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OEUVRES
DE
JACQUES DELILLE.
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PUBLI1
VIRGILII MARONIS
iENEIS.
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^ENÉIDE,
TRADUITE EN VERS FRANÇAIS,
AVEC DES REMARQUES
SU A LES PRINCIPALES BEAUTÉS DU TEXTE.
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PUBLII
VlRGILII MARONIS
jENEIS.
TOMUS TERTIUS-
PARISIIS,
APUD GIGUET et MICHAUD, TYPOGRÀPHQS>
via yulgo dicta Bons-Enfans , nQ, vi.
1804. — (ahuoxii.)
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Tmz.
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L'ENÉIDE,
TRADUITE
PAR JACQUES DELILLE.
TOME TROISIÈME.
A PARIS,
CHEZ GIGUET rr MICHAUD, IMP.-LIBBAIttES,
' H.CB D» BORS-ENFAHJ, Mc. 6.
1804.— (au xii. )\ :;■ V :
DigiuiedtoQpCgle-'
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L'ENÉIDE,
EN VERS FRANÇAIS.
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jENEIS.
LIBER SEXTUS.
Oie fatur lacrymans, classique immîttît babenas ,
Et tandem Eoboicis Cumarum allabitur oris.
Obvertunt pelago proras : tum dente tenaci
Ancbora fundabat nayes 9 et littora cor?»
Praetexunt puppes : juyenum manus emicat ardens
I^ttus in Hesperiura; quasrit pars semina flammao
*fc.bstrusa in venis silicis; pars densa ferarum
Tecta rapit, silvas* inventaque flumina monstrat
At pius ^Sneas arces qiiibus altus Apollo
Prsesidet, borrendsque procnl sécréta Sibylls,
Antrum immane , petit; magnam cui mentem animui
Délias inspirât rates, aperitque futura.
Jam subeunt Triviae lucos atque aurea tecta. \
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L'ENÉIDE.
LIVRE SIXIÈME.
Il £t , rend leur essor aux ailes des vaisseaux;
ît Corne, enfant d'Eubee, a reçu le héros.
L'ancre a la dent mordante en tombant les captive,
jeur Irec regarde l'onde, et leur poupe la rive.
Soudain, avec transport mille jeunes Troyens
louchent d'un saut léger aux bords Âusoniens.
leurs soins sont partages : du roc qui le recèle,
L'un d'un feu pétillant fait jaillir l'étincelle ; '
X autre parcourt des bois ou des fleuves nouveaux,
Jfa, d'un œil curieux , reconnoître les eaux.
Cependant le héros, plein d'espoir et de crainte,
Du temple d'Apollon va visiter l'enceinte,
Et l'antre prophétique, où, brûlant de son feu,
La prêtresse en fureur se del>at sous son Dieu,
Et cache sa présence au vulgaire profane.
Ils découvrent déjà la forêt de Diane,
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lo .ENEIDOS LIBER VL y. 14.
Daedalus, ut lama est, fugiens Minoïa régna,
Praepetibus pennis ausus se credere ccelo,
Insuetum per iter gelidas enayît ad Àrctos ,
Chalcidicâque levis tandem super adstitit arce.
Redditus his primùm terris, tibi, Phœbe , sacrayit
Remigium alarumj posukque immania templa.
In foribus letum Androgei : tum pendere pœnas
Cecropidae jussi, mîserum! septena quot annii
Corporâ natormn; stat ductîs sortîbus urna.
Contra elata mari respondet Gnosîa teflus.
Hîc crudelis amor tauri , suppostaque furto
Pasiphaë, mixtumque genus, prolesque biformîs
Minof auras inest, yeueris monumenta nefandae.
Hîc labor îlle domûs , et inextricabilis error.
Magnum reginae sed enîm miseratus amorem
Daedalus, îpse dolos tecti ambagesque re sol vît,
Caca regens fîlo yestigia. Tu quoque magnam '
Partem opère in tanto, sîneret dolor, Icare, baberes.
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r. 16. L'ENEIDE, LIVRE VL n
Et «on temple dont For relève la beauté*.
Dédale , de Mraos fuyant la cruauté,
Osa, se confiant h ses rapides ailes ,
Tenter un vol hardi dans des rontes nouvelles,
Et, vainqueur fortune' des vents glacés du Nord,
Sur les remparts de Cume abattit son essor.
Sitôt que fa reçu la plage hospitalière ,
11 1 élève un beau temple, 6 Dieu de la lumière t
Et t'offre , heureux nocher d'une nouvelle mer,
L'aile dont il vogua dans l'océan de l'air.
Sur les portes, sa main peint la mort d'Androgét
Sur les fils de Cécrops cruellement vengée,
Le barbare tribut de leurs jeunes enfans ,
El cette urne où le sort les choisit tous les ans.
De la Crète, plus loin, les campagnes fécondes.
Et les remparts de Gnos s'élèvent sur les ondes.
Ailleurs, il peint l'Amour qui mène en rougissant
A la reine de Crète un époux mugissant,
Et leur étrange hymen, que la nature abhorre,
Et leur fils monstrueux, l'horrible Minotaure*
Ici du labyrinthe habilement tissu,
- Sa main trace avec art le piège inapperçu :
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xa &NEÎDOS LIBER VI. y, U.
Bis conatus erat casus effingere in auro 5
Bis patriae cecidere inanus. Qttin protenus omnia
Perlegerent oculis, ni jam praemissus Acnales
Afforet, atque una Phœbi Tririaeque sacèrdos,
Deiphobe Glauci,fatur quae talia régi :
Non hoc ista sibi tempus spectacula poscïti
Nunc grege de intacto septem mactare juvencos
PraBstiterit, totidem Iectas de more bidentes.
Talibus affata iEnean (nec sacra morantur
Jussa vîri) Teucros vocat alta in templa sacerdos.
Excisum Euboicss latus ingens rupis in antrum *
Qu5 lati ducunt aditus centum, ostîa centum *
Unde ruuni totidem voces, responsa Sibyllas.
Ventum erat ad limen, quum Tirgo, Poscere fata
Tempus, ait : deus, ecce, dçus. Gui talia fanli
Ante fores, subit5 non vultus, non color unus,
Non comptas mansere coma?; sec pectus anhelura
Et rabie fera corda lument, majorque videri,
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t. 58. L'ENEIDE, LIVRE VL iS
On le voit, d'Ariane écoutant la tendresse,
Lui-même en reVëler l'insidieuse adresse ,
Et, débrouillant l'erreur de ses mille chemins,
Du fil libérateur armer ses jeunes mains.
Et toi qu'il pleure encore , ô jeune téméraire !
Si l'artiste n e'toit trop distrait par le père,
Toi-même il t'eut place dans ce vaste tableau.
Deux fois repris en vain , son impuissant ciseau
Veut tracer de son fils l'aventure cruelle ,
Et deux fois il échappe a la main paternelle.
Long-temps sur ces objets, ces merveilles de l'art,
Le heios laisse errer un avide regard.
Achate enfin arrive, avec lui la prêtresse ;
An Troyen, en ces mots, la Sibylle s'adresse :
« Le temps presse , Troyens , laissons la ces tableaux 5
» Quatre jeunes brebis, quatre jeunes taureaux
» Doivent à ces autels tomber en sacrifice. »
Elle dit : ces pre'sens rendent le ciel propice;
Et la prêtresse au temple appelle les Troyens.
Un antre fut taille dans les rocs Eub&ns,
Ou cent larges chemins, où cent portes conduisent :
De la , les saints trépieds par cent voix nous instruisent.
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ti JENEIDOS LIBER VL v. 5o.
Nec mortale sonans, afflata est numine quando
Jam propiore dei. Cessas in vota precesque,
Tros, ait, iEnea ? cessas? neque enîm antè déhiscent
Àttonitae magna ora domus. Et talia fata,
Conticuit. Gelidus Teucrb per dura cucurrit
Ossa tromor; fundUque preces rex pectore ab imo:
Phœbe, graves Troj* scntper mïserale labores,
Dardana qui Paridis directi tela manusque
Corpus in Mandas , magnas obeuntîa terras
Tôt maria intravî, duce te, penitùsque repostas
Massvlûmgentis, praeUntaque Syrtibus arva $
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t.6o. L'ENÉIDE, LIVRE VL îi
Es avancent; soudain , pleine d'an saint transport :
« H est temps, il est temps d'interroger le sort,
» Le Dien vient, le Dieu vient; il m'agite, il me presse ;
» 0 Troyens , écoutez la voix de sa prêtresse !
» C'est lui-même , c'est lui, je le sens, je le vois : »
Devant la porte auguste ainsi tonne sa voix.
Maïs a son Dieu, déjà tous ses sens s'abandonnent ,
Ses eue veux, son regard, ses traits se desordonnent,
Son sein bat et se gonfle , et mugit de fureur;
Mais, lorsque de plus près le Dieu parle a son cœur,
Alors son air, sa voix n'ont rien d'une mortelle ~:
« Hâte-toi, fils des dieux! qu'attends-tu donc, dit-elle f
» Quand emmenceras-tu tes prières, tes vœux?
» Parle : c'est a ce prix que parleront mes dieux ,
» Et que s'ébranleront ces portes redoutables»»
Elle dit, et se tait. A ces sons formidables
11 frémit, il s'écrie : a 0 divin Apollon !
» Toi, qu'attendrit toujours le malheur dllion,
» Qui àe$ mains de Paris perças le fier Achille ; '
» C'est toi qui, par la main guidant mon cours docile,
9 A travers tant d'e'cueils et tant de vastes mers,
» Dont rhumide ceinture embrasse l'univers ,
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x6 .ENEIDOS LIBER VI. v. U.
Jam tandem Italiae fugientis prendimus oras :
Hac Trojana tenus faerit fortuna secuta.
Vos quoque Pergameae jam fas est parcere genti ,
Dîque deaeque omnes quibus obstitit Ikum, et ingen&
Gloria Dardaniae. Tuque , o sanctissima vates,
Praescia yentutî , da , non indebita posco
Régna meis fatis, Latio considère Teucros,
Errantesque deos, agitataque numina Trojae.
Tum Pkœbo et Trivîaa solido de marmore templum
Instituam, festosque dies de nomine Phœbi.
Te quoque magna marient regnis penetralîa nostris :
Hîc ego namque tuas sortes, arcanaque fata
Dicta mea; gentî, ponam, lectosque sacrabo,
Aima, yiros. Foliis tantùm ne carmina manda.
Ne turbata volent rapidis ludibria ventis :
Ipsa canas, oro. Finem dédit ore loquendû
At , Phœbi nondum patiens , immanis in antro
Bacchatur yates, magnum si pectore posait
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t. h. L'ENEIDE, LIVRE VI. 17
» Et les sables brûlans des rives africaines,
» Et des Massy liens le* peuplades lointaines,
» M'as conduit sur ces bords. Enfin nn sort plus doux
» Nous livre ces beaux lieux qui fuyoient devant nous :
» Termine enfin ici les malheurs de Pergame !
» Et vcus, déesses, dieux, que le fer et la flamme
» Ont enfin délivrés de ces fameux remparts'
» Dont la gloire importune offensoit vos regards,
» Aplanissez pour nous la mer et les obstacles ,
» Dégagez, il est temps, la loi de nos oracles.
» Et toi, sainte prêtresse, accorderons enfin
» Ce aue depuis long-temps m'accorde le Destin ,
» Et fixe en ces climats notre fortune errante!
Pour prix de ce bienfait ma main reconnoissante
Bâtira d'un beau marbre un somptueux séjour
*A la reine des nuits, au dieu brillant du jour :
» De tes accens sacrés et de tes saints mystères,
» Là , des hommes choisis seront dépositaires ;
» J en fais ici le voeu. Mais aux vents indiscrets
ïNe va pas confier tes éternels décrets,
xGraver l'ordre des dieux sur la feuille mobile :
«Parle, parle toi-même. » Il dit, et la Sibylle
a-
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t
}i ^NEIDOS LIBER VI. y. 79.
Excussisse deum : ianto magis illé fatîgat
Os rabidum , fera corda domans, fingitque prejnendo.
Ostîa jainque domûs patuere ingentia centum
Sponte sua, vatîsque ferunt responsa per auras :
0 tandem magnis pelagi defuncte periclis !
Sed terra -graviora manent. In régna Lavinî
Dardanidae renient, mitte banc de peetore curant;
Sed non et venisse volent : bella, horrida bella ,
Et Tbybrim multo spumantem sanguine cerno.
Non Simoïs tibi,nec Xantbus, nec Dorica castra t
Defuerint : alius Latio jam partes Achilles,
Natus et ipse deâ $ nec Teucris addita Jnno
Usquam aberit. Quum tu supplex, in rébus egenis^
Quas gentes Iralûm , aut quas non orayeris urbes !
Causa mali tanti conjux iterum, bospita Teucris 9
Ezternique iterum tbalami.
Tu , ne cède malis; sed eontra audentior ito ,
Qnam tua te fortuna sinet. Via prima salutis,
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t.io4. L'ENEIDE, LIVRE VL i»
De son antre profond, terrible, l'œil en fen ,
Impatiente encor, latte contre le Dieu.
Plu» elle se débat, et plus il la tourmente,
Simprime dans son cœur, sur sa bouche ecumante ,
Façonne son maintien, ses paroles, ses traits,,
Et loi souffle des sons dignes de ses décrets.
D'elles-mêmes alors les cent portes s'ouvrirent,
Et ces accens sacres dans les airs retentirent :
• Fais taire les frayeurs, chef d'illustres bannis j
» Oui , sur les flots enfin tes malheurs sont finis.
* Mais que la terre encor te garde de tempêtes !
» Oui, je les garantis tes illustres conquêtes :
» Les Trojens obtiendront les champs de Latinus,
9 Mais à quel prix sanglant ils seront obtenus !
» Je yoîs, je vois la guerre et le meurtre et la rage ,
» Et le Tibre effraye' regorgeant de carnage.
» La, de Bellone encor tu verras le drapeau,
» Un nouveau Simoïs , un Achille nouveau,
» Né, comme le premier, du sang dune déesse»
» La, de Junon encor la haine vengeresse
» Des Troyens dévoues suivra partout les pas.
v Contre elle, quels secours n'implorerat-tupas?
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4o ^NEIDOS LIBER VI. v. 97.
Quod minime reris, Graiâ pandetur ab urbe.
Talibus ex adyto dictis Cirawea Sîbjlla
Horrendas canit ambages, antroque remugît,
Obscuris vera invol?ens : ea frena furenti
Conculit, et 6timulos sub pectore vertit, Apollo.
Ut primùm cessit furor, et rabida ora quiêrunt,
Incipit JEneas heros : Non ulla laborum,
0 virgo , noya mî faciès inopinave surgit ;
Omniaprscepi, atqne animo mecum antepewgt,
Unnm oro : quando Lie inferni janua régis
Dicitur , et tenebrosa palus Acberonte refuso,
Ire ad conspectum cari genitoris et ora
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t. iz6. L'ENÉIDE, LIVRE VI. *r
» Vain espoir! ton destin poursuit partout sa proie :
9 Une autre Hélène encor embrase une autre Troie;
» Ton malheur vient encore d'un hymen étranger.
«Toi, conserve un cœur ferme au milieu du danger :
9 Des secours imprévus attendent ta détresse,
» Tes premiers défenseurs te viendront de la Grèce.»
Ainsi de l'antre saint la prophétique horreur
Trouble sur son trépiçd la prêtresse en fureur.
Ainsi le dieu terrible , aiguillonnant son ame,
La perce 4e ses traits, l'embrase de sa flamme t
Répand sur ses discours sa sainte obscurité',
Et même en l'annonçant voile la vente'.
Enfin sa rage tombe , et son délire cesse.
Enée alors reprend : « 0 sublime prêtasse !
» De mon triste avenir ces terribles tableaux,
b Ces aspects menaçans, ne me sont pas nouveaux,
9 Cent fois, anticipant ma pénible carrière,
» J'ai tout prévu. Mais vous , exauces ma prière ;
» Puisque s'ouvre en ces lieux la porte de Pluton ,
» Que ce lac communique au sombre Phlégéthon;
» Que d'un père chéri je revoie au moins l'ombre !
» Vous-même guidea-moi dans cet abîme sombre.
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2i ^ENEIDOS LIBER VI. v. 109.
Contingat ; doceas iter , et sacra ostia pandas.
Illum ego per flammas et mille sequenlia tela
Eripui his bumeris, medioque ex hoste recepî;
Ille , meum comitatus fter 9 maria omnia mecuin ,
Atque omnes pélagique minas cœlique ferebat
Invalidas, vires ultra sortemque senectae.
Quin j ut te supplex peterem, et tua limina adirem ,
Idem orans mandata dabat. Nattque patrisqoe,
, Aima , precor , miserere : potes namque omnia; nec ts
Nequidqnam lucis Hécate praefecit Avernis.
Si potuit Mânes arcessere conjugis Orpheus ,
Threïcià frefus^ilharâ fidibusque canons;
Si fratrem Pollux alterna morte redemit ,
Itque redilque viam todes : quid Thesea, magnum
* Quid memorem Alciden ? et mî genus ab Jove summo.
Talibus orabat dictis, arasque tenebat;
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1. 148. L'ENEIDE, LIVRE VI i3
» Hélas! parmi les morts, et le fer et les feux,
» Tout fier de me courber sous ce poids glorieux,
• Et des traits ennemis évitant la poursuite,
» À la Grèce en fureur j'échappai par la fuite ;
» Et lui, foible et penché sous le fardeau des ans ,
» Sous un ciel orageux , sur les flots menaçans ,
» Accompagnant son fils sur des rires lointaines,
* Partageoit k la fois, et consoloit mes peines.
» Son ordre exprès m'envoie k vos sacrés lambris ;
» Ayez pitié da père , ayez pitié du fils !
y» Hécate sur ces lieux vous remit sa puissance :
» Ne trahissez donc point ma pieuse espérance.
» Orphée a pu jadis, grâce k M doux accords ,
» Descendre encor vivant dans l'empire des morts.
» Tour a toor revoyant et perdant la lumière ,
» Follux aux bords du Styx va remplacer son frère.
» Conterai-je Thésée., Alcide, et tous les noms
» Des demi-dieux admis dans ces gouffres profonds?
» Comme eux , de Jupiter j'ai reçu la naissance :
» Ayant les mêmes droits, j'ai la même espérance. »
Ainsi le fils des dieux , une main sur l'autel ,
Demande une faveur au-dessus d'un mortel
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iA JENEIDOS LIBER VI. r. i*5.
Quum sic orsa loquî rates : Sate sanguine dirùm ,
Tros Anchisiade , facilis descensus Averno est;
Noctes atque dies patet airi janua Ditis :
Sed revocare gradum, superasquë evadere ad auras ,
Hoc opus, hic labor est. Pauci , quos aecpus amarit
Jupiter, aut ardens evexît ad aethera virhis ,
Dis geniti, potuere. Tenent média omnia silvaf,
Cocytusque sinu labens circumvenit atro.
Quôd si tan tus amor menti, si tanta cupido est
Bis Stygios innare lacus , bis nigra yidere
Tartara, et insano juvat indulgere labori,
Àccipe quae peragenda priùs. Latet arbore opacà
Àureus et foliis et lento vûnine ramus,
Junoni infernae dictus sacer : Lune tegit omiiïs
Lucus, et obscuris claudunt convallibus umbre
Sed non antè datur telluris operta subire ,
Auricomos quam quis decerpserit arbore feras, '
Hoc sibi pulcbra suum ferri Proserpina munus
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v.jt7o. L'ENEIDE, LIVRE VI* i5
La prêtresse répond : o 0 l'espoir de ta race !
» Sais-tu bien ce qu'ici demande ton audace ?
9 H n'est que trop aise de descendre aux enfers ,
» Les palais de Pluton nuit et jour sont ouverts ;
» Mais rentrer dans la vie, et revoir la lumière,
» Est un bonheur bien rare, un vœu bien téméraire.
» Le Destin n accorda ce privilège heureux
1 Qu a peu de favoris , issus du sang des dieux.
» Le passage est fermé par des forêts profondes,
» Le Cocyte alentour roule ses noires ondes.
» Mais si tels sont tes vœux , si ton pieux amour
» Veut passer l'Achéron qu'on passe sans retour,
» Ecoute mes leçons : dans la nuit ténébreuse,
» Dont un bois vaste entoure une vallée ombreuse ,
» D'un rameau précieux se cache le trésor ;
» L'or brille sur sa tige, et son feuillage est d'or.
» La , préside des dieux l'auguste souveraine ;
» Mais nul ne peut percer cette nuit souterraine,
» Qu'il n'ait de ce rameau cueilli le riche don.
» Que demande en tribut l'épouse de Pluton.
» On a beau l'arracher au tronc qui le possède ,
» Soudain un rameau d'or au rameau d'or succède;
m». 3
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26 JENEIDOS LIBER VI. t, U*.
Instituit, Primo ayulso, non déficit alter
Aareus; et simili frondescit virga métallo.
Ergo altè vestîga oculis, et rite reperlum
Carpe manu: namque ipse volens facilisque sequetur,
Si te fata vocantj aliter, non vûibus ullis
"Vïncere, nec duro poteris conyellere ferro.
Praterea jacet ezanimum tibi corpus amici,
Heu nescis! totamqae incestat ftraere classem,
Dam consulta petis, nostroque in limine pendes :
Sedibus hune refer antè suis 9 et conde sepulcro*
Duc nigras pecudes; ea prima piacnla sunto.
Sic demum Iucos Stygios, régna invia yivis ,
Âdspicies. Dixit, pressoque obmutuit ore.
JEneat maesto defizus lumina vultu
Iogreditur , linquens antrum, cœcosqne rolutat
Eventas animo secum : coi fidus Àchatea
It cornes, et paribus curis vestigia figit.
Multa inter sese vario sermone serebant :
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y. *o*. ; L'ENEIDE, LIVRE VL 17
» Et, toujours reproduit, le précieux me*tal
» Rend a l'arbre immortel sou luxe vege'tal.
» Toi doue, perçant des bois la nuit silencieuse,
» Va chercher, va cueillir la branche précieuse :
» Si dans les sombres lieux t'appelle le Destin ,
» Docile, d'elle-même elle suivra ta main :
» Autrement, aucune arme, aucune main mortelle
» Ne pourrait triompher de sa tige rebelle. "
» C'est peu : taudis qu'ici tu consultes les dieux,
» De l'un de tes amis la mort ferme les jeux,
» Et souille tes vaisseaux de ses vapeurs funestes.
» Dans l'asile des morts va déposer ses restes,
9 Offre une brebis noire aux noires de'ite's,
» Que ces premiers devoirs soient d'abord acquittes :
» Alors, tu pourras voir, au gré de ton envie,
> Ces lieux où la mort règne ,' et qu'abhorre la vie. »
Elle dit Le héros , le cœur préoccupe' ,
D'e'tonnemenl , de crainte , et de respect frappe',
Triste, les jeux baisses, s'eloighant en silence ,
Maudissoit la fortune et sa longue inconstance.
A son chagrin profond Achate unit le sien :
Mille discours divers forment leur entretien.
3..
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s6 JENEIDOS LIBER VI. v. r6t.
Quem sooium exanimem vates^ quod corpus hiimandum ,
Dioeret. Atque îlli Misenum in liltore sicco,
Ut yenere , vident, indigna morte peremptum •
Misenum ^Eoliden, quo non prœstautior alter
./Ere ciere viros, Martemque accendere cantu.
Hectoris hic magni fuerat cornes : Hectora circuin
Et litoo pugnas insignis obibat et haslà.
Postquam illum victor yitâ spoliavit Achille* ,
Dardanîo -flSneae sese fortissimus héros
Addiderat socium, non inferiora secutui.
Sed tum forte cavà dum personat «quora conchâ,
Démens, et cantu vocat in cerlamina diyos;
JEmulus exceptum Triton (si credere dignum est]
Inter saxa yirum spumosâ immerserat undâ.
Ergo omnes magao circùm clamore fremebant,
Praecipue pius .flïneas. Tum jussa Sibyllae ,
Haiîd mora, feslinant fientes; aramque sepulcri
Çongerere arboribus, cœloque educere certant,
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v.114. L'ENEIDE, LIVRE VI. t?
Quel est ce malheureux , quelle est cette ombre chère,
Pour qui Plu ton demande uu tribut funéraire t
Quand leurs tristes regards, ô coup inattendu !
Reconnoissent Misène a leurs pieds étendu,
Misène dont l'airain , cher au dieu de la Thrace,
Echauffait la valeur et rallumoit l'audace.
Jadis, du grand Hector illustre compagnon,
Il portoh près de lui la lance et le clairon ;
Mais, quand Hector perdit la vie et la victoire ,
Sous un autre héros gardant la même gloire,
Du vaillant fils d'Ànchise il suivit le destin.
Un jour qu'il embouchoit l'harmonieux airain ,
Provoqué par les sons de sa conque sonore
Un des Tritons jaloux, qu'un noir dépit dévore,
Si le dépit est fait pour les âmes des dieux,
Saisit dans sa fureur ce rival odieux ,
Le plonge entre les rocs, sous la vague écumeusc.
Tous pleurent sa vaillance et sa trompe fameuse ;
Et le héros surtout , du sommet d un rocher ,
Veut porter jusqu'aux cieux son superbe bâcher.
De l'antique forêt déjà les chênes tombent ;
Les sapins orgueilleux sous la hache succombent :
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3o JENEIDOS LIBER VI. v. 179.
Itur in antiquam silvam, stabula alta feraram :
Frocumbunt pices» sonat îcta securibus ilex;
Fraxine£que trabes, cuneis et fissile robur
Scinditur; advolvunl ingentes montibus oraos.
Nec non iEneas opéra inler talia primus y
Hortatur soctos , paribusque accingitur armis :
Al que baec ipse suo tristi cnm corde volutat,
Àdspectans silvam îmmensam , et sic voce precalur :
Si nunc se nobis ille aureus arbore ramas
Ostendat neiûore in lanto ! quando omnia verè ,
Heu ! nimiùm de te vates , Misene, locuta est.
Vix ea fatus erat, gemins quum forte columbae
Ipsa sub ora viri ccelo venere volantes ,
Et viridi sedère solo. Tum maxiinus beros
Maternas agnoscit aves, lœtusque precator :
Este duces, 0, si qua via est, cursumque per auras
Dirigile in lucos , ubi pioguem dives opacat
Ramus humum. laque, 0, dubiis ne defice rébus,
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Y.zS6. L'ENEIDE, LIVRE VI. 3i
Ils déchirent leurs troncs, ils coupent leurs rameaux y
Et do sommet des monts font rouler des ormeaux.
Enee est a leur tête 5 il médite en silence;
Et. plongeant ses regards dans la furet immense :
« Oh ! dans son vaste sein, si ce bois spacieux
» Me montrent le rameau que demandent les dieux !
» La Sibylle l'annonce; et ta mort, 6 Misène !
» Me prouve trop combien sa parole est certaine ;
» Et le Destin, toujours trop fe'cond en douleurs,
» Ne m'a jamais en vain annonce' des malheurs, m
Comme il disoit ces mots, deux colombes légères,
De la belle Cypris agiles messagères ,
S'abattent sur la terre ; et son regard surpris
Reconnoît de Venus les oiseaux favoris.
Aussitôt il s'écrie : « Oiseaux de Cytheree !
» Si vous venez vers moi de la voûte e'tbe're'e ,
» Volez ; que votre vol me guide vers ces lieux
» Où ma main doit cueillir le rameau précieux :
* Et toi, ma mère ! et toi, conduis-moi sur leur trace. » ,
Le couple alors s'envole, et, d'espace en espace,
Autant que l'œil de loin peut suivre leur essor,
S'élève, redescend, et se relève encor.
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32 ^NEIDOS LIBER VI. v. 197.
Diya parens. Sic effatus,vesligia pressit,
Observans quae signa ferant, quo tendere pergant,
Pa8cerites illae tantùm prodire volando
Qaantùm acie possent oculi servare sequenlum.
Inde, ubi venere ad fauces graveolenlis Averni ,
Tollunt se celeres; liquidumque per aëra lapss,
Sedibus optatis geminae super arbore «idunt ,
Discolor tinde auri pcr ramos aura refulsit.
Quale solet rilris brumali frigore viscum
Fronde yirere nova, quod non sua seiniuat arbos ,
Et croceo fetu teretes circumdare truncos :
Talis erat species auri frondentis opacà
IUce; sic Ieni crepitabat bractea vento.
Gorripit iEneas extemplo, ayidusque refringît
Cunctanlem, et yatis portât sub tecta Sibjlls,
Nec minus interea Misenuui in liltore Teucri
Hebant, et cineri ingrato suprenB ferebant.
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v. *5o\ L'ENEIDE, LIVRE VL 35
Mais de l'affreux Averne et de ses lacs immondes
À peine ces oiseaux ont reconnu les ondes,
Us détournent leur course, et, d'un roi assure',
Vont se poser tous deux sur l'arbre désire.
Son or brille a travers une sombre verdure.
Tel , quand le pale hiver nous souffle la froidure ,
Le gui sur un yieux chêne étale ses couleurs ,
Et l'arbuste adoptif le jaunit de ses fleurs :
Tel e'toit ce rameau; tel, en lames bruyantes,
S'agite l'or mouvant de ses feuilles brillantes.
Au doux frémissement, a l'e'clat de cet or,
Le héros court , saisit, emporte son trésor,
Et yole triomphant l'offrir à la déesse.
Cependant les Troyens, accables de tristesse ,
Debout près de Misène, objet de leurs douleurs,
L'eutouroient en silence, et repandoient des pleurs.
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3/+ jENEIDOS LIBER VI. y. *i4j
Principio pinguem taedis et robore secto
Ingentem struxere pyram; cui frondibus atris
Iutexunt latera, et ferales antc cupressos
Constituant, decorantque super fulgentibus armis
Pars calidos latices et abena undantia flammis
Expediunt, corpusque lavant frigentis etungunt.
Fit gemitus : tum membra toro defleta reponun! ;
Purpureastjue super vestes, velamina nota,
Conjiciunt. Pars ingenti subiere feretro^
Triste ministeriura, et subjectam more parentura
Aversi tenuere facem : congesta cremantur
Thurea dona, dapes, fuso cratères olivo.
Postquam collapsi cineres, et flamnia quievit ,
Reliquias vino et bibulam lavere favillam,
Ossaque lecta cado texit Corynaeus abeno.
Idem ter socios pur à circumtulit undâ,
Spargens rore levi et ramo felicis olîvae ,
Lustravitque viros, dixitque novissima verba.
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y. 274. L'ENEIDE, LIVRE VL 35
D'abord, de troncs fendus £ de rameaux sans verdure,
lis dressent du bûcher l'immense architecture ;
Et, du triste édifice entourant les apprêts.
En cercle sont penches de lugubres cyprès :
Au-dessus, du héros on a place les armes.
Pour en baigner ce corps, digne objet de leurs larmes,
Les uns versent les flots bouillonnant dans l'airain
Et de riches parfums s épanchent 4e leur main.
On gémit, on le met sur le lit funéraire ,
De ses restes chéris triste dépositaire;
On étend au-dessus des habits précieux :
Celui qui les portoit les rend chers a leurs jeux»
D'autres, le regard morne et l'ame désolée,
Triste et lugubre emploi, portent le mausolée,
Suivent l'usage antique; et, tremblant d'approcher,
En détournant les yeux allument le bûcher.
L'encens, l'huile , les mets, les offrandes pieuses
Que jettent dans le feu leurs mains religieuses,
Brûlent avec le corps; des parfums onctueux
Arrosent ls débris qu'épargnèrent les feux ;
La douleur les confie a l'urne sépulcrale;
Le rameau de la paix répand l'onde lustrale.
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36 ANEIDOS LIBER VI. v. *3*
At pîas MnedLS ingenti mole sepulcram
Imponit, suaque anna yîro, remumque , tubamque,
Monte sub aërio, qui mine Misenus ab illo
Dicitur, aeternumque tenet per saecula nomen.
His actis, properè exsequitur praecepta Sibyllae.
Spelunca alta fuit, vastoque immanis hiatu ,
Scrupea , tuta lacu nigro nemorumque tenebris ,
Quam super baud ull» poterant tmpune volantes
Tendere iter pennîs, talis sese halitus alris
Faucibus eflundens supera ad convexa ferebat •
[Unde locum Graii dixerunt nomine Aornon.]
Quatuor bîc primùm nigrantes terga juyencos
Constitua, frontique inyergit vina sacerdos :
Et summas carpens média inter cornua setas y
Ignibus imponit sacris, libamina prima ,
Voce yocans Hecaten, cœloque Ereboque potenteia
Supponoat alii cultros, tepidumque cruorem
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y.i9G. L'ENEIDE, LIVRE VI 3y
On pleure encor Misène, on l'appelle trois fou,
Et les derniers adieux attendrissent leur voix.
Ene'e à cet honneur en joint un plus durable :
Sur un mont il élève un trophée honorable,
T place de sa main la lance et le clairon ;
Et ces bords, ô Misène ! ont conserve' ton nom»
Mais il est d'autres soins qu'exige la prêtresse;
En un lieu sombre où règne une morue tristesse,
Sous d'énormes rochers, un antre ténébreux
Ouvre une bouche immense : autour, des bois affreux,
Les eaux d'un lac noirâtre, en défendent la routé :
L'œO plonge avec effroi sous sa profonde voûte.
De ce gouffre infernal l'impure exhalaison
Dans l'air atteint l'oiseau frappe de son poison,
Et de la, par les Grecs il fut nommé 1* Averse. •
Avant que d'affronter son horrible caverne ,
La prêtresse d'abord, sous les couteaux sanglans,
De quatre taureaux noirs a déchiré les flancs ,
Les baigne d'un vin pur,' et, pour premier hommage ,
Brûle un poil arraché de leur tète sauvage,
L'offre a la déité qui , du trône des airs ,
Etend son double empire au gouffre des enfers.
m. 4
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58 jENEIDOS LIBER VI. v. *&.
Suscipiunt pateris. Ipse atri yelleris agnam
JËneas malri Eumeuidum , magnaeque sororî ,
Ense ferit; sterilem<jue tibî, Proserpiiia, vaccam.
Tum Stygio régi noctarnas inchoat aras ,
Et solida iinponit taurorum viscera flammis,
Fûigue super oleum infîmdens ardendbus eztisr
Ecce antem, primî 5ub lumina solîs etortus, '
Sub pedibus mugire solum , et juga cœpta moyen
Silyarum , visaBque canes ululare per umbram ,
Adyentante deâ. Procùl, o, procul este, profani,
Ctnclamat yates, totoqûe absisiite luco.
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r.5i8. L'ENEIDE, LIVRE VI. -39
D'autres frappent du fer les victimes mourantes,
Et reçoirent leur sang dans des coupes fumantes.
Un glaire au même instant , dans les mains du héros,
À la terre, a la nuit, vieux enfans du chaos,
Immole une brebis dont la couleur rappelle
La noire obscurité de la nuit éternelle.
La fille de Cerès, Proserpine a son tour,
Stérile delte d'un stérile séjour ,
En hommage reçoit une vache inféconde*
Puis il consacre au roi de ce lugubre monde
L'offrande funéraire et ces tristes autels
Que dans l'ombre des nuits invoquent les mortels.
Lui-même il abandonne aux flammes dévorantes
Des taureaux égorges les entrailles sanglantes.
Vulcain en fait sa proie, et du gras olivier
L onctueuse liqueur arrose le brasier. ,
Voilà qu'au jour naissant mugissent les campagnes »
La cime des forets tremble au front des montagnes ;
La terre éprouve au loin d'affreux e1)ranlemens,
Et les chiens frappent l'air de leurs longs hurlemens.
Soudain a son approche ont tressailli les mânes :
« Loin de ce bois sacre 5 loin de mes yeux , profanes 2
4-
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*•■ JENEIDOS LIBER VI. v.260.
Tuque invade viam, yaginâque eripe ferrum :
Nuuc animis epus, Mnea, nunc pectore firmo.
Tantùm effata, furens antro se immîsit aperto : .
Ule ducem haud tîmidis yadentem passibus squat.
Dî quibus imperram est anîmarum, umbraeque silentes,
Et Chaos, et Phlegethon, loca nocte tacentia latè ,
Sit mihi fas audita loquî , sit numîne yestro
Fandere res altà terra et caligine mersas.
Ibant obscuri solâ sub nocte per umbrain ,
Perque domos Ditis yacuas et mania régna :
Quale per incertain lunam sub luce maliguà
Est itèr in sflyis, ubi cçelum condidit umbrâ
Jupiter, et rébus nox abstulit atra colorent.
Vestibulum ante ipsum, primisque in faucibus Orcî,
Luctus et ultrices. posuere cubilia Curae ;
Pallentesque habitant Dlorbi, tristisque Senectus,
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v.34o.> L'ENEIDE, LIVRE VL 4I
» S écria la prêtresse. Et loi qui «ris mes pas ,
» Enee, arme ton cceur $ Enee , arme ton bras. »
Elle dit, et s'élance au fond de l'antre sombre;
Et lui, d'an pas hardi, yole , et la suit dans l'ombre.
