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UNINERSITY OF
TORONTO PRESS
c^
lOliCr T
É L É M E N s
DE L'HISTOIRE
DE FRANCE,
Depuis Clovjs jusqu'à Louis XV.
Par m. l'abbé MILLOT,
de rAcadéiuie Françoise.
Nouvelle édition continuée j'usqu'à
la mort de Louis XVI , par
Marie- Auguste Amar du Rivier.
TOME TROISIÈME.
A PARIS.
An XI, i8oi;
\bo\
•' -5
ÉLÉ M E N s
DE UHISTOIRE
DE FRANCE.
FRANÇOIS IL
JL/ANS la courte durée cîe ce règne , 7" i-mii
fut de dix-sept mois, on vit éclore les se- 1559.
mences des guerres de religion , le plus ter- ^gf ^' g^er-
rible fléau qu'ait éprouvé le royaume. L'am- rçs de reii-
bition des grands arma le fanatisme des peu-
ples. Il en résulta des maux infinis , dont la
mémoire doit inspirer une vive horreur pour
cet esprit de cabale, que le faux zèle change
quelquefois en frénésie. Un roi de seize ans, Xj-aisfac-
infirme , incapable de gouverner, montoittio"^ à la
sur le trône dans un temps où trois factions '
puissantes divisoient la cour; celles des
princes du 'sang, Antoine de Bourbon , roi
de Navarre , et son frère Louis I , prince
3e Condé, Tun et l'autre indignés depuis
long-temps de n'être pour rien dans les af-
faires ; celle des Guises , à qui la qualité
d'oncles du roi (la reine Marie Stuart étant
leur nièce ) devoit donner plus de crédit
Tome III. A
€ François IL
<iu'i\s n'en avoient eu sous le dernier règne :
enfin celle des Montmorencis , dont le chef,
par ses longs services et par sa dignité de
connétable , se croyoit en droit de préten-
dre à tout.
Catherine La reine mère, Catherine de Médicis,
fie e ^cis.p^j^^ç^^^ ^»^^ génie souple et artificieux,
d'une politique digne de Machiavel ; telle-
ment maîtresse de ses sens , qu'elle avoir eu
tous les dehors de l'amitié à l'égard de la
duchesse de Valentinois sa rivale , balança
d'abord entre ces différens partis. Elle se
déclara bientôt pour les Guises , qu'elle haïs-
soit , mais dont elle crut avoir besoin. Fran-
çois II avoir mis à la tête du gouvernement
le duc de Guise et le cardinal de Lorraine.
- Le connétable de Montmorenci fut disgra-
cié , et le roi de Navarre adroitement éloigné
de la cour.
Les pro- Si d'une part , il étoit impossible de con-
î)osés à la cilier tant d mterets opposes ; de 1 autre ,
révolte. ^^ offensant des hommes illustres , on s'atti-
roit de redoutables ennemis. Le prince d«
Condé , aussi vif, aussi entreprenant que
son frère étoit flegmatique et irrésolu , ne
tarda point à comploter avec Coligni et
d'Andelot , neveux du connétable , parti-
sans déclarés du calvinisme. C'est à Coligni
qu'on attribue le projet de soulever les pro-
testans. Tout les portoit à la révolte. Les
exécutions ne discontinuoient point. Un in-
François IL 7
quisiteur exerçoit encore rautoritë du tri-
bunal sanguinaire que la nation détestoit.
Anne du Bourg , conseiller-clerc au parle- Supplkè
ment de Paris, magistrat distingué par sa '^'^JrT'**
naissance , ses mœurs et son intégrité , ve-
noit dctre pendu et brûlé à la grève comme
hérétique. Sa mort avoit paru un martyre.
L'enthousiasme et le désespoir échauffoient
violemment les esprits. L'expérience prouva
bientôt que les Guises , en affectant pour la
religion un zèle trop rigide , n'avoient bien
entendu ni leur intérêt , ni celui de la reli-
gion même,
La fameuse conjuration d'Amboise fut le
premier fruit de la hame qu ils inspiroient. ^^^"^'
Vt II rk' • 1- '1 Conjura-
Un gentilhomme Fengourdin, nomme lationd'Am*
Renaudie, en étoit le chef; le prince de °^*^'
Condé , sans paroître , en étoit l'âme. Plu-
sieurs corps de protestans , conduits par de
braves capitaines , dévoient se rendre de
différentes provinces à Amboise où étoit la
cour , enlever le roi et les Guises , arracher
un édit pour la liberté de conscience , et
faire passer entre les mains du prince de
Condé toute l'autorité du ministère. Le se-
cret de la conspiration fut heureusement
trahi par un avocat , nommé Avenelles , à
qui la Renaudie eut l'imprudence de le con-
fier. Aussitôt le duc de Guise est fait lieu-
tenant général du royaume. Il prend des
mesures admirables pour laisser éclater le
Al
s François II.
complot et pour en prévenir l'éxecution. Au
jour marqué, les rebelles arrivent par di-
verses routes. Ils étoient attendus ; ils fu-
rent défaits. Plusieurs avec la Renaudie pé-
rirent les armes à la main. Ceux qu'on saisît
n'échappèrent qu'en petit nombre aux sup-
plices. Amboise devint une espèce de bou-
cherie.
La càMv Le prince de Condé étoit venu à lâ cour
nalemcTit 3*^^^"^^^ ^'^^"^^^ de la conjuration. Arrêté sur
des soupçons vagues , sans pouvoir être
convaincu , il se justifia en plein conseil
avec beaucoup d'éloquence , et finit par dé-
clarer que, malgré son titre de prince du
sang , il défioit au combat quiconque ose-
roit l'accuser. Le duc de Guise , que ce défi
regardoit , se posséda parfaitement ; il sou-
tint l'innocence du prince , il lui offrit même
son épée si la preuve du duel étoit admise.
On lui rendit la liberté, on écrivit au
roi de Navarre et à l'amiral de Coligni des
. lettres pleines de confiance , quoique l'on
se défiât d'eux autant que du prince; on
commença même à modérer les édits contre
les calvinistes : il fut ordonné qu'on puni-
roit seulement ceux qui seroient convaincus
de violence et de sédition. Rien n'étoit plus
juste ; et la politique s'accordoit en cela avec
l'esprit du christianisme.
Michel de Michel de l'Hôpital , que son mérite ve-
«K«Uer noit d'élever à la dignité de chancelier, avoit
François IT. 9
des principes fort difFérens de ceux du car-
dinal de Lorraine et de presque tout le clergé.
Ce cardinal vouloit exterminer les novateurs,
et établir la tyrannie de l'inquisition. C'eût
été mettre le teu au royaume. Pour éviter
un tel malheur , le chancelier consentit à in-
terdire aux parlemens , par l'édit de Romo-
rantin , la connoissance du crime d'hérésie ,
et à l'attribuer aux éveques ,* édit qui , selon
les vues du cardinal , devoit rendre ks re*
cherches contre les hérétiques plus exactes
et plus rigoureuses.
Cette rigueur m(?me leur inspiroit des sen- l-essuppii-
timens de révolte. Ln Uauphme , en rro- tent les
vence , en Normandie , ils excitèrent des ^^^^^"^"^*
séditions. « C'est ainsi , dit Daniel, qu'un
» feu caché sous la cendre produisit tout-à-
» coup un incendie par tout le royaume ,
» et que ceux des catholiques qui avoient
» sou ver t blâmé la rigueur êts édits de
» François 1 et de Henri II , apprirent par
» une funeste expérience qu'on ne peut
» prendre trop de précautions contre les
» nouveautés en matière de religion , et
qu'indépendamment du zèle que tout ca-
» tholique doit avoir pour la vraie foi , il
» suffit d'aimer Tétat pour ne rien négliger
>» de ce qui peut^contribuer à les étouffer
» dans leur naissance ». Il est sans doute
essentiel d'étouffer dans leur naissance ks
pestes publiques. Mais fliistorien pouvoit »
A3
'lo François ÎL
observer que les supplices avoient produituh
effet contraire ; qu'ils avoient allumé le feu ,.
bien loin de FéteirRlre , que plus il faut ré-
primer les perturbateurs de l'état , plus on
doit avoir de compassion pour des malheu-
reux qui n'ont d'autre crime que l'erreur. Le
zèle de la religion est-il donc contraire à l'hu-
manité ? Est-ce par les fiamimew que Ton dé-
trompe les esprits ? Falloit41 brûler des mil-
liers de citoyens, uniquement parce qu'ils
ne pensoient pas comme l'église l Et que
pouvoit-il y avoir de plus dangereux dans,,
les circonstances , que d'envenimer la haine
et d'exciter le fanatisme des sectaires multi-
pliés de toutes parts?: La bonne politique^
comme le vrai zèle , devait opposer d^s.
barrières aux progrès du calvinisme , sans
fournir aux calvinistes des prétextes de ré-
volte.
Traité Elisabeth , par une conduite également
aveclar*!- - i / • • i •
ne d'AiN lermeetprudente^reussissoitbeaucoupmieu»
sieteire. ^ maintenir son autorité et sa nouvelle reli-
gion. Elle soutenoit les protestons fanatiques
d'Ecosse , révoltés contre Marie Stuart qui
vouloit lui disputer la couronne d'Angle--
terre. Les Guises avoient envoyé des trou-
pes françaises en Ecosse, sous prétexte de
défendre les catholiques ^ et réellement pour
former des entreprises contre Elisabeth.. Mais,
elle força la cour à faire un traité , par lequel
Mai'ie s'ohhgeoit à ne plus, porter dans soa
François IT. rt
isson les armes d'Angleterre , et le roi à
peler ses troupes.
On tint une grande assemblée à Fontai- Assemblée
Jjjeau , selon l'ancienne coutume, afin de „ebieTu.^^'
chercher des remèdes aux divisions intesti- j/s'^pi-^Jfgs^
nés. C'est là que Coligni présenta une re- tans.
quête, au nom des protestans, pour obtenir
. hberté de conscience et Texfrcice public
vx leur religion. L'éveque de Valence , Jean Deux évê-
y ^ t % un/ • • ^nes pour
de Montluc y conseiller d état, ne craignoitia toiéiau-
point de parler en leur faveur. Il attribua en ^^*
partie les maux publics à l'ignorance et aux
désordres du clergé , n'épargnant ni le pape,
ni les évéques , dont quarante , disoit-il ,
avoient été vus en même temps à Paris ,
où ils croupissoient dans la mollesse et dans
l'oubli de leurs devoirs.. Il représenta que r'
hs rebelles parmi les calvinistes cFevoientctre
sévèrement punis ; mais que ceux qui étoient
de bonne foi, et qui le prouvoient par leur
soumission et leur patience , méritoient d'c-
tre tolérés. Il conclut à ks laisser traiiquilles
dans leur croyance , et à empêcher scuîe-
Jncnt les assemblces dangereuses. L'archevê*
que de Vienne^ Charles de Marillac tut du
^me avis, et l'appuya par de très-fortes.
I a. sons.
Coligni harangnaavec plus de véhémence; piainrer
ne ménagea point les Guises , auxqnels il^^^^^'S'iw
prochoit surtout de détruire la confiance
.«.s peuples er. -t 3 le souverain , par la nom-
A4
32 François IL
breuse garde qu'ils mettoient autour de iH
personne. ( Depuis la conjuration d'Am-
boise, on avoit augmenté de deux cents
hommes la garde du roi. ) II demanda que
^ garde fût supprimée , qu'on assemblât les
états-généraux , et qu'oîi travaillât à l'extir-
pation des erreurs. Le duc de Guise et le
cardinal son frère parlèrent, selon leurs
principes , en maîtres du gouvernement. Le
résultat de cette assemblée fut la convocation
des états-généraux.
Sécurité L^^ Guises espéroient d'y attirer le roi
aveugle Je Navarre et le prince de Condé, que la
crainte de quelque violence avoit empêché
de venir à l'assemblée. Le dernier s'étoit dé-
claré ouvertement calviniste ; il étoit auteur
d'une nouvelle conspiration , découverte
^ comme celle d'Amboise. Le roi de Navarre ,
quoique toujours flottant, neparoissoit guère
moins suspect ni moins redoutable. Fran-
çois II ks manda à Orléans pour les états ,
leur promettant sûreté entière. Ils se la pro-
mettoient eux-mêmes. Sept ou huit cents
gentilshommc". offrant leurs services au roi
de Navarre , ce prince les remercia , et
ajouta qu'il demanderoit leur grâce si l'on
vouloit procéder contre eux. Notre grâce ,
Monseigneur , lui dit un des gentilshom-
mes ! vous serei bien heureux si vous ob^
tenei la vôtre en la demandant avec beaur
coup d'humilité.
François IL i3
A peine les deux frères sont arrivés à Or- Procès de
icdiis , que le prince de Condé est mis en ^'^ ^*
prison , et le roi de Navarre , gardé à vue.
On nomme des commissaires pour instruire
le procès du prince. Il refuse de leur répon-
dre ; il demande à ctre jugé , selon le privi-
lège de sa naissance, par la cour des pairs.
On ne laisse pas de dresser Tarrét de mort.
Cet arrêt ne fut point signé , selon de Thou;
d'autres disent qu'excepté le chancelier , le
comte de Sancerre et un autre tous le
signèrent. On se préparoit sans doute à Texé-
cuter. Les Guises devenus plus audacieux
depuis qu'ils tenoient leurs ennemis , se cro-
yoient sûrs d'un triomphe complet , lorsque
le roi mourut lout-à-coup âgé de dix-sept Mortdur(«|
ans. Quelques-uns Tappeloient , à cause de
l'innocence de ses mœurs , U roi sans vice ;
titre plus glorieux que tout autre , dit judi-
cieusement Mézerai , quand il a pour fonde-
ment , non pas l'imbécillité de l'esprit, mais
la sagesse et la vertu.
Dans un ouvrage publié sous le nom de Les Guises
Jeanne d'Albret reine de Navarre , on assure d>?crimt
que les Guises avoient formé contre le roi *^'«"^*
son époux un complot d'assassinat , d'autant
plus affreux qu'il devoit s'exécuter dans la
chambre de François II, et de concert avec
lui. Sur l'avis qu'en reçut le roi de Navaire,
il dit au capitaine Ranty,q^'illeurve^^rQ/^
■ A, '
14 WSLAWÇOIS II.
sa peau bien cher ; mais qu*en cas de mort,,
il lui ordonnoit de porter sa chemise toute
sanglante à sa femme et à son fils , pour les
animer à la vengeance. Il entra ensuite dans
la chambre du roi , qui , soit par humanité-
ou par foiblesse , changea tout-à-coup de.
rësolution. O le pauvre roi que nous ayons-
là /dit le duc de Guise en voyant le coup
manqué. Ce fait, supprimé par Daniel , se^
trouve dans l'histoire de l'illustre président'
de Thou ; mais il ne le donne pas comme' ^
certain et indubitable. Le P. GrifFet y op-
pose des raisons que je voudrois trouver plus^
convaincantes. C'étoit malheureusement le
siècle àts crimes atroces , toujours colorés;
par àQS prétextes de religion ou de politique^
De^potis- Au commencement de ce règne , la cour
5ina"dr" étant à Fontainebleau où les affaires parti-
Lorraine, culières attiroient une infinité de personnes^,
le cardinal de Lorraine, pour se délivrer
des importuns , fit publier à son de trompe-
un édit, portant ordre à toutes personnes^
venues en cour pour solliciter , d'en sortir
dans vingt-quatre heures , sous peine d'être
pendu. Il y avoit une potence dressée tout
exprèa. Quelle tyrannie ! Faut-il s'étonner
de la haine qu'on portoit aux Guises 'ï.
C H ARLES IX.
JLiA mort du dernier roi augmenta la cBa-=tr=r»
leur des factions. Charles son frère et son îç^Oi
» • 1- T Politique
successeur n avoit encore que dix ans. La ^^ cathe.*
reine mère vouloit gouverner. Sa politique "{^^j^j^
ijlroite raénageoit tous les partis , pour ss
servir des uns contre les autres. Elle n'eut
garde d'abandonner le prince de Condé à.
la vengeance ambitieuse des Guises. Elk se
réconcilia avec lui et avec le roi de Navarre j^
çn tirant le premier de sa prison , et en procu-
rant à l'autre la lieutenance générale du royau-
me. Ces princes et les Guises parurent déposer
entre ses mains leur inimitié mutuelle. Plu?
ennemis que jamais au fond du cœur, ils agi-
rent ensemble avec tous les dehors de la bien-
veilbnce. Le connétable de Montmorenci Traîtliar-
^t rappelé. En arrivant à Orléans , il de- nétabie!**"
manda ce que faisoient là tant de gardes , et
si le roi n'étoit pas en sûreté au milieu de ses
sujets ? Sans autre éclaircissement , il or-
donna aux gardes de se retirer , et fut obéu.
On voit ce que pouvoit un connétable..
Les états se tinrent dans cette ville , pour ^ Etats
ne produire aucun bien réel. Quoique le *^'^'^^^^^***
chancelier de l'Hôpital , qui en fit l'ouver-
ture, eût blâmé le zèle violent des religion-
iiàires et des catlioHques; quoique] eût désap-
prouvé les noms injurieux de Papistes at de
A6
ï6 Charles IX.
Huguenots (i), et exhorté tout le monJe
à se réunir pour le bien commun ; on s'oc-
cupa foiblement des intérêts du royaume. La
noblesse et le tiers-état déclamèrent contre
le clergé; l'orateur du clergé invectiva con-
tre les calvinistes , et demanda même que
quiconque auroit présenté ou présenteroit
des requêtes pour leur obtenir l'exercice de
leur religion , fût puni comme hérétique. Ce
trait portoit directement sur l'amiral de Co-
ligni, qui se fit faire réparation de l'injure.
Les violences pour cause de religion furent
défendues , sous peine de mort ; mais la dé-
Mauvais fense ne produisit rien. Il étoit essentiel de
«anccs.^ rétablir les finances. Les dettes raontoient à
quarante-deux millions, quoique Henri If
eût trouvé dix-sept cents mille écus dans l'é-
pargne. On proposa de faire rendre compte
à ceux qui avoient administré les revenus du
roi. C'étoit en particulier le cardinal de
Lorraine ; aussi la demande tomba-t-elle
sans effet,
Ordon- Tout le fruit des états d'Orléans se ré-
J^p^g'jJJg. duisit à une célèbre ordonnance, par la-
tique. quelle l'administration de la justice fiit en-
tièrement réservée aux gens de robe , et la
(i) Il est vraisemblable que le nom de Hugue^
nots , qu'on donnoit en France aux réformés ,
vient d'un mot Allemand qui signifie alliés par ser-^
menu
Charles IX. 17
pragmatique rétablie par rapport aux élec-
tions ; car Pie IV ( chose étonnante ) avoit
fait annullerle concordat comme trop avan-
:eux aux roi , afin de s'emparer de la col-
ion des bénéfices. Mais la cour de Rome,
privée des annates, ne tarda point à rede-
mander le concordat , qui fut rétabli en
1662. Les états réglèrent que Catherine
de Médicis gouverneroit le royaume con-
jointement et par le conseil du roi de
Navarre, Elle n'eut pas le titre de régente, .
Quelqu habile que fût Catherine , il lui ^^^f ^^Jf*
etoit impossible de manier tellement les tenu à la
cœurs , que le choc_ de tant de passions et
d'intérêts inconciliables ne produisît bientôt
de funestes changemens. Le roi de Navarre
déjà mécontent se préparoit à quitter la
cour, et le connétable devoit le suivre.
Leur retraite eût augmenté la puissance des
Guises. Le roi, que sa mère faisoit parler et
agir comme elle vouloir , ordonna au conné-
table de demeurer. Ce vieux guerrier céda
malgré les sollicitations de ses neveux. Ilhaïs'
soit les nouveautés en matière de religion au-
tant que les Coligni les favorisoient. C'est ce
qui le détermina peut-être à s'unir enfin au duc
de Guise , contre le vœu de sa maison et
contre le penchant de son cœur. Son chan-
gement retint le roi de Navarre. Proi« de
r^ t ■ 11- • • • 1 • s conreren-
i^elui-ci solhcitoit toujours la reme mère ces avec
en faveur des protestans, qu'il protégeoit , i^^''^^^**
îS^ Charles IX.
soit par politique, soit par bonté , ou par
préjugé y sans être ouvertt.^ment de leur parti.
Catherine avoit grande envie de les satisfaire^
quoique toujours déclarée pour les catholi-
ques. Elle proposa le dangereux expédient
d'une conférence publique entre les uns et.
les autres. Rien ne paroissoit plus contraire
aux intérêts de l'église Romaine dont on
alloit compromettre la doctrine , ni plus con-
forme aux désirs de ses adversaires, qui
se trouveroient en quelque sorte de niveau
avec leurs juges.. Mais la vanité du cardia
nal de Lorraine fît adopter ce projet, mal»
gré le cardinal de Tournon. Il se flatta de
briller dans la dispute, et de confondre ks^
plus fameux ministres de la réforme.
L. Ces conférences j si connues sous le nom
1561. de colloque de Poissi , ne servirent, com-
«laPoîssr ^^ ^" pouvoit le prévoir , qu'à rendre cha-
cun plus ferme dans ses sentimens. Le car-
dinal de Lorraine d'une part , et de l'autre y
Théodore de Beze , disciple de Calvin ^
aussi aimable que son maître étoit dur, y
signalèrent leur éloquence et leur savoir»
Pie IV n'ayant pu empêcher une assem.-
blée dont il appréhendoit les suites , y avoit
envoyé un légat accompagné du P. Lainez,
second générai des Jésuites , et le principal
auteur de leur institut. Celui-ci dans une
des séances harangua avec une hardiesse qui
choqua la reine, II dit en lui adressant 1*
Charles IX t"^?
parole , que ni elle , ni aucun prince , ne
devoit traiter des affaires de religion ; que
de pareilles conférences étoient capables d'al-
térer la foi des laïques, et qu'on devoit s'en-
rapporter au jugement de Téglise, qui seule
avoit droit de prononcer..
Si Catherine eût écoute son ressentiment, Etabiîjsea.-
» »^ • r T ' 'a. ment des-
c en etoit assez pour fermer aux Jésuites jésuites*.
toutes les portes du royaume. Mais le cré-
dit de Lainez , les instances des cardinaux.
de Lorraine et de Tournon , firent passer
Pacte de leur établissement en forme de
collège , à la charge qu'ils renonceroient au
nom de Société de Jésus , et qu'ils seroient
soumis à Tévcque diocésain. Tel fut le foi-
ble commencement d'une compagnie qui s'é-
tendit bientôt par tout le royaume , jusqu'à-
devenir un corps aussi puissant que célèbre.
Rome ne pouvoit opposer à ses ennemis de
plus zélés défenseurs.
A en croire le P. Daniel, le colloque Leroidr
^ n • • \ \ n w • Navarre
de Poissi 5 ou de part et d autre on s etoit change d©-
attribué la victoire, affoiblit ks préventions^'""'*
du roi de Navarre pour les calvinistes. Le
légat agit plus efficacement sur son cœur en
lui faisant espérer la restitution de la Na-
varre , ou quelque chose d'équivalent. L'in-
térêt fixe bientôt un caractère indécis. Ce
prince embrassa subitement le parti des
catholiques , dont il avoit été jusqu'alors,
três-éloigné. Jl s'unit au duc de Guise et
2& Charles IX.
au connétable , qui , avec le maréchal d'Al-
bon de Saint-André , formoient le Trium*
virât, ^
' ' ' " La reine mère dont la grande maxime
L^ertéde^^^^^ quV//àwr divîser pour régner ^ crut
(icnscience ne pouvoir balancer une faction si considé-
rable , qu'en fortifiant la faction contraire.
Ce fut le motif d'un édit par lequel on ac-
cordoit la liberté de conscience aux protes-
tans , à condition qu'ils tiendroient leurs as-
semblées dans les faubourgs et non dans les
villes. Une infinité des personnes que la
crainte retenoit , commencèrent à lever le
masque. Partout on couroit au prêche , on
désertoit les couvens, on insultoit les ca-
tholiques comme ils insultoient les hugue-
nots. Le peuple, toujours porté aux excès,
devient aisément furieux dans les querelles
de religion. Moins il raisonne, plus il s'en-
flamme. Il falloit peu de chose pour causer
un embrasement général. Le massacre de
Vassi fut le signal des guerres civiles.
Massacre Le duc de Guise passant par Vassi en
Champagne , quelques-uns de ses gens trou-
blèrent le prêche qui se tenoit dans une
grange. Des injures on en vint aux coups.
Guise accourut pour appaiser le tumulte ,
et fut blessé d'une pierre. Ses gens trans-
portés de fureur, firent main-basse sur les
huguenots , dont ils tuèrent plus de soixan-
te. On prétend qu'à cette occasion , conv*^
Charles IX* it
me le juge du lieu rappeloit l'ëdit de la li-
berté de conscience , il-dit imprudemment ,
en portant la main à la garde de son épée :
Voilû celle qui fera la rescision de ce
détestable édit, C'étoit un mot échappé
dans la colère , et le massacre de Vassi,
un accident arrivé contre l'intention du duc.
Mais les protestans n'attendoient qu'un pré-
texte pour se révolter.
Tandis que les chaires catholiques reten- p^clams-
tissoient de l'éloge du prince Lorrain , etet°cofure'
que \t% prédicateurs le comparoient à Moïse q^-jç^ ^^
et à Jehu , qui en répandant le sang des
impies avaient consacré leurs mains et
vengé la querelle du Seigneur^ on le re-
présentoit ailleurs comme un exécrable meur-
trier , comme le tvran de la nation et Ten-
nemi des lois. Les deux partis ne respi-
roient que la guerre.
Le roi de Navarre et le triumvirat , pour Guerre
s'assurer de la personne du roi , le forcèrent de ^*^'^^'
quitter Fontainebleau , et de les suivre à
Paris. La reine mère sollicite le prince de
Condé à venir le tirer d'entre leurs mains.
Ce motif spécieux colore sa rébellion. Les
religionnaires accourent de toutes parts , for-
ment une armée au prince , rétablissent leur
chef; plusieurs villes considérables entrent
dans la ligue; Condé s empare d'Orléans
dont il fait sa place d'armes. Trop foible
contre les royalistes , il traite avec la reine
22 Charles IX.
d'Angleterre , et lui livre le Havre pour ache-
ter son secours. Rouen tzt pris et saccagé
Le roi de par Its Catholiques. Le roi de Navarre y
tué au meurt blessé d'un coup d'arquebuse. Ce
Rouenl^ prince, dit un= auteur célèbre, ne mérite
d'être placé dans l'histoire que parce qu'il
fut le père du grand Henri IV. Le prési-
dent du Bbsc, personr.age illustre,, fiit exé-
cuté avec quelques gentilshommes et un
ministre. Le prince de Condé , par repré-
sailles,. fit pendre un conseiller-clerc et un
abbé régulier.
■ Comme s'il n'eût pas suffi des François-
g'^'>^^,3jj^ pour déchirer le royaume, on le livra en.
Dreux, proie aux étrangers. De part et d'autre on
fit venir des troupes Allemandes. Les àt,\\x
armées combattirent enfin à Dreux,, avec,
l'acharnement qui caractérise les guerres ci-
viles, et surtout les guerres de religion, (i)
Ce qu'il y eut de singulier dans cette jour-
Ci) pour en avoir une idée complète, il sufîî-
foit de lire en détail le^ cruautés du baron de s.
Adrets contre les catholiques j et celles du fameux.
Montluc contre les protestan?. Le premier inonda,
de sang le Dauphiné, le Lyonnois , le Langue-
doc , la Provence , etc.,; le second , la Guienne ,.
dont il étoit gouverneur, et les provinces voisi-
nes ; l'un et l'autre , se faisant un plaisir de la plui
horrible barbarie. Montluc ne dissimule pas qu^î.
. sa fureur contre iCs religionnaires lemettoit hors-
de lui-mcme, et qu'il auroit voulu ks extermiiiex-
jjusqu'au dernier^-
Charles IX. ^3
nëe, ce fut la prise des deux généraux,
le prince de Condé er le connétable de Mont-
morenci. Le Maréchal de Saint- André y
périr. Les royalistes remportèrent la victoi-^^"J^J^^.^°«*
re. Elle augmenta la réputation du duc desoneuae-
Guise , qui se fit encore plus d'honneur par
Li maittère dont il traita son prisonnier.
Tous deux couchèrent dans le même lit.
Condé assura ensuite qu'il n'avoit pu fer-
mer Tceil , et que le duc a:voit dormi aussi
tranquillement que s'ils eussent été amis
intimes. Rarement une pareille grandeur
d'âme s'allie avec l'animosité et la haine ;
il ne manquoit au duc de Guise , pour être
un modèle d'héroïsme ,. que de borner son
ambition à la gloire des vertus.
Le siège d'Orléans , qu'il entreprit après Le duc l^
la bataille de Dreux, sembloit annoncer sasslné.*
la ruine des rebelles. Un dts faubourgs avoit
déjà été pris d'assaut, lorsque ce grand hom-
me fut assassiné par Poltrot , jeune gentil-
homme protestant ; premier exemple du
fanatisme affreux , qui consacre le meurtre
comme un acte de religion. Quelques histo-
riens racontent qu'un gentilhomme fanati-
que avoit voulu faire le m«3me coup au siège
de Rouen. Le duc averti de son dessein lui
en demanda le motif. Vous ai-je fait quel-
que mal? Non, répondit-iT, mais j'ai vou-
lu venger majeligion, dont vous ctes l'en-
Demi mortel. Hé bUn , reprit le duc y. si:
f4 Charles IX.
votre religion vous apprend à tuer qui
ne vous a jamais offensé^ la mienne m^ap^
prend à pardonner. Je vous pardonne,
Jugei par-là laquelle des deux religions
est la meilleure. Il faut convenir que cette
belle réponse n'est point concluante, puis-
qu'on auroit pu en dire autant à des assas-
sins zélés pour la bonne cause. Les deux par-
tis faisoient profession de l'évangile , et se
livrèrent également aux excès du fanatis-
me : nous n'en verrons que trop d'exemples
de part et d'autre , malgré l'horreur que ce-
lui-ci devoit inspirer.
Religion D'ailleurs , la politique plutôt que la re-
5esGuis«f. iJgion dirigeoit les démarches des Guises ;
puisque le duc et le cardinal , traitant avec
les protestans d'Allemagne en 1662 , les
âvoient flattés de faire recevoir en France
]a confession d'Augsbourg. Mais quel que
fût le mobile secret de leur conduite, sans
eux la religion catholique eût vraisembla-
blement succombé dans le royaume.
Coiigniac- Le lâche Poltrot , arrêté après son cri-
Poltrot.'^ nie, accusa l'amiral de Coligni , Beze et
quelques autres , de l'y avoir sollicité. L'a-
miral cria à l'imposture , et demanda ins-
tamment qu'on suspendît l'exécution de
l'assassin , pour être confronté avec lui. On
refusa. Com.me la haine fortifie \ts préven-
tions les plus injustes, ^Heari de Guise, fils
Charles IX. 15
aine du mort , conçut dès ce moment le
'^< <;<;ein de perdre Coligni.
Un traité de paix ayant enfin terminé Paix qui
U guerre civile, la liberté de conscience ^"^* '^*"*
fut de nouveau confirmée. Catholiques et
protestans paroissoient réunis de bonne foi
pour le bien de la patrie. Ils forcèrent le on reprend
Havre, qu'Elisabeth refusoit de rendre ^u\f^^^ll^Jl
roi. En violant ainsi sa parole, elle fournit Calais.
une raison plausible de ne point restituer
Calais, comme on s'y étoit engagé parle
traité de Catau-Cambrésis. Quoique l'An-
'erre n'eût rien tant à cœur que la res-
tion de cette place, Elisabeth ne laissa
pas de conclure la paix avec la France.
Depuis le commencement du protestan- Concîie de
1 ^1 r • ■ 1 Trente.
tisme , les catholiques soupiroient pour un
concile général, dans l'espérance qu'il dis-
siperoit l'hérésie en condamnant les nova-
teurs. Tantôt les divisions des princes, tan-
tôt la politique des papes , avoient mis obs-
tacle à l'accomplissement de leurs désirs.
Les papes craignoient une assemblée dont
ils ne seroient pas les maîtres , et qui pour-
roit , à l'exemple de celles de Baie et de
Constance , exercer son autorité sur eux-
mêmes. Cependant la crainte qu'on ne tint
en France un concile national , plus dan-
gereux peut-être à la cour de Rome , dé-
termina Pie IV à rassembler le concile de
Trente, commencé en 1646 sous Paul III,
^S Charles IX,
assemblé de nouveau en i55r sous Jules
III , et long-temps interrompu. Il finit en
i563 , après avoir confirmé les dogmes
sans convaincre les sectaires,
ta^ns'iïmé' Ceux-ci prétendoicnt devoir être admis au
prisent, concile parmi leurs propres juges. Ils ne man-
quèrent pas de décrier l'ouvrage de l'église
comme une production de scolastique et
de cabale. Ils publièrent que la philosophie .
d'Aristote avoit enfanté de nouveaux arti-
cles de foi ; que le concile n'avoit pas été
libre ; que la cour de Rome en avoit dicté
les décisions. Lansac , ambassadeur de Fran-
ce , ayant écrit qu'il ne falloit pas que le
pape envoyât de Rome le saint-Esprit
dans la malle du courrier ^ cette expres-
sion , attribuée aussi à un évêque de Hon-
grie , fut un prétexte de satire pour les pro-
testans , qui ne cherchoient qu'à colorer
leur révolte. Mais les catholiques du moins
furent affermis dans leur croyance.
^ubiî^^eii^ ^" s'opposa dans le royaume à la publi-
Frauce. cation du concile, soit à cause du dernier:
cdit de pacification , soit parce qu'il y avoit
des décrets de discipline contraires à la juri-
diction séculière et aux libertés Gallicanes;
ce qui n'empêcha point de regarder les points
de doctrine comme autant d'articles de foi.
au concîie Ge fameux concile fut troublé par de vio-
chosesde lentes contestations au sujet de la préséan-
cour. ce ^ entre les ambassadeurs de Charles IX et
Charles IX. 27
^e Philippe II. Le pape décida malgré lui en
faveur du roi de France. D^^s disputes sur le
pas et d'autres démêlés politiques firent
long-temps négliger les affaires de religion;
car les hommes sont toujours prcts à per-
dre de vue le spirituel , dès qii\m objet
^ '^^ibie occupe leur ambition et leur vanité.
Catherine de Médicis se fiattoit en vain Embarras
de tenir la balance entre deux partis réso- J?j^,g jg^^^'
lus à se détruire l'un l'autre. Elle ne pouvoit ''i^is.
ni les concilier ni les satisfaire. Son adresse
et sa dissimulation excitoient leur défiance.
Soupçonnée de calvinisme , indifférente sur
la religion , elle affecta la plus grande exac-
titude aux cérémonies de i'églisje. En par- ^
courant les provinces avec le roi, elle vit 1^6^.
à Bayonne la reine d'Espasine sa fille , et Conféren-^
j r ' . r' 1 j ces de Ba-
eut de fréquentes conférences avec le QUCyjuiie.
d*Albe , général de Philippe II. Ce monar-
que se montroit extrêmement zélé pour le
catholicisme , et ne Tétoit au fond que pour
Si^s propres intérêts. Il ne cessoit d'animer
la cour de France contre les sectaires , afin
Je profiter des discordes et des malheurs
du royaume. On crut que les conférences
tendoient à leur ruine.
Un nouvel incident appuya cette conjec- Révolte
ture. Les Pays-bas , où fhérésie avoit péné- bas contre
tré comme ailleurs , s'étant soulevés contre ^'^^^^sue.
le roi d'Espagne , qui vouloit les gouver-
ner despotiquement , anéantir kurs privi*
'ôS Charles IX.
lèges, et les soumettre à rinquisition , il efî«
voyoit le duc d'Albe à la tête d'une armée
pour exterminer les rebelles. Sous prétexte
de précautions nécessaires en cas que cette
armée voulût attaquer la France , Cathe-
rine leva des troupes , et ût venir un ren-
Seconae fort de six mille Suisses. Les protestans ne
Tfle7^ ^^" doutèrent point que ce ne fût à dessein de
les opprimer. Depuis quelque temps ils se
plaignoient amèrement de la cour : on res-
treignoit leur liberté ; on ne punissoit plus
les violences des catholiques. Les cruautés
que le duc d'Albe exerça en Flandre leur
firent craindre d'en essuyer de pareilles. Ces
sujets de plainte et d'inquiétude causèrent
la seconde guerre civile.
,111 1 Le prince de Condé , par le conseil de
1 5 67. Coligni , entreprend d'enlever le roi à Meaux.
§/55enis.*^^ devenant maîtres de sa personne, ils
l'eussent été du gouvernement. La cour
évente leur dessein presqu'au moment de l'exé-
cution. On se sert utilement des Suisses pour
se délivrer d'un si grand péril. Ils reçoivent
le monarque dans leur bataillon , et le con-
duisent à Paris sans que les rebelles puis-
sent les enfoncer. Quelque temps après ,
le connétable attaque le prince de Condé à
Saint-Denis avec une armée trois fois plus
forte que la sienne. Ce combat , où la vic-
toire des royalistes fut presque douteuse,
termina la carrière de l'illustre Montmo-
ienci#
Charles IX. 19
rend. Il y reçut huit blessures , et conserva
jusqu'au bout sa fermeté. Penses-tu , mort
û/72/ , dit-il à un cordelier qui Texhortoit,
^u'un homme qui a vécu près de quatre-
vingts ans avec honneur ^ ne sache pas
mourir un quart-d' heure ^ Sa grande ma- Personne
xime étoit en trois mots \ une foi ^ une loi ^^^^[^^^^^
un roi. Sa place ne fut point remplie , parce
qu'elle donnoit trop de pouvoir à un sujet.
Je nai que faire de personne pour porter
mon e'pée , disoit Charles IX , je la por-
terai bien moi-même. On nomma lieute- Le duc
nant général du royaume le duc d'Anjou , " "^^^*
frère du roi , jeune prince de grande espé-
rance, dont la réputation devoit échouer
un jour sur le trône. La guerre finit bien-
tôt par un traité moins honorable pour la
cour qu'avantageux pour les calvinistes , à
qui l'on confirma la liberté de conscience;
mais elle ne tarda point à se rallumer avec
plus de violence.
Comme les eriefs se multiblioient tous Troisième
1 • 1 ' 1 . ^ , . guerre el-
les jours maigre les conventions réciproques vile.
Catherine s'imagina qu'il falloit couper ra-
cine au mal en arrêtant les chefs delà faction.
Condé et Coligni , informés de son desseiiw
se réfugièrent à la Rochelle, le boulevard
à^s protestans. Cette entreprise de la reine
fut regardée comme une déclaration de guer- Disgrâce
re. Elle occasionna la disgrâce du chan- nèr dl"""
celier de l'Hôpital, magistrat au-dessus ^'^^^'^^^^'
Tome IlL B
30 Charles IX.
de tout éloge , comme ledit M. Hénauît ,
mais trop ennemi de tout excès pour ne pas
déplaire aux deux partis. Il s etoit toujours
efforcé de les reconcilier par de sages tem-
péramens , estimant ( ce sont ses propres
termes ) qu'il ri y avoit rien de si dom-
mageable en un pays qu^une guerre ci-
-vile , ni plus profitable qu'une paix à
quelque prix que ce fut. Le connétable de
Montmorenci lui disant un jour en colère
dans le conseil , qu'il ne lui appartenoit pas
de se mêler de ce qui regardoit les armes :
il est vrai , répondit l'Hôpital, mais je puis
fort bien savoir quand il est à propos de les
prendre. Combien de maux il eût épargnés
à la religion et au royaume, si la sagesse
avoit pu être écoutée de part et d'autre !
Selon de Thou , l'occasion de sa disgrâce fut
d'avoir parlé contre une bulle de Pie V , par
laquelle il étoit permis au roi d'aliéner les
biens ecclésiastiques , pour cinquante mille
écus de rente , à condition d'employer l'ar-
gent à exterminer ou subjuguer les calvinistes.
m Bientôt ils reprennent les armes , secourus
1569. par les Allemands et par l'Angleterre. On
de /anîac. révoque les édits pour la liberté de cons-
cience. Les ravages , les hostilités , les mas-
sacres désolent la France , comme si elle eût»
été inondée de barbares. Deux grandes ar-
mées Françaises se livrent bataille à Jarnac
vers la Saintonge. Le duc d'Anjou remporte-
Charles IX. jt
là victoire. Le prince de Condé est tué de Mort du
^ . , \M ^ ' < • prince de .
sang-froid par Montesquiou, après avoir coudé.
rendu les armes : il avoit combattu le bras
en écharpe et avec une blessure à la jambe ;
prince d'un génie et d'une valeur extraordi-
naires , digne d'être mis en parallèle avec les
plus fameux de ses descendans , malheureux
d'avoir eu l'ambition d'un chef de parti , et
surtout de n'avoir pas eu le temps de répaî^er
ses révoltes.
Coligni , l'homme du monde le plus fé-Re«ourcef
cond en ressources , sauva les débris de l'ar- uotiî"^"^"
mée , et se fit craindre après la défaite. Au
prince de Condé , dont la perte sembloit être
k ruine de son parti , succéda un autre
prince du sang, né pour servir de modèle à
tous les rois. C'étoit Henri , prince de Béarn, Le prince
(depuis Henri IV), fils de la reine Jeanne'^' ^^''""
d'Albret, aussi zélée protestante que son mari
avoit été foible catholique. Eik-mcme vint
ptésenter son fils aux vaincus, elle ranima
leur courage et leurs espérances (i). On dé-
clara le jeune Henri chef de la ligue. L'ami-
ral et l'intrépide Andelot mirent tout en
mouvement , tandis que le cardinal de Châ-
tillon leur frère ( qu'on appeloit le comte
(i) Elle fit frapper une médaille avec cette
légende : Fax ccrta , Victoria Integra , Mors ho-'
nesta. ( Paix sûre , Victoire entière , Mort glo"
rieuse. )
Si Charles IX.
de Beauvais , du nom de son ëveché , de-
puis qu'il avoit abandonné l'église Romaine),
travailloit en Angleterre pour l'intérêt du
calvinisme.
Secours Les protestans d'Allemagne signalèrent
tam^étra"' aussi ^^^^ ^èle. On vit le duc de Deux-
se«. Ponts, à la tête d'environ douze mille hom-
mes , traverser presque toute la France pour
joindre l'armée de l'amiral. Le fameux Guil-
laume de Nassau , prince d'Orange , eut
beaucoup de part à cette entreprise , dont
le succès fut en partie l'ouvrage de la mésin-
telligence des généraux catholiques. Tant de
mesures et de ressources n'aboutirent qu'à
de nouveaux revers. Coligni^Ieva le siège de
Bataille Poitiers , et fut défait à Montcontour par
içi^our' ^e duc d'Anjou. Mais toujours ferme et re-
dQutable dans le malheur , il fit en sorte que
son parti , après quatre batailles perdues ,
fut encore en état de résister à la puissance
royale. Le prince de Béarn, âgé de seize ans,
le regardoit comme son père , se formoit à
son école, et paroissoit digne d'un tel
maître.
»..,. . Au lieu de poursuivre les rebelles disper-
1Ç70. ses , le duc d'Anjou s'arrêta imprudemment
fagem''Jâui à faire des sièges , et profita peu de la vic-
prote5canj f^j^-g^ Lg Poitou , la Saintonge , le Béarn ,
la Guienne , furent inondés de sang. La fu-
reur des deux partis croissoit chaque jour , et
les protestans ne vouloient mettre bas les
I
Charles IX. jî
armes qu'à des conditions avantageuses. Ils
les obtinrent par le traite de S. Germain en
Laie. On leur accorda non-seulement des
prêches, mais quatre villes de sûreté, entre
autres la Rochelle. On les déclara de plus ca-
pables de toutes les charges , on leur permit
même de récuser , dans leurs procès avec
les catholiques , un certain nombre de juges,
sans en apporter la raison. Cette paix ines-
pérée étoit un triomphe pour eux. Dans les
vues cîe Catherine de Médicis , ce n'étoit
vraisemblablement qu'un piège fatal. Elle
vouloit détruire par la perfidie ceux qu'elle
ne pouvoit abattre autrement. Charles IX,
imbu de ses maximes , exercé à la dissimula-
tion, enclin â la cruauté, seconda parfaite-
ment son dessein. La plus atroce méchanceté
fut couverte des plus belles apparences.
Pour attirer à la cour les chefs du parti , Perfidie dt
le roi offrit sa sœur Marguerite en mariage ^^°"^'
au jeune prince de Béarn. La reine de Na-
varre , charmée de cette marque de réconci-
liation , vint conclure elle-même le traité.
On la combla d'honneurs et de caresses.
Après la première entrevue , Charles IX
demande a sa mère s'il n'a pas bien joué son
rôle» — Oui ; répond Catherine ; mais ce
TLCst rien faire que de commencer ^ si l'on
n'achhe. Il réplique en jurant Dieu, ^^/'///ei"
mettra tous dans ses filets. Le plus difficile
ctoit d'y mettre l'amiral. Cet homme sage
B3
34 Charles IX.
se laissa entraîner par un appât séduisant.
Coligni Les Gueux ( on appeloit ainsi les religion-
danîTe naires des Pays-bas) , venoient encore de
piege. gg révolter contre TEspagne, et le prince
d'Orange profitoit de la tyrannie du gou-
vernement, pour lui enlever des sujets ,. et
pour fonder la république des Provinces-
unies. Dans ces conjonctures , le roi parut
disposé à prendre les armes contre Philippe IL
^ Le zèle violent de ce monarque , et ses liai-
sons étroites avec les Guises le rendoient in-
finiment odieux aux réformés. Proposer à
Coligni une guerre de cette nature, et lui
o^ïir le commandement , c'étoit le prendre
par son foible. Malgré ses justes défiances,
il se rendit auprès de Charles IX , qui reçut
avec de grands témoignages d'amitié celui
dont la tête, peu auparavant , avoit été mise
à prix avec opprobre.
""■ Cependant une mort prématurée enlève
M 7^' la reine de Navarre. Le bruit se répand sans
Mort delà ' ii '^ ' • /
reine de aucune preuve , qu elle a ete empoisonnée»
Kavarre. jq^ ^^^^ ^ a ^^^ ^^ exhorte l'amiral à se défier
de la cour. Un capitaine calviniste prenant
un jour congé de lui , et l'amiral lui deman-
dant pourquoi il se retiroit en province :
c'est , dit-il , parce qiion nous fait ici trop
de caresses, Tairne mieux me sauver avec
les fous , que de périr avec ceux qui se
croient trop sages, Coligni se moquoit de
ces prétendues terreurs paniques. Tant il est
Charles IX. 35
vrai que les plus habiles se laissent tromper
par qui flatte adroitement leurs passions.
Enfin le prince de Béarn , qu'on appeloit Mariage
le roi de Navarre depuis la mort de sa mère , fo„^fiJ^"
arriva aussi avec le prince de Condé son cou-
sin , à peu près de même âge que lui. Le 1 7
août se fit la cérémonie de son mariage avec
Marguerite de France. Les jours suivans se
passèrent dans les plaisirs et les fêtes. Toutes
les haines sembloient étouffées ; mais le feu
couvoit sous la cendre. L'amiral se retirant Coiisni
* • 1 I 1 A 1 f 1 zssàssiiii,
a pied dans son hôtel le 22 , sur les onzé__
"heures du matin, après avoir vu jouer le roi à
la paume , fijt blessé d'un coup d'arquebuse,
Vokà , s'écria-t-il , le fruit de ma réconci-
liation avec le duc de Guise. Ce duc avoit
effectivement juré de venger la mort de son
père , dont il le croyoit auteur. Charles IX ,
à la nouvelle de l'assassinat , paroît trans-
porté de colère , il va voir l'amiral , et lui
promet une vengeance d'éclat. Mon père ,
lui dit-il , la blessure est pour vous et la
douleur pour moi, Etoit-ce dissimulation
ou sincérité? on n'en peut juger que parles
faits.
Tandis que les protestans - murmurent ,
menacent tout haut,Catherine de Médiciset le 1 572.
consellsecretdumonarqueméditentlemassa-^a^rthéîë-'
cre de la S. Barthélemi. Le duc de Guise est ^^^
• de l'exécution , lui qu'on vouloit ar-
iprcs la blessure de l'amiral. Les ordres
B4
35 Chaules IX.
sont donnes aussitôt sans que le secret trans-
pire. La nuit du 28 au 24 août commence
Mort de cette effroyable boucherie. Coligni est une
^ ^^"'' des premières victimes. Son ennemi mortel ,
Guise , fait lui-même enfoncer sa porte , et
Besme , domestique du duc , porte le pre-
mier coup. Jeune homme , lui dit l'amiral
d'un air tranquille, tu devrais respecter
mes cheveux blancs ; mais fais ce que tu
youdras\ tu ne m' abrégeras la vie que de
quelques jours. Il ajouta en expirant : au.
moins si je mourois de la main d'un hon^
nête homme et non pas de celle d'un gou-
jat ! Une foule de seigneurs et de gentils-
Ma^îacre hommes sont égorges jusques dans le Lou-
gênera , ^^^^ ^^^ Catholiques remplissent Paris de
carnage ; plusieurs , pour venger leurs que-
relles particulières , poignardent d'autres ca-
tholiques , que la haine transforme à leurs
yeux en huguenots. Enfans , vieillards , fem-
mes grosses , tout est confondu sous le fer
des assassins. Un orfèvre se vantoit d'avoir
tué pour sa part quatre cents personnes. Le
massacre dura plusieurs jours; on raconte
que le maréchal de Tavanne couroit les rues,
criant au peuple : saignei ^ saignei; les
médecins disent que la saignée est aussi
bonne en tout ce mois d^août comme en
mai.
Cruauté Charles IX tira lui-même avec une fon-
^" ^^^* gue arquebuse sur les malheureux qui pre-
\
i
Charles IX. 37
noient la tuire. Le corps de Colignl , cou-
Vert d'opprobres par la populace , et pendu
au gibet de Montfaucon , fut pour lui un
agréable spectacle. Quelqu'un ayant dit qu'il
sentoit mauvais : le corps cTun ennemi mort
sent toujours bon , répondit le roi. Parole
empruntée de Vitellius , et également odieuse
dans la bouche de l'un et de l'autre. On Conver-
avoit délibéré si le roi de Navarre et le prince ^cleslH*
de Condé seroient compris dans la pros-P""^^*»
cription. La qualité de princes du sang leur
sauva la vie. Charles leur commanda de re-
noncer au calvinisme. Le premier fit peu de
résistance ; le second parut d'abord inflexi-
ble. Messe , mort , ou bastille , lui dit un
jour le roi en colère. La crainte décida la
conscience ; mais ces conversions forcées
durèrent autant que le motif qui les avoit
produites.
Paris ne fut pas le seul théâtre de cette Massacre
tragédie. L'ordre de massacrer les calvinistes, pfévii^ej*
envoyé par tout le royaume, s'exécuta en
plusieurs endroits avec la même fureur. Un
historien célèbre con>j)te environ soixante
mille François immolés sous prétexte de réiî^
gion : d'autres en comptent cent mille. On ^
bénit aujourd'hui les noms de quelques com-
mandans de province , qui refusèrent coura-
geusement d'ctre les meurtriers de leurs ci-
toyens. Le vicomte d'Orthe écrivit de Refiu de
Bayonne au roi : « J'ai communiqué le corn- '''^"'"^'■*
B6
mi
S8 Charles IX.
» mandement de V. M. à ses fidèles habî*
» tans et gens de guerre de la garnison : je
» n'y ai trouvé que bons citoyens et fermes
» soldats, mais pas un bourreau. C'est
» pourquoi eux et moi , supplions très-
» humblement V. M, vouloir employer en
» choses possibles , quelque hasardeuses
>> qu'elles soient, nos bras et vies». Pré-
cieux monument pour l'humanité !
Ou célè- Une chose presqu'aussi étrange que ce
Banhélê- massacre , c'est que le roi n'eut pas honte
d'en prendre sur lui tout l'odieux. Il déclara
dans un lit de justice qu'il avoit été fait par
ces ordres ; il en exposa les raisons. Le pre-
mier président Christophe de Thou loua sa
prudence , supposant une conjuration formée
contre la maison royale. Le parlement flétrit
la mémoire de Coligni , livra les restes de
son cadavre au bourreau , et ordonna qu'on
feroit tous les ans une procession pour re-
mercier Dieu de la délivrance du royaume.
Les esprits trop échauffés n'avoient pas en-
core réfléchi sur l'atrocité de cette barbarie.
Elle fut célébrée à Rome et en Espagne par
de pompeux panégyriques , et en France
par une médaille dont l'inscription étoit,
PIETAS ARMAVIT JUSTITIAM (^Id piété
arma la justice^. Heureusement, on sait
de nos jours que la piété ne peut être san-
guinaire , ni la justice barbare , et l'on ne
craint point , à l'exemple d'un sage prélat
Coligm
Charles IX. 39
François, de dépeindre la S. Barthélemî
comme une action exécrable qui n' avait
jamais eu et qui n aura , s' il plaît à DieUj
jamais de semblable ( Péréfixe ). Du
moins est-ce le vœu du vrai citoyen.
On trouva dans les papiers de l'amiral un .ObjerVa-
avis au roi de prendre garde, en assignant mirai de
l'apanage à sqs frères , de ne pas leur donner ^^^^
une trop grande autorité. La reine mère fît
lire cet article devant le duc d'Alençon , le
dernier frère de Charles IX , qu'elle savoit
affligé de la mort de Coligni. Voilà votre
bon ami , lui dit-elle; voyez le conseil qu'il
donne au roi. « Je ne sais pas , répondit le
» duc 5 s'il m'aimoit beaucoup ; mais je sais
» qu'un semblable conseil n'a pu être donné
■ que par un homme très-fidèle à Sa Ma-
^ jesté 5 et très-zélé pour l'état 5> . Si ce trait
fait quelque honneur à l'amiral de Coligni",
rien ne peut effacer la tache de sa rébellion.
Un grand homme armé contre les rois Qît
toujours un grand fléau. Il est affreux de voir
la patrie déchirée par ceux qui devroient être
sa gloire et son appui. Mais quelle terrible
leçon la providence ne semble-t-elle pas don-
ner aux ambitieux , dans la personne de touf
ces chefs de parti , si distingués par leur rang
ou par leur mérite ! Ils périrent de mort vio-
lente , François de Guise , Louis de Condé
et l'amiral ; indignement assassinés : le cOu-
nctabie de Montmorenci , le roi de Navalrfô
40 Charles IX.
Antoine de Bourbon , et le maréchal de S. An-i
dré , tués dans la guerre civile. Tous , en bou-
leversant l'état , avoient rendu leur vie mal-
heureuse 5 et s'étoient creusé un tombeau.
Leiproteî- L'effet de la S. Barthélemi fut précisément
fUdeux"que ^^ contraire de celui qu'on espéroit. Au lieu
amais. d'écraser le calvinisme , elle rendit ses par-
tisans plus furieux. L'expérience a prouvé
cent fois que le zèle des religionnaires s'irrite
par les persécutions sanglantes , et qu'on leur
donne des forces en les réduisant au déses-
poir. Charles IX voulut se remettre en posses-
sion des places de sûreté accordées aux cal-
vinistes. Ils refusèrent de les rendre; ilsprotes-
tèren t qu'après la trahison qu'on venoit de faire
au sein de la paix , ils ne pouvoient se fier à
la cour , et qu'ils aimoient mieux périr en dé-
fendant leur religion et leur liberté , que par
la main d'un bourreau. Ainsi le massacre ne
servit qu'à rallumer la guerre.
■ III ■ ■! Elle ne fut pas avantageuse aux catholi-
ï57î- ques. Le duc d'Anjou perdit près de vingt-
la Ro?hei! q^iatre mjlle hommes au siège de la Rochelle.
le et de Cette place soutint neuf erands assauts et
Sancerre- , \, , , ., ^ tt
une mfinite d autres attaques. Hommes et
/emmes travailloient avec la même ardeur à
repousser les assaillans. Les Rochelois obtin-
rent une capitulation, qui ks laissoit maîtres
chez eux , et dans laquelle ils firent compren-
dre Nîmes et Montauban. H fut stipulé que
le roi y mettroit des gouverneurs , mais sans
Charles IX. 41
garnison, les bourgeois devant se garder
eux-mcmes. Ce siège mémorable fut moins
étonnant que celui de la petite ville de San-
ccrre. Les assiégés , dépourvus de vivres ,
mangèrent tout ce qu'il y a de plus dégoû-
tant parmi les animaux , et dévorèrent enfin
les os des morts , les cuirs , les parchemins,
qucîlques-uns même , dit-on , leurs propres
enfans. Ce n'étoient point des soldats , mais
d<is bourgeois , des artisans , des vignerons ,
animés d'un fanatisme invincible. Après plus
de sept mois de siège, ils ne se rendirent
qu'en obtenant la liberté de conscience.
On venoit d'apprendre que le duc d'Anjou Le duc
ëtoit élu roi de Pologne. La renommée qui roi de pô».
exagéroit son m.érite , l'habileté de Montluc ^°^"^*
ëvcque de Valence, ambassadeur pour cet
objet , lui avoient procuré les suffrages. Char-
les IX, extrêmement jaloux de son frère,
tut ravi de cette occasion de l'éloigner. Au-
tant il pressoit son départ , autant le duc
craignoit de quitter la France , où il espé-
roit de régner bientôt. Cependant il fallut
partir. La reine mère , qui avoit pour lui une
affection particulière , se chargea de ses in-
térêts. Elle conservoit toujours son autorité,
quelque envie qu'eût le roi de -s'en affranchir.
Les troubles de l'état le tenoient dans la dé-
pendance. Déjà le goût des factions se rani-
moit. Il s'en forma une nouvelle sous le nom Faction
de MaUontens ou de politiques ^ qui, lais- 2u«/° '"'
42 Charles IX.
sant la religion à l'écart , ne parloît que de
réformer le royaume , et se proposoit sur-
tout d'abaisser les Guises , dont le pouvoir
n'avoit presque plus de bornes. Le duc d'A-
lençon , frère du roi , esprit inquiet , léger ,
inconsidéré , se mit k la tête de cette cabale ,
excitée par les Montmorenci. Les protes-
tans y entrèrent , ainsi que le roi de Na-
varre et le prince de Condé , très-mécon-
tens de la cour. Un complot pour enlever
ces princes fut découvert. On emprisonna
nombre de seigneurs , on arrêta le roi de
Navarre et le duc d'Alençon. Les fureurs de
la guerre renaissoient dans les provinces ,
lorsque le roi , toujours malade depuis la
S. Barthélemi , mourut à l'âge de vingt-
quatre ans , sans enfans mâles , après avoir
déclaré régente Catherine de Médicis , jus-
qu'au retour du roi de Pologne son frère et
son successeur.
Charles IX avoit des qualités estimables ,
de l'esprit , du jugement , de l'activité , du
courage. Peut-être seroit-il devenu un grand
roi , si l'éducation en eût fait un homme
vertueux. Le maréchal de Retz , Florentin ,
abusa de sa faveur pour le corrompre , et sa
mère lui inspira cette politique détestable
que Machiavel avoit enseignée en Italie.
Né avec un caractère violent , il s'étoit en-
durci l'âme par la fureur de la chasse. Une
dissimulation perfide, jointe à ce fond de
Charles IX. 4S
cruauté, le rendit capable de côttimander
la S. Barthéiemi, dont sa mère , le comte
d'Anjou i Retz , Tavanne , Gonzague duc
de Nevers , et quelques autres furent les pre-
miers auteurs. Cependant il aimoit les lettres,
et cultivoit même la poésie. Daurat , Ron-
sard et Baït furent honorés de ses bonnes
grâces. Il fit grand-aumônier son précepteur
Amiot , le traducteur de Plutarque , dont le
mérite auroit peut-être croupi dans l'indi-
gence sous un autre règne. Ce n'est pas le
premier exemple d'un prince sanguinaire qui
ait eu du goût pour la littérature. Les plaisirs
de l'esprit ne changent pas la trempe du
cœur.
Une chose bien singulière, c'est que nos Laléghla-
, ... ^ . ^ [^ , tion pet-
plus sages lois prirent naissance parmi tant de fectionnée
barbaries et de désordres. On en fut redeva- d^i'HôpL
ble au chancelier de l'Hôpital « qui faisoit^^^*
» honneur à la raison et à la justice , dit
» M. Hénault, de penser qu'elles étoient
» plus fortes que \qs armes mêmes , et que
» leur sainte majesté avoit des droits im-
» prescriptibles sur le cœur des hommes ,
» quand on savoit les faire valoir ». Les
ordonnances faites par ce grand homme sont
pleines d'une profonde sagesse. Elles eussent
établi solidement l'ordre et la paix , si la
rage Aqs factions avoit pu souffrir un frein
salutaire. C'étoit toujours un bien infini.
at4 Charles IX.
que les lois parlassent avec dignité, aved
précision , et que de l'ancien chaos , mal
débrouillé jusqu'alors , il sortit un plan ré-
gulier qui pût conduire à une législation
encore plus parfaite.
Loi? re- Les baillis et les sénéchaux étoient gens
g]gj^"^* de guerre. Louis XII avoit ordonné qu'ils
prissent des gardes ; mais les gardes ne sup-
Tous les pléoient point à la science. Par l'ordonnance
jj"/^^|j|^'^ d'Orléans, en 1660, il fut réglé qu'ils se-
roient tous de robe courte , ce qui fit passer
à leurs lieutenans l'administration de la jus-
tice 5 et établir une distinction entière entre
Moms de la robe et l'épée. La même ordonnance veut
rionîl'^' qu'il n'y ait qu'un siège de justice dans les
seigneuries qui ne sont pas royales , en con-
servant le droit d'appel ; droit précieux ,
mais que les degrés de juridiction trop mul-
Le5 acteitipliésrendoient préjudiciable. Elle veut que
"^" ^* les actes soient signés des parties : on n'a-
voit pas encore senti la nécessité de ce régle-
wonitoires ment. Elle défend de publier des monitoires ,
reitremu. ^[^^j^ ^^^^ Crime et scandale ( il étoit si
facile d'abuser de ce moyen d'inquisition au
gré de la haine , de l'intérêt , ou du préjugé
Déclara- et de l'ignorance ! ) : En i56 1 , on ordonna
îenVÏer'-par des lettres'patentes à tous les bénéficiers ,
bénéfices, .^.j^ £^jj.g ^^^g déclaration des revenus de leurs
bénéfices ; mais ces lettres furent révoquées,
et quoique le bien de l'état semble exiger
que le gouvernement connoisse les revenus
Charles IX. 45
de toutes les terres, les exemptions ecclé-
siastiques y ont toujours mis obstacle. L'or- Junîce ré-
donnance de Moulins en 1 566 , rétbrma en °""^®*
plusieurs choses la justice , qui présente en-
core tant de choses à réformer ; elle régla
qu'on puniroit les crimes dans le li^ où ils
auroient été commis. Un éd'it de 1567, Succcmon
, X / 1 . -^ V de5 mères
porte que les mères ne succéderont pomt a umitwe.
leurs enfans es biens provenans du coté
paternel : c*étoit pour que les terres ne sor-
tissent pas des familles. Il fut ordonné par Informa,
, , *^ 1 A t tion de vie
des lettres patentes dumeme temps , que nul et de
ne seroit reçu dans un office de judicature j"^"^""'
sans information de vie et de mœurs , et s'il
n'est de la religion catholique. L'année com- L'annéene
• 1 MI 1 T>^ ' \ commence
mençoit la veille de raques ; usage sujet a p1u5 à Pâ*
beaucoup d'inconvéniens , cette fête étant *^"^**
mobile. L'ordonnance de Roussillon , en
1564 , fixa le commencement de Tannée
au premier Janvier. Le parlement ne con-
sentit à cette réforme que trois ans après.
Tant l'empire de la coutum* prévaut quel-
quefois sur la raison.
Pour se former une idée des mœurs de la corruption
cour, qui influent nécessairement sur celles '^^ ^^ *^°^'
de la nation entière , il taut réunir tous les
désordres portés aux plus grands excès , la
superstition et l'athéisme , la méchanceté et
la débauche , la fourberie et la cruauté. Ca-
therine de Médicis avoit accrédité l'astro»
logie judiciaire. Rien n'étoit plus commua
46 Charles IX.
que les sortilèges , par lesquels on croyoît
se défaire de ses ennemis. On y joignoit mal-
heureusement un moyen plus efficace , le
poison. Toutes ces pestes venoient princi-
palement'd'Italie. La renaissance des lettres ,
en raffinant les esprits , sembloit avoir dé-
veloppé des talens pernicieux. L'impiété
d'une pan , l'hérésie de l'autre , en abu-
soient pour le malheur de la société. C'est
que la plupart ignoroient encore les vrais
principes qui doivent régler la conduite de
chaque particulier et le gouvernement des
états.
La noble;- D'ailleurs , la noblesse en général étoit si
ranu.°' ignorante , qu'on fit venir exprès deux gen-
tilshommes pour converser en latin avec les
Montaigne ambassadeurs Polonois. Cependant Michel
Montaigne , gentilhomme Gascon , égale-
ment distingué par son esprit et par ses lu-
mières , cultivoit paisiblement la philoso-
phie. On admire encore le style nerveux et
les pensées fortes de ses Essais -, ouvrage
utile pour la connoissance du cœur humain,
mais où la religion et les mœurs ne sont pas
toujours respectées.
Galanterie Quoique ks femmes influassent plus que
jamais dans les affaires , et que la galante-
rie régnât à la cour, les mœurs étoient aussi
atroces que dépravées. Un amant se plaisoit
à faire couler son sang pour sa maîtresse ; il
ne craignoit pas de s'obliger pour elle aux
Charles IX. 47
plus grands crimes : l'assassinat , Teinpoi-
sonnement devenoient pour lui en quelque
façon des devoirs. Les associations étroites
entre les seigneurs ou les guerriers tendoient
souvent au mcme but. En un mot , on ne
respectoit plus rien. Les femmes se montrè-
rent bar])ares ainsi que les hommes. Si le
Louvre fut plusieurs fois un théâtre de meur-
tres et de scélératesse 5 jusqu'où devoit se
porter ailleurs une licence effrénée ?
Sous ce règne, il se passa en Amérique LejFran-
une chose mémorable. L'amiral de Coligni mérique. *
y avoit envoyé une colonie , qui s'établit
dans la Floride. Les Espagnols ne vouloient
point de voisins , s'imaginant avoir des
droits exclusifs sur cet immense hémisphère.
Ils surprirent les François , et les massacrè-
rent tous , quoqu'il n'y eût point de guerre
entre les deux nations. La cour de Madrid
approuva cette injuste cruauté ; celle de
Paris ne pouvoit ou ne vouloit pas en tirer
vengeance.UngentilhommeGasconr, nommé Dominique
Dominique Gourgues , entreprit de le faire ^°"^^""'
sans secours. Il vendit son bien en 1667 ,
équipa quelques navires , attaqua les Espa-
gnols , s'empara de leurs forts et fit pendre
ceux qui tombèrent entre ses mains. On
trouva un monument de leur expédition , où
ils se vantoient d'avoir exterminé les habi-
tansderanciennecolonie,/2o/2 co/zzme i^rj/2-
çois , mais comme Luthériens. Gourgues
48 Charles IX.
fit graver de même le récit de sa victoire,
en marquant qu'il avoit ainsi traité les Es-
pagnols, non comme Espagnols ^ mais
comme traîtres , brigands et meurtriers.
Loin d'être récompensé à son retour , il
courut risque de perdre la vie. Les Guises ,
par ménagement pour Philippe II , deman-
dèrent qu'on lui fit son procès. L'injustice
ne fut pas poussée si loin. Elisabeth, qui sa-
voit mieux employer le mérite , offrit à ce
brave capitaine le commandement d'une
flotte Angloise. Il se disposoità partir, lors-
qu'il mourut. Peut-on ne pas observer com-
bien ce mot mais comme Luthériens^ peint ^
au naturel l'esprit d'un siècle où la religion
fut le prétexte des plus monstrueuses hor-
reurs
HENRI in.
,,„, XL est étonnant que Henri ÎII , dans sa
'574* 'K ^ , , ,
Henri vmgt-quatrieme année , soit monte sur le
Poigne, trône après deux de ses frères , François II
et Charles IX. Il l'est encore plus que ce
prince, qui s'étoit fait une brillante réputa-
tion n'étant que duc d'Anjou , se soit ren-
du si méprisable étant roi. L'ennui le dé-
voroit en Pologne. Impatient de revenir
dans sa patrie et prévoyant que les Polo-
nois mettroient obstacle à son retour, il s'é-
Henri III. 49
vaxla de nuit comme uii captif qui brise
ses chaînes. L'empereur, les Vénitiens et Bons con-
les plus sages des François lui conseillèrent {fe/ui^pa;.
vainement de ménager les calvinistes , et de
rétablir le calme dans le royaume agité
de factions meurtrières. Use déclara pour les
\ Mes de rigueur , comme il avoit fait au
i.:ips du massacre; mais il ne tarda guère
à s'en repentir. La petite ville de Livron ,
qu'il vGuloit forcer, lui résista avec insulte.
Approche^^ assassins ^ crioit-on du haut
des murailles , vous ne nous trouvere^pas
endormis comme fa mirai.
Dès le commencement de son règne , il se rr^^^.^^^r^
, ,, r ' • 1 Henri 111.
montra tel quil fut toujours, ennemi des
affaires , occupé sérieusement de parure et
de bagatelles , livré avec quelques jeunes
seigneurs , ses mignons, aux plus infâmes
débauches , et augmentant le scandale de ses
mœurs par des grimaces de dévotion. Que
devoit-on augurer d'un roi qui , souillé de
vices abominables , affectoit d'aller en pro-
cession sous un sac de confrère pénitent ,
et de contrefaire le dévot en vivant comme
un impie ( i ) ?
(i) On lit dans le Journal de Henri 111 ^ non-
seulement qu'il disoit son chapelet de têtes de mort
le long des rues, mais qu'il le marmotoit jusques
dans ses parties de débauche , et qu'il l'appeloit en
plaisantant k fouet de ses grandes haquenées.
5o H E N R I 1 1 I.
Factions Le duc d'Alençon , à qui il avoit rendu*
révolter. |^ liberté ainsi qu'au roi de Navarre , cons-
pira contre sa vie. Henri lui pardonna en
frère ; ensuite sur quelques nouveaux soup-
çons, il conjura le roi de Navarre de le
faire périr. Celui-ci seroit devenu par ce cri-
me l'héritier présomptif de la couronne;
mais il étoit incapable d'une noirceur,' et
refusa d'y prêter la main. Des méconten-
temens communs unirent les deux princes , '
quoique brouillés par antipathie et par des
intrigues galantes. Le duc d'Alençon s'en- '
fuit de la cour. La confédération des poli-*
tiques et des protestans acquit de nouvelles
forces , ayant à sa tête le frère du roi. Il
fut bientôt suivi du roi de Navarre, qui ne '
se vit pas plutôt libre , qu'à l'exemple du '
prince de Condé , il rétracta l'abjuration
qu'on lui avoit arrachée sous le dernier rè-
gne. La Saint-Barthélemi auroit-elle pu
faire de bons catholiques? La guerre civile
se ralluma dans les provinces.
Imoîence Montbrun , chef des huguenots de Dau-
brum^"^" phiné , est fait prisonnier et on lui tranche
la tête. Il avoit eu l'insolence de dire tout
haut : «. Le roi m'écrit comme roi , et
» comme si je devois le reconnoître ! Je
» veux qu'il sache que cela seroit bon en
» temps de paix; mais en temps de guerre ,
» qu'on a le bras armé et le eu sur la selle,
» tout le monde est compagnon >^. Il verra
H EN R I III. 51
V/ est mon compagnon , dit le roi en appre-
lant qu'il étoit maître de sa personne. Le gain
l'une bataille ne lui eût pas causé plus de joie.
Déjà des troupes Allemandes étoient venues
m secours des confédérés. On sentit la néces-
,ité de la paix. 11 n'étoitrplus temps de la
iâire avec honneur ; on la fit telle que la vou-
lurent les factieux.
Les plus grands avantages furent accor- M 76.
dés aux calvinistes par Tédit de pacification ; „^j%/^^^'^"
liberté entière de conscience , exercice pu- tnom-
blic àt la religion prétendue réformée (ce
sont les termes de Tédit ) , excepté à deux
lieues de Paris et de la cour; chambres mi-
parties de catholiques et de protestans dans
les huit parlemens du royaume ( i ) 9 ^'^ ^^'
moire de l'amiral réhabilitée; les chefs de
la confédération reconnus pour bons et fi-
(i) Depuis que le parlement avoit eu une con-
sistance fixe à Paris , et que l'on avoit senti mieux
que jamais la nécessité des lois , et l'avantage des
tribunaux chargés de rendre la justice, un parle-
ment unique ne pouvant embrasser toutes les pro-
vinces dans son ressort , on en établit successive-
ment plusieurs. Celui de Toulouse fut créé par
Philippe le Bel, et les autres ensuite par différens
rois. Leur sag^^sse s'est quelquefois démentie dans
d.s temps de troubles et de vertiges ; mais leur
établissement , comme l'observe Loiseau , a sauvé
le royaume d'un démembrement , et l'a maintsnu
en son cnver. Les lois sont un des plus fermes rem-
parts des étais, ^
' ' 52 H E N R I 1 1 I.
délies sujets. On déclare que les prêtres ou-
moines maries ne pourront être inquiétés à
ce sujet , et que leurs entans seront regar-
dés comme légitimes. On augmente l'apana-
ge du duc d'Alençon, qui devient, dès-lors
duc d'Anjou; et pour comble d'opprobre,
on achète le départ àes Allemands , on leur
donne dus otages , on souffre qu'ils pillent
les provinces en se retirant chez eux. Voilà
les suites de la Saint-Bar thélemi , à laquelle
Henri III n'avoit que trop contribué. Jamais
l'hérésie ne parut si triomphante , ni le gou-
vernement si avili.
Nawnnce L'indignation et le zèle des catholiques
a ^S"^' produisirent un mal encore plus funeste ; la
sainte Ligue prit naissance. On appella ainsi
cette dangereuse confédération , dont le
motif ou le prétexte étoit de défendre l'é-
glise , le roi et l'état ; mais dont le princi-
pal effet fut de bouleverser l'état , d'assas-
siner le roi-f et de déshonorer l'église. Le
cardinal de Lorraine ( mort en 1674) passe
pour en avoir ébauché le plan ; ouvrage
digne de son excessive ambition. Les hugue-
nots , animés de l'esprit répubhcain , avoient
formé de pareilles entreprises contre l'au-
torité souveraine. Celle des catholiques de-
vint en quelque sorte une révolte générale.
C'étoitune Dans un article de l'association, telle que
manifefte. ^^ rapporte un auteur exact , il étoit dit que ,
pour la défense commune, on procéderoit
soit
H EN R I III. 5S
soit par la voie de la justice , ou des
armes ^ sans nulle acception de person^
nés, La formule dressée par la Picardie , où
la ligue prit naissance , porte que quicon-
que retuseroit ou différeroit d'y entrer , seroit
réputé ennemi de Dieu , déserteur de sa
religion , rebelle à son roi , traître et pro-
diteur de sa patrie , abandonné de tous ,
et exposé à toutes les injures et oppres-
sions qui lui pourroient survenir. Enfin
il étoit dit qu'on éliroit au plutôt un chef,
a qui tous les confédérés seroient obligés
d'obéir ; et ceux qui refuseront , seront
punis selon sa volonté,,. Le chef seul
décidera les contestations qui pourroient
survenir entre les confédérés ^ et ils ne
■ pourront recourir aux magistrats ordi^
naires sans sa permission. Voilà un chef
à la place du roi.
Henri duc de Gôise , surnommé le Bala- ,^^"''.' ^^^
fré à cause d'une blessure qu'il avoit reçue
au visage en combattant les calvinistes ,
animoit sourdement la cabale sans paroître
encore en être le chef. Elle fit des pro-
grés rapides ; les religionnaires furent insul-
tés en plusieurs endroits, et la cour, malgré
l'édit de pacification , ne pensa guère à ré-
primer ces violences. Ne pouvant contre- Etats de
balancer un parti par l'autre , elle se déclara foraûto^î-
ouvertement aux états de Blois contre ce- ^^ ^* l^^"^-
lui qu'elle espéroit le plus d'accabler, ^et ré-
Tome IIL C
. 54 Henri II Î.
voqua Pedit accorde aux protestaits. C'étoît
" peu de leur fournir un nouveau prétexte de
guerre. Le roi par une politique inconceva-
ble , autorisa la ligue , s'en déclara le chef ,
se mit à la tète d'une faction formée con-
tre lui-même. Tel fut le fruit des états de
Blois : la guerre civile et nul secours d'ar-
gent pour la soutenir.
■■" ■ " A peine avoit-on repris les armes , que
M 77- le roi désira la paix. Il accorde un nouvel
Nouvelle , ^ i -r ■ r i •
paix. edit de pacification conforme en plusieurs
points au dernier, de nouvelles places de
sûreté pour le calvinistes ; en attendant ,
dit-il , qu'il ait plu à Dieu de lui faire
la grâce ^ par le moyen d'un bon , libre
et légitime concile^ de réunir tous ses
sujets à r église catholique, ( Expression
Ordre du singulière après le concile de Trente. ) Dans
S. Esprit, ^g ^^^^^ intervalle de tranquillité, Henri III
institua Tordre du Saînt-Esprit. Celui de
Saint-Michel , que les Guises avoient pro-
digué pour se faire des créatures , étoit tom-
bé dans un tel avilissement, qu'on l'appe-
' loit le collier à toutes bêtes. Les catholi-
ques seuls pouvoient être admis dans le nou-
vel ordre : c'étoit un appât pour attirer les
protestans. Mais le roi, méprisé des premiers
à causé de sa conduite scandaleuse , détesté
des autres comme un d^s auteurs de la S»
Barthélemi , ne connoissoit pas les vrais
moyens de ramener les esprits et de réta-
^
Henri m. 55
blir son autorité. En prodiguant tout à son
luxe et à ses mignons , il manquoit de tout
pour les besoins de l'état. Les deux partis
ne voyoient dans sa personne qu'un prince
foible , débauché , et bassement hypocrite.
Aussi le bravèrent-ils tour-à-tour.
Comme la cour étoit peu fidelle à ses " -■'
engagemens , le roi de Navarre ne crut pas M ^^'j^
devoir l'ctre davantage aux siens. Il re-d'x\iijou
commença la guerre, et acquit une grande baï/^^^'
réputation au siège de Cahors. D'un côté,
le duc d'Anjou ( auparavant duc d'A-
lençon ) , dont l'humeur ne pouvoit sym-
pathiser avec celle de Henri III son iVère ,
s'évada secrètement , et alla profiter des
troubles des Pays-bas , où la domination
Espagnole déclinoit de plus en plus. Le duc
d'Albe, après avoir livré à l'exécuteur dix-
huit mille hérétiques en cinq ans , s'étoit
retiré avec le chagrin de voir l'hérésie et
la révolte plus audacieuse que jamais. Tout ^j^^J"^^*"
le sang versé par li::s ordres de Philippe II Hollande.
n'avoit servi qu a enflammer la haine des
peuples contre lui , et celle des protestans
contre l'église. Le prince d'Orange, qu'il
venoit de proscrire , dont il avoit mis la
tête à prix, détermina enfin les états à .le
déclarer solennellement d/chu de la prin-
cipauté^ pour avoir violé les privilégies
des peuples , contre son serment. Pour
cette cause y ajoute la proclamation , les
Cl
56 Henri II L
états ^ suivant la permission que le roi
Philippe leur en avoit donnée lui-même
lorsqu^il fut reconnu prince de Flandre ,
étant libres et dégagés de Vobéissance
qui! ils lui av oient vouée , choisissent pour
Leur prince , de leur bon gré et de leur
propre mouvement ^ François de Valois ^
duc d* Alençon ^ frère du roi de France.
Le roi approuva l'élection , mais il falloit ,
pour la soutenir , plus de génie et de pru^
dence que n'en avoit le duc d'Anjou.
*■' Mécontent de ce que les Provinces-unies
1583. gr^noient son autorité, et ialoux du prince'
conduite d'Orange qui n'avoit eu garde de se donner un
ll'knjou, maître absolu , il tenta de s'emparer des prin-
cipales villes. Cette entreprise ruina ses affai-
res. Les bourgeois d'Anvers repoussèrent les
François , qui crioient partout vive le duc et
Malheurs la Messe , et ils en firent un grand carnage.
^l'nr/iiV?^Ce malheureux prince fut obligé de revenir
en France , ayant perdu par sa faute un état
où il pouvoit être heureux en respectant la
liberté nationale. Il se flattoit d'épouser la
reine d'Angleterre ; il en avoit même reçu un
anneau pour gage de sa foi. C'étoit la coutu-
me d'Elisabeth de nourrir l'espoir des princes
' qui vouloient régner avec elle. Elle trompa
le duc d'Anjou comme tant d'autres , quoi-^
que amoureuse de lui. Consumé de chagrin,
il mourut en 1684. Le prince d'Orange
ayanr été assassiné par .un fanatique, la
He N RI III. 57
nouvelle république offrit au roi de le recon- Les Hoi-
^ * • TT /r • landois
noitre pour souverain. Une ottre si avan- veulent se
tageuse ne fut point acceptée. Sous un gou- fa° France.
vernement foible , les occasions échappent
sans retour.
On vit enfin que la sainte ligue , colo- » ■ ■•
fée d'une apparence de zèle n'étoit dans 1584-
les vues des principaux chefs qu'une cons- ligueurs,^^
piration contre l'autorité royale et les lois
fondamentales du royaume. La mort du
duc d'Anjou fit éclater le vrai dessein des
ligueurs. Comme le roi de Navarre étoit
dès-lors l'héritier présomptif de la cou-
ronne : ils affectèrent plus que jamais de
gémir sur les dangers de l'église , sur les
triomphes certains de l'hérésie , en cas qu'un
prince hérétique vînt à régner. Ht^nri III invectives
n'étoit point épargné dans leurs invectives, rcrj*^^^^
Les édits bursaux dont il écrasoit le peu-
ple , ses profusions pour d'indignes favoris,
ses débauches monstrueuses , ses confré-
ries , ses processions fréquentes , le sac
dont il se couvroit , une discipline et un
rosaire à sa ceinture , fournissoient ample
matière de satire. Pour le décrier davan-
tage , on le peignoir comme fauteur de
l'hérésie , ami secret du roi de Navarre ,
protecteur déclaré de Genève et des reli-
gionnaires Flamands. Les ecclésiastiques et
les moines , transportés la plupart d'un zèle
aveugle , souffloicnt à i'cnvi le feu ;de la
C3 ^
58^ Henri III.
rébellion. Ils entraînoient aisément un peu-
ple crédule et enthousiaste.
Le pape Le duc de Guise faisoit jouer tous les
la révolte, ressorts avec autant de prudence que d ac-
tivité. Un Jésuite Lorrain , nommé Mat-
thieu , fut un de ses principaux agens. On
Tappeloit le courrier de la ligue. Grégoire
XIII , qu'il avoir commission de consulter
sur ce cas de conscience : si le motif de
maintenir la religion catholique pouvoit
dispenser de V obéissance due aux souve-
rains y décida verbalement , selon les an-
ciennes maximes de Rome, que la guerre
en ce cas étoit perrnise contre le roi. Les
scrupules des âmes droites étant levés par
cette réponse , il n'y eut qu'une voix pour
prendre les armes.
