux sexes de ces espèces jouaient un rôle
inverse (5). Chez les Musciens on à constaté que la mou-
(1) Isis. 1835.
(2) Die Schmetterlinge von Europa, B. II. Leipzig, 1808.
(3) Gité par Westwood, Transactions. 1841-1843.
(4) Ann, de la Société entomologique de France, t. I, pp. 231 et 232.
(©) Voy. pour ces divers renseignements Encyclopédie méthodique, t. X,
p. 784. 1825; et, plus particulièrement pour ce croisement, Westwood,
Transact. of the entomological Society.
M DO
che à viande et plusieurs autres mouches se mêlent avec
la mouche domestique (1).
Dans Le second ordre que nous venons de nommer, nous
citerons : l’'accouplement de diverses mouches àscie, chez
les Tenthrédiniens ; de différents ichneumons chez les
Ichneumoniens; d'une osmie avec une chelestonie chez les
Apiens (2).M. Costa, de Naples, possède une Ælis sexmacu-
lata hybride (3). M. Rouget mentionnerait dansune bro-
chure imprimée à Dijon en 1873 divers accouplements entre
guépes différentes, notamment chez lesvariétés des Polistes.
Dans le troisième, des unions de Cicadées diverses, d’où
procède occasionnellement un assortiment de variétés hybri-
des (4). Enfin, dans le quatrième, des croisements chez cer-
tains Névroptères tels que les Agrions (5). Fueldner, à Neu-
Strelitz, prit en croisement Labell. pectoralis et Libell. cau-
das. Brauer vit aussi dans la même position L. depressins-
cula et L. striolata, fem. (6) ; et Hagen : Lestes sponsa, mas.
et Agrion najas, fem. Dans sa Monographie des Libelluli-
dées, M. de Selys-Longchamps a cité l’accoup. de calepterix
virgo avec C. ludoviciana et de A.puella avec A.pulchella(s).
Tels sont les hybrides ou les accouplements que nous
avons recueillis dans les trois premiers embranchements
du règne animal (7). Le quatrième et dernier embranche-
ment, celui des Vertébrés, nous présente des faits sem-
blables, mais seulement dans trois classes : la classe
des PoIssons, celle des REPTILES et celle des o1sEAUX, les
hybrides chez les MAMMIFÈRES restant fort douteux.
(1) Nouv. dict. d'hist. naturelle, t. XX, p. 489. Paris, 1818.
(2) D'après M. Schuckard, cité par Westwood, Transactions. 1841-1843.
(3) American Journal, vol. IV, 1° série, art. de Morton. 1847.
(4) Décrit dans “ Notizie ed osservazionti sulla geo. fauna sarda. ,
(5) Bull. de la Société d'accl., séance générale du 13 janvier, communication
de M. le Mi de Sinety.
(6) Cit. p. Hagen, Entomol. Zeitung. 1858 p. 444.
(7) Nous apprenons que Hagen a publié en 1857, dans the Entomologists
Weekly Intelligencer, un mémoire sur l'hybridité des Insectes. Ce travail nous
a échappé ; nous y renvoyons donc le lecteur pour combler les lacunes que
nous avons pu laisser.
(8) A l'état libre pensons-nous. — Voy. encore une étude sur les Libellules
de l'Indre par M. Martin.
POISSONS.
Lacépède à avancé, sans citer aucun fait, que les hybri-
des chez les Poissons peuvent devenir les souches d'espè-
ces métisses et constantes (1); Haller au contraire à fait
remarquer, avec plus de raison peut-être, que les mâles
ne suivent Jamais que les femelles de leur propre espèce(2).
Les hybrides que l’on cite sont en effet peu nombreux ; ce
n'est que dans la famille des Cyprinées qu’ils se rencon-
trent fréquemment au dire d’éminents naturalistes.
Bloch, dans son Œconomische Naturgeschichte der F'i-
sche (3), fait mention de ces croisements. Du carassin, de
la gibèle et de la carpe, dit-il, naissent deux sortes d'hy-
brides, dont la grosseur dépasse celle de ces deux pre-
mières espèces ; mais elle n’atteint jamais celle de lacarpe,
car ces produits ne pèsent pas plus de trois livres. On les
reconnaît aux écailles de la tête, qui sont plus-petites que
dans l'espèce mère, et à des raies longitudinales qui
s'étendent sur le corps. Il n’a jamais eu l’occasion d’exa-
miner un hybride de cette sorte ; 1l parle d’après ce qu'il
a-entendu dire par un pisciculteur expérimenté, et ne pré-
sente pas ces faits avec certitude. Cependant il cite: Gess-
ner, Aldrovande, Schwenchfeld, Schoneveld, Marsigli,
Willoughby et Klein, comme ayant mentionné ces hybri-
des, dont les gardes des étangs et les pêcheurs contempo-
rains constatent également l'existence, sous différentes
déterminations.
Bloch a encore parlé d’un autre poisson supposé
hybride (4), connu sous le nom de Blei-Guster, ressem-
blant en partie à la Brême bordelière ou Guster (Cyprinus
blicca) et à la Brême ordinaire ou Blei (C. brama).
(1) Hist. natur. des poissons.
(2) Elementa physiologiæ.
(3) Erster Theil, pp. 124-195. Berlin, 1783.
(4) Op. cit., p. 108.
Treviranus (1) dit aussi que parmi les Cyprinus brama, il
. existe un hybride qui se fait remarquer par une belle cou-
leur et qui est toujours accompagné d’une suite nom-
breuse ; ce qui lui a fait donner par les pêcheurs le nom
de conducteur des brêmes. C'est probablement, ajoute-t-il,
un hybride de la Brême et du Cyprinus erythrophthalmus.
Bürner (2) parle de la Carpe carassin, et ajoute que
les pêcheurs sont unanimement d'accord à dire que ce pois-
son naît dans les étangs destinés aux carpes, lorqu'on y
laisse pénétrer des carassins.
Taube (3) est de cet avis : dans les étangs où il existe
des carassins et des bièvres, dit-il, dans son Histoire de
Lunebourg, il se forme des produits qu'on appelle intermé-
diaires parce qu'ils tiennent des deux.
Defay avait mentionné en 1787, dans les Schriften der
Gesellschaft der naturforschender Freunde (4), un produit
supposé du barbeau et de la carpe, pêché dans la Loire.
On trouve encore dans Haller (5) une vague mention de
croisements entre carpe et tanche.
Tels sont à peu près les divers croisements indiqués au
siècle dernier. Beaucoup de nos modernes les ont confir-
més, et y ont ajouté d’autres faits. Il faut cependant recon-
naître que la plupart de ces hybrides restent douteux, à
en juger par les réserves de ceux qui les ont cités et, plus
particulièrement encore, par la divergence des opinions
auxquelles ïls ont donné lieu, de savants ichtyologistes les
ayant classés au rang d'espèces. — Valenciennes a même
pensé que Bloch n'avait pas su distinguer les espèces voi-
sines des Cyprins.
Th. E. von Siebold Die Süsswasserfische von Mittel-
europa) (6); le D' Günther (Catalogue of the acanthoptery-
(1) Biologie, p.416; d'après Bloch, pensons-nous.
(2) Zoologiæ Silesiacæ Prodromus, p. 205, cité par Siebold.
(3) Beiträge fur Naturkunde des Herzogthums, Lunebourg.
(4) Berlin 1787, t. VII.
(5) Elementa physiologiæ. Lausanne. MDCCLVII. .
(6) Leipzig, 1863.
sa) RTE ES
gian Fishes) (1), et le D° Fatio (Faune des Vertébrés de
la Suisse) (2), doivent être comptés parmi les auteurs récents
qui ont étudié d’une façon toute particulière les hybrides
ichtyologiques (3). Voici, d’après ces naturalistes et d’au-
tres, la nomenclature des poissons supposés hybrides
parmi les Cyprins :
1° La Carpe de Kollar /Cyprinus Kollarii Heck), pro-
duit de la Carpe {C.brama) et du Carassin (C. carassius).
Cet hybride est aussi connu sous le nom de Carreau.
2° La Brême de Buggenhagen (Cyprinus Buggenhagii),
produit de la Brême commune /C. brama) et du Gardon
commun /Leuciscus rutilus). 3° La Brême rosse, produit
par Leuciscus rutilus et Cyprinus blicca; 4° L'hybride du
Rotengle (Scardinius erythrophthalmus) et du Gardon.
5° Celui de l’Ablette /Alburnus lucidus) et du Rotengle.
6° Le produit de la Bordelière /Cyprinus blicca) et du
Rotengle. 7° Celui de la Nase ((Chondrostoma nasus) et du
Blageon (Telestes). 8 L'hybride d'Alburnus lucidus et
Leuciscus dobula. 9° Enfin, trois autres hybrides du Chon-
drostome avec quelques espèces du genre Chevaine (Leu-
ciscus dobula). |
Parlant du premier, Siebold croit pouvoir dire qu'il pro-
vient de la Carpe et du Carassin, les pécheurs dés diffé-
rentes contrées de l’Europe lui ayant depuis longtemps
attribué cette origine. Les exemplaires qu'il a reçus du
Brunswick étaient nommés également par les pêcheurs
Hülverlinge, c'est-à-dire mélange. L'autorité de Dybowski
qui se range à cette opinion est pour lui d’une grande
valeur.
Pour peu que l’on prenne en considération, dit le
(1) London, 1868, vol. VII.
(2) Genève-Bâle, 1882.
(3) Le savant académicien belge, M. de Selys-Longchamps, s’est également
occupé de cette question dans un important travail sur les poissons d’eau
douce de la Belgique, qu’il vient de publier et dont nous avons eu seule-
ment connaissance après la rédaction de cette note.
D° Fatio (1), les formes et les proportions, constamment
intermédiaires, des barbillons, de la tête, du corps et des
nageoires de ce Cyprin, ainsi que la forme et le nombre ou
la disposition toujours variables de ses dents, il devient
difficile de ne pas y voir un mélange confus des principaux
caractères du Cyprinus carpio et du Carassius vulgaris. —
MM. Gervais et R. Boulart, dans leur ouvrage sur les
poissons (2), ne se prononcent pas d’une façon catégori-
que ; ils n’osent avancer le fait, ils nele contestent pas non
plus. M. E. Moreau, (Hist, d. poiss. d. fran.) admet. Mais
Cuvier, Valenciennes, Selys-Longchamps (3) et Blan-
chard (4) nient la double origine supposée de ce poisson.
Ce dernier ajoute cependant « qu'il serait bon que la
question fût résolue par l'expérience ». L'argument que
développent Cuvier et Valenciennes en faveur de leur opi-
nion paraît péremptoire : Dans le lac de Saint-Gratien, où
ils n'ont jamais vu le Cyprinus carassius et où le Gibèle
ne leur paraît se rencontrer que par hasard, l'espèce de
Cyprinus Kollarii est abondante.
Reste à savoir si les observations de ces ichtyologistes
sont exactes.
Ces auteurs disent.encore que la Brême de Buggenhagen
est une espèce (5); Siebold, qui l’a prise aussi pour telle,
fait remarquer qu'il doute néanmoins que ce poisson réu-
nisse les caractères d’une espèce. Il à fait venir différents
sujets des contrées moyennes de l'Europe, et il lui paraît
de plus en plus que ce Cyprinoïde n’est qu'un hybride du
Cyprinus brama et d’un Leuciscus. Sur 45 individus qu'il a
étudiés, deux lui ont paru faire exception pour le système
dentaire.
On rencontre cette forme dans le Danube, dans la
Somme, la Moselle et dans le Rhin moyen, elle ne manque
(1) Op. cit., p. 198.
(2) Paris 1877, I, p. 91.
(3) Faune belge, p. 197.
(4) Poissons de la France, p. 331. 1886.
(5) Vol. XVII. 1844,
Pro
pas dans les lacs de la haute Bavière; Siebold en a vu
quelques exemplaires dans le lac de Kochel et de Staren-
berg. On la trouve aussi dans le bassin de l’Elbe, de lOder
et de la Vistule.
Le D’ Fatio ne l’a pas encore rencontré en Suisse (1),
quoique les deux espèces que l’on suppose lui donner nais-
sance, c'est-à-dire le Cyprinus brama et le Leuciseus rutilus,
se trouvent ensemble sur plusieurs points de ce pays.
Néanmoins, il ne paraît avoir aucun doute sur l’origine
mixte de ce poisson, ni sur la détermination des espèces
qui lui ont donné naissance. Il le range à la suite des
Brêmes, à cause de la forme de ses nageoires, de la dis-
position de quelques parties de son écaillure et de la forme
relativement peu ramassée de ses os pharyngiens. De La
Fontaine l’a mentionné dans sa Faune du Luxembourg (2),
mais il garde le silence sur son origine ; il se contente de
dire qu’il est très rare partout où il existe. Le D' Günther(3),
dans le catalogue des poissons du British Museum, l'a
considéré comme hybride du Cyprinus brama et du
L. rutilus; M. Selys lui attribue cette origine ; le D° Boett-
ger nous écrit de Francfort qu'il l’a trouvé trois fois dans
le Mein; Heckel lui a donné le nom d’Abramis Leuckartii.
Quant à la Brême rosse, produit supposé de L. rutilus et
de Abramis blicea (4), le D’ Fatio dit que l'irrégularité du
corps et des nageoires et le nombre intermédiaire des
écailles et des rayons ne semblent laisser aucun doute sur
l'origine mixte de ce poisson. Toutefois, pas plus que le
précédent, il ne l’a rencontré en Suisse, bien que les deux
espèces mères abondent et se trouvent souvent en contact.
Holandre l'a décrit le premier dans sa Faune de la
Moselle (5), mais sans parler de son origine.
L'auteur des Fische Bayern paraît établir d’une manière
(1) Faune suisse.
(2) 1873, p. 38.
(3) 1868, t. VII, p. 213, dé par Gervais et Boulart.
(4) Op. cit., p. 387.
(5) Metz, 1836.
SE PNR
indubitable, dit le D' Fatio, que le Rotengle (Scard.
erythrophthalmus) et le Gardon (Leucistus rutilus) pro-
duisent ensemble ; union dans laquelle le Rotengle four-
nirait probablement le mâle. Comme les deux derniers
hybrides, ce produit n’est pas encore apparu en Suisse,
quoique les deux espèces qu'on suppose lui donner nais-
sance y habitent. M. de Selys-Longchamps, dans une let-
tre, a entretenu le D’ Fatio d’une forme particulière de ce
poisson qu'il aurait rencontrée en Belgique et qu'il dis-
tingue, sous le nom de Scardiniopsis amphigenus, par le
fait qu’elle serait le produit du Rotengle, non plus avec
le L. rutilus ordinaire, mais avec L. rutilus variété Sely-
si. Le D' Günther, dans son Catalogue of the acanthopte-
rygian Fishes, décrit cette forme comme hybride (1).
Dans sa Faune suisse, le D’ Fatio donne les principaux
caractères attribués par Jæckel (2) aù cinquième poisson
dont nous venons de parler. Ce poisson se rencontre dans
certaines eaux de la Bavière. Jæckel (3) a cru reconnaître
dans ses formes les preuves d’un mélange de Alburnus
lucidus et de Scardinus erythrophthalmus. L'identité du
second facteur dans cette combinaison ne paraît pas
encore parfaitement établie au D' Fatio; aussi l'appelle-t-11
hybride ou simple variété.
Le sixième est décrit par M. Selys-Longchamps dans sa
Faune belge; il ne dit rien sur son origine. (4) Les uns l'ont
considéré comme espèce pure, les autres comme hybride.
Siebold n’est pas sûr qu'il provienne du mélange de deux
espèces. (5) Le D' Fatio, après en avoir donné une des-
cription extrêmement détaillée d’après un individu qu'il a
examiné, dit qu'il rappelle évidemment la Bordelière et le
Rotengle, et se distingue en même temps assez facilement
(1) Vol. VIT, p. 214. London, 1868.
(2) Zool. Garten, p. 20.
(3) Cité par Fatio.
(4) Depuis M. de Selys l’a décrit comme hybrdél
(5) Op. cit., pp. 142 à 151.
du produit de la première espèce avec le Gardon. I] paraît
le considérer comme hybride. Le D' Boettger l'a observé
une fois dans le Mein.
Siebold considère le septième, malgré l'opinion des
autres ichtyologistes qui le prennent pour une espèce
pure, comme produit par le Ch. rysela et Agassizii;il a la
forme du premier et les couleurs du second. Le D Fatio
partage cette manière de voir et se borne à décrire un
individu de forme moyenne, les spécimens du Rhin qui
lui ont été confiés s'étant trouvés peu différents les uns
des autres. Enfin le huitième, qui semble se trouver dans
toutes les localités habitées par Alburnus lucidus et
L. dobula (1) et qui a été regardé successivement comme un
Leuciseus, un Squalius, un Abramis, un Alburnus, qui
même a été rapproché du Scardinius, serait considéré
maintenant comme hybride de Squalius et d'Alburnus (2).
