Skip to main content

Full text of "Li Roumans de Berte aus grans piés"

See other formats


%yjL^'^f9>s. 


BERTE  AUS  GRANS  PJÉS 


LI   ROUMANS 


BERTE  AUS  GMNS  PIES 


ADENES  LI  ROIS 

Poëme  publié,  d'après  le  manuscril  (îe  la  bibliothèque  de  l'Arsenal, 
avec  notes  cl  variantes 


m.    AUG.    SCHELER 

Associé  (le  rAcadt-inic  rovale  <lt-  Belgique,  bibliothécaire  du  Roi 
et  du  Comte  Je  Flandre 


BRUXELLES 


COMPTOIR    UNIVERSEL 
M.    CLOS.SO.\    ET    Ci' 

RDE   SAIKT-JEAN,    26 


C.     MUQUARDT 
H.     UERZBACH     «UCC^* 

LIBRAIRE   DE   LA   COUR 


1874 


If    BIDLIOTHECA         ) 


PO 
.6a 


PRÉFACE 


Après  avoir  publié,  il  y  a  quelques  mois,  les  Enfances 
Ogier,  qui  avec  raison  sont  considérées  comme  le  premier  en 
date  des  quatre  poèmes  d'Adenés,  nous  leur  faisons  succé- 
der aujourd'hui  celle  des  compositions  du  trouvère  braban- 
çon qui  pour  la  popularité  du  sujet  et  pour  son  mérite  poé- 
tique jouit  depuis  longtemps  d'une  légitime  réputation  :  le 
roman  de  Bertlie  aux  grands  pieds.  Avec  Bîteves  de  Com- 
marchis  qui  suivra  de  bien  près  ,  nous  aurons  mené  à  fin 
la  collection  des  œuvres  du  poëte  belge  ,  commencée  en 
1865  par  la  publication  du  Cléomadès. 

Ce  n'est  pas  pour  la  première  fois  que  le  roman  de 
Berthe  se  produit  en  lettres  moulées  dans  la  littérature 
médiéviste.  Dès  1832,  un  des  philologues  français  les  plus 
estimés,  M.  Paulin  Paris,  en  fit  le  chef  de  file  de  cette  série 
de  romans  et  de  chansons  de  gestes  connue  dans  le  monde 
savant  et  en  librairie  sous  le  nom  de  «  Romans  des  douze 
Pairs  ».  Son  édition,  toutefois,  réimprimée  en  1836,  non- 


▼I  PREFACE. 

seulement  est  devenue  presque  introuvable,  mais  elle  avait 
été  établie  sur  certains  principes  qui  ne  satisfont  plus  guère 
aux  exigences  de  la  critique  philologique  moderne.  Nous 
avons  tout  lieu  de  croire  que  l'illustre  académicien,  plus 
que  tout  autre  à  même  d'apprécier  le  progrès  de  la  science, 
reconnaît  lui-même  l'opportunité  de  la  reprise  d'une  tâche 
qu'il  avait  assumée,  il  y  a  quarante-deux  ans,  avec  les  ché- 
tives  ressources  dont  disposait  alors  un  éditeur  de  textes 
antiques.  Pendant  longtemps  on  avait  prêté  à  son  fils, 
M.  Gaston  Paris,  un  des  noms  les  plus  brillants  parmi  les 
romanistes  contemporains,  l'intention  de  refaire  une  édi- 
tion critique  de  notre  poëme,  mais  l'attente  du  public  a  été 
déçue  jusqu'ici.  C'était  pour  nous  une  raison  de  plus  pour 
ne  pas  omettre  dans  la  collection  nationale  des  anciens 
trouvères  belges  la  charmante  composition  d'Adenés  et  de 
la  réimprimer  sur  les  manuscrits  mêmes.  Les  critiques  com- 
pétents jugeront  si  notre  reproduction  a  été  faite  au  profit 
de  la  science  aussi  bien  qu'elle  satisfait  à  un  besoin  réel  de 
la  librairie  française. 

Les  études  consacrées  à  notre  poëme,  tant  au  point  de  vue 
de  son  sujet  que  de  sa  valeur  littéraire,  par  des  savants 
tels  que  MM.Ferd.WoU{U'eber  die  neuesten  Leistung en 
der  Franzosen  filr  die  Herausgahe  ihrer  National- H elden- 
gedichte,  Wien  1833),  Paulin  Paris  {Histoire  littéraire  de 
France,  t.  XX),  Gaston  Paris  {Histoire  poétique  de  Char- 
lemagné)  et  Léon  Gautier  {Épopées  françaises,  t.  II), 
nous  dispensent  de  traiter  à  notre  tour  cette  matière.  Mais 


PREFACE.  Vil 

en  déclinant  le  rôle  d'appréciateur  littéraire  \  nous  ambi- 
tionnons d'autant  plus  le  témoignage  d'avoir  répondu  à 
la  confiance  placée  en  nous  par  la  Commission  académique 
en  ce  qui  concerne  notre  tâche  d'éditeur. 

Il  nous  importe  donc  de  faire  connaître  en  quelques 
lignes  sur  quelles  bases  le  texte  que  nous  publions  est 
fondé. 

Les  manuscrits  connus  de  Berte  ans  grans  pies  sont  au 
nombre  de  six  ;  quatre   sont   conservés  à   la  bibliothèque 


'  M.  Léon  Gautier  répond  parfaitement  à  notre  propre  impression 
en  traçant  de  la  manière  suivante  la  valeur  littéraire  de  Berte 
{Épopées  franc.  H,  p.  10,  notes)  :  «  C'est  le  meilleur  de  nos  romans 
de  la  décadence.  Rien  d'héroïque,  rien  de  primitif;  mais  des  senti- 
ments délicatement  rendus,  une  singulière  pureté  de  style  qui  n'est 
pas  dépourvue  de  toute  prétention  ;  des  descriptions  intéressantes, 
bien  qu'un  peu  longues  ;  toutes  les  qualités  et  fous  les  défauts  d'une 
civilisation  déjà  trop  avancée.  »  M.  Ferd.  Wolf,  ce  profond  explora- 
teur des  littératures  de  l'Europe  occidentale,  s'était  exprimé  dans  le 
même  sens  il  y  a  plus  de  quarante  ans  :  «  La  manière  dont  ce  sujet 
a  été  traité  par  notre  poète,  porte  naturellement  l'empreinte  de  son 
temps,  c'est-à-dire  une  couleur  tout-à-fait  chevaleresque,  une  expo- 
sition fastidieusement  prolixe  et  des  descriptions  minutieuses  ;  mais 
ce  cachet  même  lui  communique  souvent  une  vive  clarté  qui  charme  le 
lecteur.  La  naïveté,  propre  aux  compositions  du  moyen-âge  ,  est  nne 
qualité  qu'AJenés  partage  avec  beaucoup  de  ses  contemporains,  mais 
il  s'en  distingue  par  l'intimité  et  la  délicatesse  du  sentiment  (ainsi,  p.  e., 
les  rapports  entre  Berthe  et  ses  parents  se  présentent  sous  un  aspect 
des  plus  tendres),  par  une  simplicité  toute  naturelle,  par  une  douce 
et  touchante  sensibilité  et  par  une  juste  appréciation  du  caractère 
idyllique  de  la  légende.  Joignez  à  cela  la  pureté,  l'élégance  et  la  grâce 
peu  communes  de  son  style  et  de  sa  versification.  »  Voy.  le  livre  cité 
plus  haut,  p.  68. 


yill  PRÉFACE. 

Nationale  de  Paris,  un  à  celle  de  l'Arsenal  et  un  à  Rouen. 
En  voici  l'indication  exacte. 

A.  Bibliothèque  de  l'Arsenal,  Belles-lettres  françaises ^ 
175,  fin  du  XIIP  siècle  ;   fol.    120  verso  (col.  2)  à  140  v. 

B.  Bibliothèque  Nationale,  mss.  franc.  778  (anc.  7188 
et  467),  XIV-  siècle  ;  fol.  1-22. 

C.  Bibl.  Nat.  mss.  fr.  1447  (anc.  7534  ^  fonds  Colbert 
3124),  fin  du  XIIP  siècle  ;  fol.  21-66. 

D.  Bibl.  Nat.  mss.  fr.  12467  (anc.  suppl.  418),  fin  du 
XIIP  siècle  ;  fol.  78  v^-QS. 

E.  Bibl.  Nat.  mss.  fr.  24404  (La  Vallière  52),  commen- 
cement du  XIV®  siècle. 

Le  sixième  manuscrit,  appartenant  à  la  bibliothèque  de 
Rouen  (Belles  Lettres  42),  est  resté  étranger  à  notre 
édition  '. 

Les  cinq  mss.  de  Paris  que  nous  avons  eus  [sous  les 
yeux,  ne  diffèrent  entre  eux  que  par  des  divergences  ortho- 
graphiques, quelques  changements  insignifiants  de  mots  et 
par  ci  par  là,  par  l'omission,  l'interpolation  ou  la  modifi- 
cation d'un  vers.  Dans  ces  conditions,  la  préférence  devait 


*  Le  ms.  B  étant  le  seul  qui  contienne  le  Charlemagne  de  Girard 
d'Amiens  doit  être  le  même  que  celui  dont  il  est  parlé  dans  le  cata- 
logue ms.  des  bibliothèques  des  rois  Charles  V  et  Charles  VI  (Biblioth. 
Nat.  8354^,  Colbert  1008  et  qui  se  trouve  consigné  aussi  dans  la 
Bibliothèque  pro- typographique  ^e^&no\s,  [■^.  i'è,  n"  4).  M.  Fran- 
cisque Michel  (Chanson  des  Saxons,  Préface,  p.  lvi),  signale  un  sep- 
tième ms.  décrit  dans  la  partie  XI  du  catalogue  de  la  bibliothèque  de 
feu  Richard  Heber,  p.  10,  n°  103. 


PREFACE.  IX 

être  donnée  à  la  leçon  la  plus  conforme  aux  habitudes  de 
langage  propres  à  l'Ile-de-France  et  en  même  temps  la  plus 
soignée  sous  le  rapport  grammatical.  Ces  qualités  se  com- 
binaient dans  le  ms.  de  l'Arsenal  (A)  ;  c'est  donc  lui  que 
nous  avons  cru  devoir  reproduire,  comme  l'avait  fait  notre 
honorable  confrère,  M.  Van  Hasselt,  à  l'égard  du  Cléo- 
madès  ,  comme  nous  l'avons  fait  nous-même  pour  les 
Enfances  Ogier  et  comme  nous  le  ferons  encore  (cette  fois, 
il  est  vrai,  par  absence  de  choix)  pour  Bueves  de  Com- 
marcliis. 

La  transcription,  par  des  raisons  indépendantes  de  notre 
volonté,  n'a  pas  été  opérée  sur  l'original  même,  mais  sur 
la  copie  exécutée,  au  siècle  dernier,  par  Mouchet  et  con- 
servée à  la  Bibliothèque  Nationale  ;  mais  le  transcripteur, 
M.  Deprez,  a  eu  soin  de  vérifier  sa  copie,  avant  de  nous 
la  remettre,  sur  le  manuscrit  de  l'Arsenal  et  de  corriger 
les  quelques  écarts  dont  Mouchet  s'était  rendu  coupable. 
Notre  texte  était  tiré  quand  un  voyage  à  Paris  nous  per- 
mit de  confronter,  à  notre  tour,  les  bonnes  feuilles  avec 
l'original  et  d'y  noter  encore  quelques  petites  corrections  , 
que  nous  avons  consignées  sous  la  rubrique  des  Variantes. 

Ces  dernières  ont  été  recueillies  par  M.  Deprez  en  ce  qui 
concerne  les  mss,  désignés  plus  haut  par  B  et  C  ;  quant  à 
D  et  E,  nous  les  avons  collationnés  nous-même,  un  peu 
rapidement,  à  la  vérité,  mais  suffisamment,  pensons-nous, 
pour  le  but  que  nous  poursuivions  et  qui  ne  comportait  que 
le  relevé  des  changements  de  mots  ou  de  phrases,  et  nulle- 


X  PREFACE. 

ment  celui  des  variations  purement  orthographiques  ou  dia- 
lectales. En  somme,  nous  nous  flattons  que  notre  texte  sera 
reconnu  fidèle  et  exact,  sans  être  servile  au  point  de  repro- 
duire les  moindres  écarts  de  plume  du  scribe  primitif. 

Comme  les  autres  publications  dont  nous  avons  eu  l'hon- 
neur d'être  chargé  par  la  Commission  académique  ,  la  pré- 
sente se  termine  par  des  Notes,  dans  lesquelles  nous  avons, 
aussi  succinctement  que  possible  ,  recueilli  ou  éclairci 
particulièrement  deux  genres  de  faits  :  d'abord  ceux  qui 
nous  semblaient  mériter  l'attention  des  savants  qui  s'occu- 
pent spécialement  de  l'ancien  langage  français  ,  puis  ceux 
qui  pouvaient  offrir  aux  novices  soit  quelque  obscurité,  soit 
une  occasion  d'erreur.  Nous  avons  tâché  de  ne  pas  trop  nous 
répéter  sur  des  points  déjà  touchés  dans  nos  commentaires 
précédents  et  de  ne  pas  multiplier  les  renseignements  qui 
peuvent  être  puisés  dans  les  divers  glossaires  de  vieux 
français  accessibles  à  la  plupart  de  nos  lecteurs. 

Après  les  analyses  diverses  qui  ont  été  faites  du  roman 
de  Berthe,  il  nous  a  semblé  inutile  de  faire  suivre  cette 
préface  d'un  sommaire  tel  que  celui  que  nous  avons  inséré 
dans  les  Enfances  Ogier.  Nous  renvoyons  à  cet  égard  aux 
ouvrages  mentionnés  plus  haut  et  en  outre  à  l'analyse  de  la 
version  en  prose  du  ms.  de  Berlin  (mss.  franc.  130) ,  que 
l'on  trouve  au  premier  chapitre  de  la  3®  partie  des  Roland  s 
Abentheuer  ,  publ,  par  F.  W.  V.  Schmidt  (Berlin  1820). 
Nous  indiquons  encore  à  nos  lecteurs  le  livre  cité  de  M.  Léon 
Gautier  comme  source  d'informations  au  sujet  de  la  littéra- 


PRÉFACE.  XI 

ture  relative  à  la  légende  de  Berthe  en  général  et  au 
poëme  d'Adenés  en  particulier,  en  ajoutant  que  le  texte  du 
poëme  de  Charlemagne  de  Venise,  pour  autant  qu'il  se 
rapporte  à  la  mère  de  l'empereur,  vient  d'être  publié  par 
M.  Mussafîa  dans  la  Romania  de  MM.  Paul  Meyer  et  Gas- 
ton Paris. 

Bruxelles,  25  octobre,  1874. 

AUG.    SCHELER. 


A  l'issue  d'avril,  un  tans  doue  et  joli, 
Que  herbeletes  pongnent  et  pré  sont  raverdi , 
Et  arbrissel  désirent  qu'il  fussent  parflori. 
Tout  droit   en  cel  termine  que  je  ici  vous  di, 
5  A  Paris  la  cité  estoie  un  venredi  : 

Pour  ce  qu'il  ert  devenres,  en  mon  cuer  m'assenti 
K'à  Saint  Denis  iroie  por  priier  Dieu  merci. 
A  un  moine  courtois  c'on  nonmoit  Savari, 
M'acointai  telement,  Damedieu  en  graci, 

10  Que  le  livre  as  estoires  me  moustra,  et  g'i  vi 
L'estoire  de  Bertain,  et  de  Pépin  aussi 
Comment  n'en  quel  manière  le  lion  assailli  ; 
Apprentie  jongleour  et  eserivain  mari 
Ont  l'estoire  faussée,  onques  mais  ne  vi  si. 

15  Ilueques  demorai  de  lors  jusqu'au  mardi, 
Tant  que  la  vraie  estoire  emportai  avoec  mi 
Si  comme  Berte  fu  en  la  forest  par  li. 
Où  mainte  grosse  paine  endura  et  soufri  : 
L'estoire  iert  si  rimée,  par  foi  le  vous  plevi, 

20  Que  li  mesentendant  en  seront  abaubi. 
Et  li  bien  entendant  en  seront  esjoï. 

1 


LI  ROMANS   DE   BERTE 


II 


A  cel  tans  dont  vous  ai  l'estoire  commencie, 
Avoit  un  roi  en  France  de  moult  grant  seignorie, 
Qui  moult  fu  fel  et  fiers  et  de  grant  estoutie  : 

25  Charles  Martiaus  ot  non,  mainte  grant  envahie 
Fist  Gerart  et  Foucon  et  ceaus  de  lor  partie  ; 
Mainte  ame  en  fu  de  cors  sevrée  et   départie , 
Et  maint  hauherc  rompu,  mainte  targe  percie, 
Mainte  tour  abatue,  mainte  vile  essillie. 

30  Puis  en  fu  la  pais  si  et  faite  et  establie 
Qu'il  furent  bon  ami  sans  mal  et  sans  envie. 
Après  vinrent  li  Wandre,  une  gent  maleïe, 
Qui  furent  moult  grant  gent,  plain  de  mescreandie  : 
Puis  furent  lor  gent  morte  et  trestoute  essillie. 

35      D'autre  chose  vous  ai  la  matere  acueillie. 
Entour  la  Saint  Jehan  que  la  rose  est  florie, 
Fu  rois  Charles  Martiaus  en  sa  sale  voutie, 
A  Paris  la  cité  ot  grant  chevalerie  ; 
Aine  n'ot  que  deus  enfans,  n'est  drois  c'on  m'en  desdie 

40  L'uns  ot  non  Carlemans,  moult  fu  de  bone  vie, 
Quatre  ans  fu  chevaliers,  plains  fu  de  courtoisie, 
Et  puis  se  rendi  moines  dedens  une  abeïe  ; 
L'autres  ot  non  Pépins,  par  Dieu  le  fill  Marie, 
Cinc  pies  ot  et  demi  de  long,  plus  n'en  ot  mie, 

45  Mais  plus  hardie  chose  ne  fu  onques  choisie. 
El  jardin  le  roi  ot  mainte  table  drecie, 
Au  mengier  sist  li  rois  et  sa  gente  maisnie  ; 
D'autre  part  sist  Pépins  o  la  bachelerie. 
Leens  ot  un  lion  norri  d'ancesserie, 


AUS  GRANS   PIÉS. 

50  De  plus  crueuse  beste  ne  fu  parole  oïe  ; 
Sa  cage  ot  derrompue  et  toute  depecie, 
Et  son  maistre  estranglé  qui  fu  de  Normendie. 
Par  le  jardin  où  ot  mainte  ente  bien  feuillie, 
S'en  venoit  li  lions  comme  beste  enragie  ; 

55  Deus  damoisiaus  a  mors,  estrais  de  Lombardie, 
Qui  aloient  joant  seur  l'erbe  qui  verdie. 
Charles  Martiaus  saut  sus,  que  il  plus  ne  detrie, 
Sa  fenme  enmaine  o   lui,  ne  l'i  a  pas  laissie. 
N'en  i  a  un  tout  seul  n'ait  la  table  guerpie. 

60  Quant  Pépins  l'a  veu,  de  maltalent  rougie, 

Dedens  une  chambre  entre,  n'ot  pas  chiere  esmarie, 
Un  espiel  i  trouva,  fièrement  le  paumie, 
Vers  le  lion  s'en  va,  ou  soit  sens  ou  folie. 


III 


(juant  Pépins  tint  l'espiel,  n'i  volt  plus  demorer  : 
65  Vers  le  lion  s'en  va,  n'ot  talent  d'arrester  ; 
Apertement  li  va  Pépins  tel  cop  donner. 
Devant  en  la  poitrine  bien  le  sot  aviser, 
L'espiel  jusk'à  la  crois  li  fait  el  cors  coler. 
Parmi  le  cors  li  fait  le  froit  acier  passer, 
70  Mort  l'abat  sor  la  terre,  puis  ne  pot  relever. 
Chascuns  i  acorut  la  merveille  esgarder  ; 
Charles  Martiaus  meïsmes  keurt  son  fill  acoler, 
Et  sa  mère  encommence  de  la  joie  à  plorer  : 
«  Biaus  très  dous  fils  »,  fait  ele,  «  conment  osas  penser 
75  «  Que  si  hideuse  beste  osas  ains  adeser  ?  » 

—  «  Dame  »,  ce  dist  Pépins,  «  on  ne  doit  pas  douter 


LI    ROMANS   DE   BERTE 

«  Chose  que  on  ne  puist  à  nul  blasme  atorner.  » 
Vint  ans  avoit  Pépins,  ainsy  loï  esmer.     . 

En  cesti  ci  matere  ne  veuil  plus  arrester, 
80  Parmi  la  vraie  estoire  m'en  vorrai  tost  aler 
Et  briément  la  matere  et  dire  et  deviser, 
liien  savés  c'on  ne  puet  pas  trestous  jors  durer  ; 
Il  fait  moult  bon  bien  faire,  plus  n'en  puet  on  porter, 
Car  nus  ne  vient  à  vie  ne  couviengne  finer. 

85      Le  roi  Charle  Martel  couvint  à  fin  aler  ; 
Après  morut  sa  fenme,  la  roïne  au  vis  cler  ; 
Conme  droit  hoir  de  France  font  Pépin  coronner. 
Après  le  marièrent  por  son  cors  honorer. 
Sa  fenme  fu  estraite,  sans  mençonge  parler, 

90  De  Gerbert,  de  Gerin,  de  Malvoisin  le  ber. 
A  P"'romont  orent  guerre,  ch'avés  oï  conter. 
Dont  il  couvint  de  cors  mainte  ame  dessevrer, 
Maint  chastel,  mainte  tour  à  terre  craventer, 
S'en  couvint  à  Pépin  mainte  paine  endurer. 
95  Onques  de  celé  fenme  ne  pot  hoir  engendrer, 
Car  il  ne  plot  à  Dieu  qui  tout  a  à  garder. 
Grant  tans  furent  ensamble  ;  se  voloie  aconter 
Toutes  lor  aventures,  ne  porroie  assener. 
Celé  dame  morut,  l'ame  en  puist  Diex  sauver  ! 

100  Après  vorrent  Pépin  assez  tost  marier  ; 
Por  iceste  raison  i  ot  fait  assambler 
Li  rois  tous  ses  barons  en  cui  se  dut  fier. 
Por  regarder  quel  fenme  li  porront  aviser. 
Mais  ne  sèvent  quel  part  fenme  puissent  trouver. 

105  Premiers  en  a  parlé  Engerrans  de  Montcler   : 
«  Sire,  je  en  sai  une,  par  le  cors  St  Omer, 
«  Fille  au  roi  de  Hongrie,  moult  l'ai  oï  loer, 
«  Il  n'a  si  bêle  fenme  deçà  ne  delà  mer  ; 
0  Berte  la  debonaire,   ainsi  l'oï  nonmer.   » 


AUS   GRANS   PIES. 

110  —  «  Seignor  »,  ce  dist  Pépins,  «  ni  a  fors  dou  haster, 
«  Car  celé  vueil  avoir  à  moillier  et  à  per.  » 
Li  rois  Pépins  a  fait  moult  grant  gent  assambler 
Pour  aler  en  Hongrie  la  dame  demander. 
Tous  ceaus  qui  i  alèrent  ne  vous  vueil  deviser  ; 

115  Parmi  celé  Alemaigne  acueillent  lor  errer. 
Mainte  diverse  gent  leur  convint  trespasser. 
En  Hongrie  s'en  vinrent  un  mardi  au  disner  ; 
A  une  grant  cité,  Strigon  l'oï  nonmer. 
Là  trovèrent  le  roi,  qui  moult  fist  à  loer. 

120  Trestoutes  lor  pai'oles  ne  vous  vueill  raconter. 
De  par  Pépin  li  vont  la  pucele  rouver, 
Et  li  rois  lor  otrie,  moult  li  pot  agréer. 
Blancheflor  la  roïne  fist  sa  fille  mander, 
A  nostre  gent  françoise  la  fist  li  rois  moustrer, 

125  Et  no  François  la  vont  sagement  saluer  ; 

Tant  ert  blanche  et  vermeille  con  s'i  peiist  mirer. 
Les  tables  furent  mises,  s'assisent  au  souper. 
Tant  com  il  furent  là,  très  bien  en  font  penser 
Li  rois  et  la  roïne,  et  forment  honnorer. 

130  En  la  terre  ne  vorrent  longuement  sejorner. 

Plus  tost  qu'il  onques  porent  font  lor  oirre  aprester  ; 
Chevaus,  or  et  argent  leur  fist  on  présenter, 
Mais  aine  n'en  vorrent  prendre  la  monte  d'un  soUer. 


IV 


Ijerte  la  debonaire,  qui  n'ot  pensée  avère, 
135  Moult  durement  plorant  prent  congié  à  son  père. 
«  Sire  »,  dist  ele,  «  adieu  !  saluez  moi  mon  frère, 


LI    ROMANS   DB   BERTE 

«  Qui  tient  devers  Poulane  la  terre  de  Grontere.  » 
—  «  Fille  »,  ce  dist  li  rois,  «  ressamblés  vostre  mère; 
«  Ne  soies  vers  les  povres  ne  sure  ne  amere, 

140  «  Mais  douce  et  debonaire  et  de  bone  matere, 
«  Si  k'à  Dieu  et  au  siècle  la  bontés  de  vous  père, 
«  Car  qui  ainsi  le  fait,  moult  noblement  se  père, 
«  Et  cil  qui  bien  ne  fait,  en  la  fin  le  compère. 
«  Aino  plus  bêle  de  vous  ne  vit  rois  n'emperere, 

145  «  Je  vous  conmant  à  Dieu  qui  est  vrais  gouvernere, 
«  Qui  en  cors  et  en  ame  en  soit  dou  tout  gardere.  » 


V 


Tout  droit  à  celui  tans  que  je  ci  vous  devis, 
Avoit  une  coustume  ens  el  tiois  pays 
Que  tout  li  grant  seignor,  li  conte  et  li  marchis 

150  Avoient  entour  aus  gent  françoise  tousdis 
Pour  aprendre  françois  lor  filles  et  lor  fis  ; 
Li  rois  et  la  roïne  et  Berte  o  le  cler  vis 
Sorent  près  d'aussi  bien  le  françois  de  Paris 
Com  se  il  fussent  né  au  bourc  à  Saint  Denis, 

155  Car  li  rois  de  Hongrie  fu  en  France  norris  ; 
De  son  pays  i  fu  menez  moult  très  petis. 
François  savoit  Aliste,  car  leens  l'ot  apris  : 
C'ertla  fille  la  serve,  ses  cors  soit  li  honnis, 
Car  puis  furent  par  li  maint  grant  malice  empris. 

160  Adont  tenoient  Franc  les  Tiois  por  amis, 
S'aidoient  li  un  l'autre  contre  les  Arrabis  ; 
Bien  parut  puis  à  Charles,  qui  fu  rois  poëstis, 
Que  Alemant  estoient  chevalier  de  grant  pris  ; 


AUS   GRANS  PIES. 

Par  aus  fu  puis  mains  Turs  et  mors  et  desconfis. 

165  De  ce  ne  vous  iert  ore  nus  Ions  racontes  dis  : 

De  ce  vous  vueil  parler  que  vous  ai  entrepris. 


VI 


Moult  fu  Berte  courtoise  et  plaine  de  franchise, 
N'est  nus  qui  la  connoisse  qui  forment  ne  la  prise. 
Le  jour  que  ele  dut  sa  voie  avoir  emprise, 

170  S'est  devant  le  roi  Floire  son  père  à  génois  mise, 
En  plorant  prent  congié  sans  mal  et  sans  faintise. 
Blanche  fu  et  vermeille  et  plaisans  à  devise, 
N'ot  plus  bêle  pucele  de  là  dusques  en  Pise, 
Et  de  faire  tout  bien  fu  en  grant  couvoitise, 

175  Si  k'à  pièce  ne  fu  de  nul  meflfait  reprise  ; 

Mais  puis  fu  par  la  serve  en  la  forest  malmise, 
Ainsi  com  vous  orrés  l'estoire  le  devise. 


VII 


Quant  Berte  ot  pris  congié  à  son  père  au  cuer  vrai, 
Forment  li  duelt  li  cuers,  moult  fu  en  grant  esmai. 
180  Les  gens  de  celé  terre,  ne  vous  en  mentirai, 
En  plorèrent  forment  ,  car  vraiement  le  sai. 
«  Fille  »,  dist  la  roïne,  «  je  vous  convoierai, 
«  Sachiez,  au  plus  avant  que  je  onques  porrai  ; 


Ll    ROMAINS   DE    BERTE 

«  Margiste,  vostre  serve,  avoec  vous  laisserai 

185  «  Et  Alistô  sa  fille,  plus  belle  rien  ne  sai , 

«  Pour  ce  que  vous  ressamble,  assez  plus  chiere  l'ai, 
«  Et  Tibert  lor  cousin  avoec  envolerai, 
«  Bien  savez  que  tous  trois  de  servage  getai 
«  Et  que  de  mes  deniers  chascun  d'aus  rachetai, 

190  «  Et  par  ceste  raison  trop  plus  m'i  fierai.  » 
—  «  Dame  »,  ce  a  dit  Berte,  «  et  je  les  amerai, 
«  Ne  de  chose  que  j'aie  jamais  ne  leur  faurrai^ 
«  Trestoutes  mes  privances  par  leur  conseil  ferai  ; 
«  Aliste  ,  se  je  puis,  très  bien  marierai.    » 

195  —  «  Fille  »,  dist  la  roïne,  «  bon  gré  vous  en  sarai.  » 
Un  lundi  par  matin,  por  voir  le  vous  dirai, 
Orent  Bertain  montée  sor  un  palefroi  bai  ; 
Des  jornées  qu'il  firent  trop  ne  vous  conterai. 
Par  Sassogne  s'en  vinrent  ;  par  le  duc  Nicholai 

200  La  duchoise  estoit  suer  Bertain  ;  quant  j'esgardai 
L'estoire  à  Saint  Denis,  tout  ainsi  le  trouvai. 
D'aprochier  la  besongne  plus  ne  detrierai. 
«  Fille  »,  dist  Blancheflor,  «  arrière  m'en  irai, 
«  De  par  vous  vostre  frère  forment  saluerai  ; 

205  «  Se  bien  ne  vous  prouvez,  de  la  dolor  morrai  ; 
«  Cel  anel  de  vo  doit  o  moi  enporterai, 
«  En  lermes  et  en  plors  souvent  le  baiserai.  » 
En  plorant  li  dist  Berte  :  «  Dame,  je  le  ferai.  » 


VIII 


Berte  prent  l'anelet,  qu'ele  plus  n'i  délaie, 
210  A  sa  mère  le  baille,  moult  pleure,  moult  s'esmaie. 
«  Fille,  à  Dieu  vous  conmant  par  cui  11  solaus  raie  ; 


AUS   GRANS   PIES. 

«  Or  vous  faites  amer  gent  letrée  et  gent  laie  ; 
«  Qui  de  bien  est  venus,  drois  est  k'à  bien  retraie 
«  Adès  de  plus  en  plus,  si  que  jà  n'en  retraie.  » 

215  —  «  Douce  mère  »,  fait  ele,  «  il  m'est  avis  que  j'aie 
«  Parmi  le  cuer  dou  ventre  d'un  coutel  une  plaie.  » 
—  «  Fille  »,  dist  la  roïne,  «  soies  joians  et  gaie  : 
«  Vous  en  alez  en  France,  de  ce  mes  cuers  s'apaie, 
«  K'en  nul  pays  n'a  gent  plus  douce  ne  plus  vraie.  » 

220  Au  départir  chascune  à  plorer  se  rassaie  ; 
Berte  chaï  pasmée  sor  un  drap  noir  com  saie. 


IX 


La  roïne  s'en  va  à  Dieu  conmandement  ; 

Berte  remest  pasmée  deseur  le  pavement. 

La  duchoise  sa  suer  entre  ses  bras  la  prent, 
225  Blancheflor  fait  tel  duel  près  li  cuers  ne  li  fent  ; 

En  Hongrie  revient  là  où  li  rois  l'atent. 

Lor  oirre  ont  aprestée  nostre  françoise  gent  ; 

A  sa  suer  prent  congié  Berte  qui  ot  cuer  gent, 

El  palefroi  la  metent  sa  gent  moult  doucement. 
230  Alemaigne  trespassent,  n'i  font  delaiement  ; 

A  Saint  Herbert  passèrent  le  Rin  isnelement. 

Par  Ardenne  chevauchent  sans  nul  detriement  ; 

A  Rostemont  sor  Muese  ont  pris  herbergement, 

Un  très  riche  chastel  qui  siet  moult  noblement  : 
235  Entre  deus  grans  rivières  siet  seignoriement, 

Fores  et  praeries,  tout  ce  n'i  faut  noient  ; 

Puis  le  frema  dux  Namles  de  Baiviere  autrement 

Qu'ele  n'estoit  fremée  et  moult  plus  fortement  ; 


10  Ll    ROMANS   DE   BERTE 

Pour  ce  que  Namles  est  plains  de  grant  hardement, 

240  Preus  et  loiaus  et  sages  et  de  bon  escient, 
Fu  Namur  apelée  despuis  conmunement. 
Li  quens  les  herberga  moult  honnoréement  ; 
Cousins  ert  le  roi  Floire  à  cui  Hongrie  apent. 
A  nostre  gent  françoise  fist  maint  riche  présent, 

245  Mais  aine  ne  vorrent  prendre  chevaus,  or  ne  argent. 
De  Rostemont  se  partent  au  matin  liement, 
Hainaut  ont  trespassé,  Vermandois  ensement  ; 
De  ce  ne  vous  ferai  plus  nul  alongnement. 
Tout  droit  un  diemenche,  ainsi  com  je  l'entent, 

250  Sont  venu  à  Paris  devant  l'avesprement. 
Encontre  va  li  rois  moult  très  joieusement 
Et  sont  en  sa  conpaigne  plus  de  mil  et  sept  cent, 
Qui  trestout  sont  de  lui  tenant  grant  chasement  ; 
Berte  vont  saluer  bel  et  courtoisement. 

255  Conme  sage  et  courtoise,  chascun  son  salut  rent 
Com  celé  qui  estoit  de  grant  apensement, 
Et  dist  li  uns  à  l'autre  :  «  Par  le  cors  St  Climent, 
«  Moult  avons  bêle  dame  et  de  joene  jouvent.  » 
Les  cloches  de  la  vile  sonnèrent  hautement  ; 

260  De  ce  ne  vous  vueill  faire  nul  lonc  acontement, 
Car  n'ot  rue  en  la  vile,  par  le  mien  escient, 
Ne  fust  toute  couverte  de  dras  très  richement, 
Et  les  rues  jonchies  d'erbe  très  netement. 
Et  les  dames,  parées  contre  l'avènement, 

265  Carolent  et  festient  et  chantent  hautement  ; 
De  joiaus,  de  richesces  toute  Paris  resplent. 
Au  peron  de  la  sale  la  roïne  descent  ; 
Maint  haut  baron  l'adestrent  moult  debonairement, 
Car  de  li  honnorer  a  chascuns  grant  talent. 


AUS   GRANS   PIÉS.  H 


X 


270      Après  la  mi  aoust,  ne  quier  que  vous  en  mente, 
Par  un  jour  si  très  bel  qu'il  ne  pluet  ne  ne  vente, 
Espousa  rois  Pépins  Bertain  la  bêle  gente. 
Richement  fu  vestue  d'un  riche  drap  d'Octrente  ; 
Tel  coronne  ot  el  chief  qui  moult  li  atalente, 

275  Cent  mile  mars  valoit  et  plus,  à  droite  vente, 
Berte  fu  gracieuse  com  est  la  flors  sor  l'ente. 
Chascuns  la  tient  à  bêle,  n'est  nus  ne  s'i  assente. 
Ou  jardin  orent  fait  drecier  la  maistre  tente  ; 
Quant  la  messe    fu  dite,  n'i  firent  longue  atente, 

280  Au  mengier  sont  assis,  ça  cent,  ça  vint,  ça  trente. 
Mains  grans  princes  le  jour  de  servir  se  présente  ; 
Devant  la  roïne  ot  mainte  bêle  jouventc 
Qui  volentiers  la  servent,  nus  ne  s'en  destalente. 
Or  est  ele  moult  aise,  mais  tost  sera  dolente  : 

285  Margiste  li  fera  recevoir  tele  rente, 

Par  son  très  grant  malice  la  metra  en  tel  sente 
Dont  souvent  iert  de  lermes  sa  chiere  moult  suUente, 
Damediex  la  confonde,  Torde  vielle  pullente  ! 


XI 


Les  napes  ont  ostées  ;  quant  vint  après  mengier, 
290  Ménestrel  s'apareillent  por  faire  lor  mestier  ; 
Trois  menestrés  i  ot  qui  moult  font  à  prisier, 


12  Ll    ROMANS    DE   BERTE 

Devant  le  roi  s'en  vinrent,  n'i  vorrent  detriier, 
Et  devant  la  roïne   por  li  esbaniier  : 
Li  uns  fu  vieleres,  on  l'apeloit  Gautier, 

295  Et  l'autres  fu  harperes,  s'ot  non  maistre  Garnier, 
L'autres  fu  leiiteres,  moult   s'en  sot  bien  aidier. 
Ne  sai  conment  ot  non,  mentir  ne  vous  en  quier  ; 
Volentiers  les  oïrent  dames  et  chevalier  ; 
Quant  lor  mestier  ont  fait,  si  s'en  revont  arrier. 

300  Dont  se  dreça  li  rois,  n'i  volt  plus  atargier  ; 
Dames  et  damoiseles  prennent  à  festiier. 
Danses,  baus  et  caroles  veïssiez  conmencier. 
La  roïne  adestrèrent  duc  et  conte  et  princier, 
En  ses  chambres  l'enmainent  por  son  cors  aaisier, 

305  Puis  retornent  arrière,  n'i  vorrent  delaiier, 
La  roïne  ne  vorrent  longuement  traveillier. 
Atant  es  vous  Margiste,  cui  Diex  doinst  encombrier  : 
Jà  avoit  en  son  cuer  le  conseil  Taversier, 
Qu'ele  avoit  enpensé  moult  mortel  destorbier. 

310  Encoste  la  roïne  se  va  agenoillier, 

En  l'oreille  li  prent  tantost  à  conseillier  : 
«  Dame,  trop  sui  dolente,  par  le  cors  St  Richier, 
«  Uns  miens  amis  me  vint  dès  ersoir  acointier 
«  Que,  puis  que  Diex  son  cors  laissa  crucefiier, 

315  «  Ne  fu  bons  nus  qui  tant  fesist  à  ressongner 

«  Com  fait  li  rois  Pépins  por  delés  vous  couchier  ; 
«  Quant  li  rois  vous  devra  enquennuit  conpaignier 
«  Et  faire  la  droiture  c'on  fait  à  sa  moillier, 
«  Paour  ai  ne  vous  tut,  si  me  puist  Diex  aidier. 

320  «  Je  le  sai  grant  pieça,   ne  l'osoie  noncier, 

«  Pour  vous,  que  ne  voloie  pas  trop  assouploiier.  » 

Quant  ce  ot  la  roïne,  si  preni  à  lermoiier, 

De  la  paour  qu'ele  a  cuide  le  sens  changier. 

((   Dame  »,  ce  dist  la  vielle,  «  ne  vous  chaut  desmaier, 

325  «  Bien  vous  garandirai,  par  Dieu  le  droiturier  : 
«  Quant  evesque  et  abé  revenront  de  saigner 


AUS   GRANS   PIES.  i3 

«  Le  lit  au  roi  Pépin  qui  France  a  à  baillier, 
«  Vostre  chambre  ferai  de  toutes  pars  widier  ; 
«  Alistete  ma  fille  ferai  tost  despoillier, 

330  «  En  lieu  de  vous  el  lit  la  ferai  je  mucier. 
«  J'en  ai  parlé  à  li,  fait  li  ai  otriier  ; 
«  J'aim  miex  que  aie  muire  que  vous,  mentir  n'en  quier.  » 
Quant  Berte  l'entendi,  prist  la  à  enbracier, 
Damedieu  et  ses  sains  en  prent  à  graciier, 

335  Ne  fust  mie  si  lie  por  l'or  de  Monpellier. 


XII 


(jrant  joie  otla  roïne  quant  ele  ot  la  manière 
Conment  dou  roi  Pépin  se  porra  traire  arrière, 
Nostre  Dame  en  gracie,  la  dame  droituriere. 
De  li  se  départi  la  maie  chamberiere, 

340  En  une  autre  chambre  entre  l'orde  vielle  sorcière, 
Vers  le  jardin  le  roi  bien  près  de  la  rivière  ; 
Sa  fille  y  a  trouvée,  cui  la  maie  mors  fiere, 
A  une  fenestrele  qui  est  faite  de  piere. 
Miex  ressamble  Bertain  que  ne  paindroit  paigniere, 

345  N'ert  femme  qui  à  eles  de  grant  biauté  s'afiere, 
Nient  plus  c'uns  prés  florfs  samble  gaste  bruiere. 
Atant  es  vous  la  vielle  qui  fait  moult  lie  chiere, 
Sa  fille  a  embracie,  si  la  baise  en  la  chiere. 
La  vielle  et  sa  fille  orent  porparlé  en  derrière 

350  Conment  traïr  porront  Bertain  n'en  quel  manière. 

«  Fille  »,  ce  dist  la  vielle,  «  moult  forment  vous  ai  chiere, 
«  Car  vous  serez  roïne,  se  Dieu  plaist  et  saint  Pierre.  » 
—  a   Mère  »,  ce  dist  Aliste,  «  Diex  oie  vo  prière  ! 


14  LI   ROMANS  DE   BERTE 

«  Envoiiés  pour  Tibert,  avis  m'est  qu'il  afiere 
355  «  Qu'il  soit  de  ceste  chose  maistres  et  conseilliere  ; 
0   Mandés  li  k'à  moi  viengne,  hastés  que  on  le  quiere 
«  A  toutes  ces  ensaignes  k'ersoir  ot  m'aumosniere.  » 
Et  la  vielle  meïsmes  i  keurt  comme  levriere, 
De  la  traïson  faire  ne  fu  mie  lanière. 


XIII 


360      Quant  Tibers  ot  le  mant,  moult  fu  en  grant  désir 
K'à  sa  cousine  puist  hastéement  venir, 
Et  quant  il  fu  venus  tost  le  font  assentir 
A  celé  traïson,  moult  li  vint  à  plaisir. 
La  traïson  devisent  entr'aus  trois  à  loisir, 

365  Conment  n'en  quel  manière  i  porront  avenir. 

Par  quoi  Bertain  leur  dame  puissent  France  tolir. 
«  Fille  »,  ce  dist  la  mère,  «  ne  vous  en  quier  mentir, 
«  On  doit  bien  reculer  por  le  plus  loing  saillir  : 
«  De  ceste  chose  ares  un  petit  à  soufrir. 

370  ((  Ennuit  ferai  Bertain  avoeques  moi  dormir  ; 
«  Tout  droit  à  l'ajorner,  quant  devra  esclarcir, 
«  A  vous  l'envoierai  si  com  por  là  gésir  ; 
«  D'un  coutel  en  vo  cuisse  vous  couvenra  ferir 
«   Tel  coup  que  le  cler  sanc  en  couvenra  saillir, 

375  «  Dont  crierés  haro  qu'ele  vous  veut  murdrir  ; 
«  En  la  chambre  entrerai,  tantost  Tirai  saisir, 
«  Dont  de  là  en  avant  m'en  laissiés  couvenir.  » 
—  «  Dame  »,  ce  dist  la  serve,  «  tout  à  vostre  plaisir.  » 
Ainsi  l'ont  devisé,  Diex  les  puisse  honnir  ! 

380  La  nuit  après  souper,  quant  vint  à  l'enserir, 


AtJS   GRANS   PIES.  15 

S'en  vont  vesque  et  abé  por  le  lit  beneVr. 
Après  a  fait  la  vielle  toute  gent  fors  issir. 
Les  uns  après  les  autres  bêlement  départir  ; 
La  clarté  fait  oster  c'on  n'i  pot  riens  choisir. 
385  El  lit  le  roi  Pépin  fait  sa  fille  couvrir  : 

Le  coutel  dont  il  doivent  la  traVson  fournir 

Ont  mis  droit  à  Tesponde,  Diex  les   puist  maleïr  1 


XIV 


Moult  fu  la  vielle  à  aise,   de  joie  prist  à  rire, 
En  sa  chambre  s'en  va  Bertain  sa  dame  dire  : 

390  «  Dame,  je  lais  ma  fille  dolente  et  plaine  d'ire, 

«  Tant  avons  fait  pour  vous  nus  nel  porroit  descrire.  » 
—  ((  Dame,  vous  dites  voir,  Damediex  le  vous  mire  !  »> 
Couchier  l'a  fait  la  vielle  ;  Diex  envoit  mal  martire 
Li,  sa  fille  et  Tybert  ;  tous  maus  en  aus  s'atire. 

395  La  vielle  li  dist  lors  bêlement  tire  à  tire 

Que  droit  au  point  dou  jour  couvient  qu'ele  s'atire 
Et  que  moult  sagement  delez  le  roi  se  vire. 
Berte  la  debonaire  sans  corrouz  et  sans  ire 
Dist  k'ainsi  le  fera,   n'ot  talent  d'escondire, 

400  Riens  que  la  vielle  vueille   ne  li  veut  contredire. 
En  son  lit  en  séant  prist  ses  heures  à   dire, 
Car  bien  estoit  letrée  et  bien  sa  voit  escrire. 


16  LI   ROMANS   DE   BERTE 


XV 


{jele  nuit  fist  li  rois  toute  sa  volenté 
De  la  très  fausse  serve,  plaine  de  mauvaisté  ; 

405  Un  hoir  i  engendra,  par  fine  vérité. 

Qui  Rainfrois  ot  à  non,    n'ot   gaires  de  bonté  ; 
Puis  en  ot  il  un  autre,  Heudri  l'ont  apelé  ; 
Plain  furent  de  malice  et  de  grant  fausseté. 
Devant  l'aube  aparant,  ains  qu'il  fust  ajorné, 

410  A  la  vielle  Tybert  le  traïtour  mandé, 
Et  il  i  est  venus  volentiers  et  de  gré. 
Berte  s'est  esveillie,  n'i  a  plus  demoré, 
En  la  chambre  s'en  entre  bêlement  et  soé, 
Ainsi  comme  la  vielle  li  avoit  conmandé  ; 

415  Venue  est  à  la  serve,  qui  gist  ou  lit  paré. 
La  serve  l'aperçoit,  n'i  a  plus  sejorné  ; 
Le  coutel  a  saisi,  si  l'a  amont  levé. 
En  sa  cuisse  derrière  a  tel  coup  assené 
Que  li  clers  sans  en  raie  et  de  lonc  et  de  lé. 

420  La  serve  a  le  coutel  à  Bertain  présenté, 
Et  Berte  le  reçoit,  qui  mal  n'i  a  pensé, 
Quar  la  vielle  li  ot  tout  ainsi  enorté. 
Lors  a  la  maie  serve  un  moult  grant  cri  geté  : 
«  Ha  !  rois  Pépins  »,  fait  ele,  «  je  croi,  mar  vous  vi  né 

425  «  Quant  on  me  veut  murdrir  delez  vostre  costé.  » 
Et  li  rois  s'esveilla,   s'a  le  coutel  visé 
Que  la  roïne  tient  trestout  ensanglenté  ; 
En  son  séant  se   drece,  près  n'a  le  sens  dervé. 
Atant  es  vous  la  vielle  qui  fist  samblant  iré, 

430  Vers  sa  fille  s'en  va,  s'a  le  sanc  esgardé. 
Quant  li  rois  l'a  choisi,  si  en  a  Dieu  juré 


AUS  GRANS  PIES.  17 

Que  sa  fille  iert  destruite,  jà  n'en  iert  trestorné. 

«  Ha  !  rois  »,  ce  dist  la  vielle,  «  pour  sainte  charité, 

«  Faites  la  tost  destruire,  jà  n'en  aiez  pité, 

435  «  Jamais  ne  l'amerai  nul  jour  de  mon  aé.  » 
La  vielle  prent  Bertain,  grant  coup  li  a  donné, 
De  la  chambre  l'enboute,  Bertain  vint  moult  en  gré, 
K'encore  cuidoit  ele  que  ce  fust  amisté. 
Et  nepourquant  dou  coup  li  sont  li  œil  troublé  ; 

440  Et  Tjbers  l'a  saisie,  qui  moult  ait  mal  dahé, 
Par  le  mantel  l'enmaine,  si  qu'il  l'a  desciré. 
«  Aide  Diex  »,  fait  Berte,  «  rois  plains  d'umilité, 
«  Que  m'est  il  avenu,  c'ont  ces  gens  enpensé  ?  » 
Lors  a  la  maie  vielle  un  pou  avant  passé, 

445  Un  loien  a  ataint,  Tybert  l'a  présenté  ; 
Bertain  ont  abatue,  n'i  ont  plus  arresté, 
A  force  li  ouvrirent  sa  bouche  estre  son  gré  ; 
A  guise  de  cheval  que  on  a  afrené, 
Li  ont  mis  celé  corde,  ce  fu  grant  cruauté  ; 

450  Derrier  ou  hasterel  li  ont  si  fort   noé 

Que  pour  cent  mile  mars  n'eùst  un  mot  sonné  ; 
Les  mains  li  ont  loiies  par  lor  desloiauté, 
Deseur  un  lit  l'abatent,  un  drap  ont  sus  geté  ; 
Or  en  ait  Diex  pité,  li  rois  de  majesté  ! 


XVI 


455       Quant  il  orent  Bertain  en  tel  point  atornée 
K'estroit  li  ont  la  corde  en  la  bouche  noée, 
En  travers  sor  le  lit  l'ont  ilueques  getée, 
Et  la  mauvaise  vielle  s'est  lez  li  acoutée, 
En  l'oreille  li  dit  basset  à  recelée  : 

s 


18  Ll"  ROMANS     DE   BERTE 

460  «  Se  vous  criez  »,  fait  ele,  «  par  la  Virge  honnorée, 
«  Vous  ares  jà  moult  tost  celé  teste  coupée.  » 
Quant  Berte  l'entendi  ,  moult  fu  espoentée  ; 
Bien  voit  qu'il  l'ont  traie  et  qu'ele  est  enganée  ; 
De  duel  et  de  mesaise  s'est  ilueques  pasmée. 

465  Et  la  vielle  s'en  torne,  n'i  est  plus  arrestée  ; 
Tybert  lait  lez  Bertain  qu'ele  soit  bien  gardée. 
En  la  chambre  le  roi  s'en  est  la  vielle  entrée, 
Moult  faisoit  la  dolente  et  moult  sembloit  irée  ; 
Où  qu'ele  voit  sa  fille,    au   pié  li  est  alée  : 

470  «  Dame,  merci,  pour  Dieu  qui  fist  ciel  et  rousée, 
«  Se  vous  saviés  conment  j'ai  ma  fille  atornée, 
«  Bien  diriés  que  n'ai  coupes  en  ceste  destinée.  » 

—  «  Taisiez  vous  »,  dist  li  rois,   «  pute  vielle   prouvée, 
«  Bien  est  vo  traison  veiie  et  esprouvée  ; 

475  «  Bertain  vouliez  murdrir,  ma  fenme,  en  recelée  ; 
«  Vo  fille  sera  arse,  jà  n'en  iert  trestornée.  » 

—  «  Sire  »,  ce  dist  Aliste,  «  or  n'aiez  jà  pensée 
«  Que  par  ceste  fust  onques  traison  pourparlée, 

«  Qu'il  n'a  plus  preude  fenme  jusqu'à  la  mer  betée, 
480  «  Mais  tousjours  a  sa  fille  esté  sote  noée, 
a  Si  con  par  lunoisons  aussi  conme  dervée. 
H  Sire,  un  don  vous  requier  à  ceste  matinée, 
«  C'est  la  première  chose  que  je  vous  ai  rouvée 
«  Puis  que  m'eiistes,  sire,  à  moillier  espousée 
485  «  Et  de  coronne  d'or  fui  pour  vous  coronnée  : 
«  Je  vous  pri,  seur  la  foi  que  vous  m'avez  jurée, 
«  Que  ceste  chose  soit  si  teùe  et  celée 
«  Que  nus  hom  ne  la  sache  qui  soit  de  mère  née  ; 
«  Pour  la  raison  de  ce  k'o  moi  l'ai  amenée, 
490  «  Trop  dolente  en  seroie  s'en  faisiez  renonmée  ; 
«  Mais  prenez  trois  serjans  droit  à  ceste  ajornée, 
«  Si  leur  soit  tost  la  garce  et  errant  délivrée  ; 
«  En  un  lointain  pays  en  soit  tantost  menée, 
«  Là  sera  enfouie  où  ele  iert  estranglée  ; 


AUS   CRANS    PIES.  19 

495  ((  Moi  n'en  chaut  c'on  en  face  mais  qu'ele  soit  tuée,  n 
—  «  Dame  »,  ce  dist  la  vielle,   «  bien  estes  avisée, 
«  Je  vorroie,  par  m'ame,  qu'ele   fust  decolée 
«  Ou  en  aiguë  noiie   ou  au  dyable  alée.    » 
Li  rois  ot  la  requeste,  ne  l'a  pas  refusée, 

500  Ainçois  li  a  trestoute  otroiie  et  graée. 

Tant  a  brassé  la  serve  et  tant  s'en  est  penéa 
Que  la  vielle  sa  mère  s'est  au  roi  acordée 
Et  que  par  li  sera  toute  l'uevre  achevée. 
De  joie  s'est  la  vielle  vers  le  roi  enclince, 

505  Moult  faisoit  laide  chiere ,  moult  par  ert  esplorée  ; 
Bien  ot  la  traïson  et  faite  et  atemprée. 


XVII 


\j  rois  se  dresce  en  piez,  n'i  volt  plus  demorer. 
Car  forment  le  hastoient  de  la  chose  achever  ; 
Il  meVsmes  ala  trois  sorjans  apeler, 

510  Mais  ne  leur  volt  de  riens  la   chose  demoustrer. 
A  Margiste  les  maine,  prent  leur  à  deviser 
Que  tout  ce  qu'ele  veut  facent  sans  refuser. 
«  Seignor  »,  ce  dist  la  vielle,  «  alez  vous  atorner, 
«  Et  je  irai  la  chose  tout  à  point  aprester, 

515  «  Et  lors  ferez  vous  ce  que  verrai  conmander.  » 
La  chambre  où  Berte  fu  leur  a  pris  à  monstre  r  : 
«  Revenez  là  à  mi,  moult  vous  cou  vient  haster.  » 
Lors  s'en  torne  la  vielle,  n'i  volt  plus  demorer, 
Congié  a  pris  dou  roi,  si  prist  à  souspirer  ; 

520  II  samble  à  sa  manière  qu'ele  doive  derver. 
Tout  en  plorant  enprent  le  roi  à  apeler  : 
«  Sire,  recouchiez  vous,  bien  vous  povez  vanter 


âO  LI   ROMANS  DE    BERTE 

«  Que  jamais  de  la  garce  n'orrez  un  mot  sonner  ; 

«  Ne  la  tieng  pas  à  fille,  pour  voir  le  puis  jurer, 
525  «  Puisqu'ele  veut  ma  dame  murdrir  ou  estrangler.  » 

Lors  s'en  départ  la  vielle,  Diex  la  puist  craventer  ! 

Et  la  serve  sa  fille  prent  forment  à  plorer, 

Aussi  qu'ele  eust  duel  prent  moult  à  souspirer. 

Moult  fu  courtois  li  rois,  prent  l'a  reconforter  : 
530  «  Bêle  »,  ce  dist  li  rois,  «  laissiez  ce  duel  ester, 

«  Laissiez  aler  la  garce,  Diex  li  puist  mal  donner  ! 

«  Bien  vous  peiist  encore  ocire  ou  enherber. 

M  Estes  vous  moult  blecie  ?  Nel  me  devez  celer,  » 

—  «  Sire,  nenil  »,  fait  ele,  «  ce  ne  me  puet  grever; 
535  «   Ce  que  je  vi  mon  sanc  me  fait  espoenter  ; 

«  Je  le  vous  mousterrai,  alez  l'uis  refermer.  » 

Tout  ce  li  disoit  ele  pour  lui  faire  muser. 

Pour  avoir  plus  d'espace  de  lor  chose  arreer. 

Et  Tybers  et  la  vielle  n'ont  cure  d'arrester, 
540  Ains  font  Bertain  lor  dame  sor  un  ronchi  lever  ; 

Li  troi  serjant  l'enmainent  droit  après  l'ajorner, 

Et  Tjbers  fu  li  quars  ;  Diex  puist  Bertain  sauver. 

Qui  de  ce  grant  perill  la  vueille  délivrer  ! 

La  vielle  prent  Tybert  son  cousin  à  rouver 
545  Que  le  cuer  l'en  raporte,  ce  ne  veut  oublier. 

Bien  li  a  pris  la  vielle  trestout  à  enorter 

Conment  la  traïson  il  devra  gouverner, 

Et  com  Berte  iert  gardée  qu'ele  ne  puist  parler. 

«  Dame  »,  ce  dist  Tjbers,  «  d'el  vous  convient  penser, 
550  «  Bien  ferai  la  besoigne,  jà  n'en  estuet  douter.  » 

Congié  prent  de  la  vielle,  s'accueillent  lor  errer. 


AUS    GRAKS    PIES.  31 


XVIII 


Après  l'aube  aparant  luisoit  la  lune  'clere, 
Bertain  en  ont  menée,  qui  à  grant  meschief  are. 
Moult  ert  plaine  de  foi  et  de  bone  matera  ; 

555  Bien  l'orent  acouverte  pour  ce  qu'ele  ne  père. 

«  Ha!  sire  Diex  i>,  fait  ele,  a  qui  estes  souvrains  père, 
«  Ce  que  n'ai  desservi  couvient  que  je  compère  ; 
«  Lasse  !  com  j'ai  trouvée  gent  mauvaise  et  amere  ! 
«  A  il  mesaise  ou  monde  qui  la  moie  compère  ? 