Lecardi- L'ambition effrénée de Henri de Guise
liai de . . a n 1 • d
Bourbon, aspiroit au trône. Il sut la couvrir dun
ij'gue.'^^ ^^ voile imposant. 11 persuada au vieux Charies
cardinal de Bourbon, oncle du roi de Na-
varre , que son neveu étant , comme héré-
tique, incapable de régner , c'étoit lui que
la couronne regardoit. Ce prélat crédule»
facile 5 imbu d'ailleurs de préjugés domi-
nans, se laissa éblouir d'une espérance chi-
mérique , qui redoubloit Tardeur de sort
Son mani-^èle. Tout-à-coup parut un manifeste oii il
^^^^* se déclaroit le chef de la ligue en expo-
sant les intentions des ligueurs. Les noms.
du papej de l'empereur j du roi d'Espa-<
1
H E N R I III. 69
çne , de presque tous les souverains catho-
liques , appuy oient cette déclaration. Elle
portoit que tous les confédérés avoient fait
serment de tenir la main forte et armée
à ce que l'église fût rétablie en sa dignité ,
et la religion catholique maintenue , le peu-
ple soulagé , les nouveaux impôts abolis , etc.
Aprè^ ce signal de guerre, les ligueurs Le roi ne
se mettent bientôt en campagne. Henri 111 , a^e°la fol-^
quoiqu'en état de les dissiper , se contente blesse,
de faire son apologie. Il invite le roi de
Navarre à changer de religion , et à venir
le seconder pour leurs communs intérêts.
Celui-ci répond qu'il faut auparavant le con-
vaincre de la fausseté de sa religion ; qu'il
n'est point opiniâtre sur cet article ; mais
qu'en attendant, il suivra les lumières de
sa conscience. La cour n'avoit ni prudence, >
ni courage; et Catherine de Médicis , soit-
penchant pour la ligue , soit envie de tem- •
poriser , augmenta les frayeurs du roi.
On fit donc à Nemours un traité de paix , , 1
le plus avantageux aux ligueurs, et le plus 1585.
capable de révolter les protestans. On dé- ^^^l^Hl
pcuilloit ces derniers de tout ce qui leur ligueurs,
avoitété accordé; on accordoit aux autres
tout ce que des rebelles peuvent désirer
pour l'anéantissement delà puissance royale.
Le cardinal de Bourbon et les princes de
la maison de Guise obtinrent des gardes,
des villes de sûreté , de l'argent , et une ap-
C 4
6o H E N R I II L
probation authentique de tout ce qu'ils avoient
entrepris contre l'état. Cette nouvelle frappa
tellement le roi de Navarre , qu'un côté
de sa moustache , dit son historiographe
Matthieu , en blanchit tout-à-coup.
Sixte- Cependant la ligue perdoit son crédit à
SmmunS^^"^^' Sixte-Quint, ce pape fier et entre-
le roi de prenant , né d'un vigneron , nourri dans
un cloître , parvenu à force d'artifices au
pontificat , mais capable de gouverner un
empire , la regardoit comme une cabale
aussi dangereuse pour la religion que pour
le royaume. Quoiqu'il en parlât avec mé-
pris , il ne laissa pas de lui fournir des armes
en publiant une fameuse bulle , par laquelle i!
excommunioit le roi de Navarre et le prince
de Condé , comm^ hérétiques, relaps, ennemis
de Dieu et de l'église , les appellant génC"
ration bâtarde et détestable de Villustre
maison de Bourbon , les déclarant privé$
de tous leurs droits , incapables de succéder
à toute souveraineté, et déliant les sujets du
roi de Navarre de leur serment de fidélité.
Le parlement , indigné de cet attentat , en
fit la matière des plus fortes remontrances.
Un conseiller fut d'avis de £iire brûler cette
bulle injurieuse. Les deux princes en appel-
lèrent à un concile libre,
tionvigou- Le roi de Navarre, dans sa protesta-
prlncei^^.^ tion , donne un démenti à Sixte-Quint , et
ajioute que si par le passé les rois et prin*
Henri ïlï. 6i
C€S ses prédécesseurs ont bien su châtier
la témérité de tels galans , comme est ce
prétendu Sixte ^ lorsquils se sont oubliés
':• leur devoir^ et passé les bornes de
. ur vocation , confondant le temporel
avec le spirituel ; // espère lui qui nest
en rien inférieur à eux , que Dieu lui
fera la grâce de venger V injure faite à
son roi y à sa maison ^ à son sang , et
à toutes les cours du parlement de Fran^
ce, etc. Selon lui , c'est le pape qu'on doit re-
garder comme hérétique ; et il prétend le prou-
ver dans un concile légitime. Il eut le cou-
rage de faire afficher ce placard dans Rome
même. Le pape admira sa fermeté, mais
les ligueurs ne manquèrent pas de se pré-
valoir de la bulle. C'étoit tout pour eux
de paroître n'attaquer que les ennemis de
l'église. Leur cause devenoit ainsi aux yeux
du peuple la cause de la religion.
Henri III fut forcé de lever des troupes ' -•
contre le roi de Navarre et les calvinistes , '^^^*
< • / '11- / 1- 1 Piaiiîtes
après avoir révoque le dernier edit rendu du roi jur
en leur faveur. Il manda le premier présidenr, \l ISg^re-^*
le prévôt des marchands, le cardinal de ^^'"'"'-''''
Guise, et leur dit avec ironie, « quM guerre,
» louoit le zèle de la magistrature , de la
» bourgeoisie et du clergé pour la cause
» de la religion ; mais que la guerre ne
» se faisoit pas sans argent ,• qu'ainsi tant
» qu'elle dureroit , le parlement trouveroit
C5
&2i Henri IIL
» bon que sqs gages fussent supprimés ;
» que \ts bourgeois fourniroient volontiers.
i> deux cents mille écus cl or dont il avoit
» besoin; qu'il ne se feroit pas scrupule
» de toucher aux revenus ecclésiastiques ;.
» car c'étoit une guerre sainte , et le clergé
» devoit la soutenir ». Comme on vou-
loit répliquer ; il falloit donc ni en croire^
agouta-t-il brusquement , et conserver la
paix , plutôt que de décider la guerre
dans une boutique ou dans un chœur^
T appréhende fort que pensant à détruire
le prêche , nous ne menions la messe en
grand péril, Davila , qui rapporte ce fait ,
dit que le roi laissa tout confus ceux à la
bourse desquels la guerre étoit ainsi déclarée.
ulïunà -^^ venoit d'ordonner par unédit, sous
*Ti'* te' P^*"^^ ^^ ^^^'^^ ^'^ lèse-majesté , que les
hérétiques abjurassent dans quinze jours. Le
roi de Navarre avoit ordonné à son tour ,
par une déclaration , que les catholiques fus-
sent traités comme on traiteroit les calvinis-
tes. Cette guerre des trois Henris (elle est
désignée sous ce nom ) , déchira les pro-
vinces , sans produire de grands événemens.
On manquoit de ressources; et le parlement
rejetoit les édits bursaux, par lesquels on
vouloir épuiser la France, "déjà trop malheu-
reuse. Catherine de Médicis tenta encore
les voies de négociation,
£ile eut une conté rence en Saintonge
H E N R I 1 1 L ^3
avec le roi de Navarre. Elle y avoit mené Conféren-
les femmes galantes de sa cour, moyen de reine mère
séduction qui lui réussissoit souvent. Lely^^"^'^*^
prince en les voyant dit à la reine : Il n^y
a rien la que je veuille, — Ç^o/ , répli-
qua-t-elle, aurois'je donc pris une peine
inutile , moi qui n^aime que le repos ^
— Madame ^je nen suis pas cause , répon-
dit le prince , ce nesî pas moi qui vous em-
pêche de coucher dans votre lit\ c'^est vous
qui niempêche\ de coucher dans le mien,
La peine que vous prene\ vous plaît et
vous nourrit , le repos est le plus grand
ennemi de votre vie. Le duc de Nevers
lui représentant qu'il n auroit pas même le
pouvoir de lever un impôt à la Rochelle , il
repartit fièrement : je fais ^ la Rochelle
tout ce que je veux , parce que je n'y
veux rien que ce que je dois. Cette parole
devoit donner une haute idée de Henri IV.
Nous rappellerons désormais ainsi, puisque,
selon la remarque de M. de Vohaire, ce
nom si célèbre est devenu un nom propre.
Comme il persistoit à ne vouloir point ab-
jurer le calvinisme par un pur motif d'in-
térêt , la conR'rence suspendit à peine quel-
que temps les hostilités^ On s'égorgeoit
impitoyablement les uns les autres. J'ai
peur ^ disoit le vicomte de Turenne, que
cette guerre ne nous mange tous y si
Dieu n'y met la main.
C6
C4 Henri IIL
Il I n Un événement affreux augmenta la hainÈJ
1587. ^es catholiques contre les religionnaires ,
û*î Marie et acheva de manifester l'inertie du gou*
5tuart. vernement. Marie Stuart reine d'Ecosse ^
après la mort de François II son époux ,
s'étoit retirée dans ses états. Elisabeth ,
qui voyoit en elle une dangereuse rivale ^
fomenta soigneusement la révolte des pro-
testans Ecossois , plus furieux que les au-
tres , parce qu'ils étoient plus fanatiques.
Les foiblesses de leur reine ( car il est
difficile de la justifier de galanterie , quand
on pèse les témoignages pour et contre ) ,
servirent peut-être à irriter leur fanatis-
me. Chassée de son royaume en i568 ,
elle chercha un asile auprès de son enne-
mie. Elisabeth , moins généreuse que poli-
tique, la tint en prison dix-neuf ans, et lui
£t trancher la tête , sous prétexte des sou-
lèvemens qu'elle occasionnoit dans l'état. Il
est certain que les catholiques avoient for-
mé quelques conspirations contre Elisabeth.
Mais quel droit la reine d'Angleterre pou-
voit-tlle avoir sur les jours de la reine d'E-
cosse? Celle-ci reçut la mort avec un hé-
roïsme vraiment chrétien, Henri III ne
pensa pointa venger la veuve de son frèœy
ni les droits de la royauté. Il avoit tout à
craindre pour lui-même.
i»cs Seiz€. ^" découvrit en ce temps là une nou-
velle faction très-dangereuse , la ligue des
Henri IIL 6i
Sà^e , ainsi nommée parce que ceux qui
la composoient étoient distribués dans les
seize quartiers de Paris. Elle existoit depuis
deux ans , étroitement unie à la grande li-
gue, et formant le dessein, non-seulement
d'assujettir le roi , mais encore de le détrôner.
Après avoir été averti de ce complot , il n'ea
fut ni plus actif, ni plus prévoyant. Les li-
gueurs , qu'il regardoit avec raison comme
ses ennemis mortels , l'obligent à continuer •
la guerre contre Théritier présomptif de la
couronne. Il confie le commandement de
l'armée au duc de Joyeuse , l'un de ses fa-
voris , dont les qualités brillantes couvroient
les vices ordinaires de la cour. Ce seigneur
est défait par Henri IV à la journée de Cou-
tras en Guienne.
La diffs^rence des deux armées sembloit an- Bataille de
p ' / T , ' -^ 1 • 1 Coutras.
noncer 1 événement. L une etoit pleine de
jeune noblesse , brave , impétueuse , mais sans
discipline , amollie par le luxe , couverte
d'armes dorées et de magnifiques ajustemens :
l'autre, composée de vrais guerriers, sim-
plement vêtus, endurcis à la fatigue, et qui
ne pensoient à briller que par leurs exploits.
Avant la bataille, H<::nri dit au prince de Cou-
de et au comte de Soissons : Souvenei vous
que vous êtes du sang de Bourbon ; et vive-
Dieu , je vous ferai voir que je suis votre
aîné. Et nous , répondirent-ils , nous vous
montrerons (lue vous ayeide bons cadets*
66 Henri IIÏ.
De jeunes seigneurs libertins , voyant îes
calvinistes faire la prière, dirent d'un ton
moqueur : Ils sont â nous , les poltrons ,
ils tremblent et se confessent. Quelqu'un
plus sensé répondit ; ne nous y trompons
pas ; quand les huguenots font cette mine y
ils ont envie de se bien battre. En moins
d'une heure la victoire fut décidée.
Gloire de Jamais le roi de Navarre n'avoit montré
tant de conduite ni tant de valeur. Il se dis-
tingua encore plus par sa modération , pre-
nant soin des blessés , renvoyant les prison-
niers gratuitement , et paroissant aussi digne
d'amour que la ligue le peignoir digne de
haine. Il fit rendre les honneurs funèbres au
duc de Joyeuse , qu'on avoit tué de sang-
froid après le combat. Ces sortes de meur^
très , inspirés par le fanatisme , déshono-
roient tour-à-tour les deux partis.
Succès du Le duc de Guise se signaloit d'un autre
GuW^ côté contre les Allemands , qui venoient aa
secours des huguenots. Leur armée étoitde
huit mille Reîtres et de cinq mille Lansque-
nets , auxquels dévoient se joindre seize mille
Suisses, ( On appeloit Reîtres la cavalerie
Allemande, et Lansquenets Tinfanterie. J
Ce général les dissipa aisém.ent ; car déjà
effrayés du mauvais succès de leur entre-
prise , et le roi de Navarre ne marchant point
à leur secours , ils ne pensoient qu a préci-
piter leur retraite. Guise çn fit un grand car-
l
Henri IIL 67
nage. Alors on vit redoubler l'enthousiasme
et rinsolence des ligueurs. Tout Paris élevoit
leur idole jusqu'aux nues. Les chaires ne
retentissoient que de ses louanges ; les prédi-
cateurs affectoient de rabaisser le roi en pré-
conisant le duc. Ces paroles , qu'ils répé-
toient avec enthousiasme , Saiil en a tué
mille , mais David en a tue dix mille ,
devinrent le cri universel de la populace.
Les esprits étoient si étrangement fascinés, oécisiot»
que la Sorbonne décida dans une assemblée ^^Jj^e,^*'^''
secrète , qu'0/2 pouvait 6 ter le gouverne-
ment aux princes que Von ne trouverait
pas capables y comme r administration au
tuteur quel on avoit pour suspect \mdi\\mQ
dictée par les Seize, et qu'ils prétendoient
mettre en pratique. La mort du prince de Mort da
Condé, empoisonné à Saint-Jean d'Angeli , condé.*^
augmenta leur confiance. Leur impunité
même ne prouvoit que trop combien ils
étoient redoutables.
Cependant le duc cfe Guise , toujours oc- ■■■
cupé de ses grands desseins, tandis que le M^f»
.* , . ^ ,1 ^ Assemblée:
roi demeuroit comme enseveli dans une stu- séditieuse
pide léthargie , assemble à Nancy les chefs ^^ ^^"^y*
de la ligue et les princes de sa maison. Ils
conviennent entre eux de faire de nouvelles
demandes à Henri III. On lui envoie un Demande»
mémoire pour le prier d'éloigner de la cour^"^®**
les personnes suspectes , de faire publier le
concile de Trente , d'établir le tribunal de
U Henri ilL
rinquisition dans les principales villes , et
d'en commettre l'exercice à des étrangers ;
d'abandonner aux chefs de la ligue hs places
d'importance qu'on désigneroit; de payer
leurs troupes , etc , etc. De pareilles de-
mandes mettoient le comble à la révolte.
Il prend Le roi dissimula , résolu de faire un exemple
un parti de ^ c ■ t\ i v^i •
Vigueur, sur ks beize. Dans cette vue , il assemola
quelques troupes , et envoya défense au duc
de Guise , qui étoit alors à Soissons , de
revenir à Paris. Il falloit vingt-cinq écus au
courrier chargé de la lettre; on ne les trouva
point , et la lettre fut mise à la poste.
^Journée Au moment qu'on s'y attend le moins.
cades. arrive le duc de Guise. Présenté au roi , il
jure qu'il n'a reçu aucun ordre. Deux jours
mriître de^P^^^9 Henri III fait entrer les Suisses , pour
*'*''^"» s'assurer de la ville. Les bourgeois séditieux
prennent les armes , forment des barricades
jusqu'au Louvre , enveloppent ou désarment
les soldats. Le roi s'enfuit, et abandonné sa
capitale au duc rebella , qui auroit voulu se
saisir de sa personne , mais qui appréhenda
peut-être de se rendre trop odieux parxette
violence. Les Parisiens Tadoroient , Paris et
la Bastille étoient à sa disposition; il eut
bientôt rétabh l'ordre partout. Achille de
Courage Harlai , premier président , qu'il alla visiter,
président, plus indigné qu'effrayé de son triomphe , lui
dit : c'est grand pitié quand le valet chasse
le maître* Au reste , mon âme est à Dieu,
i
Henri III. 6c)
mon cœur est à mon roi, et mon corps
est entre les mains des méchans : quon en
fasse ce quon voudra. Ainsi un magistrat
illustre se montroit , par sa fidélité et sa
vertu, bien supérieur à ce héros criminel.
La plupart des membres du parlement parta-
geoient les sentimens de leur chef; et ÏEt2Lt
n'avoit plus guère d'autre ressource.
Les Parisiens rougirent bientôt de leurs Processfo»
excès, ou plutôt ils craignirent la vengeance. aè^T-^
Une procession de capucins alla jusqu'à ^"^""*
Chartres pour fléchir le roi. Frère Ange
( Henri de Joyeuse , un de ses mignons ,
devenu novice capucin ) , marchoit à la
tête, portant sur les épaules une grande
croix , et frappé de coups de discipline paf
deux religieux, tandis que les autres . chan-
toient le Miserere , et que le peuple crioit
d'un ton lamentable , miséricorde. A cette
bizarre cérémonie succéda une députation
respectueuse pour demander pardon, et le
parlement sollicita la grâce du peuple. Henri
III s'expliqua d'abord avec assez de fermeté ;
il accorda ensuite comme auparavant tout ce
que pouvoient souhaiter les rebelles.
Un édit d'union , siené à Rouen , porte E^'t /jon-
qu il tera serment d exterminer 1 heresie dans niou.
son royaume : de ne faire jamais ni paix ni
trêve avec les hérétiques , ni aucun édit en
leur faveur; que tous s*:^ sujets jureront de
ne recevoir pour roi après sa mort aucun
70 Henri m.
prince hérétique ou fauteur d'hérétique ; que
toutes les charges seront données aux catho-
liques ; que le roi aura deux armées pour ex-
terminer l'hérésie ; que le concile de Trente
sera publié au plutôt , sans préjudice de l'au-
torité royale et des libertés de l'église Galli-
cane ; que les sujets se départiront de toutes
intelligences, ligues, associations, soit au-
dedans , soit au-dehors ; qu'il y aura amnis-
tie générale pour le passé , et nommément
pour la journée des barricades , attendu que
tout s'est fait par zèle pour la religion , etc.
Le seul article avantageux au roi , étoit de
lui rendre h Bastille ; il ne fut point exécuté.
Les autres le livroient en quelque manière à ^
la discrétion des factieux. Ainsi plus le gou-
vernement plie dans Its orages , plus les chefs
de partis savent profiter des circonstances.
Flotte m- L'armement prodigieux de Philippe II,
battiié. auquel on donnoit le nom de Flotte invin-
cible , détermina peut-être la cour à céder
avec tant de honte. Cette flotte , composée
de cent trente gros vaisseaux, où le maître du
Pérou avoit déployé toutes si:^s ïcrcQS , de-
voit détrôner Elisabeth, et sembloit menacer
la France aussi bien que l'Angleterre. Mais
elle fut battue par les vents et par les Angîois, ,
de manière que l'entreprise ne produisit ab-
K solument rien.
1588. Outré de l'avilissement où il se voyoit ré-
BioYs? ^ duitpar les ligueurs , le roi résolut enfin de faire
Henri III. 71
^ coups d'autorité. Ceux qui lui avoient
conseille jusqu'alors les voies de douceur et
de conciliation, perdirent sa confiance, la
reine mère en particulier , qui , indiiîerente
pour tous les partis , sacrifioit tout à Tam-
bition de gouverner. Les états-généraux fu-
rent assemblés à Blois. Henri fit serment avec
eux d'observer Tédit d'union comme une loi
fondamentale du royaume. Les partisans des
Seize, qui vouloient imposer le joug au sou-
verain , proposèrent hardiment que les déli-
bérations fussent publiées sans attendre les
ordres du conseil , dont les longueurs et les
modifications , disoient-ils , rendoient inu-
tiles ks remèdes les plus salutaires. On fit au
roi de nouvelles demandes propres à l'aigrir
davantage. On vouloit qu'il exclût nommé-
ment de la couronne le roi de Navarre , déjà
exclus en qualité d'hérétique par le traité de
Rouen. On insista sur la publication du con-
cile de Trente ; moyen infaillible dont le duc
de Guise se servoit pour s'attacher la cour de «
Rome.
Cette proposition excita de violentes dis- Disriic&
putes au sujet des libertés de l'église Galli- bertés Gai*
cane. L'archevêque de Lyon , Pierre d'Espi- ^i<=^»^*»
nac , osa les dépeindre comme des chimères
inventées contre l'autorité du saint siège ;
mais l'avocat général d'Espesses les défendit
en bon François , comme l'ancien droit com-
mun que la France avoit eu le bonlieur de
72 Henri III.
conserver, li les réduisit à ces deux maxi-
mes 5 1 ^, que le pape n'avoit rien à com-
mander dans le royaume , et ne pouvoir rien
statuer en matière civile; i*^. que, quoiqu'il fut
reconnu en France pour le chef de l'église, on
n'y avoir jamais admis cette puissanceabsolue
qu'il exerçoit ailleurs. Le cardinal de Gondi
se récria , disant que ceux qui parloient de la
sorte ne savoient guère de théologie. D'Es-
pesses lui ferma la bouche en répondant qu'il
s'avoueroit vaincu , si celui qui le taxoit
d'ignorance pouvoit seulement décliner son
nom en latin. Cette dispute, humiliante
pour les ligueurs , augmenta leur animosité ,
mais suspendit une délibération embarras-
sante.
Henri sent Le marquisat de Saluces envahi sous pré-
d'être ^dé- ^^^^^ ^^ zèlepar le duc de Savoie, qu'on croy oit
troué. d'intelligence avec Henri de Guise ; les des-
seins de ce dernier , dont le but étoit évi-
demment de détrôner le monarque ; l'inso-
lence des Seize , qui lui étoient tous dé-
voués , et qui dominoient dans le tiers-état ;
le ressentiment, la colère, la crainte déter-
minèrent Henri III à faire périr un chef de
parti y d'autant plus redoutable , qu'il efFa-
• çoit par ses grandes qualités presque tous ks
princes de son temps. « Ce n'étoit point une
» terreur panique , dit M. Hénault, que la
» crainte des entreprises qu'il pouvoit for-
» mer : il se trouvoit dans des circonstances
Henri III. 7?
» pareilles à celles dont Pépin profita : Henri
»III ne ressembloit pas mal aux derniers
- rois de la première race , et le prétexte de
V la religion auroit fort bien pu susciter
» quelque pape de l'humeur de Zacharie ».
Il paroissoit impossible dans les circons- Assassina:
1 r • 1 ^ j J /^ • du duc et
tances de raire le procès au duc de Guise , ducardinai
tout puissant dans le royaume. Un assassinat *^« ^"**^*
ëtoit la voie la plus sûre ; on ne pensa point
que c'étoit la plus odieuse. Henri proposa au
brave Grillon de s'en charger. Grillon répon-
dit qu'il promettoit de tuer ce héros dans un
combat singulier , mais que l'office de bour-
reau ne lui convenoit point. Les meurtriers
furent choisis parmi les gardes appelés
les Quarante - cinq. Le roi , en leur distri-
buant des poignards : c'est un acte de jus-
tice , dit-il, que je vous commande sur
r homme le plus criminel de mon royaume.
Les lois divines et humaines me permet-
tent de le punir. Ne pouvant le faire par
les voies ordinaires de la Justice , /e vous
autorise à le faire par le droit que me
donne ma puissance royale. Guise reçut
avis de plusieurs endroits qu'on tramoit quel-
que chose contre lui. Un billet qu'il trouva
sous sa serviette lui annonçoit une prochaine
catastrophe. Il écrivit sur ce billet avec un
crayon , on noseroit , et le jetta sous la
table. Son intrépidité le perdit. Les satellites
le percèrent de coups dans la chambre mcme
74 Henri III.
du roi, qui fit assassiner le lendemain le
cardinal de Guise son frère , homme aussi
violent que le duc étoit circonspect et me-
suré dans ses démarches (i).
Mœurs du Ce fameux duc , Fauteur de la sainte
duc, -r ' ' ' ' t !• • \ 1
Ligue , qui avoit toujours la religion a la
bouche , étoit si peu chrétien par les mœurs,
qu'il ne dissimuloit guère son libertinage ,
et que la jalousie pour une maîtresse lui fit
appeler un jour en duel son troisième frère
le duc de Mayenne, On eut soin cependant
de brûler son corps et celui du cardinal , et
de jeter leurs cendres au vent , de peur qu'il
ne restât au peuple un objet de fanatisme , et
qu'on ne rendît à leurs prétendues reliques le
même culte qu'à celles des martyrs. Ils
avoient si bonne mine ces princes Lor-
rains , disoit la maréchale de Retz, qu'au-
près d'eux les autres princes paroissoient
peuple. Un tel avantage ajoutoit beaucoup
aux talens , dans un pays oili les femmes
avoient déjà tant d'empire.
w A\x lieu de voler à Paris avec des troupes ,
M^9- . et de profiter de la première consternation
eii^com- dcs ligueurs , le roi retombe dans son indo-
bustion.
(i) Le cardinal disoit souvent que son plaisir
seroit de tenir la tête du roi , quand on lui feroit
une troisième couronne chez les capucins. Les deux
premières étoient celles de Pologne et de France.
11 vouloit y aJQuter celle de moine.
Henri HT. 75
lence ordinaire , ne prend aucune mesure ,
ne donne aucun ordre pour prévenir les sé-
ditions. Bientôt tout Paris est en feu. Les
Seize s'abandonnent aux derniers excès.
Leurs prédicateurs chano;ent la morale chré- Fanatîsma
' . 1 ' 1 ^ 1 en ciiaire
tienne en maximes de révolte et de ven- et aiikurs.
geance. Quelques-uns exigent de leur audi-
toire un serment de venger les princes mas-
sacrés. Un de ces fanatiques, apostrophant
le premier président de Harlai , l'oblige de
lever la main comme les autres , sans quoi la
populace Vt^ùt mis en pièces. Un curé, fai-
' sant Toraison funèbre du duc de Guise, dé-
clame en furieux ces vers latins dictés par
la rage :
Exorîare aUqu'is nostris ex ossibus ultor ,
Qiilface Valesios ferroque scquare tyrannos.
La Sorboime déclare les sujets déliés de leurs
obligations envers le souverain ; soixante et
• dix docteurs signent ce décret , et on le
donne pour le sentiment unanime du corps ,
quoiqu'il y eût quelques opposans parmi les
anciens. La confession même sert à inspirer
' le crime. Point d'absolution dans la plupart
des églises pour quiconque n'a pas \t% senti-
mens d'un rebelle.
Bu^si-le-Clcrc , procureur, à qui le duc Lepar!e-
' j Guise avoit confié la Bastille comme aUsonnUrd"s
,-plus furieux (\qs Seize, se rend au palais, ^^'"*
7<î Henri III.
suivi d'une troupe de satellites. II présente
une requête pour que le parlement déclare,
conformément au décret de la Sorbonne ,
que les sujets sont déliés du serment de fidé-
lité. Ne trouvant pas cette compagnie dans
les dispositions qu'il exigeoit, il ordonne
au premier président et à quelques autres de le
suivre. Tout le parlement se lève , et marche
à la suite de Harlai. On les conduit à la Bas-
tille ; on forme un nouveau parlement corn-»
posé des magistrats les moins suspects aux
ligueurs. La requête de Bussi-le-Clerc y est
entérinée , la ligue confirmée , et la résolu-
tion prise avec serment de venger la mort
du duc et du^cardinal de Guise , contre tous
ceux qui en avoient été les auteurs ou les
complices.
Mort de A cette multitude d'attentats , le roi n'op- ^
de Méd'cis posoit que des manifestes, des apologies,
il venoit de perdre sa mère Catherine de
Médicis , qui , depuis trente ans , avoit ,
par son génie ambitieux et sa perfide politi-
que , fomenté toutes les factions pour Iqs faire
servir toutes au maintien de son autorité (i).
( i) Ces anciens vers , en forme d'épitaphe, ne
peignent pas mal le caractère et le gouvernement
de Catherine de Médicis.
La reine qui ci-gît fut un diable et un ange ,
Toute pleine de blâme ^ et pleine de louangeT
Elle soutint l'état , et l'état mis à bas ,
Elle fit maints accords , et pas moins de débats.
Quoiqu'elle
Henri IIL 77
Quoiqu'elle eut toujours haï le fol de Na-
varre, elle recommanda en mourant à son
fils de se réconcilier avec lui , et ajouta qu'il
ne pouvoit rétablir la paix dans le royaume
qu'en accordant la liberté de conscience;
les princes d'Allemagne et plusieurs autres
souverains de son siècle n'ayant jamais pu
pacifier par les armes les troubles excités par
la religion. La^ nécessité donnoit du poids à
ce double conseil , fondé sur des expériences
palpables.
Un nouveau chef avoit remplacé le duc Le duc de
j^. >/-ii i\# • Mayenne.
de Guise : c etoit le duc de Mayenne , moms
vif, moins audacieux, mais du reste digne
successeur de son frère. Il se trouvoit à Lyon
pendant les états de Blois. Henri III n'ayant
pu s'assurer de sa personne tâcha inutilement
de le gagner par les offres les plus avanta-
geuses , qui tendoient à mettre le tiers du
royaume entre les mains des princes Lor-
rains. On devoit bien s'attendre que le meur-
tre de ses frères exciteroit sa défiance , et
autoriseroit ses refus. Les ligueurs et leur
parlement ( le roi venoit de transférer à
Tours celui de Paris) le déclarèrent lieute-
nant-général de la couronne de France. Ils le
Elle enfanta cinq rois et deux guerres civiles ,
Fit bâiir des châteaux et ruiner des villes ,
Fit bi-:n de bonnes lois et de mauvais éditsJ
Souhaite-lui , passant , enfer et paradis.
Tome m. D
fi Henri III.
faisolent roi sous un autre nom , car ils sup-
posoient le trône vacant, et ne pensoient
qu'à le remplir. Quantité de villes considé-
rables embrassèrent hautement le parti du
duc. A peine restoit-il au roi quelques pro-
vinces , contenues par l'autorité des gouver-
neurs.
Henri III Dans ces fatales circonstances , il traite
îv uni" enfin avec Henri IV , dont on l'avoit forcé
iSuQ,^ ^^ d'être l'ennemi. Ce grand prince ne balance
point à venir le joindre , malgré les inquié-
tudes qu'on tâche de lui inspirer. C'étoit
unedémarche hasardeuse, après tant d'exem-
ples de perfidie ; mais la confiance d'un hé-
ros , excité par l'amour du bien public , l'em-
porte sur les considérations personnelles. Les
deux rois s'embrassent avec tendresse, et
s'unissent étroitement contre la ligue.
Générosité Parmi des détails peu intéressans , nous
trouvons un trait digne de rester dans la mé-
moire des hommes. La Noue , gentilhomme
Breton , le modèle des protestans , loué par
les catholiques mêmes, ( tant la vertu a
d'empire sur les cœurs ! ) devoit secourir
promptement Senlis , que l'armée des Seize
alloit emporter. Il falloir y conduire des mu-
nitions. Elles étoient toutes prêtes , mais les
marchands refusoient de les livrer sans ar-
gent ou sans une caution sûre. La Noue s'a-
dresse à quelques traitans enrichi au service
du roi j pas \m ne veut ouvrir sa bourse. In-
Henri II L 79
digne de leur avare ingratitude : oh bien ,
dit-il , ce sera donc moi qui ferai cette,
dispense. Garde son argent quiconque l'es-
time plus que son honneur» Tandis que
f aurai une goutte de sang et un arpent dt
terre , je remploierai pour la défense dt
ma patrie. Aussitôt il engage ses biens aux
marchands , vole au secours de Senlis , dé-
fait les ligueurs , et sauve la place.
L'union des deux rois étoit un sujet d'à- Monitoire
larmes pour la cour de Rome. Quoique quIi^J^"
Sixte-Quint n'estimât point la ligue, il la
favorisoit politiquement. Le massacre du duc
de Guise lui avoit paru un acte de justice
nécessaire; mais celui du cardinal et l'em-
prisonnement de quelques prélats ligueurs lui
paroissoient des attentats crians contre l'é-
glise et le saint siège. En vain le roi demanda
l'absolution sans avoir été frappé d'anathème.
Ce pape altier , qui avoit l'ambition de maî-
triser \q% souverains , le voyant ligué avec
un prince hérétique , fulmina contre lui un
monitoire, par lequel il lui ordonnoit de
mettre en liberté le cardinal de Bourbon ,
arrêté aux états de Blois , et le citoit à com-
paroître devant lui dans soixante jours ou en
personne ou par procureur ; le déclarant
excommunié , en vertu de la bulle In cœna
Domini ^ s'il n'informoit pas le saint siège
de son obéissance dans l'espace de trente
jours.
Da
8o Henri III.
Bulle In Cette bulle In cœna Dornini^ composée
^mint ^' de plusieurs bulles , publiées en 1 568 par
Pie V (i) toujours rejetée en France et en
quelques autres états , toujours lue à Rome
le jeudi saint ( excepté sous le pontificat
de Clément XIV ) , a principalement
pour objet les immunités de l'église , et va
jusqu'au point d'excommunier les princes
qui exigeront àes ecclésiastiques quelque con-
tribution que ce puisse être. Elle défend
même d'imposer de nouvelles taxes sur les
laïques sanstine permission expresse de Rome,
Les excommunications sans nombre qu'elle
porte sont toutes réservées au pape. Elle
excommunie quiconque appelle au futur con-
cile de ses décrets ou sentences , quiconque
enseigne ou croit qu'il est soumis au concile
général. Toute la France seroit excommu-
niée à jamais par une bulle , en suivant la
doctrine du concile de Constance ! tous les
princes à jamais privés des droits de souve-
rain ! et la cour de Rome toujours armée
de censures pour soutenir ses anciennes pré-
tentions ! Mais si les princes , les ministres
et les peuples venoient un jour à ouvrir les
(i) On fait remonter cette bulle jusqu'au ponti-
ficat de Grégoire XI dans le quatorzième siècle.
Elle existoit en partie depuis long-temps, lorsque
Pie V , dominicain , excessivement zélé pour l'in-
quisition , la publia telle qu'on la voit aujourd'hui.
Henri III. Si
yeux , quels effets cl«voit nécessairement
produire cet abus de Tautorlté spirituelle ?
Le timide roi fut consterne du monitoire^^^.se de
de Rome. Henri IV eut beaucoup de peine
à le rassurer. Vainquons , lui dit-il , et
nous aurons Pabsolution , mais si nous
sommes battus , nous serons excommu-
niés , aggravés et réaggravés. Effective-
ment le cardinal de Joyeuse avoit écrit de
Rome qu'on donneroit ou refuseroit l'abso-
lution 5 selon que les armes seroient heu-
reuses ou malheureuses. Il falloit assiéger
Paris , et étouffer la ligue dans son fort. Un
secours de dix mille Suisses , que Sanci ,
maître des requêtes , obtint sans argent par
un prodige de zèle et d'habileté, mit l'ar-
mée royale en état de former cette entre-
prise. Le roi s'empare de S. Cloud le 29
Juillet 1689. C'est-là que le fanatisme de-
voit l'immoler.
Un jeune prêtre dominicain , nommé ^ Jacques
• r-y, ^ ,., '. r Clément
Jacques Llement , grossier , Iibertm et fou- assassine
gueux , la tête échauffée par les déclama- ^ ^°^'
tions (\ts prédicateurs , par la doctrine cou-
rante du régicide , et par les entretiens jour-
naliers des enthousiastes , se croit inspiré de
déhvrer le royaume d'un tyran. ( On ne
donnoit pas d'autre nom à Henri III. ) Bour-
gouin son prieur le confirma dans sa résolu-
tion. Il y a même tout sujet de croire que
à^s personnes du premier rang en furent les
D3
Si Henri III.
instigateurs , et la duchesse de Montpensier,
sœur des Guises , femme d'un caractère vio-
lent et de mœurs très-peu respectables , fut
particulièrement soupçonnée. Muni de passe-
ports et de lettres de créance , Clément se
rend à S. Cloud, se fait présenter au roi,
sous prétexte d'avoir des choses essentielles
à lui dire , et avec tout le sang-froid d'un
scélérat lui plonge son couteau dans le ven-
tre. Henri III mourut le lendemain âgé de
trente-huit ans, entre les bras du roi de
Navarre , qu'il appeloit son frère et son suc-
cesseur, La race^es Valois étant éteinte , la
couronne lui appartenoit comme au premier
prince du sang.
On préco- Si le relii^ieux parricide n'eût pas été
«ise le té- ' j» i j i • i .
gicide. massacre d abord ,.-on lui auroit sans doute
arraché des secrets étranges. Les transport$
des Parisiens , après cet événement firent
assez connoître l'esprit de la ligue. La du-
chesse de Montpensier parcourut les rues en
carrosse avec sa mère , criant bonnes nou-
yellesj et excitant le peuple à la joie. Jac-
ques Clément iut honoré comme un saint ;
on le comparoit dans les chaires à Judith ,
qui avoit abattu la tête d'Holopherne ; on
exposa son image sur les autels. Le pape
s'exprima sur son compte de la même fa-
çon que les ligueurs. Presque tous les théo-
logiens catholiques soutenoient cette doc-
trine atroce et absurde , qui excite au meur-
Henri III. 83
tre , au régicide même , pour la défense
de réglise. Rien ne prouve mieux combien
l'esprit de parti et le faux zèle peuvent étein-
dre non-seulement les lumières de la raison ,
mais celles de la religion. Il faut avouer que
Ja conduite de Henri III ne contribua pas
peu à inspirer cette démence. La supersti-
tion, jointe à ses autres vices, le rendoit
également méprisable et odieux. On lui
reprochoit la Saint-Barthélemi, et les catho-
liques semblèrent être les vengeurs des nrc-
testans. Son règne fut appelé le règne des
fa vo ris.
Ce prince , par l'ordonnance de Blois , „p,^ce *Ju7
déclara que les roturiers qui acheteroient la nobies-
des fiefs nobles ne seroient plus~ ni anoblis
par-là , ni mis au rang de la noblesse. Dès-
lors la possession des fiefs cessa de faire das
nobles. Cet abus s'étoit introduit par la li-
cence du gouvernement , et avilissoit la
noblesse en la rendant trop commune. Il
étoit d ailleurs contraire aux droits du souve-
rain , qui seul doit conférer la noblesse.
Henri IV supprima de même dans la suite
celle qu'on acquéroit par la profession des
armes. Pour s'anoblir , il fallut désormais
des lettres du roi , ou un office auquel ce ^ ,
• I / /-A ^ , , * Ordoii«
privilège tut attache. . nance sur
L'ordonnance de Blois, de 1679 , ainsi ^^"f^.'îfas'l'
nommée parce qu elle fut rendue en censé» tiquci.
D4
^4 Henri III.
quence des fameux états de Blois , renfer-
me plusieurs rëglemens ecclésiastiques , con-
formes à la discipline du concile de Trente,
que ces états s'étoient efforcés de faire pu-
blier dans le royaume. Elle fixe les vœux
de religion à seize ans. L'ordonnance d'Or-
léans les avoit fixés à vingt ans pour le filles ,
et à vingt-cinq pour les hommes. Un chan-
gement si considérable occasionné par le con-
cile de Trente , se rapportoit -plus à l'intérêt
des religieux qu'à celui de la société civile.
Raisons Pour peu qu'on réfléchisse sur quelques-
empêché "^^ ^^^ autres décrets du concile , on sen-
tie rece- tira la force des raisons qui empêchèrent
voir le . i -r j • j* • r
çoucîie de toujours la rrance de recevoir sa discipnne,
1 rente. j| jQ^mg^ ^ |a juridiction ecclésiastique non-
seulement les adultères , mais tous ceux qui
sont mariés ayant la tonsure cléricale ; il
attribue anx seuls ordinaires le jugement
des livres , et condamne à une amende ceux
qui en débitent de prohibés ; il ordonne
la confiscation , la saisie de biens, l'empri-
sonnement même des laïques , en certains
cas , et permet aux évéques de déposer les
administrateurs des hôpitaux ; il leur com-
mande de publier les censures de Rome ;
il les fait exécuteurs des legs pieux ; enfin il
les suppose délégués du pape dans leurs
fonctions ; il excommunie les rois qui pren-
nent les fruits des bénéfices pour quelque
occasion que ce puisse être , et par consé-
Henri III. S5
quent anéantit le droit de régale. C'étoit
autant de broches faites , soit à la puissance
législatrice , soit à l'autorité des magistrats ,
soit aux libertés de l'église Gallicane , dont
la plupart des éveques François semontroient
alors peu jaloux, ou qu'ils ne connoissoient
P<^irit. ^ Index de
On cherchoit tous les moyens d'arrêter Roi^e pour
\qs livres
les progrès de l'hérésie ; l'essentiel étoit d'en défendus.
trouver de bon , et l'on n'y réussit pas tou-
jours. A la terreur des supplices , on ajouta
des entraves pour l'esprit humain, qui, en
le tenant captif dans les ténèbres , pouvoient
nuire à la religion même autant qu'à la rai-
son et aux sciences. Philippe II fit impri*-
mer le catalogue dt^s livres défendus par l'in-
quisition d'Espagne. Paul IV , l'année sui-
vante 1 669 ordonna que le Saint Office
de Rome publiât aussi un semblable cata-
^^i;ue. C'est l'origine de V Index ^ où se trou-
ant confondus avec les livres hérétiques
tous les ouvrages anonymes imprimés de-
puis quarante ans, des livres de littérature,
et généralement ( ce qui paroît incroyable )
tous les livres sans distinction sortis de la
presse de soixante-deux imprimeurs, nom-
més dans une liste particulière. Excommu-
nication réservée au pape , privation de bé-
néfice, infamie perpétuelle, etc. c'étoient
les peines prononcées contre les lecteurs.
On vk des ouvrages de littérature, sans rap-
D5
U Henri IIî.
port à la religion , défendus en haine de
l'auteur qu'on jugeoit ou hérétique ou sus-
pect. Les livres que tel auteur pourroit com-
poser, furent même condamnés ainsi avant
que de naître.
Il n'est La France n'a point reconnu ce tribunal
IS France" qui flétrit les Erasme, les Galilée , et tant d'é-
crivains respectables dont ks lumières ont
éclairé toute l'Europe. Mais si les principes
des ligueurs avoient prévalu , la France au-
roit porté le même joug que l'Espagne , le
Portugal et l'Italie. On oublioit que /es pas-
teurs dans les premiers temps avoient
soin de bien instruire les chrétiens , cha-
cun selon sa portée y sans prétendre les
gouverner par la soumission aveugle ,
qui est r effet et la cause de l'ignorance:
(Fleury, VII Disc. )
Diimou- Aucun auteur n'a essuyé de plus terribles
ï" ^rs é ^^"^^"^^^^^^"^ ^ Rome , que le célèbre ju-
ciiilement. r.sconsulte Charles Dumoulin. Comme il
étoit lu et admiré en dépit de V Index , Clé-
ment VIII défendit de nouveau en 1602
tous ses ouvrages, même ceux qui avoient
été corrigés , parce que , dit ce pape ils ne
peuvent être corrigés que par le feu, En-
xore aujourd'hui quand la congrégation de
V Index permet la lecture des mauvais livres ,
elle excepte toujours les livres de Dumou-
lin. Un poison si détestable se débite en
France avec privilège du roi, et ne fait
Henri III. 87
<3e mal qu'aux prétentioiK Aq la cour Ro-
maine. On a rectiHé par des nott:s ce qu'il
y a de répréhensible dans le texte. Cela
vaut mieux sans doute que de défendre
la lecture d'excellens ouvrages où il s'est
glissé quelques erreur^s , mais qui renfer-
ment un trésor de vérités.
Cependant Grégoire XIII s'immortalisa Lecaîeii-
par une entreprise digne du siècle <i'Au- ^J^^/^^''
guste. Il employa d'habiles mathématiciens
à réformer le calendrier. Cette réforme se fit
d'une manière très- simple, en retranchant
dix jours de l'année 1682. Le calendrier
Grégorien fut établi en France par un édit.
Quelque nécessaire que (ut le changement,
les pays protestans le rejetèrent , parce qu'il
venoit de Rome. On l'auroit peut-être de
même rejeté à Rome, s'il étoit venu de Ge-
nève. C'est la bizarrerie ordinaire des pré-
jugés.
L'exemple du célèbre Ramus étoit ef- Ramus
frayant pour quiconque osoit brarver^esopi-^^^"^^^^" *""
nions les plus absurdes. Ce professeur phi-
losophe , mathématicien , grand littérateitf,
essuya des persécutions à Paris pour avfiir
enseigné la véritable prononciation du Q,
Il suffisoit de prononcer comme lui fua:n'
^quafn , au lieu de kankam , pour encourir
«la cenaire. Il eut le courage de combattre la
'philosophie: péripatéticienne , et il fut traité
en hérétique, Pes meurtriers envoyés par
D6
S8 Henri IIL
un de ses rîvaux , le tuèrent à la S. Barthë^
lemi. Les écoliers, animés de l'esprit des pro-
fesseurs , signalèrent leur haine sur son cada-
vre. On doit à Ramus la fondation d'une
chaire de mathématique au collège royal, qui
suffiroit pour rendre sa mémoire précieuse.
ïmpertî- Qui étoient donc ces grands zélateurs ,
feuatiquel! ^"^ ^^ prétendoient les soutiens de la reli-
gion en persécutant le génie , en boulever-
sant l'état , et détrônant le souverain ? Quels
étoient leurs talens et leurs lumières? on
peut en juger par un exemple rapporté dans
les Mémoires de la ligue. En 1689 un pré-
dicateur annonça qu'il précheroit non le
saint du jour , mais les déportemens de
Henri de Vfllois, Le sermon finit par cette
tirade : Bref^ cest un Turc par la tête ,
un Allemand par U corps ^ une Harpie
par les mains .^ un Anglais par la jar-
retière , un Polonais par les pieds , et un
yrai diable en rame,
HENRI IV.
»*=*=== J_i A France ne pouvoit désirer de maître
M89: plus digne que Henri IV de la. gouverner,
êe Henri. 711 plus . Capable de reparer ses malheurs.
^^* Cétoit un prince né avec une grande âme ,
un beau génie , un jugement admirable ;
formé par une éducation mâle et simple ;
, endurci aux fatigues de la guerre , éprouvé
Henri IV'. 89
par Tinfortune , qui apprend aux rois .1 t^tre
hommes ; parvenu à l'âge de trente-six ans
où Tesprit et le corps ont toute leur force ;
plein de droiture et de franchise , de gé-
nérosité pour ses amis , d'affection pour les
peuples ; trop susceptible des foiblesses de
l'amour, mais aimant la gloire et le bien
public préFérablement aux plaisirs , calviniste
modéré et sans entêtement , disposé à m.ain-
tenir la religion dominante , à l'embrasser
même quand on l'auroit détrompé de sqs
erreurs.
Cependant la plus erande partie de la Sa reiigron
France refusoit de le reconnoitre. Chef de la de le re-
branche de Bourbon-Vendôme, descendant '^°"'"'"^*
de Robert, comte de Clermont, cinquième
fils de saint Louis , quoiqu'il ne fût parent
du dernier roi qu'au vingt-deuxième degré ,
les lois lui assuroient la couronne. Il n'avoit
contre lui que sa propre religion; barrière
presque insurmontable dans un temps de
fanatisme et de révolte. Leduc d'Epernon
et d'autres seigneurs ou gentilshommes de
l'armée se retirèrent d'abord , sous prétexte
que leur conscience ne leur permettoit pas
► de servir un prince hérétique. La plupart
; (àes autres lui demeurèrent fidèles , à con-
dition qu'il s'en rapporteroit au jugement
aconcife. Mais le duc de Mayenne, qui,
suit modération , soit politique , ne vou-
lut point du ptre de roi , le fit donner au
90 Henri IV,
vieux cardinal de Bourbon encore prison-
nier , qu'on proclama quelques mois après
sous le nom de Charles X.
Avantages L'armée royale , forte de trente mille
gueiîrs. hommes au commencement du siège de
Paris , diminuoit considérablement tous les
jours. Les désertions fréquentes, la retraite
d'une foule d'officiers qui demandoient leur
congé 5 le manque d'argent , les scrupules
des catholiques, la défiance des huguenots,
tout contribuoit à l'affoibiir. Henri IV leva
le siège , et se retira vers Dieppe , n'ayant
plus que cinq à six mille combattans. On
délibéra dans le conseil s'il passeroit en
Angleterre ; tant les ligueurs avoient de supé-
riorité. Mayenne le poursuivoit avec une
armée trois ou quatre fois plus nombreuse
que la sienne. Il se vantoit déjà d'une vic-
toire infaillible. Le Béarnois (c'est le nom
que la ligue donnoit au monarque) ne pou-
voir , disoit-il , lui échapper , à moins de
se jeter dans la mer. Le péril étoit effrayant ;
mais Henri n'en redoutoit aucun.
Mayenne ^^ bataille d'Arques confondit les espé-
battu par rances des rebelles. Il les défit avec sa petite
-armée (i). Ce fut en partie la faute du duc
-de Mayenne, trop lent dans ses opérations,
(i) Après cette bataille ^ Henri IV écrivit à
Crillon , PendsHol , brave Crïllon , nous ayons com^_
battu à Argues j et tu n'y étoïs pas,
i
Henri IV. 91
appesafitl par la masse de son corps , et
qui perclolt beaucoup de temps au lit et à
table. S'il n'y va pas (Tune autre façon y
clit Henri IV ^ /e suis assuré de le battre
toujours à la campagne. L'activité infati-
gable et l'extrénie sobriété du roi lui don- ^
noient tout l'avantage sur son ennemi. On
a écrit qu'il usoit plus de bottes que l'autre
n'usoit de souliers.
Après sa victoire , ayant reçu un ren- Paris pre».
tort de quatre mille Anglois , il va porter "^^'^ ^°^^^*
la terreur jusqu'à Paris , où Ton avoit ré-
pandu le bruit de sa défaite. Il s'empare
de cinq faubourgs l'épée à la main. Si le
canon étoit arrivé un peu plutôt, la ville
pouvoit être forcée. Les ducs de Mayenne
et de Nemours .y rentrèrent à propos pour
la défendre. Il s'en falloit bien que Henri
fut au terme de ses épreuves.
Tout le royaume étoit déchiré , et le Entreprise
parti de la ligue dominoit. Quelques par- roi.
lemens autorisoient la rébellion. Celui de
Toulouse rendit un arrêt fanatique , qui
ordonnoit des processions en mémoire de
l'assassinat de Henri III, et qui déclaroit
Henri IV incapable de succéder à la cou-
ronne. Sixte-Quint avoit envoyé un légat
avec commission de faire élire. un roi tel
tque la cour de Rome pouvoit le souhaiter ;
«et ce légat , Gaétano , ne ménageoit rien ,
quoique les ordres du pontife l'obligeassent
92 Henri IV.
à des ménagemens. Philippe II , roî d'Es
pagne , demandoit le titre de protecteur de.
la France , pour la démembrer au gré de
son ambition. Ce prince artificieux vou-
loit se rendre maître de la ligue. En lui
accordant des secours médiocres , il se pro-
posoit de la tenir toujours dans la dépen-
dance. Mais le duc de Mayenne , résolu
de ne pas se donner un maître , fit avor-
ter ses projets , sans se priver de sqs se-
cours. 11 diminua le pouvoir des Seize,
dont l'audace ne connoissoit plus de frein.
u La journée d'Arqués avoir terni sa répu-
1^90. tadon. Afin de la rétablir par une action
û'^rif^^" d'éclat, il marcha contre le roi qui assiégcoit
Dreux , et qui leva aussitôt le siège pour
aller combattre. Malgré l'avantage du nom-
bre, le duc fut encore défait à Ivri. Cette
fameuse bataille pourroit seule immortali-
ser Henri IV. Général , et soldat , il mon-
tra autant d'habileté que de bravoure. C'est
là qu'avant l'action , parcourant les rangs
avec un air de gaieté qui présageoit la vic-
toire ^ il dit aux troupes : Enfans , si les
cornettes vous manquent ,. ralUe^-yous
à mon panashe blanc; vous le trouverei
toujours au chemin de Vhonneur et de la
gloire. Dieu est pour nous. On le crut
mort dans la mêlée. Dès- qu'il reparut;,
couvert du sang àts ennemis, sts soldats
devinrent autant de héros. Les ligueuK
i
H E N R I I V. 93
furent tailles en pièces. Le maréchal de
Biron commandoit le corps de réserve ; et
sans être au fort du combat , eut beau-
coup de part à la victoire. Il félicita le roi
en ces termes : Sire , vous avei fait au-
jourd'hui ce que devoir faire Biron ; et
Biron ^ ce que le roi devoit faire, La clé-
mence du vainqueur releva la gloire de son Bonté du
triomphe. Sauve:^ les François , s' écnoii-^^^'
il , en poursuivant les fuyards. Tous ces
traits peignent le grand homme , qui pos-
sède Tart de gagner les cœurs. On doit
y ajouter les caresses , les éloges dont il
honora sts officiers. Le maréchal d'Au-
mont étant venu le soir prendre ses ordres ,
il l'embrassa tendrement, l'invita à souper,
le fit asseoir à sa table. Il est bien juste ,
dit-il , quil soit du festin , puisquil rna
si bien servi à mes noces.
Nous devons surtout admirer la répa- Répara-
ration qu'il avoit faite à Schomberg. Ce f.'°'^ "^"''^^
général des Allemands, quelques jours avant Schom.
la bataille , lui demanda la paye de ses
troupes. Les finances manquoient; un mou-
vement de dépit emporte le roi : Jamais
homme de cœur , répondit-il , n'a demandé
de l'argent la veille d'une bataille. Se
repentant d'une vivacité injurieuse , il saisit
pour la réparer le moment où l'on alloit se
battre. M, de Schomberg ^ dit-il, /e vous
ai o£ènsé. Cette journée sera peut-être
94 H E N R I I V.
la dernière de ma vie : je ne veux point
emporter V honneur d'un gentilhomme;
je sais votre mérite et votre valeur : je
vous prie de me pardonner^ et embrasse^-
moi. Schomberg lui répondit ; Il est vrai
que V» M, me blessa Vautre jour; aujour-
d'hui elle me tue : car l'honneur qu!elU ,
me fait m^ohlige de mourir en cette oc^
casion pour son service. Le brave Al-
lemand signala en q^qI sa valeur ; et fut
tué auprès du roi.
Blocus de Après quelques lenteurs causées par le
Paris. besoin d'argent , Henri IV forme le blo-
cus de Paris. Le duc de Nemours , frère
utérin du duc de Mayenne , y commandoit
en qualité de gouverneur. Il pourvut à tout
avec une prudence et une activité singu-
lière. Cependant le cardinal de Bourbon
meurt dans sa prison de Fontenai en Poi«
tou , bon prélat , affectionné au roi son
neveu , et qui s'étoit prêté aux manèges
des ligueurs moins par ambition de prince,
Décret de que par zèle de catholique. Alors la Sor-
Jfe^^°'^^°"" bonne décide solennellement q«e Henri de
Fanatisme gourl^Qn , hérétique , fauteur d*hérétiques ,
des Pan- , ' ^ . ' 7/11
siens. relaps et excommunie, quand même il se-
roit absous des censures , ne peut être
admis à la couronne; qu'on est obligé en
conscience de l'empêcher d'y parvenir; qu'en
mourant pour une si sainte cause , on s'as-
sure la palme du martyre. Le parlement.
Henri IV. 95
ou plutôt le reste de cette illustre compa-
gnie , par une lâcheté ou un délire incon-
cevable , approuve ce décret aussi plein
d'extravagance que~ de fureur , et défend
sous peine de mort de parler d'aucune com-
position avec le roi.
Pour comble de démence , on forme Régimenrt
une espèce de régiment de prêtres et dCgf^g^'^^Q"
moines , qui parcourent les rues en procès- '^s.
sion , la cuirasse sur le dos et le mousquet
sur l'épaule ; spectacle ridicule , mais pro-
pre à exciter le fanatisme de la populace.
Le légat voulut animer la troupe par sa pré-
sence. Un de ces nouveaux soldats tira
pour le saluer , ne sachant pas sans doute
que son arquebuse étoit chargée à balle.
L'aumônier du légat reçoit le coup , et meurt
dans le carrosse. On s'écrie de toutes parts
qu'il est heureux de mourir dans une si sainte
action; c\\xil faîloit le croire^ parce que
monseigneur le légat ^ qui savait bien ce
qui en était , rassurait ainsi.
Il restoit environ deux cent vingt mille Famfiit
personnes dans Paris. Trois mois de blocus ^^'"^^"**'
avoient épuisé les vivres. La famine deve-
noit intolérable. On étoit déjà réduit à
pulvériser \i^s os des morts pour en faire du
pain. Les religieux qui inspiroient l'ardeur du
martyre, n'étoient pas les plus indifférens
pour la vie. Une visite faite dans les couvens
dévoila leurs manœuvres intéressées i et
9^ Henri IV.
Mëzerai assure même qu'on trouva dans
celui des capucins, d'abondantes provisions;
Cette découverte fut une petite ressource.
Bonté ex- Mais Paris ne pouvoit échapper à Henri IV^
cessive du . > ^ i i / -i S a rr
roi. si par un excès de bonté il n eut souffert que
les bouches inutiles se retirassent , que sqs
propres officiers et ses soldats fissent entrer
des rafraîchissemens pour leurs amis. On
raconte que deux paysans qui alloient être
pendus pour avoir amené du pain à une
poterne , s'étant jetés à ses genoux , et lui re-
présentant qu'il n'avoient pas d'autre moyen
de gagner leur vie : Alle\ en paix , leur dit-
il , en leur donnant l'argent qu'il avoit sur
\\xi , U Béarnois est pauvre ; s'il en avoit
davantage , il vous le donneroit. Il en-
troit sans doute de l'Imprudence dans cette
conduite , mais une imprudence digne d'ad-
miration, yaimerois quasi mieux ^ disoit ce
bon prince, n'avoir point de Paris ^ que
de r avoir tout rainé par la mort de tant
de personnes.
Le duc de Cependant la nécessité rendoit les Pari-
Parme dé- siens pIus traitables. Malgré les décrets de
la faculté de théologie et les arrêts du par-
lement de la ligue , il y eut quelques con-
férences pour un accommodement. On of-
frit de se soumettre , pourvu que le roi re-
nonçât au calvinisme , mais regardant le
succès comme infaillible, il vouloit impo-
ser les conditions. Un événement imprévu
Henri IV. gj
lui fit perdre le fruit de tant de travaux.
Philippe II , qui craignoit la fin (\tis trou-
bles , et qui se flattoit d'y gagner la couronne
de France , avoit ordonné au duc de Parme,
Alexandre Farnèse , gouverneur àts Pays-
bas , de marcher au secours de Paris , quel-
que dangereux qu'il fut de dégarnir àts pro-
vinces exposées aux entreprises ùqs Hollan-
dois. Ce fameux général approche avec une
puissante armée. Henri IV au désespoir lui
présente la bataille , et lui fait dire que de son
côté il ne Tesqui voit jamais. Pour moi , ré-
pond le duc de Parme , je f esquiverai à
ses dépens , et quiconque m y contraindra
en saura, plus que moi, La délivrance de
Paris étoit le but de son expédition : il réussit
sans peine. Ce coup de foudre répandit le Embarras
-i , *■ * . , *^ , .es pauvre-
decouragement parmi \ts troupes du roi. té du roi.
Elles manquoient d'argent , d'habits , de
nourriture. Le roi lui-même , n'ayant pas
de quoi dîner, alla manger un jour dans la
tente de François d'O , surintendant des
finances, dont la table n'étoit que trop bien
servie.
Le duc de Parme se retira bientôt dans les invasion
Pays-bas; la guerre continua en France savo^è! '^^
avec la même animosité , sans rien produire
de mémorable. Un ennemi étranger aug-
menta les malheurs publics. C'étoit le duc
de Savoie, qui, non content d'avoir usurpé
' marquisat de Salaces , vouloit envahir le
g8 Henri IV.
Lesdisuiè- Dauphiiië et la Provence. Lesdiguières , un
res sauve le 7 , i 1 1 i
Da^phiiic. des plus grands hommes de guerre de ce
temps-là , rebelle sous les règnes précédens
, en qualité de calviniste , mais fidèle à Henri
ï V 5 et zélé pour sa propre fortune , mit le
Dauphiné à couvert de l'invasion. Il envoya
demander ensuite le gouvernement de Gre-
nol^le. Le roi refusa d'abord , de i*avis de
son conseil , parce qu'il s*étoit engagé à ré-
server les gouvernémens pour les catholi-
ques. Messieurs y.d'it l'envoyé des Lesdi-
guières , votre réponse inopinée rri.a fait
oublier un mot : c'est que , puisque vous
ne trouve^ pas à propos de donner à •
mon maître le gouvernement de GrenO'
hle , vous songiei aux moyens de le lui
êter. Cette hardiesse ne déplut point à
Henri IV. Lesdiguières étoit tout puissant
dans sa province ; on avoit besoin de lui ;
on jugea que dans un cas extraordinaire il
falloit passer sur les règles. Il est des con-
jonctures où l'autorité affoiblie ne se soutient
qu'en mollissant.
L'ennemi Cétoit beaucoup de garantir le Dauphiné;
Piovence. Hiais le duc de Savoie fut plus heureux en
Provence. On le reçut dans le pays , comme
s'il en eût été le souverain. Le parlement
d'Aix l'en déclara gouverneur , et lui donnai
le titre de général sous la couronne de
France.. Le meilleur des rois étoit toujours
regardé comme un tyran par ceux- qui ne
H ET N R I I V. 9C>
croyoïent pas qu'on pût régner sans être
catholique ; préjugé fatal dont l'ambition se
Servoit pour exercer une véritable tyrannie.
Rome fut toujours redoutable dans ces* — ^-"-^
conjonctures orageuses. Sixte-Quint étoit p'^^^'^.j^
mort en i 590 , méprisant la ligue qu'il fa-se$de Ro-
vorisoit par une fausse bienséance , et esti-"^^*
mant Henri IV qq'il outrageoit par politique.
Grégoire XIV , m^ujet du roi d'Espagne ,
abusa encore plus que'Sixte de l'autorité pon-
tificale. Il publia des monitoires pour or-
donner sous peine d'excommunication , à
toute sorte de personnes , de quitter le parti
^'un roi hérétique , relaps , persécuteur
de r église , excommunié et privé de tous
ses domaines ; ( c'étoit le style ordinaire. )
Il envoya de l'argent et promit des troupes
aux ligueurs. En vain le roi ne cessoit de pro-
tester qu'il étoit prêt à se faire instruire , et
que ses ennemis l'en empcchoient par une
guerre opiniâtre. On ne daignoit avoir égard
ni à ses raisons ni à sqs promesses , tant l'es-
prit de faction envenimoit l'aigreur du faux
zèle.
A Rome et à Paris , on travailloit moins Politique
pour la religion que pour le roi d'Espagne. p| lu^^^"
Cet ambitieux monarque se flattoit d'usurper
la France , comme il s'ctoit emparé du Por-
tugalj il prétendoit y régner, ou du moins
y faire régner sa fille. Comptant sur sa poli-
tique et sts trésors , il disait déjà ma ville
Tôo Henri IV.
Insolence de Paris , ma ville de Rouen , etc. Les
Seize entroient avec ardeur dans ses vues.
Leur insolence croissoit tous \qs jours , jus-
qu'à vouloir maîtriser le duc de Mayenne.
Furieux de ce que le parlement avoit ren-
voyé absous un particulier dont ils sollici-
toient la mort , ils saisirent trois magistrats,
entre autres le président Brisson , qui étoit
alors à la tèXQ du parlemcait ; ils les condam-
nèrent à être pendus , Ct les firent exécuter,
Mayenne A la nouvelle de cet attentat , Mayenne
^'^^""^^ absent se hâte de revenir, il dissimule quel-
ques jours , il livre enfin au supplice quel-
ques-uns de ces furieux. Bussi-le-Clerc , le
plus coupable de tous , devenu gouverneur
de la Bastille , obtint la permission de se re-
, tirer. Ainsi fut détruite la tyrannie des Seize,
faction composée de quelques curés fanati-
ques , et d un grand nombre de gens de la
lie du peuple , aussi redoutable aux chefs de
la ligue qu'à l'héritier de la couronne. Le
curé Pelletier avoit eu le front de leur dire
en pleine assemblée , avant l'exécution des
trois magistrats ; Cest trop endurer , il
faut jouer des couteaux» Voilà comme des
prêtres mêmes prétendoient défendre la cause
Le Jeune ^e Dieu ! Il s'étoit formé un troisième parti
-ardinal . viir» ry
d^Bour- en faveur du jeune cardinal de Bourbon, fils
du prince de Condé tué à Jarnac. Le roi
découvrit l'intrigue , et l'étoufFa en s'assu-
rant de la personne du cardinal. Peu aupa-
ravant
ca
d.
i
Henri IV. tôt
ravant 11 avoit fait une tentative inutile sur
Paris. Cest ce qu'on appelle \^ journée des
farines,
Elisabeth et les princes protestans d'Al- P^"" ^«^
lemagne lui ayant envoyé des troupes , il Rouen,
entreprit le siège de Rouen , l'un des boule-
vards de la ligue. On avoit dit des Parisiens
qu'ils savoient mieux jeûner que se battre.
Ce fut le contraire à Rouen. Villars-Brancas,
parfaitement secondé par la garnison et les
bourgeois , se défendit avec une valeur dont
il y a peu d'exemples dans l'histoire. Henri ÎV
s'exposa souvent comme un officier de for-
tune. Rosni l'invitant à se ménager : mon
nmi , répondit-rl , cest pour ma gloire et
pour ma couronne que je combats , ma
vie et toute autre chose doivent être
comptées pour rien. L'attaque et la défense
ëtoient également vives ; mais les rebelles
auroif nt enfm succombé , si le duc de Parme
netoit encore venu à leur secours.
Le roi marcha avec une partie de l'armée ■ ■■
pour le combattre. Il fut blessé d'un coup ^ ')9\-
de mousquet dans une action, ou suivi d^ délivre^?»
xjuarante chevaux seulement , il aiîronta té- ^^^'^**
mérairement trente mille hommes. Les en-
nemis pouvoient le poursuivre et le prendre.
Le duc de Parme , le croyant soutenu de
toute sa cavalerie, manqua cette occasion
décisive. On en murmura; sa prudence fut
taxée de foiblesse. Tayois pensé j dit-il pour
Tome III. E
102 Henri IV.
sa justification, avoir affaire à un général
alarmée , et non pas à un capitaine de
chevaux-Légers , tel que je cannois main-
tenant le roi de Navarre» Duplessis-x\îor-
nai écrivit au roi sur cette action : Sire ^
vous ave{ asse^ fait l'Alexandre; il est
temps que vous soye^ Auguste, Cest à
nous à mourir pour vous , et c'est là notre-
gloire 5 à vous ^ Sire , de vivre pour la
France , et j'ose vous dire que ce vous
est un devoir. Henri fut contraint de lever
le siège de Rouen. Mais les revers n'étoient
qu'un aiguillon pour exciter son courage.
Belle i-e- Il poursuit le duc de Parme , engagé dans
«[uc^da^" le pays de Caux. Ce général manquant de
Parme, vivres , serré de près , malade d'une blessure,
se voit à son tour dans un extrême péril. 11
ne peut échapper qu'en passant la Seine à
Caudebec, où elle est fort large. L'entreprise
paroissoit impossible. Le roi ne songea pas
même à y mettre obstacle. Un pont de ba-
teaux se trouve prêt, sans qu'il en ait le
moindre soupçon. Lt;s ennemis passent , dé-
truisent le pont, et retournent vers Paris.
On dit que le duc de Parme ayant envoyé
demander au roi ce qu'il pensoit de sa re-
traite, ^1 répondit brusquement qu'il ne se
connoissoit point en retraite, et que la plus
belle du monde lui paroissoit une- véritable
fu'itQ. Ce mot échappé peut-être dans un
premier mouvement , n'est pas digne d'un
Henri IV. loj-
prince îi éclairé , et si juste estimateur du
mérite. Péréfîxe assure quV/ estiméi cette
retraite plus glorieuse que deux h at ailles ;
reconnaissant que le chef-d'œuvre d'un
grand capitaine nest pas tant de combat-
tre et de vaincre , comme de faire ce quil
a entrepris sans hasarder de combat.
Selon le même auteur, le maréchal de Ambîtïoà
Biron , intéressé à la prolongation de la ^ "^^'^
guerre , négligea les moyens de faire périr
l'armée Espagnole. Son fils lui demandant
quelques troupes pour une entreprise essen-
tielle et immanquable : quoi don€ ^~f?iaraudy
-lui dit le maréchal en jurant , nous veux-tu
envoyer planter des choux à Biron ? Si
Biron ne dit pas ce que l'historien lui fait
dire , on peut présumer quM le pensa *, car
il rapportoit tout à lui-même.
Les affaires prenoient une meilleure face §„;£„ de la
-en Piovence, où le duc de Savoie perdit s"-^^^»
Duîtrs ses conquêtes. Lesdiguières avoit dis-
sipé les troupes du pape. La ligue avoit perdu
son héros, le chevalier d'Aumale, prince
Lorrain , tué en attaquant S. Denis. Mais
le roi regrettoit aussi le brave et vertueux la
N jLie , tué au siège de Lambale. Toutes les
provinces étoient inondées de sang , les villes
prises et reprises , les campagnes ravagées ,
une infinité de petits combats exterminoient
la noblesse et dépeuploient le royaume. Le
maréchal de Biron eut la tcte emportée d'ua
'104 Henri IV,
coup de canon devant la ville d'Epernaî.
C'étoit le premier général de France , aussi
prudent que brave, aussi distingué par son
savoir que par ses exploits. Henri IV lui de-
voit beaucoup , et auroit été infiniment sen-
sible à sa perte , si la hauteur et les préten-
tions de ce seigneur n'avoient un peu afFoibli
la reconnoissance de ses service*?.
''•■i-' Dans la crise violente de l'Etat, Paris
}')93' étoit le centre des troubles. Il y avoit alors
factions à deux factions. Celle des Seize , considéra-
Fixus, blement déchue , vouée aux Espagnols , ir-
ritée contre Mayenne , vouloit pour roi le
jeune duc de Guise , qui venoit de s'échap-
per de la prison où il avoit été mis après le
meurtre de son père. Celle des Politiques ,
composée de gentilshommes , de magistrats,
des meilleurs bourgeois , ne demandoit pour ^
reconnoître Henri IV , que de le voir sou-
mis à l'église. Le duc de Mayenne , pen-
chant aussi à la paix , se ménageoit habile-
ment entre le roi d'Espagne , dont il ne pou-
voit encore se passer , et le roi de France ,
dont il prétendoit tirer bon parti.
Assemblée Les ligueurs zélés demandèrent une as-
^nroi^^^^ semblée des états pour l'élection d'un roi.
> Clément VIII , qui suivoit les traces de Gré-
goire XIV , ordonna aux François de se
réunir au plutôt , et de disposer de. la cou-
ronne. Mayenne assemble ces prétendus
états-généraux. Le légat du pape ose leur
HE N R I IV. io5
demander un serment de ne point se conci-
lier avec le roi de Navarre , quand même il
abjureroit Thérésie. Les E<:pagnols de leur
coté demandent l'abolition de la loi salique ,
et que Tintante d'Espagne soit déclarée reine
de France. Comment des citoyens , des
François, pouvoient-ils ne pas frémir à ces
demandes? La superstition avoit donc changé
la nature.
Jamais Henri IV ne se trouva dans de si Leroipen-
,, . , ^ . ,, -, se a se taire
cruelles perplexités. Un roi elu par ks états catholique
aaroit vraisemblablement entraîné tous les
catholiques.' Ceux même de son parti mur-
muroient avec aigreur de sa persévérance
dans une secte détestée. Il falioit se résoudre
ou à soutenir éternellement la guerre , ou à
changer de religion. Ce qu'il y avoit de plus
sage parmi les huguenots lui conseilloientde
se décider promptement. Le canon de ia
messe , disoient-ils , étoit le meilleur pour
réduire ks rebelles. Rosni ( depuis duc de
Snlli ) , quoique sincèrement attaché au cal-
vinisme , lui ût regarder cette démarche
aussi juste que nécessaire. Quelques ministres
protestans , plus modérés que les autres , ap-
planirer.t les voies , en avouant qu'il pouvoir
hiTQ son salut dans l'église Romaine. Si l'on
en croit Daniel , il étoit déjà catholique au
fond du cœur. De fortes raisons peuvent au
moins en faire douter. Quoi qu'il en soit
( car Dieu seul pénètre le fond des coeurs ) ,
io6 Henri IW
il promit de se faire instruire sans délai,
Con^'éren- Alors les catholiques attachés à sa per-
ce.^ de Su- jonne proposent des conférences à ceux de
Paris. Le légat , les Espagnols et leurs parti-
sans combattent en vain un projet si raison-
nable. Ces conférences s'ouvrent àSurenne.
Les prélats ligueurs , l'archevêque de Lyon
( d'Espinac ) à leur tête , y portent leurs pré-
jugés contre le roi , affectant de révoquer en
doute sa sincérité ; alléguant des preuves de
son attachement à l'hérésie ; soutenant d'ail-
leurs cju'on ne pouvoit rien conclure sans le
pape ', qu'il avoit défendu de traiter ave€ un
prince hérétique , et que l'obéissance due au
chef de l'église devoit l'emporter sur tout le.
reste. L'archevêque de Bourges ( Semblan»
çai ) , réfute leurs chicanes par les vrais prin-
cipes du droit àçs couronnes et des libertés
de l'église nationale. Il étoit facile de démon*
trerquel'intérêtde l'église universelle, comme
celui de l'Etat , exigeoit en cette occasion
une sage condescendance. Mais les zélateurs
fougueux et obstinés ne voient point qu'ils
ruinent la religion en se glorifiant de la sou-
tenir. Les conférences produisirent peu
d'effet.,
JLes Espa- Cependant l'ambassadeur d'Espagne in-
mandant ^istoit sur Télection de l'infante. Afin de par-
la couron- venir à son but , il déclara que l'intention
ne pour , rii i- ^ • i i • r • ' il
l'iuiiaute. de Philippe etoit de lui taire épouser le duc
de Guise , qui seroit élu roi conjointement
Henri IV. 107
a\'ecel!e. Les Seize le désiroient ; le duc de
Mayenne n'avoit garde d'y consentir. Au
milieu de ces agitations , le parlement , f^^^^^j.\^
quoique captif et estropié (ce sont les la^ loi, sa^V
termes de Péretixe ) , se ressouvenant de
son ancienne vigueur , rendit un arrêt
pour le maintien des lois fondamentales du
royaume , et « pour empocher que , sous
» prétexte de religion , la couronne ne fût
transterée en mains étrangères ». L'Espa-
gnol déconcerté par cet arrêt , le fut bien
davantage par la conversion de Henri IV.
Après un ou deux jours de conférence Abinfation
avec des évéques , le roi fit son al^juration
à S. Denis entre ks mains de larchevêque
de Bourges , et reçut de lui l'absolution de
toutes censures. C'étoit le plus heureux évé-
nement qu'on pût désirer. Le fougueux Séga,
ëvéque de Plaisance , légat depuis plusieurs
années , au lieu d'y donner les mains , dé-
fendit , sous peine d'excommunication , d'as-
sister à Ja cérémonie. Les Parisiens ne lais-
sèrent pas d'y courir en foule. On vit alors
que leur haine pour la religion du roi ne s'é-
tendoit point h sa personne. Mais il y avoit
de ces hommes fanatiques par système , qui
reviennent plus difficilement que le peuple.
Le docteur Boucher , flirieux ligueur , se
déchaîna en chaire neuf jours de suite contre
Je monarque catholique. Plusieurs théolo-
giens et prédicateurs déclamèrent , écrivi* -
E4
io8 Henri IV.
rent avec un redoublement de frëne'sie»
Cette année même, H^nri courut risque
dVtre assassine.
Attestât Un jeune batelier, nommé Barrière, en
toi^^ ^ avoit formé le dessein. Découvert par un ja-
cobin , et nrs à la question , il nomma un
capucin , un jésuite , un curé de Paris , et
un autre prêtre, qui Tavoient, disoit-il,
exhorté à cet attentat. Les maximes des li-
gueurs dévoient produire tôt ou tard un par-
ricide exécrable. Barrière fut exécuté, et le
roi ne permit point qu'on recherchât les
complices.
Condni'-e Mayenne signa une trêve de trois mois.
d|Muy-n- [[ promit néanmoins avec serment au légat,
et de maintenir la ligue , et de ne point faire
de paix. Sa politique cherchoit Fappui de la
CQur de Rome. Pour s'en assurer , il fit re- .
cevoir par les états le concile de Trente , et
le fit publier sans restrictions ni modifica-
tions quelconques : démarche aussi vaine
Et de Clé- que cette assemblée étoit illégale. Clément
ment VIII. VlIIse montroit toujours inflexible, au point
de refuser audience à l'ambassadeur du roi.
Saint père , lui dit un auditeur de rote Ita-
lien , quand ce seroit le diable qui vous
demanderait audience , s il y avoit espé-
rance de le convertir^ vous ne pourrie:^
La WiMepas en conscience la lui refuser. Malgré cet
tombe. Q}5st3cle , les François rentrèrent peu à peu
dans le devoir ; la ligue perdoit son crédit
Hl£N RI IV. ÎO9
et sa puissance. La satire Mt-nippù^i)^ qui
parut alors , en la rendant ridicule , lui porta,
peut-ctre un coup mortel ; car rien ne re-
ste au ridicule , lorque la réflexion succède
; la fureur des. partis. iVîeaux , Pontoise,
(J)rleans , Bourges , Lyon , se soumirent
bientôt.
Le duc de Mayenne quitta Paris, ne se ■==«=33
croyant plus en sûreté. 11 en avoit fait gou- ii594-
\erneur le comte de Brissac , qui préféra le jj-e à^ Paris'
devoir de sujet à tout autre engagement , et
qui vint à bout par sa prudence d'y introduire
le roi sans tumulte et sans combats. Les Es-
pagnols furent réduits à capituler. On les
laissa sortir avec les honneurs de la guerre.
Henri IV les regarda passer par une fenêtre ,
et saluant les officiers avec honié: Messieurs^
leur dit-il , recommande\'moi à votre maî-
tre; mais ri y revene^ plus. Le légat, obs-
tiné à ne point le voir, obtint la permission
de se retirer , d'emmener même le curé Aubri
et le jésuite Varade , que Barrière avoit •
chargés comme ses complices.
11 importoit surtout de rendre au parle- Le parle-
ment sa splendeur, et de raffermir la mo-bir.^^^^""
narchie par Tautorité des lois. Les magistrats
fidèles revinrent dans la capitale, ayant
Achille de Harlai à leur tête. Les autres f :-
(i) C'est un recueil de diverses pièces , publié
par î^icolas Rapin.
E5
ïîo HENïir IV.
rent rétablis, à condition que les premiers
auroient le pas sur eux. On ne vit dès-lors
dans le parlement qu'un même esprit de pa-
triotisme. Il cassa tous les arrêts , décrets et ser-
mens faits depuis 1588, qui se trouveraient
préjudiciables à l'autorité du roi et aux
lois du royaume^ comme ayant été extor^
^ués par force ; il révoqua les pouvoirs
donnés au duc de Mayenne , et annula les
actes de la dernière assemblée de Paris sous le
noms d'états-généraux , etc. Tout ce que le
fanatisme avoit inspiré parut condamné à
l'oubli 5 grâce au changement des conjonc*
tures.
Conduite Si quelque chose eût été capable de réuni?
IV* ^^^" les cœurs de la nation , c'étoit la conduite
du roi. On peut en juger par ce trait parti-
culier. Lorsqu'il entra dans Paris , des ser-
gens arrêtèrent le bagage de la Noue , pour
dettes que son père avoit contractées au
service de TEtat. Ce gentilhomme, très-
digne de considération , se plaignit de ia
violence. Henri IV lui répondit publique-
ment : la Noucj il faut payer ses dettes ;:
je paye bien les miennes ,* et Tayant tiré à
part , il lui donna des pierreries à engager
pour les effets qu'on avoit saisis..
Lesli- • Mais tant de bonté n'attiroit que foible-
rieurs lui, j^^jj^ les prificlpaux seigneurs de la lieue.,
tout acné- , ,. r a *^ i " • i ii •
ter eur L intérêt seulpouvoit \^s ramener. Ils mirent
au plus haut prix leur soumission y, prouvant
Henr I IV. Tir
assez que la religion ëtoit le moindre motif
de leur révolte. Villars rendit Rouen , en
exigeant douze cents mille livres pour payer
.s dettes, soixante mille livres de pension ,
outre îa charge d'amiral et le gouvernement
de plusieurs places. Selon les mémoires de
Sulli , il en coûta trente-deux millions pour
satisfaire la cupidité de ces hommes avides» •
Un autre prince auroit su éluder dans la suite
des promesses arrachées par le besoin. Henri
acquitta fidèlement les siennes , lorsqu'il se
vit en état de les violer impunément»
Cependant l'esprit superstitieux de la ligue jean chf-
subsistoit encore. Des préjugés de religion J^^ attente
t » j-i • A » ^ sur sa vui-
quelqu atroces qu ils puissent être , ne s effa-
cent qu'avec lenteur. L'attentat projeté par _
Barrière fut exécuté par Jean Châtel , fils
d'un marchand de Paris , jeune homme sus*
ceptible de toutes les impressions du fana-
tisme. S'étant glissé dans une chambre paimi*
la f 3ule qui environnoit le roi , il lui ponta;
un coup de couteau à la gorge. Heureuse-
ment Henri se penchoit pour embrasser un-
seigneur. Le coup ne le blessa qu'à la lèvre j
et h'i rompit une dent. On arrête l'assassin. Son ûirer.
Il dit dans son interrogatoire que , se sentant
coupable de grands péchés , il avoit cru évi-
ter Tenfer par cette action , qu'il la croyoit
juste et méritoire , parce que le roi n'étoit
pas réconcilié avec l'église, et devoit être
réputé tyran j qu'il l'avoit entendu décider
E 6
rosatJire*
rj 1 2 H E N R r I V.
en plusieurs endroits , ainsi que chez les Jé-
suites où il avoit fait une partie de ses études.
ïi ajouta que ces pères Tavoient souvent in-
troduii dans une chambre de méditations ,.
pleine de figures effroyables de l'enfer , dont
sans doute son imagination avoit été trop
émue. On croyoit alors ces figures propres
à imprimer au fond de lame des vérités
éternelles , qui doivent y entrer par la foi et
non par les sens.
Haine Les Jésuitcs étoient haïs d'une infinité de
Jésuites, personnes considérables. Outre les protes-
tans , dont ils faisoient gloire d'exciter la
haine ( mais dont il eût mieux valu attiret
la confiance , pour hs ramener au sein de
l'église ) 5 le parlement s'étoit toujours op-
posé avec vigueur à leur établissement ; les
religieux qu'ils avoient comme supplantés ,.
les voyoient en général de mauvais œil;,
l'évéque de Paris , Eustache du Bellai, avoit
déclaré leur ordre contraire aux droits de la
couronne et à ceux de l'épiscopat ; l'univer-
sité ne leur pardonnoit pas le tort que la con~
currence faisoit à ses collèges ; elle leur avoit
suscité un grand procès , où Pasquier et
Arnaud 5 célèbres avocats, attaquèrent leur
institut par les mêmes moyens à-peu-près
qui l'ont fait proscrire de nos jours. Les dé-
positions de Jean Châtel précipitèrent kur
disgrâce.