Quant aux trois derniers, qui proviendraient du Chon-
drostome et de quelques espèces du genre Chevaine, ils
reposent sur l'examen et la comparaison de trois sujets
suisses tenant, chacun plus ou moins et sur divers points,
des caractères de l’une et de l’autre des espèces mères.
Ils sont décrits très minutieusement dans la Faune
suisse (3), mais leur origine mixte n’est pas encore bien
assurée. M. David Starr Jordan, très compétent en cette
matière, croit que les hybrides sont bien moins communs
que ne l'ont supposé MM. Siebold, Günther et autres, cepen-
dant dans le discours que M. de Selys-Longchamps a pro-
noncé le 16 décembre dernier à la séance publique de la
classe des sciences de l’Académie royale de Belgique,sur la
Revision des poissons d’eau douce de la faune belge, Yémi-
nent naturaliste se déclare pleinement partisan de lhybri-
dité fréquente chez les Cyprinidés ; il en a même acquis
la preuve pour certaines espèces.
Ainsi une expérience quil à faite lui a prouvé l’exac-
(1) Voy. Catalog. of the acanthopterygian Fishes, vol. VII, London, 1868.
(2) Faune suisse.
(3) P. 706 sqq., 1° volume.
DRE
titude de ce principe relativement à la prétendue Brême
de Leuckart (Abr. Leuckartii Heckel, Abr. Heckelii Selys).
Il a introduit un certain nombre de Brêmes ordinaires dans
un étang à Longchamps-sur-Geer, où L. rutilus existait
déjà, et après trois ou quatre années il y trouvait quelques
Brêmes de Leuckart, produits du croisement de Abr. brama
et de Leuciscus rutilus. De même, depuis lintroduction de
l'A. brama dans son étang de Longchamps, où se trouvaient
des erythrophthalmus, 11 a observé quelques exemplaires
hybrides, produits par le croisement de ces deux espèces.
Nous ajouterons à ces faits qu’un propriétaire de l'Yonne,
ayant mis dans un petit étang des carpes et des poissons
rouges (Cyprinus auratus), trouva, au bout de quelques
années, des poissons paraissant hybrides de ces deux espèces.
Dans son savant travail, M. de Selys-Longchamps a
dressé une liste des hybrides connus chez les Cyprinidés ;
il les croit stériles.
Chez les Clupes qui appartiennent au même ordre, c’est-
à-dire à l’ordre des Malacopterigiens abdominaux on cite
les produits de Clupea harangqus et C, pilchardus, et de
cette dernière espèce avec Alosa, communication qui nous
est faite par M. Day.
Le docteur Fatio doit indiquer dans le 2° volume de
ses Poissons, qui paraîtra à la fin de l’année, d’autres
hybrides chez les Salmonidés, groupe des Corégones. Il
aurait observé plusieurs faits de croisement chez ces der-
niers. Déjà Siebold (1), à l'article Trutta fario, après avoir
examinéles variations de couleur chez les Truites,avait émis
la pensée que ces diverses variétés pouvaient provenir du
croisement des Truites de mer avec celles de rivière. Mais
il ne citait aucun fait spécial. En attendant l'apparition
du 2° volume des Poissons de la Suisse, qu'on nous per-
mette de dire quelques mots sur ces espèces.
On sait que depuis plusieurs années les fécondations
artificielles parmi les Salmonides ont pris une grande
(1) Op. cit., p. 321,
extension ; elles sont pratiquées sur une vaste échelle à
peu près dans tous les pays de l’Europe, en Amérique, au
Canada et aux États-Unis, et même en Océanie; elles ont
pour but de repeupler les cours d’eau et d'introduire des
races étrangères (1). — De nouvelles espèces se trou-
vent ainsi en contact avec les anciennes ; il serait très
intéressant de savoir si des mélanges se sont opérés. Nous
avons pris et nous prenons encore des renseignements ;
l'enquête que nous avons faite ne nous a donné Jusqu'ici
que peu de résultats, parce que beaucoup d’alevins péris-
sent ou sont dévorés dans les eaux. Dans les rivières où
ils ont prospéré, nous n'avons pu recueillir aucun exem-
ple de croisement. Nous avons appris cependant (2) que
dans les lacs de la Suisse, où on avait introduit des
hybrides de Saumon et de Truite, on avait pris de fort
beaux sujets ; mais ces produits, excellents pour la table,
sont peu féconds. Cette communication de M. le D’ Dela-
chaux nous est confirmée par celle de M. le D° Vouga
qui nous écrit que de l'introduction d'espèces étrangères
il est résulté une vaste confusion dans les espèces ancien-
nes, à tel point qu'on ne peut plus différencier ces derniè-
res des nouvelles; la confusion se serait spécialement
produite chez les Corégones. Cependant nous devons faire
observer que le D’ Fatio, qui s’est occupé tout particu-
lièrement de ces questions et a signalé un assez grand
nombre dhybrides de Cyprins dans le 1° vol. de sa Faune
suisse, n'a encore aucune observation sur ces prétendus
mélanges, entre Salmonides et Corégones, nous écrit-il
dans une lettre reçue le 25 mars dernier. On nous per-
mettra donc de faire quelques réserves en attendant de
nouveaux renseignements, quoique dans le lac de Berh-
tesgaden et dans quelques lacs de la Haute-Autriche on
(1) Veut-on ramener cette prospérité qui existait au moyen âge, alors que
les poissons étaient si abondants que l’on mangeait des truites salées ou
séchées ? Voy: Traité de pisciculture pratique, par Bouchon-Brandely, p. 468,
cité dans Bull. Société d’accl., 1876, p. 809.
(2) Par M. Delachaux, président de la Société oberlandaise de pisciculture,
_Laee
rencontre des produits de Salmo Salvelinus et Trutta fario
lacustris, hybrides recounus inféconds (1). On sait du reste
que chez les Saumons la validité de plusieurs espèces est
très contestable. |
Il nous reste maintenant à parler de plusieurs hybrides
appartenant à des genres tout à fait distincts de ceux que
nous avons nommés, faisant partie de l’ordre des Mala-
Coptérygiens Subrachiens En 1885, dans les Proceedings
of the zoological Society of London, M. F. Day décri-
vait un hybride supposé entre Pleuronectes limanda et
P. flesus. Ce poisson venait de Brixham ; il fut acheté
par M. Day dans la boutique d’un marchand de poisson à
Cheltenham. Certains des caractères qu'il présente sont
ceux de la Limande et du Carrelet. M. le professeur
Braun, de Rostock, nous fait aussi savoir que le D’ Krause
a décrit, dans Archiv des Vereins der Freunde der Natur-
geschichte, XX XV, 1881, « un poisson dont la forme du
corps peut laisser croire à une hybridation de Platessa vul-
garis par Platessa flesus ou de Platessa vulgaris par Rhom-
bus maximus; mais, au sentiment du professeur Braun, cet
exemplaire doit être considéré comme variété de Pleuro-
nectes platessa. — Des hybrides auraient encore été
observés entre Rhombus maximus et R. lævis. On pourra
consulter Les Poissons de la Baltique, Berlin 1883,
où M. Mœbius parle d'hybrides ou de variétés chez des
Pleuronectes, ainsi que l’{ntroduction to the Study of fisches,
du D’ Gunther (2). On conserve au British Museum le
produit de deux espèces de Pleuronectes. Enfin dans l’or-
dre des Acanthoptérigiens, M. Jordan nous signale un
hybride entre le Scomber scombus et S. colias ; il a vu aussi
quelques hybrides dans le genre Lutjanus.
(1) Voy. Zoologishe Garten. Frankfurt 1875. p. 156.
(2) Edimbourg, 1880,
ee
REPTILES.
.
Quelques zoologistes ont supposé que, dans l’ordre des
Sauriens, deux espèces appartenant à la famille des Lacer-
üens, le ZL. lacustris et le L. palustris, produisaient des
hybrides (1); aucun fait ne paraît avoir été cité par eux.
Dans le sous-ordre des Anoures, au contraire, des accou-
plements entre espèces diverses de Crapauds et de Gre-
nouilles ont été constatés, et même entre ces deux familles
et celle des Salamandres. M. Van Bambeke (2), au prin-
temps de l’année 1865, trouva quelques femelles de Pelo-
bates accouplées à des mâles de Grenouilles à tempes noires;
ceux-ci avalent étreint les premières sous les aisselles, et
la glande du pouce avait contracté une forte adhérence
avec la peau du ventre. Cet accouplement avait été fatal
aux Pelobates femelles, quitoutes étaient mortes sans émet-
tre leurs œufs.
En 1881,M. Héron-Royer captura à Enghien-les-Bains
un mâle de Rana fusca accouplé avec une femelle de
Pelobates fuscus. Un bout de cordon d'œufs de dix à douze
centimètres de longueur pendait au cloaque de cette der-
nière; ce cordon ayant été détaché et mis dans un vase
contenant des plantes aquatiques immergées, une certaine
partie des œufs hybrides évoluèrent comme dans leur
espèce propre Jusqu'à éclosion. Les têtards devenus grands
n'ont dévoilé en rien leur double origine ; leur allure a été
celle de la jeune Grenouille rousse, pendant un an qu’on
put les conserver /Bull. de la Société zoologique de France,
LANLIT.41883À
Parmi les diverses espèces de Crapauds, nous ne trou-
vons à signaler aucun accouplement à l’état libre; les crol-
sements que nous connaissons ont été obtenus en capti-
(1) Voy. Magazin für Thiergeschichte und T'hieranatomie,von d. À. À. Meyer.
Erst. Band, Erst. Stück. Gôttingen, 1790.
(2) Mém. de l' Acad. royale de Belgique, t. XXXIV, p. 12. 1868.
ARTE
vité(1); mais les Crapauds contracteraient des unions dans
la famille des Raniformes.
Dans son Historia naturalis ranarum nostratium (2),
Réœsel nous dépeint les Grenouilles excitées par l’'aiguillon
de la passion à un tel point qu’à l’époque de la reproduction
elles perdent jusqu’au « sentiment de leur propre conser-
vation (3) ». Alors un mâle se jette sur un autre mâle ou
s'accouple avec un Crapaud s'il vient à perdre sa femelle.
Toutefois Rœsel n’a pas été jusqu'à dire qu'il s’accou-
ple avec une femelle morte comme on l'a écrit; ceci vient
assurément d’une fausse interprétation.
D’après Blumenbach (4), Ch. Reichart (5) se serait
exprimé à peu près dans les mêmes termes. Nous nous
demandons s’il n’y a pas lieu ici à double emploi.
On lit encore dans le Theriotropheum de Schwenck-
felt (6) que le Crapauu « ne s’unit pas seulement avec la
Grenouille venimeuse qui se tient dans les buissons (la
rubeta), mais encore avec la Grenouille des jardins (kor-
tensis). On a vu ces animaux, quoique très différents,
unis ensemble. » Roesel ajoute « que cet accouple-
ment, provoqué par une passion aveugle, est de courte
durée. Dès que le mâle aperçoit une femelle de son espèce,
il délaisse l’autre pour courir après celle-ci. » Brandt (7)
pousse les choses plus loin, des hybrides naîtraient de ces
accouplements ; mais Brandt ne cite aucun fait. — Scheïd-
weller a répété la même assertion (8) sans indiquer la
source où il a puisé ce renseignement. Certains auteurs,
(1) M. de l'Isle observa dans un aquarium l'accouplement d’un Crapaud
ordinaire avec la femelle du Calamite et vice versa. — M. Héron-Royer obtint
aussi des accouplements entre ces deux espèces, et les hybrides qui en résul-
tèrent passèrent à peu près par les mêmes phases que ceux obtenus par
M. de l'Isle.
(2) Grand in-f°, p. 4. Nuremberg, 1758.
(3) D'après Swammerdam, cité par Rœsel.
(4) Kleine Schriften, pp. 132-133, Leipzig, 1880.
(5) Gemischte Schriften.
(6) Siesiæ, 1603, p. 159.
(7) Dict. of sciences and arts. London.
(8) Journal des Haras, t. XLV, p. 136. 1848.
497,
Godron (De l’Espèce, tome I, p. 182), le D' Boudin
(Gazette médicale, t. XXI, p. 382), et plusieurs autres
disent que Morton affirme avoir vu un Crapaud féconder
les œufs d'une Grenouille, Is. G. Saint-Hilaire (Histoire
naturelle des Règnes organiques, t. TT, p. 160) dit même
quil mentionne des hybrides de grenouilles et de cra-
pauds. Morton dit seulement (Hybr. in animals, in Amer.
Journ. of. sc. 1847, p. 208) qu’il a trouvé un seul exem-
ple authentique de croisement entre Grenouille et Cra-
paud. Il indique la source où il a puisé ce renseignement :
c’est dans Brandt (Dict, of sc.), lequel, on vient de Le voir
ne cite aucun exemple.
Nous ferons observer ici que le célèbre physiologiste
italien, l'abbé Spallanzani, affirme n'avoir jamais vu les
amphibies d'espèces différentes accouplés les uns avec les
autres, quoique pendant le temps de leurs amours il mît
un Crapaud puant avec une femelle de Grenouille verte (1).
Dans « la multitude immense » d’accouplements qu'il a
observés, il n’a jamais vu de pareilles unions. Il rejette
opinion, accréditée de son temps, de ceux qui croient
aux accouplements entre Crapauds et Grenouilles, opinion
qui Jui paraît n'avoir d'autre fondement que la crédulité
et une tradition populaire. Spallanzani avait lui-même
essayé de féconder les œufs de Ia Grenouille verte aquati-
que par la liqueur séminale du Crapaud puant. Cette
expérience avait été répétée en sens inverse, mais tou-
jours inutilement (2).
Cependant, depuis ce temps, des faits nouveaux ont été
signalés. Un jeune professeur de langue allemande, d’ori-
gine alsacienne, nous affirmait, il y a peu de jours, qu'il
avait vu dans son enfance, en se rendant à l’école, sur une
mare où grouillaient, une quantité de Crapauds et de Gre.
nouilles la plupart accouplés, quelques-unes de ces der-
(1) Expériences pour servir à l’histoire de la génération, pp. 221 et 222,
Genève, 1790.
(2) Op. cit., pp. 219 et 220.
AP feu
nières se cramponnant sur des Crapauds. La vue de plu-
sieurs couples aussi désassortis l'avait assez frappé pour
qu'il pât encore aujourd'hui en conserver un souvenir
très exact. De La Fontaine, dans sa Faune du Luxem-
bourg (1), après avoir reproduit les assertions de ses
devanciers, à savoir, que non seulement les Crapauds,
‘au temps de la reproduction, s’attaquent aux individus de
leur propre espèce, sans distinction de sexe, mais encore
aux Grenouilles et même aux Poissons, dit qu'il vit lui-
même un Crapaud cramponné. sur la nuque d'un Barbeau
du poids de 125 grammes. Le reptile avait tant fatigué le
poisson que ce dernier ne se maintenait plus qu'avec peine
dans sa position normale.
M. A. de l'Isle (2) à été témoin, non loin de Palvas, au
bord de la Méditerranée, de laccouplement hybride du
Calamite mâle avec le Pélobate cultripède. — I à pêché
lui-même en Vendée, en 1873, une Grenouille verte de
grande taille que six mâles Crapauds serraient de leurs
bras noueux, comme autant de paires de tenailles ; elle
semblait suffoquer et creva en effet deux jours après. —
Il vit aussi dans un aquarium un mâle agile plongeant ses
poings dans les flancs d’un énorme Crapaud femelle qu'il
serrait avec force. De tels accouplements pourraient-ils
être fertiles? Nous avons vu que les essais de Spallanzani
étaient restés sans succès (3).
(1) 1870, p. 35.
(2) Annales des sciences naturelles. 1873.
(3) En 18892, M. Héron-Royer accoupla Bufo vulgaris avec Pelobates fus-
cus. Gette femelle effectua presque aussitôt sa ponte; huit jours après ses
œufs avaient encore la forme sphérique. — M. Héron-Royer nous a fait
savoir que cet essai était resté sans résultat. La même année il tenta l'accou-
plement du Pelobates fuscus avec Bufo calamita et de Pelobates fuscus avec
Bufo calamita. C'était le 1% avril au matin ; le lendemain le Bufo calamita fit
sa ponte, le surlendemain ses œufs avaient acquis la taille de ceux du Pélo-
bate ; malheureusement,placés trop au soleil,ils furent tués deux jours après.