560  ((  Lasse  !  mais  ne  verrai  ma  douce  chiere  mare 

«  Ne  roi  Floire  mon  père,  ma  seror  ne  mon  frère  ; 
«  Or  soit  Diex  de  mon  cors  et  de  m'ame  gardere  !  » 


XIX 


Moult  fu  Berte  dolente,  mentir  ne  vous  en  quier, 
Damedieu  reclama,  le  père  droiturier, 

565  Ne  set  où  on  la  maine,  ou  avant  ou  arrier, 

Trestoutes  lor  jornées  ne  vous  vueil  rehercier. 
Quant  à  l'ostel  vendent,  en  chambre  ou  en  solier 
Metoit  Tybers  Bertain,  n'i  laissoit  aprochier 
Nului  fors  lui  tout  seul,  Diex  li  doinst  enconbrier  ! 

570  Et  quant  il  li  donoit  à  boire  n'a  mengier, 
En  son  poing  tenoit  nu  son  bran  fourbi  d'acier. 
Pour  ce  que  la  vouloit  telement  esmaier 
Qu'ele  ne  desist  mot  ne  que  n'osast  noisiar  ; 
De  li  ne  se  vouloit  nule  fois  eslongnier, 

575  Puis  remetoit  la  corde  dedens  sa  boucha  arriar. 


t  LI    ROMA>S     DE    BERTE 

Puis  li  lioit  les  mains  com  félon  pautonnier, 
Enserrer  la  faisoit  dusques  à  l'esclairier. 
Tout  ainsi  s'en  alèrent,  sans  mençonge  acointier, 
Bien  cinq  grandes  jornées,  ne  vorrent  detriier, 

580  Tant  k'en  un  bois  s'en  vinrent  haut  et  grant  et  plenier  : 
C'ert  la  forest  dou  Mans,  ç'ai  oV  tesmoignier  ; 
Lors  se  sont  arresté  desous  un  olivier. 
«  Seignor  »,  ce  dist  Tybers,  «  par  le  cors  St  Richier , 
«  De  plus  avant  aler  n'avons  nous  nul  mestier.  » 

585  Et  cil  li  respondirent  :  «  Bien  fait  à  otroier,  « 
Lors  sont  tuit  descendu  à  terre  sor  l'erbier  ; 
L'uns  avoit  non  Morans,  forment  fist  à  prisier, 
Et  l'autres  Godefrois,  li  tiers  ot  non  Renier. 
La  roine  descendent,  or  li  puist  Diex  aidier  î 

590  Onques  mais  de  si  près  nel  porent  maniier. 
Car  Tybers  n'i  laissojt  fors  que  lui  aprochier. 
Le  drap  deseur  sa  robe  li  font  tost  despoillier, 
Cote  ot  d'un  blanc  bliaut  et  mantel  moult  très  chier. 
Quant  si  bêle  la  voient,  prennent  à  lermoier, 

595  Et  Tybers  li  traïstres  prent  s'espée  à  sachier. 

«  Seignor  »,  ce  dist  Tybers,  «  or  vous  traiez  arrier, 
«  A  un  coup  li  ferai  la  teste  trebuchier.  » 
Quant  Berte  vit  l'espée,  lors  prent  à  sousploier, 
De  paour  va  à  dens  sor  la  terre  couchier  ; 

600  Lors  conmence  la  terre  doucement  à  baisier  ; 
Sa  grant  mésaventure  ne  leur  puet  anoncier. 
Car  la  corde  en  la  bouche  ne  la  laisse  raisnier. 
«  Tybers  »,  ce  dist  Morans,  «  garde,  sor  li  ne  fier, 
«  Car,  par  cel  saint  seignor  qui  tout  a  à  baillier, 

605  «  Jà  verroies  tes  menbres  et  ta  teste  trenchier, 
«  Se  jamais  ne  dévoie  en  France  repairier.  » 


kVS  GRAffS    PIES.  25 


XX 


tiel  jour  fist  moult  lait  tans  et  de  froide  manière. 
Et  Berte  gist  à  dens  par  deseur  la  br^iere  ; 
Paour  a  de  Tjbert  que  il  sor  li  ne  fiere, 
610  Nostre  Dame  reclaime,  la  dame  droituriere. 

«  Seignor  »,  ce  dist  Morans,  «  pensée  aroit  lanière 
«  Qui  si  bêle  pucele  mousterroit  laide  chiere.  » 

—  «  Par  Dieu  » ,  ce  dist  Ty bers ,  «  vis  m'est  que  il  afiere 
«  Que  nous  locions  tost,  puis  retornons  arrière, 

615  «  Car  je  l'ai  en  couvent  Margiste  que  j'ai  chiere.  n 

—  a  Tybers,  »  cedistMorans,  «  dur  cuer  as conme pierre  ; 
«  Se  tu  lui  fais  nul  mal,  par  l'apostre  St  Pierre, 

«  Ne  te  gariroit  raie  tous  li  ors  de  Baiviere 
«  Que  ois  bois  ne  te  soit  à  tousjors  mais  litière.  » 


XXI 


620      ^loult  ot  Tybers  li  lerres  le  cuer  très  corroucié, 
Quant  de  tuer  Bertain  ne  li  ont  otriié  ; 
Neporquant  a  li  fel  le  bran  fourbi  sachié, 
Et  li  troi  serjant  l'ont  par  les  flans  enbracié,. 
Si  qu'il  l'ont  contre  terre  par  force  agenoillié  ; 

625  Chascuns  a  trait  s'espée,  plus  n'i  ont  atargié  ; 
Entrues  que  li  doi  tienent  Tybert  le  renoié, 
Ladesloie  Morans,  qui  en  ot  grant  pitié, 
Le  loien  de  la  bouche  n'i  a  il  pas  laissié. 
«  Bêle,  fuiez  vous  ent,  n'i  ait  plus  detriié, 

630  «  Damediex  vous  conduise  par  sa  douce  amistié  !  >: 


24  Ll     ROMANS    DE    BERTE 

Berte  s'en  va  fuiant,  le  cuer  ot  esmaié, 
Car  bien  cuidoit  sans  faille  avoir  le  chief  trenchié  ; 
En  la  forest  s'enfuit,  moult  a  Dieu  gracile. 
Ainsi  eschapa  Berte  Tjbert  sans  son  congié. 
635  Quant  Tybers  l'a  veu,  moult  ot  le  cuer  irié  : 

«  Seignor  »,  ce  dist  Tybers,  «   mal  avez  esploitié, 
«  Trestouz  vous  ferai  pendre  quant  serez  repairié.  » 


XXII 


tiCl  jour  fist  moult  lait  tans,  car  il  plut  et  espart, 
Berte  s'en  va  fuiant  par  delez  un  essart  ; 

640  Tant  fuit  que  de  li  perdent  li  serjant  le  regart. 

«  Seignor  »,  ce  dist  Morans,  «  si  ait  Diex  en  moi  part 
«  Que  nous  fesimes  moult  que  fol  et  que  musart 
«  Que  pour  faire  tel  murdre  venismes  ceste  part  ; 
«  Bien  samble  gentill  fenme  et  sans  nul  mauvais  art, 

645  «  Damediex  la  conduise  et  la  praigne  à  sa  part  ! 
«  En  ceste  forest  a  maint  ours  et  maint  liépart 
«  Qui  mengie  l'aront  ne  demourra  pas  tart  ; 
«  Esploitié  en  avons  com  félon  et  renart  ; 
«  De  duel  et  de  pitié  trestous  li  cuers  m'en  art.  » 

650  A  ce  mot  remontèrent,  chascuns  de  là  se  part. 


XXIII 


En  la  forest  fu  Berte  repuse  entre  buissons, 
Damediex  la  consaut  et  ses  saintismes  nons  ! 
De  li  ici  endroit  à  parler  vous  lairons  ; 


AUS  GRANS    PIES.  25 

Quant  tans  et  lieus  en  iert,  ici  le  reprendrons. 
655  Li  serjant  s'en  repairent,  n'i  font  arestoisons  ; 

«  Seignor  »,  ce  dist  Morans,  «  savez  que  nous  ferons  ? 

((  Je  lo  que  nous  le  cuer  d'un  porcel  enportons, 

«  A  madame  Margiste  si  le  présenterons  ; 

«  Par  iceste  manière  bien  nous  escuserons, 
660  «  Et  si  savez  bien  tuit  k'en  couvent  li  avons 

«  Que  le  cuer  de  celi  raporter  li  devons. 

«  Tybert  »,  ce  dist  Morans,  «  si  m'aït  St  Sjmons, 

«  Se  vous  ne  l'otriiez,  tantost  vous  ocirons.  » 

—  «  Seignor  » ,  ce  dist  Tybers,  «  cis  consaus  est  moult  bons; 
665  «  Puisqu'ele  est  eschapée,  au  meilleur  nous  tenons  ; 

«  Plus  dout  que  vous  ne  faites,  ne  le  vous  cèlerons, 
«  Que  nous  de  ceste  chose  acusé  ne  soions.  » 
Chascuns  la  fiancié,  cours  en  fu  li  sermons. 
En  iceste  matere  plus  ne  detrierons, 

670  Trestout  ainsi  le  firent  com  ci  vous  devisons  ; 
A  Paris  sont  venu,   ne  vous  en  mentirons. 
Grant  joie  en  ot  la  vielle  quant  oï  lor  raisons. 
«  Dame  »,  ce  dist  Tjbers,  «  nous  vous  en  raportons 
«  Le  cuer,  vez  le  vous  ci,  présent  vous  en  faisons  ; 

675  «  La  pucele  avons  morte,  pour  voir  le  vous  disons.  » 

—  «  Seignor  »,  ce  dist  la  vielle,   «  bien  le  desservirons, 
«  N'avoit  si  maie  garce  tant  com  dure  li  mons.  » 


XXIV 


ij  troi  serjant  s'en  vont,  nus  n'en  est  arrestus, 
A  leur  ostel  s'en  vienent,  chascuns  est  descendus, 
680  Et  Tybers  et  la  vielle  sont  iluec  remansus. 
A  la  fausse  roïne  vont  ensamble  là  sus  ; 


96  Ll    ROUANS    DE   BERTE 

Grant  joie  a  de  Tybert  qui  estoit  revenus. 

«  Dame  »,  ce  dist  Tybers,  «  grans  biens  vous  est  cretis, 

«  Bertain  avons  ocise  à  nos  brans  esmolus.  » 

685  —  «  Tybers  »,  ce  dist  Aliste,  «  loez  en  soit  Jhesus, 
«  Bien  avez  desservi  que  vous  soiez  mes  drus.  » 
Ainsi  fu  de  la  serve  liement  respondus 
Tybers,  car  de  grant  joie  fu  ses  cuers  esmeiis. 
Ains  de  tel  traïson  n'oï  à  parler  nus 

690  Puis  que  de  Judas  fu  nostre  sires  vendus; 
Damediex  qui  en  crois  fu  pour  nous  estendus, 
Doinst  k'encor  leur  en  soit  li  guerredons  rendus  ! 

Bien  ot  li  rois  Pépins  les  Hongrois  receûs 
Et  riches  dons  donnés  et  noblement  veiis. 

695  Tant  font  qu'en  lor  pays  est  chascuns  revenus  ; 
Floire  et  Blancheflour  font  de  par  Pépin  salus 
Et  de  par  Torde  serve,  ses  cors  soit  confondus  î 
D'aus  lairai  à  parler,  n'en  dirai  ore  plus, 
A  Bertain  revenrai.  Ou  bois  qui  ert  ramus 

700  Ert  à  moult  grant  meschief,  ses  cuers  ert  esperdus. 
Souvent  reclaime  Dieu  et  ses  saintes  vertus, 
Ne  sot  quel  part  aler,  tousjours  se  trait  ensus 
Dou  lieu  où  lot  laissie  Tybers  li  mescretis. 


XXV 


La  dame  fu  el  bois,  qui   durement   plora. 
705  S'oV  les  leus  uller  et  li  huans  hua  ; 
Il  esclaire  forment  et  roidement  tonna, 
Et  pluet  menuement  et  grésille  et  venta. 
C'est  hideus  tans  à  dame  qui  conpaignie  n'a. 


AUS    GRANS   PIES. 

Damedieu  et  ses  sains  doucement  reclama  : 
710  «  Ha!   sire   Diex  »,  fait  ele,  «  voirs  est  k'ainsi  ala 

«  De  virge  naquesistes  ;  quant  l'estoile  leva, 

«  Li  troi  roi  vous  requirent  ;  jà  nus  hom  ne  sera 

«  Le  jour  desconseilliés  qu'il  les  reclamera  ; 

«  Melcior  ot  non  cil  qui  le  mirre  porta, 
715  «  Jaspar  ot  non  li  autres  qui  l'encens  vous  donna, 

«  Et  Baltazar  li  tiers  qui  l'or  vous  présenta. 

«  Sire,  vous  le  presistes,  chascuns   s'agenoilla. 

«  Si  voirs  cora  ce  fu  Diex  ne  mengonge  n'i  a, 

«  Si  garis  ceste  lasse  qui  jà  se  dervera.  » 
720  Quant  ot  fait  sa  proière,  son  mantel  escourça, 

A  Dieu  s'est  conmandée,   aval  le  bois  s'en  va. 


XXVI 


Derte  s'en  va  moult  tost  lez  le  pendant  d'un  val, 
Damedieu  reclama,   le  père  esperital, 
Lui  et  sa  douce  mère,  qu'il  la  garde  de  mal  ; 

725  Ne  set  qu'ele  puist  faire,  moult  ot  grant  duel  coral. 
«  Ahi,  vielle  »,  fait  ele,   «  le  cuer  eus  desloial 
«  Qui  ainsi  m'as  traie  de  traïson  crual  ; 
M  Lasse  !  com  arai  hui  soufert  pesant  jornal, 
«  Mal  samble  que  je  soie  de  lignajre  roial  ; 

730  «  Diex  et  sains  Juliens  m'envoit  à  tel  ostal 

«  Que  mengier  ne  me  puist  nule  beste  mortal, 
«  Car  à  Dieu  ai  mon  cuer  fin  et  ferme  et  loial.  » 


LI    ROMANS    DE    BERTE 


XXVII 


(jel  jour  ot  la  roïne  travail  et  paine  maie, 
N'i  ot  sonmiers  à  cofres  ne  dras  troussez  en  maie. 

735  Meson  pour  osteler,  chambre  à  voûte  ne  sale  ; 
Plus  dolente  ert  de  cuer  que  cil  c'on  en  mer  cale. 
Il  n'est  plus   bêle  dame  de  ci  jusqu'en  Tessale, 
Non  au  mien  escient  de  là  jusques  en   Gale, 
Mais  traveillie  estoit,  s'en  ert  un  petit  pale  ; 

740  Or  sachiez  vraiement  n'a  talent  qu'ele  baie  ; 

Dou  mal  tans  ert  sa  robe  un  poi  pesans  et  sale. 
Une  rivière  trueve  qui  d'un  pendant   avale, 
Volentiers  en  beiist,  mais   trouble  est  com  godale. 


XXVIII 


Par  le  bois  va  la  dame,  qui  grant  paour  avoit  ; 

745  Ce  n'est  pas  grant  merveille  se  li  cuers  li  doloit, 
Com  celé   qui  ne  set  quel  part  aler  devoit. 
A  destre  et  à  senestre  moult  souvent  regardoit, 
Et  devant  et  derrière,  et  puis  si  s'arrestoit. 
Quant  s'estoit  arrestée,  moult  tenrement  ploroit, 

750  A  nus  genous  sus  terre  souvent  s'agenoilloit, 
En  crois  sus  l'erbe  drue  doucement  se  couchoit, 
La  terre  moult  souvent  piteusement  baisoit  ; 
Quant  s'estoit  relevée,  maint  grant  souzpir  getoit, 
Blanc!) eflour  la  roine,  sa  mère  regretoit  : 

755  «  Ha  !  madame  »,  fait  ele,  «  se  saviez  orendroit 
«  A  quel  meschief  je  sui,  li  cuers  vous  partiroit.  » 


AUS   GRANS    PIES.  â9 

Lors  rejoingnoit  ses  mains  et  vers  Dieu  les  tendoit  : 
«  Cil  Damediex  »,  fait  ele,  «  qui  haut  siet  et  loing  voit, 
«  Parmi  ceste  forest  hui  en  ce  jour  m'a  voit, 
760  «  Et.  sa  très  douce  mère  en  tel  lieu  me  convoit 
«  Où  mes  cors  à  hontage  mie  livrez  ne  soit  !  » 
Lors  s'assiet  souz  un  arbre,  car  li  cuers  li  failloit, 
Ses  très  bêles  mains  blanches  moult  souvent  detordoit, 
A  Dieu  et  à  sa  mère  souvent  se  conmandoit. 


XXIX 

'65       J^n  la  forest  fu  Berte  qui  fu  gente  et  adroite, 
D'aler  aval  le  bois  moult  très  forment  sesploite, 
Car  fors  à  estre  as  chans  moult  durement  couvoite, 
Mais  la  voie  li  est  moult  diverse  et  estroite, 
Ne  set  quel  part  aler  pour  trouver  la  plus  droite. 

770  «  Ahi  !  vielle  »,  fait  ele,  «  très  mauvaise  et  revoite, 
u  Pourquoi  m'as  envoiie  en  grant  haste  et  en  coite 
«  Dedenz  ceste  forest  en  essil,  en  recoite, 
«  Ne  gart  l'eure  que  bestes  m'i  aient  acueilloite  ; 
«  D'avoir  paine  et  travail  m'avez  bien  escueilloite, 

775  «  De  Dieu  et  de  sa  mère  soiez  vous  maleoite. 

«  Ha  !  sire  Diex  »,  fait  ele,  «  com  sui  en  maie  esploite, 
u  D'anui  et  de  paour  sui  au  cuer  si  destroite, 
tt  Et  car  me  secorez,  mère  Dieu  beneoite  !  » 


XXX 

Ija  fille  Blancheflour,  la  roïne  au  cler  vis, 
780  Fu  dedens  la  forest,  moult  fu  ses  cuers  pensis. 


90  Ll    ROMANS   DE   BERTE 

Fille  fu  au  roi  Floire,  qui  fu  preus  et  gentis  ; 
S'il  savoit  ce  meschief,  moult  seroit  abaubis  ; 
Une  seror  avoit  qui  ot  non  Aelis, 
Fenme  au  duc  de  Sassoigne,  et  si  ert  quens  marchis, 

785  De  Brandebourc  tenoit  la  terre  et  le  pays. 

Moult  fu  de  haut  lignage  Berte,  ce  vous  plevis. 
De  rois,  d'empereours  et  de  princes  eslis. 
Souz  un  arbre  est  assise,  moult  ot  poi  de  delis. 
Vermeille  ert  comme  rose,  blanche  com  llours  de  lis. 

790  «  Ha,  Diex  !  verrai  je  mais  »,  fait  ele,  «  mes  amis? 
«  Ainmi  lasse  dolente  !  com  mes  cors  est  malmis, 
«  Dolens  et  à  mesaise,  courrouciez  et  maris, 
«  Povres  et  esgarez,  essilliez  et  despris  ! 
«  Ha,  Diex  !  je  cuidoie  estre  montée  en  moult  haut  pris 

795  «  Quant  Pépin  fui  donnée,  qui  est  rois  poëstis, 
«  Et  je  fui  amenée  en  la  cit  à  Paris, 
«  Mais  je  voi  vraiement,  si  com  moi  est  avis, 
«  Que  ma  chose  s'en  va  toujours  de  mal  en  pis.  » 
Piteusement  fait  crois  de  ses  braz  seur  son  pis. 


XXXI 


^^      Ija  dame  fu  ou  bois  desouz  un  arbre  assise, 
Vestu  ot  un  bliaut  pardesus  sa  chemise, 
Afublé  un  mantel,  dont  la  penne  estoit  grise, 
Et  li  dras  en  fu  fais  el  régné  de  Lutise  ; 
Bien  sambla  gentil  fenme,  grans  en  fu  la  devise, 

805  Mais  li  cuers  li  faiiloit,  où  n'ot  point  de  faintise. 
Car  si  l'avoit  atainte  et  la  pluie  et  la  bise 
Et  la  grelle  qui  s'i  ert  seur  sa  robe  remise, 
Qu'elle  chaï  pasraée  seur  une  pierre  bise. 


AUS    GRANS    PIÉS.  31 

Quant  vint  de  pasraoison,  sa  parole  a  emprise, 
810  A  Dieu  s'est  conmandée  et  au  cors  saint  Denise  : 

«  Ha  !  cor  ne  set  mes  pères,  li  rois  plains  de  franchise, 
«  Que  j'ai  sans  ma  desserte  tel  mescheance  aquise, 
«  Et  k'en  ceste  forest  sui  si  seule  et  desprise  ; 
«  Je  sai  bien  que  encore  fusse  par  lui  requise, 
815  «  Requerre  me  feroit  d'Espaigne  dusqu'en  Frise, 
«  Mais  je  ne  sai  par  quoi  ne  conment  n'en  quel  guise 
«  Soit  mais  de  moi  à  lui  nule  nouvele  aprise  ; 
«  Je  me  conmant  à  Dieu  qui  le  mortel  juïse 
«  Reçut  pour  pecheours  ;  si  com  je  l'aim  et  prise, 
820  «  Destourt  mon  cors  de  honte  que  ne  soie  maimise 
«  Ne  de  beste  sauvage  dévorée  ne  prise.  » 


XXXII 


Berte  fu  enz  ou  bois  assise  souz  un  fo 
Sor  une  riverete  c'on  apeloit  Mincie  ; 
Ne  puet  outre  passer  s'ele  n'i  passe  à  no.  ' 

885  «  Ha  !  sire  Diex  »,  fait  ele,  «  mon  cuer  à  vous  avo, 
«  Vueillez  que  cors  et  ame  et  quanque  j'ai  soit  vo, 
«  Com  celé  qui  dou  tout  à  vous  servir  me  vo    » 
Si  durement  s'estoit  hurtée  à  un  chaillo 
Que  parmi  son  soler  ot  en  son  pié  un  tro, 

830  Si  sainnoit  com  ce  fust  perceùre  de  clo, 
«  Ainmi  lasse  !  »  fait  ele  ,  «  je  criasse  haro, 
u  Mais  je  n'os  pour  ces  bestes  k'en  ce  bois  glatir  o  ; 
«  D'aler  où  biens  m'aviengne  puis  je  bien  dire  ho, 
«  Car  pour  ce  que  j'ai  froit,  en  mon  mantel  m'enclo  ; 

835  «  Mais  quel  mesaise  k'aie,  tout  adès  Dieu  en  lo. 

«  Ha  !  rois  Pépins  »,  fait  ele,  «  vo  bien  ne  sont  pas  no  , 
«  Vous  en  avez  assez,  et  je  en  ai  trop  po.  » 


Sa  LI    ROMANS  DE   BERTE 


XXXIII 


Derte  gist  sor  la  terre,  qui  est  dure  com  groe  ; 
Il  n'ot  plus  bêle  dame  jusques  à  le  Dynoe, 

840  Sage  fu  et  courtoise,  sans  chiere  et  sans  chipoe. 
Ne  sait  qui  ot  là  fait  un  siège  d'une  hoe, 
Là  s'apoia  la  bêle  qui  de  plorer  fu  roe, 
Car  de  paine  clochoit  com  chevaus  c'on  encloe. 
En  fuiant  li  ont  fait  les  ronces  mainte  escroe 

845  De  sa  robe,  et  la  dame  entour  li  la  renoe. 
Sa  color  n'estoit  pas  de  semblance  de  choe, 
Qu'ele  estoit  aussi  blanclie  corne  croie  c'on  hoe, 
Mellée  de  vermeille  et  polie  com  poe. 
Uns  rainsiaus  l'ot  atainte  parmi  sa  destre  joe 

850  Si  angoisseusement  que  la  chars  en  fu  bloe  ; 
De  travail  et  de  paine  fu  forment  feble  et  floe. 
Mais  quoi  k'ait  à  souffrir,  Dieu  et  sa  mère  en  loe, 
Bassetement,  k'aucune  beste  parler  ne  l'oe  ; 
Souvent  de  son  meschief  li  siens  maus  li  refroe. 

855  «  Ahi,  Eiirs  »,  fait  ele,  «  com  me  faites  la  moe  ! 
«  Et  Fortune  me  torne  diversement  la  roe, 
«  Quant  de  si  haute  honnor  sui  cheùe  en  la  boe  ; 
«  Je  ne  sui  pas  si  aise  com  li  poissons  qui  noe, 
«  Près  sui  k'en  autel  point  que  pinchons  ou  aloe 

860  «  K'espreviers  fameilleus  tient  saisi  en  sa  groe, 
«  Car  je  ne  garde  l'eure  que  à  dens  ou  à  poe 
«  Me  tiengne  ours  ou  lyons  qui  toute  me  desfroe, 
«  Diex,  si  com  vous  savez  que  je  dou  tout  sui  voe, 
•  «  Vueillez  que  vostre  mère  m'ame  de  s'amour  doe 

865  «  Si  amoreusement  que  mais  ne  l'en  descloe, 
«  Sique  avoeques  li  en  paradis  l'encloe, 
«  Car  des  mains  au  dyable  maint  pecheour  desnoe.  » 


AUS   CRANS   PIES.  33 


XXXIV 


Moult  fist  cele  jornée  félon  tans  et  cuivert, 
Et  la  roine  pleure,  qui  suefre  et  a  soufert 

870  Grant  travail  et  grant  paine,  mais  de  cuer  aouvert 
Le  prent  pour  Dieu  en  gré  et  loiaument  le  sert, 
Car  qui  ainsi  le  fait,  paradis  en  dessert. 
«  Diex  !  que  nel  set  ma  mère  »,  fait  ele,  «  au  cors  apert, 
«  Qu'ele  Berte  sa  fille  en  ceste  forest  pert  ; 

875  «  Moult  ot  li  rois  mes  pères  fol  conseil  et  foubert 
«  Qui  me  cliarcha  la  vielle  et  son  cousin  Tybert  ; 
«  Diex  m'en  doinst  tel  venjance  k'encor  soit  descouvert 
«  Lor  maie  traïsou  devant  tous  en  apert. 
«  Quant  je  passai  le  Rin  tout  droit  à  Saint  Herbert, 

880  «  Ne  cuidai  pas  que  ci  fussent  pris  mi  Herbert.  » 


XXXV 


En  la  forest  dou  Mans  fu  la  roVne  Berte 
Et  la  nuis  estoit  moult  et  orrible  et  desperte  ; 
De  chief  et  de  viaire  fu  presque  descouverte, 
La  roïne  s'en  a  grant  froidure  souferte, 

885  Qu'ele  ert  en  la  forest  toute  la  plus  déserte, 

N'i  ot  fors  buissonciaus  où  dou  vent  s'est  couverte. 
Car  selon  son  travail  estoit  forment  à  perte. 
Parmi  son  douz  viaire  s'est  de  son  bliaut  terte. 
Sainte  Barbe  reclaime,  qui  fu  vraie  converte, 

890  Et  Sainte  Katerine  ;  chascune  fu  offerte 

Pour  Dieu  à  grant  martire,  s'en  orent  tel  desserte 

3 


-^  LI    ROMANS   DE   BERTE 

K'en  paradis  leur  fu  la  droite  porte  ouverte, 
«  Dont  doi  je  prendre  en  gré,  se  j'ai  froit  et  poverte  ; 
<  Diex,  si  que  de  vous  croire  sui  fine  et  vraie  et  certe  , 
895  «  Me  gardez  que  ne  soie  prise  à  beste  cuiverte 
«  Ne  mengie  en  ce  bois,  ne  tornée  à  tel  perte.  » 


XXXVI 


Seignor,  or  escoutez,  pour  Dieu  ne  vous  anuit, 
Si  orrez  vraie  estoire  dont  li  ver  sont  bien  duit, 
Moult  volontiers  la  doivent  oïr  toutes  et  tuit, 

900  Car  il  en  est  moult  poi,  si  corn  je  croi  et  cuit, 
Qui  de  vraie  matere  à  ceste  ici  s'apuit  ; 
A  Saint  Denis  en  France,  là  ens  ai  mon  acuit, 
Où  je  trouvai  l'estoire  dedens  un  livre  estruit. 
Li  jours  va  à  déclin,  si  aprocha  la  nuit  ; 

905  Quant  ce  voit  la  roine,  ou  parfont  bois  s'enfuit, 
En  un  lieu  que  bestailles  orent  fait  et  estruit, 
Arbrissiaus  i  avoit  ne  sai  ou  set  ou  huit. 
Grant  paour  ot  dou  vent  qui  menoit  trop  grant  bruit, 
Souvent  s'est  conmandée  au  Damedieu  conduit  ; 

910  Rien  c'on  peiist  mengier  n'i  ot,  ne  cru  ne  cuit, 
Ne  pain  ne  char,  ne  vin  ne  gastiaus  ne  bescuit; 
Un  poi  s'est  aclinée,  qu'ele  avoit  le  chief  vuit. 
Sachiez  que  n'i  ot  gaires  ne  joie  ne  déduit 
La  roïne  qui  puis  porta  le  noble  fruit 

915  De  quoi  maint  Sarrazin  furent  mort  et  destruit. 


AUS   GRANS   PIES.  35 


XXXVII 


Quant  ore  voit  la  dame  k'ens  ou  bois  il  anuite 
Et  que  la  vesprée  ert  felonnesse  et  recuite, 
Contre  vent  fait  escu  d'arbrissiaus,  moult  i  luite  : 
«  Diex  »,  fait  ele,  «  corn  sui  engingnie  et  souduite, 

920  «  Ris  et  soûlas  et  joie  m'ont  bien  clamée  quite, 
«  Dedens  ceste  forest  sui  povrement  déduite  ; 
«  Je  croi  ceste  muchote  que  bestes  l'ont  estruite, 
«  Car  ele  est,  ce  me  samble,  moult  diversement  duite  ; 
«  Je  ne  voi  que  ma  chose  à  nesun  bien  s  afruite, 

925  «   Car  se  eles  me  truevent,  je  sui  morte  et  destruite, 
«  Qu'eles  me  mcngeront  plus  tost  crue  que  cuite, 
«  Tout  aussi  volontiers  com  11  lus  fait  la  truite. 
«  Diex  me  puot  bien  garder  qui  ci  m'a  aconduite  ; 
«  Ci  endi'oit  remaindrai,  je  n'i  voi  autre  fuite.  » 


XXXVIII 


930      Povre  ostel  ot  la  dame,  quant  vint  à  Tanuitier  ; 
N'i  ot  maison  ne  sale,  ne  chambre  ne  solier. 
Ne  coûte  ne  coussin,  linçueil  ne  oreillier, 
Ne  dame  ne  pucele,   serjant  ne  escuier. 
Ne  tapis  estendus  pour  son  cors  aaisier. 

935  Damedieu  reclama,  le  père  droiturier. 
Un  moncelet  a  fait  de  feuilles  d'olivier, 
Que  ele  se  cuida  un  petitet  cluingnier, 
Mais  se  Jhesus  n'en  pense,  11  pères  droiturier, 
Ele  aura  jà  moult  tost  merveilleus  destorbier  ; 


36  LI  ROMANS   DE   BERTE 

940  Car  doi  larron  venoient  de  marcheans  gaitier  ; 
Il  regardent,  si  voient  le  bliaut  blanchoier. 
Li  uns  d'aus  passe  avant,  si  le  corut  sachier  ; 
La  roïne  saut  sus,   si  prent  à  fourmiier, 
Guida  que  ce  fust  beste  qui  la  vousist  mengier. 

945  Quant  cil  la  vit  si  gcnte,  si  la  keurt  enbracier. 
Et  l'autre  li  escrie  :  «  Lai  l'ester,  pautonnier, 
«  Elle  sera  m'amie,  par  le  cors  St  Richier.  » 
—  «  Voire,  sire,  car  vous  la  fesistes  forgier  ! 
«  Se  plus  en  parliiez,  vous  le  comparriés  chier.   » 

950  Cil  oï  la  manace,  le  sens  cuide  changier, 

Un  grant  coûtai  a  trait,  ou  cors  li  va  fichier  ; 
Et  cil  sache  s'espée,  tel  coup  l'en  va  paier 
K'ambedoi  s'entrebatent  tout  sanglent  en  l'erbier. 
Et  la  roïne  Berte  s'est  tost  mise  au  frapier, 

955  Et  pour  le  miex  fuïr  se  prist  à  escourcier. 
Tant  a  fui  la  lasse  tout  un  estroit  sentier 
Que  l'alaine  li  faut  ;   ou  bois  se  va  lancier. 
En  une  drue  espine  s'est  alée  mucier  , 
Jusqu'à  tant  qu'il  fu  nuis  ne  s'osa  redrecier. 

960  Quant  la  nuis  fu  venue,  si  prist  à  lermoier  : 

«  Ha!  nuis.com  serez  longue,  moult  vous  doi  ressongnier, 
«  Et  quant  il  sera  jours,  si  me  puist  Diex  aidier, 
«  Ne  sarai  où  aler  ou  avant  ou  arrier, 
«  Dont  y  a  bien  de  quoi  je  me  doie  esmaier. 

965  «  De  trois  choses  à  l'une  me  couvient  aprochier  : 
«  Ou  je  morrai  de  froit  ou  de  fain  sans  targier, 
(I  Ou  je  serai  mengie  ains  qu'il  doie  esclairier  ; 
«  C'est  povre  parteiire  selon  mon  desirrier, 
«  Mère  Dieu,  car  veuilles  vostre  douz  fill  priier 

970  «  K'à  ce  besoing  me  voeille,  se  lui  plaist,  conseillier, 
ft  Dame,  si  vraiement  com  j'en  ai  grant  mestier.  » 
Lors  se  met  à  genous,  la  terre  va  baisier, 
«  St  Juliens  »,  fait  ele,  «  vueiliés  moi  conseillier  !  » 
Sa  pateinostre  a  dite,  que  n'i  volt  detriier, 


AUS   GRANS   PIES.  37 

975  Sus  son  destre  costé  s'est  alée  couchier. 

De  Dieu  et  de  sa  mère  se  commence  à  saignier, 
Plorant  s'est  endormie  ;  Diex  la  gart  d'enconbrier  ! 


XXXIX 


t^n  un  moult  divers  lieu  d'encoste  une  bruiere 
Ens  ou  pendant  d'un  tertre  ,  delez  une  rivière, 

980  Dort  la  roine  Berte,  souz  son  chief  une  piere; 
A  Dieu  s'est  conmandée  et  au  baron  St  Piere, 
Et  à  la  mère  Dieu,  la  douce  dame  chiere, 
Et  à  Saint  Julien  qui  fu  vrais  hcrbergiere. 
A  ses  mains  avoit  trait  un  petit  de  feuchiere, 

985  Si  en  avoit  couvert  et  son  cors  et  sa  chiere 
Au  miex  qu'ele  povoit,  et  devant  et  derrière. 
Car  moult  doutoit  la  bise  qui  ert  trenchans  et  fiere, 
Ne  les  ronces  n'ont  pas  laissié  sa  robe  entière, 
Et  s'estoit  joene  et  tenre  corn  rousée  en  herbiere. 

990  Moult  ert  sage  et  courtoise  et  de  bonne  manière, 
N'ot  pas  plus  de  seize  ans  quant  la  vielle  sorcière 
L'amena  de  Hongrie,  cui  la  maie  mors  fiere 
Et  Tybert  son  cousin,  qui  est  faus  et  trichiere  ; 
Grant  honte  leur  envoit  la  Dame  droituriere  ! 


XL 


995 


r^ns  ou  bois  ert  la  dama,  qui  n'est  pas  asseUr  ; 
Plust  fust  asseiirée  s'ele  fust  à  Namur, 
Qu'ele  estoit  du  lignage  ou  bon  conte  Glansur, 


58  LI    ROMANS   DE   BERTE 

Qui  l'escu  portoit  d'or  à  un  Ij'on  d'azur 

Et  tint  de  par  sa  fenme  la  terre  de  Saumur, 

1000  Puis  fu  mors  en  bataille  outre  mer  devant  Sur, 
Où  de  gens  sarrazines  ot  estour  moult  très  sur. 
Ne  croi  qu'il  eiist  dame  de  là  dusqu'à  Delfur 
Qui  de  si  grant  afaire  fust  à  tel  meseiir  ; 
Damediex  par  sa  grâce  li  renvoit  boneiir, 

1005  Car  de  très  fin  euer  l'aime,  de  vrai  et  de  meiir. 
De  paine  et  de  travail  dort  si  fort  et  si  dur, 
Desouz  un  arbrisel  lez  un  viez  petit  mur, 
Que  on  ne  l'esveillast  pas  du  son  d'un  tabur. 


XLI 


Derte  dort  enz  el  bois  deseur  la  terre  dure, 
1010  Et  la  nuis  estoit  moult  et  hideuse  et  oscure. 
Et  moult  estoit  li  airs  de  froide  tempreiire, 
Et  la  dame  n'ot  pas  assez  de  vesteiire 
Selonc  ce  qu'ele  ert  joene  et  tenre  créature, 
Mais  ele  par  estoit  de  si  fine  nature, 
1015  De  foi  et  de  créance  si  certaine  et  meiire, 
Com  celé  qui  n'avoit  fors  de  bien  faire  cure, 
K'en  Dieu  croire  et  amer  ot  si  mise  sa  cure 
Que  plus  li  ert  la  chose  fors  et  pesans  et  dure, 
Prent  pour  Dieu  plus  en  gré  tous  les  maus  qu'ele  endure. 
1020  Devant  la  mienuit  li  tans  un  poi  s'escure 

Et  la  lune  est  levée  et  bêle  et  clere  et  pure, 
Et  li  vens  est  cheiis  et  li  tans  s'assetire  ; 
Il  laissa  le  pleuvoir,  s'amenri  la  froidure. 


AUS   GRANS    PIES.  39 


XLII 


£indroit  la  mienuit  laissa  il  le  venter. 

1025  La  roine  sesveille,  si  prent  à  souzpirer, 

De  la  paour  qu  ele  ot  conmença  à  trambler  ; 
A  destre  et  à  senestre  conmence  à  regarder, 
Ciiida  que  il  fust  jours  pour  ce  qu'il  faisoit  cler. 
«  Hai  !  sire  Diex  »,  fait  ele,  «  quel  part  porrai  aler 

1030  «  Où  à  mengier  pelisse  un  petitet  trouver, 

«  Que  j'ai  si  très  grant  fain  que  ne  sai  que  penser.  » 
Lors  conmence  la  dame  tenrement  à  plorer 
Et  son  père  et  sa  mère  forment  à  regreter  : 
«  Ahi  !  ma  douce  mère,  tant  me  soûliez  amer, 

1035  «  Et  vous,  biau  très  douz  père,  baisier  et  acoler  ; 
«  Jamais  ne  me  verrez,  ce  puis  je  bien  jurer,  n 
A  genous  et  à  coûtes  va  la  terre  encliner. 
«  Ha  !  sire  Diex  »,  fait  ele,  «  tu  te  laissas  cloer 
«  Enz  en  la  sainte  croix,  pour  ton  pueple  sauver, 

1040  «  Dont  vous  doit  bien  chascuns  servir  et  honnorer  ; 
«  Qui  plus  a  à  soufrir,  plus  vous  doit  aorer, 
«  Car  vous  le  povez,  sire,  si  bien  guerredonner  ; 
«  Ceaus  qui  ainsi  le  font,  ce  sai  je  sans  douter, 
«  K'en  vo  saint  paradis  les  faites  coronner  ; 

1045  «  Puisqu'il  vous  plaist,  biau  sire,  que  j'aie  à  endurer, 
«  Je  vueil  pour  vous  mon  cors  traveillier  etpener  ; 
«  Or  me  vueilliez,  biau  sire,  de  ce  perill  geter. 
«  Je  vueil  pour  vostre  amour  ici  endroit  vouer 
«  Un  veu  que  je  tenrai  à  tousjours  sans  fausser, 

1050  «  Que  jamais  ne  dirai,  tant  corn  porrai  durer, 
«  Que  soie  fille  à  roi,  ne  k'à  Pépin  le  ber 
«  Soie  fenme  espousée,  jamais  n'en  quier  parler  ; 
«  G'iroie  ains  d'huis  en  huis  mes  aumosnes  rouver, 


40  LI   ROMANS   DE   BERTE 

«  Se  ce  n'est  par  un  point,  celui  en  vueil  oster  : 
1055  «  Je  le  dirai  avant,  pour  moi  faire  douter, 

«  Que  dou  cors  me  laissasse  honnir  ne  vergonder  ; 

«  Ma  virginité  vueil,  se  Dieu  plaist,  bien  garder, 

«  Car  qui  part  pucelage,  ce  est  sans  recouvrer  ; 

«  Diex  me  doinst  et  sa  mère  de  mon  veu  si  ouvrer 
1060  «  Que  à  leur  amour  puisse  droite  voie  assener  !  » 

Une  ondée  revint,  si  prist  à  plouviner, 

Lors  femuce  ou  buisson,  si  lait  le  tans  aler. 


XLIII 


jjerte  la  débonnaire  à  moult  grant  mescief  ère, 
K  a  l'ajorner  fist  tans  de  moult  froide  jnatere, 

1065  «  Ha  !  sire  Diex  »,  fait  ele,  «  vrais  rois,  vrais  gouvernere, 
«  De  mon  cors  et  de  m'ame  soies  vous  hui  gardere, 
«  Car  la  nuit  c'ai  passée  ai  trouvé  moult  amere, 
«  De  moi  faire  à  soufrir  n'a  pas  esté  avère. 
«  Ahi  !  vielle  »,  fait  ele,  «  et  Tybers,  mauvais  1ère, 

1070  «  Vostre  grant  traïson  m'est  vis  que  je  compère  ; 
«  Diex  par  sa  pitié  doinst  que  encore  vous  père  !  » 
Ains  que  gaires  de  jour  là  endroites  apere, 
S'en  départ  la  roïne,  car  la  lune  luist  clere. 


XLIV 


Par  la  forest  dou  Mans,  si  qu'il  fu  ajorné, 
1075  S'en  va  Berte  as  grans  pies,  n'i  a  plus  demoré, 
Souvent  reclaime  Dieu,  le  roi  de  majesté. 


A  us   GRANS   PIES.  44 

Une  fontaine  trueve,  si  en  but  à  plenté. 

Après  ot  si  grant  froit  qu'ele  a  forment  tramblé, 

Ne  set  conment  le  froit  puist  avoir  eschivé. 
1080  Un  petit  sentier  a  la  roïne  trouvé, 

En  cel  sentier  s'enbat,  n'i  a  plus  arresté. 

Tant  a  celui  sentier  poursivi  et  aie 

C'un  hermitage  treuve,  Dieu  en  a  aoré  ; 

Bien  sambloit  l'ermitage  de  vies  antiquité. 
1085  Cela  part  est  alée,  si  a  Tuisset  hurté. 

D'un  maillet  qui  là  pent  a  sor  l'uis  assené, 

Et  Termites  i  vient,  qui  fu  plains  de  bonté  ; 

Un  très  petit  huisset  a  tantost  desfermé. 

Quant  Berte  voit  l'ermite,  de  Dieu  l'a  salué  ; 
1090  «  Frans  hom  »,  fait  ele,  »  ouvrés,  pour  sainte  charité, 

«  Tant  que  mon  cors  eiisse  un  petit  eschaufé, 

«  Car  moult  sui  traveillie  et  plaine  de  lasté.  » 

Quant  cil  la  vit  si  bêle,  le  cuer  ot  trespensé. 

Forment  fu  esbahis  de  sa  très  grant  biauté. 
1095  «  Diex  »,  fait  il,  «  je  vous  tieng  à  mon  droit  avoué, 

«  Ne  soufrés  qu'anemis  ait  sor  moi  poësté. 

«  Dont  vient  si  bêle  fenme  parmi  ce  bois  ramé  ? 

«  Aine  mais  ne  vi  si  bêle  en  trestout  mon  aé  ; 

«  Li  dyables  me  cuide  bien  avoir  engané, 
1100  «  Mais  n'i  ara  povoir,  se  Diex  me  doinst  santé.  » 

Devant  son  vis  fist  crois,  puis  li  a  demandé 

S' ele  estoit  de  par  Dieu,  moult  l'en  a  conjuré. 

«  Sire  »,  fait  ele,  «  oïl,  mon  cuerli  ai  donné.  » 

—  «  Et  dont  estes  vous  née  ?  dites  en  vérité.  » 
1105  «  Sire,  une  fenme  sui  plaine  de  povreté, 

«  Laissiez  m'entrer  leens,  tout  vous  sera  conté 
«  Qui  sui  et  que  je  quier,  jà  ne  vous  iert  celé.  » 

—  «  Bêle  »,  ce  dist  Termites,  «  ne  l'ai  pas  en  pensé 
«  Que  ceens  entre  fenme  ne  yver  ne  esté, 

1110  «  K'ainsi  ont  no  menistre  cest  ordre  devisé  ; 
K  II  a  passé  maint  an  k'ainsi  fu  ordené  ; 


tô  Ll   ROMANS   DE   BERTE 

«  Vous  n'i  enterrez  pas,  car  ainsi  l'ai  voué.  » 
Quant  Berte  l'entendi,  tenrement  a  ploré. 
Et  Termites  li  a  de  son  pain  présenté, 

1115  Noirs  ert  et  plains  de  paille,  ne  Tôt  plus  buleté. 
Berte  le  prent  et  dist  que  Diex  l'en  sache  gré, 
Mais  si  fu  traveillie  qu'ele  n'en  a  gousté, 
Nés  un  tout  seul  morsel  n'en  a  ele  avalé. 
Quant  Termites  le  voit,  si  en  a  souzpiré, 

1120  Ne  s'en  pot  astenir,  des  iex  en  a  lermé  ; 
De  bone  part  li  samble,  si  en  a  grant  pité. 
Il  Teiist  ens  laissie,  jà  n'en  fust  trestorné, 
Mais  il  avoit  le  cuer  si  plain  de  loiauté 
Qu'il  redoutoit  que  il  n'eiist  son  veu  faussé. 


XLV 


1125       «  Jjele  »,  dist  li  preudons,  a  ne  soies  si  irée, 
«  Bien  vous  est  avenu  à  ceste  matinée  ; 
«  Se  croire  me  voulez,  bien  serez  assenée. 
«  A  la  maison  Sjmon  soit  vo  voie  aprestée, 
«  Et  Constance  sa  fenme  qui  est  sage  et  senée  ; 

1130  «  Bone  gent  sont  et  sage  et  de  grant  renonmée. 
«  Là  serés  herbergie  et  très  bien  eschaufée, 
«  K'ainc  ne  vi  meilleurs  gens,  si  soit  m'ame  sauvée. 

—  «  Sire  »,  ce  a  dit  Berte,  «  je  sui  moult  trespensée  , 
«  Car  je  n'i  sai  la  voie,  s'ele  ne  m'est  moustrée.   » 

1135  —  «  Bêle,  ce  dist  Termites,  «  ne  soies  esfreée, 

«  Entrez  en  cel  sentier,  n'en  issiez  pour  riens  née.  » 

—  «  Sire  Diex  le  vous  mire,  qui  fîst  ciel  et  rousée, 
«  Car  je  sai  vraiement,  morte  sui  et  aléa 

«  S'encore  gis  ennuit  en  la  forest  ramée, 
1140  «  K'ennuit  j'i  ai  esté  povrement  ostelée  ; 


AUS   GRANS   PIÉS.  43 

«  Se  j'avoie  cent  vies,  par  la  Virge  honnerée, 
«  Ne  m'en  porroit  pas  estre  une  seule  eschapée.  » 
Quant  Termites  l'entent,  la  porte  a  desfermée, 
En  la  voie  la  met,  à  Dieu  l'a  conmandée, 

1145  De  la  pitié  k'en  a  mainte  lerme  a  plorée; 

Et  Berte  rentre  ou  bois,  dolente  et  tourmentée. 
Quant  ele  ot  une  pièce  la  sentelete  errée. 
Une  ourse  a  encontrée  en  une  grant  valée, 
Qui  vers  li  s'en  venoit  corant  gueule  baée. 

1150  Quant  Berte  l'a  veiie,  moult  fu  espoentée  : 

«  Aide,  Diex  »,  fait  ele,  «  qui  fis  la  mer  salée, 
«  Père  de  paradis,  or  est  ma  vie  outrée.   » 
De  la  paour  qu'ele  ot  est  cheiie  pasmée, 
Et  l'ourse  s'en  départ,  autre  voie  est  tornée  ; 

1155  Moult  tost  eiist  Bertain  mengie  et  estranglée, 
Mais  Diex  l'a  garanti  et  sa  mère  honnorée  : 
Ne  lor  plot  k'ainsi  fust  Berte  à  sa  fin  alée. 
Quant  vint  de  pasmoison,  si  fu  desseUrée 
K'à  pou  que  ele  n'ot  sa  voie  entroubliée. 

1160  A  l'aide  de  Dieu  sa  voie  a  rassenée, 

Car  ce  que  ne  voit  l'ourse  l'a  moult  rasseiirée  ; 
La  mère  Dieu  de  li  fu  souvent  reclamée. 
Ne  povoit  mais  aler,  car  forment  ert  lassée, 
Car  li  fains  et  li  frois  l'avoit  si  adoujée 

1165  Que,  se  Diex  nel  fesist,  c'est  vérité  prouvée, 
Ne  peust  vers  tel  paino  avoir  nule  durée 
Selonc  sa  norreture  dont  ele  ert  gouvernée. 
A  ce  point  l'a  Symons  li  vojers  encontrée. 
Si  tost  com  la  choisi,  a  la  resne  tirée, 

1170  Grant  pitié  ot  pour  ce  qu'ele  ert  si  esplorée. 
Quant  vit  son  mantel  gris  dont  ele  ert  afublée 
Et  sa  cote  qui  ert  en  maint  lieu  despanée 
Des  ronces  qui  l'avoient  ens  ou  bois  descirée, 
Et  vit  Berte  si  blanche  et  si  encolorée, 

1175  Forment  s'esmerveilla  qui  là  lot  îimenée, 


44  LI    ROMANS   DE   BERTE 

Ne  où  si  bêle  fenme  poroit  estre  trouvée. 

Quant  Berte  le  choisi,  tantost  s'est  arrestée  ; 

Symons  li  vient  devant,  de  Dieu  Ta  saluée  ; 

Son  salu  li  rent  Berte  conme  sage  et  senée  : 
1180  «  Sire,  que  la  vostre  ame  soit  de  Dieu  coronnée  ! 

«  Car  me  moustrez  la  voie,  s'il  ne  vous  desagrée, 

«  A  la  maison  Symon,  c'on  la  m'a  moult  loée,  ^ 

«  Si  ares  fait  aumosne,  car  moult  sui  esgarée  ; 

«  Je  ne  menjai  pieça,  toute  sui   afamée, 
1185  «  Et  de  froit  en  ce  bois  sui  ennuit  engelée.  » 


XLVI 


(Juant  Sjmons  ot  Bertain  parler  si  faitemeot, 
Bien  samble  gentil  fenme  ,  moult  grant  pitié  l'en  prent, 
Si  que  l'aiguë  dou  cuer  sus  sa  face  en  descent  : 
«  Bêle,   qui  estes  vous?   dites  seurement.  » 

1190  —  «  Sire  »,  ce  dist  la  dame,  «  jel  vous  dirai  briément: 
«  Devers  Aussai  sui  née,  sachiez  certainement  ; 
«  Moult  a  eli  grant  guerre  ou  pays  longuement  ; 
«  Fille  un  vavasseur  sui  c'on  apeloit  Climent, 
«  Qui  en  perdi  sa  terre  et  tout  son  chasement. 

1195  «   Tout  fumes  essillié  et  tuit  nostre  parent  ; 
«  Par  estranges  pays  queriens  chevissement. 
a  Une  marrastre  avoie  —  Damediex  la  cravant  !  — 
«  Qui  tousjours  me  batoit  moult  dolereusement 
«  Et  de  poins  et  de  pies,  et  menu  et  souvent  ; 

1200  «  Je  nel  poi  plus  soufrir,  ne  me  vint  à  talent, 

«  D'aus  m'enblai  l'autre  jour,  moult  forment  m'en  repent, 
«  Car  puis  en  ai  soufert  grant  paine  et  grant  torment. 
«  Uns  hermites  me  dist  orains  moult  doucement 
«  Que  se  venir  povoie,  par  nul  assenement, 


AUS   GRANS   PIES.  45 

1205  K  Chiez  Symon  le  voier,  trop  y  a  bone  gent, 
«  Herbergie  seroie  et  bien  et  liement, 
«  Mais  je  n'i  sai  la  voie,  s'en  pleure  moult  souvent, 
«  Gentiex  hom  debonaires,  pour  Dieu,  car  la  m'aprent, 
«  Si  ferés  grant  aumosne,  par  Dieu  omnipotent.  » 
1210  —  «  Bêle  »,  ce  dist  Symon,  «  or  ne  plorez  noient, 
«  Cil  sui  que  demandez,  sachiez  le  vraiement.    » 
Quant  Berte  l'entendi,  ses  mains  à  Dieu  en  tent, 
Ne  pot  parler  de  joie  quant  le  preudome  entent. 
En  sa  maison  l'enmaine  le  passet  bêlement  ; 

1215  Symons  huche  sa  fenme.  Constance  o  le  cors  gent, 
Moult  estoit  preude  fenme  et  de   bon   escient  : 
«  Regardez,  suer  »,  fait  il,  a  dont  je  vous  faz  présent, 
«  Trouvé  l'ai  en  ce  bois  trop  merveilleusement  ; 
«  Conté  m'a  son  affaire  et  tout  son  errement, 

1220  «  De  bon  lieu  est  venue,  par  amour  pensés  ent  ; 
«  Ennuit  a  jut  ou  bois  moult  perilleusement, 
«  Moult  forment  me  merveil,  par  le  cors  St  Vincent, 
«  Conment  est  eschapée  des  bestes  telement  ; 
«  Ele  est  toute  engelée  et  s'a  fain  moult  forment. 

1225  «  Or  soies  bien  songneuse  de  son  respassement.    » 
—  «  Sire,  si  serai  je,  ce  vous  ai  en  couvent.  » 
Par  la  main  la  saisist  moult  très  courtoisement. 
Berte  pleure  de  froit  et  dou  mal  qu'ele  sent. 
Et  Constance  en  lermie  moult  très  piteusement. 

1230  En  sa  chambre  l'enmaine,  delez  le  feu  Testent, 

Et  ses  deus  bêles  filles,  sachiez,  moult  humblement 
La  frotent  et  eschaufent  de  cuer  songneusement, 
Et  de  pitié  en  pleure  chascune  tenrement. 
Quant  Berte  sent  le  feu,  à  Dieu  grâces  en  rent. 


46  LI   ROMANS   DE   BERTE 


XLVII 


1235       \  la  maison  Symon,  ne  quier  que  vous  en  mente, 
Fu  Berte  la  roïne  ;  forment  li  atalente 
Ce  qu'ele  est  eschapée  de  si  maie  tormente. 
De  son  meschief  estoit  Constance  moult  dolente. 
Et  ses  filles  aussi  chascune  se  gaimente  ; 

1240  L'une  ot  non  Ysabiaus  et  l'autre  ot  non  Aiglente, 
Bones  erent  et  bêles  et  de  joene  jovente, 
Chascune  ert  de  manière  et  bone  et  bêle  et  gente  ; 
A  Bertain  aaisier  met  chascune  s'entente  : 
A  mengier  li  aportent,  chascune  l'en  présente^,. 

1245  Mais  ele  avoit  ou  bois  reçut  si  maie  rente 

Que  de  pluseurs  meschiés  ot  eiis  plus  de  trente. 
Si  que  ne  pot  mengier,  tant  fu  et  feble  et  lente. 
«  Ha  !  ermites  »,  fait  ele,  «  Diex  t'ame  o  lui  assente, 
«  Quant  pour  ici  venir  me  mesis  en  la  sente, 

1250  «  Car  mes  cors  estoit  mis  à  dolereuse  vente 

«  Enz  ou  bois  où  fait  froit,  car  il  i  pluet  et  vente.  » 
Tout  en  plorant  de  joie,  delez  le  feu  s'adente. 


XLVIII 


(jrant  pitié  ot  Constance  quant  vit  plorer  Bertain, 
Et  Symons  et  ses  filles  chascune  ot  cuer  certain, 
1255  Et  douz  et-debonaire,  piteus  et  fin  et  sain  ; 
A  Bertain  aaisier  met  chascune  la  main, 
Et  Symons  fait  le  feu,  qui  n'ot  pas  cuer  vilain  ; 
Entour  li  font  estendre  tapis  et  blanc  estrain, 


AUS   GR.4NS   PIÉS.  47 

Touailles  eschaufées  li  boutent  en  son  sain. 

1260  «  Constance»,  dist  Syraons,  «je  croi  bienqu'ele  ait  fain.  » 
—  «  Sire,  si  mengera,  par  le  cors  St  Germain.  » 
«  Dame  »,  ce  li  dist  Berte,  «  moult  miex  à  chaufer  m'ain, 
«  Si  ne  menjai  je  riens,  ce  sachiez,  dès  iermain  ; 
«  Nonpourquant  me  donna  Termites  de  son  pain, 

1265  «  Mais  je  n'en  poi  mengier,  tant  avoie  cuer  vain.   » 


XLIX 


Le  fu  par  un  lundi,  au  chief  de  la  semaine, 
Que  Berte  fu  trouvée  en  la  forest  dou  Maine, 
Où  ele  ot  moult  soufert  de  travail  et  de  paine, 
Mais  Diex,  qui  est  donneres  de  joie  souveraine, 

1270  Li  a  à  cel  lundi  envoie  bonne  estraine, 

Selonc  ce  que  ele  ert  de  ses  amis  lointaine, 
Car  Diex  maint  desvoié  bien  à  voie  ramaine. 
Symons  ist  de  la  chambre,  toute  la  gent  enmaine, 
Fors  Constance  et  ses  filles  ;  Berte  lor  fu  prochaine, 

1275  De  li  bien  aaisier  chascune  moult  se  paine. 

La  char  avoit  plus  blanche  que  ne  soit  blanche  laine, 
Et  les  cheveus  plus  blons  que  onques  n  ot  Elaine. 