Il est certain qu'on pouvoit reprocher à
Henri IV. ii3
la plupart des corps de Paris , tant eccle- Cequiicf
• • 1- • \i 1 faisoit pa-
siastiques que religieux, un zcle aveugle roîtte plu»
pour la cour de Rome , un attachement cri-^*'^^"^"*
minel pour Je roi d'Espagne , et ces maximes
détestables qui conduisoient au régicide.
Maison crut devoir faire un exemple sur des
hommes plus attachés par état aux opinions
iiltramontaines , et plus capables par leurs
intrigues , leurs talens et leurs emplois , par
leur régularité même , de les répandre ou de
les maintenir. La société avoit trop contri-
bué à la naissance et aux profères de la ligue,
pour qne la chute de Tune ne tût pas funeste
à Tautrc.
Le parlement chassa les Jésuites comme«==s=»
corrupteurs de la jeunesse , perturbateurs * $95'
du repos public ^ ennemis au roi et deint du ro-
F Etat. Guignard , bibliothécaire du collège ^y^'-"^^^*
fut pendu pour avoir gardé des écrits sédi-
tieux dont il étoit Tauteur. Ils contenpient
les mcmes extravagances qui avoient retenti
jusques dans les chaires : Jacques Clément
a fait un acte héroïque , inspiré par le
S, Esprit. Si on peut guerroyer le Béar-
nais , qu'on le guerroyé ; si on ne peut
le guerroyer y quon l'assassine , etc. Ce
malheureux invoqua l'amnistie générale. On
avuit ordonné de brûler tous les ouvrages
écrits avant lamnistie. En contrevenant à
Tarrct, il s'étoit exposé à la peine, et on
le jugea selon h rigueur des lois. Les parle*
iî4 Henri IV.
mens de Bordeaux et de Toulouse retinrent
les Jésuites. Celui de Paris , se fondant sur
le motif de la sûreté du roi , n'avoit point
observé à leur égard les formes ordinaires.
C'est ce qui ficilita leur rappel.
Négocia- Pour éloigner tout prétexte de révolte ,
Kon!e! ^" sollicitoit vivement à Rome l'absolution
de Henri IV. Du Perron et d'Ossat ( depuis
cardinaux ) y travailloient. avec autant de
prudence que d'activité , tandis que la cour
d'Espagne employoit son or à corrompre le
sacré collège. Le cardinal Tolet , quoique
Jésuite et Espagnol , seconda utilement les
vœux des François. Le pape fut enfin ébranlé»
Olivieri , auditeur de Rote, qui lui parloit
librement, le frappa un Jour par ces mots
pleins de raison : Clément VII perdit TAn^
gl et erre pour avoir voulu complaire à
Charles-Quint ^ Clément VIII perdra la
France s'il continue de vouloir complaire
n Philippe IL Rien n'étoit plus propre en
effet que l'expérience des derniers schismes à
tempérer l'extrême rigueur du pontife. Les
cardinaux de la faction Espagnole vouloient
du moins des conditions conformes à leurs
sentimens ; ils demandoient qu*on effaçât
cette clause de l'arrêt rendu contre Chàtel ,
^ue le roi devoit être reconnu pour roi ^
quand même il nauroit pas l'absolution
du pape. Leur cabale ne prévalut pas sur
l'intérêt manifeste de l'église.
H E N R I I V. 1 1 5
Clément VIII accorda Tabsolutlon d'une Absolution
manière dont Henri parut content , et Rome le^pïpe!*^*^
en témoigna une joie extraordinaire. Le roi
s'obligeoit à taire publier et exécuter le con-
cile de Trente , excepté dans les choses , s'il
y en avoit de telles , qui pourroient troubler
la tranquillité publique. 11 devoit , à moins
cjfi'il n'y eût empêchement légitime , dire le
chapelet tous les jours, les litanies le mer-
credi , le rosaire le samedi , entendre tous
les jours la messe. Il devoit se confesser et
communier en public pour le moins quatre
fois l'an , bâtir un couvent dans chaque pro-
vince, etc. Ces pratiques ou pénitences
ctoient peu de chose , en comparaison de
l'humiliante cérémonie que subirent pour lui
ses ambassadeurs , en recevant à genoux des
coups de verges de la main du pontife.
Du petit nombre de seigneurs qui persis- Le rpi
toierrt dans la rébellion , le duc de Mayenne Mayenue^
ctoit le plus dangereux et le plus coupable. I.e
roi v^l'attaquer dans son gouvernement de
Bourgogne. 11 y trouve une armée d'Espa-
gnols sous les ordres du connétable de Cas-
tille. Ayant été reconnoître l'ennemi à la
tête de trois cents chevaux , il rencontre tout-
à-coup l'armée entière. On l'attaque brusque- Combatde
ment. A moi , s ecne-t-il , et faites comme Françoisev
vous m^alle\ voIt faire* Jamais il ne courut
tant de risque, et ne montra tant de valeur
qu'en cette journée de Fontaine-Françoise*
ii6 Henri IV.
Le général Espagnol ne voulant point hasar-
der de bataille , et/ persuadé , comme autre-
fois le duc de Parme , que le roi ne s'expo-
soit pas de la sorte sans être soutenu de la plus
grande partie de ses troupes , se retire avec
précipitation , vaincu par une poignée de
combattans. Kenri IV disoit qu'auparavant
il avoit combattu pour la victoire, mais quç
dans cette occasion il l'avoit fait pour la vie.
Il accorda une trêve au duc de Mayenne.
La paix fut conclue Tannée suivante.
>. Cet illustre chef de parti , qu'on -ne vouloit
1596. pas pousser à bout, obtint cks conditions
soumis ""^ plus avantageuses qu'il ne devoit l'espérer.
La bonté et la politique du roi le ramenèrent
au devoir. Comblé de caresses quand il vint
lui rendre ses hommages , il assura que c'é-
toit alors seulement que son souverain l'avoit
vaincu. Mayenne étoit extrêmement replet.
Henri IV l'ayant lassé à plaisir dans une-
partie de promiCnade : mon cousin , lui dit-il
en riant , voilà le seul mal que je vous
ferai de ma vie. Le duc fut désormais un
sujet fidèle. Tout le royaume rentra dans
l'obéissance , excepté le parti qu'avoir en
Bretagne le duc de Mercœur , l'un des prin-
ces de la maison de Lorraine, si féconde
alors en hommes redoutables aux rois de
Insolence France.
duducd'E^ Mais le duc d'Epernon, esprit hautain et.
pernon, ^mbitieux , gouverneur de Provence où il
He N R I I V. ï 17
avoit servi utilement, excitolt dans cette
province , par son despotisme , un soulè-
vement funeste. Les choses allèrent si loin ,
qu'après d'inutiles efforts pour l'engager à
se démettre de sa place , un envoyé de
Henri lui déclara qu'il eût à le faire , ou
que le roi viendroit lui-mcme l'en chasser.
Qu'il vienne , dit insolemment le duc;
je lui servirai de fourrier , non pas pour
lui préparer les logis , mais pour brûler
ceux qui seront sur son passage, 11 se ré-
volta, se soutint quelque temps à main
armée contre le duc de Guise , nouveau
gouverneur. Vaincu , mais toujours à crain-
dre , il obtint aisément sa grâce. Les Pro-
vençaux lui firent présent de cinquante mille
écus pour accélérer son départ , et le roi
lui accorda le gouvernement du Limousin.
Henri avoit enfin déclaré la guerre à Phi- Les Eçpa-
ijppe 11, le principal moteur des troubles nent Ca,
civils ; et cette guerre înt cbins \t% commence- ^^'^*
mcHs malheureuse. Les Espagnols s'étoient
emparés de Cambrai. Ils firent une con-
quête plus importante, en prenant Calais et
Àrdres. Un excellent ofScier François ,
nommé de Rosne, leur procura cet avantage
par une fatalité singulière. Résolu de rentrer
au service du roi , il traitoit secrètement
avec la cour. Les ennemis l'ayant décou-
rt, pour éviter la mort qu'on lui prépa-
.t , et pour dissiper leurs soupçons à force
1 1 8 H E N R I I V.
de services , il offrit de faire le siège de
ces deux places, auquel ils n'osoient penser
eux-mêmes. Le roi solicita le secours d'Eli*
Conîîuites3}-5çth, Elle avoit paru très-sensible à son-
o'Ei.sa- 11- , . ' r •
beth en- changement de religion, et lui avoit tait
vers eroj.^^^ reproches d'une démarche qu'elle eût
sans doute imitée en pareilles circonstances.
Son ambassadeur promit néanmoins ài^s, ef-
forts pour sauver Calais, à condition qu'on
remettroit la place aux Anglois jusqu'au
paiement des sommes que la reine avoit
prêtées. La noble fierté du monarque" ne
pouvoit souscrire à cette proposition. l\
refusa en disant que s'il avoit à être mor^
du 5 il aimoit autant tétre d'an lion que
(Tune lionne.
Assemblée Pressé par le besoin et dépourvu de
de Routn. / , r» i w
Discours moyens , n convoque a Kouen une assemblée
^" ^^'' de notables , pour subvenir aux nécessités
du royaume. Là il prononce ce discours ,
qu'on ne peut lire sans une tendre admira-
tion. Si je faisois gloire de passer pour
excellent orateur ^ faurois apporté ici
plus de belles paroles que de bonne vo-
lonté. Mais mon ambition tend à quel-
que chose de plus haut que de bien par-
ler, T aspire au glorieux titre de libéra-
teur et de restaurateur de la France,
Déjà , par la faveur du ciel , par les
conseils de mes fidèles serviteurs , et par
ïépée de ma brave et généreuse noblesse
Henri IV. 119
C de l acte lie je ne distingue point mes
princes ^ la qualité de gentilhomme étant
le plus beau titre que nous possédions ) ,
je Vai tirée de la servitude et de la ruine •
Je désire maintenant la remettre en sa
première force et en son ancienne splen-
deur. Participe^ , mes sujets , à cette
seconde gloire , comme vous ave^ par-
ticipé à la première. Je ne vous ai point
appelés , comme faisoient mes prédéces-
seurs , pour vous obliger d'approuver
aveuglément mes volontés \ je vous ai
fait assembler pour recevoir vos con-
seils ^ pour les croire^ pour les suivre^
en un mot pour me mettre en tutelle
entre vos mains (i). Cest une envie qui
ne prend guère aux rois ^ aux barbes gri-
ses ^ et aux victorieux comme moi\ mais
l amour que je porte à mes sujets , et V ex-
trême désir que j"" ai de conserver mon état ^
me font trouver tout facile et honorable.
Uassemblée témoigna beaucoup de zèle, et fit
peu de chose. Elle ne proposa que des moyens
chimériques pourrem.ç. lier aux maux de Tctat.
Un vice radical , auquel le roi n*avoit en- Mauvais
core pu remédier , la mauvaise administra "
état des h-
nunces.
( 1 ) Gabrielle d'Estrées , sa maîtresse , lui ayant
dit qu'elle étoit surprise de ce qu'il a voit parié de
$e mettre en tutelle. Ventre-saim-^ns ^ répondit-il,
lltst vrai j mais je l'entends avec mon tpée au côié^
120 Henri IV.
tion des finances, rendoit inutiles les meil-
leurs desseins. Le roi écrivit à Sulli , pen-
dant la guerre contre l'Espagne ; Je suis
proche de mes ennemis , et n*ai quasi pas
un cheval sur lequel je puisse combattre.
Mes chemises sont toutes déchirées , mes
pourpoints troués au coude , et depuis
deux jours je dîne che\ les uns et che:^
les autres , parce que mes pourvoyeurs
n*ont plus moyen de rien fournir pour
ma table. On levoit cent cinquante mil-
lions sur le peuple, et le trésor royal en
recevoit environ trente.
Elles sont Béthune , marquis de Rosni , si célèbre
confiées a ^^^^ l^ ^^^ j^ Sullî , étoit né heureuse-
ment pour Henri IV et pour la France. Les
talens militaires , les talens politiques, réunis
au plus haut degré dans sa personne à l'hé-
roïsme , à la probité et à toutes les vertus
du citoyen, en faisoient un de ces hommes
rares qui immortalisent la gloire de leur pa- '
trie. t)QS sa jeunesse , il avoit mérité l'es-
time et l'amitié de son maître. Après avoir
prodigué pour lui et son sang et sa tbrtune ,
il devoit tirer le royaume de l'état affreux
où \qs guerres civiles Tavoient réduit. Le
roi lui confia les finances : tout changea de
face.
Friits de Le concussions cessèrent , l'avarice d^s
t^"y^"^""^" seigneurs et des financiers fut réprimée,
l'ordre rétabli partout, l'argent des peuples
Henri IV. 121
porté directement au trésor et consacré au
bien public , les emprunts f^its avec sa-
gesse , les dettes acquittées fidèlement. Une
féconde économie enrichit le prince et le
i royaume. En un mot dans l'mtervalle de
'.({uinze ans que dura le ministère de Suili,
ïnalgré la diminution considérable des tailles
et d'autres impôts, et le paiement de toutes
L-s dettes , les revenus de la couronne aug-
mentèrent de quatre millions. Et dans quelles
circonstances ? Mais aussi quel roi et quel
ministre !
Reprenons la suite des événemens. Les ■
Espagnols s'emparèrent d'Amiens par sur- 'W»
prise, tandis que les bourgeois étoientgnoispren-
au sermon. Ceux-ci s'étoient malheureuse- ^^JJ[e,jj^
ment obstinés à vouloir garder leur ville ;
imprudence qui leur coûta cher. Sous un jj^^^^^^J'e^s'
autre règne , cet accident auroit pu pro- calvinistes
duire une révolution. Le danger menaçoit
Paris, la terreur se répandoitde toutes parts.
Le roi en fut d'autant plus inquiet , que
les calvinistes lui donnoient eux-mêmes
beaucoup d'inquiétude. Les uns étoient in-
dignés de sa conversion, les autres jabux
des grâces que les catholiques , les ligueurs
mcmes obtuioicnt ou , arrachoi^ent de lui.
Non contens de h Lberté de conscience
qu''>n leur avoit accoidée, et que les ca-
tholiques sages jugeoient nécessaire , ils
voubient des prêches dans tout le royau-
112 Henri IV.
me ; ils demandoient qu'on leur fournît de
l'argent , soit pour Tentrctien des garnisons
de leurs villes de sûreté, soit pour les ap-
pointemens de leurs ministres. Des assem-
blées séditieuses , des entreprises insolentes
contre Tautoritë royale , faisoient craindre
de leur part une prochaine révolte. Lesdi-
guières , quoique attaché à leur secte , leur
reprocha une conduite si-contraire aux de-
voirs de citoyens. Mais Henri IV ne put
s'*empécher de les satisfaire.
Lf roi Son grand objet étoit alors de recouvrer
Amiens, la Capitale de la Picardie. Il osa l'entrepren-
dre sans le secours des calvinistes ; tant leur
assemblée de Saumur se montroit indo-
cile à ses demandes. C'est asse^ faire le
roi de France^ dit-il un jour , il est temps
de faire le roi de Navarre, Il court assié-
ger Amiens, et donner de nouvelles preu-
ves de vaillance. Une armée Espagnole ,
arrivée des Pays-bas , se retire sans avoir
osé attaquer sqs lignes. La garnison capitule
après une résistance vigoureuse. Le com-
mandant dit au vainqueur qu'/7 remettait
cette yille à un roi soldat , puisqu'il
ri avait pas plu à son maître de la secourir
par des capitaines soldats. Nul seiojneur
Louange ^ ,, . ' ... , , . , ^
qu'il don- ne S etoit autant distingue a cô siei^e que
«eàBiroii.j^ maréchal de Biron , fils de celui dont
nous avons raconté la mort. Henri , tou-
jours attentif à exciter et à récompenstT
HENR I IV. T23
le nvjrirc , fit son éloge par un de ces
traits ingénieux qui se gravent clans la mé-
moire des hommes. Le prévôt des mar-
chands et les échevins de Paris étant venus
le complimenter à son retour : Messieurs ,
leur dit-il , voilà h maréchal de Biron ,
que je présente volontiers à mes amis et
à mes ennemis.
Il restoit à soumettre le duc de Mercœur , ■ ■'
toujours révolté dans son gouvernement de M9^*
Bretagne, où le roi n'avoit point encore gnesoumi-
paru. Il y alla enfin. Les villes s'empresse- ^®*
rent à le recevoir , et le duc fut trop heu-
reux d'obtenir la paix , en donnant sa fille
héritière de tous ses biens au jeune duc de
Vendôme , fils naturel de Henri IV et de
Gabrielle d'Estrées.
Pendant ce voyage , lus calvinistes ob- Edît de
tinrent fédit de Nantes, si favorable à leur^^'^^^^*
parti. Liberté entière de conscience , exer-
cice public de leur religion dans plusieurs
villes , faculté de posséder toute sorte de
charges et d'emplois , places de sûreté pour
huit ans , quarante-cinq mille écus par an
pour l'entretien des ministres ; c'étoit plus
qu'on ne leur avoit jamais accordé. Leur
penchant à la révolte et la nécessité de pré-
venir de nouveaux troubles , déterminèrent
le roi à cette démarche. Le clergé , la Sor-
bonne, l'université , les prédicateurs , se
récrièrent contre lui. Il trouva beaucoup
ii34 Henri IV.
de résistance de la part du parlement. Mais
ses raisons l'emportèrent.
Raisons La religion catholique^ dit-il aux ma-
donne^ au gisttats , ne pcut être maintenue que par
parieraeiit. /^ p^^y; . ^f- [^ p^^y. ^ Vétat est la paix
de V église, . . ./e ressemble au berger qui
veut ramener ses brebis en la bergerie
avec douceur Il ne faut plus faire
de distinction de catholiques et de hU"
guenots : il faut que tous soient bons
François^ et que les catholiques conver^
tissent les huguenots par r exemple de
leur bonne vie Quand on faisoit
des édits contre ceux de la religion , lors-
que fétois avec eux ^ je faisois des ca-
prioles ; je disois : loué soit Dieu ! car
tantôt nous aurons quatre mille hom-
mes , et tantôt six mille. Et nous les
trouvions enfin , car ceux qui étoient
dispersés auparavant étoit contraints
de se réunir, , , . Si j' a vois envie de rui-
ner la religion catholique , vous ne rrien
saurie\ empêcher. Je ferois venir vingt
mille hommes , je chasserois d'ici ceux
qu'il me plairoLt\ je dircis : messieurs
les juges ^ il faut vérifier fédit^ ou je
vous ferai mourir. Mais alors je ferois
le tyran , etc.
Consé- On voit par ces morceaux du discours
merde ces ^e Henri IV 5 qu'il ne séparoit point les
raiçpiis. intérêts de la religion de ceux de l'état. Si
dès
Henri IV. 115
dès le commencement des troubles , les mê-
mes maximes avoient prévalu , riiérésie eût-
elle servi de prétexte aux emportemens de
la ligue ? la ligue eût-elle fini par augmenter
les avantages de l'hérésie ? L'expérience est
la boussole d'un sage gouvernement; et
quiconque réfléchit sur les événemens de tous
les siècles , sentira combien , dans les que-*
relies ecclésiastiques , une modération cir-
conspecte «st préférable k une dangereuse
\iolence.
Le traité de Vervins avecle roi d'Espaçne .Traité de
1 I ' 1 I- 1 11- '1 Vcrvins,
acheva de rétablir la tranquillité du royaume.
Il ne pouvoit être plus honorable. Les Es-
pagnols rendirent tout ce qu'ils avoient pris
en Picardie; Henri IV ne rendit rien. Phi- Mort de
lippe II mourut peu après. Sa politique avoit ^^"^^^"^^ ^^
agité sans fruit l'Europe entière. La Hol-
lande soustraite à sa domination , la France
délivrée de ses injustices , cinq mille cinq
cents millions d'or dissipés en projets infruc-
tueux , prouvent qu'avec toute sa puissance
il »ie fut ni un grand roi ni un grand homme ( 1 ).
Son zèle affecté contre le protestantisme ,
qui ne l'empêchoit pas d'animer les protes-
(0 Ecrivant à Henri IV , il se donnoit des ti-
tres sans fin. La réponse du rci fut signée , Henri ,
bourgeois de Paris. François I a voit de même tourné
en ridicule la vanité d^ Charles-Quint , en signant,
François , premier gentilhomme de JFrance , seigneur,
de Vanvres et de GenùlU^
Tome m. F
126 Henri IV.
tans contre les catholiques au gré de ses inté^
rets 5 lui attira plus de haine que de gloire.
On rappela le Démon du midi. La religion
auroit dû le rendre plutôt un ange de paix,
La monarchie Espagnole languit sous Phi-
lippe III son successeur.
Amours II est triste de ne pouvoir dissimuler le
"^"'^^ ^^ foible des grands hommes ; mais leurs fautes
mêmes doivent être des leçons pour le genre
humain. Henri IV , en triomphant de ses en-
Gabriellenemis, étoit dominé par l'amour. Gabrielle
rees. ^>£5jj.^g5 ^ duchesse de Beaufort Ta voit tel-
lement captivé, qu'il pensa, dit-on, à la
faire reine. Depuis long-temps il vivoit sé-
paré de sa femme Marguerite de Valois , dont
la conduite dès le commencement du ma-
riage avoit mérité de grands reproches. \JnQ
Promesse antipathie mutuelle les divisoit sans retour.
f^MUeî'^^L'un et l'autre désiroient le divorce et le sol-
s'i^s?'^^" licitoient à Rome, fondés sur ce que leur
mariage avoit été forcé , et qu'ils n'avoient
pas eu les dispenses nécessaires. Une mort
soudaine enlève la belle Gabrielle. Le roi de-
vient éperdûment amoureux de Henriette
d'Entragues , fille d'une maîtresse de Char-
les IX. Elle irrite adroitement sa passion ,
€t lui déclare qu'elle ne peut le satisfaire sans
une promesse de mariage. La pi-omesse étoit
signée. Henri IV la montre a Sulli ( J ) , et lui
(i) La terre de Sulli ne fut érigée en duché-
pairie que plusieurs années après. Mais il faut
donner à Rosni le nom sous lequel il est si célèbre.
Henri IV. 117
demande conseil. Ce courageux "^i^^^^^^ d^çjl"^^*
prend le papier, le déchire pour toute ré-
ponse. Comment morbleu , s'écrie le roi en
colère , je crois que vous êtes fou ! Sulli
répond froidement : // est vrai , sire , je
suis fou ^ et je voudrois litre si fort que
le fusse le seul en France, Il ne douta point
de sa disgrâce. Quelques jours après , il fut
fait grand maître de Tartillerie. Son zèle parut
encore mieux récompensé par la résolution
que prit le roi , de conclure un autre mariage.
Les commissaires du pape ayant prononcé la
sentence de divorce, il épousa Marie de
Médicis, qui lui donna Louis Xlîl.
Parmi les femmes quM aima, une du moins Catherme-
mérite d'être célébrée dans rhistoire. Cathe- <J^^"i^««-
xine de Rohan répondit à ses déclarations
d'amour : Je suis trop pauvre pour être
votre femme , et de trop bonne maison
pour être votre maîtresse.
Dans le temps que la galanterie sembloit
rencliaîner, il poursuivit avec vigueur ses
droits sur le marquisat de Saluces , dont le
à\xc de Savoie s'étoit emparé sous le derniet ^^e Savoie.
. règne. Ce prince habile et rusé vint en France
comme pour traiter avec le roi , se flattant ,
ou de conserver par adresse le fruit de son
usurpation , ou de former un parti ^qs mé-
contens du royaume. Mais il avoit affaire aii
monarque le plus prudent et le plus ferme.
Henri , en le comblant d'amitiés , pressait
iii Henri IV.
toujours la restitution de Saluces. Le duc
promit , se retira , et manqua de parole.
Aussitôt la guerre fut déclarée , la Savoie et
La Bresse la Bresse conquise en trois mois. L'ennemi fit
etleBugeii . ^ 'j i n in- i
pour S4lu- 13 p3ix , et céda la Bresse et le Bugei poiu- le
^^^* marquisat de Saluces. Selon quelques histo-
riens , Lesdiguières dit que le roi avoir con-
clu cette paix en marchand , et le duc de Sa-
voie en prince. Mais outre que l'échange
étoit avantageux ( Saluces n'étant guère
qu'une occasion de dépenses ) , le roi préfé-
roit la solide gloire à àts chimères de vanité.
Il avoit plus à cœur de guérir les maux de la
France , que de s'ouvrir un passage en Italie,
D'ailleurs , un levain de révolte fermentoit
dans quelques esprits remuans , et il impor-
toit de finir la guerre pour les contenir.
Dispute On vit pendant ces démêlés politiques une
FerVon et disputc singulière de religion , entre deux
Momai. Sommes qui n'étoient point faits pour se me-
surer ensemble. Duplessis-Mornai 5 grand
homme de guerre , grand négociateur , cal-
viniste également zélé pour sa secte et pour
son roi ( on le nommoit le pape des hugue-
nots ) , ayant publié un livre contre la messe,
l'évêque d'Evreux , du Perron , s'engagea
hautement à prouver qu'il y avoit plus de
cinq cents passages falsifies dans ce livre.
L'auteur accepta le défi. Le roi nomma d^s
juges , et voulut assister aux conférences avec
une nombreuse assemblée. Vérifier unemul*
Henri IV. 12^
tîtude de passages amassés par des compila-
teurs, gens ordinairementpeu exacts , comme
Fobserve Mezerai , et ne soudant pas de
fournir de bons matériaux , pourvu quils
en fournissent quantité^ étoit une entre-
l^rlse trop hasardeuse pour le calviniste , qui
- s*étoit point donné la peine d'examiner les
originaux : du Perron eut tout l'avantage Du Perron
dans la dispute. Elle devoit recommencer les et cTrdiual
jours suivans. Une maladie soudaine, cau-
sée peut- être par le chagrin , tira Mornai de
ce mauvais pas. Durant la conférence où il
fut accablé par son adversaire , le roi dit à
Sulli : Hé bien , que vous en semble, de
votre pape ? Il me semble , répondit-il ,
qu'il est plus pape que vous ne pense^ ; car
ne voyei vous pas quil donne un chapeau
rouge ri M, d'Evreux F Le chapeau rouge
fut en effet la récompense de l'évêque.
Ces deux antagonistes, au jugement de Jugement
c f ■' ^ îHr CCS un»
M. Huet , avoient plus de réputation l'un tagouistes.
et l'autre que de savoir. Leur rang contri-
buoit sans doute beaucoup à cette réputa-
tion. Ce qui ne seroit pas remarqué dans un
simple particulier , est souvent admiré dans
un homme en place , dont la gloire en ce
genre dépend beaucoup de ceux qu'il em-
ploie. Un mot peut faire juger le cardinal
du Perron : dans son Rituel d'Evreux , il
donne la bulle In cana Domini pour règle
de pénitence,
F3
i3o HïNUrIV..
Sédition . Quelque zèle qu'eût Henri IV pour le sou-
lagement des peuples , il etoit impossible ,
après des agitations si violentes , de jouir
d'une parfaite tranquillité. Un impôt octroyé
par l'assemblée des notables j tenue à Rouen,
excitoit des murmures, les murmures pro-
duisirent des séditions du côté dé la Loire*
La présence du roi , qui se rendit à Poitiers ,
ses bontés, ses promesses , eurent bientôt
calmé les esprits. Dès qu'il vit qu'on respec-
toit l'autorité , il signala sa bienveillance en
supprimant cet impôt.
*' _ '■ ' La perfidie du maréchal de Biron lui causa
/^°**, des chaerins bien plus cruels. Ce seigneur
maréchal avoit heritc des vices , comme des talens
"''"' militaires de son père. Il passoit pour le
plus grand général du royaume ; il étoit
tout couvert de cicatrices , glorieuses mar-
ques de sa valeur ; mais une ambition dé-
mesurée, un orgueil , une arrogance in-
supportable ternissoient sa gloire. L'amitié
et les grâces du roi ne firent qu'un ingrat.
Lorsque le duc de Savoie vint en France ,
le maréchal se lia étroitement avec lui ,
malgré l'avis de son maître qui lui dit un
jour ; 72^ laisse^ point approcher cet liomme^
là de vous ; cest une peste , il vous per-
dra, Sts intrigues continuèrent. Il avoit traité
Sonotsti- avec le duc et avec l'Espagne. Le roi , ayant
nation le j . • j i • *• £*
perd. des preuves certaines de la conjuration , fit
tous SQS efforts , dans des entretiens partie u-
HENRI IV. l3l
liers , pour ei^ager Biron à reconnoître son
crime , résoki de pardonner au repentir. La
fierté hautaine et inflexible du coupable l'o-
bligea malgré lui de faire un exemple. Biron
tut arrêté et jugé ; le parlement le condamna
à perdre la tête. Cet homme si intrépide dans n meurt
Içs C(^.mbats devint foible et fjrieux aux ap- lig^^J^^"
proches du supplice. Il eut la double honte
d'avoir mérité la mort , et de ne savoir pas
mourir Quon ne m approche pas , s'écria-
t-il eu jurant sur réchafaud ; si l'on me met
en fougue , f étranglerai la moitié de ce
qui est ici. Le duc cie Bouillon avoit eu part
à ses complots. On le pressa en vain de re-
venir à la cour. Son génie remuant méditott
de nouvelles entreprises qui éclatèrent bientôt,
Elisabeth , après te règne le plus glorieux "
qu'on eût jamais vu en Angleterre , venoit '^^S*
de mourir âgée de 69 ans , laissant à Jac-îisai)etii.'
ques I son royaume enrichi par le commerce, gièïJ^'Jç^**'
et redoutable aux étrangers par la marine.
Elle apprit aux souverains que Tautorité, -
maniée avec sagesse, peut maintenir le calme
dans un état, malgré la diversité des reli-
gions : mais tous les siècles lui reprocheront
la mort de Marie Stuart. Henri IV perdoit
une alliée dont il avoit tiré de grands se-
cours. Le nouveau roi , le premier qui ait
réuni l'Angleterre , l'Irlande et l'Ecosse ,
pouvoit influer beaucoup dans les affaires de
l'Europe. Sulli fut envoyé en ambassade pour
F4
iS2 Henri IV.
Traités le mettre dans les intérêts de la France. Il
^letenê et triompha des intrigues de TEspagne , de la
Suisse" mauvaise volonté du ministère Anglois , et
conclut une ligue défensive en faveur des
Provinces-unies , toujours en guerre avec les
Espagnols. On avoir aussi renouvelé l'alliance
avec les Suisses. Ces sages mesures mettoienH
le royaume en sûreté.
Rétabns- Depuis long-temps le pape soUicitoit le
Jésuites, rétablissement des Jésuites. C'étoit, selon
toute apparence, une des conditions secrètes
de Tabsolution du roi. Le P. Cotton , par
son esprit , sa souplesse , sqs manières insi-*
nuantes et ses sermons , vint à bout de ga-
gner les bonnes grâces de Henri , et ne per-
dit pas de vue les intérêts de la société (i).
Sulli , moins comme protestant que comme
ministre d'Etat, ne vouloit point des Jésui-
tes , insistant en particulier sur leur zèle pour
la maison d'Autriche et sur leur obéissance
aveugle pour un général étranger. Mais il se
rendit à cette raison de son maître ; que ^
» s'ils étoient capables de mauvais desseins,
:^ on auroit moins à craindre en les capti-
>» vant par des bienfaits , qu'en ks aigris-
» sant par des rigueurs ». L'édit de rappel
fut envoyé au parlement. Le premier prési-
(i) On disoit communément : Notre roi est un
Ion prince , il aime la vérité ; mais il a du coton dans.
Us QnilUst C Lon^ueruana. )
Henri IV. ijj
dent de Harlai y opposa des remontrances
capables d'ébranler le monarque , s'il avoit
été moins ferme dans ses résolutions. Il ré-
pondit par un discours fort honorable aux
jésuites , et ordonna l'enregistrement.
Un des articles de Tédit porte qu'il y A quelles
auroit toujours à la cour un religieux de cet^ '^^"'
ordre , en qualité de prédicateur du roi , pour
répondre de la conduite de ses confrères.
Cette condition , qui paroissoit humiliante,
devint la principale source de leur pouvoir.
Chargés de la conscience des princes , ha-
biles à profiter des conjonctures , il acquirent
bientôt ce dangereux crédit , peu compati-
ble avec la simplicité religieuse , et plus pro-
pre à faire beaucoup d'ennemis secrets que
beaucoup de partisans déclarés. On ne par-
donne point à ÔQS hommes voués à l'obéis-
sance , l'envie ou le pouvoir de dominer.
Un seul intrigant , un seul ambitieux dans
ce corps , pouvoit attirer la haine publique à
ceux que leurs talens et leurs vertus rendoient
respectables.
Nous sommes parvenus aux belles années Leroyau-
du règne de Henri IV. Tout le royaume sau:,^^""
recueillit au sein de la paix les fruits d'un
gouvernement plein de sagesse. La justice ,
l'économie, les arts, le commerce, l'agri-
culture , réparèrent sensiblement les anciens
milheurs. Trois cents trente millions de diit'
Us, qui en feroient huit cents deux de notre
F6
i34 Henri^IV".
inonnoie d'aujourd'hui , n'efFray oient point
le zèle du surintendant.
Adminis- En 1 607 il avoit déjà acquitte quàtre-
S^iîl?" ^^ vingt-sept millions. Les financiers englou-
tissoient auparavant les revenus de l'Etat,
dont il n'entroit qu'une cinquième partie
dans le trésor. SuUi eut besoin de toutes sqs
lumières pour approfondir leurs manœuvres,
et de tout son courage pour les réprimer. Ces
harpies avoient beaucoup de crédit à la cour.
Les grands profitoient de leurs déprédations.
Le surintendant ne craignit point de se faire
des ennemis pour servir le roi et la patrie.
Ils travaillèrent à le perdre , et peu s'en fallut
qu'ils n'y réussissent; car il n'y a rien ^
dit-il , dont il soit plus difficile de se dé-
fendre que d'une calomnie travaillée de
main de courtisan. Déjà presque disgra-
cié , un entretien qu'il eut avec le roi dissipa
enfin les nuages. Son génie infatigable trou-
voit des ressources pour tous les besoins. 11
favorisa le commerce, mais il donna ses pre-
miers soins à l'agriculture. Le roi , en épar-
gnant les finances , trouva encore de quoi
élever de superbes édifices. La galerie du
Louvre et le Pont-neuf sont ses ouvrages. 11
commença le canal de Briare , qui joint la
Seine à la Loire.
Parmi tant de soins , également nobles
et utiles 5 sa malheureuse foiblesse pour les
femmes lui attira de nouveaux chagrins.
Henri IV. i35
Henriette d'Entragues , qu'il avoit fliit mar- =*==«=»
quisede Verneuir, conservoit trop d'empire ^'^°V,
sur son cœur. La reine Marie de Medicis en tion de
étoit cruelleinent blessée , et le desoloit par gug"."^*"
<ies manières choquantes. Ce grand prince
4éprouvoit comme tant d'autres toute l'amer-
tume des passions. D'Entragues le père et la
marquise de Verneuil portèrent l'ingratitude
-;squ a conspirer contre lui, voulant faire
valoir la promesse de mariage qu'il avoit eu
i'imprudence de donner. Le comte d'Auver-
gne étoit de la conspiration , que M. Hë-
nault dit avoir été conduite par un capucin
confesseur de la marquise. On instruisit leur
procès , on les condamna , et ils obtinrent
leur grâce.
D'un autre côte , le duc de Bouillon, quoi- Le duc de
que redevable à Henri IV de son mariage rtfrixaJ!
avec l'héritière de Sedan , travaille à soule-
ver les huguenots. Le roi ne gagnant lien
par la douceur, prend la résolution d'em-
ployer la force. Il part avec des troupes. Le -
duc s'humilie , et livre Sedan , qui lui est
rendu presque aussitôt.
Le différent de la république de Venise ■ - - '
avec Paul V fournit au roi une nouvelle ma- .î^°^:
t:ere de gloire. Ce pape voulut exercer en des Vcni-
Italie l'ancien despotisme de la cour deie^^^pe^^^
Rome. Les Vénitiens avoient défendu de
bâtir des monastères et d'aliéner des biens
aux gens d'église, sans la permission du
F6
i36 Henri IV.
sénat; ils avoient fait exécuter un moine et
emprisonner deux ecclésiastiques , coupables
de crimes énormes. Paul V regarda ces actes
d'autorité com.me des attentats contre Dieu
et contre l'église. Ses menaces , ses ordres ,
ne furent point écoutés ; l'intérêt des citoyens
parut préférable aux prétentions de Rome.
Le pape irrité lança les foudres de l'excom-
munication sur le doge et sur le sénat , et
un interdit général sur la république. Les
Jésuites 5 les théatins , les capucins , crurent
devoir s'y soumettre. Les premiers , qu'on
craignoit plus que les autres , furent bannis à
perpétuité,
tîenrî me- Tout annonçoit une guerre. Le pape s^
préparoit pour soutenir ses censures , les
Vénitiens pour soutenir les droits de la répu-
blique. Henri IV , en prince véritablement
chrétien , offrit sa médiation. Depuis long-
temps la cour de France étoit sans crédit à
Rome ; celle d'Espagne y dominoit. Cepen-
dant il eut la gloire d'être choisi pour média-
leur et de termiaer le différent. Les Véni-
tiens plièrent en suspendant l'exécution de
leurs lois , et en remettant les deux prison-
niers entre hs mains d'un délégué du pontife;
mais Paul V ne put obtenir le rétablissement
des Jésuites , l'un des objets qu'il avoit le
plus à cœur. On ne ks a rappelés qu'environ
cinquante ans après , et ils se sont toujours
..sentis à Venise de leur ancienne disgrâce.
fliateur.
Henri IV. 187
Le titre de pacificateur, plus digne d'un il ménase
, . ^ 1-1 ' , . un traite
grand prince que ceiui de conquérant, etoit entre l'Es-
alors réservé au roi de France. Il ménagea fa^lïolla^
le premier traité entre l'Espagne et les Pro- de.
vinces-unies. Une guerre furieuse, qui du-
roit depuis quarante ans , sembloit les rendre
irréconciliables. D'un côté , le prince d'O-
range , Maurice , vouloit la continuer pour
son intérêt particulier , tandis que le sage
Barnevelt en désiroit la fin pour le bien de la
patrie ; de l'autre, les Espagnols traitant tou-
jours les HoUandois de rebelles , étoient fort
éloignés de le satisfaire. Le président Jeannin,
ambassadeur en Hollande , remplit les vues
bienfaisantes de Henri IV par un prodige de
négociation. Il mania si habilement les es-
prits , que tous les obstacles disparurent.
Philippe m conclut avec les Etats une trêve « »
de douze ans, les reconnaissans pour fVû/^ ,^2'i
11 I 7-7 j Les Hol-
€t provinces libres^ sur lesquels il ne pré- landois re-
îendoit rien. Ainsi furent établies authen- ^Tpeudauj
tiquement leur liberté et leur souveraineté.
Us en étoient redevables à leur courage , à
la tyrannie du gouvernement Espagnol , et
:\ la protection de la France. Rapportons
w^ fait qui peint les mœurs de ces indompta-
bles républicains. On raconte que les am- Leurs
bassadeurs d Espagne allant a la Haie en gales.
1608 , rencontrèrent les députés de la répu-
blique , assis sur l'herbe pour prendre leur
repas. Chacun d'eux avoit apporté s^ prcn
Ï38 Henri IV.
visions. C'étoit du pain , du fromage et de
la bière. A cette vue, les Espagnols saisis
d'étonnement s'écrièrent : voilà des gens
quon ne saurait vaincre , et avec lesquels
il faut nécessairement faire la paix.
Evasion du Rien ne manquoit au bonheur et à la
CQnàà^ gloire du roi , que de surmonter la plus dan-
gereuse des passions. Le jeune prince de
Condé venoit d*épouser la fille du maréchal
de Montmorenci. Les charmes de cette prin-
cesse frappèrent vivement Henri IV. Il ne
dissimula point son penchant , et s'attira un
nouveau chagrin. Tout-à-coup le premier
prince du sang disparoît , et emmène sa
femme à Bruxelles , où la cour d'Espagne ne
manque pas de lui offrir toute sorte d'avan-
tages. I.e roi en fut extrêmement affligé ;
mais plus il avoit à se reprocher les fautes de
l'amour , plus il les effaçoit par les soins du
gouvernement et par de grandes entreprises,
pi-oîetcon- Il devoit bientôt porter la guerre en Alle-
soV d'Au- înagne» La maison d'Autriche y disputoit à
triche, .celles de Brandebourg et de Neubourg la
succession de Clèves et de Juliers. En sou-
tenant les droits de sqs alliés , il saisissoit
l'occasion d'abaisser la puissance Autri-
chienne, et de la resserrer dans de justes
bornes. C'étoit là sans doute l'objet de son
armement. On voit dans les mémoires de
Sulh , qu'il avoit conçu le grand projet de
former , de quinze dominations de l'Europe^
Henri IV. iSp
ua corps appelé la république chrétienne , idée pour
qui auroit ses lois , son conseil , ses armées , péiuéile.
et dans lequel on maintiendroit Téquilibre ,
en s'unissant contre ceux qui voudroient le
rompre. Projet admirable en théorie , mais
dont l'exécution devoit paroître trop chimé-
rique , pour qu'un prince éclairé se flattât
jd'en venir à bout. On ne peut douter au con-
traire que la maison d'Autriche ne fût me-
nacée d'une révolution presque inévitable.
Toutes les mesures étoient concertées ; qua- Mesuret
rante millions destinés à cette guerre ; des gueîj-è.^
troupes nombreuses et aguerries , des provi-
sions immenses , des alliances sûres : avec
tant de forces et de ressources , un roi coura-
geux , expérimenté , ne voyoit point d'en-
nemis en état de lui tenir tête. Il pressoit le
départ avec une extrême impatience. La cé-
jémonie du couronnement de la reine , qu'elle
^ésiroit trop , Tarréta malgré lui , et fut l'oc-
.casion de sa perte. On assure que des pres-
sentimens et de vives inquiétudes lui annon-
çoient un coup fatal. Plusieurs historiens
parlent de prédictions , de présages dont le
merveilleux se détruit assez de lui-même.
Ce qu'il y a de trop certain , c'est que ' ■ »
le meilleur des rois fut assassiné au milieu '6io.
1 1 \ p^ I • Henri IV
de son peuple , a i âge de cmquante-sept assassaié,
ans. Ravaillac mcditoit depuis long-temps
Je parricide. Il saisit le moment oii le car-
rosse de Henri IV étoit arrêté par un em-
^40 Henri ÏV.
barras de voitures , et lui plongea son cou-
teau dans la poitrine. Ce scélérat , né à
Angouléme , qui avoit été novice chez les
feuillans de Paris , respiroit , comme Jean
Cliâtel , le fanatisme de la ligue. Le nom
seul de huguenot le fàisoit frémir d'horreur ,
et il crut expier ses crimes par le martyre ,
en égorgeant un héros dont quelques in-
sensés suspectoient la religion. Il soutint
toujours qu'il n'avoit point de complices.
Effets du On assure que c'étoit au moins la cin-
fanatisme.qu3„j|^j^g conspiration contre Henri IV.
Deux dominicains de Flandre, un frère
lai sorti de chez les capucins de Milan ,
étoient venus exprès pour le tuer , et avoient
été punis de mort. Ces faits ne doivent pas
être dérobés à la connoissance df^s hommes.
Ils font abhorrer la frénésie du faux zèle;
ils font aimer les vraies maximes de l'évan-
gile. Si au heu d'échauffer les têtes par des
invectives atroces , ont eût prêché la dou-
ceur et la charité chrétienne , qui carac-
térisent la plus sainte des religions , auroit-
on vu des Poltrot, des Jacques Clément,
des Jean Châtel , àts Ravailîac , et une in-
finité d'autres , chercher par des assassinats
à s'ouvrir la porte du ciel ? Les calvinistes
de France auroient-ils allumé les feux de la
guerre civile pour se soustraire à la persé-
cution, ou pour établir la réforme sur les
fuines de la monarchie } Et les catholiques
Henri IV. 141
d'Angleterre auroient-ils tente en i6o5 ,
de faire périr Jacques I , la famille royale
et tous les pairs du royaume , par la con-
juration des poudres ? Evénement que nous
indiquons ici , comme une nouvelle preuve
de la démence fanatique répandue alors dans
toute l'Europe. Les premiers chrétiens , qui
ne méloient à la pureté du culte et de la
morale ni systèmes contentieux , ni pratiques
bizarres et arbitraires, fiirent les plus doux ,
les plus patiens , les plus soumis de tous les
hommes. Avons -nous d'autres vérités à
croire , d'autres maximes à pratiquer ?
Partieula*
Henri IV étant un modèle pour les rois , Heur/ïv,
le but de cet ouvrage permet d'ajouter quel-
ques traits à l'abrégé de son règne. « Il unit
» a une extrtme franchise la plus adroite
» politique , aux sentimens ks plus élevés
» une simplicité de mœurs charmante , et
» à un courage de soldat un fond d'hu- Sa bonté*
» manité inépuisable (Hénault) ». Tout
en lui étoit l'expression de sa bonté d'âme.
Souvent il se familiarisoit avec les soldats et
avec le peuple , de manière à n'en étreque plus
respecté. Tantôt assis dans un corps-de-garde,
il mangeoit un morceau de pain noir pour
inspirer aux troupes la patience; tantôt il
consoloit les paysans des misères causées
ï42 Henri IV.
par la ligue , en leur témoignant qu'il les
partageoit avec eux.
II vouioit ■ Sa grande ambition ëtoit de rendre heu-
p'Jance fût <'^"x ses sujets. Le duc de Savoie lui de-
heureuse. mandant un jour ce que la France pouvoit
lui valoir de revenu : elle me vaut ce que
je veux , lui dit-il ; oui ce que je veux ;
parce qu'ayant le cœur de mon peuple ,
j'en aurai ce que je voudrai. Si Dieu
me donne la vie , je ferai qu'il n'y aura
point de laboureur en mon royaume qui
nait rnoyen d'avoir une poule dans son
pot. Et si ^ ajouta-t-il fièrement, je ne
laisserai pas d'entretenir des gens de
guerre pour mettre à la raison tous ceux
qui choqueront mon autorité.
liproté- Quelques maisons de paysans a voientë té
paysan? P^^^^^s ^^ Champagne par âits soldats. Il le
sut, manda aussitôt les capitaines qui ëtoient
à Paris , et leur dit d'un ton sévère ; partei^
en diligence ^ mette^-y ordre; vous m'en
réponde'^. Quoi]^ si on ruine mon peuple ^
qui me nourrira ? qui soutiendra les char*
ges publiques ? qui payera vos pensions ^
messieurs ? Vive Dieu ! s'en prendre à
mon peuple , cest s*en prendre à moi»
Paroles où Ton reconnoît le grand politi-
que dans le bon prince.
II se faisoit H étoit l'ami à^s^ ^officiers , comme le père
•fficTers!^'' du peuple.. L'ambassadeur d'Espagne lui té-
moignant sa surprise, de le voir en quelque
Henri IV. 148
sorte assiégé par une troupe de gentilshom-
mes : si vous rnaviei vu un jour de ba-
taille y lui dit-il , ils me pressent Bien da-
vantage. Un jour , en présence des grands
de la cour et des ministres étrangers , met-
tant la main sur fépaule de Grillon t Mes-
sieurs , dit-il , voilij le premier capitaine
du monde. Grillon répliqua avec sa naïveté
militaire : vorts en ave^ menti , sire , cest
vous. Un tel démenti avoit de quoi char-
mer le héros , plus sensible à l'expression in-
génue du sentiment , qu'aux serviles adula-
tions de la bassesse.
Cette bonté ne dégénéroit point en "ne.^j1[j^^2j^^«
molle complaisance. Il savoit refuser à pro-
pos , et faire goûter la justice de ses refus.
Un hom.me de condition lui demandoit
grâce pour son neveu , coupable d*un meur-
tre. Sa réponse est celle d'un bon prince qui
voudroit pardonner , et qui ne peut s'em-
pêcher de punir : je ne puis accorder ce
que vous demande^. Il vous sied bien
de faire Fonde , et xï moi de faire le roi,
J'' excuse votre requête \ excuse^ mon refus.
Il est surprenant qu'un roi si guerrier ait Noblesse
supprimé en 1 600 la noblesse qui s'acqué- ^/ppiiméc
roit par la profession des armes , comme
Henri III avoit supprimé celle que don-
noit la possession des fiefs. Les services
militaires avoient un droit particulier à sa
reconnoissance. Mais on doit observer que
144 .Henri IV.
la profession des armes suffisant pour faire
un gentilhomme , sans lettres du roi , il en
résultoit clés inconvéniens auxquels Henri
cherchoit à remédier. En supprimant les
abus , on ne peut pas toujours y substituer de
bonnes lois. Louis XV , par son ëdit de
1760 , a exité l'émulation des officiers avec
la plus grande sagesse.
Son régne Si Henri IV prodigua quelquefois ks
glor eux , A \ t • 1 • • '
malgré des grâces a des seigneurs mal mtentionnes ,
• et récompensa moins généreusement les ser-
vices de ses fidèles capitaines ; s*il établit la
Pauhtte 5 sorte d'imposition qui conserve
dans hs familles les charges qu'on devroit
donner au mérite ;sMlaissasubsister beaucoup
de mauvaises coutumes ; s'il ne fit pas tout
le bien qu'il méditoit et qu'il auroit pu faire
en d'autres temps , ce fut moins sa faute
que celle des conjonctures. Tout étoit à ré-
former , à renouveler. Mais il conquit et pa-
cifia son royaume ; il étouffa la ligue et les
guerres de religion , rétablit Tordre dans les
finances , se fit aimer des François , et res-
pecter des puissances étrangères ; il régna
enfin glorieusement , malgré tant d'obsta-
cles, taiU de désordres, et tant d'ennemis,
-C'est un prodige auquel il n'y a presque
rien de comparable dans l'histoire.
Zèle pour Un des grands objets de sa politique,
i^a^gncui- conformément aux principes de Sulli , étoit
de vivifier les provinces par le moyen de la-
Henri IV. Ï45
griculture , la source des véritables richesses ;
la liberté du commerce des grains y con-
tribua beaucoup , comme il est arrivé en
Angleterre. Ennemi du luxe , qui a tou-
jours plus d'inconvéniens que d*avantages,
mcme dans une vaste monarchie , le roi le
décréditoit par son exemple et par ses dis-
cours. Il invitoit les seigneurs à se retirer
dans leurs terres , leur apprenant, dit Péré-
fixe, ^ue le meilleur fonds qii'on puisse
faire est le bon ménage. Il railloit ceux
qui portaient leurs moulins et leurs bois
de haute futaie sur leur dos (c'est une
des expressions naïves de ce grand roi )•
La simplicité de ses habits étoit une assez
bonne leçon.
Il fit défendre de porter ni or ni argent Edit contra
111- / • 1- 1 \ le luxe,
sur les habits , excepte pourtant ( dit-il )
aux filles de joie et auxfiloux^ en qui nous
ne prenons pas asseï d'intérêt pour leur
faire Chonneur de donner notre atten^
tion /} leur conduite. Si ce tour paroît peu
digne de la gravité des lois , du moins étoit-
il propre à inspirer du mépris pour des vanités
ruineuses. Sulli avoit pour maxime : Que
les bonnes moeurs et les bonnes lois se
f()rment réciproquement. Le peu de fruit
des lois mêmes les plus sages confirme mal-
heureusement cette maxime.
Tandis que le gouvernement s'appliquoit
aux moyens de détourner sur les. campagnes
1^6 îiENRI IV.
L'Améri- des' dépenses qui appauvrissent ailleurs, et i
ava^ntagèu- dont la terre dédommage avec usure, la soifl
griculture" ^^ ^'^^ ' excitée par l'exemple des Espagnols
et des Portugais , attiroit quelques François
en Amérique. Mais l'établissement du Canada
fait en 1 604 peut-il être regardé comme un
avantage ? L'expérience n'a que trop décide
cette question. Les mines du Pérou et du
Mexique ne valoient pas même pour l'Es-
pagne ce qu'elleauroittiré de son propre fonds
en le cultivant. Avec tant de trésors , Phi-
lippe II fit banqueroute. « L'Espagne, dit
» Montesquieu , a fait comme ce roi in-
» sensé qui demanda que tout ce qu'il tou-
» cheroit se convertît en or , et qui fut
• » obligé de revenir aux Dieux pour le prier
» de finir sa misère » ( Koyei l'Esprit
des lois XXI, 22). Henri IV^ , éclairé
par Sulli , tendoit au solide. Il parvint à
son but , puisqu'en soulageant le peuple ,
il rétablit les finances.
Attache- Depuis son abjuration , il parut toujours
Sfc'!*^^ '''sincèrement attaché à l'éirlise. Le clerg-é 1
glisc.
Ul
ayant fait des remontrances en 1698 sur
divers- abus , spécialement dans la nomina-
tion des bénéfices , il répondit que ces abus
étoient réels , qu'il les avoit trouvés établis ,
qu'il espéroit les réformer , et remettre l'é-
Avis auglise dans un état florissant. Mais ^ ajouta-t-
^ ^^^^' il , contribuei-y , je vous prie , de votre
côté. Faites par vos bons exemples que
Henri IV. 14/
te peuple soit aussi incité à bien foire ^
quil en a été ci-devant détourné. Vous
mave\ exhorté de mon devoir ; je vous
exhorte du vôtre. Faisons bien à Venvi
les uns des autres. Malheureusement , il
ne trouva pas toujours dans les ecclésias-
tiques cet amour de la vertu , qui réussit
mieux par l'exemple que par les paroles ; et
il disoit quelquefois ;/V voudrois bien faire
ce quils prêchent ; mais ils ne pensent
pas que je sache ce quils font, II ëtoit
réservé au siècle de Louis XIV d'épurer
les mœurs du clergé , comme de polir celles
de la nation.
Quant aux calvinistes , sa modération Conduite
et sa fermeté arrêtèrent, non sans peine , verf fés'
le cours de leurs cabalts. Un jour qu'ils '^'^-^"^"^"
lui demandoient des places de sûreté , di-
sant qu'ils en avoient bien obtenu du feu
roi ; je suis , leur répondit-il, la seule as-
surance de mes sujets ; je n^ai encore
manqué de foi ù personne, Henri III
vous craignoit , et ne vous aimoit point ^
mais moi je vous aime , et ne vous crains
guère. Son système étoit de gagner les es-
prits par la douceur. Il en donnoit la rai-
son : c'est qu'on prend plus de mouches
avec une cuillerée de miel qu'avec vingt
tonneaux de vinaigre.
On lui reproche avec justice un excès pQijjjgjjg,
-w passion pour les femmes et pour le jeu. ^e He»n.
t4Ï Henri IV.
Voilà les taches d'une si belle vîe. Il est
si rare de trouver de grandes vertus sans
quelque mélange de vice ! Heureux les peu-
ples lorsqu'un prince fait ainsi oublier ses
fautes par l'huma ni té , la justice , par la
gloire de son gouvernement ! Henri IV
eut six enfens de Marie de Médicis , et
huit de différentes maîtresses , outre ceux
qu'il n'avoua point. Toute la France pleura
sa mort. Les troubles dont elle fut bientôt
agitée firent encore mieux sentir le malheur
de l'avoir perdu.
I^rotectlo!! Ce ^rand roi , avec beaucoup d'esprit
accordée j» /i . ^ \ / T. .
auxgciisUeet Q éloquence , ne pouvoit être msensible
ettf€j. g^ g^^ A^ jg^ lettres , quoique l'agitation per-
pétuelle de sa vie ne lui permît pas de les
cultiver. En 1699, ^^^ professeurs du col-
lège royal , qu'on cessoit depuis long-temps
de payer , lui présentèrent leur requête. Tes^
time mieux , dit-il , quon diminue de
ma dépense et quon ote de ma table
pour en payer mes lecteurs : M, de Rosni
les payera. Rosni ajouta : Les autres vous
ont donné du papier^ du parchemin , de
la cire ; le roi vous a donné sa parole ,
et moi je vous donnerai de l'argent» La
bibliothèque royale doit beaucoup au zèle
de Henri IV pour le progrès des connois-
sances humaines.
d^'régfise Sous ce règne parut le fameux Traité
Gallicane. ^^^ Libertés de CEglisc Gallicane , ou*
vrage
Henri IV. 149
Trage de Pierre Pithou , qui a presque
force de loi dans le royaume. Les maximes
en sont si évidemment fondées sur les pre-
miers principes de la raison , et sur les an-
ciennes règles du gouvernement ecclésias-
tiques , qu'il a fallu des siècles d'usurpation
et d'ignorance pour en effacer la trace. LV/z-
éex de Rome a proscrit \ts meilleurs ou-
vrages en ce genre, mais aujourd'hui que
les princes et les peuples sentent la nécessité
de s'instruire , il n'est plus possible de leur
ôter les moyens de connoître ce qu'il est si
dangereux d'ignorer. Pithou et d'autres
savans jurisconsultes du temps de la ligue Juriscon-
ont rendu de grands services aux nations, ks.
S'ils n'avoient pas toute la philosophie né-
cessaire pour bien saisir l'esprit des lois ,
ils avoient assez d'érudition et de lumières
pour dissiper beaucoup d'erreurs et pour pré-
parer les matériaux d'une meilleure légis-
ïitiorL.
LOUIS XIII.
ES que le bruit de l'assassinat de Henri
D
IV eut pénétré jusqu'au Louvre , la reine 1610.
Marie de Médicis sortit de son cabinet jviéd[cîs'^®
toute éolorée 5 et dit au chancelier de Sil-r^seme»
leri qu'elle reicontra : le roi et mort ! Ma^
dame y répondit-il sans marquer d'émotion,
votre majesté m'çxcuscra , les rois ne
Tome m. G
i5o Louis XIII.
meurent point en France. On dissimuloit
ce malheur pour prendre les mesures néces-
saires. Louis XIII n'avoit que neuf ans. Il
falloit 'pourvoir à la régence. Le duc d'E-
pernon , Tun à^s seigneurs qui avoit le plus
remué sous le dernier règne , courut au
parlement pour faire nommer la reine ré-
gente. Il s'assit sur le banc des pairs , et
portant la main à la garde de son épée :
elle est encore dans le fourreau , dit-il ,
mais il faudra qu*elle en sorte , si on
n'accorde pas dans Vinstant à la reine
mhe un titre qui lui est du selon Vor-
dre de la nature et de la justice. Les
conjonctures demandoient de la célérité ;
les menaces de ce duc , aussi puissant que
hautain , firent d'ailleurs impression sur les
magistrats ; et la reine fut déclarée régente
par un arrêt.
Mauvais On vit bientôt naître une nouvelle forme
gouverne- ^^ gouvernement qui annonçoit la déca-
dence du royaume. La reine étoit gouvernée
par le Florentin Concini , et surtout par
Eléonore Galigaï sa femme , occupés uni-
quement de leur fortune , et n'aimant la
France que pour s'enrichir de ses dépouilles.
Le conseil étoit une assemblée confuse d'où
il ne pouvoit rien sortir de salutaire. Dans
un conseil secret qu'on tenoit à heures in-
dues , étoient admis le nonce du pape , l'am-
bassadeur d'Espagne, Concini et sa femme ,
Louis XIII. i5i
le P. Cotton , etc. On abandonna les grands
projets de Henri IV. Autant il avoit à cœur
de se venger de la cour d'Espagne , autant
marqua-t-on d'empressement à se réconcilier
avec elle. En vaip Sulli s'efforça de soutenir
Fhonneur de la nation. Un traité fait avec le
duc de Savoie, pour l'aider à conquérir le
Milanès , fut honteusement rompu , et ce
prince obligé de demander grâce à Phi-
lippe III.
Le plus grand homme d'état qu'il y eût Retraite
alors , le duc de Sulli , toujours détesté des ^ " ^*
courtisans et des financiers, dont il avoit
toujours bravé l'injustice et les murmures;
trop fier pour changer de vues et de senti-
mens au gré de'; la nouvelle cour , ne tarda
guère à perdre tout son crédit. Il donna la
démission de ses charges , et se retira. Rap-
pelé quelques années après , parce qu'on avoit
besoin de ses avis , son habillement , ses
manières , qui n'étoient plus à la mode , le
firent tourner en ridicule par les jeunes cour-
tisans. Il en fut indigné. Sire , dit il alors à
Louis XIII , quand le roi votre père me
f ai soit r honneur de me consulter^ au
préalable il f ai soit sortir tous les bouf-
fons et baladins de cour, Sulli mourut dans
sa retraite en 1641. De tels hommes sont
faits pour des Henri IV.
Un autre personnage illustre, le prési- Leprési^ .
dent de Thou, aussi grand magistrat qu'ex- Thou.^
G 1
I5Î Louis XIII.
cellent historien , ne put succéder à son pa-
rent Achille de Hailal , dans la charge de
premier président , parce que son histoire
avoit blessé la cour de Rome. C'est un des
plus mauvais présages pour l'Etat , lorsque
lé mérite reconnu succombe sous le poids
des préventions et de la brigue.
■ ■ À mesure que le gouvernement s'affoiblit
1613. et dégénère, les factions se forment, les
tion"écia- niécontens deviennent audacieux. L'esprit
tenu ^Q révolte que Henri IV avoit eu tant de
peine à contenir , éclate parmi les protestans
et jusques au sein de la cour. Henri prince
de Condé , le duc de Vendôme et le grand
prieur de France , fils naturel du dernier roi ,
le jeune duc de Mayenne , les ducs de Lon-
gueville , de Guise , de Nevers , etc. se re-
tirent tout prêts à prendre les armes. Le duc
de Bouillon souffloit le feu. Il excitoit les
princes contre le marquis d'Ancre, Concini ,
ce faquin de Florentin^ disoit-il, qui avoit
l'insolence de les opprimer. Les plaintes con-
tre le favori tomboient indirectement sur la
reine. On manquoit de force et de prudence
pour vaincre un parti si redoutable. Les mé-
contens obtinrent tout ce qu'ils voulurent
par le traité de Sainte-Menehould.
j,i I I -1 Un des principaux objets de leurs deman-
1614- des étoit la convocation des états-généraux,
eéftéraux. ^^^ ^^ tmrent à Paris , et ne produisirent que
ce qu avoient souvent produit ces assemblées
Louis XIII. i53
tumultueuses , beaucoup de disputes et des
remontrances inutiles. Le clergé sollicita vi-
vement la publication du concile de Trente :
le tiers-état eut la même ardeur à s'y oppo-
ser, et fit éclater son zèle en demandant
qu'on établît en forme de loi ; qu'aucune
puissance temporelle ni spirituelle na
droit de disposer du royaume , et de dis-
penser les sujets du serment de fidélité ;
et que t opinion qu'il soit loisible de tuer
les rois est impie et détestable. Mais le Préven-
clergë, en convenant qu'il n'étoit pas permis c;^ïgél"
de tuer les rois, s'éleva contre le reste de la
proposition , et entraîna la noblesse dans son
sentiment. Tel étoit encore l'empire de ces
-préjugés, qui. sont devenus enfin méprisa-
bles aux yeux des François, Le cardinal du
Perron parla comme un zélé ultramontain
sur la puissance temporelle des papes :/7/f/>2e,
pi en i s si me , directe au spirituel , et indi-
recte au temporel. Il eût pensé autrement
dans notre siècle; mais comment pouvoit-
on soutenir alors une chimère si pernicieuse?
Comment la cour en particulier étoit-elle Aveual?-
assez aveugle ou assez lâche pour favo- ""^"^ ^ ^"
nser une opinion si contraire a l autorité
souveraine l Elle supprima un arrêt du par-
lement par lequel l'indépendance de la cou-
ronne étoit déclarée loi fondamentale du
royaume. Les états présentèrent des cahiers
amenscs ; on promit de ks lire ; on congédia
G3
i54 Louis XIII.
rassemblée sans avoir rien fait. C'est la der-
nière de cette nature qu'il y ait eu en France.
T Le parlement , pour y suppléer , convo-
i6tç. qua les pairs sous le bon plaisir du roi ^
Démar- ^fin d'aviser en commun sur les proposi-
vàïiemtni. tions qui seroient pour Le service du roi ,
le soulagement de ses peuples et le bien
de rEtat, Cet arrêté choque la cour. On
défend aux pairs de se rendre à la convoca-
tion. Le parlement fait des remontrances ,
et insiste sur la dissipation du trésor , dont
il restoit peu de chose , sur l'augmentation
» des dépenses de la cour, sur une infinité
d'abus funestes. Il ne restoit plus que deux
millions cinquante mille livres du trésor de
Henri IV. Les pensions , qui ne montoient
de son temps qu'à dix-huit cents mille livres ,
passoient déjà quatre millions. La dépense
de sa maison n'étoit que de onze cents mille
livres : on en dépensoit cinq cents mille de
plus. C*est de quoi se plaignoit le parlement.
Ses remon- Tai entendu vos remontrances , répond
iont"'al le roi déjà déclaré majeur, ye nen suis
reçues, point content ; la reine ma mère vous
dira le surplus. Un arrêt du conseil décide
que le parlement n'est point en droit de
prendre connoissance des affaires d'état.
Marie de Médicis ordonne au procureur
^. général Mole de porter lui-même CQt arrêt.
Discours î' » „ . ^^r y ^ V J-
de Mole à Après lavoir suppliée a genoux de 1 en dis-
la reine. ^^^^^^ ^ -j j^- ^-^ , ^^ Madame , vous nous
Louis Xlil. i55
» faites porter un flambeau qui allumera un
^» feu dont ks cendres dureront long-temps ;
> nous en craignons Tévénement », Quel
fv/nement; reprit la reine? Est-ce que le
peuple remuera ? « Non , Madame , répli-
» qua Mole ; mais nous craignons un chan-
• gement dans Taffection des peuples , et la
» désolation ^ts grandes compagnies du
» royaume qui exercent la justice , laquelle
» fait régner les rois ». Louis XIII coupa
court par ce mot , je le veux , et la reine
aussi. Cependant larrét du conseil fut sans
exécution , comme les remontrances du par-
lement sans effet.
Le prince de Condé se révolta de nou- Contîuua-
^ , ,1 9 • tioM des
veau , et engagea les protestans , qu il n ai- troubles.
moit point , à se déclarer pour lui. 11 publia
ses intentions dans un violent manifeste , où
le marquis d'Ancre, devenu maréchal de
France , étoit peint des plus noires couleurs.
Les mouvemens des rebelles n'empêchèrent
pas la reine de conduire son fils jusqu'à Bor-
deaux, pour recevoir Anne d'Autriche , in-
fante d'Espagne, dont le mariage avec le
roi excitoit depuis long-temps beaucoup de
murmures. Une paix trompeuse assoupit la
guerre civile. Le prince revint avec l'espé- .**
rance de dominer. On le fit arrêter au mi- on arrêre
lieu du Louvre par Thémines , qui reçut en jf vxn^ct
I w ! / , 1 TT de Coude,
recompense le bâton de maréchal. Un mo-
ment avant qu'on le saisît , le roi lui avoit
G4
^55 Louis XIII.
dit d'un aîr de gaieté : bon jour , monsieur
le prince. Je vais à la chasse ; en voulei-
vous être ? Le garde des sceaux du Vair ,
le président Jeannin, et Villeroi, ministres
en crédit , n'approuvant point la conduite
de la reine , furent sacrifiés à la maréchale
Richelieu. d'Ancre ; et Richelieu , évéque de Luçon ,
sa créature, fut nommé secrétaire d'état.
Son ambition aspiroit depuis long-temps au
ministère. Il étoit né pour avoir les plus
grands succès.
^1 On voyoit déjà la quatrième guerre civile
1617. allumée sous ce règne, par le mécontente-
ç.^°;'','i^®ment àt% princes et des seigneurs. Le mare-
maréchal chai d'Ancrc offrit de soudoyer à ses frais
une armée de sept mille hommes , lui qui
peu auparavant n'avoit pas de quoi payer un
domestique. Sa fortune justifioit assez les cris
du public; mais elle ne pouvoit se soutenir
contre tant d'orages. La chute de l'Italien fut
aussi étrange que son élévation. Les princes
n'avoient encore pu le renverser ; le jeune
Luynes de Luynes en vint à bout. Ce gentilhomme,.
^euî"d/sà"^ dans le Comtat, avoit été page de Henri
disgrâce, jy ^ gj s'étoit insinué dans \^s bonnes grâces
de Louis XIII , en lui dressant des oiseaux de
proie. Sa faveur augmenta de jour en jour.
Maître de la confiance du roi , dont l'âme
foible se laissa toujours gouverner , il lui
inspira l'envie de se tirer de la tutelle d'une
Louis XIII. 157
mère qui rëgnoit sous son nom , et lui per-
suada de commencer par se défaire du maré-
chal qui exerçoit toute Tautorité de la reine,
Vitri , capitaine des gardes du corps , fut
chargé de Tarréter , avec ordre de le tuer en
cas de résistance. On eut soin d'interpréter
cet ordre de manièie que Concini n'échappât
point à la mort. Il reçut des coups de pistolet
en entrant au Louvre.
Vitri se mit aussitôt à crier vive h ro;. Grande? ré-
L., » 1 r A^ ^ ^ / • compense
OUÏS parut a la tenctre , et témoigna son pour une
contentement. Ce capitaine des 2;ar des futl^-lV,^^ ^^*
hDnoré du bâton ce maréchal de France.
C'est avilir les grandes places que de les don-
ner pour de petites causes. Aussi le duc de
Bouillon , en parlant de Vitri et de Thémi-
nes , assura , dit-on , qu'il rougissoit d'être
maréchal depuis que cette dignité étoit la
récompense du métier de sergent et de celui
(l'assassin. Depuis long- temps les maréchaux Maréchaux
de France commandoient les armées sous le ^ ^*^"^'^*
connétable. Leur office étoit d'abord amo-
vible; il n'y en avoit que deux à la fois.
François I en créa quatre , et régla qu'ils le
seroient à vie. Le nombre n'en a plus été fixe
depuis son règne.
A peine Concini fut-il mort , que la reine ?-^ ""^'"s
\ . . . , T * niere réle-
mere se vit prisonnière au Louvre , et en- guée.
suite réléguée a Blois. Son fils montra autant
de dureté pour elle qu'il avoit eu jusqu'alors
(le soumission, La maréchale d'Ancie pou-
G6
i5g Louis XIIÎ.
Procès de voit être renvoyée en Italie; nulle raison
•haie " d'état n*obligeoit à la poursuivre , et Thuma-
d'Ancre, j^j^^ sembloit parler en sa faveur. Cependant
on ordonna au parlement de lui faire son
procès. La sorcellerie et la magie furent un
des principaux chefs d'accusation. Elle et sor^
mari avoient effectivement attiré nombre de
ces imposteurs qui , sous le nom d'astrolo-
gues et de devins , abusoient encore de la
crédulité des grands (i). Mais interrogée
par le commissaire du parlement, de quel
charme elle s'étoit servie pour fasciner la
rein« mère , elle répondit ; de r ascendant
qu'un esprit supérieur a toujours sur un
esprit foible» La reine a si peu d'esprit, di-
soit-elle quelquefois , qu'il ne faut pas être
sorcière pour la gouverner. Le parlement la
déclara criminelle de lèse-majesté divine et
humaine , sans spécifier la nature du dernier
crime. Elle fut exécutée sur l'échafaud , et
son corps jeté au feu.
Lnynes Tant de richesses accumulées en vendant
Séyouilks! toutes les grâces , faisoient sans doute son
plus grand crime. On en vouloir à ses biens
et à ceux du maréchal. Le roi donna leur
( I ) Le prince de Condé , dans son manifeste ,
accusa le maréchal d'avoir appelé à Paris et à la
cour des personnes déustables envers Dieu et envers
les horrmés , comme juifs , magiciens , empoisonneurs y
meurtriers , par le ministère desquels on avait fait plu-
rieurs entreprises contre sa vie.
\
Louis XIII. 159
dépouille à son favori. Luynes devint tout-a-
coup un des plus riches seigneurs du royaume.
Aussi ëpousa-f-il une Rohan , pouvant aspi-
rer à tout , sous un maître dont il dictoit ks
volontés.
Pour couvrir ses intrigues d'une apparence ■ a
de zèle , il engagea Louis Xlll à convoquer 1618.
une assemblée de notables à Rouen , où l'on de^iSSea!
délibéreroit sur les moyens de réformer les
abus. Cette assemblée n'étoit qu'un prétexte
honnête de continuer les impôts. Elle pro-
posa de beaux réglemens , auxquels on n'eut
point égard. L'unique fruit qu'en retirèrent
les peu pies , fut la suppression de /a Paulette^
par un édit qui fut révoqué trois ans après.
Luynes avoit fait cesser la guerre civile — - *^
en faisant périr Concini ; mais il avoit suc- '^/9'
cédé à la haine qu'on lui portoit , en succé- de Uxqï^,^
dant à sa fortune qui le rendoit odieux ; et h '"^'^*'
paix ne pouvoit se maintenir avec un mé-
contentement général. Le fier duc d'Epernon
conspire avec la reine mère; elle s'évade de
Blois , et le suit à Angouleme. Ils écrivent au
roi àts kiiTQS pleines de soumission , en
même temps qu'ils lèvent des troupes pour
lui résister. Cette guerre finit par un ac-
commodement honteux. On donne à ia reine
le gouvernement d'Anjou, au lieu de celui
de Normarfdie; le duc d'Epernon, quoique
crunmel de lèse-majesté , cop' vc toutes
^6o Louis XIIL
ses charges , et triomphe en quelque ma*^
nière du souverain.
eom"é "a" Cependant la fortune de Luynes franchis-
We. soit'tous les obstacles. liétoit déjà duc et
pair, maréchal de France ; on ne doutoit
pas qu'il n'obtînt aussi la charge de conné-
table 5 vacante par la mort de Henri de
Montmorenci.Le duc de Mayenne eut beau
dire, qu'il seroit fort étonnant qu'on fit
connétable un homme ^uî ne sayoit pas ce
que pesoit une épée , la qualité de favori
suppléoit à tout , et Luynes obtint bientôt
l'épée de connétable, 11 avoit procuré là
délivrance du prince de Condé , espérant de
s'en faire un appui contre les jaloux. Ce
prince n'oublia plus son devoir ; mais les
factions se ranimèrent.
Nouvelle De toutes parts les mécontens se rendoient
fevoite. 2upj.^5 jg j^ xQxxit mère , qui tenoit sa cour
à Angers , et qui refusoit de revenir à Paris.
Le fils et la mère reprirent \ts armes l'un con-
tre l'autre. Un nouvel accommodement parut
rétablir la tranquillité. Ce fut en partie Tou-
Richeiieuvrage de Févéque de Luçon , Richelieu,
?reait.'^'^"^0"^ ^^ fortune s'avançoit rapidement. Re-
légué loin de la cour et même de son dio-
cèse après la chute de Concini , il avoit
affecté dans sa retraite de faire des livres de
dévotion en épiant l'occasion de se relevé* ,.
La reine mère ayant eu besoin de lui ^ il s'é-
\«si\ rendu le maître de son conseil à force
20.
Louis XIII. 16^
de politique et de génie. On croit qu'il traita
secrètement avec Luynes pour moyenner
raccommodement , et que le favori le gagna
en lui promettant le chapeau de cardinal.
Richelieu servoit du moins l'Etat en même
temps qu'il travailloit pour lui-même.
Ces petites guerres civiles , presque aussi- *=
tôt finies que commencées , n'avoient rien '^
produit de considérable. La diversité dere-de f-.ire la
ligion en alluma déplus opiniâtres et de plus ^llfy-jfistes
sanglantes. Les zélés catholiques souffroient
impatiemment la liberté que 1 edit de Nantes
procuroit aux calvinistes. Ceux-ci, avec un
zèle aussi ardent , irrité encore par la dé-
fiance, cabaloient pour se maintenir dans
leurs privilèges. Louis XIIÏ leur avoit enlevé
les biens ecclésiastiques du Béarn , dont ils
étoient depuis soixante ans en possession ; et
quoiqu'il se fut obHgé à leur donner féquiva-
lent des revenus sur ses domaines (obliga-
tion digne d'un si mauvais gouvernement ) ,
leur résistance n'en étoit pas moins opiniâ-
tre. Il avoit soutenu de sa présence cet acte
d'autorité , auquel le parlement de Pau s'op-
posa en vain. L'inquiétude des religionnaires
ne se bornoit point à de stériles murmures.
Leurs assemblées séditieuses annonçoiei:tt
une révolte, lis formèrent à la Rochelle le
projet de changer la France en république.
Le nouveau connétable se flatta de les écra-
ser , et la guerre fut résolue.
i62 Louis XIII.
Dupiessis- Duplessis-Mornai , gouverneur de Sau-
trompïpar ^ur , l'une de leurs plus importantes places
la cour, ^g sûreté , n entroit point dans la rébellion.
Le roi se rend à Saumur. On propose à
Mornai de remettre son gouvernement pour
cent mille écus et pour le bâton de maré-
chal. Il répond fièrement qu'il n'a tenu qu'à
lui d'avoir des millions ; qu'il a été plus ja-
loux de mériter les charges , que de les ob-
tenir , comme tant d'autres , par des impor-
tunités et des bassesses ; et qu'il ne peut se
résoudre à vendre la liberté et la sûreté de
ses concitoyens , dont il se trouve respon-
sable. Le roi lui ordonne cependant de
remettre la place pour trois mois entre les
mains d'un autre. Il obéit ; il ne put jamais
y rentrer.
■ Le chef des calvinistes étoit le duc de
1621. Rohan , attaché par conviction à leur parti ,
Rotcln'; '^^ très-capable de le soutenir par ses qualités
j|jtue,iots. supérieures. Le duc de Soubise son frère,
sommé de rendre Saint-Jean d'Angeli , ré-
pondit par ce billet : je suis trh-humhU
serviteur du roi ; mais V exécution de ses
commafidemens n'est pas en mon pou-
voir, La ville capitula. Montauban fut as-
siégé par Louis Xllï en personne, Rohan
s'y étoit rendu pour animer le courage des
calvinistes. Vous are{ juré ^ leur dit-il,
r union des églises en ma présence. Ce
serment est sacré -, vous dcyei le garder
Louis XIII. 163
inviolahUment, Quand il n'y aurait que
deux personnes de la religion , je serai
un des deux. Mes maisons et mes reve-
nus sont saisis ; mais lépée et la vie me
restent , et j'emploierai l'une et Vautre
pour votre défense. Il tint parole.
En vain le connétable son allié, dans. i-e roi i^ve
r' VI 1 • •> rr le siège de
une conierence qu il eut avec lui, s errorca Montau»
de ménager un accommodement ; le duc ,
peu sensible à l'intérêt particulier , vouloit
une paix générale. On continua le siège.
Hommes et femmes combattoient sur les
remparts avec une ardeur invincible, tandis
que les chefs de l'armée royale ne s'enten-
doient pas entre eux, que Lesdiguières n'étoit
point écouté , et que Luynes commandoit
mal , faute d'expérience. Le duc de Mayenne
fut tué au siège de Montauban , le roi eut
la honte de décamper , et le succès enfla
le courage des rebelles.
Lesdiguières s'étoit exposé aux plus grands Bmvoure
périls. On le blâmoit , on l'accusoit de témt - gui^/es!''
rité. Bon , dit-il , /7 y a soixante ans que
les mousquetades et moi nous nous con-
naissons ; ne vous en metteipas en peine,
La valeur ctoit souvent poussée à cet excès.
Il auroit fallu quelque entreprise mémorable Mort de
pour effacer l'affront que Louis avoit reçu^"^""*
devant iMontauban. On se contenta d'as-
siéger la petite ville de Monheur. C'est laque
Luyi.esfjt attaqué d'une fièvre maligne dont
ï64 Louis XIIL
il mourut , âgé de quarante- trois ans. lî i
ëtoit tout à la fois connétable et garde *
des sceaux. Personne n'eut tant d'adresse
du^rof'^^^^ profiter de la faveur. Le monarque sen-
toit déjà qu'il s'étoit donné un maître. Le
voyant arriver un jour avec un cortège fas-
tueux , il avoit dit à un seigneur : Voyc\ ,
cest le roi qui entre. Mais peut-être n'au-
roit-il jamais eu la force de rompre ses chaî •
nés. Il se plaignoit , et ne savoit pas ré-
gner. Aussi vaillant que Henri IV , il man-
quoit de cette vigueur de caractère et de ce
courage d'esprit , qui font les grands hom-
mes et les vrais héros. La campagne sui-
vante lui procura la gloire dont il étoit
le plus jaloux. Il s'exposa aux dangers , et
affronta plusieurs fois la mort.
u" Le maréchal de Lesdiguières , si célèbre
1622. par ses exploits , le servit en qualité de con-
J;*;^cifj\'j|l nétable , ayant enfin sacrifié sa religion à
table. 5a fortune ; car 1 epée de connétable ne se
donnoit qu'aux catholiques. Louis XIII ,
après diverses expéditions en Poitou et en
Saintonge , assiégea Montpellier. C^iiQ ville
se défendoit comme Montauban ^ et parois-
soit résolue aux dernières extrémités. On
Paixavan-^^gocia. La paix se fit à Aqs conditions
tageuse .avantageuses pour les huguenots. Ils obtin-
nistes. rent la confirmation de l'édit de Nantes et
de tous leurs privilèges. Le roi ne devoit
er^trer dans Montpellier qu'avec ses gardes
Louis XIII. i(^5
et les Suisses. Il y eut amnistie générale
pour le passé ; huit cents mille livres pour
le duc de Rohan. La tbiblesse du monar-
que le réduisoit à récompenser les chefs de
la rébellion. Le m.arquis de la Force , qui
avoit soutenu le siège de Montauban, s'étoit
déjà accommodé au prix de deux cents
mille écuset du bâton de maréchal. De pa-
reils traités ne pouvoient guère inspirer ni
de zèle aux bons citoyens , ni de soumission
aux séditieux.
Cette guerre , que le duc de Rohan taxoit Cette
de violence et de tyrannie , étoit , selon fick 1m-
le continuateur de Daniel, « très-juste et i- ^^^^®**^®'
» même nécessaire , à moins qu'on ne dise
» qu'il étoit de la bonne politique de laisser
» subsister dans l'état une espèce de répu-
» blique , toujours prête à combattre con-
» tre l'autorité du souverain ». Mais en
violant les traités conclus avec les calvi-
nistes , on leur avoit malheureusement fourni
des prétextes de révolte , et l'on n'avoit ni
la prudence ni la force nécessaires pour les
dompter. Leur génie républicain étoit sans
cesse excité par l'exemple des Holîandois*
11 ne pouvoir céder qu'au génie de Richelieu.
Durant ces troubles du royaume, une G^ie;rede
j ,. . . i . '^ rel sioiieji
guerre de religion avoit cause les mcmes AUemaguc
malheurs en Allemagne. Les prctestans de
Bohcme ayant secoué le joug de l'empereur
Ferdinand II , sd donnèrent à l'électeur pa-
i66 Louis XIIL
latin Frédéric V. Ce prince , gendre de
Jacques I , roi pusillanime d'Angleterre ,
n'en reçut aucun secours. La bataille de
Prague en i 6 2 o , lui fit perdre la Bohême avec
ses propres états. C'étoit la plus belle oc-
casion d'abaisser la maison d'Autriche. Ri-
chelieu ne l'eut pas manquée , mais il ne
gouvernoit pas encore. Louis favorisa l'em-
pereur , aimant mieux faire la guerre à se&
sujets, que d'affoiblir une puissance n'atu-
rellement ennemie de sa couronne.