— Note Sur l’Hybridation des Batraciens. Extrait du BuLLETIN DE LA SOCIÉTÉ
ZOOLOGIQUE DE FRANCE, VIII, 1883. E. Pfüger, Die Bastardzeuger bei den
Batrachiern, ARCHIV. F. D. GESAMMTE PHYSIOLOGIE, Bd. xx1x, a aussi entrepris
des expériences entre Rana fusca et Bufo vulgaris, Rana fusca et Rana
esculenta, différentes espèces de Tritons et Rana fusea avec Triton alpestris
et Triton tæniatus,
#7 8.
À la mare de Grammont, il aperçut un accouplement
non moins étrange entre deux individus appartenant l'un
à la famille des Raniformes, et l'autre à la famille des
Hylæformes, il surprit un Pélodyte qui tenait une Rainette
étroitement embrassée à l'aîne selon son mode habituel
d'accouplement. — Il a encore pêché un mâle de Gre-
nouille rousse accouplé avec une femelle de Triton marbré,
très grosse et très corpulente. Quand M. de l'Isle enleva
et mania ce couple monstrueux, le mâle continua à étrein-
dre fortement le ‘Triton, ses mains se joignaient et ses
doigts s’entrelaçaient selon sa coutume sous la poitrine
de la Salamandre. Il mourut le lendemain victime de ce
malheureux accouplement et du poison qu’il avait absorbé.
À propos de ces accouplements entre Raniformes et
Salamandrides, nous rappellerons à titre de simple curio-
sité ce que Kundmann a raconté,qu'après une inondation
qui, en l’année 1736, couvrit une grande partie de la
Silésie, une quantité innombrable d'animaux à queue appa-
rurent dans les marais que les eaux avaient formés. Ils
furent d’abord pris pour des Lézards, mais après un
examen attentif on remarqua qu'ils ressemblaient à des
Grenouilles qui avaient une queue ; cette queue était deux
fois plus longue que le reste du corps. Treviranus, qui a
raconté ce fait dans les termes que nous venons d'indiquer,
s’est demandé si ces animaux n'étaient point des hybrides
de Grenouilles et de Salamandres ; mais, en confrontant ce
récit avec le texte original (Acéa physico-medica Acade-
miæ Cæsareæ-Leopoldinæ) (1) nous avons trouvé qu'il est
dit seulement « que ces animaux furent pris pour des
lézards (Lacerta) par des ignorants ; on comprit bientôt
en les voyant sauter de côté et d'autre sur l'herbe qu'on
était en présence de grenouilles. — Ce fait, comme on le
voit, est sans valeur; du reste, si de tels accouplements
avaient eu lieu, nous savons depuis longtemps, par les
(1) Norimbergæ, t. V, p. 366. 1740. De singulari eluvie et inundatione quæ
anno 1736 magnam partem ducatus Silesiæ adflixit,
Le ee
expériences de Spallanzani, que probablement ils n’au-
raient pas été suivis de fécondité. Plusieurs fois le savant
physiologiste baigna des œufs de Grenouilles dans la
liqueur séminale des Salamandres ; il fit la même chose
avec la liqueur séminale de Grenouilles sur des œufs de
Salamandres, mais aucun œuf ne se développa (1).
Cette expérience fut renouvelée entre Crapauds et Sala-
mandres,et toujours même insuccès. Enfin, M. Philippeaux
vient de résoudre d’une manière péremptoire la question
des prétendus métis qu'on obtiendrait de ces fécondations
artificielles (2).
Les nombreuses expériences auxquelles il s’est livré lui
ont démontré que de tels produits n'avaient jamais existé.
En effet, lorsqu'on abandonne à eux-mêmes les premiers
œufs qu'on exprime du corps d’une Grenouille, on voit
bien sortir assez. souvent de ces œufs quine paraissent
pas fécondés de petits tétards ; la raison est que, dans les
laboratoires, les Grenouilles nagent ordinairement dans
une eau remplie de spermatozoairés, qui adhèrent au corps
de la Grenouille et de son oviducte. Les premiers œufs
qui traversent l’oviducte se chargent ainsi à leur passage
de spermatozoaires. Si l’on recouvre ensuite ces œufs de
sperme de Salamandre, la fécondation opérée par les sper-
matozoaires de la Grenouille n’en continue pas moins sa
marche. On se trouve donc en présence de tétards naturels
et non pas hybrides (3).
Mais si toute hybridation paraît impossible entre Rani-
formes et Salamandrides, en est-il de même chez les dif-
férentes espèces de ces dernières ? La ressemblance
extrême, dit Meckel (4), qui existe entre beaucoup de Tri-
(1) Op. cit. p. 219.
(2) M. Pflüger (cité par MM. 0. et R. Hertwig, p.28 de leurs Experimentelle
Untersuchungen über die Bedingungen des Bastardbefruchtung) dit cepen-
dant avoir fécondé des œufs de Rana fusca par la semence de Triton alpes-
tris et de Triton tœniatus.
(3) Société de Biologie, 30 mars 1874, REVUE sGleNTIFIQUE, t. I, p. 1171,
même année.
(4) Traité gén. d'anatomie comparée (traduction française), pp. 400-402.
Paris, 1828.
— 37 —
tons « ne rend pas invraisemblable que plusieurs de ces
espèces puissent se féconder réciproquement ». Cette con-
Jecture avait déjà été émise par Blumenbach (1). « Quoi-
qu'on sache, dit-il, qu’il n’y ait pas eu accouplement réel
chez les Lézards, il n’est pas improbable d'admettre que les
œufs d’une espèce aient été fécondés par la semence du
mâle d’une autre espèce. »
Ceci aurait lieu pour le Triton Blasii, à en croire M. le
docteur comte Mario $. Peracca (2). Cette forme, d’après
lui, serait produite par l'alliance du T° cristatus et du
T. marmoratus.
C’est également l'avis de M. Boulenger (3). On sait que
parmi le petit nombre d'auteurs qui se sont occupés de
ce Triton, quelques-uns l’ont considéré comme une espèce,
d’autres comme une variété (4). M. le D' Peracca s'étant
rendu dans les environs d'Angers, où on rencontre cette
forme, a fait les observations suivantes :
Le T. Blasii ne se voit que dans les régions où se
trouvent également le T. marmoratus et le T°. cristatus. On
ne le rencontre pas dans les mares où le T. marmoratus
vit seul. — Il est très rare là où abonde le T. marmora-
tus. Il résulterait donc que la présence du 7. Blasi
dépend de l’abondance du T!. cristatus et d'une rareté rela-
tive du T. marmoratus. « La vraisemblance de l’idée que
le T. Blasii est un hybride serait grandement accrue,
ajoute l’auteur, si on démontrait l'existence d’une forme
analogue au T. Blasii que l'on pût considérer comme
hybride entre les deux Tritons, marmoratus et cristatus,
mais en sens inverse. Or il a précisément trouvé dans les
environs d'Angers une forme nouvelle qui lui paraît rem-
plir toutes ces conditions.
(1) Op. cit.
(2) Bull. dei Musei di Zool. ed Anat. comp. di Torino, vol. 1°, 11, 19, 15
Luglio, 1886.
(3) Catalogue of the Batrachia gradiientia seu caudata. Brit. Mus., p. 10.
1882 ; cité par le comte Peracca.
(4) Voir à ce sujet Edoardo de Betta, Fauna d'Italia, part. VI, pp. 86-87; et
Monografia degli Anfibi urodeli italiani.
Le ee
On se trouverait donc en présence de deux formes, l’une
que le D' Peracca appelle Triton Trouessarti (1), très rare,
et l’autre, le T°. Blasi. Il n'hésite pas à assurer que ces
deux formes sont deux hybrides. Cette dernière forme
paraît privée de la fécondité. M. Peracca possède depuis
deux ans quatre femelles et un mâle de 7. Blast et,
malgré leurs accouplements, il n’a jamais obtenu d'œufs.
M. de Pischer, qui eut loccasion d'observer un bon
nombre de Blast en vie, à fait les mêmes remarques, ou
du moins, s’il a obtenu quelquefois des œufs, ces œufs se
sont trouvés stériles.
M. Peracca nous a fait savoir que, depuis deux ans, il a
introduit en Italie le T°. marbré dans une localité où abonde
le T. cristatus. Si son hypothèse est vraie et si les nou-
velles conditions où se trouve le 7. marbré lui permettent
de vivre, le 7. Blast doit, d’après lui, paraître en Italie
dans un temps donné. Malheureusement M. Peracca n’a
introduit que 80 ou 90 T°. marbrés, qui ont survécu, il est
vrai, mais qui sont en trop petit nombre pour permettre,
après diffusion de l’espèce sur une grande étendue, de
constater bientôt des résultats positifs; il faudrait, tous les
ans, ajouter quelques renforts. On ne saurait trop encou-
rager le savant naturaliste dans ses recherches et le féli-
citer de son heureuse idée. La constatation d’un fait en
histoire naturelle est toujours d’une grande importance,
surtout lorsqu'il s’agit de questions aussi peu étudiées.
OISEAUX.
On ‘n’a presque jamais pu surprendre des oiseaux
d'espèce différente accouplés, mais on a rencontré des
individus dont la forme et le plumage paraissaient dévoiler
une double origine.
Ces remarques ont été faites dans les ordres des Passe-
(1) Parce qu'il l'a dédiée au D' Trouessart, qui lui a fourni les indications
nécessaires à ses recherches.
LT
reaux, des Palmipèdes, des Échassiers et des Gallinacés.
Nous ne croyons pas devoir nommer l’ordre des Colombes,
le seul exemple que nous connaissions dans cette division
ne pouvant guère se rattacher à l’hybridité : il s’agit en
effet des Bisets à croupion blanc et des Bisets à croupion
bleu, qui se reproduisent ensemble dans les contrées où
ces deux variétés se rencontrent (1).
M. le professeur comte Tomaso Salvadori a cependant
parlé, dans sa Faune d'Italie (Oiseaux IT, p. 180), ‘d'un
individu qui fut tué dans les environs de Turin au mois
d'octobre 1870 et qui se rapporte à la description que
M. degh Odi a faite d’un hybride de Turtur auritus et de
T. r'isorius (2). Les détails que donne M. Salvadori s’adap-
tent si bien au sujet décrit par M. degli Odi que celui-ci
est porté à croire que cet oiseau est un hybride. M. degli
Odi aurait-il raison, que lon ne pourrait encore ranger
dans les hybrides naturels l'individu décrit dans la Faune
italienne, puisque le T° risorius ne se rencontre pas à l’état
sauvage en Italie.
Ajoutons que Blyth (Journ. of the Asiatic Soc. of Ben-
gal, vol. XIV, année 1845) a dit qu'il avait quelques
raisons de suspecter des croisements entre les Trerous
phænicoptera et chlorogaster de l'Inde: mais il ne cite aucun
exemple ; c’est une simple supposition qu'il se permet de
faire.
Passereaux.
Les premiers hybrides des Passereaux déodactyles à
l'état libre que la science paraît avoir enregistrés sont
ceux des Corneilles noires et des Corneilles mantelées.
(1; Voy. Degland, Ornith. europ., t. Il, p. 11. 1867.
(2) Nota sopra un ibrido artificiale di Turtur auritus Ray, con un T.
risorius Lin. Rovigo 1885. Voy.aussi ATENEO VENETO, gennaio-febbraio 1887 :
Note ed osservazioni sopra un ibrido non ancora descritto e sul! ibridismo
in generale.
— 40 —
Avant Temminck, Brehm, Naumann, qui ont parlé de ces
croisements, Buffon avait émis l'opinion que la Corneille
mantelée n’était qu'une race métisse produite par le mélange
du Freux {Corvus frugilequs) avec la Corneille {C. corone);
les anciens n'ayant ni connu, ni nommé la Corneille man-
telée, il en concluait que cette race n'existait pas de leur
temps. Mais Temminck dit positivement que la Corneille
noire et la Corneille mantelée s’allient quelquefois ; qu'elles
produisent des métis qui tiennent de l’une et de l’autre
espèce ; que ceci a lieu dans les contrées méridionales et
orientales de l'Europe où la Corneille noire est rare.
Naumann donne à ce sujet de très longs détails. Il
constate ces accouplements ; les hybrides qui en naissent
sont eux-mêmes féconds. — « Il ne faut pas croire, dit-il,
que cela soit rare et exige un concours de circonstances
particulières ». — Des faits de ce genre se produisaient
en effet chaque année chez lui. Son père, chasseur-natu-
raliste de grand mérite, avait déjà rassemblé une foule
d'observations. Les observations personnelles de Nau-
mann sont venues depuis les confirmer, en sorte que ses
assertions reposent sur cinquante années de recherches; 1l
pourrait citer un grand nombre d'exemples. — Il a con-
staté en plus que les produits qui naissent de ces unions
s'unissent entre eux ou avec les espèces mères ; 1l est pres-
que impossible de trouver un hybride complètement sem-
blable à un autre. Ils se rapprochent de l’une ou de l’autre
espèce.
Le Magazine of natural history, 1836 (1), mentionne
aussi ces croisements; la même revue 1837 en parle de
nouveau. L’/sis de 1828 en fait aussi une vague mention,
page 25. Le Field Naturalist (2) remarque que rien n’est
plus commun dans quelques parties du nord de l'Écosse.
D'après Tschusi (3), la forme pure des Corvus cornix serait
même, dans les environs d’Arnsdortf, actuellement dispa-
(1) P. 65, n° 57-68.
(2) Vol. I, p. 279.
(3) Journal für Ornithologie, pp. 240-241. 1869.
rue ; tous les exemplaires qui s’y trouvent sont des formes
intermédiaires entre le C. cornix et le C. corone. Cet
auteur, dans le même journal en 1871, confirme ces ren-
seignements (1). Il n’a jamais remarqué à Salzbourg de
Cornix de race pure, il lui est arrivé plusieurs fois de voir
le Corvus corone, qui, en plus de sa couleur gris-noir,
avait aussi des parties noires. Lors de son séjour en Sty-
rie, M. Menzbier eut l'occasion de voir un grand nombre
d'exemplaires de Corneilles mantelées et de Corneilles
noires ; il s’est convaincu que le nombre des C. cornix
surpasse de beaucoup le nombre des ©. cornix typiques.
D’après M. Sewertzow, la coloration intermédiaire n’est
pas héréditaire chez ces hybrides qui reprennent vite les
couleurs des deux espèces pur sang, dès la deuxième
génération au plus tard, dit-il, plus souvent dès la pre-
mière. Beaucoup de collections particulières possèdent des
hybrides de ce genre, mais nous désirons appeler l'attention
sur deux individus (mâle et femelle), figurant aujourd’hui
au musée de Florence, qui ont été pris, l’un en Toscane en
1870, l’autre à Turin en 1882 (2).
Nous ajoutons qu'après un examen approfondi des Cor-
neilles noires et des Corneiïlles mantelées, Naumann n’a
trouvé aucune différence dans la structure de ces deux
espèces, dans leur manière de vivre, dans leur voix, dans
la façon de faire leurs nids, dans la conformité de leur
nature tout entière; aussi pense-t-il que ces deux espèces
sont de simples variétés. Cependant, afin de ne pas intro-
duire de changement dans la classification établie Jusqu'ici,
il a maintenu les deux variétés comme espèces distinctes,
et c’est à ce titre seulement que nous mentionnons les
hybrides de ces oiseaux (3).
(1) Ornithologische Mittheilungen aus Oesterreich, par Victor Ritter von
Tschusi Schmidhofen. 1871.
(2) Nous devons ce renseignement à l’obligeance de M. le professeur
Giglioli.
(3) Les réserves faites par Faivre, Variabilité des espèces (p.126), et Godron
(De l'espèce, p. 181) sur ces accouplements, ne sont, comme on le voit, aucu-
nement justifiées.
— 42 —
La Corneille mantelée s’unirait encore avec le Corbeau
(Corvus corax). L'Isis de 1828 en fait une vague mention
(p. 25). Gerard (Dict. d'Orbigny, p. 445) rappelle ce croi-.
sement (1). |
Dans son Manuel d'ornithologie(1820-1840), Temminck
a parlé de croisements entre la Bergeronnette grise et la
Bergeronnette lugubre, d’où résulteraient des individus
tapirés de noir et de cendré clair. Is. Geoffroy Saint-Hi-
laire (2) remarque que ces croisements ne sont pas décrits
avec la précision nécessaire. Ce qui est hors de doute
d'après M. Degland (3), c’est que la Budytes flava et ses
races ou variétés locales s’'accouplent entre elles. On a tué
près de Lille un mâle de Budytes flava des mieux caracté-
risés accouplé avec une femelle de la Budytes Rayi,
variété de cette dernière.
M. Th. Pleske a décrit l’année dernière, dans un
mémoire lu le 28 avril à l'Académie des sciences de Saint-
Pétersbourg (4), une Lavandière jaune qu’il croit provenir
de la Motacilla flava et de la Motacilla melanocephala.