Berte  fu  chiez  Symon  enz  ou  grant  bois  ramu. 
Constance  et  ses  deus  filles  en  ont  pitié  eii  ; 
1280  Bien  en  mcustrent  samblant,  et  bien  i  a  paru, 
Que  ce  qu  eles  en  font,  a  Bertain  moult  valu  : 


48 


LI   ROMANS   DE   BERTE 


Un  petitet  menjue  quant  reposée  fu. 

«  Bêle  »,  ce  dist  Constance,  a  que  vous  est  avenu  ? 

«  Dont  venez  vous  si  seule  parmi  ce  gaut  fueillu  ?  » 

1285  Berte  de  son  afaire  li  a  tost  respondu, 
Tout  ainsi  k'à  Sjmon  l'avoit  reconneii. 
«  Bêle  »,  ce  djst  Constance,  «  par  Dieu  le  roi  Jhesu, 
«  Mal  fustes  conseillie,  tart  vous  en  a  chalu, 
«  Quant  pour  vostre  marrastre  vo  père  avez  perdu  ; 

1290  «  Sachiez,  vous  en  avez  mauvais  conseil  creii.  » 
—  ((  Dame,  vous  dites  voir,  ainsi  m'est  mescheij, 
«  Je  croi  k'à  moi  requerre  ont  moult  petit  tendu  ; 
«  Ne  donroientde  moi  la  monte  d'un  festu.  » 
Par  ceste  escusion  a  bien  son  veu  tenu, 

1295  Conques  tant  qu'ele  pot  ne  fu  par  li  seii. 
Cel  jour  s'est  bien  chaufée  Berte  delez  le  fu 
Et  à  son  plaisir  a  et  mengié  et   beli. 


LI 


Ijele  »,  ce  dist  Constance,  «  ne  soiez  esperdue, 
«  Conment  avez  à  non  ?  que  bien  soiez  venue.  » 
1300  —  «  Dame  j'ai  à  non  Berte,  si  soit  m'ame  assolue.  » 

—  «  Ce  soit  à  vostre  joie,  qui  vous  soit  avenue  ! 
«  Ainsi  a  non  la  dame  qui  à  Pépin  est  drue, 

«  Fille  au  roi  de  Hongrie,  n'a  mieudre  souz  la  nue, 
«  Chascuns  dist  k'ains  ne  fu  plus  bêle  riens  veUe.  » 
1305  Quant  Berte  l'entendi,  tous  li  sans  li  remue, 
Poise  li  que  de  non  ne  s'est  desconneiie. 
«  Bêle  »,  ce  dist  Constance,  «  mesaise  avez  eiie, 
«  Que  longuement  avez  esté  ou  bois  perdue  ? 

—  «  Dame,  dès  ier  matin,  toute  en  sui  confondue  ; 
1310  «  Ennuit  me  sui  ou  bois  toute  seule  geiie. 


AUS  GRANS   PIES.  49 

a  Mainte  ronce  i  trouvai  et  mainte  espine  agiie, 

«  Qui  m'ont  toute  ma  robe  descirée  et  rompue, 

«  Mainte  trace  m'ont  fait  par  deseur  ma  char  nuo, 

«  Car  de  paour  fuioie  come  une  beste  mue  ; 

1315  «  L'amour  que  m'avez  faite  vous  soit  de  Dieu  rendue. 

«  Bien  a  Diex  et  sa  mère  esté  hui  en  m'ajue 

«  Quant  je  si  matin  sui  de  la  forest  issue  : 

«  Bien  m'avez  reschaufée  et  moult  bien  repeiie, 

«  Grant  mestier  en  avoie,  toute  estoie  vaincue.  » 


LU 


1320       forment  se  repent  Berte  que  son  non  leur  a  dit, 
Ele  amast  assez  miex  que  ele  eiist  mentit. 
«  Constance  »,  dist  Symons,  «  faites  li  faire  un  lit, 
«  Tant  c'un  petit  eiist  reposé  et  dormit, 
«  Que  ou  bois  a  ennuit  eii  pou  de  délit.  » 

1325  —  «  Sire  »,  ce  a  dit  Berte,  «  de  Dieu  vous  soit  merit  ! 
«  Or  ne  puis  je  pas  dire  que  m'eiist  en  despit 
«  Li  bons  preudons  hermites  qui  hui  si  main  me  vit, 
((  Qui  m'ensaigna  la  voie,  de  s'ame  ait  Diex  mercit  ! 
«  S'il  ne  fust,  morte  fusse,  n'i  eiist  contredit.  » 

1330  Puis  dist  entre  ses  dens,  que  nus  ne  l'a  oït  : 
«  Cil  Diex  qui  de  la  virge  en  Bethléem  nasquit, 
«  Il  confonde  Tjbert,  le  mauvais,  le  faillit, 
«  Et  Margiste  la  vielle,  qui  ainsi  m'a  trait  ! 
«  Ne  cuida  pas  mes  pères,  li  rois  au  cuer  hardit, 

1335  «  Ne  Blancheflour  ma  mère,  ne  ma  suer  Aëlit, 
«  Que  pour  tele  aventure  me  donnassent  marit. 
«  Bien  sai,  se  le  savoient,  que  maint  cuer  alentit 
«  Aroit  en  leur  roiaume  et  dolent  et  marit.  » 
Lors  conmence  à  plorer,  le  cuer  ot  abaubit. 

4 


50  LI    ROMANS   DE   BERTE 


LUI 


1340  «  Ijerte  »,  ce  dist  Constance,  «  ne  soiez  desconfîte, 
«  Vo  marrastre  vous  a  et  batue  et  laidite, 
«  Sachiez  que  ele  a  fait  que  mauvaise  et  despite, 
«  Diex  l'en  rendra  encore,  sachiez,  tout  son  mérite. 
((  De  mauvaise  marrastre  est  l'amor  moult  petite  ; 

1345  «  Laissiez  tout  ce  aler,  n'en  soit  parole  dite, 
«  Car  dedenz  cest  ostel  ne  serez  pas  sougite, 
«  Un  mois  vous  doing  l'ostel  trestout  à  vostre  eslite, 
«  De  riens  que  conmandez  ne  serez  jà  desdite.  » 
—  «  Dame  »,  ce  a  dit  Berte,  «  ce  don  ne  claim  pas  quite 

1350  «  Damediex  le  vous  mire  et  le  preudome  ermite  ; 
«  Que  dou  Père  et  dou  Fill  et  dou  saint  Esperite 
«  Soit  vostre  ame  et  la  seue  hui  ce  jour  beneïte.   » 


LIV 


£jn  la  bêle  forest  où  ot  maint  haut  sapin, 
En  la  maison  Sjmon  et  Constance  au  cuer  fin, 

1355  Fu  Berte  la  roïne  ;  moult  tint  le  chief  enclin, 
Moult  souvent  prie  Dieu  qu'il  envoit  bone  fin 
Celui  qui  celé  part  la  mist  ens  el  chemin. 
Moult  en  pense  Constance  de  vrai  cuer  et  de  fin, 
Et  SCS  filles  andeus,  Diex  leur  doinst  bon  destin  ! 

1360  Li  une  li  aporte  à  mengier  d'un  poucin. 

Et  l'autre  li  retrempe  de  fresche  aiguë  son  vin, 
Puis  la  recuevrent  chaut  et  de  gris  et  d'ermin, 


AUS   GRANS   PIES.  51 

Moult  s'en  painent  de  cuer  au  soir  et  au  matin  ; 
Diex,  que  ne  se  vent  ore  qu'ele  est  fenme  Pépin  ! 


LV 


1365       \  la  maison  Symon,  en  la  chambre  perrine, 
Se  gist  Berte  as  grans  pies  desouz  une  courtine. 
Diex,  que  ne  set  Constance  que  ce  soit  la  roïne 
Que  on  eiist  ainsi  laissie  en  la  gaudine  ! 
Se  ele  le  seûst,  moult  fust  à  li  acline, 

1370  Quant  orendroit  li  est  si  prochaine  voisine. 
Berte  se  fait  amer  com  celé  qui  ne  fine 
De  servir  plus  à  gré  c'une  povre  meschine, 
Car  ele  ert  apensée  et  bonne  et  sage  et  fine, 
Ne  briseroit  son  veu    pour  soufrir  decepline, 

1375  Ainçois  se  lairoit  traire  le  cuer  souz  la  poitrine, 
Com  celé  qui  ert  plaine  de   foi  très  entérine. 
Bien  li  monstre  Constance  k'à  li  n'a  pas  haine. 
Plus  l'aime  que  ses  filles  pour  sa  bonne  doctrine. 


LVI 


Les  deus  filles  Constance,  ne  vous  en  mentirai, 
1380  Sorent  d'or  et  de  soie  ouvrer,  car  bien  le  sai  ; 

Delez  eles  sist  Berte,  qui  moult  ot  le  cuer  vrai. 

Quant  ot  veû  lor  oevre,  si  dist  :  «  Je  vous  ferai 

«  Une  oevre,  s'il  vous  plaist,  que  vous  aprenderai  ; 

«  Ma  mère  fu  ouvrière,  née  fu  vers  Aussai.  » 
1385  —  «  Berte  »,  dist  Ysabiaus,  «  bon  gré  vous  en  sarai.  » 


»  LI   ROUANS   DE   BERTE 

Lors  prent  Berte  à  ouvrer  si  com  je  vous  dirai, 
Si  corne  à  St  Denis  en  escrit  le  trouvai  ; 
N'avoit  meillour  ouvrière  de  Tours  jusk'à  Cambrai. 
«  Ysabiaus  »,  dist  Aiglente,  «  ne  le  vous  cèlerai, 

1390  {(  A  cesti  n'en  savons  la  montance  d'un  glai  ; 
«  A  ma  mère  m'en  vois  corant,  li  noncerai  , 
«  Se  Berte  nous  eschape,  jamais  joie  n'arai.  » 
Corant  vint  à  sa  mère,  n'i  mist  pas  lonc  délai  : 
«  Dame  ,  foi  que  je  doi  Dieu  et  saint  Nicolai, 

1395  «  Berte  est  la  mieudre  ouvrière  que  j'onques  esgardai  ; 
((  Sachiez,  s'ele  s'en  va  k'avoec  li  m'en  irai  , 
«  Ysabiau  ma  sereur  mie  n'i  laisserai.  » 
—  «  Taisiez  vous,  bêle  fille,  k'o  moi  la  retenrai  ; 
((  Se  ele  veut  bien  faire,  jamais  ne  li  faurrai, 

1400  «  Et  s'ele  le  dessert,  je  la  marierai  ; 

«  Ensamble  vous  et  li  vous  acompaignerai, 

«  Vous  deus  dedenz  ma  chambre  ensamble  coucherai.   » 

De  joie  en  rit  Aiglente  de  fin  cuer  et  de  vrai  : 

«  Bêle  mère  »,  fait  ele,  a  Dieu  en  gracierai 

1405  «  Quant  je  tele  conpaigne  avoeques  moi  arai, 
«  Conques  si  douce  chose  ne  vi  ne  n'aoointai  : 
«  Ele  est  plus  gracieuse  ne  soit  la  rose  en  mai. 


LVII 


(constance  entre  en  la  chambre,  qu'ele  plus  n'i  délaie, 
Et  Aiglente  sa  fille,  qui  moult  fu  lie  et  gaie  ; 
1410  Bertain  truevent  ouvrant  oevre  très  fine  et  vraie. 
D'ouvrer  bien  et  à  droit  moult  petitet  s'esmaie. 
Quant  Constance  la  voit,  tous  li  cuers  l'en  apaie  : 
({  Berte  »,  ce  dist  Constance,  «  or  n'est  il  riens  que  j'aie 
«  Ne  soit  à  vo  conmant,  n'ai  talent  k'en  retraie, 


AUS  GRANS   PIES.  53 

1415  «  Or  vous  metez  don  tout  en  la  moic  manaie, 
«  Et  je  soie  honnie  se  je  bien  ne  vous  paie.  » 
—  «  Damediex  le  vous  mire,  par  oui  li  solaus  raie, 
«  Très  bien  vous  servirai,  quel  paine  que  j'en  aie.  » 


LVIII 


«  Dame,o  vous  remaindrai,  puisqu'il  vous  plaist  ainsi, 

1420  «  Li  vrais  Diex  le  vous  mire  qui  onques  ne  menti  ; 
«  L'eure  soit  beneoite  que  je  onques  vous  vi.  » 
A  tous  se  fist  amer  Berte,  tant  vous  en  di  ; 
Mais  de  li  vous  lairons  ore  à  parler  ici, 
Et  quant  lieus  en  venra,  tost  i  serons  verti. 

1425  A voec  Constance  fu  bien  neuf  ans  et  demi. 
Et  avoeques  Sjmon,  quel  trouva  bon  ami. 
Tant  fist  que  leens  n'ot  nul  souverain  de  li, 
De  tout  portoit  les  clés,  qu  ele  l'ot  desservi  ; 
Ne  vivoit  fors  de  pain  et  d'yaue  au  samedi, 

1430  Et  si  vestoit  la  haire  tousjours  le  venredi, 

En  l'onnour  de  Jhesu  qui  pardon  fist  Longi, 
Et  de  sa  douce  mère  de  cui  vint  et  nasqui. 
Pour  le  roi  Pépin  prie,  nel  met  pas  en  oubli. 
Que  Diex  le  gart  et  s'ame  face  en  la  fin  merci. 

1435  Le  roi  Floire  son  père  regrete  moult  aussi. 
Et  Blancheflor  sa  mère,  qui  soëf  l'a  norri. 
«  Ahi,  mère  »,  fait  ele,  a  com  ariez  coer  mari, 
«  Se  vous  saviez  conment  la  serve  m'a  traV  ; 
«  Vous  m'aviez  mariée  à  un  riche  mari, 

1440  «  Mais  je  sui  mariée  à  Dieu  qui  ne  menti  : 
«  C'est  li  rois  souverains  à  cui  dou  tout  m'afi  ; 
«  Qu'il  soit  garde  de  vous  si  que  du  cuer  l'em  pri, 
«  Et  dou  bon  roi  mon  père,  le  chevalier  hardi.  » 


54  LI   ROMANS   DE   BERTE 


LIX 


(ji  lairons  de  Bertain  cui  Jhesus  beneie, 

1445  Qui  avoeques  Constance  a  pris  herbergerie 
En  la  maison  Symon,  en  la  forest  antie  ; 
Moult  erent  bone  gent  et  de  très  sainte  vie. 
Ains  qu'ele  i  eûst  mes  année  ne  demie, 
L'orent  si  enamée  en  celé  manandie, 

1450  Et  Sjmons  et  Constance  et  toute  leur  maisnie 
Et  lor  enfant  trestuit  l'orent  si  enchierie 
Qu'il  l'amoient  de  cuer  conme  bien  ensaignie. 
Symons  en  fait  sa  nièce,  et  Constance  s'amie, 
Chascuns  li  porte  honnor,  douçour  et  conpaignie. 

1455  De  Pépin  vous  dirons  à  la  chiere  hardie, 
Et  de  la  maie  vielle  qui  sa  dame  a  traïe. 
Et  d'Aliste  sa  fille,  cui  11  cors  Dieu  maudie. 
Droit  après  ce  que  Berte  fu  de  Paris  partie 
Et  en  la  grant  forest  et  menée  et  ravie, 

1460  Que  Tjbers  et  li  autre  l'orent  iluec  laissie, 
Fu  li  rois  à  Paris,  la  cité  seignorie. 
Bien  cuidoit  vraiement,  de  ce  ne  doutés  mie, 
Que  il  elist  sa  fenme  o  lui  en  sa  baillie. 
Et  que  la  serve  fust  fille  au  roi  de  Hongrie. 

1465  Entrues  que  Berte  fu  de  Pépin  esloignie, 
Gaigna  il  deus  enfans  en  la  serve  haïe  ; 
L'uns  ot  à  non  Rainfrois,  plains  fu  de  tricherie, 
Et  li  autres  Heudris,  faus  fu  et  plains  d'envie  ; 
Damediex  les  confonde,  li  fiex  sainte  Marie, 

1470  Car  puis  fu  par  aus  deus  mainte  gent  essillie 
Et  mainte  traïson  pourtraite  et  pourchacie, 
.    Ainsi  com  vous  orrez,  s'il  est  qui  le  vous  die. 
Celé  serve  ot  en  France  la  terre  si  honnie, 


AUS   GRAKS   PIÉS.  53 

Par  le  conseil  sa  mère,  l'orde  vielle  fronoie  ; 

1475  Mainte  maie  coustume  i  ot  celé  establie  : 
Taille  et  tonlieus  assist  ou  pays  par  maistrie, 
De  quoi  la  povre  gent  estoit  moult  mal  baillie, 
Et  la  terre  en  fu  moult  en  maint  lieu  apovrie. 
Encor  le  maintient  on  à  Paris  la  garnie, 

1480  Depuis  en  fu  la  vile  assez  plus  asservie 

Qu'ele  n'estoit  devant,  puis  n'en  fu  netiie  ; 
Voirs  est  que  on  arrée  tele  chose  à  la  fie 
Que,  s'on  l'avoit  juré,  nel  desferoit  on  mie. 
Il  n'avoit  ou  pajs  prioré  n'abeïe 

1485  Dont  la  serve  n'eûst  outrageuse  partie  ; 
Il  n'i  ot  si  hardie  qui  riens  li  contredie, 
Car  moult  forment  doutoient  sa  très  grant  félon  nie, 
Que,  plus  faisoit  la  serve  outrage  et  dyablie. 
Plus  en  estoit  sa  mère  baude  et  joians  et  lie. 


LX 


1490      Xrestous  li  premiers  enfes  qu'ot  la  serve  et  li  rois, 
Bien  avez  oï  dire  qu'il  ot  à  non  Rai nf rois  ; 
L'autres  ot  non  Heudris,  fel  furent  et  revois. 
En  Hongrie  en  alèrent  messagier  par  deus  fois 
Au  roi  Floire,  qui  ert  et  sages  et  courtois, 

1405  A  Blancheflor  sa  fenme,  qui  avoit  les  crins  blois. 
Les  messagiers  donnèrent  chevaus  et  palefrois, 
Avoir  et  grans  richeces  orent  tout  à  leur  chois. 
De  retorner  arrière  fu  test  pris  li  conrois, 
En  France  s'en  revinrent  à  moult  riche  harnois. 

1500  Se  seiist  li  rois  Floires  conment  sa  fille  ou  bois 
F u  ne  en  quel  manière,  ne  fust  pas  esbanois. 
Sa  fille  la  duchoise  et  ses  fiex  Godefrois 


56  Ll    ROMANS  DE   BERTE 

Morurent  tout  ensamble,  vraiement  le  sachois, 
Après  le  mariage  Bertain,  quatorze  mois. 

1505  Dolans  en  fu  rois  Floires,  ce  fu  raisons  et  drois. 
Une  fille  en  remest,  hoirs  fu  des  Sassoignois, 
Puis  li  toli  Sassoigne  uns  rois  Sarrazinois, 
Bours  et  chastiaus  et  viles,  fermetez  et  destrois, 
Pour  ce  que  si  ancestre  l'orent  tenu  ainçois  ; 

1510  Justamons  ot  à  non,  maistres  fu  de  lor  lois. 

Après  l'ot  Guithechins,  qui  aine  n'ama  François  ; 
Cil  fu  fiex  Justamont,  moult  fu  de  grant  bufois, 
Car  bien  cuida  conquerre  et  France  et  Orlenois, 
Champenois  et  Bourgoigne,  et  Flamens  et  Englois  ; 

1515  Jusqu'à  Coloigne  fu,  là  i  fist  mains  desrois. 

Longuement  tint  Sassoigne,  k'ains  nus  n'i  fist  defois, 
Mais  puis  fu  reconquise  par  Frans  et  par  Tyois. 
Au  reconquerre  furent  li  baron  Hurupois, 
Et  Flamenc  li  euwage,  Brabançon,  Ardenois  ; 

1520  Mais  de  ceste  matere  orendroit  plus  n'orrois  , 
A  la  première  estoire  où  or  fui  m'en  revois. 


LXI 


Dolans  fu  li  rois  Floires,  car  moult  forment  li  poise 
De  ce  que  morte  estoit  sa  fille  la  duchoiso 
Et  Godefrois  ses  fiex,  qui  tint  la  tour  d'Argoise  ; 

1525  N'ot  plus  d'oirs  de  son  cors  fors  Berte  la  courtoise, 
Damediex  la  consaut  quel  part  que  ele  voise  ! 
Arrière  revenrai  à  nostre  gent  françoise  , 
Qui  voient  tout  à  un  que  la  serve  les  boise 
Et  k'à  force  leur  toit  leur  bien  et  leur  richoise. 

1530  Nés  en  la  buscherie  prent  la  disime  boise, 


lus  GRANS  PIES.  57 

N'est  nus  qui  en  parolt  ne  qui  en  face  noise, 
Nus  n'en  ose  parler,  l'uns  pour  l'autre  s'acoise. 


LXII 


forment  se  fist  la  serve  et  douter  et  cremir, 
Tant  fist  que  moult  forment  se  fist  partout  haïr. 

1535  Deseur  les  marcheans  fist  coustume  asseïr, 

Et  quant  nus  en  parloit,  ce  sachiez  sans  mentir, 
As  serjans  le  faisoit  Tjbers  tantost  saisir, 
Et  puis  le  faisoit  tant  en  la  prison  gésir 
Que  cil  estoit  tout  liés  qui  s'en  povoit  partir. 

1540  Chascuns  redoutoit  moult  en  lor  mains  à  cheïr, 
Miex  amoient  dou  lor  à  donner  k'à  morir 
Ne  que  en  la  prison  les  feïst  on  languir. 
Grant  avoir  assamblèrent.  Dieu  les  puist  maleïr  ! 
Car  li  rois  les  laissoit  de  trestout  couvenir, 

1545  K'en  la  serve  avoit  mis  cuer  et  cors  et  désir. 
Qui  bien  la  regardast  à  droit  et'  à  loisir. 
Bien  desist  que  plus  bêle  ne  peiist  on  choisir. 
Mais  tant  estoit  mauvaise  que  Dieu  nés  obeïr 
Ne  vouloit,  n'au  moustier  ne  aler  ne  venir; 

1550  Ains  puis  qu'eles  lor  dame  vorrent  faire  murdrir 
Et  que  premiers  les  prist  talens  de  li  traïr, 
Entre  li  et  sa  mère  (que  Diex  puisse  honnir), 
Et  que  Tybert  i  firent  avoec  aus  assentir. 
Ne  porent  une  messe  entière  paroïr, 

1555  Car  Diex  ne  le  vouloit,  ce  sachiez,  consentir  ; 
Diex  consent  mainte  gcnt  traïson  à  fournir. 
Mais  en  la  fin  le  set  Diex  si  à  point  merir 
Que  lor  traïson  pert  ains  qu'il  puissent  morir. 
Car  Diex  fait  maintes  fois  droit  à  droit  revenir. 


58  LI    ROUANS   DE   BERTE 


LXIII 


1560       jant  fist  la  maie  serve,  cui  Diex  doinst  mal  martire, 
Ou  roiaume  de  France,  par  force  et  par  maistire, 
Seur  trestoutes   les  choses  que  faire  i  pot  eslire, 
Seur  poivre,  seur  coumin,  seur  espices,  seur  cire, 
Et  seur  blés  et  seur  vins,  tout  fist  ensamble  escrire, 

1565  Ne  saroie  pas  tout  deviser  tire  à  tire. 

Tant  d'avoir  assambla  que  nel  saroie  dire, 
Dont  mainte  povre  gent  en  orent  duel  et  ire  ; 
Ses  trésors  la  faisoit  souvent  de  joie  rire, 
Mais  se  ele  fust  sage,  miex  le  deiist  despire, 

1570  K'en  la  fin  l'en  couvint  tenir  devers  le  pire. 


LXIV 


jloult  assambla  en  France  la  serve  grant  avoir, 
Tout  partout  le  prenoit  où  le  povoit  avoir  ; 
Mainte  gent  povre  et  riche  en  fist  le  cuer  doloir. 
Moult  avoit  grant  désir  d'acomplir  son  vouloir, 

1575  K'en  assambler  trésor  avoit  mis  son  espoir. 
Mais  foi  et  loiauté  ot  mis  en  nonchaloir. 
Tant  fist  de  maies  teches  ou  roiaume  asseoir 
K'encor  s'en  pueent  cil  qui  or  sont  percevoir. 
Un  jour  estoit  rois   Floires  à  un  sien  grant  manoir, 

1580  Tout  droit  en  Honguerie  un  djemenche  au  soir, 
Delez  lui  Blancheflour,  qui  cuer  ot  triste  et  noir 
Pour  sa  fille  Bertain  que  désire  à  veoir. 
«  Dame  »^  ce  dist  rois  Floires,  «  or  n'avonmes  nul  hoir 


AUS  GRANS  PIES.  59 

«  Fors  Bertain,  qui  me  fait  souvent  le  cuer  doloir, 
1585  «  Que  si  ensus  de  nous  est  alée  manoir  *, 
«  Le  petit  Heudriet    vorroie  bien  avoir, 
«  Si  li  donriens  no  terre  et  trestout  nostre  avoir  ; 
«  Se  Diex  li  donnoit  vie,  qui  seur  tous  a  povoir, 
«  Rois  seroit  de  Hongrie,  ne  porroit  remanoir  ; 
1590  «  En  France  envoierons  savoir  s'il  puet  valoir, 
«  Bien  le  verroit  Pépins  ainsi  com  je  l'espoir.  » 
— «  Cisconsaus  »,  dist  la  dame,«  me  plaistet  doit  chaloir.  » 


LXV 

IJn  mardi  par  matin,  ce  tesmoigne  l'estoire, 
Envoièrent  en  France  Blancheflor  et  rois  Floire 

1595  Un  certain  messagier  qui  bien  faisoit  à  croire  ; 

Pour  bien  faire  un  message  n'estuet  pas  c'on  le  loire, 
Ne  ressanbloit  pas  cens  qui  tant  font  par  trop  boire 
Que  il  en  pardent  si  le  sens  et  le  mémoire 
Qu'il  ne  saroient  pas  dire  parole  voire. 

1600  Bien  et  tost  et  à  droit  apareilla  son  oire 
Et  fu  très  bien  monté  sor  une  mule  noire  ; 
Trop  fust  grans  la  jornée  qui  le  fesist  recroire. 
Droit  en  France  s'en  vint,  ne  m'en  devez  mescroire  ; 
Le  roi  Pépin  trouva  à  Tours  qui  siet  sor  Loire. 


LXVI 

1605       Quant  li  messages  ot  son  afaire  apresté, 
Au  roi  Pépin  s'en  va,  n'i  a  plus  arresté. 
Bel  et  courtoisement  a  le  roi  salué 


60  LI   ROMANS   DE   BERTE 

Et  de  par  le  roi  Floire  li  a  le  brief  donné. 

Li  rois  oevre  la  cire,  s'a  dedens  regardé 
1610  C'un  de  ses  deus  enfans  li  a  Floires  mandé , 

Et  Blancheflour  aussi,  par  moult  grant  amisté  ; 

Et  bien  truevent  es  lettres  que  il  ont  devisé 

Qu'il  iert  rois  de  Hongrie  et  de  leur  ireté, 

Et  qu'il  n'ont  mais  nul  hoir,  c'est  fine  vérité, 
1615  Et  qu'il  sont  trestout  mort  et  à  leur  fin  aie, 

Fors  seulement  Bertain  où  tant  a  de  biauté. 

"Quant  Pépins  l'entendi,   si  en  ot  grant  pité  ; 

Lors  s'assist  au  mengier  si  tost  qu'il  ot  lavé. 

Et  no  François  en  ont  le  messagier  mené 
1620  A  la  fausse  roïne,   cui  Diex  doinst  mal   dehé. 

Ainsi  fist  son  message  c'on  li  ot  conmandé  ; 

Les  lettres  li  bailla  si  c'on  li  ot  rouvé. 

Grant  joie  en  fist  la  serve,  forment  l'a  honnoré  ; 

Quant  ele  ot  lut  les  lettres  et  ele  ot  enz  visé 
1625  Que  il  n'est  au  roi  Floire  nul  enfant  demoré 

Fors  Bertain  la  roïne,  que  tienent  en  chierté, 

Par  traïson  en  a  un  petitet  ploré, 

Et  Margiste  sa  mère  en  a  moult  souzpiré, 

Com  celé  qui  estoit  plaine  de  fausseté 
1630  Et  de  grant  traïson  et  de  deslojauté  ; 

Damediex  la  confonde  li  rois  de  majesté  ! 

Quant  U  mes  ot  assez  à  la  dame  parlé, 

Devant  le  roi  enmainent  le  mes  ,  là  a  disné  ; 

Dusques  à  Tendemain  a  à  Tours  sejorné. 


LXVII 

1635       L'endemain  par  matin,  droit  après  l'ajornée, 
Se  leva  li  messages,  n'i  volt  faire  arrestée, 


AUS  GRANS  PIES.  61 

Au  moustier  St  Martin  a  la  messe  escoutée, 
Congié  prent  à  la  serve  quant  ele  fu  levée, 
La  serve  a,  et  Margiste,  à  Jhesu  conmandée  ; 

1640  Lettres  li  ont  baillies  en  cire  seelée. 

Par  samblant  lait  la  serve  dolente  et  esplorée  ; 
Puis  vint  devant  Pépin  en  la  sale  pavée  ; 
Quant  li  rois  l'a  veu,  si  li  dist  sa  pensée  : 
«  Amis,  vous  en  irés  en  la  vostre  contrée, 

1645  «  Saluez  moi  roi  Floire  par  bonne  destinée, 
«  Et  Blancheflor  ma  dame,  la  roïne  senée  ; 
«  De  lor  anui  me  poise,  par  la  Virge  honnorée, 
«  Mais  si  vienent  les  choses  que  Dieu  plaist  et  agrée  ; 
«  De  Heudriet  mon  fil,  dites  li  pour  riens  née 

1650  a  Ne  seroit  pas  sa  mère  un  seul  jor  consirrée.  » 
Bien  entent  li  messages  que  c'est  chose  passée 
Et  que  c'est  pour  noient  que  rois  Floires  i  bée  ; 
Congié  prent,  si  s'en  va.  Sa  voie  a  si  hastée 
K'en  Hongrie  s'en  vint  sans  gaire  d'arrestée. 

1655  Le  roi  a  sa  nouvele  bien  dite  et  bien  contée, 
Que  des  enfans  Pépin  n'iert  sa  terre  gardée  ; 
D'autre  lignie  estuet  que  ele  soit  pueplée. 
Quant  li  rois  l'entendi,  forment  li  desagrée 
Et  Blancheflors  en   est  si  forment  adolée 

1660  Et  si  très  à  mesaise  et  si  fort  tormentée 
K'a  pou  qu'ele  de  duel  n'est  cheiie  pasmée  ; 
Nés  la  gent  dou  rojame  en  fu  moult  destorbée. 


LXVIII 


Bien  avez  oï  dire  mainte  fois  et  retraire 
Que  traïson  et  murdre  couvient  k'en  la  fin  paire. 
1665  Moult  fist  la  maie  serve  que  fausse  et  deputaire. 


62  LI    ROMANS   DE    RERTE 

Qui  à  sa  droite  dame  fist  tant  de  paine  traire. 
Diex  nel  volt  plus  soufrir,  car  ne  li  de  voit  plaire, 
Qui  de  tous  mesfais  est  sire  et  prevos  et  maire. 
Bon  se  feroit  garder,  qui  porroit,  de  mal  faire  : 
1670  Diex  consent  mainte  gent  lor  traïson  à  faire. 
Mais  puis  leur  fait  il  si  desclorre  lor  aumaire 
Que  trestous  lor  malices  lor  retorne  à  contraire 
Et  puet  on  clerement  connoistre  lor  afaire. 


LXIX 


Ijlancheflours  la  roi  ne  fu  moult  de  haut  parage 
1675  Et  bien  creans  en  Dieu  et  de  très  bon  corage. 
Une  nuit  se  gisoit  delez  Floire  le  sage, 
En  la  terre  Hongroise  à  un  lor  biau  manage  ; 
En  dormant  li  sambloit  que  une  ourse  sauvage 
Li  menjoit  le  bras  destre,  le  costé  et  la  nage, 
1680  Et  uns  aigles  venoit  seoir  seur  son  visage. 
Paour  ot,  si  s'esveille,  si  mua  son  coraige  ; 
Forment  fu  esfreée,  de  riens  ne  s'assouage, 
Si  li  doloit  li  cuers  k'a  pou  qu'ele  n'enrage. 


LXX 


Ijlanclieflours  s'esveilla,  moult  ot  le  cuer  mari, 
1685  Son  songe  dist  au  roi,  à  bien  li  a  verti  ; 

«  Sire  »,  dist  la  roïne,  «  pour  Dieu  qui  ne  menti, 
«  Car  me  donnez  un  don,  par  amour  le  vous  pri, 
«  Que  en  France  m'en  voise  à  ceste  pasques  ci, 


AUS   GRANS   PIÉS.  65 

«  VeoirBertain  ma  fille,  la  bêle  que  j'aim  si, 
1690  «  Ou  li  cuers  de  mon  ventre  se  partira  par  mi.  » 

—  «  Dame  »,  ce  dist  li  rois,  pour  le  cors  St  Rémi , 

«  Conment  porriens  nous  estre  si  lonc  tans  départi  ?  » 

—  «  Sire  »,  ce  dist  la  dame,»  pour  amour  Dieu,  merci  ! 
«  E  !  n'a  il  jà  passé  près  uit  ans  et  demi 

1695  «  Que  Berte  nostre  fille  ne  nous  vit,  ne  nous  li  ? 
«  Mal  li  moustrons  samblant  que  soion  si  ami.  » 
Quant  li  rois  l'entendi,  un  petit  s'assoupli. 
Tant  li  pria  la  dame  que  li  rois  s'assenti 
A  ce  que  ele  i  voist,  mais  que  soit  par  un  si  : 

1700  Qu'ele  amaint,  s'ele  puet,  ou  Rainfroi  ou  Heudri. 
«  Sire,  si  ferai  je,  ma  foi  vous  en  plevi, 
«  Ou  Rainfroi  ou  Heudri  amenrai  avoec  mi.  » 

—  «  Dame  »,  ce  dist  li  rois,  «  et  je  le  vous  otri.  » 


LXXI 


(jrant  joie  ot  la  roïne  quant  li  rois  li  otrie 
1705  Que  ele  s'en  ira  en  France  la  garnie. 

«  Dame»,  ce  dist  li  rois,  «  savez  que  je  vous  prie  ? 
«  Puisque  l'aler  en  France  ne  voulez  laissier  mie  , 
«  Je  vueil  k'o  vous  s'en  voist  noble  chevalerie  ; 
«  Cent  chevaliers  menez  en  vostre  conpaignie, 
1710  «  Des  plus  vaillans  qui  soient  en  toute  Honguerie. 
«  Ne  vueil  pas  qu'i  alez  à  petite    maisnie  , 
«  Car  gent  françoise  sont  de  grant  beubancerie.  » 
Quant  la  dame  l'entent,  moult  fu  joians  et  lie, 
Conme  sage  et  courtoise  son  seignor  en  mercie. 
1715  Son  aff'aire  appareille,  mains  qu'ele  puet  detrie  ; 
Tout  ainsi  com  li  rois  l'ot  dit  à  celé  fie, 
L'arrea  Blanchellours  conme  bien  ensaignie. 


64  LI   ROUANS  DE  BERTE 

De  là  se  départi  à  une  aube  esclairie  ; 

Li  rois  la  convoia  bien  jornée  et  demie. 
1720  Au  partir  l'a  li  rois  moult  doucement  baisie, 

A  Dieu  la  conmanda,  le  fîU  sainte  Marie  ; 

Ainçois  que  le  revoie,  sera  moult  esmarie 

Et  à  meschief  de  cuer  et  forment  corroucie. 

Mainte  terre  trespassent,  mainte  forest  antie 
1725  Et  mainte  grant  rivière  qui  bien  porte  navie. 

Tant  que  en  France  vienent,  la  terre  seignorie. 

Quant  la  gent  dou  roiaume  ont  la  novele  oie 

Que  mère  ert  la  roïne,  n'est  nus  ne  la  maudie  ; 

Souvent  prient  que  Diex  li  doinst  tel  maladie 
1730  K'ainçois  qu'ele  retourt  soit  morte  et  enfouie, 

Et  li  ame  de  li  soit  en  enfer  ravie, 

«   Quant  porta  tel  roïne  qui  ainsi  nous  maistrie 

«  Et  ainsi  nous  formaine  par  sa  mauvaise  vie, 

«  Et  cil  qui  l'engendra,  s'ame  soit  maleïe  ! 
1735  A  Blancheflour  en  fu  la  nouvele  noncie 

K'ainsi  estoit  sa  fille  ou  roiaume  haïe. 

Quant  ele  ot  la  nouvele,  moult  en  fu  assouplie, 

Et  moult  en  fu  de  cuer  dolente  et  abaubie. 

«  Dieu  »,  fait  ele,  «  dont  vient  si  faite  dyablie  ? 
1740  «  Jà  fu  Berte  ma  fille  en  si  bon  lieu  norrie, 

«  Et  s'est  née  et  estraite  de  si  bonne  lignie, 

«  Et  de  père  et  de  mère  de  vies  ancisserie. 

«  Dont  li  est  or  venue  ceste  mélancolie 

«  Que  ainsi  toit  la  gent  le  lor  par  tricherie  ? 
1745  «  Jà  n'a  il  plus  preudome  de  ci  jusqu'en  Surie 

«  Com  est  Floires  ses  pères,  ne  plus  sans  vilonnie  ; 

«  Je  meïsmes  n'aim  pas  outrage  ne  folie. 

«  Si  en  sui  à  mesaise  que  ne  sai  que  j'en  die  ; 

(I  Ainçois  que  je  retorne,  Tarai  si  chastoïe 
1750  «  Que  tout  li  ferai  rendre  ce  dont  ele  est  saisie, 

«  De  quoi  la  povre  gent  est  povre  et  mal  baillie  ; 

«  De  ces  nouveles  ci  me  tieng  à  mal  paie.  » 


AUS   GRANS    PIES.  65 


LXXIl 


(Jr  s'en  va  Blancheflour,  qui  ot  le  cuer  certain. 
Moult  forment  li  anuie  de  sa  fille  Bertain 

1755  De  quoi  la  gent  se  plaingnent  de  toutes  pars  à  plain. 
Enmi  sa  voie  encontre  un  paysant  vilain  ; 
Où  qu'il  voit  Blancheflour,  si  la  prent  par  le  frain  : 
«  Dame,  merci  pour  Dieu,  de  vo  fille  me  plain  ; 
«  N'a  voie  c'un  cheval  dont  gaignoie  mon  pain, 

1760  «  Dont  je  me  garissoie  et  ma  fenme  Margain, 
«  Et  mes  petis  enfans,  qui  or  morront  de  fain  ; 
«  A  Paris  en  portoie  chaume  et  busche  et  estrain, 
«  Soisante  sous  cousta.  un  an  a  en  certain  ; 
«  Or  le  m'a  fait  tolir,  Diex  li  doinst  mal  demain  ! 

1765  «  A  meschief  l'ai  norri  cest  yver  de  mon  grain, 

«  Mais,  par  ce  saint  seignor  qui  d'Adan  fist  Evain, 
«  Je  la  maudirai  tant  et  au  soir  et  au  main 
«  Que  venjance  en  arai  dou  père  souverain.  » 
Pitié  en  ot  la  dame,  de  duel  ot  le  cuer  vain, 

1770  Cent  sous  li  fait  donner  tout  errant  en  sa  main  ; 
Cil  l'en  baise  de  joie  l'estrief  et  le  lorain  : 
«  Dame,  Diex  le  vous  mire,  c'or  ai  cuer  lié  et  sain, 
a  Mais  ne  maudirai  Berte,  par  le  cors  St  Germain  ! 


LXXIII 


L.e  fu  par  un  lundi,  au  chief  de  la  semaine, 
1775  Que  Blancheflour  la  bêle  (cui  Diex  doinst  bonne  estraine] 
S'en  aloit  vers  Paris  qui  siet  pardesus  Saine  ; 

5 


66  LI  ROMANS   DE    BERTE 

Riches  dras  ot  vestus,  qui  erent  taint  en  graine. 
De  sa  fille  ot  nouvele  k'au  cuer  li  est  grevaine, 
Chascuns  se  plaint  de  li,  moult  grant  duel  en  demaine  : 

1780  «  Ha  1  sire  Diex  »,  fait  ele,  «  qui  jesis  à  la  Çaine, 
«  Mère  Dieu  debonaire,    roïne  souveraine, 
«  Dont  vient  ce  que  ma  fille,  qui  plus  bêle  est  k'Elaine, 
«  Se  fait  ainsi  haïr  gent  voisine  et  lointaine? 
«  Quant  parti  de  ma  terre,  de  tous  biens  estoit  plaine, 

1785  «  N  avoit  miex  ensaignie  dusqu'as  pors  d'Aquitaine  ; 
«  Or  a  bien  fait  compieng  de  sa  clere  fontaine, 
«  Car  c'est  la  plus  haïe  k'ainc  vesti  drap  de  laine  ; 
«  Diex,  par  ta  grant  douçour,  à  droit  port  la  ramaine  !  » 


LXXIV 

Or  s'en  va  la  roïne  vers  la  cit  de  Paris. 
1790  Au  roi  Pépin  en  fu  uns  messages  tramis 

Que  Blanchefiour  estoit  entrée  en  son  païs. 

Quant  li  rois  l'entendi,  moult  en  fu  esjoïs  ; 

Il  meïsmes  l'ala  dire,  ce  m'est  avis, 

En  sa  chambre  la  serve,  qui  moult  ot  cler  le  vis. 
1795  Quant  la  serve  l'entent,  moult  fu  ses  cuers  maris , 

Semblant  fait  k'en  fust  lie,  s'en  geta  un  faus  ris, 

Et  li  rois  Pépins  s'est  de  là  endroit  partis. 

Et  la  serve  remaint,  moult  fu  ses  cuers  pensis. 

Sa  mère  a  tost  mandée,  n'i  fu  Ions  termes  mis, 
1800  Et  Tybert  son  cousin,  qui  de  Dieu  soit  maudis  ; 

En  la  chambre  s'assiéent  tout  troi  seur  les  tapis. 

«  Mère  )^,  ce  dist  la  serve,  «  par  le  cors  St  Denis, 

«  Blanchefiour  la  roïne  est  jà  en  Cambresis, 

«  Ne  sai  que  puissons  faire,  or  va  la  chose  au  pis.  » 
1805  Quant  Tybers  l'entendi,  forment  fu  abaubis. 

«  Tjbers  »,  ce  dist  la  vielle,  «  ne  soiez  si  pensis, 


AUS    GRANS    PIES.  67 

«  Tel  conseil  sai  donner  qui  est  bons  et  soutis  : 

«  C'est  que  ma  fille  face  le  malade  tousdis, 

«  Ne  pour  riens  qui  aviengne  ne  soit  ses  lis  guerpis  ; 

1810  «  Se  tant  poonmes  faire  k'au  retour  fussent  pris 

«  Ces  gens  qui  ci  s'en  viengnent,  par  Dieu  de  paradis, 
«  Jamais  n'en  ariens  garde,  par  foi  le  vous  plevis.  » 
—  «  Dame  »,  ce  dist  Tjbers,  «  vos  cors  soitbeneïs  ! 
«  Au  besoing  estes  vous  apensée  et  gentis, 

1815  «  Sans  vous  ne  sauriens  pas  vaillant  deus  paresis.  » 
A  cel  conseil  se  tienent,  ainsi  fu  establis. 
Et  lors  fu  moult  trestost  apareilliez  li  lis, 
Et  la  serve  se  couche,  ses  cors  soit  11  honnis  ! 


LXXV 


Or  fu  la  maie  serve  deseur  son  lit  remise; 

1820  Moult  faisoit  le  malade,  plaine  estoit  de  faintise  ; 
La  vielle   de  paour  tremble  souz  sa  chemise  , 
Damediex  la  confonde  et  li  cors   St  Denise  ! 
«  Ha  !  Diex  »,  ce  dist  la  vielle,  «  vrais  rois  plains  de  franchise, 
«  Quel  djable  ont  la  voie  Blancheflour  ci  aprise  ? 

1825  «  Maudis  soit  il  par  cui  sa  voie  fu  enprise, 

«  Quant  ma  fille  en  est  si  de  cuer  triste  et  desprise.  » 
Pour  Conforter  sa  fille  est  delez  li  assise, 
Car  ele  a  tel  paour  que  toute  s'en  debrise. 
«  Fille  »,  ce  dist  la  vielle,  «  savez  où  je  m'avise  ? 

1830  «  A  enherber  m'aprist  jadifi  une  juïse, 

«  Miex  le  sai  ne  set  fenme  qui  soit  dusques  en  Frise  ; 
«  Blancheflour  trairai  en  poire  ou  en  cerise, 
«  Dou  venin  serai  tost  pourveiie  et  pourquise.  » 
Quant  la  serve  l'entent,  ce  conseil  pas  ne  prise. 


G8  LI  ROMANS    DE   BERTE 


LXXVI 

1835       «  Mère  »,  ce  dist  la  serve,  «  cis  consaus  n'est  pas  bons; 
De  ci  me  vueil  lever,  si  nous  apareillons, 
Je  lo  pour  le  meilleur  que  nous  nous  enfuions  ; 
Bien  sai  que  par  mes  pies  conneiies  serons, 
N'ai  pas  de  la  moitié  tés  pies  ne  tés  talons 

1840  «  Comme  ot  Berte  no  dame,  que  nous  traïe  avons, 

Ce  fu  par  vo  conseil,  dont  c'est  grans   mesprisons. 
Je  lo  en  bonne  foi  que  nous  nous  en  alons. 
Argent  et  or  en  plates  sor  les  sonmiers  troussons  ; 
Mes  deus  enfans  ici  à  leur  père  lairons, 

1845  «  Cil  n'ont  mort  desservie,  pas  à  ce  ne  pensons. 

Droit  à  la  mienuit  ou  chemin  nous  metons, 

En  Puille  ou  en  Calabre  ou  en  Sezile  alons, 

Et  Tybert  no  cousin  avoec  nous  enmenrons. 

Car  bien  a  desservi  que  nous  ne  li  faillons  ; 

1850  «  De  prester  à  usure  très  bien  nous  garirons, 

Autrement  ne  voi  pas  conment  nous  eschapons, 
Car  s'on  set  nos  malices,  bien  sai  k'arses  serons.  » 
«  Par  Dieu  »,  ce  dist  la  vielle,  «  pas  ne  nous  enfuirons; 
Laissiez  moi  convenir,  si  bien  esploiterons 

1855  «  Que  nous  le  roi  Pépin  avoec  enherberons 

Ains  que  de  ceste  chose  à  bon  chief  ne  venons. 
Les  huis  et  les  fenestres  très  bien  estouperons  ; 
Gesez  trestoute  coie,  car  bien  arréerons 
Que  de  vous  n'iert  veiis  iex  ne  nés  ne  mentons  ; 

1860  «  Par  iceste  manière  bien  nous  escuserons.  » 

—  «  Mère  »,  ce  dist  la  serve,  «  vostre  conseil  ferons, 
Damediex  nous  consaut  et  ses  saintismes  nous 
Que  nous  de  ceste  chose  bien  eschaper  puissons, 
Car  se  nous  la  besongne  ainsi  faire  poons, 

1865  «  Sagement  et  à  droit  esploitié  avérons.  » 


AUS    GRANS    PIES. 


LXXVII 


A  ce  conseil  se  tienent,  la  vielle  se  dreça  ; 
Si  com  devisé  l'orent,  tout  ainsi  l'arréa  : 
Les  huis  et  les  feaestres  tout  errant  estoupa, 
Tybert  le  traïtour  pour  l'uis  garder  laissa. 

1870  Devers  le  roj  Pépin  tout  en  plorant  s'en  va; 
Où  quele  voit  le  roi,  d'une  part  l'acena. 
Li  rois  Pépins  vit  bien  que  ele  lermoia  : 
«  K  avez  vous  ?  »  dist  ii  rois,  «  nel  me  celez  vous  jà.  » 
—  «  Sire»,  ce  dist  la  vielle,  «  mauvaisement  m'esta  ; 

1875  «  Madame  la  roïne  maintenant  se  coucha 
«  Si  malade  k'à  paines  jamais  en  lèvera  ; 
«  Maintenant  li  est  pris,  je  ne  sai  que  ele  a; 
«  Je  croi  que  Blancheflour  mais  à  tans  n'i  venra.  » 
Quant  li  rois  l'entendi,  forment  l'en  anuia. 

1880  Grant  duel  faisoit  la  vielle,  arrière  retorna  ; 
A  sa  fille  s'en  vint,  moult  la  reconforta, 
Et  li  a  dit  conment  au  roi  Pépin  parla. 
Par  toute  la  cité  la  nouvcle  en  ala 
Que  malade  est  la  dame  si  que  ele  morra. 

1885  Quant  la  gent  l'entendirent,  chascuns  grant  joie  en  a, 
Moult  maudient  celui,  de  Dieu  qui  tout  forma, 
Qui  à  sa  garison  nul  conseil  metera. 
((  Diex  maudie  celui  qui  la  nous  amena 
«  Ne  à  la  gent  françoise  premerains  l'acointa, 

1890  «  Et  qui  au  roi  Pépin  premerains  la  donna, 
«  Et  confonde  la  mère  k'en  ses  flans  la  porta, 
«  Et  maudis  soit  li  pères  qui  onques  l'engendra, 
«  K'ains  plus  desloiaus  fenme  ne  but  ne  ne  menga.  » 
De  li  vous  lairai  ci,  mais  g'i  revenraijà. 

1895  Ez  vous  un  messagier  qui  le  roi  salua 


70  LI  ROUANS   DE   BERTE 

Et  qui  de  Blancheflour  nouveles  anonca  ; 
Dist  li  que  à  Montmartre  la  messe  escoutera. 
Quant  li  rois  l'entendi,  trestout  errant  monta, 
Et  Rainfrois  et  Heudris  chascuns  o  lui  ala  ; 
1900  Mainte  haute  personne  les  enfans  adestra  ; 
Arcevesque  et  evesque,  chascuns  s'apareilla, 
Et  duc  et  conte  et  prince,  nus  n'en  i  demora  ; 
Contre  Blancheflour  vont,  qui  moult  grant  duel  ara 
Quant  de  Bertain  sa  fille  les  nouveles  sara. 


LXXVIII 


1905       l^i  rois  Pépins  de  France  ot  le  cuer  irascu, 
Pour  le  mal  la  roïne  cuido  avoir  tout  perdu. 
De  ci  que  à  Montmartre  ne  se  sont  arrestu. 
La  roïne  ont  trouvée,  si  li  font  gent  salu, 
Et  Blancheflour  leur  a  lor  salu  bien  rendu. 

1910  Doucement  a  le  roi  en  ses  bras  receii, 
Puis  li  a  demandé,  plus  n'en  a  atendu  : 
«  Que  fait  Berte  ma  fille,  pour  le  vrai  roi  Jhesu  ?  » 
—  «  Dame,  jel  vous  dirai  ;  puis  que  ele  ot  seii 
«  Que  la  veniez  veoir,  si  très  joians  en  fu 

1915  «  De  joie  ot  si  le  cuer  ouvert  et  esmeii 

«  K'ainc  puis  ne  fu  levée,  ains  a  tousjours  geu, 
«  Mais  n'ara  se  bien  non  quant  vous  ara  veii.  » 
Quant  Blancheflour  l'entent,  le  cuer  ot  esperdu, 
Guida  que  fust  sa  fille  dont  a  nouvelle  eii. 


AUS    GRANS  PIES.  71 


LXXIX 


1920      Jjolente  fu  la  dame,  moult  fii  taisans  et  mue, 
Car  ele  n'ot  nouvele  qui  en  mal  ne  se  mue. 
Li  rois  Pépins  la  prent  par  sa  blanche  main  nue  : 
«  Dame  »,  ce  dist  li  rois,  «  ne  soiez  esperdue, 
«  Mais  faites  bon  samblant  que  bien  soiez  venue, 

1925  «  Car  vo  fille  iert  garie  quant  vous  ara  veiie 
«  Et  Tarez  doucement  entre  vos  bras  tenue.  » 
Ez  vous  les  fils  le  roy  chevauchant  par  la  rue, 
A  pié  sont  descendu  souz  une  ente  fueillue  ; 
Chascuns  d'aus  la  roïne  courtoisement  salue. 

1930  «  Dame  »,  ce  dist  li  rois,  «  honnor  vous  est  creiie, 
«  Cil  doi  sont  mi  enfant  de  vo  fille  ma  drue.  » 
Quant  Blancheflour  les  voit,  tous  li  sans  li  remue, 
Li  cuers  ne  l'i  trait  point  que  joie  en  ait  eiie  ; 
Maigrement  les  salue,  tous  li  cors  li  tressuc. 


LXXX 


1935      Ijlancheflour  la  roïne,  où  moult  ot  de  bonté, 
Regarde  les  enfans  qui  sont  dejoene  aé  ; 
Ele  n'en  a  nesun  baisié  ne  acolé  , 
Car  li  cuers  ne  l'i  trait,  ce  sachiez  par  verte. 
Et  les  gens  qui  là  furent  l'en  sorent  mauvais  gré, 

1910  Et  en  a  li  uns  l'autre  tout  coiement  bouté 

Et  en  ont  moult  entr'aus  conseillié  et  parlé 
Et  dient  qu'il  li  vient  de  très  grant  mauvaisté. 
«  Bien  est  drois  que  sa  fille  n'ait  gaires  d'amisté, 


72  LI   ROMANS  DE  BERTB 

«  N'a  fenme  en  tout  le  monde  où  tant  ait  fausseté  ; 
1945  «  Maudis  soit  qui  premiers  l'amena  el  régné  ; 

«  Ele  gist  moult  malade  ;  que  cent  mile  maufé 

«  Doinsent  que  le  hastrel  ait  ennuit  desnoé  !  » 

Dou  moustier  sont  issu,  n'i  ont  plus  demoré  ; 

Li  rois  et  si  baron  sont  vestu  de  moré, 
1950  Maint  duc,  maint  conte  y  ot,  maint  vesque,  maint  abé. 

La  roïne  ont  montée  sa  gent,  lors  sont  monté  ; 

Li  rois  Pépins  l'adestre,  d'iluec  s'en  sont  torné. 

Moult  souvent  fu  maudite,  jà  ne  vous  iert  celé, 

Pour  l'amour  de  la  serve,  cui  Diex  doinst  mal  dahé. 
1955  Blancheflour  ot  le  cuer  moult  triste  et  moult  iré  : 

Bien  set  que  se  sa  fille  fust  en  bonne  santé, 

Qu'ele  l'eiist  veue  ou  aucun  mant  mandé. 

Vers  Paris  s'en  avalent,  l'amirable  cité  ; 

La  contrée  regarde  et  de  lonc  et  de  lé  ; 
1960  Moult  li  plot  li  pays  quant  l'ot  bien  avisé. 


LXXXI 


La  dame  ert  à  Montmartre,  s'esgarda  la  valée  , 
Vit  la  cit  de  Paris,  qui  est  et  longue  et  lée. 
Mainte  tour,  mainte  sale  et  mainte  cheminée 
Vit  de  Montleheri,  la  grant  tour  quarnelée  ; 

1965  La  rivière  de  Saine  vit,  qui  moult  estoit  lée. 
Et  d'une  part  et  d'autre  mainte  vigne  plantée. 
Vit  Pontoise  et  Poissi  et  Meullent  en  l'estrée, 
Marli,  Montmorenci  et  Conflans  en  la  prée, 
Dantmartin  et  Goiele,  qui  moult  est  bien  fermée, 

1970  Et  mainte  autre  grant  vile  que  je  n'ai  pas  nonmée. 
Moult  li  plot  li  pais  et  toute  la  contrée  : 
«  Ha!  Diex  »,  fait  ele,  «  sire,  qui  fis  ciel  etrousée, 


AUS   GRANS   PIES.  73 

«  Cotn  est  Berte  ma  fille  richement  mariée 
«  Et  en  très  noble  lieu  venue  et  arrivée  !  » 

1975  Li  rois  Pépins  l'adestre,  forment  l'a  honnorée, 
/     Et  souvent  dou  roi  Floire  nouvele  demandée. 
«  Sire  »,  dist  la  roïne ,  qui  fu  sage  et  senée, 
«  Il  est  sainz  et  haitiez  à  bonne   destinée  ; 
«  S'il  savoit  que  sa  fille  eiisse  ainsi  trouvée, 

1980  «  Que  de  sa  santé  fust  en  tel  point  destemprée, 
«  Moult  tost  seroit  sa  joie  à  grant  duel  retornée, 
«  Car  il  aime  sa  fille   plus  que  riens  qui  soit  née.   » 

—  «  Dame  »,  ce  dist  Pépins,  «  à  ce  n'aiez  pensée, 
«  Car  se  Diex  plaist,  ele  iert  assez  tost  respassée  ; 

1985  «  Quant  vous  verra,  tost  iert  sa  maladie  alée, 
«  Car  sa  joie  li  iert  à  cent  doubles  doublée.  » 
En  la  vile  s'en  entre  qui  moult  fu  bien  parée  ; 
As  fenestres  avoit  mainte  dame  acesmée, 
Trestoute  la  grant  rue  estoit  encourtinée. 

1990  De  mainte  gent  i  fu  Blancheflour  esgardée, 
Pour  amour  de  la  serve  reçut  celé  jornée 
Maint  dolereus  maudit,   basset  à  recelée. 
Au  perron  descendi  de  la  sale  pavée  ; 
Li  rois  et  li  baron  l'ont  ou  palais  menée. 