, On avoit besoin d'un grand génie pour
1624. corriger ces fautes de politique. Il existoit,
EJévationet força bientôt tous les obstacles qui ar-
nai deRi-rctoient sa fortune. La reme mère, depuis
*" ^^^"* sa réconciliation avec le roi, étoît rentrée
au conseil , et désiroit d'y introduire Riche-
lieu devenu enûn cardinal. Les ministres ,
craignant son ambition et surtout la supé-
riorité de ses lumières , l'avoient décrié dans
l'esprit de Louis XIIL Les galanteries qu'on
lui reprochoit ne pouvoient manquer de
choquer un prince dévot , trop soupçonneux
d'ailleurs et trop jaloux de l'autorité , pour
ne pas craindre celui qu'on dépeignoit com*
me le plus ambitieux des courtisans. Marie
de Médicis ne se rebuta point. Le chancelier
de Silleri et Puisieux son fils, l'un et l'autre
contraires au cardinal , furent disgraciés , et
ses ennemis eurent le chagrin de le voir
admis au ministère. Plus il briguoit cette
Louis XIII. 167
place, plus il affecta de répuc^nance de Tac- n déduise
' ',. ' )• •. 1 t son ambi-
cepter. Sa mauvaise santé , disoit-il , le ren- ùon.
doit incapable d'un long travail ; tout ce
quM pouvoit faire étoit d'assister au con-
seil de temps en temps , sans se mcler d'af-
faires d'état. Le roi le prétendoit bien ainsi ;
mais Richelieu avoit d'autres vues , et quel-
ques années après , l'autorité royale fut toute
entière entre ses mains.
Dès qu'il entra au conseil , le gouver- Le couver-
^1 j r^- /^ nementde-
nement parut changer de politique. Un vient meii-
conçut de pluu grands desseins , et l'on prit de ^^"^'
meilleures mesures. On conclut le mariage
d'Henriette de France , sœur du roi , avec le
prince de Galles ( Charles l) ^à. condition que
cette princesse et sa maison auroient le libre
exercice de la religion catholique , et que sqs
cnfans seroient élevés par la mère , c'est-à-dire
dans sa religion, jusqu'à l'âge de douze ans. Guene
On fit un nouveau traité avec la Hollande q^g^g^f'"
qui avoit repris les armes contre l'Espagne , Hollande.
et qui étoit déchirée elle-même par une con-
troverse théologique, devenue une affaire
d'état. Les Gomaristes et les Arminiens s'a-
charnoient entre eux au sujet de la grâce ^
du libre arbitre, de la prédestination, objets
impénétrables à l'esprit humain. Le célè-
bre Barneveldt , l'un des plus grands hom-
mes et des meilleurs citoyens qu*ait eut la
Hollande , avoit perdu la tcte sur un écha-
faud en 1619, comme partisan de l'armi-
i68 Louis XIIL
"nranisme. L'ambition de Maurice prince
cFOrange, s'était servi de ce vain prétexte
pour TiiTimoIer. On reconnoît partout l'es-
prit de secte , et partout on voit les ambi-
tieux tourner à leur profit la crédulité ou
le fanatisme du peuple.
Expédition Enfin l'expédition de la Valteline Commença
teiine. ^'^ relever l'honneur de laFrance. Le roi d'Es-
pagne avoit enlevé aux Grisons cettepetitepro-
vince , de peur , disoit-il , que l'hérésie n'y pé-
nétrât ; mais en effet pour s'assurer un passage
en Italie. Louis XIII s'étoit contenté jus-
qu'alors des voies de négociation, quoique
l'entreprise des Espagnols fût contraire au bien
du royaume. Tout ce qu'il avoit gagné étoit
que le pape tînt en séquestre les places de la
Valteline. Richelieu lui fit comprendre que
sa gloire et son intérêt demandoient plus de
vigueur. Ce ministre déclara fièrement au
nonce du pape qu'on suivoit d'autres maxi-
mes, depuis qu'il n'y avoit plus de têtes
légères dans le conseil. Le marquis de
Cœuvres , à la tête d'une armée , pénétra
dans la Valteline y traita avec les habitans ,
et les délivra du joug de Rome et de l'Es-
pagne.
■■" ' Avant la fin de cette expédition, les
162c. hueuenots se soulevèrent encore. Ils se plai-
Guerre et ^. • , p/ 1 p
paix avec gnoient toujours du peu a égard que 1 on
Jjj'f5^^"^"^"avoit aux traités, et leur penchant à la ré-
volte s'autorisoit de griefs sans nombre.
Louis XIII. 169
Les duc de Rohan et de Soublse les ani-
mèrent par leurs discours. Richelieu , déjà
maître du gouvernement sans être premier
ministre, engagea les Anglois et les Hol-
bndois à tourner leurs armes contre ceux
<ju ils regardoient comme leurs frères. On
employa des vaisseaux étrangers pour com-
battre la flotte des Rochelois , plus consi-
dérable que toute la marine de France. Les
rebelles furent battus sur mer, et chassés
ensuite de l'île de Rhé. Malgré ces avanta-
ges , on leur accorda la paix aux mêmes
conditions qu'auparavant.
Le cardinal méditoit leur ruine: mais Projets de
., . V , -Il • j> A Richelieu,
il pensoit surtout a humilier la maison d Au-
triche. Pour exécuter ce grand dessein , il
ne pouvoit , disoit-il, se dispenser de scan-
daliser le monde encore une fois , en
paroissant favorable aux hérétiques. Aussi
fut-il déchiré par des libelles pleins de fiel
et de fanatisme. On l'appella le cardinal
de la Rochelle , le pontife des calvinistes ,
le patriarche des athées. Ces sortes d'in-
jures sont les armes de c^ux qui manquent
de raisons. La meilleure réponse à y faire
est le mépris. Richelieu , en s'y montrant
fort sensible , aiguisa contre lui-même les
traits de la satire, qui le poursuivit opi-
niâtrement. Un traité conclu avec l'Espa-
gne, au sujet de la Valteline qu'on res-
titua aux Grisons, termina entièrement cette
I7Ô Louis XIII.
guerre , dont il désiroit la fin pour affer»
mir son autorité et la puissance royale.
,... Avant que d'agir au dehors , il se pro-
1626. posoit d'étouffer les factions au dedans. Les
tSrfbie^^" princes et les grands seigneurs étoient de-
aux grands venus trop redoutables sous un roi qui ne
savoit pas les réprimer. Maîtres dans leurs
gouvernemens , ils cabaloient à la cour.
Gaston duc d'Orléans , frère de Louis Xill ,
avoit un parti. Le maréchal d'Ornano son
gouverneur Taigrissoit contre le souverain
et le ministre. 11 se forma un complot pour
assassiner Richelieu. On crut que Gaston
prétendoit à la couronne et à la femme de
son frère. Alors commencèrent les rigueurs
qui ont rendu ce règne comparable à celui
de Louis XI.
Rigueurs Ornano est mis en prison : les Vendôme
dugouver- ^ , /^, i • ' ^ i i i
nemeiit. sont arrêtes; C balais, maître de la garde-
robe , est jugé à Nantes , et meurt sur un
échafaud : il étoit accusé d'une conspira-
tion ; ÏQS soupçons 's'étendoient jusques sur
la reine Anne d'Autriche; le roi conçut
pour elle une aversion insurmontable , et
si l'on en croit le maréchal de Bassompierre,
il interdit aux hommes l'entrée de son ap-
partement. Gaston consent à épouser l'hé-
ritière de Montpensier ; et se réconcilie
avec Louis pour se brouiller de nouveau
quand il y sera excité par ses confidens. Le
danger qu'avoit couru le cardinal lui fit
Louis XIII. 171
donner une compagnie de gardes du corps. GardTe
II ctoit devenu nécessaire: en demandant ^"ïïltfer
à se retirer, il avoit comme forcé le mo-
narque à lui faire des instances pour le re-
tenir. Cet habile courtisan oflrit même de
céder la place de ministre à Barradas , nou-
veau favori Q car il en falloit toujours
un ). Mais le favori dont il se défioit fut
bientôt sacrifié lui-même au ministre.
Son pouvoir s'accrut encore par la sup- son p^u-
pression des charges d'amiral et de conné-JJ^Jjjjç^^*
table. Lesdiguières étoit mort : il ne fut
point remplacé. Le duc de Montmorenci
se démit de l'amirauté , et obtint en dédom-
magement un million. Le cardinal^ sous le
titre de surintendant de la navigation , fut
maître de la marine. Elle étoit entièrement
ruinée; il sentoit la nécessité de la réta-
blir , et en fit l'objet de ses soins. Pour
autoriser les changemens qu'il méditoit, on
convoqua une assemblée de notables.
On y représenta que les revenus ne mon- Assemblée
tant qu'à seize millions, il s'en dépensoit
chaque année près de quarante ; qu'il fal-
loit diminuer la dépense et augmenter la
recette ; que le roi étoit obligé de faire des
retranchemens considérables » d'animer le
commerce et la marine , d'empêcher la
dissipation des finances , et de grossir l'é-
pargne sans fouler le peuple. Richelieu pro-
posa SCS vues , et dit sagement qu'on de-
iji Louis XIIL
voit racheter les domaines , etc. sans dé-
pouiller les particuliers de ce qu'ils possé-
doient de bonne foi ; que h plus grand
bien que puissent faire les rois et les .
états est de garder la foi publique , qu'il '
s'agissoit moins de faire beaucoup d'or-
donnances que de procurer une exécution
réelle ; qu'il falloit peu de paroles et beau-
Tiemznàecoup d"* effet. L'assemblée approuva tout,
du mmil- excepté une demande qu'il n'eût point faite
^^^* si elle avoit pu être approuvée ; c'étoit qu'on
modérât les peines établies contre les crimi-
nels d'état. Il vouloir se faire une réputation
de douceur , assez démentie par sa conduite.
Auroit-il pardonné aux criminels d'état , lui
qui fut inexorable pour les comtes des Chap-
pelles et de Boutteville , seigneurs distingués
par leur bravoure , dont le seul crime étoit
de s'être battus en duel ? Ils eurent la tête
tranchée en 1627.
Fureur des La fureur des duels faisoient alors h^ plus
*^"^^^' terribles ravages. C'étoit une véritable fré-
nésie. Le caprice et la vanité , comme les
passions violentes , imposoient l'obligation
de se battre. Les amis dévoient entrer dans
les querelles de leurs amis , et les vengean-
ces devenoient héréditaires dans les familles.
On comptoit près de huit mille lettres de
grâce , accordées en moins de vingt ans à
des gentilshommes qui en avoient tué d'au-
tres dans ces combats singuhers. C'est ce
qui
Louis XIIL 17$
qui avoit déterminé Henri IV à renouveler
id défense des duels ; mais imbu lui-même
de certains préjugés de bravoure, il ferma
les yeux sur les infractions de la loi. La sé-
vérité de Louis XIII , ou plutôt de Riche-
lieu sembloit nécessaire pour extirper cet
abus. Ils n'en vinrent pas à bout. L'huma-
nité et la raison ont plus de force que les lois
contre un préjugé barbare. Il falloit adoucir
les mœurs , et faire sentir aux hommes Tab-
surdité d'un point d'honneur , qui les rend
injustes et meurtriers.
Tandis que le cardinal de Richelieu dis- - • ' '■
posoit de tout le royaume, le duc de Bue- ^^^J'j.
kingham, ministre^ et favori de Charles I avec l'Ân-
armoit l'Angleterre contre la France. Les ^ ^^*^^®'
catholiques François qui accompagnèrent
Henriette à Londres , avoient donné beau-
coup d'ombrages aux Angiois par l'impru-
dence de leur zèle. C'étoit un sujet de plain-
tes ; mais la vanité seule de Buckingham fut Buckin»
cause de la rupture entre les deux couronnes. Ist^c^use
il étoit infatué d'une passion romanesque ^^'^^^"^^**
pour la reine Anne d'Autriche; il avoit osé
en faire laveu , et souhaité de revenir à
Paris , sous prétexte designer un traité contre
l'Espagne, pour se rapprocher de l'objet de
son amour. Louis XIII lui en refusa la per-
mission. Piqué de ce refus , et jaloux du
cardinal , il se détermine à la guerre, excite les
Rochelois à une nouvelle révolte 5 et se met en
Tome III. H
174 Louis XIII.
mer pour les secourir. La tcmérité du minis-
tre Anglois entraîna la ruine de la Rochelle.
Siège de la Richelieu entreprit enfin d'abattre ce bou-
levard du calvinisme. Buckingham , aussi
mauvais général qu'audacieux courtisan ,
échoua à l'île de Rhë , d'où le marquis de
Thoiras chassa les Anglois. La Rochelle (ut.
investie. On vouloit la prendre par famine.
Mais comment fermer le port aux flottes
Aichelleii Angloises ? Richelieu imite Alexandre. Il
sue. ^"*"" ^*3Ît construire dans l'océan une digue pro-
digieuse, dont le pro jet itoit regardé comme,
chimérique,. Louis XIII le laissa commander
au siège en qualité de général. On vit alors
combien le génie peut' suppléer à l'expé-
rience même dans la guerre. L'ordre , la
discipline , l'abondance ne manquèrent ja-
mais. Le cardinal étonnoit les soldats par sa
valeur, et les caj)itaines par son habileté.
Cependant les Rochelois sembloient invinci-
bles. Ils avoient élu pour maire un homme
Le maire supérieur à tout danger. Guîton ( c'est le
^ ""' nom de l'intrépide magistrat), en acceptant
cette charge après quelque résistance, prit
un poignard , et le montrant aux citoyens :
/e serais maire , puisque vous Le youle^ ,
leur dit-il , à condition d'enfoncer ce poi-
gnard dans le sein du premier qui parlera
de se rendre ; et quon s'en serve contre
moi y si je propose de capituler. Je de-
Louis XIIL 175
mande fa'on le laisse cou/ours pour cet
effet sur la table du conseil.
Le siège traînoiten longueur. Les Angloîs Famint â
s'étoient montrés sans agir. Mais Buckin- J^^^®^^^"
gham alloit s'embarquer avec une flotte plus
formidable , lorsqu'un Irlandois fanatique
Fassassina. Toutes les horreurs de la famine
se firent enfin sentir dans la Rochelle. On re-
fusa le passage aux bouches inutiles. Une in-
finité de malheureux périssoient de misère et
de désespoir. Quelqu'un représentant au
maire que bientôt il ne resteroit plus qu'une
poignée d'habitans : Hé bien , répondit-il
sans s'émouvoir, il suffit quil en reste un
pour fermer les portes, Guiton déclara en
plein conseil que, si l'on vouîoit le tuer pour
se nourrir de sa chair, il y consentiroit plu-
tôt que de se rendre à l'ennemi. Son audace
étoit secondée par le faiiatisme des ministres.
La mère et la sœur du duc de Rt)han , mar-
tyres de leur secte , donnoient l'exemple
d'une patience héroïque.
Mais la flotte Ani>loise, si long-tem.ps ■
attendue , n'ayant pu forcer la digue et ayant * 628.
été repoussée, toute espé ance de salut s'é- se^cnX'^^^
tant évanouie avec elle, la faim dompta le
courage des Rochelois : ils se rendirent après
onze mois de résistance. Louis XIII étoit
revenu au siège , et s'étoit signalé par sa va-
leur. Plus de trois cents boulets lui passèrent
sur la tête. Le cardinal disoitné;^nmoinsqu*il
Hz
176 Louis XIII.
àvoit pris la Rochelle malgré le roi d'Espa-
gne, le roi d'Angleterre, et surtout le roi
^ ■ de France. C'est que d'une part , la flotte
Espagnole qui devoit secourir les assiëgeans,
s'étoit retirée sans rien faire ; et de l'autre les
ennemis du ministre travalUoient sourdement
auprès du monarque à faire avorter une en-
treprise si glorieuse. La plupart des grands ,
plus attachés à leur fortune qu'au bien de
l'Etat , craignoient la ruine d'un parti dont
ils pouvoient tirer dans l'occasion de grands
avantages ; et le maréchal de Bassompierre
avoit osé dire publiquement ; nous serons
peut-être asse^ fous pour prendre la Ro-
chelle.
Importai!- Cette ville fameuse par sa puissance et par
conquC'te^^ ses révoltes , qui depuis deux cents ans s'é-
toit rendue redoutable à ses souverains , tou-
jours prête à se soulever contre eux dans les
circonstances les plus critiques , la Rochelle
ne conserva que ses biens et l'exercice de sa
religion. Ses fortifications furent rasées , et
ses privilèges abolis. Il en coûta quarante
milhons pour la réduire à l'obéissance. Le
calvinisme avoit reçu une plaie mortelle ,
mais il respiroit encore par la fermeté du duc
deRohan, l'hommeie plus propre à être l'âme
et le soutien d'un parti. On continua la
guerre en Languedoc. Louis XIII alla ce-
pendant au secours du duc de Nevers ,
Charles de Gonzague ^ nouveau duc de
Louis XIII. 177
Mantoue , dévoué à la France , auquel Tem- ■■' ■ ■
pereur , le roi cFEspagne et le duc de Savoie ^,^^9-
vouloient enlever ses états. Il força en per- d'Italie,
sonne le pas de Suze , prit cette ville , déli-
vra Cassai assiégé par les Espagnols , et re-
vint triomphant achever de soumettre les
huguenots.
Un traité conclu avec l'Aneleterre ne leur Les caivi-
... , j ^ », nistes sou-
laissoit aucune espérance de secours. Le duc mis paries
de Rohan flit réduit à l'extrémité, et de- ^"""*
manda enfin la paix. Ce seigneur, que le
parlement de Toulouse avoit fait exécuter
en effigie , obtint encore l'abolition du passé
pour tous les rebelles , et cent mille écus
pour lui-même; mais on exigea qu'il sortît
du royaume jusqu'à ce qu'il plût au roi d'en
ordonner autrement. Les calvinistes ayant
perdu leurs places fortes , furent désormais
hors d'état de lutter contre le monarque. Si
la France n'avoit pas eu Richelieu , ils au-
roient peut-être exécuté ce grand projet de
république dont ils voyoient un modèle dans
ks Provinces-unies. La liberté de conscience
ne reçut aucune atteinte. Les temples , ks
prêches subsistèrent ; chacun pouvoit suivre
sa religion sans troubler l'Etat , et ce n'étoit
pas le moindre fruit' de la politique du car-
dinal.
Ces entreprises, glorieusement exécu- Caba*e
tçes , ne faisoient qu'irriter la jalousie et lachelitu.
baine de ses ennemis. En arrivant à la cour,
H3
j-zS Louis XIII.
il fut mal reçu de la reine mère , dont il avoît
autrefois la confiance. Le cardinal de Bé-
rulle ,- fondateur et général de TOratoire 5 la
gouvernoit alors et Tindisposoit contre le
ministre. Quand il parut , cette princesse lui
demanda froidemient- des nouvelles de si
santé. Je me porte mieux , répondit-il en
^ présence de BéruUe , que ceux qui sont ici
ne voudraient. Cependant le roi, moins
par affection que par besoin , lui donna la
patente de premier ministre, le nomma
lieutenant général de Tarmée d'Italie , avec
des pouvoirs si vastes , quM ne s'étoit ré-
servé, disoient les plaisans de la cour, que
celui de guérir les écrouelles,
^m '•'• I Tandis que Richelieu faisoit la guerre en
Ï630. Italie pour le duc de Mantoue, et travail-
fheaum^'loit pat ses négociations à miner la maison
5|J"^^^" d'Autriche , Marie de Médicis redoubla ses
efforts pour le perdre. Il pensa en être la vie»
time. Louis XIII étant dangereusement ma*
lade à Lyon , les importunités et les empor-
temens de sa mère lui arrachent la promesse
de renvoyer le cardinal , et chacun s'attend
à un changement de scène qui pouvoit bou-
leverser le royaume. A peine guéri le roi tâ-
che de les réconcilier. Richelieu se met plu-
sieurs fois aux pieds de la reine sans pouvoir
fléchir sa rigueur. Je me donnerai plutôt
au diable , disoit-elle , que de ne pas me
yenger. Louis, fort scandalisé de ses dis-
Louis XIII. 179
cours , cède encore à ses instances. Le mi-
nistre , quelque temps après , se voit au
moment d*une disgrâce sans retour. Il étoit
sur le point de partir ; il mettoit'déjà ses tré-
sors en sûreté. Le favori Saint-Simon vient
l'avertir que le roi veut le revoir. Aussitôt il
court à Versailles, pendant que Marie de
Médicis triomphe imprudemment dans son
palais de Luxembourg. L'orage se dissipe eu
un instant. Richelieu est reçu comme un ami
regretté. Continuel à me servir comme
vous ave i fait ^ lui dit le monarque, et je
vous maintiendrai contre toutes les. intri-
gues de vos ennemis. Ce jour fut appelé la
journée des dupes. On n'a guère vu diins
les cours d^ révolution plus singulière, ni
plus fatale à ceux qui se croyoient au comble
de la fâv^iur.
Le earde des sceaux Marillac , et le mare- ^^ *f ^'-"^
1 1 1 E# If r s / 1 »x • Séries iVKi-
cnal de Marillac son rrcre, créatures de Marie rillac
de Médicis , dévoient succéder au crédit du;
premier ministre. Ils sentirent tout le poids
de sa vengeance. L'un fut forcé de rendre
\ts sceaux ; Tautre arrêté en Italie , au milieu
de Tarmée qu'il commandoit. Ses longs ser-
vices , ses blessures , sa fidélité , sembloient
le mettre à l'abri d'une procédure criminelle.
Mais Richelieu vouloit un exemple qui f\t
trembler ses ennemis.
Oïl nomma des commissaires pour faire Precèstîu
le procès au maréchal. En vain , le parlement "^^^^'^*^*
H4
^So Louis XIII.
prétendit avoir droit de le juger : l'autorité
suspendit le cours ordinaire de la justice. Les
bienséances furent si peu ménagées en cette
occasion , qu'on avoit mis au nombre des
juges l'auteur d'une sanglante satire contre
hs Marillac, Ce fameux procès , qui dura
deux ans , rouloit uniquement sur des con-
cussions et des profits illicites y dont le ma-
réchal s'étoit autrefois rendu coupable , à
l'exemple de presque tous ses pareils. Sa
sentence fut prononcée dans la maison de
II est coji.^^'^P^S"^ ^" ministre. On le condamna au
da;nné à supplice des criminels d'état. « C'est une
mort. Il- f 1- -1 . > •
» chose bien étrange , dit-il , qu on m ait
» poursuivi comme on a fait. Il ne s'agit
» dans mon procès que de foin , de paille ^
» de bois , de pierres et de chaux ; il n'y a
» pas de quoi faire fouetter un laquais. Ua
» homme de ma qu'alité accusé de péculat » l
L'ennemi d'un ministre vindicatif et tout-
puissant étoit aux yeux des commissaires
î'ennemi du roi. Il eut la tête tranchée
en lô'Sz,
Paroles du La plupart des auteurs du temps assurent
ministre g^g Richelieu dit lui-même ; // faut avouer
sur ce ju- t • » ? v
semeiu. gue Dieu donne aux juges des lumières
Içue les autres nont pas. Je ne me serois
jamais imaginé quil y eût de quoi con-
damner à mort le maréchal de Marillac^
Supposé qu'il tînt un pareil discours , ce fut
apparemment pour rejeter sur les juge$,ro-
Louis XIII; i.8ir
dkux de cette affaire ; mais des paroles n'en
imposent pas au public : on voyok a^sez la
passion qui avoit dicté le jugement. ■?
Cëtoit une déplorable fatalité , que rintc-==?*.
rét public ne pût éteindre les haines person-, ^^3'^*rV*
,,' ' . . , . ' - La mère et
nelles, et que ce mmistre nécessaire au roi le frère du
fut un sujet de discorde dans la famille royale. ^^^^ "^rJ,
Les deux reines étoient furieuses contre lui ;<='^^^=^"»
le duc d'Orléans , après une feinte réconci-
liation , se déclara son ennemi mortel , et se
retira en Lorraine, sous prétexte de fuir sa
tyrannie. On ne voit plus que dissentions à
la cour. Richelieu , quoique redevable de sa
fortune à Marie de Médicis , est forcé par les
conjonctures à devenir son persécuteur. Louis
prend parti contre sa mère pour un sujet dont
il a besom. Il la laisse prisonnière à Compie-.
gne : il exile ou fait arrêter ^es amis , ses do-
mestiques. Le maréchal de Bassompierre ,
sur de légers soupçons , est enfermé pour
douze ans à la Bastille. Ceux qui ont suivi le
duc d'Orléans sont déclarés criminels de lèse- ---arirMn
majesté , et le parlement traité avec rigueur, .::«S?"
pourn'avoir pas enregistré d'abord cette dé-
claration. Le cardinal s'élève de plus en plus
sur les ruines de ses adversaires. On érige en
duché-pairie la terre de Richelieu pour lui et
sa famille. De Bruxelles , où s'étoit réfugiée
la reine mère , partoient une infinité de li-
belles atroces^ contre ce ministre. Mais dçs
coups portés de loin, lui faisoient d'autant.
H5
i8a Xôûis XIII.
moins de tort, que les succès de sa poIitîqiJb'
ctoient plus brillans.
Succn de II venoit de terminer la guerre d'Italie par
qîie'auïe. des traités avantageux. Le duc de Mantoue
^^'' étoit rétabli , et le duc de Savoie avoit cédé
PigneroLLe grand projet d'abaisser la maison
d'Autriche commençoit à s'exécuter. Ferdi-
nand II , en ordonnant la restitution des
biens ecclésiastiques enlevés par les protes-
f ans , s'étoit attiré sur les bras une partie de
l'Allemagne ; et Richelieu , malgré les cla-
«neurs des catholiques , animoit la ligue pro-
testante favorable à ses pra>ets. La religion
tst un motif de guerre pour les peuples ; la
raison d'état décide les politiques. Il avoit
armé contre l'empereur le plus redoutable àcs
princes luthériens , ce fameux Gustave Adol-
phe roi de Siiède , dont les victoires ébranlè-
rent tout l'empire. La France fournissoit
douze cents mille livres seulement ; la valeur
^e Gustave faisoit le reste.
«mil Cependant Gaston, aidé par le duc de
1632. Lorraine, dont il avoit épousé la sœur en
diic^d'Ur- secondes noces , se disposoit à la guerre ci-
iéaas. yjle pour se venger du cardinal. Celui-ci
n'ignorgit aucune de ses démarches : il avoit
des espions partout , qui le servoient avec
zèle , parce que leurs services étojent bien
payés. Les eorrespondanct^s de Monsieur
( 0:1 nommoil^insi le frère du roi ) , avec la
niae mère et la cour d'Espagne , ses intri-
Louis XIII. i8î
giies pour engager les seigneurs à la révolte ,
son opiniâtreté , ses invectives , ne pouvoient
rester impunies sous wi gouvernement fenne
et sévère. Le duc de Lorraine en fut puni le
premier. Le roi saisit quelques-unes de ses
meilleures places , et lui fit promettre par deux
traités d'abandonner entièrement Gaston.
Ce dernier n'avoit plus de ressources que Montmc^.
dans le duc de Montmorenci, gouverneur joint à
de Languedoc , l'un des plus braves et des Gaston.
plus aimables seigneurs de son temps , beau-
firère du prince de Condé ; heureux s'il avoit
su borner ses désirs ! Mais il auroit voulu être
connétable , et il se plaignoit de la cour ,
comme les ambitieux à qui Ton n'accorde
pas tout ce qu'ils veulent. Le duc d'Orléans
l'ayant entraîné dans son parti , prit la route
du Languedoc avec quelques troupes étran-
gères. 11 publia un manifeste contre le mi-
nistre, et se donna le titre de lieutenant
général du roi , pour la r- formation de$
désordres introduits dans le gouvernement
pa r le ca rdin al de Rich elieu .
Gaston plus foible encore que son frère , La révolte
Hvré à des favoris sans mérite, s'imaginoit^"'^""^^*'
qu*un maniftste et trois ou quatre mille sol-
dats lui attireroient bientôt une foule de par-
tisans. Personne ne remua en sa faveur. Les
yilles lui fermèrent leurs portes. Sa petite
armée ne subsista que de rapines. Richelieu
•enoit tout dans la crainte et Tohéissance.
H6
ï84 touis XIII.
Montmorenci , épuisé de dettes , ne pouvoîc
de son côté rassembler beaucoup de troupes ,
ni se faire un parti considérable. A peine ar-
rivé en Languedoc , le prince fut poursuivi
Combat par l'armée royale. Une escarmouche , plu-
îiaudaii. tt)t qu un combat, finit la guerre a la journée
deCastelnaudari. L'impétueux Montmorenci
ayant franchi un fossé presque seul , se jeta
sur les escadrons du maréchal de Schomberg,
reçut un coup de pistolet dans la bouche , et
tomba couvert de blessures après s'être battu
en furieux. Gaston , spit lâcheté , soit défé-
rence pour ses favoris, se retira sans com-
battre , quoiqu'il eût l'avantage du nombre ;
et Schomberg ne crut pas devoir pousser
Théritier présomptif de la couronne.
Procès Cette journée décisive amena 'des propo-
se Mont- . • j • 1 • 1 V r y
»oreaci. sitions de paix. Le roi pardonna a son trere ,
qui promit de lui demeurer fidèle et d'aimer
le cardinal. L'espérance d'obtenir la grâce
de Montmorenci inspiroit ces vaines promes-
ses. Mais Richelieu ne connoissoit pas la
clémence : il vouloit effrayer les grands par
une inflexible sévérité. Le prisonnier prévit
d'abord son malheur. Un chirurgien le féli-
citant de ce qu'aucune de ses blessures n'é-
toit dangereuse : vous ave^ oublié votre
métier^ lui dit-il; car il n y en a pas une
seule , jusqu'à la plus petite , ^ui ne soie
mortelle. Le parlement de Toulouse rtçut
ordre de lui faire incessamment son procès.
Loris XII L' i85
On tenta tous les efforts imaginables pour
fléchir le roi en faveur de Thomme de France
le plus chéri. Naturellement sévère , excité
à la rigueur par les conseils du ministre, il
ferma l'oreille aux prières. Jt ne serais pas
roi , répondoit-il , si favois les sentimens
des particuliers,
La constance avec laquelle le maréchal Sçn exé*
de Montmorenci subit son sort , augmenta ^"^^'^"'
les regrets de la cour et du public. Il ne vou-
lut point décliner la juridiction des Toulou-
sains. Mon parti est pris , dit-il d'abord :
je ne veux pas chicaner ma vie. Le jour
de l'exécution , les rues de Toulouse, l'ap-
partement même de Louis XHI qui étoit
venu dans cette ville , retentirent de gémis-
semens. Les courtisans à genoux , fondant Dureté do
en larmes , firent de nouveaux efforts pour
sauver le duc. Il faut qu il meure ^ dit le
roi d'un ton chagrin ; ulle-;^ lui dire que
toute la grâce que je puis lui faire , cést
que le bourreau ne le touchera point , qu^il
ne lui mettra point la corde sur les épau-
les , et qu'ail ne fera que lui couper le cou.
Paroles qui étvmneroient moins dans la bou-
che de Richelieu. L'illustre coupable avouoit
son crime , et s'en repentôit :- sa 'grâce au-
roit pu gagner les cœurs , son supj^licé'k^ . ;.
aigrit davantage. •' '•■■'' -^ '^i
• Gaston furieux quitte de nowvéaii '^h Suites d^
-, ', _ „ , cette uftaK
rraiice, et se retire a Bruxelles, accusàntre.
i«5 Louis XIII.
son frère de lui avoir manqué de parole. On
a cru que le roi avoit promis réellemene
la grâce du maréchal , mais elle n'étoit
point stipulée dans le traité, et il paroît que
Je prince mécontent prenoit des paroles va-
gues pour une promesse positive. Quelques
ëvéques du Languedoc qui avoienl embrassé
son parti , furent jugés par des commissaires
du pape. Il n*y en eut que deux de déposés.
Uarchevêque d*Albi , ayant eu beaucoup
de part à la rébellion , devoit s'attendre à
un traitement plus rigoureux , et le cardi-
nal ne Tauroit pas sans doute épargné, s'il
n'avoit été que grand seigneur.
Richelieu fout le royaume trembloit. Les exils , les
ferme dans . -^ , . '
sesprojers. emprisonnemens et les exécutions se multi-
plioient chaque jour. Richelieu bravoit la
haine, et suivoit toujours le plan de sapo».
litique. Gustave avec ses secours écrasoit
en Allemagne la puissance Autrichienne.
Ce héros fut tué à la bataille de Luzen ;
les Suédois ne laissèrent pas d'être vain-,
queurs On fit un nouveau traité avec la
Suède , on maintint la ligue protestante ,
on excita même à la révolte le célèbre "Wals-
tein , général de l'empereur. Le génie du
^ cardinal sembloit remuer à sop. gré toute,
1633. ^'Europe.
Muriage Cependant le duc de Lorraine , autant
d'Orufans. P^r légèreté de caractère que par zèle pour
<i6€larénuiia maison d'Autriche , viola encore s^s pro-
Louis XIIÎ. 187
fhesses , «t s'attira un nouvel orage. Le roi
prit Nanci , résolu de le garder jusqu'à ce
qu'on lui eût remis entre les mains Mar^
guérite de Lorraine , que Gaston avoit épou-
sée secrètement. Ce mariage s'étoit fait en
présence de témoins , avec le consentement
du duc et (Iqs princes de sa maison. L'uni-
versité de Louvain l'avoit déclaré indisso-»
lubie. Les docteurs de Paris le déclaroient
nul , comme contraire aux lois de l'état ,
par le défaut de consentement du roi ; con-
sentement d'autant plus indispensable , que
Gaston étoit encore l'héritier présomptif
de la couronne. Le parlement cassa ce ma-
riage. Gaston tint ferme malgré sa foiblesse
et son inconstance.
Mais les liaisons qu'il entretenoit avec O" tâchi
l'Espagne faisoient désirer son retour dans 'ler ce"^'
le royaum.e. Puilaurens son favori , gagné p^"^*^^*
par les offres du ministre , le ramena, et
obtint pour récompense une nièce de Ri-
chelieu y avec la dignité dexluc et pair. Trop
fier de son élévation , et infidèle à ses en-
gagemens , il affermit le duc d'Orléans dans
le dessein de soutenir son mariage. Man-
quer au cardinal , c'étoit courir à une perte
certaine. Le nouveau duc fut mis à la Bas-
tille , où il mourut quelque temps après.
Gaston l'oublia dès le moment de sa dis-
grâce. Si telle est d'ordinaire l'amitié des
grands , il ne faut pas s'étonner qu'on s'at-
\ÎS Louis XIII.
tache plus à leur fortune qu'à leur personne!
Au milieu des cabales et des conspirations
1635. qui se formoient sans cesse contre Richelieu,
av?c' rS- "i^^i^oi^ ^^ nouvelles entreprises contre la j
pagne. maison d'Autriche. C'étoit le moyen de se -
rendre de plus en plus nécessaire au roi , in-
capable de soutenir par lui-même un si grand
ferdeau. Les Suédois , à qui Ton ne donnoit
que des subsides , avoient été défaits à
Nordlmgue Tannée précédente , et la puis-
sance et la fierté Autrichienne triomphoient
dé cet évériement. Par un traité conclu avec
la Hollande , on s'engage à faire la guerre
au roi d'Espagne Philippe IV , s'il ne donnoit
(joint satisfaction sur différens griefs dont on
se plaignoit ; on projette de conquérir les
Pays-bas Espagnols , et l'on en fait d'avance
le partage. Philippe IV , informé de ce des-
sein , fait surprendre la ville de Trêves , où
l'électeur est arrêté prisonnier. Sous prétexte
que Philippe a violé le droit des gens à l'é-
gard d'un prince ami de la France , le roi lui
envoie déclarer la guerre par un héraut ; cé-
rémonie qui ne s'est plus pratiquée depuis.
Une armée Françoise marche dans les Pays-
bas , tandis que le cardinal de la Valette ,
fils du fameux duc d'Epernon , va comman-
der en Allemagne.
meale- ' ' ' On ne réussit d'abord ni en Allemagne ni
rSnt^niN en Flandre. Les Flamans demeurèrent fidèles,
heureux, parce que le gouvernement Espagnol , plus
Louis XIII. i8c^
modéré et plus sage que sous Philippe II ,
les laissoit jouir de leurs privilèges. Les Hol-
landois agirent foiblement , de peur que la
république ne devînt frontière du royaume.
Le cardinal de la Valette , manquant de vi-
vres , fut obligé de revenir sur ses pas. Une
semblable disette avoit rendu l'expédition
des Pays-bas infructueuse. Louis se plaignoit
amèrement du succès de ses armes ; mais .
Richelieu le maîtrisoit si adroitement , que
ces plaintes ne lui faisoient aucun tort. Il
avoit eu la sagesse de rappeler le duc de
Rohan, dont les talens supérieurs furent
employés enfin au service de l'Etat. Ce grand
général battit plusieurs fois ks Espagnols
dans la Valteline , et se montra aussi zélé
pour le souverain qu'il l'avoit été pour le
parti protestant.
Comme la guerre épuisoit les finances , Edits bur-
on eut recours à Texpédient des édits bur-
saux. Le roi dans un lit de justice en fit en-
registrer quarante-deux , sans qu'il fut possi-
ble de les lire Qtde ks examiner. Deux jours
après, quelques membres du parlement de-
mandèrent l'examen des édits. On se plai-
gnoit en particulier de la création de plusieurs
charges nouvelles. Ce moyen d'avoir de
l'argent fut toujours un des moins conformes
à la saine politique. Il dégradoit la magis-
trature en multipliant les juges , qui étoient
déjà en trop grand nombre ; il procuroit des
îço Louis XÎIT.
ressources momentanées , mais en augmen-
tant, avec les abus, les dettes publiques. Le
parment voulut faire dts remontrances , dé-
marche hasardeuse sous un mirjistre si absolu.
Cmq magistrats furent d'abord exilt's ; on
reçut ensuite les remontrances , et la cour mit
quelques légères modifications à ses ordres.
Prélats Urbain VIll, fort mécontent de Riche-
cajuch"' i^s^ » ^'■^'i^ accusoit de combattre les catho-
homme t^ejjques pourles protestans , défendit au cardi*
nal de la Valette de commander l'armée d'Al-
lemagne. Richelieu s't^n plaignit hautement ,
et cita l'exemple du cardinal infant frère de
Philippe IV 5 qui commandoit ks troupes
d'Espagne. Le pape répondit que l'un atta-
quoit lés hérétiques et l'autre les catholiques.
On, répliqua qu'il ne s'agissoit point de reli-
gion dans cette guerre. La Valette fut iîiain«»
tenu dans le commandement , mais le pape
saisit dès-lors les occasions de mortifier le
î^e P. Jo- ministre. Il refusa constamment un chapeau
*^*' ^' pour le P. Joseph ( du Tremblai ) , ce fameux
capucin , le confident de Richelieu , employé
dans la plupart des intrigues de cour , et dan^
les négociations avec les cours étrangères ( i ).
Un capucin mêlé dans les affaires d'état , né-
gociateur en 1 630 à la diète de Ratisbonne;
(i) Le cardinal disoir ; Je^ ne cannois aucun mî-'
nistre ni plénipotentiaire en Europe capable défaire
la barbe à ce capucin , quoiqu*il y ait belle prise.
Louis XIII. 191
des cardinaux marchant à la tcte des armées ;
^'est une preuve que Ton étoit encore peu
délicat sur les bienséances.
D'un autre coté les disputes violentes de Sourdis,
l'archevêque de Bordeaux , Sourdis , avec Ie<juVdr*
duc dTpernon et le maréchal de Vitri , ^^^^^«"^
scandalisèrent tout le royaume. Un secré-
taire d'état écrivoit au cardinal de la Valette :
Al. r archevêque de Bordeaux a eu une
grande prise avec M. le maréchal de Vitri:
mais il a reçu quelques vingt coups de
canne , ou de bâton , comme il vous plaira.
Je crois quila dessein de se faire battre
de tout le monde ^ afin de remplir la
France d'excommunications^ Cet arche-
vêque guerrier s'étoit effectivement vengé
par les censures , avec aussi peu de décence
qu'il en avoit mis dans %^% querelles.
Pour réparer le mauvais succès de la der- ■ ■ ■ 1
nière campagne, Richelieu suivit un nouveau i6?6.
plan qui manqua encore dans l'exécution. Q^l^^^^^^a®
Que ique les Francomtois eussent fait un traité ^f E,' '"^^.
j I- / 1 T- M I ^e Coude,
de neutralité avec la France, il entreprit la
conquête de leur province sous prétexte de
quelques infractions, dont ils eurent beau se
justifier. Le prince de Condé fut chargé de ^
prendre Dole. La place , disoit-on , ne pou-
voit tenir que sept ou huit jours. Mais lors-
que les habitans fiirent sommés i\t^^ rendre,
ils répondirent , rien ne nous presse: nprèx
un an de siège , nous délibérerons sur la
192 Louis XIII.
réponse que nous avons à vous faire. Ce
n'ëtoit point une vaine rodomontade. Leur
résistance déconcerta bientôt les François.
Un capucin , qui conduisoit l'artillerie de la
ville 5 seconda très-utilement la valeur des
' assiégés.
Les enne- Cependant les Espagnols entrent par les
ï^yalf^el^ Pays- bas dans la Picardie, et prennent en
peu de jours la Capelle , Corbie , le Catelet.
Richelieu avoit négligé de fortifier cette fron-
tière. Il impute aux commandans une pertç
qu'on attribuoit à sa négligence. Il ordonne
qu'on leur fasse leur procès. iVV/7^r^/2^:[/24
gouverneurs , ni lieutenans , nicapitaines j
ni officiers ^ni soldats^ écrivoit des Noyers
aux commissaires chargés de la vengeance
du cardinal. L'épouvante trouble Paris et la
ïéie de la cour ; mais le zèle se ranime dans le péril ;
tous lès corps s'empressent à,, offrir des se-
cours au roi. Louis donne.audienceàleurs
députés ; il embrasse même les savetiers;
tant l'adversité , comme l'observe un auteur
du temps , humilie les hommes. On envoie
ordre au prince de Condé de lever le siège de
pôle , après trois mois d'eiforts inutiles , et
Ton ne pense qu'à chasser l'ennemi du
royaume.
Danger du Dans ces fâcheuses circonstances , Ri-
inimstre. ^j^gjjgy ^ ^^ butte aux -traits delà haine fut
sur le point de quitter le ministère. Le P.
Joseph le rassura , lui persuada de se mon-»
Louis XIII. 193
rrer sms gardes dans les principales rues de
Paris , soit pour calmer le peuple par un air
de confiance , soit pour TefFrayer en faisant
voir qu'il ne craignoit rien. L'événement
justiha ce conseil. Le cardinal flatta le peu-
ple , et n'en reçut que des bénédictions. Hé
bien , lui dit le capucin à son retour , ne
vous avois-je pas dit que vous nUtie^
quune poule mouillée , et qu^avec un
peu de courage et de fermeté vous réta-
bliriez les affaires f
Mais des ennemis plus puissans tramolent Complot
h perte du ministre. Le duc d'Orléans et le princes,
comte de Soissons , qui commandoit l'ar-
mée de Picardie , résolurent de le faire poi-
gnarder chez le roi même à la sortie du con-
seil. Le moment étoit venu : les assassins
n'attendoient qu'un signal de Gaston ; ce
prince changeant , irrésolu , effrayé tout-à-
coup de l'idée d'un assassinat , se retira brus-
quement , et Richelieu sans le savoir échappa
au danger d'une mort inévitable. Le complot
ne pouvant être long-temps ignoré , les deux
princes quittèrent la cour. Nouveau sujet
d'inquiétude pour le cardinal , dans un temps
où les ennemis du dehors étoienttrop à crain-
dre. 11 négocia un accommodement , et le
roi pour regagner son frère , promit enfin
j consentir à son mariage avec Marguerite
de Lorraine.
Les Espagnols furent chassés de la Picar-
194 Louis XIII.
*- ■ die , le cardinal de la Valette et le duc de
1637. >^eimar repoussèrent le duc de Lorraine et
Les enne- , , , . ' . , / , , ,
m«i chas- les Impériaux, qui avoiert pénètre dans la
Bourgogne. La petite ville de Saint-Jean-de-
Lône leur avoit résisté avec un courage hé-
roïque , Rantzau étoit survenu à temps pour
Epuise- leur faire lever le siège, llrestoit cependant
^Sfances? toujours un grand obstacle au succès des ar-
mes , le besoin d'argent. L'inexécution dos
derniers édits par lesquels on avoit créé de
nouvelles charges de judicature , irrita Louis
XIII contre le parlement. Il en fit des re«
5jJP^^°j^^g^^^ proches très-vifs aux députés de ce corps,
parlement. L'argent que je vous demande , leur dit- il,
nest pas pour jouer ni pour faire de jolies
dépenses. Ce nest pas moi qui parle',
c^est mon état , cest le besoin que Von
en a. Ceux qui contredisent mes volontés
me j'ont plus de mal que les Espagnols,
Vous voyei que j'ai affaire de vous ; vous
vous teneijbrts ,* mais je trouverai bien
moyen d'avoir ma revanche. L'économie
de Htn.'i Iv eût été la meilleuie de toutes ks
ressources.
Faste de Malheureusement elle ne convenoit p'^'nt
^'^'^^'"- au foste de Richelieu. La dépense de sa
maison absorboit seule quatre millions cha-
que année. Il vivoit en roi, etéclipsoit la
splendeur du trône. Louis s'en plaignoit sou-
vent ainsi que les particuliers. C'est ce qui
engagea peut-être le cardinal à lui faire don
Louis Xlll. 196
du palails quM avoit bâti ( aujourd'hui le
palais Royal ) , et dans lequel il étaloit sa
jnagnlîcence. La postérité lui reprochera
toujv)UiS de n avoir pas ménagé , comme
SulJi , les revenus de TEtat , et d'avoir fait
pour les autres des lois somptuaires , sans
mettre â^s bornes à son propre luxe. L'épui-
sement des finances fit perdre de nouveau la Perte je la
Valteline. On n'envoya point de subsides au Vaiic.iac.
duc de Rohan, qui s'en étoit rendu maître. Il
fut contraint d'abandonner cette importante
conquête; et se retira à Genève, de peur
que le ministre ne le punît d'un malheur
causé par la faute du ministère.
De petites intrigues de cour inquiétèrent.LeP.Caus-
encore plus Kjcneiieuque les evenemens deie roïcon-
la guerre. Il avoit donné pour confesseur à
Louis Xlll le P. Caussin, auteur de la Cour
Sainte , mauvais ouvrage de dévotion , le
croyant un homme simple , incapable de
remuer , et qu'il feroit entrer aisément dans
toutes SUS vues. Peu s'en fallut que la sunpli-
citë même de ce jésuite ne changeât la face
du gouvernement. Se^ préjugés lui fa soient
regarder comme une cliose abominable l'al-
liance avec les protestans contre la maison
d'Autriche. Il osoit l'attribuer à l'ambition
du cardinal; il Taccusoit d'accal^lcr les peu-
ples d'impôts , de traiter inhumainement la
reine mère qui manquolt de tout à Bruxelles,
et de rendre le gouvernement odieux par ses
tre le mi-
nistre»
T96 Louis XIÎI.
injustices. Le monarque dévot "prétoît vo*
lontiers l'oreille aux discours de l'imprudent
confesseur. IlFaimoit à l'entendre déclamer
contre le ministre ; il étoit le premier à le
blâmer en secret ; il descendoit jusqu'aux
moindres détails de sa vie privée , trouvant
fort mauvais, par exemple, qu'il ne dît
point de bréviaire, lui qui avoit tant de"
bénéfices. La consolation des âmes foibles
est de se plaindre sans pouvoir agir.
Richelieu Louis désiroit de secouer le joug du car-
aie ^""5.^1^^!^ et avouoit ingénument qu'il n'osoit
même lui parler de certaines choses. Cepen-
dant les scrupules l'agitoient; le confesseur
gagnoit du terrain , mais Richelieu ne s'en-
dormoit pas. Dans un entretien qu'il eut
avec le roi , il dissipa sans peine , à force de
raisons et d'éloquence , les impressions que
le jésuite avoit faites dans cet esprit flexible;
il se vengea par l'exil de Caussin , qui n'em-
porta que le blâme de sa propre compagnie*
ilntre je- il obligea même la duchesse de Savoie à
fJjgyJjTg^ renvoyer de sa cour le P. Monod , autre
jésuite , confesseur de cette princesse , lequel
avoit, disoit-il , autant d* esprit et de ma-
lice que Caussin avoit de simplicité et
d'ignorance. Monod se déchaînoit ouverte-
ment contre lui. Sa disgrâce fut une affaire
d'état pour le ministre , et il n'y réussit que
par des coups d'autorité. Les jésuites avoient
besoin de toute leur habileté , de tout leur
c redit
Louis XIII. 197
crédit, pour conjurer les orages que ces té-
méraires confesseurs pouvoient attirer sur
«ux. Quelques années auparavant, ils s'é-
toient vus au moment d'être chassés du
royaume., à Toccasion du livre séditieux de
Santarelli, dont nous parlerons dans k s re-
marques particulières,
La guerre allumée en Europe par la polltl-u — ^^^^n
que du cardinal produisoit une infinité d*é- ^^38.
Tenemens , dont le détail ne fournit rien 1 g "guerre.*^
d'instrnctrf. Le duc de Weimar , après ^vorr ^J".|J^^j^*
été battu par Jean de Wen , fixa enfin la
fortune en gagnant la bataille de Rheinfeld ,
où quatre généraux de l'empereur furent faits
prisonniers. Jean de \^ert , le plus célèbre
<le tous fut envoyé à Paris. Les armes Fran-
çoises étoient moins heureuses, et le prince
de Condé ne réussit pas mieux au siège de
Fontarabie qu'à celui de Dole.
C'étoit la coutume de Richelieu après les Procès du
revers, d'i^n punir <|uelque illustre victime , vaiefte. ^*
soit pour satisfaire sa vengeance, soit pout
exciter au devoir par la terreur. Il rendit le
<luc de la Valette , qu'il n'aimoit point, res-
ponsable de la levée du siège de Fontarabie.
11 le fit juger par des commissaires dont il
pouvoit régler les démarches. Le rei présida
lui-même au jugement. On lit dans une rela-
tion, que le président de Bcllièvre eut le cou-
rage de lui dire : votre ma/esté pourroit-
elle soutenir la vue d'un gentilhomme
Tome IIL 1
195 LotJis XIIÎ.
sur la sellette , qui ne sortiroit de votre
présence que pour aller mourir sur un
échafaud? Cela est incompatible avec la
majesté royale. Le prince porte partout
les grâces avec soi : tous ceux qui parois-
sent devant lui doivent se retirer contens
et joyeux. Mais Louis XIII n'avoit pas
inoins de penchant que son ministre à une
extrême sévérité. Il reprocha aux chefs du
parlement de manquer d'égards à ses ordres
absolus, « Ceux qui disent , ajouta-t-il , que
» je ne puis pas donner les juges qu'il me
» plaît à mes sujets quand ils m ont offensé,
» sont des ignorans , indignes de posséder
» leurs charges », Le duc de la Valette
fut condamné à mort , et exécuté en effigie.
Cette sentence pouvoitétre regardée comme
un renversement des lois. Elle fut cassée dès
le commencement du règne de Louis XIV.
Pnrticula^ Si la relation publiée par les amis de la
rites Si«r ce .
procès. Valette n'est point fausse , elle présente un
étrange tableau des procédés de la cour.
Après que le procureur général, eut requis
que le duc fût décrété de prise de corps et
conduit à la Bastille , le roi demanda l'avis
de Pinon doyen du parlement. Sire , dit ce
magistrat , puisque M, de la Valette est
duc et pair de France , je supplie F". M,
de le renvoyer au parlement, — Opine^ ,
réplique le roi. Pinon ajoute : je suis d^avis
que M, de la Valette soit renvoyé au
Louis XIIT. 1^9
parlement pour être jugé. Le roi dit brus-
quement : je ne le veux pas ; ce n'est pas là
opiner, — Sire , répond le magistrat avec
modestie, un renvoi est un avis légitime,
' — Opinei sur le fond , s'écrie Louis en
colère ^ autrement je sais bien ce que j*au*
rai a faire. Alors Pinon , effrayé sans doute:
puisque V, M, me l'ordonne ^ dît- û ^ je
suis de Vavis des conclusions. Le célèbre
Talon ne rapporte point ce détail ; mais il
est difficile de n'y pas reconnoître le génie
du prince et du ministre.
Quatre cents nouvelles charges de procu- . • ^
reur créées au parlement de Paris , et d'au- 1639.
très moyens extraordinaires employés pour NoîTnLa-*
avoir de l'argent , augmentèrent les murmu- ^^^
Tes de la nation. Il y eut une grande révolte
en Normandie, On l'étouffa par des exécu-
tions m.iUtaires , et le parlement de Rouen
lut interdit , pour n'avoir pas montré assez
de vigueur contre les séx:litieux. Sous un gou-
vernement dur et impitoyablement sévère,
ie peujjle auroit-il osé taire du bruit , si la
misère ne l'eût point réduit au désespoir ?
Malgré ces obstacles , la France avoir plu- » ■■
sieurs armées en campagne, et continuoit 1640.
la guerre avec plus de succès qu'auparavant, x.uiîrct^^
Le comte d'Harcourt se fit admirer par la ^^'-^'^'^s*
prise de Turin. Son camp étoit assiégé tandis
qu'il assiégeoit cette place. Pendant vingt-
deux jours il manqua presque entièrement
200 Louis XIII.
de vivres. Le fameux'Jean de AVert , ayant
appris les circonstances du siège , dit qu'il
^imerok mkuxêtve gênerai Harcourtqu em-
pereur, La conquête d'Arras ne fut pas moins
glorieuse. On démentit l'ancien proverbe
usité dans cette ville : quand les François
prendront, Arras , les souris prendront
TTalt vt. les rats. Le maréchal de Chatillon y signala
liiarquable jQj^ zèle par ûH trait digne de mémoire. Son
fils ayant été renversé d'un coup de mous-
quet , le bruit courut qu'il étoit mort, et la
nouvelle en vint promptement aux oreilles
^- du maréchal. Il est bien heureux^ dit- il ,
d'être mort dans une si belle occasion
pour le service du roi. Ce généreux père
eut bientôt le plaisir de revoir son fils cou-
vert de gloire.
_— =3- La prise d' Arras ne fut pas le coup le plus
164T. funeste à l'Espagne. Philippe IV , ou plutôt
L'Espasne {^ j^^ d'Olivarès , ministre tout puissant
perd la Ca- t-»- 1 i- • ' 1» ' j J
taiogne et comme Richeueu , commit a 1 égard des
le Portugal ^^^^j^^^ la même faute qui avoit révolté
les Flamans contre Philippe II. Ce peuple ,
infiniment jaloux de sqs privilèges , ne put
souffrir qu'on voulût l'en dépouiller. Des
troupes envoyées dans la province achevè-
rent , par leurs violences et leurs profana-
tions , d'inspirer la haine du gouvernement.
La Catalogne entière secoua le joug , et se
donna ensuite à la France. Les intrigues de
Richelieu contribuèrent beaucoup à cette
Louis XIIÏ. 201
révolution. Il avoit aussi jeté les semences
de celle qui détacha le Portugal de la monar-
chie Espagnole. Philippe II s'en étoit autre-
ibis emparé au préjudice de la maison de
Bragance. Une conjuration imprévue réta-
blit la maison de Bragance sur le trône dont
elle jouit encore. Ainsi l'Espagne , trop re-
doutable sous Charles-Quint , s'affoiblit tout-
à-coup au gré du ministre François. Il y a
pour les empires un point d'élévation d'où ils
ne peuvent ordinairement que déchoir lors-
qu'ils y sont parvenus. Mais il falloit un Ri-
chelieu pour profiter des circonstances.
Ce ministre étoit partout le même. La Richelieu
cour de Rome , le clergé , le parlement , cour de
éprouvoient comme les grands et les peuples , ^^'^^'
la force de son pouvoir. En 1689, Urbain
VIII , après la mort du cardinal de la Va-
lette , défendit à une congrégation dont il
étoit membre , de taire pour lui un service ,
selon la coutume ; le cardinal Barberin , ne-
veu du pape , fut soupçonné d'avoir com-
mandé le meurtre d'un écuyer de l'ambassa-
deur de France , dont la tête fut exposée en
public comme celle d'un criminel, parce
qu'il avoit arraché son domestique des mains
d'une troupe de sbirres ; on se plaignoit
d'aiyeurs d'un nonce extraordinaire que le
pape avoit envoyé. Ces griefs déterminèrent
Richelieu à faire un éclat. On signifia aux
évcques la défense d'avoir aucune communi-
13
102 Louis XIIL
cation avec le nonce Scoti. Ayant été averti
de ne plus se présenter à l'audience du roi ,
il avoit osé dire que la plupart des évêques
de France soutiendroient les intérêts du pape
préférablement à ceux de sa majesté. Ce pro-
pos seul devoit exciter rindignation.
Assemblée Richelieu fait tenir a "Mantes une assem-
à Maïues.^ ^^^^ ^^ clergé en 1 64 1 , pour obtenir des
secours pécuniaires dont il avoit grand be-
soin. Deux commissaires du roi s'y rendent
le premier mars ; ils demandent six millions
six cents mille livres , représentant que tous,
les autres ordres sont épuisés , et assurant
que le monarque , par reconnoissance , ac*
cordera au premier corps de l'Etat toutes les.
prérogatives d'honneur et de dignité, qui
pouvoient lui donner un nouveau lustre. On
renvoie la réponse à huit jours : l'affaire
traîne en longueur d'un mois à Tautre ; le
cardinal exhorte , conjure, presse, menace;,
il verse même quelques larmes pour gagner
l'archevêque de Toulouse ( président avec
l'archevêque de Sens ) , le plus opposé aux
vues de la cour. Enfin le 27 mai, on déli-
bère à la pluralité des voix d'accorder cinq
millions cinq cents mille livres , à quoi la.
première somme étoit réduite. Les deux
présidens et quelques prélats refusent de
signer la délibération ; ils reçoivent ordre
de se retirer aussitôt dans leurs diocèses sansi
, passer à Paris^
Louis XIll. 2o3
L'évéque de Grenoble complimenta Pvi- Discours
, ,. * 11' ^ p • singulier
chelieu au nom du cierge, et après 1 avoir f.itau car-
comblé de flatteries : « le sauveur de nos f^^^^^'^
» âmes , notre souvera-ra pontife , ajouta- clergé.
» t-il , présente à votre éminence , pour les
» vœux de cette compagnie, l'église Galli-
» cane sa fille aînée , afin que par vos soins
» elle croisse de biens , d'honneurs et d'au-
» torité : c'est la faveur que nous voulons
» espérer de la bonté de V. E. ,. nous pro-
» mettant aussi qu'elle balancera toujours
» ses grâces entre les avantages de la France
» et les intérêts de Téglise , puisque sa qua-
» lité l'oblige à l'une et son caractère à l'au-
tre », Ce discours fut imprimé sous le titre
^Q Harangue en forme de trh-humhle re-
mercîment fait à monseigneur Véminen-
îissime cardinal ; et le discours que le
même évcque adressa au roi , le fut sous le
titre de Harangue en forme de remon^
trance faite aa roi. On pouvoit demander
lequel des deux étoit le monarque.
Comme le parlement ne se plioit pas aLitdejuj-
toutes les volontés du cardinal, le roi tint fi'jfX^^f
un lit de justice pour faire enregistrer une ^" p^^^®"
1/1 . ' , ., . ^ meut,
déclaration , portant défense a toutes ses
cours de prendre aucune connoissance des
affaires d'état , à moins que S. M. ne leur en
donnât le pouvoir et commandement spécial
par ses lettres-patentes ; ordre d'enregistrer
les édits qui conccrnoient le gouvernement
I4
;204 Louis XIII.
de l'Etat , sans aucune délibération sur
ces édits , et , pour ceux qui regardoient
hs finances , ordre de \qs. vérifier tels qu'on
\qs enverroit , lorsqu'après avoir entendu les
remontrances , le roi jugeroit à propos d'or-
donner l'enregistrement. On déclara ensuite
la suppression des charges de quelques ma-
gistrats , dont le ministre étoit mécontent..
L'avocat-général Talon s'efibrça en vain de
fléchir par un long discours le courroux de
Louis XIII. Nous avons entendu , lui dit-
il , des paroles de colhe et d'indignation^
semblables aux foudres , qui tombant au
milieu d'une asi>emblée ^ quoiqu'ils n en
frappent que cinq ou six^ laissent partout
des marques de la frayeur et Vimage de
la mort. On enregistra la déclaration ; car
il n'étoit pas possible de SQn défendre.
Guerre ci- Cependant le comte de Soissons , tou-
comti"de )^^^^ réfugié à Sedan , se préparoit à la
Soissons. guerre civile. Il avoit traité avec l'Espagne,
et étoit soutenu par les ducs de Bouillon et
de Guise. Avant que le complot éclatât,
^Richelieu voulut engager le brave Gassion ,
alors simple colonel , à feindre d'embrasser
le parti du comte , afin de pénétrer dans ses
secrets , et d'en instruire la cour. C'étoit
un moyen infaillible de parvenir à la plus
haute fortune. Gassion ne vouloit s'élever
Trait de que par des voies honorables. Je ne puis
^àiiiQii. y^^^ ^y^^ donner de plus que ma vie , dit-il
Louis XIII. 2o5
su ministre ; je la perdrai volontiers pour
le service de votre éminence ; mais il ne
ni est pas possible de lui sacrifier mon
honneur, — Cest asseï , reprit le cardinal;
votre fortune en pourra souffrir; mais
vous ne perdreipas mon estime. Gassion
garda le secret , et Richelieu , qui avoit
rame noble, lui témoigna son contentement.
Bientôt les rebelles eurent une armée con-
sidérable. Le maréchal de Chatillon com-
mandoit celle du roi. il fut battu à la Marfée
par le comte de Soissons. Si ce prince n'avoit
pas été tué dans le combat , sa victoire au-
roit eu sans doute de grandes suites. Le duc
de Bouillon , pour se conserver Sedan , se
hâta de faire un accommodement simulé ,
et trama une nouvelle conspiration en jurant
une fidélité inviolable. Cinqmars , favori de
Louis Xlli , fils du maréchal d'EiFiat , fut le
principal auteur du complot : Richelieu de-
voit en être la victime.
Ce jeune homme , parvenu à la dignité ' '-
de grand écuyer , étoit redevable de sa for- }..^^'
tune au cardmal, qui lui avoit appris la ma- luvori.
nière de captiver le cœur du roi. L'ambition r
étouffa en lui la reconnoissance. Il détestoit
son bienfaiteur, parce que celui-ci préten-
doit le maîtriser; il n'aimoit guère plus le
monarque , dont le sérieux et la tristesse gé-
noient extrêmement son goût pour le luxe
et les plaisirs. Je suis bien malheureux ,
16
2oS Louis XIII.
disoit-il à ses amis , de vivre avec un homme
qui îTL ennuie depuis le matin jusqu'au
soir. Il ne dissimuloit pas au roi même ce
sentiment. C'étoit entr'eux un sujet continuel
de brouilleries , sans que le favori en fôt moins
*aimé; tant la foiblesse du prince lui donnoit
d'empire. Louis pardonnoit tout , pour avoir
la petite satisfaction de blâmer dans ses con-
fidences un ministre auquel il abandonnoit
5aconspi-Ies rénes de l'Etat. Cinqmars changea enfin
ration. ^^ système. Autant il avoit paru ennuyé de
la faveur, autant s'appliqua-t-il à la cultiver»
Séduit par l'espérance de supplanter le mi-
nistre et de gouverner le royaume , il excita
le duc d'Orléans à la révolte , il attira le duc
de Bouillon dans sa cabale. On envoya un
émissaire en Espagne , et l'on fit un traité
au nom de Gaston pour ouvrir la France aux
ennemis.
Richelieu Louis XIII étoit allé en personne conque-
vre. ''^^"'rir le Roussillon, Jamais le crédit de Cinq-
mars ne parut mieux établi que dans ce
voyage. Il ne ménageoit plus rien; il déchi-
roit le cardinal; il proposoit tantôt de le
faire assassiner , tantôt de le chasser de la
cour. Le roi sembloit résolu à prendre ce der-
nier parti , et Richelieu , dangereusement
malade à Tarascon , ne doutoit plus de sa
disgrâce. Mais sa fortune le tire encore de
ce danger. Il découvre le traité conclu par
les factieux avec l'Espagne , et en donne avis
/
Louis XIIL 207
au roi. Tout change aussitôt. L'imprudent
Cinqmars est mis en prison ; le duc de Bouil-
^ m est arrêté en Italie , où il commandoit
"armée de France. Le fils du fameux prési-
dent de Thou , leur ami et leur confident^
^..bit le même sort. On avoit besoin de nou-
> elles preuves pour les condamner : Gaston
n'eut pas honte de les fournir pour acheter
sa propre grâce. Tel avoit tou)owrs été le
rôle de ce prince , rebelle par caprice , et
sacrifiant ses amis par lâcheté. L'abbé de la
Rivière , qu'un historien appelle le plus fa-
rneux , le plus riche et le mieux ré com.'
pensé de tous les traîtres du royaume ,
tut soupçonné d'avoir trahi le secret de
Gaston , dont il gouvernoit l'esprit à son
On instruisit à Lyon le procès des cons- Procès t'^e»
pirateurs , sous les yeux du ministre , qui tsm*^*^""
voulut que de Thou tut traité comme Cmq-
mars , quoique son crim.e se réduisît à n a-
voirpas révélé une conspiration qu'il désap^
prou voit. M, le chancelier a beau dire
( ce sont les termes de Richelieu) , it faux
que Thou meure. Celui-ci représenta qu'en
(O Avec le ton décisif que donne la fatuité, il
vcuîoit déterminer le duc d'Orléans à lever le
iiég'i de Tournai en 1646. Monsieur raùBé , lui
oit le maréchal d^ Gaision , les beaux esprits sons
Je pauvres engins à la guerre. Heureusement G asiion
l'emporta, et Tour;)ai fur pris»
16
2o8 Louis XIII.
accusant le frère du roi , le duc de Bouillon
et le grand écuyer , sans avoir de preuves
pour les convaincre , il auroit dû passer pour
un calomniateur. Les juges ne laissèrent pas
de le condamner avec son ami à perdre la
tête , fondés sur un édit de Louis XI , qwe
Richelieu cita lui-même au chancelier, et
qui étoit oublié comme une loi trop rigide.
Le duc de Bouillon en fut quitte pour sa
principauté de Sedan , qu'il céda au roi ; il
reçut en échange des terres d'un revenu plus
considérable. Monsieur se soumit humble-
ment à vivre en simple particulier , sans gar-
des 5 sans gouvernement et sans crédit. Après
l'exécution de Cinqmars et de Thou , le
cardinal ayant reçu la nouvelle de la prise de
Perpignan , écrivit au roi qui étoit retourné
à Paris ; Sire , vos ennemis sont morts ,
et vos armes sont dans Perpignan (i).
Fin du Triomphant lui-même de ses ennemis ,
5e' Riche- plutôt que de ceux du roi , mais abattu par
^^^^'' la maladie , il prit le chemin de la cour ,
et fit une partie du voyage dans une espèce
de chambre couverte de damas , que ses
gardes portoient sur leurs épaules. L'épuise-
(i) On raconte que le roi, sachant à-peu-près
Theure de l'exécution , regardoit quelquefois sa
montre , et qu'il disoit : dans une heure d'ici M, U
Grand passera mal son temps, Louis XI eût peut-être
dissimulé ce pUUir.
LoùiS XIII. zo()
ment du corps n'ôtoit rien à la vigueur de
son esprit. Il pensoit encore à s'assurer la
régence après le trépas de Louis XIII,
lorsqu'il mourut âgé de cinquante-sept ans.
En recevant le viatique , il avoit pris Dieu
à témoin que dans le cours de son minis-
tère, il n^ avoit jamais eu en vue que h
bien de la religion et de l'e'tat, La voix
publique ne lui rendoit pas un témoignage
si flatteur.
Son ambition , son despotisme , ses ven- son carao»
geances cruelles , ses petites jalousies, sa^^*^^*
vanité d'auteur ne peuvent effacer la gloire
de sts grandes entreprises. On lui reproche
d'avoir sacrifié à ses passions et hs lois et
rhumanité. Mais il dompta la Rochelle ,
contint les séditieux , et rendit la France
respectable à ses ennemis. Il disoit -.je nose
rien entreprendre sans y avoir bien pensé:
maisquand une fois f ai pris ma résolution^
je vais à mon but , je renverse tout ^ je
fauche tout , et ensuite je couvre tout de
ma soutane rouge. Tel étoit son carac-
tère : beaucoup de profondeur dans les pro-
jets et de force dar.s l'exécution. Le czar
Pierre avoit une si haute idée de ce minis-
tre , qu'à la vue de son mausolée dans l'église
de la Sorbonne , il s'écria transporté d'en-
thi->us!asmé : oh , grand homme ! si tu vi-
vois , je te donne rois la moitié de mon
empire pour m'apprendre à gouverner
210 Louis XIIT.
Vautre, Marc-Aurele eût préféré un minis-
tre humain , équitable , plus occupé du bon-
heur des peuples que de la gloire des gran-
des et périlleuses entreprises.
*-• La reine mère , Marie de Médicis , mou-
1643. rut à Cologne , dans Tindis^ence. Louis
Mort de VIT'- \ • ' . 1 . A
Louis XIII ^ili ne lui survécut pas long-temps. Anne
d'Autriche , après vingt-trois ans de stiri-
lité , lui avoir donné deux fils. Il auroit
voulu ne laisser le gouvernement ni à cette
princesse qu'il n'aimoit pas , ni au duc d'Or-
léans qui méritoit bien moins son estime
et sa tendresse. II fit une déclaration par
laquelle , en donnant la régence à sa femme,
et le titre de lieutenant général du roi mi-
neur à son frère , il établit un conseil de
régence pour restreindre leur autorité. On
verra le peu d'effet de ctli^ déclaration.
Sa volonté ne fut rien après sa mort.
Jugement << Y\\s et père de deux de nos plus erands
sur ce roi. i- »r tt/ 1 -i /v ■ i a
» rois , dit M. Henault, il aitsrmitle trône
» encore ébranlé de Henri IV , et prépara
» les merveilles du siècle de Louis XIV. »
C'est moins faire l'éloge de Louis XIII
■ que du cardinal de Richelieu. Celui-ci ré-
gna véritablement : l'autre fut toujours gou-
verné ; mais il conserva , m.algré ses dé-
goûts et sa jalousie , un ministre sans lequel
il n'eût été vraisemblablement que le jouet
Ats factieux , de ses indignes favoris , et de
quelques maîtresses à qui il se livroit sans
Louis XIIL irr
passion , pour leur confier ses ennuis et ses
peines. Selon le continuateur de Daniel ,
/■/ eut très-peu de défauts , et beaucoup
de vertus qui ont toujours été sans éclat*
Sa vie publique et sa vie privée offrent ce-
pendant plus de matière de blâme que de
louange. S'il est vrai , comme le disent quel-
ques historiens , qu'on lui donna dès son
entance le surnom de Juste , parce qu'il étoit
né sous le signe de la balance 5 ce beau
nom ne lui fait aucun honneur, et jette du
ridicule sur la crédulité ou la superstition,
de son siècle.
Il est singulier que dans le teînps même Le pouvoir
où l'Angleterre , sous Charles I , s'agitoit j|^j^J^'g<;°/^7
violemment pour anéantir le pouvoir deiàmentô par
rf. , ,. *^ , , Kicneiieu.
couronne , Richelieu soit venu a bout en
France d'affermir et d'augmenter ce pou-
voir. Le fanatisme des presbytériens Aii-
glois , partisans du système rigide de Cal-
vin , produisit une révolution que l'amour
^cul de la liberté n'auroit pas produite. Le
fanatisme des calvinistes François pouvoit
devenir également funeste à la monarchie.
En continuant de l'irriter , il falloit que la
Rochelle tombât pour que le roi fut le maî-
tre : et pour abattre la Rochelle , il falloit un
Richelieu. Il employa
Ce coup de vieueur et la hache dubour-tiopjater-
.' , , . , , . reur et les
reau servirent a réprimer les grands , qui , supplices:
1T2 Louis XIIL
au commencement du règne , affectoient
l'indëpendance. Lesdiguières étoit si absolu
dans le Dauphiné , qu'en 1617 il faisoit
la guerre aux Espagnols sans ordre du roi.
A en juger par les révoltes et les guerres
civiles , toujours au désavantage de la cour ,
les fondemens du trône eussent été fort
ébranlés , si Louis XIII , esclave de ses
favoris , n'avoit eu pour soutien un minis-
tre inébranlable. Mais le passage du niai
au bien ne peut-il se faire que par les voies
de la violence ? Falloit-il qu'un sceptre de
fer écrasât l'orgueil des sujets ? que les écha-
fauds fissent craindre et haïr plutôt que res-
pecter la couronne ? que les lois qui protè-
gent l'innocence ne devinssent qu'un sujet de
terreur ? que les arrêts de mort fussent dictés
par le souverain ? et que les jugemcris mêmes
donnassent lieu de crier à l'injustice ? Le
ministère de Richelieu avoit excité une haine
générale ; il n'eût excité que de l'admira-
tion 5 s'il eût été aussi équitable que vigou-
reux.
Etat pito- La guerre contre la maison d'Autriche
finaifces et ^^ugmenta beaucoup les maux publics. Il fal-
merce"^' lut épuiser pour la soutenir toutes les res-
sources de la nation. Le commerce n etoit
rien moins que florissant. Dans l'assemblée
des notables , en i 626 , le garde des sceaux
déploroit la léthargie des François à cet
égard. « Nos voisins ( selon lui ) met-
Louis XIII. 115
»^ tolent le prix à nos denrées , et nous
> obligeoient de prendre les leurs au prix
» qu'ils vouloient ; en quoi nous étions
^^ d*autant plus blâmables, que le royaume
possédoit les plus grands avantages pour
» la marine ; qu'il fournissolt à ces peu-
^ pies le fer et les bois de construction,
» le chanvre , les toiles , le vin , le cidre ,
» la bière , le biscuit », On voyoit l'Angle-
terre et la Hollande s'enrichir tous les jours
par le commerce maritime; mais on avoit
besoin de circonstances plus heureuses pour
profiter de leur exemple. Le génie actif et
industrieux du François paroissoit engourdi
dans la misère , ou ne respiroit que les fac-
tions et les armes.
Une requête de la noblesse, présentée Requête
au roi pendant cette même assemblée , ren- bLsse ea~
ferme quelques vues utiles, dont une par-^^^^*
tie a été mise en exécution par les derniers
rois. Entr'autres articles , on demandoit que
la vénalité des gouvernemens , des emplois
militaires , des charges considérables de la
cour, fut abolie avec ks survivances qui
les rendoient héréditaires ,* que le nombre
excessif des collèges fut retranché , et qu'à
leur place, des écoles militaires fussent éta-
blies dans les villes métropolitaines, pour
Téducation des pauvres gentilshommes de-
puis douze ans jusqu'à dix-sept ( on bor-
noit à deux mille écus de rente l'entretien
214 Louis XIII.
de chacune de ces écoles ) ; qu'il plût au roi
d'instituer un ordre de chevalerie sous le
titre de S. Louis , auquel seroient attachées
des commanderies, la moindre de cinq cents
livres de rente, et la plus forte de six mille,
à prendre sur les bénéfices vacans , avec le
consentement du pape. La noblesse deman-
doit encore que le tiers des bénéfices fût
affecté aux seuls gentilshommes , ainsi que
les emplois militaires et les principales char-
ges de ia maison du roi. L'intérêt de corps
avoit dicté cette requête : or^ oublioit que
rémulation fait de grands hommes dans
tous les états ; mais on donnoit la première
idée d'une école militaire et de l'ordre de
S. Louis. C'étoit préparer de loin deux
établissemens très-avantageux au royaume.
Code xMa- Michel de Marillac , garde des "sceaux,
té par leavoit çompose un code qu on appelle vul-
^^^^^'"^"^" gairement le code Michau. Le roi tint en
1619 un lit de justice pour le faire enre-
gistrer en forme d'édit. Marillac y prononça
un long discours sur l'autorité royale. Nous
sommes tous d'accord ^ dit-il, çue le roi
ne doit rien faire que justement : il le sait
et le croit lui-même ; et quoiqu'il soit au-
dessus de la loi , il veut bien néanmoins
être au-dessous de la raison. Mais le
point de la question est ^ qui sera juge
des actions du roi pour dire qu elles sont
justes ou non ?. ^, Si les princes abusçni^
Louis Xlll, ii5
de leur pouvoir , s^ils suivent t injustice ,
Dieu qui est leur juge ne manquera pas
d y pourvoir par les moyens qu'il sait
pratiquer en tel cas. On demanda du
temps pour examiner ce code ; le roi voulut
qu'on obéît sur le champ. On enregistra
donc ; mais les chambres assemblées le len-
demain se plaignirent d'un enregistrement
si précipité , et le déclarèrent nul jusqu'à
ce qu'on eut examiné les lois contenues dans
r^dit , et que le roi eût écouté les remon-
trances du parlement sur les changemens
qu'on jugeroit nécessaires. Le parlement tint
ferme contre les ordres de la cour ; d'autres
affaires survinrent qui firent tomber le code;.
les avocats même n'osèrent pas le citer,
Etoit-ce une bonne politique de fermer la
bouche aux magistrats sur des objets si es-
sentiels à la société et de leur faire enregis-
trer sans examen , sans délibération , des lois
nouvelles dont il importoit de peser les avan-
tages et les inconvéniens ? Consultons Tau-
tcar de TEsprit des lois.
« Le cardinal de Richelieu , dit-il, veut Réflexion»
» que l'on évite dans les monarchies les épi- b'.lïssance
^ nés des compagnies qui forment des dif ''''^ =^-^5i^*
» hcultes sur tout : quand cet homme n au-
» roit pas eu le despotisme dans le cœur,
» il Fauroit eu dans la tête. Les corps qui
» ont le dépôt des lois n'obéissent jamais
» mieux que quand ils vont à pas tardifs ^
2i6 Louis XIII.
» et qu'ils apportent dans les affaires du
» prince cette réflexion qu'on ne peut guères
» attendre du défaut de lumières de la
» cour sur ks lois de l'état , ni de la pré-
» cipitation de ses conseils. Que seroit de^
» venue la plus belle monarchie du monde ,
» si les magistrats , par leurs lenteurs , par
» leurs plaintes , par leurs prières , n'a-
» voient arrêté le cours des vertus même
» de ses rois , lorsque ces monarques , ne
» consultant que leur grande âme , au-
» roient voulu récompenser sans mesure
» des services rendus avec un courage et
» une fidélité aussi sans mesure » } ( Esprit
des Lois , Liv, V, 1 1 . )
Loi contre On remarque dans le code Marillac Tar-
hasard. ticle 1 87 contre les jeux de hasard , con-
forme aux lois romaines. « Celui qui aura
» gagné aux jeux de hasard , dit Julien ,
» n'aura point d'action pour se faire payer ;
. » et celui qui aura perdu, pourra répéter
» ce qu'il aura perdu volontairement ; cette
» action sera perpétuelle , imprescriptible ,
» et passera de lui à ses héritiers et con-
» tre \ts héritiers de celui qui aura gagné ,
» etc. » ( V. Hénault, ) L'étrange fu-
reur du jeu a rendu comme sacrées dts
dettes illégitimes , au mépris souvent des
Affaires de obligations les plus inviolables,
et deY^Jé- ^^"s ^^ barrière que les magistrats op-
suites. posoient aux opinions ultramontaines , tou-
Louis XIII. 217
jours enracinées dans le royaume, la cour de
Rome y auroit peut-être conservé long- temps
son ancien empire. Santarelli, jésuite Italien ,
ai'^rt imprimécomme d'autres théologiens de
sa compagnie , les maximes les plus outrées
sur la puissance des papes , et les plus sé-
ditieuses contre les droits des souverains.
La Sorbonne censura son livre , le parle-
ment le fit brûler; et Richelieu qui attri-
buoit aux jésuites une partie des libelles ,
qu'on ne cessoit de publier contre lui , les
alloit faire chasser par un arrêt en 1626,
s'ils n'eussent enfin souscrit à la censure
de l'ouvrage.
Mais le cardinal du Perron, et Riche- Affaire d«
..u lui-même, et des membres delà Sor-Richer.
bonne , poursuivirent le fameux docteur
Edmond Richer , à l'occasion du petit ou-
vrage de la puissance ecclésiastique , et
politique , où il soutenoit que le pape n'est
point un monarque dans l'église , qu'il est
soumis au concile général ; que les prmces
ont part au gouvernement ecclésiastique ,
en ce qut regarde les biens temporels et les pei-
nes corporelles , le mantien de la disci-
pline et des canons dans leur état. Selon
des auteurs dignes de foi , le P. Joseph ayant Commert
attiré chez lui le docteur, par ordre du de se^îél
ordinal, fit paroître des assassins, en di-^""^^'
3<iiu : il faut mourir ^ ou rétracter votre
livre y et le força à signer la rétractation ,
2i8 Louis XIII.
en présence d'un notaire apostolique venu
exprès de Rome. Richer persécuté , déposé
du syndicat, mis en prison, auroit été li-
vré au pape , si le parlement et le chan-
celier ne se fussent déclarés en sa faveur.
Il eut beau soumettre son livre au juge-
ment du saint siège , et offrit de l'expliquer
dans le sens le plus orthodoxe. Richelieu
sollicitoit alors pour son frère un chapeau
de cardinal ; le docteur fut sacrifié à la po-
litique ; il mourut en se reprochant une
rétractation forcée. On lui reproche , dit
l'abbé Ladvocat , des sentiraens trop répu-
blicains.
La concnr. L'ouvrage de la concorde du sacerdoce.
doc"^efd'e^^ ^^ /V/72/7/r€ étoit propre à éclairer tous les
l'cmpirc. esprits. Pierre de Marca, conseiller d'état ,
y avoit développé les meilleurs principes;
mais ces principes choquèrent la cour de
Rome. L'illustre auteur , trop flexible dans
ses sentimens au gré des conjonctures et de
la fortune , ayant été nommé à Tévêché de
Conserans , et ne pouvant obtenir ses bul-
les , donna à^s explications de son livre ,
aussi favorables qu'il étoit possible à la
doctrine ultramontaine. A ce prix , les bul-
les lui furent enfin accordées en i 64'^. Croi-
roit-on que pour être évéque en France ,
il fallût en quelque sorte désavouer les maxi-
mes françoises }
Tout gênoit encore l'amour de la vérité.
Louis Xllf. 219
On renouvela en 1626 la défense faite par Livr«$
enri 11 , d imprimer aucun livre sans nom défendus.
d'auteur ; comme si un livre anonyme ne
pouvoit pas être examiné et approuvé ;
comme si l'homme le plus sage et le plus
habile ne pouvoit pas avoir des raisons pour
se cacher au public , en l'instruisant même
sur des matières essentielles au bonheur ?
C'est un problème difficile à résoudre , si
la licence de la presse a fait plus de mal
en certains pays , que la contrainte exces-
sive de la presse n'a empêché de bien en
plusieurs autres.
Il y avoit d'autant plus d'absurdité à dé- Licence
fendre les livres anonymes , qu'on laissoit d^^p? Ga-
en proie à la satire les auteurs respectables '"^^-^'
qui avoient le courage d'éclairer leur siècle.
Quand le P. Garasse , jésuite François ,
vomissoit la bile et le fiel sur la mémoire
de Pasquier ; quand il l'appeloit sot par
nature , sot par b^qiiarre , sot par bémol ,
sot à double semelle , sot en cramoisi ,
sot en toute sorte de sottises , etc. etc. ;
on pouvoit regarder ces injures comme
celles des harengères , dont personne ne
daigne s'offenser. Mais quand il l'accusoit
d'être un chrétien sans religion , et qu'il
prodiguoit les noms d'impie et d'athée aux
. crivains du premier mérite , n'étoit-ce pas
jouer le rôle d'Aristophane sous le masque
de la religion ?