Cette Lavandière fut prise par M. Karelin le 8 avril 1854,
près de Gurjew. M. Th. Pleske suppose que la Motacilla
flava est son père; on ne peut distinguer son sexe;
d’après ses couleurs vives cet oiseau doit être un mâle.
On sait que la Bergeronnette mélanocéphale n’est qu'une
variété de la Bergeronnette printanière.
Gloger en 1825 signalait un hybride paraissant être le
(1) D’après M. de Quatrefages, Burdach a cité un croisement du Corbeau
noir et de la Corneille mantelée qui a produit cinq hybrides, dont deux noirs,
deux gris et un mixte. Nous n’avons trouvé, dans l'édition de 1838 que nous
avons consultée, que ce passage : Parmi les oiseaux, on constate des bâtards
de Corvus corone et de cornix. Le musée de Dijon posséderait deux
Corneilles produites par le C. cornix et le C. frugilegus, suivant une commu-
nication qui nous a été faite par M. Collot, directeur du Musée; mais, comme
ces deux exemplaires tiennent beaucoup plus de la première espèce que de
la seconde, nous pensons qu'ils doivent être reportés aux produits ordinaires
de cornix et corone. M. Sewertzow a recueilli, en hiver, dans le Turkestan
russe, un grand nombre de métis de C. corone et C. orientalis.
(2) Hist. naturelle des règnes organiques, t. IT, p. 182.
(3) Ornithologie européenne, t. 1, p. 379.
(4) Beschreibung einiger Vogelbastarde, t. XXXV, n°5.
produit de l’'Hirundo rustica et de l Hirundo urbica. Ce
spécimen fut envoyé à Naumann qui crut l'opinion de
Gloger fondée. Cet oiseau présentait, en effet, dans plu-
sieurs de ses parties un mélange des deux espèces. Il est
représenté dans l'ouvrage de Naumann (1), et figure
encore aujourd'hui, d'après la communication qui vient de
nous être faite par M. K. Mœbius, dans les galeries du
musée de Berlin. Ce fait n’est pas isolé, nous avons appris,
grâce à l’obligeance de M. C. Emery, professeur de zoo-
logie à l’université de Bologne, que M. le D" Fiori, de
cette ville, possédait un hybride de Chelidon urbica et
d'Hirundo rustica. Cet oiseau, tué à Catanzaro au prin-
temps de 1884, sur les bords de la mer, était en compagnie
de beaucoup d’T. rustica et de deux ou trois ©. wrbica;
il paraissait être le seul de son genre. M. le D' Fiori, sur
notre demande, nous en a adressé une description très
détaillée que nous regrettons de ne pouvoir reproduire ici.
Cette description avait déjà été communiquée à M. le pro-
fesseur Giglioli, de Florence, qui s’était rallié à l'opinion de
M. Fiori, et lui avait fait savoir qu'un autreexemplaire sem-
blable existait à Bari chez M. le D' Romita. Celui-ci a été
assez aimable pour faire exécuter deux aquarelles du sujet
qu'il possède et nous les a adressées avec la description
et plusieurs renseignements. Cet oiseau ressemble à celui
qui a été donné au musée de Florence ; tous deux ont été
pris au filet, dans les mêmes endroits, le premier à la fin
d'avril 1872, et l’autre en 1873. M. le D' Romita les
trouva tous les deux mâles, ayant les testicules bien déve-
loppés et dépassant en dimension une graine de millet.
Bec etiris noirs; sur le front une ligne très étroite, brun-
marron comme la gorge jusqu'à la poitrine; sur la poi-
trine, quelques taches noirâtres; poitrine, abdomen et
sous-caudales blancs, tirant légèrement sur le roussâtre
aux flancs et aux sous-caudales ; parties supérieures du
(1) Naturgeschichte der Vügel Deutschlands, Leipzig, 1833.
AA
corps noires, à reflets violets ; croupion blanc avec petites
taches noires ; tarses couverts dans la face interne de rares
petites plumes blanches très étroites. Longueur 0",143.
Rectrices externes dépassant les médianes de 0,035.
En 1834, M. Henry Berry a raconté, dans le Magazine
of natural history (1), un fait singulier au sujet d’une Grive
et d’un Merle qui, dans le jardin de James Hankin, à
Ormskirk dans le Lancashire, se sont accouplés durant
deux années successives. Les oiseaux élevèrent leurs
couvées et les petits avaient les traits d'oiseaux hybrides.
« Ce fait, dit l’auteur, était connu de bon nombre de
personnes. » Macgillivray, dans son History of British
Birds, t. II, London 1839, parle d’un fait semblable
arrivé à Moss-Side en 1836. Il existe au Musée de Liepzig
des hybrides de Turdus ruficollis et atriqularis, ainsi que
de T. fuscatus et naumannii, communication qui nous est
faite par M. le D’ Reichenow.
Le Magazine of natural history rapporte encore (2) qu’en
1838 un oiseau mâle, issu d’un Chardonneret et d’une
Serine, s'étant échappé, on le vit l’année suivante revenir en
compagnie d’un Chardonneret avec laquelle il construisit
un nid dans un cèdre; cinq oiseaux naquirent de cette
union. Un fait à peu près semblable se passait tout
dernièrement chez M. de B., au château de Cerisay. Un
couple de Calfats, sorti de ses volières, se croisait avec
des oiseaux dont on ignore l’origine. On voit aujourd'hui
plusieurs de ces produits, mais on n'a pas réussi à les
capturer. Ils tiennent surtout du Calfat.
Crespon, dans sa Faune méridionale (1844) (3), parle
d’une espèce de Merle azuré dont il ne connaît que le mâle.
Il pense, par la description qu'il en donne, que cet
oiseau est le produit de deux espèces différentes. Ses
caractères semblent indiquer qu'il provient du Merle bleu
et du Merle de roche.
(1) London, vol. VII, p. 598, n° 37.
(2) Année 1840, p. 424 sqq.
(C)TLp179;
Ce Merle fut tué le 28 septembre 1840, sur le mont
Saint-Loup, près de Montpellier. Il a été reconnu depuis
par d’autres ornithologistes pour avoir cette origine (1).
Le prince Ch. Bonaparte n’a point cependant été de cet
avis dans son Conspectus generum avium (2).
En mars 1853, on annonçait dans la Revue et Magasin
de zvologie qu'un oiseau mâle, pris au filet dans les envi-
rons de Marseille, paraissait provenir du croisement du
pinson ordinaire, Fringilla cælebs, et du pinson d’Arden-
nes, Æ, montifringilla (3).
Un an plus tard, deux autres hybrides, de même ori-
gine, l’un mâle, l’autre femelle, étaient pris aux environs
d'Anvers, le premier pendant l'automne, le second durant
l'hiver (4). Ces deux oiseaux sont conservés par M. De-
gland. Un hybride semblable se trouve dans la collec-
üon de M. de Selys-Longchamps. Cet oiseau a été décrit
dans Bull. della Società veneto-trentina di Sc. nat. (Jun.
1880, p. 99). Un caractère appartient à montifringilla, le
croupion blanc ; denx caractères à cælebs, le bout des deux
rectrices blanc et les rémiges bordées de vert jaunâtre. Il
fut pris, nous dit M. de Selys, pendant l'automne de 1879
par M. Romanese, de Levico. M. le professeur Giglioli
nous informe que trois autres hybrides auxquels on attri-
bue la même origine sont au musée des Vertébrés de Flo-
rence, et proviennent de la Toscane (1881-1886). Enfin
_ dans le cabinet de M. Laurain, à Marseille, on voit un
(1) Voy. Degland et Gerbe, Ornith. européenne, p. 448.
(2) Voy. Revue et Mag. de Guérin-Menneville, p. x11-6. 1853.
(3) P. 117. On en donne une description; cet oiseau, mort en 1859, et qui
ornait la petite collection de M. Laurain, paraît aujourd'hui, d'après une
communication qui nous est faite par M. Marion, se trouver dans le musée de
Marseille. Le Naturaliste (numéro du 15 octobre 1886) parlait à peu près dans
les mêmes termes de la capture d'un chardonneret-linot pris au filet dans les
environs de Montauban. Mais il y avait lieu à une méprise. Voyez le même
journal, numéro 24, du 1°° mars 1888.
(4) Ce dernier fait est cité par MM. Degland et Gerbe, Ornithologie europ.,
t. II, p. 272.
CH TUE
mâle Pinson spodiogène qui, lorsqu'il fut tué, paraissait
accouplé avec une femelle de Pinson ordinaire (1).
M. Lemeiteil, de Bolbec, a donné, dans son Catalogue
raisonné des oiseaux de la Seine-Inférieure (2), la description
d'un moineau abattu par lui en décembre 1868. Cet oiseau,
« par la taille, les caractères zoologiques et le mode de
coloration », paraît un intermédiaire entre le moineau
ordinaire etle friquet. Nous avons obtenu cette année deux
jeunes du croisement de ces deux espèces, nous nous pro-
posons bien d'aller quelque jour les confronter avec
l'exemplaire de M. Lemeiteil.
Les Annali del museo di storia naturale di Genova
donnent de longs détails sur deux espèces de Paradisea,
le P. raggiona (Sclal) et le P. apoda (Linn.), qui doivent
s’'accoupler. Les exemplaires cités par MM. Salvador:
et d’'Albertis présentent, d’après ces auteurs, tous les
caractères qui peuvent les faire considérer comme hybri-
des des deux espèces. M. le D° Lorenzo Camerano (3)
nous a fait savoir que le musée zoologique de Turin pos-
sède un de ces oiseaux {4). Nous devons aussi à lobli-
geance de M. Oustalet de savoir qu'un autre individu
de la même provenance est conservé dans les galeries du
Muséum d'histoire naturelle de Paris. Un troisième nous
est signalé par M. le professeur Sordelli dans la collection
Curati à Milan. Ces hybrides paraissent se rencontrer
dans la Nouvelle-Guinée. |
En 1882, M. Henry Seebohm exposa à la Zoological
Society de Londres une série de formes intermédiaires
entre Carduelis caniceps et C. major obtenues à Krasno-
yarsk, dans la Sibérie centrale. La même année, il fit
paraître dans l'/bis un article intitulé : On the interbreeding
of Birds (5), oùil énumère plusieurs genres de croisements.
(1) Ornithologie européenne.
(2) Rouen, t. IL, p. 83.
(3) Du musée 200logique de Turin, pr de la Société zoologique de
France.
(4) Décrit dans Ornitologia della papiosa, vol. IT, pp. 620-693.
(5) P. 546,
Les uns serapportent aux Shrikes (pies-grièches), les autres
aux Dippers (merles plongeurs), les troisièmes aux Gold-
finches (chardonnerets). Cet auteur pense que du Lanius
eæcubitor se sont détachésle L. major et le L. leucopterus(1).
Dans le nord-est de l’Europe, on trouve des formes inter-
médiaires entre ce dernier et L. leucopterus. Il présume
aussi que le Cinclus cachemiriensis forme, en s’unissant
avec le ©. leucogaster, une génération intermédiaire ; parce
que, dit-il, on trouve depuis le lac Baïkal jusqu'aux
monts Altaï l’une et l’autre forme extrême aussi bien que
les formes intermédiaires. Il a eu dernièrement l’occasion
d'examiner une grande quantité de Cinclinés envoyés des
monts Altaï par le collecteur sibérien Her Tanere, de
Anclam, et 1l apprit que dans l'extrémité sud de ces monts
le C. cachemiriensis est en contact avec le C. sordidus, avec
lequel 1l paraît évident qu'il croise, parce qu'encore ici on
rencontre aussi bien les formes intermédiaires que les
formes extrêmes.
M. Secbohm avance enfin que le cas des Goldfinches
(chardonnerets), où les formes extrêmes s'unissent, est un
cas exceptionnel, mais les cas où les individus de chaque
vallée s’allient à leurs voisins immédiats ne sont pas
rares. Nous ignorons où cet auteur a puisé ces derniérs
renseignements, et si son dire est le résultat deses observa-
tions personnelles ; ce que nous pouvons avancer, c’est que
dans les divers musées d'Europe ces formes intermédiaires
ne se rencontrent presque jamais; beaucoup de conserva-
teurs ou directeurs de ces musées nous ont donné des
renseignements très précis, et nous avons appris que
leurs collections en sont à peu près dépourvues.
Toutefois, si nous ne pouvons admettre la fréquence de
ces croisements, nous ne voulons pas en nier absolument
la possibilité, surtout parmi les variétés d’une même
espèce. M. Michel Menzbier, dans une conférence à la
(1) Nous faisons observer ici que MM. Degland et Gerbe, Ornithologie euro-
péenne, t. I, p. 221, 1867, coruprennent dans une seule espèce le Lanius excubi-
tor de Linné etle Lanius major de Pallas,
— 48 —
Société zoologique de France (1), à fait connaître des
faits du même ordre. C’est ainsi qu’il a recueilli une série
d'exemplaires de Mésanges qui, d’une part, présentent les
caractères du croisement des ©. Pleski et des C. cyanus
et, d'autre part, ceux du croisement de ces hybrides
et des C. cyanus ; ces individus ont été capturés dans la
contrée où les ©. cyanus et les C. Pleski nichentensemble ;
ils présentent une série de formes intermédiaires entre ces
deux espèces. Sur cinq cents exemplaires de C. Cyanus
que M. Menzbier possède, il a dix exemplaires de C. Pleski
et cinq autres de ceux qu'il est enclin à envisager comme
des hybrides produit de croisement de cyanus et pleski.
D'un autre côté, les ©. Pleski se rapprochent, par leurs:
stations et leurs habitudes, à un tel point des C. cæruleus,
qu'on ne devra pas s'étonner, ajoute le savant professeur,
si des observations ultérieures prouvent que ces Mésanges
se croisent entre elles et produisent des hybrides.
Il dit aussi que les C. Pleski et les C. flavipectus, en se
croisant dans diverses régions avec les C. cyanus, donnent
naissance à des hybrides; ce qui contribue à l'extension
des C. Pleski et des C. flavipectus et à la prépondérance
des ©. cyanus. Ces deux formes s'accordent toutefois à un
tel point dans les traits typiques de leur coloration qu'il
est très difficile d'indiquer les caractères d’après lesquels
on pourrait distinguer les hybrides.
Dans le groupe des gorges-bleues, M. Menzbier trouve
encore un autre exemple de croisement. Pour lui les
trois variétés qui composent ce groupe, c’est-à-dire les
C. Wolffii, les C. leucocyana et les C. suecica, ne peuvent
être réunies en une seule espèce, parce que ces trois types
occupent chacun pendant la période de nidification une
région tout à fait distincte. Or, entre les C. Wolffu et les
C. leucocyana, de même qu'entre les C!. leucocyana et les
C, suecica, on trouve des individus aux caractères
intermédiaires. Il s’est convaincu que chacune de ces
(1) Rev. scientif. du 26 avril 1884, p. 515.
classes d'intermédiaires ne se trouvent que dans la
région où ses deux formes parentes séjournent ensemble.
Mais pour beaucoup d'auteurs l'espèce appelée Cyanecula
Wolffii par le pasteur Brehm ne serait autre que la
C. suecica; du reste, les noms de Wolffii et de leucocyana
désignent bien plutôt de simples variétés que de véritables
espèces, variétés dépendant de l’âge et du sexe (1). Il
s'agissait donc tout au plus, dans cette circonstance, de
métis et non d'hybrides. Qu'on nous permette de faire la
même remarque au sujet des Mésanges, notamment à ce
qui concerne les C. Pleski et les C. flavipectus. M. Vian
qui en possède plusieurs exemplaires dans sa collection
est convaincu, nous écrit-il, que ce ne sont point deux
espèces distinctes, mais des produits de la mésange bleue
et de la mésange azurée ; ses spécimens tiennent plus ou
moins des deux types, varient dans les emprunts qu'ils
leur font, sont pleski ou flavipectus suivant qu'ils ont pris
ou moins à P. Cœruleus où à P. Cyanus.
M. de Selys-Longchamps a bien voulu également nous
faire connaître son opinion à ce sujet, pour lui, il n’y a
jusqu'ici que deux espèces fondamentales: 1° Parus cæru-
leus, avec des races qui n’en diffèrent que par la nuance
des couleurs, parmi lesquelles on doit compter Pleski ;
et 2° Parus cyanus, dont flavipectus est une race. Quant
au mélange entre ces espèces fondamentales, 1l le regarde
comme accidentel et incapable de faire souche.