Tristes divinités du gouffre de Pluton !
Toi, lugubre Chaos ! et toi, noir Phlégéthon !
Permettez qu'un mortel, de vos rives funèbres
Trouble le long silence et les vastes tënèbres,
Et sonde, dans ses vers noblement indiscrets ,
L'abîme impénétrable où dorment vos secrets.
Tous les deux «'avançant dans ces tristes royaumes
Habites par le vide , et peuples de fantômes,
Marchoient a la lueur du crépuscule obscur :
Tel, lorsqu'un voile épais du ciel cache l'atur ,
Au jour pâle et douteux qu'épargne nn ciel avare ,
Dans le fend des forets le voyageur s'égare.
Devant le vestibule, aux portes des eu fers,
Habitent les Soucis et les Regrets amers,
Et des Remords rongeurs l'escorte vengeresse ;
La pâle Maladie , et la triste Vieillesse $
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42 JENEIDOS LIBER VL v.276.
Et Metus, et malesuada Famés, ac turpis Egestâs,
Terribiles visu formae ; Letumque , Lalpsque ;
Tum consanguineus Leti Sopor , et mala mentis
Gaudia, mortiferumque adyerso in limine BeUum ,
Ferreique Eumenidnm tbalami, et Discordla démens ,
Vipereum crinem vittis innexa cruentis.
In medio ramos annosaque bracbia pandit
Ulmus opaca, ingens, quam sedem Somnia vidgo
Vana tenere feront, foliisque sub omnibus hsren t.
Moltaque praeterea variarum monstra ferarum ,
Centauri in foribus stabulant, Scyllaeque bi formes,
El centnm geminus Briareus, ac bellua Lerna
Horrendum stridens, flammisque arinata Chimaera,
Gorgones , Harpyiaeqne, et forma tricorporis umbnr.
Corripit bic subità trepidus formidine ferram
JEneas, strictamque aciem venientibus offert :
Et, ni dicta cornes tenues sine corpore yitas
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t. 56a. L'ENEIDE, LIVRE VI 4*
L'Indigence en lambeaux, l'inflexible Trépas,
Et le Sommeil son frère , et le Dieu des combats;
Le Travail qui gémit, la Terreur qui frissonne ,
Et la faim qui frémit des conseils qu elle donne;
Et l'Ivresse du crime , et les Filles d'ënfèr.
Reposant leur fureur sur des couches de fer-;
Et la Discorde enfin, qui, soufflant la tempête,
Tresse en festons sanglans les serpens* de sa. le te.
Au centre est un vieil orme où les fils du Sommeil,
Amoureux de la Nuit , ennemis du Réveil,
Sans cesse variant leurs formes passagères,
Sont les botes légers de ses feuilles légères.
La, sont tous ces fléaux , tous ces monstres divers
Qui vont épouvanter l'air, la terre et les mers ;
Ge'ryon , de trois corps, formant un corps énorme 5
Le Quadrupède humain , fier de sa double forait ;
L'Hydre, qui fait siffler cent aiguillons affreux ;
La Chimère, lançant des tourbillons de feux ;
Briarée aux cent bras , levant sa tête impie ;
Et l'horrible Gorgone , et l'avide Harpie.
Énée allait sur eux fondre le fer en main»
« Arrête ! tu ne vois qu'un simulacre vain.
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U -ffiNEIDOS LIBER VI. y. *93.
Admoneat voïitare cavâ sub imagine formas ,
Irruat et frustra ferro diverberet umbras.
Hiflc via Tartarei quas fert Acherontis ad undas :
Turbidus hîc copno yastaque yoragine gurges
JEstuat, atque emoem Cocyto éructât arenam.
Portitor bas borrendus aquas et flumina seryat
Terribili squalore Cbaron , cui plurima mento
Camties inculta jacet • «tant lumina flammâ ;
Sordidus ex bumeris nodo depeudet anûctus.
Ipse ratem conto subigît , rotisque ministrat ,
Et ferrugineâ subvectat corpora cjmbâ;
Jain senior, sed cruda deo viridisque senectu*.
Hiic omnis turba ad ripas effiisa ruebat :
Matres, atque viri, defunctaque corpora vifâ
Magnanimûm heroum, pueri, innuplaeque puellas,
Impositique rogîs juvenes ante ora parentum :
Quam multa in silvis autumni fiîgore primo
l^apsa cadunt folia; aut ad tçrram gurgite ab alto
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v. 38a. L'ENEIDE, LIVRE VI. &
» Marchons, dit la prêtresse, et coûtons ces lien sombres :
» Ce n'est pas aux héros a combattre des ombres. »
De là vers le Tartare un noir chemin conduit ;
Là , l'Àche'ron bouillonne , et , roulant a grand bruit ,
Dans le Cocyte affreux vomit sa fange immonde.
L effroyable Garon est nocher de cette onde.
D'un poil déjà blanchi mélangeant sa noirceur ,
Sa barbe étale aux yeux son inculte épaisseur;
Un nœud he à son cou sa grossière, parure.
Sa barque , qu'en roulant noircit la vague impure 9
Va transportant les morts sur l'avare Acberon 5
Sans cesse il tend la voile ou plonge l'aviron.
Son air est rebutant, et de profondes rides
Ont creuse' son vieux firent de leurs sillons arides 5
Mais, a sa verfe audace, a son œil plein de feu^
Ou reconnoSt d'abord la vieillesse d'un dieu.
D'innombrables essaims bord ient les rives sombres y
Des mères, des héros , aujourd'hui vaines ombres 9
Des vierges que l'hymen aitendoit aux autels,
Des fils mis au bûcher sous les yeux paternels,
Plus presses, plus nombreux que ces pâles feuillages
Sur qui l'hiver naissant prélude a tes ravages,
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46 . JENEIDOS LIBER VI. v.5ii.
Quam maltas glomerantur ayes , ubi frigidus aimas
Trans pontum fugat, et terris immittit apricis.
Stabant orantes primi transmîttere cursum,
Tendebantque manus , ripas ulterioris amore.
Nayîta sed tristis nunc hos nunc accipit illos;
Ast alîos longé submotos arcet arenâ.
JEneas miratus enîm, motusque tumulta,
Die, ait, o vîrgo , quid vult concursiis ad amnem?
Quidve petunt animas? yel quo discrimine ripas
Has linquunt , illae remis vada Kvida verront ?
Olli sic bréviter fata est longaeva sacerdos :
Anctûsâ generate, deûm certissima proies,
Cocyti stagna alta vides, Stygîamque paludem ,
Dî enjus jurare timent et fallere numen.
Hase omnîs, quam cernis , inops inhumataoue turba est :
Portitor ille, Charon : hi, quos vehit unda, sepultï.
Nec ripas dalur horrendas et rauca fluenta
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?.4o*. L'ENEIDE, LIVR* VI. A1
Ou que ce peuple aile, qu'en de plus doux climatS
Exile par milliers le retour des frimats,
Ou qui, vers le printemps, aux rives paternelles
Revoie, et bat les airs de ses bruyantes ailes.
Tels , vers l'affreux nocher ils étendent les mains,
Implorent l'autre bord. Lui , dans ses fiers dédains,
Les admet a son gré dans la fatale barque ,
Reçoit le pâtre obscur, repousse le monarque.
A cet aspect touchant , au tableau douloureux
Du concours empressé de. tant de malheureux,
Le héros s'attendrit : « Prêtresse vénérable I
» Pourquoi vers l'Achéron cette foule innombrable t
» Pourquoi de ces mortels sur la rive entassés
» Le&uns sont-ils reçus, les autres repoussés f
» Quel destin les soumet a ces lois inégales ? »
« — Prince ! devant vous sont les ondes fatales,
» Le Cocyte terrible , et le Styx odieux,
» Par qui jamais en vain n'osent jurer les dieux.
» Ce vieillard, c'est Caron, leur nautonnier terrible
» Qui sur les flots grondans de cette onde horrible ,
» Conduit son noir esquif. De ceux que vous voyez ,
» Les uns y sont admis, les autres renvoyés :
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48 JENEID OS LIBER VL v. 3*8.
Trldsportare prius, quant sedibus ossa quièrunt.
Centum errant annos , volitantqae hfcc littora circum ;
Tarn demum admissi stagna exoptata révisant.
Constîtit Àncbisâ estas, et yestigia presat ,
Multa putàns, sortemque animo tniserattre iniquam.
Cernit ibi maestos, et mortis honore carentes ,
Leucaspim , et Lyciae ductorem classis Orontem ,
Quos simul a Trojà ventosa per açquora vectos
Obruit Àuster, aqoâ involvens navemqae yirosque.
Ecce gubernator sese Palinurus agebat , ■
Qui Libyco nuper cursu, dum siderà serrât,
Exciderat puppi, mediis effiisus in undis.
Hune ubi vtt multâ mxstum cognoyit in umbrâ,
Sic prior alloqoitur : Quk te , Palmure, deoriim
Eripuit nobis, medioque sûb aquore mersit?
Die âge; nainque, mibi fallax baud ante^repertus^
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r.iz6. L'ENEIDE, LIVRE VL 49
» Les premiers ont redu les funèbres hommages ;
» Les autres, sans cercueil, ont m lei neir* rivages.
» Tant quHs n'obtiennent pas les honm ors dus aax morts,
» Durant cent ans entiers ils errent sur ces bords;
» Enfin leur exQ cesse, et leur troupe eploree
» Atteint an jotfr prescrit la rive désirée. »
Le héros est étaa d'un sort si rigonreax.
Oronte et Leucaspis frappent soudain ses jtmt :
Tous deux ils aroient fui les murs fumans de Troie,
Et des flots mutines tous deux forent la proie*
Palmure comme eux avbit fini ses jours : x
Des astres de la nuit il observoit le cours ,
Lorsqu'il tomba plonge' dans la liquide plaine.
Le héros l'aperçoit, le reeonnoft sans peine :
« Palinure, est-ce toi? Comment t'ai-je perdu f
» Apollon, qui jamais en yain n'a repondu,
9 Pour la première fois dément donc ses oracles !
» Tu de vois, avec nous forçant tous les obstacles,
» Aux bords tant desires conduire ie$ amis ,
» Et voaacofi^eflhentceqn'ilayokpromis!»
« Les dieux , dit 4e nocher , que votre plainte cesse ,
» N*ont ni causé ma mort, ni trahi leur promesse.
nu 5
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5o JENEIDOS LIBER VL v. S44.
Hoc uno respoflso animara delurit Âpollo,
Qui fore te ponto incolumem, finësque canebat
Venturum Ausonios : en haec promîssa fides est?
Aie autem : Neque te Phœbi cortina fefellit,
Dux Anchisiada x nec me deus aequore mersit.
Namque gabernaclum multâ yi forte revulsum ,
Cul datas haerebam custos, cursusque regebam ,
Praecipitans traxî mecam. Maria aspera juro
'Non ullum pro me tantum cepîsse timorem , '
Quam tua ne, spoliaia annis, excussa magistro,
Deficeret tantis nayis surgentibus undis.
Très Notas hibernas immensa per aequora noctes
Vexit me violentas aquâ : vix lumirie quarto
Prospexi Italîam, somma sublimis ab undâ.
Paulatim adnabam terras : jam tuta tenebam;
Ni gens crudelis madidâ cum veste gravatum,
Prensantemque uncis manibus capita aspera montas,
Ferro iarasisset, prœdamque ignara putasset.
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t. 448. L'ENEIDE, LIVRÉ VL *r
» La main an gouvernail , l'œil tourne v ers les deux ,
» Tandis que j'observois leur cours silencieux ,
» Par on sort imprévu précipite dans l'onde ,
» J'entraînai le timon dans ma chute profonde.
» Mais, j'en atteste ici le terrible élément,
» J'ai moins tremble' pour moi, dans ce fatal moment ,
» Que pour mes compagnons , pour vous , pour votre flotte ,
» Surtout pour mon vaisseau, prive' de son pilote.
» Durant trois longues nuits j'ai , d'un bras courageux ,
?» Lotte contre les vents et les ûots orageux ;
» Enfin mon œil, du tant d'une vague ecumante,
» Vit de loin cette terre objet de notre attente.
» Sous le poids dont les eaux chargeoient mon vêtement»
» Vers le bord désire' je nageais lentement :
» Du bord que j'invoquois, une vague m'approche;
» Je m'élance, et saisis les pointes d'une roche.
» J'appercois des humains , j'implore leur secours ;
9 Et leur lâche avarice a terminé' mes jours !
9 Depuis, mon triste corps est le jouet de l'onde :
» Voila mon sort. Mais vous, par le flambeau du monde,
m Par sa douce* clarté que je ne verrai plus,
» Par votre cher Ascagne et ses jeunes vertus,
5*
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5s JÏNEIDOS LIBER VL t. 36a.
Noue me Hueras babet , Tersantqoe in littore veaftL
Qood te per codî jaconduiB lumen , et auras ,
Per genitorem, oro, per spes surgentis Iolî ,
Eripe me Us, invicte, mali* : aut ta mihi terrant
Iojice, namqne potes, portusque require" Velinot :
* Aflt ta, si qua fia est, si quam bbi dira creatrix
Ostendit (neque enim , credo, sine muntne dtvûfa
Flomina tanta paras Stygiamque innare paladem) ,
Da dextram mîsero, et tecum me toile per uudas,
Sedibus ut sattem plaodis in morte ipiescam. *
Talia fatos erat , cœpit quum talia rates :
Unde tac, o Palinure, tibi tam dira cupido ?
Tu St ygias inbumatus aquas amnemque sevenwi
Eumemdum adspicies, ripamve injussus adibi*?
Desine fata deûm flecti sperare precando.
Sed cape dicta memor, duri solatîa casus :
Nam tua finitîmi, longé latèque per urbes
Prodigua acti cœlestibus, ossa piabunt;
Digit.zedby GoOgle
Y.ijo. L'ENEIDE, LITRE VI. 53
» Par les mfcue* d'Ànclûse , abrèges ma misère !
» Un peu de Jerre , helas ! suffit à ma prière :
» Véline , de mon cirps tous rendra les débris;
" » Ou, s'il se peut, au nom de la belle Cjpris,
» D'accord avec les dieux , qui f oos guident sans doute,
* Sur ces fatales eani fryopaei «a route; -
» Qu* j$ Uwpt on asjfc annula de ces flots,
» IJjt .gye mon ombre au moins obtienne le repos. »
— « Téméraire mortel ! lui répond la Sibylle ,
» Où t'égare un désir , un espoir inutile?
» De quelle vaine ardeur ton *œur est consumé !
» QuoH «ans furdgedesdiap, quoi j sans être inhumé,
» lu jjraâs 4"«wJMr le Styx e* sa offlde* sévères!
» Le Destin ne saitpsp entendra les prières j
a Cesse de l'en flatter. Ecoute toutefois
» De ce même Destin la consolante voix :
3» Les* peuples , redoutant les vengeances célestes ,
» Par deetoëtuts nengaoss oraacnrroat tCfffBsfes;
» Et ton «e« à jamais #nat*era iw lieux
» Qui doivent recevoir ,et ta cendre «t lèves vœux. »
Ce discours le console 5 pt sa glojre future
Calme on peu la douleur de sa triste aventure.
S...
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54 JENEIDOS LIBER VL ?. 33o-
Et statuenl tumulum , et tumulo solemnia mittent;
JEternumque locus Palinuri nomen habebît.
HÎ6 dictis cura emotae, pulsusque parumper
Corde dolor tristi; gaudet cognomine terra.
Ergo iter inceptnm peragunt, fluvioque propinquanfr.
Navita quos jam inde ut Stygià prospexit ab undà
Fer tacitum nemus ire, pedemque adyertere ripae ,
Sic prior aggreditur dictis , atque increpat uttro :
Quisquis es, armatus qui nostra ad flumina tendis ,
Fare âge quid renias; jam istinc et comprime gressum :
Umbrarum bic locus est, scmni, noctisque'sopora :
Corpora viva uefas Stygiâ yectare canna.
Nec mô Alciden me sum laetatus euntem
Àccepisse lacu , nec Tbesea , Pirilboumqne ,
Dis qnamquam geniti atque înWcti yiribus estent
Tartareum ille manu custodem in viocla petirit
Ipsius a solio régis, traxitque trementem :
Hi dominam Ditis thalamo deducere adortî.
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\.i$2. L'ENEIDE, LIVRE VI . S*
Cependant a grands pas s'avance le héros.
Le nocher, qui du Stjx fendoit alors les flots,
De loin le yoît marcher vers la rive odieuse ,
Et traverser du bois l'ombre silencieuse.
À l'aspect du guerrier , de son casque brillant ,
Le terrible nocher , de colère bouillant,
Gourmande le héros, et de loin le menace :
m Qui que tu sois , dit-il, que veux-tu? Quelle audaca
» Te présente h mes jeux contre l'ordre du sort?
» Arrête ! c'est ici l'empire de la mort ;
» Nul n'j paroît virant; et de mon indulgence
» Je me rappelle trop la triste expérience ;
» Je me rappelle trop ce couple suborneur
» Qui du lit de Pluton voulut souiller l'honneur.
» IfAlcide ai-je oublié l'audace téméraire,
* Qui , sous l'œil de Pluton , s'empara de Cerbère ,
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56 iEttEÏDOS LIBER VI. vt 5<,8.
Qua? contra breviter fata est Ampbrjsia vates ;
Nullae hîc insidiae taies; absiste moyen;
Nec yim tela feront : licet ingens janitor antro
Sternum latrans exsangues terreat umbras;
Casta licet patroi senret Froserpîna limen.
Troïns «Sneas, pietate insignis et armis,
Ad genitorem ûnas Erebi descendit ad umbra*, .
Si te nulla movet tant» pietatis imago;
At ramum imnc (apexit ramum quj veste Utehat)
Agnoscas. Tumida ex irâtum corda résidant.
Nec plura bis. file, admirans venerabile donum
Fatalis virçaî , longo p5st tempore visum ,
Caeruleam adyerlit pujppkn , rjpsque propin^oat.
Inde alias animas* qm per pga kpga sQdebamt,
Deturbat , Jaxafcjue ibros; mmvi accipit alpoo
Ingentem JSnean. Gemmt snb pondère cymba
Sutilis, et muUam accepit rimosa paludem.
Tandçm trâns &wm incolumes vatemque réamorce.
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y. 5u*. L'ENÉIDE, LIVRE VL 57
» L'arracha tont tremblant du palais des enfers,
» Dompta sa triple tète , et le chargea de fers?*
lia prêtresse repond : «Bannissez vos alarmes,
» Et voyez sans effroi ce guerrier et ses armes :
» Pluton n'a rien h craindre , et le gardien des morts
» D'abofmens éternels pent effrayer ces bords.
9 Que sans craindre un rival , le roi de ces lieux sombres
» Règne sur Proserpine ainsi que sur les ombr.es.
» Fameux par ses vertus, fameux par ses exploits,
» Enée est devant vous; et , respectant vos droits ,
» À son père , habitant des fortunes bocages,
» De l'amour filial il porteles hommages:
» Si tant de pieté ne peut tous émouvoir,
y> Voyez ce rameau d'or, et sachez son pouvoir.»
H voit , il reconnoît ce précieux feuillage ,
Que depuis si long-temps n'a vu le noir rivage.
D s'appaise , en grondant , s'avance au bord des flots,
En écarte la foule, et reçoit h hew.
Tftp foible puur le poids , la nacelle fetalt
Gémit , éclate , et s'ouvre a la vagfte infernale.
Enfin, sur l'autre rive, au bord fangeux des eaur,
Tous deux posent le , pied parmi de noirs roseaux.
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58 iENEIDOS JJBER VI. y. 4i€.
Informî lîmo glaucâque exporat in ulvâ.
Cerberus baec ingens latratu régna trifauci
Personal , adverso rerubans immanis in antro.
Cui vates, borrere videns jam colla colubris,
MeJlc soporatam et medicatis frugibus offam
Objicit : ille, faîne rabidâ tria guttura pandens ,
Corripit objectam, atque immania terga resolvit
Fusus bumi, totcque ingens extenditur anlro.
Occupât iEneas aditum , custode sepullo,
Evaditque celer ripam irremeabilis undae.
& ntinuo aûditae voces, vagitus et ingens,
Infantumque animas flentes in b'mine primo ;
Quos dulcis vite exsortes et ab ubere raptos
Abstulit atra dies, et iunere mersit acerbo.
Hos juxta falso damnati crimine mortis.
Nec vero bas sine sorte dat», sine judice, sedes.
Quaesifor Minos urnam moyet : ille silentum
Conciliumque vocat, vitasque et crimina discit.
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y. 53o. 'L'ENÉIDE, LIVRE VI. 59
La, ce monstre a trois voix , l'effroyable Cerbère,
Sans cesse veille an fond de son affreux repaire :
S les voit , Use lève 5 et , déjà courrouces,
Tons ses hideux serpens sur sou cou sont dresses.
La prêtresse , appaisant sa fureur rugissante ,
Lui jette d'un gâteau l'amorce assoupissante.
Le monstre , tressaillant d un avide transport,
Ouvre un triple gosier, le dévore , et s'endort 5
Et dans son antre affreux sa masse répandue
Le remplit tout entier de sa vaste étendue.
Le héros part, le laisse en son hideux séjour,
Et s'éloigne des eaux qu'on passe sans retour.
Tout a coup il entend mille voix gémissantes;
C'etoient d'un peuple enfant les ombres innocentes;
Malheureux , qui , flétris dans leur première fleur,
A peine de la vie ont goûte la douceur,
Et , ravis en naissant aux baisers de leurs mères,
N'ont qu'entrevu le jour et ferme leurs paupières:
H se souvient d'Àscagne , et s'émeut a leurs cris.
Près deux sont les mortels injustement proscrits.
Mais l'enfer ne voit point de jugement injuste :
Minos y tient ouvert son tribunal auguste;
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€a JENEIDOS LIBER VL v.454.
Proxima deinde tenent nrasti loca, qui sibi letami
Insontes pejperere manu , lucemqùe perôsî
Projeçere animas. Quam yellent aethere in alto
Nunc et padperiem et dards perfeite labores !
Fas obstat, tristique ipalfté mamabilis undft
Àlligat, et noyies Styi interfusa caërcet
Nec procal bine partem fiisi raonstf antar m ctaataem
Lugentes campi : sic tllos nomme dicont.
Hic quos duras amor crudeli tabe përedit
Secreti celant calles, et myrtea circùm
SiïVa togit; car» non ipsâ in morte relinqutmk
His Phardraîn ProdtiD^ne toc*, mastaUHpie Eripbjlen
Crudelîs nàti monstrantfem vnlùera , cernît ,
Evadnenque, et t asiphaën. ffisLaodamia
It cornes; et juvenis quondara» nunc femina, Caenis,
Rursus et in veterem fatorevoluta figurais.
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v. 55*. VE NEIDE, LIVRE VI. 6t
U (lent l'urne terrible en se$ fatales mains ,
Et juge sans retour tous les pâles humains.
Non loineont ces mortels qui , purs de tous les crimes ,
De leurs propres fureurs ont ete les victimes,
Et, détournant les yeui dû céleste flambeau,
D'une vie importune ont jeté' le fardeau.
Qu'ils voudraient bien revivre et revoir la lumière I
Recommencer cent fois leur pénible carrière !
Vains regrets! Par le Stjx neuf fois environnes,
L'onde affreuse a jamais les tient emprisonnes.
Ailleurs, dans sa profonde et lugubre étendue ,
Le triste champ des pleurs se présente à leur vue.
Là, ceux qui, sans goûter des plaisirs mutuels,
N'ont connu de l'amour que ses poisons cruels ,
Dans des forêts de myrte , aux plus sombres retraites ,
Vont nourrir de leur cœur les blessures secrètes :
La, le trépas n'a pu triompher de l'amour;
La, se voit rassemble , dans le même se'jonr ,
Tout ce qu'il eut de noble, et ce qui! eut d Infâme;
Cette Evadne' qui suit son époux dans la flamme $
Phèdre, brûlant encore d'illégitimes feux ;
Procris, mourant des mains d'un époux malheureux;
m. 6
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6% JENEIDOS LIBER VI. r. 45o.
Inter quas Phœnissa recens a vulnere Dido
Errabat silvâ in magnâ : quam Troïus héros
Ut primùm juxta stetil , agnavitque per uinhfem
Obscuram , qualem primo qui surgëre mense
Aut vîdet aut vidisse putat per nubila lunam,
Demisit lacrjmas, dnlcique affatus amore est:
Infelix Dido, verus inibi nuntius ergo
Venerat extinctam, ferroque extrema secutam!
Foneris , heu ! tibi causa fui ! Per sidéra juro ,
Per superos , et si qua fides tellure sub imà est,
Invitus, regina, tuo de littore cessï.
.Sed me jussa deûm , quae nunc bas ire per umbras 9
>Per loca senta sifû cogunt, noctemque profundaui,
Imperiis egère suis; nec credere quivi
Hune tantum tibi me discessu ferre dolorem.
9iste gradum, teque adspectu ne suBtrahe nostro.
Quem fugis? extremum fato quod te alloquor hoc est.
TaKfrus Jïlneas ardentem et torya tuentem
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v.574. L'ENÉIDE, LIVRE VI. 63
Et toi, qui te perdis par ton amour extrême ,
Tendre Laodamie ! et Pa*ipbaé même :
Eriplijje a son tour montre aux jeux attendris
Les coups, les coups affreux que lui porta son fils;
Ce'nis enfin, Cénis , tour a toui homme et femme ,
Et tour a ti ur changeant et de sexe et de flamme.
Triste et sanglante encor des traces du poignard ,
Didon , au fond d'un buis , erruit seule h l'écart.
Comme on voit ou croit voir , sous des nuages sombres,
L'astre naissant des nuits poindre parmi les ombres,
Son fantôme léger apparoSt au héros.
Il vient, il s'attendrit, pleure, et lui dit ces mots :
a Est-ce vous que je vois, 6 reine malheureuse?
» Elle est donc yraie, hélas ! cette nouvelle affreuse
» Qui m'a dit votre mort et votre désespoir!
» Hélas! et j'en suis cause, et n'ai pu le prévoir!
» Non , je n'ai pu prévoir qu'un destin si sévère
» Suivroit de votre amant la fuite involontaire. *
» Qu'il m'en coûta de fiiir des rivages si chers !
» Oui , j'atteste les .dieux, les astres, les enfers,
» Que de ces mêmes dieux , dont la loi souveraine
9 Entraine ici mes pas dans la nuit souterraine ,
6..
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Ci ^NEIDOS LIBER VI. v. 468.
LeJibat dîctis animum, lacrymasque débat.
Dla solo fixos oculos aversa tenebat; '
Nec magis incepto yultum sennone movetur ,
Quam si dura -silex aut stef Marpesia cautes.
Tandem corripuît sese, atque inimica refugit
In nemus umbriferum , conjux ubi pristinus illi
Respondet curis , squatque Sychaeus amorem*
Nep minus iEneas casu percussus iniquo
Prosequitur lacrymans longé, et miseratur euntem.
"Inde datum molitur îler : jamque arva tenebaut
Ultima , quae bello clan sécréta fréquentant ,
Hîc illi occurril Tydeus , hîc incly tus armis
Partbenopaeus, et Adrasti palleniis imago.
Hic multùm fleti ad superos, belloque caducî ,
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v. 5<>6\ L'ENÉIDE, LIVRE VI 65
» L'ordre sacre, lui seul, pot m'arracher a tous.
» Arrêtes ! pourquoi rompre un entretien si doux ?
» Laissez-moi prolonger cette douce entrevue.
» Pour vous-pleurer, encor mes yeux tous ont revue,
» Et je tous entretiens pour la dernière fois ! »
Ainsi , mêlant de pleurs sa douloureuse Toix ,
Il parloil. Didon garde un farouche silence,
Se détourne en fureur de l'objet qui l'offense;
Et ses jeux, d'où partoient des regards courrouces,
Demeurent vers la terre obstinément baisses :
Le marbre de Paros n'est pas {Jus inflexible»
Enfin elle s'échappe , et son ame sensible
Retourne au fond des bois , h ses douleurs si doux ,
Jouir des tendres soins de son premier époux.
lie héros plaint, tout bas sa triste destinée , ,
Et suit long-temps des yeux cette ombre infortunée»»
Mais il reprend sa route ; il arrive en ces lieux
Ou la valeur jouit d'un repos glorieux.
Il y Toit Parthénope et le Taillant Tydee,
L'ombre du pile Adraste encore intimidée :
Il reconnoit surtout ces généreux Troyens
Que moissonna le fer dans las. champs Phrygiens;
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66 ^NEIDOS LIBER VL v. 482.
Dardanidae ; quos ille omnes longo ordine cernens ,
Ingemuit • Glaucumque , Medontaque , Thersilochumque
Très Antenoridas, Cererique sacrum Polypbœten,
Idœuraque etiam currus , etiam arma, leuentenr.
Circumstant anima dextrà lsvàque fréquentes.
Nec vidisse semel satis est : juvat usque morari,
Et conferre gradum, et reniendi discere causas.
At Danaûin proceres, Agamemnontteque phalanges,
Ut videre virum fulgentiaque arma per umbras,
Ingenti trepidare metu : pars yertere terga,
Ceu quondam petiere rates : pars tollere vocem
Exiguam ; inceptus clamor frustratur niantes.
Atque hic Priamiden laniatum corpore loto
Deiphobum vidit, lacerum crudeliter ora,
Ora, manusque ambas , populataque tempora raptîs
Auribus , et truncas inbonesto vulnere nares.
Vix adeo agnovit pavitantem , et dira tegentem
Supplicia; et notis compellat yocibus ultro :
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r.6h. L'ENÉIDE, LIVRE VL 67
Glaueus aveo Me'don, Thersiloque son frère ;
Les trois fils d'Antenor, si dignes de leur père;
Pol ypbète , jadis ministre de Cërès ;
Idée , enfin, qu'on voit, pour charnier ses regrets,
A ses premiers travaux trouver encor des charmes y
Conduire encor des chars , tenir encor des'armes.
De ces guerriers fameux en foule environne',
De leur nombreux cortège il s'arrête étonne;
Mais , à peine ils ont vu son armure guerrière ,
Les Grecs épouvantes reculent en arrière :
Les uns , glaces d'effroi , vont fuyant devant lui,
Tels que dans leurs vaisseaux jadis ils avoient fui;
D'autres veulent crier, et leurs voix défaillantes
Expirent de frayeur sur leurs lèvres béantes.
De'iphobe soudain frappe ses jeux surpris ,
De la race des rois misérable décris ,
Sanglant , perce* de coups, reste affreux de lui-même ,
A qui le fer ravit , dans son malheur extrême,
L'organe de l'ouïe, et l'usage des yeux*
Son corps tout mutile n'est plus qu'un tronc hideux; *
Et son nez, disparu de son afireux visage,
Du fer deshonorant y marque encor l'outrage.
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68 ^NEIDOS LIBER VI. v.5oo.
Deipbobe armipolens, gémis alto a saqguine TeucrL,
Quîs tam crudeles optavit sumere pcenas?
Cui tantùm de te lïcuit ? Miiri fama supremâ
Nocte tulit , fessum vastâ te caede Pelasgûm
Procubuisse super confusae stragîs acervum.
Tune egoraet tuauilum Rhœteo b littore inaneia
Constitui , çt magnâ Mânes ter voce vocavi
Nomen et arma locum servant. Te, amice, necpiyî
Conspicere, et patriâ deceefens ponere terra.
Ad quaB haec Prianûdes : Nilul o tjbi, amice, relictum
Omnia Deiphobo sohfefr et (uneris ombrîs :
Sed me fata mea et scelus exitiale Lacaenas
Es mersere malis ; illa haec monumenta reliquit.
Namque ut supremam falsa inter gaudia noctem
Egerimus,npsti ; el nimiym memmisse necesse est.
Quum fatalis equus sajtu super ardua venit
Pergaraa , et armatum peditem gravis attulit alvo 5
fila, chorwn simulans , evantes orgia circum
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?. 64o. L'ENEIDE, LIVRE tt £9
Tout honteux , il recule , et , détournant son front ,
De ses mains qu'il n'a plus en veut cacher l'affront*
Le héros effrayé le reconnoît h peine,
£l la voix d'un ami console ainsi sa peine :
« Noble fils de Priam , ah ! parle , réponds-moi;
ï» Quel monstre assouvissant sa rage impitoyable
» S'est fait de ton supplice un plaisir exécrable ?
» À cet excès d'horreur porter sa barbarie?
» Est-ce un tigre? est-ce un homme? Hélas! onm'avoitdit
» Que dans la nuit qui fut notre dernière nuit,
x Sanglant et fatigué d'un immense carnage ,
* Toi-même avois péri dans ce confus ravage»
m J'honorai ta mémoire ; et, d'une triste voix ,
» Auprès d'un vain tombeau je t'appelai trois fois»
» Ton nom y vit encor ; mais tes amis fidèles
5- N'ont pu mêler ta cendre aux cendres paternelles;
» Je n'ai pu découvrir tes restes malheureux!»
Beîphobe repond : a Ami trop généreux!
» Tes soins compatissans ( pou vois- je plus attendre? )
*• Ont honore mon ombre , ont protégé ma cendre.
* Hélas ! c'est mon destin , c'est un monstre odieux ,
s Hélène, h qui je dois ce traitement affreux :
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7o .2ENEID0S LIBER VI. r. 5i3.
Ducebat Pbrygias : Hammam média ipsa tenebat
Ingentem , et suramâ Danaos ex arce vocabar. '
Tuin me confectum^uris somnoque gravatum
Infelix habuit thalamus; pressilque jacentem
Dulcis et alta quies, placidaeque simillima mortî.
Egregia interea conjux arma omnia tectia
Emt.vet , et fidum capiti subduxerat ensem.
Intra tecta yocat Menelaum , et liinina pandit ;
Scilicet id magnum sperans fore munus amanti,
Et famam extingui vélerum sic posse mâlorum.
Quid moror? irrumpunt tbalamo; cornes additus uuh
Hortator scelerum iEcUdes. Dî, talia Gratis
Instauraie, pio &î pœnas ore reposco.
Sed te qui ?i?um casus , âge , fare yicissim
Attuleriut : pelagine yenis erroribus actns?
An monitu dirum? an qu» te fortona faiigat,
Ut tristes sine sole domos, loca turbida, adirés ?
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v.65*. L'ENÉIDE, L1VR* VI. 7*
» Voilà les monumens de sa tendresse extrême!
» Dans notre nuit dernière , a notre heure suprême,
» Quand ce colosse allier, apportant le trépas ,-
» Eutroit gros de malheurs , d'armes et de soldats,
» Lorsque tous les fléaux alloient fondre sur Troie,
» Vc us n'avez pas sans doute oublie quelle joie
» Enivr it nos esprits , et comment l'oublier !
» Hélène secondoit ce colosse guerrier.
» Pour mieux dissimuler sa barbare allégresse,
» D'une trompeuse orgie elle échauflbit l'ivresse ,
» Secouoit une torche, et, des tours cTIiion,
» Appelait et la Grèce et la destruction.
» Je »>mmeillois alors : ce sommeil homicide,
» Du rtpos de la mort ayant-coureur perfide,
3 A mes yils ennemis liyroil un malheureux.
* Ma tendre épouse alors, ce cœur si généreux,
» Ecarte do palais les armes qu'il recèle ,
> Dérobe a mon chevet ma défense fidèle,
» Ce glaive qui, la nuit, protégeoit mon sommeil;
* Appelle Ménelas a mon affreux réveil :
» L entre ; et, dans l'instant , sa lâche perfidie
* Lui livre mon palais, mes armes et mu vie ,
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7i BNEÎDOS LIBEft VL v.535.
Hic vice sermonrnn roseis Àurora «juadrigts
Jam médium «therio corsa trajecerat axem ;
Et fors ômne datum traherent per talîa tempùs :
Sed cornes admonuit, brevîterque affata Sybilla est :
Nox ruit, .flSneaj nos flendo ducimus horas.
Hic locus est , partes fliri se via findh m ambas :
Eextera, qa® Ditls migni sub memaia tendà;
Hac iter El jsium nobîs : at laeva màîoram
Exercet pœnas, et ad impia Tartara mittît.
Deipbobus coirtrh : Ne saeyi, magna sacerdos$
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v.68*. L'ENEIDE, LIVRE VI. . 73
» Sans doute se flattant, par cette lâcheté',
» D'expier envers lui son infidélité'.
» Que tous dirai-je? On entre , on fond sur la victime;
» Ulysse les suivort, cet orateur du crime :
» Vous voyez son ouvrage. 0 toi ! qui sais mes maux ,
» Cial ! venge l'innocence , et punis mes bou reaux !