1
120 Louis XIIT.
Etat des Cependant 1 esprit humain commençoit
lettres et r j j \. j- • i 7 x
des scien-a user cle ses droits, pour dissiper les tenc-
^^^' bres de la barbarie et de Terreur. Malher-
be et Corneilie créèrent en quelque sorte
notre poésie. Descartes foudroya les ab-
surdités de l'école , et ouvrit par un doute
sage le chemin de la vérité. Grotius en
Hollande jeta les premiers principes des droits
précieux de Thumanité. Le chancelier Bacon
en Angleterre cultiva le germe d'une in-
finité de connoissances utiles. Galilée en
Italie démontra le mouvement de la terre
autour du soleil. Mais ks préiugés aveu-
Tyrannie , . • , . . ,^ j\P . . .
x\es prtju-gloient toujours la multitude. L inquisition
^^^' emprisonna Galilée, comme un impie , parce
-cju'il avoit connu le ciel ; Descartes fut
accusé d'athéisme , parce qu'il avoit de plus
grandes idées de Dieu et de la nature que
ses imbécilles accusateurs,* et Grotius auroit
péri en Hollande même , avec Barneveldt ,
sous prétexte d'hérésie, s'il n'avoit été tiré
de prison par sa généreu-se épouse. A peine
peut-on croire maintenant que le parlement
de Paris défendit sous peine de mort d'en-
seigner un doctrine contraire à celle d'A-
Urbaîn ristote. Le procès d'Urbain Grandier , curé
lau ler, ^^ Loudun , condamné au feu en 16S4
pour avoir , disoit-on , ensorcelé tout un cou-
vent de religieuses , est encore un monu-
ment célèbre de l'ignorance de nos ancê-
tres ,
Louis XIII. 121
Itres , quoique la haine de Richelieu eût di'-
rjgé la procédure.
Cette ignorance dictoit des lois injustes ^ Salutaires
faisoit périr dans Tbs supplices des malheu- science? ^
reux, qu'elle supposoit faussement coupa-
bles (i). Pour sentir la nécessité et les avan-
tages de la science , il ne faut que voir les
abus et les malheurs dont elle a délivré le
genre humain. Si le fanatisme ne se baigne
plus dans le sang ; si la superstition n'éteint
plus les lumières naturelles; si la religion pré"
chée avec douceur, et pratiquée avec sagesse,
ne sert qu'au bonheur des citoyens ; s'ils
jouissent en paix d'une société douce et
polie, rendons en grâce à cette raison su-
périeure-qui ébaucha sous le règne de Louis
Xlil le grand ouvrage qu'elle a perfec^
tienne depuis.
L'académie Françoise , établie en 1636 Etablisse,
par les soins du cardinal de Richelieu , a i'académie
contribué, plus qu'il ne semble d'abord Z'^"'-'^"''-
à une révoluticm si nécessaire. Les talens
excités se développèrent en peu de temps ;
l'exemple et les secours mutuels rendirent leurs
progrès plus rapides ; des gens de lettres ,
libres et sans pédantisme, réunis en société
( I ) Le parlement de Dole condamna au feu en
1 574 un homme qui, ayant renoncé à Dieu , et jV-
tant obligé par serment de ne plus servir que le diable,
avait i'té changé en loup-garou. ( V. Mém. de l'Acad,
des Inscr. r. 1 6. )
Tome i//. K
222 Louis XIII.
sous la protection du prince , dévoient épurer
le goût; Tart d'écrire dévoit conduire à
l'art de penser ; et de ces deux arts dévoient
naître les plaisirs de l'esprit , la délicatesse
du sentiment , l'amour du beau , du vrai ,
de l'utile. Par un article des statuts pré-
sentés à Richelieu, c^^ci/;z des académie
ciens promettoit de révérer la vertu et la
mémoire de monseigneur leur protecteur.
Il fit effacer cette flatterie qu'on peut à peine
pardonner au premier enthousiasme d'une
Le parle- compagnie naissante. L'idée d'académie in-
tnents'y quiéta le parlement , toujours en garde
contre la nouveauté. Craignant que ce ne
Kii quelque tribunal , auquel le ministre at-
tribueroit le jugement de ce qui concer-
noit les livres et les études , il refusoit
d'enregistrer les lettres-patentes. Richelieu
en écrivit au premier président ; le roi en-
voya des lettres de cachet; les instances
et les ordres furent inutiles jusqu'en 1 687 ,
qu'on enregistra enfin avec cette clause ;
à la charge que les académiciens ne con-
noitront que de l'ornement ^ embellisse-
ment et augmentation de la langue Fran-
çoise , et des livres qui seront par eux
faits , et par autres personnes qui le
désireront et voudront. Si l'académie Fran-
çoise inspiroit de la défiance au parlement ,
quels obstacles ne devoit pas trouver encore
Louis XIII. 22J
la vérité dans Tesprit de parti , dans les
intércts et les préjugés de corps l
LOUIS XIV.
JLjoUIS XIV, né en i638, commença » ^ -i
dans la foiblesse et dans les troubles d'une '643.
. , \ ■ j -^ ^ Minorité
mmorite orageuse un règne qui devoit porter orageuse.
au plus haut degré la gloire de la nation et la
puissance royale. Sa mère, Anne d'Au-
triche , eut par arrêt du parlement la ré-
gence absolue ; le conseil de régence, éta-
bli par Louis XIII pour la limiter , tomba
dans Toubli. Ce n'est pas la première fois
que ks volontés des souverains avoient
été annulée après leur mort : l'autorité
actuelle l'emporte aisément sur un pouvoir
qui n'existe plus. La reine changea le con-
seil comme elle jugea à propos , et nom-
ma premier ministre le cardinal Jules Maza- Mazarin
rin , devenu dès-lors , quoiqu'étranger , mai- fjj'fjjj'j^^ç^
tre du gouvernement de l'état. Richelieu
l'avoit connu en Italie pendant la guerre
de 1 63o. Témoin de son habileté dans les
négociations, il l'avoit ensuite fixé en France,
comme un homme capable de seconder sqs
vues et de manier habilement les affaires. '
Le prudent Italien justifia son choix, mais
il éprouva combien il étoit dangereux de lui
succéder.
1^4 Louis XIV.
Bataille de La guerre entreprise contre la puissance
gasïée par Autrichienne , uniquement pour l'afFciblir,
Jl£^"g^jjçjj faisoit depuis long-temps murmurer la na-
tion 5 qui en portoit les charges et n'en
sentoit point la nécessité. On ne laissa
pas de suivre le plan du dernier règne. Des
victoires éclatantes rendirent le nom François
respectable. Les Espagnols étoient sur les
frontières de Champagne. Louis duc d'En-
guien, fils du prince de Condé, héros de vingt-
un ans , leur livra bataille devant Rocroi ,
malgré les ordres de la cour , et détruisit
ces vieilles bandes estimées la meilleure in-
fanterie de l'Europe. A leur tête mourut
Je comte de Fuentes leur général , et le
prince dit qiCil voudroit être mort conh-
me lai ^ s'il riavoit pas vaincu,
... Il défit, Tannée suivante , les impériaux
1 644. à Fribourg. Quelques historiens assurent que ,
^ûhQuït^?^^^ animer les troupes, il jeta son bâton
de commandement dans les retranchemens
des ennemis , et qu'il courut le reprendre
répée à la main. Le pommeau de sa selle
fut emporté d'un coup de canon , le four-
reau de son épée brisé d'un coup de mous-
quet. L'impétuosité de son courage éga-
loit cette vivacité de génie , qui le rendoit
déjà supérieur aux plus grands hommes de
guerre. Thionville , Philisbourg et Mayen-
ce furent les fruits de ces deux victoires.
Le duc d'Orléans prit Graveiines dans
Louis XIV. 21b
les Pavs4)as, après qu?rante-huit jours de Querelle
, / ' 5 11 des geiié-
tranchee; mais peu s en tallut que cette con- raux à^
quête ne devînt funeste par une jalousie de ^"^^^*'^^"
rang. Les maréchaux de la Meilleraie et
de Gassion se disputèrent à qui prendroit
possession de la place. Ils alloient se bat-
tre ; leurs régimens étoient sur le point de
charger. Le marquis de Lambert , maréchal
de camp , se jette entre deux avec une
noble hardiesse , et adressant la parole
aux rJyiimens : « Messieurs , dit-il , vous
n êtes les troupes du roi ; il ne faut pas
r> que la mésintelligence de deux géné-
» taux vous fasse couper la gorge. Je
» vous commande de la part du roi de ne
» plus obéir ni à M. de la Meilleraie, ni
» à M. de Gassion ; et je vais donner avis
» de ce qui se pasf^e à M. le duc d'Or-
» léans , afin qu'il ordonne ce qu'il lui
» plaira ». Ces paroles imprimèrent le
respect ; on s'arrêta , et le prince termina
le différent. Il est beau de voir un infé-
rieur l'emporter par le seul ascendant du
devoir sur la fougue de ses supérieurs.
Le maréchal de Turenne , dont la ré- ■ -nw %
putation n'étoit pas encore aussi brillante 164c.
que celle du duc d'Enguien beaucoup plus NoldUi^w
jeune que lui , s'étant laissé surprendre par
le général Merci à Mariendîil ^ le vainqueur
de Rocroi marche à son secours, et ga-
gne la bataille de Nordlingue , où Merci
K3
126 Louis XIV.
est tué. Il s'empare de Dunkerque ( ï 646 ) ^
cette place si importante au royaume. On
l'envoya ensuite en Catalogne faire le siège
de Lérida, que ks Espagnols avoient re-
prise. Il n'y réussit point , faute de secours.
Ses services excitoient déjà plus de Jalou-
sie que de reconnoissance , et les ennemis
de sa gloire désiroient qu'il échouât.
.^ Sur ces entrefaites , la Hollande , mal-
1647. ?>^^ ^^^ promesses authentiques de ne point
L'Kspasne tj-^if^i- 53^5 \^^ Ftançois , fit la paix avec
lait la paix , . . ^ ,
avec la le îci d'Espaçne Philippe IV* qui aban- ^
donna toute espèce de droits sur les Pro-
vinces-unies , et reconnut leur souveraineté,
Cétoit le fruit d'une guerre de quatre-vingts
ans 5 soutenue par Théroïsme républicain
contre toute la puissance Espagnole. Déjà
la Hollande s'enrichissoit dans les Indes ,
avec autant de succès qu'elle se soutenoit
en Europe, Un traité si avantageux cou-
ronnoir sa politique ; et la politique en
pareil cas oublie aisément l'intérêt d'un allié.
m. I ■ On négoeioit depuis long-temps pour la
1648. paix générale , mais en continuant la guerre
^«tis*. ^avec chaleur. Le prince de Condé ( ce
sera désormais le nom du duc d'Enguien ,
dont le père ne vivoit plus ) fut choisi
pour combattre en Flandre les ennemis ,
qui commençoient à se faire craindre. Il
gagna la fameuse bataille de Lens sur l'ar-
çhiduc Léopold, Amis^ seçria^t-il aYanfi
Louis XIV. 227
faction , souvenei-vous de Rocroi , de
Fnbourg et de Nordlingue^ Ces paroles ,
et encore plus son exemple , rendoient Tar-
mée invincible. Turenne, son rival de gloire ,
contribua beaucoup au succès. L'âme d'un
grand homme ne connoit point cette basse
jalousie , qui trahit la cause commune par
intérêt personnel.
La France avoit une foule de grands On s*op-
capitaines , Rantzau , Harcourt , Gassion , loge d'ua'
Schomberg , Choiseuil-Praslin , etc. qu'il estf^""f Su
impossible de faire connoître dans cet ou- viaiste.
vrage par le récit de leurs exploits. Les ra-
conter seroit trop long ; les désigner seule-
ment seroit inutile et fatiojant. Comme
la connoissance des moeurs nous intéresse
davantage , je ne dois pas omettre ce fait
singulier. Le maréchal de Gassion , qui n'a-
voit pas voulu se marier, parce qu'il fai-
soit , disoit-il , trop peu de cas de k vie
pour la communiquer à personne, mourut'
calviniste en 1647. Un professeur de rhé-
torique de Paris avoit composé son éloge ;
il devoit le prononcer le jour marqué par
des affiches; l'université s'y opposa, regar-
dant comme honteux qu'un héros protestant
fik loué par un de ses professeurs. Celui-
ci s'adressa au chancelier , qui appuya la
décision de l'université. En ce temps là un
maréchal de Saxe auroit pu sauver la France ^
K4
228 Louis XIV.
sans paroître digne d'un hommage pure-
^ . , , ment littéraire.
Traite de ^ ,.,,..
vveiti>hdiie JLnhn , après tant d expéditions meur-
trières , dont le détail reriipliroit plusieurs
volumes ; après de longues négociations où
se déploya toute Thabileté des politiques,
Je traité de "Westphalie rétablit le calme dans
une partie de l'Europe. Il mit des bornes
étroites au pouvoir de Tempereur , établit
ou cimenta le droit des diètes de l'empire ,
fixa les droits des difFérens princes d'Al-
lemagne , assura aux protestans de ce pays
la possession des biens ecclésiastiques dont
ils s'étoient emparés. Le roi ds France se
fit céder la souveraineté de Metz , Toul
et Verdun , qu'il possédoit déjà , et celle
d'Alsace qui augmenta sa puissance. Les
.^^^^"^?s^' Suédois obtinrent des avantages plus con-
duis, sidérables , Bremen , Verden , Stettin , Wls-
mar, la Poméranie citérieure, etc. outre
cinq millions d'écus. La valeur et la disci-
pline merveilleuse de leurs troupes avoient
décidé en grande partie du succès de la
guerre. Cette armée de héros ne coûta
qu'environ un million de livres par an à
la France, et ruina le despotisme de la mai-
son d'Autriche. Les catholiques signèrent
à Munster le traité de 'Westphalie , et ks
protestans à Osnabruk. L'Espagne refusa
d'y accéder. L^ guerre civile prête à s'aU
Louis XIV. 219
lumer dans le royaume , lui offroit une belle
occasion de vengeance.
Quoique Mazarin eût affecté dans les com- Soulevé.
mencemens autant de modestie et de dou- [î|' Mazal
ceur que Richelieu avoit eu de hauteur et"^*"*
de dureté , il était l'objet du mépris et de
la haine publique. On ne pardonnoit point
à un étranger cette fortune immense qui le
rendoit maître de l'état ; on jetoit du ridi-
cule sur sa personne , sur ses manières , sur
sa mauvaise prononciation, et le ridicule
en France peut devenir très-sérieux par sqs
effets. Un arrêt d'union entre le parlement, Arrêt
la chambre des comptes , la cour des aides ^'"'•'^*^
et le grand conseil , inspirant de l'inquié-
tude au ministre , il mande les députés du
parlement, pour leur dire que la reine ne
veut point de pareils arrêts. Les magistrats
répondent qu'il n'y a rien de . contraire aii
service du roi. « Si le roi , réplique Maza-
>♦ rin , ne vouloit pas qu'on portât des
» glands à son collet , il n'en faudroit point >-
» porter , parce que ce n'est pas tant la
» chose défendue que la défense qui fait
» le crime ». La comparaison fournit ma-
tière à dts vaudevilles ; et l'arrêt (Toignom
(car c'est ainsi qu'il prononçoit umon )
fut célébré de toute part à ses dépens.
Un Italien fort inférieur au cardinal , MagiistrataK
soit par la naissance, soit par le mente,
était surintendant des finances. Etneri( c'est
KS
itSo Louis XIV.
son nom ) ne pensoit qu'à satisfaire sa pro-
pre avidité, et à multiplier ces dangereuses
ressources que les financiers de son pays
avoient tant de fols imaginées. Quelques
édits bursaux envoyés au parlement exci-
tèrent un cri général. Le président de Blanc-
ménll et le conseiller Broussel , ayant opi-
né avec plus de force que les autres contre
les intentions de la cour , dont ils étoient
mécontens en particulier , furent arrêtés avec
un éclat propre à soulever le peuple. Cet
événement mit bientôt la capitale en com-
te €oad- bustion. Un prélat aussi factieux que liber-
iJarricades tin , le coadjuteur de Paris, depuis cardi-
nal de Retz , attisa le feu de la révolte»
En moins de deux heures , il y eut dans
la ville plus de douze cents barricades , der-
rière lesquelles hs bourgeois en sûreté ti-
roient sur les troupes. 11 fallut rendre les
deux magistrats. Les Frondeurs (on nom-
ma ainsi les séditieux ) n'en devinrent que
plus hardis. Ils avoient à leur tête le duc
de Beaufort (Vendôme), le coadjuteur,
le prince de Conti , le duc de Bouillon ,.
k maréchal de Turenne son frère , etc. Mais
Condé étoit pour la cojur. Une étincelle al-
luma la guerre civile. Jamais il n'y en eut
de plus bizarre dans ses principes ni dans
ses événemens..
On vit le parlement , entraîné par la vio-
lence des. factions 3^ rendre des arrêts pour
Louis XIV. ijr
favoriser la guerre ; et un évequé , em- ' ■ ^*
ployer tout son génie à fomenter la dis- i^49'
corde • sans aucun prétexte de religion, de cette
Louis XIV , qui venoit de donner desX^ "^
lois à l'Europe par le traité de Westpltalie ^,
fîit contraint de sortir de sa capitale. Condé
l'assiégea , et le parlement Içva des troupes
pour la défendre. Ce qui caractérise sin-
gulièrement cette révolte , c est le ridicule
dont elle fut accompagnée. On plaisantoit
les armes à la main. Le duc de Beaufort ,
petit-fîls de Henri IV , fut appelé U roi
des Halles^ parce que ses manières po-
pulaires enchantoient le peuple. Le régi-
ment du coadjuteur ( nommé régiment
de Corinthe , parce que son chef portoit
le titre d'archevcque de Corinthe ) , ayant
été battu dans une sortie , sa déroute devint
un sujet de bons mots : c'étoit la première
aux Corinthiens. Vingt conseillers de nou-
velle création qui avoient fourni quinze
mille livres chacun au commencement de
la guerre, furent connus sous le nom de
Quinze-vingt. Tandis que l'état menaçoit
ruine , ce goût de raillerie devenoit plus
vif de jour en jour. Cependant les Espa-
gnols proijtoieiJt des conjonctures. La crainte
de ks voir bientôt en France produisit ua
accommodement , dont ni la cour ni ks
frondeurs ne furent satisfaits. Mazarin con-
serva sa place, et le parlement son autorité.
K6
23i Louis XIV.
■'■ ■ I Quelque temps après , le prince de Con»-
1650. dé, se croyant mal récompensé de ses ser*
«es°àrrétés vices , insulte le ministre , brave le gouver-
nement , s'unit avec le prince de Conti son
' frère et le duc de Longueville son beau-frère.
La reine fait arrêter ces trois princes , comme
si le gouvernement étoit assez ferme pour sou-
tenir une démarche si hasardeuse. Le peuple ,
également aveugle et volage , célèbre leur
détention par des feux de joie. Bientôt il se.
forme Ûqs partis pour les tirer de prison.
Le parlement lance des arrêts contre Maza-
fin 5 le bannit à perpétuité. Ce ministre vou-
"" '' lant se faire honneur de la délivrance des
Malariii princes , va lui-même les remettre en liberté ^
quitte la g^ ne reçoit de leur part que des mépris.
Cédant enfin à l'orage , il quitte le royau-
me 5 'Sans rien perdre de son crédit auprès
de la reine. On i'avoit forcée de donner une
déclaration qui interdisoit l'entrée du con-
seil aux étrangers , et même aux cardinaux
de la nation.
Révolte Toujours dirigée par les conseils de Ma-
de Coadé! zarin 3 etle feint de se réconcilier avec le
prince de Condé,mais en travaillant sous
mains à lui attirer la haine des frondeurs,
La vivacité emportoit ce héros. Trop fier
pour ménager aucun parti , il se défioit des
uns et des autres. La guerre civile lui pa-
rut préférable à cet état de perplexité , et
U devint rebelle par caprice et par impra-
Louis XIV. i3a
dence. Il avoit quitté brusquement la cour.
On lui dépêche un courrier chargé de pro-
positions qui dévoient l'engager à revenir.
Le courrier se trompe , confond Anger-
ville avec Augerville , et n'exécute point
à temps sa commission. A quoi tient sou-
vent le sort des peuples ! Le prince avoua
que s'il avoit reçu la lettre à Angerville ,
les offres de la cour Tauroient empêché
d'aller plus loin.
Au premier signal de fa guerre civile , h'm
Mazarin rentra en France à la tête de sept »6$2-
mille hommes. Sa tête n'en fut pas moins fjazariu»
mise à prix par un arrêt du parlement ,
obstiné à poursuivre le ministre , tandis qu'il
déclaroit criminel de lèse-majesté le prince
de Condé , l'ennemi du ministre. Condé Condé et
s'étoit malheureusement ligué avec les Espa- opposés
gnols , et Turenne les avoit abandonnés ^^g^^j.^^ ^^^
pour servir la cour. Ces deux grands hom-vilc*
mes mesurèrent leurs forces , d^ibord à Gien ,
où Turenne sauva le roi et la famille royale ;
ensuite sous les murs de Paris , au combat
de saint Antoine, célèbre par la valeur des 5 ^^^^'^j^^
combattans et par l'habileté des généraux.
Condé eut été vaincu , si Mademoiselle ,
fille du duc d'Orléans, neût pas fait tirer
le canon de la Bastille sur l'armée royale.
Ce canon-là vient de tuer son mari ,
dit Mazarin en parlant de cette princesse ,
qui désiroit un établissement digne de sa.
se retire
encore.
234 Louis XIV.
naissance , et qui dès-lors fut perdue dans
l'esprit du roi.
Nouveaux Quoique Louis XIV eût atteint Yage
"^Ma/^uiii^^e majorité , le parlement déclara lieutenant
général du royaume le foible Gaston , tou-
jours flottant par caractère, mais fixé alors
par la présence du prince de Condé. Pour
punir le parlement, on le transféra à Pon-
toise. Quelques-uns de ses mem.bres obéi-
rent ; le plus grand nombre se roidit con-
tre la cour. Le roi sacrifia de nouveau son
ministre au bien de la paix. Le départ de
Mazarin appaisa les troubles. Paris rentra
dans l'obéissance ; et Condé chercha un
asyle aux Pays-bas , où le roi d'Espagne le
fit généralissime de son armée.
CharV^s I « Charle I roi d'Angleterre , venoit de
en Angle-» perdre la tête sur un échafaud (en 1 649)
terre. ^^ pour avoir, dans le commencemient â^^s-
» troubles , abandonné le sang de Straf-
» ford son ami à son parlement. Louis
» XIV au contraire devint le maître pai-
» sible de son royaum.e en souffrant l'exil
» de Mazarin. Ainsi les mêmes foiblesses
» eurent des succès bien difFérens. Le roi
» d'Angleterre , en abandonnant son fa-
» vori, enhardit un peuple qui respiroit
» la guerre et qui haïssoit les rois : et Louis
» XIV , ou plutôt la reine mère , en ren-
» voyant le cardinal , ôta tout prétexte de
5> révolte à ua peuple las de la guerre et
Louis XIV. 235
» qui aimoit la royauté » ( Siècle de
Louis XIV ). Ce contraste peint le ca-
ractère des deux nations ; mais on doit ob-
server une différence plus essentielle dans
les deux guerres.
Un esprit de cabale , sans objet fixe , Principe*
sans vues profondes , plein de légèreté et afftéreiîs^*
de caprice , avoit asité la France comme «'» France
un orage passager tiouble la surfice de lagieterre.
mer : au lieu qu*ua fmatisme violent et
Terithousiasme de la liberté avoient armé
les Anglois contre le malheureux Charles.
Les Puritains et les Indépendans , plus fa-
natiques encore que les ligueurs sous Henri
III , se firent un devoir de religion d'abat-
tre le trône ; Thypocrite CromWel sut em-
ployer ces puissans ressorts qui transpor-
tent les hommes hors d'eux-mêmes. Après
avoir vaincu son maître et subjugué ses pro-
pres partisans, il dicta l'horrible sentence
par laquelle des sujets attentèrent juridi-
quement sur la vie d'un roi y digne de leur
vénération et de leur amour. On ne peut
dissimuler que le cardinal de Richelieu y.
mécontent de la cour d'Angleterre , avoit
fomenté les premiers mouvemens des Puri-
tains. Il ne prévoyoit pas sans doute la ca-
tastrophe ; mais pour faire connoître qu'on
ne devoit pas le mépriser Q ce sont ses
termes j, de voit-il rendre sa politique odieuse,
en favorisant les ennemis de la raison j^ de
i36 Louis XIV.
la religion , de la royauté ?
r- La fronde disparut dès que le roi fut
1653. rentré dans la capitale. Il relégua son on-
cUssipée!^^ ^^^ Gaston , qui alla finir ses jours à Blois,
n'ayant jamais mérité ni la gloire de bort
sujet, ni la réputation de chef de parti ;
toujours factieux sans courage et sans fer-
meté ; craignant tout pour sa personne ,
et rien pour ceux qui le servoient. Le coad-
Sortdu juteur parvenu au cardinalat par ses in-
tngues , plus audacieux que le duc a Or-
léans n'étoit timide, brava le danger en se
montrant à la cour. On Tenvoya en pri-
son. L'archevêque de Paris étant mort , il
prit possession de l'arche vêch^ par procu-
reur, et refusa long-temps de s'en démet-
tre. Ce fameux cardinal de Retz , après
avoir joué un si grand rôle , ne fut plus
rien dans l'état jusqu'en 1679 , qu'il mou-
rut dans la retraite oii il faisoit les délices
de SQS amis.
Mazariti Pour Mazarin , l'objet de tant de haines
triomphe. ^1 •• -, •^^n•
et de conspirations, il revint a raris com-
me en triomphe. Le peuple , le parlement
même le reçurent avec les plus grands hon-
neurs ; le prince de Conti épousa une de
ses nièces; enfin , à force de souplesse et
de patience , il devint aussi absolu que Ri-
chelieu. Qu'avoit donc produit la guerre
civile ? du ridicule , àQ% disgrâces pour les
frondeurs, et une augmentation d'autorité:
\
Louis XIV. 2^7
pour 'ic ministre qu'on vouloit abattre.
Les Espagnols, profitant de la folie des Succès der
François , avolent repris Barcelone , Casai , ^5'»'^"^^'»
Graveiines et Dunkerque. Turenne les ar-
rêta. Il fit lever le siège d'Arras au prince
de Condé , qui , avec le malheur de com-
battre contre sa patrie, essuyoit mille dé-
sagrémens au service de l'Espagne. Il se
montroit toujours grand général ; mais sa
destinée sembloit être de ne vaincre que
pour la France. Une guerre si opiniâtre
avoit épuisé les deux nations. On brigua
de part et d'autre l'alliance de Cromwel ,
dont l'attentat étoit généralement abhorré.
Cet homme singulier régnoit à Londres ' ' -i
sous le titre de protecteur, faisant fleurir ^^Sî-
I , * . ... . Traité
Je commerce , la marme et la justice en An- avec
gleterre, après avoir souillé le royaume clu ^^^''"^'®^*
sang de son roi. Les têtes couronnées s'd-
forçoient de l'attirer dans leur parti ; tant
la politique l'emporte quelquefois sur ks
bienséances. Mazarin , à force de souples-
ses , le décida contre les Espagnols. La
condition du traité fut que l'on abandon*
neroit Charles II. Il fallut sacrifier la cause
des rois à l'usurpateur. La reine d'Angle-
terre , Henriette fille de Henri IV , vécut
en France dans la pauvreté. Ses deux fils
se retirèrent en Espagne. Les Espagnols rem-
plirent l'Europe d'invectives contre le mi-
nistre Frp^rois , comme si on avoit pu igao--
238 LotJis XIV,
rer les offres qu'ils avoient faites eux-mêmes
au protecteur.
Expédi- Dans les expéditions de Flandre, Condé
Flandre. ^^ Turenne augmentèrent leur réputati"on
en combattant l'un contre Tautre. Le pre-
mier eut la gloire de sauver Cambrai , où
il se jeta avant qu'on eût achevé de l'inves-
tir; mais il perdit la bataille des Dunes ,
suivie de la prise de Dunkerque. Cette
Dunkercïue place fut livrée aux Anelois. On l'avoit pro-
livree aux f^.,^ , .& ^ . a ^ y
Aiigiois. mise a Cromwel , qui mourut bientôt après
' dans les inquiétudes inséparables de la ty-
rannie.
■ Enfin la France et l'Espagne finirent une
Traités des g^^ï'^^ également funeste aux deux nations ;
Pyrèuées. mais dont l'Espagne se trouvoit surtout ac-
cablée , parce qu'elle venoit d'essuyer les
plus grands revers. Les conférences pour
la paix se tinrent dans l'île des Faisans ^
5ur les confins des deux royaumes. Mazarin
et don Louis de Haro y négocièrent plu-
sieurs mois. Celui-ci reprochoit , dit-on ,
à l'autre de vouloir toujours tromper ; et la
finesse de l'Italien trouvoit de grands obs-
tacles dans la défiance de l'Espagnol. Ce-
pendant le traité fut conclu d'une manière
avantageuse. On garda le Roussillon et une
L'infar.te partie de l'Artois ; le roi d'Espa2:ne Phi-
au rou lippe iV renonça a ses prétentions sur i Al-
sace , l'infante Marie-Thèrese fut accordée
à Louis XIV. Ce mariage étoit depuis
Louis XIV. 289
long-temps le principal objet de la politi-
que de Maz-irin , qui prévoyoit rinutilité
des renonciations qu'on exigeroit de l'in-
fante , en cas qu'il n'y eut point d'héritier.
mâle de la monarchie Espagnole. Marie-
Thèrese renonça en effet à la succession ;
mais ses droits n'ont pas laissé de revivre ,
et sa postérité jouit maintenant de la cou-
ronne de ses pères.
Le rétablissement du prince de Condé fut Rétablis-
une des conditions de la paix. Mazarin n'y au- condé'. ^^
roit point consenti , si les Espagnols n'avoient
paru disposés à donner au prince des pla-
ces fortes dans les Pays-bas. Ne devoit-il pas
plutôt s'empresser à faciliter le retour de ce «
grand homme , né pour la défense et pour la
gloire de sa patrie? Un roi détrôné et fu- Charles II,
gitif , parent des rois de France et d'Espagne ,
l'infortuné Charles II, ne put obtenir qu'on
fît mention de lui dans le traité. Les deux
ministres , de peur d'offenser les Anglois ,
refusèrent même de le voir. Il fut cepen-
dant rétabli quelques mois après , par une
de ces révolutions soudaines dont l'Angle-
.rre fournit seule tant d'exemples. Un au- Le duc de
:.e prince, que sa légèreté, son imprudence, ^°"^*"^
sa mauvaise foi , avoient toujours rendu mal-
heureux, Charles IV, duc de Lorraine, obtint
la restitution de ses états ; mais à conditioa
qu'il n'auroit plus de troupes , et que les for-
240 Loui^ XIV.
tifications de Nanci seroient démolies.
Cette paix Ainsi U traité des Pyrénées consomma
glorieuse à , , i i • . . i
Mazarin. ie grand ouvrage de la paix , que celui de
"V^estphalie avoit déjà fort avancé. L'un
et l'autre fait la gloire de Mazarin; gloire
préférable en un sens à celle de Richelieu y
dont la politique embrasa l'Europe pour
laisser à son successeur le soin d'éteindre
Tincendie.
'■ Louis XIV alla recevoir son épouse sur
1660. 1^3 frontières d'Espaene. Avant les néeo-
Managedu . . -i ' • 1 i-
roh Sou ciations , il etoit devenu amoureux d une
une'^lan!des nièces du cardinal. Ce ministre, dit-
*""• on, se flatta d'abord qud l'épouseroit , et
en parla un jour à la reine mère pour la
pressentir , feignant de craindre ce que l'am-
bition lui faiSo;t apparemment désirer. Si
le roi étoit capable de cette indignité^
lui dit Anne d'Autriche , je me mettrois
avec mon second fils à la tête de la na-
tion contre le roi et contre vous.
Quoi qu'il en soit de cette anecdote ,
Mort du ^3zarin , épuisé par le travail , mourut
cardinal comme Richelieu avant l'âee de soixante
ans. Autant l'un étoit naturellement fier ,
sublime et hardi y autant l'autre étoit sou^
pie 5 rusé, et circonspect. Il avoit procuré les
plus grands établissemens à ses sept nièces ,
et le duché de Nevers à son neveu Man-
cici, dont la postérité et un àts ornemens.
Louis XIV. 241
du royaume. ( i ) Ses richesses , qu'on fait
monter à près de deux cents millions de
notre monnoie actuelle, sont une preuve
de l'avarice dont il étoit accusé. Il faut
quitter tout cela , disoit-il en soupirant
quand le médecin lui eut annoncé la mort.
Les besoins de l'état rendoient cette opu-
lence du ministre trop odieuse , pour n'être
pas flétrie par le jugement du publicf. Du
reste , les riches abbayes accumulées sur
sa tcte, outre Tévêché de Metz, étoient
la principale source de cette opulence. Agité
de remords à la fin de sa carrière , il fit au
roi une donation de tous ses biens. Le roi
la lui remit , comme il favoit sans doute
prévu , et parut le regretter sincèrement ,
quoiqu'impatient d*exercer lui-même son
autorité.
En i655, après sa première campagne, Leroij'a-
il avoit montré par une action d'éclat com- i-aluorîté.
bien il en seroit jaloux. Le parlement s'étant
assemblé au sujet de quelques édits , il entra
dans la salle en habit de chasse, en bottes,
le fouet à la main ; et d'un ton de maître
irrité et absolu , il ordonna de rompre Tas-
Ci) En saisissant cette occasion de rendre pu-
blique ma reconnaissance , pour les bontés dont
m'honore M. le duc de Nivérnois, je ne crains
pas qu'on me soupçonne de donner ici la moindre
atteinte à la vérité historique.
^41 Louis XIV.
semblée , et défendit d'en faire de nou-
velles. Ses ordres furent dans la suite ac*
compagnes de toute la dignité -royale , et
n'en furent que plus respectés.
Ilgouver- Le temps étoit venu où la France devoit
même! ^"^' changer de face. Deux ministres tout-puis-
sans l'avoient gouvernée avec empire sans
faire son bonheur. Partagés entre leurs inté-
rêts particuliers et ceux de la nation , en lui
procurant de la gloire ils l'avoient laissée plus
pauvre , moins iiorissante , qu'elle ne l'étoit
sous Henri IV. Mais on vit bientôt ce que
peut un roi , qui joint à la noblesse des
sentimens la pénétration de l'esprit et l'ap-
plication aux affaires. Dès que Louis XIV
voulut régner, il devint l'idole des François,
et excita Tadmiration de l'Europe. Pres-
qu'aucun souverain ne se distinguoit alors
rSne'd'"^ par un mérite personnel. La fille de Gustave
Suéde, Adolphe , Christine reine de Suède , avoit
abdiqué sa couronne en 1664, pour aller
cultiver dans Rome la philosophie et Its
beaux-arts ; exemple singulier , qui lui at-
tira de la part des gens de lettres plus d e-
loges que n'en méritoient sa conduite et
son caractère; car la véritable gloire des
rois consiste à faire le bien des peuples. On
ne s'attendoit point qu'un monarque de
vingt-deux ans , aimant les plaisirs , ayant
à peine une teinture de politique , si long-
temps soumis aux volontés de Mazarin,
Louis XIV. 248
voulût se charger des rênes de Tétat , et
fût capable de les soutenir. Sa résolution
etoit prise : il Texécuta sur le champ.
Au premier conseil qui se tint après lap^^^f^j*
mort du ministre , il déclara qu'il vouloit maîttc.
touf voir par lui-même , et défendit de rien
faire sans ses ordres. La face du théâtre
change , ajouta-t-il ; j'aurai d'autres prin-
cipes dans le gouvernement de mon état ,
dans la régie de mes finances , et dans
les négociations au-dehors , que n'avoit
feu M, le cardinal. Vous save^ mes vo- .
lontés ; cest à vous maintenant , mes-
sieurs , de les exécuter, Des ce moment ,
le conseil prit une forme respectable. Ma- Le coiueil
„ r , •!• 1 dev:ent
zarm 1 avoit en quelque sorte avili , en le respecta-
tenant dans sa chambre , pendant qu'on le ^'
rasoit, qu'on Thabilloit, ou qu'il badinoit
avec un oiseau ou une guenon. Le roi ai-
moit l'ordre et la décence dans les choses
les plus communes.
Une des plus dangereuses plaies du ro- Disgrîice
yaume étoit l'épuisement des finances, éga-^'^^^"^"'^^
lement funeste, et au prince dont il tra-
verse les desseins , et aux sujets sur lesquels
il attire des impôts. Louis sentoit le besoin
pressant d'y remédier. Les déprédations du
surintendant Fouquet , aussi prodigue que
Mazarin étoit avare aux dépens de l'état ,
l'avoient décidé à le perdre. Il le fit arrêter
après l'avoir comblé de caresses. La crainte
244 Louis XIV.
Colbert d'une révolte peu vraisemblable fut le mo
leur.gC-jie'- ^^^ <^^ Cette étrange dissimulation. Colbert,
^^^' Tun des auteurs de la ruine de Fouquet , lui
succéda sous le titre de contrôleur-général
des finances , et Ton abolit la charge de
surintendant. Beaucoup de zèle , d'applica-
tion , de sagacité , rendoit ce ministre digne
du choix de Louis XIV. Les impôts furent
d'abord considérablement diminués; et le
commerce devint en peu de temps une source
-de richesses. Après trois années de procé-
dures , on condamna le surintendant à un
bannissement , qui fut commué en prison
perpétuelle. L'académicien Pélisson eut le
courage de le défendre , tandis que la plu-
part de ses amis l'abandonnoient dans la dis-
grâce. Ce trait de générosité ornera toujours
les fastes de la littérature.
■ '" ' Les occasions développent le caractère
1662. Jes hommes. Le roi, naturellement fier,
Louis hu- . , 1 1 • 1 -i > •
imiie le roi passionne pour la gloire , dont il n avoit
£spagne.p25 des idées parfeitement justes , fit bien-
tôt connoître à quel point il vouloit être res-
pecté au-dehors. Son ambassadeur à Lon-
dres ayant été insulté par celui d'Espagne ,
qui lui disputoit le pas , il menaça Philippe
IV son beau- père de reprendre les armes
contre lui s'il ne réparoit cette insulte. De-
puis Philippe II , la monarchie Espagnole
languissoit, foible et pauvre avec tous les
trésors du nouveau monde. Le roi d'Es-
pagne
Louis XIV* 145
-f agne eut la sagesse de plier. Un ambassa-
deur extraordinaire qu'il envoya exprès à
Louis XIV , déclara publiquement que les
ministres Espagnols ne concourroient plus
avec ceux de France.
Un pape lui-même, Alexandre VU, Affaïred»
fut contraint de s'humilier devant le jeune °^"^*
monarque. Les laquais du duc de Créqui,
ambassadeur de France , avoient attaqué
quelques soldats de la garde Corse. Ces
sortes de violences n*ëtoient alors que trop
ordinaires aux François , dont la pétulance
et Taudace bravoient souvent toute disci-
pline. Les Corses furieux assiégèrent Thôtel
de Tambassadeur , et lui tuèrent quelques
domestiques. On tira même sur lui : on at-
taqua le carrosse de l'ambassadrice au mi-
lieu des rues. A cette nouvelle, le roi de-
manda satisfaction au pape. La cour de
Rome veut gagner du temps pour se tirer
d'embarras. Mais on se saisit d'Avignon ;
moyen facile de lui arracher ce qu'on dési-
roit. Alexandre envoya le cardinal Chigi . _,
son neveu demander pardon au roi ; il fal- 1654.
lut casser la earde Corse , et élever une pyra- ..^'^ P?pe
•1 ,^ . , ' , , •!< s humilie
mide en mémoire de cet événement. Tant devant le
de vigueur , dans les affaires médiocres , '°'*
annonçoit aux princes de l'Europe ce qu'ils
dévoient attendre d'un jeune roi , si déhcat
sur le point d'honneur.
Il acquit une gloire plus solide en secou-
Torne m. L
^4^ Ltoui^s X'IV.
^Acquisi-rant l'empetêur Gbntfe les Turcs, -et enofo-
Dunker- curant au royaume des avantages réels,
^"^* Charles II lui vendit Dunkerque cinq mil-
lions (à vingt-six livres dix sous le marc
d'argent ). Ce port, par les ôiivrciges im-
itierrses qu'on y fit, devint un objet cle ja-
lousie et de terreur pour TAngleterre , qui
ne pardonn-a jamais â Charles un marché
contraire au bien de la nation. Les linan-
ces que Colbert avoit rétablies , mettoient
Louis XIV en état de former les plus grands
desseins.
Savans ré- J)éià il fiiisoit renaître le siècle d*Au-
compeîKes ' , . ^ .
. gusfe par les bienfaits prodigues aux gens
de lettres, même dans les pays étrangers, (i )
Canal de [[ faisoit commencer ce merveilleux canal
Languedoc ..... ,
du Languedoc , qui joint les deux m€vs , mal-
gré les montagnes qui ks séparent; li ton-
doit la compagnie des Indes; ilétablissoit
des manufactures propres à enrichir le royau-
Marine me; il créoit une nouvelle nurine, d'au-
tant plus nécessaire que. la Hollande et l'An-
gleterre couvroient 1 Océan de vaisseaux ,
tandis que la France en avoit à peine quinze
ou seize. Sa politique veilloiteimieme temps
(i^Colbert'écrivit à Yossius ; (Quoique U roi
ne soit pas votre souverain., il veut néanmoins être
votre bienfaiteur ^ et m'a commandé de vous envoyer
la lettre de change adjointe , comme une marque ^e
son estime et un gage de sa protection.
.Louis XIV. 147
sur les affaires de l'Europe^ et n'attèndoit
que l'occasion de se signaler par des ea-
treprises éclatantes. Jl ambitionnoit .sur-
tout cette espèce de gloire qui < coûte trop
de larmes à rhumanité , ila gloire ÛQS con-
quérans ; l'occasion de lacquérirse présenta
bientôt.
Après la mort de 'Philippe fW, on pré-
tendit en France que la reine ^Marie-Thérèse ^^^•
d'Autriche, sa fille du premier lit, avoitcctre'^'*
des droits sur le .Brabant, à l'exclusion du^'^sp^e'^P»
nouveau roi dlEspagne , Charles II , enfant
du second lit. « Si les causes des rois, dit
» M, de Voltaire , pouvoient se :jus;er par
» les lois des nations à un tribunal jdésin-
>> téressé , Taffaire eût été un peu douteuse ».
Elle parut certaine h ceux que Louis char*
gea de l'examiner. On. n'eut point d'égard
aux renonciations faites par la reine ; on se
plaignoitde la cour de Madrid, qui-n'avoit
point payé sa dot. Les droits respectifs ^-
rent discutés dans divers ouvrages publiés
en France et en Espagne; mais les armes
dévoient décider le procès. Un monarque
absolu , riche et bien servi , étoit sûr de
vaincre l'Espagne, que gouvernoit le P.
Nitard, jésuite Allemand , confesseur de b
reine mère , maître de l'esprit de sa péni-
tente , maître de l'état.
Le marquis de Louvois, ministre de Ja 'fOi'vois,
guerre , admirable dans cette partie, ap-^eiaguer-
L 1
148 ' Louis XIV.
planit toutes les difficultés de la conquête*
Il établit des magasins pour la subsistance
des troupes ; méthode excellente , incon-
Conquête nue dans des siècles moins heureux. Le roi ,
Flandre, ayant sous lui le maréchal de Turenne avec
des troupes parfaitement disciplinées , se
rend maître en une seule campagne de pres-
■■ ■ ■ » que toute la Flandre. Lille , la plus forte
1668. place du pays, ne soutint que neuf jours de
d^îa FÏan! si^ge. A peine le vainqueur s'est-il délassé
che-Comté ^q 5^5 fatigues , qu'il va fondre sur la Fran-
che-Comté , au cœur de l'hiver. Condé le
suit dans cette expédition. La province est
conquise en trois semaines. Il s'y trouva
des traîtres que l'argent de France avoit
corrompus. Rien ne résista. Dole même, qui
s'étoit si bien défendue contre le père du
grand Condé , fut prise par Louis XIV le
quatrième jour du siège.
Triple al- Ces rapides conquêtes ne pouvoient man-
liaiice «on- çjygj. ^q [^i (^[^q ^qs ennemis. Elles an-
tre Louis. T . ...
nonçoient une ambition et une puissance
capables d'alarmer toute l'Europe. La Hol-
lande craignit le voisinage des François ,
dont le secours lui avoit été si avantageux
jusqu'alors. Elle se ligua tout-à-coup avec
l'Angleterre son ennemie , et avec la Suède
long-temps amie de la France, en faveur
de l'Espagne, contre qui elle avoit toujours
combattu. C'est ainsi que la politique rompt
tous les liens , et en forme de nouveau au gré
Louis XIV. 249
de rintérêt présent. Le roi prévint les tf-
kts de cette triple alliance, en offrant la
paix à TEspagne. Elle fut signée à Aix-la-
Chapelle. On rendit la Franche-Comté; mais ,,Jr«iîé
on garda toutes les conquêtes de rlandre ,GhapeUe.
Charleroi , Ath , Douai , Lille , Oudenarde,
Courtrai, Armentièrcs, etc.
Vauban avoit déjà fortifié quelques-unes Vauban..
de ces places selon sa nouvelle méthode.
Ce grand ingénieur , au lieu d'élever les
fortifications comme on faisoit autrefois,
les mettoit presque au niveau de la campa-
gne. Moins exposées au canon , elles ren-
doient les approches de Tennemi plus dif-
ficiles. L'art de la guerre se perfectionnoit
tous les jours ; mais les autres peuples pro-
fitèrent de l'exemple des François.
Si Louis inspiroit la terreur aux étrangers police dans
il travailloit sans relâche à rendre le royaume
plus florissant. Les beaux arts excités par
ses bienfaits , augmentèrent ks richesses et le
bonheur de la nation. Paris devint un sé-
jour délicieux et magnifique. Toutes ks rues
furent pavées , éclairées de lanternes pen-
dant la nuit. Une police exacte pourvut à
la sûreté des habitans. On avoit ordonné
sous Henri IV que les spectacles commen-
ceroient en hiver à deux heures après midi ;
tant les boues, l'obscurité et les voleurs
rendoient la ville impraticable sur la fin du
jour. Le bel ordre qu'on y voit régner ea
L3
:^^ LûviS' XÎV.
tout temps n'est pas le moindre ouvrage de
Louis XIV.. .
invilides. Itfondoit les Invalklesi : . il forcoîti la na-
etc. tare a Versailles avec trop de dtipensés ; il
relevoit la splendeur du trône par des fêtes
somptueuses ,- sans perdre de vue les affaires
Secours à de TEurope. Un secours de sept mille hom-
mes qu il envoya a Candie , retarda plus'
de trois mois la prise de cette importante
place, dont les Turcs faisoient le siège. Les
autres princes eurent à rougir d'un exemple
de générosité qu'aucun n'imita.
Lerotirrî- Excessivement jaloux de sa gloire, il ne
îtoîiundef P'^^<^^'^"^^^ P^s aux Hollaudois d'avoit osé
contrarier ses desseins. La fierté républicaine
de leur ambassadeur, Van-Beuning, ravoit
choqué dans le temps qu'on négocioit W
dernier traité avec l'Espagne. C'est lui qui ,
à cette question d'un ministre, ne vous
fie^'vous pas à la parole du roi ? répon*
dit librement \ j'ignore ce que veut le roi ^
je considère ce qu^il peut. L'insolence des
gazetiers de Hollande , et quelques médail-
les orgueilleuses frappées dans le pays , pa-^
rurent un attentat contre la personne de
Etat de Lo^is XIV. Cette république , si fbible
cette repu- ^ 1 ^ r ^ i
biique. par elle - mem.e et par la stérilité de ses
campagnes , étoit devenue , par l'industrie
et le commerce , assez puissante pour s'e-
norgueillir. Ses conquêtes , ses établisse-,
mens dans les Indeî^ orientales, une marine
Louis XîV. 251
prodigieuse, lui faisolent disputer aux An-
glois Tempire de TOcëan, etses flottes avoient
souvent combattu celles d'Angleterre pour
le vain honneur dU pavillon. Elle cessa de
ménager la France , l'Msqu'élle put S€ passer
tfe son appui , et qu'elle se crut intéressée
à se liguer contre son- pouvoir.
Loins se croyant offensé ne daigna point Lrguecotj.
-an-Ller srî<ivtacYi;>n auTi étftis, La mCKlé-^^^^^^Q^^^
iin eut H^ ri ré d^s éloges : il^ aima les il.
in,e;>é feipe éclater sa grandeur par une ven-
geance terrible. Résolu de subjuguer la Hol-
lande , il dé*achs d*abord de ses intérêts le
roi' d'Angleterre , Charles 11^ prince vo-
luptueux et prodigue , que Te besoin d'ar-
^«nt rendort- fort trait-able. La Suède gagnée
aussi renonce à la triple aliiance. Toutes
les mesures étant prises , avec autant de se-
cret que d'activité, on déctart? et Ton com-
mence la guerre.
Près de deux cents mille hommes étoient ■' '■ ^
destinés à conquérir un petit état , qui n*avoit 1 67 2.
qu'environ vingt-cinq mille soldats pour sa de la hSÎ!
défense. Le roi y entra , suivi de son frère,*^"^^
de Condé, de Turenne, de Luxembourg,,
de Vauban , de Louvois , etc. répandant
de loin la terreur et le désespoir. Le pas- Pawagedu
sage du Rhin , célébré peut-être avec trop ^"*^
d'empha':e , fut uiîe action moins périHeuse
que brillante. Les chaleurs avoiçnt rendu
guéaWe un bras de ce fleuve. La cavakrife
L4
25i Louis XIV.
ne trouva qu'un espace médiocre à nager ^
et dissipa sans peine quelques troupes qui
gardoient la rive. L'infanterie passa ensuite
sur un pont de bateaux. On perdit le jeune
duc de Longueville; mais il se fit tuer par sa
faute. Quoique les ennemis demandassent
quartier , il tira sur eux , en criant : point
de quartier pour cette canaille. Aussitôt
partit une décharge qui le coucha sur le
carreau.
Campngne La rapidité êiQS succès de cette campa-
gne tient du prodige. Irois provmces
( Utrecht , Overissel et Gueldres ) et plus
de quarante places fortifiées furent conqui-
ses en peu de mois. Amsterdam voyoit
presque les François à ses portes. Malgré
Je prince d'Orange , opposé au grand pen-
sionnaire Jean de WiX. , Its états implorè-
rent la clémence du vainqueur. Les con-
ditions de paix qu*il proposa parurent acca-
blantes à un peuple libre , dont le courage ,
comme il arrive ordinairement , fut rani-
mé par le désespoir. Exiger le rétablisse-
ment de la religion catholique , tout le pays
au-delà du Rhin , des places au centre même
de la république , c'étoit forcer les Hollan-
dois à vaincre ou à mourir.
Le prince Jean de ^yit, que ses longs services
stathoudfr dévoient faire respecter , devint odieux pour
avoir désiré la paix. L'injuste fureur de k
populace l'immola cruellement à la haine
Louis XIV. 158
du prince d'Orange , nommé stathouder ,
quoique le stathoudérat eût cté nouvelle-
ment aboli. On ne pensa plus qu'à sauver
la république , ou à s'ensevelir sous ses rui-
nes. On perça les digues de la mer ; on
s'exposa par cette inondation aux plus dures
incommodités; une pinte d'eau douce se
vendit jusqu'à six sous : mais l'amour de la li-
berté et de la patrie rend tout supportable.
Tandis que la Hollande étoit sous les eaux
ou entre les mains des François, les flottes
Hollandoises combattirent souvent celles de
France et d'Angleterre , et le fameux amiral
Ruyter soutint la gloire de sa nation. . .^
Cependant l'empereur Léopold, le roi 1673.
d'Espagne Charles II , la plupart des ^vacuarion
prmces de 1 empire , alarmes des con- lande.
quêtes de Louis XIV , s'unirent avec la
Hollande pour arrêter un torrent qui sem-
bloit menacer l'Europe entière. Le roi
d'Angleterre fut comme forcé par son par-
lement de faire la paix. On se repentit
alors de n'avoir pas , suivant le conseil
de Condé et de Turenne, démoli cette
multitude de places dont les garnisons dé-
voient trop affoiblir l'armée. Louis , après
le siège de Maestricht, où il mérita beaucoup
de gloire , eut le chagrin d'abandonner les
trois provinces qu'il venoit de subjuguer
rapidement. Une grande partie de l'Europe
lui tomboit sur les bras ; mais ce fut pour
L6
25^4 Louis XIV.
lui un nouveau sujet de triomphes. Il sut se
défendre et faire encore des conquêtes.
' La Franche-Comté ^ soumise pour la
1674. seconde fois en six semaines, fut enlevée
Conquête , . _ ' ,
deiaFran-sans retour a la monarchie Espagnole, sous
c e-comte jg^^gjjg ^g^jg province formoit une espèce de
république , contente de sa pauvreté en jouis-
Turenne-Sant dtf ses privilèges. Du côté de TAlle-
Uihm ^^ P^ù^^ > Turenne ,. avec une armée fort
inférieure à celle des ennemis , déconcerta
toutes leurs mesures , et remporta des avan-
tages considérables. La dévastation du Pa-
latinat , où deux villes et vingt-cinq villa-
ges furent impitoyablement réduits en cen-
dres , jvengea les François des cruautés qu'on
avoît exercées sur quelques particulieis. Le
ministre avoit ordonné cette vengeance ;
le vertueux Turenne en fut malgré lui l'ms-
trument.
Gondé Condé tenoit tête dans les Pays-bas au
pdnci ^^ prince d'Orange , plus fort de moitié par
B'Safue de^^ nombre de sgs troupes. La sanglante ba-
Seiief. taille de Ssnef fit périr d& hommes sans
produire de bien. Au rapport des curés ,
on enterra vingt-cinq mille cadavres dans
un espace de Cieux lieues. Le piince Fran-
çois eut trois chevaux tués sous lui. 11 ne
ménagea pas plus sa personne que ses trou-
pes. Cest tout au plus une nuit de Paris ,
dit-il au sujet de la boucherie de Senef»
Turenne disoit avec beaucoup plus de rai-
LovisXïV. 255
son, qu'il falloit trente ans pour faire un
s<>kiat. Toutes CCS hoi-reurs {U la guerre re-
tombent sur k genre humain, victime trop
peu regrettée de l'ambitioa d^s rois et de
la gloire des héros. De part et d'autre on
chanta des Te Dmrn , avec beaucoup plus
de raisons de pleurer que de se réjouir.
L'empereur avoit opposé au maréchal =>' ' '^ ■*»
de Turenac la célèbre général Montécuculli. 1^75-
^ j ■ ^. ' • / 1» 1 Mort de
Ces deux rivaux, après avoir excite 1 ad-Tuieuue.
miration de l'Europe , par des marches et
des campemens plus glorieux que des vic-
toires , étoient sur le point d'en venir à
une action décisive, lorsque Turenne fut
tué d'un coup de canon , en examinant la
place d'une batterie. Le même boulet ayant
emporté le bras du marquis de Saint-Hilaire ,
lieutenant-général , son fils courut à lui tout
éploré. Mon fils ^ s'écria Saint-Hilaire, ce
nest pas moi quil faut pleurer , cest
ce grand homme. Turenne méritoit uo
pareil éloge , autant par les qualités de son
âmj, que par la supériorité de ses talens. If
avoit abjuré le calvinisme en i668. Les
protestans désolés de sa conversion ne la
crurent point sincère. On soupçonna qu'iL
aspiroit à la dignité de connétable; mais sa-
lîranchise et sa noble simplicité le mettoienf
à Tabri de ces malignes conjectures. Si l'a-
mour lui fit faire des fautes , même sur le.
letour de l'âge , il les couvrit de tant de:
Ld
iS6 Louis XIV.*
vertus , aussi-bien que les égaremens de sa
jeunesse , qu'à peine trouve-t-on dans notre
histoire un guerrier digne de lui être com-
paré. Louvois ëtoit jaloux de ce héros , et
se réjouit de sa mort, dont il auroit dû
être affligé en ministre comme en citoyen.
Dernière Malgré la consternation que la mort de
5e"çottdé. Turenne répandit dans toute l'armée , le
comte de Lorges fit une retraite honora-
ble. Cependant Montécuculli passa le Rhin ,
pénétra en Alsace. Le grand Condé mar-
cha contre lui et l'arrêta. Renonçant en-
suite au commandement , que sa santé ne
lui permettoit plus de soutenir , il alla jouir
dans la retraite de lui-même , de sa gloire ,
des sciences , des lettres et des beaux-arts.
Cette même année, Montécuculli quitta le
service de l'empereur , parce que , dit-il , un
homme qui avoit combattu les Condé et les
Turenne ne devoit pas compromettre sa ré-
putation contre des généraux eommençans.
Telle étoit la force du gouvernement,
■ ks ressources du ministère, l'habileté des
ï 676,77. généraux, la discipline et le courage des
la France, troupes , que la France conserva sa supério-
rité jusqu'à la fin de cette guerre, quoi-
que le maréchal de Créqui eût été battu à
Consarbruk; malheur qu'il répara par deux
campagnes glorieuses. La Sicile révoltée con-
tre l'Espagne s'étant livrée aux François,
Ray ter vint au secours des Espagnols i
Louis XIV. 267
mais il trouva dans le célèbre Duquesne
un émule redoutable. Notre flotte flit trois
fois victorieuse , et la Hollande perdit Ruy- Ruyicr*
ter , que Louis XIV lui-même honora de
ses regrets. De mousse et valet de vaisseau,
il étoit devenu par son mérite l'un des pre-
miers hommes de la république ; et la bas-
sesse de son origine donna un nouveau
lustre à sa renommée. Le roi fit deux cam-
pagnes en Flandre , aussi glorieuses que les
premières. Son frère , quoiqu'énervé par la
mollesse , signala aussi sa valeur. La prise
de Valenciennes (i), de Cambrai, de
Saint-Omer , et la bataille de Cassel , ga-
gnée par le duc d'Orléans sur le prince d'O-
range , sont les événemens mémorables de
l'année 1677. Mot flat-
Louis de retour à Versailles dès le moiscineauroi.
de mai , dit à Racine et à Despréaux , ses
historiographes : /e suis fâché que vous ne
soyei pas venus o cette dernihe campa-
gne : vous aurie^ vu la guerre , et votre
voyage neût pas été long. Votre ma-
jesté , répondit Racine , ne nous a pas
(1) Valenciennes, place extrêmement forte,
défendue par une bonne garnison , fut emportée
d'assaut , ijprcs sept à huit jours de tranchée ou-
verte. Vauban persuada , contre /avis du minis-
tre et de cinq maréchaux , de faire l'attaque en
plein jour. Les mousquetaires y firent des prodi-
ges de valeur , et même d*habi!eté.
:^5» Louis XïV.
donné h temps de faire faire nos habits^
Réponse ingénieuse , où l'on, reconnoit i'art:
si commun à la cour d'assaisonner fine-
ment, la âatterie. Ce grand poète étoit peut-
être trop courtisan pour bien remplir les de-
voirs d'historien. Aussi ii'a-t-il nen laissé
de considérable sur Louis XIV. L'histoire
des rois, à parler en général, ne doit pas
s'écrire sous leurs yeux.
w> Le roi triomphoit de tous côtes , ou
1678. par lui-même^ ou par ses généraux. Quoi-
Nimégue.^ <î^'il eût évacué la Sicile, que la licence
à^s François avoit souvent révoltée ,-le suc-
cès de ses armes le rendoit l'arbitre de l'Eu-
rope» Il lui donna la paix , et en imposa
les conditions. Le traité de Nimegue fut
son ouvrage. Les HoUandois seuls , qui
avoient conclu les premiers séparéir.ent , ne
perdirent aucune de leurs villes. L'Espagne
céda la Franche - Comté et une grande
partie de la Flandre. L'empereur céda
Fribourg,. dont Créqui s'étoit emparé. Le
jeune duc de Lorraine , successeur de Char-
les IV , devoit être rétabli dans ses états ,,
mais à des conditions qu'il eut le courage
de refuser 5. aimant mieux vivre dép'Juiiié
et fugitif, que de subir la loi de Louis XIV.,
Le prince Quatre jours a^près que le traité de Ni-
attaq^u!!^ îî^ègue eut été signé avec la Hollande, le
ttaité.^^ prince d'Orange, qui pouvoit en être ins-
truit, qui du moins ne pouvoit douter que
Louis XIV. lô^i
la paix ne fut trcs-proc haine, vint à la tête
de cinquante mille hommes attaquer près
de Mons le maréchal de Luxembourg. Cet
élève du grand Condé , ayant reçu la nou-
velle de la paix, ne s'attendoit à rien moins
qu'à une bataille. 11 eut la gloire de repous-
ser l'ennemi , et le prince d'Orange ne put
se jusnfier aux yeux du public d'avoir pro-
digué le sang humain par une cruelle, et
stérile ambition.
Louis étoit alors au comble de la gran- ^^^^^^H
deur. On lui donna en France le surnom de Brisac
de grand ; l'Europe jalouse n'osa réclamer
contre ce titre. La paix , dont il avoit pres-
crit les conditions, ne l'empêcha point d'é-
tendre encore sîjs domaines. Deux cham-
bres étabhes à Metz et à Bnsac , pour réu-
nir à la couronne toutes les anciennes dé-
pendances des trois évcchés et de l'Alsace,
enlevèrent par leurs arrêts un grand nom-
bre de seigneuries à des souverains qui en
jouissoient depuis long- temps.
Strasbourg conservoit sa liberté ; ville rn'''^
puissante , d'autant plus redoutable, qu'ayant Redd ti'o»i
un pont sur le Rhin , elle ouvroit aux en-^^*^ ^^"'^^
nemis i entrée du royaume. Louvois entre-
prend de la réduire. Il traite avec les irja-
gisuats , gagne les uns , intimide les autres.
Ln même temps une armée Françoise me-
nace Strasbourg. Le traité de reddition €St
conclu , malgré les gémissemens d'un peu*
i6o Louis XIV;
pîe républicain. Bientôt cette grande place
fortifiée par Vauban devint le rempart de la
France du côté de l'Allemagne.
Colbert avoit mis la marine dans un état
Bombâr-^^ florissant, que le roi ordonna de faire
dément baisser pavillon à tous les vaisseaux Espa-
gnols. Il avoit soixante mille matelots. L'An-
gleterre ni la Hollande n'en pouvoient en-
tretenir un si grand nombre. Les corsaires
qui infestoient la méditerannée disparurent
devant ses escadres. Duquesne alla bom-
barder Alger. On fit usage pour la pre-
mière fois des galiotes à bombes , inventées
par un François ( Bernard Renaud ) , mais
dont les ennemis profitèrent à leur tour con-
tre la France. Jusqu'alors on n'avoit pas
cru possible que les mortiers jouassent avec
effet sur une machine flottante. Alger ,
après avoir été foudroyée , envoya faire
des soumissions. Tunis et Tripoli subirent
, .. .. le même sort.
i6î^4. Mécontent de Gènes, qui avoit vendu
dfmeiu^de ^^ ^^ poudre aux corsaires , le roi lui fit sen-
Gêues. tir comme à eux tout le poids de sa ven-
geance. Quatorze mille bombes écrasèrent
une grande partie de cette ville superbe.
11 fallut que le doge vînt en personne
demander grâce. Au milieu âf^s magnifi-
Versaifics? ^^"^^^ ^^^ Versailles , interrogé sur ce qu'il
y trouvoit de plus singulier , il répondit :.
c'ea de m'y yoiu M. de Voltaire ajoute.
Louis XIV. 261
qu'il fut charmé de la politesse du monar-
que, et blessé de la fierté des ministres.
Le roi y disoit-il , ote à nos cœurs la li-
berté par la manière dont il nous reçoit ;
mais ses ministres nous la rendent. Il
étoit plus glorieux à Louis XIV de mériter
cet éloge , que de voir à ses pieds le chef
d'une république , traitée avec tant de ri-
gueur pour une faute qui paroît légère.
Cependant le pape Innocent XI , ver- Démêlés
*^ • 1 • • n -Il 1 -^ avec lima-
tueux, mais altier et innexibie, bravoit ce cent XI.
monarque si redoutable. Ils étoient brouillés
depuis long-temps au sujet de la régale.
C'est un droit particulier aux rois de France,
qui remonte jusqu'aux temps les plus reculés,
par lequel ils perçoivent les revenus à^s
évêchés vacans , et nomment pendant la va-
cance aux bénéfices dépendans de Tévéché.
Quelques églises se prétendoient exemptes
de ce droit : Louis XIV déclara par un édit,
en 1 673 , que la régale s*étendoit à tout le
royaume. Les évéques d'AIet et de Pamiers,
célèbres par leur opposition au formulaire
concernant Jansénius ( nous en parlerons
ailleurs ) , osèrent seuls se roidir contre l'au-
torité , et , ce qu'il y a de plus singulier ,
furent soutenus par Innocent XI , quoique
rebelles au décret d'un pape. La dispute
f'échauffa ; l'assemblée générale du clergé
en 1682 prit le parti de la cour.
Le pape ayant condamné cette démar-
.i6i Louis XIV"»
Les quatre chejOn Saisit Foccasion d'examiner les Jrcits
articles du ^ • '^ ^- i a m
ckfgé. et les prétentions du pape même ; et 1 assem*^
blée se signala par ces quatre fameux articles,
où fut exposée la doctrine de légl se Gal-
licane. Ils portent ea substance , i ^\ que la
puissance ecclésiastique n'a aucun pouvoir
sur le temporel des princes; 2®. que lé con-
cile général est supérieur aii pape , comme
le concile de Constance Ta décidé; 3.^. que
ks coutumes et les lois reçues dans 1 e^lîse
Gallicane doivent être maintenue» ; 4^»
que le jugement du souverain pontife , en
matière de foi, n'est infaillible qu'ap.'ès le
consentement de l'église. Des vérités que
le simple bon sens, j'>intàune connorssancei'
médiocre de l'antiquité, fait sentir à tout
hx)mme non prévenu , parurent alors d-es dé-
cisions hardies. A Rome, elles étoient taxées,
d'erreurs , et les préjugés ultramontains., qui
avoient inspiré la ligue n'étoient pas encore
étouffés dans tout le royaume. L'affaire ût
beaucoup de bruit ; elle n'en feroit point
de nos jours.
Roideur Innocent XT , plus irrité qtie jamais ^^
tt pape. çQ^ç[^^Y\m les propositions du clergé , et
refusa des bulles à tous les évéques nom-
més par le roi. Cette inflexible roideur pou-
voit produire une scission. Plusieurs par-
loient déjà d'établir en France un patriarche
indépendant de Rome. La religion éx roi
Louis XIV. 1(^3
fempccha toujours d'en venir à cette extré-
mité.
Mais il étoit trop fier pour céder au pape. Affaires
Celui-ci vouloir abolir les franchises deschises.'
ambassadeurs , dont les hôtels , et même les
quartiers d'alentour , étoient comme ua
asile inviolable. Voleurs, as^.assins , s*y
mettoient à couvert de la justice. Un tel
abus dans la capitale du monde chrétiea
ne subsistoit que parce que l'honneur &cs
couronnes y paroissolt intéressé. L'eiMpe-
reur, les rois d'Espagne et de Pologne se
rendirent aux vœux d'Innocent. Louis dé-
clara, dit-on, au nonce, que jamais il
navoit pris pour règle VexempU d'au-
trui , et que c étoit à lui à servir d'exemple.
Cette hauteur fut soutenue par des effets.
Le marquis de Lavardin, nouvel ambassa- Excommu-
, 1 T- 1 r» nicationde
deur de rrancs , entra dans Rome enrambassa-
1687 ^^'^^ ^" cortège de gens de guerre, ^"^'
et affecta de braver le pontife , qui avoit
supprimé absolument les franchises. Les cen-
sures dont il fut frappé ne servirent qu'à
aigrir le roi. On s'empara d'Avignon. Si
Louis XIV avoit eu moins de respect
pour le saint siège , l'imprudence du pape
lui eût sans doute attiré de plus grands,
iialheurs. La France , dans l'opinion des
,)C)litiques , ne tenoit plus à Rome que pac
n fîl prêt à se rompre.
Dans le temps même de ces yiolens dé'
264 Louis XïV.
Projet de mélës ZYQC Innocent XI , Louis signala
caiyîjiTsme son zèle pour la catholicité, en portant le
coup mortel au calvinisme. Depuis la prise
de la Rochelle , les calvinistes, hors d'état
de former dès factions , jouissoient paisi-
blement de leurs privilèges sans inquiéter
le gouvernement. Leur génie séditieux avoit
fléchi sous l'autorité suprême. Le monar-
que ne les craignoit point, et profitoit de
leurs services. Mais on lui persuada aisé-
ment que sa gloire et l'intérêt de la cou-
ronne demandoient l'extinction de l'hérésie,
qu'il pouvoit tout, que tout céderoit à sa
volonté. Plein de ces idées flatteuses , am-
bitionnant d'ailleurs le mérite de servir la
religion malgré ses griefs contre le pape,
il commença par gêner les protestans , par
restreindre de plus en pKis leur liberté , et
employa bientôt la violence, qui ne sup-
plée jamais à la persuasion.
Violences Des missionnaires envoyés dans ks pro-
ealwnistes vinces , et l'argent distribué aux convertis ,
ne produisant pas un effet assez rapide , on
envoya des troupes pour inspirer la terreur.
Le chancelier le Tellier et Louvois son
fils étoient naturellement portés aux voies
dangereuses du despotisme. La mort de
Colbert (i), qui avoit protégé les calvi-
(O Colbert mourut en 1683. C'est à lui prin-
cipalement que le royaume devoitsa splendeur et
Louis XIV. i65
nistes comme citoyens , laissoit à ces deux
ministres tout pouvoir de suivre leur pen-
chant. Louvois s'exprima ainsi dans les
lettres écrites de sa main : Sa majesté
y eut qu'on fasse éprouver les dernières
rigueurs à ceux qui ne voudront pas se
faire de sa religion ; et ceux qui auront
la sotte gloire de vouloir demeurer les
derniers , doivent être poussés jusqiHà
la dernière extrémité:, comme si la façon
de penser dépendoit d'un ordre de la cour.
Les troupes chargées de la commission , \qs nragonade
dragons surtout , ne l'exécutèrent que trop
bien. L'Europe retentit des plaintes exci-
tées par leurs violences. Dans les églises
protestantes , la dragonade étoit comparée
aux persécutions de l'ancienne église. Cette
rigueur produisit Teffet ordinaire ; elle chan-
gea d'abord en enthousiasme le zèle des
calvinistes. Ils ne regardoient leur patrie
que comme une nou%'elIe Babylone; et
plus on prenoit de précautions pour les em-
pêcher de s'enfuir, plus ils se croyoient
obligés de rompre leurs fers.
ses richesses ; mais comme la guerre et les dépen-
ses excessives de la cour l'avoient enfin obligé
d'employer des moyens extraordinaires , qu'il ne
Çoûtoit point , le peuple oubliant ce qu'il avoit
fait de bien , s'emporta jusqu'à vouloir ouirageç
son cadavre.
aSS Louis XW.
"- • Errfm Louis XiV rëvaqueie fameux édit
*^^^ de Nantes donné par Henri :fV, et con-
tionde ' firmépar LouisXUI. Lalibertéde-tonscience
KaiJtesf ^^^ otfie aux protestans , kuEs temples sont
démolis,, ^et les eufans arrachas des bras de
leurs pères, et -mères , pour. être > élevés dans
Désertion la religion catholique. .Les défenses < de sor-
tans^'^^^^^'tir du royaume , les g^^rdes répandus en
foule sur les cotes et.les-ifontières, famour
du pays natal , ks liens du sang , l'intérêt
delà fortvine, rien ne peut arrêter des hom-
mes qu'entraîne le fanatisme ou le déses*
poir. Ils désertent par milliers. La Hollande,
l'Angleterre , rAIlemagne,.leur tendent les
bras. Ils y emportent des sommes immen-
ses , une industrie plus précieuse encore ,
les manufactures qui enrichissoient le royau-
me. En peu d'années là France perdit en*
viron cinq cents mille citoyens , quelques
uns disent huit cents mille : perte difficile
à réparer.
Réflexions C'étoit sans doute un grand bien que de
aftaiie. rétablir l'uniformité de culte et de croyance.
Mais c'étoit un grand mal , et pour le roi ,
et pour la religion même:, que d'allumer
la haine d'une infinité de François, deve-
nus dès-lors les plus implacables ennemis de
la patrie et de l'église. 'Plusieurs , par esprit
dezèk, ont admiré cette démarche de" Louis
XIV. La politique humaine, en balançant
le pour et contre , préfère la • conduite de
Louis XIV. 267
JHenr! IV. II est impossible d'ailleurs de
concilier avec les maximes évangéliques ,
/bien différentes de celles de Timpitoyable
iLouvols , des cruautés qui révoltent au lieu
^îde convertir. Ce ne fut qu'après ces vexa-
-lions que les calvinistes remuèrent dans
l'état. :.
La reme Christme écrivit de Rome, où Paroles de
. ile avoit abjuré le protestantisme : je con- ^^"^'^'"*'
'd}re aujourdliui la. France comme un
malade /) qui on coupe bras et jambes ,
•pour le guérir d'un mal quun peu de
^patience et /ie douceur aurait entière-
,ment:gu/ri; mais je crains fart que ce
mal ne s^ aigrisse et ne devienne enfin incu-
rable ^ etc. Cette princesse affectoit pour-
tant beaucoup de zèle pour la religion catho-
lique ; et le meurtre de son grand écuyer
Monaldeschi, qu'elle fit assassiner en 1667
dans la gaJerie de Fontainebleau , étoitune
preuve (k son penchant au despotisme. »
La hauteur et la puissance* du roi , ses 1687.
entreprises en pleine paix., les confiscations d'Augs-
sur SCS voisins, la conquête de Strasbourg, ^'®^'^^'
suivie en i683 du bombardement de la
prise de Luxembourg, sans parier de la pros-
cription du calvinisme , lui firent presqu'au-
tant d'ennemis , qu'il y avoit de princes en
Europe. Le plus dangereux de tous , soit
par son excessive ambition , soit par :sa
profonde politique , c'étoit Guillaume prince
i68 Louis XIV.
d'Orange , méprisé des François , parce
qu'il n'étoit point heureux à la guerre,
mais qui leur apprit bientôt de quoi son
génie le rendoit capable. Il fut le moteur
de la fameuse ligue projetée secrètement à
Augsbourgen 1686, et conclue à Venise
l'année suivante. L'empereur et la plus
grande partie de l'empire, le roi d'Espagne,
la Hollande , le duc de Savoie , presque
toute l'Italie, s'unirent contre la France. In-
nocent XI , aussi fier que Louis XIV dont
il éprouvoit alors le ressentiment, secon-
doit par ses intrigues celles du prince Hol-
landois. On vit un pape et un protestant,
sans agir de concert, travailler avec le mê-
me zèle à l'abaissement du roi très-chrétien.
— • ' " Dès que Louis sut qu'on vouloit l'atta-
s^ e de ^^^^^ » ^^ P°^^^ ^^* premiers coups. Le dau-
Phiiips- phin , nommé Monseigneur, fut chargé
ie*dauphîn d'aller prendre Philipsbourg , qui étoit la
clé de l'Allemagne. Mon fils , lui dit le roi
à son départ, en vous envoyant comman-
der mes armées , je vous donne les oc-
casions de faire connaître votre rkérite ;
allei le montrer a toute VEurope , afin
que quand je viendrai à mourir , on ne
s'aperçoive pas que le roi soit mort. Le
dauphin se montra digne en effet de sa
confiance. Adoré des troupes , chéri de
tout le monde , plein de douceur et de
courage, mais d'un courage prudent tel
que
Louis XIV* 26^
ijlie Celui de son père , la gloire qu'il acquit
par la prise de Philipsbourg causa une joie
universelle dans le royaume.
Le duc de Montausier son gouverneur , 9°"^^^"^
homme d une vertu rare , lui écrivit après sier le féiu
cet événement : Monseigneur , je ne vous ^^^^'
fais point de compliment sur la prise de
Philipsbourg : vous aviei une bonne ar-
mée ^ des bombes^ du canon ^ et Vau-
ban. Je ne vous en fais point aussi sur
ce que vous êtes brave : c'*est une vertu
héréditaire dans votre maison ; mais je
me réjouis avec vous de ce que vous êtes
libéral , généreux , humain , et faisant
valoir les services de ceux qui font bien,
Montausier pouvoit se teliciter g avoir cul-
tivé avec fruit les vertus de son élève. Les
leçons de Bossuet son précepteur , et d'Huet
sous- précepteur, produisirent moins d'eifct.
On lit dans les lettres ce madame de Ma^n-
tenon, que le dauphin savoit à cinq ou
six ans mille mots latins , et pas un
quand il fut maître de lui,
11 ï\y avoit encore qu'une première étin-Jacmiesïl.
celle de guerre. La révolution qui précipita iL'^noInt'"'^
du trône les Stuart acheva l'embrasement. '^-^'^ <^«-
Charles II avoit laissé la couronne d'An-
gleterre à Jacques II son frère , devenu ca-
tholique , par conséquent odieux à ses peu-
ples , d'autant plus que se croyant absolu
ou voulant Fctre , il ne ménagecit point leur
Tome III. M
i7o Louis XIV.
religion ni leur liberté. Des ëvéques Angll*
, cans mis en prison , un nonce du pape reçu
à la cour, les jésuites en faveur, un d'eux
gouvernant l'esprit du monarque , et admis
" au conseil privé ; le projet mal concerté de
rétablir le catholicisme , que les Anglois
ne peuvent souffrir ; toute la conduite de Jac-
ques les disposoit à la révolte. L'imprudence
de son zèle le faisoit blâmer dans Rome
même. Les sages prévirent qu'il en seroit
la victime, et que loin de servir l'église^
il la ruineroit pour toujours en Angleterre.
Le prince Après des plaintes inutiles, les Anglois
fai?7a"fé. Conspirèrent. Le prince d'Orange, qui avoit
voiution. épousé la fille de Jacques , sollicité de se met-
tre à leur tête , étoit trop ambitieux pour
ne pas saisir cette occasion de fortune. Le
complot fut conduit avec un secret et une
prudence admirable. Jacques surpris ne résiste
point. Plusieurs officiers l'abandonnent, entre
autres Churchill son favori , que nous verrons
bientôt s'immortahser sous le nom de Marl-
borough. Le malheureux roi tombe entre
les mains du prince d'Orange , son gendre
■====et son oppresseur. On le laisse bientôt s'éva-
'^°9- der. Il cherche un asile auprès de Louis XIV",
dont il avoit négligé les avis et refusé les
secours. L'usurpateur est déclaré roi d'An-
gleterre , sous le nom de Guillaume III ,
conjointement avec sa femme , la princesse
Marie ; et la nation fixe d^s bornes plus étroi-
Louis XIV. lyv
tes à rautorité royale , qui reste néanmoins
fort étendue^
C'est alors que Louis commença uneLouîsXlV
guerre ouverte avec l'Angleterre, la Hol- {i'^fj^tr^il
lande , l'Espagne déclarée aussi contre Jac-
ques, Ayant reçu ce prince de la manière
la plus généreuse , il fit les plus grands ef-
forts pour le rétablir» Une flotte considéra-
ble devoit le conduire en Irlande. Le roi
lui dit en le quittant : tout ce gue je puis
vous souhaiter de mieux est de ne vous
jamais revoir. Les escadres Françoises dis-
sipèrent celles des ennemis. Tourviile , vice-
amiral , remporta en i 690 à la hauteur de
Dieppe une célèbre victoire , après laquelle
ils n'osèrent plus se montrer. Louis XIV
conserva deux ans l'empire de la mer , lui
qui au commencement de son règne étoit
sans vaisseaux.
Mais tant de secours ne changèrent point ■!
la destinée de Jacques. Son ancienne valeur '690.
sembloit s'être évanouie avec sa fortune. Il de if Bo>*-
fut défait par son gendre à la bataille déci-"^'^'^j^ji.g^'
sive de la Boyne. Le vieux maréchal de Jacques.
Schomberg , protestant , y fut tué en com-
battant à la tête des réfugiés François. Voilà
vos persécuteurs , avoit-il dit pour les ani-
mer. On vit dès-lors quels ennemis s'étoit
fait Louis XIV parmi ses sujets, parla ré-
vocation de redit de Nantes. Le bruit courut
que le prince d'Orange étoit mort dans la
Ml
271 Louis XIV,
bataille , parce qu'il avoit eu Te'paule effleu-
rée d'un coup de canon. A cette nouvelle ,
le peuple de Paris, sans égard pour la bien-
séance , fit éclater une folle joie, et le
brûla même en effigie. Jacques revint en
France. Louis redoubla inutilement ses ef-
forts en faveur d'un roi qui ne savoir plus
combattre , depuis qu'il avoit sa couronne
à recouvrer , et qui , vivant avec les jésuites,
paroissoit plus occupé de théologie et d'exer-
cices de dévotion , que de moyens de répa-
rer sa disgrâce.
Guerre de L'Allemagne 5 les Pays-bas , les frontiè-
'res d'Espagne et d'Italie, furent tout à la
fois le théâtre de la guerre. Il suffit d^en
indiquer les principaux événemens. On avoit
pris le Palatinat, l'une des plus belles con-
trées de l'empire , où il ne restoit aucune
trace de l'embrasement exécuté par Turen-
Embrase- ^g^ Pour empêcher les ennemis d'y subsis-
Pulatinat. ter , Louis XIV suivant le conseil de Lou-
vois , commanda un nouvel incendie. Villes ,
châteaux , villages , tout fut livré aux flam-
mes avec une rigueur excessive. On ne res-
pecta pas même les tombeaux des électeurs
Palatins. Le soldat les ouvrit dans l'espé-
rance d'y trouver de l'or , et jeta au vent les
cendres qu'ils renfermoient. Cette affreuse
expédition fut généralement détestée. Le
roi n'avoit pas cru sans doute que ses ordres
produiroient tant de malheurs, mais pour
Louis XIV. 178
peu qu'on lâche la bride à une soldatesque
avide et brutale , elle se porte d'elle-même
aux plus grands excès. Si les lois de la
guerre autorisent des actions qui répugnent
à rhumanité , la politique comme on lob-
servoit alors , sembloit exiger des ménage-
mens. Les ennemis ne pouvoient-ils pas pé-
nétrer dans le royaume ? et jusqu'où au-
roient-ils porté le droit de représailles ?
Le duc de Lorraine Charles V , prince Belle de'-
sans états, mais général redoutable, com-Ma^^enœ.
mandoit les Impériaux. Il reprit Bonn et^p^'-f;*
Mayence , où les François se défendirent
glorieusement , quoique ces deux places
fussent mal fortifiées. Après vingt-une sorties,
le marquis d'Uxeîles rendit Mayence faute
de poudre. Il ne méritoit que des éloges ,
îl ne reçut à Paris que des huées en plein
théâtre. Telle est souvent l'injustice d'un
peuple léger , qui décide sans examen , qui
fronde ou qui admire sans raison , qui ne
revient de ses bizarres préventions qu'a-
près avoir insulté au mérite ou encensé
la fortune.