1995  Atant  ez  vous  Margiste,  forment  fu  esplorée  ; 
A  ses  ongles  s'estoit  un  pou  esgratignée  ; 
Devant  Blancheflour  vient  aussi  conme  dervée, 
A  ses  pies  se  laissa  cheoir  conme  pasmée. 
Blancheflour  la  connut,  si  l'en  a  relevée  ; 

2000  Tout  en  plorant  la  baise,  forment  l'a  acolée. 

«  Margiste,  où  est  ma  fille,  fai  que  me  soit  moustrée.  » 

—  «  Dame  »,  ce  dist  Margiste,  «  de  maie  heure  fui  née 
«  Quant  vous  avez  vo  fille  en  si  fait  point  trouvée  ; 
«  Depuis  qu'ele  ot  de  vous  la  nouvele  escoutée, 

2005  «  Ne  fu  aine  puis  haitie,  ne  soir  ne  matinée  ; 
«  De  la  joie  k'en  ot  fu  si  desnaturée, 
«  Pour  ce  que  longuement  vous  avoit  désirée, 


74  LI   ROMANS  DE  BERTE 

«  Que  onques  puis  ne  fu  de  son  Ht  remuée  ; 
«  Laissiez  la  reposer  dusques  à  l'avesprée.  » 

2010  Quant  Blancheflour  l'entent,  moult  fu  espoentée. 
De  la  sale  est  issue,  en  la  chambre  est  entrée, 
Moult  li  doloit  li  cuers,  forment  fu  trespeusée. 
Et  la  vielle  s'en  est  tout  errant  retornée 
A  la  serve,  en  sa  chambre,  qui  bien  fu  estcupée, 

2015  De  dras  d'or  et  de  soie  très  bien  encourtinée. 


LXXXII 


Ijlancheflour  la  roïne  ot  moult  le  cuer  dolent, 
Et  li  rois  la  conforte  moult  debonairement. 
«  Sire  »,  dist  Blancheflour,  «  par  le  cors  St  Vincent, 
«  Quant  parti  dou  roi  Floire,  je  li  oi  en  couvent 
2020  «  Que  tant  feroie  à  vous,  par  vostrc  assentement, 
«  Que  d'un  de  vos  enfans  li  feroie  présent, 
«  Si  arons  de  no  fille  aucun  restorement, 
«  Et  nous  en  ferons  roi,  sachiez  le  vraiement.  » 

—  «  Dame  »,  ce  dist  Pépins,   «  faites  le  liement, 
2025  «  Et  je  ferai  trestout  vostre  conmandement.  » 

—  «  Sire  »,  dist  la  roïne,  «  grans  mercis  vous  en  rent.  » 
Les  tables  furent  mises  sanz  lonc  delaiement, 

Au  mengier  sont  assis  chevalier  quatre  cent  ; 

Moult  honneure  li  rois  Blancheflour  et  sa  gent. 
2030  Quant  vint  après  mengier,  Blancheflour  plus  n'atent, 

Là  où  cuide  sa  fille  s'en  va  isnelement. 

La  vielle  vient  encontre,  entre  ses  bras  la  prent  ; 

«  Dame  »,  ce  dist  la  vielle,  «  pour  le  cors  St  Climent, 

«  J'ai  dit  à  la  roine  que  ne  venrez  noient 
2035  «  Devant  que  il  sera  près  de  l'avesprement  ; 

«  Un  pou  s'est  endormie,  pour  Dieu  râlez  vous  ent.  » 


AUS   GRANS    PIES.  75 

—  «  Volentiers  »,  dist  la  dame,  qui  nul  mal  n'i  entent, 
«  Ci  endroit  remaindrai,  par  Dieu  omnipotent, 
«  De  ci  ne  partirai,  sachiez  le  vraiement, 
2040  «  S'arai  veu  ma  fille  Bertain  o  le  cors  gent 

«  Et  baisie  sa  bouche,  se  Dieu   plaist,  doucement.  » 
Quant  la  vielle  Tentent,  ne  li  vint  à  talent  ; 
Tel  paour  ot  k'a  pou  que  li  cuers  ne  li  fent  ; 
Damediex  la  confonde,  qui  fist  le  firmament  ! 


LXXXIII 


2045      f]n  un  très  biau  prael  souz  une  fueillie  ente, 

Droit  par  devant  la  chambre  Torde  serve  pullente, 
Là  se  siet  Blancheflour,  qui  forment  se  démente  ; 
Pour  sa  fille  fu  moult  à  mesaise  et  dolente. 
Diex  !  que  ne  set  la  dame  le  mal  et  la  tormente 

2050  Que  sa  fille  a  soufert,  Berte  la  bêle  gente. 

Par  la  mauvaise  vielle,  cui  li  cors  Dieu  cravente, 
Et  par  Tybert  aussi,  qui  met  moult  grant  entente 
A  conforter  la  serve,  qui  forment  s'espoente  ; 
Damediex  leur  envoit  tous  trois  si  maie  entente 

2055  Que  de  lor  faus  marchié   viengnent   à  droite  vente  ! 


LXXXIV 


Blancheflour  fu  assise  souz  Tente  en  un  prael, 
La  fausse  vielle  apele,  feu  arde  son  musel  ! 
Et  ele  i  est  venue  moult  tost  et  moult  isnel. 
«  Dites  moi  »,  fait  la  dame,  «  pour  le  cors  St  Marcel, 


76  LI  ROUANS  DE  6ERTE 

2060  «  Qui  a  fait  à  ma  fille  brasser  si  fait  chaudel 

«  Tout  se  plaingnent  de  li  et  vieil  et  jouvence!  ? 

«  Or  sachiez  vraiement  que  ce  ne  m'est  pas  bel, 

«  Car  en  dame  haïe  a  moult  vilain  jouel.  » 
—  «  Dame,  il  ont  tort,  par  Dieu  qui  forma  Daniel  ; 

2065  «  Qui  ce  vous  a  conté,  maudite  soit  sa  pel, 

«  Car  onques  mieudre  dame  n'ot  en  son  doit  anel  ; 

«  Tout  ce  que  ele  fait,  ce  nest  fors  par  revel. 


LXXXV 


xjlancheflour  la  roine  n'a  talent  que  révèle  ; 
D'autre  chose  la  vielle  à  parler  en  rapele  : 

2070  «  Où  est  ore  ta  fille,  Alistete  la  bêle  ?  » 

—  «  Dame,  jel  vous  dirai  ;  sachiez  de  voir  que  ele 
«  Morut  soubitement  séant  sus  une  sele, 
«  Ne  sai  quel  maus  la  prist  souz  sa  destre   maissele, 
«  Je  croi  bien  k  en  la  fin  eiist  esté  mesele  ; 

2075  «  Sachiez,  si  m'en  deut  moult  li  cuers  sous  la  mamele  , 
«  Car  moult  estoit  aperte  et  plaisans  et  isnele  ; 
«  Je  la  fis  enterrer  vers  une  vies  chapele 
«  Coiement,  que  les  gens  n'en  seiissent  nouvele.  » 
Ainsi  li  fait  la  vielle  entendant  la  favele, 

2080  Mais  pas  n'ira  ainsi  longuement  la  querele. 


LXXXVI 


Deus  jours  fu  Blancheflour  en  tel  point,  sans  mentir, 
K'ains  ne  pot  à  la  serve  ne  aler  ne  venir, 


AUS   GRANS  PIES.  77 

Car  Tybers  et  la  vielle,  cui  Diex  puist  maleïp, 
Queroient  tousdis  tours  pour  aus  mieux  escremir. 

2085  Droit  devant  le  souper,  si  com  dut  avesprir, 

Prist  talent  Blancheflour,  ne  s'en  volt  plus  soufrir, 
Qu'ele  verroit  sa  fille,  ne  s'en  pot  astenir. 
Maleoit  gré  Tybert  li  a  fait  l'uis  ouvrir 
Une  joene  pucele  que  Diex  puist  beneïr, 

2090  Qui  gentil  fenme  estoit  (li  rois  Tôt  fait  norrir). 
Et  prist  une  ehandele,  e'on  n'i  povoit  veïr, 
Mais  la  vielle  l'ala  d'un  baston  si  ferir 
Que  ele  en  fist  le  sanc  à  la  terre  gésir. 
«  Alez  ent,  orde  garce,  madame  veut  dormir, 

2095  «  Ele  ne  puet  pour  riens  nule  clarté  choisir.   » 
Quant  ce  voit  la  pucele,  si  conmence  à  frémir, 
Kanque  ele  onques  puet  s'en  conmence  à  fuir. 
Bien  voit  que  la  vielle  est  plaine  de  mal  espir. 
Duel  en  ot  Blancheflour,  mais  tant  et  grant  désir 

2100  De  venir  à  sa  fille  que  tout  lait  convenir. 
Au  lit  la  serve  vient,  sel  conmence  à  sentir. 
«  Mère  »,  ce  dist  la  serve,  «  bien  puissiez  vous  venir  », 
Si  feblement  k'à  paines  le  pot  la  dame  oiV, 
«  Dame,  que  fait  mes  pères,  que  Diex  puist  beneïr  ? 

2105  —  «  Fille,  il  le  faisoit  bien  quant  de  lui  duch  partir.   » 
—  «  Dame,  loez  en  soit  Jhesus  par  son  plaisir  ! 
«  De  vous  à  festiier  n'ai  ore  pas  loisir, 
«  Dont  il  m'en  poise  si  que  j'en  euide  morir, 
«  Pour  ce  que  ne  vous  puis  à  mon  gré  oonjoir.   » 


LXXXVII 


2110       (jrant  paour'ot  la  serve,  plus  que  ne  vous  puis  dire, 
Trestous  li  cors  li  tramble,  n'a  pas  talent  de  rire. 


78  LI    ROMANS   DE  BERTE 

Ensus  de  Blancheflour  se  trait  tousjours  et  vire. 

«  Fille  »,  dist  Blancheflour,  «tous  li  cuers  me  deseire 

«  De  ce  que  ne  vous  voi,  car  forment  le  désire.   » 
2115  —  «  Mère  »,  ce  dist  la  serve,  «  je  suefre  tel  martire 

«  Que  j'en  sui  aussi  jaune  devenue  com  cire  ; 

«  Fisicien  me  dient  que  la  clartés  m'en  pire, 

«  Et  li  parlers  aussi  ,  nule  riens  ne  m'est  pire  ; 

«  Ne  vous  ose  veoir,  s'en  ai  au  cuer  grant  ire  ; 
2120  «  Après  le  roi  mon  père  li  cuers  si  fort  me  tire 

«  Que  je  ne  sai  que  faire,  près  sui  de  desconfire  ; 

«  Laissiez  me  reposer  ;  que  Jhesus  le  vous  mire  !  » 


LXXXVIII 


Quant  Blancheflour  la  serve  ainsi  parler  oï, 

Bien  voit  qu'ele  désire  le  départir  de  li  ; 
2125  Dou  duel  que  ele  en  ot  dusqu'au  cuer  s'en  senti  : 

«  Aide  Diex  »,  fait  ele,  «  qui  onques  ne  menti, 

«  Ce  n'est  mie  ma  fille  que  j'ai  trouvée  ci  ; 

«  Se  fust  demie  morte,  par  le  cors  St  Rémi, 
♦   «  M'eiist  ele  baisie  assez  et  conjoï.    » 
2130  Par  maltalent  se  lieve,  qu'ele  plus  n'atendi, 

Le  grant  huis  de  la  chambre  Blancheflour  entrouvri, 

Sa   maisnie  apela,  qui  l'atendent  iki  : 

«  Venez  avant  »,  fait  ele,  «  pour  Dieu,  je  vous  en  pri, 

«  N'ai  pas  trouvé  ma  fille,  on  m'a  dou  tout  menti  ; 
2135  «  Jà  sarai  se  c'est  voirs,  se  Diex  l'a  consenti.   » 

Tjbers,  qui  gardoit  Fuis,  de  paour  en  rougi. 

Blanclieflour  la  roïne  n'i  mist  pas  lonc  detri. 

En  la  chambre  retorne  et  sa  maisnie  aussi  ; 

Par  terre  ont  abatu  maint  drap  d'or,  maint  tapi. 
2140  «  Dame  »,  ce  dist  la  vielle  »,  pour  amour  Dieu,  merci  1 


AUS   GRANS   PIES.  79 

«  Voulez  tuer  vo  fille  ?  trois  jours  a  ne  dormi.  » 

—  «  Tais  te,  vielle  »,  fait  ele,  «  n'en  ferai  riens  pour  ti.  » 

Les  fenestres  ouvrirent,  ne  sont  pas  alenti. 

Quant  Tjbers  et  les  serves  voient  qu'il  va  ainsi, 
2145  Or  ne  demandez  mie  s'il  furent  abauLti. 

Blancheflour  vint  au  lit  où  la  serve  choisi. 

Toute  la  couverture  à  ses  deus  mains  saisi. 

Si  la  sacha  que  toute  la  serve  descouvri  ; 

Blancheflour  voit  les  piez,  tous  li  cuers  li  failli 
2150  La  serve  prent  un  drap,  jus  dou  lit  se  sailli  ; 

Blancheflour  par  les  treces  à  terre  l'abati, 

Qui  estoient  moult  blondes,  par  verte  le  vous  di. 

Chascuns  entre  en  la  chambre  quant  il  oent  le  cri, 

Des  mains  li  ont  ostée  et  ele  s'en  fuï, 
2155  Dedens  une  autre  chambre  l'ont  sa  gent  recueilli. 

Et  Blancheflour  s'escrie  :  «  Harou,  traï,  traï  ! 

«  Ce  n'est  mie  ma  fille,  lasse  dolente,  aimi  ! 

«  C'est  la  fille  Margiste,  k'avoeques  moi  norri  ; 

«  Murdri  m'ont  mon  enfant,  Bertain  qui  m'amoit  si.  » 
2160  Un  mes  s'en  vint  au  roi,  qui  tout  li  a  gehi, 

Et  Pépins  i  akeurt  quant  la  nouvele  oi', 

Et  maint  autre  barpn,  qui  de  près  l'ont  sivi. 

Quant  ces  nouveles  oent,  tout  furent  esbahi. 


LXXXIX 


ijlancheflour  la  roïne  fu  forment  esmarie  ; 
2165  Où   qu'ele  voit  Pépin,  en  plorant  li  escrie   : 

«  Frans  roys,  où  est  ma  fille,  la  blonde  ,  l'eschevie  , 
«  La  douce,  la  courtoise,  la  très  bien   ensaignie, 
«  Berte  la  debonaire,  qui  souef  fu    norrie  ? 
«  Se  tost  n'en  oi  nouveles,  jà  serai  enragie  ; 


80  LI    ROMANS   DE   BERTE 

2170  «  Rois,  ce  n'est  pas  ma  fille  qui  ci  s'estoit  couchie 
«  C'est  la  fille  Margiste,  cui  11  cors   Dieu  maudie. 
<(  Faites  aler  après,  jà  s'en  sera  fuie, 
«  Et  gardez  que  sa  mère  ne  vous  eschape  mie.    » 
A  ce  mot  chiet  pasmée  en  la  chambre  voutie, 

2175  Et  li  rois  l'en  redrece,   qui  de  pitié  lermie  ; 
A  ce  qu'il  a  oï  connoist  la  tricherie, 
Bien  se  perçoit  conment  Berte  li  fu  changie 
Et  voit  tout  clerement  qu'ele  a  esté  traïe. 
Toute  pasmée  enportent  Blancheflour  sa  maisnie, 

2180  Et  Pépins  a  tel  duel  k'a  pou  qu'il  ne  marvie. 

«  Haï!  Berte  )v,  fait  il,  «  bêle  suer,  douce  amie, 
«  Com  je  vous  ai  porté  mauvaise  conpaignie, 
«  Mais  cil  le  comparront,  par  Dieu  le  fill  Marie, 
«  Qui  par  leur  fausseté  vous  ont  ainsi  traïe  ; 

2185  «  Je  sai  bien  vraiement,  Tybers  vous  a  murdrie, 
«  Il  vous  a  estranglée  ou  la  teste  trenchie, 
«  Entre  lui  et  Margiste,  cui  li  cors  Dieu  maudie  ; 
«  Par  aus  avez  esté  souduite  et  engignie, 
«  Mais  ains  qu'il  soit  demain  li  heure  de  compile, 

2190  «  Porront  il  bien  savoir  se  il  ont  fait  folie.  » 


xc 


Maltalent  ot  li  rois  si  que  tous  en  rougist, 
Tant  fu  dolans  de  cuer  k'a  pou  qu'il  ne  marist. 
Pitié  ot  de  Bertain  ;  sachiez,  s'il  la  seuïst 
Nule  part  en  ce  mont,  que  il  la  requesist. 
2195  Quatre  de  ses  serjans  il  meïsmes  choisist, 

La  vielle  leur  fait  prendre,  chascuns  la  main  i  mist, 
Ou  par  bras  ou  par  robe  chascuns  d'aus  la  saisist  ; 
Tou7  li  plus  corrouciez  de  la  joie  en  souzrist. 


AUS   GRANS   PIES.  81 

«  Vielle  »,  ce  dist  li  rois,  «  à  honnir  t'entreprist 
2200  «  Qui  ceste  traison  t'ensaigna  et  aprist, 

a  Saches  que  envers  toi  moult  malement  mesprist, 

«  Car  tu  en  seras  arse,  par  le  cors  Jhesu  Crist.   » 

Quant  l'entendi  la  vielle,  de  la  paour  fremist. 

Après  ceste  parole  li  rois  de  la  chambre  ist, 
2205  En  la  sale  est  venus,  sor  un  siège  s'assist. 

Ses  barons  fait  mander  que  chascuns  i  venist. 

Quant  il  furent  venu,  li  rois  Pépins  lor  dist 

Que  ce  seroit  bien  fait  que  on  la  vielle  arsist. 

«  Sire  »,  dient  si  home,    «  bon   fust  que  gehisist 
2210  «  Que  Berte  est  devenue  ne  quel  chose  ele  en  flst, 

«  Se  ele  la  noia  ou  s'ele  la  murdrist.  » 

Et  li  rois  lor  respont  bon  fust  c'en  le  fesist. 

La  vielle  fu  mandée,  nus  ne  le  contredist; 

Quant  li  rois  l'a  veûe,  il  meïsmes  maudist 
2215  Qui  premier  pour  Bertain  à  norrice  l'eslist. 


XCI 

Quant  la  vielle  fu  prise,  moult  fu  dolente  et  triste. 
Cel  jour  fist  moult  lait  tans  de  tonnoirre  et  d'escliste 
Li  rois  fu  en  sa  sale  d'or  painturée  à  liste  ; 
La  vielle  demanda  qui  ot  à  non   Margiste, 

2220  Et  sa  fille  ot  non  Berte  en  France,  mais  Aliste 
Fu  nonmée  en  baptesme  et  fu  née  à  Valgiste. 
«  Ha  î  vielle  »,  distli  rois,  «  di,  pourquoi  traïsis  te 
«  Bertain  ta  douce  dame  ne  pourquoi  le  fesis  te  ? 
«  Tu  ses  bien  que  ta  fille  lés  moi  gésir  mesis  te  ; 

2225  «  Ce  fu  grans  faussetez  ;   pourquoi  nelegehiste? 
«  Se  tes  cors  est  perdus,  l'ame  que  ne  garis   te  V 
a  Bien  croi,  s'a  traïson  de  ton  cuer  l'empresis  te, 
«  Tu  es  de  la  semblance  à  la  gent  Antecriste.  » 

6 


82  LI   ROMANS   DE   BERTE 


XCII 


Quant  li  rois  ot  fait  prendre  et  Margiste  et  Tybert 
2230  Et  la  fausse  roïne,  tantost  fu  descouvert 
Lor  maie  traïson  devant  tous  en*apert. 
«  Ha  !  Diex  »,  ce  dist  chascuns,  «  pourquoi  avés  soufert 
«  Si  longuement  tel  murdre  si  lait  et  si  despert? 
«  Conment  le  puevent  il  ainsi  avoir  couvert? 
2235  «  Bons  rois,  faites  qu'il  soient  tout  à  lor  droit  offert  ; 
«  Se  pitié  en  avez,  mal  dahait  qui  vous  sert  !  » 
—  «  Voir  à  foi  »,  dist  li  rois,  qui  ot  le  cuer  apert , 
«  Se  Tybers  de  son  dos  la  grant  rue  ne  tert.   » 


XCIII 


lybers  et  les  deus  serves  voient  la  chose  aperte 
2240  Et  que  lor  faussetés  est  toute  descouverte, 

Bien  voient  qu'il  aront  de  lor  fais  la  desserte. 

«  Vielle  »,  C8  dist  chascuns,  «  com  vous  fustes  desperte  , 

«  Qui  de  vo  fille  aviés  fait  la  roïne  Berte  ; 

«  A  cestui  tour  vous  estes  mauvaisement  couverte  ; 
2245  «  No  dame  avez  murdrie,  fait  avons  grande  perte, 

«  Mais  vous  en  serez  tost  à  vo  mérite  offerte. 

«  Conment  a  Diex  tel  gent  si  longuement  souferte  ? 

«  Blancheflour,  qui  est  moult  de  tous  biens  aouverte, 

«  Les  geta  de  servage  et  de  toute  poverte  ; 
2250  «  Moult  mal  li  ont  meri,  ceste  chose  est  bien  certe.  » 


AUS  GRAMS  PIES.  83 


XCIV 


Li  rois  voit  les  deus  serves  et  Tybert  ensement. 
Sachiez  que  moult  les  het  de  cuer  entièrement. 
Il  fait  prendre  la  vielle  trestout  premièrement, 
En  un  trou  de  tarere  li  boutent  erranment 

2255  Ses  deus  pois,  puis  les  coignent  moult  angoisseusement 
Pour  li  faire  gehir  la  destraignent  forment. 
«  Ha  !  rois  Pépin  d,  fait  ele,  «  pour  Dieu  omnipotent, 
«  Délivrés  moi  mes  mains,  je  dirai  tout  briément.  » 
Lors  ostent  la  cheville,  n'i  font  delaiement, 

2260  Et  la  vielle  a  gehi  oiant  toute  la  gent. 
La  trahison  connoist  tout  ainsi  faitement 
Com  ele  l'arréa  dès  le  conmencement, 
Et  a  reconneii  conme  ele  avoit  talent 
D'enherber  Blancheflour  et  Pépin  ensement, 

2265  Et  avoit  pourveii  tout  l'enpoisonncment. 
A  ardoir  fu  jugie  ,  et  par  droit  jugement. 
Après  parla  Tybers  tost  et  isnelement  : 
«  Sire  rois  »,  dist  Tjbers,  n  par  le  cors  St  Vincent, 
«  Je  n'ocis  pas  Bertain,  sachiez  le  vraiement, 

2270  «   Mais  je  l'eiisse  morte,  n'en  mentirai  noient, 

«  Ne  fust  Morans  de  cui  j'en  oi  desfendement.  » 
Lors  leur  conta  la  chose  tout  descouvertement. 
Tout  ainsi  com  Morans  mist  Berte  à  sauvement  ; 
«  Ou  bois  avoec  les  bestes,  dont  i  avoit  granment, 

2275  «  Ours,  sanglers  et  lyons,  ainsi  com  je  l'entent, 
«  Là  la  laissâmes  nous  enz  ou  bois  seulement  ; 
«  Je  croi  qu'ele  soit  morte ,  par  le  mien  escient.  » 
Et  après  leur  conta  tout  ainsi   faitement 
Com  à  Margiste  liront  dou  cuer  d'un  porc    présent, 

2280  Et  à  la  fausse  serve,  cui  li  cors  Dieu  cravent. 


84  LI   ROMANS   DE   BERTE 

De  la  corde  leur  conte  conment  estroitement 
En  fu  Berte  loiie  et  anuieusement, 
Qu'ele  ne  pelist  dire  son  mesaaisement, 
Et  conme  la  feroit  et  menu  et  souvent  ; 

2285  Trestouta  conneû  doat  ot  apensement. 

De  pitié  en  plorèrent  plus  de  mil  et  sept  cent. 
Lors  vint  avant  la  serve,  cui  Diex  doinst  marement  : 
«  Sire  »,  fait  ele  au  roi,  «  vous  veez  bien  conment 
«  La  chose  ne  vint  pas  de  mon  arréement  ; 

2290  «  De  ma  mauvaise  mère  vint  il  premièrement 
«  Et  par  li  sonmes  nous  venu  à  ce  torment  ; 
«  Damediex  la  confonde  qui  maint  ou  firmament  !  » 


xcv 


Moult  fu  toute  la  gent  qui  là  estoit,  dolente 
Pour  amour  de  leur  dame,  Berte  la  bêle  gente. 

2295  Un  grant  feu  font  d'espines,  n'i  firent  longue  atente  ; 
L'uns  atise  le  feu  et  li  autres  le  vente, 
La  vielle  ara  jà  tost  de  son  marchié  la  vente, 
Ele  a  bien  desservi  a  recevoir  tel  rente  : 
Qui  traïson  pourchace,  drois  est  qu'il  s'en  repente  ; 

2300  De  traïson  à  faire  n'ert  pas  la  vielle  lente. 
Cel  jour  i  a  ploré  mainte  bêle  jouvente 
Pour  l'amour  de  Bertain,  ne  quier  que  vous  en  mente. 
Dedenz  le  feu  gelèrent  Torde  vielle  pullente, 
Ainsi  fu  la  vielle  arse  et  livrée  à  tormente. 

2305  Quant  sa  fille  le  voit,  forment  s'en  espoente, 
De  la  paour  qu'ele  ot  sus  la  terre  s'adente. 


AUS   GRANS   PIES.  8â 


XCVI 


(Juaj?t  la  vielle  fu  arse,  Tjbert  font  ateler, 
Tout  parmi  la  grant  rue  le  firent  traîner, 
A  Montfaucon  le  firent  sus  au  vent  encroer. 

2310  D'une  part  furent  trait  li  demaine  et  li  per  : 

«  Sire  »,  font  il  au  roi,  «  nous  vous  voulons  moustrer 
«  Que  grant  chose  est  de  roi,  ce  ne  puet  nus  veer  : 
«  Se  vous  voulez  la  serve  par  no  conseil  mener, 
«  Dont  ne  li  faites  mie  dou  cors  la  vie  oster, 

2315  «  Mais  laissiez  la  tant  vivre  qu'ele  porra  durer  ; 
«  Puis  k'enfans  en  avez,  ne  doit  pas  demorer 
«  Que  les  enfans  et  li  ne  doiez  gouverner, 
«  Mais  nous  disons  par  droit,  nel  vous  voulons  celer, 
«  Que  mais  après  ce  jour  ne  doit  à  vous  parler 

2320  «  Ne  nule  conpaignie  en  ce  siècle  porter.  » 
Quant  li  rois  l'entendi,  si  prist  à  souspirer  : 
«  Seignor  »,  ce  dist  li  rois,  «  par  le  cors  St  Omer, 
«  Ele  eiist  desservi  destruire  et  lapider, 
«  Mais  contre  jugement  ne  vueil  je  mie  aler.  » 

2325  Quant  la  serve  sot  ce,  Dieu  en  prist  à  loer, 
Devant  le  roi  se  fist  trestout  errant  mener  ; 
Où  qu'ele  voit  le  roi,  si  li  ala  rouver  : 
«  Sire,  car  me  vueilliez  pour  Dieu  un  don  donner  : 
«  K  a  Montmartre  me  faites,  s'il  vous  plaist,  osteler  ; 

2330  «  Là  verrai  estre  nonne,  bien  sai  lire  et  chanter  ; 
«  Pour  l'amour  des  enfans  que  m'avez  fait  porter, 
«  Me  devez,  biau  douz  sire,  un  petit  déporter  ; 
«  Donnés  me  un  pou  d'avoir  que  j'ai  fait  assambler. 
«  Quant  mi  fiU  ierent  grant,  ferai  les  marier 

2335  «  Et,  s'il  vous  plaist,  biau  sire,  ferez  les  adouber, 
«  Car  il  sont  vostre  enfant,  de  ce  n'estuet  douter.  » 


86  LI   ROUANS   DE   BERTE 

Et  li  rois  li  otrie,  nel  daigna  refuser. 
Ainsi  ala  la  chose  que  m'oez  deviser. 
Son  avoir  à  Montmartre  fist  la  serve  guier, 
2340  Sor  chars  et  sor  charrettes  et  sor  sonmiers  trousser 
Huit  jours  mirent  tous  plains  à  l'avoir  aliner. 
Tant  i  avoit  trésor,  entre  argent  et  or  «cler, 
Sans  les  autres  richeces  que  ne  sai  raconter, 
K'à  paines  le  puet  on  ne  dire  ne  esmer. 


XCVII 


2345      Moult  fu  li  rois  Pépins  de  très  franche  matere, 

N'avoit  plus  gentill  cuer  ne  rois  ne  emperere  ; 

La  perte  de  Bertain  li  fu  sure  et  amere. 

Blancheflour  reconforte,  qui  à  grant  meschiefere, 

Qui  pour  Berte  estoit  moult  de  cuer  dolente  mère. 
2350  «  Ahi  !  fille  »,  fait  ele,   «  que  dira  vostre  père, 

a  Qui  çà  vous  envoia  bêle  et  plaisans  et  clere  ! 

«  Vers  povres  gens  n'estiez  escharse  ne  avère. 

«  Or  a  Floires  perdu  et  vo  suer  et  vo  frère  ; 

a  Or  en  soit  Diex  des  âmes,  se  il  li  plaist,  gardere, 
2355  «  Cil  qui  de  toute  rien  est  sire  et  gouvernere. 

«  Vers  mon  seignor  irai  demain  ains  que  jours  père.  » 


XCVIII 


Droit  delez  Blancheflour,  la  roïne  au  cler  vis, 
Seoit  li  rois  Pépins  moult  dolans  et  pensis. 
Moult  forment  sont  dolant  la  gent  de  son  pays 


AUS  GRANS   PIÉS.  87 

2360  Que  la  serve  n'est  arse  ou  ses  cors  enfouis. 
Ne  volt  plus  Blancheflour  demorer  ou  pays, 
Lor  afaire  arreèrent,  n'i  ont  lonc  terme  mis. 
Li  rois  Pépins,  qui  fu  courtois  et  bien  apris, 
En  fist  tout  son  désir,  n'en  doit  estre  repris. 

2365  L'endemain  par  matin,  quant  jours  fu  esclarcis, 
Blancheflour  la  roïne  ont  en  litière  mis 
Entre  deus  parlefrois  qui  furent  de  grant  pris, 
Car  ne  pot  chevauchier,  tant  fu  ses  cuers  maris. 
Chascuns  maudit  la  serve  et  crient  à  haus  cris 

2370  Que  Jhesus  la  confonde,  li  rois  de  paradis. 
Quant  par  li  est  Pépins  li  gentis  rois  trais 
Et  trestous  li  roiaumes  essilliez  et  honnis  ; 
De  Dieu  soit  li  siens  cors  essilliez  et  maudis 
Et  si  enfant  aussi,  et  Rainfrois  et  Heudris  ! 

2375  Blancheflour  la  roïne  s'en  va  par  St  Denis, 
Li  rois  la  convoia  de  là  dusqu'à  Senlis, 
L'endemain  s'en  parti  dolens  et  abaubis. 


XCIX 


Or  s'en  va  Blancheflour  moult  dolente  et  desprise. 
«  Ha  !  mère  Dieu  »,  fait  ele,  «  com  sui  ore  malmise  ! 

2380  «  Berte,  ma  bêle  fille,  plaine  de  gentelise, 

«  Com  par  estiiez  douce  et  plaine  de  franchise  ! 

«  De  moi  iert  à  vo  père  povre  novele  aprise, 

a  Qui  vous  amoit  de  cuer  sans  nul  point  de  faintise, 

«  Je  croi  bien  que  detraite  en  iert  sa  barbe  grise  ; 

2385  «  Quant  sara  conment  fu  la  traïson  emprise , 

«  N'ara  plus  dolent  home  d'Outremer  dusk'en  Frise. 
«  Hélas  !  pourquoi  ne  crieve  mes  cuers  souz  ma  chemise, 
«  Je  n'arai  jamais  joie,  par  le  cors  St  Denise, 


88  LI   ROMANS  DE  BERTE 

«  Se  je  tousjours  duroie  dusk'au  jour  dou  juïse  ; 
2390  «  Miex  aim  morir  que  vivre,  si  sui  de  duel  aquise.  » 


Or  s'en  vont  li  Hongrois,  n'i  ont  plus  atendu, 
Mainte  terre  trespassent  et  maint  grant  bois  ramu  ; 
Grant  duel  fait  Blancheflour  de  cuer  très  irascu. 
Tant  ont  par  lor  jornées  aie  et  pourséii 

2395  Que  à  la  St  Jehan,  un  haut  jour  assolu, 

Sont  tout  droit  en  Hongrie,  lor  pais,  revenu. 
Le  roy  Floire  trouvèrent,  qui  à  grant  meschief  fu 
Quant  il  ot  la  nouvele  de  sa  fille  entendu. 
Il  et  Blancheflour  sont  en  plorant  receii  ; 

2400  II  ne  porent  mot  dire,  tant  par  sont  esperdu  ; 
En  acolant  l'uns  l'autre  sont  à  terre  cheii, 
Lor  gent  les  en  relievent  qui  là  sont  acoru. 
«  Ha  !  Diex  n,  distli  rois  Floires,  «  que  nous  est  avenu, 
«  Quant  Bertain  nostre  enfant  avons  ainsi  perdu  ! 

2405  «  Biaus  Diex  »,  faitli  rois  Floires;  «  vrais  pères  rois  Jhesu, 
«  Puisqu'il  vous  plaist,  biau  sire,  qu'il  me  soit  mescheii, 
«  Loez  en  soiez  vous,  par  vo  douce  vertu, 
«  Car,  quant  il  vous  plaira,  bien  me  sera  rendu.   » 


CI 


Quant  en  son  pays  fu  Blancheflour  revenue 
2410  Et  la  gent  dou  roiaume  ont  la  nouvele  oue 
Ccnment  Berte  as  grans  pies  a  esté  deceiie, 


AUS   GRANS   PIES. 

Maint  cheveil  i  ot  trait,  mainte  paume  batue. 
Rois  Floires  fait  tel  duel  k'a  pou  qu'il  ne  se  tue. 
Et  Blancheflour  aussi,  que  trestoute  tressue. 

2415  Les  gens  pleurent  forment  parmi  chascune  rue  : 
«  Diex!  »  font  il,  «  com  a  ci  laide  desconvenue, 
«  Quant  la  bêle  Bertain  avons  ainsi  perdue  ; 
«  En  ceste  terre  avoit,  ains  qu'ele  en  fust  issue, 
«  La  povre  gent  souvent  chaucie  et  revestue 

2420  «  Et  de  ses  biens  aussi  maintes  fois  repeûe  ; 
«  Diex  maudie  la  serve,  qui  fait  courre  la  nue, 
«  Et  Tjbert  et  Margiste,  car  bien  ont  abatue 
«  La  joie  ea  ce  pays  qui  y  estoit  creiie. 
«  Or  soit  de  Dieu  li  ame  de  Bertain  assolue, 

2425  «  Conques  mieudre  de  li  ne  fu  par  iex  veiie.  » 


Cil 


Jyloult  par  furent  la  gent  en  Hongrie  adolé 
Pour  l'amour  de  Bertain,  où  tant  ot  de  bonté  ; 
Tant  ot  tousjours  eii  de  debonaireté 
Qu'ele  ot  non  Debonaire  tousjours  en  son  régné. 

2430  Ne  vous  pourroie  dire,  se  l'avoie  juré, 

Conment  cil  de  Hongrie  l'ont  plaint  et  regreté, 
Ne  la  très  grant  dolor  qu'il  en  ont  démené. 
Blancheflour  a  le  roi  trestout  dit  et  conté 
Conment  la  traVson  ot  Margiste  arreé  ; 

2435  En  plorant  li  a  tout  et  dit  et  devisé 
L'afaire  de  Bertain,  n'en  a  riens  oublié, 
Et  conment  fu  changie  dedenz  le  lit  paré. 
Et  conment  l'enmena  Tjbers  par  fausseté, 
Et  conment  l'atornèrent  qu'ele  n'eiist  parlé, 

2440  Com  Tybers  li  eiist  ou  bois  le  chief  coupé. 


01^.  LI   ROMANS   DE   BERTE 

Ne  fust  Morans,  cui  Diex  envoit  joie  et  santé  ! 

Il  et  si  conpaignon,  par  debonaireté, 

En  laissièrent  Bertain  fuir  ou  bois  ramé  ; 

Là  ont  son  cors  les  bestes  mengié  et  estranglé. 
2445  En  plorant  l'a  li  rois  mot  à  mot  escouté. 

De  parfont  cuer  souzpire  de  duel  et  de  pité. 

Ci  lairons  dou  roi  Floire,  qui  le  cuer  ot  iré, 

De  Blancheflour  sa  fenme,  qui  ot  cuer  apensé  ; 

Pour  lor  fille  Bertain  ont  souvent  souzpire  ; 
2450  Dou  roi  Pépin  dirons,  le  preu  et  le  séné. 

Quant  il  et  Blancheflour  se  furent  dessevré 

Et  en  plorant  se  furent  à  Jhesu  conmandé, 

A  Paris  s'en  revint,  l'amirable  cité. 

Lors  a  tantost  Morant  par  devant  lui  mandé 
2455  Et  ses  deus  conpaignons  ;  ainsi  l'ot  conmandé. 

Et  il  i  sont  venu  volentiers  et  de  gré  ; 

Pour  lor  dame  Bertain  ont  tenrement  ploré. 


cm 


«  Morans,  »  ce  dist  li  rois,  «  or  oiez  ma  pensée, 
«  Avoec  ma  fenme  alastes  quant  ele  en  fu  menée, 

2460  «  Bien  sai,  se  ne  fussiez,  la  teste  eiist  coupée  ; 

«  Je  croi  bien  que  les  bestes  l'ont  morte  et  dévorée, 
«  Car  s'ele  ne  fust  morte,  deçà  fust  retornée. 
«  Je  vueil  que  vers  le  Mans  soit  vo  voie  aprestée 
«  Et  demandez  très  bien  par  toute  la  contrée, 

2465  «  Pour  savoir  se  de  li  seroit  riens  retrouvée, 
«  Ne  se  nus  l'aroit  puis  veiie  n'encontrée 
«  Que  l'eustcs  laissie  en  la  forest  ramée  ; 
«  S'aucune  chose  en  ai,  par  la  Virge  honnorée, 
«  De  li  ou  de  la  robe  que  ele  en  ot  portée, 


AUS  GRAN6  PIÉS.  91 

2470  «  Sachiez,  je  l'ameroie  assez  plus  que  riens  née, 
«  Et  si  la  baiseroie  et  soir  et  matinée. 
«  Pour  Dieu,  or  en  pensez,  qui  fîst  ciel  et  rousée, 
((  Et  la  paine  vous  iert  très  bien  guerredonnée.  » 
—  «  Sire,  nous  le  ferons,  puisque  il  vous  agrée.  » 

2475  L'endemain  se  départent  de  là  à  l'ajornée. 

Tant  vont  et  tant  cheminent,  sanz  longue  demorée. 
Que  tout  droit  au  lieu  vienent,  lez  une  grant  valée, 
Où  la  derraine  fois  fu  Berte  d'aus  sevrée  ; 
Lors  ont  seur  celé  place  mainte  lerme  plorée. 

2480  De  là  se  départirent,  n'i  font  longue  arrestée  ; 
Par  trestout  le  pays  ont  Bertain  demandée. 
Par  toute  la  contrée  en  va  la  renommée 
C'en  requiert  la  roïne  de  France  la  loée, 
Et  k'ens  ou  bois  dou  Mans  fu  laissie  esgarée. 

2485  Quinze  jours  l'ont  requise,  mais  n'en  ont  pas  trouvée, 
Onques  de  li  n'aprirent  maillie  ne  denrée. 
A  Sjmon  le  voier  est  la  nouvele  alée. 
Et  Symons  l'a  sa  fenme  Constance  recontée. 
Quant  Constance  l'entent,  toute  en  fu  trespensée. 


CIV 


2490       «  Synions  »,  ce  dist  Constance,  «par  la  foi  que  vous  doi, 
«  Trestout  droit  en  cel  point  dont  ci  parler  vous  oi, 
«   Trouvastes  vous  Bertain,  ainsi  com  je  le  croi  ; 
«  Alons  à  li  parler,  sire,  entre  vous  et  moi.  » 
— «  Constance  »,  dist  Sjmons,  »par  monchief.jel'otroi.  » 

2495  Bertain  ont  apelée  d'une  part  en  requoi  ; 
D'une  part  sont  aie,  il  ne  furent  que  troi. 
Lors  li  conte  Sjmons,  qui   moult  fu  plains  de  foi, 
Le  meschief  et  l'anui,  le  mal  et  le  desroi. 


9S  Ll  ROMANS   DE   BCRTE 

Que  il  est  avenu  à  Pépin  le  bon  roi. 
2500  «  Berte,  aussi  vraiement  que  devant  moi  vous  voi, 

«  Avint  ce  en  cel  point  que  trouvée  vous  oi  ; 

«  Se  c'estes  vous,  sel  dites,  ce  vous  requier  et  proi.  » 

Quant  Berte  l'entendi,  moult  fu  en  grant  esfroi  ; 

«  Sire  »,  ce  a  dit  Berte,  «  bien  vous  entent  et  oi, 
2505  «  Mais  ce  ne  sui  je  mie,  sachiez,  je  le  vous  noi.  » 


cv 


(juant  Berte  entent  Symo»,  moult  forment  s^en  effroie, 
Des  nouveles  qu'ele  ot  tous  li  cuers  l'en  souploie. 
«  Diex  »,  fait  ele  en  son  cuer,  «  tenez  m'en  droite  voie, 
«  Sire,  que  de  mon  veu  deceiie  ne  soie. 

2510  «  Sjmon  »,  fait  ele,  «  sire,  pourquoi  vous  celeroie, 
«  Se  j'estoie  roïne  ?  grant  folie  feroie  ; 
«  Pleiist  Dieu  que  le  fusse,  j'en  aroie  grant  joie  ; 
«  Vous  povez  bien  savoir  que  je  miex  l'ameroie 
«  Que  manoir  en  ce  bois  ;  bien  dervée  seroie 

2515  «  Se  j'estoie  roïne  et  puis  le  le  vous  celoie  ; 
«  Ce  ne  seroit  pas  sens,  se  je  m'en  escusoie, 
«  Ains  seroie  moult  foie  se  de  ce  vous  mentoie»,  » 
De  celer  la  besongne  Berte  si  le  desvoie 
Que  Sjmons  et  Constance  tous  ses  bons  li  otroie. 


AUS   GRANS   PIÉS.  93 


CVI 


2520       [^[  lairons  de  Bertain  au  gent  cors  avenant, 
De  Sjmoa  le  voier  qui  ot  le  euer  vaillant, 
Be  Constance  sa  fenme,  cui  Diex  doinst  joie  grant  ; 
Tant  leur  a  Berte  dit,  et  arrière  et  avant. 
Que  tant  kanqu'il  leur  plaist  leur  a  fait  entendant. 

2525  De  ceus  vous  parlerons  qui  Berte  vont  querant. 
Par  trestout  le  pais  vont  la  terre  cerchant, 
De  la  chose  qu'il  quierent  vont  partout  demandant, 
Mais  onques  n'en  aprirent  un  bouton  vaillissant  ; 
A  Paris  s'en  revindrent  la  cité  bien  séant. 

2530  Là  trouvèrent  le  roi  de  cuer  triste  et  dolant, 
Et  quant  li  rois  les  voit,  si  apele  Morant, 
Et  Morans  vint  à  lui  moult  durement  plorant. 
«  Sire  »,  ce  dist  Morans,  par  le  cors  St  Amant, 
«  Requis  avon  madame  de  cuer  très  désirant  ; 

2535  «  N'a  entour  la  forest  remés  home  vivant, 
«  Chevalier  ne  bourjois,  vilain  ne  paisant, 
«  Sarteur  ne  charbonnier,  ne  vilain  ahanant, 
«  Nés  ceus  qui  sont  les  bestes  en  la  forest  gardant, 
«  A  glyse  n'a  chapelle,  ne  à  gent  trespassant, 

2540  «  Cui  n'aions  raconté  trestout  le  convenant  ; 

«  Mais  or  en  savons  mains  que  ne  saviens  devant.  » 
Quant  li  rois  l'entendi,  de  cuer  va  souspirant. 
Et  li  serjant  se  partent  de  lui  à  cuer  dolant. 


94  LI   ROMANS   DE   BERTE 


CVII 


Quant  voit  li  rois  Pépins  que  nouveles  n'orra 

2545  De  sa  fenme  Bertain,  grant  duel  en  démena. 
Tel  duel  en  ot  Morans  de  ce  que  il  laissa 
Sa  dame  en  la  forest,  quant  Tybers  l'enmena. 
Et  si  doi  compaignon,  que  chascuns  se  croisa  ; 
Pour  faire  penitance  chascuns  outre  mer  va. 

2550  De  ces  trois  compaignons  nus  ne  s'en  retorna, 
Fors  que  Morans  sans  plus  ;  cil  revint  pardeçà, 
Et  li  autre  morurent  ;  sachiez  k'ainsi  ala  ; 
Or  en  ait  Diex  les  âmes,  qui  tout  le  mont  forma  ! 
Un  jour  li  rois  Pépins  son  oirre  apareilla 

2555  Pour  aler  vers  Angieus,  où  n'ot  esté  pieça. 
Tout  droit  en  cel  termine  que  li  rois  estoit  là, 
Vint  dux  Namles  à  lui  ;  là  endroit  le  trouva 
Pour  estre  chevalier,  grant  volenté  en  a  ; 

2560  Bien  douze  conpaignons  avoec  lui  amena. 
Devant  le  roj  Pépin  Namles  s'agenoilla 
Et  tuit  li  autre  ensamble,   chascuns  le  salua  ; 
Dux  Namles  de  Baiviere  premièrement  parla  : 
«  Bons  rois  »,  ce  a  dit  Namles,  «  nous  venons  à  vous  çà, 

2565  «  Né  sonmes  d'Alemaigne,  de  la  terre  delà; 
«  Fiex  le  duc  de  Baiviere  sui,  n'en  mentirai  jà  ; 
«  Pour  estre  chevalier  à  vous   nous  envoia. 
«  Quant  partîmes  de  lui,  très  bien  nous  conmanda 
«  Ne  fussiens  chevalier  fors  de  vous   ;  ce  sera, 

2570  «  Gentiex  rois  debonaires,  si  tost  corn  vous  plaira, 
«  Et  de  vous  à  servir  chascuns  se  penera.  » 
Quant  li  rois  ot  Namlon,  durement  le  prisa  ; 
Tous  les  a  retenus  ,  forment  li  agréa, 
Et  dist  k'à  Pentecouste  chevaliers  les  fera, 


AUS   GRAMS  PIES.  95 

2575  Droit  au  Mans  la  cité,  là  les  adoubera. 

Chascuns  des  damoisiaus  le  roi  en  enclina. 
A  celé  heure  dux  Namles  en  la  court  demora, 
Avoec  le  roy  Pépin,  et  si"  bien  s'i  prouva 
Que  maistres  fu  de  France  et  chascuns  l'i  ama  ; 

2580  Puis  au  roi  Charlemaine  maint  bon  conseil  donna. 
Droit  au  Mans  la  cité  li  rois  Pépins  ala, 
Le  jour  de  Pentecouste  Namlon  i  adouba, 
Atous  ses  compaignons,  que  nul  n'en  i  laissa, 
Et  de  cens  de  sa  terre  tant  que  cent  en  y  a. 


CVIII 


^^^      Le  jour  de  Pentecouste,  si  conme  avez  oï  , 
Fu  Namles  chevaliers  et  maint  autre  avoec  li. 
Moult  par  ot  li  dux  Namles  loial  cuer  et  hardi. 
Par  son  hardement  furent  puis  maint  Turc  assailli, 
Et  par  le  sens  de  lui  et  mort  et  desconfî, 

2590  Forment  les  honnora  li  rois  et  conjoï: 

Quintaine  font  fermer  en  un  biau   pré  flouri  ; 
Dux  Namles  et  li  autre,  chascuns  d'aus  i  feri, 
Des  nouviaus  chevaliers  nus  ne  s'en  alenti. 
Li  rois  fu  en  un  pré  desouz  un  pin  fueilli, 

2595  Devant  lui  sont  venu  si  plus  privé  ami. 

«  Sire  »,  font  il  à  lui,  «  pour  le  cors  St  Rémi, 
«  Pourquoi  ne  prenez  fenme  ?  serez  toujours  ainsi  ?  » 
—  «  Seignor  »,  ce  dist  li  rois,  «  savez  que  je  vous  di 
«  Ma  premeraine  fenme  amai  moult  et  chieri, 

2600  «  Ne  plot  Diex  que  j'eusse  onques  nul  hoir  de  li  ; 
«  Puis  en  repris  une  autre  dont  moult  me  meschai", 
«  Berte  la  debonaire,  que  je  moult  petit  vi, 
«  S'en  ai  si  durement  le  cuer  triste  et  mari 


>96  LI   ROMANS  DE   BERTE 

«  Que  mais  ne  prenderai  fenme,  ce  vous  afi  ; 
2605  (1  Or  ne  m'en  parolt  nus,  car,  pour  voir  le  vous  di  , 

«  Quant  me  souvient  de  Berte,  a  pou  que  ne  m'oci  ; 

«  Mais  puisqu'il  plaist  à  Dieu,  qui  onques  ne  menti, 

«  Et  à  sa  douce  mère,  de  cuer  les  en  graci 

«  De  kanques  il  m'envoient ,  et  moult  les  en  merci.  » 
2610  Quant  li  baron  l'oïrent,  moult  furent  esbahi 

Quant  si  faites  paroles  ont  de  Pépin  oï  ; 

Nus  ne  parla  après,  tout  furent  abaubi. 

Quant  fu  tans  de  souper,  n'i  mirent  lonc  detri. 

En  la  cité  dou  Mans  sont  arrier  reverti  ; 
2615  Là  demora  li  rois  dusques  au  merkedi. 

En  la  forest  ala  chacier  droit  au  joesdi. 

Un  grant  cerf  ont  trouvé,  celui  ont  acueilli. 

Quant  li  rois  l'a  veu,  forment  li  abeli  ; 

Sor  un  bon  chaceour  si  le  cerf  poursivi, 
2620  Que  trestoutes  ses  gens  uns  et  autres  perdi. 


CIX 


(jr  fu  li  rois  Pépins  en  la  forest  antie. 
Parmi  le  bois  s'en  va  tout  sens  sans  eonpaignie. 
De  Pépin  vous  lairai  un  pou  à  ceste  fie, 
Si  dirai  de  Bertain  cui  Jhesus  beneïe, 

2625  Qui  lonc  tans  ens  ou  bois  a  esté  herbergie 
En  la  maison  Sjmon  et  Constance  s'amie, 
Qui  l'ont  avoec  lor  fille  moult  doucement  norrie. 
Lez  la  maison  Sjmon,  près  d'une  praerie, 
Avoit  une  chapele  de  grant  ancisserie, 

2630  Que  hermite  jadis  i  orent  establie  ; 

La  chapele  ert  venue  es  mains  d'une  abeïe. 
Là  ooit  Symons  messe  et  toute  sa  maisnie  ; 


AUS   GRANS   PIÉS.  97 

Quatre  archies  ert  loing  dou  manoir,  et  demie. 

En  la  chapele  ert  Berte  qui  bien  fu  ensaignie, 
2635  Par  derrière  l'autel  sert  la  bêle  mucie, 

Où  de  cuer  prioit  moult  Dieu  et  sainte  Marie 

Que  son  père  et  sa  mère  doinst  Jhesus  bonne  vie. 

Pour  le  roi  Pépin  prie,  celui  n'oublie  mie, 

Que  Damediex  le  gart  de  mal  et  de  folie, 
2640  Car  bien  li  a  esté  la  nouvele  noncie 

Que  pour  li  a  li  rois  souvent  chiere  assouplie 

Et  que  la  gent  de  France  en  est  toute  esmarie. 

Constance  et  ses  deus  filles  l'ont  ilueques  laissie; 

Pour  la  raison  de  ce  qu'eles  n'en  virent  mie, 
2645  Cuidièrent  k'à  l'ostel  fust  arrier  repairie. 

Là  remest  toute  seule,  Diex  li  soit  en  aïe. 

Car  assez  tost  sera  durement  corroucie. 


ex 


Par  dedens  la  chapele  fu  Berte  o  le  cors  gent  ; 

Quant  ele  se  perchoit  qu'ele  est  si  seulement, 
2650  Son  sautier  et  ses  heures  prent  moult  isnelement. 

Devers  l'autel  s'encline,  puis  s'en  ist  erranment. 

Ez  vous  le  roi  Pépin,  qui  ne  va  mie  lent, 

Corant  par  la  forest  et  requérant  sa  gent. 

Où  qu'il  voit  la  pucele,  vers  li  vint  bêlement, 
2655  Et  quant  Berte  le  voit,  moult  grant  paour  l'en  prent. 

Et  li  rois  la  salue  moult  très  courtoisement, 

Et  Berte  conme  sage  au  roi  son  salu  rent. 

«  Bêle  »,  ce  dist  Pépins,  «  n'aiez  esfréement, 

«  Je  sui  des  gens  le  roy  où  douce  France  apent, 
2660  «  J'ai  ma  route  perdue,  s'en  ai  le  cuer  dolent  ; 

«  Sauriiés  vous  ci  près  maison  ne  chasement 

7 


98  LI   ROUANS   DE   BERTE 

«  OÙ  je  pelisse  avoir  aucun  rassenement  ?  » 

—  ((  Sire  »,  ce  a  dit  Berte,  «  par  Dieu  omnipotent, 
«  Cy  devant  maint  Symons,  preudons  est  durement, 

2665  «  Bien  vous  ravoiera  par  le  mien  escient.  » 

—  «  Bêle  »,  ce  dist  Pépins,  «  grans  mercis  vous  en  rent.  » 
Quant  Pépins  voit  son  vis  vermeil  et  rouvelent, 
Qu'ele  ert  blanche  et  vermeille  et  de  joene  jouvent, 
D'amour  et  de  désir  tous  li  cuers  li  esprent. 

2670  De  son  cheval  à  terre  tout  maintenant  descent, 
Et  Berte  remest  coie,  qui  nul  mal  n'i  entent, 
Et  li  rois  assez  tost  entre  ses  bras  la  prent. 
Et  quant  Berte  voit  ce,  moult  ot  grant  marement, 
Damedieu  reclama,  qui  maint  ou  firmament. 


CXI 


2675      l^i  jours  fu  biaus  et  clers,  qu'il  ne  pluet  ne  ne  vente, 
Et  Berte  fu  ou  bois  delez  Pépin  dolente. 
Qui  moult  estoit  plaisans  et  de  joene  jouvente. 
Et  Pépins  li  requiert  pour  Dieu  k'à  lui  s'assente 
■    Et  que  de  son  vouloir  faire  ne  soit  pas  lente  : 

2680  «  0  moi  venrez  en  France,  la  terre  noble  et  gente, 
«  Jà  n'i  verrez  jouel,  tant  soit  de  chiere  vente, 
«  Que  je  ne  vous  achatte  se  il  vous  atalente, 
«  Et  si  vous  asserrai  ou  pays  bêle  rente, 
«  N'aura  home  en  la  terre  qui  de  riens  vous  tormente.  » 

2685  Tout  ce  ne  prise  Berte  une  fueille  de  mente  ; 
Moult  se  blasme  en  son  cuer  et  forment  se  démente 
K'ainsi  s'est  oubliée  seule,  moult  s'en  gaymente. 
Li  rois  Pépins  voit  bien  que  ele  s'espoente. 


AUS    CRANS   MES.  QQ 


CXII 


Moult  fu  Berte  dolente,  la  roïne  au  vis  cler. 

2690  «  Franshom»,faiteleauroy,<(  pour  Dieu. laissiez  m'ester, 
«  Trop  me  faites  ici  longuement  demorer, 
«  Car  mes  oncles  Symons  doit  assez  tost  disner, 
«  Pour  ce  k'après  mengier  s'en  doit  au  Mans  aler 
«  As  gens  le  roi  de  France,  pour  vitaille  porter.    » 

2695  — «  Bêle  »,  ce  dist  Pépins,  «  je  vous  vueil  demander 
«  Qui  vous  fait  ci  si  seule  par  ce  bois  converser.  » 
—  «  Sire  »,  ce  a  dit  Berte,  «  je  nel  vous  quier  celer  : 
«  A  ceste  chapelete  que  ci  veez  ester, 
«  Estoie  huimain  venue  pour  la  messe  escouter 

2700  «  Avoec  Sjmon  mon  oncle  dont  m'oez  reclamer  ; 
«   En   un  anglet  m'alai  toute  seule  acouter 
«  Pour  pardire  mes  heures  ;  ce  m'a  fait  oublier,  n 
Quant  11  rois  Pépins  Tôt  si  doucement  parler 
Et  la  voit  si  très  bêle  c'on  s'i  peiist  mirer  — 

2705  Le  vis  ot  rouvelent,  bel  et  riant  et  cler,  — 
Lors  la  prent  en  son  cuer  forment  à  goulouser. 
De  la  serve  li  menbre,  cui  Diex  puist  mal  doner  ; 
Vis  li  est  k'ains  ne  vit  fenme   miex  ressambler  ; 
Encor  li  samble  Berte  plus  bêle  à  esgarder. 

2710  Lors  ne  se  tenist  mie,  qui  le  deiist  tuer. 

Que  son  povoir  ne  face  de  s'amour  conquester. 
«  Bêle  »,  ce  dist  Pépins,  «  par  le  cors  St  Omer, 
«  Faites  ma  volenté,  je  vous  vueil  creanter 
«  Tant  vous  donrai  d'avoir  oom  oserez  penser  ; 

2715  «  En  France  vous  menrai  pour  vo  cors  honnorer  ; 
«  Je  sui  maistres  le  roy  qui  France  a  à  garder  , 
«  Miex  sui  de  lui  que  nus,   sans  mençonge  conter, 
H  Sachiez,  tant  ai  d'avoir  k'assez  vous  puis    donner , 


l'ûO  LI    ROMANS   DE   BERTE 

«  Ce  est  chose  passée,  jà  n'i  estuet  penser  : 
2720  «  Ma  volenté  ferez,  quoi  qu'il  doie  couster.  » 
Quant  Berte  l'entendi,  si  prent  à  souspirer, 
Des  biaus  iex  de  son  chief  conmença  à  lermer  ; 
Bien  voit  par  autre  tour  ne  porra  eschaper 
K'à  dire  qui  ele  est ,  ne  puet  plus  contrester. 
2725  a  Sire  »,  fait  ele  au  roi,  «  je  vous  vueil  conmander, 
«  El  non  à  cel  seignor  qui  se  laissa  pener 
«  Ens  en  la  sainte  crois,   pour  son  pueple  sauver, 
«  K  a  la  fenme  Pépin  ne  puissiez  adeser  : 
«  Fille  sui  le  roi  Floire,  de  ce  n'est uet  douter 
2730  «  Et  fille  Blancheflour,  que  Diex  puist  honnorer.  » 
Quant  li  rois  l'entendi,  color  prist  à  muer. 
De  la  joie  qu'il  ot  ne  pot  un  mot  sonner. 