Nous avons vu dans la magnifique collection ornitholo-
gique de M. Noury à Elbeuf un type de mésange-nonnette,
qui, présenté à une des réunions des Sociétés savantes
tenues à la Sorbonne, n’a pu être rapporté à aucune espèce
connue, mais qui certainement n’a rien d'hybride. D'un
autre côté, M. Degland a conservé vivant pendant deux
ans un individu chez lequel la forme Nonnette dominait
manifestement, mais qui portait aussi des traces de la
Mésange bleue ; M. Degland n'hésite pas à dire que cette
(1) Voy. Ornith. europ., pp. 436 et 434. 4
+ Dore
dernière espèce s'allie quelquefois à la Nonnette vulgaire
et que de leur union résultent des métis (1). Tout der-
nièrement aussi M. Th. Pleske, dans les Mémoires de
l'Académie de Saint-Pétersbourg, t. XXXV, à parlé d'un
hybride mâle de Parus borealis et de Lophophanes crista-
tus. Cet exemplaire, qui a été du reste mentionné plusieurs
fois, a été acheté le 15 septembre 1880 sur le marché aux
oiseaux de Saint-Pétersbourg, et est parvenu plus tard en
la possession du musée zoologique de l’Académie impériale
des sciences.
Les Sittelles présenteraient selon M. Menzhier des faits
analogues. Celui-ci possède quelques exemplaires de Sit-
telles provenant de la Russie centrale, et il les considère
comme produits du croisement de Sitla cæsia et de S. eu-
ropea et de ces deux formes typiques avec leurs hybrides.
Il fait remarquer que les Siftæ semblables à celles qu'il
possède ne se rencontrent que dans les endroits habités
par les deux formes.
Enfin, chez les Grarruliens, que nous aurions dû citer
après les Corvidés (ons’estaperçu que nous n'avons point
suivi pour les oiseaux la classification régulière ; nous
avons préféré nommer les faits hybrides dans l'ordre à
peu près où ils se sont produits), on a rencontré à l'état
sauvage des individus tenant le milieu entre le Geaiï ordi-
naire (Garrulus glandarius) et le Geai à tête noire de Kry-
mik ; mais Ceux-ci étaient peut-être des jeunes de l’année,
il est du reste reconnu que le geai de Krymik n'est
qu'une variété de la première espèce; Degland (Ornitho-
logie de l’Europe,t. I, p.216), qui cite ce fait, s'est demandé
si la Loxia rubri- fasciata (de la famille des Loxiens, genre
Bec croisé), n’était point le produit d’un accouplement
fortuit du Bec croisé ordinaire et du Bec croisé bifascié.
Après diverses considérations, il pense que cet oiseau ne
constitue qu'une variété accidentelle à laquelle il n’y a
(1) Ornithologie europ., t. I, p. 567. M. Hardy a reçu de Moscou un Pæcile
à bec petit comme chez P. communis de France et dont la livrée est sem-
blable à celle de P. palustris (ib., p. 561).
Ste
par conséquent aucun rang à assigner. M. de Selys-Long-
champs nous fait savoir qu'ilse rappelle avoir vu au Musée
de Lausanne un Lamus, que lon croit hybride de L. rufus
et L. collaris, exemple qui nous est confirmé par
M. Nicoud, de Chaux-de-Fonds (Suisse).
Nous aurions encore à citer quelques autres exemples
de croisements chez les Passereaux déodactyles.
Dans le genre Bruant par exemple, celui de l'Emberiza
citrinellà et de l'Emberiza leucocephala. Le musée de
Saint-Pétersbourg conserve un individu auquel on attri-
bue cette origine. Il fut pris le 8 mars 1887 par le profes-
seur Eversmann, aux environs de Kasan. D’après ses
caractères variés, M. Th. Pleske, qui en a donné une
longue description dans les Mémoires de l’Académie (1),
dit qu'il est incontestablement un hybride de ces deux
espèces ; il croit même pouvoir affirmer avec certitude
qu'il a ea pour père l’Æ. citrinella. Son sexe n’est point
connu, mais on suppose qu'il est mâle.
Disons encore que, dans la collection de M. de Selys-
Longchamps, il existe un hybride pris à l’état sauvage de
Spinus et de Chloris; dans celle du musée des Vertébrés de
Florence, un de Carduelis elegans et de Chrysomitris spi-
nus, venu de Spalatro (Dalmatie), en 1878; un autre de
Ligurinus chloris et de Carduelis elegans ; enfin dans
celle de M. le C*® Curati (2), aujourd’hui donnée au musée
de Milan, on voit divers hybrides de Fringillés, dont
les noms ne sont pas encore relevés (3).
Il nous reste maintenant à parler des croisements chez
les Passereaux zygodactyles et chez Passereaux syndac-
tyles.
Nous n'avons pu découvrir que deux exemples d’hybri-
dité chez ces derniers, parmi les Coracias. M. Blyth (4)
(1) T. XXXV, 1887.
(2) La plus riche de l'Italie.
(3) Lettre de M. le professeur Ferd. Sordelli, directeur adjoint.
(4) Journal of the Asiatic Society of Bengal, vol. XIV, 1 et 2p., p. 19.
Année 1845,
L'b0 fe
a obtenu dans le voisinage de Calcutta plusieurs spéci-
mens qui présentent une gradation de plumage entre le
C. affinis et le C. indica, et aussi un ou deux avec le plu-
mage pur de l’a/finis. Il en conclut que ces espèces (ou
plutôt ces deux variétés) s’accouplent assez souvent
ensemble lorsqu'elles se trouvent dans une même localité,
et tendent à se fondre dans un type particulier mélangé. Il
n'a jamais vu un exemple de vrai C. affims avec la large
bande pourpre de la queue qui caractérise l'adulte
C.indica; mais il l’a trouvée imparfaitement AéreLoppés
dans l'espèce mêlée.
Ses observations ont été citées par Horsfield et Moore,
(Catalogue of the Birds in the Museum of the East-Ind.
Company, XX, p.114). Legge (1), dit que l'espèce Coracias
indica se trouve dans presque toutes les parties de l'Inde,
mais qu'elle ne va pas jusqu’en Birmanie, où elle est rem-
placée par la race C. affinis, qui s’en rapproche beaucoup.
Les deux formes se fondent tellement l’une dans l’autre
qu'il est difficile de dire où l’indica finit et où l’affinis
commence.
Coracias garrula avec C. indica produiraient égale-
ment ensemble. Chez un spécimen de Coracias garrula
pris dans le Cachemire, dit Blyth ({bis, 1873), une trace
de croisement avec C. indica est très visible dans le
plumage, et montre que ce dernier s’unit au C. garrula
dans l'Ouest, comme il s’unit au C. affinis dans l'Est. Un
semblable hybride aurait été signalé par Bell parmi plu-
sieurs oiseaux capturés dans les iners de l'Arabie (2).
Parmi les Zygodactyles nous ne voyons qu’un seul fait
à signaler dans le genre Colaptes de la famille des Picidés.
D’après une communication de M. von Berlepsch il y aurait
des hybrides entre C. auratus et C. mexicanus(3). 11 possède
lui-même un Colaptes recueilli en Californie qui ne peut
(1) History of Birds of Ceylon, 1880, p. 282.
(2) Proceedings of the Asiatic Society of Bengal, 1870, p. 249. Cité par Blyth.
(3) Voy. à ce sujet, Proceed, 6,S$. 1.
REY.
être que le produit de ces deux espèces ; il y en aurait
d'autres au Musée National.
On voit par ce qui précède que presque tous les exem-
ples de croisements chez les Passereaux (exemples plus ou
moins hypothétiques, souvent entre variétés et non entre
espèces) se sont rencontrés, sauf pour les trois derniers
exemples, chez les Passereaux déodacti yles, aucun chez les
Dysodes, les Perroquets et les Colibris
D'un autre côté, les grands groupes de la division des
déodactyles sont tous représentés, puisque nous avons
mentionné des croisements chez les Fissirostres (1), les
Dentirostres (2) les Ténuirostres(3) et notamment chez les
Conirostres (4).
Palmipèdes.
Dans cet ordre, la famille des Anatidés, dont la plupart
des espèces sont comestibles, est à peu près la seule où
l’on rencontre des hybrides. Le plus intéressant à men-
tionner est le WMerqus anatarius d'Eimbeck, ou le Clangula
angustirostris du pasteur Brehm, appelé encore par
M. von Kjabolling Clangula mergoides. Eïmbeck, le pre-
mier, en fit connaître un exemplaire mâle tué sur l’Ocker,
près Brunswick, en 1825 ; la forme de cet oiseau rappelle
celle de lAnas clanqula et du Merqus albellus (5). Un
second spécimen femelle, tué quatre ans plus tard sur un
marais, est mentionné dans l'ouvrage de Brehm (6). Enfin
un troisième, mâle jeune, a été trouvé par M. Kjabolling
. (1) Un chez les Hirundinés.
(2) Un chez les Laniens, deux chez les Méruliens.
(3) Un chez les Paradiséidés.
(4) Deux chez les Corvidés, cinq ou six Les les Fringillés, un chez les Mota-
cilliens, un chez les Cinclinés, et plusieurs enfin chez les Paridés. Nous
apprenons, grâce encore à l’obligeance de M. Berlepsch, que l’on connait des
hybrides parmi quelques espèces du genre Helmin-tho-phaga de la famille des
Mniotiltidae, oiseaux propres aux États-Unis d'Amérique. Voy. aussi Ze0Fo Il.
(5) Isis, Heft I, XII, Leipzig, 1831.
(6) Handbuch der Dnrdeschioite aller Vügel Deutschlands, ht 1831.
dans une collection d'oiseaux achetés par lui à Copenha-
gue (1). Doit-on considérer ces trois oiseaux comme pro-
venant des deux espèces que l’on vient de mentionner, ou
plutôt comme appartenant à une espèce régulière et bien
définie? Plusieurs ornithologistes, auxquels Eimbeck
montra le premier exemplaire mentionné dans l’Ibis, le
prirent pour une production hybride (2); le pasteur Brehm
l'a au contraire considéré comme une véritable espèce,
ainsi que la femelle qu'il décrit (3). Naumann (4), tout en
faisant des réserves, penche à croire que ces deux pre-
miers individus, qu'il a examinés, sont hybrides des deux
oiseaux en question, c’est-à-dire de l’A. c/angula et du
M. albellus; M. Kjabolling fait des trois une même
espèce (5); Gloger (6), en parlant de l’exemplaire de
Copenhague et de celui de Brunswick, dit qu'il croit
reconnaître à leurs caractères l’origine indiquée par Eim-
beck et Naumann. Degland et Gerbe sont de cet avis (7) ;
enfin, M. de Selys-Lonchamps, pour expliquer les légères
différences qui existent entre l’oiseau d’'Eimbeck et celui
de Brehm, a proposé cette conjecture que l’anatarius
pourrait être le produit du Merqus albellus mâle et de
la Fuligula clangula femelle, tandis que l'angustirostris
serait le produit du clangula mâle et de l’albellus femelle,
ou vice versa. (8)
Il y eut à cette oecasion, lors de la réunion des orni-
thologistes allemands tenue à Halbertstadt en 1855, une
discussion très intéressante ; la majorité des membres qui
y prirent part se prononcèrent dans le sens de lhybri-
dité (9). Is. Geoffroy Saint-Hilaire s’est rangé à cette opi-
(1) Naumannia, pp. 327 et suiv. Stuttgart, 1853.
(2) P. 300. 1831. k
(3) Op. cit., pp. 930, 931 et 932.
(4) Cité. par Kjabolling.
(5) Naumannia, pp. 237 et suiv.
(6) Journal für Ornithologie, novembre 1853.
(7) Op. cit., p. 471.
(8) Mémoires de l’Acad., XXIII.
(9) Voy. Selys, mém.
PET TU
nion, etil croit que le Harle-Garrot ne tardera pas à être
inscrit d’un accord unanime sur la liste des hybrides
authentiques. (1) Depuis M. de Selys-Longchamps a vu à
Copenhague l'oiseau d'Eimbeck, et il pense aussi que cet
oiseau est bien certainement un hybride de clangula et
d'albellus. Enfin un nouvel exemplaire a été tiré en 1865,
dans le voisinage du Pôl (2), et un autre en 1881 à Kal-
marsund. M. le D' Blasius (3) qui les a étudiés les a recon-
nus comme hybrides, quoique l'opinion contraire ait été
émise. À ce propos, rappelons que M. Negelein a raconté
en 1853, dans la Naumania, que pendant un violent
ouragan de neige on vit près d'Oldenburg deux À. Clan-
gula fem. accompagnées d’un M. merganser masc.
En 1854 le D' Cabot exposait à la Société d'histoire
naturelle de Boston, un canard paraissant être le produit
de la Clanqula americana et du Mergus cucullatus.
Un autre hybride anatien qui a encore donné lieu à de
nombreuses discussions, est la Fuliqula Homeyeri, décrite
d’abord comme espèce par M. Bædeker qui en à fait une
longue description (4). M. Jaubert (5) mentionne cinq
exemplaires mâles tous semblables ; il a examiné attenti-
vement l’un d'eux, et il s’est trouvé amené à les considérer
comme hybrides. MM. Degland et Gerbe partagent entiè-
rement cette manière de voir (6): M. de Selys-Longchamps
penche aussi pour cette opinion (7). Cependant Gloger (8)
n’est de l’avis ni des uns ni des autres, et il prend ces
oiseaux, non pour une véritable espèce comme l'avait fait
M. Bædeker, mais pour une simple variété de la Fuligula
(1) Hist. des règnes org. T. NII.
(2) Voy. Siebenter Jahresbricht des Annaberg Buch holzer Vereins für
Naturkunde.1883-1885.
(3) Monatsfschrift des Deutschen. 1887. Nr. 14
(4) Naumannia. Arch. für die Ornithologie. Herausgegeben von Ed. Balda-
mus. Stuttgart, 1852.
(5) Rev. et Mag. de zoologie de Guérin-Menneville, p. 118. Mars 1843.
(6) Op. cit. t. IT, p. 540.
(7) Mém. de l' Acad. de Belgique, t. XXII.
(8) Journal für die Ornithologie, 5 Héft. Septembre 1834.
ER VE
ferina. C'est en effet de cette espèce, le canard milouin,
et de la FF. nyroca que l’on fait descendre ces hybrides,
qui paraissent avoir été rencontrés en assez grand nombre.
Un couple fut vu, au mois d'avril 1851, dans les environs
de Rotterdam, et recueilli par M. de Berg; un autre exem-
plaire, trouvé sur le marché de Montpellier, est conservé
dans le musée de Genève (1). M. Boulenger nous a fait
savoir que le British Museum en possède. Ces oiseaux
sont encore connus sous les noms de Fuligula intermedia
et de Fuligqula ferinoides.
L’Anas purpureo-viridis, produit supposé de la Carina
moschata et de l'Anas boschas, mérite aussi une mention
spéciale; car cet ‘oiseau a été décrit comme race énigma-
tique par M. Schinz, dans sa Faune européenne, et mis
provisoirement au rang d'espèce par M. de Selys, dans sa
Faune belge (2). Plusieurs individus de ce genre ont été
rencontrés à l’état sauvage. Les deux premiers, tirés sur
le lac de Genève en avril 1815 et en mars 1824, figurent
au musée de Lausanne ; deux autres furent tués sur le
lac de Constance ; un autre a été recueilli à Abbeville, le
20 novembre 1818; puis en décembre 1835 (3) M. de
Selys-Longchamps a été assez heureux pour abattre une
femelle à Longchamps-sur-Geer; enfin, M. Van Beneden
a eu entre les mains un mâle, provenant des environs de
cette localité. D’autres oiseaux semblables ont été vus
également sur les lacs de Lombardie (4).
Comme ils présentent les mêmes caractères, on serait
disposé à les prendre pour une véritable espèce ; cepen-
dant beaucoup de ceux qui les ont examinés les ont rap-
(1) Communication qui nous a été faite par M. Godefroy Lunel, conserva-
teur du musée de cette ville. |
(2) Liège 18492. 1r° partie. M. de Selys-Longchamps en donne une descrip-
tion.
(3) Voy. pour ces renseign. Schinz, Europ. Fauna.
(4) Bulletin de l'Académie royale de Belgique, t. XII. Nous mentionnerons
un 7° exemplaire dans la collection Gurati, de Milan, probablement tué sur
ces lacs. l
portés à des productions hybrides : ils sont en effet
presque tous mâles; Degland et Gerbe (1) tiennent à les
considérer comme venant du croisement de VA. boschas et
de la C. moschata. L'Anas bicolor (Donavan), d'après M.
Jenyus (2), aurait la même origine.
Enfin, d’après M. de Selys et M. Berkeley (3) /Field,
16 mars 1861), l'Anas glocitans (de Gmel.) et l’Anas
bimaculata (de Keyserling) ne seraient qu'une production
hybride de l'A. boschas et de la Dafila Penelope. M. Alfred
Newton (4), tout en s'inclinant devant de semblables auto-
rités, pense plutôt que cet oiseau descend du Canard sau-
vage et de la Sarcelle /Querquedula crecca), comme la
déjà suggéré, ajoute-t-il, M. Tomes et aussi M. Bartlett,
dans le Zoologist. Il est arrivé à cette conclusion, non
seulement à la suite d'observations répétées sur des spéci-
mens décrits par Vigors (Linn. Trans. XIV, p. 559),
mails aussi pour avoir vu plusieurs oiseaux de cette sorte
dans différentes collections.