Aux Pays-bas et en Italie, les premières an- Batailles
nées de la guerre furent un enchaînement charde'^LÛ-
de victoires mémorables. Le maréchal de^^'^^^"^^
Luxembourg marchoit sur les traces du
grand Condé , dont il sembloit avoir le gé-
nie , la vivacité et le courage. Il gagna la
bataille de Fleurus en 1690 par la supério-
274 Louis XIV,
Fleurus.ritë de ses talens. Surpris à Steinkerque en
1692 , par une ruse du roi Guillaume, il
Steinker- vint à bout , quoique malade, de le repous-
^"^* ser et de le vaincre. Plusieurs princes du
sang , à la tête de la maison du roi , firent
dans cette occasion des prodiges de va^
leur qui décidèrent la victoire. L'année sui-
^^erwînde. vante , Luxembourg avec ces mêmes hé-
ros 5 surprit lui-même Guillaume à Nerwin-
de , et gagna une nouvelle bataille. Vingt
mille hommes environ y furent tués , parmi
lesquels huit mille François.
Antresvic- Dans cet intervalle de temps, le roi en
Franc Gif ; pcrsonne prit Mons et Namur ; le maré--
presque ç]^^\ ^q Catinat , vrai philosophe et grand
* capitaine , qui ne deroit son élévation qu'à
son mérite , défît le duc de Savoie à Sta-
farde et â la Marsaille; le majechal de NoaiU
hs fut vainqueur en Catalogne; le maré-^
chai de Lorges l'avoit été en Allemagne,.
Jamais tant de victoires éclatantes. Une
seule auroit suffi autrefois pour produire
un€ révolution : cependant tout restoit à
peu près dans le même état. Tuer des
hommes , ruiner des villes , dévaster des.
provinces , épuiser les nations : c'est or-t
dinairement Tunique fruit de la guerre^
lorsque les forces sont à peu près en équi-
libre , comme il arrive dans le système
moderne de l'Europe.
touis XIV 5 malgré se^ victoires, ne
Louis XIV. 276
paroissoit plus invincible. Il perdit quatorze , Revers.
"^ , .* /: > 1 • ' Journée de
grands vaisseaux en 1092 après la journée la Hogue.
de la Hogue, où Tourville attaqua par sqs
ordres la flotte ennemie , une fois plus nom-
breuse que la sienne. A la nouvelle de ce mal-
heur : Tourville est-il sauvé ^ dit le roi ; car
pour des vaisseaux on peut en trouver ;
mais on ne trouveroit pas aisément un
officier comme lui. Paroles qui font autant
d'honneur au prince qu'au général. La mort
de Luxembourg arrêta le cours de ses triom-
phes en Flandre. Le roi Guillaume , souvent
battu , mais qui savoit admirablement ré- P""''« ^*
parer sqs pertes, reprit Namur en 1696 , Guillaume.
à la vue du maréchal de Villeroi qui com-
mandoit plus de quatre-vingt mille homr
mes ; et malgré les efforts du maréchal de
Boufflers qui défendoit la place. Les flottes
Angloises bombardèrent Dieppe , le Havre ,
Saint-Malo , Calais et Dunkerque, La con-
fiance diminuoit parmi les troupes , ks re-
crues devenoient difficiles , les finances
ctoient affbiblies depuis la mort de Col-
bert. On ne devoir plus s'attend re-aux an-
ciennes prospérités.
Cependant Pointis , chef d*escadre , prit Pointi»,
Carthagcne en Amérique , où ks Espa- xrouSr
gnols perdirent environ vingt millions. Du-
guay-Trouin , le plus célèbre des armateurs ,
luinoit le commerce maritime cks ennemis*
M4
176 Louis XîV.
Le fléau de la guerre se faisoit sentir à tout
le monde ; et le roi désira la paix.
avTJîi^duc ^^ commença par détacher de la ligue
de Savoie, le duc de Savoie Victor-Amédée , beau-
coup moins scrupuleux sur ses engagemens ,
que zélé pour ses intérêts. Catinat fut le
négociateur du traité. On rendit à ce prince
ses états , et Ton destina sa fille au duc de
Bourgogne, fils du dauphin. Cet événe-
ment , suivi de la prise de Barcelone par
Vendôme , hâta le succès des négociations ,
qui se faisoient à Risvick avec les autres
confédérés.
'■' ■ Louis montra une modération dont T-Eu-
^^^^■7- rope ne le croyoit pas capable. Il sacrifia
i\»'5wicK* les conquêtes qu'il avoit faites sur l'Espa-
gne, Luxembourg, Mons, Ath , Courtrai ,
et ce qu'on avoit pris vers les Pyrénées ; il
rendit à l'empire Fribourg , Philipsbourg ,
avec tout ce que les chambres de Metz et
de Brisac avoient réuni à la couronne ;
Guillaume ait reconnu pour roi légitime
d'Angleterre , et Jacques II abandonné ;
enfin le duc de Lorraine rétabli. Ce n'étoit
plus Charles V , ce grand général de l'em-
pereur , mais son fils Léopold , dont la Lor-
raine bénira éternellement la mémoire, com-
me celle de Stanislas le Bienfaisant.
Murmures Cette paix de Riswick causa en France
euFrajice.jj^QJj^g jg JQjg q^g ^j^ mécontentement et
de murjîiures. Il parut honteux que le roi ,
Louis XIV. 277
accoutumé à faire la loi aux nations , eût
cédé tant d'avantages à ses ennemis , mal-
gré la supériorité de ses armes. Plusieurs
ont cru que c'étoit une politique adroite
pour parvenir à la succession d'Espagne ;,
que Ton vouloit écarter le reproche d'am.-
bition , et se ménager le temps de faire
des préparatifs, de concerter ks mesures
et de lever les obstacles. L'auteur du Siè-
cle de Louis XIV prouve la fausseté de ces
conjectures. On fit la paix , selon lui , par
lassitude de la guerre. « Des sentimens ^,,
» vertueux, a)oute-t-il y innuerent certai-deia taix,
» nement. Ceux qui pensent que les rois
V et leurs ministres sacrifient sans cesse et
» sans mesure à l'ambition , ne se trompent
» pas moins que celui qui penseroit qu'ils
M sacrifient toujours au bonheur du monde ».
Qu'on juge par l'état des finances , du Xristeétat.
besoin que le royaume avoit de la paix. ^^^ <i»iau*
Les cinq premières campagnes avoient ab-
sorbé plus de deux cents millions d'extraor-
dinaire. Il étoit dangereux d'augmenter les
taxes. Cependant , après des emprunts , des
créations d'offices , et autres pareilles opé-
rations de finances ; après avoir augmenté
de trois livfes la valeur numéraire du marc
d'argent, on établit la capitation en 1695.
Cet impôt, auparavant inconnu , produisit
:ngt-un millions ; mais les revenus du
coi ne passèrent c|ue de dix millior.s ceiix.
178 Louis XIV.
de Tannée précédente. Les grandes armée?
de Louis XIV , ses bâtimens , sa magnifi-
cence , devenoient un flirdeau capable d'é-
craser la France.
Le prince Lorsqu'on étoit sur le point de signer la.
j^^^;^l%p2L'ixgénér3ik à Riswicîc, l'abbé de Poli-
Pologne, gnac 5 par son esprit et son éloquence , fit
élire roi de Pologne le prince de Conti ,
dont la valeur avoit brillé à Steinkerque
et à Nervinde. Deux heures après , un
autre parti beaucoup moins nombreux pro-
clama rélecteur de Saxe. La première élec-
tion étoit la seule légitime, mais l'argent
de Saxe prévalut. Louis XIV ne pouvant
donner au prince de Conti assez de sec( urs,
auroit dû peut-être l'empêcher de faire une
fausse démarche. Ce prince alla se mon-
trer dans la rade de Dantzièk ; on lui fer-
ma les portes, et il revint sur ses pas.
Pais gêné- Toute l'Europe jouit alors d'une paix
ie dwré^e.^P^^^"^"^^' Il sem.ble que cet état de bon-
heur soit un état violent pour le genre hu-
main , tant la durée en est courte. Le nord
fut bientôt désolé par une guerre sanglante ,.
que l'ambition suscita au jeune roi de Suède
Charles XII , héros et général dès l'âge
de seize ans. Les autres puissances qui ve-
noient de quitter les armes , les reprirent
presque aussitôt contre le roi , au sujet de
îa succession d'Espagne. C'est ici surtout ,,
qu'on peut admirex cet ordre de provL-
Louis XI V^ 279
dence qui enchame les ëvénemens d'une
manière inexplicable, et qui conduit cha-
que chose à sa fin , par des voies souvent
opposées en apparence aux effets qui en ré-
sultent.
Charles II , roi d'Espagne , d'épérissoit Succession
. ,' ' • ' t I u de Charles
sans avoir de postérité, bes plus proches n roi d'Es-
héritiers étoient Monseigneur, fils de Louis ^^^^"^'
XIV , et Joseph roi des Romains , fils de
Tempereur Léopold ; mais Marie-Thérèse
d'Autriche, mère du premier , étoit i'ainée
de la mère de Joseph. On craignoit égale-
ment en Europe la réunion de l'Espagne y
soit à la couronne de France, soit aux
états de la branche allemande d'Autriche. ^_^^^^
Le roi Guillaume proposa un partage de j^^g^
la succession , propre à maintenir l'équili- Premier
bre qu'on désiroit. Le dauphin devoit avoir pacage!
la Sicile, Naples et plusieurs villes d'Es-
pagne ; Milan étoit destiné à l'archiduc
Charles , et le reste au jeune prince de
Bavière , enfant de huit ans. Le roi d'Es-
pagne indigné qu'on disposât de son bien
avant sa mort, fit un testament en faveur
du jeune prince de Bavière , qu'il déclara
son seul héritier. Cet enfant mourut. Noii-
cau traité de partage en 1700, concerté Secoinlt
entre le roi de France, le roi d'Angleterre pa^^y^
et les Etats-généraux , par lequel on met
archiduc à la place du prince de Bavière;,
en ajoute la Lorraine à la portion du dau-
'28o Louis XIV.
phin , et Ton assigne le xMilanès au duc je
Lorraine.
Charles Le roi d*Espao;ne ne pou voit souffrir .
mécontent , V ^ t- '^i „• i / ,, '
de la cour non pIus que les espagnols , 1 idée d un
^ ^®""*^* démembrement de la monarchie. Il offrit
alors tous ses états à l'empereur pour l'ar-
chiduc son second fils , prévoyant que s'il
les donnoit à l'aîné , toute l'Europe con-
courroit à lui ravir ce grand héritage. La
fierté méprisante de la cour de Vienne ,
les épines qu'elle mit dans sts négociations ,
l'indisposèrent contre elle , tandis que le
maréchal d'Harcourt, ambassadeur de France
à Madrid , commençoit à y faire aimer sa
nation par une conduite aimable , pleine
de sagesse et de dignité. Cependant le triste
monarque , aussi foible d'esprit que de corps ,
déchiré d'inquiétudes et d'irrésolutions , ap-
prochoit du tombeau sans savoir à qui laisser
sa dépouille. Il parut se réconcilier avec
l'empereur. Louis XIV menaça , rappela
son ambassadeur et leva des troupes.
■m Quelques grands d'Espagne persuadé-
1700. rent à leur maître moribond , que, pour
rr?ente"^^' éviter le démembrement de la monarchie,
i>veur du il falloit la donner à un petit- fils du roi de
tJuc d'An- 1 1 1 r wr 1 5
jou. France, plus capable de la derendre qu un
prince éloigné, qui trouveroit sur sa route
une infinité d'obstacles. En vain l'on op-
poseroit la renonciation de Marie-Thaese :
robjet de cette renonciation étoit rempli.,.
Louis XIV. 28 1
des qu'on prenoit des mesures pour empê-
cher la reunion des deux couronnes sur
une même tête : l'Espagne seroit le par-
tage df^s cadets, et ne pourroit passer aux
aînés. Ces raisons étpient plausibles. Char-
les , par délicatesse de conscience , fit con-
sulter des théologiens , et demanda l'avis
du pape. Les théologiens pensèrent com-
me les grands ; le pape Innocent Xïl répon-
dit que les lois d'Espagne et le bien de la
chrétienté exigoient qu'il préférât la mai-
son de France. Il ne balança plus à choisir
pour héritier le duc d'Anjou , second fils
du dauphin , déclarant qu'au défaut des
puînés de France y la succession retourne-
roit à l'archiduc , de manière que l'empire
et l'Espagne ne pussent jamais être réunis.
Ces dernières dispositions de Charles IX
furent si secrètes , qu'après sa m.ort l'am-
bassadeur de Vienne les croyoit encore fa-
vorables à l'archiduc. Quelle fut sa surprise
et celle de l'Europe entière, lorsqu'on vit
un prince Fiançois héritier de cette vaste
monarchie , qui depuis deux cents ans étoit
en gu^re avec la France !
Louis XIV fut regardé comme l'auteur Lo":sXrv
d'un testament auquel il n'avolt eu aucune test^j
part , et qu'il n'avoit pas mcme espéré. On
délibéra au conseil s'il falloit l'accepter ou
s'en tenir au dernier traité de partage. Quul-
c^ues-uns préféroient k second parti , pour
cceptf- le
ment.
iSi Louis XIV,
éviter une guerre dangereuse. Le roi ac-
cepta le testament. Quelque parti que je
'prenne , disoit-il, je sais bien que je se-
rai blâmé. Mais ileomptoit sur ses forces,,
et vouloir soutenir la gloire de sa maison.
D'ailleurs, pouvoit-on espérer que l'Angle-
terre et la Hollande soutiendroient ce traité
de partage , qui tendoit à l'agrandissement
de la monarchie ? pouvoit-on même se flat-
ter qu'elles n'y opposeroient pas toutes leurs
forces ? Le duc d'Anjou fut déclaré roi
d'Espagne, sous le nom de Philippe V. Le
roi lui dit à son départ : il ny a plus de Py-
rénées : belle parole pour exprimer l'union
future àts deux peuples. D'abord l'Angle-
terre et la Hollande le reconnurent ; le duc.
de Savoie , dont il alloit épouser la fille ^
se montra zélé pour ses intérêts. Ces trois
puissances dévoient bientôt s'armer pour
le perdre.
'^- ■ Loin de ménager les Anglois dans des
i7°ï- conjonctures si critiques, Louis les irrita.
Il irrite ' . , , , ^ . ', . ,
l'Angieter- par un trait de générosité qui leur parut
connoisl^" "-^'^"^ outrage» Jacques II étant mort,, il donna
siint le au prince de Galles son fils , le titre de
prince de
Caiies. roi d'Angleterre , contre l'avis unanime du
conseil , auquel il avoit souscrit lui-m-émc.
Les larmes de la veuve du mort , appuyées
des instances de madame de Maintenon ,.
le firent changer subitement de dessein ,
et il reconnut Jacques III le jour mcrae:
Louis XIV. 283^
qiul ëtoit convenu de ne point le recon-
noître. Deux femmes remportèrent sur
les raisons du conseil ; c'est que leurs dé-
sirs s'accordolent avec le penchant du roi
pour les entreprises glorieuses. Il eut beau
déclarer son intention de s'en tenir fidèle-
ment au traité de Risvick , qui assuroit
les droits de Guillaume. Les Anglois et les
Hollandois ne tardèrent pointa s'unir avec
l'empereur.
Guillaume , quoiqu^infirme et languissant , Wo*^ ^^
imprimoit le mouvement à cette ligue. Il in.
mourut au milieu de ses préparatifs : enne-
mi dangereux, dont le génie et la politi-
que profonde étoient inépuisables en res-
sources. Sans être aimé chs Anglois , il
conserva sa couronne , en respectant la li-
berté d'un peuple fier et ombrageux : mais
il eut toujours plus de pouvoir dans sa pa-
trie que dans son royaume. On l'appeloit
le stathouder des Anglois et le roi des
Hollandois. La princesse Anne, sa belle- La reinet
sœur , seconde fille de Jacques H et fcm-^""^*
me du prince de Danemarck , lui succéda ,
et suivit d'abord toutes ses vues , parce
qu'elles étoient conformes au vœu de la
ition. De toutes parts se formoit un orage
rrible contre la France.
Avant que les autres alliés se déclaras- Commen-
^ i> • 1 cernent de;
sent , 1 empereur ccmmençoit la guerre en la guerre..
'^:ilic. Il avoit pour général le prince Eu-
284 Louis XIV.
Le prince gène de Savoie, né en France du comtfr
de Soissons (1) et d'une nièce du cardinal
Mazarin; connu à la cour dans sa jeunesse^
sous le nom d'abbé de Savoie , et si mal
Gonini alors , que , quand il quitta le royau-
me en 1 684 , Louis XIV parut le mépriser,
et les courtisans parlèrent de lui comme
ci'une tête dérangée , incapable de tout
bien. Jamais prévention ne fut plus injuste-,
ni mieux démentie par les faits. Le prince
Eugène , avec toutes les qualités d'un grand
homme , ne pouvoit manquer de faire re-
pentir un jour ceux qui ne lui avoient pas
rendu justice. Agé de trente-sept ans , et
déjà célèbre par sqs victoires sur les Turcs ,
il com.mandoit trente mille iiommes , dont
il disposoit à son gré.
Catinat et Catinat , advecsaire disne de lui , étoit
gcne par des ordres supérieurs, qui 1 em-
pêchèrent de réussir, en donnant des en~
traves à son génie. Il fit une campagne mal-
heureuse, recula toujours devant Eugène ,
et perdit une grande étendue de pays. Le
maréchal de Viileroi , favori de Louis XIV ,.
plein de courage et de confiance , mais qui
avoit le mérite d'un grand seigneur, plu-
(i) L'héritière du comte de Soissons ^ tué à;
Sedan , avoit épousé un prince de Carignan.
C'est ce qui avoit fait passer le nom de Soissons ài
des princes de la maison de Savoie*
Louis XIV. 28^5
tôt que celui d'un grand capitaine , se flatta
de réparer ce malheur. On lui donna le
minandement de l'armée , sous le duc de
Savoie. Ce prince , avec le titre de géné-
ralissime , étoit presque sans autorité. Les
airs dédaigneux du maréchal le disposèrent
à une rupture. Cependant il le seconda vail-
lamment à Chiari , près de TOglio , où
\'illeroi se fit battre par son imprudence ;
et où Catinat fit une belle retraite , après
avoir cherché inutilement la mort.
L'année suivante , au fort de Fhiver , ■ ■■ ' " '
le prince Eueène introduit des troupes dans _ '7°^*.^
Crémone par unegout. Le maréchal de Vil-Cremoue.
leroi dormoit tranquillement. On le réveille.
Il sort de sa maison , et tombe entre les
mains des ennemis. Crémone étoit prise ,
si un régiment François , qui devoit passer
en revue, ne s'éroit mis de grand matin
sous les armes. Sa résistance donna au reste
de la garnison le temps de se reconnoître.
Elle chassa les ennemis après un combat
opiniâtre.
On envoie le duc de Vendôme remplacer Ver.dômôr
le général prisonnier. Ce petit-fils de Henri ^" ^"^^'"
IV avoit passé par tous les grades mili-
taires. Ses défauts considérables, une pro-
digalité sans mesure , beaucoup de négli-
gence et de mollesse, peu de soin d'entre-
tenir la disciphne , étoient effacés par de
grands talcns ; les soldats radoroicnt ; et
286 Louis XIV.
dans les jours d'action , son génie excité
par le péril faisoit âts miracles. Le prince
Eugène pouvoit seul lui tenir tète, lis li-
Bataiiiedeyrèrent la bataille de Luzara, où se trouva
le jeune roi cl Espagne. Les François eurent
l'avantage ; les Impériaux se l'attribuèrent
^^^^ecti^oii également. Bientôt après Victor-Amédée
An\pdée. trahit la France. Beau-père du roi d'Espa-
gne et du duc de Bourgogne, ii abandonna
ses gendres , pour profiter des offres avan-
tageuses de l'empereur. Si la politique peut
approuver cette démarche , elle compte pour
bien peu de chose les lois de la nature et
de l'honneur,
Mafibç- La guerre se faisoit aux Pays-bas moins
JaJjfqJ^^^r! ^leureusement encore qu'en Italie. Le fa-
meux duc de Marlborough, ce même Chur-
chill qui avoit trahi Jacques II, commandoit
les troupes d'Angleterre et de Hollande. Ses ta-
lens sublimes^ soit pour le commandement ,
soit pour les négociations , le rendoient d'au-
tant plus à craindre, que la reine Anne, le parle-
ment Anglois et les Etats-généraux entroient
dans toutes ses vues. Ileutl'avantagedelacam»
pagne sur le duc de Bourgogne , le plus res-
pectable des princes par ses vertus ; et sur
le maréchal de Boufflers , l'un des plus
grands hommes de France.
Succès de Mais Villars , qui n'étoit alors que lieu-
Jîle^^agfj'e tenant-général, et qui devoit un jour sau-
ver rétat , gagna en Allemagne la bataille d^
Louis XIV. 287
Fridlingen, après laquelle il reçut le bâton ==—«
de maréchal, que le suffrage de l'armée ^7^3-
lui donna d'avance. Réuni ensuite à Télec-
teur de Bavière , allié du roi , il le Força
en quelque manière à combattre dans ks
plaines de Hochstet, près de Donavert ,
et remporta une seconde victoire. Le ma-
réchal de Taîlard fut aussi vainqueur auprès
de Spire. On pouvoit aller jusqu'à Vienne.
L'empereur trembloit pour sa capitale» Mal- ^^ ,^?^ ''^P*
heureusement le caractère fier et impvétueux
de Villars déplut tellement à l'électeur de
Bavière , que ce prince fe fit rappeler.
Le maréchal flit employé dans les Ce- ^ Révofae
> , "^ 1 1 desCeveu-
vennes , ou ks montagnards huguenots, nés.
dans un délire de fanatisme , excités par
leurs prophètes et leurs prophétesses , avoient
levé l'étendard de la révolte. Point d'im^
pots , et liberté de conscience : c'étoit
leur cri de guerre , très-propre à enflammer
la fureur d'une populace fanatique. Villars ,
qui eût servi si utilement en Allemagne, né-
gocia avec un chef cJe cts furieux y mais le
feu de la révolte ne fut pas éteint , et ùqux
maréchaux de France , Montrevel et Ber-
vick , eurent encore à combattre les Cj-
misars. ( On nommoit ainsi les rebelles.)
C'en étoit fait de l'empereur, si Eugène * *
et Marlborough n'avoient couru le secou-gJ^^°4-^
rir. Ces deux généraux rencontrèrent l'ar- Hochstet ,
mée Françoise et Bavaroise , dans ces mé- [flFfancë!
'288 Louis XIV.
mes plaines de Hochstet où elle avoit vaincu
l'année prëcëclente. On pouvoit éviter la
bataille; les ennemis se seroient dissipés
faute dé fourrages. La supériorité du nom-
bre et Tespérance d*une seconde victoire
déterminèrent au parti le plus dangereux.
Les maréchaux de Tallard et de Marsin ,
joints à rélecteur de Bavière furent entiè-
rement défaits. Un corps de douze mille
hommes des meilleures troupes de France ,
enfermé dans un village , fut réduit à se ren-
dre sans combat. Si les généraux n'avoient
pas commis de grandes fautes ; si Tallard ,
dont la vue étoit extrêmement foible , ne
s'étoit pas jeté au milieu d*un escadron en-
nemi où il resta prisonnier , cette armée ,
jusqu'alors victorieuse, auroit eu sans doute
plus de succès ou moins de malheur. A
peine de soixante mille hommes en ras-
sembla-t-on vingt miille. Villars ayant ap-
pris dans les Cevennes les dispositions faites
par les généraux , avoit prédit qu'ils se»
roient battus. C'étoit un motif de plus pour
le faire regretter : il est ôqs circonstances
où la destinée de peuples dépend d'une-
seule tête.
Suite c!e Cette bataille de Hochstet , ou de Blein-
tzlne, ^' heim , comme l'appellent les Anglois , fît
perdre environ cent lieues de pays. D'une
part , les vainqueurs inondèrent la Bavière ,
et de l'autre, ils pénétrèrent juiq^ues dans:
Louis XIV. z^y
ïAls3Lce» La France étoit consternée; le
.souvenir des anciennes prospérités rendoit
plus vif le sentiment cîe ce désastre. Cha-Legouvet»
millard , qui n'avoit guère que le mérite JJI^néfoii
d'honnête homme, devenu par le crédit
de madame de Maintenon ministre de la
guerre et des finances, auroit eu besoin
du génie de Colbert et de Louvois , pour
soutenir l'honneur de la nation. Depuis la
mort de ces deux ministres , les ressorts du
gouvernement s'étoient relâchés peu-à-peu ,
les tinances manquoient, la discipline lan-
guissoit ; les régimens se donnoient à la
faveur , à la jeunesse ; les croix de S. Louis
se vendoient dans les bureaux : tout présa-
geoit la décadence. Un premier revers en
attira bientôt de plus funestes.
Les Anglois firent un armement formi-i-^A'^sioî»
1 , , ° i,T7 VI , • en Espagne
dahle contre! Espagne, qu ils vouloient con-
quérir à l'archiduc. Us s'emparèrent en 1 704
de Gibraltar regardé comme imprenable ;
et s'ouvrirent ainsi la communication des
deux mers. Les efforts qu'on tenta pour
reprendre cette place ne servirent qu*à rui-
ner la marine Françoise. En peu de temps
les provinces de Valence et de Catalogne
passèrent sous le joug des ennemis. Bar-
celone fut prise comme Gibraltar , autant
par un coup de fortune que « par la force
des armes. Les ennemis avoient engagé le
Portugal dans leur alliance ; mais ils n'en
190 Louis XIV.
tirèrent pas les secours qu ils s'étolent pfo*
mis. La qualité d'hérétique, si odieuse aux
Portugais , afFoiblit leur zèle pour une cause
protégée par l'Angleterre.
luuf^ *" ^^ grands succès en Italie consolèrent de
ces pertes. Vendôme repoussa le prince
Eugène à Cassano , et gagna en son absence
la bataille de Cassinato. Victor- Amédée ,
pour prix de sa défection , étoit presqu'en*
'^' ■ tièreiTient dépouillé. On alloit prendre sa
Bj,*J°jfjg capitale, lorsque la journée de Ramillies en
Rdmiiiies. Flandre dissipa les espérances des François,
Le maréchal de Villeroi , sorti de sa pri-
son , toujours sûr de l'amitié de Louis XIV ,
et trop confiant pour ne pas faire chs fau-
tes , commandoit une armée de quatre- vingt
mille hommes. Marlborough lui présente
la bataille. Il l'accepte , contre l'avis des
officiers généraux ; il s'obstine à suivre un
mauvais plan dont on lui montre le danger.
En moins d'une demi-heure , cette grande
armée est mise en déroute. Toute la Flan-
dre Espagnole subit la loi du vainqueur.
Rien ne prouve mieux la grandeur d'âme
du roi que la manière dont il reçut son gé-
néral. Point d'humeur , point de reproches.
Monsieur le maréchal ^ lui dit-il , on nest
pas heureux à notre âge. Mais sans doute
on eût été plus heureux sous un chef habile.
Alors le duc de Vendôme est rappelé
4'Italie, comme un général digne d'être
Louis XIV. ïpt'
opposé à Marlborouglî. Avant son départ , Siège der
il laisse avancer le prince Eugène qui ve-
noit au secours de Turin. Cette place étoit
assiégée par le duc de la Feuillade, gen-
dre du ministre , seigneur distingué par
son esprit , son courage , sa magnificence ,
mais plein de cette vivacité légère qu'on
reproche souvent aux François , et dont le
principal inconvénient est de ne pas assez
réfléchir sur les grandes entreprises. Malgré
les préparatifs immenses de Chamillard pour
Je succès de l'expédition , le siège de Turin
alioit fort lentement , parce que la Feuil-
lade s'y prenoit mal. Il avoit dédaigne les
offres du maréchal de Vauban , qui en bon
citoyen , s'étoit offert à'servir sous lui com-
me volontaire. Négliger par présomption
un pareil secours , c'est se rendre aux yeux
du public responsable des événemens.
Le roi envoya le duc d'Orléans son ne- Le duc
veu remplacer Vendôme en Italie. Ce prince joint Y"hi
n'ayant pu arrêter Eugène , se joint au duc feuillade.
de la Feuillade devant Turin. 11 propose
de marcher à l'ennemi , plutôt que de se
laisser attaquer dans des lignes trop diffi-
ciles à défendre. Le conseil de guerre con-
vient que c'est le parti le plus prudent com-
me le plus honorable. Malheureusement la
cour avoit décidé le contraire. Le maréchal
de Marsin montre un ordre secret qui em-
pêche de passer outre.
È^i Louis XIV,
. Déssttre Bientôt le pTince Eugène et le duc de|
F^anço?sï Savoie forcent les retranchemens. Soixante!
devant Tu- j^jjlg fj-ançois sont dispersés : cent qua-
rante pièces de canon , les provisions , le
bagage, la caisse militaire, tout reste au pou-
voir de l'ennemi : il s'empare du Milanès ,
du Piémont , du Mantouan et du royaume
de Naples. On a cru , on a écrit que la
Feuillade avoit promis à la duchesse, de
Bourgogne 5 fille de Victor-Arrédée , de
ne" pas prendre Turin. Ce conte hasardé
peut être mis au nombre de tant de bruits
populaires , que la malignité ou la crédu*
lité des hommes reçoit d'abord sans exa-
men, et qui se dissipent insensiblement com-
me les autres erreurs.
Affaires En Espagne , Philippe V étoit vivement
<r£sragiie p|-ess^ par Tarchiduc son compétiteur, ou plu-
tôt par les Anglois ennemis de la maison
de France. Il voulut reprendre Barcelone.
Le maréchal de Tessé , commandant sous
lui, ne réussit pas mieux qu'au siège de
Gibraltar. Ruvigni , François , devenu lord
Galway, fit proclam.er l'archiduc dans Ma-
Fidélitvî drid même ; mais la fidélité des Castillaîis
faûs?^^"^' ftit inébranlable. Plus on s'obstinoit à leur
. donner un roi malgré eux , plus ils s'effor-
cèrent de soutenir celui qu'ils avoient sou-
haité. Leur zple augmentoit à proportion cks
.obstacles. Louis XIV , quoique vaincu ,
leur envoya de nouveaux secours. Le ma-
réchal
Louis XIV. 293
tëchal de Berwick rétablit les affaires du roi ' " "■
d'Espagne , en gagnant la Bataille d'Aï- b^^^Ûc
manza, où Ton remarque avec surprise que d'Aiman-
ni Philippe V ni Tarchiduc ne parurent à la ' *
tête de leurs armées. Le duc d'Orléans prit
Lérida , dont le grand Condé avoit autrefois
levé le siège.
Jusqu'alors la France afFoiblie par tant Siège de
de revers n'étoit pas encore entamée. Le ■'^°"^*'"*
prince Eugène et le duc de Savoie y péné-
trèrent enfin. Toulon fut assiégé. La perte
de cette importante place auroit entraîné
celle de Marseille. Il étoit à craindre que
le Dauphiné et la Provence ne tombassent
au pouvoir des ennemis. Les maladies , la
rareté des vivres , les efforts du maréchal
de Tessé firent échouer leur entreprise. La
Provence fut toujours l'écueil des Autri-
chiens , comme l'Italie celui des François.
Au milieu de ses malheurs , Louis con-
servoit cette élévation de caractère , qui '7°^-
Favoit porté aux plus grandes choses. Atta- roi ^'^d >ns
que de toutes parts , il fit encore en faveur ^^^ '^^^^"*
du fils de Jacques II ce qu'il avoit fait
pour le père : il entreprit de le remettre sur
le trône. Le chevalier de Forbin devoir le
conduire en Ecosse ; un parti considérable
l'y attendoit pour se déclarer. Les Anglois
prévinrent ce soulèvement , et l'entreprise
n'eut aucun succès. Forbin sauva la flotte ,
quoique ks ennemis couvrissent la mer de
Tome ni. N
294 Louis XIV.
leurs vaisseaux. Mais on essuya de nouveaux
désastres sur terre.
Le duc de Le duc de Bourgogne ëtoit dans les
*°Vendô*. Pays-bas, à la tête d'environ cent mille
îne dans hommes , et Vendôme commandoit sous
baj, lui. On les regardoit comme la dernière
ressource de l'état. En agissant de concert
avec des forces supérieures , ils pouvoient
effacer la honte des précédentes défaites,
La mésintelligence qui se mit entre eux ,
leur fut aussi funeste que l'union qui régnoit
entre Marlborougli et le prince Eugène.
Vendôme ne plaisoit point au conseil du
duc de Bourgogne. Ses avis étoient négli-
gés. On se contrarioit au lieu de s'entendre;
on fit des fautes dont les ennemis profitè-
pn perd rent. Ils assiégèrent Lille devant une armée
^^"** si formidable ; et malgré la belle défense
du maréchal de Boufflers , ils furent maîtres
de la place après quatre mois de siège.
On raconte qu'un courtisan du duc de
Reproche Bourgogne dit un jour à Vendôme : voilà
dôml^^""<^^ f"^ <^^^^ ^^ n aller jamais à la messe ;
aussi vous voye^ quelles sont nos disgrâ-
ces ; et que ce général répondit : croyei^
vous que Marlborough y aille plus sou-
vent que moi ? Vendôme auroit dû sans
doute imiter la religion du prince ; mais
ceux qui cherchent dans la conduite des
hommes une cause naturelle des événemens ,
Louis XIV. 195
jugent bien que la division des chefs sufîi-
soit pour produire ces disgrâces. En adorant
Li providence , il faut raisonner sur le rapport
des causes secondes avec leurs effets. L'hom-
me le plus religieux doit-il s'attendre à réussir
par miracle , quand il prend des mesures
propres à le faire échouer ?
Déjà le royaume étoit ouvert aux enne- '■>
-mis. Un parti Hollandois s'avança jusqu'à '7°9*
--.,,* , > I Le roi
Versailles , et enleva un seigneur qu il crut denande;
être le dauphin. On manquoit d'argent pour ^'' ^^^^
payer les troupes , au lieu que le parlement
d'Angleterre avoit accordé à la reine plus
de sept maillions sterling. Le peuple se voyoit
en proie à l'avidité des traitans. Quelques
négocians hardis apportèrent du Pérou trente
millions , dont ils prêtèrent la moitié au
. roi. Ce fut une ressource précieuse ; mais
l'hiver de 1709 ayant ruiné toute, espérance
de récolte , la misère et la désolation furent
si grandes , que le roi envoya en Hollande
le marquis de Torci , son principal ministre ,
demander la paix.
Les ennemis enflés de leurs avantages , OHeuses
montrèrent plus de hauteur que Louis n'en i\'o^,^s^ aë$
avoit eu à leur égard dans le cours de ses ennemis*
prospérités. Ils exigoient non-seulement la
cession de l'Alsace et de plusieurs villes de
. Flandre , mais encore que Louis XIV se
joignit à eux pour détrôner Philippe V son
petit-fils. L'humanité devoit frémir à cette
N z
19^ Louis XIV".
jiTopos'iiion, Puisqu'il faut faire la guerre y
dit le roi, faime mieux la faire à mes
ennemis qu!à mes enfans, La nation , qui
murmuroit d'un fardeau presque intolérable ,
fut indignée comme lui de l'abaissement où
il se trouvoit réduit ^par l'infortune. Elle
redoubla ses efforts pour le seconder.
Bataille Tournai étoit pris et Mons menacé d'un
quet. siège. Villars passe en Flandre a la tête
d'environ quatre-vingt mille hommes. Bouf-
flers , plein de ce zèle patriotique dont les
exemples sont si rares et si glorieux ,avoit
demandé , quoique son ancien , à servir sous
lui. Eugène et Marlborough leur livrent ba-
taille près du village de Malplaquet. Depuis
iong-temps nulle journée n'avoit été plus
meurtrière. Les Hollandois sont taillés en
pièces ; mais Marlborough enfonce le centre
de l'armée ; Villars reçoit une blessure , et
la bataille est perdue. On compte près de
trente mille morts ou blessés , parmi les-
quels huit à neuf mille François seulement.
Nos soldats avoient manqué de pain un
jour entier ; ils venoient d'en recevoir quand
l'action commença , et ils en jetèrent une
partie pour courir se battre. Leur courage
fut admiré : la retraite que fit le maréchal
de Boufîîers ne le fut pas moins. Cependant
les ennemis , malgré leur perte , assiégèrent
Mons et le prirent; tant le nom seul de
bataille gagnée influe quelquefois dans les
Louis XIV. 297
succès d'une campagne. Tout dépend quel-
quefois de l'opinion.
L'épuisement de l'état et la misère des' ' ''^
peuples augmentèrent de plus en plus, et [^'^^'j
ce fut pour Louis XIV une cruelle néces- s'immiiie
site de s'humilier de nouveau devant lesvant les
vainqueurs. Il demanda la paix avec une^y^J'^j^
sorte de soumission , offrant de reconnoître
l'archiduc pour roi d'Espagne , et même
de donner de l'argent pour détrôner son
petit-fils. Pendant qu'on négocicit , les en-
nemis s'emparèrent de Douai , de Béthune,
d'Aire, de Saint- Venant. Leur inhumanité
croissoit avec leur fortune. Ils vouloient
absolument que lui seul , chassât d'Es-
pagne Philippe V. L'empereur Joseph ,
fils de Léopold , avoit déjà forcé le pape
Clément XI à reconnoître l'archiduc son
frère , malgré le penchant du pontife pour
la maison de France. La bataille de Sara-
gosse , gagnée par Stahrenberg , général
Autrichien , sembloit fixer la couronne d'Es-
pagne sur la têtQ de ce prince. Philippe
fuyoit loin de Madrid; le peu de troupes
qui lui festoient fut rappelé pour les besoins
de la France.
Alors le conseil d'Espagne demande à Vendôme
Louis XIV un seul homme , le duc de Ven- pagne.
dôme , qui n'étoit plus employé. La présence
de ce général produit une révolution. On
s'empresse à fournir de l'argent ; on accourt
29* Louis XIV.
se ranger sous ses drapeaux ,* les vainqueurs
reculent devant lui ; il les poursuit rapi-
dement ; il remporte une victoire complète
Bataille à Villaviciosa. Cette journée fiât aussi glo-
çfjj^^^^^^' rieuse que décisive pour Philippe , qui com-
battit à la tête de l'aile droite. On raconte
qu'après la bataille , n'y ayant point de lit
pour le monarque ; je vais , lui dit Ven-
dôme 5 vous faire donner le plus beau lit
sur lequel jamais roi ait couché. Il le fit
coucher sur les étendards de Tennemi.
Révolu, De petites intrigues de cour servirent
îr' miliTs" P^^s ^"^ ^^ grand événement à la conclusion
tère d'Aii-de la paix. La duchesse de Marlborough
jleterre. . * / i • a •
avoit gouverne la reme Anne avec empire ,
et n'avoit pas peu contribué à rendre le duc
maître du gouvernement. Trop de hauteur
et de caprice le rendit insupportable. La
reine changea de favorite , et bientôt après
de ministre. Marlborough perdit son crédit,
II s'obstinoit à continuer une guerre avan-
tageuse à sa fortune ; mais on cessa de
suivre ses vues ; on s'aperçut que l'intérêt
, Suspen- de la nation n'étoit pas de s'épuiser en fa-
sion d'ar- ,, . ^ , , * , ,
ânes avec veur d une puissance étrangère. La mort de
/lois. "' l'empereur Joseph dissipa toute incertitude.
L'archiduc son frère ( Charles VI ) étoit
son successeur. Vouloir encore lui procurer
la couronne d'Espagne, c'eût été vouloir
rétablir la maison d'Autriche dans son an-
cienne puissance^ La haine contre Louis
Louis XIV. 299
XIV ëtoit assez satisfaite. Pourquoi ne pas
soulager les peuples accablés de tant de
fléaux ? Ces considérations déterminèrent le
conseil de Londres. Une suspension d'armes
fut conclue entre la France et l'Angleterre ,
et Dunkerque remis aux Anglois pour sû-
reté des engagemens.
Cependant le prince Eugène faisoit en '
Flandre de nouveaux progrès. Il assiégea .17! ^'
y 1-T 11 1 • 1- bailleurs
Landreci. Les malheurs domestiques du roi domesti-
mettoient le comble à la désolation de ses Louis'xiv.
peuples. L^ dauphin Monseigneur étoit mort
depuis quelques mois : prince doux et sage ,
qai promettoit un gouvernement pacifique.
Le duc de Bourgogne son fils aîné , l'élève
de Fénélon , fait pour exercer sur le trône
toutes les vertus , et pour gouverner les
hommes en philosophe chrétien , mourut
aussi , âgé de trente ans. De deux fils qu'il
laissa , l'un le suivit de près dans le tombeau ;
le second , qui se nommoitle duc d'Anjou ,
(Louis XV) se trouva en danger de mort.
Louis XIV n'avoit été le plus heureux des
rois , que pour devenir en quelque sorte le
plus malheureux des hommes. Landreci ne Sa fer-
pouvoit soutenir un long siège : on délibéra "^^'^*
si le roi nes'éloigneroit point de la capitale.
Toujours ferme dans l'adversité , il dit :
« qu'en cas d'un nouveau malheur , il convo-
» queroit toute la noblesse de son royaume ,
» qu'il la conduiroit à l'ennemi malgré son
N4
3.0O Lotns XIV.
» âge de soixante et quatorze ans , et qu*il
» périroit à leur tête »,
Viiiars Le maréchal de Villars tira Louis et la
rTauce? France de cet extrême péril. Les lignes du
prince Eugène s'étendoient fort loin. Villars
feint de vouloir Tattaquer dans son camp de
Landreci , lui donne le change , et va forcer
les retranchemens du duc d'AIbermale à
Denain. La victoire est décidée lorsque Eu-
gène arrive. On le repousse ; on assiège
Marchiennes , le dépôt de ses magasins.
Cette ville est prise au bout de trois jours ^
Landreci délivré ; Douai , le Quesnoy ,
Bouchain enlevés a Tennemi ; quarante ba-
taillons faits prisonniers dans le cours de la
SoM carac- campagne. Ilfalloit préconiserVillars comme
jfos^e à ^^' le sauveur de la France; mais Tenvie se dé^
l'çavie. chaîna toujours contre lui , parce qu'il l'irri-
toit par une fierté trop voisine de l'orgueil.
En prenant un jour congé du roi , il lui
dit publiquement : Sire ,je vais combattre
les ennemis de votre majesté , et je vous
laisse au milieu des miens. Un mérite
supérieur ne peut manquer de se rendre jus-
tice à soi-même : rarement il l'obtient des
autres , lorsqu'il semble écraser avec dédaia
leur amour propre.
-■ La paix , si désirée et si nécessaire , fut
\7^y, le fruit des succès du maréchak On la signa
d'Uueciit. enfin à Utrecht. Philippe V renonça à ses
droits, sur la couronne, de France. Le duc
Louis XIV. Soi
Je Savoie eut la Sicile , avec le titre de
roi ; on kissa la Flandre Espagnole à Tem-
pereur ; on en livra plusieurs villes aux
Hollandois ^ pour leur servir de barrière ^
mais sans qu'ils en eussent le domaine ;,
l'Angleterre garda Gibraltar et l'île de Mi-
norque ; on lui céda Terre-neuve , TAcadie
et la baie de Hudson en Amérique ; le roi
fut obligé à démolir et à combler k port de
Dunkerque , qui lui avoit coûté des som-
mes immenses ; il abandonna une partie de
ses anciennes conquêtes dans les Pays-bas ;
Lille 5 Aire , Béthune et Saint- Venant lui
furent rendus.
Charles VI ne voulut point entrer dans L'empew
cette négociation , et eut lieu de s en re- tinue la.
pentir. Villars pass^ vers le Rhin , reprit ^^'^'^®*^
Landau dont ks ennemis s'étoient emparés ,
força leurs lignes dans le Brisgau, se rendit
maître de Fribourg. Ces exploits produi-= - ■ •
sirent le même avantage que k victoire de jraj^éje
Denain. La cour de Vienne se hâta de faire Radstadi^
la paix. Le maréchal en régla les conditions
à Radstadt avec le prince Eugène. (ï)^^
tout ce que la France avoit offert , Stras-
bourg, l'Alsace, etc», l'empereur n'eut riea
(i) Un des premiers discours que le maréchal
lint au prince Eugène fut celui-ci : Monsieur ^
nous ne sommes point ennemis ^ vos ennemis sont ùi
VUrme , #/ Us miens à Versailles. ( Voltaire. J
joi Louis XIV.
pour avoir voulu trop avoir. Il fut obligé
de rétablir les électeurs de Bavière et de
Cologne , dépouillés de leurs états. Naples
et la Sardaigne lui restèrent, démembremens
de la monarchie d'Espagne.
Résultat Telle fut la fin de cette guerre malheu-
Eueïfe!^ rtuse , qui avoit réduit Louis XIV aux der-
nières extrémités , et qui sembloit devoir
lui enlever plusieurs provinces , dépouiller
son petit-fils de la succession pour laquelle
on avoit embrasé l'Europe. La France per-
dit seulement quelques-unes de ses conquê-
tes ; Philippe V demeura paisible possesseur
de l'Espagne et des plus riches contrées de
L« Cata- l'Amérique. Les Catalans refusèrent d'abord
Ihfite à^iâ l'obéissance à leur roi , et poussèrent la ré-
llQ^^^' volte jusqu'à des excès inouïs ; mais le ma-
réchal de Berwick les dompta. Barcelone
se rendit à discrétion y après soixante et un
îours de tranchée ouverte. Cette furieuse
résistance fut en partie l'ouvrage du fana-
tisme. Les ecclésiastiques et les religieux
échauffoient le peuple par leurs exemples
autant que par leurs discours. On prétend
qu'il en mourut plus de cinq cents les armes
à la main.
Edit en L'amour paternel inspira au roi de déclarer
faveur des ^ > .. ,* * j T ^ j
grinces lé- héritiers de sa couronne, au défaut des
giùmis, princes du sang , le duc du Maine et le
comte de Toulouse , ses fils naturels légi-
timés. Leur état devoit être égal en tout à
Louis XIV. So3
celui des princes du sang. L'édlt fait à cette
occasion fut enregistré sans obstacle. Louis
XV l'a révoqué depuis , en laissant toute-
fois aux enfans légitimés les honneurs dont
ils jouissoient. La mort du roi devoit être •Testa-
suivie d une mmonte. 11 établit par son tQS' roi.
tament un conseil de régence , dont le duc
d'Orléans seroit le chef. Je l'ai fait , dit-il
à une princesse , parce qu'ils Vont voulu;
car du reste , il en sera de ce testament
comme de celui de mon père : quand
f aurai les yeux fermés , on n'y aura aucun
égard. En effcit le titre de régent fut déféré
sans restriction au duc d'Orléans.
Louis XIV mourant soutint la fermeté "^ ■
de son caractère. Les sentimens de religion ]J^l'l^
dont il étoit pénétré lui donnoient une nou-roi.
velle force. Pourquoi pleurez-vous , dit-il
à ses domestiques ? l^' est-il pas temps que
je finisse ? Vous avei dû depuis long-
temps vous préparera me perdre, M'avei-
vous cru immortel ? Il se fit apporter le
dauphin son arrière-petit-fils , et le tenant
entre ses bras ; il lui adressa ces paroles mé-
morables : Mon enfant , vous all€\ être
bientôt roi d'un grand royaume. Ce que
je vous recommande plus fortement est
de n oublier jamais les obligations que
vous ave[ à Dieu, Souvenei-vous que
vous lui devei tout ce que vous êtes.
Tâche\ de conserver la paix avec vos
N 6
504 Louis XIV.
voisins, Tai trop aimé la guerre ; nt
niimite\ pas en cela , non plus que dans
les trop grandes dépenses que j'ai faites,.
FrcneT^ conseil en toutes choses , et cher-
che i à connoîlre le meilleur pour le suivre
toujours, Soulage\ y.os peuples le plutôt
que vous pourrez , et faites ce que j'ai
^u le malheur de ne pouvoir faire moi*
même, l\ expira le i septembre 1716,
âge de soixante et dix-sept ans ; il en avoit
tégiié soixante et cloute..
taritYs^sur ^^ justifions point la mémoire de Louîs:.
3.ouisxiV. XIV sur les reproches qu'il se fit à lui-même ,
dans Aqs leçons q^u'ii laissa au jeune roi soa
successeur. Trop de passion pour la guerre,^
trop de penchant au despotisme , trop de.
hauteur à Fégard de ses voisins , trop de
goût pour les dépenses fastueuses et super-
flues ; une certaine vanité dans sa conduite^
entretenue par hs louanges excessives des
flatteurs : sans cçs défauts , dont une meiU
ieure éducation Tauroit peut-é*tre garanti ^
quels services n'eut-il pas rendu au genre
humain , puisqu'ils ne l'empêchèrent pas de.-
feire tant de choses également utiles et ad-
mirables ? Les poètes , ks orateurs de soa
temps l'ont en quelque sorte déifié. En ra-
battant de leurs éloges tout ce qu'une rigide,
philosophie peut trouver digne de blâme 3^
Louis XIV. joî
on verra encore clans Louis XIV le grand
homme et le grand roi.
Sa vie privée fut un modèle de décence. Sa vit-
Il eut le foible d'une infinité de héros sé-^"^""*^
duits par les charmes du plaisir ; mais il
honora toujours la reine , et quand il apprit
sa mort en 1684, voiL) , dir-il , le pre-
mier chagrin quelle m'hait jamais donnée
Il tempéroit par une politesse aimable la
majesté de sa personne , attentif aux bien-
séances , et connoissant mieux qu'aucua
autre prince l'art d'enchanter les cœurs par
un mot placé à propos.. La duchesse de
Bourgogne , encore très-jeune ,. plaisantant
un jour à souper sur la laideur d'un officier
qui éioit présent : je le trouve ^ madame y
lui dit le roi > un des plus beaux hommes
de mon royaume ; car cest un des plus
braves. Son éducation avoit été fort né- Ec^ncatio»
|. , T, . . ,v 1 ae ses eiw
gugee. 11 en sentit mieux 1 importance de fans,
veiller à celle de ses enfans. Des hommes
vraiment illustres par leurs vertus , par leurs
tal'ens et leur doctrine, un Montausier , ua
Beauvilliers , un Bossuet , un Huet , un Fé-
nélon furent chargés de ce précieux dépôt.
Jamais choix neméritaplus d'être applaudi.
II arrivera peut-être un jour que les princes,
élevés avec moins de faste et de mollesse ,.
accoutumés à voir les hommes plutôt qu'à,
être encensés par les courtisans , exercés au
travail q^u'impose la souveraineté plus que:-
So6 Louis XIV.
tous les autres états de la vie, feront dès
Tenfance le pénible apprentissage de leurs
devoirs. Il étoit presque impossible qu'un
Henri IV sortît de la cour voluptueuse de
Louis XIV. Cependant le duc de Bour-
gogne mérita d'être cité pour modèle à tous
les princes ; tant les leçons de la sagesse peu»
vent triompher des attraits du vice!
Madame Madame de Maintenon , femme pleine
de Main- j, -^ ^ i ' -^ 1/ a t -^^ixr
teiiou. d esprit et de mente, dégoûta Louis XI V
de la galanterie , et sut tellement se rendre
maîtresse de son cœur , qu'il Tépousa se-
crètement en 1686. La dévotion qu'elle lui
avoit inspirée servit à sa fortune ; mais son
désintéressement , soit pour elle - même ,
soit pour sa famille , ne se démentit point
dans une place où elle pouvoit disposer de
tout. Le roi lui donna très-peu , parce qu'elle
ne voulut pas davantage. L'ennui quiladé-
voroit doit apprendre à connoître les chi-
mères de l'ambition. Ne voye^-vous pas ,
ëcrivoit-elle à une amie, çue /e meurs de
tristesse dans une fortune qu on aurait eu
peine à imaginer}
Etablis- Elle eut beaucoup de part à la fondation
semensuti-jg Saint - Cyr , pour l'éducation de deux
cents cinquante filles nobles. Cet établisse-
ment et celui des Invalides , où quatre mille
soldats sont récompensés de leurs services
et consolés de leurs blessures , font plus
d'honneur à Louis XIV que ce magnifique
Louis XIV. So/
château de Versailles où il dépensai tant de
millions. L'utilité publique met le prix aux
choses. Tout se perfectionna en France. On
vit naître les plus belles manufactures. Le Commeiv
commerce , qui enrichit les états , devmt un culture.
des principaux objets de la politique. L'a-
griculture , plus essentielle encore , fut moins
protégée ; et c'est en quoi l'administration
de Sulli paroît préférable à celle de Colbert.
Si Louis XIV laissa deux milliards six Finance*
cents millions de dettes , ( à vingt-huit li- ^^'^"^®***
vres le marc , ) au lieu que Henri IV laissa
un trésor dans l'épargne ; s'il fut obligé
d'avoir recours aux traitans , que Henri IV
avoit heureusement écartés ; c'étoit une suite
presque inévitable des prodigieuses dépenses
de la cour , ainsi que des malheurs de la
guerre. La capitation établie en 1696 , le
dixième imposé en 1710, plusieurs taxes
onéreuses, l'altération des monnoies ( 1 ), l'in-
vention d'une multitude d'expédiens bizarres
pour amasser de l'argent , ( tel que celui de
vendre la noblesse deux mille écus , ea
1 696 ; ) tout cela répandit dans le royaume y
sur la fin de ce règne , un mécontentement
( i )Colbert avoit trouvé la valeur numéraire du
marc d'argent à 16 francs , et ne l'avoir poussée
qu*à 27 et à 28. Dans les dernières années de ce
fègne,lemarc fut à 40 francs. Toucher aux nion-*
noies a toujours été une resstjurçe ruijieuse..
So8 Lours XIV.
universel. Plus d'économie auroit épargna
bien des maux à la nation , et au roi le
chagria terrible de perdre Tailectioa de ses
sujets.
Commer- Les matières d'administration politique
îuisîb"e\* excitent trop la curiosité, pour que je sup-
tiiîï'^"'" prime tout détail. Les riches manufactures:
en tout genre , multipliées par Colbert , sont
regardées comme une des plus grandes sour-
ces de richesse. Cependant Sulli rraimoit
point les manufactures de soie. On l'en a
souvent blâmé.. « Mais ceux qui savent ^
» dit M. Thomas , que le luxe dts soies.
» a parmi nous fait tomber les laines ; que
» l'avilissement des laines a porté sur le
» nombre des troupeaux ,• que la diminu-
» tion des troupeaux a altéré une des sources
» de la fécondité : ceux qui savent que l'a-
^ grieulture en France ne rend aujourd'hui
î» qu'un sixième de ce q-u'elle rendoit alors y
» et que pour gagner quelques millions à
^ fabriquer et vendre de belles étoffes^
» nous avons perdu des milliards sur le
» produit de nos terres ; ceux enfin qui
» ont calculé que deux millions, de culti-
» vateurs peuvent faire naître un milliard
» de productions , au Heu que trois millions;
» d'artistes ne produiront à l'état que sept
» cent millions en marchandises de main-
» d'œuvre ; ceux-là sans doute ne seront
» pas, si prompts, à condamner un grand
Louis XIV. 809
» homme ». II est très-difficile de fixer le
point où la politique doit s'arrêter par rap-
port au commerce de luxe ; mais il est
certain que les productions de la terre fai-
sant la véritable richesse d*un pays fertile ,
tout ce qui intéresse l'agriculture mérite sur-
tout l'attention du gouvernement.
Colbert réduisit l'intérêt de l'argent au Intérêt cTe
denier vingt; SuUi l'avoit réduit du denier J^u'iti'pil.^
dix et douze au denier seize ; et Richelieu , l^^^^^] .^^!
du denier seize au dix-huit. Le nombre des nancej..
offices s'étoit si prodigieusement augmenté ^
que l'on en compta quarante-cinq mille sept
centsquatrc-vingt eni764. Colbertdiminua
cet abus , éejalement nuisible au prince et
au peuple. Sulli avoit commencé la réforme.
Une de ses maximes étoit , que la mu/n-^
plicité effrénée des offices est la marque
assurée de la décadence prochaine d'un
état» Depuis Colbert , on n'a pas laissé de
les rendre plus nombreux qu'auparavant»
Sous ce ministre, les revenus ordinaires Dépense»
de la couronne ne montoient qu'à cent dix- gne,
sept millions, à ly ou 28 hvres le marc
d'argent. Pendant la guerre de 1672, il
flit obligé de faire pour quatre cents millions
d'affaires extraordinaires en six années. C'est
une preuve de ce que dit M. de Voltaire
avec trop de raison ; la guerre , aii bout
de quelques années , rend le vainqueur
presque aussi malheureux que le vainca^ .
3to Louis XIV.
Selon cet historien , Louis XIV , dans son
règne , dépensa dix-huit milliards ; en 1709,
il fut obligé de remettre aux peuples neuf
millions de tailles , les vivres de l'armée
coûtèrent quarante-cinq millions , et le roi
n'en tira pas quarante-neuf de son revenu
ordinaire. Aussi l'état se trouvoit-il ruiné à
sa mort.
Principe Un de ses principes de eouvernement
de gouver- /^ • » \ ■ • > i rr • t
iiemeiit. ^toit qu apres avoir examine les affaires , il
faut prendre soi-même un parti , et le suivre
avec fermeté. On lit dans un écrit de sa
main : les fautes que j*ai faites et qui
ni ont donné- des peines infinies ^ ont été
par complaisance et pour me laisser aller
trop nonchalamment aux ayjs des autres.
Rien n^est si dangereux que la faiblesse y
de quelque nature qiHelle soit.
Triste ex- Dans Its commencemens , il voulut e;oû-
du roi. ter ïqs douceurs de 1 amitie ; mais il m de
mauvais choix. Tai cherché des amis ,
disoit-il, et je n*ai trouvé que des in*
trigans. Il disoit aussi : toutes les fois que
je donne une place vacante , je fais cent
mécontens et un ingrat. Ceux qui envient
le sort des grands , n'ont besoin que de ré-
fléchir sur ces paroles.
Réformes Les lois furent considérablement réfor-
mées ; les Séguier , les Lamoignon , \qs
Talon , les Bignon , les Pussort , y travaillé*
rent dès l'an 1 667 ; mais la chicane subsiste
Louis XIV. 3ir
iw.*jours , et ne sera extirpée que par un
chef-d'œuvre de législation. La sévérité du
roi réprima en grande partie la fureur des
duels ; la raison achèvera peut-être de Tétein-
dre. Les uniformes des régimens , Tusage de
la baïonnette , rétablissement des grenadiers,
les écoles d'artillerie , le corps des ingé-
nieurs , les exercices réglés des troupes ,
l'institution de Tordre de S. Louis, contri-
buèrent beaucoup à perfectionner l'art mi-
litaire, cet art également funeste et utile,
qui fait quelquefois la sûreté des états , et
t.Hijours le fléau du genre humain.
Nous avons vu la naissance , le progrès Marin*,
et la chute de la marine. L'expérience n'a
que trop prouvé combien il étoit essentiel
de la rétablir. C'est ce que pouvoit et ce
qu'auroit dû faire le cardinal de Fleuri dans
un ministère paisible. Sqs vues ne s'étendi-
rent pas si loin. Avec des ports admirables
sur les deux mers , avec des avantages pour
la navigation que nulle puissance maritime
ne peut avoir au même degré , la France
s'est trouvée hors d'état de défendre son
commerce et ses colonies. Le malheur a
servi du moins à l'instruire sur ses intérêts.
Ce qui immortalise principalement Louis , Progrèt
■VTTT- » lï ' n • XII des lettres
AlV , c est ietat tiorissant ou les lettres et et des
les sciences parvinrent sous son règne et'*^'^"^***
par sa protection. Tous les talens se dé-
veloppèrent ; on vit naître des chefs d'œuvre
312 Louis XIV.
en tout genre , et le siècle d'Auguste parut
se renouveler. Corneille , Racine et Molière
éclipsèrent la gloire du théâtre Grec ; la
- Fontaine surpassa tous les modèles d'une
' élégante naïveté ; Despréaux donna les ré-
gies et l'exemple du bon goût ; la sublime
éloquence bnlla dans Bossuet; Bourdaloue
réunit la force du raisonnement à la pro-
fondeur des vérités évangéliques ; Fénélon ,
par les charmes de son style , rendit ai-
mables les leçons austères de la morale.
La langue Françoise , jusqu'alors informe
et grossière , acquit bientôt sa perfection..
Une foule de bons écrivains l'employèrent
sur les objets mêmes dont les savans sem-
bloient se réserver la connoissance. Chacuîî
lisant leurs ouvrages ^ le corps de la nation
s'éclaira. Trois académies littéraires rassem-
blèrent dans Paris les génies nés pour per-
fectionner le goût et pour reculer les bornes
de nos connoissances» Alors l'état d'homme
de lettres , quand il ne fut point avili par
un honteux abus des talens , devint d'autant
plus respectable qu'il servoit davantage à la
gloire et au bonheur de la société. La lumière
et la politesse se répandirent jusqu'au fond
des provinces , quoique le pédantisme régnât
encore dans les écoles,
robstàçiet Sans Varrét burUsqiu de Despréaux , le
sopMel^ °' parlement , trompé par de faux rapports ^
allait renouveler ladéfense d'enseigner une au-
Louis XIV. 3i3
tre philosophie que celle des Péripatéticiens.
Tel est fempire des préjugés anciennement
établis ; Tamour propre , Tintérét , la foi-
blessé , les changent en principes ; et la
crainte de la nouveauté , poussée au-delà
des bornes , les fait prévaloir sur des vérités
utiles que le temps n'a pas encore mises à
répreuve. Mais dès que la carrière est ou-
verte aux bonnes études, les progrès de
la philosophie suivent nécessairement ceux
du goût, La France, après avoir eu d'ex-
cellens poètes , a produit d*excellens philo-
sophes. Fontenelle fut un des premiers et
des plus illustres. Son exemple lui a suscité
des émules qui l'ont surpassé.
Tandis que les gens de lettres cultivoient Quiétis*
paisiblement leur raison , les querelles théo-
logiques troublèrent l'état. Celle du .Quié-
tisme , occasionnée par les extravagances
mystiques d'une dévote nommée madame
Guyon , causa la disgrâce du célèbre ar-
chevêque de Cambrai. La piété de Fénélon Fénéloii
s'égara dans un faux système de spiritualité. etBossuet,
En croyant rectifier les rêveries de cette
femme sur le pur amour de Dieu , il donna
prise à la censure. L'évéque de Meaux,
dont il avoit été le disciple, jaloux peut-
être de sa réputation , ( car les grands hom-
mes ont leurs foiblesses , et la passion parut
se mùkv au zèle , ) Bossuet , dis-je , le
dénonça au roi comme un novateur. L'affaire
3i4 Louis XîV.
fut portée à Rome. On y condamna les
Maximes des Saints de Tarchevêque. Loia
de se défendre après le jugement , comme
il avoit fait au commencement de la dispute ,
il se fit admirer par une soumission humble
et sans réserve : il n'hésita point à se con-
damner lui-même. Retiré dans son diocèse
et regretté à la cour , surtout de son digne
élève , il se délassoit des fonctions épis-
copaîes par les travaux de la littérature.
Tant qu'il y aura du goût et de l'humanité
parmj les hommes , l'auteur de Télémaquc
sera cité comme un des plus grands maîtres
dans l'art d'écrire , et dans celui d'inspirer
l'amour de la vertu,
îaiisénis- Si les théologiens en général avoient eu
^*' la noble docilité de Fénélon , le Jansénisme
seroit depuis long-temps oublié. Cinq pro-
^^ positions , tirées d'un gros livre latin de
Jansénius , év(2que d'Ipres , sur la Grâce ,
et condamnées par Innocent X en 1663 ,
allumèrent dans 1 église de France cette
guerre malheureuse qui a causé tant de scan-
dales. Ils'agissoit d'un mystère que la raison
ne peut éclaircir ni concevoir. L'esprit de
contention en avoit plus de jeu dans l'obs-
LesJésui.curité. Les jésuites, zélés défenseurs du dé-
ses^a vec '" c^^^ de Rome et de leur science moyenne y
Port-ro- trouvèrent des adversaires aussi redoutables
par le talent de bien écrire en François , que
par l'étendue de leur doctrine. Le fameux
Louis XIV. Si5
Arnaud , génie profond , ardentet inflexible , "^
décria leurs casuistes avec sa véhémence
x)rdinaire (i). Le ridicule piquant que Pascal
jeta sur eux dans les Lettres Provinciales ,
fit une impression qui ne s'est point effacée.
On prit des tempéramens pour appaiser _Formu-
la querelle. Les écrivains de Port-royal etfaitdeJau-
leurs partisans rejetèrent les cinq proposi- "■''""^*
tiens , sans vouloir convenir qu'elles tussent
dans Jansénius. Ce point de fait , quoi
qu'indifférent au premier coup-d'œil , ra-
nima les animosités et la discorde. Il fallut ,
signer le formulaire de Rome où le fait
ëtoit formellement énoncé. Ceux qui se
roidirent furent traités comme coupables.
En vain les religieuses de Port-royal pro-
testèrent que , n'entendant pas le latin ,
elles ne pouvoient signer que Jansénius eut
mis dans son livre la doctrine que Ton con-
damnoit. Leur obstination irrita Louis XIV
dirigé par le fameux P. de la Chaise. Il fit
(i) Depuis qu'on avoit subtilisé sur la morale ,
réduit en question les devoirs , calculé arbitrai-
rement les degrés de péché, tiré de même la
ligne de séparation entre le mortel et le véniel ,
substitué enfin les opinions d'un écrivain aux ora-
cles de la conscience et de l'évangile , une foule
de casuistes avoient enseigné dei extravagances
monstrueuses. De célèbres jésuites , étrangers pour
la plupart , s'étoient signalés dans cette carrière:
leur probabilisme seul ouvroit un vaste champ
à la censure.
3i5 Louis XIV.
enlever, disperser les religieuses ; il fit ra-seî
leur maison.
L«s ré- Le P. Quesnel , de l'Oratoire , avoit pu*-
'QuesneU ^^^^ ^^^ ^(fl^x^ons mora/es sur le Nouveau,
troJi»"'^"* Testament. Ce livre fournit matière à deï
nouveaux troubles. Le cardinal de Noailles ,
archevêque de Paris , moins distingué par
son rang que par ses qualités personnelles ,
s'étoit déclaré le protecteur d'un ouvrage
qu'il croyoit propre à inspirer ks vertus
chrétiennes. C'en fut. assez pour le perdre
lui-même à la cour. Le P. le Tellier , de-
venu confesseur du roi , dont le caractère
violent ne ménageoit rien , dont le crédit
pouvoit tout écraser, et que la feuille des
bénéfices rendoit en quelque sorte le maître
du clergé de France , se porta contre Ques-
nel , et contre ceux qu'il soupçonnoit de
jansénisme , à des excès qui attirèrent aux
jésuites une haine irréconciliable. Il inspira
ses sentimens à Louis XIV , affaibli par
l'âge , trop peu instruit pour prévoir qu'en
poussant à bout des esprits ardens et en-
têtés, on perpétueroit une dispute que la
prudence pouvoit assoupir.
Bulle Ce monarque demanda au pape Clément
4uT.° ' ' XI la condamnation de Quesnel. Cent et
une de ses propositions envoyées de France
furent censurées en 1718 par la fameuse
bulle Unigenùus. Quelques-unes qui pa-
roissoient exactes , ( celle-ci surtout, la
crainte
Louis XIV. S17
crainte d'une excommunication injuste
ne doit point empêcher de faire son de-
voir , ) devinrent le prétexte de mille ré-
clamations. Si l'auteur y avoit attaché un
mauvais sens , ses apologistes n'en vouloient
pas convenir ; et comment , disoit-on , s'as-
surer du sens de l'auteur? Louis ordonna
que la bulle fut acceptée. Quarante évcques
l'acceptèrent, en expliquant ce qu'on ju-
geoit avoir besoin d'explication. Mais le
cardinal de Noailles , d'autres évéques en
plus petit nombre , une multitude de parti-
culiers et de communautés s'élevèrent contre
la décision du pape , qu'ils regardoient
comme l'ouvrage des jésuites. Les lettres
de cachet , les manœuvres de le Tellier ,
envenimèrent les cœurs. Le roi finit dou-
loureusement ses jours au milieu de ces
tempêtes ecclésiastiques , qu'un autre siècle
auroit vu dégénérer en guerre civile.
Elles ont agité le royaume jusqu'à nos Fune^es
jours , malgré la modération d'un monarque ces quercl»
. ami de la paix , et attentif aux moyens de "*
la conserver. L'église gémit de la discorde,
les incrédules en triomphent ; les sages s'é-
tonnent que l'on se déchire par zèle , au
lieu de s'unir par l'esprit de charité : ils
croient qu'en disputant moins sur le dogme
et en pratiquant mieux la morale, on seroit
tout à la fois meilleur citoyen et meilleur
dirétien. Mais l'esprit de parti est toujours
Tome III. O
3î8 Louis XIV.
aveugle : l'objet qui l'enflamme lui dérobe
l'importance des autres objets , et peu lui
importe le suffrage des hommes modérés ,
pourvu qu'il soit applaudi de ces hommes
inquiets et turbulens , dont les éloges éphé*
mères sont démentis par le jugement du
public. La décence , la saine morale , les
lumières , qui caractérisent depuis un siècle
le clergé de France , font espérer des jours
plus sereins , où la religion resserrera les liens
de la société , que le fanatisme a si long-
temps rendue malheureuse.
Gratid On peut dire qu'il se forma sous Louis
change- XI V une nouvelle nation Françoise , fort
ment dans , . . , j, /
les mœurs, supérieure en plusieurs points a 1 ancienne,
t5on$! etc. Les mœurs , les coutumes , les goûts , les
opinions changèrent , et ce changement fut
commun à tous les états. Les grands , amollis
par le luxe , attachés au prince par intérêt
et par devoir , cessèrent d'être factieux ,
devinrent courtisans , et consacrèrent au
service de la couronne cette ambition qui
les rendoit autrefois si dangereux. La no-
blesse joignit au mérite de la bravoure celui
de la raison , de l'urbanité , de la dou-
ceur ; et ce qu'elle dut perdre par le raffi-
nement des plaisirs, fut compensé par la
culture des qualités sociales. Le clergé se-
coua le joug des préjugés contraires à l'indé-
pendance du souverain , et malgré quelques
restes d'anciens abus > trop difficiles à déra-
Louis XIV. jtj
ciner dans les corps , il rendit le ministère
ecclésiastique aussi respectable qu'on l'avoit
vu avIK auparavant. La robe tempera sa
gravité par les agrémens de la politesse :
d'illustres magistrats , un d'Aguesseau en
particulier , furent des modèles en tout
genre ; ornement de la société ; oracles de
la nation , dignes de réformer les lois , et
de porter au pied du trône la vérité salutaire
et le vœu des bons citoyens. Enfin les hon-
nétes gens de toute condition apprirent à
penser et à vivre ; le peuple acquit de l'in-
dustrie et des tilens , et dépouilla une partie
de sa rudesse en perdant son indocilité fou-
gueuse.
En un mot la France, même pour les La France
, 11 1 A 1 pertec-
etrangers , devint le centre du goût , des tiounce,
talens , de la société , et des plaisirs. Si l'on
y trouve des ridicules , des vices plus raffinés
qu'autrefois , plus de frivolité , de suffisance ,
de présomption , de caprices , de mollesse ,
de cupidité ; c'est une preuve que , même
en se perfectionnant , l'humanité peut se
corrompre, ou plutôt qu'incapable d'une
certaine perfection , elle conserve toujours
un fond vicieux, même en avançant dans
le chemin de la vérité et.de la vertu. Mais
que ne peuvent pas de bonnes lois , un bon
gouvernement , une éducation solide , une
vigilance particulière sur les mœurs, l'au-
torité en un mot jointe à la raison pour
O2
jao LOUIS XIV.
faire le bien et pour extirper le mal , dans
un état où le sentiment de l'honneur a tant
de force ; où l'exemple seul d'un roi sage
et vertueux est capable de produire la plus
heureuse révolution ?
IDEE GENERALE
DES PRINCIPAUX ÉVÉNEMENS
POLITIQUES
DU RÈGNE DE LOUIS XV.
Je n'entreprends pas d'écrire l'abrégé de
ce règne , qui fournira les matériaux les
plus intéressans de l'histoire. Il y a des faits
dont on ne peut juger avec certitude , qu'en
les voyant d'une certaine distance ; et des
matières délicates , sur lesquelles il paroîtroit
téméraire de porter un jugement particulier,
avant que celui du public soit bien arrêté et
bien connu. Bornons-nôus donc au précis
des principaux événemens politiques. Une
exposition simple fera connoître les vicissi-
tudes qu'a éprouvées le royaume, et sa
situation par rapport aux puissances de l'Eu-
rope.
Le duc d'Orléans , prince aimable , génie
Régence Supérieur , mais trop livré au plaisir et trop
5*briéans. amoureux de la nouveauté , eut la régence
' absolue par arrêt du parlement , malgré les
Louis XV. 321
dispositions de Louis XIV. Le cardinal
Albéroni gouvemoit l'Espagne sous Phi-
lippe V. Il vouloit reprendre la Sardaigne
et la Sicile , détachées de ce royaume
depuis le traité d'Utrecht ; il vouloit ren-
jrser le gouvernement d'Angleterre où
regnoit Georges I , successeur de la reine
Anne ; il vouloit enlever au duc d'Orléans
la régence pour la faire passer au roi d'Es-
pagne. Sqs projets aussi téméraires qu'am- ^^!^^^"^^^
bitieux firent armer la France contre ce pagne;
F, ., • / 1 r quadruple
rançois qu elle avoit établi avec alliance.
tant d'efforts. Le régent s'unit avec Geor-
ges , avec l'empereur Charles VI, avec I.1
Hollande. Les Espagnols s'étoient emparés
de la Sardaigne et d'une grande partie de
la Sicile. Battus par une flotte Angloise ,
ils perdirent bientôt leurs conquêtes. La
Sicile où régnoit le duc de Savoie fut donnée
à l'empereur ; et la Sardaigne donnée ea
échange au duc de Savoie. On obligea
Philippe V de renvoyer son ministre. La
guerre, commencée en lyiS^ finit de la
sorte en 1720. Heureux les peuples, s'il
n'y en avoit jamais de plus longue I
Dans le même temps , un fléau inconnu Système
jusqu'alors , le fameux système , ravagea la "ource^^è
France. Ce fut le fruit de l'avidité de Jean"^a"ieurs.
Law (vulgairement Lass) Ecossois , qui
pour s'enrichir lui-même, avoit proposé
d'établir une compagaie pour payer les
03
311 Louis XV.
dettes de Tetat en billets. Le régent se laissa
éblouir par ce projet spécieux. En 1 7 1 6 ,
Lav eut une banque en son propre nom ,
qu'on déclara banque du roi en 17 18. Le
commerce du Mississipi , du Sénégal et des
Indes devint la base du système ; la comr
pagnie devoit acquitter sur ses profits la
Fureur de dette nationale. Bientôt la fureur des ri-
a»'otage. çjjgjjgj produisit un vertige universel. On
changeoit à Tenvi l'argent en papier ; les
actions haussoient , se mukiplioient prodi-
gieusement; elles valurent en 1719 ,selon
M. de Voltaire , quatre-vingt fois tout l'ar-
gent que la circulation pouvoit répandre
dans le royaume ; un édit inconcevable dé-
fendoit d'avoir chez soi plus de cinq cents
francs d'argent comptant ; enfin les créan-
ciers de l'état furent remboursés en billets.
Le crédit tombe tout-à-coup ; les fonds de
la banque s'épuisent , l'argent disparoît , il
ne reste qu'un vain papier,
Bouiever- Ce ne fut alors que bouleversement dans
iortuues. l^s fortunes. Une infinité de familles ruinées
sans ressource , quelques particuliers horri-
blement enrichis, la défiance et les soup-
çons répandus partout 5 l'avarice et le luxe
portés aux derniers excès , Law obligé de
s'enfuir en 1720, après avoir été fait mi-
nistre des finances et emportant les malé-
dictions de tout le royaume ; voilà ce que
produisit un système pernicieux , qui la même
Louis XV; )2y
année 1720 fut imité en Angleterre avec
le même succès.
La majorité du roi mettant fin à la ré-" •"*
gence, le régent prit le ntre de premier U^,}'^^
ministre , et mourut bientôt après. Le duc régent. Le
de Bourbon-Condé , son successeur dans le de Fleuri.
ministère , se vit aussitôt supplanté par le
cardinal de Fleuri , dont la modération et
l'économie mériteroient beaucoup plus d'é-
loges , s'il y avoit joint une politique plus
prévoyante et plus courageuse. Fixé à la
cour en qualité de précepteur du roi , il
Vétoit ouvert par ses qualités aimables Je
chemin du ministère. II y parvint en
1726 , à l'âge de soixante - treize ans;
jusqu'à sa mort en 1748 , il conserva
toute son autorité , toute sa tétQ , et réussit
presqu'en tout. Exemple de bonheur peut-
^tre unique dans les prerpières places de
Tétat. La France épuisée avoit besoin d'un
ministère sage et paisible. Elle répara bientôt
ses pertcS ; elle s'enrichit à la faveur d'une
longue paix.
Cette paix, dont les fruits étoient pré- .Double
cieux , fut troublée par 1 élection d un roi d'un roi de
de Pologne. Stanislas Leczinski , que Charle$/'°^°^"*'
XU avoit déjà fait élire en 1704 , et que
le Czar Pierre avoit détrôné, élu de nou-
veau (en 1733 ) après la mort d'Auguste
II , ne put jouir de la couronne , quoique
soutenu par Louis XV son gendre. L'em-
04
324 Louis XV.
pereur Charles VI agit efficacement pour
l'électeur de Saxe , fils du dernier roi de
Le roi Sts- Pologne^ Le parti le moins nombreux l'em-
nislas sans 1 \ t • 1 •
royaume, porta dans ce pays ou de mauvaise! lois
ne servent qu'à perpétuer Panarchie et à
rendre tout incertain. La Russie , presque
inconnue avant le règne de Pierre le Grand ,
et devenue par lui seul une puissance res-
pectable , étoit jointe avec l'empereur contre
le roi Stanislas ; le cardinal de Fleuri n'en-
voya qu'un foible secours de quinze à dix-
huit cents hommes. Stanislas se sauva de
Dantzick déguisé , et pensa tomber plusieurs
fois entre les mains des Russes qui avoient
mis sa tête à prix.
Guerre de Q^ résolut de venger cet affront sur
17Î4 con- • i»r^ 1 r
tre l'empe- 1 empereur. Les rois d lispagne et de Sar-
^^^'^' daigne s'unirent à la France. Philippe V
avoit déjà établi en Italie Don Carlos son
fils , né d'Elisabeth Farnese sa seconde
femme; il avoit engagé Charles VI à lui
donner l'investiture de Parme , de Plai-
sance , du grand duché de Toscane , dont
la succession n'étoit pas ouverte , et il vou-
loit lui procurer un établissement plus consi-
dérable. Charles Emmanuel,roi de Sardaigne,
successeur de son père Victor - Amédée ,
(qui en 1780 avoit abdiqué la couronne
et s'en étoit inutilement repenti , ) espéroit
agrandir ses états aux dépens de la maison
d'Autriche , et ki enlever le Milanès , objet
Louis XV. 325
de tant de prétentions opposées. La n)odé-
ration du ministère de France étoit si connue,
que rAiiglvterre et ia Hollande consentirent
à ne point se mêler de cette guerre.
Elle SQ fit avec le plus grand succès en *'" * ■
Italie. Le maréchal de VilLirs y finit k S2 *734'
., , j\ii 1 Campugne
ans sa carrière par la prise de Milan, de décisive
Tortone , de Novare , etc. ; le maréchal^'* ^^*^^^
de Cnrgni gagna les batailles de Parme et
de Guastalla ; la bataille de Bitonto , gagnée
par le duc de Montemar , mit don Carlo§
en possession des deux Siciles. La seule
campagne de 1734 enleva à Tempereiir
presque tous ses états d'Italie ; suite étrange
de l'élection d'un roi de Pologne. Telle est
la chaîne invisible des événemens de ce
monde. . ,
La France souhaitoit la paix et en régla =*===
les conditions. On siena les articles préli- J!73?-
. . , ..^ ^ . ' Traire de
minaires en 173D; il y eut une suspension Vietuie.
d'armes; cependant le traité ne fut conclu
qu'en 1788. Ce traité de Vienne donne
Naples et la Sicile à don Carlos , le No-
varois , le ToYtonois , les hets à^s Langhes
au roi de Sardaigne , à qui l'on avoit promis
tout le Milanès , l'expectative de la Toscane
au duc de Lorraine , gendre de l'empereur ;
au roi Stanislas , le Barrois et la Lorraine , Acquîsf-
A^ / • > ^ V 1 tion de la
,pour être reunis après sa mort a Ja cou- Lorraine
ronne de Frr.nce. A'ps: ^ pour la féconde
:gc des ^ '
'06
3i6 Louis XV.
quoique le dernier grand duc de cette maison
vécût encore. C'est que la Toscane étoit
regardée comme un fief de l'empire. Parme
et Plaisance furent cédés à l'empereur en
propriété. Le pape s'en prétendoit toujours
suzerain ^ et avoit même reçu l'hommage
du dernier duc de Parme ; tant le droit
bizarre des fiefs a jeté de confusion dans
le système politique de l'Europe. L'acqui-
sition de la Lorraine fut un de ces heureux
événemens , où la fortune conduit sans que
la prudence paroisse lui avoir préparé le»
voies.
* ■ j Peu de temps après ^ arrive la mort de
1740» Charles VI , dernier prince de la maison
l'empel ^ d'Autriche. Pour assurer sa succession in-
IcsV?^^' divisible à sa fille Marie-Thérèse épouse du
grand-duc, il avoit fait une pragmatique
cimentée par la garantie de la plupart des
puissances. Mais outre que ses mesures
ëtoient mal prises, pouvoit-on croire que
les princes exclus d'un héritage sur lequel
ils avoient des prétentions , respecteroient
une loi qu'ils regardoient comme injuste ?
Préten- Charles- Albert , électeur de Bavière > Au-
«uccest * guste III , roi de Pologne , électeur de Saxe ,
>»«^«' le roi d'Espagne Philippe V , se croyoient
fondés à réclamer la succession en tout ou
en partie ; et si le roi de France eût été
ambitieux , il ne manquoit pas de titres à
alléguer pour lui-même, descendant de la
Louis XV. 327
branche aînée d'Autriche par les femmes
de ses prédécesseurs. Mane-Thérèse se mit
d'abord en possession de tous les états de
son père , sans qu'aucune puissance remuât.
Les Hongrois en particulier , jusqu'alors im-
patiens du joug d'Autriche , lui marquèrent
le plus grand attachement, parce qu'elle jura
de ne point enfreindre leurs privilèges.
\Jn prince dont on parloit peu , et qui Le roi da
devoit remplir l'Europe du bruit de soritaque la"
nom , Frédéric II , roi de Prusse , porta seul HoTgrie!
les premiers coups. L'empereur Léopoid , en
faveur de l'électeur de Brandebourg , avoit
érigé la Prusse en royaume au commence-
ment de ce siècle. Le second roi , père de
celui-ci , pendant un règne de vingt-huit
ans , s'étoit continuellement occupé du soin
de peupler son royaume , d'en faire dé-
"fricher les terres incultes , d'amasser un grand
trésor par l'économie , de former et de
discipliner une armée nombreuse dont il
ne se servoit point. Son fils , capable de
tout entreprendre avec ces moyens , et sur-
tout avec un génie et un courage de héros ,
s'empara sur-le-champ de la Silésie. Il en Con«ruête
avoit demande en vam une partie a Marie- $ie,
Thérèse , lui promettant de la servir de
toutes ses forces , et de faire empereur son
époux. La bataille de Molvitz , qu'il gagna
par la discipline de ses troupes , assura cette
conquête , et apprit combien il étoit redou-
table. O 6
3^8 Louis XV.