CXIII 


"  Sire  »,  ce  a  dit  Berte,  «  de  Dieu  et  de  sa  mère 
«  Desfeng  que  envers  moi  n'aiez  pensée  araere, 

2735  «  Que  de  mon  pucelage  ne  me  soiez  tolère  ; 

«  RoViie  sui  de  France,  jà  n'en  soit  nus  doutere, 

«  Fenme  au  roi  Pépin  sui,  rois  Floires  est  mes  père, 

«  Et  si  est  Blancheflour  la  roïne  ma  mère, 

«  Qui  de  tous  biens  est  plaine,   n'est   escharse  n'avère, 

2740  «  Mais  douce  et  debonaire  et  de  franche  matere  ; 
«  La  dame  de  Sassoigne  est  ma  suer,  j'ai  un  frère 
«  Qui  est  dux  de  Poulane  et  des  pors  de  Grontere  ; 
«  De  par  Dieu  vous  desfeng,  qui  est  vrais  gouvernere, 
«  Que  ne  me  faciez  chose  qui  à  honte  me  père  ; 

2745  «  Miex  vorroie  estre  morte,  si  me  soit  Diex  sauvere. 


AUS   GRANS    Plés.  101 


CXIV 


(Juant  li  rois  ot  que  Berte  li  dist  par  vérité 
Que  roine  est  de  France,  mouJt  bien  l'a  escouté, 
Mais  moult  en  ot  le  cuer  durement  trespensé. 
«  Bêle  »,  fait  il,  «  s'il  est  si  com  m'avez  conté, 

2750  «  Ne  vous  feroie  mal  pour  mil  mars  d'or  pesé.  » 
Quant  Berte  l'entendi,  forment  le  prist  en  gré, 
En  son  cuer  en  a  moult  Damedieu  aoré; 
Vers  la  maison  Symon  a  son  vis  retorné. 
En  alant  celé  part,  li  a  moult  demandé 

2755  Li  rois  de  son  afaire,  mais  moult  l'en  a  celé  ; 
Ele  ne  fait  pas  force  que  li  ait  raconté, 
Mais  qu'ele  eiist  son  cors  de  ce  perill  geté. 
Ele  a  bien  en  son  cuer  vraiement  enpensé 
Que  mais  n'ira  si  seule  en  jour  de  son  aé. 

2760  Tant  a  le  roi  Pépin  par  parole  mené 

K'ens  ou  manoir  Symon  sont  tout  ensamble  entré. 
A  l'entrée  ont  Symon  et  Constance  encontre, 
Ysabele  et  Aiglente,  qui  avoient  ploré 
Pour  amour  de  Bertain  qui  tant  ot  demoré  ; 

2765  II  l'aloient  requerre  quant  il  l'ont  regardé 

Que  uns  hom  la  ramaine,  si  se  sont  arrcsté. 
Le  visage  Bertain  voient  tout  esfreé, 
Bien  voient  que  n'a  pas  eu  sa  volenté  ; 
Or,  sachiez  vraiement,  de   cuer  leur  a  pesé. 

2770  Et  li  rois  a  Constance  et  Symon  salué, 
Ysabele  ot  Aiglente  n'i  a  pas  oublié, 
Car  moult  avoit  le  cuer  très  sage  et  avisé  ; 
Bien  voient  qu'il  est  hom  de  grant  nobilité. 
Dist  leur  qu'il  est  au  roi  de  Paris  la  cité 

2775  Et  que  il  est  maris  dedenz  ce  bois  ramé. 


102  Ll    ROMANS    DE    BERTE 

Quant  il  l'ont  entendu,  forment  l'ont  honnoré. 
Pépins  a  pris  Sjmon,   d'une  part  l'a  mené, 
Car  de  Bertain  vorra  enquerre  la  purté, 
Com  cil  qui  longuement  l'a  de  cuer  désiré. 


cxv 


2780      ^n  la  maison  Sjmon,  en  la  forest  ramée, 
Fu  li  bons  rois  Pépins  à  la  chiere  menbrée. 
Quant  à  Sjmon  ot  dit  un  pou  de  sa  pensée, 
Constance  à  cel  conseil  fu  moult  tost  apelée. 
«  Dame  »,  ce  dist  li  rois,  «  dites  moi,  s'il  vous  grée, 

2785  «  Qui  est  celé  pucele  que  j'ai  ci  ramenée  ?  » 

—  «  Sire,  c'est  nostre  nièce,  lonc  tans  l'avons  gardée, 
«  Toute  a  par  sa  bonté  nostre  amour  conquestée, 
«  Plus  l'aim  que  mes  enfans,  si  soit  m'ame  sauvée  ; 
«  Forment  se  plaint  de  vous,  moult  en  sui  aïrée, 

2790  «  A  force  la  vousistes  avoir  despucelée, 

«  Mais  foi  que  doi  Sjmon  à  la  barbe  mellée, 
«  Se  ne  fussiez  au  roi  de  France  l'onnorée, 
«  La  paour  k'a  eiie  eussiez  achetée  ; 
«  Miex  vorroie  estre  morte,  se  ne  soie  dampnée, 

2795  «  Que  de  son  pucelage  l'eiissiez  desrobée, 

«  Conques  mais  ne  vi  fenme  de  tous  biens  plus  senée, 
«  Ne  qui  si  fust  à  Dieu  dou  tout  en  tout  donnée.  » 
Quant  li  rois  Pépins  l'ot,  Constance  a  regardée  : 
«  Dame  »,  fait  il,  «  ne  soit  pas  la  chose  celée, 

2800  «  Sachiez  que  par  li  m'est  tel  chose  racontée 
«  Que,  se  c'est  vérité,  bien  serez  eiirée 
«  De  ce  que  vous  l'avez  si  lonc  tans  osteléo  ; 
«  Ele  m'a  conneii  qu'ele  est  Berte  apelée 
«  Et  que  fenme  est  le  voy  de  France  la  loée  ; 


AUS   GRANS   PIES.  i03 

2805  «'Dites  moi  se  c'est  voirs  sans  longue  demorée, 

«  Et  gardez  k'en  mençonge  n'en  soies  pas  trouvée, 
«  Car  vous  en  pourriez  estre  honnie  et  vergondée. 
Quant  Symons  et  Constance  ont  la  chose  escoutée, 
N'y  a  celui  des  deus  n'ait  la  colour  muée  ; 

2810  Moult  sont  dolent  de  ce  que  nièce  l'ont  clamée. 
«  Sires  »,  ce  dist  Symons,  «  ore  oies  ma  pensée  : 
«  Puis  k'ainsi  est  la  chose  et  venue  et  alée, 
«  Et  que  ele  meVsmes  la  vous  a  devisée, 
«  Diei  en  soit  graciés  et  sa  mère  aorée, 

2815  «  Car  nous  n'en  saviens  riens,  par  la  Virge  lionnourée.  » 
Lors  li  a  devisé  le  tans  et  la  jornée, 
Conment  il  la  trouva  droit  à  une  ajornée  ; 
Tout  le  mescliief  li  conte  conment  ert  esgarée 
Et  de  fain  et  de  froit  desprise  et  malmenée, 

2820  Et  sa  desconnoissanoe  n'i  a  pas  oubliée, 

Conment  dist  que  d'Aussai  estoit    norrie  et  née 
Et  que  par  guerre  estoit  dou  pays  dessevrée, 
Et  conment  ele  estoit  celé  nuit  engelée. 
«  Sire,  et  vous  di  pour  voir,  k'à  celé  matinée 

2825  «  Fust  morte,  ainsi  le   croi,  se  ne  fust  reschaufée  ; 
«  Despuis  l'avons  céens  norrie  et  alevée 
«  Et  l'avons  mais  tousdis  nostre  nièce  apelée, 
«  Pour  ce  que  voulions  qu'elle  en  fust  plus  doutée, 
«  C'on  ne  li  fesist  chose  dont  point  fust  tormentée  ; 

2830  «  Sachiez  que  de  tous  biens  est  si  sage  et  fondée 
«  Et  a  tout  son  afaire  à  tel  chose  atornée 
«  Qu'il  n'a  si  preude  fenme  en  toute  la  contrée.  » 
Quant  Pépins  l'entendi,  moult  li  plaist  et  agrée. 


104  LI   ROMANS   DE   BERTE 


CXVI 


«  Oire  » ,  ce  dist  Sjmons,  «  par  la  foi  que  vous  doi, 
2835  «  Puis  ce  di  que  vous  estes  des  gens  à  nostre  roi, 
({  Ceens  en  mon  ostel  moult  volentiers  vous  voi, 
«  Et  ce  que  vous   me  dites  moult  très  volentiers  oi  ; 
«  Onques  mais  en  ma  vie  si  très  grant  joie  n'oi, 
«  Mais  nous  n'en  saviens  riens,  par  la  foi  que  vous  doi, 
2840  «  Ne  ce  n'est  ele  pas,  c'est  ce  que  je  miex  croi  : 
«  Si  me  puist  Diex  aidier,  ne  saroie  pourquoi 
«  Ele  leust  celé,  s'en  sui  en  grant  esfroi, 
«  Selonc  ce  qu'ele  est  sage,  sans  mal  et  sansdesroi.    » 

—  «  Sjmons  »,  ce  dist  li  rois,  «  savez  que  je  vous  proi? 
2845  «  K'alons  à  li  parler  ,   se  il  vous  plaist,  nous  troi.  » 

—  «  Sire  puisqu'il  vous  plaist  » ,    dist  Sjmons  ,    «  je 

[l'otroi.  » 


CXVII 


«  Oire  »,  ce  dist  Symons,  «  savez  que  je  feroie? 
«  S'il  vous  venoit  en  gré,  à  li  parler  iroie, 
«  Et  Constance  ma  fenme  avoeques  moi  menroie  ; 

2850  «  Derrier  celé  courtine  très  bien  vous  reponroie, 
«  Bertain  ici  endroit  tout  errant  amenroie, 
«  De  ceste  chose  ici  oiant  vous  enquerroie  ; 
«  C'est  le  miex  que  g'i  sache,  ainsi  le  loeroic.  » 
Et  li  rois  dit  que  ce  li  samble  bonne  voie   ; 

2855  Ainsi  l'ont  arreé  puisque  li  rois  l'otroie. 

Sjmons  vint  à  Bertain,  si  la  prent  par  la  doie, 


AUS   GRANS   PIES.  105 

Et  Constance  en  sa  chambre  doucement  la  convoie. 

«  Dame  »,  ce  a  dit  Berte,  «  je  vous  demanderoie 

«  Que  cil  est  devenus ,  se  demander  Tosoie, 
2860  «  Qui  me  fist  tant  d'anui,  orains  quant  revenoie 

«  Devers  nostre  chapele  ;  encore  m'en  anoie.  » 

—  «  Bêle,  il  en  est  alez,  ne  vous  en  mentiroie  ; 

«  Tel  chose  nous  a  dite  dont  nous  avons  grant  joie  ; 

«  Pour  quoi  l'avés  celé  ?  li  cuers  m'en  assouploie.  » 
2865  Berte  esgarde  vers  terre,  un  petit  se  hontoie  ; 

Symons  l'assiet  lés  lui,  moult  fu  taisans  et  coie. 


CXVIII 


"  Berte  »,  cedist  Sjmons,  «  par  le  cors  St  Rémi, 
«  Cis    hom  qui  orendroit  s'en  est  alez  de  ci, 
«  Nous  a  dit  tés  nouveles  dont  Damedieu  graci  , 

2870  «  Que  fenme  estes  Pépin,  le  bon  roi  poesti  ; 
«  Lonc  tans  l'avez  celé,  certes  ce  poise  mi, 
«  Plus  elisse  vo  cors  honnoré  et  servi.  » 
—  «  Bêle  »,  ce  dist  Constance,  «  n'iait  de  riens  menti, 
«  Mais  dites  vérité,  pour  Dieu  je  le  vous  pri.  » 

2875  Quant  Berte  l'entendi,  moult  durement  rougi. 
Moult  debonairement  tout  errant  respondi  : 
«  Dame,  autrefois  »,  fait  ele,  «  m'avez  vous  dit  ainsi, 
«  Dès  lors,  se  je  le  fusse,  l'eiisse  je  gehi, 
«   Voire  le  premier  jour  que  je  onques  ving  ci. 

2880  «  Voirs  est  que  autrement  ne  poi  trouver  merci 
«  De  l'home  qui  huimain  enz  ou  bois  m'assailli  ; 
«  Se  ce  ne  fust,  mon  cors,  je  croi,  eiist  honni  ; 
«  Mais  par  ceste  mençonge  vers  lui  me  garanti  : 
«  Dis  li  que  g'ere  fenme  Pépin  le  roi  hardi 

2885  «  Et  fille  le  roi  Floire,  un  roi  moult  seignori  ; 


106  Ll    ROMANS   DE   fiERTE 

(t  Bien  avoie  oï  dire  conment  on  ot  traï 

«  La  roïne  de  France  au  gent  cors  et  poli, 

«  Et  conment  fu  laissie  dedenz  le  bois  fueilli, 

«  Si  tost  que  dit  li  oi,  tout  errant  me  guerpi  ; 

2890  «  Nul  autre  eschivement  de  moi  garder  n'i  vi, 

«  De  ce  tour  m'apensai,  Damedieu  en  graci.  » 


CXIX 


Ijerte  fu  en  la  chambre,  la  gente,  l'eschevie, 
Entre  li  et  Sjmon  et  Constance  s'amie  ; 
Li  rois  Pépins  i  fu,  mais  ele  nel  sot  mie. 

2895  De  mainte  chose  i  fu  Berte  moult  araisnie 
Et  souvent  oposée  et  forment  assaillie  ; 
Tant  doute  à  courroucier  Dieu  et  Sainte  Marie 
K'ainc  ne  leur  volt  connoistre  denrée  ne  maillie. 
Constance  la  romaine  en  une  autre  partie  ; 

2900  En  une  chambre  l'a  lés  ses  filles  laissie, 

Puis  s'en  est  tout  errant  vers  Symon  repairie. 
Le  roi  y  a  trouvé,  qui  ot  chiere  esmarie  : 
((  Sire  »,  ce  dist  Constance,  qui  fu  bien  ensaignie, 
«  Ne  sai  que  vous  en  dites,  toute  en  sui  abaubie  ; 

2905  «  Par  foi,  se  ce  fust  ele,  trop  seroit  esbahie  ; 
«  Se  ele  le  celoit,  ce  seroit  derverie; 
«  Sclonc  ce  qu'ai  ôï,  ne  sai  que  vous  en  die.  » 
Lors  se  leva  li  rois,  mais  n'a  talent  qu'il  rie, 
Congié  prent  à  Constance,  que  il  plus   ni  detrie, 

2910  Et  Sjmons  le  convoie,  que  Jhesus  beneïe. 

Droit  au  Mans  l'en  remaine,  s'a  sa  chace  laissie, 
A  celé  heure  li  fu  moult  pou  de  chacerie. 


AUS   GRANS    PIÉS.  107 


cxx 


Quant  li  rois  Pépins  fu  dou  manoir  esloingniés, 
Sjmon  en  apela,  qui  bien  fu  ensaigniés  : 

2915  «  Sjmon  »,  fait  il  à  lui,   «  vous  ne  me  connoissiés, 
«  Je  sui  li  rois  Pépins,  tout  de  fi  le  sachiés.  » 
Quant  Symons  l'entendi,  joians  en  fu  et  liés  ; 
Sagement  s'est  Symons  vers  lui  humeliiés  : 
«  Sire  »,  fait  il  au  roi,   «  très  bien  venus  soies, 

2920  «  Moult  sui  dolans  de  cuer  quant  si  fui  engingniés 
«  Quant  je  ne  vous  connui,  s'en  sui  mesaaisiés, 
«  K'autrement  honnorés  en  ma  maison  fussiés.   » 
—  «  Ne  vous  chaut  » ,  dist  li  rois,  «  bien  m'en  ticng  à  paies, 
«  Fors  que  pour  la  roïne  ma  fenme  sui  iriés, 

2925  «  Que  par  grant  mescheance  m'a  tolue  pechiés.   » 
Moult  souvent  fu  Symons  de  Pépin  araisniés, 
Tous  lor  parlemens  fu   de  Bertain  as  grans  pies. 


CXXI 


"  Synon  »,  ce  dist  li  rois,   «  savez  que  vous  ferés? 
«  Quant  vendrai  lez  le  Mans,  arrier  retornerés, 

2930  «  De  ceste  chose  ci  à  nului  ne  parlerés, 

«  Fors  sans  plus  k'à  vo  fenme,  très  bien  vous  en  gardés, 
«  Car  sachiez  que  mes  cuers  est  à  ce  atornés 
«  Que  celé  soit  ma  fenme,  jà  mar  le  mescrerrés  ; 
«  De  ce  qu'ele  le  noie,  tous  en  sui  trespensés.    » 

2935  —  «  Sire  »,  ce  dist  Symons,  «  jamais  ne  me  créés 
«  Se  ce  n'est  vostre  fenme,  Berte  que  tant  amés. 


108  LI    ROMANS   DE   BERTE 

«  Quant  la  trouvai  ou  bois,  moult  ot  de  povretés, 
«  Toute  estoit  afamée,  ses  cors  ert  engelés  ; 
«  Espoir  fu  en  ce  point  de  li  tex  veus  voués 
2940  «  Par  quoi  de  li  doit  estre  ses  afaires  celés, 
«  Et  s'ele  la  voué,  jà  mar  le  mescrerrés, 
«  Ne  le  briseroit  mie  pour  l'or  de  dis  cités, 
«  Conques  plus  preude  fenme  ne  vit  hom  qui  soit  nés.   » 

—  «  Sjmons  »,  ce  dist  li  rois,   «  bien  estes  avisés, 
2945  «  Je  croi  bien  vraiement  que  vous  voir  dit  avés, 

«  Mais  bien  savez  par  fenme  ai  esté  enganés, 

«  Et  pour  ce  que  ce  soit  plus  grande  seiirtés, 

«  Manderai  au  roi  Floire,  qui  est  preus  et  sénés, 

«  Et  Blancheflour  aussi,  n'en  iert  nus  oubliés, 

2950  «  Conment  sui  à  Bertain  en  ce  bois  assenés  ; 

«  Bien  sai  li  uns  des  deus  sera  çà  tost  tournés. 

«  Ou  ennuit  ou  demain  iert  li   mes  aprestés 

«  Par  cui  iert  li  messages  en  Hongrie  portés  ; 

«  Au  plus  tost  que  porrai,  sachiez,  me  reverrés, 

2955  «  Gardez  de  ceste  chose  ne  soit  nus  mos  sonnés  ; 

«  Constance  vostre  fenme  moult  me  saluerés, 

«  Si  vous  pri  de  Bertain   que  vous   plus  l'onnorés 

«  Que  ne  faisiez  devant,  se  vous  de  riens  m'amés.  » 

—  «  Sire,  si  ferai  je,  puisque  vous  le  voulés.  » 
2960  Tant  est  Sjmons  avoec  le  roi  Pépin  aies 

Que  de  moult  de  sa  gent  fu  li  rois  retrouvés. 

Par  le  conmant  le  roy  est  Sjmons  retornés. 

Doucement  fu  dou  roi  à  Jhesu  conmandés. 

A  sa  maison  s'en  vint,  qui  ot  non  Florimés  ; 
2965  De  lui  fu  à  Constance  cis  afaires  contés. 

De  Constance  en  fu  moult  Damediex  aôrés, 

Sjmons  en  fu  de  joie  baisiés  et  acolés. 

En  la  cité  dou  Mans  en  est  li  rois  entrés  ; 

Quant  il  fu  descendus,  ne  s'i  est  arrestés, 
2970  Un  chapelain  apele  qui  estoit  ses  privés, 

Le  brief  li  fait  escrire,  tantost  fu  seelés  ; 


AUS   GRANS    PIES. 


109 


En  celui  jour  meïsmes  s'en  est  li  mes  tornés, 
Damediex  le  conduie,  li  rois  de  majestés  ! 


CXXII 


Or  s'en  va  li  messages,  durement  se  hasta, 
2975  Car  li  bons  rois  Pépins  moult  de  cuer  l'en  pria  ; 
Dit  li  a  k'au  retour  riche  home  le  fera. 
A  Paris  la  cité  li  rois  s'en  retorna, 
0  lui  le  duc  Namlon,  que  durement  ama  ; 
Lui  et  ses  conpaignons  moult  forment  honnora. 
2980  Li  mes  par  ses  jornées  tant  fîst  et  tant  ala 
Que  le  roi  de  Hongrie  en  sa  terre  trouva  ; 
O  lui  fu  Blancheflour,  où  moult  de  tous  biens  a. 
Droit  devant  le  roi  Floire  li  mes  s'agenoilla, 
De  par  le  roi  Pépin  à  point  le  salua, 
2985  Et  lui  et  la  roïne,  les  lettres  leur  donna. 
Li  rois  oevre  la  cire,  la  lettre  reversa  ; 
Ains  qu'il  l'eûst  parlute,  la  roïne  apela  : 
«  Blancheflour,  douce  amie  »,  fait  il,  «  entendez  çà, 
«  Yez  ci  teles  nouveles  dont  Diex  loez  sera, 
2990  «  C'est  bien  drois,  que  mains  cuers  grant  joie  en  avéra,  » 
Li  rois  a  lut  le  brief,  que  riens  n'i  oublia  ; 
Trouvée  i  a  la  chose  ainsi  com  ele  va, 
Conment  li  rois  Pépins  dedens  le   bois  chaça, 
Conment  Bertain  la  bêle  ens  ou  bois  encontra^ 
2995  Et  la  raison  pourquoi  il  l'a  laissie  là  ; 

Bien  croit  que  ce  soit  ele,  mais  là  la  laissera 
Jusk'à  tant  que  rois  Floires  la  reconnoistera 
Ou  Blancheflours  sa  mère  ;  par  foi,  or  i  parra 
Se  li  uns  ne  li  autres  onques  Bertain  ama. 
3Û00  Li  rois  et  la  roïne  l'uns  l'autre  regarda, 


110  Ll    ROMANS    DE   BERTE 

Si  sont  espris  de  joie  que  nus  d'aus  ne  parla  ; 
De  joie  et  de  pitié  rois  Floires  lermoia, 
La  roïne  de  joie  trestoute  trèsala. 
Li  rois  entre  ses  bras  Blancheflour  releva  ; 

3005  Quant  ele  pot  parler,  si  dist  n'arrestera, 
Ne  mais  en  une  vile  c'une  nuit  ne  gerra, 
Jusqu'à  tant  que  la  bouche  de  Bertain  baisera, 
Que  bien  set  que  c'est  ele,  jà  plus  n'i  pensera  ; 
Li  cuers  li  dist  pour  voir,  bien  s'en  asseiira. 

3010  «  Dame  »,  ce  dist  li  rois,  «  ne  vous  esmaiez  jà, 
«  Que  j'ai  non  li  rois  Floires,  qui  avoec  vous  ira 
«  Et  qui  demain  à  l'aube,   se  Dieu  plaist,  mouvera.   » 
Quant  la  dame  l'entent,  forment  l'en  mercia. 
Tout  tantost  li  rois  Floires  son  oirre  apareilla 

3015  Pour  l'endemain  mouvoir  ;  ainsi  le  eonmanda. 
La  roïne  se  drece,  le  message  acola, 
Yoiant  ceus  qui  là  furent  doucement  le  baisa. 
L'endemain  li  rois  Floires  moult  très  matin  leva, 
Maint  haut  baron  o  lui  en  la  voie  mena. 

3020  Tant  fist  par  ses  jornées  et  si  bien  esploita 
K'à  Paris  est  venus  ;  grant  joie  démena. 
Li  rois  et  si  baron  chascuns  moult  l'onnora 
Et  lui  et  Blancheflour,  car  bien  raison  v  a. 


CXXIII 


Moult  a  li  rois  Pépins  noblement  receii 
3025  Le  bon  roi  de  Hongrie  qui  ot  le  poil  chenu. 

Et  Blancheflour  sa  fenme,  mieudre  dame  ne  fu  ; 
Mainte  chose  a  l'uns  l'autre  iluec  ramenteii. 
«  Rois  Pépins  »,  dist  la  dame,  «  pour  Dieu  le  roi  Jhesu, 
«  Hastons  nous  d'aler  là  pour  quoi  sonmes  venu.  » 


Al)S   GRANS    PIÉS.  111 

3030  —  «  Dame  »,  ce  dist  Pépins,  «  trop  avons  atendu, 

«  Mais  demain,  se  Dieu  plaist,  serons  matin  meii.  » 

A  Paris  la  cité  n'ont  c'une  nuit  geii. 

Tant  vont  par  lor  jornées  que  au  Mans  sont  venu 

A  heure  de  disner,  ainsi  l'ai  entendu, 
3035  Mais  Blancheflour  n'i  a  ne  mengié  ne  beii, 

Pour  l'amour  de  sa  fille  a  le  cuer  esperdu, 

Que  mais  ne  sera  aise  si  avéra  seii 

Se  c'est  Berte  sa  fille,  tost  l'avera  seii. 

A  tant  ez  vous  Symon  le  bon  voier  venu, 
3040  Vers  le  roi  Pépin  va,  si  li  fist  gent  salu, 

Et  quant  li  rois  le  voit,  tost  l'a  reconneii, 

D'une  part  l'a  mené  en  un  lieu  destolu. 


CXXIV 


«  oire  »,  ce  dist  Symons,  est  Blancheflour  venue?  » 

—  «   Oïl  »,  ce  dist  li  rois,  »  mais  si  est  esperdue 
3045  «  Qu'ele  ne  puet  dormir,  ne  boit  ne  ne  menjue, 

«  N'aura  joie  s'aura  Bertain  reconneiie  ; 

«   Sachiez,  se  c'est  sa  fille  que  tant  avez  eiie, 

«  Vous  povez  très  bien  dire  honnours  vous  est  creiie.  » 

—  «  Sire  »,  ce  dist  Sjmons,  «   si  soit  m'ame  assolue 
3050  «  Que  c'est  Berte  vo  fenme,  qui  doit  estre  vo  drue, 

«  Bons  rois,  que  vous  avez  en  ma  maison  veiie  ; 
«   Maintes  fois  en  ai  puis  à  li  raison  tenue  ; 
«  Si  tost  com  j'en  parole,  tantost  sa  color  mue 
«  Ne  ne  me  veut  respondre,  tant  est  taisans  et  mue, 
3055  «  Si  en  est  abaubie  que  trestoute  tressue. 
«  Si  vraiment  me  face  Diex  à  ma  fin  ajue 
«  Qu'il  n'a  plus  preude  fenme  de  li  desouz  la  nue.  » 
Quant  li  rois  l'entendi,  grant  joie  en  a  eiie. 


il2  Ll    ROMANS   DE   BERTE 

«  Symons  »,  ce  dist  li  rois,  «  la  chose  iert  tost  seiie, 

3060  «  Tout  maintenant  sera  nostre  voie  tenue 

«  Droit  en  vostre  maison  en  la  forest  ramue, 

«  Querre  i  alons  grant  joie,  bien  l'avons  pourseiie  ; 

«  Diex  la  nous  doinst  trouver,  bien  l'avons  atendue  !  » 


cxxv 


Moult  ot  ou  roi  Pépin  sage  honme  et  apensé  ; 

3065  Roi  Floire  et  Blancheflour  a  tout  errant  mandé, 
Et  il  i  sont  venu,  de  l'aler  apresté. 
A  privée  maisnie  issent  de  la  cité, 
Et  Sjmons  les  convoie  qui  plains  fu  de  bonté. 
Pépins  a  bien  roi  Floire  et  Blancheflour  celé 

3070  Que  ce  soit  li  preudons  qui  lor  fille  ait  gardé. 
Jusqu'à  tant  qu'il  en  sachent  vraiement  la  purté. 
Ainsi  s'ent  vont  ensamble  parmi  le  bois  ramé, 
Jusk'au  manoir  Symon  ne  se  sont  arresté, 
Blancheflour  la  roine  l'avoit  moult  désiré. 

3075  Par  dedens  le  manoir  sont  tout  ensamble  entré  ; 
Symons  vint  à  Constance,  si  li  a  demandé  : 
«  Bêle  suer,  où  est  Berte,  pour  sainte  charité  ? 
«  Vez  ci  le  roi  Pépin  que  j'ai  ci  amené 
«  Et  Floire  et  Blancheflour,  où  moult  a  de  bonté.  » 

3080  —  «  Sire  »,  ce  dist  Constance,  «  Diex  en  ait  hui  bon  gré  ! 
«  Ele  siet  en  ma  chambre,  par  fine  vérité, 
«  Où  ele  a  dès  huimain  moult  durement  ouvré 
«  Au  drap  de  nostre  autel  que  trouva  desciré.  » 


AUS   GRAMS    PIES.  115 


CXXVI 

Quant  Symons  li  voiers  ot  sa  fenme  escoutée, 

3085  Le  roi  Floire  apela  à  la  barbe  mellée, 

Pépin  et  Blancheflour,  n'i  fait  plus  d'arrestée  ; 
En  sa  chambre  les  maine,  qui  estoit  desfermée, 
Bertain  la  débonnaire  ont  là  endroit  trouvée. 
Quant  ele  les  choisi,   tout  tantost  s'est  levée, 

3090  Tantost  connut  sa  mère,  au  pié  li  est  alée, 
Et  Blancheflour  de  joie  à  tierre  chiet  pasmée. 
«  Aide  Diex  !  »  dist  Floires,  «  nostre  dame  honnorée, 
«  Ce  est  Berte  ma  fille  que  j'ai  ici  trouvée, 
«  Diex  par  sa  grant  douçour  la  nous  a  rassenée.  » 

3095  Rois  Floires  prent  Bertain,  que  tant  ot  désirée. 
Doucement  l'a  baisie,  estrainte  et  acolée  ; 
Blancheflour  se  relieve,  des  mains  li  a  ostée. 
De  li  baisier  ne  puet  estre  bien  saoulée. 
La  gent  qui  là  estoient  sont  iluec  assamblée  , 

3100  Quant  il  sèvent  conment  ont  joie  recouvrée  ; 
Là  oïssiez  de  joie  conmencier  tel  criée 
K'ainc  tel  joie  ne  fu  veiie  n  esgardée.   ^ 
«  Ha!  Diex  »,  ce  dist  Pépins,  «  qui  fis  ci«l  et  rousée, 
«  Sire,  loez  soiez  de  ceste  destinée  ; 

3105  «  Ma  mescheance  ai,  sire,  pour  vous  en  gré  portée, 
«  Et  vous  la  m'avez,  sire,  très  bien  guerredonnée, 
«  Car  ma  mesaise  avez  en  grant  joie  muée, 
u  Conques  mais  en  ma  vie  n'oi  de  joie  denrée 
«  Qui  ore  ne  se  soit  à  cent  doubles  doublée  ; 

3110  «  Que  celé  qui  de  vous  fist  la  sainte  portée, 
«  En  soit  hui  en  ce  jour  gracie  et  loée  !  » 
Jusk'au  Mans  est  moult  tost  celé  nouvele  alée, 
Toute  la  gent  le  roi  i  keurt  conme  dervée. 
Il  n'a  cloche  en  la  vile  que  l'en  n'i  ait  sonnée. 

8 


114  LI   ROMANS    DE  BERTK 


CXXVII 


3115       Quant  Berte  voit  son  père  et  sa  mère  autressi, 
Ele  ot  si  très  grant  joie,  par  verte  le  vous  di, 
K  a  paine  pot  mot  dire,  tous  li  cuers  li  failli. 
Pépins  vint  lés  Bertain,  n'i  mist  pas  lonc  detri  : 
«  Douce  amie  »,  fait  il,  «  pour  Dieu  parlez  à  mi, 

3120  «  Je  sui   li  rois  Pépins,  qui  vous  prie  merci 
«  De  ce  k'ains  en  ma  vie  certes  ne  desservi.  » 
Forment  s'esmerveilla  Berte  quant  l'entendi, 
Moult  debonairement  et  à  droit  respondi  : 
«  Sire,  se  c'estes  vous,  Damedieu  en  graci, 

3125  «  Qui  de  la  sainte  Virge  en  Bethléem  nasqui.  » 
Blancheflour  et  rois  Floires  ont  de  cuer  conjoi' 
Bertain  la  debonaire  cent  tans  plus  que  ne  di  ; 
Onques  de  plus  grant  joie  nus  hom  parler  n'oï 
K'ot  ce  jour  chiés  Symon  dedens  le  bois  fueilli. 

3130  Li  rois  Pépins  apele  un  sien  serjant  Henri, 

Gautier  son  mareschal,  son  chambellenc  Tierri  : 
«  Alez  en  tost  au  Mans,  ne  soiez  alenti, 
«  Faites  venir  des  tentes,  car  je  le  vueil  ainsi  ; 
«  Ci  endroit  remanrai,  par  le  cors  StRemi, 

3135  «  Joie  y  ai  retrouvée  que  je  pieça  ne  vi  ; 

«  Or  nous  pourveez  bien,  car  nous  remanrons  ci  ; 
«  Faites  venir  Namlon,  ce  vous  conmant  et  pri.  » 
Cil  s'en  vont,  qui  dou  faire  sont  tout  ataienti, 
Tout  ainsi  l'arreèrent,  ce  fu  par  un  lundi. 


AUS  GRANS   PIES.  115 


CXXVIII 


3140      Moult  refu  Blancheflour  de  joie  revestie, 
Puisqu'ele  tient  sa  fille  doucement  embracie, 
Bertain  la  debonaire,  la  blonde,  l'eschevie  ; 
Mainte  fois  l'a  le  jour  acolée  et  baisie. 
Devant  leur  vint  Symons  et  Constance  s'amie, 

3145  Ysabiaus  et  Aiglente,  que.Berte  ne  het  mie. 

Quant  Berte  les  choisi,  moult  tost  est  sus  saillie  : 
«  Mere  »,  ce  a  dist  Berte,  pour  Dieu  le  fill  Marie, 
«  Vez  ci  ma  douce  dame,  qui  souef  m'a  norrie, 
«  Et  vez  ci  mon  seignor,  oui  Jhesus  beneïe, 

3150  «  Qui  seule  me  trouva  en  la  forest  antie  ; 

«  Bien  sai,  se  il  ne  fust,  morte  fusse  ou  mengie  ; 
«  Après  Dieu  sui  par  aus  de  la  mort  garantie, 
«  Sachiez  que,  s'il  ne  fussent,  ne  fusse  pas  en  vie.  » 
Quant  Blancheflour  l'entent,  encontre  aus  s'est  drecie 

3155  Aussi  fist  li  rois  Floires,  li  sires  de  Hongrie. 

Moult  forment  ont  Constance  de  vrai  cuer  conjpïe 
Et  Symon  le  voier  à  la  barbe  flourie. 
Ez  vous  le  roi  Pépin  qui  faisoit  chiere  lie, 
Ensamble  sont  assis  en  la  chambre  voutie  ; 

3160  Or  fu  bien  celé  chambre  de  joie  raemplie. 


CXXIX 


Eu  la  bêle  forest,  mentir  ne  vous  en  quier, 
Ont  démené  grant  joie  chiés  Symon  le  voier  ; 
Assez  i  firent  tentes  et  paveillons  drecier, 


116  LI  ROMANS    De   BERTE 

Grant  joie  démenèrent,  de  ce  n'estuet  plaidier. 

8165  Celé  nuit  jut  Pépins  avoeques  sa  moillier, 
Trois  jours  i  sejornèrent,  si  l'oï  tesmoignier. 
Une  fille  engendra,  de  ce  n'estuet  cuidier, 
Gille  et  non  et  fu  mère  RoUant  le  bon  guerrier  ; 
Après  ot  Charlemaine,  le  bon  roi  droiturier. 

3170  Le  bon  Symon  a  fait  Pépins  apareillier 

Et  lui  et  ses  deus  filz,  chascun  fait  chevalier. 
Mantiaus  de  fin  drap  d'or  fait  à  chascun  baillier, 
Bien  seans  a  lor  gré  si  conme  à  souhaidier  ; 
De  Sjmon  fait  li  rois  son  maistre  conseillier. 

3175  Dux  Namles  leur  ala  les  espérons  chaucier, 

Et  li  bons  rois  Pépins  leur  ceint  les  brans  d'acier, 
L'acolée  leur  donne  ,  puis  les  ala  baisier. 
Quant  Symons  se  voit  si  d'onnour  montepliier, 
Dieu  en  prent  en  son  cuer  forment  à  graciier  ; 

3180  II  et  si  doi  enfant  se  vont  agenoillier 

Devant  le  roi   Pépin  pour  lui  à  merciier 

Et  li  vorrent  le  pié  et  la  jambe  baisier, 

Et  li  rois  il  meïsmes  les  prent  à  redrecier. 

«  Symon  »,  ce  dist  li  rois,  «  par  le  cors  St  Richier, 

3185  «  Moult  doi  vous  et  Constance  amer  et  tenir  chier, 
«  Car  bien  avez  de  joie  mon  cuer  fait  aaisier  : 
«  Par  la  grâce  de  Dieu  le  père  droiturier, 
«  M'avez  gardé  ma  fenme  de  mortel  encombrier.  » 
Qui  veïst  Blancheflour,  la  dame  au  cuer  entier, 

3190  Constance  et  ses  deus  filles  estraindre  et  enbracier, 
De  joie  et  de  pitié  à  la  fois  lermoier, 
Bien  deïst  que  ce  fust  joie  de  desirrier. 


AUS     GRAMS    PIES.  117 


cxxx 

Moult  fu  sage  Constance  et  de  bonne  manière, 
Et  moult  ert  preude  fenme  et  très  bonne  aumosniere. 

3195  Symon  et  ses  enfans  voit  qu'il  font  lie  chiere, 
Chascuns  avoit  mantel  à  penne  bonne  et  chiere, 
Damedieu  en  gracie  et  le  baron  St  Piere  : 
«  Ha  !  sire  Diex»,  fait  ele,  «  dous  rois,  vrais  justiciere, 
«  Plus  nous  faites  d'onnour,  sire,  k'à  noua  n'afiere  , 

3200  «  Nostre  Dame  en  gracie,  la  dame  droituriere, 

«  Bien  sonmes  en  biau  pré  mis  de  povre  bruiere  ; 
«  Pour  ceus  de  cui  part  vient  ferai  mainte  priiere, 
«  Se  Dieu  plaist  et  je  puis,  n'en  serai  pas  lanière.  » 


CXXXI 


X>ien  avez  entendu  ainsi  com  adouba 
3205  Nostre  bons  rois  Pépins  Symon  qu'il  moult  ama, 
Et  lui  et  ses  deus  fils,  grant  amour  leur  moustra. 
Symon  et  ses  enfans,  chascun  grant  don  donna. 
Mil  livrées  de  terre  à  Symon   présenta 
Et  cinq  cens  bien  seans  chascuns  de  ses  fils  a  ; 
3210  Ysabel  et  Aiglante,  ce  dist,  mariera, 

Cinq  cens  livres  par  an   à  chascune   donra. 
Et  Symons  passe  avant,   mie  ne  s'oublia, 
Et  il  et  si  doi  ûll  chascuns  s'agenoilla  ; 
Constance  et  ses  deus  filles,  nule  n'i  demora, 
3215  Chascune  s'agenoille,  envers  le  roi  clina; 
Chascuns  de  Damedieu  le  roi  en  mercia. 
Là  devienent  si  home  ;  chascun  en  foi  baisa, 
Les  armes  qu'il  portèrent,  li  rois  les  devisa  : 


118  LI    ROMANS   DE  BERTE 

D  asur,  mais  que  de  blanc  un  poi  les  dyaspra 
3220  Li  maistres  qui  les  fist,  car  on  li  conmanda  ; 

Une  grant  fleur  de  lis  d'or  tout  en  mi  lieu  a. 

A  cinq  làbiaus  de  gueules  l'ainsnés  fils  le  porta; 

Le  label  au  mainsné  d'argent  on  besenta. 

Li  rois,  cui  Jhesus  gart  qui  tout  le  mont  forma, 
3225  Pour  l'amour  k'ot  à  aus  ces  armes  leur  charcha  ; 

Despuis  l'a  li  lignages  porté  et  portera, 

Encor  le  porto  cil  qui  l'eritage  en  a. 


CXXXII 


Après  ce  que  Symons  fu  ainsi  adoubés 
Et  que  li   rois  li  ot  donné  grans  iretés, 

3230  Se  sont  tout  li  baron  parti  de  Florimés. 

De  la  roVne  Berte  fu  mains  souspirs  getés 
Au  partir  de  leens,  car  lonc  tans  i  ot  mes  : 
Drois  neuf  ans  et  demi  i  fu,  c'est  vérités. 
Sachiez  k'en  la  maison  n'est  uns  tous  seus  remés, 

3235  Ne  vallés  ne  meschine,  estrange  ne  privés, 

Cui  de  par  la  roïne  ne  soit  grans  dons  donnés  : 
Blancheflour  et  rois  Floires  nés  ont  mie  oubliés. 
Tant  leur  donnent  que  mais  n'averont  povretés. 
Et  Sjmons  et  Constance,  chascuns  s'en  est  aies, 

3240  Et  lor  fils  et  lor  filles  n'en  i  est  nus  remés. 
Au  partir  de  leens,  jà  mar  le  mescrerrés, 
I  fu  de  la  maisnie  mains  piteus  cris  gstés, 
Mainte  paume  batue  et  mains  cheveus  tirés. 
«  A  !  douce  dame,  à  Dieu  !  »  font  il,  «  vous  en  aies, 

3245  «  A  Damedieu  de  gloire  soit  vos  cors  conmandés, 

«  Qui  vous  rende  les  biens  que  vous  fais  nous  avés  !  » 
En  plorant  s'en  part  Berte,  cui  Diex  croisse  bontés, 


AUS   GRAISS    PIES.  It9 

Et  Constance  et  ses  filles  jouste  11  lés  à  lés. 
«  Constance  »,  ce  dist  Bcrte,  «  o  moi  vous  en  venrés 
3250  «  En  la  terre  de  France,  ne  mais  ne  me  lairés  ; 
«  Ysabel  et  Aiglente,  vos  filles,  me  donnés  ; 
«  Jà  n'avérai  richoise  pour  k'aient  povretés.  » 
—  «  Dame  »,  ce  dist  Constance,  «  si  soit  com  dit  avés, 
«  Bien  est  drois  que  façons  toutes  vos  volentés.  » 


CXXXIII 


3255      Par  un  mardi  matin,  ce  sachiez  vraiement, 
Partent  de  Florimés  mainte  gent  liement, 
Car  lor  dame  en  remainent,  Bertain  o  le  cors  gent. 
Encontre  sont  venu  cil  dou  Mans  baudement; 
Lor  dame  ont  salué  bel  et  courtoisement. 

3260  Rois  Floires  l'adestroit  et  Namles  ensement, 
Delés  li  fu  sa  mère,  qui  l'esgarde  souvent. 
Ce  jour  i  ot  de  lances  fait  grant  defroissement, 
Tous  li  sains  de  la  ville  sonnèrent  hautement. 
Li  clergiez  vient  encontre  moult  ordenéement 

3265  A  grant  pourcession  et  bel  et  netement, 

Fiertres  et  encensiers  i  ot  d'or  et  d'argent. 
De  dras  d'or  et  de  soie  la  champaigne  resplent. 
Tous  li  pays  i  ert  venus  conmunaument, 
Dames  et  chevaliers  i  vienent  noblement 

3270  Pour  connoistre  lor  dame,  qu'il  en  ont  grant  talent. 
En  la  cité  dou  Mans  entrèrent  erranment, 
Les  rues  sont  couvertes  et  bel  et  richement, 
Les  chaucies  jouchies  deseur  le  pavement 
De  fresche  herbe  et  de  jons  partout  espessement, 

3275  Les  dames  as  fenestres  sont  acesméement  ; 
Ce  jour  i  peiissiez  veoir  maint  parement  ; 


120  LI    ROMANS  DE  BERTE 

De  ce  ne  vous  ferai  nul  lonc  acontement. 
Au  perron  de  la  sale  la  reine  descent, 
Namles  et  li  baron  l'adestrent   doucement, 

3280  Et  la  main  tient  sa  mère,  qu'ele  aime  durement  ; 
Grant  feste  ot  en  la  vile  huit  jours  entièrement. 
Par  tre'stout  le  roiaume  la  nouvele  s'estent 
Que  retrouvée  est  Berte,  s'en  gracie  on  souvent 
Dieu  et  sa  douce  mère  et   ses  sains  ensement. 

3285  Dou  Mans  s'en  départirent,  ni  font  arrestement, 
Vers  Paris  la  cité  s'en  vont  joieusement. 


CXXXIV 


Or  s'en  vont  li  doi  roi,  n'i  firent  plus  d'atente, 
Et  Blancheflour  et  Berte,  cui  forment  atalente. 
Près  d'eles  fu  Constance,  Isabele  et  Aiglente  ; 

3290  Joieusement  chevauchent,  n'est  riens  qui  les  tormente, 
Droit  vers  Paris  s'en  vont,  la  cité  noble  et  gente. 
La  serve  deputaire,  cui  li  cors  Dieu  cravente, 
A  oï  ces  nouveles,  forment  en  fu  dolente, 
Durement  li  desplaist  et  moult  li  destalente. 

3295  Moult  en  a  grant  paour,  forment  s'en  espoente, 
Grant  duel  a  que  li  rois  à  Symon  donne  rente, 
Dueil  a,  quant  biens  adrece.  Torde  serve  pullente  ; 
De  son  très  faus  marchié  li  rende  Diex  la  rente  ! 


AUS   GRAKS    PIES.  1^1 


cxxxv 


Par  trestoutes  les  viles  où  Berte  trespassoit, 

3300  La  gent  encontre  li  de  toutes  pars  venoit 

A  grant  pourcession  ;  chascuns  moult  l'onnoroit, 
Et  prioient  à  Dieu,  qui  haut  siet  et  loing  voit, 
Qu'il  confonde  la  serve,  en  quel  lieu  qu'ele  soit, 
Et  ii  et  les  enfans  qu'ele  porté  avoit, 

3305  Quant  pour  li  si  lonc  tans  Berte  perdue  estoit. 
Par  trestout  le  royaume  si  très  grant  joie  avoit 
Pour  amour  de  lor  dame  que  Diex  leur  renvoioit, 
Que  trestous  li  pays  contre  li  acoroit, 
A  pie  et  à  cheval,  que  nus  n'i  demoroit. 

3310  Bien  cuidoitestre  sires  qui  veoir  la  povoit. 
Ce  n'est  pas  grant  merveille  se  on  la  desiroit, 
Pour  les  bonnes  nouveles  que  chascuns  en  disoit 
Et  pour  le  biau  miracle  que  Diex  en  demoustroit. 
Encontre  la  roïne  chascuns  s'agenoilloit 

3315  Et  de  sa  revenue  Damedieu  gracioit  ; 
Et  ele  conme  sage  vers  aus  s'umelioit. 


CXXXVI 

La  roïne  de  France  fu  moult  sage  et  adroite  ; 
Chascuns  pour  sa  bonté  à  veoir  la  couvoite. 
Or  est  bien  Blancheflour  d'aise  en  la  droite  ploite, 
3320  Nostre  Dame  en  gracie,  la  dame  beneoite. 

Par  petites  jornées  vont,  n'ont  pas  trop  grant  coite  ; 
Ménestrel  i  font  joie,  car  chascuns  la  couvoite  ; 
Qui  plus  i  fait  de  joie,  vis  li  est  miex  esploite. 


123  LI  ROMANS   DE   BERTE 

Moult  fu  fausse  la  vielle  et  diverse  et  révolte, 
3325  Qui  tel  dame  traï  faussement  en  recoite  ; 
Maudite  soit  sa  fille,  Vorde  serve  destroite, 
Moult  li  sera  la  voie  de  Paradis  estroite, 
S'ele  n'a  repeiitance  d'uevre  si  maleoite. 


CXXXVII 

(jrant  joie  orent  en  France  li  joene  et  li  chenu. 
3330  Encontre  Pépin  vinrent  si  ami  et  si  dru, 

Et  encontre  lor  dame  dont  grant  joie  ont  eu  ; 

De  ce  qu'est  retrouvée  gracient  moult  Jhesu. 

Tant  vont  que  de  Paris  ont  maint  clochier  veû  ; 

Paris  ert  acesmée  c'onques  mais  si  ne  fu, 
3335  Car  moult  furent  la  gent  de  grant  joie  esmeti 

Pour  le  bien  que  il  voient  que  Diex  leur  a  rendu. 

Ne  remest  en  la  vile   ne  chauf  ne   chevelu. 

Ne  moine  ne  abé,  ordené  ne  rendu, 

Qui  à  pourcession  ne  soient  tuit  venu. 
3340  Sachiez  cel  jour  i  ot  maint  grant  destrier  coru 

Et  i  ot  mainte  lance  brisie  sor  escu  ; 

Berte  la  debonaire  ot  cel  jour  maint  salu. 


CXXXVIII 


La-  roïne  de  France  est  à  Paris  venue, 

De  mainte  gent  i  fu  moult  volentiers  veiie, 

3345  Noblement  Ten  amainent  contreval  la  grant  rue. 

«  Ha  Diex  »,  disoit  chascuns,  «  sainte  Marie  ajue, 

«  De  la  maie  mort  soit  Torde  serve  férue 


AUS    GRANS  PIES.  123 

«  Par  cui  si  douce  dame  a  tant  esté  perdue.  » 
Au  perron  de  la  sale  ont  Bertain  descendue. 

3350  Or  fu  bien  Blancheflour  de  grant  aise  esmeiie  , 
Quant  ele  voit  sa  fille  qui  si  est  receue, 
Et  voit  conment  chascuns  en  a  grant  joie  eiie  ; 
Damedieu  en  gracie,  qui  fait  courre  la  nue, 
Lui  et  sa  douce  mère,  ne  s'en  est  pas  tenue. 

3355  A  Paris  ont  huit  jours  la  feste  maintenue , 
Plus  noble  ne  plus  richen'iert  mais  ramenteiie. 


CXXXIX 

Moult  ot  ou  roi  Pépin  très  gentill  home  et  ber. 
De  cuer  se  penoit  moult  dou  roi  Floire  honnorer, 
Et  Blancheflour  aussi,  qui  moult  fist  à  loer. 

3360  Tout  droit  un  dyemenche,  si  com  après  disner, 
Ez  vous  venu  Morant,  qui  revient  d'Outremer  ; 
Où  que  il  voit  le  roi,  si  le  va  saluer  ; 
Tel  joie  a  des  nouveles  qu'il  a  oï  conter 
K'à  paines  puet  de  joie  au  roi  un  mot  sonner. 

3365  «  Sire  »,  ce  dist  Morans,  «  Diex  puisse  j'  aourer, 
«  Quant  vous  ravez  madame,  la  roïne  au  vis  cler  ; 
«  Hé  las  !  or  n'oserai  je  mais  devant  li  aler, 
«  Car  je  sui  uns  de  ceaus,  je  ne  le  puis  celer, 
«  Qui  ou  bois  la  menèrent  pour  son  cors  vergonder.  » 

3370  Lors  conmence  Morans  durement  à  plorer. 

«  Morans  »,  ce  dist  li  rois,  «  n'en  faites  à  blasmer, 
«  Car  par  vous  eschapa,  ch'ai  oï  recorder.  » 
Uns  mes  le  va  tantost  la  roïne  conter. 
Quant  la  roïne  l'ot,  n'i  volt  plus  demorer  : 

3375  Voiant  tous  s'est  levée,  Morant  va  acoler. 

«  Sire  »,  fait  ele  au  roi,  «  un  don  vous  vueil  rouver  : 
«  C'est  ce  que  vous  Morant  vueilliez  de  cuer  amer 


124  LI    ROMANS   DE   BERTE 

{(  Et  chevalier  le  faites  maintenant  adouber, 
«  Et  li  faites  dou  vostre  si  largement  donner 

3380  «  Que  si  hoir  après  lui  s'en  puissent  gouverner  ; 
«  S'il  ne  fust,  morte  fusse,  sor  sains  le  puis  jurer, 
«  Quant  Tybers  li  traïstres  me  volt  le  chief  couper. 
«  Eu  Sjmon  et  en  lui  me  vueil  tousjours  fier 
«  Et  de  toutes  mes  choses  par  lor  conseil  ouvrer.  » 

3385  Quant  li  rois  l'entendi,  ne  le  volt  refuser  : 

De  deus  cens  mars  par  an  le  fait  bien  assener, 
Et  Morans,  qui  fu  sages  et  moult  fist  à  loer, 
En  va  le  roy  baisier  le  pié  sor  le  soUer, 
Et  en  va  la  roïne  à  genouls  encliner. 

3390  Li  rois  Pépins  le  fist  l'endemain  arreer  ; 
Morans  fu  chevaliers  si  com  m'oez  conter. 
Blancheflour  et  rois  Floires  font  Morant  présenter 
Grant  avoir  pour  lor  fille  cui  en  oent  parler. 
Pour  ce  fait  bon  bien  faire,  chascuns  i  doit  penser, 

3395  K'en  la  fin  pert  li  biens,  tant  ne  puet  demorer. 


CXL 

Morans  »,  dist  la  roïne,  «  à  moult  grant  paour  ère 
«  Quant  Tjbers  tint  l'espée,  qui  ert  trenchans  et  clere  ; 
((  La  teste  me  vouloit  jus  des  espaules  rere, 
«  Là  vous  trouvai  piteus  et  de  bone  matere  ; 

3400  «  Se  vers  moi  eussiez  eu  pensée  amere, 

«  Si  com  avoit  Tjbers,  qui  ert  traïstre  et  1ère, 
«  Mais  n'eusse  veiie  ma  douce  chiere  mère, 
«  Ne  le  roi  des  François,  ne  roi  Floire  mon  père. 
«  Je  vous  trouvai  loial  et  ami  conme  frère, 

3405  «  Mais  de  guerredonner  ne  serai  pas  avère.  » 

—  «  Dame  »,  ce  dist  Morans,  «  Diex  nostre  vrais  sauvere, 
«  Vous  soit,  très  douce  dame,  de  ce  guerredonnere  ! 


AUS   GRAMS   PIES.  125 


CXLI 


liXoult  fu  grande  la  joie  à  Paris  la  cité  ; 

Moult  a  11  rois  Pépins  le  roi  Floire  honnoré; 
3410  Et  lui  et  Blancheflour,  moult  les  tient  en  chierté. 

Après  ce  que  li  rois  ot  Morant  adoubé, 

Ne  demora  rois  Floires  c'un  mois  ens  ou  régné. 

Ne  vous  aroie  pas  en  grant  pièce  aconté 

Les  dons  ne  les  richesces  que  on  a  présenté 
8415  De  par  le  roi  Pépin  as  Hongrois  et  donné. 

Et  de  par  la  roine,  où  moult  ot  de  bonté. 

Par  un  joesdi  matin  ont  lor  oirre  apresté. 

Au  partir  de  Paris  ont  maint  souspir  geté. 

Roi  Floire  et  Blancheflour  ont  à  Dieu  conmandé 
3420  Toute  gent,  une  et  autre,  qui  les  ont  encontre  ; 

Trestout  les  beneïssent,  et  estrange  et  privé. 

Li  rois  Pépins  de  France  et  Berte  au  cuer  séné 

Sont  dusk'à  Saint  Quentin  tousjours  avoec  aie  ; 

Là  endroit  n'ont  ensamble  que  deus  jours  sejorné. 


CXLII 


3425       |out  droit  à  Saint  Quentin,  c'est  vérité  prouvée. 
Se  parti  Blancheflour  de  Bertain  la  senée  ; 
Rois  Floires  a  sa  fille  baisie  et  acolée  ; 
A  li  prennent  congié,  à  Dieu  l'ont  conmandée, 
Et  Berte  la  roïne  remest   toute  pasmée  ; 

3430  Doucement  l'a  li  rois  Pépins  reconfortée, 

Et  celé  gent  Hongroise  s'en  est  tantost  alée. 
Mainte  terre  trespassent,  mainte  estrange  contrée, 


i26  LI    ROMANS   DE   BERTR 

Tant  k'en  lor  terre  vihrent.  Joie  i  ont  raportée, 
Dont  Diex  fu  moult  loez  et  sa  mère  aorée. 

3435  Après  lor  revenue,  tout  droit  en  celé  année, 
Orent  il  une  fille,  Constance  l'ont  nonmée, 
Pour  l'amour  de  Constance  qui  lor  fille  ot  gardée. 
Si  oonme  avez  oï,   en  la  forest  ramée. 
Celé  fu  de  Hongrie  puis  roïne  clamée, 

3440  Danois  li  murent  guerre,  dont  moult  fu  destorbée  ; 
De  ce  ne  vous  iert  ore  plus  raison  racontée. 
Rois  Floires,  qui  moult  iert  de  très  bonne  pensée, 
Et  Blancheflour  aussi,  la  roïne  loée, 
Une  bêle  abeïe  ont  ou  pays  fondée, 

3445  En  l'onnour  de  Jhesu  qui  fist  ciel  et  rousée. 
Pour  l'amour  de  Bertain  que  Diex  ot  ramenée, 
Et  que  de  tel  perill  fu  ainsi  eschapée  ; 
De  soisante  nonnains  l'ont  ainsi  estorée, 
Encore  est  l'abeie  la  Valberte  apelée. 

3450  Ci  lairai  dou  roi  Floire  à  la  barbe  mellée, 

De  Blancheflour,  que  s'ame  soit  de  Dieu  coronnée, 
Si  dirai  de  Pépin  à  la  chiere  menbrée 
Et  de  Bertain,  cui  Diex  doinst  bone  destinée, 
Qui  pour  père  et  pour  mère  remest  moult  esplorée. 