» Mais vous, fils de Venus, quel malheur, quel naufrage,
» Ou quel dieu vous conduit sur cet affreux rivage,
» Dans ce séjour de deuil , de trouble et de terreur,
» Dont le soleil jamais ne vient charmer J'h^rreur?»
L'Aurore , au teint de rose , avançoit sa carrière ;
Déjà du temps prescrit fiiyoit l'heure dernière ,
Tous deux ils s oubli oient dans ce doux entretien : ,
a Cest trop, dit la prêtresse au monarque troyen;
» Prince, l'heure s'envole, et vos regrets stériles
» Consument un temps cher en larmes inutiles :
» Avançons. G est ici qu'en deux chemins divers
» Se sépare pour nous la route des enfers.
» A ganche 9 des tourmens c'est le séjour barbare ,
» Le séjour àes forfaits , l'inflexible Tartare ;
» A droite est de Pluton le superbe palais :
» Là , f heureux Elysée étale ses attraits;
in. 7
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74 JENEJDOS LIBER VI. r.545.
Discedam, explebo numerum, reddarque tenebris.
I, decus, i, nostrumj melîoribus utere fatîs.
Tantùm effaius, et in verbo vestigia torsit.
Respicit jEneas subito , et sub rupe sinistré
Mcenia lata vîdet triplici circumdata muro ,
Qn» rapidus flammis ambit torrcutibas amnîs
Tartareus Pblegetbou , torquctque sonantia saxa.
Porta ad versa, ingens, solidoque adamante columnae;
Vis ut nulla virûm , non ipsi exscindere ferro
CaBlicolae valeant : stat ferrea turris ad auras;
Ti#ipboneque sedens , pallâ succincta craentâ,
Vcstibulum exsomnis servat noctesque diesque©
Ilinc cxaudiri gemitus, et saeya sonare
Verbera : tum stridor ferri, tractaeque catenae.
Constitit ./Eneas, strepitumque exterritus bausit :
Quae scelerum faciès? o virgo, effare; quibusve
Urgentur pœnis ? qui tanins pîangor ad auras?
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y.7o6. L'ENEIDE, LIVRE VF. 7 5
» C'est la qu'il faut marcher. — 0 dîrîoe prêtresse !
» Dit alors Déiphobe, excusez ma tendresse.
» Je pars : vous, dTlion l'ornement glorieux ,
» Adieu 5 plaignez mon sort, et soyez plus heureux. »
Il dit , et dans la foule en pleurant se retire.
Enée alors regarde, et de ce sombre empirt
A gauche il apperçoit ce séjour enflammé ,
Que d'un triple rempart les dieux ont enferme'.
Autour le Phlégéthon , aux ondes turbulentes,
Roule d'affreux rochers dans ses vagues brûlantes.
La porte inébranlable est digne de ces murs :
Vulcain la composa des métaux les plus durs:
Le diamant massif en colonnes s'élance ;
Une tour jusqu'aux cieux lève son front immense :
Les mortels conjurés, les dieux et Jupiter,
Altaqueroient en vain ses murailles de fer.
Devant le seuil fatal , terrible , menaçante ,
Et retroussant les plis de sa robe sanglante,
Tisiphone bannit le sommeil de ses yeux ;
Jour et nuit elle veille aux vengeances des dieux.
De la partent des cris, des accens lamentables ,
Le bruit affreux des fers traînés par les coupables ,
7-
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76 .ffiNEIDOS LIBER VI. v.S6s.
Tum yates sic orsa loqui : Dux incljte Teucrùra ,
Nulli fas casto sceleratum insistere limen ;
Sed me , quum lucis Hécate praefecit Avérais ,
Ipsa deûm pœnas docuit , perque omnia duxit.
Gnosius h»c Khadamanthus habet durissima régna;
Castigatque auditque dolos, subigitque fateri
Quae quis apud superos, furto laetatus inaiii,
Distulit in seram commissa piacula mortem.
Continué sontes ultrix accincta flagello
Tisiphone qiïatit insultans ; tortosque sinistré
Intentans angues , vocat agmina sera sororuou
Tum demum horrisono stridentes carchne sacra»
Panduntur ports. Cernis custodia quaUs
Vesï bulo sedeat ? faciès qua3 liniina senet ?
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v. 7*8. L'ENEIDE, LIVRE VI. 77
Le sifflement des fouets dont l'air an loin gérait.
Le Gis des dieux s'arrête, il écoute, il frémit :
« 0 prêtresse, dit-il , quelles sont ces victimes ?
» Qui prononça leur peine ? et quels furent leurs crimes ?
» Parlez , instruisez-moi. —Prince relig'eux ,
» Répond-elle , gardez d'approcher de ces lieux.
» La vertu doit de loin voir le séjour des vices.
» Mais je puis des mécbans vous tracer les supplicts :
» Diane a sa prétresse a tout dit, tout montré.
» Rhadâmanthe en ces lieux juge, absout a son gré:
» Terrible, il interroge, il entend les coupables,
» Les contraint d'avouer les forfaits exécrables
» Qu'ils ont cachés dans l'ombre , et qu'au sein de la mort
» Ne peut plus expier un stérile remord.
» Tisipbone aussitôt, vengeresse des crimes,
» Prend ses fouets, ses serpens, et poursuit ses victimes ;
» Tonne, frappe, redouble; et, lassant ses fureurs,
b Appelle a son secours ses effroyables sœurs. »
Elle parloit : soudain , avec un bruit terrible ,
Sur ses gonds mugissans tourne la porte horrible ;
Elle s'onvre : « Tu vois dans ce séjour de deuil
» Quel monstre épouvantable en assiège le seuil.
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y8 .ffiNEIDOS LIBER VI. r.57fr.
Quinquaginta alris immanis hiatibus Hjrdra
Ssvior intus habet sedem : tain Tartarus îpse
Bis patet in preceps tantùm , tenditque sub umbras r
Quantus ad aetberiuin cœli suspecta* Olympum.
Hîc genus anbquum terra , Titania pubes,
Fulmine dejecti , fundo yolyuntur in imo.
Hîc et Aloidas geminosj immania , vidi ,
Corpora, qui manibus magnum rescindere cœlum
Aggressî , superisque Jovem delrudere reguis.
Vidi et crudeles dantem Salmonea pœnas,
Dum flammas Joyis et sonitus imilatur Olympi.
Quatuor bic invectus eqiris, et lampada quassans ,
Per Graiûm populos medi&que per Eiïdis urbent
Ibat ovans , dirûinque sibi poscebat bonorem :
Démens ! qui nimbos et non imitabile fulmen
Mre et cornîpedum puisa simularat equorum.
At pater omnipotens densa inter nubila lelura
Çontorât; non file faces, nec fumea tmôk *
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v, 75o. L'ENÉIDE, LIVRE VI. 79.
» Plus loin, s'enflant, dressant ses tètes menaçantes ,
» L'Hydre ouvre en mugissant ses cent gueules béantes.
» L'œil n'ose envisager ces antres écumans.
» Enfin, r affreux Tartare et $cs ncirs fondemens
» Plongent plus bas encor que de leur nuit profonde
» Il ne s'e'tend d'espace a la voûte du monde.
» La, de leur chute horrible enco* épouvantes,
» Roulent ces fiers géants par la terre enfantes.
» La, des fils d'Aloiis gissent les corps énormes;
» Ceux qui, fendant les airs de leurs tètes difformes,
» Osèrent attenter aux demeures des dieux,
» Et du trône éternel chasser le roi des deux.
» La, j'ai vu de ces dieux le rival sacrilège ,
■» Qui, du foudre usurpant le divin privilège,
» Pour arracher au peuple un criminel encens,
» De quatre fiers coursiers aux pieds retentissans
» Attelant un vain char dans Htlide tremblante,
» Une torche à la main y semoit l'épouvante ;
» Insensé qui, duciel prétendu souverain,
» Par le bruit de son char et de son pont d'airain,
» Do tonnerre ùnitoit le bruit iniraitaWe !
» Mais Jupiter lança le Ludr ç véritable ,
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*o ^NEIDOS LIBER VI. v.594.
Lumina prscipiteinque immani turbine adegit.
Nec non et Tityon, Terrae omniparentis alumnum,
Cernere erat; per tota novem cni jugera corpus
Porrigitur; rostroque immanis vultur obunco
Immortade jecur tondens, fecundaque pœn*
Viscera , rimaturque epulis , habitatque sub alto
Pectore j nec fihri* requies datur ulla renads.
Quîd metnorem Lapitbas, Lriona, Piritboomque >
Qdôs super atra silex jam jam lapsura cadentique
Imminef assimilis? Lucent genialibus altis
Àure^ fulcra foris , epulœque ante ora parata*
Regifico luxu : Furiarum maxàna juxta
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t. 77* L'ENEIDE, LIVRE VI. .81
» Et renversa, couvert d'un tourbillon de feu,
» Le char, et les coursiers, et Ja foudre, et le dieu.
» Son triomphe fut court , sa peine est éternelle.
» là, plus coupable encore, est ce géant rebelle,
» Ce fameux Tityus, autre rival des dieux,
» De la terre étonnée enfant prodigieux :
» Par un coup de tonnerre aux enfers descendue,
» Sur neuf vastes arpens sa masse est étendue.
» Un vautour sur son cœur s'acharne incessamment ,
» De sa faim étemelle éternel aliment :
» Contre l'oiseau rongeur en vain sa rage gronde ;
» H habite a jamais sa poitrine profonde :
» Il périt pur renaître, il renaît pour souffrir;
» Il joint l'horreur de vivre a l'horreur de mourir}
» Et son cœur, immortel et fécond en tortures,
» Pour les rouvrir encor, referme ses blessures.
» Rappellerai-je ici le superbe Ixion ,
» Le fier Pirithoiis , et leur punition ?
» Sur eux pend a jamais, pour punir leur audace ,
» D'un roc prêt a tomber l'éternelle menace ;
» Tantôt, pour irriter leur goût voluptueux,
9 S'offrent des mets excjuis et des lits somptueux J
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fi* £NEIDOS LIBER VL t. 606.
Accobat, et manibus prohibet contingere mensas;
Exsnrgitque facem altollens, atque îotonat ore.
Hic qtdbos invîsi fratres , dnm vîta manebat,
Pulsatusre parens, ant fraus innexa clientî;
Aut qui diyitiis soli incubaere repertis*
Nec partem posuere suis, quae maxima turba est;
Quiqae ob adultenum. caesi, quîqne anna secnti
Impia , nec yeriti dominorum fallere deitras :
Inciusi pœnam exspectant. Ne qaaere doceri
Qaam pœnam, aut qaa? forma viros fortanave,mer»L
Saxum ingens yolyunt alîi, radîisve rotarnm
Districti pendent : sedet , aeternùmque sedebit,
Infelîx Theseus : Phlegyasque miserrimus omnes
Admonet , et magna teslatur voce per umbras :
« Discite juslitiam moniti, et non temnere diyos. »
Vendidit hic auro patrîam, domînumqae potentem
Imposmtj fixît leges pretio, atque refîxit.
Hic thalamum înyasit natae, Yetitosque/hymenaeos.
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f.79^ L'ENÉIDE, LIVRÉ Vt «
» Vain espoi* ! Des trois sœurs la plus impitoyable
» Est la , levant sa torche et sa voix effroyable ,
» Leur défend* de toucher a ces perfides mets,
» Qui les tentent toujours sans les nourrir jamais.
» Là sont ceux dont le cœur a pu baïr un frère ;
» Ceux dont la main impie osa frapper un père ;
» Ceux qui de leurs cliens ont abusé la foi ;
» Celui qui , possédant , accumulant pour soi , '
» Aux besoins .d'un parent ferma son cœur barbare ,
» Et seul couva des yeux son opulence avare.
» Ce nombre est infini. Vous nommerai-je ceux
» Qu'un amour adultère a brûlé de ses feux ,
* Et ceuxfë, se rangeant sous les drapeaux d un traître 9
» Désertent lâchement la cause de leur maître ?
» Chacun d'eux dans les fers attend son châtiment ,
» Et cette attente horrible est leur premier tourment
» Ne me demandez pas les peines innombrables
* Que partage le ciel a tous ces misérables :
* A rouler un rocher l'un consume ses jours;
» L'autre, toujours montant, et retombant toujours,
» Voyage avec sa roue. Un destin tout contrairt
» De Thésée a puni l'audac« téméraire :
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84 JENEIDOS LIBER VI. v.624.
Ausî omnes iramane nefas, ausoqae potitî.
Non, mîhi si linguœ centum sint, oraque centum,
Ferrea vox, omnes scelcram comprendere formas,
Omnia pœnarum percurrere nomma , possim.
Haec obi dicta dedij; Phœbi longxva sacerdos :
Sed jam âge , carpe viam , et susceptum perfice munii
AcceleremHs , ait. Cyclopum educta caminis,
Mœnia conspicio , atque adyerso fornice portas ,
flaec ubi nos precopta jubent deponere dona.
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v.8i6. L'ENEIDE, LIVRE VL 85
» De ses longues erreurs revenu désormais ,
» Sur sa pierre immobile il s'assied pour jamais.
m C'est la son dernier trône : exemple épouvantable !
» Là, sans cesse il redit d une voix lamentable :
— « Par le destin cruel que j'éprouve en ces lieux ,
» Apprenez , ô mortels ! a respecter les dieux. »
» Us ont leur place ici, ces lâches mercenaires
» Qui vendent leur patrie a des lois étrangères.
» La pente suit de près ce père incestueux
» Qui jeta sur sa fille un œil voluptueux,
» Et, jusque dans son lit portant sa flamme impure,
» D'un horrible hyme'ne'e outragea la nature.
» Us sont juges ici tous ces juges sans foi ,
» Qui de l'intérêt seul reconnoissoient la loi; "
» Qui, mettant la justice a d'infâmes enchères ,
» Dictoient et rétractoient leurs arrêts mercenaires,
» Et de qui la balance , inclinée a leur choix ,
» Corrompit la justice , et fit mentir les lois ;
» Tous ces profanateurs des liens légitimes ,
» Tout ce qui lut coupable , et jouit de ses crimes.
» Non, quand j'aurois cent voix, je ne pourrois jamais
» Dire tous ces tourmens, compter tous ces forfaits.
ra. 8
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M jENEIDOS LIBER VI. t. 635.
Dixerat 5 et pariter , gressi per opaca Tiaram ,
Corripiunt spatium médium, foribusque propinquaiàt.
Occupât JSneas aditum , corpusque receati
Spargit aquâ , ramumque adverso in limine fîgtt.
His demum exactis, perfecto munere diva*,
Devenere locos laetos , et amœna vireta
Fortunatorum nemorum, sedesque beatas.
Largior hic campos œther et lumine vestit
Purpureo; solemque sumn, sua sidéra > noruat.
3?ars in gramineis exercent merabra palaslrîs ;
Contendunt ludo , et fui va luctantur arenà ;
Pars pedibus plaudunt choreas , et carmina dicuat.
Kec non Threicius longâ euro veste sacerdos
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▼.»53. L'ENEIDE, LIVRE VL 87
» Mais c'est trop de discours j ranime ton courage,
» Suis-moi : je vois d'ici ce magnifique ouvrage ,
» Ce palais de Pluton ,N noble rival des cieux ,
» Et du dieu de Lemnos chef-d'œuvre audacieux*
» Voici bientôt la porte où la branche divine
» Doit, par sa riche offrande, appaiser Proserpine.»
Elle dit : et tous deux par des sentiers obscurs,
Os poursuivent leur route , et marchent vers ces murs.
Le héros, le premier, touche au bout de sa course,
Se baigne en des flots purs, tout recens de leur source 5
Et suspend scn hommage au palais de Pluton.
Ils avancent : au Ijcu de Tardent Phlégéthon
Et des rocs que rouloit son onde impétueuse ,
Des vergers odoraqs l'ombre voluptueuse,
Les près délicieux et les bocages frais ,
Ttut dit : voici les lieux de l'éternelle paix !
Ces beaux lieux ont leur ciel, leur soleil , leurs étoiles ;
La, de plus belles nuits éclairassent leurs voiles ;
La, pour favoriser ces douces régions,
Vcus diriez que le ciel a choisi ses rayons.
Tantôt ce peuple heureux , sur les herbes naissantes^
Exerce , en se jouant , des luttes innocentes ;
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88 JENEIDOS LIBER VI. v.6l6.
Obloqiûturnumeris septem discrimina vocum : N
Jamque eadem digitis, jam pectine puisât eburno.
Hîc genns anbquum Teucri, pulcherrima proies,
Magnanimi heroës , nati melioribus annis ,
Busqué , Assaracusque, et Trojae Dardanus auctor.
Arma procul currusque yirûm miratur inanes.
Stant terra defixae hasts , passimque soluti
Per campos pascuntur equi. Quae gratia currum
Armorumque fuit viyis, quae cura nitentes
Pascere equos, eadem sequîtur tellure repostos.
Conspicit ecce alios dextrâ lœvàque per herbara
Vescentes, laetumque choro Paeana canentes,
Inter odoratum lauri nemus, unde supernè
Plurimus Eridani per silvain volvitur amnis.
Hîc manus, ob patriam pugnando yulnera passi9
Quîque sacerdotes casti dum vita manebat,
Quique pii vates et Phœbo digna locuti,
Inventas aut qui vitam excoluere per artes ,
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y.SGo. t;eneide5 LIVRE VI t9
Tantôt leurs pieds légers, sur de rians gazons ,
Bondissent en cadence an doux bnrit des chansons.
D'autres touchent la lyre ; a leur tète est Orphée ,
Tel qu'il charma jadis les sommets du Riphée :
Son luth harmonieux , qu'accompagne sa voix,
Ou frémit sens l'archet , ou parle sous ses do'gf s:
L'œil suit les plis mouyans de sa robe flottante ,
L'oreille est suspendue a sa lyre touchante,
Et, sur sept fils divins où re'sonnent sept tons,
Son dtiigt léger parcourt l'inleryalle des sons.
Là brillent réunis, dans des scènes champêtres,
JjCS héros des Troyens , leurs princes , leurs ancêtres ;
Tous, conservant les goûts dont ils furent épris,
Dans ce séjour de paix offrent aux yeux surpris
Des ombres retraçant les scènes de la guerre :
Ici , des javelots enfoncés dans la terre ;
La, des coursiers sur l'herbe errant paisiblement ,
Des armes et des chars le noble amusement,
Ont suivi ces guerriers sur cet heureux rivage ,
Et de la vie encore ils embrassent 1 Image.
Du tranquille bonheur qui règne dans ces lieux
Une scène plus douce attire encor ses yeux.
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5)o % ^NEIDOS LIBER VI v,664.
Qui<{iie 8ui memores alios fecere merendo :
Omnibus his oiyeâ cinguntur tempora TJttâ.
Quos circuinfosos sic est affata Sibylla;
Musasum ante ômnes? médium nam plurima turba
Hune habet , atque humeris exslantem suspicit altis :
Dicite, felices animas, toque, optime vates;
Quae regio Anchisen, quis habet locus? illius ergo
Venimus, et magnos Erebi tranayimus ainnes.
Atque huic responsum paucis ita reddidit héros : '
Nulli certa domus ; lucis habitamus opacis ,
Riparumque toros et prata recentia mis
Incolimus : sed 70s, si fert ita corde yoluntas,
Hoc superate jugura$ et facili jam tramite sistam.
Dixit, et anlè tulit gressum, camposque nilentes
Desuper ostentat ; dehinc summa cacumina linquunt.
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r.&Sa. L'ENEIDE, LIVRE VI. 91
Fîusieurs, couches en paix sur l'épaisseur des herbes,
Où l'Eridan divin roule ses eaux superbes,
Sous l'ombrage odorant des lauriers toujours verts ,
Joignent leur douce voix au doux charme des vers.
Là, régnent les vertus; la, sont ces cœurs sublimes,
Héros de là patrie ou ses nobles victimes ;
Les prêtres qui n'ont point profané les autels ;
Ceux dont les chants divins instruisoient les mortels;
Ceux dont l'humanité n'a point pleuré la gloire ;
Ceux qui, par des bienfaits, vivent dans la mémoire*
El ceux qui, de nos arts utiles inventeurs,
Ont défriché la vie, et cultivé les mœurs.
De festons d'un blanc pur leurs têtes se couronnent;
Avec eux est Musée, en cercle ils l'environnent;
H les domine tous d'un front majestueux.
La Sibylle l'aborde : « 0 chantre vertueux ,
» Qui charma les humains, la terre et l'Elysée !
» De grâce, apprenez-moi, vénérable Musée r
» Ou d'Anchise est fixé le paisible séjour?
» C'est pour lui qu'exilés de l'empire dn jour
» Nous avons des enfers franchi les rives sombres»
» — Nul espace marqué x'cnferme ici les ombres,
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ip iENEIDOS LIBER VI. v. 679.
At pater Anchises penilùs convalle virent!
Inclusas animas, superumque ad lumen it liras f
Lustrabal studio recolens; omnemque suorum
Forte recensebat numerum, carosquenepotes,
Fataque,.fortunasque vîrum, moresque, manuscpie.
Isque ubi tendentem adversum per gramina yidifc
jEnean, alacris palmas utràsque tetendit;
Effusaeque genis lacrymae 5 et yox excidit ore :
Venisti tandem, tuaque spectata parenti
Vicit iler durum pietasi dâtur ora tueri,
Nate, tua, et notas audire et reddere roces!
Sic equîdem ducebam animo rebarque futnruni,
Tempora dinumerans; nec me mea cura fefellit.
Quas ego te terras et quanta per aequora rectum
Accipio ! quantis jactatum , nate, pericliil
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v.poi L'ENÉIDE, LIVRE VI. *5
» Dit le vieillard ; le sort abandonne a leur choix
» Ces coteaux enchantes, ces ruisseaux et ces bois.
» Mais suivez-moi, Tenez; sur ce coteau tranquille
» Je conduirai vos pas; le chemin est facile. »
Après avoir de loin contemple' ces beaux lieux
Dont Anchise fouloit les près délicieux ,
Us descendent : Anchise, au fond de ces bocages ,
De ses neveux futurs contemploit les images;
D'un regard paternel il fixoit tour h tour
Ce peuple de héros qui doivent naître un jour;
D remarquent de'ja les moeurs, les caractères,
Les vertus, les exploits des enfans et des pères*
Son fils sur les gazons vers lui marche a grands pas.
Anchise plein de joie, accourt, lui tend les bras;
Et , l'œil baigne' de pleurs , d'une voix défaillante,
« Te voilà donc ! dit-il ; ta tendresse constante
» A donc tout surmonte' ! je puis donc , ô mon fils ï .
» Ouïr ta douce voix , fixer tes traits chéris !
» Helasi en t'espérant dans ces belles demeures,
» Mon amour mesuroit et les jours et les heures.
» Il ne m'a point trompé. Mais que de maux divers,
»0 mon fils! t'ont suivi sur la terre et les mml
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94 2ENEID0S LIBER VI. v. 694.
Quam raetui ne quid Libyae tibi régna nocerent !
Die autem ; Tua me, genitor, tua trisiis imago,
Sspius occurrens, hsec timina tendere adegit.
Stant sale Tyrrheno classes. Da jungere dextram,
Da , genitor; teque amplexu ne subtrahe nostro.
Sic memorans, largo fletu smml ora rigabat
Ter conatus ibi collo dare brachia circum,
Ter frustra comprensa manus eflugit imago,
Par levibus yentis, volucrique simillima somno.
Interea yidet .ZEneas in yalle reductl
Seclusum nemus, et virgulta sonantia silyis,
Lethaeumque, domos placidas qui prœnatat, arnnem.
Hune circum innumers gentes populique volabant :
Ac veluti in pratis, ubi apes œstate serenâ .
Floribus insidunt variis, et candida circum
Iilia funduniur; strepit omnis murmure campus.
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9
T.f2fc L'ENEIDE, LIVRE VI. 9S
» Combien f ai craint surtout le séjour de Carthage !
» •—- 0 mon père ! c'est tous , c'est votre triste image ,
» Qui , de tous les devoirs munposant le plus doux ,
» Du séjour des vivans m'a conduit près de tous.
» Four moi, pour mes vaisseaux , bannisses vos alarmes;
» Donnez-moi cette main ; que je goûte les charmes
» D'un entretien si doux. Ah ! ne m'en privez pas :
*' Laissez-moi vous tenir , vous presser dans mes bras !
» De ce dernier adieu ne m'ôtes point les charmes, a
Il dit , et de ses yeux laisse tomber des larmes ;
Trois fois , pour le saisir , fait de tendres efforts ;
Trois fois l'ombre divine échappe a ses transports.
Tel fuit le vent léger; tel sVvapore un songe.
Cependant du héros l'œil avide se plonge
Au fond d'un bois profond, plein de Terts arbrisseaux ,
Dont le doux bruit s'accorde au doux bruit des ruisseaux.
Le Lethe' baigne en paix ces rives bocagères.
Là, des peuples futurs sont les ombres légères:
Tel , aux premiers beaux jours un innombrable essaim
Sort, vole autour des fleurs, se pose sur leur sein ;
Dans les airs, sur les eaux, le peuple aile' bourdonne %
Et de leur vol bruyant la plaine au loin résonne.
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9G ^NEIDOS LIBER YL v. 710.
Horrescit visu subito, causasque requirit
Inscias iEneas, quae sint ea flamba porrà,
Quive viri tànto complerint agmine ripas.
Tum pater Anchises : Aniuiae quibus altéra fato
Corpora debentur Lethaei ad fluminis undam
Securos latices et longa oblivia potant.
Has equidem memorare tibi, atqae ostendere corkm,
Jam prîdem hanc prolem cupio enumerare meorum,
Quo magis Italiâ mecum laetere repertâ.
0 pater, anne aliquas ad cœlum hinc ire putandum est
Sublimes animas, iterumque in tarda rererti
Corpora ? Quae lacis miseris tam dira capido I
Dicam equidem; nec te suspensum, nate, tenebo :
Suscipit Âncbises, atque ordine singula pandit,
Pnncipio cœlum, ac terras, camposque liquentes,
Lucentemque globum Ions, Titaniaque astra,
Spiritus întus alit; totamqne infusa per artns
Mens agitât moletn, et magno se corpora miscef.
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T.9tf. L'ENEIDE, LIVRE VI. 97
Le héros veut savoir quels sont ces lieux si beaux.
Quels peuples ont couvert ces rives , ces coteaux.
« Mon fils, dit le vieillard , tu vois ici paroi tre
» Ceux qui dans d'autres corps un jour doivent renaître ;
» Mais avant l'autre vie, avant ses durs travaux,
» Ils cherchent du Lethé les impassibles eaux ;
» Et, dans le long sommeil des passions humaines,
» Boivent l'heureux oubli de leurs premières peines*
» Dès long-temps je voulois a ton œil enchanté
b Montrer ce grand tableau de ma postente' :
» De ses brillans destins ton ame enorgueillie
» S'applaudira d'avoir aborde' l'Italie. »
Alors, le cœur encor tout rempli de ses maux,
« 0 mon père ! est-il vrai que, dans des corps nouveaux,
» De sa prison grossière unefois dégagée,
» L'ame, ce feu si pur, veuille être replonge'e ?
» Ne lui souvient-il plus de ses longues douleurs?
» Tout le Le'tlie' peut-il suffire a ses malheurs ?
» —Mon fils, dit le vieillard, dans leur source profonde
» Tu vas lire avec moi ces grands secrets du monde.
» Ecoute-moi. D'abord une source de feux ,
» Comme un fleuve éternel répandue en tous lieux,
m. g
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9» jENEIDOS LIBER VI. r. 7Ï8.
Inde homraum pecudumque genus, vitaeque rolantum.
Et quae marmoreo fert monstra sub aequore pontus.
ïgneus est ollis vigor et cœlestis origo
Seminibus, quantum non noxia corpora tardant ,
Terrenique hebetant artus moribundaque membra.
Hinc metuunt cupiuntque , dolent gaudentque ; neque aur,
Dispiciunt, clauss tenebris et carcere cœco.
Quin et supremo qunm lumine vita relîquît,
Non tamen omne malum raiseris, nec funditus omnes
Corporeae excedunt pestes; penitùsque necesse est
Multa diu concreta modis inolescere miris.
■ Ergo exerccnturpœnis, veterumque malorum
Supplicia expendunt. Alix panduntur inanes
Suspens» ad ventos : aliis sub gurgite yasto
Infectum eluitur se élus, aut exuritar igni :
Quisque suos patimur mânes; exinde per amplunt
Mitlimur Elysium , et pauci laeta arya tenemus : 1
Donec longa dies, perfecto temporis orbe, I
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y. 970. L'ÉNÉIDË, LIVRE VI. 99
» De sa flamme invisible échauffant la matière,
» Jadis versa la vie a la nature entière,
» Alluma le soleil et les astres divers,
» Descendit sous les eaux, et nagea dans les airs :
» Chacun de cette flamme obtient une e'tincetle,
» (Test cet esprit divin, cette ame universelle,
» Qui, d'un souffle de vie animant tous les corps,
» De ce vaste univers fait mouvoir les ressorts ,
» Qui remplit, qui nourrit de sa flamme féconde
» Tout ce qui vit dans l'air, sur la terre et sous l'onde.
» De la Divinité ce rayon précieux,
» En sortant de sa source, est pur comme les deux;
» Mais s'il vient habiter dans des corps périssables ,
» Alors, dénaturant ses traits me'connoissables,
» Le terrestre séjour le tient emprisonne' ;
» Alors des passions le souffle empoisonne
» Corrompt sa pure essence ; alors l'ame flétrie
» Atteste son exil, et dément sa patrie.
9 Même quand cet esprit, captif, dégénère',
» A quitte' sa prison, du vice inve'te're'
» Un reste impur le suit sur son nouveau tbe'âtre;
» LoDg-temDS il en retient l'empreinte opiniâtre;
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3<)f) JENEIDOS LIBER VI. v.jlt.
Concretam exemit labem , pnrumque reliquit
JEtherium sensum , atque auraï simplicis ignem»
Has omnes, ubi mille rotam volvêre per annos,
LethaBum ad fluyium deus evocat agmine magno,
Scilicet immemores supera ut convexa révisant,
Rurtos et incipiant in corpora velle rerertî.
Dixerat Anchises : natnmque,nnâque Sibyllam,
Conyenlus trahit in medios turbamque sonautem;
Et tnimilnra capit, unde omnes longo ordinç possit
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v-992. L'ENEIDE, LIVRE VI. tm
» Et de son corps souffrant éprouvant la langueur ,'
» Est lent a recouvrer sa céleste vigueur.
» De ces âmes alors commencent les tortures;
» Les unes dans les eaux vont laver leurs souillures;
» Les autres s'épurer dans des brasiers ardens ;
» Et d'autres dans les airs sont le jouet des vents ;
» Enfin, chacun revient, sans remords et sans vic/?s,
» De ces bois innocens savourer les detees.
» Mais cet heureux séjour a peu de citoyens :
» D faut, pour être admis aux champs Elysiens,
» Qu'achevant mille fois sa brillante carrière
» Le soleil k leurs yeux ouvre enfin la barrière.
» Ce grand cercle achevé', l'épreuve cesse alors.
» L'âge ayant efface tous les vices du corps ,
» Et du rayon divin purifie' les flammes 2
» Un dieu vers le Le'the' conduit toutes ces âmes ;
>» Elles boivent son onde, et l'oubli de leurs maux
» Les engage k rentrer dans des liens nouveaux »
D dit : et devançant Éne'e et la prêtresse,
De ce peuple bruyant il a fendu la presse;
De la gagne un coteau, d ou leurs yeux satisfaits
De ses neveux futurs distinguent tous les traits.
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ïos ^NEIDOS LIBER VI. v.755-
Àdyersos légère, et yenientura discere vultus.
JNunc agc, Dardaniam prolem quae deinde seqaatur
Gloria, qui maneant Italà de gente nepotes ,
Illustres animas , nostrumque in noraen ituras,
Expédia m dtciis, et te tua fata docebo.
Ille , yides , purà juvenis qui nitifur hasta ,
Proxima sorte tenet lucis loca ; primas ad auras
JEtberias Ilalo commixtus sanguine surgetf
Sylvius, Albanum nomen, tua posthuma proies,
Quem tibi longœyo sérum Layinia cûnjux
Educet silyis regem , regumque parenlem ;
Unde genus Iongâ nostrum dominabitur Albâ,
Proximus ille Proeas, Trojans gloria gentis;
Et Capys et Numrtor; et, qui te nomme reddet ,
Sylvius^JEneas, pariter pietate tel armis
Egregius, si umquam regnandam acceperit Àlbam.
Qui juvenes quantas ostentant, adspice , vires!
At qui umbrata gerunl ciyili tempora quçrcu,
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t. ioU. L'ENEIDE, LIVRE VI. io3
« Tu vois, dît le vieillard, dans ces ombres légères
» Les héros renommes dont nons serons les pères ,
» Ces princes que les chefs du peuple Âusonien
» Se plairont a former de leur sang et du mien.
» Le premier que le sort appelle a la naissance,
» C'est ce jeune guerrier, appuje sur sa lance,
» Doux fruit de tes vieux ans, roi, père et fils des rois ;
» Enfant de Lavinie, il naîtra dans les bois ;
» H leur devra son nom, et sa race aguerrie
» Long-temps dominera dans Albe sa patrie.
» Après lui vois Procas prendre son noble essor,
» Le généreux Capys devancer Numitor.
» Nul ne démentira sa noble destinée.
» Parmi tes descendans je vois un autre Eue'e :
» Vaillant comme son père , et comme lui pieux ,
» Il aimera la gloire, il servira les dieux ;
» Mais, helas! repousse' par les destins contraires,
» Il montera trop tard au trône de ses pères.
» Admire la rigueur de ces jeunes guerriers ;
» Leur front paisible encor n'est pas ceint de lauriers £
» Mais d'un feston plus doux le chêne les couronne.
» Ils partent : de ses tour* Nomente s'enrironni 5
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io4 &NEIDOS LIBER VI. v. 77$.
Hi tibi Nomentum, et Gabios, urbemque Fidenain ;
Hi Collatinas imponent montibus arces,
Poraelios, caslrumque Inui, Bolamque, Cor am que.
Hsc tum nomina erunt, nunc sunt âne nomme terrae.
Quin et ayo comitem sese Mayortius addet
Romulus, Assaraci quem sanguinis Iiia mater
Educet. Viden ut géminé stant yertice crisl» %
El pater ipse suo superûm jam signât honore?
En h a jus, nate, auspiciis illa in cl j ta Roma
Imperiam terris, animos aequabit 01jmpof
Septemque una sibi muro circnmdabit arces ,
Félix proie virûm : qualis Berecynthia mater
Invehitur curru Phrjgias turrita per urbes,
Laeta deùm par tu, cenlum complexa nepotes,
Omnes cœlicolas, omnes supera alta tenentes.
Hue gemmas nunc flecte acies : hanc adspîce gentem ,
Romanosque tuos. Hîc Caesar, et omnis Iuli
Progeniei^ magnum cœli yentura sub axem.
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uoSf. L'ENEIDE, LIVRE VL io5
» Ils forment vingt cites pour vingt peuples heureux,
* Et Gabie, et Fidène, et ce séjour fameux
» Où de la chasteté brillera le modèle ;
•D'autres, pour augmenter leur puissance nouvelle,
» Bâtiront Pometie et les remparts dlnus ,
» Lieux célèbres un jour , maintenant inconnus.
» Voyez-vous ce guerrier, l'honneur de l'Italie,
1 Ce demi-dieu mortel, qui, dans le sein d'Oie,
>Pour venger son ayeul relevé par son bras.,
» Naîtra du sang de Troie et du dieu des combats? ,
» Voyez-vous sur son front ces aigrettes flottantes y
> De la faveur du ciel ces marques éclatantes ,
» Cet aspect vénérable et cet air de grandeur
Où Jupiter lui-même imprime sa splendeur ?
> C'est Romulus : c'est lui par qui Rome immortelle
8 l3u iaut de sept monts rassembles autour d'elle ,
1 Portera notre gloire a nos derniers neveux ,
8 Son sceptre au bout du monde, et son nom jusqu'aux cieux j
» Rome, feine des rois; Rome en héros féconde,
* La terreur j la maîtresse et l'exemple du monde.
» Telle, aux jours glorieux de ses solenmte's^
8 Rère et «'environnant We cent divinité^
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io6 JENEIDOS LIBER VI. v.79^
Hic vîr, hic est, tîbi quem promitti ssepius au dis,
Augustus Caesarydivûgenus; aurea condet
Saecula qui rursus Latio, regnata per arya
^Saturno quondam ; super et Garamantas et Indos
Proferet imperium : jacet extra sidéra tellus,
Extra anni solîsque vîas , ubi cœlifer Atlas
Àxem buraero torquet stellis ardentibus aptam.
Eujus in adventum jam nunc et Caspia régna
Responsis borrent divûm , et Maeotica tell us ,
Et septem gemini turbant trépida ostia Niji.