La France Au signal qu'avoit pour ainsi dire donné
liguée con-| • j n ht-
tre TAutri- le roi de rrusse, 1 Europe se mit en mou-
^^^' vement. Malgré l'aversion du cardinal de
Fleuri pour la guerre , le comte depuis ma-
réchal duc de Belle-Isle vint à bout de la
faire entreprendre. On l'envoya négocier en
Allemagne en faveur du duc de Bavière ,
qu'on vouloit élever à l'empire et enrichir
des dépouilles d'une maison si long-temps
rivalç de. la France, Il convint de tout avec
Frédéric et avec ta cour de Saxe,
Guerre j^q Bavarois , créé lieutenant-général de
Charles Louis XV , $e rend maître de Passau , arrive
reux et ' à Lintz capitale de la haute Autriche ; mais
rçS^"" au lieu d'assiéger. Vienne dont la prise eût
été un coup décisif, il marche vers Prague,
la prend , s'y fait couronner roi de Bohême ^
et va recevoir à Francfort la couronne im*
Ressour- périale sous le nom de Charles VII. Avec
rfe -'ïhé!' nioins de courage et de vertu , Marie-Thé«
*<^5e. rèse auroit été sans doute accablée. Ses
sujets l'adorent et soutiennent ses espéran-
ces ; l'Angleterre et la Hollande lui envoient
des secours d'argent ; ses ennemis n'agis-
sent point ,de concert , se plaignent les uiis
des autres ',• les armées Françoises en Bavièi:e
et en bohème s'afFoiblissent de Jour en jour;
Prague est assiégée , reprise , et le maréchal
de Belle-Isle sauve à peine treize mille hom-
mes par une retraite glorieuse , au mois de
décemtrè i74Za
Louis XV. 329
L'année suivante , la bataille de Det- Bataille
tingen , que les François perdirent contre g|u. ^"**'
Georges II , roi d'Angleterre , parce que
le maréchal de Noailles fut mal obéi , sem-
bla détruire les ressources de Tempereur.
Le ministère, en montrant de la foiblesse,
avoit encouragé le parti Autrichien ; la reine
de Hongrie avoit acquis des alliés ; elle
fît la paix au prix de la Silène avec le roi
de Prusse.
Après la mort du cardinal de Fleuri en E«nem»*
1740 y la France , qui ne combattoit au- ce.
paravant qu*en qualité d'auxiliaire , eut sur
les bras, l'Autriche , l'Angleterre avec Ha-
nover , la Hollande et le roi de Sardaigne;
mais le roi de Prusse reprit avec elle ses
premiers engagemens , dès qu'il craignit que
la reine de Hongrie ne fût trop forte avec
de tels alliés.
Louis XV , gouvernant par luî-méme Campa-
son royaume et commandant ses années , roi"$uccé5
acquit la gloire des conquérans , et une^" Fïm^
gloire plus digne de son cœur , celle des
bons rois. Après avoir pris Menin , Cour-
trai , Ipres , etc. , il marcha contre le prince
Charles de Lorraine , qui avoit passé le Rhin
et pénétré dans le royaume. Une maladie
dangereuse l'arrête à Metz : la France trem-
ble et gémit comme une femille qui va
..perdre le meilleur des pères. Il guérit , as-
?rège Fribourg et le prend. Il gagne l'année
jjo Louis XV.
suivante ( 1 746 ) , la fameuse bataille de
Fontenoi , où le maréchal de Saxe , frère
naturel du roi de Pologne , commandoit
Tarmée étant malade. Jusqu'à la fin de cette
guerre , on ne vit en Flandre que des succès
admirables. Le combat de la Mêle suivi
de la prise de Gand , Ostende forcée en
trois jours , Bruxelles prise au cœur de l'hi-
ver , tout le Brabant Hollandois subjugué ,
Berg-op-zoom emporté d'assaut , Maestricht
investi en présence de quatre-vingt mille
hommes , etc. ; chacun de ces faits méri-
teroit un détail particulier ; ils restent gravés
dans la mémoire des contemporains , et
passeront à la dernière postérité.
Campa- On se battoit avec la même ardeur en
Italie , pour établir dans le Milanès , Parme
et Plaisance , Tinfant don Phihppe frère
puîné de don Carlos. Le prince de Conti
força glorieusement en 1744 ^^5 passages
àes Alpes , les retranchemens de Ville-
franche et de Château-dauphin. L'infant
et ce prince gagnèrent la bataille de Coni ,
sans pouvoir prendre la ville de Coni qu'ils
assiégeoient. Cependant don Philippe en
j 745 se trouva maître de Milan et des pays
d'alentour. Mais la bataille de Plaisance ,
perdue en 1 746 par le maréchal de Maille-
bois , ruina totalement les affaires ; on se
retira. Bientôt les ennemis ravagèrent ^
Provence. Chassés de cette province , et
gnes d'Ita-
lie.
Louis XV. 331
ensuite de Gènes dont ils s'étoient empares ,
ils n'en conservèrent pas moins la supério-
rité de leurs armes ; et le funeste combat de
TAssiète où le chevalier de Belle-Isle se fit
tuer, ferma l'Italie aux François.
Au milieu de ces vicissitudes , mourut en jjf'r|j'
1746 Tempereur Charles VII , accablé d'in- tonde une
fortunes à cause de son élévation. La reine 'maison^
de Hongrie eut la gloire de procurer Tem- l'^Penale,
pire à son époux François I ; et le roi de
Prusse , après avoir pris Dresde et remporté
d'autres avantages , fit encore la paix sé-
parément , parce qu'il n'avoit plus besoin de
la guerre. 11 reconnut l'empereur : l'impé-
ratrice lui céda de nouveau la Silésie. C^tte
grande princesse fondoit ainsi la nouvelle
maison impériale d'Autriche-Lorraine, après
avoir été sur le point de perdre tous les
états de sa maison.
Pour le malheur du genre humain , le Pertes lur
feu de la guerre ne peut plus embraser l'Eu- Angiois
rope , sans se répandre aussitôt jusqu'aux J-gurs,"
extrémités du monde. On reconnut trop
tard la faute énorme que le cardinal de
Fleuri avoit commise en négligeant la ma^
rine. Tandis que les Anglois avec de nom-
breuses escadres , avec plus de deux cents
quarante vaisseaux de guerre ou frégates ,
ruinoient le commerce de leurs ennemis ,
la France n'eut à leur opposer qu'environ
trente-cinq vaisseaux j qui se rédaisirent
331 Louis XV.
enfin à un seul. Ils s'emparèrent (en 174^)
de Louisbourg et du Cap-Breton , autre-
ment nommé Tlsle-royale ; ils firent partout
des prises immenses ; le fameux Anson ren-
dit funeste à TEspagne son voyage autour
du globe ; la bataille navale de Finistère ,
qu'il gagna ensuite sur les François ( 1 747) ,
fut un triomphe plus éclatant pour sa nation.
Mais ce que la marine du roi de France
n'auroit pu tenter, des négocians guerrieis
Texécutèrent dans les Indes : la Bourdonnais
enleva Madras aux Anglois ; et Dupleix
leur fit lever le siège de Pondichéri dont il
étoit gouverneur.
' Louis XV , en remportant des victoires ,
U^ 1 avoit offert généreusement la paix , et on
d'Aix-ia-l'avoit opiniâtrement refusée ; mais on la
demanda en voyant Maestricht sur le point
de- tomber en son pouvoir , et la Hollande
menacée d'une invasion (i). Elle fut conclue
à Aix-la-Chapelle. Le roi ne voulut garder
(i) Le maréchal de Saxe disoit en homme clair-
voyant ; la paix est dans Maestricht. On ne conçoit
pas comment .es Hollandois, fort déchus de IcHr
puissance , s'étoient engagés dans cette guerre. Ils
pouvoient pacifier TEurope , et ils s'exposèrent
aux dtrniers malheurs. Ils perdirent même en
grande partie leur liberté , en établissant le sta-
thoudérat perpétuel et héréditaire; ce qui fait
aujourd'hui de la Hollaade une espèce de ïho-
jiarchie mixte.
Chapelle.
Louis XV. 353
aucune de ses conquêtes. Il se contenta
d'assurer Parme 5 Plaisance et Guastalla à
don Philippe son cendre , et le royaume
des deux Siciles à don Carlos ; de rétablir
le duc de Modène son allié et la république
de Gènes dans tous leurs droits. Le roi de
Prusse conserva la Silésie ; le roi de Sar-
daie^ne obtint de nouveaux domaines dans
le Milanès ; toutes les puissances garanti-
rent la Pragmatique-sanction de Charles
VI, en vertu de laquelle Marie- Thérèse
possédoit les états de ses ancêtres.
Le prince Edouard , fils du prétendant , Sort d»
avoit fait sur FEcosse ( 1745 ) une tenta- Edouard.
tive audacieuse , qui ne servit qu'à faire
périr ses partisans sur les échafauds ou par
les gibets. La France garantit l'ordre de
succession réglé en faveur de la maison de
Hanover , et s'obligea de ne point souffrir
sur ses terres les princes de la maison de
Stuart. En conséquence on fit sortir du
royaume ce jeune prince , dont la destinée ,
si brillante un moment , esf devenue tout-
à-coup si obscure. Une chose trop digne
d'observation , c'est que la guerre entre
l'Espagne et l'Angleterre avoit commencé
dès l'an 178^ pour un vaisseau , et que
l'affaire du vaisseau resta indécise.
11 eût été facile de prévenir par le traité Retraite
d'Aix-la-Chapelle les funestes contestations source^de
que la France eut bientôt avec l'Angleterre , ^"•'^'^*'
334 Louis XV.
et qui pour quelques déserts de l'Amérique
armèrent de nouveau les nations Européen-
nes , les plus capables de connoître les
avantages de la paix. En stipulant la res-
titution du Cap - Breton et de toutes les
conquêtes des Anglois , on avoit ajouté ces
termes vagues : toutes choses d'ailleurs
seront réunies sur le pied qu^ elles étoient y
OU DEVOIENT être , ayant la présente
guerre» Avec de pareilles clauses , quiconque
veut envahir , quand il n'y a ni titres ni
limites incontestables , est sûr de troi^vet;
mille prétextes d'invasion,
Çntrepri- En 1 747 ^ les Anglois établis dans TA-
sloh^en"'^^^'^ , qu'ils avoient eu,e par le traité d'U-
Améri, treclit , voulant s'étendre sur le Canada ,
Que»
commirent àe% hostilités contre les Fran-
çois , pour rétablir les choses sur le pied
où elles dévoient être selon eux. La cour
de France eut beau se plaindre , et offrir
toutes les voies d'accommodement. La né-
gociation traîna en longueur ; l'Angleterre ,
qui se préparoit de loin à une rupture ,
éclata en 1 755 , et sans déclaration de guerre
fit attaquer les vaisseaux François. Louis
XV , avec le plus grand amour de la paix ,
fut obligé de prendre les armes , et d'opposer
la force à la violence.
Nouvelle Alors on vit dans le système politique
liancessin-de l'Europe un changement aussi incon-
fiuiieres. çg^^j^jg ^yg çg^^g guerre. Le ici de Prusse ,
Louis XV. 3}5
auparavant allié de la France , se ligue
avec les Anglois , TAutriche s'unit étroite-
ment avec la France , dont elle étoit fen-
nemie depuis deux siècles ; la Suède se
trouve aillée de l'Autriche , qu'elle avoit
tant combattue depuis Gustave. L'Espagne ,
le roi de Sardaigne , la Hollande , jus-
qu'alors si intéressés dans les guerres , gar-
dent une parfaite neutralité. Chaque puis-
sance a pour but son intérêt particulier;
mais l'humanité s'applaudit en général de
voir les deux premières maisons de l'Europe
changer en amitié une haine trop féconde
en ruines et en massacres. Changement dû
au zèle du cardinal de Bernis*
Les commencemens de la guerre furent "*
glorieux pour la France. Les Anglois , battus p^J^f^^^^
vers le Canada, craignirent une invasion campa-
dans leur île; ils perdirent Port-,MahonAit^niai
regardé comme imprenable , que le maréchal ^"^*
de Richelieu prit d'assaut , après une vic-
toire navale du marquis delaGalissonnière.
D'un autre côté , le maréchal d'Estrées
gagna la bataille de Hastimbek sur le duc
de Cumherland ; le maréchal de Richelieu ,
envoyé pour commander à sa place , poussa
l'Anglois et le força de capituler à Closter-
Seven avec toute son armée. L'électorat
de Hanover étoit conquis. Le roi de Prusse
qui s'étoit emparé de la Saxe sur un soupçon ,
qui avoit remporté à Prague une victoire
33^ Louis XV.
sanglante , mais qui avoit été vaincu vers
le même endroit par le général Daun , avec
une perte d'environ vingt-cinq mille hom-
mes , le roi de Prusse sembîoit infaillible-
ment perdu. Le conseil aulique le déclare
ennemi de Tempire , privé de tous ses fiefs ;
le prince de Soubise marche contre lui en
Saxe avec une puissante armée des cercles.
On ne doutoit point du succès.
Bataille ^3)5 j^ bataille de Rosbac f s novembr»
«eRosbac. r \ 1 1 r i rr '
1767) change la race des affaires en un
moment. La manœuvre , l'artillerie , la dis-
cipline Prussiennes , répandent une terreur
panique dont il y a peu d'exemples. Vain-
queur presque sans combat , le roi de Prusse ,
vole en Silésie , gagne encore la bataille
de Lissa , reprend Schweidnitz et Breslau
que les Autrichiens venoient de lui enlever,
Uélectorat de Hanover est repris de même
par ks Anglois , malgré la capitulation de
Closter-Seven dont ils se crurent dégagés,
pivsrses On voit en Allemagne une longue suite
tfons. ' de batailles avec différens succès , sans que
la perte des hommes ni la dévastation des
pays rende la querelle des princes moins
opiniâtre. Les François battus à Crevelt
par le prince de BrunsVick en 1768 , le
battent à Bergen l'année suivante , et sont
battus de nouveau à "WarbourgetàMinden.
Frédéric II de son côté , tantôt vaincu ^
tantôt vainqueur, mais affoibli par ses vicr
Louis XV. 337
tolres mcmes , se voit enlever la Prusse ,
-Dresde et une grande partie de la Saxe. Il
avoit contre lui la Russie liguée avs^c l'Au-
t iche. Elizabeth, impératrice de Russie,
meurt. Pierre III son successeur se déclare
pour Frédéric ; Pierre est détrôné tout-à-
coup; sa femme Catherine lui succède et
se déclare pour la reine de Hongrie. Ces
vicissitudes soudaines , en variant la situa-
tion du roi de Prusse, lui laissent toujours
la même intrépidité et une constance iné-
branlable.
La France , malgré ses malheurs , ne fut Conquêtes
entamée nulle part ; mais elle perdit dans seT dls^ '
les Indes Chandernagor , Pondichéri et^"^^°^**
tous les établrssemens de cette compagnie
de commerce , dont on a sans doute
trop vanté les avantages. En Afrique , elle
perdit ce qu'elle avoit sur le Sénégal avec
-..l'ile de Corée, c'est-à-dire, tout son com-
- merce dans cette partie du monde ,• en
Amérique , Louisbourg , Québec , tout le
Canada , la Guadeloupe ^ la Martinique ,
en un mot , d<:s possessions immenses moins
dignes de regret que les hommes et les tré-
sors qu elles ont coûtés.
Ctf prodigieux accroissement de la puis- P^cte d£
sance des Anglois, qui affectoient tant.de^'""'"**
zèle pour l'équilibre , devoit alarmer toute
_ l'Europe. La neutralité de TEspagne sous
Ferdinand VI leur avoit été trop av^n-
338 Louis XV.
tageuse. Charles III , frère et successeur
de Ferdinand , s'unit enfin avec Louis XV :
le pacte .de famille conclu ( en 1761)
entre toutes les branches souveraines de la
maison de France , forme l'alliance la plus
glorieuse pour le ministre célèbre qui en
conçut et exécuta le projet. Cette alliance
désastres^ ^^'^ néanmoins suivie de nouveaux désastres.
Lts Espagnols attaquèrent sans succès le
Portugal qu'on pouvoit regarder alors com-
me une riche province d'Angleterre. Les
Anglois sauvèrent ce royaume ; prirent à
l'Espagne dans le golfe du Mexique la Ha-
vane et l'île de Cuba , où leur butin fut
estimé plus de quatre-vingt millions (1762);
ils lui enlevèrent les îles Philippines dans
la mer des Lides , et s'enrichirent à Manille
comme à la Havane. Leurs flottes subju-
guoient tout dans l'un et l'autre hémisphère.
Belle-Isle étoit en leur pouvoir , la marine
Françoise qu'on avoit tâché de rétablir étoit
ruinée , ainsi que le commerce de la nation.
'" Toutes les couronnes avoient besoin de
TraTtés^'de^^ paix ; et l'Angleterre, quoi qu'en aient
Paris et de pu dire les ennemis du ministère, ne pou-
bourg. ' voit la faire dans une conjoncture plus fa-
vorable. « Car ( selon la remarque de M.
» l'abbé de Mably ) , il faut faire la paix
» àès qu'on la peut faire utilement; c'est
» un principe qui ne souffre aucune ex-
» ception. Des espérances formées dans
tours XV. 339
y* rivresse de la prospérité n'ont jamais été
» justifiées par Tévénement : on doit crain-
H dre d'être trop heureux , parce qu'un
>♦ trop grand bonheur est le signe d'une
» décadence. » Par le traité de Paris , la
-France cède à l'Angleterre Louisbourg et le •
Cap-Breton , le Canada , toutes les terres
sur la gauche du Mississipi , excepté la Nou-
velle-Orléans ; l'Espagne y ajoute encore la
Floride. L'Angleterre gagne environ deux
•mille lieues de terrain en Amérique ; elle
' accorde à peine aux François le droit de
pèche vers l'île de Terre-neuve. On lui
abandonne le Sénégal , et elle restitue la Co-
rée. On échange Minorque contre Belle-Isle.
On est obligé de démolir les fortifications
de Dunkerque du côté de la mer. Le traité
de Habersbourg entre les puissances d'Al-
lemagne remit les choses dans l'état où elles
se trouvoient avant la guerre. Tel fut le
fruit de sept années d'expéditions sanglantes
et ruineuses.
Cette guerre peut être regardée comme ï^éflexions
une des meilleures leçons de politique. La guerre,
supériorité inouie des armes Angloises dé-
montre la nécessité d'une puissante marine,
pour toute nation ^ui a un commerce à
protéger , et des possessions à défendre hors
du continent qu'elle habite. Les succès et
la résistance du roi de Prusse contre des
forces extrêmement supérieures , démontrent
340 Louis XV,
qu'avec une sage économie et avec d'ex4
cellentes troupes, un grand capitaine , maî-
tre de toutes les opérations , peut faire lui
seul ce qu'à peine on croiroit possible à
une ligue formidable. Mais ce qu'il importe
surtout d'examiner dans l'état actuel de
l'Europe , ce sont d'une part , les maux
infinis de la guerre, et de l'autre, le peu
d'avantage qu'elle procure. Prodiguer le
sang des peuples , épuiser les finances dont
on sent plus que jamais la nécessité , faire
des millions de malheureux , et s'exposer
aux plus grands malheurs , pour un coin de
terre qui sera un objet éternel de haine et
de discorde : est-ce donc un système digne
de la sagesse des gouvernemens ? Pour un
intérêt particulier de commerce faudra-t-il
ruiner tout le commerce ? faudra-t-il ruiner
son propre pays pour une acquisition in-
certaine ? faudra-t-il semer au-dehors à pure
perte cet argent devenu si précieux , qui
fructifieroit au centuple s'il étoit employé
à défricher de vastes terrains stériles , à
ouvrir des canaux au commerce intérieur ,
à vivifier les provinces languissantes , à mul-
tiplier les ressources du peuple et par -là
celles du Prince ? L'Angleterre , accablée
d'une dette énorme , ne se repentira-t-elle
pas elle - même de cette guerre , où elle
semble avoir gagné un empire ? Cet empire
est
Louis XV. 34f
est 6é]2 l'objet de ses craintes. Elle se sou-
viendra un jour de Cartha£;e.
Puissent les souverains , éclairés par le Politique
^ , 1 i»L- • ^ i> ' • 1 salutaire
flambeau de 1 histoire et par 1 expérience de auxyeuplcs
tous les siècles , conduits par les sentimens
d'humanité qu'inspire la droite raison , cher-
cher enfin leur bonheur dans celui de leurs
sujets ; regarder la guerre comme un fléau
d'autant plus horrible , que rien aujourd'hui
ne peut compenser les maux qu'elle entraîne ;
employer les armes pour la sûreté publique
et non pour l'ambition personnelle ; s'appli-
quer de concert à guérir les plaies de leurs
états , au lieu de les rendre incurables par de
nouvelles discordes !
Les beaux jours de l'histoire et du règne
de Louis XV sont passés. Le désordre des 1757.
finances , et surtout de malheureuses divi- d^u"roi|"*^
sions sur des points de théologie qui ne sont
et ne devroient jamais être l'objet d'une dis-
cussion et encore moins d'une querelle pu-
blique, toutjetoit les germes d'un mécon-
tentement général. Les esprits s'exaspéroient,
les têtes s'échauffbient , et le fanatisme arma
bientôt le coupable Damien.
Cet homme de la lie du peuple osa con-
cevoir le projet d'assassiner le roi ; il l'exé-
cuta le 5 janvier, dans la cour de Versail-
les , au milieu de ses gardes et des grands
officiers de la couronne. Arrêté , il déclare
c]ue son intention n'étoit point de tuer le
Tome 111. P
342 Louis XV.
roi ( ce qu'il auroit fait s'il Tavoit voulu) ,
mais seulement de le blesser pour le toucher
et le portera remettre toutes choses en places
et rétablir la tranquillité dans ses états. Il fut
impossible d'arracher l'aveu et le nom de
quelques complices , soit qu'en effet il n'en
eût point, soit que le fanatisme donne à
celui qu'il égare la force et la constance de
braver les tortures et de s'élever au-dessus de la
foiblesse humaine. Ce malheureux expia son
atroce folie dans des supplices dont l'idés fait
frémir, et que l'histoire ne doit point rap-
porter. Nous observerons seulement que le
parlement , qui depuis long-temps étoit assez
mal avec le roi , crut faire preuve de son zèle
dans cette circonstance , en mettant dans le
procès du régicide une recherche de cruauté,
qui fit frissonner le roi lui-même , qui ne put
s'empêcher de s'écrier , à la lecture de l'arrêt;
Ah le malheureux ! pour une égratignure
quil nia faite , // va bien souffrir !
Quelques années après les parlemens se
, signalèrent par un coup d'autorité qui , peu
1764. d'années auparavant , eût semblé impratica-
Jésuites ble, ou du moins téméraire. Le corps des
jésuites , cette mstitution qui a tait tant de
bien et tant de mal , qu'il est difficile de pro-
noncer aujourd'hui sur le danger ou l'utilité
de son rétablissement ; ce corps si long-^
t^ps inabordable à Tautorité publique , fut
Louis XV. 343
solennellement détruit en France , par un
arrct du parlement, du 11 février 1764.
Lh banqueroute du pore la Valette à la
Martinique, fut le prétexte dont on se ser-
vit : mais la cause véritable étoit Tinfiuenco
prodigieuse et l'ascendant que les jésuites
prenoient journellement , et la guerre sur-
tout qu'ils avoient déclarce à la philosophie
moderne.
Fatigués de la longue guerre qu'ils venoient 1^ ^.. m
de faire aux Corses, les Génois cédèrent 1768.
cette isle à la France, par un traité signé àg^^^^^jÇ^''"*
Compiègne. Mais fiers et jaloux de leur indé-
pendance , et soutenus en secret par l'Angle-
terre , ks Corses défendirent quelque temps
leur liberté , contre les armes de la France,
Mais tout céda au génie du duc de Choiseul,
alors ministre , et la Corse fut totalement
subjuguée Tannée suivante.
Louis XV mourut à Versailles , le i o mai
I "74 , moins chéri et moins regretté de son
peuple, qu'il ne devoit s'attendre à l'être.
Mais ks troubles et les désordres des derniè-
res années de son règne avoient afFoibli l'in-
térêt qu'il inspiroitet diminué l'affection de
ses sujets ; il est du nombre de ceux dont on
a pu dire avec une douloureuse vérité , qu'il
a voit trop \écu.
Dans l'espace de ce règne, qui a duré Progrés
près de soixante ans, l'esprit humain a fait humaltt,'^^*
Pi
344 Louis XVI.
des progrès dans les différentes sciences. Nous
allons emprunter , d'une autre plume , de
Voltaire , ce morceau qu'il seroit impossible
de mieux traiter,
a Un ordre entier (i) aboli par la puis-'
» sance sécMllère , la discipline de quelques
» autres ordres reformée par cette puissance ,
» les divisions mêmes entre toute la magis-
» trature et l'autorité épiscopale, ont fait
» voir combien de préjugés se sont dissipés ,
» combien la science du gouvernement s'est
» étendue , et à quel point les esprits se sont
» éclairés. Les semences de cette science
» utile furent jetées dans le dernier siècle :
» elles ont germé de tous côtés dans celui-
» ci 5 jusqu'au fond des provinces , avec la
» véritable éloquence , qu'on ne connoissoit
» guères qu'à Paris , et qui tout d'un coup
» a fleuri dans plusieurs villes ; témoins les
» discours sortis ou du parquet ou de l'as-
» semblée des chambres de quelques parle-
» mens ; discours qui sont des chefs-d'œu-
» vres (2) de l'art de penser et de s'exprimer,
» du moins à beaucoup d'égards. Du temps
» des Daguesseau , les seuls modèles
» étoient dans la capitale, et encore très-
» rares. Une raison supérieure s'est fait en-
(1) La société des jésuites.
(2) Voyez les discours de MM. de Montclar i
d^la Chalotois'jdQ Castillon , àt Servant (ii d'autrej^
Louis XV. 345
» tendre clans nos derniers jours , du pied
» des Pyrénées au nord de la France, La
» philosophie , en rendant Tesprit plus juste ,
» et en bannissant le ridicule d'une parure
» recherchée , a rendu plus d'une province
» rémule de la capitale.
» En général, le barreau a mieux connu
» cette jurisprudence universelle , puisée
» dans la nature , qui s'élève au-dessus de
» toutes les lois de convention ou de simple
» autorité ; lois souvent dictées par les ca-
» prices ou par des besoins d'argent ; res-
» sources dangereuses plus que lois utiles ,
» qui se combattent sans cesse , et qui for-
» ment plutôt un chaos qu'un corps de lé-
» gislation.
» Les académiciens ont rendu service en
» accoutumant les jeunes gens à la lecture ,
» et en excitant , par des prix , leur génie
» avec leur émulation. La saine physique a
» éclairé les arts nécessaires ; et ces arts ont
» commencé déjà à fermer les plaies de l'é-
» tat , causées par deux guerres funestes.
» Les étoffes se sont manufacturées à moins
» de frais, par les soins d'un des plus célè-
» bres mécaniciens (i). Un académicien ,
» encore plus utile par (2) les objets qu'il
» embrasse, a perfectionné beaucoup l'a-
(1) M. Vaucanson,
(a) M, Duhamel,
34^ Louis XV.
» griculture , et un ministre éclairé a rendu
» enfin les blés exportables ; commerce
» nécessaire , défendu trop long-temps , et
» qui doit être contenu peut-être autant
» qu'encouragé.
» Un autre académicien ( i ) a donné le
>f moyen le plus avantageux de fournir à
» toutes les maisons de Paris l'eau qui leur
» manque ; projet qui ne peut être rejeté
» que par la pauvreté , ou par la négligence,
» ou par Tavarice.
» Un médecin (i) à trouvé enfin le se-
>^ cret , long-temps cherché , de rendre
» Teau de la mer potable. Il ne s'agit plus
» que de rendre cetie expérience assez facile
» pour qu'on en puisse profiter en tout
» temps , sans trop de frais.
» Si quelque convention peut suppléer à
» h connoissance qui nous est refusée cks
» longitudes sur la mer , c'est celle du plus
» habile horloger de France (3) qui dispute
» cette invention à l'Angleterre. Mais il
» faut attendre que le temps mette son sceau
» à toutes ces découvertes : il n'en est pas
» d'une invention qui peut avoir son utilité
» et ses inconvéniens , d'une découverte qui
» peut être contestée , d'une opinion qui
(i) M. Deparcîeux»
(2) xM. Poissonnier,
(3) M. Leroî,
Louis XV. 347
» peut ctre combattue , comme de ces
» grands monumens des beaux arts en poé-
» sie » en éloquence , en musique , en ar-
•^ chitecture, en sculpture, en peinture,
qui forcent tout d\ia coup le suffrage de
» tQutes les nations , et qui s'assurent ceux
- de la postérité par un éclat que rien ne
peut obscurcir.
» Quant au célèbre dépôt des connois-
» sances humaines , qui a paru sous le titre
>> de dictionnaire encyclopédique ; c'est une
» gloire éternelle pour la nation , que àçs
» otnciers de guerre sur terre et sur mer ,
*> d'anciens magistrats , des médecins qui
connoissent la nature, de vrais doctes,
r quoique docteurs , des hommes de lettres
» dont le goût a ratiné les connoissances ,
» des géomètres , des physiciens aient tous
» concouru à ce travail aussi utile que pé-
» njble, sans aucune vue d'intérêt , sans
» même rechercher la gloire, puisque plu-
^> sieurs cachoient leurs noms : enfin , sans
■!^> être ensemble d'intelligence , et par con-
SLquent exempts de l'esprit de parti.
» Mais , ce qui est encore plus honora-
ble pour la patrie , c'est que dans ce re-
cueil immense , le bon l'emporte sur le
P mauvais, ce qui n'étoit pas encore ar-
» rivé. Les persécutions qu'il a essuyées ne
» sont pas si honorables pour la France. Ce
2) même malheureux esprit de formes , mêlé
34S Louis XV.
» d'orgueil, d'envie et d'ignorance, qui
» fit proscrire l'imprimerie du temps de
» Louis XI ^ les spectacles sous le grand
S> Henri IV , les commencemens de la
» saine philosophie sous Louis XIII ^
M enfin l'émëtique et l'inoculation ; ce
» même esprit , dis-je , ennemi de tout ce
» qui instruit , et de tout ce qui s'élève ,
» porta des coups presque mortels à cette
» mémorable entreprise : il est parvenu
» même à la rendre moins bonne qu'elle
» n'auroit été , en lui mettant des entraves
» dont il ne faut jamais enchaîner la raison ;
» car on ne doit réprimer que la témérité et
» non la sage hardiesse , sans laquelle l'es-
» prit h\iniain ne peut faire aucun progrès.
» Il est certain que la connoissance de la na-
» ture , l'esprit de doute sur les fables an-
» ciennes , honorées du nom d'histoires , la
» saine métaphysique , dégagée des im per-
» tinences de l'école , sont les fruits de ce
» siècle , et que la raison s'est perfectionn ée.
» Il est vrai que toutes les tentatives n'ont
» pas été heureuses. Des voyages au bout
» du monde , pour constater une vérité que
» Newton avoit démontrée dans son cabi-
» net, ont laissé des doutes sur l'exactitude
» des mesures. L'entreprise du fer brut ,
» forgé ou converti en acier, celle de faire
» éclore des animaux , à la manière de l'E-
» gypte , dans des climats trop différens de
Louis XV. 349
» TEgy pte , beaucoup d'autres efforts pareils,
» ODt tait perdre un temps précieux , et ruiné
» même quelques familles. Des systèmes
» trop hasardés ont déiiguré cks travaux qui
» auroient été très-utiles. On s'est fondé sur
» des expériences trompeuses , pour faire
» revivre cette ancienne erreur , que des
» animaux pouvoient naître sans germe.
» Qui croiroit que des géomètres ont été
» assez extravagans pour imaginer qu'en
» exaltant son âme , on pouvoit voir Tave-
» nir comme le présent. Plus d'un philoso-
^ phe , comme on l'a déjà dit ailleurs , a
» voulu , à l'exemple de Descartes ^ se
» mettre à la place de DiEU , et créer ,
» comme lui , un monde avec la parole ;
» mais bientôt toutes ces folies de la philo-
» Sophie sont réprouvées des sages ; et
» même ces édifices fantastiques , détruits
» par la raison , laissent dans leurs ruines
» des matériaux dont la raison même fait
» usage.
» Une extravagance pareille a infecté la
» morale. Il s'est trouvé des esprits assez
» aveugles , pour saper tous les fondemens
» de la société, en croyant la réformer.
» On a été assez fou pour soutenir que le
» tien et le mien sont des crimes , et qu'on
>> ne doit point jouir de son travail ; que
» non - seulement tous les hommes sont
». égaux , mais qu'ils ont perverti l'ordre de
35© Louis XV.
» la nature , en se rassemblant; que Thom-
» me est né pour être isolé comme une béte
» farouche-^ que ks castors, les abeilles et
» les fourmis dérangent les lois éternelles ,
» en vivant en république.
» Plus d'un abus semblable a infecté là
» littérature ; une foule d'écrivains s'est
» égarée dans une style recherché, vio-
» Itnt, inintelligible, ou dans la négligence
i> totale de la grammaire. On est parvenu
» jusqu'à rendre Tacite ridicule : on a
i> beaucoup écrit dans ce siècle ; on avoil
» du génie dans l'autre. La langue fut portée
» sous Louis XIV au plus haut point de
» perfection , dans tous hi genres , non pas
j-> en employant des termes nouveaux , inu-
» tiles , mais en se servant avec art de toui
» les mots nécessaires qui étoient en usage*
» Il est à craindre aujourd'hui que cette
» belle langue ne dégénère par cette mal-
» heureuse facilité d'écrire , que le siècle
» passé à donné aux siècles suivans : caries
» modèles produisent une foule d'imita-
» teurs , et ces imitateurs cherchent tou-
» jours à mettre en paroles ce qui leur man-
» que en génie. Ils défigurent le langage,
s> ne pouvant l'embellir. La France surtout
» s'étoit distinguée dans le beau siècle de
» Louis XIV, par la perfection singulière
» khquàk Racine éleva le théâtre, et par
» le charme de la parole qu'il porta à ua
Louis XV. 35i
» degré d'élégance et de pureté inconnu
» jusqu'à lui. Cependant on applaudit après
- lui à des pièces écrites aussi barbarement
» que ridiculement construites....
» Mais eniin , la littérature , quoique sou-
- vent corrompue , occupe presque toute la
» jeunesse bien élevée ; elle se répand dans
» les conditions qui l'ignoroient. C'est à
» elle qu'on doit l'éloignement des débau-
» ches grossières , et la conservation de la
» politesse introduite dans la nation par
V Louis XIV et par sa mère. Cette littéra-
» ture utile dans toutes les conditions de la
» vie , console même des calamités publi-
» ques , en arrêtant sur des objets agréa-
» blés , l'esprit qui seroit trop accablé de la
^ contemplation des misères humaines » .
Fin.
Louis X V I. ZbS
PRECIS
D U
RÈGNE DE LOUIS XVL
Pur Marie - Auguste Amar
DU RiriER,
L'histoire peint ', la postdriié juge.
PREMrERE PARTIE.
JLouiS XV terminoit un règne de soi-^^^^' '^l^!*
1 • • > • rrance a la
xnnte ;ins;-etiaissou a son )eane succès- ^^ort de
St'ur l'ius d'un siècle de maux à réparer. LouisXVI,
Blessé profondément , l'état marchoit
depuis long-temps à sa ruine, et, pareil
à ces corps que miae Sourdement une
plaie invisible, sa dissolution devcnoit
de jour en jour plus i;iévirable. La ma-
rine détruite , le comme? ce anéanti, L^s
finances f'puisjes par une guerre do.ible-
ment oné eose ; une soniino de pliis de
5oixante-dix millious dévorée d'avance
sur les revenus de l'état ; un excédent
d j vingt- deux millions de la dépense sur
Q
.?ô6 Louis X V l.
la recette; toutes les ressources épuifées
en apparence ; les anciens services ou-
bliés, ou laissés sans récompenses 5 les
rentiers tremblant pour leurs capitaux,
]e décourasiement dans les villes comme
dans les campagnes ; tel est le tableau
tristement fidèle qui frappa les premiers
regards de Louis XVI , lors de son avè-
nement au trône de Sc;s pères. Tant de
maux échappoient à la légèreté natio-
nale p et n'étoient perfidement calculés
que par ceux qui , dirigeant depui*^ long-
tems tous leurs voeux du côté d'une ré-
volution, fomentoient à la fois tous les
germes de discorde qui dévoient enfin
ramener^
Un seul homme peut-être gémissoit
en silence , sur l'état de son pays , et
fornioit des vœux sincères pour voir For-
drese rétablir dans toutes les parties de
l'administration, la prospérité ranimer
toutes les branches de l'industrie com-
merciale, et la France redevenir enfin ce"
<] u'elle avoit été dans les beaux jours de la
monarchie: cet homme éîoit Louis XVI !
Caracrère Etranger dans tous les tems aux vices
xVi ^''""'^ ^^^ courtisans , inacce^sibleà leurs flat-
teries, et formé aux vertus et aux sciences
par un père digne de ce- te tâche hono-
rable, Louis avoit contracté de bojine
heure cette espèce de sévérité de moeurs
qui ne sait point composer avec le vice ,
L o u I s X V I. 357
€t qui l'attaque sans ménagement , quel-
que forme quNl emprunte. Sa franchise
à cet égard ^lloit quelquefois jusqu'à la
rudesse (i,. Il ne savoir dissimuler ,niîe
mépris que lui inspiroit Timmoralité de
la dernière cour, nil^intentioii bien for-
melle où il étoit d'opérer une réforme
completteàcetégard. Un contraste aussi
frappant ne pouvoit que révolter l'or-
gueil et aigrir les esprits de tous ceux
dont il étoit la censure manifeste. Les
goûts et les occupation? du prince of-
froient un prétexte de plus à la njali-
gnité des courtisans, et ellel'avoit saisi,
pour avilir d'avance aux yeux du peu-
ple , le chef de la nation, ^ ^ ^
Ainsi Louis s avança au trône iran- lions.
çois précédé dans l'opinion publique
d'une réputation qui ne permettoit pas
de brillantes espérances ; et telle étoit à
son sujet la force du préjugé , que ceux
mêmes qui lui supposoient l'intention ,
ne lui accordoitnt pas les moyens né-
cessaires pour faire le bien de son peuple.
(i) Madame Dubarri avanr sollicité l'honneur de
sotiper avec madame la Dauphine, le Dauphin se
rendit chez le Koi , ei lui dit avec une noble fer-
meté : Sire , je suis dispose à dor.r er peisonnellemenî à
rotre maieBe toutes les marques pessihles de soumission
et de T€>peû ; mjs il est de mcn inteièt ainsi que de
nwn devoir ^ de ne Lisser apprvcher de AI a dame ïj.
Va phiM aucun Kandcle ( Vie de Louis XVI )
o»
358 L o u I s X V î.
11 scmbloit d'ailleurs que la destinée de
ce prince eût é\é, dès le principe , frap-
pée d'un caractère sinistre : le ciel qui
le réservoit à de si douloureuses épreu-
ves , marqua, depuis le berceau, les
époques principales de sa vie par quel-
ques-uns de ces événemens , qui , dus
eh apparence au seul hazard , n'en lais-
sent pas moins des traces profondes dans
l'esprit du peuple ; et l'on n'ignore pas
quelle est sur le vulgaire l'influence des
présages. A peine est-il né, que le cour-
rier chargé d'en porter la nouvelle à la
cour, fait une cbûre , dont il meurt sur
le champ. La fête que donne la ville de
Paris à roccision de son mariage , coûte
la vie à phis de quinze cents specta-
teurs. Cette dernière circonstance ailii-
gea sensiblement le Dauphin , et l'his-
toire a recueilli avec attend. issement
la lettre qu'il en écrivit sur le champ au
lieutenant de police de Paris. Tai ap-
pris les malheurs arrivés à mon occasion;
fen suis pcnétré- Je reçois en V instant ce
que le roi me donne tous les moispourmes
menus plaisirs ;je ne puis disposer que de
cela, jevous V envoie, secoure\ lesplus mal-
heureux. L'histoire attestera également
qu'il mit, jusqu'à la mort de louis XV,
tous ses soins à effacer le souvenir de
ce funeste événement par mille traits de
bienfaisance , qui n'ont pu échapper à'
L o u I s X V I. 339
Poiibli, malgré les précautions qu'il pre-
noii pour les HéroSer k la connoissance
da puh'ic. VoïIh cepen-Jant l'homme que
Sc*s ennemis ont peiat comme un tigre
altéré du sa ig de ses sujets ^ comme un
tyran sans cesse armé conire eux. Mais,
bornés au récit des fai^s , et circonscrits
d'ailleurs dans des limites étroites, nous
n'entreprendrons point ici de venger la
mémoire deLoais XVl,de reproches trop
vils pour Tatteindre , ettroj; dépourvus
de vraisemblance pour trouver dans les
nés honnêtes une ombre de confiance.
L'histoire publiera à la louange de
Louis XVI, que si jamais prince ne prit
les rênes d'un empire dans des circons-
tances plus pénibles, et sous des auspices
moins favorables , jamais prince aussi ne
sentit plus vivement quel poids immense
de responsabilité alloit reposer sur lui.
Quand il fut salué roi de France et de
Navarre ; il joignit les mains , et levant
au ciel ses yeux baignés de pleurs , il
s'écria ; ô mon Dieu ! a'idi\ mon insuffi-
sance ! comme s'il eût pressenti , ajoute
l'historien de sa vie, que ses facultés
seroient accablées de l'hc^norable fardeau
dont il alloit être chargé.
Le premier objet qui appela la solli-
citude du jeune roi, fut l'érat déplora-
ble oîi se trouvoient les finances ; le dé -
lir et l'espoir de les restaurer ne s'cipi-
Q3
35o Louis XVI.
gnèrent jamais un moment de sa pen-
sée ; c'éioit l^ame de tous ses projets ,
le but de toutes ses réformes , le sujet
même de tous ses discoars- Mais le mal
étoit déjà trop grand , et rinsuffisance
des remèdes se faisoi. sentir, dès qu'il
s'agissoit d'en fairerapplicatioii. Rien de
tout Cela n'échappoit à la sagacité du
monarque , et il le consigna authenti-
E^îf quement dans le préambule de son pre-
rant remise ni ier édit , qui avoit pour objet la re-
du droit de mise du droit de joyeux avènement,
» il a plu à Dieu de nous élever , nous
w espérons que sa bonté soutiendra no-
« ire jeunesse et nous guidera dans les
^) moyens qui pourront rendre nos peu-
>r pies heureux: c'est notre premier désir.
nConnoissant que cetie félicité dépend
p priiicipalement d'une sage adminis-
r> tration des finances , parce que c^est
w elle qui détermine un des rapports
ries plus essentiels entre les princes et
«les sujets, c'est vers cette administra-
n tion que se tourneront nos premiers
w soins et notre première étude. . .
» Après avoir pourvu à la sûreté des
«créanciers de l'état, et consacré les
« principes de justice qui feront la base
«de notre règne, nous devons nous
M occuper de soulager nos peuples dt|
« poids des impositions i nous ne pour-
L o D I s X V ï.^ 36i
» vons y parvenir que par Tordre et
» Técr^nomie. . ..
* Il est des dépenses nécessaires qu'il
w fa.it c >ncilier avec la sûreté de nos
» étais ; il en est qui dérivent de libé-
9 ralités peut être susceptibles de mo-
y dération.... Il en est enfin qui tien-
» nent à notre personne et au faste de
» notre cour. Sur celles-là , nous pour-
y> rons suivre plus promptement ks
î> mouvemens de notre cœur, et nous
V nous occupons déjà des moyens de
» les réduire à des bornes convenables.
» De tels sacrifices ne nous coûteront
w rien » dès qu'ils pourront tourner au
« soulagement de nos S'>j«ts. Leur bon-
ty heur fera notre gloire , et le bien que
» nous pourrons leur faire sera la plus
» douce récompense de nos travaux.
» Voulant que cet édit , le premier
y émané de notre autorité, porte l'em-
» preinte de ces dispositions , et soit
» comme le gage de nos intentions, nous
» nous proposons de dispenser nos su-
» jets du droit qui nous est dû à caus^
» de notre avènement à la couronne v>.
Ainsi le premier acte d'autorité de
Louis XVI fut un acte de bienfaifance,
et un sûr garant de ses intentions pouc
le bonheur de ses peuples. Mais c'étoit
peu d'en énoncer le désir : il falloit son-
Q4
362 L o u I s X V I.
ger aux moyer.s d'exécution, et le roi
s'en occupa sur le champ.
Miniptrss Les diveiScS parties de l'administra-
sous Louis tioii exigeoieut une prompte réforme. Le
ministère desfiiance^ s.] rioutétoitdepuis
long-tems la proie d'hommes ineptes ou
bassement avides, qui créa soient da-
vantage de jour en jaur le gouifre qui a
fui i par les engloutir. Constamment oc-
cupé di ce qui pounoit an':éliorer le
sort de ses sujets et réparer les maux
de l'état , h nouveau monarque ne con^
SU! ta , dans le choix de ses ministres ,
que ropinion générale, et rinjustieelui
fit bientôt un crime de cette déférence
à ce qu'il croyoit le vœu de son peuple*
La secte des économistes lui indiqua
Turgor. 'l'ur^ot ^ pour contrôleur des finances ;,
Turgot 5 Tami et le protecfleur secret de
tout le pani philosophe : (i) Turgot ,
qui , déjà en révolte indirecte avec le
(f) DaJembert écrivoit à Voltaire;
» Vû)U^ aiirez blen^ôr une visite dont je vous préviensî
» c'esrcelie de M. Turbot, maître des requêtes , plein
» de pbiîosopliie , de lumières , de connoissances , et
» fjr de mes amis , qui veut vous voir en bonne for^
» Tune Je dis en bonne r" tune, car propter metus
y judcrorum , il ne faut p ' qu'il s'en vanie trop ni
» vous non plu> y>. ( tS.y letr. en 1760. )
Voltaire vit Tur^jot y et répondit;
V Si vous avez plusieurs maîtres de cette espèce
» dans votre sece, je tren^ble pour Vinfàme , ( c'esr-
» à-di e, pour la re4!gion ) ; elle est perdue pour la
» bonne compagnie »• (77me. lettre. )
L o u I s X V I. S63
uvernement , n'avoit dans fon înten-
ice de Languedoc , aboli K s corvées ,
et fait d'autres actes de bienfaisance
philosophique , que pour s'établir ùnè
réparation de popularité et de philàntro-
pie qui devoit le conduire à Son but ; et
ce but étoit si marqué, si connu d'a-
yance, que Fb/rj/>e regarde quelque part
ï'appel de Turgot au nlinist^re , comme
ie commencement d'une grande révolu-
tion, hvx\vé à ce poste brillant par tou-
tes les intrigues delà secte, Turgot ne
"tarda pas à abuser delà facilité du jeune
monarque, toujours aisément séduii: ,
quand onlui faisoit entrevoirlebonhear
du peuple- Les innovations du ministre
"portoient un caractère auquel il étoit
facile de se méprendre ; et le bon cœur
de Louis XVI , cédoit trop volontiers
peut-être à l'apparence du bien. Mais
Texpériencene tarda pas h le détromper,
et il fallut bien se résoudre à renvoyer
un ministre, disgracié trop tôt au gré
des philosophes , et trop tard pour ie
bonhear de la France et le salut de son
'• Appelé de son ambassade de Suède Vergennes.
au ministère ài^s affaires étrangères ,
V'ergennesne justi fia qu'enpanie le choix
du roi. C*est à lui qu'est dû le fameux
traité de commerce entre la France et
'''\ngleterre^ traité qui eût pu devenir
Qi
B64 L o u I s X V r.
pour notre patrie unt source féconde
de prospérité, et qui, par Fimprévoyan-
ce du ministre, nous devint beaucoup
plus funeste qu'avantageux.
Sartmes» Un Seul homme travailla réellement ,
pendant son ministère , à la gloire de
son pays et h celle de son maître : ce
fut M. de Sartines. Elevé de la police
de Paris , au ministère de la marine, il
y porta son esprit d'ordre et de détails ;
et, dans l'espace de deux années, la
France qui avoit perdu sa marine , comp*
ta soixante-sept vaisseaux de ligne, qua-
rante-neuf frégates; huit chébecs, seize
corvettes , et soixante autres petits bâ-
timens. Il n'est pas inutile d'observer
que cette création qui tenoit du prodi-
ge , ne coûta pas à la nation le plus lé-
ger impôt. Mais , cette exception faite >
il sembloit que tout se liguât d'avance
contre le malheureux Louis XVI , que
sa perte fut jurée dès le moment qu'il
monta sur le trône, et que tout ce qui
l'environnoit y dût contribuer d'une
manière quelconque.
Sf. Ger- Tandis que le ministre chargé desur-
"^*"' veiller lalibrairielaissoitimpruxiemment
circuler des écrits où la licence sappoit
également et le trôneetl'a;:tel, M.dé St.
Germain exaspéroit le militaire, aliénoit
du monarque les cœurs de ses soldats par
des léforines sévères, par une discipline
Louis X V I. ^ 3/56
rivlicalement exagérfe , et préparoît la
chute de son maître , en supprimant
presque tous les corps quicouiposoient
la m?ison da roi.
Tels sont les principaux ministres qui
ont goîiverné sous Louis XVI ; et si par
rimpéritie des uns ou par la négligence
des autres la prospérité de Térat n'a pas
été aussi grande qu'elle auroit pu le
devenir, il n'y en auroit pas moins d'in-
justice à reprocher à la mémoire du roi
des choix , qui , à Texception d'un seul ,
M. de Meaurepas, lui étoient indiqués
par la voix publique ou par quelque
homme di^ne de sa confiance et de son
estime.
Ttlle étoit cependant la majesté de la ^ Guerre
nation Françoise et son influencepolitique ^'•^"^•'«i^e
au-dehors , qu'elle y jouissoit toujours
d'une considération, que la guerre d'A-
mérique ne fît qu'augmenter encore.
La guerre avec la France étolt à peine
terminée, que l'Angleterre sentit tout le
poids de sa dette nationale : elle se
montoit à cent cinquanre raillions de li-
vres sterlings. Pour combler ce vuide
effrayant, on eut recours aux impôts , et
tout ce qui fut susceptible d'enrecevoir^
fut taxé, jusqu'aux fenêtres et auxdés
à jouer. Le parlement rendit un Bill ,
en vertu duquel les colonies am.éiicaï-
Q5
M6 L o c I s X V r.
nés dévoient être chargées d'une partie
de cette dette'. Juste d2ns son principe,
le Bill ne Pétoit pas dans son applica-
tion. Les colonies faisant partie de l'em-
pire britannique, les dépenses occasion-
nées par elles entroient nécessairement
dans la dette nationale : mais ces mê-
mes colonies n'ayant aucune part dans
la représentation nationale, n'avoient été
pour rien dans les résolutions malheu-
reuses quiavoient accumulé la dette et
grossi le déficit.
Le Bill du parlement ne pouvoit donc
être que fort mal accueilli j et la pro-
vince de Massachus :t fut la première à
en témoigner son mécontentement. Le
Bill sur le timbre souleva la ville de
Boston i qui arrêta, dans une assemblée
générale de la province, qu^il seroit lé-
gal, nonobstant Tacte du parlement,
de contracter sur papier or-iinaire.NeW-
Yoi k et Philadelphie suivirent l'exem-
ple de Boston , et votèrent , comme
elle , le rejet d? tou^ ce qui leur vien-
droit de la métropole, tant que ce bilî
ne seroit point retiré. Tour le commerce
anglois frémit le cette résolution, etTacte
du timbre fut révoqué par un autre,
dont le préaniDuie injurieux ne pouvoit
qu'aiou'er à la fermentation. Il portoit
que robjet de ce dtrnier étoit de mieux
assurer au roi et au parlement la dé-
louis X V T. 36/
, riclancedes domaines britanniques eit
Amérique
Cependant le mécontentement aug-
menoit, et les mesures de rigueur em-
{îloyé^^s { our le réprimer produisirent
eur efFer naturel, qui étoit d'aigrir les
esprits au lieu de les calmer. Bientôt les
progrès de l'insurrection ne furent plus
susceptibles d'êire arrêtés: l'esprit qui
Tavoit fait naître et qui la dirigeoit se
propagea dans toutes les co'onies , la
révolution s*y manifesta sous des formes
alarmantes , et le gouvernement bri-
tannique réduit à employer la force ,
faisoit par cela même l'aveu de l'impuis-
sance des antres moyens.
Charles-Town , Philadelphie , NeW-
Yurk et Boston surtout , devinrent le
théâtre fréquent de ces émeutes popu-
laires,dont il est rarement permis d'ar-
rêter, ou possible de calculer les suites.
Ici des régimens entiers furent écrasés ;
là , des approvisionnemens furent brû-
lés publiquement ou jeiés à la mer par
la populace en fureur. Plus loin , des
gouverneurs de places furent pendus en
efÏÏi^ie , ou personnellement insultés :
ailleurs, des forts furent enlevés à maia
armée, par tout enfm le peuple Juridi-
quement soulevé contre l'autorité légiti-
me, se permit ces forfaits politiques , ces
vengeances nationales qui ne furent que
368 L o u I s X V î.
le prélude et le modèle , trop fidèle-
ment suivi, de celles dont la France
gémit bientôt après , et saignera encore
long-tems.
L'histoire dira cependant en faveur
des Américains que si leur révolution
fut souillée dans le principe par des cri-
mes toujours inexcusables^ la justice du
moins étoit de leur côté, et l'oppres-
sion du cô.é de leur gouveruemeat. Tels
furent fans doute les motifs qui déter-
minèrent i'équité de Louis XVI à proté-
ger une insurrection oîi il ne voyoit que
le droit des nations à soutenir. On ne ces-
soit d'ailleurs de remettre sous ses ytux
l'iniquité du gouvernement anglois , son
esprit d'oppression, deperfrdie etd\)r-
gueil : on lui rappeloit surtout comment
dans la dernière guerre , au sein d'une
paix profonde, sans aucune provocati an
de notre part, avant aucune déclara-
tion de guerre , ils avoient capturé cinq
cens de nos vasiseau^i , et récemment en-
core insulté dans l'Inde le pavif on Fran-
çois. Tout se réunissoit donc pour lui
faire croire qu'il étoit de la prudence
comme de la politique de profiter de îa
crise actuelle, pour porter un coup dé-
cisif à la marine de ce peuple qui se dit
insolemment le roi des mers, et qui n'en
est que le tyran. Attentive à tous les
mouvement du cabinet de Versailles,
L o u I s- X V î. Z6cp
l'Angleterre s'attendoit à une rupture
prochaîne , et elle fat inévitable , quand
Louis XVI reconnut Tindépendance des
Américains. Il signa avec eux un traité
de paix et de commerce, le 20 mars 1778;
et le 19 juillet suivant, la guerre fut
déclarée à l'Angleterre.
Cependant cette guerre, si irapolitique
dans son objet et si funeste par ses con-
féquences, ne fut pas sans éclat pour la
nation françoise. SufFren , dans l'Inde,
d'Efttaing , Vaudreuil , Guichen, La-
motte-Piquet et d'Orvilliers , dans les
mers d'Amérique , firent plus d'une
fois triompher notre marine , dont la
gloire s'étoit sensiblement affoiblie dans
la guerre précédente. Mais les succès fu-
rent balancés , les pertes réelles de part
et d'autre , et le résultat d'une guerre
de cinq ans futjpour les Anglois, la perte
de leurs colonies d' Amériqc e , et pour les
François, celledeleiirséîablissemens aux
Indes Orientales. Les finances des deux
peuples se trouvèrent également épuisées
et leur dette nationale respectivement
augmentée. Mais le malle plus réel que
nous ait fait cette guerre, c'est le ressen-
timent profond qu'en garda contre nous
le gouvernement Anglois , ressentiment
qui ne tarda pas à éclater , et que les
circonstances ne favorisèrent que trop*
Dès que les premiers germes de l'iiv-
370 L o u I s X V î.
Siirrection coaimencèrent à se dévelop-
per en France 3 l'Angleteire saisit avec
une joie barbare l'occasion de se ven-
ger ; et , protégeant à son tour des su-
jets en révolte ouverte contre leur sou-
verain , elle attisa tous les feux de la
discorde , interdit ou paralysa tous les
moyens de rapprochement encre le mo-
narqueetson peuple, et sourit d'avance
à l'idée cruelle de voir marcher à Técha-
faud le malheureux prince qai avoit
prêté un appui imprudent à ses colonies
rebelles.
Cette faute ( et c'en est une que la
sévérité de l'histoire ne doit pas dissi-
muler) a creusé l'abîne ou Louis est
tombé , en y entraînari' s ir ses pas une
foule innombrable de ses sujets ; mal-
heur qu'il eût évité, s'il s'en fût tenu
à la réponse de Joseph II, qui , consulté
par Louis XVI sur le paiti qu'il devoit
prendre dans cette occasion, lui répondit
que le métier d^un roi etoit d* être royaliste,
Âlais il y avoit , nous le répétons en-
core, une fatahté tellement attachée â
toutes les actions de ce prince, qu'avec
les intentions les plus pures, il n'a pres-
que jamais travaillé qu'à son malheur
et à celui de tous ceux dont il désiroit
Aflàire de si sincèrement la félicité.
Hoiande. La France respiroit à peine de la guerre
d'Amérique, que, fidèle à son plan de
L o u I s X V I. 371
rengeance , l'Angleicrre ne songea plus
q l'aux moyens de le réaliser. Redouta-
ble par elle-mêiue , par la nature et l'a-
bondance de ses ressources, la France
1 étoit encore par ses alliés : TAne^leterre
épia l'occasion de semer la mésintelli-
gence et d'amener enhn des ruptures
éclatantes er^ire elle et les puissances
alliées. Cette occasion ne tarda pas à
s'oifrir : la Hollande et l'empereur la
lui fournirent, au sujet de la naviga-
tion de l'Escaut , également réclamée
par ks deux puissances. La maison
d'Autriche fondoit ses réclamations sur
ce que ce fleuve sert de limites à diffé-
rentes parties des deux territoires. La
Hollande alléguoit la foi des traités ,
une jouissance non interrompue, et la
sûreté de ses frontières qu'elle craignoit
de voir compromise ; et quoique le roi
de Fiance fût beau-frère de l'empereur ,
elle attendoit de sa justice? qu'il interpo-
seroit sa médiation , et lui prêteroit
même, s'il étoit nécessaire, l'appui de
ses armes , pour défendre ses droits.
Cette demande étoit juste, et Louis XVI
ne pouvoit s'y refuser. Mais , lié par
sa pirole, il avoit solemnellement pro-
mis à l'empereur de ne se point oppo-
ser à sa réclamation, à condition toute
fois qu'il ne prendroit aucune part direc-
te ni indirecte à la guerre d'Amériquew
372 L o u I S X V I.
L'empereur avoit tenu parole > et avoît
gardé la plus exacte neutralité, mal-
gré les pressantes sollicitations du duc
d'Yorck qui avoit Fait à ce sujet le voya-
ge de Bruxelles. Le roi de France se
voyoit donc placé dans la fâcheuse alter-
native ou d'abandonner ses anciens et
fidèles alliés les HoUandois, ou de man-
quer à sa parole. Dans les deux cas , la
guerre étoit inévitable , et c'est ce qu'es-
péroit l'Angleterre, Mais la sagesse de
Louis déjoua ses espérances. Sa conduite
fut ce qu'elle devoit être dans de pa-
reilles circonstances. Il se rendir média-
teur , engagea les deux parties à faire des
sacrifices: l'empereur aban donna ses pré-
tentions , les HoUandois lui donnèrent
de l'argent , et Louis XVI paya une
partie de la somme convenue. Ainsi
cette conduite politique fit un égal hon-
neur aux deux princes, et devoit rete-
nir les HoUandois dans notre alliance ;
mais la haine jalouse de l'Angleterre et le
destin de la France en avoient autrement
ordonné.
Jnvasloii de Trompé une fois dans ses vues à Pégard
laHolUnde.^g la Hollande, le cabinet britannique
ne rabattit cependant rien de ses espé-
rances , et n'en travailla qu'avec une
nouvelle ardeur à les réaliser. Pour re-
connoître , et payer à sa manière l'inac-
tion à lacjuelle le Stathouder avoit CQU^
L o u I s X V î. 573
damné la marine hollandoise pendant
la guerre d* Amérique, l'Angleterre trou- \^
va le moyen d'intére^-ser la Presse à
former avec elle et la Hollande une tri-
ple alliance ofieiisive et défensive. Pour
y parvenir , le duc de Brunswick parut
tout-àcoiip sur les frontières de la Hol-
lande , à la tête des troupes prussiennes,
et avec un appareil menaçant. Le devoir
et Tintérêt de la France étoir de s'oppo-
ser à cette invasion ; mais Tépuifement
de ses finances ne lui permit que des
vœux, et le duc de Brunswick, fidèle-
ment instruit que le camp françois indi-
qué auprès de Valencienaes n'existoit
que dans les gazettes ,se présenta bien-
tôt aux portes d'Amsterdam, qui lui fu-
rent ouvertes sans résistance. La triple
alliance projetée fut une conséquence
naturelle de cette mesure de circons-
tance. Ainsi la France eut la douleur de
voir passer du côié de son ancienne enne-
mie, un deses plus fidèlesaîliés; et la con-
sidération dont ellejouissoit au-dehors ,
une fois ébranlée , ne fit plus que dimi-
nuer insensiblement de jour en jour. o
Il lui restoit cependant encore des res-avecla Ru$.
sources et des alliés puissans. A la fa-sie er la
veur d'un traité heureusement niénagé ^^^^^ç* ^'^'
entre la Russie et la Porte Ottomane , son
commerce tleurissoit dans les échelles du
3/4 L o VI s X V I.
Levant. Ce restede prospérité commer*
claie importunoit TAngleterre , qui en-
treprit dès lois de compromettre et de
brouiller le gouvernement françois avec
la Porte ou la Russie. Le succès passa
ses espérances ; les Russes nous retirè-
rent leur amitié , les Turcs leur appui ;
et l'Europe entière resta convaincv^e
de notre impuissance ou de notre foi-
blesse.
Conspira- Tandis que par les intrigues de Lon-
tion d'Or-dres, la France perdoit son crédit au-
leans. dehors et la protection de presque tors
ses alliés , Un parti formidable s'élevoit
dans le sein même du royaume , moins
contre la monarchie elle-même, que
contre le monarque infortuné, dontl*in-
concevable bonté grossit le nombre et
encouragea PeSjîoir coupable des conspi-
rateurs. L'impulsion une fois donnée,
la marche des événemens est devenue
si rapide, qu'elle a entraîné plus loin
qu'ils ne le désiroient eux-mêmes ^ ceux
qui avoient donné le signal du soulève-
ment ; et la machine révolutionnaire ,
une fois mise en mouvement a écrasé
les premiers ceux qui se flattoient de la
diriger à leur gré.
A la tête de cette faction usurpatrice,
Porrrair ^ugg tiouvoit un de ces hommes que la
eue d Ur- -, , c \ r •
i<^dns. nature semble enianter quelquefois pour
L o u 1 s X V I. 3;5
[iire croire au génie du mal ; nn homme
i ; rofonde-nent pervers , quc l'histoire,
)o ir le peindre, rassemblera en vain sur
u les traits principaux des ^r..nJs cou-
îaMes qu'elle a ju^^és , et qu'elle sera
)hlirée de créer dfS termes nouveaux
>our carac ériser un genre nouveau
le <^célératfsse. Comptable à la posté-.
rite de tout lesan^ qu'a versé larevolu-
:ion : personnellement souillé de tous
es <-!ttentats qui Pont avilie aux yeux, de
'univers , sujet rebelle , fils dénaturé >
nauvais père , le prodige du vice ,
:omme son épouse l'étoit de la vertu ;
îssez méchant pour concevoir tous les
crimes, et trop lâche pour en exécuter
par lui-même aucun : de loin, il dévo-
roitsa proi,? avec la joie féroce du tigre,
H pâlissoit en sa présence : monstre en-
fin , dont aucune ombre de vertu nera-
chetoit les vices multipliés : telfutLouis-
Phi lippe-Joseph d'Orléans.
Voilà l'homme cependant qui conçut c^^n^ri^,^
I • 1 1-1 \ \ Ml ) r 1 oesprc>)ci5.
le projet hardi de tramera 1 echaraud un
roi puissant, aimé de ses sujets et di-
gne de leur amour : Voilà l'homme qui
aspiroit à régner sur la France y et qui,
pojr y parvenir, couvrit cette même
France de crimes , d*incendies et de car-
nage.
Premier prince du sang des Bourbons ,
cetitreétoit assez poux sa gloire, et de^
37<5 L o u I s X V t,
voit suffire à son ambition ; et peut-
être son ame naturellement abjecte ne
se fut jamais éWvée jusqu'à l'idée de ré-
gner , si la soif de la vengeance , plus
forte encore en lui que l'ambition, ne
l'eût aveuglé sur le nombre , la nature
des obstacles , et rmipuissance de ses
moyens. Mais dès l'instant que le ser-
ment affreux de perdre Louis XVI fut
sorti de cette ame atroce , il ne calcula
plus rien , ne vit plus que son projet , et
y sacrifia sans relâclie comme sans re-
mords , son honneur, sa fortune et sa vie
enfin, qui lui fut arrachée parses propres
complices , quand ils n'eurent plus be-
soin de lui, ou qu'ils s'en crurent trahis.
Motifs de 9^ ^?^^ remonter la cause de cette
fi haine, haine si profondément jurée et si acti-
vement servie , au refus de la charge
de grand-amiral de France, dont le duc
espéroit la Survivance. Ce n'étoit pas
sans doute sur sa bravoure qu^il fondoit
ses prétentions -^ce grade. Sa conduite à
l'affaire d'Ouëssant n'étoit plus un mys-
tère pour le public ; on sa voit qu'il y
avoit montré une lâcheté qui eût dés'\
honoré le dernier des matelots , et les
François se vengeuient par des huécS ,
et par des sarcasmes du moment d'esti-
me qu'il avoit usurpé à celte époque.
Louis XVl qui n'ignoioir rien de sacon-
duite; résolut de fairepasser la charge de
I
L 0 u I s X V I. 377
jrand amiral, du duc de Penthièvre
|ui en étoit revêtu , à l'un des fils du
^:omte d'Artois. Il n'en fallut pas da-
/•antage pour aigrir Tanimcsité sourde
jue d*Orléa:is nourrissoit depuis long-
eius contre la dyjiastie régnante , et
:ontre le roi en particulier. Son ambition
rompée dégénéra bientôt en une haine
jui ne connat plus de frein. Dès ce mo-
nent, il s'attacha à rechercher la faveur,
i capter la bienveillance du peuple, de
:e même peuple dont il avoit eu la bas-
sesse de dire qu'il ne donneroit pas un
ku : de ce peuple qui devint, sans le
savoir, l'instrument de ses propres mal-
leurs , le vengeur aveugle et la victime
des querelles étrangères.
Cependant l'instant approchoit , où
ia machine politique, ébranlée par tant
de secousses successives , alloit enfin se
briser avec éclat, couvrir la France de
ses débris, étonner TEurope de sa chu-
te, et l'entraîner presque toute entière
dans sa ruine. L'Angleterre avoit amené
les choses à un point, où cette dissolu-
tion effrayante ne pou voit qu'être très-
prochaine, et la haine du duc d'Orléans
se chargea de consommer l'ouvrage que
l'or et l'intrigue de Londres avoient si
malheureusement commencé. L'épui-
sement du trésor pub jc étoit tel , qu'une
faillite e*i apparence inévitable > mena-
378 Louis X V ï.
çoit et alla rmoît les capitalistes le parti
du duc d'Orléans 5 déjà grossi de tout
ce ramas d'hommes qui ne ^e plaisent
qa*au rniHea des innovations , parce
qu'ils ne peuvent exister que par elles ,
augmenta les craintes de la nation S':r
l'immensité et les conséquences du défi-
cit. Il fit entrevoir que Necker pouvoit
seul sauver la France ; mais ce choix ne
fat pas celui de la cour , qai pré-éra
Lomelie de Brienne y Brienne, dont il ne
reste aujourd'hui que le ridicule de sa
cour plé nière ^ et le souvenir d'une mort
digne de sa vie.
Biienne. Jamaisle partisan le plus déclaré d'Or-
léans n'eût mieux servi ses projets , que
ne le fit Brienne y en présentant à l'en-
registrement du parlement deux édits
également désastreux pour le peuple ,
également favorables aux conspirateurs.
L'un avoit pour objet de contraindre
les gens de campagne à la corvée ; l'au-
tre permettoit l'exportation des grains,
et le parlement eut la foiblesse de les en-
registrer l'un et l'autre, soit que d('jà
vendu en partie à d'Orléans , il vit dans
cette mesure un moyen de seconder ses
vues, soit que flottant depuis quelque
tems entre le monarque ei Us f uje s > il
crut devoir sacrifier les uns à l'espoir
de reconquérir l'eSLime de l'autre.
Quoiqu'il ensoit , cette arme terrible
prodaisit
_ L o u I s X V 1. 3/9
produisit , dans la main des conjurés ,
un erfet aussi sur que rapide , et accé-
léra l'époque et la marche de la révolu-
tion , en soulevant le peuple contre
la cour. Enhardi par ce premier suc-
cès y Lomélie présenta bientôt au par-
lement l'édit du timbre. Mais ce même
parlement qui venoit d'enregistrer avec
tant de complaisance deux édit« évi*
demment contraires à l'intérêt du peu-
ple , se refusa à l'enregistrement de celui
^ur le timbre ; cette circonstance mit tout
le peuple de son côté. Il en fut de même
de l'impôt territorial: comme il frappoit
particulièrement sur les grands proprié-
taires y le parlement étoit intéressé à s'y
oppofer, persuadé que la classe nom-
breuse des négocians le soutiendroit, en
raison de son refus de l'enregistrement
sur le timbre. Ainsi le parlement, pressé
d'enregistrer un édit qui lui étoit oné-
reux, demanda pour se soustraire à
cette nécessité , la convocation des états-
généraux.
1 Le roi déploya de la fermeté , tint un mmmmm^m
lit de justice , et fit enregistrer en sa pré- ^TyiSo,
sence les dcux édrts proposés. Le parle-
ment protesta et fut exilé à Troyes. Mais
le vuide des fmancesse faisant sentir de
jour en jour d'une manière plus elFrayan-
te y le besoin rapprocha le roi de son
Tome IIL R
38o Louis XVI.
parlement , et il hn rappelé, à condi-
tion , qu'il enregistrèrent l'emprunt de
quatre cent vingt milliorfs , et que la
séance tenue par le roi seroit dite royale
et non pas lit de justice , parce que ce
nom commençoit à devenir odieux»
Cette condescendance du roi donna aux
factieux le secret de sa foiblesse , et les
preuves passées desa bonté ne furent que
de nouveaux motifs pour enhardir leur
audace. H fut donc arrêté chez le duc
d'Orléans que l'on profiteroit de l'oc-
casion qu'ofFroit cette séance loyale ,
pour mettre à.ts bornes à ^autorité ^q^
ministres , et pour forcer le roi à con-
voquer les états-généraux.
La séance eut lieu le lendemain»
Louis XVI s'y rendit , sans être revêtu
d'aucun des ornemens de la royauté, et
c'est une faute que l'histoire est en droit
de lui reprocher ; ce n'étoit pas en pré*
sence de ses ennemis^ dans un parlement
qui venoit de donner l'exemple de l'in-
subordination, qu'il devoit rien rabat-
tre de tout ce qui pouvoit en imposer
autour de lui , et lui concilier les res-
pects de son peuple. Mais le roi se flat-
toit de ramener les esprits en multipliant
les sacrifices ; et cette erreur , qui est
celle d'une belle ame , ne l'a jamaiç
abandonné un instant.
Le garde des sceaux, Lamoignon
Louis XVI. ZH
annonça la volonté du roi ; elle étoit
que chacun dît librement son avis sur
les édits qu'il s'agissoit d'enregistrer ;
mais que quand ilcroiroitavoir sufTisani-
ment recueilli de lumières , il ordonne-
roit ce qu'il jugeroit à propos , et que
l'obéissance seroit le seul parti qui reste-
roit àlassemblée. Cette décision conve-
noit à la majesté du trône ; mais pour-
quoi alors ôter à la séance son véritable
nom y Pourquoi n'y pas paroître en roi,
puisque l'on y vouloit agir en. roi ?
C'est ainsi que ce malheureux prince ,
toujours flottant entre le désir de soute-
nir la dignité et les droits de la couron-
ne , et la crainte de sévir contre des
sujets qui bravoient l'une et ofFensoient
les autres , perdoit d'un côté ce qu'il
ga^noit de l'autre , et fournissoit des
armes contre lui par les précautions
mêmes qu'il prenoit pour détourner les
coups qu'on luiportoit. Cette séance lui
en fournit la preuve atïligeante. C'est là
que l'oii vit s'établir pour la première
fois une lutte scandaleuse entre l'auto-
rité légitime et une poignée de factieux :
c'est là que l'on entendit un Robert de
St, Vincent haranguer grossièrement les
ministres, se répandre en sarcasme con-
tre les grands, parler sans adresse comme
sans ménagement du monarque lui-mê-
me : un tréteau se jeter dans une dis-
Ra
582 L o u I s X V I.
cussion étrangère à Pobjet de la séance,
et critiquer avec autant d'ii^norance que
de maavaife foi les travaux diplomati-
ques du roi et des ministres. Quel-
ques autres magistrats parlèrent éga-
lement contre la teneur des édits ;
mais d'une manière plus respectueuse
et plus conforme à leur caractère. Fati-
gué de la discussion , le roi la termina
en ordonnant, par l'organe de son garde
des sceaux , que Tédit portant création
d*un emprunt, fût enregistré sur le
champ.
Alors d'Orléans , hardi et courageux
pour la première et Tunique fois de sa
vie 5 lance sur les magisratts un regard
d'indignation , se lève brusquement, re-
garde insolemment le monarque lui-
même , et lui demande , si la séance
présente est une séance royale , ou un
lit de justice. C''^jf; répond le roi^ une
séance royale-
» Sire , continua le duc d'Orléans ,
» je supplie votre majesté de permettre
» que je dépose à ses pieds et dans le
» sein de la cour la déclaration que je
V regarde cet enregistrement comme
» illégal jet qu'il seroit nécessaire pour
» la décharge des personnes qui sont
^ censées y avoir délibéré , d'ajouter
i^ que c'est par exprès commandement
)> du roi. »
L o u I s X V I. 385
Cette déclaration, qui fut pour h
France le si^.nal à la his et le présage
de tous ses maux , annonçqit à tousles
mécontens qu'ils pouvoient désormais
compter sur un chef ; que le premier
prmce du fangs'offroit à eux, rompoit
avec son roi , etne prétendoitplus gar-
der à l'avenir aucune espèce de ména-
gement.
Le roi se contenta de dire que cette
séance n'offroit rien qui ne fût très-lé-
gal , persista kordonner l'enregistrement
de Temprunt , fut obéi et se retira.
Moins offensé de la déclaration du
duc , que du ton presque menaçant dont
îtilTavoit accompagnée, Louis XVI n'a-
yoit cependant donné aucune suite à
ion ressentiment ; mais la reine exigea
.et obtint la punition du coupable. En
vain on lui représenta que les demi-
mesures en pareil cas, ne font qu'aggra-
ver le mal au lieu àà le guérir, qu'il
est plus prudent de dissimuler ^ quand
'la diiTiculté du tems ne permet pas de
proportionner la peine au délit. La triple
lettre de cachet fut expédiée contre les , ^^'Lt*
conseilleis Jr reteau et oabbatLer ^ et con- leans.
tre le duc d'Orléans , à qui Villers-
Cotteret fut assigné pour le lieu de son
exil. A peine y fut- il arrivé , que le roi
fut assiégé , et le public inondé d'écrits
parlementaires , plus ou moins hardi*
384 Louis XVI.
dans l'expression , mais qui tous éta-
loient ces inovations spécieuses^ qui ne
tendoient à rien inoins qu'à la subver-
sion tôt de de notre droit public ; maxi-
mes d'a.jtant plus dangereuses^ que le
premier organe des lois leur donnoit une
espèce de sanction. L'objet principal de
toutes ces représentations étoit le rap-
pel du grand coupable , que l'on regar-
doit comme le sauveur de la patrie. Le
roi répondit à quelques-unes de ces re-
Rappe! du "^ontrances avec une fermeté noble >et
dttc d'Or- persista dans sarésolution. Le rappel du
leans. j^^ d'Orléans ne fut accordé qu'à la
vertu et aux touchantes sollicitations de
la princesse son épouse. Revenu enfin de
son exil y le duc parut devant le roi, y
fit l'aveu de ses torts , protesta pour
l'avenir d'une soumission entière aux
volontés du monarque. Il parut en effet
étranger pendant quelque tems à tous
les troubles élevés entre les parlemens
et les ministres ; mais il n'en poursui-
voit qu'avec plus d'acharnement l'exé-
cution de ses desseins. Jamais circons-
tance n'avoit été plus favorable.
L'ineptie de Brienne^ et la ridicule
hardiesse de ses innova teurs,avoient sou-
levé contre lui tous les ordres de l'état*
Il fut dont arraché du timon des affai-
res et alla cacher sa honte dans une re-
traite ^ où il se tua bientôt^ de dépit ^
NecVcr.
t ô û I S X V I. 3^5
ajoute un écrivain du tems y de ne pou-
voir p^us faire le mal. Necker fut dési-
gné p.)ur le remplacer. Necker , ami
et créature secret te de d'Orléans , tour-
à-tour l'appui et l'oppresseur de son roi,
homme sans ^énie et sans caractère ,
dont la conduite fut si mobile, et les
traits politiques si incertains , que la
postérité ne saura si elle le doit placer
parmi les plus ineptes , ou à côté des
plus méchans des hommes.
Tel étoit l'état des choses , quand les
notables furent appelés pour la seconde
fois. L'objet de cette seconde assemblée
fut de régler le mode de convocation
des états-généraux, et la manière dont
ils seroient composés.
Enfm ces états-généraux ; attendus
depuis si long-tems , sollicités à grand
cris par tous les ordres de l'état, impé-
rieusement commandés par les circons-
tances , s'ouvrirent à Versailles le 5 m ai,
dans la salle des Menus Plaisirs.
L'histoire consignera dans ses fastes, Etats-
et la postérité lira toujours avec inré- généraux,
rêt le discours que le roi adressa aux dé-
putés. Il étoit fait pourlui concilier l'ji-
mour de tous les François. Nous ne
pouvons nous refuser au plaisir de lui
donner une place ici.
Messieurs ,
^ Ce jour que mon cœur attendoit
R4
386 L o u I s X y r.
» depuis long-tems est enfin arrivé, et
?5 je me vois entouré des représentans
» de la nation à laquelle je me tais
w gloire de commander,
» Un long intervalle s'étoit écoulé
» depuis les dernièr«:^s tenues des états-
*> généraux; et quoique la convocation
» de ces assemblées parût être tombée
i> en désuétude , je n'ai pas balancé à
» rétablir un usage dont le royaume
» peut tirer une nouvelle force , et qui
7y peut ouvrir à la nation une nouvelle
» source de bonheur.
* La dett^ de l'état déjà immense à
» mon avènement au trône s'est encore
» accrue fous mon règne. Une guerre
i> dispendieuse , mais honorable , en a
» été la cause : l'augmenta tion àes im-
w pots en a été la suite nécessaire , et
» rendu plus sensible leur inégale sé-
» partition.
9> Une inquiétude générale » un désir
V exagéré d'innovation se sont emparés
» des esprits, et fmiroient par égarer
» totalement les opinions , si on ne se
» hâtoit de les fixer par une léuniou
» d'avis sages et modérés.
>3 C'est dans cette confiance , mes-»
» sieurs y que je vous ai rassemblés , et
w je vois avec sensibilité qu'elle a déjà
îi> été justifiée par les dispositions que
H les deux premiers ordres ont montrées
L o u I s X V I. 3^7
}' h renoncer k leurs privilèges pécu-
» niaires. L'espérance que j'ai conçue
m de voir tous les ordres réunis de seii-
» timeiis , concourir avec moi au bien
w général de l'état, ne sera point troni-
»>pie.
"Les esprits sont dans l'agitation ;
" mais une assemblée de représentons
» de Li nation, n'écoutera saiis do^te
M que les conseils de la sagesse et de la
» prudence. . . .
» Jeconnois l'autorité et la puissance
M d'im roi juste au milieu d'un peuple
» fidèle et attaché de tout tems aux
» principes de la monarchie ; ils ont
;»>fait la gloire et Tétat de la France ;
» je dois en être le soutien , et je le se-
» rai constamment.
» Mais tout ce qu'on peut attendre
i> du plus tendre intérêt au boiilieur pu-
» b!ic ; tout ce qu'on per.t demander à
» un souv^erain , le premier amidescs
» peuples, vous pouvez^ vous devez
'.'esi^érer de mes sentimens.
» Puisse , Messieurs , un heurei.x
3> accord régner dans cette assemblée ,
» et cette époque devenir à jamais mé-
i> n;orable pour le bonheur et la pros-
,>érité de ce royaume ! C'est le plus
r ardent de mes vœux ; c'est enfm le
j> prix. que j'attends de la droiture de
R5
Zîi i ô V i f^ % V h
» mes intentions , et de mon amo. r
» pour mes peuples. »
Il étoit impossible de concilier plus
heureusement et la dignité d'un roi et la
tendre sollicitude d'un père. Mais quel
effet pouvoit produire un tel discours
sur des esprits prévenus d'avance con-
tre les intentions du monarque ? sur des
hommes dont le plan étoit fait, et qui,
sourds àtou t au tre sen timent>nevoyoien t
que Pinstant d^en consommer l'exécu.
tionDans cette même séance, le contrô-
leur général mit sous les yeux de l'as-
semblée le compte des revenus et des
dépenses de l'état. Les revenus se trou-
voient monter à 476,2^4,000 livres ,
et les dépenses étant de 63i,2p4,coo li-
vres , surpassoientles revenus annuels
de 55,i6o,oco livres.
Voilà le grand objet qui devoit fixer
l'attention toute entière de l'assemblée.
C'étoit le but spécial de sa convocation;
mais telle étoit déjà l'influence de la
faction que , dès le lendemain 6 , le
trouble et la division se manifestèrent
dans l'assemblée d'une manière alar-
mante. La vérification des pouvoirs fut
le premier objet qai mit aux prises les
intérêts divers des trois ordres ; et ce
devoit être une suite de l'égalité derepré-
fentaiion accordée aux tiers. Louis XVI,
au lieu de sV opposer comme il le
t o u I s X V I. 089
pouvoir et le devoit nécessairement ,
appuya de toute son autorité ce projet
d*éga!ité présenté par Necker. C'étôit
Une conséquence naturelle de son pen-
chant à ne rien repausser de ce qu'il
croyoitdevair être Utile à son peuple ;et
le ministre lui avoit persuadé qu'il n'y
a voit pas d'autre moyen de se procurer
les subsides dont on avoît besoin»
Louis ne tarda pas k s'apperccv.jir
tombien ses vœux étoient tro ri pés , et
quel mouvement rapide entraînoit mal-
gré lui et les hommes et les choses. Le
17 juin , sur la proposition de Syeyes ,
les députés du tiers-état se constituent
en assemblée nationale , et le 20 la salle
est fermée , par ordre du roi , en atten-
dant une séance royale, proclamée par
des hérauts d'armes.
Les députés du tiers , se réunissent
alors dans un jeu de paume à Ver-
sailles , et y tiennent la séance mémo-
rable , d'où date vraiment la révolu-
tion. Là , chacun fait entre les mains
de Bailly le serment de ne point se sé-
parer avant d'avoir donné une constitu-
tion à la France. La majorité du clergé ,
plusieurs membres de la noblesse, le duc
d'Orléans à leur tête, viennent se réunir
aux députés du tiers-état, et s'assem-
blent dans l'église de St. Louis pour y
délibérer.