3455  Après  ce  qu'ele  fu  d'aus  partie  et  sevrée, 
S'en  vinrent  à  Paris,  n'i  firent  demorée. 


CXLIII 


Kois  Pépins  et  sa  fenme  au  gent  cors  seignori 
Revindrent  à  Paris,  n'i  mirent  lonc  detri. 
Forment  ama  li  rois  Symon  et  conjoi' 
3460  Et  Constance  sa  fenme,  bien  l'orent  desservi  ; 
Ysabel  et  Aiglente  maria  li  rois  si 


AUS   GRA^S   PIES.  127 

Que  de  grant  seignorie  chascune  revesti. 
La  serve  ert  à  Montmartre,  qui  la  dame  traï, 
Avoec  li  ses  enfans,  et  Rainfrois  et  Heudri  ; 
3465  Moult  seignoriement  la  serve  les  norri, 

Puis  furent  par  aus  deus  mainte  gent  malbailli 
Par  leur  très  grant  avoir  dont  il  erent  saisi, 
Si  com  porrés  oïr,  se  l'estoire  vous  di. 


CXLIV 


Iji  premiers  des  enfans,  de  ce  ne  doutez  mie, 
3470  Que  Pépins  ot  de  Berte,  la  blonde,  l'eschevie, 
Orent  il  une  fille,  sage  et  bien  ensaignie, 
Fenme  Milon  d'Aiglent,  moult  ot  grant  seignorie. 
Et  fu  mère  Rollant  qui  fu  sans  couardie, 
Ains  fu  preus  et  hardis,  plains  de  chevalerie. 
3475  Après  ot  Charlemaine  à  la  chiere  hardie, 

Qui  puis  fist  seur  paiens  mainte  grant  envahie  ; 
Par  lui  fu  la  loys  Dieu  levée  ot  essaucie. 
Par  lui  fu  mainte  terre  de  paiens  essillie, 
Maint  hiaume  découpé,  mainte  targe  percie, 
3480  Maint  hauberc  derrompu,  mainte  teste  trenchie  ; 
Moult  guerroia  de  cuer  sor  la  gent  paiennie. 
Si  k'encore  s'en  duelent  cil  de  celé  lignie. 


EXplicit  db  berte  as  grans  pies. 


VARIANTES  <" 


i  Lisez  avrill. 

2  Noire  ms.  écrit  le  groupe  ogn 
tantôt  par  ojign,  tantôt  par 
oign  :  on  y  voit  aussi  bien 
pongucut  que  puigiirtit,  bc- 
songnc  que  bcsoiync. 

4  E.  a  cel  t. 

7  C.  por  crier. 

8  Nomnoit.     Dans    les     Enfances 

Ogier  j'ai  suivi,  dans  les  cas 
analogues,  l'orthographe  «o?/- 
moit  ;  mais  l'inspection  du 
ras.,  qui  dans  ces  cas  porte 
toujours  om  ,  m'oblige  à 
revenir  sur  ce  système  et  à 
écrire  doréna\ant  onvi  :  donc 
uonmoit,  conmander,  Con- 
marchis,  etc.;  il  m'est  arrivé, 
çà  et  là,  par  inadvertance,  de 
laisser  imprimer  comme 
comment  (ainsi  vv.  12  et  17), 
mais  la  faute  n'en  est  guère 


une  au  point  de  vue  de  la 
prononciation. 
9  B.  merci. 

10  B.  Qvar  le  livre....  au  je  vi. 

13  BC.  mettent  après  ce  vers  le 
suivant  :  Qui  l'ont  de  liex 
en  liex  çà  et  là  conqucilli. 

13  Lisez  aprciUic  ;  BDE.  ont  nprcn- 
tif.  —  IvCs  deux  formes  se 
trouvent  dans  l'ancienne  lan- 
gue, mais  celle  en  ic  ou  is  ou 
icc  (=  lat.  iciiis)  doit  être  la 
plus  ancienne  ;  elle  a  survécu 
en  esp..  port.,  angl.  et  dans 
de  nombreux  dialectes  ,  et 
le  dérivé  apprentissage  nous 
la  fait  envisager  comme  la 
normale. 

13  Vers  omis  dans  B. 

17  B.  Sicom  lier  te  fu  seule  el  grant 

bois  à  par  li. 

18  C.  Dnrepaine. 


(1)    A  =  ms.  175  Arsenal;B  =  ms.  778  (Bibl.  Nat.);C  =  1417  (B.  N.) 
D  =  12467  (B.  N.;;  E  =  24404  (B.  N.). 

9 


130 


VARIANTES. 


19  B.  si  menée. 

20  B.  csbaubi;  celle  variante  est 

constante  dans  ce  ins. 

27  C.  de  cors  dcsevrée  et  partie. 

28  B.  partie. 

29  B.  maint  chastel  abatu. 

30  B.  Et  puis  en   fu  I.  p.  si  faite 

et  establie. 

31  B.  et  sans  boisdie. 

38  B.  o  (avec)  p.  ot  (eut)  ;  cette 
variante  me  plaît  davantage. 
59  B.  quamc  en  mcsdic. 

40  B.    Luns  ot  non   Chalcmaine, 

plain  fu.. 

41  B.  Trois  ans  f,  ch.  pi.  icrt  à.  c. 

—  Je  note  à  celle  occasion 
que  dans  notre  ms.  iert  est 
toujours  consacré  au  futur. 

43  B.  £<  Pautre  ot  n.  P.  qui  fu  sanz 

vilonie. 
48  B.  chevalerie. 

51  B.  a  derrompue. 

52  A.  A   son   m.  e.  J'ai  mis  et  se- 

lon le  sens  et  les  autres  mss. 

—  BE.  Pyquardic  p.  iVor- 
mcndie. 

53  B.  Par  le  ter  (/ter. —  Cbien  fîorie. 

54  B.  esragic. 

58  C.  que  il  pas  ii'i  oblie. 

.^9  B.  N'en  y  ot. 

63  B.  en  va  soit  ou  se}is  o.  f. 

67  DE.  assener. 

68  C.jusk'en. 

69  B.  Parmi  le  cîier. 
7i  B,  y  est  couru. 
73  B.  onc  adescr. 

77  B.  à  mal  blasme 

78  BCOK  «  t(i/it  l'oy  esmer. 


79  BC.  En  icestc  m.  —  BCDE  plus 

drmorei'. 

80  B.  m'en  verrai  retowner. 

81  B.  la  malere  espondre  et  d.  —  E. 

et  d.  et  raconter. 

84  C.  mis  n'est  en  ce  siècle. 

89  BC.  s.  m.  conter. 

db  B.  en  celé  fenme.  —  Avec  cette 
leçon  s'accorde  le  «  n'i  pot  b. 
e.  »  que  je  trouve  dans  mon 
ms.  ;  j'ai  mis  «e  d'après  les 
autres  mss.  et  en  accord 
avec  la  leçon  de  celé  f. 

97  E.  Lonc  tans.  —  CE.  se  voloie 

conter. 

98  Mon  ms.  a  leur  p.  lor.  Mon  chan- 

gement provient  de  l'idée 
qui  m'est  venue  de  régulari- 
ser l'alternance  qui  règne 
dans  mou  ms.  entre  letir  et  lor 
en  consacrant,  sauf  quelques 
inconséquences  ,  l'un  (lor) 
au  pronom  possessif,  l'autre 
[leur)  au  pronom  personnel. 
J'ai  abandonnécette idée  dans 
Buevon  de  Comarchis ,  comme 
n'étant  qu'un  caprice  ;  les 
deux  formes  eur  et  or  alter- 
nent de  même,  sans  principe, 
pour  le  suffixe  des  substan- 
tifs [honeur  et  honor) ,  pour 
seureism'  (sur),  etc. 

99  B.  garder. 

100  Lisez  volrent.  —  B.  Après  vou- 

vlnt  P. 

107  B.  qui  moult  fct  à  amer. 

108  B.  Qu'il  n'a. 

114-1 17  Ces  quatre  vers  font  défaut 


VARIANTES. 


131 


dans  B, 

118.  B.  Strivon.  Celte  leçon  se  rap- 
porte au  latin  Strigonium 
comme  roiiver  à  lai.  rogare. 

125  h.  gentemcnt  î,^\\XQr. 

130  E.  dcmorer. 

133  C.  lie  vorrenl. 

134  B.  amerc. 

135  C.  pnst  congié. 

137  B.  Qui  vers  Poulaine  tient. 
HO  B.  de  franche  uiatere. 

142  Vers  omis  dans  B. 

143  B.  Car  cil.  —  C.  nu  (-=  nel) 

fait. 
116  B.  Qui  en  unie  et  en  cors  en  s. 

toits  jors  s^rdere. 
loô  B.  aussi  bien  français,  ce  vous 

plevis. 
153  B.  funorriàParis. 
158  B.  Cicrt  l3if.  à  la  serve. 
163  BG.  de  /laut  pris. 

165  B.  ore  plus  Ions. 

166  B.  do7it  vous  ai  (leçon  préfé- 

rable, cp.  notre  expression  : 
«  saisir  qqn.  d'une  chose  »). 

170  B.  FHd.  I.  r.  Flaire. 

173  B.  siques  en  Pise. 

175  B.  qu'en  pièce.  —  Lisez  fiut  p. 
fa. 

177  C.  que  estoirc  devise.  Vers  omis 
dans  l'édition  imprimée. 

183  B.  le  plus  avant. 

186  B.  Pour  ce  qu'el  v.  r. 

191  B.  les  enmerai  ;  le  scribe  vou- 
lait-il écrire  enmenrai  (em- 
mènerai) ? 

193  Vers  omis  dans  B. 

205  B.  de  dolor  en  mo7Tai. 


210  B.  A  sa  mère  1.  h.  crranvient 
sanz  délaie. 

214  Le  copiste  de  G. ,  voulant  sans 

doute  éviter  la  répétition  de 
retraie  y  a  mis  le  synonyme 
recroie  (se  lasse)  sans  se  sou- 
cier de  la  rime. 

215  C.  Douce  davie. 

217  G.  et  coie  (contre  la  rime). 

220  B.  se  ressaie. 

221  B.  sus  p.  SÛT. 

225  B.  près  que  son  cuer  ne  fent. 

228  BCDE.  cor*  gent. 

229  B.  la  montent. 

236  G.  Floureles,  praerics... 

238  G.  plus  richement. 

239  Lisez  ert.  p.  est. 

241  D.  communaumenl. 

242  G-  Li  quiex.  —  B.  honnournble- 

ment. 

218  B.  plus  lonc  al. 

254  B.  moût  très  courtoisement. 

260  B.  plus  lonc. 

266  BG.  très  tout  Paris. 

269  B.  ot  cbascun  bon  talent. 

271  G.  Par  un  si  1res  bel  jour. 

273  B.  Noblement. 

275  B.  Il»  mars. 

278  Vers  omis  dans  B. 

280  G.  ça  X  p.  ça  C. 

281  B.  ce  jour. 

286  C.  Par  sa  t.  g.  malice. 

287  G.  Dont  souvent  iert  au  cuer 

coreciée  la  gente. 

288  B.  l'orde  «cric  p. 

290  G.  Mencstcrcl  s'atorncnt. 

291  G.  Trow^M^ferrc»  (la  grammaire 

réclame  jugleors). 


132 


VARIANTES. 


294  Ë.  C071  apeloit. 

296  B.  flciiteres  ;  C.  Ictrcz. 

300  C.  plus  dclaicr. 

305  B.  Puis  remndrcnt. 

309  C.  encombrier. 

315  B.  lions  nez. 

318  B.  c'on  doit. 

322  B,  Quant  l'entent. 

329  B.  Et  Aliste. 

352  B.  Je  aini  viicx  qu'cl  en  mtiire. 

340  C.  en  une  chambre  en  entre. 

342  C.  trouvée,  la  m.  m.  la  fîerc. 

345  B.  fi  li,  C.  à  euls. 

546  C.  Nés  plus. 

550  B.    Cornent    Berte   pourvoient 

trahir. 
.352  B.  Et  vous. 
355  BC.  et  maistre  et  c. 
357  B.  A  iceles  ensaignes. 
366  B.  Par  quoi. 
368  B.  plus  haut  saillir. 
370  D.  gésir. 

374  BE.  issir.  —  D.  H  clers  sans 

(voy.  Notes). 

375  B.  Lors  crierés. 

380  BC.  à  l'ascrir. 

381  B.  se  vont  cvesqrie  abé. 

382  B.  hors. 
384  riens  veïr. 

383  B.  au  roi. 

393  C-  cui  diex  envoit  martire. 

39  i  C.  Et  sa  f. 

401  E.  à  lire. 

407  B.  fu  apelé. 

il 2  B.  «t  se  commande  à  De. 

413  B.  chambre  est  entrée, 

415  B.  quijut. 

418  B.  £«  sa  senestrc  cuisse. 


424  B.  dist  elle. 

432  B.  Sa  fille  serait  arsc  par 
nus  (?)  iert  trestourné. 

437  BC.  la  boute. 

438  B.  Quar  encor. 

439  B.  Wontli  yex  terme;  CBE.  li 

sont  li  oeil  lermé. 

440  B.  qui  Diex  dont  m.  d. 

444  B.  avant  aie;  C.  du  pont  aval 
passé. 

447  A.  fourcc  (voy.  Notes).  —  B.  la 

bouche  outre  son  gré. 

448  C.  En  guise.  —  BCE.  cnfrené. 
454  B,    Or   la    sequeure    Diex.   — 

E.     maïstë    (variante    con- 
stante). 

457  B.  Au  tr.  sor  un  lit. 

459  Lisez  dist.  —  E.  en  recelée. 

463  B.  Bien  set et  qu'il  Vont  en- 

ganée. 

464  B.  el de destresce.—C. paumée. 
471  BC.  Se  vous  veiez. 

475  A.  Bertc. 

476  E.  destornée. 
479  E.  mer  salée. 
481  A.  Si  non. 

488  B.  la  sache  q.  s.  de  famé  née. 
—  A.  le  sache  (leçon  justi- 
fiable ;  l'accord  avec  chose 
n'est  pas  rigoureusement  né- 
cessaire). 

490  C.  s'en  cstoit  renomée. 

494  B.  ou  cl  soit  estranglée. 

495  C.  ne  chaut. 

498  B.  En  une  caue  ;  E.  Ou  en  cvc. 
505  B.  et  moult  iert  ;  E.  moult  estait 

osplorée. 
S07  B.  plus  arrcsler. 


VARIANTES 


133 


308  B.  se  hastoient. 

515  E.  deviser.  —  B.  El  lors  si  ferez 

ce  que  m'orrez  commander. 
318  BCDE.  plus  sejorncr. 
S2o  B.  murdrir  et  eslrangler. 
S28  B.  que  s'cûst   duel   forment  à 

s.  —  C.  corne  c.  d.  preiit  fort 

as.  —  D.  prist. 
829  B.  prist. 

531  Omis  dans  B. 

532  C.  et  enherber. 

533  G.  nu  (p.  nel). 

534  C.  natc  (p.  nenil). 
510  BC.  montei: 

5i5  B.  a  pris  Margistc. 

548  B.  que  ne  puisse  p. 

530  B.  de  ce  n'estucl. 

536  B.  qu  estes  souverain  p.  ;  C.  qui 

es  s.  p. 
559  BE.  qu'à  la  moie  c. 

565  B.  où  l'on. 

566  B.  vueil  desclairicr  ,  C,  «ho/j- 

cici'. 

570  B.  à  boire  et  ài  mengier  ;  AD. 

n'a  boire  n'a  m. 

571  BD.  le  bran. 
573  B.  ne  qn'cl. 

576  Vers  omis  dans  B. 

577  A.  à   l'aisclnirier,    D.  à   t'aniii- 

lier. 
579  BC.  ni  vorrent. 
581  C.  ce  oy. 

384  B.  n'avons  jjrts  f/rant  m. 
586  A.  tout  (ma  correction  par  luit 

n'était  pas  nécessaire). 

590  C.   ne    poreiit    uprouchicr.  — 

D.  ne  la  poreiit  baillier. 

591  B.  Que  Tybers.  —  BC.  fors  que 


lui  atouchier. 
592  B.  la  robe. 
602  Ë.  ne  H  (avec  cette  leçon,  il 

faut   traduire  :   ne  [la]  lui 

laisse  exprimer). 
604  B.  cel  saint  aposlelc. 
607  B.  Le  jour  fut  moult  oscur. 
609  B.  que  dcsus  H. 
614  B.  Que  en  traions  le  cucr. 
618  B.  gariroitpfls. 
621  B.  à  tuer. 
626  B.  Entant  que. 

628  B.  ne  li  a  pas  I. 

629  B.  délaie. 

630  B.  par  la  setie  am.  —  C.  par  sa 

douce  pitié. 
637  B.  Tous  trois. 

642  C.  t'esimes  tuit. 

643  B.  Quant  pour  faire  tel  choic. 

645  E.  en  sa  part. 

646  DE.  lupart. 

647  B.  ainz  que  soit  gueres  tari, 
630  DE.  cest  mol. 

651  B.  repose,  C.  repostc. 

652  B.  par  ses  s.  n. 

654  B.  Quant  lieu  et  temps  sera.  — 

C.  si  i  repairerons . 

655  B.  s'en  retournent. 

658  B.  A  Margiste  et  ma  dame. 

659  C.  vos  escHserons.  —  B.  acu- 

serons.  ; 

663  B.  S'ainsi  ne  l'otriiez.  —  C.  Se 

vous  ne  Vocicz  (!). 
667  BE.  encusé. 
670  B.  com  nous  vous  d. 
674  B.  Le  cuer,  et  vez  le  ci. 

677  Vers  omis  dans  B. 

678  BE.  nus  n'i. 


134 


VARIANTES. 


679  B.  s'en  vont. 

680  D.  remantts,  E.  reinasus. 
683  B.  vous  est  venuz. 

68i  B.  0  nos  brans. 

687  AE.  portent  fautivement  vielle 

p.  sei've. 
689  B.  One  de.  —  BC.   n'oy  mes 

parler. 
699-700  B.  qui  ert  et  bois  ramus  Où 

à  m.  (leçon  incorrecte).  — 

CDE.  quel  (E.  cou)  bois  qui 

ert  ramus. 
701  B.  et  les  seucs  vertus. 
703  DE.  où  laissic  l'ot  (laissie  = 

laissic). 

705  BC.  Les  leus  oy. 

706  B.  Il  csparloit  f.  et  durement 

tona. 
708  B.  Cierl  liideus  t. 
711  Lisejj  nasquesi  s  tes. 

713  D.  qui  vous  reclamera, 

714  BC.  Melchion. 

717  B.  vous  Vempresistcs. 
72!  BE.  parmi  le  bois. 

724  B.  gardent. 

725  C.  moult  fet  gr.  d. 

726  B.  cuer  avez.  —  ADE.  cucr  eus 

d.  ;  j'ai  eu  tort  de  corriger 
le  aier  eus  d.  ;  il  faut  pro- 
noncer CMS  (voy.  Notes). 

728  C.  arai  ore. 

750  B.  ïo'avoit. 

737  N'est  est  une  erreur  typogra- 
phique p.  n'ot. 

758  B.  situes  en  Gale. 

739  B.  un  poi  plus  pale. 

744  B.  Vers  le  bois. 

745  B.  Ce  n'estait  pas  merveille.  — 


749 
752 
7o3 
Toi 
762 
766 
767 
768 

770 
771 
772 
773 
780 
784 


786 
787 
790 
791 
792 
794 
796 
797 
798 
802 
803 
807 
808 
809 
81S 
816 


817 
822 


C.  Ce  n'ert  pas  gr.  m. 
B.  piteusement  plouroit. 
B.  par  humblement  haisoil. 
B.  inoult  granl. 
B.  moult  souvent  regreloit. 
B.  H  doloit. 
B.  moult  durement. 
B.  Car  Jiors. 

B.  moult  malement  eslroite.  — 
C.  encombreuse  et  cstroite. 

C.  rêve i te. 

B.  en  si  honteuse  colle. 
B.  pour  avoir  tel  récolte. 
B.  m'i  aront.  —  E.  recueilloite. 
B.  moult  icrt. 
B.  Fille  au  duc  de  S.  et  icrt 

quens  et  m.  —  C.  qui  cstoit 

qu.  m. 
B.  de  grant  lignage. 
B.  Des  rois. 
G.  verrai  jà  mais. 
B.  E  mi. 

B.  espoentcs,  marris. 
B.  en  si  haut  pris. 
BC.  en  la  cit  de  Paris. 
B.  Mais  or  voi...  il  m'est  avis. 

B.  Que  mon  a  faire  va. 
BC.  fu  grise. 

C.  el  rcaumc  de  Frise. 
Corrigez  :  qui  s'ert  sus  s.  r.  r. 

B.  lez  une  pierre. 
G.  la  parole. 

C.  Et  querre. 

B.  cornent  ne  por  quoi.  —  C. 
par  quoi,  coumcnt  ne  en  quel 
guise. 

C.  à  vous.  —  B.  nouvele  cnquisc. 
E. sour. 


VARIANTES. 


455 


823  B.  Miclo ,  C.  Mticlo. 

824  C.  se  il  ?t't  ;  E.  s'ele  no  p. 

825  Corrigez  ano  ;  c'est  la  leçon 

bien  nette  de  mon  ms.  (Â) 
ainsi  que  de  DE  ;  par  contre 

B.  a  avo. 
827  B.  tnavo. 

833  B.  me  viengne. 

834  B.  Pour  ce  que  j'ai  grant  froil. 
837  C.  j'en  ai  assez  po. 

839  B.  11  n'ot  si  bêle.  —  E.  en  la 

Dynoe. 

840  B.  sans  hohavz ,  s.  ch.  —  C. 

sans  orguel  et  ch. 

841  Lisez  sai.  —  DE.  sicget. 

842  C.  la  bêle  sa  main  destis  sajoc 

845  B.  entour  soi. 

846  B  m  scmblance.  —  C.  n'estoil 

viie  pas  de  semblant  de  choc. 

847  B.  Qiiar  ele  iert...  c'oei  nnc  (?). 
849  BC.  la  destre. 

851  E.  flcbc  et  lloe. 

852  Vers  omis  dans  B. 

853  B.  Bassettement  paro/<'9»r  rifiis 

parler  ne  l'oe. 

835  B.  comme  me  fez  l.  m. 

859  B.  com  pinçon. 

860  B.  en  la  groe. 
862  Lisez  defroe. 

866  B.  siques  en  par.  avoeques  soi 

l'encloe. 
873  B.  ne  set,  C.  nu  set. 
876  C.   cfiarga.   —  B.  Marglstr  et 

son  c.  T. 
880  B.  Ne  cuidai  iju'ki  fust  jà.  — 

C.  que  ci  fussent  ici. 

883  C.  Qu'ele  est.  —  D.  tout  m  la 
plus  déserte. 


894  B.  si  corn. 

895  C.  de  beste. 

900  B.  ainsi  com  je  le  cuit. 

903  B.  l'estoire  dont  ces  vers  sont 

estruit  ;    ADE.    estuit  (voy. 

Notes). 
906  Vers  omis  dans  B. 

911  C.  ne  bttef  cuit. 

912  B.  quar  avoit. 

915  B.  Par  eut. 

916  BC.  que  el  bois.  —  Corrigez  H 

p.  .7. 

919  B.  sorirduite. 

920  C.  m'a  bien. 

922  B.  est  de  bestes  estruile. 
927  B.  com  jai  fait  la  Ir. 
936  B.  de  lorier. 
057  B.  Qunr  iluee. 

938  B.  se  cil  Dieu  n'en  pense.  — 

BCDE.  qui  tout  a  à  baillier. 

939  C.  dotdei'eus  encombrier. 
942  B.  saut  avant. 

946  B.  si  H  crie. 
951  B.  li  va  lanciei'. 
932  BE.  li  va. 

953  E.  s'entrabatent.  —  D.  t.  s.  ior 
l'erbier. 

955  B.  plus  tosl  fuir  se  prist  h  te 

courcicr. 

956  B.  par  un  estroit. 

957  B.  se  va  fichier. 

938  B.  Sous  une  cspine  espesse; 
ADE.  En  une  drue  espesse; 
C.  E)i  un  buisson  espes . 

959  B.  que  noir  fisf.  —  Ce  vers  est 

omis  dans  C. 

960  C.  Durement  eti  son  cuerapri». 
965  B.  De  dcus  choses.  —  C  me 


136 


VARIANTES. 


couvient  apoier.  1031 

967  Vers  omis  dans  B.  1035 

968  B.  Ce  est  povre  pasturc  ;  C.  C'est  1036 

povre  partisan.  1037 

970  C.  cest  besoing.  1038 

973  BCE.  herhergier.  1039 

974  C.  delaicr.  1040 

978  B.  delez  une  br.  1044 

979  B.    d'un  val.   —  C.   de  costc 

une  r.  1 043 

980  C  «0»  chiefsur  une  pierre.  1034 

982  B.  la  douce  vîrge  ch.  —  C.  la  1057 

baicoile  et  chiere.  1038 

984  D.  feugiere.  1062 

983  B.  sonchiefet  s.  ch.  ; CDE.  son 

vis.  1070 

995  B.  quiitfrffaus.  1070 

993  Corrigez  Ji'erf  p.  ii'est.  1076 

997  B.  au  preuz  c.  1081 

1001  Vers  omis  dans  B.  1082 

1002  B.  dusques  en  P/iMr  ;  C.  dus- 

qu'ài  Dephiir .  1084 
1004  C.  eiivoit. 

1003  C.  et  de  seûr. 

1006  B.  dort  si  ferm. 

1007  BC.  delez  un  petit  mur. 

1008  C.  remplace  ce  vers  par  les  1083 

deux  suivants  :  1086 

A  painc  l'esvcillnst  qui  li  cri-  1097 

\ast  bien  dur,  1098 

Non  qui  li  tabourast  granz  1106 

\cous  sus  un  tabur.  1 1 09 

1011  B,  atrempcûre,  C.  atemprciire.  1 112 

1013  B.  créance  entérine  et  m.  Il  13 

J018  BCE.  maie  et  pesaus  et  swre.  1117 

1021  B.  Après  leva  la  lune...  C.  Et  1120 

la  1.  cri  levée.  1122 

1023  B.  à  plouvoir.  112i 


B.  Quar  je  ai  si  grant  fain. 
B.  mon  très  chier  père. 

B.  Jamais  moi  ne  verrez. 

C.  acliner. 

C.  laissas  pener. 
C.  le  pueple. 

B.  Moult  vous  doit, 

C.  K'en  vostre  paradis,  —  B. 
les  fc7-ez. 

B.  douz  sire. 
B.  par  un  poi. 
Vers  omis  dans  B. 

A.  recouvi'ier. 

B.  Lors  se  muce.  —  BG.  le 
tans  passer. 

B.  convient  que. 
B.  de»  qu'il  fu. 
Vers  omis  dans  B. 
B,  si  com  il  plot  à  Dé. 

B.  Si  l'a  tant  poursut  et  tant  a 
clwminé. 

Tous  les  mss.  ont  viel  ;  cela 
n'en  est  pas  moins  faux;  il 
faut  ou  le  fém.  vielle ,  ou 
vies  qui  est  des  deux  genres  ; 
de  même  au  v.  1742. 

E.  s'a  à  l'uisset. 

C.  sor  l'uis  martelé. 
B.  bele  dame. 

B.  tant  bele. 

C.  dont  vous. 

BC.  n'en  yver  n'en  esté. 

B.  quant  ainsi. 

BC.  ne  l'ot  pas. 

B.  tant  fu  tr.  que  point.. 

A.  larme. 

B.  il  l'eust  ens  menée. 

B.  il  se  doutait  par  ce  n'eiist. — 


VARIANTES. 


137 


C.  son  veu  passé. 
H29  B.  A  Constance. 
1139  C.  anuit. 
1U7  C.  sa  sentelete.   —  B.   ale'e 

(p.  crréc). 
H50  B.  Berle  l'aperçut. 

1151  B.  qui  fcïs  mer  salée.  —  Lo. 

ms.  A.  a  fist   (qui  peut  êlre 
conservé). 

1152  B.  ma  vie  alée. 

1153  B.  qu'ele  a. 

1151  B.  l'ourse  Veschiva. 

1136  B.  et  la  virgc. 

1158  B.  à  /afin. 

1161  C.  ce  (ju'd   ne  voit.    —  D. 

asseurée. 
1165  C.  Et  se  iliex  nu  fesist. 
1168  BC.  Va  choisi. 
1170  B.  quicrt  si  espoventee. 
1 173  B.  se  mei-veilla  qui  ro<  /«. 

1185  C.  sui  vilment  engelée. 

1186  B.  oy  Bei'te.  —  C.  si  f/et}te- 

ment. 
1188  B.  l'iatic,  C.  l'eve. 
1191  ce  sachiez  vraiemciit. 
1193  C.  Fille  d'un  vavasseur  c'on. 

1195  B.  Tuïis  f.  e.  nous  et  noslre  p. 

1 196  C.  r/uier  mon. 

1 197  B.  le  cors  dieu  la  cravant. 
1199  C.  des  poins  et  des  pies. 
1202  B.  grief  tourment. 

1206  B.  et  bien  et  riclicmoit,. 
1213  Vers  omis  dans  B. 

1216  Vers  omis  dans  B. 

1217  B.  Dame,  esyardcz,  fait  il. 
1222  B.  Do«<  forment. 

122i  C.  cf  si  a  fain  forment. 
1227  B.  Par  la  main  saisist  Berte. 


1228 
1230 
1235 
1259 
1249 
1257 

1262 


1265 
1275 
1282 
1288 
1290 
1292 
1294 
1299 
1302 
1308 
1312 
1329 
1335 
1337 
1339 

1341 
1542 
1348 
1332 
1553 
1355 
1358 
1359 
1361 

1363 


B.  du  froit. 

C.  En  la  chambre. 
En  la  maison. 

B.  s'en  gaimente. 

B.  pour  venir  droit  ci. 

BC.  Et  s.  f.  le  fou,  n'ol  pas 
le  cuer  vilain. 

B.  le  chatifcr  ain.  —  B.  ce  // 
dist,  ADE.  ce  a  dit  (leçon  né- 
gligée involontairement  dans 
mon  texte). 

B.  iert  H  mien  cuer  vain. 

C.  ciiascune  se  demainne. 
B.  un  petit  a  menyie. 

B.  tant  vous. 

C.  conseilc». 

C.  que  à  moi  qucrre. 

C-  escHsoison. 

C.  avez  vos  non. 

B.  Aussi. 

B.  com  longuement. 

B.  depccie  et  rompue. 

E.  n'i  eùst  nul  rcspit. 

B.  ma  mère  cui  damedicx  ait. 

B.  alennil  Çf). 

C.  csbaubit.  —  B.  le  cuer  li  a 
hosmil. 

B.  fcrue. 

B.  qu'ele  en  a  fait. 
B.  Ne  ricins. 
B.  en  cest  jour. 
B.  forest  avnit  m.  h.  s. 
B.  moult  o^ 
BCDE.  cuer  enterin. 
B.  leur  filles. 

B.  li  aporte  de  fr.  eauc  (C.  cve) 
en  son  vin. 
B.  à  soir  et  à  matin. 

10 


lOO                                                       VARIANTES. 

1364  C.  que  nu  sevent. 

1448 

1569  CDE.  encline. 

1449 

1374  B.  soufrir  médecine  (!). 

1430- 

1381  B.  fu  Berte. 

1390  B.  ne  savons. 

1454 

1391  B.  li  mousterrai. 

1458 

1393  B.  n'i  fist  pas. 

1466 

1394  B.  (loi  ou  cors  saint  N. 

1482 

1398  B.  0  moi. 

1486 

1399  Vers  omis  clans  B. 

1490- 

1403  B.  Adont  soiirist  Aiglenle.  — 

C.  el  de  gai. 

1403  B.  Quant  icele  {itcle  ?j. 

1407  B.  que  n'est. 

1492 

1410  B.  d'œvre. 

1495 

141 1  A.  pelîlcs  (un  simple  lapsus,  je 

1497 

pense). 

1510 

1412  C. /«  voit. 

1515 

1414  B.   à   vo    plesir,   n'ai  voloir 

1516 

qu'en  recroie  (contraire  b  la 

1317 

rime). 

1518 

1424  B.  en  sera. 

1519 

1429  B.  que  de  pain. 

1521 

1430  B.  (ousdis. 

1522 

1 433  D.  nel  mist. 

1528 

1434  B.  à  la  Gn.  —  C.  qu'ait  à  la  fin. 

1437  C.  coin  ieri  vo  cuer. 

1458  BC.  Se  saviez. 

1439  B.  seul  porte  aviez;  tous  les 

1529 

autres  mss.   ont   avez,  que 

1530 

j'aurais  dû  conserver. 

1532 

1440  Mais  se   trouve  dans  B.  seul 

1524 

et   se  rapporte   à  la  leçon 

1539 

aviez  du  v.  préc.  ;  les  autres 

1546 

mss.,  conséquemment  k  leur 

1548 

leçon  avez,  ont  car,  qui  est 

1550 

la  bonne  leçon. 

1351 

1441  C.  en  qui. 

1533 

C.  eûst  mainz. 

B.  aamée. 

53  Ces  quatre  vers  manquent 
dans  B. 

C.  honor  dti  cors  (!). 

B.  Berte  si'  se  fu  départie. 

B.  Gaigna  cil. 

Lisez  tel  ch.  à  la  fiie  ;  E.  foïe. 

B.  cscondie. 

91  B.  Bien  avez  oy  dire  que 
nonmez  fu  RainTrois  Le  pre- 
mier enfes  qu'ot  en  la  serve 
li  rois. 

BCE.  rcnois,  AD.  revois. 

B.  qui  les  crins  avoit  blois. 

B.  Avoirs. 

B.  sire  fu. 

C.  là  fist  il  mains  ;  D.  i7  fist. 

B.  k'ains  n'i  fu  mis  defois. 

C.  puis  refu  conquise. 
C.  Hrrupois. 

B.   Breton  et  Ardenois. 

BC.  or  fu. 

B.  durement  li  poise. 

B.  Qui  moult  par  sont  dolent 
que;  C.  Qui  voient  tout  à  plain 
que.  —  ADE  tout  à  une  fi  la 
serve  (voy.  Notes). 

E.  biens. 
Lisez  hucherie. 

C.  se  coise. 

B.  que  mortelmcnt. 

B.  quant  s'en. 

E.  par  loisir. 

B.  qu'à  Dieu. 

B.  puis  que  la  leur  dame. 

BC.  leur  prist. 

B.  0  eles  assentir. 


VARIANTES. 


139 


l5Si  B.  entièrement  dit. 

1S55  BE.  ce  sachiez  sanz  mentir. 

1537  C.  lor  fct  Diex. 

1558  B.  puissent  fvMir. 

1559  Vers  omis  dans  B. 

1560  C.  par  f'urce  et  par  marlire. 
1571  B.  Tant  assambla. 

1577  B.  cl  puis  asseoir. 

1578  B.  qui  y  sont. 
J582  B.  quel  désire. 
1583  B.  n'avons  nous. 

1585  Lisez  ,  d'après  mou  ms. ,  Qui 

si  ;  B.  Que  si. 
1591  hC.  \e  voudroil  {C.   vorroit). 
1596  C.  moult  avait  bon  mémoire. 
15'J7  C.  Ne  sambloit  mie  ccus. 
1609  B.  quasse  la  cire  s'a  cl  brief 

esgarde,  CD.  dedens  csgarde. 
1612  B.  bleu  trouva. 

1615  Vers  omis  dans  B. 

1616  B.  où  tant  ont  d'amiste. 
1031  B.  les  confonde. 

1633  C.  quant  a  disnë. 

1635  B.  à  matin. 

l6i-2  B.  Quant  vint. 

1050  B.  /«'enseroit  pas  la  m. 

1653  B.  son  oirre  a  si  li. 

1633  rt  dite  et  racontée. 

1659  B.  El  BI.  aussi  en  est  si  ado- 

lée. 

1660  B.  en  malaise. 

1661  B.  k'a  bien  pou  que  de  duel. 
1666  B.  Quant  à. 

1668  C.  Car  de  tous.  —  B.  sire  pre- 

vos. 

1669  D.  de  mcffaire. 
1671  B.  de  moult  haut  p. 
1681  B.  Paour  a...  si  mue  s.  c. 


1683  BE.  n'csrage. 

1684  B.  BI.  la  royne  ol  moult  1.  c. 

m.  —  C.  BI.  se  leva,  moult. 
1683  B.  qu'à  bien. 
1689  B.  «0  fille. 
1691  B.  par  le  cors. 
1694  B,   n'en  a  il,  C.  Et  a  il.   — 

Lisez,  d'après  tous  les  mes. 

(sauf  B.),  près  d'uit. 
1702  B.  en  amenrai  o  mi. 
1710  B.  trcstoute  Honf/ric. 
1712  B.  demoult  prant  compaignic. 
1722  B.  to  revoie. 
1738  B.  esbaubie. 
1742  Tous  les  mss.  onivicl  p.  l'tes; 

voy.  1084. 
1745  B.    plus  riche  homme,   C.    si 

preudome. 

1748  B.  S'en  sui  à  tel  mesaise. 

1749  B.  j'e«  relorne. 

1751  B.  la  bone  genl.  —  C.  est  morte 

et  malbaillie. 
1757  E.  par /«  main. 

1759  BC.  qui  me  troHvoit  mon  pain 

(C.  du  pain). 

1760  B.  je  me  chevissoie. 

1761  B.  muèrent. 
1763  C.  pour  certain. 
1766  C.  par  celui  seignor. 
1771  DE.  cstrier. 

1777  BC.  qui  furent. 

1778  Vers  omis  dans  B. 
1780  Corrigez  scsis  p.  jesis. 

1782  C.  qui   plus  blanclie  est  que 
lainne. 

1786  C.  fait  pulel.  —  A  compicg, 

1787  B.  veslist.  —  DE.  dî-as. 
1795  B.  ala  dire. 


140 


■VARIANTES 


1794  B.  En  la  chambre. 

1795-96  B.  Quant  la  serve  l'enlent, 
s'en  gela  un  faus  ris,  Sem- 
blant fait  que  fust  lie,  s'en 
iert  son  cuer  marris. 

1798  B.  moult  est. 

1805  B.  monll  en  fu  esbauhis. 

18Û6  B.  ne  soiez  desconfis,  D.  csha- 
his. 

1810  B.  Se  tant  peilsàiens.  —  BC. 
fussent  mis,  E.  soient  mis. 

1812  C.  n'aunons  garde. 

1813  C.  no  cors. 

1815  C.  saurions  vaillant  d.  p. 

1818  BC.  sH  couche. 

1819  BC.  declcnz  son  lit. 

1820  B.  plaine  fu. 

1821  B.  trcmhloH. 

1825  C.  de  faintise  (sans  doute  un 

lapsus  calanii). 

1826  C.   et  pensive  (contraire  à  la 

rime). 

1827  B.  s'est  delez  li  assise. 

1829  A.  ce  dist  Xsl  serve. 

1830  C.  juive  (contraire  à  la  rime). 
1832  B.  en  joomeou. 

1834  C.  cel  conseil. 

1847  B.  en   Ccdile.  —  BCDE.  irons 

(p.  (dons). 

1848  B.  mon  cousin. 

1831  B.  que  eschaper  paissons. 

1838  B.  Varréerons. 

1839  B.  ne  iex  ne  vis. 

1860  B.     accuserons  (contraire  au 

sens). 
1865  B.  esploitié  en  aro7is. 
1873  B.  orendroil  se  coucha. 
1878  B.  n'i  sera. 


1884  B.  si  qu'ele  se  morra. 
1889  C.  à  la  grant  franchise  (\) 

1892  B.  li  pores  de  Dieu  qui. 

1893  B.  Que  plus.  —  Tous  les  mss. 

(sauf  E.)  ont  desloial. 
1899  C.  0  soi. 
1904  E.  orra. 
1914  C.  Que  veniez  à  nous. 

1918  C.  ot  ii-ascii. 

1919  E.  oie  (entendu). 
1922  B.  par  la  blanche. 
1939  B.  Dont  la  gent  qui. 

1943  B.  qu'en  s.  f.  n'ait  g.  de  bonté. 

1946  E.  Ele  gui. 

1947  BD.  Fc(d/<??j<  qu'ele  ail  ennuit 

le  lialercl  froc  ;  C .  Puissent 
le  cors  deslruire  ains  qu'il 
soit  avesprd  ;  Ë.  Doinscnl  le 
lialercl  ait... 

1949  Vers  omis  dans  B.  —  C.  sont 
moult  bien  acesmé. 

1937  B.  On  de  (cl?). 

1961  CE.  es/  à  M.,  s' es  garde. 

1964  E.  crénelé. 

1963  B.cstloe'e. 

1967  B.  en  rentrée. 

1969  BC.  Gnèle  qui  m.  iert  (C.  ert). 
—  Corrigez  c?i  p.  et. 

1972  A.  fist. 

1975  B.  qui  monll  l'a  h. 

1976  C.  Et  li  a  dou  roi. 

1977  B.  qui  inoull  esloil  senée. 

1978  B.  en  bonne  d. 
1981   B.  atornéc. 
1987  E.  ert.  p.  fu. 

1990  B.  De  Blanchcflour  i  fu  moxdt 

grant  la,  rcnonnivc. 
2002  B.  sni  née. 


VARIANTES. 


141 


2006  B.  qu'Ole  ot. 

2009  E.  de  ci  à. 

2014  BC.  en  <a  chambre. 

2023  C.  du  tout. 

2027  C.  nul  delaiement. 

2034  B.  vcnrois. 

2013  BGD.  paour  a.  —  E.  ka  pou 

tous  li  cuers. 
2044  B.  Celui  dicx. 
2046  B.  par  devers. 
2052  C.  qui  t  mist  gr.  e. 
2054  B.  maie  atcnte. 
2061  A.  joeue  et  jouvencel. 
2065  B.  Qui  tel  nouvele  porte. 
2067    B.  ele  a  fait.  —  E.  de  revel. 

2072  E.  soudainement. 

2073  Corrigez  quels. 

2075  ADE.  deat  si. 

2076  B.  Car  trop. 

2077  B.  lez  une  v.  ch. 
2087  A.  atenir. 

2097  B.  Au  plus  tost  qucle  peul. 

2098  B.  la  vielle  ïcrf. 
2100  B.  que  la  lait. 
210o  B.  dui,  C.  dm. 

2113  B.    pas    ne  vie    doit    soufirc 

(=  plaire). 
2125  B.  se  senli. 
2129  C.  Si  m'ciist  elle  assez  baisie 

el  cODJoï. 
2132  CDE.  cnki. 
2fô9  C  maint  drap  et  maiul  t. 

2142  B.  Tais  toi. 

2143  B.  ne  s'e/i  sout  aleuti. 
2145  B.  csbaubi. 

2149  B.  Lft  dame  voit. 

2150  B.  sesdrfu,  /lorsdu  lit  ««  sailli. 
2152  pour  verte. 


2159  Murdri  o?i<  m.  e.,  Bertain  om'a- 

moic  si. 
2161-62  Ces  deux  vers  manquent 

dans  C. 

2163  B.  tout  cti  sont. 

2164  B.  est  forment.  —  Ê.  esbahic. 

2165  B.  moult  forment  li  e. 

2169  B.  esragie. 

2170  B.  c\cstoit. 

2177  B.  s'aperçoit. 

2178  B.  ot  esté. 
2184  D.  honnie. 

2187  B.  Margiste,  forde  vielle  pour- 
rie; D.  eut  Dicx  doint  maie 
vie. 

2192  B.  mui'vist. 

2193  AE.  le  seuïst,  B.  la  seuïst.  — 

C.  s'eslre  poïst. 

2194  C.   Quen  nul  leu  la  trovast, 

volenticrs  la  qucrist. 

2196  B.  les  mains. 

2197  E.  robes   (pluriel  analogue  à 

celui  de  dras). 
2201  B.  vilainement  mesprist. 

2210  B.  et  qu'ele  fere  en  Gst. 

2211  B.  Se  ele  fu  noie  ou  se  on. 
2215  B.  Vassist. 

2217  B.  mal  temps. 

2218  B.  iasale  fcie«  painturée. 

2220  B.  Sa  fille,  que  Vcn  Bcrte  wm- 

moit  adont,  Aliste. 

2221  B.  ou  val  Giste. 
2223  B.  ne  conmcnt. 
2225  E.  gesis  (!). 

2227  B.   la  fausseté  d.  t.  c.  l'apre- 

sû  le. 
2232  B.  as  tant  soufert. 
2253  B.  tant  lait  el  tani.  —  C.  si 


142 


VARIANTES. 


2235 
2236 
2243 
2245 
2246 
2254 
2255 

2258 
2260 
2262 
2273 
2276 
2279 
2290 
2292 
2300 
2310 
2318 

2332 
2333 
2334 
2335 
2342 
2544 
2351 
2352 
2353 
2536 
2359 


2362 
2364 
2367 
2368 


gra7it  et. 
ferez  qu'il  soient  tost. 

B.  dnhait  ait  qui. 

C.  avés. 

E.  grande  perle. 
B.  Mais  orc  en. 
E.  boutèrent  errant. 
B.  Les  deus  pois  puis  li  cei- 
gnent. 
B.   dirai  voir  briément. 

B.  voiant  toute  1.  g. 

C.  Vcnraia. 
B.  la  mist  à  s. 

B.  toute  seule  de  gcnl. 

BC.  du  porc. 

B.  vint  tout  premièrement. 

B.  Celui  Dieu  la  c. 

B.  De  trayson  bastir. 

B.  se  sont  trait. 

B.  "por  droit.  —  E.  nel  vous 
devons  celer. 

Vers  omis  dans  B. 

C.  a7nasser. 
E.  seront. 
B.  ordencr. 

et  argent  et  o.  c. 

B.  les  peuïst  ne  dire. 

AD  plaisons,  B.  plaisant. 

B.  Vers  povres  n'estiez. 

E.  perdu  vo  sereur. 

B.  Vers  Honguerie  irai. 

B.  Moult  sont  trestuit  dolent 

les  bour jais  de  Paris.  — CE. 

de  ce  pays. 

B.  n'i  0^  lonc  terme  quis. 
B.  Son  devoir,  ne  dut  eslre  r. 
B.  qui  ierent. 
B.  tant  iert. 


2373  Vers  omis  dans  B. 

2374  B.  Et  si  bastart  andui. 
2378  B.  Dolente  et  entreprise. 
2383  C.  soit  tirée. 

2387  B.  Lasse. 

2390  B.  Mieus  veull  morir. 

2397  B.  ont  trouve. 

2400  B.  Ne  porent  un  mot  dire,  tant 

en  s.  e. 
2404  Après  ce  vers  BDE  intercalent 
•   celui-ci  :  Grant   duel   font 

por    Bertain    H    joene  et  H 

chenu. 
2406  BC.  biaupcrc,  qu'il  nous. 
2408  B.  nous  sera. 

2414  B.  Blancheflour  la  roync  de 

pleurer  s'esvcrtue. 

2415  B.  Les  gens  bâtent  leur  paumes 

parmi  cbascune  rue. 
2429  B.  pur  trestout  s.  r. 

2432  C.  De  la  Ir.  gr. 

2433  B.  «M  roi. 

2440  C.  Et  Tybers. 

2441  B.  doint  et  joie  et  s. 
2444  B.  et  mort  et  c. 
2457  BCDE.  de  pilie  ploré. 
2465  B.  se  de  Berte. 

2468  B.  chose  avoie  ;  C.  en  oi  (en- 
tends). 

2478  C.  Où  la  gentil  royne  Berte  fu 
d'aus  sevrée. 

2485  B.  mais  ne  Vont. 

2486  B.  demie  ne  denrée. 

2488  Vers  omis  dans  B. 

2489  B.  si  en  fu. 

2491  C.  dont  je  parler. 
2493-4.  Ces  deux   vers    manquent 
dans  C. 


- 

VARIANTES. 

2496  B.  el  ne  furent. 

2610 

2S01  B.  AvinldmYen  c.  p. 

2611- 

2502  B.  gel  (=  je  le)  vous  ; 

C.je 

2611 

vous. 

2506  B.  durement. 

2616 

2507  B.  /(  souploie. 

2618 

2510  B.  le  celeroie. 

2619 

2518  E.  les  desvoie. 

2625 

2519  C.  ses  biens. 

2626 

2524  B.  il  lui  plaist. 

2636 

2528  C.   un    denier   v.  —  E. 

Que 

2659 

onques. 

2642 

2329  B.  s'en  revincnt. 

2644 

2330  B.  à  cuer. 

2649 

2532  E.  tenrcmcnt. 

2655 

2533  C.  St  \incent. 

2656- 

2334  C.  Quisc  avoines. 

2639 

2338  BC.  de  bcstes. 

2662 

2539  B.    Eglysc   ne    chapelle 

;  c. 

2668 

iV'ff  mousfier  n'a  ch. 

2671 

2341  C.  mains  ne  savïens. 

2343  B.  de  lui  vius  et  taisant. 

2545  C.    De    Dn-tain  sa   moi 

Hier  , 

sachiez,  grant  duel  en  c 

t. 

2546  B.  de  ce  qu'ainssi  laissa. 

3555  Après  ce  vers   le  lypogi 

raphe 

2678 

en  a  sauté  un  que  j'ai 

placé 

2685 

aux  Notes. 

2687 

2560  C.  enmena. 

2563  B.  le  premerain. 

2689 

2566  BC.  au  duc. 

2371  B.  de  vous  bien  servir. 

2696 

2573  B.  les  a  receiiz. 

2697 

2583  Lisez  Et  tous. 

2700 

2584  C.  el  mainz  autrez  o  H. 

2704 

2389  B.  Vers  omis  dans  B. 

2708 

2391  C.foni  drecer. 

2596  B.  font  il  au  roy. 

2714 

145 

B.  esbaiibi. — E.  moult  m  son^e. 
12  Vers  omis  dans  C. 
B.  Que  si  faites.  — E.  si  faites 
7iouvcles. 
B.  fi  juesdi. 
E.  enbeli. 

B.  le  cerf  tant  parsuï. 

C.  en  ce  bois. 
Bfi.  A  la  maison. 

B.  prioit  Deu  et  la  virge  M. 

B.  d'orgueil  et  de  f. 

B.  marrie,  C.  wjarcte  (foulée). 

B.  qu'il  ne  la  virent  mie. 
BC.  s'aperçoit. 

C.  grant  pitié. 

-57  Vers  omis  dans  B. 

B.  qui  [G.  ciii)  d.  Fr.  a. 

C.  poisse. 

Vers  omis  dans  B. 

Après  ce  vers  on  trouve  dans 
BCE  les  deux  suivants  :  Le 
roy  puis  {CE.  Et  H  rois)l'arc- 
sonne  moult  debonnercment  , 
Et  Bei'te  li  rcspont  moult 
apcnscemcnt. 

B.  la  requiert. 

B.  la  feuille  d'une  mente. 

B.  Qu'ainsi  est  demnrde  s.,  m. 
se  gamenle.  —  C.  gramcnte. 

B.  dolente,  pour  voir  le  puis 
jurer. 

B.  par  ces  hois. 

B.  ce  {t  dist  B.,  jù  nel. 

B.  que  m'oez. 

B.  Et  la  vil. 

B.  onc  (p.  ains,  ici  et  ailleurs). 
—  B.  mieus  reclamer  {l). 

B.  penser. 


144 


VARIANTES. 


2719  B.  n'i  convient.  2848 

2724  Vers  omis  dans  B.  2830 

2729  B.  Floire  qui  tant  fct  à  loer.  283 i 

2730  B.  Blancheflour,  de  ce  n'eslvct  2836 

douter.  2874 

2733  B.  Vous  deffeng  qu'envers  moi.  2876 

—  E.  pensée  ave^'e.  2883 

2741  Corrigez  s'ai  p.  j'ai. 

2742  B.  Grondere.  '  2884 
2746  B.  la  vérité. 

2730  B.  d'or  pensé  (forme  plus  la-  2894 

tine  p.  pesé).  2896 

2731  B.  li  vient  à  gré.  2898 
2763  B.  il  ont  regardé. 

2769-73  Ces    cinq  vers  manquent  2904 

dans  C.  2908 

2773  B.  que  il  est  plain  de  grant 

honnesté.  —  D.Bien  voit  qu'il  2909 

cstoit  \ïom.  2911 

2774  B.  qu'il  îer«(DE.  ert).  2920 
2773  B.  Et7w'j7  icrt  m.  d.  ce  bois  2938 

entré.  —  DE.   Et  que  il  ert.  2939 

2780  B.  A  la  maison.  2941 

2782  B.  a  dit.  2930 

2786  B.  Sire,  eic  est.  2951 

2807  B.  Car  estre  en  pourriez.  2933 

2815  B.  Car  riens  11  en  savions.  2958 

2822  B.  de  son  pays  sevrée.  2966 

2827  C   Vavomme  tousdis.  —  DE.  2970 

nièce  clamée.  2975 

2830  B.  tant  plaine  et  fondée.  2980 

2831  B.  toute  s'cntante. 

2833  Puisquainssi  est  que  estes.  2983 

2836  C.   Leens.  —   B.   moult    très  2990 

voleiiliers  voi.  3006 

2839  BCDE.  Mais  n'en  sauoïcns  riens  0OO8 

par  le  cors  Saint  Eloi.  3009 

2840  B.  ainsi  cuvi  gc  le  croi.  3014 


B.  à  gré. 

B.  vous  muceroic. 

B.  tout  erranment  ci  endroit. 

C.  si  la  prist. 

D.  je  vous  en  pri. 

B.  erranment  respondi. 

C.  mençonge ,  je   croi ,    me 
garanti. 

D.  iere ,  E.  g'icre.  —  B.  roi 
Pépin  le  hardi. 

C.  i  est.  —  Lisez  set  p.  sot. 
B.  et  souvent  assaillie. 
BCDE.  denrée  ne  demie. —  A. 
maillie  ne  denrée. 
B.  trop  Qn  sui  csbaubic. 

E.  qu'il  en  rie  (sic  !  p.   qu'en 
rie). 

BC.  ni  detrie. 

B.  le  roy  maine. 

B.  qu'ainssi  sui  engiiigniés. 

B.  engcléç...  afamez. 

B.  par  li. 

E.  mar  en  douterez. 

C.  en  cest  bois. 

B.  Bien  sai  que  li  uns  d'culz. 
E.  uns  mos. 
B.  Quançois  ne  faisiez. 
Vers  omis  dans  B. 
B.  qui  de  lui  iert  privés. 
B.  Or  le  conduie  Dicx. 
B.  fist  tant  et  si  ala  ;   E.  et 
tant  erra. 
BC.  li  donna. 
B.  quar  mains  cuers. 

B.  Jà  mais. 

C.  jà  puis. 

D.  l'en. 

C.  Et  tanlosl. 


VARIANTES. 

3018  BCDE.  matin  monta. 

3138 

3022  B.  joie  en  démena. 

3143 

3054  B.  si  con  ai  c. 

5147 

3037  B.  de  si  qu'aura  seii  ;   C.  si 

5151 

Pavera  veû. 

5152 

3038  Vers  omis  dans  C. 

5156 

3040  si  li  rent  g.  s. 

5166 

3041  bieîi  l'a  r. 

5174 

3042  C.  en  lieu  qui  privé  fii. 

5175 

3048  B.  pour  voir  dire. 

5180 

3056  C.  à  sa  fin  (!). 

5182 

3057  B.  Jusqri'à  la  nue. 

3061  BC.  à  voslre  maison  (A.  main- 

son). 

3065  B.  a  maintenant  mandé. 

5189 

3083  B.  quel  (=  que  le)  trouva. 

5193 

3089  B.  erramnent  s'est  levée. 

5200 

3090  B.  as  picz. 

5203 

3092  B.  douce  dame. 

5206 

5093  B.  Dont  vint  (n'a  pas  de  sens). 

—  E.  j'ai  ci  retrouvée. 

5215 

3099  B.  qui  leenz  ierent. 

3214 

3102  Lisez  fist  selon  tous  les  mss. 

5216 

3111  B.     Eu    soit  en  icest    jour; 

5225 

C.  bui  en  ccst  jour. 

3223 

3112  B.  fn  moull  tost. 

3255 

3118  B.  vint  vers  Bertain. 

5240 

3120  C.  CT'ie  merci. 

5232 

3122  B.  se  mer  veilla. 

5-255 

3124  CE.  eu  merci. 

5263 

3127  B.  plus  cent  tans. 

3129  D.  ce/ jour.  Il  est  à  remarquer 

que  le  ce  suivi   de  substantif 

5273 

est   généralement  é\ité  par 

3279 

les  autres  mss.  et  remplacé 

5280 

par  cel  ou  cest 

5281 

3131   B.  se/ieschal. 

5283 

3133  C.  Grnnt  joie  y  ai  trouvée. 

5285 

145 

E.  furent  atalenti. 

C.  baisiée  et  conjote. 

Lisez  dit. 

B.  ne  fussent..,  et  mengie. 

CD.  fui  par  aus. 

B.  de  fin  cuer. 

E.  ce  ot  t. 

B.  fist  li  rois. 

BG.  leur  espérons. 

B.  Lui  et  si  d.  e. 

B.  El  l'en  vorrent.  —  Les  vers 
5182  à  5259  se  trouvent  dans 
C.  sur  un  feuillet  transposé, 
coté  65  au  lieu  de  63. 

C.  la  belle  au  c.  e. 
BD.  qui  font. 

B.  la  virge. 

B.  et  je  vis. 

C.  Et  il  (leçon  fausse).  — 
B.  grant  honneur  leur  pwta. 

B.  Et  lui. 

B.  îi'en  demora. 
E.  en  salua. 

C.  un  besant  a. 
C.  charga. 

B.  pour  vérités. 
E.  uns  p.  nus. 
B.  Ja  n'aurai  mes. 

B.  Par  un  lundi. 

BDE.  sonnuient.  —  Corrigez, 
selon  Ws  ta%&.,  tout  [Qtx  tuit) 
li  saint. 

E.  desus. 

C.  si  baron. 
DE.  qui  l'aime. 
C.  gnnl  joie. 

B.  gracient  forment. 
B.  se  départirent. 

11 


i46 


VARIANTES. 