Nec verù Alcides tantùm telluris obi vît ,
Fixent aeripedem ceryam licet, ant Erymantbi
Pacârit nemora, et Lernam tremefecerit arcu:
Nec , qui pampineis victor juga flectit babenis,
Liber, agens celso Nysae de vertice tigres.
Et dubitamus adhuc virtutem extendere factis?
Aut metus Ausoniâ probibet consistere terra ?
Quis procul ille auleni ramis însîgnîs olir»,
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y. io58. L'ENEIDE, LIVRE VI. 107
» Sur son char triomphant, la féconde Cybèle
» Contemple avec orgueil une race aussi belle,
» Et dans ses petits-fils embrasse autant de dieux,
» Tous buvant le nectar, tous habitant des deux.
» Tourne les yeux : ce peuple où tes destins prétendent,
» Ces fiers Romains, regarde, ils sont là qui t'attendent ;
» Voila Ce'sar, voila ces héros triomphans,
» Dd noble sang dlule innombrables enfans.
» Mois celui que le ciel promit par cent oracles,
» Pour qui seront les dieux prodfgues de miracles ,
» Le second des Ce'sars, le premier des humains,
» C'est Auguste : c est lui dont les puissantes maint
» Rendront an Lalium, heureux par son ge'nie,
» Ce, brillant âge d'or de l'antique Ausonie ;
» Et le noir Garamante, et l'Africain brûlant,
» Et l'Atlas qui soutient le ciel e'tincelant,
» Les lieux où le jour meurt, où l'aurore commence,
8 Ajoutent leur empire a son empire immense ;
» Et son char, loin du cercle on Phébus fait son tour ,
» Atteindra des climats que n'atteint pas le jour.
» Déjade l'avenir perçant la nuit profonde,
» Les oracles sacre's le promettent au monde.
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io8 &NEIDOS LIBER VI. v.8op.
Sacra ferens? nosco crines incanaque menta
Régis Romani, primus qui legibus urbem
Fundabit, Guribus parvis et paupere terra
Missus in imperium magnum : cui deinde subibit
Otia qui rumpet patriae , residesque movebit,
Tullus in arma viros, ei jam desueta triumphis
Agmina : quem juxta sequitur jactantior Ancus ,
Nunc quoque jam nimiùm gaudens popularibus auris.
Vis et Tarquinios reges, animamque superbain
Ultoris Bruti, fascesque videre receptos ?
Consulis imperium bic primus ssyasque secure»
Accipiet; natosque pater , nova bella moventes,
Ad pcenam pulchrâ pro libertate vocabiL
Infelix! utcumque ferent ea fac ta minores ,
Vincel amor patriae, laudumque immensa cupido*
Quin Decios, Drusosque procul, saevumque securi
Adspice Torquatum, et referentem signa CamîUum.
IUie auteiu, paribus quas fulgere ceruis m armis,
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*"»!.■ L'&rélDE, livre vi I0«>
» Déjà le, froide» mer. de» peuple. Caqriew,
» Elles vaste» marais de» champs MeolJen.,
» S le M « sept bra», don, l'Egypte se vante,
> An brnrt de ce grand nom frémissent d'q.ouyante.
«o», Herc.de vainqueur de «» fameux rivaux,
| »""« la teirfe vengée admira le» travaux,
I '^Womphantdnmonatred-Erymanthe,
1 jM-, de Lerne à se» pied» foula Hydre ecumaute
. » Joat la flèche atteignit la biche aux pieds d'airain*.
" Noa ,le dieu de Njsa, qui sut plier au frein
» Des tigres asservis à se» main» souveraines,
> Qni de feston» de pampre entrelaçant leurs rêne»
» Jnsqu aux portes du jour a fait voler son char,
» Font point vu tant de lieux qu'en a conquis César.
» Le monde nous attend, et ton grand cœur balance !
» Et l'Ausonie encor n'est pas >ou» ta puissance !
» Mais quel noble vieillard paroi! dan» le lointain,
» L'olivier sur le front , l'encensoir à la main ?
» A cette barbe blanche, k ce maintien auguste,
» Je reconnois Numa, prêtre saint et roi juste ,
* Qui, créateur du culte et fondateur des loi»,
» Passa d'un i«t obscur dan» 1« palais des roi».
rt*
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t
no .SNEIDOS LIBER VI. v.827.
Concordes anima nunc, et dum nocte prementur>
Heu! quantum înter se bellum, si'limina vite
Attigerint, quantas acies stragemque ciebunt,
Aggeribus socer Alpinis atque arce Monœci
Descendens, gêner adversis instructus Eoi* !
Ne, pueri, ne tanta animîs assuescite bella*
Neu patriae validas in viscera verlite vires.
Tuque prior , tu, parce , genus qui ducis Olympe :
Projice tela manu, sanguis meus.
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V.1I03. L'ENEIDE, LIVRE VL u»
» Mais de l'art des combats il négligea la gloire :
» L'aigle oublia son vol, et Rome la victoire.
» Sors, ô brave Tullus! sors de ee long repos :
» Le dieu de Romulus veut revoir ses drapeaux.
» Vois Ancus, que de'ja l'ambition dévore,
» Flattant tous ces Romains qui ne sont pas encore ;
» Vois ces Tarquins si fiers, ces tyrans des Romains,
» Et Brutus arrachant les faisceaux de leurs mains,
» Brutus, des saintes lois vengeur inexorable;
« Le premier tient en main la bâche redoutable ;
» Des Romains le premier il affermit les droits,
» Et gouverne en consul où commandoieut des rois.
» Mais contre son pays sa famille conspire ;
» Ses deux fils au tyran veulent rendre l'empire :
» Tous deux sont immole's. O père malheureux !
» Quoi que doivent un jour en penser nos neveux,
» La nature gémit, mais la. gloire est plus forte;
» Le père en lui se tait, et le Romain l'emporte.
» Tu marches sur ses pas, sévère Torquatus;
» Et Rome en frémissant admire vos vertus.
a Regarde ces Drusus s'ëlançant vers la gloire,
» Ces Decius mourant pour vivre en la mémoire,
10..
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m ANEIDOS LIBER VI v. 63&
Hle trramphatâ Capîlolia ad alta Corintho
Victor aget currum , cassis insignis Achiris.
Emet ille Argos, Agameranomasqne Mycena*,
Ipsnmque iEaciden, genus armîpotenlis Achiflij
Ultus ayos Trojse, templa et temerata Mînerv®.
Quis te, magne Cato, tacfrum , aut te, Cosse, relînquatl
Quis Gracchi geais? aut gemkos, duo fulmina belK>
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t.mfc UÉRÉIDE, LIVRE VI. 11$
» Et Camille aux Gaulois vaincus de toutes parts
» Arrachant nos drapeaux , et sautant nos remparts*
» Puisse l'étranger seul exciter nos alarmes !
» Vois-tu ces deux guerriers couverts des mêmes armes?
a Tous deux s'aiment encor dans cet heureux séjour;
» Mais que d'affreux combats 3s livreront un jour !
» Do roc sacre d'Alctde et de la Ligurie
» Le beau-père descend enflamme' de furie;
» Le gendre joint l'Asie a ses nobles Romains :
» Malheureux ! desarmez vos parricides mains;
» C'est notre sang, helas ! que vous allez répandre.
» Et toi, mon fils, tu dois cet exemple a ton gendre ;
» Il est beau de le suivre, et grand de le donner :
» Fils des dieux, c'est a toi, Ce'sar, de pardonner !
» Celui-ci (sur son front quelle gloire est empreinte !)
» A son char triomphant enchaînera Corinthe.
» Digne du sang de Troie et digne de son nom ,
» Cet autre de'truira les murs d'Agamemnon :
» La fière Argos n'est plus, et Mycènes en flamme
» Acquitte enfin les pleurs des veuves de Pergame;
» Et, de nos fiers vainqueurs rejeton odieux,
» Le dernier Éacîde a satisfait aux dieux,
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ni ^NEIDOS LIBER VL V.843L
Scîpîadas, cladem Libps? parvoque potëntem
- Fahricium? yel te sulco, Serrane, serentem?
Quo fessum rapilis , Fabîi ? Tu Maximus ille es ,
Unus qui nobis cunctando restituis rem.
Excudent alii spirantia molliùs œra>
Credo equidem; viyos ducent de marmore rultus;
Orabuut causas meliùs; cœlique meatus
Descrîbent radio, et surgentia sidéra dicent.
Tu regere imperio populos, Romane, mémento;
Hœ tibi erunt artes, pacisque imponere morem ,
Parcere subjectis , et debcllare supeAo*.
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y.n47. L'ENEIDE, LIVRE VI. xi5
» Satisfait à Pallas , qui sur ses murs eu cendre
» Venge enfin ses- autels teints du sang de Cassandre.
» Parois, brave Cossus; parois, brave Caton.
» Des illustres Gracchus qui ne connoît le nom ;
> Et ces deux Scipions, ces deux foudres de guerre,
» Qui deux fois de l'Afrique ont désole la terre ?
» Et toi, Fabricius, fier de ta pauvreté?
» Et Serranus si grand dans sa simplicité,
» Passant de la charrue aux rênes de l'empire ?
» Race des Fabius, souffrez que je respire.
» Te voila, toi que Rome élève au-dessus d'eux,
» Toi qui te refusant des succès hasardeux
» Seul vers nous à pas lents ramènes la victoire !
» D'autres , avec plus d'art (cedons-leur cette gloire)
» Coloreront la toile, ou d'une habile main
» Feront vivre le marbre et respirer l'airain,
» De discours plus flatteurs charmeront les oreilles,
» Décriront mieux du ciel les pompeuses merveilles :
» Toi, Romain, souviens-toi de régir l'univers;
» Donne aux vaincus la paix, aux rebelles des fers;
» Fais chérir de, tes lois la sagesse profonde :
» Voilà les arts de Rome et des maîtres du monde*
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ii<5 JENEÏDOS LIBER VL *A$i>
Sic pater Anekises; atcpie h»c miraniibcw addk :
Àdspice ut insignis spoms Marcellus opimis
ugreditur , yictorque yiros supereminet omnes.
Hic rem Romanam, magno turbante tumultu,
Sistet eques; sternet Pœnos, Gallumque rebellera;
Tertiaque arma patri suspeadet capta Qoirmo.
Àtque Me JEneas, tmk namque ire ridebat
Egregium forma jurenem et mlgentabus annif >
Sed frons l»ta pamm et dejecto lumina tultn :
Quis, pater , îlle virum qui sic comitatur euntem ?
Filins? anne aliquis magna de stirpe nepoium ?
Qui slrepitus circa comitum! quantum instar in ipso est!
Sed nox atra caput trisli circumvolat umbrâ.
Tum pater Ancbises lacrymis ingressus obortîs i
0 nate, ingentem luctum ne qbsre tuorum ;
Ostendent terris bunc tantùm fata, neque ultra
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f.ti^. LTEN&DE, LIVRE TL u7
D'autres ombres passoient conme il disait cet mots.
Anchise alors reprend : « Regarde «e héros,
» Cest Marcelin* : son front pare' par la victoire
» Domine tout ce peuple orgueilleux de sa gloire;
» Seul des malheurs de Rome 3 soutient tout le poids >
» Il arrête Ànnibal , enchaîne les Gaulois,
» Présente h Jupiter de ses mains triomphantes
» D un chef des ennemis les dépouilles sanglantes :
» C'est lui qui le troisième au monarque des dieux
» Offrira de ses mains ces dons victorieux. »
Alors s'offre a leurs yeux un guerrier plein de charmes,
Joignant lVclat des traits a lVclat de ses armes :
Tout respire dans lui la grâce et la vertu;
Mais son regard est triste et son front abattu s
a 0 mon père ! excuses ma vive impatience ;
» Auprès de Marcellus quel jeune homme s'avance?
» Mon père , est-ce son fils, ou quelqu'un de son sang?
» Que ce nombreux cortège annonce bien son rang !
» Entre ces deux guerriers quel air de ressemblance !
» Mais seul, parmi ce brait, il garde le silence;
» La nui autour de lui jette son crêpe affreux,
» — Mon fils, dit le vieillard d'un accent douloureux*
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xi8 JENEIDOS LIBER VI. . ▼. 870.
Esse sinent. Nimiùm vobis Roraana propago
Visa potens, Superi, propria hase si dona fuissent.
Quantos îlîe yîrûm magnam Mayortis ad urbem
Campus aget gemitusî vel quae, Tiberine, videbîs
Funera, quum tumulum prseterlabere recenlemî
Nec puer Hiacâ quisquam de gente Latinos
In tanlum spe tollet avos; nec Romula quondam
Ullo se tantùui tellus jactabit alumno.
Heu pîetas! heu prisca fides! invictaque bellci
Dextera! non illi se quisquam împunè tulisset
Obyius armato , seu quum pedes iret in hostem ,
Seu spumantis equi foderet calcaribus armos.
Heu ! mîserande puer , si qua fata aspera rampas,
Tu Marcellus eris. Manibus date lilia plenis :
Furpureos spargam flores, anûnamque nepotîa
His saltem accumulem donis, et fungar inani
Munere. Sic tôt à passimj-egione vagantur
Aërifin campîs latis, atque omnia lustranK
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v. noi.. I7ENEIDE, LIVRE VI. >i9
» Ces traits de Marcellus sont la brillante image....
» — Mais pourquoi sur son front ce lugubre nuage ?
» Lui seul à tant d'honneur demeure indiffèrent..... »
» — - Ah ! que demandes-tu? dit Anchise en pleurant ;
» Cette fleur d'une tige en héros si féconde,
» Les destins ne feront que la montrer au monde. ,
» Dieux , tous auriez été trop jaloux des Romains,
» Si ce don précieux fût resté dans leurs mains !
» Pleure, cité de Mars; pleure, dieu des batailles*
» 0 combien de sanglots suivront ses funérailles !
» Et toi , libre , combien tu vas rouler de pleurs,
» Quand son bûcher récent t'apprendra nos malheurs !
» Quel enfant mieux que lui promettoit un grand homme?
/> II est l'orgueil de Troie, il l'eût été de Rome.
» Quelle antique vertu ! quel respect pour les dieux !
» Nul n'eût osé braver son bras victorieux,
» Soit qu'une légion eût marché sur sa trace ,
» Soit que d'un fier coursier il eût guidé l'audace.
» Ah ! jeune infortuné, digne d'un sort plus doux ,
» Si tu peux du destin vaincre un jour le courroux,
» Tu seras Marcellus.... Ah ! souffre que f arrose
» Son tombeau de mes pleurs. Que le lis, que la rose,
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ta* iEMÎDOS LIBER VL * 888.
Quaé postquam ÀncKïses natum per riugula daxït,
Incendîtque ammum fams venientis amore,
Exin bella yiro memorat <ju» deinde.gerenda,
Laurentesque docet populos, urbemque Latini,
Et quo quemqne modo fogiatque feratque laborem.
Sirat gemîn® Somnî porte* quarum altéra ferlar
Cotnea, quâ verisfacilis dalur exitus nmbris :
Altéra, candenti perfecta nitens elephanîo;
Sedfalsa ad cœlum mittunt insomnia Mânes.
ffw ubi tum natum Anchîses unaqae Sibyllam
Prosequitur dîctîsj portâqne emîttit eburaâ.
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t. i*i5. L'ENEIDE, LIVRE VI «t
» Trop stérile tribut d'un inutile deuil,
» Pleuvent k pleine» mains sur son triste cercueil,
» Et qu'il reçoive an moins ces offrandes légères,
» Brillantes comme lui, comme lui passagères. »
Ainsi tous deux erroient aux bois élysiens,
Tels tous deux parcouroient ces champs aériens.
Quand les grandeurs de Rome et toutes ses merveilles
Du héros des Troyens ont charmé les oreilles.
Et rempli tout son cœur de ses nobles destins,
Ànchise offre a ses yeux les rivages latins.
Les peuples, les combats, les assauts qui l'attendent ,
Ce que le sort, les dieux et sa gloire demandent.
Deux portes du sommeil, deux passages divers,
Aux songes vôltigeans s'ouvrent dans les enfers :
L une, resplendissante au sein de l'ombre noire,
Est formée avec art d'un pur et blanc ivoire;
Par-lk monte vers nous tous ces rêves légers,
Des erreurs de la nuit prestiges mensongers :
L'autre est faite de corne, et du sein des lieux sombre*.
Elle donne passage aux véritables ombrç&
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i22 ^ENEIDOS LIBER VI. t. 899.
Ille viam secat ad nayes, sociosque revîsît.
Tum se ad Caietae recto fert Uttore portuip :
Anckora d§ prorà jacidr; «tant littore puppef.
)lgitized^yG |
i
v. ia35. L'ENEIDE, LIVRE VL n3
Tel Ànchise long-temps par de sages avis
Se plaît a diriger la prêtresse et son fils 5
Ainsi le cœur rempli de sa future gloire ,
Le héros part, et sort par la porte d'ivoire.
Pensif, et méditant ces nobles entretiens,
Il marche , et va trouver la flotte et les Troyens.
La voile est déployée ; et, sans quitter la plage ,
De Caïète bientôt il touche le rivage ;
L'ancre tombe; et, des vents défiant les assauts,
Ses ne& le long du bord reposent sur les eaux.
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REMARQUES
SUR LE LIVRE SIXIEME.
Ijes siècles , eu partageant leur admiration entre Homère
et Virgile , ont assigné a l'un et a Vautre une gloire et des
qualités différentes. Us ont attribué généralement an pre-
mier lmvention et la force créatrice ; ils lui ont donné
parmi les poètes la place que lui-même donne à son
Jupiter parmi les dieux , et l'ont peint menant a. sa suite
tous les arts dont il est le maître et le modèle. Ce carac-
tère de puissance et de fécondité par lequel on a voulu
distinguer Fauteur de Y Iliade n'est point celui que les
critiques accordent a l'auteur de V Enéide , mais Us re-
conaoissent dans ce dernier d'autres avantages : le goût ,
le jugement , la perfection des détails , et je ne sais quel
heureux mélange de tendresse et de majesté , leur ont paru
former les principaux traits de son génie : suivant eux ,
enfin , Homèçe prodigue les beautés , Virgile les met h,
leur place j l'un invente , et l'autre achève. Là , ils acj-
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REMARQUES; ,rf
mirent nue richesse inépuisable ; ici , ans si^e magnifi-
cence : la, ils croient voir tontes les inspirations de la
nature , qui ont été le fondement de Fart ; ici , tontes les
ncrveHes de l'art qui reproduit et imile fidèlement la
Ce genre de parallèle entre deux grands hommes peut
«flrir quelquefois des observations ingénieuses ; mais il n'a
jamais une exacte justesse. Le sixième livre de Y Enéide
pronve seul , contre l'opinion générale , que le don de
créer ne manqua point a Virgile. Dira-tron que la des»
eente cVÉnéc aux enfers est une copie de celle dtJlysse?
Mais , en bonne foi r quel rapport peut-on établir entre
rébauebe du poète grec et le tableau du poète romain?
Ulysse , dans l'onzième chant de Y Odyssée y toit passer
devant lui des ombres confusément évoquées an bord
n une rosse par des cérémonies magiques sans intérêt et
sans grandeur ; les morts qu'A ioterroge sont presque
fous étrangers à sa destinée ; 3s paraissent et disparaissent
sans motif et sans objet ; c'est une véritable fantasmago-
rie. Homère ne semble même avoir en que des nouons
très-vagues sur l'existence future de Famé et sur le sort
des justes et des méchans après le trépas ; il ne montre a
Ëhomme nulle perspective consolante au-delà de la tombe:
4tracf; bien quelques images* imparfaites d'une seconde-
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ii6 REMARQUES
vie; mais cette vie est triste comme la mort, et vainc
comme le néant. On dtroic même qu'il n'accorde aux
- grands hommes qui ne sont plus ce simulacre- d'immor-
talité que pour mieux flétrir la gloire et décourager l'hé-
roïsme. Ulysse apperçoit l'ombre d'Achille qui domine
toutes les autres ; il félicite le héros de garder encore le
premier rang au ■ milieu des morts. Achille pousse on
profond soupir , et répond « qu'il aimeroit mieux être
» l'esclave du plus indigent des laboureurs , que de ré-
» gner sur le peuple entier des ombres. »
. Ce n'est pas ainsi que le judicieux Virgile représente la
vie future ; il puise ses opinions dans une philosor&ic plus
élevée : l'ame de Socrate et le génie de Platon respirent
dans ses Vers. Ce sixième livre de V Enéide renferme les
instructions les plus graves et les plus importantes; il est
placé an milieu du poème comme pour en réurùr toutes
les parties dans un même dessin \ l'intérêt en est prépare*
dès le livre précédent. Anchise est envoyé des Champs—
• Élysées par les dieux mêmes pour inviter son fils à des-
cendre dans les enfers ; il lui dit positivement gue telle
est la volonté de Jupiter ,
Imperio Jotû hue venio. . .
H lui' commande de ne point aborder en Italie avant
d'avoir rempli cet ordxe-du ciel :
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SDR LE LIVRE VI. «7
Oitîi Urnen «nlè
Inferna< accède domoi ; et Avernt per alla
Congreuo* pete , a*te , meos.
Enée pénètre dans le séjour des morts à travers miDe
dangers pour satisfaire à sa piété filiale , et pour obéir au*
Immortels ; il va recevoir de la bouche même du demi-
dieu qui fut son père tout le système de la morale et de
la religion nécessaire au grand état qu'il doit fonder : il
visite tour à tour le Tartare et l'ÉIysée », et ce double
spectacle met sous ses yeux les divers degrés de peine et
de récompense destinés à chaque espèce de crime et de
▼ertu ; les secrets des enfers et des cieux sont dévoiles
pour l'instruction de la terre, et le code des morts sert
en quelque sorte de modèle à celui des vivans. La musa
de Virgile est vraiment une muse législatrice comme celle
des premiers poètes qui , suivant les anciennes tradi-
tions, policèrent la société naissante , et qui sont placés
par "Virgile lui-même dans le séjour jdes justes , a côté de
tons les bienfaiteurs de rhumanité :
Qoiqne p&i rates et Phoebo digne locnti,
Inventa* ant «pii vitam excoluere per artei ,
Qniqae «ai memflres alio* fecere znerendo :
■ Omnibus hU niveâ cinguntur tempera yittâ.
Cette descente d'Énée aux enfers offre une idée plia
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«8 REMARQUES
nenve et plus grande encore. Quel est le bat principal de
ce voyage mystérieux ? Pourquoi Anchise ordonne-t-*l à.
son fils de l'entreprendre ? Cest pour lui révéler les des-
tinées de cette ville nouvelle où les restes de Troie vont
s'établir et commander au monde :
Tnm géant onme fmrm , et que dentut ntania , difteev.
Cette conception originale et sublime appartient tout
entière à Virgile ; on n'en trouve nulle pari le germe dans
Homère : elle a été et sera dans tous les "temps une des
sources les plus abondantes du merveilleux épique. C'est
aussi l'endroit de Virgile que Boileau semble admirer le
plus et qu'il désigne dans ces vers de XArt poétique z
Bientôt vous le Terrez , prodiguent le* nuraelee ,
i De Styz et d'Ackéron peindre les noirt torrent,
Et déjà let Césars dans l'Elysée errant.
En ouvrant ainsi le livre des destins , en faisant voir
dans des tableaux prophétiques tout ce qui doit être on
jour , Virgile a trouvé le secret de réunir, pour ainsi
dire , la vérité et la fiction. Comment refittera-t-on le
titre d'inventeur a celui qui créa pour l'épopée le plus,
beau genre de merveilleux ? Tous les poètes ont imité h
l'envi cette création du noëte latin; tous ils ont multiplié
«es visions de l'avenir dont S a le premier donné le mo-
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!
SUR LE LIVRE VL iSf
dtfe. Dans la Jérusalem délivrée, un saint vieulard
montre au jeune Renaud toute la suite de ses descendant ,
et leurs exploits futurs qu'une main divine a gravés sur
son bouclier. Le Camoè'ns a fait entrer dans divers
épisodes, par des machines à peu près semblables,
tonte l'histoire do PortHgal. Un envoyé céleste , avant
d'exiler Adam du paradis terrestre , rassemble sous les
yctrx du père des hommes tons les siècles et tous les
peuples qu'a perdus son crime ? et loi fait entrevoir de
loin le Messie qui doit sauver le genre humain. Henri IV
enfin transporté en songe dans le palais des Destins , j
voi t briller d'avance les beaux jours du siècle de Louis XIV.
A la fin des noies de ce cliant on jettera un coup d'oeil
sur ces diverses imitations.
Sic.fatur lacryman» , clauiqve kaiaUtît babeoas.
Et tandem Euboicia Cnmarum allabitur orii.
Virgile a soin de rassembler toutes les traditions natio-
nales ; il n'omet rien de ce qui peui illustrer les fleuves ,
les villes, les ports et tous les lieux de l'Italie. Ce n'est
pas sans raison que les larmes d'Énée honorent la mé-
moire de pilote qu'il a perdu : « Les Troyens , selon
*> Denys d'Habcarnasse , arrivèrent d'abord en Italie , au
» port de Palmure ; un de leurs principaux pilote» y per-
* dU la vka et ce tien en reçut le nom, De la Épé> visa,
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i3o REMARQUES
» dans un antre port de la Campante , ou mourut- A{i-
» sène , l'un de ses plus illustres compagnons ; et le pro-
» montoire voisin s'appela Miaène. »
(Antiquités Rpm. , lut. J, eh. xi.J
Nous avons déjà vu Palinure mourir dans le livre pré-
cédent ; Misène finira ses jours dans celui-ci ; et Virgile
marquera dans ses vers les lieux qui doivent garder le
souvenir des deux Troyens ,
JEterramque tenet per ««cola nomen.
Il ne manque pas d'indiquer aussi l'origine de Cames.
Cette ville avoit été peuplée par Hippooies Cumœus,
né a Chalcis dans l'Ile d'Eubée : tel est au moins le récit
de Strabon , qui semble regarder la colonie de Cumes
comme le plus ancien monument du passage des Grecs
en Italie. Le poète est en tout d'accord avec le géogra-
phe. Cumes dans ses vers vient aussi de l'Eobée , oris eu-
boicisî et plus bas il l'appelle ville Chakidienne, arx
Chalcidica,
RedditM hii primum terril, tibi, Phœbe , sacrant
Remigium alarum.
Cette expression si hardiment figurée est pourtant
d'une extrême justesse : l'air est un fluide comme l'eau»
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SUR LE LIVRE VI. i3r
Dédale ramoit donc avec des ailes dans ce nouvel océan.
Lucrèce avoh déjà employé cette image pour les oiseaux.
Clan advenere volante* 9
Bemigii oblittB pennarum vêla remîttunt.
Ce n'est pas le seol emprunt que Virgile ait fait à Lu-
crèce. Cest ainsi que l'art de Racine reprenait quelque-
fois des expressions jetées par le génie de Corneille , et
leur rendoit un nouvel éclat en les mettant à leur véri-
table place. On trouve dans Alzire une métaphore du
même genre:
Je montrai le premier au peuples du Mexique
L'appareil, inouipour cet mortels nouveaux,
De nos châteaux ailé* qui votaient sur les eaux.
Geca regens filo vestigia.
Catulle avoit dit non moins bien :
Errabunda. regens teuni vestigia filo. *
Ce vers se trouve dans l'épisode d'Ariane qui est un si
brillant hors-d'oeuvre du poème de Thétis et de Pelée.
On y reconnoit l'original de ces deux vers de Racine :
Pour eu développer l'embarras incertain
Ma saur du fil f«ul eut «nue votre maiù.
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iSs REMARQUES
. Ta quoque maçaam
Parte», opère in taato , tineret dujor , Icare , nabere*.
Bis conatua erat casua efflngere in anro ;
Bit patriae cccidere menue.
Il n'est pas besoin de faire admirer cette apostrophe
touchante à Icare : les vers se soulèvent et retombent
avec la main paternelle qui veut en vain graver la fiirteste
aventure de son fils ; ils font sentir tour à tour lVfforc
et l'affaissement de la douleur.
Poscere fata
Tempna , ait : dent , ecce , deua, Cui talia fan ta
Ante fore* , aubiu) non Ynltua, non eolor unua,
Non comptât manière coma:; aedpectua anhelon
Et rabie fera corda tument, majorauc videri,
Nec mortale tonana , etc.
L'abbé Desfontaines observe fort bien que ce tableau
de la Sibylle échevelçe, hors d'eue-méme , et luttant
contre le dieu qui veut la dompter, a fourni les plus
belles images des premières strophes de l'ode an comte
du Luc. Rousseau compare fort heureusement les appro-
ches du génie qui vient s'emparer du poète h celles de
la divinité qui veut subjuguer la prêtresse :
Tel , aux premier* aceèa d'une «ainte manie,
Mon etprit alarmé redoute du génie
Vasaaut victorieux ;
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SUR LE LIVRE VI i35
Il frémit, il combat l'ardeur qui le possède v
£t rendroit secouer du démon qui l'obsède
Le joug impérieux.
Ces vers sont limitation de ceux-ci de Virgile :
Btedtaïur vates , magnum si pectore posait
Eicucsitse deum. . .
Rousseau ajoute:
Mais sitôt que cédant à la fnreur dm ne
11 reconsoit enfin du dieu qui le domine -
.Les souveraines lois ,
Alors, tout pénétré de sa verte suprême ,
Ce n'est plus un mortel , c'est Apollon lofr-méme
Qui parle par ma voix.
Virgile dit aussi dans la même occasion :
Majorque vider»,
If ee mortale sonans...
Celte description de la Sibylle est sans doute admira-
ble : mais , comme Ta dit un critique moderne , celle de
Joad saisi de l'esprit prophétique semble encore supé-
rieure. On sent , pour ainsi dire , l'effort et le trouble du
mensonge dans les monvemeos désordonnés qui Iran**
portent la prétresse d'Apollon ; mais l'enthousiasme du
prophète & quelque chose de naturel et de tranquille
cqmme la vérité. Il se livre sans résistance à l'esprit divin
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ï54 REMARQUES '
qui le domine ; et ses paroles ont r autorité du. dieu dont
il explique les oracles.
C'est lui-même , il m'échauffe , il parle ; mes yeux t'ouvrent ,
Et les siècles obscurs devant moi se découvrent.
"Virgile est de tous les poètes celui qui choisit le mieux
tous les détails de ses peintures ; il les varie sans cesse , et
ne les épuise jamais. A cette description poétique de
l'antre de la Sibylle il fait succéder le tableau touchant
de la mort et des funérailles de Misène*, il place à côté
l'image gracieuse des colombes de Vénus qui descendent
au milieu de la forêt où s'égare Énée , et qui le conduisent
vers l'arbre mystérieux où brille ce rameau d'or sans le-
quel on ne peut franchir les enfers.
Te quoque magna manent regnis penetralia nostris :
Hic ego namque tus s sortes , arcanaque fata
Dicta mes» genti , ponam , lectotcrae sacrabo,,
Aima viros.
On a déjà remarqué avec quel soin Virgile remonte a
tous les anciens usages de sa patrie. Ici , Enée promet à-
la Sibylle un temple où seront déposés ses oracles , et des
prêtres pour les expliquer.
« On raconté , en effet , que , sous le règne de Tarquia
n le Superbe , les livres sibyllins furent apportés a Rome -,
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SUR LE LIVRE VL i55
* » ce prince en confia la garde a deux personne* distin-
» gnées dans la noblesse , et a deux officiers publics qui
» leur obéissoient. Après l'exil de ses rois, la république
» prit un soin plus particulier dn recueil de ces oracles ;
» elle le fit enfermer dans un coffre de pierre qui fut
» déposé sous une des voûtes du Capitole , et remis a la
» fidélité de deux prêtres nommés pour cette fonction.
» L'an 387, de Rome , ces prêtres furent augmentés au
» nombre de dix , et a celui de quinze sons la dictature
» de Sylla. fis étoient choisis dans les premières frn^Hff
» de la noblesse. On consultoit les livres sibyllins , par
» Tordre du sénat , dans toutes les grandes calamités. »
(Vojtz RoLLiR , vol. 1 de l'Hist. Rom. 1a-4.jp. «7* •* rf'J
Idem ter cocioa pnrft ctrcaxntnlit vndft,
.Spargen* rore leW et renu» felicu «lira,
Lnstnmtque ytro» , dixitqne novi»*îna ?erbe.
Plusieurs de ces usages religieux se sont conservés dans
le christianisme, qui leur donne encore une fin plus
noble et plus touchante. Les anciens regardoknt avec
raison les cérémonies funèbres comme le point le plus
important de la police sociale et de la science des mœurs ;
et c'est pour cela que les honneurs rendus aux tombeaux
des morts tiennent tant de place dans les poèmes grecs et
romains. Virgile se plaît surtout à ces peintures attendris-
13..
dby Google
*Z6 . REMARQUES.
santé*. Avant lapompe funèbre de Misène il a déjà décrit
celle de Polydore au commencement du troisième livre ,
et l'apothéose d'Anchise occupe une partie du crâquième.
Nous verrons le$ funérailles du jeune Pallaa. dans le on-
zième livre 9 et ce dernier tableau surpassera encore
tous les autres»
Monte wA aërio , qui ntrac Miienu* ab illo
Dicicar. . .
Le nom de cap de Misène n'a point changé depuis Vir-
gile ; il est placé dans la Campanie , pays de Yaonàeimc
Italie , aujourd'hui canton de la Terre de Labour. On
renvoie à ce qu'on dit, dans une des notes précédente*
sur les traditions qui concernent Misène , et qui août
«apportées dans Denys d'Halicarnasse.
Ûï quibus imperium est àmmaram , nmbrseqne tilevtet v
Et Chaos t et Pfcteg ethon , loca nocte tacentia latè ,
« SU flftihi fat audita loqui , ait numtae TCstro
\ Pandere res alta terra et caligine mersaa.
Cette invocation aux puissances de la mort est d'au
effet sublime ; l'harmonie du poète est sombre et lugubre
comme les enfers dont il veut ouvrir les profondeurs. Des
sous graves et lents, multipliés à dessein, imitent l'iuùV
ibrme immensité de ces royaumes dujsilence et du vide:.
^ liant ôbrcûtï tvlâ tub nëetc pir ûmbrâm..»
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SUR LE LIVRE VL ïty
tfejftsgife et pénible marche de la Sibylle et d*Énée se
fiât sentir dans raccumulatkm de ces spondées qui sem-
blent appesantir le vers comme les ombres de la nuit, et
f akmger comme les espaces du chaos.
Cette apostrophe aux divinités infernales n'est , je
crois, qu'un très-beau mouvement de l'enthousiasme
poétique. Toutes les fois que le génie veut exprimer defv
choses nouvelles , il cherche des tours nouveaux pour
s'emparer de l'attention, et justifier son audace. Ce-
pendant Févéque Warbuxton a cru qn'en cet- endroit
sauteur de V Enéide s excusoit de révéler la doctrine se-
crète des initiés. 11 ne voit enfin dans ce sixième livre
qu'une peinture allégorique des mystères de Cérès et de
froserpine. L'opinion de l'évéque anglais a trouvé beau»
coup de partisans. Voltaire lui-même l'avoit d'abord
adoptée *9 mais im examen plus réfléchi l'a désabusé dans
la suite.
« Cette descente. aux enfers, dit-il 9 imitée -d'Homère
» beaucoup moins qu'embellie , et la bjfl* prédiction des
» destins des Césars et de l'empire romain ," n'ont auqui
» rapport aux fables de Cérès et de Triptolème. Ainsi il
» est fort vraisemblable que Je sixième livre de ï Enéide
» n'est point une description de mystères : si je l'ai d%
» je me dédis. »
dby Google
i35 • REMARQUES
• II observe de plus que Virgile vi voit sous un prince
«mi des formes religieuses, et qu'étant initié lui-même
il n'auroit pas toléré une semblable profanation. ..Horace
ne regarde-t-il pas cette révélation comme, un sacrilège ?
y Tctabo qui Gererîs sacrum
Vulgârit arcanse sub iisdem
' Sit trabibu* :
Je me garderai bien de loger août me* toits
Celui. qui de Gérés a trahi les mystères.
Volt. , vol. 4» de l'édit de Kell en 70 vol.
Gomment le sage Virgile se seroit-il permis un attentat
qui alarmoit si fort Horace ? Observons d'ailleurs que ces
dogmes d'une vie future , et des peines et des récompenses
qui attendoient le crime et la vertu dans le Tartare et FÉ-
lysée , étoient des dogmes fort populaires, et répandus chez
toutes les nations avant Virgile : quel besoin avoitril donc ,
pour les chanter , de se rendre coupable aux yeux de ses
compatriotes , en profanant le secret des mystères ? Si
iWarburton avoiteu un goût égal a son érudition , il auroit
su que ce n'est point sur le système obscur de quelques
initiés , mais sur les croyances vulgaires , qu'un poète
épique doit fonder l'intérêt de ses fictions. Virgile a vrai-
semblablement traité ce sujet par un motif tout contraire
à celui que suppose Warburton. Loûrd'appoctcr nue
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SUR LE LIVRE VL 1S9
doctrine cachée et nouvelle , il vient opposer une doctrine
antique et connue à celle d'Épicure , qui s'étoit introduit*
jusque dans le sénat, et qui, selon Montesquieu, con-
tribua beaucoup à gâter le cœur et l'esprit des Romains (i)
vers la fin de la république. 11 est évident , pour tout
homme de bonne foi , que Virgile ne fait qu'expliquer
en beaux vers les idées de Pythagore et de Platon , et
c'est pour cela qu'on appeloit ce poète le Platoniciem
Oh trouve à la fin de la République du philosophe grec
une fable allégorique où l'auteur de l'Enéide* visible-
ment puisé le fonds de ce sixième livre.