M. Wiepken, directeur du musée d'Oldenbourg, nous
a informé qu'il possédait un hybride d’Anas strepera et
d'Anas clypeata, pris vivant à Mecklembourg. Il associa
à des Canards, et observa souvent des accouplements ;
mais les œufs demeurèrent toujours clairs. L'expérience
fut faite pendant trois années.
Dans le genre Anas, nous avons encore à citer l’accou-
plement de lAnas boschas avec l'Anas obscura men-
tionné par Morton (5). Cette dernière espèce produit avec
l'A. acuta. Un sujet auquel on attribue cette origine se
voit dans le musée de M. Reïd à Doncaster (6). Un autre,
(1) Op. cit., p. 41. ,
(2) Cité par Degland, p. 471.
(3) Ces deux auteurs cités par Alfred Newton, Proceedings of the Zoo-
logical Society, p. 392. 1861.
(4) Proceedings, p. 392. 1861.
(5) Cité par Selys-Longchamps. Nous ignorons toutefois s’il s'agit ici d’un
hybride produit en captivité.
(6) Magazine of natural history, vol. IX, p. 107. 1836.
_LLERT
tué près de Newcastle-sur-Tyne en février 1835, se
trouve chez M. W.-C. Trevelyan à Wellington (1). M.de
Selys-Longchamps (2) en possède un troisième, dont il
donne la description. Nous en savons un quatrième, dans
la collection de M. Lacroix. Cet exemplaire a été tué
dans la banlieue de Toulouse, près Blagnac-sur-Garonne,
sur les bords du fleuve, en 1853, d'après la communica-
tion qui nous a été faite. La collection Curati de Milan,
le musée des Vertébrés de Florence et le British Museum
en possèdent ; cet hybride figure, du reste, dans presque
toutes les collections; on le rencontre même sur les
marchés. D’après Degland, il n’y a pas d'espèce qui, à
l'état sauvage, se croise plus facilement que le Pillet
acuticaude avec le Canard sauvage. En 1859 M. G. Elliot
avait exposé à la Société zoologique de Londres un speci-
men tué sur la côte sud de Long Island et qui a été consi-
_déré comme ayant cette origine.
Nous mentionnerons encore, l’hybride de l'A. crecca et
de l'A. boschas, et un autre qui se voit au musée de
Paris (3), que l’on pense provenir du Canard souchet et du
Canard de Barbarie ; ce dernier hybride, tué par
M. Dybowski, à la fin de l’année 1886. M. Oustalet, qui
a bien voulu nous signaler ce spécimen, nous dit que peut-
être il était échappé de quelque basse-cour. M. le C"° Pegli
Odi possède dans sa collection un hyboide naturel de
Dafila acuta et de Querquedula crecca, et un autre produit
de cette dernière espèce avec Marecca penelope.
Enfin, M. de Selys-Longchamps cite dans sa récap. des
hybrides des Anatidés un individu tué en Allemagne comme
produit douteux de $. clypeata et de D. acuta.
La famille des Fuliguliens contracterait des alliances
(1) Dans le Northumberland, Mag. of natur. history, vol. VIII, p. 509.
1835.
(2) Mém. del Académie de Belgique, t. XXIIT; cite exemplaire mâle adulte,
qui aurait été pris, dit-on, à l'état sauvage. |
(3) Dit M. de Selys, t. XXIII. Nous ignorons toutefois si cet oiseau a été tué
à l'état sauvage.
no
dans le genre Querquedula. Morton, d’après Pritchard (1),
cite l’accouplement de la Fuligula cristata plongeur
huppé) avec l'Anas querquedula (canard sarcelle).
Plusieurs autres espèces de Fuligules se marieraient
aussi entre elles : la Fuligula ferina, Linn. et la Fulix
cristata, Ray, d'après M. le comte Ettore Arrigoni degli
Odi, qui en a donné le premier une description dans l Afe-
neo Veneto (2), et la F. spectabilis (plongeur élégant), avec
la F, mollissima (plongeur eider); toutefois aucune certi-
tude n’est donnée au sujet de ce dernier croisement (3).
M. de Selys possède dans sa collection un hybride de fuli-
gula nyroca et de f. cristata, tué à l'état sauvage, et un
produit tout à fait extraordinaire qu'on pourrait peut-êlre
attribuer au croisement de F. clangula ? avec F. marila ?
M. le D Marmottan nous fait savoir qu'il en possède un
autre produit probable de F. cristata avec F. marila.
M. Newton avait donné dans les Proceedings de 1860 la
figure d'une fuligule produite probablement par le croise-
ment de F, collaris et F. americana.
Nous aurions encore à parler de plusieurs autres hybri-
des appartenant à divers genres de la famille des Anatidés,
mais l’espace nous manque.
Dans la famille des Ansériens nous ne trouvons à signa-
ler qu'une oïe bernicla, qui produisit avec une oïe du
Canada dans une île de la propriété de M. Waterton en
Angleterre. — Encore est-il que ces deux oiseaux, rede-
venus à moitié sauvages, paraissent avoir tout d'abord vécu
ensemble à l’état de domesticité dans la propriété où ils
se reproduisaient (4). Ajoutons que l’Anser Bruchi Brehm,
(1) Cité par Selys-Longchamps, 1859, mais nous HAMPDDS si cet hybride a
été tué à l’état sauvage.
(2) Note ed osservazioni sopra un ibrido non ancora descritto. Venezia, 1887.
(3) Voy. Selys, t. XXIIT, et Degland, t. 11, p. 587.
(4) Nous donnons ce fait avec beaucoup de réserves, n'ayant pu retrouver
dans nos notes qu'une partie du récit de M. Waterton, paru dans Essay of
natural history, 5° édit. London, 1844,
ÉLDO —
d'après M. de Selys, serait un hybride ou un jeune âge
d'Albifrons où d'A. arvensis (1).
Dans l’ordre des Palmipèdes longipennes nous devons
mentionner l’accouplement probable de la Sterne hirundo
avec la Sterne paradis; M. Hardy (2) croit avoir acquis
la certitude que ces deux espèces, qui ont été confondues
Jusqu'en 1819, produisent des hybrides,
Échassiers.
Enfin l’hybridité se manifesterait dans l’ordre des
Échassiers coureurs. Le Courlis à bec grêle, dit Deg-
land (3), doit s’accoupler quelquefois soit avec le Courlis
cendré, soit avec le Courlis corlieu, et de ces alliances
accidentelles résultent des métis, qui ont été décrits
comme espèces. — « Tels sont le Numen sungenicos (Van
der Mühle, Beitr. zur Ornith. Griechenlands) et Numen
hostatus (Contarini, Venezia e le sue laqune). Le premier,
selon toute probabilité, n’est qu'un hybride du Courlis à
bec grêle et du corlieu ; le second serait également un
hybride de ce même Courlis à bec grêle et du Courlis cen-
dré ». M. Lacroix, de Toulouse, nous a fait savoir qu'il a
dans sa collection un hybride de Héron cendré et de
Héron pourpré. Cet individu a été tué dans les ramiers
de Braguesselle à 8 kilomètres au sud de Toulouse, en
février 1854. Ce sont les deux seuls exemples que nous
connaissions chez les Échassiers.
Gallinacés.
Les anciens ont constaté l’ardeur immodérée de ces
oiseaux à l’époque des amours. En parlant des perdrix,
Aristote va jusqu’à dire que les mâles se cochent entre eux
(1) Voy. Rev. et Mag. de zoologie, n° 3, 1857.
(2) Cité par Degland, Op. cit., t. II, p. 459.
(3) Op. cit., t. II, pp. 161 et 162.
On —
et satisfont même leurs désirs sur les petits. Buffon, qui
rapporte ces faits en les admettant, cherche à les confir-
mer, et1l ajoute que les mâles des perdrix rouges, lors-
qu'ils sont bien animés, ne peuvent entendre le cri de leurs
femelles sans répandre leur liqueur séminale. Si la
nourriture abondante de nos champs cultivés est capable
de porter les volatiles qui les habitent à de tels excès, ce
dont nous doutons, du moins ceux-ci cherchent bien rare-
ment à contracter des alliances avec des individus spécifi-
quement distincts, et c’est à peine si, chez les perdrix, on
rencontre quelques hybrides douteux. Voici, du reste, les
exemples que nous avons pu recueillir dans cette famille.
L'exemple le plus connu est celui que cite Dureau de
la Malle, dans les Comptes rendus de l Académie des scien-
ces (1).
Dans la partie du Perche où se trouvait son domaine,
la Perdrix rouge, surtout la grosse Bartavelle ou Perdrix
grecque, formait le tiers de ce genre; mais en 1854 la
Bartavelle rouge avait presque entièrement disparu ; néan-
moins, depuis plus de dix ans, le garde rapportait qu'on
avait aperçu des Perdrix rouges avec des ailes de Perdrix
grises. Il parvint un jour, sur les indications que Jui
donna Dureau de la Malle, à découvrir dans le territoire
de Colonard, situé entre deux grands taillis, le produit à
l'état sauvage de la Bartavelle grecque femelle, avec un
mâle de Perdrix grise nommée la Roquette, étrangère
aussi et originaire des Pyrénées-Orientales. Dureau de la
Malle pensa que la Bartavelle, pressée sans doute par la
violence de ses désirs, «et ne trouvant plus dans le canton
qu'elle habitait de mâle de sa race, avait contracté cette
union avec le mâle de la Roquette. « Cette circonstance
explique à la fois, dit-il, la rareté des métis, et la persis-
tance (plus de 15 ans) du produit à l’état sauvage et tou-
jours fécond de deux étrangers. »
(1) T. XLIII, pp. 783-784, ann. 1865.
ND: 2
Le savant académicien, très sobre de détails, ne dit pas
comment il a pu connaître la paternité supposée aux hybri-
des tués par son garde, il ne fait même aucune description
de ces oiseaux.
Aussi Is. Geoffroy Saint-Hilaire remarque-t-1l qu'il n’a
point justifié complètement son assertion (1), et M. de
Quatrefages trouve (2) tout à fait insuffisants ces quelques
renseignements. |
Cependant, d’après plusieurs ornithologistes, on ren-
contrerait des hybrides de la Perdrix grise et de la Perdrix
rouge (3). Buffon a voulu voir, dans la Perdrix de mon-
tagne (4), une race intermédiaire entre les deux espèces. Il
parait avoir appris qu'elle se mêle quelquefois avec les
Perdrix grises; et 1l la soupçonne fort de contracter des
alliances avec la Perdrix rouge, à laquelle elle ressemble
par la couleur de son bec et de ses pieds (5).
Tout dernièrement M. G. Duwarnet vit chez un mar-
chand de gibier une Perdrix qui portait évidents les carac-
tères de l'hybridation. « Son bec et ses tarses étaient
rouges ; les plumes des flancs, bien qu’un peu moins vives’
de couleurs, étaient celles de l'espèce rouge. Les ailes
ressemblaient à celles de la grise, avec des tons un peu
plus chauds..» Cet observateur est convaincu d’avoir eu
sous les yeux un véritable hybride. Pour corroborer son
dire, il ajoute qu'un chasseur de son voisinage possédait
en cage un couple composé d’une Perdrix grise et d’une
Perdrix rouge, qu'il surprit en accouplement ; quatorze
œufs furent pondus, neuf perdreäux en naquirent dont
cinq rouges et quatre gris. — Ce ‘croisement paraît bien
authentique d’après les nombreux détails qu'on en a
(1) Voy. Is. Geoffroy Saint-Hilaire, Histoire des règnes organiques.
(2) Revue des cours scientifiques. 1867-1869.
(3) M. Marion m'informe que le musée de Marseille possède un spécimen
ayant cette provenance et indiqué dans le catalogue comme pris à l'état
sauvage.
(4) La Perdrix de montagne, p.240 des Œuvres complètes, édit. de 1844,
(5) Bulletin de la Société d'acclimatation, p. 545. 1874.
_— 63 —
donnés. C’est en vain cependant que Dureau de la Malle
l'avait tenté; ses essais, répétés pendant vingt ans, restè-
rent infructueux. À l'exemple de Varron et de Columelle,
pour domestiquer loie et le canard domestique, il avait
couvert d'un réseau à mailles suffisamment serrées une
vaste cour close de murs, dans laquelle se trouvaient des
Perdrix grises et des Perdrix rouges; elles ne se croisèrent
jamais. Dureau de la Malle rapporte aussi que M. Patu de
Saint-Vincent avait essayé, dans sa cour bordée de fossés,
et en employant l’appât des œufs de fourmis et du blé,
dont ces sortes de Perdrix sont très avides, de domesti-
.quer la Perdrix rouge avec la Perdrix grise et d’en obtenir
des métis. À l’époque de l’appariage, les Perdrix rouges et
les grises s’'envolaient et ne reparaissaient plus. Si l’'accou-
plement de la Perdrix grise avec la Perdrix rouge à l’état
de nature reste douteux, le croisement de cette dernière
avec la Bartavelle paraît mieux établi, sans toutefois
reposer sur des données certaines. Il en résulte, nous dit
Bailly, dans son Ornithologie de la Savoie (1), « des sujets
qui, par la taille, les couleurs et leur disposition tiennent
le milieu entre ces deux espèces ». D’habitude, le mâle a
plus d’aflinités avec la Bartavelle qu'avec la Perdrix rouge ;
c'est le contraire chez la femelle. Degland a examiné plu-
sieurs hybrides que lon suppose provenir de ces accou-
plements ; il a constaté entre eux des différences très
notables sous le rapport du nombre et de létendue des
taches du cou. Deux femelles, dont l’une appartient au
Muséum d'histoire naturelle de Paris, diffèrent si peu, par
le nombre et l'étendue des taches du cou, des femelles de
la Perdrix rouge, qu’on les rapporterait volontiers à cette
espèce, si la double bande noire des plumes des flancs ne
les distinguait (2). M. Lacroix, de Toulouse, nous a fait
savoir qu'il possédait un hybride de Perdrix rouge et de
_Perdrix bartavelle, pris à l'état sauvage dans Les environs
(1) Tome IIL, p. 467. 1854.
(2) Ornithologie européenne, À. Il, p. 64.
de Muret, 20 kilomètres sud de Toulouse ; un autre a été
capturé chez un de ses amis près Miremont (Haute-
Garonne), sur la ligne du chemin de fer de Toulouse à
Foix ; le premier en octobre 1869, le second en octobre
1872. — Un troisième exemplaire, tiré en novembre 1869,
figure dans le musée de Toulouse (1).
Ces hybrides ont reçu le nom de Perdrix Labatieri ou
Rochassière. Le prince Ch. Bonaparte, dans sa Revue cri-
tique de l’'Ornithologie européenne de M. le D' Degland (2),
en a fait une espèce distincte, par ce fait que toutes les
Perdrix dans certains cantons donnés offrent les mêmes
caractères ; cependant, dans son catalogue des oiseaux de
l'Europe (3), il paraît être revenu sur cette opinion.
N. Bouteille (4), qui d’abord avait fait comme le prince
Ch. Bonaparte, puis avait changé d'avis, est revenu à sa
première appréciation, parce qu'il a reconnu que si, dans le
voisinage des lieux qu'habite la fRochassière, on trouve
quelquefois la Perdrix rouge, on n’y rencontre Jamais la
Bartavelle. M. Olphe Gaillard, dans la Faune ornith.
europ.,qu'il vient de faire paraître, considère la Rochas-
sière comme un véritable hybride.
On voit que les opinions sont partagées sur ce point et
que l'existence de cet hybride reste douteuse. Nous avons
vu il y a peu de temps, dans le cabinet de M. Lemetteil à
Bolbec, deux exemplaires de la Rochassière, mâle et
femelle, venant des Alpes. Ils étaient si bien caractérisés,
que nous les aurions pris volontiers pour deux individus
appartenant à une espèce réelle. — Il y a six ans, un
amateur, avec lequel nous avons l’honneur d’être en rela-
tions, rapportait de la Palestine une Perdrix qu'il pensa
(1) Voy. Catalogue des oiseaux des Pyrénées, par Lacroix. — Nous sommes
porté à croire qu'il y a ici double emploi.
(2) P. 78. Bruxelles, 1850.
(3) Offert en 1856 aux Ornithologistes par M. Parzurski. (Rédigé d’après les
classifications du prince Ch. Bonaparte, cité par Degland.)
(4) Ornithologie du Dauphiné, pp. 337-338.
Arras.