R 6
ij )uin.
390 ^ Louis XVI.
— r — • Le séance royale eutenfîn lieu, et le
^J :.^1 roi la termina en ordonnant aux députés
d^ se retirer sur le champ dansla cham-
bre affectée à chaque ordre, pour y re-
prendre la suite de leur travaux. Les dé-
putés du tiers-état étant restés dans la
salle, le roi leur envoya le grand maître
des cérémonies , qui dit au président :
monsieur, vous connoissez les intentions
du roi. Les représentans du peuple , ré-
pond le présiden-t , ne reçoivent les ordres
• Jfper^o/27Zf. Mirabeau fe lève ensuite, s'a-
dressant à celui que le roi avoit envoyé:
alle\ y lui dit-il, dire d ceux qui vous en-
voient , que nous sommes ici par la. vo-
lonté du peuple et que nous n en sortirons
que par la puissance des baïonnettes-
C'est à cette époque que se termine,
à proprement parler, le règne de Louis
XVL Comment en effets sans un abus
complet des termes , donner désormais
le titre de roi, à l'instrument passif des
fureurs de tous les partis ; le titre de
maître, à celui qui , prisonnier danssoii
propre palais , et au milieu de ceux qui
se disoient ses sujets, ne poavoit obte-
nir d'eux la liberté seulement d'aller res-
pirer l'air de la campagne ? Comment
appeler régner ^ donner unesanction for-
cée à des lois présentées à son accep-
tation a la pointe d'un sabre ou d'une
baïonnette ?
L o u I s X V I. 3y»i
Dès le moment que les députés du
tiers Ce furent constitués en assemblée.
nationdle , il n'y eut plus de monarchie
en France et la double représentation
accordée à ce même tiers , a été le pre-
mier pas de Louis vers l'échafaud. la
digue étoit rompue , et les efforts qu'il
opposa depuis au torrent , ne firent
qu'ajouter à sa fureur. ^ . ,. Reuniotr
Laseancedu23)um,n ayant tait qu ir-des rrob
literies esprits , quoique les trois ordres ordres,
se fusient réunis d'après rinjonction qui
en avoitété faite par le roi aux membres
du clergé et de la noblesse, il fallut bien
prendre un moyen qui put mettre le
trône à l'abri des coups que la faction lai
portoit si visiblement. Mais ces moyens
ne pouvant être que de rigueur 3 dévoient
aigrir les esprits et amener des maux in-
calculables, Louis venoit de faire un
devoir aux députés scissionnaires de se
réunir à ceux du tiers-état ; c'étoit ôter
à son trône un appui réel , et faire au
peuple un abandon simulé de ses droits y
c'étoit donc provoquer ce même peuple
et s'exposer à sa haine , que d'appeler ,
le lendemain , une force imposante ,
pour défendre des droits si inutilement
sacrifiés la veille. C'est ainsi que par
cette incroyable alternative de sévérité
dans les mesures premières y et de foi-
blesses dans l'exécution^ Louis toujoius
392 L o ù I s X V t.
mal conseillé:, rouloit de précipice eiï
précipice jusqu'au fond de Tabîme qui
l'a englouti avec la monarchie.
, Toutes les plumes se sont emparées
de la révolution : chaccn l'a peinte
comme il ]*a vue, on comme il vou-
loit la voir. Aussi n'aVons-nous jusqu'ici-
que l'histoire de telle ou telle opinion ,
et nous attendons encore celle de la ré-
volution. Nous attendons la main exer-
cée qui se chargera de nous développer
les ressorts qui ont imprimé un mouve-
ment aussi effrayant que rapide à la
aiarche des affaires , qui dévoilera les
causes de ces terribles effets ; et peut-
être saura- t-on alors comment le peuple
le plus léger et le plus aimable de l'Eu-
rope 5 fut tout à coup métamorphosé en
une troupede Cannibales, dont les atro-
cités sont restées sans nom. comme elle^
étoient sans exemple. En attendant ,1e
devoir de celui qui fe charge de re-
cueillir des matériaux pour l'histoire ,
est de présenter les faits dans leur ordre
naturel , de peindre , et non de juger les
personnages qu'il introduit sur la scène;
de n'avoir qu'une passion y celle de la
vérité; qu'un objet, celui d'être utile,
et de tout rapporter à ce but estimable.
Tel est le plan que nous nous sommes
préposé, en traçant cette première par-
tie du siècle de Louis XVI : ce sera celui
Louis X V î. 5i^§
de la seconde, où , par un renverse-
ment d^idées , et par une immoralité
politique qui n'appartenoient qu'à no-
tre siècle , le premier personnage de
Tétat , le chef suinênie de la nation ,-
ne va plus être traité, par son peuple y
que comme le dernier et le plus- infor-
tuné de ceux qui furent ^s sujets.
Fin dç la première partie
394 L o u I s X V I.
SECONDE PARTIE.
Appel et La cour sentant la nécessité de s'op-
renvoi des poser , s'il en étoit tems encore , aux
troupes. pjogj.^s de Tinsurrection , et ayant
d'ailleurs de fortes raisons de suspecter
la fidélité de plusieurs régi mens François
crut devoir s'entourer de troupes étran-
gères et les placer entre Versailles et
Paris , afin d'en imposer à la fois à ces
deux villes , et de couper ^ au besoin ,
toute espèce de communication entre
elles. Cette mefure , commandée par
les circonstances, étoit d'ailleurs con-
forme aux règles de la prudence. On
n'en fit pas moins un crime à Louis ; et ,
k dater de cette époque, tout ce qu'il
tenta pour prévenir, ne fit que précipi*
ter sa chute-
A l'aspect des troupes qui, des divers
points de la France , se dirigeoient vers
la capitale , la fermentation devint gé-
nérale dans l'assemblée : on n'y rougit
point de supposer au roi des intentions
perfides , de le publier hautement , et
d'aigrir contre lui ce même peuple , qui,
peu de jours auparavant, avoit béni son
nom et fait retentir les airs des cris mille
fois répétés de ripe le roi. Ces acclama-
I o c r s X V I. ^ ^b
fions éloîent sincères , et c'est précisé-
ment pour Ccrla que la faction en fré-
missoit de rage , et ne pardonnoit pas
au prinœ rattachement de ses sujets.
• Parmi \es nombreux complices que
^'or de d^Orleans soudoyoit de toutes
parts, que des vengeances particulières
à exercer,ou que le seul instinct du crime
rapprochoient de lui , la postérité en
remarquera pimsieurs , dont les e^ces ont
mérité une honteuse distinction. A leur
tête, se présente ce Mirabeau , qui avoit*^»'*^^*!'
déjà acquis la célébrité du crime, et la
réputation dos talens. Tous les vices -*
avoient déshonoré sa jeunesse: parvenu
à rage mur , les prisons l'avoient long-
tems dévoué au glaive de la justice ,
et en eussent purgé la société , tant
qu^auroit subsisté le règne de l'ordre et
des mœurs. La révolution le rendit à
cette même société, ne respirant qu'une
Vengeance aussi prompte que terrible ,
et ne dissimulant pas contre qui il pré-
tendoit spécialement la diriger. Un tel
hommenepouvoitéchapperàd^Orléans:
il réuniss .it en lui tout ce qui pojvoit
utilement servir un chef de parti, trop
lâche pour se présenter jamais lui-même
au combat. Nous avons déjà vu Mira-
beau défier insolemment Pautorité du
prince , et donner au peuple françois
le signal et Texerapîe à la fois de la rer
396 L o u I s X V I.
bellion. C'est encore lui qui s*erapare
de la tribune , pour demander le renvoi
des troupes y et pour faire décréter que
des ministres , disgraciés alors par le
roi, conservoient l'estime et la con-
fiance de la nation , et que leurs suc-
cesseurs seroient responsables de tous
_ les malheurs qui pourroient arriver!
"~j gQ^ Ce décret étoit un manifeste réel de la
14 Juillet, guerre que l'assemblée, au nom du peu-
Prise de la pie François , déclaroit à son roi. Cepen-
Bastille. ^^j^^ igg bustes de Necker et du duc
d'Orléans sont portés en triomphe dans
Paris: l'agitation est au comble. Ce n'est
plus une portion du peuple égaré pai
quelques factieux , c'est une ville en-
tière en mouvement^ c^est tout un peu-
ple qui court aux armes ; les arsenaux
sont envahis , la Bastille est prise > son
gouverneur massacré , et des têtes san-
glantes se promènent ûans Paris. La
cour est muette d'effroi , et l'assemblée
elle-même tremble un moment pour sa
sûreté; le roi se présente avec sécurité
au milieu des représentans de k nation,
leur confie ses peines , leur parle avec
la bonté attendrissante d'un père eî
leur laisse ces paroles de paix et de con-
solation :
» Je ne suis qu'un avec ma nation ;
^ c'est moi qui me fie à vous , aidez-
it mui dans celte cixGoastaiice à a-ssurei
L o u j s X V r 397
y le salut de Tétat, comptant sur t'hoiv-
» neur et la fidélité de mes sujets, j'ai
* donné ordre aux troupes de s'éloi-
» gner de Paris et de Versailles. »
Le lendemain il vient renouvellera
Paris , entre les mains du maire , ces
assurances de son amour pour son peu-
ple , et il reprend encore une fois sa
place dans le cœur de ses sujets.
Mais le monstre acharné a sa perte ,
ne lui laissa pas long-tems cette satisfac-
tion. Maître absolu des subsistances par
le coupable monopole qu'il exerçoitsur
les grains, d'Orléans tenoit entre ses
mains , et faisoit mouvoir à son gré ,
le ressort puissant qui ne manque ja-
mais fon effet sur cette portion du peu-
ple, à laquelle il n'y a rien à répondre,
^uand elle demande du pain. Journër
y Une disette factice commençoit à exci- des 5 Sc&
ter des murmures dans Paris, quand on o^^^^*"*^-
y répandit insidieusement la nouvelle
que les gardes du corps venoient de
donner au régiment de Flandre un re-
pas , ou l'on avoit chanté des couplets
anti-c'iviques, foulé aux pieds la cocarde
tricolore , et insulté eiifm la nation. Car
il faut observer que déjà le résine des
mots étoit établi , leurs sens naturel
déjà détourné de sa véritable acception,
i?t que le premier eiTet de cette lang.ae
398 L o u I s X V I.
barbare , qui devoit être bientôt cell
de tout un peuple , a été de faire coule
des flots de sang. A.u récit exagéré d
cette insulte prétendue faite à la ncitio
et à sa cocarde , hommes , femmes s
pressent , se heurtent , se rassemblen
en tumulte , crient qu'il faut se porte
sans délai à Versailles , pour y venge
l'honneur de la nation , punir les au
teurs de l'outrage, et surtout la reine
à qui la calomnie attribuoit tout l'c
dieux de ce complot. Les bataillon 3
s'ébranlent , et entraînent leur chef
frappé lui-même de la terreur qui me
nace tant d^illustres têtes , et qui s'a
vançoit au secours de son roi , comm
s'il eût marché au supplice. Toute 1
France a su , et la postérité frémira ei :
apprenant les dangers auxquels ia fa
mille royale fut exposée dans la nui
du 6 au 6 octobre.
La nature de notre plan exclut le dé
tail de ces horreurs , et c'est une obli
gation de plus que nous lui avons. Mai
nous sommes , parla nature même df
ce plan , dans la nécessité Ae ne riei
omettre de ce qui peut caractérifer 1
conduite du roi , aux époques orageu
ses ou le plaçoit si souvent la révolu
tion.
Louis à quis€s ministres avoientlai^
L o u I s X V I. 399
gnorer ce qui se passoit , revenoit de
'4eu don, sur l'avis tardifqiie l'und^eax,
"* !e St. Priest , venoit de lui en don-
On le supplioit de mettresa vie en
té , ou de permettre du moins à
- " très l'honneur de la défendre. M.
le S t. Priest y répondit-il, me mande
'■' y CL eu du mouvement à la halle , et
les jemmes d: Paris viennent me
lemander du pain ! he'las ! ajouta t- il ,
•n répandant Aes larmes , si fen ayois y
ti n attendrais pas qu elles vinssent m'en
Umander. Allons Leur parler, ^
A son arrivée à Versailles , le comte
le Luxembourg lui deraandeses ordres.
Allons donc . pour des femmes ! Vous
' 'ous moque\ de moi y Af. de Luxembourg.
le étoit la sécurité de Louis, tandis
; le tumulteet le délire s'accroissoient
tlans l'assemblée,, à mesure que les con-
urés pressentoientl'irruption des forces
parisiennes . Il faut des victimes aux na-
tions , s'écrioit Mirabeau , et il venoit
de dénoncer la reine. Ce cri de mort étoi t
appuyé, répété par Pétion , Lameth ,
:''^ry , etc. , par un Puget de Barban-
e, qui disoit: on voit bien que ces
nissieurs veulent encore des lanternes :
hé bien! ils en auront. Oui , des lan-
ternes : oui y il faut encore des lanternes ,
' hoit le duc de Chartres , et il bat-
. des mains. Nous le demanderons
4oo H o u I s XVI.
ici aux amis de l^ordre , et de la justiœ
et surtout de la vérité , s'il nefalloitpas
perdre toute espèce de pudeur , poux
s^ohstiner à ne pas voir dans cette con-
duite des ministres , dans ces discours
des députés vendus à ia faction orléa-
mûe, la plus horrible conspiration qui
ait jamais existé contre les jours dW
monarque.
Heureusement trompés dans leurs
fureurs , les conjurés ne commirent
que la moitié du crime. Le roi et la
reine échappèrent à leurs poignards ,
grâce au zèle et au courage de leurs
gardes, qui périrent, dans cette nuit
affreuse , victimes honorables de leur
attachement à une cause si juste , et k
des maîtres si chers.
Enhn aux cris des victimes que l'on
égorgeoit, les grenadiers accourent , et
font tomber le glaive des mains des
assassins. Tout k coup la pitié et le res-
pect succèdent à toutes les horreurs de
l.e rcM cette nuit affreuse : le François rede-
vîent a Pa- ^jgj^j. françcis un moment ; on crie:
i^it^e le roi , pip'e la reine , ^zVe la nation.
Le roi est conjuré de venir demeurer
à Paris. Il se détermine à s'y rendre
avec toute sa famille ; mais cette rési-
gnation trompe le vœu de ses assassins:,
c'est sa fuite, ou sa mort qu'ils vou-
loient. Ils n'ignoroient pas ce que pou-
L o u I s X V I. 401
-oit sur des cœurs François l'aspect
Tun roi assez grand pour se fier à leur
oyauté , assez généreux po.'r oublier
ant d'outrages et ne se ressouvenir
jue de son amour ! Aussi eurent-ils
oia de l'abreuver d'humiliations pen-
• lant toute la route, et à Ton entrée
i^ Pans , à Tinstant oa l'auguste vie-
imesembloit échapper pour toujours
•i leur rage , un coup de fusil , dirigé
:ur la voiture du roi , va frapper la
Tialheureuse DuprateaUy qui expire
iur le champ.
Tant de forfaits , dont l'auteur étoit
^généralement connu, restèrent cepen-
dant impunis. . . . que dis je ? C'eût été
trop peu pour le règne du crime : ils
■furent solemnellement justifiés, et un
Chabroud mit le comble à l'opprobre de
^'assemblée , en lui arrachant le décret
qui déchargeoit le duc d'Orléans de
toute accusation à cet égard. Le Châ-
telet , qui s'étoit emparé de la procé-
dure , fut aussi lâche que l'assemblée ,
acquitta les vrais coupables , pour leur
substituer celui de tous les hommes qui
étoit le plus étranger à toutes ces atro- ..
cites , l infortuné marquiS de ravras. Pavras.
Mais il étoit coupable d'un grand crime 9 octobre.
aux yeux àes conjurés; il avoit refusé . '^^;"^)'-
de partager leur complot. . s^mbleena-
Louis, prisonnier dans son palais des^iunaie à
Pâiis,
i^l L O 17 I S X V I,
Thuileries, et captif au milieu de son
peuple, reçoit bientôt l'ordre { car c'est
ainsi quM convieiu d'appeler les pré-
tendues prières qu'on lui adressoii j de
faire venir rassemblée nationale à Paris*
Elle s'y transporte y et choisit le Ma-
^^^^_^^ nège pour le lieu de ses séances.
— — ; — Les premiers orages de la révolution
J/ji^'j. avoient déjà écarté du sol françois la
graiioii. plupart de ceux que leur nom , leur
crédit , ou la haine profonde qu'ils por-
toient aux novateurs dési^noient aux
poii^nards des assassins. Tous s'étoient
enfuis à la lueur de leurs châteaux dé-
vorés par les flammes: plusieurs même
avoient été Ibrcés de disputer leur vie
aux brigands et avoient porté chez l'é-
tranger les marques honorables de leur
résistance.Le plus grand nombre cepen-
dant s'étoit armé d'un courage égal à
leur malheur; leur attachement pour
la personne du roi , l'espoir de lui être
encore utile , leur avoit fait à son exem-
ple , prendre leurs maux en patienceij
Mais quand ils virent cet infortuné
monarque l'éternelle victime de la bonté
de son coeur et de la pureté de ses in-
tentions ; quand ils virent l'ombre de
pouvoir qu'on lui laissoit encore telle-
ment paralysée entre ses mains , qu'il
lui étoit désormais impossible d'opérer
le bien, tristement convaincus alors
qu'il
L o u I s X V I. 4o3
qu'il n'y avoir plus rien à faire , rien à
espérer ni pour lui ni pour eux^ les
François quittèrent en pleurant , une
patrie, qui , quelque injuste qu'elle fe
montrât à leur égard , étoit et sera tou-
jours chère à leur cœur. Sensiblement
artligéde leurs départ, le roi fit ce qu'il
put pour arrêter le torrent de l'émigra-
tion. Mais on n'ignoroit pas l'ascendant
que l'assemblée 5 les ministres et la com-
mune même de Paris avoient pris sur
Louis XVI. — On savoitque toutlui étoit
dicté , qu'il ne lui étoit plus libre de
parler ou d'agir d'après son cœur, que
s'opposer à sa volonté apparente étoit
par conséquent moins lui désobéir , que
braver les décrets d'une autorité usur-
patrice de la sienne. Le roi , en effet ,
éioit lui-même gardé de si près , qa*il
demanda et n'obtint pas la liberté d'al-
ler à Saint-Cloud avec sa famille, et
qu'il fut injurieusement arrêté aux por-
tes de son palais , lorsqu'il crut pou-
voir prendre sur lui cette permission.
Abandonné de ses amis ^ ei; de ses
frères , resté seul en butte à des ou-
trages qui navroient son cœur et qui
se réitéroient tous les jours , il forma
enfm le projet d'échapper à tant de bar-
barie, à une captivité aussi ééroite
qu'injurieufe. Et ce projet , quand le
forma-t-il ? quand sa famille en pleurs
Tome III. S
î
4o4 L o u I s X V I. '
l'en conjura à ses pieds, et après avoir
opposé, pendant deux ans, la patience
d*un ange à des traitemens , dont le seul
récit fait frémir , mais qui n'étoient
cependant encore que le prélude de
ceux que l'avenir lui réservoit.
,1. I _^^ Il part enfin. Mais reconnu , arrêté à
17^1, Varenne et ramené à Paris , il retombe
ai Juin, dans une captivité plus affreuse cent
Le roi £QJg qyg ^q[\q j^qj^j. [i ^ voulu s'affran-
^art pour , . ^^, . . i>l • . • i-
Varenne , chii. C est ICI que 1 historien aura heu
il est arrêté- d'examiner douloureusement par quelle
suite de combinaifons plus fâcheuses les
unes que les autres , ce malheureux
prince étoit invinciblement entraîné à
sa perte : comment les mesures mêmes
conseillées par la prudence et dirigées
])arlaplus mûre réflexion, se tournoient
bientôt contre lui , et ne faisoient qu'ag-
graver les maux dont il cherchoit le
terme. Mais le sacrifice de Louis étoit
écrit ; il falloit bien qu'il fût con-
sommé.
^i Juin. A peine de retour à Paris , le roi fut
Son retour s^gpgn^i^ de ses fouctious , jusqu'à l'a-
a Pans, chëvemeut de la constitution.
14 Se]i:. Cette constitution promise avectant
lacons^^i^de faste, attendue avec tant d'impa-
tion. tience de l'Europe entière , fut enfin
terminée le 3 septembre , présentée à la
sanction du roi , et solemnellement ac-
ceptée par lui le 14 du même mois.
t D u I s X V T. 40&
Le oo , l'assemblée qui s'étoit ditecons^
lituante , termina ses travaux , et remit
ses pouvoirs à l'assemblée législative^
convoquée pour la remplacer.
Cette première assemblée ofFroit une
majorité distinguée par de grands ta-
lens et par de rares vertus. Mais cette
respectable majoritëétoit tellement sub-
jiigiîée par les intrigues et l'ascendant
de la faction, qu'elle agit constamment
contre le vœu de son cœur ou l'intérêt
de son pays y et prépara les maux de
la France, en renversant les trois gran-
des bases sur lesquelles avoit reposé sa
félicita , pendant une longue suite de
siècles.
Le décret qui abolit la noblesse, les Décret quî
privilé^^es et les distinctions,annonçoit ^^^55"',^"°^
le règne des Niveleurs, et frappoit de
mort la monarchie, à laquelle il ne lais-
soit plus que des formes illusoires, aussi
Injurieuses pourle monarque lui-même,
qu'avilissantes pour la nation qui le
souffroit.
Le décret sur la constitution civile Décret sur
du clergé a donné aux législatures sui-l*^^*"^"'"'
? 1 " 1 , , non civile
vantes le dangereux exemple de ne plus «j^ clergi.
rien refpecter , et a porté à la religion
€t aux mœurs un coup , dont elles ne
se sont pas encore relevées.
Son système sur le pouvoir exécutif
n*étoit qu'une dérision y qui a conduit
S2
4c5 L o u I s X V I.
le roi à Péchafaud, parce qu'il étoit
impossible qu'il ne s r. ccombât pas, dans
la lutte perfide établie par la nature
même de la constitution, entre les deux
pouvoirs rivaux. Il n'est pas permis
même de douter aujourd'hui que cène
tût l'intention bien formelle de la plu-
part des constituans , et tout le prou-
ve , jusqu'à la facilité avec laquelle
l'assemblée législative renversa leur ou-
vrage.
Assemblée L'histoire de cette législature ne pré-
Iv'ijiilative. sente au lecteur qu'un attentat conti-
nuel contre le peu de pouvoir délégué
au roi parla constitution. C'est une suite
non interrompue de dénonciations con-
tre tous les ministres indistinctement ,
quelles que fussent leurs opérations, afm
de décourager leur zèle, d'isoler le roi ^
et de le mettre dans la nécessité , pour
ainsi dire, de se trouver coupable: c'est
une perpétuelle violation de cette charte
constituiionnelle que ces mêmes hom-
mes avoient , dans leur première séan-
ce , solemnellement juré de respecter
et de défendre.
Cette assemblée étoit composée en
^co ins. gj.^^^g partie , et dominée insolemment
par ces hommes qui, honteusement cé-
lëcres sous le nom de Jacobins ^om cou-
vert la France d'opprobre , de sang et
de raines. Ce colosie hideux prenoit
L o u î s X V I. 407
de jour en jour un accroissement for-
midable, et jetoit les bases d'une pui-
sance si ridiculement monstrueuse ,
qu'elle laissera douter à la postérité , si
nous avons été plus ineptes encore que
mfcîians. Ennemis naturels de tout ce
qui présentoit l'idée de Tordre et l'au-
torité de la loi , on sent bien que de
tels hommes ne voyoient qu'en frémis-
sant une constitution qui , toute foi-
ble qu'elle étoit , renfermoit cepen-
dant Paudace des novateurs dans des
bornes difficiles à franchir. Ce fantô-
me de roi et de royauté les importu-
noit surtout ; ils ne cherchèrent plus
que les moyens de fe défaire de l'un et
de l'autre.
Le Vet^x opposé par le roi aux dé-
crets sur les émigrés et les prêtres in-
sermentés ; l'asile donné aux émigrés à
Coblentz, la coalition de Pilnitz, e t
l'armement des puissances , qui en fut
la suite , fournirent à la rage des JacO'
bins plus d'un prétexte de soupçonner
la sincérité du roi.
En vain Louis , fidèle à la constitu-
tion par cela seul qu'il avoit juré de
l'être , écrivit aux puissances , pour Us
engager à ne point souflrir que ses frè-
res et les émigrés fissent des rassemble-
mens armés sur leur territoire; en vain
il ordonna à ceux-ci de rentrer avant
S3
4o8 L o u I s X V r.
le i5 janvier^ sous peine d'être traites
en ennemis. On ne croyoit point à la
sincérité de ses lettres : les soupçons ,
les rumeurs s^accumuloient contre le
roi , et plus il protestoit de sa fidélitef
à la constitution, plus les Jacobins s'ef-*
tbrçoient de le peindre comme un ro!
parjure , indigne de la confiance et sur-î
tout de l'attachement d'une grande
nation.
ieclâfée"^ Cependant les puissances étrangères,
soulevées par les clameurs des princes
et des émigrés , convaincues que le roi
ne leur écrivoit que sous la dictée des
jacobins, et justement indignées du
traitement qu'il éprouvoit journelle-
-ment^ commencèrent à faire des pré-i
para tifs , pour seconder de leurs armes
une cause quidevenoit celle de tous les
rois. La guerre fut inévitable ; et quoi-
qu'il en coûtât au cœur de Louis ,
quels que fussent les maux dont il en-
trevoyoit qu'elle seroit la source , il
fallut bien se résoudre à la déclarer,
et elle le fut à Perapereur.
Les jacobins triomphoient, ils avoient
1792. voulu la guerre , parce que , quels que
'^o A.vril.£^gggj^j.lçg ^^^j^gj^^j^g^jjg y voyoient un
moyen infaillible de perdre Louis , leur
ennemi mortel ^ par cela seul qu'il étoit
roi , et que les Jacobins ne vouloient
point de roi. 11 fut donc convenu entre-
Louis XVI. 409
eux de désorganiser Tarmée , afin que,
privée de ses meilleurs Crhefs , et de ses
plus braves officiers , cette guerre ne
pût être que funeste , et que les mal-
heurs en fussent naturellement imputés
au roi. L'événement répondit à leur at-
tente : le premier clioc eut lieu à la fin
d'avril , aux environs de Tournay ; et
les ennemis , supérieurs en nombre ,
obtinrent un léger succès.
Il n'en fallut pas davantage , pour Succès des
compromettre de nouveau la personne^""^""^*
du roi. Alors les papiers publics furent
inondés , et la tribune souillée de blas-
phèmes , de vociférations qui toutes
appeloient la mort sur la tête de Loais ,
et mettoient le poignard à la main des
factieux: alors des forcenés s'écrioient
à la barre de l'assemblée: "Ce peuple
» qu'on a toujours voulu égorger , est
» las de parer des coups ; il veut en
* porter Il est tems que ce peu-
» pie se lève ; ce lion généreux va sor-
f) tir de son repos, s'élancer sur la meute
» des conspirateurs. . . . Point de quar-
" tier , puisque vous n'en avez point à
>5 espérer." »
Telsétoient lestyle et lebut àesPe- Jonm^e
titionnaires. On frémissoitdans l'attente^'-^ ^° *^^^"-
d'un événement désastreux, et le 20
juin rint confirmer les terreur^ du mo-
s*
4io L 0 u I sr X V I.
ment , et donner de nouvelles alarmes?
pour Tavenir.
Cette joarnée destinée, dans le plan
des monstres, à consommer les attentats
des 5 et 6 octobre , offrit un genre nou-
veau d'atrocité, et fournit au prince ,
qui en étoit le déplorable objet , une
nouvelle occasion de déployer la gran-
deur et la fermeté de son âme. Dès le
matin , un rassemblement plus hideux
encore , que celui qui s'étoit porté à
Versailles , et toujours grossi dans sa
marche , se dirige vers l'assemblée ,
dont il force les barrières , inonde le
Carrousel , les cours , les terrasses et
le château , et se présente insolemment
à la porte du roi. Des gardes s'apprêtent
à en défendre l'approche : Non , non ,
leur dit Louis : remettei vos épées dans
le fourreau i je J?'iii rien à craindre des
François. Non ^ prince magnanime et
aussi grand que ton infortune; non , tu
n'as rien à craindre des François ; mais
tu as tout à redouter des monstres qui
te poursuivent, qui sont altérés de ton
sang , et dont la rage ne sera satisfaite,
que quand ils Pauront versé. Malgré
tous tes eiForts pour leur épargner un
grand crime, ils le commettront, parce
que leur haine l'a juré , et que la haine
ne pardonne pas.
L 0 u 1 s X V I. 411
A peine le roi eut-il enchaîné , d'an
mot , le courage qui s'apprêtoit à C091-
battre pour lui , que des forcenés s'é-
lancent dans les appartemens , avec des
cris de Cannibales. Ou est-il ^ dit l'un,
^U'^je le tue ! Abus Monsieur et Madame.
Veto , dit un autre. Quand nousjetere\-
vous la tête du roi et celle de la reine , s'ë-
crioient ceux qui étoient restés dans les
cours et sur les terrasses ! Cqs cris de
mortétoient accompagnés de gestes plus
alTreux encore : plus d'une fois le roi
courut le danger de sa vie , plus d'un
poignard fut dirigé sur lui. Ce cortège
horrible réunissoit enfin tout ce qui pou-
voit inspirer l'épouvante et jeter dans
son âme les angoisses.de mille morts réu-
nies. L'un de ces monstres portoit au
bout d'une fourche un cœur sanglant de
veau , avec cette inscription : cceur des
aristocrates: un autre.. . .Puissances du
ciel, qui contempliez Louis luttant seul
avec sa vertu contre cette horde d'assas-
sin?, vous qui le couvriez sans doute de
votre égide , puisqu'il échappa encore
une fois à leurs fureurs, dites-nous si
jamais il se montra plus digne de vos
regards et de votre protection , que
dans cette funeste journée. La reine en
partagea , avec lui , les dangers et les
outrages : c'est contre elle que sediri-
geoient principalement les poignards et
S 5
iii ^ t d t/ 1 i t if i.
les imprécations , c'est elle surtout, que
d'Orléans vouloit égorger. Son courage
n'en fat point abattu , la sérénité de
son front n'en fut pas troublée un mo-
ment. Calme au milieu des hurlemens
qui demandoient sa tête , et tremblante
seulement pour les jours du roi et pour
ses enfans , elle opposa constamment
aux brigands une dignité tranquille, et
son seul regard les faisoit pâlir, ou le^ at-
tendrissoit malgré eux. C'est une justice
que la postérité doit et rendra à cette
illustre malheureuse, qu'elle sut tou-
jours être reine , et que le sentiment de
ce qu'elle devoit être ne l'abandonna
pns un instant, et la suivit jusque sur
l'échafaud.
Tel est l'ascendant invincible de la
vertu et du courage fur les âmes les
plus féroces , qne la contenance noble
et ferme du roi et de la reine lassèrent
enfin 00 désarmèrent encore une fois
la rage de leurs bourreaux. Cette hor-
rible journée, commencée sous les aus-
pices les plus sinistres, se termina enfin
sans TefFusion du sang proscrit, et les
monstres se retirèrent, coniens d'avoir
affublé ces têtes augustes deleur hideux
bonnet rouge , qui eût été honoré dès
ce moment , si le signe du crime pou-
voit l'être jamais.
Les intentions de ceux quidirigeoieut
L 0 u I 8 X V i. 4x3
ces mouvemens étoient si formellement
prononcéts , que Tun des chefs ne put
s'empêcher de dire, en descendant l'es-
calier du chAteau : k coup est manqué.
Il le fut en effet pour cette fois >* et ces
mêmes hommes qui étoient venus poar
se baigner dans le sang de la famille
royalr : s'en re tournoient en criant: vive
le toi, vive la. reine. La rage des factieux
en pâlit : mais , revenus bientôt de ce
moment d'alarmes , leur opiniâtre fé-
rocité conçut , enfanta , organisa la
iournée du lo août. Jouméedu
Leurs mesures furent tellement prises loaoût.
alors , leur plan si bien concerté , q\i'i\
étoitimpossiblequeleur victime ne suc-
combât pas enfm à tant de moyens réu-
nis pour la perdre. L*ame se déchire et
la plume se refuse au récit de ces scènes
d'fiorreurs si souvent renouvelées dans
un espace de tems aussi court 5 et nous
nous sentons à peine la force de décrire ^
ce que Louis a eu le courage d'endurer.
Jusqu'ici nous n'avons vu qu'une poi-
gnée de brigands, l'écume des faubourgs
de Paris , s'appelant insolemment le
peuple français , la nation , se porter
successivement à des excès scandaleux,
mais faciles à réprimer. Il n'en est plus
de même aujourd'hui ; c'est tout ce que
la France receloit de bandits , vomis
tout à coup dans les murs de la capi-
b6
414 L o u I s X V L
taie, et marchant au crime sous un
étendard de sang. Cette horde d'assas-
sins arriva à Paris le 3o juillet , et des
assassinats signalèrent leur arrivée. Ad-
mis à la barre de rassemblée , ils diseni;
ridée de rai ne présente que Vidée des
trahisons : et cependant vous n'ape^ pià
encore prononcer sa déchéance. Peu de
jours après , ( /^ 3 août) Péthion haran-
gue l'assemblée ^ et termine en disant:
s* il faut avoir thonneur de mourir pour
lapatrie , qu^avant de rendre le dernier
soupir , chacun de nous illustre sa mé-
moire par la mort d'un esclave ou d'un
tyran. Tandis que ces discours incen-
diaires circulent dans une partie de Pa-
ris et échauffent les têtes ; on soulève,
on excite les faubourgs, on les rapproche
àes Marseillois , on leur retrace leurs
premiers exploits, et on leur peint la
mort du tyran , comme le terme de
leurs maux et l'aurore de leur liberté.
Le roi étoit instruit, depuis plusieurs
Jours, de tout ce que l'on faisoit pour
agiter le peuple^ et pour le portera
quelque grand mouvement. Tant d'ex-
périences douloureuses l'avoient con-
vaincu depuis long-tems que sa perte
étoit décidée, et la journée du 20 juin
l'a voit résigné au sacrifice de sa vie.
Simple particulier , il pouvoit attendre
tranquillement la mort > et donner en-
Louis XVI. 4i£»
•core ce grand exemple de courage ; roi ,
il devoir plus; il étoit comptable à la
France, à ses sujets , à la postérité , des
moyens employés pour sa défense , et
c'est précisément parce qu'il n'y avoit
plus pour lui de salut que dans une ré-
sistance vigoureuse, qu'il ne devoit rien
négliger pour IV pposer à ses ennemis.
Tel étoit Tavis de la reine , et celui de
la plupart de ceux qui entouroient le
roi; il en sentoit lui- même toute la force.
Mais les sentimens se partageoient au-
tour de lui 5 et battu par ce reflux ora-
geux d'opinions contraires, il lui éioit
difTicile de prendre un parti. Répétons-
le encore une fois ; il ne manquoit ni de
sagaciié pour prévoir , ni de force pour
résoudre ; mais Texéciition Tépocvan-
toit : tous les moyens violens répu-
gnaient à son cœur ; et, à la seule idée
du sang , et du sang versé par ses or-
dres , sa force l'abandonnoit , et il se
trouvoit le plus foible des hommes.
Voilà le principe de tous ses malheurs
et la cause unique de sa chûie.
-A ux 6 et 6 octobre , un ordre de sa part
dissipoit Tattroiipement.Mais cet ordre
eût fait couler le sang , et le cœur de
Louis s'y refusa. A Varennes , un mot
seulement , et sa marche étoit libre.
Mais il préféra les fers d'une captivité
plus dure encore que la première , à la
douleur de voir couler le sang françois.
4i5 L o u î s X V 1.
Aux 20 juin et ic août , Tappareil
de la résistance eût sufTi pour mettre eii
fuite ces hordes de brigands indiscipli-i
nés. Mais il conjure tout Ce qui lui esf
attaché , tout ce qui prétend à l*hon-
fteur de le défendre , de respecter le
sang de ses sujets. Partout enfin il répète
qu'A ne veut pas qu'un seul homme pe-
risse pour sa cause. Elan sublime de
rhéroïsnie chrétien, mais qui ne sauve
ni les rois deTéchafaud, ni les peuples
de la tyrannie des brigands*
Le tocsin sonne, le sang va couler; il
ne nous reste plus que des massacres à
décrire. Ranimons cependant nos for-
ces^ etrappelonsnous pourles soutenir^
que celai dont nous écrivons l'histoire i'
souffert, sans marmure, tout ce que
nous ne peindrons pas sans répugnance*
Un petit nombre d'amis fidèles , pres-
que sans armes , mais résolus de mou-^,
rir à ses pieds ; quelques compagnies?^
de Suisses inaccessibles à la peur, quel*
ques bataillons de la garde nationale :
voilà donc lesforces queLouis peut oppo-
ser au torrent d'ennemis qui innondent
son palais ! Voilà donc tout ce qui lui
reste po)ir défendre son trône, ses jours
et ceux de sa famille ! Quelques îoibles
que fussent cependant ces moyens de
résistance, on en tira le meilleur parti
possible , on fit toutes les dispositions
qu'exigeoient les localités, et que per-
Louis ^ V Î. 417
lïiettoient les forces présentes. Le roi
en fit lui-même la revue , visita tous
les post'-s , et lut sur tous les visages
rattachement , le respect etsurtout le
désir bien prononcé de ne pas l'aban-
donner , de périr on de vaincre à ses
côtés. Oui , j'en jure ici les mânes des
braves m^riyrs de cette grande cause:
oui , ce voeu étoit dans tous les cœurs ;
tt ce serment de l'amour , le courage
l'auroit rempli. Mais le sort en avoir
autrement ordonné , et tandis que Ton
n'attendoit qu'un ordre de sa bouche
pour dissiper Tinsurrection, Louis, cé-
dant aux perfides insinuations de ses
plus dangereux enuemis , prenoit le
parti funeste de se rendre, avec sa
famille , dans le sein de l'assemblée na-
tionale.
Rendons toujours justice k ses inten- I oms se
fions : il vouloit épargr>er le sang.... Le s!" famine
sang coula-t-il moins ? A peine est-ildaw lesein
^endu dans le sein du corps législatif , jj^^.^'^^s^?-
au milieu des imprécations d^unepopir-iafive/^'^"
lace effrénée , qu'une décharge d'artil-
lerie se fait entendre. Le cœur de Louis «
en tressaille. Ah! s'écrie-t-il doulou-
reusement: Pavois donné des ordre s. pour
qiîon ne tirât pas. Le tumulte augmente,
les décharges se succèdent avec rapidité;
les balles viennent frapper les croisées
de l'assemblée.Onannonce bientôt après
que les insurgés sont en fuite , que les
4i8 Louis XVI.
Suisses ont vaincu, et que leurs cama-
rades accourent de Ruelle pour les se-
conder. Oa force le roi de signer s ar
le champ l'ordre , aux uns , de retour-
ner sur leurs pas ; aux autres:, de ces-
ser le feu. Le feu cesse: les gémissemens
Massacre et les accens de la mort succèdent à ce
des Suisses, lugubre silence. Enhardi par l'ordre
donné aux Suisses , les insurgés revien-
nent avec un nouvel acharnement , et
commencent cet effroyable carnage ,
qui nous épouvanteroit dans l'histoire
des peuples les plus barbares. V^ous l'a-
vez permis, grand Dieu ! il falloir bien
montrerune fois de quoi la perversité de
Louis dé- l'homme étoit capable î La déchéance
chuettrans-du roi est prononcée à grands cris , et
feré au ji ggi- (iécrété que lui et sa famille reste-
t^o^P e. ^^^^ en otage sous la saupe- garde de la
loi et des vertus hospitalières du peuple
François, Louis ne quitte l'assemblée que
pour êire enseveli avec sa femme , sa
fœur et ses enfàns ^ dans les cachots du
Temple.
- Au récit de ce nouvel attentat? les
l^es enne— . •,- , i a \ i
mis pren- puissances Coalisées se hâtèrent de mar-
nent cher au secours du roi. Longwi et
Lon^wi et Ygj^^m-j tombent en leur pouvoir y et ils
mettent le siège devant Lille.La stupeur
paralyse un moment l'assemblée et les
jacobins ; mais ils reprennent bientôt
courage y et le premier usage qu'ils en
font, est d'organiser le massacre de tout
Louis XV f. 419
Ce quelps prisons avoientenglouti d'amis
du loi et de l'(>rdre , depuis la journée Massacrccfa-
du 10 août. Alors commença en France? stptem-
ce cours effrayant d'assassinats , cette
chaîne sanglante de forfaits , si inouis
jusqu'au siècle qui les a vu naître , que
l'on n'a pu leur trouver d'autre nom
encore , que celui des jours aifreux qui
en ont été les témoins.
Le décret qui avoit prononcé 1? dé- . ^^"^'^"I
cheance de Louis AVI, avoit convo- nale.
que en même tems une convention na-
tionale, dont le premier, le grand ob-
jet devoit êire de juger \e roi. Jusques
là , il y avoit eu un mode observé dans
les élections ; mais alors on laissa au
crime une latitude effrayante , en don-
.nantauxélecteursTinconcevable faculté
de choisir leurs députés par tout où ils
le jugeroient à propos ; afm , sans dou-
te , quMn'y eût pas un bandit au mon-
de , qui ne pût se prévaloit de ses titres,
pour siéger dans une pareille assemblée;
cela étou conséquent : c'étoit appeler
selon eux , à ce sénat auguste, les ta-
.lens et les vertus , quelque part qu'ils
se trouvassent: cela étoit bien plus con-
séquent encore. Grâces soient rendues
une fois à la démence en fureur ! Elle
voulut affranchir, en partie du moins ,
les François de l'opprobre dont l'assem-
blée nouvelle alloit se souiller.
Fidèle au vœu qui la convoquoit 3 la
420 L o tï I s X V I.
convention nationale commença , en
abolissant la royauté , par dépouiller W
François du respect qui pouvoit encore
leur parler pour leur roi. Un vil histrion
méprisé même dans son état ; un homme
au-dessous duquel le mépris neyoitplui
rien , Collot- d'Herhols parle : et à sa
voix , quatorze cents ans de monarchie
- s'écroulent , et la France est proclamée
ai Septem. r» ' ; ;• iV ' •
La Fiance Kepubliquel Cette monstrueuse création
proclamée étonua tellementceuxmême qui a voient
Képubliquei^pl^g d'intérêt à la protéger , que i^o-
bespierre disoit que la république s'é-
toit glissée à Tinsçu et au milieu de
tous les partis : Danton , que , nouveau
Saturne , elle alloit dévorer tous ses
en fans.
a? Seprem. Le 23, la convention décrète que le
Procès du ^^-^ seiSLJu^é par elle, et le 12 du mois
rot. iicom- . ^ .f '^ . f ,
parou à lasuivaut, il est tire ûe sa prison , et con-
b^.rrede la duit à la baiTe de l'assemblée,
coavennon ^^ ^ ^^ j,^- présente une longue série
d'accusations, appuyées de leurs piè-
ces. Il répond à tout avec clarté et pré-
cision, sans trouble , sans le plus léger
mouvement d'impatience ou d'indi-
gnation. Ses assassins eux-mêmes en
font consternés. Comme il m^afait pleu-
rer ^ s'écrie malgré elle, une des Mégè-
res stipendiées pour vociférer sa mort-
Ce respect involontaire attaché à une
grande infortune , ce rapprochement
terrible de l'état passé à l'éiat présent
Louis XVI. 421
de Tauguste accusé , sa chevelure en
désordre, sa longue barbe, ce front tlétri
par la douleur, ce regard qui faisoit
encore pâlir ses bourreaux , tout devoit
commander Tintérêt , et faire naître
l'attendrissement. Mais fléchir des ti-
gres! Attendrir un d'Orléans !....
Louis avoit demandé ce qu'on ne re-
if use pas au plus criminel , la commu-
nication des pièces à sa charge, et un
conseil pour rédiger sa défense. En at-
tendant la réponse de la convention , it
s'étoit retiré dans la salle des conféren-
ces; il étoit quatre heures du soir. Exté-
nué de fatigues et encore à jeun , il re-
garde autour de lui, et demande à ceux
qui l'environnent, s il ne leur seroit pas
possible de lui procurer un morceau de
pain!,, . un morceau de pain ! Sujets in-
grats qui l'entouriez ! et votre coeur ne
s'est pas brisé de douleur à ces accens l
vous n'êtes pas tombés à ses genoux >
pour lui offrir votre existence ! le voilà
donc réduit, celui qui fut votre maître
et votre père y le voilà donc réduit à
vous demander , incertain encore de
l'obtenir , ce que votre pitié n'oseroit
pas refuser au pauvre inconnu qui le
mendie à votre porte tous les jours î
Tandis que Louis mange en le trem-
pant de ses pleurs , ce morceau de pain^
les débats s'échaufFentdansl'assemblée,
LesOrléanistes s'attendoient tellement k
4i2 L o u 1 s X V T.
le voir condamner le jour même , qu'il
lui avoient fait dresser un lit dans um
dessalles voisines. Les monstres insis
toient donc avec acharnement, pou]
que tout conseil de défense lui fût refu
se 3 et qu'il fût jugé séance tenante. Mai;
cette opinion trop visiblement atroce
n'étoit pas l'opinion générale. Parmi le:
députés , les uns ne vouioient que la dé
chéance; les autres , qu'un otage contn
les puissances ennemies ; un très-granc
nombre , l'appel au peuple- Ces opinioai
diverses se heurtoient avec tant de vio-
lence qu'il fut arrêté que Louis seroi
reconduit au Temple. Il y revint à tra
vers les cris déchirans pour son cœu:
de pive la nation ! vive la république :
vive Louis Capet à la guillotine,
Oa accoroe La convention y par un reste de pu-
«n conseil à jg^j-^ et effrayée peut-être de son pro-
pre ouvrage , n'osa refuser au malheu-
reux Louis ce qu'il avoit demandé. Elle
décréta qu'il pourroit se choisir un con-
seil , et communiquer librement avec
lui , ainsi qu'avec sa famille.
Le choix du roi se porta d'abord sui
Target; Target, qui, loin de sentir toui
le prix de cette honorable préférence j
ne craignit pas de s'immortaliser parla
lâcheté de son refus. Le roi s'y montra
sensible; mais combien il fut dédomma-
gé, dans ce momentd'ingiatitude, enli-
sant parmi IcS noms de ceux qui récla-
L o u I s X V I. 4-3
loient à Tenvi cette dangereuse fonc-
ion , le nom du vertueux Malesherbes ,
ui avoit été deux fois so:i ministre , et
toit constamment resté son ami.
M. Tronchet fut désigné par le roi
our remplacer le lâche Target, et il se
enditau Temple dans la matinée du 14
;Vec M. de Malesherbes. Comme il f.il-
oit que le roi , en vertu du décret de
a convention , reparût à la barre le 26,
: es deux défenseurs de Louis lui propo-
ërent de s'adjoindre M.Desèze , qui
partagea dès ce moment , Phonneur de
eur immortalité. M. Desèze travailla
avec la rapidité et la chaleur du zèle; et
.6 26 , Louis fe rendit de nouveau à la
convention, accompagné de son conseil.
Le jeune orateur lut son plaidoyer ,36 Décem.
qu'il terminaainfi : "Entendez d'avance Louis
»w rhistoire qui redira à la renommée : ^e'^f^uv^eau
'» Louis étoit monté sur le trône ànlaconven-
'o vingt ans , et à vingt ans , il donna"''" *''??=
'wsur le trône l'exemple des mœurs ; il''' '""'''^*
•»>n'y porta aucune fiblesse coupable,
•»> ni aucune passion corruptrice ; il y
f)fut économe, jr.ste , sévère; il sy
fj mourra toujours l'ami constant du
'W peuple. Le peuple désiroitla destruc-
w tîond'un impôt désastreux qii pesoit
V sur lui , il le détruisit ; le peuple de-
» mandoit l'abolition de la servitude,
» il commen.a par l'abolir lui-même ;
» le peuplesollicitcit des réformes dans
4t'4 ^ L o u I s X V L
» la législation criminelle, pour l'adou
» cissemeot du sort des accusés , il fi
» ces réformes. Le peuple vouloit qut
» des millions de François , que la ri
5> gueurde nos usages avoit privés jus-
» qu'alors d^s droits qui appartienneni
» aux citoyens , acquissent ces droits e
» les recouvrassent 5 il les en fit joui]
» par ses lois. Le peuple voulut la licerté
w il la lui donna: Il vint même au-devan
» de lui par des sacrifices 5 et cependant
» c'estaunom de ce même peuple qu'or
» demande aujourd'hui. . . . Citoyens .
» je n'achève pas. ... Je m'arrête de-
» vaut l'histoire , songez qu'elle jugen
>5 votre jugement, et que le sien sen
» celui des siècles.» Quand il eut ache-
vé , Louis, d'une voix que le malheui
n'avoit point altérée, adressa à Passem-
Liée ce discours aussinoble que touchant
Dî' cours a On vient de vous exposer mes moyenj
» de défense, je ne les renouvellera
» point, en vous parlant peut être pom
» la dernière fois. Je vous déclare que
i> ma conscience ne me reproche rien
» et que mes défenseurs ne vous ont di
» que la vérité. Je n'ai jamais craint qut
» ma conduite fût exposée publique-
» ment ; mais mon cœur est déchiré dt
>> trouver dans l'acte d'accusation l'im-
» putation d'avoir voulu faire répandre
» le sang du peuple , et furtout qr.(
» les malheurs du 10 août me soien
'ûv. roi
LOUIS XVI. 4i5
attribués. J'avoue que les preuves
multipliées que j'avois données dans
tous les tems de mon amour pour le
peuple, et la manière dont je m'étois
toujours conduit, me paroissoient de-
voir prouver que je craignois peu de
m'exposer pour épargner son sang ,
et éloigner à jamais une pareille im-
putation».
C'étoit le langage du sentiment et
çixpression de la vérité. Mais le dis-
ours de Louis , l'éloquence de Desëze,
■ L les pleurs du vénérable Malesherbes,
out fut inutile , rien n*étoit plus capa-
»le d'amolir ces cœurs féroces : l'arrêt
toit porté, et Louis, condamné avant
l'avoir été entendu, Ce vain appareil ,
[ 'b toutes les formes judiciaires étoient
^nolées , etla majesté des lois si indigne-
i^nent compromise, n'étoit qu'une cou-
pable dérision , et un crime de plus.
L'innocence de Louis et l'atroce per-
versité de ses ennemis n*ont jamais été
• 3t ne pouvoient être l'objet d'une dis-
cussion. Le simple exposé des faits cons-
tate Tune et l'autre d'une manière si
positive , qu'elle ne laisse pas même de
place àTexamen. Ils le sentoient bien ,
ses farouches pertécuteurs 5 et voilà
pourquoi il leur tardoit de voir expirer
leur victime ; pourquoi surtout ils re-
' lent avec fureur l'idée de l'appel au
, iiAq y qui l'eût peut-être sauvé , et
426 L o u I s X V I.
qui , bientôt après devint un titre de
proscription pourlesdéputés qui avoient
eu le courage de le propofer.
L'ordre des délibérations fut réglé de
la manière suivante , dans cette révol-
tante procédure.
ï."" Louis Capet, est il coupable de
conspiration contre la liberté nationale,
et d'attentats contre la sûreté générale
de Vàat ?
Il n'y eut qu'une voix pour TafTir-
mative sur cette première question ; et ,
pour cette fois , les nionstres raisonnè-
rent avec quelque justesse. Ils avoienten
effet déclaré si souvent ,dans leurs pla-
cards et dans leurs diatribes , Louis
coupable de ces prétendus attentats ,
qu'il n'étoit pas vraisemblable qu'ils
voulussent tomber dans une contradic-
tion, qui en eût fait tout à coup de vé-
ritable royalistes.
2.** l.e jugement qui sera rendu surLouis
soit qu il condamne ou qu ilabsob e ,sèra-
t-il soumis a la ratification du peuple ,
réuni dans ses assemblées primaires ?
11 tut décidé, à ia pluralité des voix,
que le jugement de Louis ne seroit
point soumis au peuple assemblé ; et
le peuple se trouva absous de la mort
d'un roi, qu'il lui eût été peut-être im-
possible de sauver.
3 . ^ Quelle peine infligera-t-on à Louis
Cap et ? <■
Parmi
L 0 u I s X V ï. 427
Parmi les dépatv^'s , les uns votèrent
pour la déportation, les autres pour laf
détention. Mais les Orléanistes , par des
menées que l'histoire développera en
frémissant , obtinrent une majorité de
cinq voix. Ainsi une foible majorité d<3t
cinq voix, COI d LU si t àTéchafaudle des-
cendant de soixante-six rois; et comme
to:t devoit porter , dans cet eiirayant
pr<)cès, le caractèi"e d'une perversité
inouie, son déli[ principal fut de n'a-
voir pas été fiJële à cette même consti-
tution 5 que ses bourreaux venoi^nc
de renverser avec tant d'audacCr
Qiiand !e tour de Tinfâme d'Orléans
fut venu àe prononcer sur cette troi-
sième et dernière question , il monta à
la tribune , et prononça ou lut ces
effroyables paroles ::
« Uniquement occupé de mon de-
» voir, et convaincu que tous ceux qui
» ont ai tenté. ou attenteroient par la sai-
» te à la souveraineté du peuple, méri-
» tent la mort , je vote pour la mort! »
La mortl Ce mot ^ dans la bouche
du monstre, fit pousser un cri d'efFioi
à des hommes mêmes quePon necroyoit
plus susceptibles d'humanité. ïs se le-
vèrent brusquement y détournèrent la
tête, en faisant avcc les mains un mcu-
vement, comme pour repousser ce mi-
s/rahle du mili-a d'eux,- ils s'ccvièrems
Oh horreur ! oh le monstre !
Tome IIL S *
4â8 L a u I s XV L
Quittons enfin cet antre de cannibales r
oîi noire sujet,, grâces au ciel, ne noaâ'
ramènera plus , et transportons-nous
dans le temple, dans cette prison , ho-
norée dt puis lon^^-temps parles malheurs
et les vertus de Louis.
On vient lui communiquer son juge-^
ment. Il s'y Ptiendoit ; il Pécoute sans-
trouble, et s'y résigne sans marmure^
Y^-^^* C*est un des beaux momens dj sa vie.
""l e^"'i'eÎ!Î'^\^^"'P^^^'^^^ d'une autre plume le détail
condamné Suivaut.
à murr On <v J^^ voulas être du nombre de ceux^^
Vient lux • j • 4. A ' V r 1
ct.mmuni- ^ ^^^^ aev(3ient e.re presens a la lecture-
querscnju- -* de l'arrêt de mort de Louis. Il écouta
gtmeiu, ^^ gy^j, jjri s ng-froid rare la heure de
» ce jiigemen.t. Lorsqu'elle fut achevée,
» il denic-nda sa famille, un ro-nfesseiT,.
» enhn iout ce qui \, ou voit Lii être de
y quelque Sv)ulagement à son heure der-
» Uière. Ilmitiant d'; ncaon,de dignité y,
» de n^o^Fesse, de grandei^r dans som
^ mainiien et dans s^^s paroltis , que je
^ ne pus y tenic. D^s pleurs de rpge'
y vinrent mouiller mes paupières, il
» avol' dans ses r.'g.'^rds et dans ses ma-
» niëres q le'q le cliose de visiblement
s> surnaturel à Thamme.Te me ret rai tn-
» vou ani retenir des larmes qui. cou-
» loient malgré mol, et bien résolu de
» fmir là mon ministère. Je m'en ouvris
» à un de mes col'.è ;ues , qui n'avoit pas
» plus de fermeté <iue moi; pour le conr
L a u I s X V r. 4i9»
If tinuer, et je lii d-s, avec ma fr^n-
3^ c hise ordinaire: Mon ami y les prêtres^
» membres de ta convention y en votant
» pour la mort y quoique la sainteté de
ï^ leur caractère h Leuraeft ndlt yOntfo^^mé
» la majorité qui nous délivre du tyran;
» th bien ! que ce soit aussi des prêtres
fi constitutionnels qui le conduisent à
y Céchàfaud. Des prêtres constitutionnels
» ont seuls asse^ de férocité pour remplir
y un tel emploi. Nous fîmes en effet dé-
» cidcrr , mon collègue et mai , que ce
» s-roient les deux prêtres municipaux ^
y Jacques Roux ^Pierre Bernard, qui
» C( nduiroitnt Louis à la mort ; et l'en
» sait qu'ils s'acquittèrent de cette fonc-
» tiorr avec Tinsensibilité des bê;es fé-
» rocfs, y>
Ce témoignage autRentique arraché
à la force de la vérité ^ paroîtra d'au-
tant moins suspect , qu'il est liit-^ale-
ment copié du plus fougueux démagogue
qui ait jamais blasphémé la leli^ion et
les rois de son pays , de cet Hébert ,
souillé de célébrité dans les fastes révo-
lutioiinaires. Il semble même que la plu-
me orduriëre du père DuMne , se soit
élevée malgré elle à la dignité du sujet ,
et ait oublié pour un iour , de se trem-
per dans la fange»
Arrivé au heu fatal de l'exécution y
et déjà monté sur le théâtre sanglant oîi'
tant d'autres victimes dévoient le sui^
4^à t o u I s X V T.
Vre , et oîi la mort alloit terminer se;
souffrances, Lo-iis vo-uîut prononcf
quelques mots. Qu'on r empêche de par
1er, s'écrie une voix ternble> et leroa
lenient des tambours étouffe k voix du
juste.
L'exécuteur veut ssisir les mains àh
roi pour les lier : Louis s'y refuse. Jt
suis sur de moi , dit il. Encore cette con
formité apec votre divin maître y Ini dit
son contesseur. Le roi cède, l'autel re-
çoit la victiaie... Le sacrifice s'achève...
' ,*- ,. L ou i s n'e s t D 1 u s !
^ mort de n », * • ^
Lotiïsxvi; lour qa il ne manquât rien a cette
fcène d^horreur , et à la scélératesse de
d'Orléans ^ il fut présent à toute l'exé-
cution , le rire étoit sur ses lèvres , et
Une joie féroce brilloit dans ses regards,
îl n-^ se retira que quand le corps de
l'infortuné monarque fut conduit au lieu
de sa sépulture.
Ainsi périt à îrente-ueuf anset demi,
et après un règne de 19 ans y le derni-r
roi des François, laissant un grand exem-
ple à ta post^'ri é, une leçon terrible aux
Souverains ,et ksf^s bourreaux d'éieriiels
remords. ... s'ils sont jamais Suscepti-
Mes d'en éprouver.
FIN.
43 1
TABLE
DES MATIERES
Contenues dans ce troisième Volume.
FRANÇOIS II.
JtpOQUE des guerres de la religion.Troîs factions
à la cour. Catherine de Médicis. Les protestans
disposés à la révolte. Supplice d'Anne du Bourg.
Conjuration d'Amboise. La cour use de ménage-
mens. Michel de l'Hôpital , chancelier. Les sup-
plices révoltent les protestans. Traité avec la reine
d'Angleterre. Assemblée de Fontainebleau. Re-
quête des protestans. Deux évêques pour la tolé-
rance. Plaintes de Coligni. Sécurité aveugle des
princes Bourbons. Procès de Condé. Mort du roi.
Les Guises accusés d*un crime affreux. Despo-
tisme du cardinal de Lorraine.
CHARLES IX.
Politique de Catherine de Médicis. Trait hardi
du connétable. Etats d'Orléans. Mauvais état
des finances. Ordonnance sur la Pragmatique.
Montmorenci retenu à la cour. Projet de con-
férences avec les protestans. Colloque de Poissi,
Etablissement des jésuites. Le roi de Navarre
change de parti. Liberté de conscience. Massacre
de Vassi. Déclamations pour et contre le duc
de Guise. Guerre civile. Le roi de Navarre tué
au siège de Rouen, Bataille de Dreux. Guise
Tçmc m T
43» TABLE
couche avec son ennemi. Le duc de Guise assas-
siné. Religion politique des Guises, Coligni accusé
par Poltrot. Paix qui dura peu. On reprend le
Havre , et l'on garde Calais. Concile de Trente :
les protestans le méprisent : il n'est pas publié en
France. Disputes au concile sur des choses de
cour. Embarras de Catherine de Médicis. Con-
férences de Baïonne. Révolte des Pays-bas contre
l'Espagne. Seconde guerre civile. Bataille de
Saint-Denis. Mort du connétable de Montmo-
renci: personne ne le remplace. Le duc d'Anjou.
Troisième guerre civile. Disgrâce du chancelier
de rHôpital. Bataille de Jarnac. Mort du prince
de Condé. Ressources des huguenots. Le prince
de Béarn. Secours des protestans étrangers. Ba-
taille de Moncontour. Paix avantageuse aux pro-
testans vaincus. Perfidie de la cour. Coligni donne
dans le piège. Mort de la reine de Navarre. Ma-
riage de Henri son fils. Coligni assassiné. La
Saint-Barthelemi. Mort de Coligni. Massacre
général. Cruauté du roi. Conversions forcées
des princes. Massacre dans les provinces. Refus
de massacrer. On célèbre la Saint-Bai thelemi.
Observation sur l'amiral de Coligni , etc. Les
protestans plus furieux que jamais. Sièges de la
Rochelle et de Sancerre. Le duc d'Anjou , roi de
Pologne. Faction des Politiques. Mort du roi.
La législation perfectionnée par Michel de
l'Hôpital. Lois remarquables. Tous les juges,
gens de robe. Moins de juridictions. Les actes
signés. Monitoires restreints. Déclaration du re-
venu des bénéfices. Justice réformée. Succession
des mères limitée. Information de vie et de mœurs.
L'année ne commence plus à pâques. Corruption
de la cour. La noblesse ignorante. Montaigne.
Galanterie atroce. Les François en Amérique.
Dominique Gourgues,
DES MATIERES. 433
HENRI III.
Henri quitte la Pologne. Bons conseils qu'il ne
suit pas. Vices d^ Henri III. Factions, révoltes.
Insolence de Montbrun. Les calvinistes triom-
phans. Naissance de la ligue : c*étoit une révolte
manifeste. Henri duc de Guise. Etats de Blois.
Le roi autorise la ligue. Nouvelle paix. Ordre
du Saint-Esprit. Le duc d'Anjou aux Pays-bas.
République de Hollande. Mauvaise conduite du
duc d'Anjou : malheurs et mort de ce princ«.
Les Hollandois veulent se donner à la France.
'Projets des ligueurs. Invectives contre le roi.
Le pape approuve la révolte. Le cardinal de
Bourbon , chef de la ligue : son manifeste. Le roi
ne montre que de la foiblesse. Traité avec les
ligueurs. Sixte-Quint excommunie le roi de Na-
varre : Protestation vigoureuse de ce prince.
Plaintes du roi sur la nécessité de recommencer
la guerre. Il prend les armes contre les calvinistes.
Conférence de la reine mère avec Henri IV. Sup-
plice de Marie Stuart. Les Seize. Bataille de
Coutras. Gloire de Henri IV. Succès du duc
de Guise. Décision de la Sorbonne. Mort du
prince de Condé. Assemblée séditieuse de Nanci.
Demandes au roi : Il prend un parti de vigueur.
Journée des barricades. Guise maître de Paris.
Courage du premier président. Procession bizarre
des ligueurs. Edit honteux d'union. Flotte invîn-*
cible battue. Etats de Bluis. Dispute sur les li-
bertés Gallicanes. Henri sent qu'il risque d'écie
détrôné. Assassinat du duc et du cardinal de
Guise. Mœurs du duc. Tout Paris en combustion.
Fanatisme en chaire et ailleurs. Le parlement j
prisonnier des Seize. Mort de Catherine de Mé->
dicis. Le duc de Mayenne. Henri ill et Henri
IV unis contre la ligue. Générosité de la Noue.
Ti
434 TABLE
Monitoire de Sixte-Quint. Bulle Incctna Dom'ml,
Siège de Paris. Jacques Clément assassine le roi.
On préconise le régicide.
Ordonnance sur la noblesse. Ordonnance sur
les affaires ecclésiastiques. Raisons qui ont em-
pêché de recevoir le concile de Trente. Index de
Rome pour les livres défendus : il n'est point reçu
en France. Du Moulin condamné spécialement.
Le calendrier réforme. Ramus persécuté. Imper-
tinences des fanatiques.
HENRI IV.
Caractère de Henri IV. Sa religion empê-
che de le reconnoître. Avantages des ligueurs;
Mayenne battu par Henri IV. Paris presque
forcé. Entreprises contre le roi. Bataille d'Ivri.
Bonté du roi. Réparation qu'il fit à Schomberg.
Blocus de Paris. Décret de la Sorbonne. Fana-
tisme des Parisiens. Régiment de prêtres et de
moines. Famine dans Paris. Bonté excessive du
roi. Le duc de Parme délivre Paris. Embarras
et pauvreté du roi. Invasion du duc de Savoie.
Lesdiguières sauve le Dauphiné. L'ennemi reçu
en Provence. Entreprises de Rome. Politique de
Philippe 11. Insolence des Seize. Mayenne les
réprime. Le jeune cardinal de Bourbon. Henri
assiège Rouen ; Farnèse délivre la place. Belle
retraite du duc de Parme. Ambition de Biron.
Suite de la guerre. Différentes factions à Paris.
Assemblée pour élire un roi. Le roi pense à se
faire catholique. Conférences de Surenne. Les
Espagnols demandent la couronne pour l'infante.
Arrêt en faveur de la loi salique. Abjuration du
roi. Attentat contre le roi. Conduite de Mayenne
et de Clément VIII. La ligue tombe. Le roi entre
à Paris. Le parlement rétabli, Conduite de Henû
DES MATIERES. 43c
!V '.les ligueurs lui font acheter leur'soumission;
Jean Châtel attente sur sa vie : son interroga-
toire. Haine pour les jésuites : ce qui les faisoit
paroitre plus dangereux. On les bannit du royau-
me. Négociations à Rome. Absolution du roi
par le pape. Le roi poursuit Mayenne. Combat
de Fontaine-Françoise. Mayenne soumis. Inso-
lence et révolte du duc d'Epernon. Les Espagnols
prennent Calais. Conduite d'Elisabeth envers le
roi. Assemblée de Rouen. Discours du roi. Mau-
vais état des finances : elles sont confiées àSulli.
Fruits de son ministère. Les Espagnols prennent
Amiens. Mouvemens des calvinistes. Le roi re-
prend Amiens. Louange qu'il donne à Biron. La
Bretagne soumise. Edit de Nantes : raisons qu'il
en donne au parlement. Conséquences à tirer de
ces raisons. Traité deVervins. Mort de Philippe
II. Amours de Henri IV. Gabrielle d'Estrées.
Promesse de mariage à Mlle. d'Entragues : Sulli
la déchire. Catherine de Rohan. Guerre avec le
duc de Savoie. La Bresse et le Bugei pour Saluces,
Dispute entre du Perron et Mornai. Du Perron
vainqueur et cardinal. Jugement sur ses antago-
nistes. Sédition calmée. Crime du maréchal de
Biron : son obstination le perd : il meurt avec
faiblesse. Mort d'Elisabeth , reine d'Angleterre.
Traité avec l'Angleterre et avec les Suisses. Ké-
tab.issement des jésuites : à quelles conditions.
Le royaume florissant. Administration de Sulli,
Conspiration de d'Entrnoues. Le duc de Bouillon
réprimé. Querelle des Véniîi:ns avec le pape;
Henri médiatîur : il ménage un traité entre l'Es-
ï-^iene et la Hollande. L?s Hoilandois reconnus
épendans : leu.-s mœurs frugales. Evasion du
nce de Condé. Projet contre la maison d'Au-
:he. Idée pour la paix perpétuelle. Mesures
peur la guerre, Henri IV assassiné. Effets du fa-
T3
4^6 TABLE
Particularités sur Henri IV : sa bonté. II vou-
loit que la France fût heureuse. Il protégeoit les
paysans. Il se faisoit aimer des officiers. Trait
de justice. Noblesse militaire supprimée. Son
lègne glorieux , malgré des abus. Zèle pour l'a-
griculture. Edit contre le luxe. L'Amérique moins
avantageuse que l'agriculture. Attachement à l'é-
glise. Avis au clergé. Conduite sage envers les
calvinistes. Foiblesbes de Henri. Protection accor-
dée aux gens de lettres. Libertés de i'église Galli-
cane. Jurisconsultes utiles.
LOUIS XIH.
Marie de Médicis régente. Mauvais gouver-
nement. Retraite de SuUi. Le président de Thou,
Les factions éclatent. Etats-généraux. Préventions
du clergé. Aveuglement delacoun Démarches du
parlement : ses remontrances sont mal reçues.
Discours de Moié à la reine. Continuation des
troubles. On arrête le prince de Condé. Richelieu.
Mort de Ccncini , maréchal d'Ancre. Luines fa-
vori , auteur de sa disgrâce. Grande récompense
pour une petite action. Maréchaux de France. La
xeine mère reléguée. Procès de la maréchale d'An-
cre. Luines pr< fi:e des dépouilles. Assemblée de
Rouen. Révolte de la reine m.ère. Lûmes conné-
table. Nouvelle révolte. Richelieu reprend du
crédît. Rébolutioji de faire la gu.^.rre aux calvi-
nistes. Duplessis-Mornai , trompé par la cour. Le
duc de Rchan , chef des huguenots. Le roi lève
le siège de Montauban. Bravoure de Lesdiguières.
Mort de Luines. Caractère du roi. Lesdiguières
connétable, Paix avantageuse aux calvinistes. Cet te
guerre étoit imprudente. Guerre de religion en
Allemagne. Elévation du cardinal de Richelieu :
il déguise sQn ambition. Le gouvernement devient
DES MATIERES. 437
meilleur. Guerre théologique en Hollande. Expé-
dition de la Valteline. Guerre et paix avec les
huguenots. Projets d^ Richelieu. Richelieu terrible
aux grands. Rigueurs du gouvernement. Garde
donnée au ministre ; son pouvoir augmente. As-
semblée des notables. Demande politique du mi-
nistre. Fureur des duels. Rupture avec l'Angle-
terre. Buckingham en est cause par vanité. Siège
de la Rochelle. Richelieu s'y distingue. Le maire
Guiton. Famine à la Rochelle. La ville se rend.
Importance de cette conquête. Guerre d'Italie.
Les calvinistes soumis par les armes. Cabale contre
Richelieu. Il triomphe au moment de sa disgrâce :
il se venge sur les Marillac. Procès du maréchal.
Il est condamné àmort. Parole du ministre sur ce
jugement. La mère et le frère du roi sacrifiés à
Richelieu. Succès de sa politique au dehors. Ré-
volte du duc d'Orléans. Monrmorenci se joint
4 Gaston. La révolte est dissipée. Combat de
Castelnaudari. Procès de Montmorenci. Son exé-
cution. Dureté du roi. Suite de cette affaire. Ri-
chelieu ferme dans ses projets. Mariage du duc
d'Orléans déclaré nul. On tâche de ramener ce
prince. Guerre avec l'Espagne. Les comracnce-
mens en sont malheureux. Editsbursaux. Prélats
guerriers ; capucin homme de cour. Le P. Joseph.
Sourdis , archevêque de Bordeaux. Siège de Doîe
par le prince de Condé. Les ennemis dan§ le
royaume. Zèle de la nation. Danger du ministre.
Complot des deux princes. Les ennemis chassés.
Epuisement des finance*:. Reproche du roi au par-
nent. Faste de Richelieu. Perte de la Valteline.
i_e P. Cdussin anime le roi contre le miaistre. Ri-
chelieu a le dessus. Autre jésuite dont ii se venge.
Suites de la guerre. Bataille de Rheinfeld. Procès
du duc de la Valette. Particularités sur ce pro-
cès. Révolte en Normandie. Prise de Turin et
d'Arris» Traité remarquable. L'Espagne perd la
43» TABLE
Catalogne et le Portugal. Richelieu brave la cour
de Rome. Assemblée du clergé à Mantes, pis-
cours singulier fait au cardinal au nom du clergé.
Lit de justice sur les fonctions du parlement.
Guerre civile du comte de Soissons. Trait de
Gassion. Cinqmars favori : sa conspiration : Ri-
chelieu )a découvre. Procès des conspirateurs. Fin
du cardinal de Richelieu : son caractère. Mort de
Louis XIII. Jugement sur ce roi.
Le pouvoir de la couronne augmenté par Ri-
chelieu. 11 employa trop la terreur et les supplices.
Etat pitoyable des finances et du commerce. Re-
quête de la noblesse en 1623. Code Marillacrejeté
par le parlement. Réflexions sur l'obéissance des
Magistrats. Loi contre les jeux de hasard. Affaire
de Santarelli et des jésuites. Affaire du docteur
Richer. Comment on le force de se rétracter^
La concorde du sacerdoce et de l'empire. Livres ano-P
nimes défendus. Licence satirique du père Ga-
rasse. Etat des lettres et des sciences. Tyrannie
des préjugés. Urbain Grandier. Salutaires effets d
la science. Etablissement de l'académie Françoise
Le parlement s'y oppose.
e
)
LOUIS XIV.
Minorité orageuse. Mazarin , premier ministre.
Bataille de Rocroi , gagnée par le duc d'Engulen.
Bataille de Fribourg. Querelle à(is çréîTéraux à
Graveiines. Bataille de Nordiingue. L'Espagne
fait la paix avec la Hollande. Bataille de Lons.
On s'oppose à l'éloge d'un grand général calvi-
niste. Traité de Westphalie. Avantages des Sué-
dois. Soulèvement contre Mazarin. Arrêt d'union.
Magistrats arrêtés. Lecoadjuteur. Barricadas. Ri-
diculede cette guerre civile. Trois princes arrêtés,
Mazarin quitte la Francç, Révokç du prince de
DES MATIERES. 439
Condé. Retour de Mazarin. Condé et Turenne
opposés dans la guerre civile. Combat de Saint-
Antoine. Nouveaux troubles. Mazarin se retire
encore Charles I décapité en Angleterre. Prin-
cipes de révolte différens en France et en An-
gleterre. La fronde dissipée. Sort du coadjuteur,
Mazarin triomphe. Succès des Espagnols. Traité
avec Cromwel. Expéditions en Flandre. Dunker-
qne livré aux Anglois. Traité des Pyrénées. L'in-
fante accordée au roi. Rétablissement de Condé.
Charles II Le (iv.c de Lorraine. Crtte paix glo-
rieuse à Mszarin. Mariage du roi. Son goût pour
une Mancini. Mort du cardinal Mazarin. Le roi
jaloux de l'autorité : il gouverne par lui-même.
Christine , reine de Suède. Louis parle en maître.
Le conseil devient respectable. Disgrâce de Fou-
quet. Colbert , contrôleur-général. Louis humilie
îe roi d'Espagne. Affaire de Rome. Le pape
s'humilie devant le roi. Acquisition de Dunkerque.
Savans récompensés. Canal de Languedoc, Ma-
rine créée. Guerre contre l'Espagne. Louvois ,
ministre de la guerre. Conquête du roi en Flan-
dre. Conquête de la Franche -Comté. Triple
alliance contre Louis. Traité d'Aix-la-Chapelle.
Vauban. Police dans Paris. Invalides , Versailles ,
etc. Secours à Candie. Le roi irrité contre la
Hollande : état de cette république. Ligue contre
elle avec Charles II. Invasion de la Hollande.
Passage du Rhin. Campagne étonnante. Le prince
d'Orange , stathoudjr. Evacuation de laHolîande.
Conquête de la Franche-Comté. Turenne dans
le Palatinatr Condé contre le prince d'Orange,
Bataille de Senef. Mort de Turenne. Dernière
campagne de Condé. Succès de la France. Ruyter.
Mot flatteur de Racine au roi. Paix de Nimègue.
Le prince d'Orange attaque après le traité. Cham-
bres de Metz et de Brisac. Reddition de Stras-
bourg Bombardement d'Alger. Bombardemeot
440 TABLE
de Gènes : le dcge à Versailles. Démêlés avec
Innocent X!. Les quatre articles du clergé. Roi-
deur du pape. Affaires des franchises. Excom-
munication de l'aorbassadeur. Projet de détruire
Je calvinisme. Violences contre les calvinistes,
Dragonade et ses effets. Révocation de l'édit de
Nantes. Désertion des protestans. Réflexions sur
cette affaire. Paroles de Christine, Ligue d'Augs-
Bourg. Siège de Philisbourg par le dauphin. Com-
ment Montausier le félicite. Jacques II haï et
sur le point d'être détrôné. Le prince d'Orange
fait la révolution. Louis XIV protège le roi
détrôné. Bataille de la Boyne décisive contre
Jacques. Guerre de tous côtés. Embrasement du
Palatinat. Belle" défense de Mayenne mal jugée
à Paris. Batailles du maréchal de Luxembourg.
Fieurus. Steinkerque. Nerwinde. Autres victoires
des François ; presque sans fruit. Revers, Jour-
née de la Hcgue. Prise de Namurpar Guillaume.
Pointis j Duguay-Trouin. Traité avec le duc de
Savoie, Paix de Riswik. Murmures en France,
Nécessité de la paix. Triste état des finances.
Le prince de Conti élu roi de Pologne. Paix
générale de peu de durée. Succession de Charles
Il , roi d'Espagne. Premier traité de partage.
Second traité de partage, Charles mécontent
de la cour de Vienne : son testament en faveur
du duc d'Anjou, Louis XIV accepte le testa-
ment ; il irrite l'Angleterre en reconnoissant le
prince de Galles. Mort de Guillaume III, La
reine Anne, Commencement de la guerre. Le
prince Eugène. Catinat et Villeroi. Surprise de
Crém.one. Vendôme en Italie, Bataille de Luzara.
Défection de Victor-Amédée. Marlborough déjà
vainqueur. Succès de Villars en Allemagne : il
est rappelé. Révolte des Cévennes, Bataille de
Hochstet, fatale pour la France. Suites de cette
bataille, le gouvernement dégénéroit. Les An*
DES MATIERES. 441
' 'i en Espagne. Succès en Italie. Bataille de
...ullies. jiéga de Turin. Le duc d'Orléans
,|oint la Feuillade. Désastres de l'armée Fran-
çoise devant Turin. Affaires d'Espagne. Fidélité
des Castillans. Bataille d'AImanza. Siège de Tou-
lon. E^'orts du roi , dans ses revers. Le duc de
Bourgogne et Vendôme dans les Pays-bas. On
perd Lille. Reproche fait à Vendôme. Le roi
demande la pai.x. Odieuses propositions des en-
nemis. Bataille de Malplaquet. L« roi s'humilie
encore devant les vainqueurs. Vendôme sauve
l'Espagne. Bataille de Villaviciosa. Révolution
dans le ministère d'Angleterre. Suspension d'ar-
mes avec les Anglois. Malheurs domestiques de
Louis XIV : sa fermeté. Villars sauve la France :
son caractère l'expose à l'envie. Traité d'Utrecht.
L'empereur continue la guerre. Traité de Rads-
tadt. Résultat de cette guerre. La Catalogne ré-
duite à la soumission. Edit en faveur des princes
légitimés. Testament du roi. Mort du roi.
Particularités sur Louis XIV : sa vie privée:
Education de ses enfans. Madame de Maintenon.
Etablissemens utiles. Commerce ; agriculture.
Finances dérangées. Commerce de luxe, nuisible
à l'agriculture. Intérêt de l'argent ; multiplica-
tion des offices. Dépenses de ce règne. Principe
de gouvernement. Triste expérience du roi. Ré-
formes utiles. Marine. Progrès des lettres et des
sciences. Obstacles à la philosophie. Quiétisme.
Fénélon et Bossuet. Jansénisme. Les jésuites aux
prises avec Port-royal. Formulaire sur le fait de
Jansénius. Les R flexions de Qaesnel , sujet des
troubles. Bulle Unigcnhus Funestes letFets de ces
qu 'relies. Grand changement dans les mœurs, les
opinions , etc. La France perfectionnée.
'44^ TABLE
Idée générale des principaux événemens
politiques du règne de Louis XV.
Régence du duc d'Orléans. Guerre avec l'Es-
pagne ; quadruple alliance. Système de Law ,
source de malheurs. Fureur de Tagiotage. Bou-
leversement de fortunes. Mort du régent. Le
cardinal de Fleury. Double élection d'un roi de
Pologne. Le roi Stanislas sans royaume. Guerre
de 1734 contre l'empereur. Campagne décisive
en Italie, Traité de Vienne. Acquisition de la
Lorraine. Mort de l'empereur Charles Vï. Pré-
tendans à la succession. Le roi de Prusse attaque
la reine de Hongrie. Conquête de la Silésie. La
France liguée contre l'Autriche. Guerre de 1741.
Charles VII heureux et malheureux. Ressources
de Marie-Thérèse. Bataille de Dettingen. Enne-
mis de la France. Campagnes du roi ; succès
en Flandre. Campagnes d'Italie. Marie-Thérèse
fonde une nouvelle maison impériale. Pertes sur
mer. Les Anglois trop supérieurs. Traité d'Aix-
la-Chapelle. Sort du prince Edouard. Ce traité
est une source de guerre. Entreprise des An-
glois en Amérique. Nouvelle guerre. Alliance
singulière. Premières campagnes en Allemagne.
Bataille de Rosbac. Diverses révolutions. Con-
quêtes prodigieuses des Anglois. Pacte de famille.
Nouveaux désastres. Traité de Paris et de Hu-
bersbourg. Réflexions sur cette guerre. Politique
salutaire aux peuples. Assassinat du roi. Jésuites
chassés. La Corse acquise. Mort de Louis XV.
progrès de l'esprit humain.
iouis
TABLE. 44^
L ,0 U I S XVI.
ÉTAT de la France à la mort de Louîâ
XV. Caractère de Louis XVi. Ses inten-
tions. Edit portant remise du droit de
joyeux avènement. Ministres sous Louis
XVI : Turgot : Vergcnnes : Sartines : Sr.
Germain. Guerre d'Amérique. Affaire
de Hollande. Invasion de la Hollande.
Rupture avec la Rassie et la Porte Ot-
tomane. ( onspiraiion du duc d'Orléans :
son portrait : ses projets : motifs de sa
haine. Brienne. Exil du duc d'Orléans :
«on rappel. Necker. Etats- généraux. Réu*
Ttion des trois ordres. Appel et renvoi
des troupes. Mirabeau. 14 juillet, pris©
de la Easiillc. Jeu. née des 6 et 6 octobre.
Le Roi vieiit à Paris. Mort de Favras.
Translation de l'assemblée nationale à Pa-
ris. De l'émigrat'on. Le roi part pour Va-
lennes : il est arrêté : son retour à Paris :
il accepte la constiruiion. Décret qui abo-
' lit la noblesse. Dtcret sur la constitution
civile du clerg-^ Assemblée législative.
Jacobins. La guerre déclarée. Succès des
ennemis. Journée du 20 juin. Journée da
10 aoûsr. Louis se rend avec sa famillo
dans le sein do rassemblée législative.
Massacre des Suisses. Louis déchu et
transféré au Temr-le. Les ennemis pien-
nent Longwi et Verdun. Massacre du 2
•eptembre* Convention Nationale. La
France proclamée République. Procès da
Tome IIL V
444 T A B L E.
Roi. Il comparoir à la barre de ïa Con-
vention. On accorde un conseil à Louis,
lîcomparoit de nouveau à la convention
avec ses ccr.seils. Discours du Roi. 11
€st condamné â mort. On vient lui com-
m- niqu«r son iugement. Mort de Louis
XVI.
Fin de ta TabU dei matihe&é
iDir:G SE^.. Huu^^
X Millot, Claude François
39 Xavier
M54. fillraens de l'histoire de
1801 France, Nouvelle éd.
t. 3
PLEASE DO NOT REMOVE
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