Cette fable est racontée par Socratc , qui certainement
ne la devoit pas aux prêtres de Gérés , pour lesquels on.
l'accusoit d'avoir tant de mépris. Le philosophe suppose
qu'un guerrier arménien , nommé Her, ressuscita douze
jours après sa mort, et qu'interrogé sur ce qu'il avoit va
dans cet intervalle , il fit à peu près ce récit r
<c Aussitôt , dit-il , que mon ame eut abandonné mon
» corps , elle s'avança , dans la compagnie de plusieurs
» autres qui la reconnurent , vers, un séjour tout à fait
» merveilleux , oh nous vîmes dans la terre deux ouver-
» tares voisines ,et deux autres au ciel qui répondoient
* (i) Grandeur et Décadence des Romain»^ «h. 1«.
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*4* REMARQUES
» a ceUes-la. Des juges étaient assis entre ces ouverture*
» mystérieuses ; et , dès qu'ils avaient prononcé leur sen-
» tence , ils ordonnoicnt aux justes de prendre leur route
» à droite par une des ouvertures du ciel , et aux médians
7% de prendre lenr route à gauche par une des ouvertures
» de la terre. On m'ordonna de remarquer avec soin le
» spectacle que j'avois sous les yeux ,pour l'instruction de*
» hommes que je devois bientôt rejoindre.
» Je vis d'abord les âmes de ceux qu'on avoit jugés-
» monter tour à tour au ciel ou descendre sous la terre -
» par les deux premières ouvertures qui se répondoient ,
» tandis que , par la seconde ouverture dé la terre , je
i> vis sortir des âmes couvertes de fange et de poussière ,
» et par la seconde ouverture du ciel descendre des âmes
» pures et sans tache. Elles paroissoienuoutes venir «fan
» long voyage , et s'asseoir avec plaisir dans une prairie
» délicieuse on je les contemplois. Plusieurs de ces âmes
» voloient à la rencontre les unes des autres , en poussant
» des caris de joie ou des génrîssethens. Elles se retrou-
» voient après une séparation de mille ans. 'Celles qui
» avoient passé ce long temps de leur voyage sous la terre,
» versaient des larmes an souvenir dès maux soufferts ;
» mais celles qui descendoient du ciel racontaient des
» merveilles inouïes , et moatroient une joie ineffable;
dby Google
SUR LE LIVRE VI. Ut
» dont nous n'avons pas même l'image ici-bas. En un
» mot , chaque peine- et chaque récompense dans ces
» deux mondes divers étoient dbt fins plus grandes que
» le crime puni ou que la vertu récompensée. À. la tête
» des justes sont les hommes qui ont honore les dieux , et
» levas pères comme les dieux. Des supplices extraordi-
» naires attendent le* impies et les parricides ; les grand*
». criminels même après mille ans n*ont point achevé leur
«-expiation. L'une de ces carnes (c'étoh celle d'un tyran
» de Pamphvhc) attendent sa délivrance au bout de ce
s» long terme de douceurs; mais , au moment ou elle tu
» préparait à sortir , l'ouverture en se refermant lui refusa
» le passage avec un mugissement horrible. A ce bruit ,
» qui fit trembler toutes les ombres, accoururent des
» ministres de la mort , des spectres infernaux , qui restai»
» sirent cette ame deux fois condamnée , et l'entraînèrent
» dans l'abîme. Quand ces âmes eurent passé sept jours
» dans la prairie t elles en partirent le huitième , ets'éle-
» vèrent dans une région éclatante de lumière* La , huit
» cercles brillai» d'or, entrelacés les uns dans les autres (i),
(i) Ce» huit cercle* figurent les dire» cieu* de» aept planète»,
«t celui de* étoiles fix.e*.Iciou * abrégé Platon , parce que toute*
«et allégorie* Utronouùjue» n'ont point été imitée»- p*r Virfijbu
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liz .: REMARQUES
» sont suspendus au fuseau de la Nécessité , qui donne le
. » branle à toutes les révolutions célestes. ....... .
» Sur chacun de ces cercles inégaux est portée une sirène
» qui tourne avec lui , et qui chante à haute voix, mais
» sur un seul ton. Des huit tons divers que font entendre
» ces sœurs immortelles se compose l'harmonie parfaite
» qui réjouit éternellement l'oreille des dieux.
» A l'entour du fuseau , et à des distances égales, sont
» assises sur des trônes les trois parques , filles de la
» Nécessité , Lachésis , Clothon et Atropos , vêtues de
» blanc et le front ceint d'une couronne. Elles mêlent
» leurs voix à celles des sirènes ; Lachésis chante le passé,
» Qothon le présent , Atropos l'avenir. Tout à ooup un
» génie ailé appela toutes les âmes devant Lachésis. H
. » prit sur les genoux de la parque les sorts et les diverses
» conditions humaines ; puis i montant sur une tribune
» élevée , il s'écria d'une voix prophétique : Ames
» divines ! rentrez dans un corps mortel : vous allez
» commencer une nouvelle carrière. Voici tous les
» sorts de la vie, je les jette devant vous; choisissez
» librement ,le choix est irrévocable. S' il est mauvais ,
» dieu en est innocent.
» A ces mots , le génie jeta les lots de la Destinée , et
» chacun? de ces âmes choisit le sien. Le souvenu des aur
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SUR LE LIVRE VL 143
m dénote habitudes égara le plus grand nombre* Quelques -
» héros détrompés eurent à la vérité la sagesse de pré-
» férer à leur ancienne renommée un éftt obscur et pai-
» able j maisla foule se précipita sur les conditions illustres, •
» et au heu de la gloire et do bonheur trouva les soucis , •
» la honte et le remords. Quand toutes les âmes eurent
» fait leur choix , elles comparurent une dernière fois
» devant le trône de la Nécessité toute-puissante , et le fil
>? de leur nouvelle vie commença dès lors à se dérouler
» sur des fuseaux dont on ne peut ni hâter, ni suspendre ,
» ni changer le mouvement/ On les mena ensuite dans
» une plaine où l'ombre d'aucun arbre , et la verdure
» d'aucune plante , n'a jamais réjoui les yeux ; cette plaine
» est celle de l'Oubli : elles y éprouvèrent une chaleur
» insupportable. Le soir elles se rendirent au bord du
» fleuve Âmélès : toutes les âmes doivent boire de l'eau
» du fleuve en certaine quantité ; mais les moins sages '
» en boivent au-delà de la mesure prescrite , et cetta
» imprudence leur fait perdre le souvenir de toutes choses.
» Bientôt elles s'endormirent ; et vers le milieu de la nuit ,
» au milieu d'un tremblement de terre et d'un orage
» violent , elles se réveillèrent en snrsaut , averties en
» quelque sorte par ce bruit terrible de tous les maux qui
» le» attendoient dans leur nouvelle carrière. Enfin , dis-.
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Ui REMARQUES
» persées cjact là , elles se rendirent avec la rapidité cte*
» étoiles dam les corps qu'elles dévoient animer , etc. »
On a retranché* quelques détails de cette fable, on Ton
reconnolt l'imagination tonte poétique de Platon qui
écrivoit contre les poètes. Mais ce qu'on a cité a de grands
rapports avec les principales fictions du sixième livre de
V Enéide* Ces deux ouvc rtures où le guerrier «mcnien
voit les âmes passer sous la terre ou dans le ciel ressem-
blent parfaitement à ces deux routes qui s'ouvrent devant
Énée , et qui conduisent aux Enfers ou dans TEfysée.
Hic locna est parte» ubi ce via findit in imbu;
Deiiera, <ra« DitU tnagni'rab mania tendit;
Hac iter Eiyaiam nobi» : alitera malorum
Exercet panas , et ad impia TarUra znitûc .
Dans le poète comme .dans le philosophe les âmes
(éprouvent pendant mille ans les peines ou les récom-
penses qu'elles ont méritées $ et quand les dix siècles sont
révolus-, un dieu les mène aussi sur les rives du fleuve
téthé ; là , elles boivent également l'oubli de toutes
cjioses , et, reviennent ici bas animer de nouveaux corps.
Ha» etnnes , ubi mille rotam volvére per aunes,
hethmwm. ad fluvitun deua evocat agmine magoo; ,
Scilicet immemores supera ut convexa révisant;
Rui-sn» et incipiant in corpora Telle rêver ti.
lie fond du tableau est absolument le même. II est
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• SUR LE LIVRE VL itf
evidentqueVirgile en a emprunté presque tous les traits de
Platon. An reste, cette doctrine de la transmigration des
âmes est attribuée à Pythagore , et peut-être est-elle
plus ancienne que loi. Ce système est fort bizarre , niais
il paroissoit assez bon pour expliquer cette espèce dt
notion confuse du bien et du mal , cette toix' sécréta
de la conscience qui semble précéder tous les conseils
de U raison, Pythagore et ses disciples croyoient aux
idées innées ; ils les cxptiquoient par leur fable de U
métempsycose , et le dogme ingénieux de la réminis-
cence- Ils disoient que malgré l'impression du fiente
Léthé , les âmes avoient conservé quelque sentiment
imparfait de leur première existence , et que les sages
étoient ceux dont famé avcdt le moins bu des eaux de
roubti.
Cette opinion si étrange et si frivole en philosophie
devient sublime en poésie par l'application qu'en a sa
taire le. goût judicieux de Virgile. En effet , tonus ces^Sft^
. âmes qui se rassemblent aux yeux d'Ancbise , impatientes
de revivre et d'animer ses descendans, appartinrent jadis
aux plus grands personnages des siècles héroïques ; elles
vont transporter le génie et les vertus des vieux Ages
dans la longue postérité du héros troyen. Énéc luS-méms
renaîtra dans Auguste-, Hercule; fynor et AcfaiUt *tpe»
m. i3 '
dby Google
U6 REMARQUES
roitront dans lès Pompées , dans les Scipions et les César*.
Ce n'est point ici un dessein imaginaire -qu'on prête à
.Virgile. Les principales beautés de cet épisode tiennent
clairement au dogme de la transmigration. Pourquoi ces
.vers sur la\nort prématurée du jeune Marcellus ont-ils
tant d'intérêt? C'est que le poète a peint auparavant les
exploits d'un guerrier du même nom , qui balança la
fortune d'Annibal , et qui triompha de Syracuse ; et
quand il adresse au 01s de Lme^ette apostrophe sitote*
chante:
Si quW*U aspért nuspa»,
l'a SUrcellu erU.
tt faut en quelque sorte soùs-entendre : * Si Famé du
» grand Marcellus , qui est passée dans la .tienne , a le
» temps de croître et de se développer , jeune enfant ,
» tu seras toi-même un Marcellus ! » Les beautés de ce
magnifique épisode ainsi commentées^ viendront encore
plus frappantes. Maisr je le répète quelle analogie peuvent-
elles avoir avec lesmystèresde Cérès?£tcommentl'évéque
tWarbnrton n'a-t-il pas senti que Virgile n'a fait qu'em-
bellir les doctrines de Vy thagore et de Platon ? Il avoue
bien , en passant , que le dernier de ces philosophes a
servi de modèle au poète ; mais , selon lui , Py thagore et
Platon eux-mêmes ayoient publié la doctrine des mystères.
dby Google
SUR LE LIVRE VI. 147
Dans ce cas , Virgile- en répétant deux philosophes dont
1 les écrits étoient partout , et qu'on appeloit divins , n'a voit
pas besoin de prendre des précautions pour faire par-
donner son entreprise impie. Je me sers ici des propres
mot* de Warburton. Mais le critique anglais se trompa
encore. Avant Platon , les dogmes d'une vie future étoient
universellement admis. Timée de Locres (i), son prédé-
cesseur, finit son traité de Y Ame du monde par ces.
paroles remarquables':
« Malheur à l'homme indocile et rebelle k la sagesse !
» Que les punitions tombent sur lui , tant celles des.
» lois humaines , que celles dont nous menacent les tra—-
» ditions de nos pères , qui nous annoncent les ven-
» geances du ciel et les supplices des enfers , supplices
» inévitables préparés sous la terre aux criminel» ! »
Ce passage est formel ; il prouve que les traditions les
plus antiques avoient consacré les opinions reproduites par
Virgile , et que l'entreprise du poète n'étoit point /iom-'
1 veile et impie. Ainsi la fausseté des raisonnemeasnle
1 Warburton est évidente ; et l'abbé Desfontaines , avec
une critique plus éclairée , n'auroit pas grossi ses notes
de la dissertation anglaise.
t»)U vivoit cinij cent* vu avant notre ère.
i3„
dby Google
ï*8 REMARQUES
Vettibulum ««te ipcqm, primuque in faucibtu Orei 9
Luctus et nltricejflpocaere cajrilia Gnne ;
Pallentetipie habitent Morbi , tmtisque Senectns,
JEt Hetas y et maleraada Famea, ac turpu Egeata* ,
Terribiles tm» forma } }
Des critiques ont demande pourquoi Virgile mettoit à
la porte du Tartare les maladies , la faim , la vieillesse et
la pauvreté. Bs ont observé que Voltaire avoit choisi dans
on ordre d'idées plus moral le caractère des monstres
qui gardent la porte de l'enfer : c'est l'envie , l'orgueil ,
l'ambition, l'hypocrisie, et l'intérêt ; c'est la troupe de
tous les vices qui occupe dans la Henriade le vestibule
du séjour des tourmens. Cette allégorie est très-belle sans
doute ; mais il est évident que le poè'te français Ta puisée
dans les notions plus pures de la théologie chrétienne J
que ne pouvoit connaître Virgile. Sans prétendre justifier
toutes les bizarreries qui se rencontrent dans les fables
religieuses de l'antiquité , je crois pourtant que les cri-
tiques ont mal interprété dans cet endroit le vrai sens
du poè'te latin. Énée et la Sibylle sont encore arrêtés àJ
l'entrée de l'empire du dieu de la mort, in fanez Su, s
Orci ; ils doivent traverser plusieurs enceintes avant de'
parvenir a celle des enfers proprement dits , aux lieux!
qu'habitent les coupables : ainsi la faim , la pauvreté , la.
vieillesse, les maladies et les chagrins, qui sont, pour
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SUR LE LIVRE TL U9
ainsTdire , les ministres de la mon , se trouv eut conve-
nablement placés an seuil de son empire. L'allusion est
frappante ; et Ton voit , dans ce passage comme dans
tous les antres , qu'un sûr jugement a toujours guidé
r imagination de l'auteur de Y Enéide. Il n'est pas besoin
de £iire admirer le grand sens de l'épithète qu'il donne à
la faim , malesuada : la misère est féconde en pensées
funestes , en conseils sinistres -, et c'est pourquoi on tombe
dans la pire de tontes les anarchies , quand ceux qui
n'a voient rien prennent la place de ceux qui avoient tout;
ils gouvernent avec les ressentimens de la mauvaise for-
tune et de l' orgueil long-temps humilié : aussi César
disoit-il que, « pour éviter les séditions, il talloit s'tn-
» tourer de visages gras et bien nourris. »
ifi t «pot Tehit nada , aepwfti.
Née ripas cUtur horrendas et rauca iiuenU
Traatportare priât , qnàm aedibu* oita qaiernnt.
Centum errant année t ToltUntque a*c littora ei renia t '
Ta» deauua adaûssi stagna «noptata récitant.
An premier coup d'oeil , rien ne parottplus injuste et
plus barbare que ce dogme de la théologie païenne. Pour*
quoi les âmes de ceux que l'inhumanité ou l'oubK ont
privés de la sépulture sont-elles condamnées à errer cent
ans aux bonis du Styx avant de reposer sur l'autre rivage ?
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»5o REMARQUES
On est tenté de condamner les anciens législateurs qoi
Cavorisoient à cet égard la crédulité publique •, mais l'exa-
men et la réflexion les justifient : ils ont prouvé leur
sagesse en respectant une fable qui augmentait la véné-
ration et la sensibilité des vivans pouv la cendre des morts.
On disoit que l'ombre de ceux qui n'avoient. point été
ensevelis venoit dans la nuit révéler le crime de leurs
meurtriers , ou menacer l'ingratitude de leur famille. On
sent que cette opinion devoit rendre le culte des tombeaux
plus imposant et plus sacré. Ainsi les préjugés du peuple
ont souvent des résultats plus utiles que toutes les vérités
de la philosophie. On peut faire la même remarque sur
le passage suivant :
Continu* audits Tocci , Vftgitpt etingen*,
Infantumqne anima fiente a in limiae primo ; etc.
L«s ames des enfans ne jouissent pas dtan sort plus heu-
reux que celles des hommes privés de sépulture. Cette
opinion avoit le même but que la première j.elle étoit
faite pour prévenir , dans les siècles anciens , le crime
trop commun de l'infanticide, pour détruire peu à peu
.la coutume barbare de ^exposition des enfans , et pour
tendre toute sa force au premier sentiment de la nature.
JEteronmque locne Palinori nomen habebit.
. I* nom de Çap de Palinure existe encore sous celui
^by Google
SUR LE LIVRE VL i5t
de Gapo Palinuro , Palertudo ou Palemiro ," entre
les. golfes de Saleme et dé Polioastro, dan» le royaume
de Naples. Cette rencontre d'Énée et de PaHnnre est fort
touchante , et supérieure a celle d'Ulysse et d'ÊUpénor
dans l'onzième livre de VOdyssée , comme Ta très-bien
remarqué l'abbé Desfontaines, Virgile sait intéresser la
cœur au milieu des peintures les plus effrayantes ; il
adoucit l'horreur des enfers , tantôt par l'épisode de Paji*
nure , tantôt par celui de Déiphobe.
Gerberas luec ingens Utratta régna trifaner
Personal,
Cette description est de la plus riche poésie. Un doubles
effet d'harmonie imifiative rend d'une manière admirable;
le double mouvement du monstre qui se hâte de relever
sa tête hérissée de serpens aux approches de la prétresse ,
et qui s'endort dans son antre sitôt qu'elle lui a jeté le
gâteau assoupissant.
Melle soporatam et medicati* frugibus offam
Obfîçït i'tUe ', famô rabldà tria gûtiuta pândênt^
Côrflpït objectant.
Ces dactyles redoublés , en précipitant la marche du
yen, ne peignent-ils pas à l'oreille l'impatiente voracité
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ife REMARQUES
du chien dès enfers? Et ne croit-on pas voir se développer
ta croupe immense dans le prolongement de la période ?
Atqne immanîa terga resolvit
Fqsut hux&i , lôtôquë 'm gens extenditur antro.
Jjt vers qui finit enjambe sur le vers, suivant 9Jusus
Ttumi, comme pour étendre le vaste corps de Cerbère ,
et ces spondées, totoque ingens, font sentir à la fois
l'immensité du monstre çt celle du repaire dont il remplit
l'étendue.
Née proenl Une partent faii moartrantur ia oa&em
Zugente* eampi î
Voici un passage plein de la plus touchante mélanco-
lie. L'ame rêveuse et tendre de Virgile se plaît à peindre
cette campagne des pleurs ou les ombres des amans
malheureux gémissent sons une forêt de myrtes. C'est là
qu'Énée va retrouver Didon , naguère descendue dansle
séjour des morts :
Inter qtuc Phonifta reeen* a valner e Dido
Errabat,etc.
H plèvre , et lui adresse des paroles de regret et d'a-
mour :
Demiait laerymaf , dulcique affatus amore ect :
mais elle garde le silence ; et s'éloigne d'un air irrité.
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SUR LE LIVRE VL i55
Tandem comptât «ete , atqoe inimica refvgit, etc.
-On sent combien ce, silence est sublime ; il motive la
haine future de Carthage et de Rome ; Dkkm n'a pat
même pardonné après sa mort , et son ombre attend
Anmbal. Cet épisode a de plus un antre avantage : il
excase la fuite et 1* abandon cTÉnée | il tend à son carac-
tère une partie de l'intérêt qui ne s'étoit attaché qu'à
Didon dans le quatrième livre.
Au reste , le Dante imite a sa manière dans son Enfer
ces belles fictions de Virgile. U place aussi les amans dans
une plaine où Ton n'entend que des soupirs , et qui est
toujours agitée par les orages. H est bon d'observer,
qu'un des poètes les plus originaux de Hune moderne
n'est le plus souvent qu'un imitateur bizarre de ce mène
Virgile à qui certains critiques refusent le titre de génj*
At Danaûm procer et , AfaneiMMMiiaqne phalange* ,
Ut vldére Tirant fulgentiaqae anna par ombra* »
Ingenti trepidare meta , etc.
Virgile' ne perd aucune occasion d'abaisser la renom-
mée des Grecs et d'agrandir celle de son héros : le seul
éclat des armes d*Énée met en mite les ombres de tous les
guerriers qui suivirent Agamemnon. Déjà Rome com-
mence à venger les injures de Troie ; déjà les antiques
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i54 REMARQUES
chefs de Larisse , de Mycènes et d'Argot semblent pré-
voir l'humiliation de leurs, descendans et de la Grèce.
Virgile ne. manquera pas de faire prédire bientôt rabais-
sement de la race d'Achille , en annonçant la grandeur
de celle d'Énée ;-
Ille triajaphaU Capitol ia ad ait* Corîntha
Victor aget currum , caeaia inaignis Achivis. ■
Emet ille Argot , Agamemnoniasque Mycenas ,
Ipaumque JEaciden , gênas armipotentic Aehilli ;
Ulkiu avoa Trojc , etc.
Plus on étudie l'ensemble et les détails de ce sixième
chant , plus on est frappé d'admiration : les beautés suc-
cèdent aux beautés , et la peinture des tourmens infer-
naux est peut-être au-dessus de tout ce qui précède.
Jamais Virgile n'a eu plus de verve , de force et d'en-
thousiasme , soit qu'il représente l'impie Salmonée ter-
rassé par la foudre de Jupiter, soit qu'il étende sur neuf
arpens le corps énorme de Tityus , dont l'infatigable
vautour dévore éternellement les entrailles renaissantes.
B feit tour a tour entendre dans ses vers et les gémisse-
mens des coupables , et le bruit des fers dont ik sont
«barges , et le sifflement des fouets des furies :
Hîoc exaudiri gemitna , et iaera aotoare
Ycrbcra : tiua stridor ftrrr, tracUrçae calenw
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SUR LE LIVRE VL iS5
Use sert quelquefois d'une harmonie effrayante , ex-
traordinaire , et pour ainsi dire infernale comme les ob-
jets qu'il décrit.
Tnm deurara horrUono stridentes cardine sac ne
Pandontur portas.
Le son dur des r redoublés dans ce vêts fiât entendre
le cri des gonds des portes de l'enfer. *
L'image de l'hydre qui en défend les approches est
encore plus pittoresque :
QainqnagînU atrii immania hiatibus fîjdra
Sstvior in tus babet sedem':
Le poète fait tyetirter avec fracas dent mêmes voyelles
l'une contre l'autre : quinquaginlz atris. La voix retentit
et se brise sur ■cette rude élision avec un éclat terrible.
Dans les deux mots qui terminent le vers, fcatibus fy^dra,
la même aspiration deux fois répétée contraint la voix
à de nouveaux efforts; et c'est ainsi que les mêmes syl-
labes toujours multipliées, en se choquant et en se sus-
pendant tour à tour , imitent en quelque sorte les cin-
quante gueules béantes du monstre infernal.
Tout a coup les sons les plus tranquilles et les pin»
doucement mesurés succèdent a cette pénible et lugubre
harmonie faite pour les habitai)» du Tartaje. Tout le
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156 REMARQUES
calme de l'Elysée respire dans les rets suivant , où l'an
ne trouve pas une seule inversion , où le goût n'a rien
laissé qui puisse faire soupçonner Fart et le travail :
Devenere locos laetos , et amesaa tireta
For tanatorom nemorom , «edesque beatas.
Des flots d'une lumière inaltérable semblent se ré-
pandre avec ce beau vers :
Largior Me campée ctber et lamine Vetttt
Parpnreo j
Le mot vestit est d'une hardiesse remarquable ; maïs
Virgile ne prolonge pas cette description de TÉIvsée
comme celle des enfers j il faut abréger les peintures du
bonheur : celles de la douleur seules sont inépuisables. Le
goût exquis du poète ne se méprend jamais sur l'effet et
la meure de ses tableaux.
Ter canal!» ibi colle dare bracbia cirenm
Ter frustra comprensa manu* effugit imago v
Par levibns rentis ,
Voltaire a imité ce passage dans le sixième chant de la
Henriade :
Trois fou il tend les bras k cette ombre sacrée ;
Trois fois son père échappe * ses embrassemens t
Tel «m'un léger nuage écarté par les tenu.
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SUR LE LIVRE VL i57
' Principio Ctthua, ac tenté, eampeeqae lifaeatec,
Spiritn* intac «lit ; «te.
Cette magnifique idée de l'orne universelle , dont
chaque é'tre animé reçoit une foible partie, appartenott
à lVcole des Stoïcien». Ce n'est point là le système de
Spinosa , qui confond Dieu et la Nature. Virgile distingue
fort clairement deux substances :
Mens agitât molem , et magno se corpere miteet.
C'est l'esprit ici qui donne le mouvement à la matière.
L'auteur du Télémaque a très-bien expliqué ce-vers de
Virgile , en faisant dire à Mentor : « L'aine umverseDe
» du monde est comme un grand océan de lumière : nos
» esprks-sont comme de petits ruisseaux qui en sortent
» et qui y retournent pour s'y perdre. »
(Télémaque, livre {)
No» tamea otnae malam mitent, née fandttat onraes
Corporel excédant pettes; penitèt^tte accesae est
Malta dia cencreta modis iaoletcere mirit»
On Toit par ces vers que la doctrine du Purgatoire est
très-ancienne ; elle accorde parfaitement la justice et la
miséricorde divine. Le christianisme , qui a tout perfec-
tionné, a fait un dogme fondamental de cette opinion
consolants} il enseigne que la prière des vivans abrège le
nu \t\
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iS8 REMARQUES
temps de l'expiation pour les morts , et c'est ainsi qu'il
établit des rapports continuels entre le monde présent et
le monde futur. C'est un des dogmes les mieux assortis à
la nature du cœur humain et les plus propres à justifier
la providence. Les sectaires qui l'ont rejeté dans le sei-
zième siècle ont donc méconnu à la fois les besoins de
l'homme et la bonté de Dieu.
Illustrée animas , nostrumque in notnen itara* ,
Expédia m dictis , et te tua fata docebo, etc.
On a déjà remarqué plus haut la beauté de ce sublime
épisode hnité par tous les poètes épiques. Le Tasse s*en
est enrichi le premier; mais les destinées de la maison
d'Est , qu'on prédit au jeune Renaud , n'ont pas assez
d'importance pour autoriser l'emploi d'un tel merveil-
leux, et pour remplir l'imagination. La gloire du Portugal
a été trop courte et sa place dans rEurojfe est trop petite
pour que le Camoè'ns excite un vif intérêt en annonçant
les exploits de ses compatriotes. Milton ouvre une scène
plus vaste que Virgile lui-même ; mais c'est un autre dé-
faut* Le goût ne doit ni trop étendre ni trop Circonscrire
le champ où se promène l'imagination. Les destinées du
monde entier touchent moins que celles d'une seule na-
tion. Cependant le dessein du poète anglais a de l'audace
tt de la grandeur ; mais son génie , affoibli dans ses der-
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SUR LE LIVRE VL i59
niers chants , ne peut plus soutenir le poids et la majesté
de son sujet. De tous les imitateurs du poète latin , Voltaire
acte sans doute le plus heureux; il a eu l'avantage de
pondre l'époque la plus mémorable de l'esprit humain ,
et son style a souvent tout l'éclat de la cour de Louis XIV .
Qui* Gracdbi gênas ? aut geminos, , duo fulmina be]U ,
Scipiada* , çladem Libye ? parvoqna po tentent
Fabricium ?
Pans cette longue galerie de grands hommes qu'il fait
passer sous nos yeux , Virgile a soin de ne prendre que le
trait le plus important de leur caractère et de leur vie :
s'il n'eut pas gardé cette mesure , U eût tout refroidi. La
famille des Cracques , les Scipions , lesFabricius , n'oc-
cupent que trois vers \ mais d'un mot il donne une grande
idée de ces illustres Romains.
.Voltaire s'est conformé à cette sage précision :
A traver* mille feux je yoî* Coudé paroi tre ,
Tour à tour la terreur et l'appui de son maître ;
Turenne,'de Gradé le généreux mal ,
Moine brillant, mai* pin*, gage , et dn moin* son égal.
Virgile ne dessine avec plus de détail que les figures
principales de son tableau , celles de Romulus , de César ,
d'Auguste et de Marcellus. Volfcùre aussi ne s'étend que
i4*<
i
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i6o REMARQUES
sur Bicbefieir, Louis XIV , le duc de Bourgogne et le
jeune Louis XV.
Sont geaûac Somni porte; quarnm altéra fertar
Coraea , qui veris facili* datar exilas ambrb :
Altéra , candeati perfee*a aiteas ekpfcaato ;
Sed falsa ad cœlam mit tant iiuomnia Maae*.
Ces deux portes da sommeil , par où s'échappent les
songes faux et véritables , ont fort embarrassé les com-
mentateurs. Pourquoi , ont-ils dit , Virgile ramène-t-ii
Énée par cette porte d'ivoire d'où sortent les songes
trompeurs , falsa insomnia ? D seroit possible de ré-
pondre , avec le père Larue , que Virgile , par celte espèce
d'allégorie imitée d'Homère , veut indiquer en passant
que sa raison n'admet point tout ce qu'a décrit son ima-
gination. L'avis de Larue est peut-être même justifie* par
ces vers des Géorgiques :
- Félix qui potaitreram èogaoseere causas,
Atque metus omnes et iaexorabile fatum
Sobjecit pedibos, strepitumque Acheroatit arari!
Virgile ne seroit pas le seul écrivain illustre qui eût
rejeté comme philosophe des opinions qu'il eût adoptées
comme poète ; mais je crois qu'ici cette contradiction
entre le philosophe et le poète n'existe pas. Le goût et le
jugement de Virgile se montrent dans ce passage comme
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SUR LE LIVRE Vt 161
dans tons les antres. Il vivoit dans nu siècle oh la puis-
sance des opinions religieuses étoic fart adbablie : le père
d'Auguste , César , avoit .dit en plein sénat qu'il n'y
avoit rien après la mort. Dans un siècle où les croyances
nationales étoient attaquées comme dans le noire , il failoit
en composant une épopée réunir le merveilleux et le vrai-
semblable pour satisfaire à la fois le peuple et le philo-
sophe. Enée trouve à rentrée des enfers le sommeil et les
songes:
Qot» néêm Someia wdfd
▼ana tenere feront.
Il sort par la porte des illusions. Cest donc en quelque
sorte dans un songe mystérieux qu'il voit tout ce qui se
passe en réalité dans les Enfers et dans l'Elysée. Cette
heureuse idée satisfait également la raison et l'imagina-
tion. Cest ainsi que dans la Henriaàe saint Louis fait
descendre les songes autour de Henri IV avant de 1m
faire voir les ejeux et sa postérité.
.4-
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^NEIS.
LIBER SEPÏIMUS.
X v quoqne Kttoribus nostris, ^Eneïa nutrix,
jEternam moriens famam, Caieta, dedisti :
Et nnnc serrât honos sedem taus; ossaqae nomen
Hesperiâ in magnà, si qua est ea gloria, signât
At pius exsequiis J£neas rite solutis,
Aggere composito tumnli, postquam alta qmêrant
JEquora, tendit iter velis, portumque relinqirit.
Adspirant aura in noctem, nec candida cursus
Luna negat; splendet trémolo sub lamine pontus.
Proxima Cires» radantnr littora terre,
Diyes inaccessos ubi Solis filia lucos
Assiduo resonal cantu, tectisque superbU
prit odoratam noctarna in lumina cedrura, ,
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L'ENÉIDE.
LIVRE SEPTIÈME.
JlLt toi, de mon héros nourrice bien aimée,
De nos bords en mourant tu fis la renommée ,
O Caïète; et ton nom protège ton cercueil
Que l'antique Hespene bonore avec orgueil.
Sitôt qu'a -ce tombeau , dont nos bords se font gloire ,
Il a par un saint culte bonore sa mémoire ,
Le berosfart , fend Tonde, et s'éloigne du port
Pour lui la mer , les vents et les cieux sont d'accord;
Et, pour guider son cours , la Inné complaisante
Éclaire au loin les eaux de sa clarté tremblante.
Il yole , il yoit déjà le trop fameux séjour
Où la belle Circé, fille du dieu du jour ,
Modulant ayec art sa voix mélodieuse ,
Charme de ses doux sons son île insidieuse*
Tantôt dans son palais, où des bois précieux
Prodiguent "dans la nuit leurs parfums et leurs feux ,
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iH «NE1D0S LIBER VII. , v. x4.
Arguto tenues percurrens pectine telas.
Hinc exaudiri gemitus irœque leonant
Tînck recusantum et sera sub nocte rudentum ;
Saetigeriqoe sues, atque in prasepibus ursi
Sas vire 9 ac forma magnorum ululare lupornm ;
Quos hommum ex fecie dea saera potentibus herbis .
Induerat Cîrce in vuîtus ac terga feraram.
Quas ne monstra pii paterentur talia Tro'és
Delali in portas, nen Uttora dira subirent,
Neptunus venus implevit fêla secuadia,
Atque fbgam dédit, et prater vada fervida Vfcxït
Jamque rubescebat radiis mare , et aîtkere ah alto
Aurorain roseis fulgebat lutea bJgis :
Quum rend posuere, omnisque repente reoedtt
Flatus , et in lento luctântur marmore fonsa.
Atque hic jEneas iogentem ex œquore lucunx
Prospicit. Hune inter fluvio Tiberinus amœno,
Vorticibus rapidis, et nmltâ flarus arenâ,
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v. i7. L'ENEIDE, LIVRE VIL x63
D'un tissa varié, doux charme de ses Teilles »
Ourdit d'un doigt léger les brillantes merveilles.
La grondent renfermes , et de rage écumans,
Tous ces monstres créés par ses enchantemens,
Qui, d'hommes qu'ils e'loient, changes en ours informel,
En lions menaçans, en sangliers énormes,
S'irritent dans la nuit , et, secouant leurs fers ,
•De leurs longs hurlemens épouvantent les airs.
Craignant ce sort affreux pour les enfans de Troie ,
Le dieu des mers loi-même a l'instant leur envoie
Un vent qui les enlève a ces bords dangereux ;
Et l'île et ses rochers ont déjà fui loin d eux.
Le jour suivant a peine a commencé d eclore,
L'onde a peine rougit des rayons de l'aurore ,
Tout a coup l'air se tait , le vent meurt , le flot dort :
Aussitôt les nochers ont redoublé d'effort;
Tous ont pris l'aviron , et de l'onde immobile
Fatiguent a l'envi la paresse indocile.
Enée alors découvre un bois vaste et riant ;
Le Tibre le partage , et son onde en fuyant
Dans la profonde mer rapidement entraîne
Le cristal de ses eaux et l'or de son arène.
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i66 ^NEIDOS LIBER VIL t. 3*.
lu mare prorumpit : varias circùmque supraqaa
Assuet* ripis volucres et fluminis alveo
JEthera mulcëbant cantu, lucoque volabant
Flectere iter sociis, terraeque adyertere proras,
ïmperat , et laetus fluyio succedit opaco.
Nuncage , qui reges , Erato , qu» tempora reniai,
QuÎ8 Latio antiquo fuerit status, advena classem
, Quum prîmum Ausoniis exercitus appulit bns9
' Expecbam, et primae revocabo exordîa pugna%
Tu vatem , tu, Dira, moue. Dicam horrida bella ;
Dicam acies, actosque animis in funera reges,
Tyrrhenamque manum, totamque sub arma coactaut
Hesperiam* Major rerum mihi nascitur ordo,
Majus opus moreo. Rex arya Latinus et urbes
Jam senior longâ placidas in pace regebat
Hune Fauno et nymphâ genitum Laurente Marica
Accipîmus. Fauno Picus pater ; îsque parentem
Te, Saturne, refert; tu sanguinis ultimusauctor.