être une Bartavelle ; celle-ci accepta un coq de Perdrix
rouge et pondit 15 œufs tous fécondés ; six mois après, les
petits mouraient tous de la diphtérie. Si cette expérience
avait réussi, on aurait pu constater la validité des asser-
tions des ornithologistes, partisans d’une double origine
chez la Rochassière. M. Armand, préparateur au muséum
de Marseille, avait eu, en 1863, la pensée d'effectuer le
rapprochement de la Perdrix rouge et de la P. sinaica,
provenant de la Syrie. Un grand nombre d'œufs furent
pondus et il obtint des petits ; nous ignorons ce qu'ils
devinrent (1). M. L. Calpini nous dit qu'il a vu une perdrix
provenant de la Bartavelle et de la Perdrix grise, ce sujet
doit être conservé à Sion (Suisse).
Parmi les Faisans, nous n'avons que fort peu de croise-
ments à constater à l'état libre; encore ceux qui se sont
opérés ont-ils eu lieu bien plutôt entre variétés qu'entre
espèces distinctes, et beaucoup se sont produits dans les
bois, ou dans les chasses réservées. C’est ainsi que, le
colchicus, le torquatus et le versicolor, qui ont été abon-
damment introduits dans les réserves anglaises, se marient
entre eux très facilement et se mélent à tel point que, si
l’on n’a pas la précaution de les tenir soigneusement sépa-
rés, il est extrémement difficile d'en trouver qui ne pré-
sentent aucun caractère de mélange (2).
On rencontre en Allemagne dans quelques parcs une
race bâtarde provenant de l'espèce vulgaire et du Faisan
à collier. Dans une localité où les Faisans n’existaient pas,
M. le baron de Bussière a lâché, il y a sept ans, quatre-
vingts poules de Bohême, importées d'Autriche, et sept
coqs de Mongolie, importés de Chine. Ces croisements ont
(4) Lettre de M. Barthélemy Lapommeraye, dans Bull. Société d’Acclim.
pp. 485 sqq. 1883. — M. l'abbé Vincelot a parlé dans son ouvrage d'une
Perdrix sous lenom d’atro-rufa. Cette variété, qui ne ressemble à aucune des
espèces connues, n’a été observée que peu de temps en France, mais il ne
l’inscrit pas comme hybride.
(2) Bulletin Société d'acclimatation, n°° 417 et 418,
LME
parfaitement réussi. On pourrait citer une quantité de
faits semblables tant en France qu’à l'étranger. |
D’après Dresser (1),en Écosse, les Faisans ordinaires se
croisent non seulement avec les versicolores qui y ont été
introduits, mais encore avec le HRevesii (Faisan vénéré),
d'espèce distincte. Ces croisements se sont opérés dans
tous les sens ; il devient déjà difficile, dit l’auteur anglais,
de rencontrer un Faisan de Colchide pur sang (2). Nous
ne pensons pas que ce fait soit général; nous savons par
exemple que dans le parc de Ferrières, où on a lâché des
vénérés, on n’a point vu d'hybrides en liberté (3). On nous
a bien présenté dernièrement un exemplaire tué dans ces
chasses et que l’on pensait provenir de ces deux espèces,
mais, après examen, il nous a été impossible de découvrir
aucune trace du vénéré.
A l’état tout à fait sauvage, Elliot, dans sa Monographie
des Phasianidés (4), a remarqué que le Black-Barked
Kalerge /Euplocamus melanotus) et le White-Crested
Kalerge (Euplocamus albocristatus) engendrent souvent
ensemble dans les provinces du Népaul, où ils se rencon-
trent sur la ligne qui sépare leur territoire respectif, et
produisent des hybrides qui se distinguent facilement des
parents. Ces hybrides ont été décrits comme formant une
espèce nouvelle sous le nom d’Ewuplocamus Hamiltont ;
cependant, ajoute l’auteur (5), on sait actuellement que
ces hybrides ne peuvent être rangés comme espèce parti-
culière. Les voyageurs en Asie ont aussi mentionné
l'existence de types intermédiaires entre les différentes
espèces d'Euplocames qui sont très strictement localisées (6).
(1) Birds of Europa. cité par M. Alfred Dubois. — Oiseaux de la Belgique
(ouvrage à l'impression).
(2) Il ne s’agit pas ici de croisements de demi-sang féconds entre eux, mais
de mélanges divers. :
(3) Communication qui vient de nous être faite par le faisandier.
(4) 1871, 8 partie, 5.
(5) Première partie, juin 1870. ;
(6) Note que je dois à l’obligeance de M. Pichot, directeur de la Revue Bri-
Re 2
Nous ne connaissons point d’autres exemples à citer
chez les Faisans, à moins de rappeler d’après les Neue
Notizen, de Froriep (1), que le garde de M. Halsch, de
Henley Park, ayant abandonné dans les bois une femelle
dorée avec des faisans communs, il en résulta deux beaux
hybrides chez lesquels les caractères des espèces mères
étaient réunis. M. Tegetmeier a aussi, en 1875, exposé à
la Société zoologique de Londres deux Faisans hybrides
sauvages provenant de Ph. colchicus et de Euplocamus
nycthemerus, tués dans le Surrey. Leur mère était une
poule argentée qui s'était échappée et s'était accouplée
avec un Faisan commun. Ils furent pris pour un mâle et
une femelle, mais leur sexe n’a pas été bien déter-
miné. On lit encore dans les Proceedings of the 2001.
Soc, XXXVII, p. 149, qu'un hybride à été transmis
en vie du Japon à la Société zoologique d'Amsterdam, et
aue cet oiseau à paru être issu d’un croisement entre
Euplocamus nycthemerus et Thaumalea picta; mais on ne
dit pas s’il à été capturé dans les forêts, ou s’il a été pro-
duit en captivité.
Les exemples de Faisans s’accouplant avec des Tétras
sont plus nombreux; un grand nombre de faits de ce genre
ont été observés en Angleterre, du moins des individus
présentant les caractères plus ou moins accentués des
deux espèces ont-ils été pris pour des hybrides.
White (2) mentionne, dans son Âistoire de Selborne,
éd. 1833 (3), un oiseau curieux, tué dans un taillis à
Colt ; il n’a pu, ainsi que plusieurs auteurs, déterminer
son origine d’une façon précise, mais le révérend William
tannique.— Dans l'Himalaya et ailleurs, dit Blyth, ces races s'accouplent entre
elles ou avec leurs produits, d'où chaque gradation de l’une à l’autre race
peut être tracée dans une série de spécimens.
(1) 13 vol. Weimar. 1840.
(2) Cité par Thompson, Mag.of Zool., 1837.
(3) Nous n'avons pu nous procurer cette édition, ni celle de 1875.Dans celle
de 1848, il n’est point parlé du fait qui va suivre,
1 RAS
Herbert, qui a vu le spécimen dans la collection du comte
d'Égremont à Petworth, se prononce d'une façon décisive
et le croit produit du Ph. colchicus et du Tetrao tetrix.
En 1834, dans un meeting de la Zoological Society,
M. Sabine appelait l'attention des membres présents sur
un spécimen d'oiseau provenant du même croisement, et en
donnait une description (1). |
En 1838,à une des réunions de cette société, on lut un
rapport de M. Thomas C. Eyton sur un oiseau qu'on sup-
posait avoir la même origine. Quelques années aupara-
vant, on avait observé dans le voisinage de Merrington une
femelle de Téetrao, mais on ne l'avait jamais vue avec
aucun oiseau de son espèce, quand, au mois de no-
vembre, sur les terres avoisinantes fut abattu un oiseau
qui tenait du coq noir et du Faisan. Un autre individu
ressemblant à ce dernier, quoique plus petit, fut tué un
mois plus tard.
On lit dans l'History of the rarer British Birds (4), de
cet auteur, que trois autres oiseaux présentant des carac-
tères hybrides furent tués en même temps que la vieille
poule Tetrix. La même année dans le Wigtownshire, sur
les terres de Lochman, il fut abattu un spécimen que
lon avait pris pour un Dindon sauvage, mais qui fut
reconnu comme produit par l'union du Faisan et du Tetrix.
Une très longue description en a été faite dans le Magazine
of 200log. Botany, par William Thompson.
En 1837, M. Th. Yarrel avait exposé à la Société zoo-
logique de Londres, de la part de M. John Leadbeaton,
un hybride mâle du Faïsan et du Black Grouse (2). Dans
son Histoire des oiseaux de l’ Angleterre (3), 1 mentionne
trois autres spécimens que lui firent connaître le Rev. de
Stoke et M.Selby de Tivizell ; deux furentrencontrés dans
le Devonshire, le troisième dans le Northumberland en
(1) Voy. Proceedings of the zoolog. Society, partie ILE, p. 52. 1834.
(2) Proceedings of the z0olog. Society, p. 139. 1837.
(3) Hist. of British Birds, p.358.
64 —
1839 par lord Howick. Le Zoologist de 1854 mentionne
un autre individu qui fut tué dans un grand bois appelé
Staunton Springs, près de Melbourne, par le garde du
comte Ferrers.
Puis, en décembre 1855, parmi le gibier tué dans les
couverts du comte de Stafford à Enville, on trouva un
très curieux et très bel oiseau qui tenait du coq de bruyère
et du Faisan et ressemblait plus au premier qu’au second(1).
Enfin, en 1883, M. Burton exposait à la Société zoolo-
gique de Éondres un hybride du même genre acheté au
marché de Leadenhall, et en 1886 M. le C Johann Harrach
tuait près de Zèbe, en Bohème, un nouvel exemplaire (2).
Ces exemples nombreux paraissent mettre hors de doute
l'existence d'hybrides provenant du Phasianus colchicus et
du Tetrao tetrix; ils sont confirmés d’ailleurs par plusieurs
savants, notamment par le Pce Ch. Bonaparte, qui, à la
demande Is. Geoffroy Saint-Hilaire, ont bien voulu
recueillir en Angleterre, sur les oiseaux désignés comme
hybrides, des renseignements confirmant pleinement leur
double origine. Celle-ci paraît encore avoir été admise par
MM. Degland et Gerbe (3) qui citent Thompson, par
Westwood (4) d'après Eyton, par Gloger (5), par M. de
Quatrefages, etc. (6).
Des tentatives faites en 1857 pour obtenir des hybrides
du petit coq de bruyère et de la femelle du Faisan en
domesticité, d’abord restées sans résultat (7), paraissent
avoir été ensuite menées a bien (8).
Mais, parmi les Gallinacés, l’hybride le plus répandu et
qui paraît aussi le plus authentique, est assurément le Rac-
(1) Zbid.
(2) Fritsch. (M. O. Ver Wien, p. 98. 1886), cit. par M. le Dr Meyer de Dresde.
(3) Ornithologie européenne, p. 48.
(4) Transactions of the entomological Society, vol. VIIL. London, 1841-1843.
(3) Journal für Ormithologie, 1854, p. 408.
(6) Revue des cours scientifiques, p.740. 1867.
(7) Les Alpes, par Tschudi, p. 394. Strasbourg, 1857.
(8) Voy. Jour. soc. zool. 1883; p. 578, que nous n’avons pu consulter.
kelhane, produit du Tetrao tetrix et du Tetrao urogallus.
Étudié depuis plus d’un siècle par une foule d’ornithologis-
tes qui l'ont considéré tantôt comme espèce, tantôt
comme variété, tantôt comme hybride, 1l doit à Nilsson (1)
d'être bien connu. Celui-ci a, en effet, apporté des preu-
ves si nombreuses en faveur de l’hybridité qu'il serait diffi-
cile de les récuser. Non seulement on a rencontré les
poules du T. urogallus sur les jeux du petit coq, mais
encore on a vu celui-ci sauter sur ces dernières, tandis
que l’on n’a jamais rencontré de poules du T° fetrix sur
les jeux du grand coq. — Le plus grand nombre de nos
savants modernes se sont donc prononcés pour l’hybridité.
Nous citerons parmi eux : Temminck ( Manuel d'Ornitho-
logie, Paris 1820-1840, vol. IT); Naumann/Naturgeschichte
der Vügel Deutschlands, 6 Theïl, Leipzig, 1833); Gould
(Birds of Europa, vol. IV, London 1837); Burdach
(Traité de physiologie, 1838), Macgillivray (History of
British Birds, London 1837); R. Wagner ([Lehrbuch der
Physiologie, Leïipzig 1839); Yarrel (History of British
Birds); Gloger (Journal de Cabanis, 11° année, 1854);
mais il donne indifféremment l’urogallus pour père et le
tetrix pour mère; Morton (Hybridity in animals; in
American Journal, 1847); Tschudi {Les Alpes, Stras-
bourg 1857); Is. Geoffroy Saint-Hilaire ç Hist. générale :
des règnes organiques, t. TT); Quatrefages /Rev. des cours .
scientifiques, 1867-1869); Degland et Gerbe /Ornithologie
européenne); Brehm (Oiseaux, t. II, p. 393, trad. fran-
çaise), etc. : |
Déjà au siècle dernier cette hypothèse avait été soule-
vée et admise par Rutenskiold {Kongl. Svensk. Vetensk.
Handling, 1744) ; Linné [Faune suéd., 1761); Klein
(Ova avium plurimarum, Leipzig 1776) ; Pennant {Arctic
Zoology, vol. I, 1785) ; D" Sparmann [Museum Carlso-
nianum, Holmiæ 1786) ; Latham //ndex ornithologicus,
(1) Skandinavisk F'auna.
7," Mrs
Londini, 1790) ; Bechstein {Gemen. Natur. Deutsch.
Leipzig 1793); Gleichen {Découvertes dans le règne végétal).
— Cependant il faut reconnaître que d’autres naturalistes
s'étaient prononcés pour l'opinion contraire ; c’est ainsi
que Brisson /Ornithologie, t. I, 1760); Buffon [Du petit
Tétras, p.189, Œuvres comp., édit. de 1844); Langsdorff,
Mém. de l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg,
t. IT, 1811), Meyer /Mag. für die neue. Ent., Berlin
1811), et plus récemment le pasteur Brehm /Handbuch
der Naturgeschichte der Vügel Deutschlands, menau,
1831) (1), et Jagareff /Tidser, 1832) font du Rackelhane
soit une espèce, soit une variété.
De nos jours encore des doutes ont été émis dans le
Magasin de zoologie. M. J. B. Jaubert, sans se prononcer
d'une façon catécorique, critique les raisons alléguées par
le D' Gloger, et expose au contraire les motifs qui mili-
tent en faveur d’une véritable espèce.
M. Schintz, dans son ÆEuropæische Fauna, 1840 (2),
n'ose pas se prononcer et « laisse la chose indécise ».
Enfin, Faivre et Godron, le premier en 1868 (3), le
second (4) en 1872, disent, l’un, que les croisements entre
les deux Tétras méritent confirmation; l’autre, en parlant
des produits, qu’il s’agit seulement de variétés.
Quoi qu’il en soit, le Rackelhane est généralement admis
comme hybride; nous en avons eu encore la preuve tout
dernièrement dans les communications qu'ont bien voulu
nous faire les directeurs ou conservateurs des musées où
figurent ces oiseaux, répandus aujourd'hui dans toutes les
collections, que l’on rencontre dans les moindres cabinets
et même sur les marchés, à Saint-Pétersbourg comme à
Paris.
I nous serait impossible de donner ici l’histoire de ce
(1) Cité par Nilsson.
(2) P. 279. Stuttgart.
(3) De la variabilité des espèces et de leurs limites.
(4) De l'espèce et des races dans les êtres organisés.
— 72 —
curieux hybride, chassé dans toutes les forêts de l’Alle-
magne, de la Russie, de la Norwège, de la Suède, que
l'on voit aussi en Suisse, dans les Alpes, et en Écosse. —
M. À. B. Meyer, de Dresde, vient de faire paraître un
ouvrage très important sur les Tétras (1). Il s’est étendu
très longuement sur les hybrides de ces oiseaux. Il cite
des faits récents et admet que les hybrides peuvent se
croiser avec les espèces pures. Il a donné la description de
treize exemplaires de Rackelhane nouvellement tués. De
magnifiques gravures accompagnent le texte. Le prof.
Sewertzow a également donné des détails très intéressants
et tout à fait nouveaux sur cet hybride.
On trouvera encore dans le journal de chasse Jagd-
Zeitung, années 1883 et suivantes et dans Mittheilung der
Ornithologischen, plusieurs faits concernant les Rackel-
hanes racontés par le Kronprinz Rudolph. Une expérience
bien curieuse vient d’être tentée par M. Kralik, de Vienne.
Celui-ci, pour la première fois croyons-nous, a obtenu
dans ses volières le croisement de l’urogallus et du fetrix.
Ses essais ont été racontés par M. von Tschusi (2) et par
Student (3), (cités par M. Meyer).