3287   B,    plus   atente  ;    E.    longue 

atente. 
3290  E.  lor  tormenle. 

3294  C.  et  H  desatalente. 

3295  D.  et  moult  s'en  espoeute. 
3298  BC.  la  vente.  —  E.  haut  mar- 

chié...  sa  vente. 

3303  B.  quel  part  que  ele  soit. 

3304  B.  Et  ele  et  ses  enfans    les- 

quicx  portez  avoit.  —  C    el 
ses  enfans. 

3305  B.  par  li. 

3307  B.  PourramoMî-.— BDE.  leur 

ramcnoit. 
3311  B.  Ce  n'estait  pas  merveille. 
3313  E.  i  demoustroit. 
3320  B.  la  virge. 

3323  C.  li  fait. 

3324  E.  rcnoite. 

3326  B.    Torde   vieille  (de    même 

3347). 
3331  Vers  omis  dans  B. 
3336  B.  qu'il  espoir  oit. 
3340  C.  bon  destrier. 
3345  B.  remaillent. 
3330  DC.  grant  joie. 
3334  B.  pas  teûe. 
3361  B.  Ez  vous  venir. 
3365  B.  puisse  je  o«rcr. 
3372  B.  raconter. 
3377   B.  Ce  est  que. 
3383  B.  du  tout  6er. 
3386  E.  mars  d'urgent  le  f. —  B.  Va 

bien  fait  assener. 
3388  B.  la  jambe  et  le  soller  ;  D.  le 

pié  et  I   s.  ;  E.  de  sou  pie  le  s. 


3389  Vers  omis  dans  B. 

3396  B.  en  moult. 

3398  B.  La  teste  des  espaules  me 
voloit  le  fel  rcre. 

3400  A.  avère,  qui  doit  être  main- 
tenu. 

3405  B.  Mais  du  guerredonner* 

3407  B.  ma  douce  d. 

3412  B.  en  son  régné. 

3413  E.  à  pièce  raconte  ;  en  gp.  p. 
encontre  (l). 

3416  B.  moult  a. 

3420  B.  Toutes  gens  uns  et  autres. 

3435-41    Ces  sept    vers   manquent 

dans  B. 
5446  D.  a  ramenée. 
3447  B.  de  ce  perill, 
3449  B.  de  Yalberte.  —  E.   clamée. 
3454  B.  emploure'c.  —  E.  toute  es- 

plorée. 
3463  Lisez  sa  dame. 
3474  C.  Et  fu.  —  Après  ce  vers,  B. 

fait  suivre  les  deux  suivants  : 
Après  orent  Constance,  en  an  fu 
\courtoisie 
Et  noblcsee  et  valeur  sunz  nule  vi- 
[lonie. 
3478  Vers  omis  dans  B. 
3482  Après    notre     dernier   vers  , 

B.  ajoute  les  suivants  : 

Puis  vint  un  autre  Clialles  le  nmins- 

\ne\  qu'en  Hongrie, 

Ainsi  corne  Dieu  vout,  soufri  tel  ma,' 

[ladie 

Que  à  grant  paiuc  en  fu  sunez  jour 

{de  sa  vie. 


NOTES  ET  RECTIFICATIONS 


1  Notre  poëme  est  versifié  en  vers  alexandrins  et  divisé  en 
144  strophes  ou  tirades  monorimes  de  longueur  variée. 
Ces  tirades  sont  disposées  de  manière  à  ce  qu'une 
strophe  à  rime  masculine  soit  suivie  d'une  strophe 
offrant  la  même  rime  sous  forme  féminine.  Nous  trou- 
vons ainsi  23  groupes  de  rime  divers,  savoir  :  ai-aie 
(2  fois),  ain-aine  (2),  al-ale  (1),  é-ée  (8),  eî-ele  (1), 
ent-ente  (6),  er-ere  (6)  ier-iere  (4),  ert-erte  (2),  i-ie 
(8),  iîi-ine  (1),  ir-ire  (3),  isise  (4),  ist-iste  (1),  it-ite 
(1),  o-oe  (1),  oi-oie  (2).  oir-oire  (1)  ,  ois-oise  (1)  ,  oil- 
oite  (2),  u-iie  (5),  ur-ure  (1),  uit-uite  (1).  A  ces  rimes 
parallèles  s'entremêlent  10  rimes  masculines  ou  fémi- 
nines pour  lesquelles  un  correspondant  du  genre  opposé 
faisait  défaut  ;  ce  sont  a  (5  fois),  âge  (1),  aire  (1),  ant 
(1),  art  (1),  es  (2  fois),  ié  {\)  ,  iés  (1),  ons  (2)  et  us  (1). 
Le  procédé  d'Adenés  a  été  suivi  par  Girard  d'Amiens, 
l'auteur  du  Charlemagne  ;  il  se  représentera,  avec  une 
légère  modification,  dans  Buevon  de  Commarchis. 

6  L'emploi  de  la  forme  devenres  (=  à\es  Veneris)  après 
celle  de  tenredi  (=  Veneris  dies)  du  v.  préc,  prouve 
que  les  deux  étaient  en  vogue. 


148  BERTHE  AUS  GRANS   PlÊS. 

8    Cp.  Enf.  Og.  46-48.  et  Buevon  de  Commarchis  12-15. 

13  Mari,  souvent  écrit  maj'H,  fourvoyé,  égaré  (voj.  Diez  Et. 
Wœrterb.  I ,  v"  marrir).  Ici  le  mot  a  le  sens  figuré  ; 
nous  le  verrons  au  sens  propre  v.  2775.  L'acception 
déduite  «  éperdu,  affligé  »  (auj.  simplement  «  fâché  ») 
se  voit  V.  792  ;  dans  cette  dernière  ,  on  emploie  sou- 
vent aussi  le  composé  esmari{\i^\.  smarrito)  ,  cp.  v. 
61  et  2902.  —  Aprentic,voy.  les  Variantes. 

17     Par  H,  à  part  elle,  seule,  abandonnée. 

20     Méseutendant,  mal  intentionné,  pervers. 

25  Gerart,  Gérard  de  Rossillon  ;  Foucon  (Foulque),  autre 
adversaire  de  Charles  Martel,  jouant  un  rôle  impor- 
tant dans  le  roman  de  Gérard  de  Roussillon  ;  voy. 
Phil.  Mouskés  1833. 

32  Wandre,  formé  de  Vandalîts,  comme  esclandre  de  scanda- 

luni,   titre  de  titidus. 

33  Grant,  en  grand  nombre  ;  cp.  v.  112. 
35    ÂcueilHr,  ici  entreprendre  ;  cp.  v.  551. 

37  Voutie  ;  ce  féminin  en  le  se  rapporte  à  voutif,  comme 
naïe  (Buevon  1852)  à  naïf ,  antie  à  antif,  jolie  à 
jolif.  C'est  une  irrégularité  fondée  sur  la  confusion 
des  suffixes  i  et  if,  confusion  déjà  sensible  au  mas- 
culin, p.  ex.  dansyoZ^  t^.  jolif  . 

39  Aine  ,  encore  ,  jamais  ,  est  fréquemment  ,  dans  notre 
ms.,  confondu  orthographiquement  avec  ains  (propr. 
avant),  ainsi  75,  1304  ;  on  sait  que  les  deux  mots  sont 
distincts  d'origine. 

45  Chose  a  souvent  la  valeur  de  créature ,  être,  cp.  1406  ; 
il  en  est  de  même  du  synonyme  rien,  cp.  1304  ains  ne 
fuplus  bêle  riens  veiie,  185  plus  bêle  rien  ne  sai.  — 
Choisir,  je  n'ai  guères  besoin  de  le  rappeler,  est  dans 
l'ancienne  langue,  un  simple  synonyme  de  voir,  aper- 
cevoir ;  cp.  la  liaison  logique  entre  lat.  cernere  ,  trier, 
distinguer,  démêler,  et  cernere^  voir.  L'application  du 
mot   frappera    particulièrement  un   lecteur  moderne 


NOIES.  149 

dans    la  phrase  choisir  la  clarté ,  voir  la  lumière 
(c.-à-d.  la  supporter),  v.  2095. 

49  D' ancesserie  ,  pr.  dès  le  temps  des  ancêtres  ,  puis  =  de 
temps  immémorial. 

75  La  répétition  du  mot  osas  est  une  négligence.  —  Adeser, 
propr.  toucher,  mettre  la  main  à(2728),  ici,  et  souvent, 
attaquer. 

82    Lieu  commun  qui  revient  Buevon  3880. 

98  Assener  ,  parvenir  ,  arriver  à  bout  ;  j'ai  déjà  plus  d'une 
fois  (en  dernier  lieu  ,  Enf.  Og.  2216)  exposé  les 
diverses  acceptions  de  ce  mot  et  les  raisons  étymolo- 
giques qui  les  déterminent  ;  au  v.  1086 ,  il  signifie 
frapper  (diriger  un  coup).  —  Les  aventures  de  la  pre- 
mière femme  (purement  fictive)  du  roi  Pépin  consti- 
tuent un  des  sujets  principaux  de  la  Chanson  des 
Loherains,  à  laquelle  se  rapportent  aussi  les  person- 
nages cités  vv.  90-91. 

111  Per  ,  époux  ,  épouse  ;  cp.  Gui  de  Nanteuil ,  2303  Ains 
que  Herviau  l'ait  prise  à  per  et  à  moillier  ;  Buevon 
2679  à  per  et  à  mari. 

118  Strigon,  lat.  Sirigonium^  ville  de  la  Hongrie  située  à  46 
kilom.  de  Bude,  au  confluent  du  Gran  et  du  Danube  ; 
appelée  autrefois  Esztergom  ,  Ostrikoii ,  aujourd'hui 
Gran.  C'est  là  que  naquit  saint  Etienne  et  que  rési- 
dèrent ses  successeurs. 

125    Sagement t  dûment,  selon  l'étiquette  usuelle. 

134  ^p^r,  pr.  avare,  au  fig.  intéressé,  malin,  méchant;  la 
liaison  pensée  acere  se  rencontre  plusieurs  fois  dans 
notre  auteur  ,  ainsi  3400  (où  j'ai  eu  tort  de  mettre 
ainere),  Buevon  97  et  3085. 

137  Pouïane,  Pologne  ;  Grotilerre,  Grodno. 

138  Matere  prend  souvent  chez  Adenés  l'acception  «   qualité  , 

naturel,  caractère  )),cp.  554,  2345,  3399,  1064  [tans 
de  froide  matere). 
141     Père,  lat.  pareat ,  apparaisse  ,  se  manifeste  ;  il  vient  de 


50  fiBRTHE   AUS   GRAINS   PIES. 

paroir  ,  tandis  que  le  mot  de  la  rime  vient  de  parer. 
Le  père  =  pareat  est  aussi  orthographié  jjflire  (1664). 

158  La  serve  est  introduite  ici  comme   un  personnage  déjà 

connu  du  lecteur.  Cette  négligence  est  peut-être  due 
à  ce  que  la  remarque  relative  à  la  langue  parlée  par 
la  fausse  femme  de  Pépin  a  été  insérée  après 
coup,  quand  l'auteur  s'est  aperçu  que  cette  remarque 
avait  quelque  importance  pour  la  vraisemblance  de 
son  récit. 

159  Sur  malice  masculin,  voy.  1672. 
165    Raconte,  comme  aconte,  narration. 

167    Franchise  n'a  pas  chez  les  anciens  la  valeur  moderne, 

mais  celle  de  noblesse,  distinction. 
169     L'infinitif  passé  pour  le  présent  ;  usage  familier  à  Adenés 

et  relevé  déjà  dans  les  Enf.  Ogier. 
175    Lisez  ftist. 

177  Suppléez  que  après  orns. 

178  L'épithète  vrai  ,  appliqué  au  caractère,  veut  dire  «  pur  , 

sans  faux,  qui  inspire  la  confiance  ». 

187  Tiiert  n'est  pas,  ainsi  que  l'entend  M.  Léon  Gautier  (Epo- 
pées françaises  II,  15),  le  cousin  de  Berthe,  mais  celui 
de  Margiste  et  de  sa  fille,  comme  il  appert  clairement 
de  notre  passage,  et  de  plusieurs  autres. 

193    Pritances,  affaires  intimes. 

200     Cette  duchesse  de  Saxe  est  nommée  Aelis  au  v.  1335. 

203  Aprochier ,  poursuivre  ,  continuer  (un  récit)  ;  cp.  Frois- 
sart  (éd.  Kervyn)  VII,  141  :  «  Nous  parlerons  dou 
prince  de  Galles  et  approcerons  son  voiage  et  compte- 
rons cornent  il  persévéra  ». 

213  Retraire  à,  se  tourner  vors  ,  s'attacher  à  ;  cependant  on 
peut  aussi  l'expliquer  ici  par  retraire  =  ressembler 
et  traduire  :  «  L'homme  de  bonne  naissance  doit  en 
porter  l'empreinte.  » 

220  Serassaier,  pr.  se  remettre  à  l'épreuve,  ici  recommencer. 

221  Saie  est  connu  sous  deux  sens  :  1.  =  lat.  seta  (autre 


NOTES.  181 

forme  de  soie,  cp.  creta,  croie  et  craie),  2.  =  lat.  sa-- 
gum  ,  vêtement  supérieur  ,  couverture  ,  nom  d'étoffe. 
Je  ne  sais  pas  comment  justifier  l'expression  noir  com 
saie  ;  le  mot  aurait-il  peut-être  pris  l'acception  spéciale 
de  drap  mortuaire  ? 

225  Quand  près  a,  comme  ici.  la  valeur  de  «  peu  s'en  faut  » 
(rendue  généralement  par  a  pou  que  ou  a  pou  tout 
court),  il  est  suivi  du  verbe  à  la  forme  négative  ;  cp. 
428. 

229  Au  nominatif  singulier  le  mot  ^e«^  n'est  pas  strictement 
soumis  à  Ys  de  flexion.  On  sait  que  le  verbe  au  plu- 
riel avec  gent   pour  sujet  est  presque  de  règle. 

23  )  Saint-Heriert  était  une  abbaye  de  Deuz  ,  en  face  de  Co- 
logne, fondée  par  l'archevêque  Héribert  (998-1021). 

233  Je  ne  trouve  dans  les  historiens  de  Namur  aucune  men- 
tion du  château  de  Rostement,  qui,  au  dire  de  notre 
poëte,  serait  la  dénomination  originelle  du  château 
de  Namur.  Ce  nom  serait-il  aussi  fabuleux  que  le 
rôle  qu'Adenés  ,  selon  des  traditions  sans  doute,  fait 
jouer  au  duc  Naime  de  Bavière  dans  les  origines  de 
notre  cité  de  Namur,  à  laquelle  il  aurait  même  donné 
le  nom  ?  Voy.  sur  les  origines  légendaires  de  Namur 
et  sur  les  nombreuses  tentatives  étymologiques  faites 
sur  ce  Jiom,  /.  Borgnet,  Promenades  dans  la  ville  de 
Namur  (Annales  de  la  Société  archéologigue  de  Na- 
mur, II,  127). 

238  Fortement  est  une  forme  concurrente  Ae  forment,  qui  s'est 

introduite  quand yî;r^,  Id^i-fortis,  contrairement  à  la 
règle  régissant  les  adjectifs  français  provenant  d'ad- 
jectifs latins  en  w,  a  fait  au  féminin  forte.  Il  y  a, 
cependant,  à  remarquer,  quant  à  la  valeur,  que  for- 
tement se  distinguait  jadis  Reforment,  comme  le  mémo 
mot  se  distingue  encore  aujourd'hui  de  l'adverbe 
fort  (lat.  talde). 

239  Lisez  ert  ^.est. 


152  BERTHE   AUS   GRANS    PIÉS. 

255  Chasemeut,    domaine,   fief,    prov.   casamen  ;  du   verbe 

chaser,  bas-lat.  casare^  gratifier  d'un  fief,  d'où  chasé^ 
feudataire,  vassal, 

256  Ape)isement,  intelligence,  prudence. 

264  Contre,  selon,  en  rapport  avec  :  «  parées  comme  le 
comportait  l'événement.  » 

274  ^l  (en  le)  varie  dans  le  ms.  avec  ou  (v.  278)  ;  el  lit  385, 
ou  Ut  415.  La  forme  ou  dérive  phonétiquement  de  el 
par  eu  (forme  normande)  ;  cp.  del  (de  le)  —  deu  —  dou. 

281  Le  jour  =z  lut.  illo  die,  cp.  3143  ;  on  trouve  tout  aussi 
souvent  ce  jour  ,  p-e.  3129,  3262. 

283  JDestalenter,  déplaire  (opposé  de  atalenter,  être  à  talent, 
à  souhait)  se  voit  construit  tantôt  avec  le  datif  (cas  nor- 
mal) p.  e.  3294etBuevon  1370  (?i  destalente),  tantôt 
avec  l'accusatif,  Buevon  301  [nel  destalente),  ib.  789 
{qui  moult  les  destalente).  Le  tour  réfléchi  se  desta- 
lenter  d'une  chose,  que  nous  avons  ici,  =  s'y  refuser, 
y  renoncer,  est  moins  fréquent  ;  cp.  Buevon  2239. 

287  Sullent ,  mouillé  ,  arrosé  ;  ailleurs  :  en  sueur  (Buevon 

1356  D'ire  et  de  maltalent  ot  la  chiere  sullente).  Je  ne 
connais  pas  l'origine  du  mot  :  on  pourrait  imaginer 
un  type  sud(u)lentus  [de  sudare)  ;  un  type  suc{cu)- 
lentus  éloignerait  trop  du  sens  et  nécessiterait  aussi 
le  mouillement  de  1'^^.  Dans  le  seul  glossaire  où  je  ren- 
contre notre  mot  (Hippeau),  il  est  traduit  par  «  souf- 
flant, haletant  »,  interprétation  démentie  par  notre 
passage. 

288  Pullent,  puant,  fig.  infâme,  méprisable  ;  d'après  Burguy 

de  pur{u)lentus,  par  assimilation  de  r  avec  l  ;  cette 
étymologie  est  admissible  et  correcte,  cp.  pelle  = 
perle. 

296  S'aidier  de  ou  en  une  chose,  répond  parfaitement  à  notre 
terme  «  s'exécuter  »  ;  le  mot  se  dit  surtout  de  la  con- 
duite du  guerrier  dans  la  mêlée. 

302  Baus  donne  un  démenti  à  la  règle  moderne  qui  prescrit 
le  pluriel  bals. 


NOTES.  155 

309    Que  =  car. 

313    Acointier,  notifier,  apprendre  ;  le  mot  se  trouve  avec  le 

même  sens  v,  578,  dans  la  phrase- cheville  sans  men- 

congé  acointier. 
319     Tut,  3*  pers.  sg.  du  subj.  prés,  àetuer. 
321     Souple,  anciennement,  était  synonyme  de  triste  ;  donc 

assouployer,  attrister. 
324    On  s'attend  plutôt  au  subj.  chaille. 
326     Saignïe)' ,  bénir  (pr.  faire  le  signe  de  la  croix)  ;  cp.  381. 

345  S'ajcrir,  se  comparer  (pr.  se  rapporter). 

346  Gaste,  inculte,  de  là  guastine,  désert.  Sur  les  rapports  du 

mot  avec  le  lat.  vastus,  \oy.  Diez,  I  v°  guasto. 
319    Fnderiere,  en  cachette,  syn.  de  à  recelée. 
356     «  Sous  ce  prétexte   qu'hier   je  l'ai   chargé  de  quelques 

dépenses  »  (litt.  qu'il  eut  ma  bourse).  A  toutes  est  \& 

préposition  à  tout  =  avec,  mise  en  accord  de  genre  et 

de  nombre  avec  le  substantif. 
364     Deviser  ,  discuter,  concerter. 
366    Bcrtain  est  un  datif.  ^ 

374     Convenir,  falloir,  étant  un  impersonnel  et  voulant  le  sujet 

logique  au  cas- régi  me,  la  variante  li  clers  sans  du  ms. 

12467  (D)  constitue  une  faute  grammaticale. 
377     Laissier  convenir,  laisser  faire,  cp.  1544  et  1854  ;  parfois 

aussi  =  laissier  ester,  ne  plus  se  soucier  de  rien,  pas- 
ser outre,  ainsi  2100. 
380    Fnserir,  faire  soir,  plus  souvent  asserir  (aussi  assener), 

syn.  d'avesprir  ou  plutôt  d'ajinitier  ;  cp.  Richars  li 

Biaus,  4958. 
385    Esponde,  bord  extérieur  du  lit  ;   le  latin  sponda  signifie 

le  bois  du  lit  en  général. 

394  S'atirer,  s'apprêter,  se  faire  ;  v.  396,  s'habiller. 

395  Tire  à  tire,  pr.  une  chose  après  l'autre  ;  on  trouve  ail- 

leurs bêlement  et  à  trait,  doucement  et  sans  rien  brus- 
quer (voy.  Jean  de  Condé,  notes  II,  p.  427). 
403    Faire  sa  volenté,  euphémisme  usuel  pour  l'acte  marital , 


154  BERTHE    AUS    GRA^S    PIÉS. 

cp.  Cléomadès  6860  ;  plus  haut  v.  31S  faire  la  droi- 
ture  à  sa  moilUer. 

413  Entrer^  réfléchi  ou  non  ,  est  fréquemment  accompagné 
de  l'adv.  en  ,  aussi  bien  que  courir^  aller,  issir  ,  et 
autres  verbes  de  mouvement  ;  cp.  467  ,  Ki87,  2968  ; 
Richard  li  Biaus  654  :  Ens  en  entra  parmi  la  porte. 
L'adverbe  implique  l'idée  «  du  lieu  où  l'entrant  se 
trouvait,  » 

432  lert  trestourné  est  impersonnel  ;  la  formule  exprime  : 
«  il  ne  sera  pas  fait  retour  (remise,  grâce)  de  cette 
résolution  »  ;  cp.  Enf.  Og.  1337  :  A  mon  povoir  il 
sera  destorné  C'on  ne  li  face  ne  honte  ne  griété. 

437     Enlouter,  pousser  loin,  repousser,  chasser. 

442  Umilité na.  pas  la  valeur  moderne,  mais  celle  de  bienveil- 
lance, débonnaireté  ;  cp.  humblement  1231  =  complai- 
samment. 

447  Mon  ms.  porte  ,  vérification  faite  ,  à  fource  (fourche)  , 
leçon  parfaitement  acceptable,  si  l'on  prend  fourche 
au  sens  de  bâillon.  —  Estre  ,  prép.,    =  lat.   extra. 

450     Suppléez  la  (la  corde)  devant  li. 

459    Lisez  dist. 

470  Où  que,  dès  que  ;  cp.  la  conjonction  latine  uhi  ;  cp.  1871, 
2165 ,  2327,  2654. 

478    Sur  l'expression  mer  hetée  (caillée)  ,  voy.  Diez  II ,  424. 

480  Noée  =  notée,  connue  ;  cp.  doer  =  doter  ;  je  n'ai  pas 
d'autre  exemple  de  cette  forme  syncopée. 

522    Se  vanter,  se  promettre,  s'assurer. 

530  Laissier  ester  le  duel  ,  le  faire  cesser  (voy.  aussi  pi  h. 
377)  ;  cp.   l'ail,  sein  lassen. 

551  «  Acueillir  son  errer  (iterare)  ou  son  oirre  (iter)  »  , 
entreprendre  sa  route  ,  s'acheminer.  Les  diverses 
acceptions  à^ acueillir  (prendre,  attaquer,  etc.)  décou- 
lent naturellement  de  l'idée  première  «  colligere  »  , 
ramasser,  prendre  en  mains. 

555    Père,  voy.  v.  141  ;  ici  ^«mr  signifie  «  être  visible  ». 


NOTES.  155 

566  Rehercie)'  ;  Roquefort  :  «  exprimer  ,  répéter  ce  qu'on  a 
déjà  dit  »  ;  Mouchet ,  en  marge  de  sa  copie  :  répéter  , 
redire,  propr.  rabâcher.  Ces  définitions  ne  conviennent 
guère  à  notre  passage  ,  qui  appelle  le  sens  «  indiquer 
en  détail ,  énumérer  ».  Ce  sens  se  laisse  facilement 
ramener  à  la  notion  de  «  herser,  remuer  la  terre,  sépa- 
rer, démêler  ».  Je  rencontre  le  mot  pour  la  première 
fois  ;  il  ne  doit  pas  avoir  été  très-répandu,  car  il  est 
remplacé  par  d'autres  termes  dans  deux  de  nos 
manuscrits  (voy.  les  Variantes). 

590     Manier,  mettre  la  main,  toucher. 

592  Despoillier  s'employait  anciennement  déjà  tant  avec  le 
rég.  dir.  de  la  personne  dépouillée  ,  dévêtue,  qu'avec 
celui  du  vêtement  ôté.  —  Ce  vers  fait  allusion  au 
V.  555. 

611  II  j  a  ,  je  le  rappelle  ,  deux  homon^'mes  lanief  ,  l'un 
signifiant  paresseux,  lent  (359,  3203),  l'autre,  comme 
ici,  cruel.  Voy.  Baud.  de  Condé,  notes  p.  417,  et  Enf. 
Ogier  428. 

617     Lisez  li  au  lieu  de  lui. 

623  Enbracier,  étreindre. 

624  Agenouiller,  au  sens  actif  (mettre  à  genoux),  est  réprouvé 

par  la  langue  moderne.  On  ne  saurait  pas  dire  pour- 
quoi :  on  dit  bien  acculer  qqn. 

638  L'accouplement  d'un  passé  {plut)  et  d'un  présent  [espart) 
ne  gênait  pas  notre  poète  ;  cp.  vv.  706  et  707.  Espar- 
tir,  faire  des  éclairs  ;  d'où  snbst.  espart.  Je  n'ai  pas 
encore  rencontré  d'éclaircissement  étymologique  sur  ce 
mot  ;  j'imagine  que  c'est  le  même  mot  que  espartir  , 
diviser,  séparer,  et  que  sa  signification  provient  de  ce 
que  la  foudre  «  fend,  fait  crever  »  les  nuages.  La  lettre 
s'oppose  à  ce  qu'on  le  rattache  à  l'angl.  spark,  v.  flam. 
sparke^  étincelle. 

641  Avoir  part  en  qqn.  ou  qqch.  ,  s'y  intéresser.  —  Aussi 
prendre  à  (ou  en)  sa  part ,  porter  intérêt ,  protéger  , 
V.  6-15. 


156  Bi'RTHE    ALS   GRANS   PIÉS. 

646  Liepart  ;  la  francisation  de  la  combinaison  latine  co  par 
le  son  ié  se  voit  encore  dans  Theodoricus  Thierri , 
Leodicum  Liéffe,  Léonard  Liénard,  etc.  ;  toutefois  eo 
se  trouve  aussi  transformé  en  eu  et  u,  et  au  lieu  de 
Uépart,  on  rencontre  fréquemment  leupart  et  lupart. 

648  On  voit  s'attacher  ici  à  l'adj.  renart  une  idée  de  cruauté 
plutôt  que  de  fourberie. 

657    Loer  (louer),  conseiller. 

659    S'escuser,  se  mettre  à  l'abri  de  reproche,  litt.  hors  cause. 

672    Raison,  discours,  récit. 

676  Desservir  ,  comme  merir ,  signifie  à  la  fois  mériter 
(v.  686)  et,  comme  ici,  récompenser  ;  l'effet  pour  la 
cause.  C'est  ainsi  que  trouver  dans  le  principe  a  dû 
signifier  chercher,  fouiller. 

680  On  connaît  au  verbe  remanoir  quatre  formes  de  participe 
passé  :  remès  (lat.  remansus),  remanu  ,  remansu  et 
remasu  (voy.  Var.).  —  L'^  final  au  nomin.  pluriel  est 
une  concession  à  la  rime. 

694     Veoir  noiîement,  traiter  avec  distinction. 

705  Huant,  chat-huant  ;  on  sait  que  le  terme  moderne. est 
étymologiquement  distinct  de  huant  et  l'eff'et  d'une 
formation  populaire  (voy.  mon  Dict.). 

711     Lisez  nasquesistes . 

718  Diex  est  un  vocatif  ;  il  faut  le  placer  entre  deux  vir- 
gules. 

720  F  SCO  urcier,  retrousser,  (pr.  raccourci;)  ;  rèâéclns'escow- 
cier  955  ;  voy.  le  Glossaire  de  Gachet  ;  le  mot  roman 
a  donné  naissance  à  l'ail,  schilrzen  .[^axa.  schorten, 
schorsen. 

726  Supprimez  le  et  écrivez  eus  (voy.  Xar.).  C'est  un  véri- 
table oubli  du  caractère  bissyllabique  dô  la  seconde 
personne  eils  (habuisti)  qui  m'avait  fait  insérer  le  ;  cp. 
2467  eustes  (eûtes). 

728    /oma/,tàche  journalière,  fig.  travail,  peine  (en  général). 

732     Ftii,  vrai,  sincère. 


NOTES.  ^87 

737  Lisez  iiot. 

741  Rôle,  comme  592,  exprime  l'ensemble  des  vêtements. 

743  Godale,  bière  ;  voy.  Gachet. 

756  Partir,  neutre,  se  fendre,  crever. 

759  Avoit,  subj.  prés,  de  avoier,  mettre  sur  le  bon  cliemin, 
conduire. 

767  Fors  à  estre,  à  être  dehors. 

768  Divers,  pr.  contraire,  puis  pénible,  difficile. 

770  Revoite,  fém.  de  revoit  (forme  normande  reveit),  que  nou.s 
rencontrons  encore  avec  une  flexion  faussée  par  la 
rime  au  v.  1439,  et  qui  accuse  pour  type  un  participe 
irvictus  pris  au  sens  de  convictus,  convaincu  (de  crime), 
coupable.  Je  n'ai  que  très-peu  d'exemples  de  cet 
adjectif  ;  d'abord  celui  cité  par  Burguy  et  par  Hen- 
schel,  Roman  du  Renart  II,  v.  17021  : 

Je  vos  donrai  le  chardon  tendre 
Tant  comme  vos  en  vodrez  prendre, 
S'engigniez  le  félon  revoit 
Qui  tôt  anble  ce  que  il  voit  ; 

en  second  lieu,  celui  cité  par  Burguy  :  Benoit,  Chro- 
nique des  ducs  de  Normandie  II,  9306  : 

...  senz  nul  mesfait 
Que  lor  eiisse  dit  ne  fait 
Me  sunt  eisi  reveit  sanglent 
Et  hainos  e  mauvoillant  ; 

enfin  la  variante  remis  dans  le  deuxième  vers  ciié 
plus  bas  de  la  Chanson  des  Saxons. 

Le  mot  serait-il  réellement  si  rare?  Je  ne  le  pense  pas, 
car  je  suis  porté  à  croire  que  le  mot  renoit,  d'un  usage 
si  fréquent  dans  les  anciens  poètes,  n'est  autre  chose 
qu'une  fausse  lecture,  commise  par  les  copistes  anciens 
et  modernes,  pour  notre  mot  retoit  ;  l'extrême  res- 
semblance de  il  et  t  dans  l'ancienne  écriture  explique 


158  BERTUE    AUS    GRANS    PIKS. 

cette  confusion.  J'indiquerai  ici  quelques  exemples  de 
renoit.  Chanson  des  Saxons,  couplet  18  :  Et  maudit 
Gilemer  le  traïtor  renois  ;  ib.  33  :  Lors  nos  seront 
livré  H  traïtor  renois  (var.  revois)  ;  ib.  139  :  Karle- 
maine,  fait  \\,fel  traites  renois  ;  ib.  232  :  Sovantes 
foiz  le  clairae/(?Z  traite  renois  ;  Godefroid  de  Bouillon 
18954  :  le  cief  du  traître  renois  ;  Richars  li  Biaus 
5428  :  Fil  à  putain,  fait  il,  renois  ;  Watriquet  de  Cou- 
vin,  p.  60,  V.  147  :  ISule  douleur  ne  doit  trouver  Li  fel , 
li  traîtres  renois  ;  Fabliau  d'Estourmi  380  :  Je  seroie 
coars  renois.,  Se  mon  oncle  honnir  lessoie. 

Dans  tous  ces  exemples  la  substitution  de  revois  à 
renois  ne  se  fera  qu'au  profit  du  sens,  surtout  dans  la 
formule  traître  ou  couars  renois  (traître,  lâche  con- 
vaincu, pris  sur  le  fait).  C'est  une  expression  analogue 
au  terme  moderne  «  coquin  fieifé  ».  Ce  qui  m'engage  à 
suspecter  l'existence  propre  d'un  adjectif  r«»oi^,  c'est  la 
difficulté  d'en  justifier  la  facture.  Les  glossateurs, 
Roquefort,  Burguj  et  autres  ,  en  font  sans  scrupule 
une  forme  variée  et  un  synonyme  de  r^^oîV  (renégat, 
parjure,  perfide)  ;  si  le  sens  s'y  prête  dans  la  plupart 
des  cas,  il  n'en  est  pas  ainsi  en  ce  qui  concerne  la 
structure  littérale  du  mot.  Pour  rattacher  renoit  k 
renegare  ,  il  faudrait  pouvoir  alléguer  un  participe 
renegitus.,  comme  \\  exhie  pUcitus  (d'où  ploit)  k  côté 
de  plicatus  ;  or  cette  forme  fait  absolu  défaut.  Il  y  a 
pour  moi  plus  de  prudence  à  admettre  dans  renoit  une 
méprise  graphique  invétérée  p.  revoit,  qu'à  torturer 
les  lois  de  la  phonétique  pour  sauver  renoit. 

La  formule  traïtoicr  revoit  est  donc,  selon  moi ,  la 
véritable  ;  elle  signifie  «  traditor  revietus  ou  convic- 
tus  »  ou,  selon  une  autre  formule  non  moins  usitée, 
«  traïtour  prové  »  (cp.  pi.  h.  473  pute  vielle  prove'e). 
Je  n'ai  pas  sous  la  main  d'exemples  du  faux  adj.  re- 
îioit  muni  de  la  flexion  t  ;  tous  ceux   que  j'ai  allégués 


NOTES,  159 

ont  renois,  soit  parce  que  cette  flexion  y  est  de  règle, 
soit  accidentellement  par  concession  à  la  rime  ;  il  n'en 
faut  pas  moins  admettre  pour  thème  renoit ,  fém.  re- 
noite.  —  Diez  ,  à  l'art,  rivescio ,  fr.  revêche  ,  cite  le 
V.  fr.  revois ,  comme  synonyme  de  ce  dernier  et 
comme  découlant  de  lat.  revesus^=  reversus  ;  je  ne  sais 
s'il  a  en  vue  le  même  vocable  que  celui  qui  nous  oc- 
cupe ;  si  cela  était,  son  étymologie  tomberait  à  faux 
devant  l'existence  du  masc.  revoit.  Burguy  fait  venir 
revoit  de  revocatus  ,  étymologie  contraire  au  sens  et 
à  la  lettre.  Quant  à  l'éditeur  de  Benoit ,  versant 
dans  l'erreur  commune,  il  voit  dans  reveit  une  fausse 
leçon  p.  reneit. 

770  Coite,  hâte,  subst.  verbal  de  coitier,  sur  lequel  voy.  mon 
Glossaire  de  Froissart  v°  quoitier. 

112  Recoite  ,  forme  parallèle  féminine  d3  reguoi.  repos,  lieu 
retiré  (2495)  ;  notre  formule  adverbiale  en  recoite,  se- 
crètement, revient  v.  3325. 

773  Xe  pas  carder  Veiire,  s'attendre,  prévoir  ;  cette  locution 

revient  au  v.  8G1  ;  je  l'ai  déjà  relevée  dans  les 
Enf.  Ogier  1158.  —  Acueillir,  attaquer  (voy.  551).  Je 
comprends  la  terminaison  oit  pour  le  participe  de 
cueillir  et  de  ses  composés,  ainsi  que  pour  celui  de 
heneïr  et  maleïr  (778,  775)  ;  elle  répond  correctement 
à  celle  des  types  latins  coU^ctus  ,  benedectus  ,  male- 
dîctus  ;  mais  je  ne  m'en  rends  pas  compte  dans  des 
cas  comme  cheoit  (de  cheïr),  Aye  d'Avignon,  p.  34  , 
ooit  (de  oïr),  Moral,  sur  Job,  p.  477,  toloit,  ib.  p.  469 
et  500,  en/oiioit  (de  enfouir)  ,  Phil.  Mouskés  1886, 
aconsievoit,  Froissart,  éd.  Kervyn  X,  S15,poursiecoit, 
ib.  V,  239  ;  afuioit,  Froissart,  III,  443  (var.  du  texte 
de  M.  Luce).  Comment  expliquer  le  passage  de  it  ou  ut 
en  oit  {eity. 

774  Escueillir,  faire  partir,  mettre  en  mouvement,  en  voie  : 

voy.  mon  Glossaire  de  Froissart. 


160  RERTHE    AUS    CRANS   PlÉS. 

776  Esploite  est  une  forme  fém.  de  esploit  :  mais  quel  sens  lui 

donner  en  ce  passage  ?  Le  sens  naturel  «  travail  » 
peut-il  convenir?  Je  pense  que  oui,  et  le  terme  s'ac- 
corde avec  le  «  s'esploite  »  (s'efforce)  du  vers  766. 

777  Destroit,  lat.  districtus,  pr.  serré,  fig.  angoissé. 

778  L'exhortatif  car  (cp.  969,  1687  ,  2326)  est  parfois  ac- 

compagné de  et,  cp.  Bueves  2616. 

785  Une  observation  parenthétique  est  souvent  introduite  par 
la  formule  et  si. 

793  Despris  (cp.  813  ,  1826  ,  2378  ,  2819)  ;  cet  adjectif  ex- 
prime le  dénuement  ,  la  misère  ;  de  desprendre  , 
dépouiller,  dénuer. 

803  Lutise  est  sans  doute  le  pays  des  Lutis  (Luticii),  des  Wil- 

zes  (voy.  l'art,  de  M.  Gaston  Paris  dans  la  Remania 
II,  331). 

804  Devise  a  ici  le  sens  inaccoutumé  de  «  air,  apparence  »  ; 

j'ai  détaillé  dans  mon  Gloss.  de  Froissart  les  acceptions 
diverses  de  deviser  et  de  son  dérivé  devise  ;  cependant 
notre  cas  ne  s'y  range  pas  facilement.  Y  voir,  comme 
on  a  fait,  le  latin  divltia,  m'e  semble  hardi  ;  la  lettre 
ne  s'y  refuse  pas,  mais  à  part  que  l'on  n'aurait  pas 
d'autre  exemple  à  citer  d'un  devise,  richesse,  le  sens 
ne  s'accommode  guère  de  cette  interprétation. 

807  Lisez  qui  s'ert  sus.  —  Remise,  fondue  ;  voy.  Baud.  de 
Condé,  notes,  p.  403,  au  v.  172. 

820     Destourt,  subj.  prés,  de  destour ner. 

823  «  11  existe  encore,  à  quelque  distance  d'un  ruisseau  nommé 
le  Fessart,  un  petit  bois  appelé  le  Minclou.  Si  la 
riverète  dont  parle  Adenez  n'est  pas  desséchée,  il  est 
probable  que  c'est  le  Fessart  et  que  le  nom  de  Minclo 
aura  été  transporté  du  ruisseau  au  bois  dans  lequel  il 
coulait.  »  Note  communiquée  à  M.  Paris  ,  et 
recueillie  dans  son  édition. 

825  .4  »o  (c'est  ainsi  qu'il  faut  lire)  est  la  1*'*  ps.  sg.  du  prés, 
ind.  de  anoer  =  adiiodare,  attacher. 


NOTES.  161 

826  Vo,  forme  abrégée  de  Tostre  (cp.  no  836)  ;  au  v.  suivant, 
vo  représente  la  1"^  pers.  sing.  du  prés.  ind.  de  voer. 

828  Notre  laisse  en  o  détermine  le  changement  de  plusieurs 
substantifs  habituellement  terminés  en  ou  :  ainsi /o 
(p.  fou  =  fagus),  chaillo,  tro^  clo  ;  aussi  fo  p.  poii. 

832  0,  j'entends  ;  la   forme   Jiabituelle    de    l'auteur,   est  oi 

(2169,  2491,  2837). 

833  Ho  est  une  interjection  répondant  à  notre  halte  !  Dire  ho 

signifie  par  conséquent  s'arrêter,  fig.  renoncer ,  se 
résigner.  J'ai  recueilli  dans  mon  Gloss.  de  Froissartun 
passage  où  ho  se  traduit  par  arrêt  {et  il  ny  a  point  de 
ho). 

838  Qroe,  gravier  ;  se  rapporte  pour  la  forme  au  prov.  grava 

(fr.  grève),  comme  clo  à  clavus,  choe  (chouette)  au 
picard  cave. 

839  Dynoe,  Danube  (ail.  Donaw).  La  leçon  en  la  Dynoe  pré- 

sente ce  mot  sous  l'aspect  d'un  nom  de  contrée.  — 
Comme  nom  de  fleuve  je  trouve  Dunoe  dans  Chrétien  de 
Troies,  Chev.  au  lion  5973  :  Einçois  assanbleront  les 
rives  De  la  Dunoe  et  de  Seone  ;  et  comme  nom  de  con- 
trée dans  Fergus  170,  3  :  N'a  terre  jusque»  la  Dunoe 
(var.  de  si  cà  Dunoe). 

840  Chipoe  ;  dans  les  notes  marginales  de  la  copie  de  Mouchet, 

ce  mot  est  interprété  par  grimace.  Cette  interprétation 
est  peut-être  la  bonne  et  s'accorde  assez  bien  avec  le 
mot  chiere  qui  l'accompagne  et  qui  a  souvent  le  sens 
de  moue  (cp.  Fergus  89,  22  :  qui  qu'en  face  ciere  ne 
groing  ;  l'ail,  dit  de  même  ein  Gfesicht  machen).  J'ai 
déjà  rencontré  notre  mot  chipoe  dans  le  Dit  du  Singe 
de  Jean  de  Condé  (II,  p.  218,  v.  33)  : 

Divers  usage  sont  venu 

En  avant,  et  grandes  chipoues, 

Grandes  chieres  et  grandes  moues  ; 

je  l'y  ai  interprété  par  minauderie  ou  par  morgue 

11 


16â  BEtlTIlE    AUS    GRA^S    PIES. 

Quant  à  1  etjmologie,  je  prendrais  volontiers  chipoe 
pour  le  subst.  verbal  d'un  verbe  cMpoer  =  chipoter, 
au  sens  de  «  faire  des  difficultés,  grommeler,  murmu- 
rer »  ;  cf.  doer  =  doter. 

841  Corrigez  sai  p.  sait.  —  Hoe  ne  peut  guère  être  traduit 

par  houe,  hojau  ;  le  contexte  appelle  plutôt  le  sens 
«  tertre,  monticule  »,  ce  qui  fait  penser  au  bas-lat. 
hoga,  colline,  v.  franc,  hoge,  tumulus. 

842  Roe^  enrouée,  lat.  ranca^  rauque. 

844  Escroe  présente  ici  son  sens  primordial  :  déchirure  ;  de  là 
découlent  les  acceptions  «  lambeau,  pièce  »,  puis  pièce 
de  parchemin  ou  de  papier,  liste,  cédule,  rôle  ;  il  est 
dérivé  d'un  verbe  escroer^  déchirer  (dont  je  n'ai  cepen- 
dant pas  d'exemple),  qui  est  peut-être  connexe  avec 
l'ail,  schroten,  couper,  tailler  (appliqué  jadis  aussi  à 
la  coupe  des  étoffes).  —  A  son  tour  escroe,  liste,  rôle, 
est  l'ascendant  d'un  second  verbe  escroer ,  auj. 
écrouer,  inscrire,  enregistrer  (d'où  écrou). 

846  Choe  ne  m'est  connu  qu'avec  la  valeur  de  hibou,  chouette  ; 

je  ne  suis  toutefois  pas  sûr  que  cette  signification  con- 
vienne ici,  où  il  s'agit  d'une  comparaison  sous  le  rap- 
port de  la  couleur. 

847  Roe,  de  hoer,  houer,  fendre. 

848  Vermeille]^,  vermeil  me  frappe;  je  ne  sais  si  c'est  un 

lapsus  de  ma  copie  sur  lequel  j'aurais  glissé  lors  de 
mon  coUationnement  du  ms.  — Poe,  patte  (ail.  pote  , 
pfote),  ici  ongle,  griffe  ;  cp.  v.  861. 

850  Angoisseusement,  douloureusement.  —  Angoisseus  est  le 

mot  propre  pour  la  douleur  physique  ;  cp.  2258,  et 
Buevon  1789  (où  il  s'agit  du  supplice  par  l'eau  bouil- 
lante) :  Pour  ce  que  ce  est  mors  d'angoisseuse  manière. 

851  Floe.,  fém.  de^o,  faible,  languissant  ;  c'est  le  flam.  Jlauw, 

ail.  Jlau.  Le  dictionnaire  de  Grimm  m'apprend  que  le 
sens  original  du  mot  germanique  est  «  dilutus  »  ;  cela 
m'engage  à  renoncer  à  l'étymologie  ^K*i«*  que  j'avais 


NOTES.  163 

conjecturalement  avancée  pour  le  fr.  flou  en  tant  que 
terme  de  peinture. 
.854  Ce  vers  est  difficile  à  comprendre  ;  que  veut  dire  refroer  ? 
Froer,  c'est  briser  (le  composé  defroer  se  présente 
V.  862)  ;  refroer  pourrait  donc,  dans  l'emploi  neutre 
qu'on  lui  trouve  ici,  signifier  redevenir  brisant,  redou- 
bler de  force  accablante,  et  le  vers  rendrait  cette  idée  : 
«  Sa  pénible  situation  lui  fait  sentir  plus  vivement  le 
mal  qu'elle  éprouve  ».  Refroer  pourrait  aussi  exprimer 
«  se  répercuter  ».  —  Le  verbe  froer,  si  fréquent  chez 
les  trouvères,  est  sans  doute  identique  avec  l'équiva- 
lent prov,  frocar,  mais  celui-ci,  d'où  vient-il  ?  Le  lat. 
fricare  {^vov.fregar,  v.  îr.froier)  ne  convient  ni  pour 
le  sens,  ni  pour  la  forme. 

859  Près  sui  que  =  je  suis  presque. 

860  Groe  (homonyme  de  ffroe,  employé  v.  838),  griffe,  ongle  ; 

c'est  une  variété  de  forme  de  grave,  grawe,  crampon, 
grappin  ;  la  forme  masculine  est  grau,  en  rouchi  = 
griffe.  L'interprétation  par  grotte  est  insoutenable. 

863  Voe,  forme  féminine  de   vo,  vôtre,  tout-à-fait  irrégulièro 

et  amenée  par  la  rime. 

864  Doer,  doter,  gratifier. 

865  Desclore,  exclure,  expulser. 

868    On  voit  (\xxefel  et  cuicert,  appliqués  ici  à  la  température, 
n'ont  pas  toujours  une  acception  morale. 

874  Berte,  employé  au  cas-régime  p.  Bertain,  est  exceptionnel 

dans  le  ms. 

875  Fouhert,  perfide?  Adjectif  inconnu,  a  Nom  proverbial, 

dit  M.  Paulin  Paris  ,  pour  désigner  un  chevalier 
déloyal.  » 

876  Charchier  (charger),  ici  confier  ;  plus  souvent  encarchier  ; 

plus  loin  V.  3225  :  charchier  des  armes  à  qqn.  ,  lui 

décerner  des  armoiries. 
880    Herbert^,  herberc,  logis. 
882    Despert,  vif,  rude  ;  voy.  sur  ce  mot,  qui  n'a  absolument 


164  BERTHE    AUS   GRANS   PIES. 

rien  à  faire  avec  desperare,  ma  note  Jean  de  Condé 
I,  395,  et  mon  Gloss.  de  Froissart.  Du  sens  premier, 
fl  éveillé  »  se  dégagent  les  acceptions  «.  vif,  rude,  sau- 
vage »,  op.  vv.  2233,  2242. 

888  Terty  participe  passé  de  terdre  (lat.  tergere),  nettoyer, 

essuyer  ;  forme  concurrente  de  ters,  terse  (lat.  tersus)  ; 
cp.  tors  et  tort  ,  despers  et  despert,  çains  (Froissart, 
Poésies)  et  çaint,  et  enfin  convers  et  couvert,  dont 
nous  rencontrons  le  fém.  converte  au  v.  suiv. 

889  Concerte  p.  converse,  nonne,  voy.  la  note  préc. 
893    Poverte,  voy.  la  note  du  v,  1105. 

898     Duit,  formé  ;  cp.  923. 

901  S^puier  revêt  ici  l'acception  figurée  «   s'approcher,    se 

comparer  ». 

902  Aciiit,  acquit,  garantie. 

903  Tous   les  mss.  collationnés,   sauf  B,  ont  estuit  ;  ma  cor- 

rection estruit  est  aussi  contraire  à  celui  que  je  repro- 
duis ;  mais  que  faire  de  cet  adjectif  ou  participe  estuit  ? 
Je  renonce  à  toute  solution  de  cette  question.  Un  par- 
ticipe estuit  =  étuyé  ,  enchâssé  ,  inséré  («  où  j'ai 
trouvé  l'histoire  insérée  dans  un  livre  »)  est  inadmis- 
sible, non  pas  précisément  à  cause  de  la  discordance 
du  genre  avec  estoire,  mais  parce  qu'il  y  a  pas  d'autre 
trace  d'un  verbe  estuire^  =-.  bas  lat.  stugere  (part. 
stuclus)i  primitif  supposablo  de  eslugium,  fr.  estai.  Si, 
ce  qui  est  à  vérifier,  les  rass.  permettent  de  lire  aussi 
\Àen  escuitq}iQ  estuit,  on  aurait  la  ressource  de  voir 
dans  ce  mot  le  représentant  d'un  participe  latin  excoctus 
au  sens  figuré  de  «  afiîné,  purifié,  mûri,  parfait  ».  La 
variante  du  ms.  B.  est  probablement  fondée  sur  ce  que 
le  scribe  ne  comprenait  paa  plus  que  moi  soit  estuit, 
ou  escuii. 

909     Damedieu  ;  inversion  du  génitif. 

912     Vuit,  vide  (au  sens  do  faible,  malade),  cp.   v.  1265,  et 
1709  ciier  vain. 


NOTES.  i65 

916  Corrigez  li  p.  il  ;  a  que  la  nuit  lui  vient  »  ;  cp.   Bueves 

3809  il  lorf  10  ajourné. 

917  Recuit  appliqué  à  une  personne  signifie  fin,  rusé,  pervers 

(voy.  Baud.  de  Condé,  notes,  p.  394)  ;  appliqué  à  une 
chose,  comme  ici,  le  sens  se  généralise  en  celui  de 
mauvais. 

919  Soudtdt^  trompé,  pr.  conduit  subtilement  dans  un  mauvais 

pas  ;  on  trouve  aussi,  avec  le  même  sens,  sourduire. 

920  Clamer  quite,  abandonner  ;  ailleurs  renoncer  à,  refuser, 

ainsi  1349  ce  don  ne  daim  pas  quite. 
'  921     Muchote  (de  muchier)  ,  cachette  ;  les  patois  ont  encore 
muchette.  —  Bstruit,  lat.  structvs,  construit. 

923  Diversement,  étrangement. 

924  6"  a  fruitier,  profiter,  tourner  à  bien. 

937.  Secluingnier^  se  coucher  ;  d'un  type  clinicare,  d'où  cHu- 
gier,  cligner  d'où  cluignier  (cp.  briser  et  braiser)  ?  ou 
d'un  type  cluniare,  s'accroupir  (de  clunis,  fesse)  ? 

941  Blanchoier,  jeter  sa  couleur  blanche.  Ce  verbe,  négligé 
par  l'Académie,  a  été  avec  raison  réhabilité  par  Littré. 

943  Fourmier,  s'agiter,  du  lat.  formicare  pris  dans  un  sens 
figuré.  Le  mot  se  représente,  modifié  en  fremier , 
Bueves  034.  —  Un  iy^a  formidare  {àoni  Vi  est  long) 
est  parfaitement  acceptable,  mais  je  n'oserais  l'affir- 
mer. 

949  Les  désinences  iens  (ions)  et  iez  des  imparfaits  et  condi- 
tionnels sont  dans  Adonés  indifféremment  bissylla- 
biques  et  monosyllabiques  (voy.  ma  note  Enf.  Og. 
1631)  ;  notre  vers  offre  les  deux  manières  :  parliiez  et 
comparrie's.  Je  remarque  toutefois  que  le  monosylla- 
bisme  prédomine. 

954  $e  mettre  au  frapiery  prendre  la  fuite,  se  sauver.  — 
L'emploi  du  vevhe  frapier  =  fuir,  est  remarquable, 
d'autant  plus  que  l'on  ne  connaît  pas  d'exemple  du 
verbe  frapper  remontant  au  delà  du  14®  siècle.  La 
terminaison  en  ier  après  la  consonne  p,   Cait  aussi 


166  BERTHE   AUS   GRAINS    PIÉS. 

quelque  difficulté.   La  locution  se  mettre  aufrafier 

n'est  pas  rare  ;  on  la  trouve  p.  e.  Renart  24406  et 

Eustache  le  Moine  1136. 
958    Mon  ms.  porte  espesse  (p.  espine)  ,  de  même  le  ms.  D.  Un 

substantif  espesse,  fourré,  m'est  inconnu  ;  c'est  ce  qui 

me  l'a  fait  remplacer  ;  toutefois  il  peut   bien  avoir 

existé  (cp.  l'ail,  dickicht). 
065    Aprochier  à  qqch.,  ici  •=^  encourir,  être  menacé. 
968    Parteiire,  alternative,  dilemme,  cp.  Bueves  1386  :  Savés 

quel  parteûre  ici  vous  partirons  ? 
976     Se  saignier,  se  signer. 

989    Herhière,  forme  parallèle  féminine  d^ herbier,  gazon. 
993     Tyiert  est  un  régime  direct  de  iïere. 

996  Lisez  Plus. 

997  Je  m'abstiens  d'éclaircissements  historiques  sur  ce  «  bon 

conte  Glamsur  de  Namur,  seigneur  de  Saumur,  mort 
devant  Sur  »  ;  j'aurais  trop  de  peine  à  en  trouver. 

1002  Delfur  =  Dar-fur,  le  pays  de  Phur  ;  je  laisse  aux 
géographes -historiens  de  vérifier  cette  identification. 

1011  Tempreiire  est  la  vraie  forme  française  de  notre  mot 
savant  température. 

1020  Escurer,  ital.  sgurare  (=  lat.  excurare),  nettoyer,  pr. 
soigner,  tenir  ou  mettre  en  bon  état  ;  ici  s'escurer 
est  synonyme  de  «  se  remettre,  s'éclaircir.  » 

1023  Jï  laissa  le  plouvoir,  tournure  impersonnelle,  cp.  en 
allemand  :  es  hôrte  das  Regnen  auf.  Cp.  le  vers  sui- 
vant. On  sait  que  le  sujet  logique  d'un  verbe  imper- 
sonnel est  à  la  forme  du  régime  ;  cp.  1111  :  il  a  passé 
tnaint  an  (non  pas  mains  ans)  ;  voy.  aussi  1625. 
M.  Bormans  (Obs.  sur  le  texte  de  Cléomadès,  p.  38) 
n'avait  donc  pas  à  suspecter  la  forme  trois  dans  le  v. 
760  de  Cléomadès  :  De  cel  poindre  trois  en  cheï  Qui 
onques  puis  n'orent  santé.  Le  nom.  troi  eût  été  con- 
traire à  la  règle. 

1037     Coûte  ,  masc,  coude.  —  Encliner,    v.  a.,  se   baisser 


NOTES.  167 

vers  (de  là  le  sens  habituel  saluer)  ;  ici  se  prosterner. 

1042  II  vaut  mieux  lier  le  v.  suiv.  a  celui-ci  et  supprimer  le 
point- virgule  ;  gtierredonner  sera  ainsi  accompagné 
et  de  l'accusatif  de  la  chose  ijk)  et  du  datif  de  la  per- 
sonne [ceaus). 

1045  Endurer^  ici  au  sens  absolu  de  souffrir. 

1048  Vouer  un  vœu  ;  op.  mander  un  mant  1957,  partir  une 
jparteiire  Bueves  1386. 

1053  Aiiis^  plutôt. 

1054  «  Sauf  un  cas  que  je  veux  réserver.  » 
1060     Droite  voie,  adverbe,  tout  droit. 

1062    Meniuder,  sens  neutre,  se  cacher  de  nouveau. 

1071  Vous  père  (pareat),  «  que  cela  vous  devienne  manifeste, 

sensible  »,  c.-à.-d.  que  vous  en  subissiez  le  châtiment. 

1072  Eîhdroites,   extension  de  endroit  par  la  flexion  adver- 

biale es  ;  cp.  ar  et  ores,  onc  et  onques. 
1084    Lisez  ermitages. 
1086    Assener,  frapper. 

1092  Lasté,  lassitude.  Ailleurs  le  mot  prend  le  sens  de  misère 

et  de  lâcheté. 

1093  Trespensé,  embarrassé,  inquiet,  cp.  1133. 
1096    Anemi,  le  diable. 

1099  Enganer,  tromper,  attirer  dans  ses  filets  ;  cp  2946. 
Sur  l'étymologie,  \oy.  Enf.  Ogier  2912  (notes). 

1105  Mettez  un  tiret  devant  le  guillemet.  Ici  povreté  =  pau- 
pertàtem,  plus  haut  (v.  893)  poverie  =  paupértas  ; 
c'est  ainsi  que  se  distinguent,  étymologiquement, 
poésie  et  poëste',  cit  (civitas)  et  a^^(civitàtem).  Mon 
explication  donnée,  quant  à  cit,  Enf.  Og.  1771,  doit 
être  rectifiée. 

1115    Buleté,  bluté  (voy.  mon  Dict.)^ 

1121  De  bo7ie  part,  lat.  bono  loco,  de  bonne  origine,  de  haut 

parage,  ailleurs,  Bueves  2569  et  2675,  de  bon  aire,  de 
fin  aire. 