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y.$9. L'ENÉIDE, LIVRE VIL i6"7
Mille oiseaux différons de plumage et de voix,
Amoureux de ce fleuve, élèves de ces bois ,
De rameaux en rameaux courant, volant sans cesse ,
Channoient de leurs doux sons la rive enchanteresse,
La le héros aborde, et l'onde et les oiseaux
Semblent de leur doux bruit saluer ses vaisseaux.
0 muse ! c'est a toi maintenant de me dire
Quel du vieux Latium ëtoit le vaste empire ,
Sa puissance, ses mœurs , ses habitans , ses dieux f
Quand le peuple troyen aborda dans ces lieux.
Dis-moi de leurs combats h première origine :
Viens, parle, échauffe-moi de ta flamme divine.
Je peindrai le carnage inondant les sillons,
Les souverains armes, et leurs fiers bataillons.
Défa sont déployés les drapeaux d&trurie,
Déjà l'horrible guerre embrase fflesperie.
Viens; dans ce grand sujet, plus dïgné encor Je toi,
Un théâtre plus vaste est ouvert' devant moi.
-Le vieux roi Latînus dans une paix profonde ■
Dès long-temps gouvernoit cette terre féconde.
La nymphe Marica , si chère aux Laurentins,
Et Faune » dieu champêtre adoré des Lalms,
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itf8 jENEIDOS LIBER VU y. 5o.
Filins huic , fato diyûm , prolesque ?irilis
Nulla fuit; primaqne oriens erepla juventâ est
Sola domum et tantas servabat filia sedes ,
Jam matera viro, jam plenis nubilis annis.
Multi illam magno e Latio totàque petebant
Ausoniâ. Petit ante alios pulcherrimus omues
Turnus , ayis atayisque potens • craem regia conjux
Àdjtingi genernm miro properabat amore ;
Sed variis porteata deûin terroribus obstant.
Lanrus erat tecti medio, in penetralibos altîs,
Sacra comam, multosque meta senrata per annos ;
Quam pater ûrrentam, primas qtram coaderet arce-
Ipse ferebatur Phœbo sacrasse Latinos,
Laureniisque ai eà oomen posuisse colonis.
dbyGoOglç
t.6j. L'ENEIDE, LIVRE VIL 169
Lui donnèrent le jour; Faune eut Pîcns pour père;
Et du sang de Picus l'orgueil héréditaire
Remontait a Saturne, ayeul de ses ajeux.
Un (ils heritoit seul de ce nom glorieux ;
Mais la mort l'enleva dans sa tendre jeunesse.
Espoir d'un si beau trône, une jeune princesse
A passe* la saison de la virginité' ,
Et le temps pour l'hymen a mûri sa béante'.
Avant que sur ces bords parût le grand Enee ,
Cent princes aspiraient a ce noble hymenee ;
Turnns , le plus vaillant et le plus beau de tons,
Brigue avec plus d'espoir le nom de son époux.
Il a pour lui son rang, sa vaillance et la reine;
Mais le Destin s'oppose k cette illustre chaîne.
Et fait parler des dieux l'inflexible refus.
Au milieu du palais , de tes rameaux toufius
Un laurier étendoit l'ombrage pacifique;
Le peuple avec respect voyoit cet arbre antique :
Aux lieux où de Laurente on fbndoit les remparts,
De Latinus, dit-on , il frappa les regards;
Lui-même au dieu du jour consacra son feuillage :
Laurente en prit son nom. Tel qu'un bruyant nuage ,
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«y» JENEIDOS LIBER VIL t. CL
Hujas epes summum denses (mirabile diclu),
Stridore ingénu liquïdum trans aetbera vectae ,
Obsedere apicem 5 et , pedibus per mutna nexîs ,
Examen subitam ramo frondente pependit.
Continué vales : Externum cernimus, inquit ,
Adventare virum , et partes petere agmen easdem
Partibus ex îsdem , et summà domînaner arce.
Praeterea, eastis adolet dum altaria tsedis,
Ut juxta genitorem adstat Layînîa virgo,
Visa (nefes) longîs comprendere crinibus ignem,
Atque omnem ornatnm flammà crepHante cremari j
Regalesqug accensa comas, accensa coronaixl
Instgnem gemmîs ; tum ramida lamine fulyo
Involvi, ac totis ynlcannm spargere tectis,
Id yero hoirendam ac yisu mirabile ferri :
Namque fore illustrent famâ fatisque canebant
lpsamj sed populo magnum portrttder* bèlluim
DigitizedbyGbOgle
t. 85. L'ENÉIDE, LIVRE VIL i7t
Un jour vînt se poser sur l'un de ses rameaux
Un essaim, dont les pieds en mille et mille anneaux ,
L'un par l'autre attachés à la branche pliante ,
4 Montrèrent tout a coup une grappe pendante*
Un prêtre saint alors fait entendre sa voix :
a Mon dieu parle, dit-il, il m'inspire. Je rois
«Des lieux d'où cet essaim guide sa colonie
»Un peuple belliqueux marcher yers l'Ausome.
» Ils viennent, et bientôt successeurs de nos rois,
» Leur chef au Latium dispensera des lois. » *
C'est peu : dans tout l'éclat de sa pompe royale,
Un jour auprès du roi , de sa main virginale
Sa fille présentait l'encens aux Immortels;
Tout a coup, ô terreur! s'elançant des autels.
Le feu sacré saisit sa belle chevelure ,
De son auguste firent embrase la parure ,
Son bandeau, sa couronne , éclatans de rubis,
Parcourt en pétillant ses superbes habits,
D'un brûlant tourbillon l'embrasse tout entière.
Et le temple étonné lesplendit de lumière.
L'Augure est consulté : « Ce présage certain,
* Annonce , répond-il , un illustre destin j
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*7» ^NEIDOS LIBER VIL r. tu
At rez , sollicitas monstris, oracnla Fatuii
Fatidki genitoris adit, lucosque sob alla
Consulit Albuneâ, nemorum <p» maxima sacro
Fonte sonat, saevamqae exhalât opaca mepbitim.
Hinc Italae gentes, omuisque Œnotria tellus,
In dubiis responsa petunt. Hue dona sacerdos
Qaum talit , et essarum ovnim snb nocte aient*
Pellibns incubuit stratis, sonmosque petirie,
Muha modis âmulacra yidet volitantia mûris f
Et varias audit yoces , frinturque deoram
Colloquio , atque imis Acheronta affatur AyenÛK
Hîc et tum pater ipse petens responsa Latûms
Centum lanigeras mactabat rite bidentes,
Atque harum effiiltus tergo stratisqae jacebaf
Yelleribus. Subita ex alto vox reddita luco est i
Ni pete connubiis natam sociare Latinis >
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t. 2o5. UENÊIDE, LIVRE Vît i7i
a Mais ce feu merveilleux , propice h Lavime,
» D'an vaste embrasement menace l'Amollie, »
Latinna s'épouvante; au temple paternel
H yole du dieu Faune interroger l'autel,
Perce la sombre nuit de l'antique Albunée
Qu'entoure un noir marais d'une onde empoisonnât,
Et dont les flots sacrés, épanchés en torrent,
Font retentir des bois aussi yieux que le temps.
La, cent peuples divers , cent nations lointaines
Viennent chercher du sort les réponses certaines;
La, quand le prêtre aux dieux a présenté ses dons,
Et des béliers sacrés arraché les toisons,
Quand son corps assoupi presse leurs peaux sanglantes,,
n voit dans son sommeil mille formes errantes,
II écoute leurs voix, commerça avec les dieux,
Interroge l'enfer, et fait parler les deux.
Le roi pénètre au sein de ces forêts antiques,
Presse pendant la nuit les toisons prophétiques»
Attend l'auguste oracle , et soudain une voix
Arrive jusqu'à lui du. silence des bols ;
a Mon fils , chez les Latins ne choisis point un gendre-*.
» Un étranger viendra ( ton sort est de 1 attendre , J
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if 4 ANÈÏBOS LIBER VIL V.97:
0 mea progenies, thalamis neu crede paratis :
Externi yeniunt generi, qui sanguine nostrum
Nomen in astra ferant, quorumque ab stirpe nepotes
Omnia sub pedibus, qua sol utrumque recurrens
^dspicif oceanim, verlique regique yidebunt.
Haec responsa patris Fauni, monitnsque silenli
Nocte datos, non ipse sao premit ore Latînus;
Sed circum latè yoEtans jam fama per orbes
Ausonjas tulerat, qoum Laomedontia pubet
Gramineo ripa roligayit ab aggere classem.
^Eneas, primîqae duces, et pulcher Iulus,
Çorpora sub ra/nis deponont arboris ait»,
Instituuntque dapes, et adorea liba per herbam
Subjicrânt epulis (sic Jupiter ille monebat),
Et céréale solumpomis agrestibus augent.
Consumptis bk forte aliis , ut yertere moxsus
Exiguam in cererem penuria adegit edendi^
Et violare manu raalisque audaçibus orbem
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r.i*7. L'ENEIDE, LIVRE VII. *7|
a Qui par ses nobles faits , son bras victorieux,
» Portera jusqu'au ciel notre nom glorieux,
» Dont les fiers descendais vaincront plur de contrées
s Que l'astre étincelant des routes azurées
» N'en découvre' sous lui , quand du trône des airs
»11 embrasse les deux, les pôles et les mers.»
Le roi ne cache poûtla fatale réponse 5
Déjà la Renommée a cent peuples l'annonce,
Tandis que les Troyens, vainqueurs heureux des eaux,
Au rivage du Tibre enchaînent leurs vaisseaux.
Dans le Keu le plus frais d'une riche campagne,
Le hëros et ses chefs, et le charmant Ascagne,
Sur la verdure assis, de verdure couverts,
Réparent par des mets les fatigues des mers.
Ces mets ne chargent point une table superbe :
Des gâteaux de froment qu'ils étendent sur l'herbe»
(Ainsi s'accomplissoienl les arrêts du Destin )
Font entr'eux sans apprêts un champêtre feslin ;
Des tributs des vergers leur coupe se couronne,
Et Cerès sert de table aux présens de Pomone*
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i7S -ENEIDOS EIBER Vit r. **5.
Fatalis crusti, patuiis nec parcere qaaclris :
Heus ! etiam mensas consumimus ! inquit Iulus.
Nec plura alludens. Ea vox audita laborum
, Prima tulit finem, primamque loquentis ab or»
Eripuit pater, ac stupefaclns numme pressit
Continua : Salye , fatîs mibi débita tellus ;
Vosquc, ait, o fidi Troj», salvete, Pénates.
Hîc domus, hase patria est Genitor mihi talia, namque
Nunc repeto, Ànchises fatorum arcana reliquit :
Quum te , n ate , famés ignola ad littora vectuni j
Atcisis coget dapibus consumere mensas ,
iTam sperare domos defessns, ibique mémento
Frima locare mana molirique aggere tecta.
H*c erat illa famés; haec nos suprema manebat^
Szitns positura modum.
Qnare agite , et primo laeti cûm lamine soKs
Que loca, qalye habeant homines, ubi mœnia gentil,
VestigemuSj et a porta di versa petamus*
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t.i47. L'ENEIDE, LIVRE VIL 177
Tous les mets épuisés, de ce fatal froment
Leur dent audacieuse attaque Miment ,.
Et leur faim s'accordant avec l'ordre céleste
Des débris de Cérès a dévoré le reste.
Âscagne , a cet aspect, dans un transport soudain i
« Eh quoi! la table aussi devient notre festin ! »
S ecria-t-iL. Ces mots, qu'on eût jugés frivoles,.
Le héros les saisit ; et ces douces paroles
Sont 'pour lui le signai de la fin Je leurs manu
Rempli du dieu par qui sont inspirés ces mots»
« Salut, s'écria-t-il , terre long-temps promise !
» Salut, dieu desTroyens! Plus d'une fois Anchise
» ( J'en avois jusqu'ici perdu le souvenir )
» M'annonça comme un bien ce malheur a venir.
» Mon fils , me disoit-il, si la faim indomptable)
» Un jour en aliment te fait changer ta table,
» Dans ce même moment et dans ces mêmes lieux.
» De1 ton premier abri fais hommage a tes dieux *
» La, de ton sort cruel finira la détresse.
» Ainsi parloit Anchise 5 il me tient sa promesse.
v Oui , je les trouve enfin ces lieux hospitaliers!
9. Voila notre pairie, et rofla nos foyer** *
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»j$ JENEIDOS LIBER VIL v. x55t
fïunc pateras Ubate Jovî, precibusque vocale
^nchisen genitorem, et yina reponite mensU,
Sic deinde efîatns, frondent! tempora rama
ïmplicatj-etGeniuraque loci, primamque deoru»
Tellurem , Njmphasque, et adkoc ignota precatuv *
Flumina : tum Noctem, Noçtisque orîentia signa,
Idaeumque Jovem, Phrygiamque ex ordine matrem ,
Invoca.t, et duplices Cœloque Ereboque parentes*
Hic pater omnipotens ter cœlo clarus ab alto
Intonuif, radiisque ardentein lucîs et aur<r
Ipse manu quatiens ostèndit ab aethere nubera.
Diditur bic subito Trojaua per.agmina rumor , «
Advenisse diem qao débita mœnia coudant
Certatim instaurant epulas, atque omine magnçt
Çrateras laeti statuunt, et yina coronant.
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t. iC+ L'ENÉIDE, LIVRE .VIL ï7j
» Vous donc , dès que le jour tous rendra la lumière ,
» Courez de ce pays visiter la frontière;
» Que sur des points divers nos compagnons épars
» Reconnoissent ses mœurs, ses peuples, ses remparts.
» Maintenant invoquons le souverain du monde;
» Qu'implore' par nos vœux Aflchisé nous reponde ,
» Et que Bacchus pour nous prodigue sa liqueur. 4
Il dit , et l'allégresse a ranime' leur cœur.
Lui, le front couronne' d'une feuille légère,
Adore de ces lieux le pouvoir tutelaire,
La terre qui naquit avant les autres dieu/ j
Les fleuves , les forêts , inconnus a ses jeux ,
Et la nuit ténébreuse , et ces flambeaux nocturnes
Qui déjà commençoient leurs courses taciturnes,
Jupiter honoré soi les monts Idéens ,
Cybèle a jamais chère aux peuples Phrygiens ,
Qui $ tous deux protecteurs de la grandeur troyenne,-
Un jour protégeront la puissance romaine,
Et ceux dont il naquit, couple auguste, immortel,
Anchise dans l'Érète, et Vénus dans lé ciel.
Comme.il parloit encor, d'un coup de son tonnerre
Le •roi des dieux s'annonce , et lai-mime ji 1« terni
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i«» JENEIDOS LIBER VII. ?. 14a.
Postera (juutn prima lustraBat kmpade teira»
Orta dies, urbem , et fines, et littora gentis,
Dirersi explorant : haec fonds stagna Numici,
Hune Tbybrim fluvmm , hîc fcrtes babitare Latinoa. •
Tum satas Anchisâ delectos ordine ab omnî
CeDtum oratores angnsta ad mœnia régis
Ire jubet, rainis Yelatos Palladis omnes 5
Donaque ferre viro, pacemque ezposcere Tenais.
Haud moraj fesbnant jnssî, rapidisqae feranttiE
Passiba* : ipse bumili désignât mœnia fossa,
Moliturque locum ; primasque in Uttore sedes,
Castecran in mertm, puais atçue aggere àti$it
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v.ioi. L'ENÉIDE, LIVRE VIL 181
Il montre et fait briller dans l'éclat d'un ciel pur
Un nuage éclatant d'or', de pourpre et d'azur.
Aussitôt dans les rangs des fiers enfans de Troie
H se répand un bruit qui les remplit de joie :
Le jour est donc venu de bâtir leurs remparts!
L'espérance au front gai brille de toutes parts ;
Partout nouveaux festins et nouvelles offrandes,
Et la coupe a pleins bords s'entoure de guirlandes,
A peine dans les deux F Aurore de retour
Reprenait ses flambeaux et rallumoit le jour ,
On part, on se répand sur ces nouvelles plages;
On reconnoit les lieux , le fleuve, les rivages;
La, c'est le Nnmicus et les champs Lanrentûis;
Voua le Tibre; ici sont les murs des Latins,
Des Latins distingués par leur fierté guerrière.
Alors , pris dans les rangs de son armée entière ,
Cent députés trojens , dont Enée a lait choix,
! Ont ordre de marcher vers la ville des rois.
Chargés de riches dons , l'olivier pour couronne ,
Us volent accomplir ce que leur chef ordonne.
Enée alors prélude a sts remparts nouveaux ;
LuHnéme a ses Trbyens en prescrit les travaux :
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J»2
iENEIDOS LIBER VII. t. ifc>.
Jamqne îter emensi, turrçs ac tecta Latinorura
Ardua cernebant juvenes, muroque subibaut.
Ante urbem pueri et primaevo flore juventus .
Exercentur equis, domitantque in pnlvere currus,
Aut acres tendunt arcus, aut lenta lacertis
Spicnla contorquent, cursuque ictuque lacessanl:
Quum prarrectus equo longam régis ad aures
Nunbus ingentes ignotà in veste reportai
Advenisse viros. Ille intra tecta vocari
Imperat, et solio médius consedît arilo.
Tectum augustum, ingens, centnm sublime coluumis
Urbe fuit summâ, Laurentis regia Pici,
Horrendum silris et relligione parentum.
Hîc sceptra accipere, et primes altollere iasces,
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f.*t3. L'ENEIDE, LIVRE VIL i83
Un s31on où le soc a laisse son empreinte
De la cite future a de'signë l'enceinte ;
De remparts de gazon les mars sont entoures;
Sous la forme d un camp ils croissent par degrés. .
La troupe arrive enfin, et de la capitale
Déjà s'offre a leurs yeux la pompe impe'riale ;
Us approchent des murs. Là de jeunes guerriers
Guident des chais poudreux, domptent de fiers coursiers,
La lance ou Tare en main signalent leur adresse,
Et disputent d'ardeur, d audace et de vitesse.
L'un d'eux , aiguillonnant un coursier généreux ,
Vers son auguste roi vole , arrive avant eux,
Dit aue des inconnus d'une haute stature,
Etrangers de langage , e'trangers de parure,
Demandent audience. Exempt d'un vain orgueil,
Le prince les admet , leur fait un doux accueil ,
Et monte sur le trône où siegeoient ses ancêtres.
Digne de ce grand peuple , et digne de ses maîtres ,
Dans les airs s'elevoit son palais somptueux ,
De Picus son ayeul séjour majestueux.
Cent colonnes de marbre en pompe l'environnent •
D'un bois religieux les arbres le couronnent ,
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i84 JENEIDOS LIBER VIL v. x74,
Regibus onaen erat ; hoc Mis curia templum;
Hae sacris sedes epulis ; liîc, ariete c»ie ,
Perpetuis soliti paires considère menas.
Quin etiam veterum effigies ex ordine avorum
Antiquâ e cedro , Italusque, paterque Sabinos
Vitisatcr, curyam servans sub imagine falcem,
Saturnusqae senex, Janiqae hifrontâ imago,
Vestibulo adstabant; aliîque ab origine reges
Martia qui ob patriam pugnando ruinera passi.
Multaque praeterea sacris in postibus arma;
Captivi pendent currus , curvffque secures ,
Et crista capitum, et portarum ingentia claustra,
Spiculaque , clypeiqoe , ereptaque rostra cariais.
Ipse Quirinali lituo parvâque sedebat
Succinctus trabeâ, lœyâque ancile gerebat
Ficus, equûm domitor; qnem capta cupidine conjux
Aureâ percussjim virgâ, versumque yenems,
Fecit avem Circe , sparsitque coioribus alas.
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v. i3S. tfÉNEI&E, LIVRE VU. i85
Qui depuis trois cents ans, pleins d'oie sainte horrev,
Ainsi que le respect inspirent la terreur:
Les rois y sont des dieux , ce palais est un temple.
La, le front prosterné, la nation contemple
Ses princes recevant , pour la première fois 9
Les faisceaux souverains et le sceptre des rois.
Là, lorsqu'un saint usage en pompe renouvelle
D'un bélier immolé l'offrande solennelle ,
Les premiers de l'état sur leur siège exhaussés ,
Près d'une table immense en ordre sont placés.
La, d'un peuple fidèle éternisant l'hommage,
Le cèdre de leurs rois a conservé Wteage;
Italus, Safemus, qui, 1« serpette en main,
Annonce que la vigne est son bienfait divin ;
Saturne , dieu du temps; Janus aux deux visages;
Cent autres souverains dont les mâles courages
Ont affronté la mort pour sauver leur pays ,
D'un vestibule immense occupent les lambris.
A l'entrée on voyou des nations soumises
Les drapeaux déchirés, et les portes conquises:
La , des chars fracassés, du fer courbé des faux,
Des panaches flot tans, de l'airain des vaisseaux,
iG...
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I
iU jENEIDOS LIBER VIL y. 132.
Tali intus terapto diyùm , pttr&que Latums
Sede sedens, Teucros ad sese in tecfa vocavil ;
Âtque base ingressb placîdo prior edidit ore:
Dicîte, Dardanidae, neque enim nescimus et urbem
Et genus, auditlque adyertitis aeqaore cursum,
Quid petids f qu» causa rates, aut cujus egeete»-
Littu* ad Àusomum tôt per yada cœrula vexit ?
Sîye errore vise, seu tempestatibus aclî,
(Qualia multa mari uauts patiuntur in alto) .
Fluminis intrastWnpas, portuque sedetis;
Ne fiigite bospilium; neve iguorate Latiuos
Saturai gentem, haud yinclo nec legibus xquam^
Sponte sua, veterisque dei se more tenenlem.
Àtque equidem memini (fama est obscurior anois)
Auruncos ita fetre senes j his ortus ut agrâ.
Dardanus IdaVas Phr ygiae penetr ârit ad urbér. ,
Threïcîamque Samum, quae nuncSamotbracîa fertur..
Hinc illum Corytbi Tyrrhenà ab sede profeclum ,
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f.257. L'ENEIDE, LIVRE VII. 187
El des arcs détendus , et des lances oisives
Pendoient pompeusement les dépouilles captives.
Lui-même, s'appuyant sur son sceptre augurai,
Dans sa courte tunique, ornement martial ,
Un bouclier an bras, de la porte sacrée
Pîcus, son noble ayeul, ornoit l'auguste entrée;
Ficus, qui des coursiers savoit dompter l'essor.
Circe Faimoit ; Circé de sa baguette d'or
Le toucha , le vêtit de ses plumes nouvelles.
Et de riches couleurs elle émailla ses ailes.
C est la , c'est dans ces lieux , où brillent a la fois
La majesté des dieux et la grandeur des rois,
Que , sur son trône assis , le vieux roi de Laurent*
Admet les Phrygiens , et , d'une voix touchante :
« Enfans de Dardanus ( car je n'ignore pas
» Votre nom , voire ville , et vos trop longs combats),
» L'éclat de votre gloire , a qui tout éclat cède,
» Dans mes vastes états, dès long-temps vous précède.
» Quel est votre dessein ? et que puis-je pour vous ?
» Sojt qu'un astre trompeur , soît que l'onde en courroux.
» Ait pousse' vos vaisseaux dans les ports d'Ausonie,
» Troyens , que de vos cœurs la crainte soit bannie.
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Ï88 ^NEIDOS LIBER VIL v. %icl
Aurea nanc solio stcllantU regia coli
Accipit, et namerum diyoruni altaribas aàék.
Dixerat; et dicta Bioneus sic voce secutus :
Rex, genus egregîum Fauni, nec fluctibui actos
Atra subegit biems vestris succedere terris ;?
Nec «dus régions vis littusve fefelEt.
Consîlio banc crimes animisque yolentibus «rbem
Afferimur, pulsi regnjs, quae maxima quondam
Eztremo yeniens sol adspiciebat Olympo.
At Joye principîura generis ; Joye Dardana pubes
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v. 279* L'ENEIDE, LIVRE VII. 1*9
» Les Latins sont fameux par l'hospitalité' :
»Enfans du vieux Saturne, eu eux l'humanité'
» N'est pas le fruit des lois ; leur bonté* volontaire
» Soit de leur premier dieu l'exemple héréditaire.
» Je m'en souviens eacor : quelques vieillards Toscans
» (Mais leur récit se perd dans la nuit des vieux ans )
» M'ont dit que Dardanus , enfant de l*Etrurie ,
» Pour la Thrace autrefois déserta ^a patrie ,
»Y choisit son séjour, et des champs Thracicns
» Transporta ses foyers sur les monts Phrygiens.
» Et maintenant ce prince , adore' dans l'Asie,
» Partage avec les dieux la céleste ambroisie. »
Il dit : Hionee en ces mots lui repond :
« Noble sang de Faunus, si des mers d'Hellespont
» Les Truyens sont venus sur cet heureux rivage ,
» Non , ce n'est point l'effet d'une erreur , d'un orage,
o Ni d'un astre ennemi l'aspect insidieux;
» C'est notre propre choix qui nous porte en ces lieux ,
s» Malheureux, exiles d'une terre féconde ,
» Et des plus grands e'tats qu'ait vus l'astre du monde.
» Dardanus , les Troyens sont nés de Jupiter ;
» Sorti du même sang, de nos rois le plus cher ,
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190 iENEIDOS LIBER VII. v. zso.
Gaudel avo : rex ipse, Joyis de gente sopreinâ,
Troïus jEneas tua nos ad limina misiL
Quanta per Idaeos saeyis effusa Mycenia
Tempestas ierit campos, quibus actus uterqac
Europs atque Aaia fatît concurrent orbîs ,
Audiit , et si quem tellus extrema refuso
Submoret oceano, et si quem extenta plaganun
Quatuor in medio diritnit plaga solis iniqul
Diluvio ex illo tôt yasta per squora vectî,
Dis sedem exiguam patriis, lktusque rogamus
Innocuum , et cunctîs undamque auramque patentent
Non erimus regno îndecores; nec vestra fèretur
Fama levis, tantiye abolescet gratia factl;
Nec Trojam Àusouios gremio excepisse pîgebit»
Fafa per Maem juro , dextramque potentem,
Sive fide, seu quis bello est expertus et armis;
Multi nos populi, multas (ne temne quod ultro
Praeferimm manibus rittas ac verba precautia)
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t. soi. l^neide, livre vil «p
ȃne'e , en supplians devant fous nous envoie.
» Hélas ! vous connoissez les desastres de Troie :
» Qui ne les connoît pas ! et ce peuple lointain
» Qu embrase de ses feux le climat africain,
» Et ceux que le soleil sons les glaces de l'Ourse
» D'un rayon plus oblique éclaire dans sa course ,
» Tous ont su ouel orage et quels flots débordes
» Mycènes a vomi dans nos champs inondés ,
» Et comment , dans leur fière et longue jalousie ,
» On vit s'entrechoquer et l'Europe et l'Asie.
» Depuis ce choc affreux , dont trembla l'univers,
» Poussés de rive en rive , errans de mers en aem,
» Aujourd'hui nous venons , sur ce nouveau rivage , .
» Des biens communs à tous réclamer le partage :
» L'eau, l'air, un simple abri, voila tous nos souhaits.
» Vous ne rougirez point un jour de vos bienfaits :
» Peut-être vos secours vous vaudront quelque gloire;
*> Et notre cœur jamais n'en perdra la mémoire :
» J'en jure par Enée , oui , j'atteste ce hras"
» Fidèle dans la paix , vaillant dans les combats ,
9 Vos dons seront payés, et Laurente avec joie
* Un jour s'applaudira d'avoir accueilli Troie.
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i9a jENEIBOS LIÈER VIL v. *38.
Et petiere sibi et volttert adjufigere gestes.
Sed nos fata deûffi Vestras exquirere terras
Imperiîs egêre suis, ffinc Dardanns ortus
Hue rçpetit 5 jussisque ingcnt2>u5 urget Apollo
Tyrrhenum ad Thybrira et fonds fada sacra Nnmici.
Dat tibi pr&terea fortnnœ parya prions
Mimera, reliquias Trojâ ex ardente receptas.
Hoc pater Anchîses anro libabat ad aras :
Hoc Priamî gestamen erat $ qoum jura rocatis
More (kret popuks; sceptatmqne, sacerque Haras,
ïliadumque labor vestes.
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r.3«3. L'ENÉIDE, LIVRE Vil >95
» Si nous venons ici devant son souverain ,
»La prière a la bouche et l'olive a là main ,
s Ce n'est pas que le sort bous laisse sans asile :
»Plos d'un fier potentat a son peuple, a sa ville
» À voulu reunir de malheureux proscrits ,
» Nobles dans leurs disgrâces, et grands dans leurs débris,
» Mais les dieu* sur yos bords ont guidé notre course >
» Le sang de Dardanus vient retrouver sa source ;
» Et , si j'en crois Delos , le sacre Niunicus
» D'accord avec le Tibre attend nos dieux vaincus.
» Vous, daignez recevoir ces restes de Pergamç
» Avec peine arraches a notre ville en flamme ;
» Acceptes ces débris dune antique splendeur ,
» Monuinens d'infortune ainsi que de grandeur:
» Dans cette coupe d'or, aux dieux alors propices
» Auchise présentoit le vin des sacrifices ;
» Lorsqu'aux jours solennels, comme nos premiers rois,
» Aux peuples convoqués Priam donnoit des lois,
» Ce, manteau , cet habit du plus grand des monarques,
» De son pouvoir royal étoie st les nobles marques ;
» Ce sceptre dans ses mains fut long-temps révéré;
» Ce riche diadème ornoit son front sacré;
'7
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i94 ^NEIDOS LIBER VIL y.*49.
Talibus Ilioneî diclis, defixa Latinus
Obtutu tenet ora, soloque immobilis hœret,
Iatentos volyens oculos : nec purpura regem
Pictamoyet, nec sceptra movent Prîameïa tantum,
Quantum in connubio nat® thalamoque moratur :
Et veteris Fauni yolyit sub pectore sortent.
Hune illum fatis externâ ab sede profectum
Portendi generum , paribusque in régna yocari
Auspiciis; buic progeniem yîrtute futuram
Egregiam, et totum <ju» viribus occupet orbem.
Tandem laetqs ait : Dî nostra incepta secundent,
Augnriumcnie suum. Dabkur,Trojane, quod optas»
Muiiera nec sperno. Non vobis, rege Latino,
Diyïtis uber agri Trojaeye opulentia deerit
Ipse modo JSneas (nostri à tanta cupido est,
Si jungi hospitio properat , socinsqae vocari),
Adyeniat; vultus neye exhorrescat amicos.
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v. 345. L'ENEIDE, LIVRE VIL 19$
«Des femmes de son sang ces 1 issus sont l'ouvrage.»
De l'orateur troyen tel e'toît le langage.
Le roi l'entend d'un air profondément rêveur..
Ces trésors, ces présens touchent bien moins son cœur
Que les grands intérêts de sa noble famille ,
El l'oracle de Faune , et l'hymen de sa fille.
Le Toïa , se dit-il , ce héros tant promis ,
A qui doit cet empire un jour être soumis ;
Celui de qui la race , en conquêtes féconde %
A son vaste pouvoir doit asservir le monde*
Enfin ^claircissantson front majestueux :
«Non , vous ne* formez pas des vœux présomptueux :
» Puisse le juste ciel accomplir son présage !
» Je sais de vos présens apprécier l'hommage.
• Troyens, je vous promets dans ce séjour nouveau
» Des champs non moins féconds, un destin non moins beau.
» A votre illustre chef si ces lieux peuvent plaire,
» Qu'il vienne , il touchera ma main hospitalière ,
» Je toucherai la sienne ; et ce traité suffit.
» Vous, courez lui porter ce 'fidèle récit
» Qu'il sache mes projets: une jeune princesse,
» Le fruit de mon hymen , l'objet de ma tendresse,
17..
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196 jENEIDOS LIBER VII. v.«66.
Pars miki pacû erifc dextram tetigisse tyran».
Vos contra régi mea Bimc mandata rtifert*.
Est inihi nata, viro gentis quam jungere nostrae,
Non patrlo ex adjto sortes, non plurima ccelo
Monstra auront : generos externis affore ab ©ris,
Hoc Latio restare cannât, qui sanguine nottrnm
Nomen iil astra ferant. Honc Slnn poscere fata
Et reor, et, si quid yen mens augurât, opte.
flaec effatus, equos numéro pater eBgit omnï :
Stabant ter centnm nitidi in prasepibus altîs,
Omnibus ejteinpfo Tencri» jubel ordiae daci
Insfratos optro altpedes pictisque tapetis.
Aurea pectoribus demissa monîlia pendent ;
Tecti auro , fulvum mandunt sub dentibus aumm.
Absenti Jî&ea? currum ggminoiqne égales,
Semine ab œtherio, spirantet manku ignftflft,
Dlorum de gente patri quos Daedala Cirée
Supposirâ de matre notbos furata ereavît.
D,g,t,zedby GoOgle
v.M7. L'ÉNBfDE, LIVRE VIL 197
» Si j'en cru» le Destin , l'oracle paternel ,
» Et les signes nombreux des volontés du ciel y
» Doit ( et rien n'en sauroit changer la loi sévère)
» Recevoir on e'ponx d'une race étrangère.
» Sans doute ils m annonçoîent le héros dHion 5
» C'est lui qui jusqu'aux deux doit porter noire nom :
» Oui ye est lai 5 je le crois, j'en chéris l'espérance ,
» Et mon pressenti»* nJt m'en donne r**suranc». »
Il dit , et fait choisir ses coursiers les plus beaux :
L'orgueil de ses haras , Unis cents jeunes chevaux
Ornoient d'un double j?ug leur superbe demeure*
À chacun desTrojens on amène sur l'heure
Un coursier dont les vents u'egaloient pas l'essor:
Sur leur large poitrail descend un collier d'or;
L'or couvre leurs harnois, et leur fierté* farouche
Obéit nifimn d'or qui gourmande leur bouche.
Four leur monarque absent part un couple pareil
De coursiers , nobles fils des coursiers du soleil.
Us traîneront son char dans les champs de la guerre j
La fille du soleil les créa pour la terre :
*7~
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198 JENEIDOS LIBER VIL v.a84.
Talibus JSneadae dénis dictisque Latini
Sublimes in equis redeunt, pacemque reportant.
Ecct autem Inachiis sese referebat ab ArgU
Sava Jovis conjui , aurasqne invecta tenebat ;
Et laetum iEnean classemque ex aethere longo
Dardawam Siculo prospexit ab usque Pachyno.
Moliri jam tecta ridet, jam fîdere terra,
Deseruîsse raies : stetit acri fixa dolore.
Tum, qiïassans caput, haec efiundit peetore dicta:
Heu stirpem invisam ! el fatis contraria nostris
Fata Pbrjgum ! num Sigeis occumbere campis,
Num capli potuere capi ? num incensa cremarit
Troja yiros? médias acies-mediosque per ignés
Invenere yiam. Àt, credo, mea numîna tandem
Fessa jacent, odiis aut exsaturata qtrieyi
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v.387. L'ENEIDE, LIVRE VIL ity
Elle-même soumît , par un heureux larcin,
Uue mère mortelle a l'étalon divin ;
Et les chevaux issus de ce noble adultère
Soufflent encor le feu des chevaux de son père.
Montes sur leurs coursiers les Troyens satisfaits
Partent, et vont porter ces promesses de paix.
Dans ce moment, des dieux l'impitoyable reine
Quittent sa chère Argos. L'oeil perçant de sa haine ,
Des monts delà Sicile aux bords Laviniens,
Voit triomphante au port la flotte des Troyens ;
Elle les voit, heureux, vainqueurs et pleins de joie,
Ebaucher les remparts de la nouvelle Troie,
Confier leurs destins a ces climats nouveaux ,
S emparer de la terre , et triompher des eaux.
Troublée a cet aspect, la déesse s'arrête
Les yeux e'tincelans, et secouant la tête :
« 0 racé que je hais, infâmes Phrygiens !
«Leurs destins osent donc lutter contre les miens !
» Je les ai faits captifs , et ce vil peuple est libre !
» J'armai contre eux les mers, les voila dans le Tibre !
» Quoi ! ni leurs murs croulans n'ont pu les e'eraser,
» Ni leurs remparts en feu n'ont pu les embraser i
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a»» JENEIDOS LIBER VIL y.aj^.'
Quin ctiam patrià excnuos infesta per nndas
Ausa sequi, et profbgts toto me oppontre ponte.
Absumptae in Teucros vires cœlique marisque.
Quid Syrtes, aut Seylla mini, quid vasta Cbarybdis
Profuit? optais conduntnr Tbybridis alveo,
Secori pelagi, afcqne mel Kaw perde» geste»
Imraanem Laphfc&in raluk : conceffit in iraa
Ipse deûm antiquam genitor Calydona Diana.
Quodscelus aut Lapitbas tantum,aut Calydona mereatem ?
Ast ego, magna Joyis conjux, nil b'nquere inausum
Qux potui rafeKi, tpm «émet in onoia veiti,
Vincor afc Jfineâ. QuM « mea mmina non mat
Magna saris,dubitembaudequi<îemmipJorareqood uxptam et
Flectere si nequeo Superos* Acberonia movebo,
Non dabrtur regnis (esto) probibere Laiiuis,
Atqne immota roauet foi* Lavinb conjm :
At trahere , atqim moras tantu Irai adUere rebas ;
At licet amborum populos exsdndere regum.