Nous ajouterons que le mâle du T. tétrix se croise
avec la femelle du Lagopède (Ptarmigan), et produit des
hybrides qui ont été décrits par Nilsson (4), Naumann (5),
Yarrel (6), et autres naturalistes. Les musées de Milan,
de Darmstadt, de Varsovie et de Stockholm nous ont fait
savoir qu'ils en possédaient des exemplaires. Huit spéci-
mens sont conservés au musée de Saint-Pétersbourg ; la
plupart sont des mâles avec leur livrée d'hiver ; onze
autres existent à l’université de Christiania, quatre dans
(1) Unser Auer- Rackel- und Birkwild und seine Abarten. Vienne, 1887.
(2) Mittheilungen der Ornithologischen, Vienne, 1884.
(3) Waidenaustheil, 1885. M. Wiebke. dans le Journal für Ornithologie,
année 1885, a parlé sur le même sujet.
(4) Skandinavisk Fauna.
(5) Naturgeschichte.
(6) British Birds.
À
rl
ST 2
la collection d'Upsala, et quatre au musée de Bergen.
M. Albert Collett, qui donne ces derniers renseignements,
vient de publier dans les Proceedings of the z2oologieal
Society of London, 1886, une histoire naturelle très com-
plète de cet hybride, désigné, en Suède et en Norwège,
sous le nom de Rype Orre. M. Wiebke a parlé derniè-
rement (1) de trois exemplaires tués en 1884, le premier
dans les environs d'Helsingfors, le deuxième à Petroza-
vodsk le 23 décembre, et le troisième dans le gouverne-
ment de Novgorod, le 17 janvier. Un quatrième a été
abattu à Kasan au mois de mars de la même année. Nous
apprenons par M. Schlüter, naturaliste de Halle, que le
Musée de cette ville en possède aussi un exemplaire, et
qu'il en existe un autre dans le Musée de Berlin.
Le Tetrix s’'accouplerait aussi avec la Bonasa betulina
(Gelinotte). Dresser, dans les Proceedings of the zoological
Society, en 1876 (2), a le premier signalé ce nouveau croi-
sement. Il montra à une des réunions de la Société un
spécimen paraissant avoir cette origine et appartenant à
M. John Flower, qui l'avait acheté à un marchand
d'oiseaux ; disséqué par M. Dresser, cet oiseau fut reconnu
pour être mâle. M. Th. Pleske (3) vient de décrire dans
- les Mémoires de l’Académie de Saint- Pétersbourg (4) deux
exemplaires ayant la même origine et dont il donne une
figure. Ce sont deux mâles, ils furent pris dans le même
nid par M. Andrejensky en septembre 1860 à Toksowo;
l'un appartient au musée de l’Académie des sciences,
l’autre au cabinet zoologique de l'Université. Un troisième,
une femelle, fut acheté au marché, sans que l’on sache
d'où il venait. M. Pleske ne croit pas se tromper en
désignant pour père de ces oiseaux la Bonasa betulina et
(1) Journal für Ornithologie, 1885, p. 394.
(2) P. 345.
(3) Conservateur au musée zoologique de l’Académie des sciences de
Saint-Pétersbourg.
(4) VIT: série, t. XXXV, n° 5. 1887.
pour mère le T, tetrix; car on ne peut guère admettre,
dit-il, qu'une Gelinotte femelle se rencontre dans les
endroits fréquentés par les coqs de bruyère lorsque ceux-
ci sont en amour. M. Dresser avait fait la même obser-
vation au sujet du spécimen présenté par lui à la Société
zoologique de Londres. M. Lindner, de Salzbourg, a fait
savoir à M. Meyer (1) qu'un nouveau sujet avait été abattu
dans les environs ; malheureusement, il avait été vendu et
on n’a pu le retrouver.
La Bonasa betulina contracterait elle-même des alliances
avecle Lagopus albus.
M. le comte Vertova, de Bergame, nous écrit qu'il possède
dans sa collection un produit auquel on attribue cette ori-
gine et qui a été pris il y a longtemps dans les Alpes. On
avait cru d’abord à un cas d’albinisme ; mais, après avoir
été examiné avec soin par M. Vertova et Le professeur
di Filippi, il a été reconnu pour un hybride de L. albus
et de B. betulina. M. Kolthoff vient de décrire un autre
exemplaire sous le nom de Lagopus Bonasioides dans les
comptes rendus de l’Académie des sciences de Stockholm,
(Band 13. 1888). Cet oiseau se trouve au musée d'Upsala.
I existe aussi des croisements entre le Lagopus mutus et
le T. tetrix. Le comte Alphonse Auersperg, de Laibach,
a donné d'intéressants détails sur ces croisements (2).
M. Newton, en 1878, a exposé à la Société zoologique de
Londres la peau d’un oiseau qu'il supposait être un hybride
de L. mutus et de L. scoticus (3). Enfin, ce dernier oiseau
contracterait des alliances avec le tetrix dit M° Meyer.
Beaucoup de naturalistes ont cru, par l'examen des
sujets qui leur étaient présentés, non seulement pour des
Tétras, mais aussi pour beaucoup d’autres hybrides, pou-
voir déterminer le sexe des deux espèces qui s'étaient
mélangées. — Des expériences assez nombreuses nous ont
(1) Op. cit; p. 91.
(2) Voy. Meyer, Op. cit., p. 88.
(3) Voy. Proceed., p. 793, 1878,
prouvé que, dans une production hybride, le renverse-
ment des sexes n’est point, le plus souvent, cause de varia-
tion (1). Tantôt l'hybride est intermédiaire, tantôt il res-
semble à un parent plus qu'à l’autre, quelquefois même
c’est à peine s'il révèle sa double origine, ses caractères
étant presque uniquement ceux d’une des deux espèces. Il
ressort de là qu’on ne peut davantage déterminer quel est
le degré de pureté des deux facteurs et avancer, comme
on l’a fait quelquefois, que tel hybride provient d’un autre
hybride croisé avec une espèce pure, parce qu'il paraît pos-
séder plus de sang d’une espèce que de l’autre. — Nous
croyons utile de faire ces remarques, parce que souvent,
dans les faits qu'ils rapportent, les auteurs sont portés à
indiquer le sexe des deux espèces mères. Cette détermina-
tion nous parait absolument impossible.
Rapaces.
Il n’y a que peu de chose à dire sur les oiseaux de proie;
on trouve, il est vrai, une mention de leurs croisements
dans Willoughby. Celui-ci dit que les Accipitres et les
autres rapaces d'espèces diverses s’accouplent, « soit que
leur aspect les rende semblables à eux-mêmes, soit parce
qu'ils sont très portés à l’amour. +» M. Michel Menzbier
en a fait aussi une mention dans sa conférence à la Société
zoologique de France (2). Mais aucun fait positif n’a
encore été cité, et tous les croisements qu’il énumère ne
reposent que sur des conjectures. C’est ainsi que deux
formes de Faucons réunies, à tort selon l’éminent profes-
seur de Moscou, sous le nom de Falco Eleonora, se croi-
seraient entre elles ainsi qu'avec les oiseaux provenus de
(1) Sauf dans des cas très rares, comme dans l’union du cheval et de l'âne.
Le bardot, produit du cheval et de l’ânesse,est absolument différent du mulet,
produit par la cavale et par l’âne,
(2) Revue scientifique, p. 519.
Eu
leurs croisements (1); deux Buses, Buteo vulgaris et Buteo
vulpinus,agiraient de même ; l’Aquila pennata etYA . minuta
ne formeraient plus une seule espèce comme l’ont pensé les
zoologistes, et leurs produits devraient être déclarés
hybrides, ete. M. Mentzhier réunit en ce moment les œu-
vres posthumes de N. A. Sewertzow ; plusieurs matériaux
mis en ordre ont été déjà publiés dans les Mémoires de la
Société des Naturalistes, années 1885 et 1888. On y trou-
vera des observations concernant les hybrides supposés
d'Aq. chrysaëtos, nobilis et daphonea. L'expérience
seule pourra confirmer ces dires. Il est toutefois inté-
ressant de constater que ces hybrides paraissent pro-
venir assez souvent d'individus importés, deux exem-
plaires recueillis par le professeur étaient échappés de
captivité (2).
MAMMIFÈRES.
Semblables aux êtres du premier embranchement du
règne animal, les Zoophytes, qui n'ont présenté aucun cas
d'hybridation connu, les Mammifères ne paraissent à l'état
sauvage contracter aucune alliance avec des espèces dif-
férentes de la leur. Rudolphi, dans Beiträge zur Anthro-
pologie(3), a bien dit que Steller avait vu sur l’île de Béring
des lions marins (Phoca jubata) s'accoupler avec des
femelles de l'ours marin (Phoca ursina) ; mais il ne donne
pas cet accouplement comme fécond. En plus, Steller, le
texte consulté (4), ne dit pas qu'il a été témoin de ces
accouplements, mais bien que les ours marins n'osent
(1) Nous avons trouvé dans un livre du Dr Casanova (Zbridismo, etc., 1878,
Milan, p. 62), que le faucon uni à la colombe engendre le coucou !
(2) Ces divers documents viennent de nous être adressés gracieusement,
mais trop tard pour que nous puissions en faire l'analyse,
(3) P. 165. Berlin, 1812.
(4) Ausführliche Beschreibung von sonderbaren Meerthiere, pp. 146-147.
Hall, 1753.
pas retenir leurs femelles lorsque celles-ci et leurs petits
se jouent (mot à mot se rendent joyeuses) avec les lions
marins. On le voit, le texte est large et n'autorise point à
conclure à l’hybridité chez les Mammifères ; car c’est à peu
près le seul fait que l’on ait cité, à moins de prétendre avec
le colonel Hamilton Smith, d'Édimbourg (1), que, dans
l'Inde, le Daim axis produit à l’époque du rut, avec une
espèce de porc,une race intermédiaire connue sous le nom
de daim-cochon; ou bien encore avec Pichat, d’après le
D Casanova de Milan (2), que l’Impooko est le produit
d’un chameau et d’une biche gigantesque !
Nous avons lu aussi, dans Sammlung von Natur und
Medicin de Leipzig, qu'on a tué en Silésie dans la forêt
royale un Cerf ressemblant par la tête et le cou à un che-
val napolitain, On le prit pour le bâtard d’un Élan qui
serait arrivé dans les forêts de la Prusse en s’égarant à
travers les forêts polonaises. Ce recueil date de 1728. On
lit aussi dans l'Histoire des Incas, rois du Pérou, éditée à
Amsterdam en 1704 (3), qu'un Espagnol ayant tué dans la
province des Antis une grande lionne (Puma), on trouva
dans son ventre « deux faons de tigre » qui étaient tache-
tés comme leur père. De telles assertions ne peuvent être
considérées comme sérieuses. [l est vrai que l’on a parlé de
lapins-lièvres, et nous avons eu l’occasion d’en citer nous-
même plusieurs exemples dans une étude sur les lépori-
des (4); mais ces exemples ne sont pas assez concluants.
Depuis, nous avons lu dans les procès-verbaux des séances
de la Société d'acclimatation (5), que dans le pare de M.
le comte d’Aoust (Pas-de-Calais), on prit en furetant dans
une bourse au sortir du terrier un jeune léporide mâle
âgé de cinq mois environ. M. le D’ Blain, qui était présent
(1) The naturalist library, vol. XII, p. 340. 1841.
(2) Tbridismo, etc., série I, p. 62. 1878.
(3) Trad. de l'espagnol de l’Ynca Garcilaso de la Vega par J Baudoin,
t. IL, ch. xvunr, p. 327.
(4) Revue des questions scientifiques, janvier 1887.
(5) P. 54. 1873.
RFTERS
à cette communication, a pensé qu'il s'agissait, soit d’un de
ces Lapins au pelage de Lièvre comme il n’est pas rare
d'en rencontrer, soit d’un léporide né en captivité et qui
aurait retrouvé sa liberté. Nous avons vu aussi à Rouen
chez un naturaliste un animal auquel on attribue une
semblable origine ; ses oreilles sont courtes, son poil est
plus grisâtre que celui du Lièvre, sa tête surtout res-
semble beaucoup à celle du Lapin, mais son corps et
ses pattes sont entièrement ceux du Lièvre. Ce sont les
seuls caractères qui le distinguent ; suffisent-ils pour le
déclarer hybride ?... Disons encore qu'à Florence on con-
serve dans le musée des Vertébrés une forme de Rongeur
attribuée au croisement du Lepus timidus et du L. cuni-
culus, provenant des environs de Palerme. En Sicile, nous
dit le professeur H. Giglioli, directeur de la collection de
Florence, les Lièvres sont assez rares et les Lapins sauva-
ges très communs, ce qui explique à son avis l’origine
hybride de ce petit quadrupède. Il a observé un cas iden-
tique à Messine en 1883. M. de Selys-Longchamps a vu
à Tournay un Lièvre paraissant un hybride du Lapin; ce
lièvre avait été tué en rase campagne. La collection
d'Iéna a aussi possédé un hybride de ZL. timidus et de
L. cuniculus, nous écrit M. Hæckel ; mais cet animal a dis-
paru. On ne nous dit pas s'il avait été pris à l’état sauvage.
Enfin, d’après Tschudi (1), le Lièvre des Alpes et le Lièvre
commun se croiseraient ; des observations exactes, dit-il,
prouvent chaque année la réalité du fait. I cite plusieurs
exemples observés à Ammon au-dessus du lac de Wallen-
stadt, dans l’Emmenthal et dans les montagnes de
l’'Appenzell ; nous pensons que Tschudi a voulu parler de
deux variétés du Lepus variabilis et du Lepus timidus.
M. Oscar von Lœvis a recueilli pendant l’espace de vingt
années une douzaine de métis de ces deux espèces.
(1) Der 200log. Garten, Francfort, 1887, p. 19.
— 79 -
Tels sont les exemples que nous avons pu recueillir
chez les animaux vivant à l’état de liberté.
Cette étude est le résultat d'assez longues recherches,
nous avons consulté un grand nombre de mémoires, de
brochures, d'articles de journaux et de revues. Pour être
aussi complet que possible, nous avons fait appel à beau-
coup de directeurs de musées, de collectionneurs, de
professeurs d'histoire naturelle, etc. ; mais, très proba-
blement, des faits intéressants et que la science a enregis-
trés auront été passés sous silence. Nous nous montrerons
très reconnaissant envers ceux qui, ayant remarqué une
lacune dans notre travail, seront assez obligeants pour
bien vouloir nous la signaler.
Nous croyons cependant pouvoir dès à présent tirer
cette conclusion : L’hybridité est rare dans la nature; si
l'on considère le nombre immense des espèces qui existent
aujourd’hui sur la terre, plus de 143 000, disent Les zoolo-
gistes, les quelques faits que nous avons cités, viendraient-
ils à être décuplés par des observations ultérieures, ne
pourraient encore acquérir une grande importance.
Beaucoup des croisements signalés ont lieu entre
variétés et non entre espèces distinctes. Cette remarque
s'applique spécialement aux animaux dont la couleur se
modifie par croisement. De ce nombre sont les Euplo-
cames de l'Himalaya, quelques Coracias de l'Inde, les
groupes des gorges-bleues, les Corneilles mantelées de
l'Europe septentrionale, des Laniens, plusieurs Bergeron-
nettes, etc.
Une grande partie des croisements entre espèces dis-
tinctes, quoique observés dans la nature, peuvent néan-
moins avoir été déterminés par l’action de l’homme; l’his-
toire des hybrides des Gallinacés, de quelques Cyprinés et
d’autres animaux, dans le détail de laquelle nous n'avons
malheureusement pu entrer, nous l’a montré.
Enfin les hybrides paraissent généralement stériles ou,
s'ils se montrent féconds en se croisant avec les espèces
— 80 —
mères, ils retournent aussi forcément à l’un des deux types
premiers. Comme l’a remarqué avec beaucoup de justesse
le prof. Sewertzow dans ses Ltudes sur les variations des
Aquilinés, si l'ensemble des croisements présente les
combinaisons les plus variées, ces combinaisons aboutissent
toutes cependant au même résultat définiüif : à absorption
des descendants d’hybrides par les deux espèces pures et
à l'effacement complet de leurs caractères diagnostiques
d'hybridation.
Par un hasard bien grand, les accouplements vien-
draient-ils toujours à se produire entre hybrides demi-sang,
il en serait encore probablement de même, à en juger par
les expériences qui ont été entreprises sur lesanimaux
captifs. L'espèce la plus ancienne exerce, lors de l’appa-
rlage, une action prépondérante et l’hybride se dépouille
bientôt de ses caractères mixtes, souvent dès la 2° ou 3°
génération.
L'hybridation ne modifie donc pas l'espèce, au moins
d’une façon durable.
ANDRÉ SUCHETET.
Antiville, par Goderville (Seine-Inférieure).