1 122  Trestourner,  détourner,  retenir,  est  ici  un  verbe  per- 

sonnel (cp.  432). 


168  BERTHE   AUS   GRANS   PIES. 

1127     Assené,  dirige,  adressé. 

1129     Constance  et^t  un  génitif  comme  Symon. 

1138     AU,  perdu,  mort  ;  cp.  l'angl.  gone. 

1151       lÀSGZflSt. 

1153     Outré,  fini  (cp.  1157  à  sa  fin  alée). 

1156     L'orthographe  usuelle  ancienne  est  garandi  ;  les  dérivés 

(le  mots  en  mil  affaiblissent  régulièrement  le  t  en  d. 

—  11  vaut  peut-être  mieux  lire  la  garanti  (défini). 
1158    Desseiire',  perplexe,  dérouté. 

1166  Durée,  résistance. 

1167  Gouverner  ,  cniveienir,  nowvTw  ;  c^.  2>2P>0  se  gouverner, 

subvenir  à  ses  besoins. 

1169  Lisez  m  p.  la.  Tirer  sa  resne,  s'arrêter. 

1170  Sur  ce  en  césure  (cp.  2810),  voy.-  Enf.  Og.,  notes  v.  5451 , 
1182     C'on  =  car  on. 

1188    Aigice  dou  cuer  est  de  belle  poésie. 
1191     Ausai,  Alsace. 

1195  Le  ras.  a  ici  et  ailleurs  tout,  qui  est  moins  correct  au 

nom.  plur.  ;  je  n'ai  pas  corrigé  chaque  fois,  m'étant 
aperçu  que  le  ms.,  sans  exclure  tout  à  fait  tuit  (voy. 
899,  3339),  était  coutumier  de  la  forme  tout. 

1196  Chevissement ,   moyen   do   se  ckevir,   de  s'entretenir, 

moyen  de  subsistance  (voy.  mon  Gloss.  de  Froissart, 

V.  chievir) .  On  disait  aussi  chevance. 
1202     Orains,  tout-à-l'heure  ;  composé  de  ore  (heure ,  moment) 

et  ains  (avant)  ;  cp.  2860.   Le  synonyme  oi'endroit 

(2868)  signifie  proprement  a  à  l'heure  même  » . 
1204     «  Par  quelque  direction,  indication  ». 
1214     Le passet,  adv.,  au  petit  pas. 
1217    /Swer  se  trouve  souvent  employé  au  vocatif  avec  le  sens 

d'épouse  ;  cp.  2181,  3077. 
1220    Penser  de,  prendre  soin,  cp.  1358. 
1225     Respassement,  rétablissement. 
1245    Notre  auteur  emploie  deux  formes  de  participe  passé  de 

recevoir  :  la  première  est  fondée  sur  la  finale  du  latin 


NOTES.  469 

receptus,  savoir  reçut,  forme  forte  (ici  et  Enf.  Og. 
5674),  la  seconde  est  faite  d'après  le  système  normal  de 
conjugaison  romane,  type  reciputus,  fr.  receil,  forme 
faible  (cp.  1910,  2399 ,  3024).  J'ai  eu  tort  de  pré- 
senter, dans  les  Enf.  Ogier  ad  v.  5661,  reçut  comme 
une  forme  contracte  de  receii.  On  rencontre  le  même 
dualisme  dans  lut,  fém.  lute{lQ24,  2987),  et  leiifém. 
leile,  eslit  et  esleû,  but  et  beu. 

1247  Zent,  ici  languissant. 

1248  Assenter  ,  placer,  ital.  assentare,  esp.  port,  asentar  ;ie 

ne  connais  que  ce  seul  exemple   du  verbe  assenter. 

L'origine  est  le  participe  sedentem. 
1252    Mettre  à  vente,  livrer,  exposer  ;  pr.  mettre  à  prix.  Nous 

voyons  aussi,  du    sens  prix  (2681  jouel   de   chiere 

vente),  découler  celui  de  récompense,  ainsi  2055. 
1263     La  conjonction  si  a  ici  la  force  de  «  et  pourtant  ». 
1265     Vain ,  malade  ;  cp.  Durmart  le  Gallois  250  Vains  et 

pesaus  et  dehaitiés.  L'adj.  tuit  dit  la  même  chose  dans 

\Qchief  vmt{9\2). 
1271     Selonc  ce  que  ^^  quant  on  considère,  eu  égard  à  ce  que  ; 

cp.  1167. 
1274     Prochain,  à  cœur,  cher  (ce  qui  touche  de  près). 
1284     Gaut,  forêt,  représente  correctement  l'ail,  wald,  forêt  ; 

plus  loin  (1368),  la  forme  dérivative  gaudine. 
1294     Escusion  est  un  mot  mal  fait,  c'est  comme  si  l'on  disait 

(et  on  la  parfois  imprime  dans  des  journaux)  consta- 

tion  p.  constatation  ;  la  leçon  de  D.  excusoison  est  donc 

préférable.  Un  exemple  ancien  de  la  même  licence 

est  ano7icion  p.  annonciation. 
1300    Mettez  une  virgule  après  dame. 
1303     Mieudre  étant  un  nominatif  (cp.  1395,  2066,  2425),  la 

grammaire  réclamait  meillour  (cp.    1388).    Adenés 

présente  plusieurs  exemples  de  cette  irrégularité,  cp. 

Enf.  Og.  5359  ,  Cléomadès  1080. 
1306     «  Il  lui  pèse  qu'elle  n'ait  donné  un  faux  nom.  n  Se  des- 

connoistre,  pr.  se  rendre  méconnaissable. 


170  BERTHE    AUS   GRANS    PIES. 

1310     Geil,  partie,  de  gésir  ;  type  latin  jacutus  ;  cp.  3032. 

1314  Mue,  fém.  de  mut,  lat.  mutus  ;  épithète  constante  d'une 
bête  fauve. 

1319     Vaincîi,  ici  anéanti. 

1329  NH  eiist  contredit,  phrase  adverbiale  =  indubitable- 
ment, sans  faute. 

1335    Aelit  p.  Aelis,  licence  de  rime. 

1337  Alentit,  affligé  ;  de  lent,  languissant,  abattu  (1247)  ;  = 
lent,  paresseux  2143. 

1339  Ms.  B.  porte  le  cuer  H  a  bosmit  ;  jusqu'ici  on  n'a  point 

relevé  de  verbe  hosmir  (on  connaît  l'adj.  abosme\  voy. 
Enf.  Og.  123). 

1340  Desconfit,  pr.  défait,  ici  éperdu. 

1342  Faire  que,  agir  comme  (formule  connue).  —  B  espit,  adj. 
=  lat.  despectus,  méprisable. 

1344  Amor  p.  amors  est  conforme  au  texte. 

1345  Laissier  aler,  plus  souvent  laissier  ester,  fig.  ne  plus 

s'en  inquiéter. 

1346  Sougite  ^=  lat.  siibjecta  ;  autre  forme  de  sujette  (cp. 

profectus^;*o;f^). 

1347  Ostel,  ici  hospitalité  ;  ailleurs  ostelage .  —  Eslite,  choix  ; 

àeslite,  à  discrétion. 

1361     Retremper  ;  le  préfixe  re  équivaut  à  «  à  son  tour.  » 

1365    Perrin,  recouvert  de  pierre,  dallé,  pavé. 

1369  Acliti,  enclin,  pr.  incliné  (1355),  fig.  soumis,  respec- 
tueux. 

1374  Pour,  au  risque  de.  —  Decepline,  châtiment,  particu- 
lièrement celui  de  la  flagellation  ;  aussi  mort,  destruc- 
tion, carnage.  Voy.  sur  ce  mot,  le  Glossaire  de  Gachet, 
mon  Glossaire  de  Froissart,  et  l'historique  du  Dict. 
de  Littré,  où  notre  passage  est  cité. 

1378  Doctrine,  manières,  éducation. 

1379  Lisez  doi  (nomin.)  p.  deus. 

1390    A  cesti,  en  comparaison  avec  celle-ci. 

1410     Vrai,  sincère  (1403),  tourne  ici  au  sens   de  parfait, 


NOTES.  171 

comme ^»,  du  sens  «  fini  »,  passe  à  celui  de  «  vrai, 
sincère  »  (732). 

1411  A  droit,  comme  il  faut,  lat.  recte.  On  pourrait  aussi  écrire 

en  ce  passage  adroit  et  l'envisager  comme  l'adverbe  de 
l'adj.  adroit  {76b),  habile.  Les  observations  faites  par 
M.  Bormans  au  sujet  de  l'orthographe  adroit  p.  à 
droit  en  quelques  endroits  du  texte  imprimé  de  Cléo- 
madès  ont  peut-être  été  trop  sévères. 

1412  Apaier,  neutre,  pr.   s'apaiser,  se  sentir  à  Taise,  ici  se 

réjouir. 

1414  Retraire  ,   neutre  ,  pr.   se  retirer,   ici  revenir  sur  sa 

parole,  se  dédire. 

1415  Manaie,  protection  ;  \oy,  Enf.  Og.  notes,  v.  310. 

1426  Quel  =  que  (car)  le. 

1427  Souverain  de,  supieur  à. 

1439-40  Corrigez  matez  p.  m'aviez,  et  Car  p.  Mais  ;  j'ai  eu 
tort  d'adopter  la  leçon  de  B  ,  qui  dénature  le  sens. 

1442    Lisez  de  cuer  l'en  pri. 

1448    Me's,  demeuré  (partie,  de  manoir). 

1451.  Trestuit  est  une  correction  que  j'ai  faite,  selon  la  gram- 
maire stricte  ,  avant  d'avoir  coUationné  les  mss.  ; 
ceux-ci  ont  trestout  ;  voy.  v.  1195. 

1466  La  préposition  e7i  est  digne  de  note  ;  elle  est  aussi 
logique  que  de  et  même  plus  naturelle  ;  cp.  405  un 
hoir  i  engendra. 

1476  Par  maistrie,  d'autorité  ;  plus  bas,  v.  1560,  nous  aurons 
la  forme  maistire. 

1482  Corrigez,  conformément  au  ms.,  tel  chose  à  lafiie  (à  la 
fois,  ce  qui  veut  dire  «  parfois  »).  Cette  forme  fiie, 
qui  a  précédé/?^,  répond  correctement,  selon  les  prin- 
cipes phonologiques,  au  iy^ejiata  (encore  conservé  en 
italien)  ;  d'abord  J,ede  (Livre  des  Rois),  puis^-îVrf, 
puis,  iée  se  simplifiant  en  ie,  fi-ie,  d'où  Jie  (1716).  L'i 
bref  passant  en  oi,  on  a  eu  aussi /oîû,  allégé  souvent 
en  foie.  C'est   ainsi  que  ligata  est  devenu  successive- 


172  BERTHE    AUS   GRANS    PIÉS. 

ment  li-iée,  U-ie,  loi-ie,  loïe  {ct^.  chastoïe  1749).  Le 
passage  de  Uie  à  lie  ne  s'est  pas  fait,  parce  qu'il  aurait 
amené  la  confusion  avec  lie  (joyeuse)  qui  vient  de  liée, 
féminin  de  lie  (raonos}'}!.),  qui  est  =  lat.  letus.,  laeius; 
cp.  la  simplification  de  chiéent  assiéent  en  cJiient 
assient  (Bueves  3201).  Pour  se  convaincre  de  la  jus- 
tesse démon  raisonnement,  il  faut  partir  de  l'ancienne 
règle,  d'après  laquelle  a  tonique  latin  fait  ié  (non  pas 
simplement  é)  après  ibref  :  de  là  li-ier,  fl-iée,  non  pas 
li-er,  fi-ée.  —  Je  prends  occasion  de  remarquer  à  pro- 
pos de  foie  (variante  de  E)  ,  que  M.  Bormans  a 
méconnu  cette  forme  en  corrigeant  (p.  182  de  ses 
Obs.)  la  var.  signalée  par  l'éditeur  au  v.  8976  de 
Cléomadès  ;  le  vers  suspecté  est  correct,  mais  c'est /oàfc 
et  non  pas/oig  qu'il  faut  lire. 
1483    B'on  =  comme  si  on. 

1485  Outrageus,  démesuré. 

1486  Lisez,  selon  l'exigence  du  sens,  hardi  p.  hardie. 

1492  Revois  p.  revoit,  à  cause  de  la  rime  ;  sur  ce  mot,  voj. 
pi.  h.  V.  770.  Il  est  bon  de  noter  que  les  scribes  de 
B  et  E  ont  lu  remis. 

1495  Sur  l'étymologie  de  hloi,  blond,   voj.  Diez  1,  V  biondo. 

1496  Les  messagiers  est  un  datif. 
1498     Conroi,  apprêts,  dispositions. 

1501  Eslanoi  ne  peut  être  pris  pour  un  adjectif  ;  il  faut  donc 

traduire  :  «  ce  n'eût  pas  été  de  la  réjouissance.  » 
Toutefois  l'emploi  adjectival  d'un  substantif  ne  serait 
pas  sans  exemple  ;  ainsi  l'adjectif  aise  est  emprunté 
au  substantif  aù^. 

1502  Duchoise  ;  ànche^se  Ae  Saxe,  voy.  v.  200;  Godefroit, 

le  seigneur  de  Gronterre  (Grodno)  en  Pologne,  voy.  v. 
136-7. 

1503  Sachois,    forme  concurrente  de  sachies,   amenée   ici , 

exceptionnellement,  par  la  rime  ;  de  même  v.  1520 
orrais  p.  orrés. 


NOTES.  173 

1510  Justamont  tué  par  Pépin  ;  cp.  Chanson  des  Saxons  , 
couplet  IV. 

1512  Bwfois^  p.  hufoi  ;  si  on  veut  en  faire  un  pluriel,  il  fau- 
dra corriger  grans. 

1516     Defois,  desfois,  défense,  voy.  Enf.  Og.  notes,  v.  6427. 

1518  Hnrupois  ou  Herupois  =  cil  de  Herupe  ;  voy.  sur  ce 
terme  géographique,  le  glossaire  de  M.  de  Reiffenberg 
à  la  suite  de  son  édition  de  Philippe  Mouskes. 

1520  Euwage,  lat.  aquaiicus,  a  les  Flamands  du  littoral  ». 
L'éd.  imprimée  porte  contrairement  à  la  mesure  et 
àuxmss.  :  Ft FIame7is,  Liégeois...  Cp.  Chanson  des 
Saxons,  couplet  CLXI  :  Et  Baviers  et  Lombarz  et 
Bourguignons  evage. 

1524  Tour  d'Argoise  ;  je  na.[  aucun  renseignement  sur  cette 
localité. 

1528  Mon  ms.  porte  :  Qui  voient  tout  à  unefi  la  serve  les  boise. 
Cette  leçon,  qui  est  aussi  (si  je  ne  me  trompe)  celle 
de  DE  ,  est  suspecte  pour  deux  raisons  :  d'abord  la 
forme  insolite^  P-J*?^,  puis  la  séparation  des  mots  une 
fi  par  la  césure.  J'ai  donc  corrigé  tout  à,  un  que  la... 

1530  Busclierie  (le  ms.  écrit  moins  bien  bucherié),  coupe  des 
bois  ;  dérivé  de  l'anc.  verbe  buscher.,  ligna  caedere.  — 
Nés,  même.  —  Boise,  bûche  (en  rouchi  boisse). 

1535     Coustume,  impôt  (conservé  dans  Tangl.  custom). 

1544    Laissier  convenir,  voy.  377. 

1552  Entre  li  et  sa  mère,  formule  connue,  =  elle  et  sa  mère  ; 
op.  2187,  2351,  2493,  2893  et  ma  note  Enf.  Og.  6971. 

1552  Paroïr,  entendre  jusqu'à  bout  ;  cp.  parlire  '2987,  par- 
dire  2702. 

1558     Pert,  deparoir. 

1500-62  La  proposition  appelée  par  tafii  vient,  avec  omis- 
sion de  que,  au  v.  1565.  — Tantfist. . .  seur  toutes  choses 
a  le  sens  «  elle  imposa  de  telle  sorte  toutes  les  choses  », 
mais  l'expression  n'est  pas  nette  :  on  s'attendrait  à 
tantfist  lever  (ou  asseoir)  seur  t.  ch. ,  car  il  n'est  guère 


174  BERTHE    ALS    GRANS    PlÉS. 

possible  de  lier  tant  fist  eslire  ;  ce  dernier  verbe  tient 
à  rincidente  :  «  qu'elle  put  y  faire  désigner.  »  —  Une 
correction  Aejist  parm^  (de  seoir)  =  assist  n'est  pas 
admissible. 

1564     Escrire,  inscrire  (sur  le  rôle  des  impositions). 

1570     «  Car  finalement  elle  en  tira  le  pire  parti  ». 

1577  Teche,  d'habitude  =  qualité,  s'impose  ici  comme  signi- 
fiant taxe  (bas-lat.  tasca).  Il  paraît  y  avoir  eu  confu- 
sion entre  les  deux  mots.  Ou  faut-il  traduire  teches  par 
habitudes,  coutumes  ? 

1585    Lisez  Qui  p.  Que. 

1589  Remanoir,  manquer  ;  le  synonyme  demorer  a  le  même 

sens,  cp.  Bueves,  3067. 

1590  Valoir,  être  agréé. 

1596     Loirier,  leurrer,  allécher  par  des  promesses. 

1598  Fardent  p.  perdent  est  une  orthographe  de  mon  ms. 
qui  se  présente  plusieurs  fois  ;  je  l'ai  généralement 
négligée,  puisqu'elle  n'est  pas  constante.  J'ai  de  même 
écTÏt percevoir  quand  mon  texte  donnait  parcevoir.  — 
Le  genre  masculin  de  mémoire  est  connu. 

1602  Recroire,  renoncer  à  la  tâche.  —  Jornée  ,  propr.  che- 
min parcouru  en  une  journée  (d'où  la  phrase  «  tant 
faire  par  ses  journées  »  3020),  puis  voyage  en  général  ; 
cp.  angl.  journey. 

1610     Mander,  demander  ou  faire  demander. 

1612     Truevient,  a  pour  sujet  le  roi  et  son  entourage. 

1614    Ireté,  ailleurs  hérité,  héritage. 

1625  Notre  grammaire  moderne  exigerait  nus  enfes  (nomi- 
natif), mais  voyez  ma  note  v.  1023. 

1627    Traïson,  ici  feinte,  dissimulation. 

1631     Mettez  une  virgule  après  confonde. 

1641     Le  sujet  de  lait  est  li  messages. 

1647  Construisez  :  «  Il  me  poise  de  lor  anui  »  ;  cp.  en  latin 
taedet  ou  mise)'et  me  alicujus  rei.  Cp.  1754  [il] 
lui  amie  de. 


NOTES.  175 

1649-50  Se  consirrer  de  =■  se  passer  de,  est  connu  (voy. 
Enf.  Ogier,  notes,  v.  3884),  mais  la  tournure  passive 
esire  consirré  d'une  chose  (en  être  privé)  m'est  nou- 
velle. 

1651     Passé,  arrêté,  décidé. 

1653  Voie^  voyage  ;  cp.  lat.  iter  {.-=  fr.  oirre),  chemin  et 
voyage. 

1663  Retraire,  dire,  alléguer. 

1664  Ici,  pour  la  rime,  paire  (vienne  au  jour)  ;  ailleurs  on 

trouve  l'orthographe  ^ere  (p.  e.  555). 

1671  «  Ouvrir  leur  armoire  »  ;  nous  dirions  «  l'arsenal  »  de 

leurs  ruses.  Le  mot  aumaire  suppose  pour  type  le  bas- 
lat.  almarium,  altéré  de  armarium  ;  de  là  aussi  l'ail. 
altuer. 

1672  Malices  est  un  nominatif  singulier,  comme  au  v.  159 

maint  grant  malice  un  nomin.  pluriel  ;  le  mot  est 
masculin  (cp.  286  et  Cléomadès  2500, 3456)  ;  voy.  ma 
note  Baudouin  de  Condé,  p.  428  (ad  v.  103)  et  mon 
Glossaire  de  Froissart. 

1679    Nage  (lat.  natica),  fesse. 

1681     Lisez  corage  p.  coraige. 

1684  Enragier,  perdre  le  sens  (l'acception  ancienne  est  moins 
forte  que  la  moderne)  ;  cp.  2169. 

1687  Malgré  sa  forme  plurielle  pasgues  est  traité  en  singu- 
lier. 

1694     Lisez  d'uit  p.  iiit. 

1699  Pa?'  un  si,  à  une  condition.  On  connaît  la  conjonction 
par  si  que,  à  la  condition  que  (Cléom.  1556),  de  façon 
que  (Jean  de  Condé  I,  p.  15,  v.  492)  ;  le  mot  si 
représente  non  pas  lat.  si,  mais  lat.  sic. 

1712    Beubancerie,  faste. 

1740    Jà  implique  ici,  comme  v.  1745,  l'idée  de  pourtant. 

1742  Vies  ;  tous  les  mss.  ont  ùel  qui  est  insoutenable  (voyez 

les  variantes,  v.  1084). 

1743  Mélancolie  n'a  pas  le  sens  qu'y  attache  l'usage  moderne, 

mais  celui  de  u  pensée  malheureuse,  funeste  ». 


176  BERTHE   AUS   GRANS   PIES. 

1751  La  leçon  hone  gent  de  B.  est  évidemment  préférable. 

1760  Se  garir,  ici  r=  se  cTievir^  tirer  sa  subsistance  ;  de  même 

1850. 

1771  Estrief,  étrier,  primitif  de  estrivière. 

1773  Mais,  plus  jamais,  cp.  3402. 

1780  Corrigez  sesis  (défiai  de  seoir)  au  lieu  dejesis. 

1782  Ce  que  =  que  (lat.  id  quod). 

1783  6fe?it  est  un  datif,  =  à  (par)  gent. 

1786  Compieng,  bourbier  (je  ne  connais  pas  l'étymologic  de 
ce  mot).  La  variante  puiel  est  une  forme  variée  du 
roncM  2Mtée^  dépôt  de  puits,  vase,  bourbe. 

1810  Estrepris  au  retour,  être  en  voie  ou  sur  le  point  de 
retourner. 

1812     Avoir  garde,  avoir  à  craindre. 

1830  Juïs,  fém.  juïse.,  a  pour  type  jiùdiclus  au  lieu  de  judaeus 
ou  judivus. 

1833  Pourquérre  est  un  synonyme  de  pourveoir  ,  tant  à  l'ac- 
tif et  au  réfléchi  qu'au  participe  passé. 

1846  Ce  vers  forme  une  parenthèse  de  l'incidente  «  que  nous 
traVe  avons  ». 

1843     Plates,  plaques,  lingots. 

1860    S'esciiscr,  se  tirer  d'affaire  (litt.  hors  cause). 

1871  Acciier,  faire  signe  pour  appeler ,  ital.  accennare  ;  sur 
rétymologie  du  mot,  voy.  Diez  Et.  Wôrt.  I,  v°  cenno. 
Le  mot  a  aussi  été  écrit  asener,  ainsi  Raoul  de  Cam- 
brai, p.  147  :  La  dame  l'a  à  son  gant  asené.  Par  une 
faute  inverse  nous  écrivons  forcené  '^.  for  séné. 

1874  M'esta  est  un  présent  :  «  il  me  va  mal  ».  On  sait  que  le 
verbe  ester  (lat.  stare),  qui  a  prêté  au  verbe  estre 
(lat,  esseré)  son  imparf.  indic.  et  ses  participes,  a 
formé  un  présent  ind.  tout-à-fait  irrégulier  :  1*''  pers. 
sg,  estais  {estais),  3*  pers,  sg.  esta  {estait),  3=  pers, 
pi.  estant. 

1877  Maintenant  U  est  pris,  cela  lui  a  pris  il  n'y  a  qu'un 
instant. 


NOTES.  477 

1893  Ms.  desloial  ;  en  mettant  desloiaiis,  j'ai  voulu  satisfaire 
à  la  grammaire. 

1906    La  roïne  est  un  génitif. 

1917    Atov'  Me/'i  =  être  bien  portant. 

1928    Fnte,  arbre,  pr.  plante  en  général. 

1941     Coiiseilliei',  dire  à  l'oreille,  chuchoter. 

1947  Lems.  àhairel  (sans  s,  qui,  d'ailleurs,  manque  souvent). 
Au  V.  450,  hasterel  ;  sur  la  formation  du  mot  ,  voy. 
mon  Dict.  sous  hâtereau. 

1949    More,  étoffe  noire. 

1954  Pour  l'amour  (aussi  sans  l'article,  1991)  est  une  for- 
mule consacrée  dont  le  sens  s'aplatit  en  celui  de  «  à 
cause  de  » . 

1957  La  répétition  du  que  après  une  incidente  est  un 
fait  fréquent. 

1964     Quanielé  =  crénelé  (leçon  de  E). 

1967  Estrée,  ital.  strada,  esp.  prov.  estrada,  chemin  pavé, 
grand'route  ;  du  lat.  strata  s.  e.  via. 

1969    Lisez  e» p.  et.  —  Dammartin-enGoële  est  bien  connu. 

1972    Lisez ^^^  p.  fis. 

1978  A  bo?ine  destinée,  locution  =  heureusement.  Dieu 
merci.  —  Haitié,  en  bonne  santé,  cp.  2005. 

1980    Destempré,  dérangé  ;  cp.  2006  desnaturé. 

1989     II  faudrait  correctement  (jrans. 

2029  Oi,  j'eus  (2271,  2501,  2838).  Le  même  mot  se  rencon- 
tre avec  la  P*  pers.  sing.  de  l'indic.  prés,  de  oïr 
(2169,  2491,2504,  2837). 

2022    Restorement,  dédommagement,  compensation. 

2040  Si  suivi  d'un  futur ,  après  une  proposition  négative, 
équivaut  à  jusqu'à  ce  que,  cp.  3037,  3046,  voy.  Enf. 
Ogier  624  (notes). 

2054  Maie  entente,  mauvaise  intelligence,  conduite  malhabile 

de  leur  machination. 

2055  Droite  vente,  paiement  dû,  mérité.  * 
2057     II  faudrait  correctement /i?M5. 

12 


178  BERTBE   AUS   GRANS   PIES. 

2060    Pour  la  locution  brasser  un  chaudeî,  comparez  Jean  de 
Condél,  p.  8,  v.  261. 

Qui  un  tel  caudiel  lui  atempre     • 
Dont  anuiera  (anui  ara  ?)  tart  ou  tempre 

,     et  ma  note  p.  383. 
2065     Pel  ;  il  faudrait  peaus,  mais  la  rime  fait  fi  de  la  gram- 
maire. 
2076     Par  revel,  par  plaisanterie,  pour  s'amuser. 
2069     Za  vielle  est  le  régime  direct  de  rapele. 

2073  Corrigez  quels.  —   Maissele,  lat.  maxilla  ,  mâchoire  , 

joue. 

2074  Mesel,  lépreux,  bas -latin  misellus  (dimin.  de  miser)  ; 

le  mot  est  resté  dans  Tangl.  measles,  rougeole  (sens 
spécialisé  ;  l'anc.  meazel  signifiait  lépreux). 

2075  Deut,  présent  de  doloir  (employé  impersonnellement  ; 

cp.  il  m'en  poise). 

2079  Favele,  lat.  fabella,  fable,  discours  vain,  conte,  bourde. 

Cp.  Chanson  des  Saxons  CCLIII  Vassax,  dit  Fiera- 
mor,  lai  ester  ta  favele  ;  ib.  XLI  :  n'i  font  longe  favele  ; 
Raoul  de  Cambrai  p.  48  :  Dame,  dist  il,  ci  a  longe 
favele  (Le  Glay,  songeant  sans  doute  kf avère,  traduit 
inexactement  par  flatterie,  mensonge,  illusion). 

2080  Querele,  au  sens  ancien  =•  affaire,  chose. 

2084    fS'escremir,  se  tenir  sur  la  défensive,   empêcher  tout 

accès. 
2086    Se  soufrir,  patienter. 
2088    Maleoit  gré.,  formule  prépositionnelle,  =  malgré,  litt. 

«  le  gré  (de  Tibert)  étant  maudit  ». 
2090     Oeiitil  n'est  pas  correct  ;  il  faudrait  gentis  ou  gentius. 

On  voit  que  notre  ms.  abonde  en  négligences  de  ce 

genre  (absence  de  flexion  nominativale). 

2100  Laissier  couveinr,  voy.  377. 

2101  La  serve  est  un  génitif.  —  Sel=^si  le  (le  lit).  —  Sentir, 

tâter. 


NOTES.  179 

2105    Le  faire,  se  porter.  Voy.    mon   Glossaire  de  Froissart 

sous/aeVe  4°. 
2117    Empirier.,  v.  a.,  nuire. 
2121     Desconfire,  sens  neutre,  être  anéanti. 
2132     Iqui^  ici  =  ital.  qui  ,  esp.  aqui  ;  ces  formes  découlent 

du  type  latin  ecm'hic,  tandis  que  ici,  ci  répondent  à 

ecce    hic.  A  côté  de  iqvÀ  ,  on  employait  aussi  les 
ormes  nasalisées  enqui,  anqui;  voy.Diez  Etym.  Wôrt. 

tome  I  v°  qui. 
2136    Notre  auteur  emploie  indifféremment  les  formes   rougir 

(2191)  et  rougier  (60)  ;  voy.  Enf.  Og.  2825. 
2139     Tapi  =  tapetum  ;  tapis  =  tapicium  ;   les  deux  formes 

étaient  en  cours. 
2160    Lisez  Uns  p.  Un. 
2166    Fschevi,  voy.  Enf.  Og.  1435. 
2181     Lisez  Ahi  t^.  Haï. 

2217  Fsclisie,  éclair  ;  les  patois  du  Nord  disent  encore  éclitre. 

Diez  propose  pour  étymologie,  le  nord,  glitra,  refléter 
la  lumière,  ou  l'angl.  glisier  ,  briller  ;  n'y  aurait-il 
pas  plutôt  connexité  avec  esclisse,  éclat  (de  bois) 
allongé,  et  parla  avec  Tall.  schlitzen,  fendre?  Cp. 
le  synonyme  espart  de  espartir  ,  diviser,  fendre 
(voy.  638). 

2218  A  liste,  à  bordures. 

2222  Te  à  la  fin  de  ce  vers  et  des  cinq  suivants,  est  la  forme 
enclitique  de  tu  ;  nous  l'avons  rencontré  ,  comme 
forme  enclitique  de  toi,  v.  2142  (tais  té)  ;  cp.  2333 
donnés  me,  —  Traïsis,  forme  inchoative  du  parf. 
défini  de  traïr,  au  lieu  de  traïs  ;  il  en  est  de  même  pour 
Timparf.  du  subj.  gehisist  (2209)  p.  gehist.  Cette 
forme  inchoative  est  exceptionnelle  au  défini  et  à 
l'imparf.  du  subj.  Voy.  sur  ce  phénomène  la  Gram- 
maire de  Diez  (2«  éd.)  II,  220. 

2226  «  Que  ne  sauves  tu  du  moins  ton  âme  par  un  franc  aveu 
de  ton  crime  ?  » 


180  BERTHE   AUS   GRANS  PIES. 

2227     tS^à  est  une  faute  de  ma  copie  ;  le  ms.  a  la  ;  traduisez  : 

«  la  trahison,   c'est  de  ton  propre  mouvement  que  tu 

las  entreprise  »  ;  mettez  donc  une  virgule  après  traï- 

son. 
2235     Offert,  sacrifié  ;  à  ïor  droit,  selon  leur  mérite. 
2238     Tert  (lat.  tergit),  de  terdre,  nettojer,  ici  balayer. 
2248     Aouverte  de  tous  Mens  est  une  expression  étrange  ;  le 

sens  est  ou   «  reconnue  posséder  toutes  les  vertus  », 

ou  «  prodigue  de  tous  biens  ». 
2255    Pois,  forme  forte  de  polce,  pouce  (lat.  pollicem).  —  Coi- 

gnier,  serrer. 
2261     Conoistre  ,  synonyme  de  gehir  ;  deux  lignes  plus  loin 

reconnoistre. 
2265    Pourveoir  une  chose,   1.  se  la  procurer,  2.  comme  ici , 

la  préparer.  , 

2290    Vint  il ,   tournure  impersonnelle  =  la   chose  vint  du 

vers  précédent. 
2300     De.,  à  suivi  de  Tinfîn.,   voy.  Enf.  Og.  notes  v.  9  ;  cp. 

2571  [de  vous  à  servir)  et  3181  {pour  lui  à  merciier), 
2309    Encroer,  pendre,  type  incrocare,  pendre  au  croc. 
2312     Veer,  1.  défendre,  2.  refuser,  enfin  3.,  comme  ici,  con- 
tester. 
2317     Gouverner,  entretenir,  prendre  à  sa  charge. 
2323     Ces  infinitifs  sont  des    régimes  directs  et  ont,  comme 

souvent,  une  valeur  passive. 
2332    Déporter,  ménager,  épargner  (litt.  mettre  hors,  lat.  ex- 

cipere).  Cp.  Cléomadès  6856. 

Que  mais  ne  le  déportera 
Qu'il  n'en  face  tout  son  plaisir. 

M.  Bormans  (p.  156)  suspecte  inutilement  l'exactitude 
de  cette  leçon  ;  traduisez  :  «  il  pense  qu'il  ne  lui  fera 
plus  la  grâce  de  ne  pas  en  faire  tout  son  plaisir.    » 

2339     6^«2>r  (guider),  conduire. 

2351     Plaisans  est  une  faute  du  ms.  p.  plaisant. 


NOTES.  181 

2353    Suer  est  grammaticalement  fautif  pour  serour  (accus.)  ; 

voy.  Enf.  Og.  8116  (notes). 
2358-9  Lisez  dolens,  dolente. 
2367     Lisez  palefrois. 

2390  Aquis  =  requis,  assailli. 

2391  Jour  assolu,  jour  saint  ;  cp.  jeudi  assolu  ;  Chanson  des 

Saxons  LXXXII  :  A  feste  saint  Jehan,  un  haut  jor 
assolu.  —  Au  V.  2424  le  mot  est  =  absous. 

2410  Ow,  forme  secondaire  de  oï;cL  senti  sentu,  tesii  vestu, 
etc.;  cp.  Enf.  Og.  4730. 

2412    Cheveil,  forme  mouillée  de  chevel. 

2421     Qui  a  pour  antécédent  JDiex. 

2478    Sevré  ou  dessevré {2i5l),  séparé,  parti. 

2485  N'en  ont  pas  trouvée,  ]p.  a  ne  l'ont  pas  trouvée»;  cet 

idiotisme  de  l'ancienne  langue  s'explique  par  le  carac- 
tère substantival  des  négatifs  2)as,  point,  mie,  rien. 
Nous  acceptons  bien  la  phrase  moderne  :  ils  n'ont 
pas  trouvé  de  Berthe  ;  le  pronom  en  est  tout  aussi 
logique.  Cp.  v.  2644  eles  lien  (=  ne  la)  virent  mie  ; 
Richars  li  biaus  3797  :  «  Che  castiel  là,  qui  le  con- 
noist  ?  »  Cascuns  a  dit  :  «  N'en  connais  mie  »  ;  Tristan  I, 
p.  50  Beau  mestre  ,  n'aipoint  de  m'espée.  On  trou- 
vera d'autres  exemples  de  ce  tour  dans  ntes  notes 
Baud.  de  Condé  p.  525,  v.  2385,  et  Jean  de  Condé  I, 
p.  196  (où  j'ai  remarqué  que  le  mot  mie  ou  son  équi- 
valent point  ou  rien  pouvait  faire  défaut)  ;  voyez 
encore  les  Observations  de  M.  Bormans  sur  le  texte 
de  Cléomadès,  p.  183. 

2486  MaUlie    (valeur    d'une  maille) ,  denrée    (valeur    d'un 

denier)  ;  mots  destinés  à  renforcer  la  négation. 

2487  J'ai   oublié  de  rappeler,  dès  la  première  apparition  du 

mot  voier  (1168),  que  la  valeur  de  ce  terme  ne  répon- 
dait pas  encore  à  ce  qu'il  exprime  aujourd'hui  ;  le 
viarius  (fr.  voier)  était  un  seigneur  féodal  qui  avait 
la  moyenne  ou  la  basse  justice.  Voy.  à  ce  sujet,  l'art. 


BERTHE   AUS   GRANS    PLES. 

viarim  de  Du  Cange  ;  mon  avis  est  que  viarius  est  un 
mot  fait  sous  l'influence  du  fr.  voier,  et  qu'en  réalité 
celui-ci  vient  de  vicarîus  et  n'est  qu'une  autre  forme 
de  viguier. 

2488    Reconté,  conté  à  son  tour. 

2505    Noi  ,  je  nie  ;  cp.  proi,  de  prier. 

2509  «  Que  je  ne  me  laisse  égarer  à  violer  le  vœu  que  j'ai 
prononcé.  » 

2515     Supprimez  le  premier  le. 

2518  Nous  dirions  à  celer  ou  en  celant. 

2519  Ses  bons,  ce  qui  lui  plaît,   ses  fantaisies  ;  ou  le  terme 

équivaudrait-il  ici  à  «  ses  affirmations  »  ? 
2529     II  faut  une  virgule  après  revindrent. 
2533     On  a  oublié  un  guillemet  devant  par. 

2537  Sarteur  n'est  ni   un  tailleur  ni  un  cordonnier,  comme 

on  a  pensé,  mais  un  essarteur  ou  défricheur  de  bois.  — 
Vilain  ahanant^  simple  laboureur. 

2538  Nés,  pas  même.  Le  poëte  sort  ici  de  sa  construction  , 

et  je  pense  que  le  passage  est  altéré  ;  je  voudrais  y 
trouver  :  N'a  teus  (tels),  et  puis  au  v.  suiv.  Na 
glyse..  ne  n'a  g.  tr.,  Cui  n'aions... 

2540    Lisez  convenant  (situation,  affaire,  circonstances). 

2555  Je  trouve  dans  mon  ms.  Angieus  ou  ^\\xiô\.  Angiens  ^ 
dans  BDE,  Angiers.  Letype  .4 «(f^^arww produit  régu- 
lièrement .4  ?yow,  comme  clavus  fait  clou  ,  Pictavum 
Poitou  ;  mais  d'où  faut-il  dériver  Angiens  et  Angiers  ? 
D'un  type  Andegani  l'un  ,  et  Andegarii  l'autre  ? 
Anjou  se  rapporte  à  Angers,  comme  Poitou  à  Poi- 
tiers ;  notre  auteur  emploie  lui-même  au  v.  suiv. 
(sauté  par  le  typographe,  voy.  la  note  suiv.)  la  forme 
Anjou  comme  nom  du  pays. 

2555  J'ai  eu  le  malheur  de  laisser  sauter  par  le  typographe 
tout  un  vers  de  ma  copie,  que  je  rétablis  ici  :  Par  la 
terre  d'Anjou  longuement  conversa  (séjourna). 

2583    Lisez  Et  tous. 


NOTES. 


183 


2589  Desconfi  p.  desconfit,  à  cause  de  la  rime.  A  vrai  dire, 
je  l'ai  trouvé  aussi  hors  rime,  ainsi  Bueves  1975; 
cela  s'accorderait  avec  l'infinitif  confir  ,  qui  se  voit 
aussi.  Cp.  sougi  p.  sougit,  Cléom.  1418. 

2591  L'expression  fermer  la  quintaine  (  fermer  =  fixer, 
dresser)  fait  voir  que  le  sens  primordial  de  quintaine 
était  non  pas  le  jeu,  mais  le  poteau  ou  la  construc- 
tion quelconque  qui  y  servait.  L'étymologie  de  quin- 
taine est  encore  toujours  à  l'état  de  problème. 

2598  Savez  est  un  impératif  ;  ce  mode  coïncide,  comme  on 
sait,  régulièrement  avec  le  prés,  de  l'ind.  ;  aieZy 
veuillez^  soyez,  sachiez,  qui  sont  tirés  du  subjonctif, 
sont  des  exceptions. 

2600    Corrigez  Dieu  p.  Diex. 

2617    Acneillir,  attaquer. 

2619  Poiirsivi  ;  le  composé  poursivre  a  deux  formes  de  par- 
ticipe passé  :  poursivi  et  poiirseil  (2396,  3062)  ;  ce 
dernier  sur  le  type  latin  secuiîis.  Je  n'ai  pas  remar- 
qué, dans  Adenés,  la  forme  seiè  pour  le  verbe  simple 
sivre  ;  la  confusion  avec  seii  de  savoir  l'a  fait  écarter  ; 
on  trouve  sivi  au  v.  2162. 

2627    Lisez  filles. 

2633    Ardue  ■=  archiée,  portée  d'arc, 

2644     Pour  uen,  voy.  v.  2485. 

2660  Ma  route,  non  pas  «  ma  route  (chemin),  mais  «  ma 
compagnie  ». 

2662  Rassemment,  indication,  renseignement,  de  rassener, 
remettre  sur  la  voie  =  ratoier  (2665). 

2667  Rouvelent,  rouge,  vermeil  ;  Phil.  Mouskes  24043  :  Et 
si  ot  couleur  rouvelente  Aussi  comme  la  flors  sor 
Tente  ;  Romans  d'Alixandre  p.  496,  6.  Paraît  être 
une  forme  diminutive  de  rouvert  (lat.  riibentem)  que 
l'on  trouve  dans  le  roman  d'Alixandre  p.  479, 18  :  qui 
la  chiere  a  rouvente. 

2683  Asserrai,  futur  d'asseoir,  ici  établir,  fixer,  assigner; 
pour  la  forme  voy.  Enf.  Og.  4932. 


184  BERTIIE   A  US   GRANS   PIÉS. 

2696     Converser,  aller  et  venir,  séjourner. 

2700  Se  reclamer  de,  ici  faire  mention. 

2701  S'acouter,  s'appuyer,  lat.  acculitare  (cp.  douter  de  duH- 

tare)  ;  auj.  accouder. 
2710     Qui,  si  on. 

2716  Maistres  le  roy,  maire  du  roi,  majordome. 

2717  Estrehieii  àex[({Xi.,  en  être  bien   vu,  honoré;  ail.   gui 

mit  einem  stehen.  Cette  locution  a  déjà  été  relevée 
par  moi  Baud.  de  Condé  p.  409  (v.  45),  et  depuis  par 
Tobler,  Mittheilungen  I,  262. 

2727  Ens  en  semble  peu  convenir  au  terme  crois  ;  passe  pour 
en  la  crois,  qui  se  présente  aussi  souvent  que  monter 
el  destrier^  mais  le  renforcement  ens  en  est  moins  jus- 
tifiable. 

2729     II  faut  une  virgule  à  la  fin  du  vers. 

2735     Tolère,  nominatif  de  toleur,  ravisseur. 

2741  Corrigez  s' ai  p.  fai. 

2742  Cp.  V.  137. 

2746    Par  vérité,  sérieusement. 

2756  Faire  force,  faire  cas,  tenir  compte,  insister.  Le  sub- 
jonctif ait  communique  au  relatif  que  la  valeur  de 
«  quodcunque.  » 

2778    Purté,  vérité. 

2790  Ici  encore  l'infinitif  passé  pour  l'infinitif  présent  ,  cp. 
169. 

2806  Trouver  en  mençonge,  convaincre  de  mensonge,  cp.  Cléo- 
madès  6811  ;  opposé  de  trouver  en  vérité  (Cléom. 
2163,  3699). 

2820  Desconnoissance,  action  de  se  descomioistre,  de  se  rendre 
descoimeio  (inconnu)  ;  déguisement. 

2826    Despuis,  litt.  =  de  ipso  postea. 

2828    Douté,  ici  simplement  «  respecté.  » 

2830    Fondé,  comme  souvent  =  «  instruit  ». 

2835  Mieux  vaut  écrire  en  un  seul  mot  fuiscedi  ;  le  sens  lit- 
téral «  depuis  ce  jour  »  s'étant  effacé  dans  l'usage. 


NOTES.  185 

840     La  liaison  de  ce  vers  avec  ce  qui  précède  est  un  peu 

lâche  ;  le  premier  ce  implique  l'idée   «   ce  pour  quoi 

elle  s'est  déclarée.  » 
2846    Mettez  une  virgule  après  Sire. 
2850    Reponre,  cacher  ;  aussi  sous  la  forme  adoucie  rebondre  ; 

partie,   passé  repuns   (d'où    repus,  fém.   repuse)  et 

repost  (lat.  repostus). 
2856    Dote,  forme  féminine,  arbitrairement  formée  pour  la 

rime,  de  doit,  doi. 
2861     Devers  serait  peut-être  mieux   écrit  de  vers  quand  il 

exprime  un  terminus  a  quo  et  que  le  de  conserve  sa 

valeur  naturelle  ;  on  le  distinguerait  ainsi  de  devers 

=  vers  (terminus  ad  quem),  où  de  n'est  qu'un  élément 

de  composition  sans  valeur  propre. 
2870    Poësti  p.  poëstif,  licence  de  rime. 
2877    Autrefois  ;  allusion  aux  vv.  2500  et  suiv. 
2890    Eschivement ,  mojen  de  s  esquiver  ;   les  mots  de  moi 

garder  constituent  une  redondance. 
2894    Corrigez  set  au  lieu  de  sot. 
2896     Oposer  qqn.,  lui  faire  des  objections,  attaquer  de  paroles  ; 

cp.  Cléomadès  6812. 
2912     H  m'est  pou  de,  je  ne  me  soucie  guère. 
2918    S'/iumelier,  s'incliner  (au  sens  propre),  cp.  3316. 

2920  Engingnié,  pr.  trompé,  ici  =  aveuglé  (sens  moral). 

2921  Quant  serait  mieux  remplacé  par  que  en  corrélation  avec 

le  si  qui  précède. 

2923     Paie,  satisfait  ;  plus  haut  apaié. 

2925    Pechié,  crime,  attentat. 

2930    Corrigez  parlés  p.  parlere's. 

2933  Mar  suivi  du  futur  équivaut  à  un  impératif  négatif  : 
«  n'en  doutez  point  ».  Cette  particularité  n'a  pas 
encore  été  relevée  que  je  sache. 

2937  Povreté sï^m^e  privation,  tourment  ;  de  là  son  emploi 
au  pluriel  (cp.  3238,  3252)  ;  nous  dirions  «  des  mi- 
sères. »  Il  est  digne  de  noter  qu'autant  les  modernes 


186  BERTHE   AUS   GRAINS   PIES. 

éviteraient  le  pluriel  de  pauvreté,  autant  les  anciens 
ie  faisaient  à  l'égard  de  misère. 

2939  Espoir,  peut-être. 

2940  Afaire^  situation,  état,  rang  ;  «  de  haut  afairc  «  se  voit 

souvent. 

2957  L'indicatif  o^wo;*^*  après  5i  WW5  ^n  n'a  rien  d'inaccou- 
tumé. 

2974    Le  pluriel  majestés  est  un  simple  effet  de  rime. 

2986  Reverser^  pr.  tourner  de  tous  côtés,  de  là  les  acceptions 
parcourir,  examiner  ;  dans  Raoul  de  Cambrai ,  p. 
147,  reverser  est  appliqué  à  la  visite  des  morts  sur  un 
champ  de  bataille  (l'éditeur  a  mal  compris  en  le  tradui- 
sant par  «  relever  »)  ;  Jean  de  Condé  I,  p,  333,  v.  955 
parle  du  métier  des  veneurs  «  des  bos  ciercier  et 
revierser  ».  Dans  Bueves  16  on  trouve  reverckier  au 
sens  de  faire  des  recherches,  fureter  ;  c'est,  au  fond, 
le  même  mot,  mais  tiré  d'un  type  reverticare. 

2957    De  Bertain^  en  ce  qui  concerne  Berte. 

2963  Conmander  à  Dieu  ou  à  Jhesu,  formule  constante  pour 

«  congédier.  » 

2964  Florime's,   litt.   séjour  des  fleurs.   «  On  ne   reconnaît 

plus  de  souvenirs  du  nom  de  Florimés  dans  le  voisi- 
nage de  la  ville  de  Mans.  Seulement  on  peut  conjec- 
turer que  Florimés  se  trouvait  sur  le  territoire  du 
village  de  Roezé  [Roziacnm,  jardin  de  roses).  A  l'ap- 
pui de  cette  conjecture  on  peut  remarquer  que  le 
ruisseau  le  Fessart ,  qui  semble  devoir  être  l'ancien 
Minclo  ,  coule  à  quelques  pas  du  clocher  de  Roezé.  » 
Note  communiquée  à  M.  Paulin  F'aris. 

2990     Qîie  =  car. 

3003     Trèsaler,  litt.  trans-ire,  fig.  s'évanouir. 

3006  Gerra.^  futur  de  gésir  ,  tiré  d'un  inûniixî gcrre  (qui  se 
rapporte  à  gésir  ,  comme  taire  à  taisir,  îoire  à  loisir, 
etc.). 

3008    Penser  à,  ici  comme  souvent,  douter  de. 


NOTES.  187 

3012     Mouvoir,  se  mettre  en  route  ;  cp.  3031. 

3020  Esploitier  ,  au  sens  absolu,  comme  au  réfléchi  ,  rend 
l'idée  «  accomplir  sa  tâche  ,  faire  sa  besogne.  »  Voy. 
sur  les  diverses  applications  de  ce  mot,  mon  Glossaire 
de  Froissart. 

3032     Geii,  part,  de  gésir,  coucher,  prendre  gîte. 

3038  Le  ms.  porte  seil  ;  mais,  évidemment,  il  faut  rempla- 
cer ce  mot  par  veii,  qu'ont  les  autres  manuscrits. 

3042  Destolu,  écarté  ;  Chanson  des  Saxons  LXXXII  Berart 

firent  baignieren  un  leu  destolu. 

3043  Mettez  un  guillemet  devant  est. 
3056    Corrigez  vraiement  p.  vraiment. 

3064  Voj.  sur  ce  tour  (cp.  3357),  ma  note  Enf.  Og.  6154  ;  il 
est  signalé  aussi  dans  la  grammaire  de  Diez  III,  171. 

3067    A  privée  maisnie,  avec  une  suite  de  quelques  familiers, 

3004    Rassener,  actif,  faire  revenir. 

3103     Lisez  Jst  p. /s. 

3111  Lisez,  selon  l'exigence  de  la  mesure  et  de  la  grammaire 
graciie,  cp.  1481  netiie,  3178  moniepliier,  3179  gra- 
ciier  ;  voy.  d'ailleurs  la  note  1482. 

3114  Ven  ,  l'on  ;  je  ne  me  rappelle  pas  avoir  rencontré  cette 
forme  picarde  de  Ton  dans  quelque  autre  passage  de 
notre  poëte. 

3140     Revesti  de  joie  est  une  heureuse  expression. 

3147     Lisez  dit  p.  dist. 

3164     Plaidier,  faire  de  longs  discours. 

3168  Sur  les  parents  de  Roland  ,  Gille  et  Milon  d'Aiglant, 
VOJ.  Gautier,  Épopées  françaises  II,  57  et  suiv.  ;  cp. 
V.  3472. 

3173     Lisez  à  p.  a. 

3177  Je  n'ai  pas  écrit  la  colée,  comme  font  quelques  éditeurs, 
parce  que  le  terme  savant  accolade  parle  en  faveur 
Racolée  ;  cependant  je  n'insiste  pas,  le  mot  ro/ce  ajant 
une  existence  constatée  par  des  centaines  d'exemples 
où  il  ne  peut  être  question  d'une  fausse  lecture  la 


188  liERTHE    AUS   GRANS    PIÉS. 

colée  p.  Vacolée ,  comme  la  jornée  p.  Vajorme  (je  ne 
citerai  que  notre  auteur,  Bue ves  887,  tele  colée).  Ce 
que  je  tiens  beaucoup  plus  à  redresser,  c'est  l'erreur 
de  ceux  qui  font  dériver  colée  de  col  (orthographe 
variée  de  colp),  coup ,  au  lieu  de  col,  cou  ;  c'est  pr. 
,   un  coup  sur  le  col,  cp.  le  terme  jouée,  soufflet. 

3192  Joie  de  desirrier  ,  joie  désirable  ?  ou  joie  provoquée  par 
l'accomplissement  d'un  long  désir ,  par  une  longue 
privation  ? 

3196    Penne,  fourrure. 

3209  Ms.  biens.  Le  scribe  s'est  abandonné  ici,  indûment,  à 
l'usage  ,  souvent  constaté  ,  de  munir  l'adverbe  de  la 
même  flexion  que  le  substantif  qu'il  détermine  et 
précède  ;  cp.  3233  drois  (juste)  neuf  ans  et  demi, 
Richars  li  biaus  3542  Li  mains  (lat.  mane)  levers  pas 
ne  li  griève. 

3237    Nés,  ne  les. 

3263  Tous  li  sains  est  une  erreur  de  ma  copie  que  j'ai  laissée 
passer  ;  le  ms.  porte,  conformément  à  la  grammaire, 
tout  li  saint.  —  Le  mot  saiîit  est  une  fausse  ortho- 
graphe (due  sans  doute  à  une  confusion  avec  saint 
=  sanctus)  pour  saine  ou  sain,  qui  représente  le  lat. 
signum,  signal,  au  moyen  âge  =  cloche.  De  là  toque- 
sain,  d'où  tocsin.  ' 

3266    Fiertre,  lat.  feretrum,  châsse. 

3269    Corrigez  chevalier  (sans  s). 

3297  Adrecier  paraît  avoir  ici  le  sens  neutre  d'arriver,  se 
produire. 

3310    Estre  sire,  fig.  être  privilégié,  heureux. 

3319  Ploite,  forme  féminine  de  ploit  ;  quant  à  ce  dernier, 
c'est  le  subst.  verbal  de  ploitier,  lequel  répond  à  un 
type  plicitare,  fréquentatif  de  plicare.  Entre  ploi  (pli) 
et  j?ZoîY  il  y  a  équivalence,  mais  différence  d'origine 
immédiate.  —  Fstrc  en  la  droite  ploite,  litt.  être  dans 
le  bon  pli,  fig.  être  en  bon  chemin. 


NOTES.  489 

3326    Retoite,  voy.  v.  770. 

3326  Destroit  est  ici,  comme  notre  mot  misérable  ,  un  simple 
terme  d'ijijure. 

3337  Chauf,  forme  masculine  abandonnée  sans  raison  par  les 

modernes,  comme  ils  l'ont  fait  pour  roit  (roide)  et 
aver  (avare).  ^ 

3338  Rendu  ,  moine  ,   particulièrement  frère   lai  ;   le  terme 

vient  de  la  formule  se  rendre  moine  (v.  42).  Voy.  Du 
Cange  \°  redditus.  / 

3368  La  forme  ceaus  alterne  dans  le  ms.  avec  cens  ;  cepen- 
dant je  n'y  ai  jamais  remarqué  eus  (illos)  p.  aus. 

3390    Arréer,  ici  =  adouher  (3378). 

3395    Pert,  de  paroir,  venir  au  jour. 

3398    Rere,  lat.  radere. 

3400    Lisez,  d'après  le  ms.,  avère.,  et  voy.  note  134. 

3406    Mettez  une  virgule  aprôs  Diex. 

3419    Lisez  Rois  p.  Roi. 

3439  Sur  cette  reine  Constance,  voy.  Enf.  Og.  p.  320.  Le 
scribe  du  ms.  B  omet  les  sept  vers  3435-41,  relatifs  à 
la  naissance  de  la  reine  Constance  de  Hongrie.  Par 
contre  il  interpole  deux  vers  à  la  suite  de  3474  (voy. 
les  Var.),  où  il  fait  de  Constance  le  deuxième  enfant 
né  de  Bertbe  et  de  Pépin.  La  leçon  de  B  est  inac- 
ceptable, car  elle  est  en  désaccord  avec  les  Enf.  Ogier, 
où  Constance  est  plusieurs  fois  mentionnée  comme  la 
tante  de  Charlemagne  (vv.  67,  8040,  8042). 

3441  Ce  vers  confirme  la  supposition  générale  que  le   poëme 

de  Berte  a  été  composé  postérieurement  à  celui  des 
Enfances  Ogier,  où  la  guerre  des  Danois  contre  Con- 
stance se  trouve  traitée. 

3442  Lisez,  d'après  le  ms.,  ert  ;  la  forme  diphthonguée  iert 

est,  dans  notre  ms.,  régulièrement  réservée  au  futur. 
3449    Je  ne  sais  si  une  abbaye  du  nom  de  Val-Berte  a  jamais 

existé. 
3463     Lisez  sa  dame. 


190  6ERTHE   ALS   GRANS    PIES. 

3464  Ces  deux  bâtards  jouent  un  rôle  important  dans  Ja 
légende  des  Enfances  de  Charlemagne,  voy.  l'Histoire 
poétique  de  Charlemagne  par  G.  Paris,  et  les  Epopées 
françaises  par  Léon  Gautier. 

3469  Ce  sujet  li  premiers  des  cnfans  est  en  désaccord  avec  le 
verbe  orent  il  qui  suit  ;  des  anacoluthes  de  ce  genre 
ne  sont  pas  rares  chez  les  trouvères. 

3471-73    Cp.  V.  3168. 

3480    Lisez  desrompu. 

3482  Après  ce  vers  l'écrivain  du  ms.  B  fait  encore  mention 
d'un  second  Charles  issu  de  Pépin  et  de  Berthe  ;  il 
s'agit  de  Carloman  ,  frère  puîné  du  grand  empereur, 
dont  la  légende  dit  qu'il  fut  faible  d'entendement  , 
qu'il  passa  douze  ans  chez  son  grand-père  en  Hongrie, 
mais  que  «  petit  amenda  »  (Girard  d'Amiens  ,  Char- 
lemagne, cité  par  L.  Gautier  II,  32). 


ynivorJtaa  «ai^ 


TABLE. 


Page». 

Préface ^' 

Texte  du  poëme 1 

Variantes •  ^29 

Notes,  rectifications  et  errata  ....,.•  H^ 


La  Bibliothèque 

Université  d'Ottawa 

Echéance 


The  Librory 

University  of  Ottawa 

Date  due 


CE 


a39003     0020781776 


CE    PQ        1431 

•B2     1874 

COO        BERTHE     AUX    C> 

ACC*     1386534 


LI     POUMANS