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*4*9. L'ENÉIDE, LIVRE VII. î»i
» Ma haine apparemment a manqué de constance :
» Lasse enfin, j'ai laissé reposer ma vengeance.
» Que dis-je ? j'ai traîné leurs débris sur les mers ;
» Contre eux j'ai fatigué l'eau, la terre et les airs :
» Que m'ont servi la terre , et les cieux , et les ondes,
» Et l'horrible Carybde , et ses roches profondes?
»Les voila dans le port, sans péril, sans effroi,
» Fondant leurs murs nouveaux, bravant la mer et moL
» Où doue est mon pouvoir? Quoi ! le dieu de la Thrace
» Aura pu du Lapithe exterminer la race ;
» Diane a ses fureurs immoler Calydon :
» Eh ! quel crime a ces dieux défcndoit le pardon?
» Jupiter permit tout ; et moi, moi son épouse ,
»Moi la reine des dieux , dont la fureur jalouse
d A pris, imaginé , lassé tous les moyens ,
» Malheureuse , il m'immole h ce mi des Tro yens !
» Eh bien, si j'ai perdu ma suprême puissance ,
»H n'est rien qu'aujourd'hui n'invoque ma vengeance»
» Cherchons-nous des appuis dans un autre univers :
» J'ai contre moi les cieux, j'armerai les enfers.
» Je ne puis leur ravir le sceptre d'Ausonie ,
«Mais je puis arrêter l'hymen deLavinie,
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10a iENEIDOS LIBER VIL v. 317.
Hac gêner atque socer coëant mercede suorum.
Sanguine Trojano et Rutulo dotabere, virgo ;
Et Bellona mauet te pronuba. Nec face tantùm
Cisseïs pragnans ignés enixa jugales ;
Quin idem Veneri partus suus, et Paris alter,
Funestacpe ilemm récidiva in Pergama tsdae.
Hac ubi dicta dédit, terras borrenda petiyit
Luctifîcam Alecto dirarum ab sede sororum
Inferaisque ciet tenebris; cui tristia bella,
ïraeque j insîdiaque, et crimina noxia cordL
Odit et ipse pater Pluton, odere sorores
Tartareae monstrum : tôt sese vertit in ora,
Tam savae faciès, tôt pullulai atra colobris.
Quam Juno bis acuit verbis, ac talia fatnr :
Hune inibi da proprium , virgo sala Nocte , laborem ,
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t. 45i. t'ÉNEIDE, LIVRE VIL io3
»Maîs je puis différer cette grande union,
» Mais je pus séparer Laurente dllion.
» Que tous deux de leurs rois paîront cher l'alliance!
•Qu'un double châtiment venge une double offense :
«Oui, des torrens de sang, fille d'un faible roi,
» Voilà l'affreuse dot qne j'apprête pour toi.
» A ton sanglant hymen que Bellone préside.
«Hecuben'apas seule, en sa couche homicide,
» Enfante le flambeau de la division ;
» Venus a son Paris pour une autre Hion;
» Enee embrasera la nouvelle Pergame ,
» Et ma haine deux fois aura vu Troie en flamme. »
Sur la terre, a ces mots , la déesse descend;
Elle ordonne : Alecton sort a son cri puissant,
Àlecion qui se plaît au meurtre , aux incendies , .
Aux Aires trahisons, aux basses perfidies;
PJoton même son père et ses barbares sœurs
Ont en horreur ce monstre et ses lâches noirceurs ;
Tant ses traits sont hideux , tant son ame est cruelle,
Tant ses affreux serpens fourmillent autour d'elle !
«Viens , fille de la nuit , dit Junon ; viens , sers moi,
» Sers ma juste vengeance : elle a besoin de toi.
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26i JENEIDOS LIBER VIL *.332.
Hanc operam; ae noster bonos mfractare cedat
Fama loco; neu connubiis ambire Latrânrti
Mùezia posant , Italosve obsidere fines. '
Tu potes unanimos armare in prœlia fratres,
Atque odiii versare domos : ta verbera tecds
Fanereasque ffiferre faces : tiK nomina mille ,
Mille nocendi artes : fectradum concute pectnf ,
Disjice compositam pacem , sére crimina belfi :
Arma relit , poscatque simul , rapiatque juventus.
Exin Gofgoneis Àlecto infeeta venfcuis
Frincipio Latiam et Lattentb tecta tyranni
Celsa petit, tâcitumque obsedit limen Artiste :
Quam super adventu Teucrûra , Turûique hymenaeis,
Femineae ardentem curaeque iraeque coquebant.
Huic dea.caeruleis unum de crinibus anguem
Conjicit, inque sinuni prascordià ad intinla subdit,
Quo faribunda tfcmum monstro pemûsoeat omncm.
Ble inter vestes et levia pectora lapsus
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y, 453, L'ENÉIDE, LIVRE VIL *of
» La haine à ton aspect s'empare des familles;
» Devant toi plus d'époux , ni de sonrs » ni de filles ;
» Tu tiens les fouets vengeurs, les funèbres flambeaux ;
» Tu détruis les palais , tu creuses les tombeaux :
» Va, cours , romps cet hymen où leur espoir se fonde ;
» Fouille dans les trésors de ta rage féconde;
» Épuise tout ton art, déchaîne tout l'enfer;
» Toi-même fege , aiguise, ensanglante le fer;
» Arme tout* confonds lont ; c'est Junon qui l'ordonne. »
Empreinte des poisons de l'horrible Gorgone 7
Âlecton prend l'essor, vêle an palais des ras,
Pénètre jusqu'aux lieux où pleurant a la fois
Et l'affront de Turnus, et le triste hymenee
Qui remettra bientôt sa fille au bras d'Énee,
Nourrissant en secret dans son cœur déchiré
Les cuisantes douleurs de l'orgueil ulcère*,
Dans ses dépits ainers, Amate solitaire
Et s'indignoit en reine , et ge'missoit en mère,
Alecton d'un serpent arme aussitôt sa main,
Le lance sur Amate , et le plonge en son sein ;
m. 18
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ao6 ^NEIDOS LIBER VU. t. 35o.
Volvitur attactu nullo, fellitque furentem,
Vïpeream inspirans animam : fit tortile collo
Aurum' ingens coluber ; fit longs taenia vittae,
Innectitque comas, et membris lubricus errât.
Ac dum prima lues udo sublapsa yeneno
Pertentat sensus , atque ossibus implicat ignem,
Necdum animas tota percepit pectore flammam,
Molliùs, et solite matrum de more, locuta e«t,
Multa super natâ laciymans, Phrygiisque hymenaeîs :
Exsul2rasne data ducenda Larinia Teucris,
0 genitor ? nec te miseret nataeque, tuique f
Nec matris miseret, quam primo aquilone relînquet
Perfidus, alta petens abductâ virgine , prasdo f
At non sic Phrygias pénétrât Lacedsmona pastor,
Ledaeamque Helenam Trojanas vexit ad urbes?
Quid tua sancta fides, quid cura antiqua tuonun,
Et consanguineo toties data deztera Turno ?
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v.473. L'ENEIDE, LIVRE VIL 107
Entre elle et ses habits d'une course légère
Ce monstre va , revient , la parcourt tout entière ;
Tantôt de ae$ nœuds d'or lui compose un collier j
Tantôt , dans ses cheveux habile a se plier,
En longue bandelette autour d'eux se renoue,
Et sur elle , en glissant , se promène et se joue.
Tant que le noir poison , dans ses accès naissans,
Sans violence encor pénètre tous set sent),
Et que le feu cache' qui déjà la dévore
Dans toute sa fureur n'éclate pas encore,
Mère tendre et sensible , avec un* ton plus doux
Sa gémissante voix implore son époux :
« Helas ! est-il donc vrai ? vous donnes Lavinie
» Au misérable chef d'une race bannie ?
» De grâce , ayez pitié de vous, de mes douleurs,
» D'une fille chérie et d'une mère en pleurs,
» Qu'un ravisseur barbare et prompt a disparaître
» Au premier Aquilon va délaisser peut-être.
» Eh ! n'est-ce pas ainsi qu'un berger Phrygien
» Par nn rapt odieux flétrit le nom troyen?
» Où donc sont vos sermens et tos saintes promesses
t> A Turnus tant de fois comblé de vos tendresses;
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soft «SNEIDOS LIBER VIL v.tfj.
Si gêner esternâ patîtor de geiteLalinis,
Idque sedet, Fannique prémuni te jus» parentis;
Omnem equidem sceptris terrara quae libéra nosfiis
Dis&idet, eitemam reor, et sic dicere diyos.
Et Turpo, si prima damas repetatur orjge,
Inacluis Acrmiuqne patres, mediaque Mycena.
His ubi nfÇuidquam dictis experta Latinum
Contra stare videt, penitùsqqe in viscera Iapsum
Serpentis fariale majum, totamque pererrat j
Tum ver5 infelixtingentibus excita mxmstris,
Immensam «ine iB«ri font lynrpfaata per urbcm :
Ceu qnondam torto volitans sub verbere turbo,
Quem pneri magno in gyro vacua atria circum
Intenti Judo exercent; îlle actus babenâ
Curvatis fertur spatiîs : stupet inscia supra
Impubesqne manus, mirata vplubile buxmn :
Dant animos plagae. Non cursu segnior 3Ii>
Per médias urbes agitur , popnlosque féroces.
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V.49Ï. I/ÉNÉÎDE, LIVRE VIL *ef
» Turnitf , <p unit a vous le sang de mes ayeux ?
» Si l'oracle 4a Faune et les ordres des dieux
» Demandent sn époux d une race étrangère,
» Ne peut-on expliquer cette loi si sévère?
» Tout pays qui n'est pas gouverne' par vos lois ,
» Dans le » ens de l'oracle , est e'trangeV , je crois;
» Et le sang de Turnus sort des rois de Mycènes.»
Tandis çue mu am#ur s'éçwse en plaints vailles , '
Errant dana tout son corps , dëja l'affreux poison
Agite tous ses sens , et trouble sa raison.
Alors , les jeux hagards , pâle , désordonnée ,
A toute sa fureur elle erre abandonnée;
Plus acharnée encor, la déesse la suit.
Tel , sous le fouet pliant qui siffle et le poursuit ,
Roule ce buis tournant dont s'amusç l'enfance;
H court , il ya , relient , sous un portique immense ;
La jeune troupe observe avec e'tonnement
Des cercles qu'il décrit l'agile mouvement,
L'exerce sans relàcbe , et , l'animant sans cesse ,
Par des coups redoubles redouble sa vitesse :
. Ainsi vole la reine , ainsi de tous cotes
Elle porte au hasard ses pas pre'cipiie's.
i8...
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âio 2ENEIDOS LIBER VII. ?.*85.
Quin eliam in silvas, simulato numine Baccbî, v
Majus adorta nefas, majoremqoe orsa farorem ,
Evol*t; et natam frondosis moiïtibus abdit;
Quo thalainum eripiat Teucris, tedasque moretur :
E?oë Baccbe, fremens, solam te yirgine djgDum
Vociferans : etenim molles tibi sumere tbyrso* ,
Te lustrare choro, sacrum tibi pascere crinem.
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v. S*7- L'ENÉIDE, LIVRE VII. m
C'est peu : dans les fkreurs de l'amour maternelle ,
Prétextant de Bacchus la fçte solennelle ,
Furieuse , elle yole a la suite du dieu;
Et sous l'ombrage épais du plus sauvage Beu ,
Pour sauver des Troyens l'honneur de sa famille ,
Dans le fond des forêts elle entraîne sa fille.
« A moi ! s'écrioit-elle : a moi , divin Bacchus !
» Viens, triomphe cTEnée et même de Turnus !
» Layinie est a toi , mon choit te la destine ;
» A sa main virginale unis ta main divine;
» C'est pour toi qu'elle vit, que du tfayrse sacré
a» Elle porte en sa main le pampre révéré;
» Pour toi qu'elle nourrit sa jeune chevelure
» Dont ses premiers sermens t'ont voué la parure;
» Pour toi qu'elle s'unit a nos saintes fureurs ,
» S'associe a nos chants, et se mêle a nos chœurs.
» Viens, dieu puissant! toi seul mérites sa conquête;
» Viens : sa mère t'implore , et son épouse est prête. »
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si* jENEIDOS LIBER VII. r.59*.
Fama yoiat : fwtteque aceeasas peetore matres
Idem omnes «mal ardor agit noya qasrere tecta.
Deseruere démos : yentis dant colla comasque.
Ast aliae tremulis ulalabbus «thera comptent, .
Pampineasqu#gerwrtijaâiMrUpellibashasta&
Ipsa inter médias flagrantes! feryida pinmn
Sushnet , ac natae Turnique canit hymensos ,
Sangiiineam torquens aciem ; ioryumque repente
Clamât : h maires, audite ubi qu&qoe, Lamina?,
Si qua piis animis manei ufelicû Jbaate
Gratia, si juris materai cora remordet;
Solyite criaales yittaa, capîte orgia mecura.
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r. 555. L'ENÉIDE, LIVRE VIL *i5
Le bruit de ses foreurs vole de tontes parts.
Soudain, pour les fonts désertant leurs remparts,
Accourent sur ses pas les femmes d'Ausonie;
Toutes, suivant leur reine , entourant Lavinie ,
Leur chevelure au vent , et le feu dans les jeux ,
Joignent à ses transports leurs transports furieux.
D'autres , que couvre un lynx de sa peau bigarrée,
Agitant un loug tbyrse en leur vain égarée,
Bondissent h sa suite , et remplissent les bois
Bu son rauque et tremblant de leurs lugubres voix.
Une torche k la main , de rage Aincclante,
Amate est a leur tète ; elle vole, elle chante
Et Bacchns, et sa fille, et Turaus son époux;
Puis, tf une voix terrible exhalant son courroux :
« Vous toutes qui portez le nom sacre' de mère ,
» Si vous aimez Amate et plaignez sa misère,
» Si ce saint nom de mère a sur vous quelques droits ,
» Si la nature encor vous parle par ma voix ,
» Venez; qne mes douleurs dans vos cœurs retentissent,
» Qu'a mes cris maternels vos cris se réunissent ;
» Allumez ces brandons, dénouez vos cheveux,
» Mélcz-vous a nos choeurs , joignez-vous h nos vœirx. »
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aU JENEIDOS LIBER Vit v. 4o4-
Talem inter snNras , inter déserta ferarum ,
Reginam Alecto stîmulis agît undique Bacchi.
Postquam visa satis primos acoisse furores',
Consiliumque omnemque domum yertisse Latinî;
Protenus hinc fiiscîs tristis dea tollitur alis
Audacts Rntuli ad uiuros, quam dicitur urbem
Acrisioneis Danaë fondasse colonis,
Pracipiti delata Noto : locns Ardea quondam
Dictas avis, et nunc magnum manet Ardea nomen :
Sed fortuna fuît. Tectis hic Turnus in altîs
Jam medîam nîgrâ carpebat nocte craieterii.
Alectp torvam facîem et furialîa memhra
Emît : in rultus sese transformat anîles^
Et frontem obscœnam rugis arat : induit albos
Cum vktâ crines : tum ramum innectit oJivœ.
Fit Cal ybe , Junonis anus templique sacerdos :
El juyeni ante oculos bis se cum vocibus offert :
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ï. 557. L'ENEIDE, LIVRE VJI. 21B
Ainsi dans les forêts la déesse Inhumaine
Des transports de Bacchus'aiguillonne la reine;
Hideuse , elle sourit a ses propres fureurs.
De la haine déjà le germe est dans les cœurs:
C est assez; elle étend son aile ténébreuse ,
Part, et gagne d'un vol cette cité fameuse
Où du Rotule altier le monarque orgueilleux,
Turnus, fait son séjour : un nom jadis fameux,
Voila tout ce qui reste a la célèbre Ardée,
Que la fille d* Acrise autrefois a fondée.
C'étoit l'heure où tout dort, l'air, la terre et les flots;
Turnus goûtoîi lui-même un paisible repos.
Alors, imaginant un nouveau stratagème,
La fille des enfers cesse d'être elle-même.
Elle devient, au lieu de l'horrible Alecton,
La vieille Calybé , prêtresse de Junon.
Des rides a longs plis sillonnent son visage;
Un reste de cheveux , déjà blanchis par l'âge,
Est orné de festons , couronné d'olivier.
Elle entre, elle se montre aux regards du guerries.
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*,S X «NEIDOS LIBER Vit *«".
Tome, tôt incassùm fosos pabere labores,
Et tua Dafdaniîs transcribi sceptra colonis ?
Rex tibi cQDJugium et quaesitas sanguine Aùtèi
Abnegat, exlernusque in regnuin quaerilur havres.
I nunc, ingratis offer te , irrise, periclis :
TjTrhenaêj i, sterne acies; tege paee Latmos.
H«c adëô tibi me, placidâ quuni nocle jaceres,
Ipsa palam fari omnipotens Saturnia jussiL
Quare âge, et armari pubem , portisque moyen
Laetus in aima para ; et Phrygios, qui flamme pulcbro
Consedere, duces, pictasque exure cannas.
Cœlestum vis magna jubet. Rex îpse Latinus*
Ni dare conjugium, et dicto parère fatetur,
Sentiat, et tandem Tnrnum èxperiatur in annw.
HSc juvenis, yatem irridens, sic orsa vicissim
Ore referi : Classes inyectas Thybridis alyeb
Non, ut rere, meas effiigit nuntius auras ;
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r.57?. L'ENÉIDE, LIVRE VIL u7
«Turaus , tant de travaux seront donc inutile»!
» Dit-elle. A des Troyens errans et sans asiles ,
» Au mépris de tes droits, au mépris de ton rang,
» Passera donc un sceptre acheté par ton sang !
»Latinus choisit donc un étranger pour gendre !
» Ce sang si bien paye , cours encor le répandre ;
» Va, dompte les Toscans, protège les Latins:
» Junon ,-lorsque tu dors , yeîlle sur tes destins ;
» Elle-même vers toi députe sa prêtresse.
» Sors donc de ta langueur, va, yole, le temps presse; *
» Rassemble tes soldats f déroule tes drapeaux,
» Des Troyens dans le Tibre embrase les vaisseaux ,
» Et renverse sur eux leur ville encor naissante : .
» Pars, accomplis des dieux la volonté puissante;
» Et qu'un monarque ingrat , sans courage et sans foi ,
» Sache comment se venge un héros tel que toi. »
D'un souris dédaigneux accueillant la prêtresse,
Turaus repond : «Je n'ai ni frayeur ni foiblesse.
» Déjà je suis instruit que de ces vils Troyens
»Les vaisseaux ont touché les bords Ausoniens~
m. i<)
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n8 JENEIDOS LIBER VIL t. 408.
Ne tantos înibi fiiige meius : nec regia Juno
Immeinor est nostri.
Se3 te vicia situ verique efieta senectus,
0 mater, caris nequidquam exercet., et arma
Regum inter falsâ vatem fannidiûe ludit.
Cura tîbi , divûm effigies et tempbr iueri :
Bella vin pacemque gèrent, queis l>ella gétenth:
Taïïbus Alecto dictis exarsit ia vas.
Ai juveni oranti subitus tremor occupât artus «
Dirigoere oculi : tôt Erinnys sibilat bydris,
Tantaque se faciès aperit. Tuïn flaramea torquens
Lumiua , cunctaatem, et quaerentem dicere plura,
Repulit, et geminos erexit criuibus angues , .
Verberaque insonuit, rabidoque haec addidit ore r
En ego vicia situ, quam yen effeta senecto
Anna inter regum falsâ formidine ludit
llespicQ ad hase : acbum. dirarum. ab sede sororum :
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r,$97. L'ENEIDE, LIVRE VIL *i9
»Maîs Junon veille encor pour un peuple quelle aime :.
«Mon cœur est rassuré , rassurez-voiu vous-même.,
» Votre âge , je le rois, et la caducité
» A tos foibles esprits cachent la vérité ;
» Et, berçant votre cœur de visions crédules,.
»Lui forgent sans objet des terreurs rkhcules.
« Prêtresse , laisses-Ja les querelles des rois ,
» Exercez aux autels vos paisibles emplois :•
» C'est a nous déparier et de guerre et d'alarmes*.
«Reprenez l'encensoir, et laissez-nous les armes, ?
Alecton , a ces mots redoublant de fureur ,
B'un seul de ses regards le glace de terreur,
Arme du fouet vengeur sa main impitoyable;
Ses serpens redressés sur sa tète effroyable,
Poussent tous a la fois d'horribles sifHemens ,
Ses lèvres sont sans voix, ses yeux sans mouvement.
H veut la conjurer; la déesse l'arrête ,
Le repousse en fureur, arrache de saleté
Deux des plus noirs serpens qu'ait engendres 1 enfer,.
Les fait siffler sur lui ; puis d'un sourire amer :
«Ehbien,reconnois-tu la prêtresse crédule
a Que son âge remplit d'un effroi ridicule?
'9*
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2*o -ÏNEIDOS LIBER VIL v. 455.
Bella manu letumque gero.
Sic effata facem juveni conjecit, et atro
Lamine fumantes fixit sub pectore taedas.
011* somnum ingens rompit pavor : ossaque et art as
Ferfundittoto proruptus corpore sudor.
Arma amens frémit; arma toro tectisque reqairit.-
Sœvit amor ferri, et scelerata insania belli,
Ira super. Magno veluti quum flamma sonore
"Çïrgea suggeritur costis undantis aheni,
Exsultantque aestu latices : furit intus aquai
Fumidus atque altè spnmis exuberat amnis :
Nec jam se capit unda; volât yapor ater ad auras,
Ergo iter ad regem, polluta pace , Latinum
Indicit primis juvenum , et jubet arma pararî ,
Tutariltaliam, detrudere finibns hostem;
Se salis ambobus Teucrîsque venire Latinisque.
Hœc ubi dicta dédit ? divosque în vota vocavît^
Digit.zedby GoOgle
y.6in. L'ENEIRE, LIVRE VII. «i
» Regarde , et vois en moi la terrible Alecton ,
» La plus horrible sœur des filles de Pluton.
» Je porte dans mes mains la mort et l'épouvante. »
Elle dit, et lui lance une torche fumante;
La torche vole , siffle , et s'attache a son sein.
Le prince épouvante' seïéveille, et soudain
Se roule dans des flots dune sueur glacée;
B s'agite , il respire une rage insensée :
« Mes armes , mes amis! mes dards , mes javelots ! »
Telle, quand sous l'airain où frissonnent les flots
Un aride sarment en pétillant s'embrase,
L'onde frémit, s'agite et bondit dans son vase,
Et dans l'air exhalant àe$ tourbillons fameux
S'enfle , monte , et répand ses bouillons écumeux :
Telle, quand Latinus détruit son espérance,
Du superbe Turnus s'irrite la vaillance.
Il veut d un prince ingrat attaquer les remparts,
Ordonne que dans l'air flottent ses étendards ,
Qu a sauver l'Italie a lenvi tout conspire ,
Qu'un perfide étranger soit chassé de l'empire. .
Les Troyens , les Latins ne l'épouvantent pas;
Contre deux naliuns il suffit de son bras.
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**% iENEIDOS LIBER VIL v.i7a.
Cerjatim se«e Rutuli exhortaotar in arma.
Hune decus egregîum formas movet atque juy entas,.
Hune atayireges,bunc clans dextera factis, *
Dum Turnus Rutulos animis andacibus implet^
Àlecto in Teucros Stjgiis se concitat alis,
Ârte noya speculata locum quo Kttore pulche*
Insidiis cursuque feras agitabat Inlus.
Hîc subitam canibus rabiem Cocytia yirgp
Objicit, et noto nares contingit odore,
Ut ceryum ardentes agerent : qoas prima laborum
Causa fuît , belloque anîmos attendit agrestes.
Cervus erat forma prœstanti et cormbus ingens 5.
Tyrrhidae pueri quem matris ab ubere raptum
Nutribant, Tyrrheusque pater, cui regîa parent
Armenta, etlatè euttodia crédita carapî.
Assuetum imperiis soror omni SOyia cura
Mollibus intexens ornabat cornua sertis,.
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T.64i. I/ÉNÉIDE, LIVRE VIL *a3
Il dit , court aux autels, présente son hommage ; t
Tout son peuple irrite seconde son courage :
L'un vante en lui ce sang issu de tant de rois,
Celui-ci sa beauté , celui-là ses exploits.
Tandis qu'au fier Rotule , arme' pour sa vengeance,.
L'audacieux Turnus inspire sa yaillance ,
L'horrible Âlecton yole embraser les Troyens ;
Et son art a recours a de nouveaux moyens*
Ce jour , dans les forêts et le long des rivages
Ascagne poursuivoit leurs habitans sauvages ,
Tantôt les surprenant en des pièges adroits,
Tantôt d'un pied léger les suivant dans les bois ;
Et, tandis que ses chiens pleins d adresse on d'sudaee
De leur timide proie interrogent la trace ,
Alecton , tout a coup irritant leur ardeur ,
ï)'un cerf au* front allier leur apporte l'odeur.
Son art fatal ainsi cherche à troubler la terre,
Et donne dans les champs le signal de la guerre»
Les enJans de Tyrrhee , honneur de ces hameaux,.
A qui le roi commit letoin de ses troupeaux,
Avoient , tout jeune encor , dérobe sous sa mère
Cet hôte des. forêts élevé chez leur père.
\
Digitizedby GoOgle
sU ^NEIDOS LIBER VIL Vm %&#.
Pectebatque ferum, purpque in fonte lavabat.
Die, manum patiens, mensaeque assuetus berilî,
Errabat silyis, rursusque ad limina nota
Ipse domum sera quamvis se nocte ferebat.
Hune procul errantem rabidae venanûs Iuli
Commo?êre canes , fluyio quom forte secundo
Deflueret, ripàque aestus viridante leraret.
Ipse etiam, eiimiae laudis succensus amore ,
Ascanius curvo direxit spicula Cornu :
Née deztre erranti deus abfiu't; actaque mullo
Perque uterum sonitu perque ilia venit arundo.
Saucius at quadrupes nota întra tecta refagit,
Successitque gemens stabulis; questuque, cruentus,
Atque împlorantî similis, tectum omne replebat.
Silvja prima soror, palmis percussa lacertos,
Auiilium yocat, et duros conclamat agrestes.
OUi (pestis enim tacitis latet aspera silw's )
Imprtvifl adsunt ; bic torre aroiatiis obusto,
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y. 663. L'ENEIDE, LIVRE VIL 22$
Leurs yeux avec phusir avoient tu sous leurs toits
Croître sa jeune tête et l'orgueil de ion bois ;
Surtout leur jeune sœur, la charmante Sylvie,
En faisoit le plaisir , le bonheur de sa vie :
Elle enlaçoit des fleurs a son iront jeune et fier ,
Choisissent pour son bain le ruisseau le plus clair ,
Le lavoit dans ses flots , le se'choit au rivage,
Tons les jours de sa main peignoh son poil sauvage;
H vivoit a sa table, accouroit a sa voix ;
libre dans la journée, il erroit dans les bois;
Et vers la fin du jour, bondissant d'allégresse,
Lui-même revenoit retrouver sa maîtresse.
Ce jour, comme il suivoit le frais cqprant des eaux ,
Ou reposoit sur l'herbe au bord des clairs ruisseaux ,
Les chiens qui, pleins d'ardeur erroient dans la campagne ,
De cette'belle proie avertirent Ascagne,
Et vers elle leurs cris dirigèrent ses pas.
Soudain , impatient de signaler son bras, -
Vers le noble animal couche sur la verdure
Son arc a fait voler une flèche trop sûre ;
Alecton la guidoit. Le trait part en sifflant ,
El du cerf qui sommeille il va percer le flauo.
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»*$ ANEIDOS LIBER YIL v.Bojs
Slipitis hic gmidi iiodu : quoi crique reportera
Riraanti, telum ira faeît. Vocat agmiaa Tjrrbens^.
Quadrifidam qnercum cuneîs ut forte coactk x
Sciadebai* raptâ spirans immane «ecurw
Àf saeva e spècutts tempus dea nacta nocendt
Ardua tecta petit stabuli, et de culmine summo,
Pastorale calât siguum, cornuque recurjro
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v.685. L'ENEIDE, LIVRE VIL nj
Lui, tout ensanglanté de la fatale atteinte,
Accourt a son asile , et par sa triste plainte ,
Gémissant, l'œil en pleurs, la flèche dans le sein t
De ses maîtres chéris semble implorer la main.
Sylvie entend ses cris • elle accourt la première,
Elle accourt , elle voit la flèche meurtrière ;
Elle frappe son sein, in roque a haute voix
Ses frères, ses amis , dispersés dans les hou*
Àlecton. la seconde» A l'instant tout s'assemble;
Diversement armés ils accourent ensemble:
Ici c'est nn tison tout noirci par les feux ,
La des pieux aiguisés, la des rameaux noueux;
De tout ce qu'il saisit chacun se fait des armes.
Tjrrhée , en ce moment , loin d'eux et sans alarmes,
A l'aide de longs coins enfoncés par son bras ,
D'un chêne déchiré séparoit les éclats ;
D écoute, 0. approche, il apprend son outrage,
Et , la hache a la main , vole brûlant de rage.
Cependant la déesse, avide de malheurs,
Ne perd pas ce moment d'embraser tous les cœurs,
S'élance vers l'étable , et sa bouche infernale
Enfle d'horribles sons sa trompette fatale.
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228 ^NEIDOS LIBER VIL v.5i*.
Tartaream intendil vocem j quâ proteuus omne
Contremuit neraus, et silrœ intonuere profuud»
Audiit et Triyis longé lacus; audiit amnis
Sulfureâ Nar albus aquâ, fonlesque Velini;
Et trépida? maires pressere ad pectora natos.
Tum verô ad vocem celeres, qua buccina signuui
Dira dédit, rapfîs concurrunt undique telis
Indomiti agricole; nec non et Troïa pubes
Àscanio auxilium castris eflundit apertis.
Direxere acies : non jam certamine agresli,
Stipiiibus duris agitur, sudibusye preuslis;
Séd ferro ancipiti decernunt a alraque latè
Horresck strictis seges ensibus, œraqué fulgent
Sole lacessita , et lucem sub nubila jactant :
Fluctus uti primo cœpit quum albescere yenlo,
Pauiatim sese tollit mare, et altiùs undas
Ecjgit, inde imo consorgit ad ajthera fundo.
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v. 7o7, L'ÉNËIDÊ, LIVRE VIL 229
La foret s'épouvante a ces sons mugissans,
Es ébranlent au loin les bois retentissans;
Le Velino frémit dans ses sources profondes ;
Le Nar, au lit de soufre , a suspendu ses ondes;
Tout est dans l'épouvante , et de leurs bras tremblant
Les mères -sur leur sein ont presse' leurs enfans.
Soudain du fond des bois y du sommet des collines,
Volent a ce signal les peuplades latines ;
Tous Ont arme leurs bras endurcis aux travaux.
Le Trcyen, à son tour, de ses remparts nouveaux,
En flots impétueux vole au secours d'Àscagne ;
Leurs bataillons serres ont couvert la campagne.
Ce n'est plus une troupe , une attaque sans art ,
Ou Ton marche sans ordre , où Ton s'arme au hasard
De bois durcis au feu , et de tiges noueuses :
Partout le fer éclate en leurs mains valeureuses;
Partout les javelots, les lances et les traits
D'une horrible moisson hérissent les gueretsrj / . ' "
Et l'airain, du soleil défiant la lumière^
Renvoie au 1 oin Perl at de sa; pompe guerrière :
Tel , lorsqu'un premièf vent ride et blanchit les Sots,
L'Océan par degrés enfle en grondant ses eaux;
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a5o ^INEIDOS LIBER VIL y. 53r.
Hic juyenis primam ante aciera, stridente sagittl,
JNatorum Tyrrhei faerat qui maximu*, Almo
Sternitur : haesit enim sub gutture vulnus, et ud»
Vocîs iter tenuemque incluait sanguine vitam.
Corpora multa yîrum circa 5 seniorque Galssus ,
Dum paci médium se offert, justisâmus unu#
Qui fuit, Ausdniisque olim ditûainms arvis :
Quinque,greges illi balantum , quîna redibant
Ànnenta, et terram ceotum rertebat aratris.
Atque ea per campos aequo dum marte gentatur,
Promissî dea fecta potens, ubî sanguine bellum
Imbuit , et prima commuât fanera pugna,
Deserit Hesperiam, et5 cœli eonyexa per aura»,
Janonem victrix aflatur yoce superbâ :
JEu perfecta libi bello discordia tristi :
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t. 7 «9, L'ENEIDE, LIVRE VU. i3i
H s'agite., 3 bondit dans ses prisons profondes ,
Et jusqu'au ciel enfin lance ses vastes ondes.
On se mêle : aussitôt tombe le brave Almon,
Premier fils de Tyrrhée, espoir de sa maison ;
Et , sortant à grands flots sous la flèche ennemie y
Son sang arrête l'air , la parole et la vie.
Sur ce corps expirant s'entassent mille corps.
Un mortel s'opposoit à ces premiers transports ;
C'est le vieux Galesus , fameux par sa sagesse ,
Et de qui la justice égaloit la richesse 2
Cinq fois vingt socs lassoient ses robustes taureaux %
Dans ses près inugissoient ou beloknt vingt troupeaux-.
Vaine richesse , helas ! répandu par la guerre ,
De cet homme de paix le sang rougit la terre.
Tandis que dans les champs règne un massacre égal ,
Celle qui du carnage a donné le signal ,
Du sang qu'elle a verse' savourant les prémices ,
Se promet en secret de plus grands sacrifices;
Et , «'enorgueillissant de ses heureux essais,
Elle court h Junon raconter ses succès :
« Reine des dieux , dit-elle avec une voix Çère ,
» Mes mains a la Discorde ont ouvert la carrière ;
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*3a .ffiNEIDOS LIBER VIL v.5*6.
Dîc in amidtiam co'eant, et fœdera jungant;
Quandoquidem Ausonio respersi sanguine Teucros.
Hoc eliam his addam, tua si mihi certa Toluntas;
Finilimas in bella feram rumoribus urbes,
Accendamque animos insani Martis amore,
Undique ut auxilio veniant 5 spargam arma per agros.
Tum contra Juno : Terrorum et fraudis abundè est :
Stant belli causas ; pugnatur conunînus armis ;
Quœ fors prima dédit sanguis novus imbuit arma.
Talia conjugia et taies célèbrent bjmenseos
Egregium Veneris genus et rex ipse Latinus,
Te super setherias errare ficentiùs auras
Haud pater ille velit summi regnator Qlympî ;
Cède locis : ego , si qua super fortuna laborum est,
Ipsa regain. Taies dederat Saturnia yoces.
Ula autem attollit stridentes anguibus alas,
Cocytique petit sedem, supera ardua linquens.
Est locus, Italiœ medio sub montibas allis»
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v. ?5i. L'ENEIDE, LIVRE VII. «*33
a Le sang de l'Ausonie a souille les Troyens :
» De la paix maintenant renouez les liens!
» Le fer les a tranches. Si Junon le désire,
» Je ferai plus encor : bien loin de cet empire
» J'irai par de faux bruits , de sinistres rumeurs ,
» De la soif des combats embraser tous les cœurs;
3» Cent cites marcheront de carnage aflamees,
» Et la terre a ma voix vomira des armées.
« —C'est asses, dit Junon; ces préludes heureux
» Me sont un sur garant du succès de mes vœux.
» Un premier sang verse vient de rougir la terre ;
» Bien dans son cours sanglant n'arrêtera la guerre :
» Qu'ainsi traitent ensemble , aux dépens de TuJtmis,
» El le roi des Latins et le fils de Venus*
» Pour ne pas irriter le souverain du monde ,
» Toi, regagne a l'instant ta demeure profonde :
39 Sur le trône des cieux gardons de le braver.
» Va, pars; tu commenças; c'est a moi d'achever. *»
Ainsi parle Junon. La terrible immortelle ,
Secouant les serpens qui sifflent sous son aile,
Four gagner le Cocyte , abandonne les cieux.
Au sein de lltalie , et sous des monts affireuXy
20«.,
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s5* ^NEIDOS LIBER Vil x. 564-
Nobills, et famâ moltis memoratas m oris,
Amsancti valles; densis hune frondibus atram
Urget atrimque latas nemoris, medioque fragosus
Dat sonitnm salis et torto vortice torrent.
Hîc specus horrendvm, «en spiracala Dkk,
Monstratur ; ruptoque ingens Acheronte vorago
Pestiferas aperit fauces, queis condita Erinnys ,
Inyisum numen, terras cœlonKjue leyabat.
Nec minus interea extremam Satorniabeti*
Imponit regina manuni* Rait omnis in nrbem
Fastoram ex acie numéros : cssosque reportant,
Almonem puerain , fœdatique ora Galaesî;
Implorantqoe deos, obtesiaiiturque Latinuo.
Turnus adest, mediocrae in crimine oasdis et ignîs
Terrorem îngeminat; Teucros in régna vccari,
Slirpem admisceri Phrygiam; se limine peHî.
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. 77fc L ENEIDE, LIVRE VIL *5*
S'étend un noir vallon, où des feuillages sombres
Entretiennent l'horreur de leurs épaisses ombres;
Partout l'œil y rencontre un deuil majestueux ;
Sons leur voûte funèbre un torrent tortueux
Roale, et, battant les rocs de ses eaux vagabondes,
Fatigue les échos du fracas de ses ondes.
La, des vapeurs du Stjx empoisonnant les airs,
S'ouvre un antre profond , soupirail des enfers ,
Da sffjour ténébreux épouvantable entrée.
La , dirigeant son vol , la déesse abhorrée
Plonge et dérobe au jour son visage odieux,
Et soulage en parlant et la terre et les deux,
Junon n'en «ùt pas moins ses projets de vengeance*
D'agresles combattons bientôt un peuple immense
Court a Laurente, étale aux yeux épouvantés
D'Almon, de Galesus les corps ensanglantés;
Galésus moissonné dans sa noHe vieillesse ,
Almon pleuré des sic» dans s* tendre jeunesse. *
Tous implorent les dieux , tous conjurentle roi.
Turaus. soudain se montre, et redouble l'effroi :
« Connaissez lesTroyens, dit-il, et leurs victimes; .
» Ces cadavres sanglans déposent de leurs crimes :
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*36 -AENEIDOS LIBER VIL y. 58o
Tum, quorum altonitae Baccho nemora avk maires
Insultant tbiasis, neque enim le?e noinen Àmaiae,
Undique collecti cgjmnt, Marteinque fatigant.
Ilicet kfandum cuncti contra omîna bellum,
Contra fata deûm , pervcrso numine poscunt :
Certatim régis cireuinstant tecta LatînL
Die , relut pelagi rupes immota , resistit ;
[Ut pelagi rupes, magno veniente fragore,]
Quae sese, multls circùm latrantibus undis,
Mole tenet : scopuli nequidquam et spumea circùm
Saxa fremunt, laterique illisa refunditur alga.
Verùm, ubi nulla datur caecum exsuperare polestas
ConsiHum, et sa?» nutu Junonis eunt res,
Multa deos aurasque pater testâtes inanes,
Frangimur, bèu ! fatis, inquit, ferimurque procelli.
Ipsi bas sacrilego pendetis sanguine pœnas ,
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ï.795- L'ENEIDE, LIVRE VIL i*j
» Et ce double attentat reste encor impuni !
» Le trône attend Ene'e, et Turnus est banni ! »
Ces cris ont rallie tous ceux de qui les mères
Accompagnent la reine a ses sacres mystères^
Tous importunent Mars de leurs cris furieux,
Tous veulent des combats réprouva par les dieux.
Les dieux parlent en rain , et la rage l'emporte.
De Latinus en foule on assiège la porte;
Calme, il voit sans pâlir leurs efforts menaçant :
Tel un roc est battu par les flots impuissans;
En vain autour de lui les rents Hguës rugissent ,
En vain contre ses flancs, mille vagues mugissent ;
Lui, taudis qu'a ses pieds fléchissent les roseaux,
Tranquille , et défiant la colère des eaux,
Aux coups de la tempête il oppose sa masse.
Mais enfin , quand il voit leur sacrilège audace
L'emporter sur les dieux qu'il attestoit en vain,
Et la fière Juoon triompher du Destin:
a Dieux, éloignez de nous l'orage qui s'apprête !
» Dit-il : en vain j'ai cru surmonter la tempête ,
» Je suis vaincu. Mais vous, qui renversez l'e'tat ,
» Combien vous paîrez cher votre horrible attentai ï.
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*38 ^INEIDOS LIBER VIL y. 596.
0 mîserî ! le, Turne , nefas , te triste manebii
Supplicium ; yotisque deos yenerabere sens.
Nam mihi parla quies, [ omnîsque în limîne portas ; J
Fnnere felicî spolior. Nec plara locutus^
Sxpât se tecUs,jrerunnpe reliquithabeaas.
Mes erat Hesperio in Latio, qoemproferas urbes
Albans coluere sacrum , nunc maxima rerum
Roma coîif, quum prima movent in prœlia Martem ,
Siye Getis inferre manu lacrjmabile bellum,
Hyrcanisye, Arabtsye parant, seu tendere ad Indos,
Auroramque sequi, Parthosque reposcere signa^.
Sunt gemins belli ports 9 sic nomine dicunt ,
Relligione sacra?, et saeyi formidine Martis :
Centum aerei claudunt vectes, aeternaque ferri
Roboraj nec castes absistit lûnine Janus.
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v.8i7. L'ENEIDE, LIVRE Vit i3*
» Et toi, Tarons, et toi , quels orage» t'attendent l
» Tu n armeras pas où tes fureurs prétendent ;
» Malheureux! tu mourras proscrit , désespère' ,
» Levant trop tard au ciel ton bras déshonore'.
» Pour moi, je touche au port, j'ai fini ma carrière.
» Puisse une protriple mort , abrégeant ma misère ,
» Épargner a mon corar ces tableaux douloureux ,
» Et que je meure enfin d un trépas moins affreux ! »
fi dit; dans son palais tristement se retire ,
Et remet au Destin les rênes de l'empire.
Il fut Sans l'Hesperie un usage sacre';
Long-temps parles Albains on le rit révéré;
Rome le reçut d eux, et le conserve encore :
Lorsqa'en ses murs puissans la guerre est près (Teclcre,
Soit qu'on porte l'alarme aux Arabes errans ,
Soit que, de nos soldats les rapides torrens
Menacent l'Hyrcanie ou les Gèles sauvages,
Soit que de l'Orient inondant les rivages,
Ils volent ressaisir sur leurs fiers ennemis
Nos étendards captifs et nos aigles soumis,
Deux portes qu ontiomma les portes de la guerre ,
Se rouvrant , se fermant , font Je sort de la terre ;
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*4o £NEID0S LIBER VIL y.6r*.
Bas , ufaî certa sedet patribas sentenlia pugnae ,
Ipse , Quirinali trabeâ cinctuque Gabino
Inagnis, reserat stridentia lîmîna consul ;
Ipse vocat pugnas : seqnitar tum cetera pobes,
jEreaque assensu conspirant cornua rauco.
Hoc et tum JSneadîs indicere bella Latious
More jubebatur, tristesqae recludere portas.
Âbstinuit tacta pater, ayersusque reftgft
Fœda mînisteria, et caecis se condidit umbris.
Tarn regina deûm, cœlo delapsa, morantes
Impulit îpsa manu portas , et cardine ?erso
Belli fcrratos rupit Saturnia postes.
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vM9. L'ÉNÉÎDÈ, LIVRE Vit Ht
Janus en est le garde, et Mars le souverain :
Décent barres de fer, de cent verrou d'airain
L'invincible barrière , et plus encor la crainte %
Dn temple redoute' garde a jamais l'enceinte.
Aussi 9 dès que de Mars provoquant la fureur
Le décret du sénat porte au loin la terreur,
Sous les pans bigarres de la toge romaine
Le consul, renouant la robe g&bienne,
Des portes qui de Rome annoncent le courrons
Fait tomber les barreaux et crier les verroux.
Sur leurs vieux gonds rouilles aussitôt elles s ouvrent,
Et dn temple de Mars les voûtes se découvrent;
Lui-mime , sur le seuil, appelle les combats;
La jeunesse a sa voix joint ses bruyans éclats,
Par ses accens guerriers le clairon les seconde ,
Et sonne le réveil de la reine du monde.
Les Latins à grandi cris environnant leur roi,
Le pressoient d'obéir a cette antique loi :
Mais il craint de toucher cette porte terrible;
H rejette bien loin ce ministère horrible,
Et court dans son palais enfermer ses chagrins.
Alors Junon , fidèle à ses affreux desseins ,
in. ar
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*{* ^ENEIDOS LIBER VIL v. 6s5.
Ardet inexcita Àusonia atque îmmobilis antè :
Pars pedes ire parât campis $ pars arduus altis
Pulyerdentus equis finit ; omnes arma requirant :
Pars levés clypeos et spioula lucida terguot
Arvinâ pingui, subiguntque in cote seçnresj
Signaque ferre juvat , sonitusque audire tubarum.
Quinque adeo magnas posilis incudibus urbes
Tela notant ; Àtina potens, Tiburque superbum ;
Ardea, Crastumerique, etturrigera Antemnse.
Tegmina tuta cayant capitum, flectuntque salignas
Umbuuum crates ; alii thoracas ahenos,
Aut levés ocreas lento ducunt argçnto.
Vomeris bue et falcis honos, bue ornais aratri
Cessit amor; recoquunt patrios fbrnacibus ense*.
Classica jamqtte sonant : it bello tessera signam.
Hic galeam lectis trepidus rapitj ille fremcnUt
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r.*6r; L'ENEIDE, LIVRE Vit ttf
Descend, frappe elle-même , et de ses mains puissantes
Fait gronder sur leurs gonds les portes menaçantes.
Soudain ce peuple heureux sort de sa longue paix j
Ici des bataillons serrent leurs rangs épais,
La des fiers escadrons le rapide tonnerre
Sons des coursiers poudreux fait résonner la ferre.
Chacun bâte a l'envi son appareil guerrier;
L'ub débouille son dard, l'autre son bouclier,
L'antre déploie aux yents une enseigne flottante,
L'autre embouche de'jk la trompette éclatante.
Cinq cités a la fois , sous les pesans marteaux ,
Font retentir l'enclume, et domptent les métaux :
Toutes forgent les dards , instrumens de ruine.
La superbe Tibur et la puissante Atine ,
Ardée et Crustomère , Àntemne aux longues tours, -
De Vulcaûi pour Bellone empruntent le secours.
On emmanche les dards , on aiguise les haches ;
La les casques creusés attendent les panaches ;
Plus loin en bouclier le saule s'arrondit;
La sur de longs cuissards l'argent pur resplendit :
Ici l'airain brillant recouvre une cuirasse ;
Le toc perd ses honneurs, le glaire le remplace :
a».
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Ui JENEIDOS LIBEft VII. v- É5<*
Ad jaga cogit equos, clypeum<|ue auroque trilicem.
L)ricainiiic[uitiir,fidoqueacciDgitur «use.,
Pandite nusc Heiïcona, De», cantusque morete^
Qui bello ezciti reges 5 qu® quemque secut®
Complèrint campos acies; quibus Itala jam tum
Floruerit terra aima ?iris ; quibus arserit armîs.
Et memmistis enim, Divas, et memorare potestw:
Ad nos yix tenuis fam® perlabitur aura.
Primus init bellum Tyrrhenis asper ab oris
Coqtemptor dirùm Mezentius, agminaque armât..
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v.S83> L'ENEIDE, LIVRÉ VIL j*5
Adieu Cçrès, adieu tes paisibles travaux*.
Pour les moissons de Mars on recourbe la faux;
Chacun rend aux fourneaux le glaive de ses pères ,
Heureusement rouille dans des jours plus prospères.
Tous sont prêts a partir; de leurs chefs dUfe'rens
Déjà l'ordre est écrit, et court dans tous les rangs.
Enfin le clairon sonne. Aussitôt on s élance;
L'un a saisi son casque , et l'autre prend sa lance ;
L'un attèle a son char ses superbes coursiers;
De'ja brillent sur eux leurs riches baudriers,
Leur cotte k mailles d'or, et la gaine éclatant»
Où repose l'e'pée a leur côte pendante.
0 muses ! ouvrewnoi les fastes dUelicon;
De chaque roi. figue redites-moi le nom ^
De quel pays fameux , sous quels grands capitaines*
Partirent les guerriers qui couvrirent ces plaines ,
Et tous ces grands combats par qui les fiers Latins>
D'avance k l'univers annonçaient les Romains.
À peine un foible bruit en transmit la mémoire ;
Vous, pour qui rien, n'est vieux, retracez-m'en l'histoire*
Le contempteur dés (lieux, l'exemple des tyrans y
Me'xence le premier conduit sesfiert Toscans ;
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àtft JENEIDOS LIBER Vit t.Ci9:
Filius huîc juitk Lausus , quo pulcbrior alter
Non fuit, excepto Laurentis corpore Turuî.
Lausus, eqtiûm domitor . debellatorque ferarum >
Docit Agyllmâ Dequkkpam ex orbe secutos
Mille viros ; dignas patrie qui faetîor esset
Iroperiis, et cui pater baud Mezentius esset.
Post hos însignem palmâ per gramiaa cunum
Victoreaque orientât equos aatns Hercule pakbro
Pulcher Àventîntzs; djpeoque, insigne paiernnm ,
Centum ctogues, cînctamqne gerit serpentibus hydram t
Collis Aventini silvâ quem Rhea sacerdos
Furtivum partu sub luminis edidit oras ,
Miita deo malier, postqoam Laorentia victor ,
Gery one exstincto , Tirynibins attigît arô ,
Tyrrhenoque boves in flumine layit Iberas.
Pila manii saevosqne gérant in bella dolones ;
Et teretipugnant m«crw>e5 veraqqe Sabello»
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v. 9o5. L'ENEIDE, LIVRE VIL *47
Sous lui marche «on fils , Laosns , dont le jeune Age
S 'essayent dans les bob sur ranimai sauvage;
Lausus , savant dans l'art de dompter les coursiers;
Lausus, après Tarai» , le plus beau des guerriers ,
Digne d'un meilleur roi, dîgne d'un meilleur père :
Il est tendre et vaillant, il sait combattre et plaire;
Mais , bêlas ! du Destin on ne triomphe pas:
Mille fiers Agyilans vont vaincre sur ses pas.
Après eux s'avançoit le fils du grand Alcide,
Le bel Aveniinus, qui, de son ebar rapide
Guidant les beaux coursiers cent fois victorieux.
Leur promet des lauriers encor pins glorieux.
Quand le dieu de Tiryntfae illustrant son courage,
Du triple Ge'ryon eut terrasse la rage ,
Et vint baigner, pour prix de ses faits triomphans,
Ses taureaux dTberîe au fleuve des Toscans,
Unie avec ce dieu, Rhea , simple mortelle ,
Conçut sur f Aventin cet enfant beau comme elle.
Cent serpens, sur son casque enlaçant leurs replis,
Du fier vainqueur de l'Hydre ont annonce' le fils.
Un bois creuse lançant le poignard qu'il recèle,
Un javelot sabin, leur armure fidèle,
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*4» -ENEIDOS LIBER VII. v. 6*6,
Ipse pèdes , tegumen torqaens immane Ieonis ,
Terrîbili impexum saetâ, cum dentibas albîs ,
Indutus capitî : âc regîa tecta subibat
Horridus , Herculeoque numéros innexus amictu.
Tarn gemini fratres Tiburtia mœnia llnqaant ,
Fratris Tiburtî dictam cognomine gentem y
Catiilusque acerque Coras, Argiya juventus ;
Et primam ante aciem densa iater tela feruutur :
Ceu duo nubigenae quum yertice montis ab allô
Descendant Ceutauri, Homolen Othrymque niralem
Linquentes cursu rapido : dat eanlibus ingens
Silya locum, et magoo cédant virgulta fragore.
Nec Prenestinœ fundator defuît urbis ,
Vulçano genitum pecora inter agrestia regem 9
Inyentumque focis, omnis quem credidit setas,
Caeculus. Hune legîo latè comitatur agrestis;-
Quique altum Praeneste vin, quique arva Gabîna*
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f
r.€>%7. L'ENEIDE, LIVRE VIL H9
Distinguent ses soldats. Au premier rang place* ,
Des poils d'un lier lion son front est hérisse,
Et du monstre en deui rangs la gueule menaçante
Étale de ses dents la blancheur effrayante.
Dans cette pompe horrible il arrive au palais,
Et sous l'habit d'Hercule il en offre les (rails.
Fuis vient l'ardent Coras , et Catiilus son frère %
Nés a Tibur , Argos a vu naître leur père;
Tibur reçut son nom d'un prince de leur sang.
Tous deui suivis des leurs , marchent au premier rang:
Tels , d'Homole ou d'Othrys quittant les rocs sauvages,
Deux centaures altiers, fiers enfans des nuages,
De leur sommet neigeux descendent a grands pas;
La forêt leur fait place, et s'ouvre avec fracas.
Et toi, Preneste , aussi , de tes riches frontières
Tu vis, fier de grossir ces phalanges guerrières,
Partir ton fondateur, qui, parmi les troupeaux ,
Au trône destiné naquit dans les hameaux.
Cécule , en un foyer trouvé dans son enfance,
D'où l'on crut qu'a Vulcain il devoit la naissance.
Et Preneste et Gabie où préside Junon,
Anagnià qu'entoure un fertile vallon,
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k$o JENEIDOS LIBER VU/ v. 685,
Junoaîs, gcliduinfjue Àriienem, et roscida mis
Hernica saxacolunt; quos, dives Ànagnia, pascis;
Quos, Amasene paler. Non illis omnibus arma ,
Nec clypei currusye sonant : pars maiima glandes
Liventis plumbi spargit : pars sptcula gestat
Bina manu ; fulvosque lupi de pelle galeros
Tegmen habent capiti; vesligia nuda sinistri
. Inslituère pedis, crudus tegît altéra pero»
Àt Messapus eqaûm domitor, Neptunîa proies ,
Quem neque fas igm euîquam nec sternere ferro ,
Jâm pridem résides populos desuetaque bello
Agmina in arma vocat subito, femiraque rétractât;
Hi Fescenninas acies, jEquosque Faliscos;
Hi Soraclis habent arces , Flaviniaque arFa ,
Et Gimini cum monte lacura , fecosque Capenos,
Ibant aquati numéro, regemque canebant :
Ceu quondam niveî liquida inter nubila eyeni,
Quum sese e pasiu referont , et longa cauoros
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v.:949- L'ENEIDE, LIVRE VIL *5*
Les monts Herniciens arroses d eaux fécondes,
Les bords que l'Anio rafraîchit de ses ondes,
Et l'Amasene enfin , d'agrestes combattans
Pour cet illustre chef ont dépeuple' leurs champs.
Tous , ils n'ont pas un char, un pavois, une lance :
L'un fait roler le plomb que la fronde balance; »
De deux traits meurtriers d'autres arment leurs mains,
La dépouille d'un loup les coiffe de ses crins;
Un de leur pied tout nu des airs brave l'injure,
De l'antre u* cuir grossier est l'informe chaussure.
Fils du dieu qui commande a l'abîme des mers ,
Et savant a dompter les coursiers les plus fiers,
Messape, qui ne craint ni le fer ni les flammes,
Des peuples dont la paix a refroidi les amcs
Rallume le courage, aiguillonne les cœurs,
Et veut goûter enccr le plaisir des vainqueurs.
Ceux qui de Fîavinie habitent la campagne ,
Et ceux qui du Soracte ont peuple la montagne,
Falisque , Fescennin, célèbres tant de fois,
L'un pour ses chants d'hymen et l'autre pour ses lois,
Et les Ciminiens , dont la troupe aguerrie
^Quitte a l'envi U mont , le lac de leur patrie.^
dby Google
j5» iENEIDOS LIBER VII. r.jor.
Dant per colla modos; sonat amnis , et AÂa longé
Puisa palus.
Nec quisquam aeratas acîes ex agmiue tanlo
Miaceri putet ; aëriam sed gurgîte ab alto
Uigeri Tolucrum raucarum ad littora nubem.
Ecce Sabmoram prîsco de sanguine magnum
A^men agecs Clausus, magnique ipse agminis instar ,.
Digit.zedby GoOgle
v.o7i. L'ENEIDE, LIVRE VII. s55
Et ceux qui deCapène habitent les forêts,
D'un monarque invincible innombrables sujets,
Dans un ordre guerrier alignant leurs phalanges ,
Marcboient , suivant ses pas et chantant ses louanges :
A leurs chants, on croirait entendre dans les cieux
De cygnes argente's un chœur mélodieux,
Qui , revenus le soir de leurs verts pâturages ,
Et glissant doucement a travers les nuages.
Ont quitte le Caïstre ou les roseaux fangeux
Qui bordent cTAsia les flots marécageux ,
Et du son de leur voix et du bruit de leurs ailes
De loin font retentir les rives paternelles.
À leur nombre on croit voir, non des rangs de soldats
Sous leurs armes d'airain s avançant a grands pas *
Mais ces essaûxis ailes, enfans des eaux profondes,
Qui , de la haute mer abandonnant les ondes y
S'élancent dans les airs en bruyans tourbillons,
Obscurcissent les cieux de leurs noirs bataillons ,
Et, poussant vers la terre un cri rauque et sauvage ,
Comme un nuage épais vont s'abattre au rivage.
Voyez le noble auteur d'un nom cher aux Romains,
Ce Clausus qui , sorti du vieux sang des Sabins ,
ni. ' * aa
dby Google
'■pr-
&U jENEIDOS LIBER VIL v. 708.
Claudia iiuiic a quo difîunditur et tribus et gens
Fer Latium , postquam in partem data Roma Sabîuis.
Unk ûigens Amitcrna cobors, priscique Quirites ,
Ereti maiius omnîs , oliyiferaque Mutuscs;
Qui Nomentum urbem, qui rosea rura Velînî,
Qui Tetricae horrentes rupes; montemque SeYerum ,
Casperiamqne colunt, Forulosque, et flumen HimeUas;
Qui Tbybrim Fabarimque bibunt* quos frigida misii
^Nursia, et Hortirtae classes , populique Latini ;
Quosque secans infaustum interluit Allia nomen :
Quam multi Libjco volruntur marmore fluctus,
Saèvus ubi Orion bibernis conditur undis;
■ Vel quam sole noyo densas torrenlur arislae,
Aut Hefmi campo , aut Lyci» flayentibns aryis.
Scuta sonani, pulsuque pedum conterriia tellus.
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Y.993. L'ENEIDE, LIVRE VIL 25S
De leur race guerrière , à vaincre accoutumée,
Forme une armée immense , et vaut seul une armée.
Depuis que Rome antique en ses jours triomphant
Associa «on peuple aux droits de ses en fans,
Le Tibre voit encor briller du même lustre
Et sa tribu nombreuse et sa fanûHe illustre ?
Sous lui marche Amiterne et ses nombreux essaim*,
Les Cures d'où naîtront les Quintes romains ,
Erétum , Mutusca dont le peuple héroïque
Quitte pour le laurier son arbre pacifique ,
Ceux dont le Velino baigne les champs heureux,
Ceux qu{ de Tetricum peuplent les rocs affreux,
Ceux qui bordent l'fiimelle , ou qu'éleva Nomente ,
Que nourrit Caspërie , ou que Forule enfante,
Ceux qui boivent le Tibre et le clair Fabaris,
Et des froids Nursiens les soldats aguerris ,
Les bataillons dHorta, les bandes valeureuses
Qu'enfermoient des Latins les cites populeuses,
El ceux que de ses flots , fameux par nos destins,
Sépare l'Allia, nom fatal aux Romains.
Leur nombre égale aux jeux les vagues que soulevé
L'orageux Orion quand sa course s'achève ,
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«5$ ^ENEIDOS LIBER VII, T. 7*3.
Hinc Àgamemnonius, Trojani nominis hostis,
Cumi jungit Halesus equos, Turnoque féroces
JMBUe rapit popujos ; yertnni felicia Baccho
Massica qui rastris, et quos de colKbns altis
Aurunci misère patres, Sidicinaque juxta
j£quora>quique Gales linquunt, aranisqae yadosj
Accola Vullurni, pariterque Saticulus aspejr,
Oscorumqae manus. Teretes sunt aclydes illis
Tela, sed haec lento mos est aptare flagello;
tasyas carira tegit; falcati comminus enses.
Nec tu carmimbus nostris incHctus abibis,
(Ebale, quem générasse Telon Sebetbide nymphl
Fertur, Tçleboùm Capreas quum regna teneret
dbyGpogle
T.ioi5. L'ENÉIDE, LIVRE VIL *57
Les épis lyciens do soleil coWs,
Et ceux que voit mûrir lUermus aux flots dores : '
Leurs pas , leurs boucliers retentissent ensemble ;
L'air au loin en frémit, et la campagne tremble.
Puis vole sur son char un fils d'Agamemnon ,
Halésus , qui de Troie abhorre encor le nom.
Sur ses pas ont couru cent peuples redoutables ,
Ceux dont Massique emplit les coupes délectables.
Massique a qui Bacchus prodigue ses bienfaits ,
L'Aurance descendu de ses rudes sommets ,
Le Sidicin des mers bordant l'humide plage ,
Ceux qu'envoya Calés , ceux que sur son rivage
Rassemble le Vulturne aux courans sablonneux ,
Et l'âpre Saticule , et les Osques nombreux
Dont le long fouet, sifflant dans leur main intrépide ,
De loin a l'ennemi lance un trait plus rapide ;
Leur bras d'un cuir durci se fait un bouclier ,
Leur glaive offre de près son croissant meurtrier.
Toi-même , illustre chef d'une ligue fatale ,
Toi-même dans mes vers tu revivras , Œbale,
(Ebale qu'ont produit , pour l'honneur de leur nom ,
La nymphe Sébéthis et le vieux roi Telon,
33W
dbyGoogTe
i58 J1NEID0S LIBER VIL y. 73<>.
Jam senior ; patriîs sed non et filuis axvîs
Contenta*, latè jam tum ditione premebat
Sarrastes populos '9 et quae rigat aequora Sarnus.
Quique Rufras , Batulumque tenent , atque arya Cejenns
Et quos mahferae.despecjant mœnia Àbellae :
Teutonîco rilu solitî torquere cateias ;
Tegminajqueîs capitum raptus de subere cortex j
JErataeque mîcant pelt&,micat asreus ensïs.
Et te montas® misère in prœlia Ners»,.
Ufens, insîgnem famâ.et felicibus armis ;
Horrida pracipuè cui gens , assuetaque multo-
Venatunemorum, darîs ./Equicoh glebis :
Armati terrain exercent, semperque récentes
Convectare juyat pradas , et viyere rapto.
dby Google
v. io37. L'ENÉIDE, LIVRE VIL *fy
Quand desTeléboens la colonie obscure-
Dans Caprée enfermok sa puissance future^.
Mais au fils du héros ce roc ne suffit pas ^
Bientôt il réunit a ses naissans états
Les Sarrastes , les bords où le Sarnus circule,
Les peuples de Rufras , les enfans de Batule ,
Les tribus de Gélenne , et les plants fructueux
Dont Abelle axouvert son terrain montnenx.
Aussi bien que leurs lois ces peuples ont leurs armes,
Et leurs bras font voler au milieu des alarmes
Ces pesans javelots lances par les Teutons;
La dépouille du h'ège enveloppe leurs fronts,
L'airain charge leurs bras d'une brillante armure,
EU des glaives d'airain pendent a leur ceinture.
Et toi , dont la victoire illustra les drapeaux ,
Brave Ufens , de Nersa tu quittas les coteaux^
À tes lois obéît le sauvage Équicole ,
Chasseur infatigable et soigneux agricole ,
Hardi déprédateur et soldat indompté^
Le soc est dans sa main , le glaive a son côté;.
Au sortir de ses champs il revole au pillage ,.
Et sa vie inquiète est un long brigandage.
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lCo 2ENEID0S LIBER VIL v.75o.
Qain et Marrubiâ. venit de gente saceHos,
Fronde super galeam et felici comptas olivâ ,
Arcbippi régis missu, fortissimas Umbro :
Vipereo generî et graviter spirantibas hydris
Spargere qui somnos cantuqae manuque solebat,
Mulcebatque iras, et morsus arte leyabat.
Sed non Dardauiae medicari cuspidis ictom
E valait 3 neqae eum juvere in rainera cantus
3omniferî, et Marsis quaesitae montibos herbae.
Te nemus Anguîtiœ, vitreâ te Fucinus undâ,
Te lKjuicJi flevere lacus.
Ibat et Kppolyti proies pulcberriina beDo
Virbius; insignem quem mater Aricia misii,
JSductum Egeriae lucis , bumentia circùm
Lîttora,pÎDgms ubi et placabilis ara Diana.
Namque ferunt famâ HippoIytiim,post(jnam arte novercî
Occident, patriasque explêri; sanguine pœnas
d by^Google,
v. io59. L'ENÉIDE, LIVRE VIL *6i
Religieux au temple et terrible aux combats ,
Dans les champs du carnage Umbro porte ses pas ;
Lui qui, pontife auguste et guerrier invincible,
Au casque belliqueux joint l'olivier paisible.
Marrube est son pays, mais Archippe est son roi;
L'hydre , le fier dragon reconhoisseat sa loi:
Il sait par ses doux chants conjurer leurs morsures,
Assoupir leur colère , et guérir leurs blessures ,
Mais ses magiques sons, ses sucs assoupissans,
Contre le dard troyen resteront impuissans.
Ah ! malheureux, quel deuil va couvrir ta patrie !
Le Fucinus limpide, et la sombre Anguitie,
Les lacs aux flots glaces, et les monts , et les champs,
Pleurent encor ta perte , et regrettent tes chants.
Gomme lui , brave chef d'une brillante élite ,
Marche aussi Virbins, digne fils d'Hippolyte ,
Que des bois oVEgene et de ce riche auleï
Où l'objet assidu d'un culte solennel ,
La sœur du dieu du jour, pour prix de leurs offrandes,
De ses adorateurs exauce les demandes ,
Aricie , envoya dans les champs de l'honneur.
Victime , nous dit-on , d'un discours suborneur , /
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afo -ffiNEIDOS LIBER VII. t. 767.
Tnrbatis dïstractas equis, ad sidéra rursns
jEtheria et superas cœli venisse sub auras,
Paeoniis revocatnm herbu et amore Diana?.
Tum pater omnipotens, aliqtiem îndignatos ab unabri»
Mortalem inférais ad luinina surgere vitae ,
Ipse repertorem medicinae talis et artîs
Fulmine Phœbigenam Stygias detru&it ad undas.
At Triyia Hippoljtum secretis aima recondit
Sedibus, et nymphas Egerias nemorique relegat ;
Solus ubi in silrô Italis ignobilis svnm
Exigeret , versoque ubi nomine Virbius esset.
Unde etiam templo Triviae lucisqne sacratïs
Cornipedes arcentur equi , qnï>d littore curruni
Et juvenem monstris pavidi effudere mariais.
Filius ardentes haud secius aequore campi
Ezercebat *quos , cumiqae in bella ruebat
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v. io8r. L'ENEIDE, LIVRE VIL i63
Hippolyte pérît en proie a la colère
D'une injuste marâtre et d'un crédule père ;
Et, ministres fongueux de leurs cruels transports,
Ses chevaux effre'ne's déchirèrent son corps.
En faveur de Diane et des pleurs d'Aride ,
L'art puissant de Peon le rendit à la vie. *
Jupiter, indigne' que cet art criminel
Osât aux lois du sort arracher un mortel,
En plongea l'inventeur dans ce même CocYte*
Dont le fils d'Apollon affranchit Hippoljte ;
Mais Diane cacha l'objet de tant de pleurs
Dans les plus noirs abri* de ses bois protecteurs ,
Et la nymphe Ége'rie en fut dépositaire.
C'est la que, loin du monde, inconnu , solitaire ,
Le héros coule en paix ses jours mystérieux;
Mais pour tromper l'oreille aussi bien que les yeux ,
Appelë Virhius par la belle Ege'rie,
11 prit un antre nom arec une autre vie.
Les coursiers cependant sont bannis de ces tois:
Diane se souvient qu'un dragon , autrefois,
Excita leur frayeur a déchirer leur maître.
Nourri comme son père en ce réduit champêtre ,
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èU ^NEIDOS MBER VII. ▼. 783.
îpse înter primos prœetanâ corpore Taraus
Vertitur, arma tenen* , et toto vertîce sapra est
Cui tripKci crinita jubà galea alta Chimaeram
Sustiuet , JEtaaeos efÏÏantem fauàbus îgnes :
Tarn magis Jlla fremens et tristibus efiferaflammis,
Quam magis efikso crudeacunt sanguinapagiie,
At levem clypeum sublatis cormbu8 Io
Auroinsigmbat, jam sstia obsita, jam bos,
Argumentum ingens , et custas yirgmis Argus1,
Caelataque amnem fundens pater Inachtfs uruâ»
Insequitnr nimbas peditum , cljpeataque totia
Agmina densantar campis , Argivaque pubes *
AurancaBqûe manns , Rutuli, veteresqae Sicam ,
Et Sacranae acies, et pîeti scuta Labîci;
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t. no5. L'ENEIDE, LIVRE VIL *65
Le nouvel Hippolyte y vécut tons témoins :
Mal instruit par l'exemple , ii n'en aime pas moins
Ces fougueux animaux; et , désireux de gloire ,
Son char rase lés champs et vole a la victoire.
Tnrnus, plus beau, plus fier et plus impétueux,
Levé au-dessus d'eu! tous un front majestueux :
À l'effroi qu'il répand son casque ajoute encore*
Tel que l'Etna lançant le feu qui le dévore ,
Sur son cimier ou flotte un panache a trois rangs
La Chimère vomit ses tourbillons brûlans;
«Et , plus dans le combat s'échauffe le carnage ,
Plus s'irritent dtt monstre et les feux et la rage*
Sur l'orbe éblouissant de son bouclier d'or,
L'art présente un tableau plus magnifique encor;
C'est la trop belle Io transformée en génisse :
Ses poils, son front croissant commencent son supplice.
Du courroux de Junon rigoureux instrument ,
Argus de ses cent yeux la veille incessamment;
Inachus l'aperçoit, et d'un air taciturne
Ce père joint ses* pleurs aux ondes de son urne*
Tnrnus avec orgueil voit l'auteur de son sang 5
Impatient , il part , vole de rang en rang :
ni. a3
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266 J1NEID0S LIBER VII. v.797.
Qui salins y Tiberine, tuos, sacrumque Numici
Uttus arant , Rutulosque exercent yomere colles,
Circaeumque jugum; queis Jupiter Anxurus aryis
Prasidet, et yiridi gaudens Feronia luco ;
Qua Saturas jacet atra palus , gelidusque pet imas
Quant iter ralles atque in mare conditur Ufens.
Hos super advenit Volscâ de gente Camilla',
... s 1
Agmen agens equkam , et florentes aère cateryas,
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v.nx5. L'ENEIDE, LIVRE VII. *6j
Des plaines, des vallons , du sommet des montagnes,
Ses allies en foule inondent les campagnes ;
Les fils de Serranus , les vieux Sicaniens ,
Les Aurunces fougueux, les jeunes Argiens,
Et les Sacraniéns dévoues a Cybèle,
LeLabique peignant son armure fidèle,
Ceux qui du Numicd* peuplent les bords sacres ,
Ceux par qui de Circe* les monts sont laboures,
Et les tribus d'Anxur , où se montre a la terre
Sous les traits d'un enfant le maître du tonnerre,
Et les bergers voisins du fleuve dont les eaux
De la superbe Rome abreuvent les troupeaux ,
Et le Rutule actif dont le soc se promène
Sur les coteaux ingrats qui forment son domaine,
Ceux qui de Satura bordent les noirs marais,
Ceux a qui Feronie en ses vertes forêls
Offre l'abri sacre' de leurs rians ombrages ,
Enfin les habitans de ces frais paysages
Où des humbles vallons l'Ufens suit les de'tours ,
Et dans les vastes mers va terminer son cours.
Des Volsques après eux marchoit la reine altière ,
L'intrépide Camille : une troupe guerrière,
a3..
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268 ^ENEIDOS LIBER VIL r. 8o5.
Bellatrii : non illa colo cakthisre Minerva
Femineas assoeU manna; sed prœlia tîrgo
Dora pati, cursuque pedum praevertere ventos.
Illa vel intacts segetis per somma volaret
Gramina , nec teneras curai tasisset aristas :
Vel mare per médium , flucra sutpensa lumenti ,
ferret iter, celeres nec tbgeret «quore plantas.
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r. 1147. L'ENEIDE, LIVRE VIL a69
Dont les fiers escadrons aux rayons du soleil
De leurs armes d'airain font briller appareil ,
Suiyoit sur ses coursiers la superbe amaaoftc.
Dès l'enfance exercée aux joules de BeHone,
Camille préférait , amante des combats , *
La lance belliqueuse aux fuseaux de Pallas,
Les travaux de la guerre a des arts plus tranquilles.
Moins prompts sont les éclairs , et les vents moins agiles ;
Elle eût, des jeunes blés rasant les verts tapis,
Sans plier leur sommet , couru sur les épis ;
On d'un pas suspendu sur les vagues profondes
De la mer en glissant eût effleuré les ondes ,
Et d'un pied plus léger que l'aile des oiseaux,
Sans mouiller sa chaussure eût vole sur les eaux.
Son air fier et décent , sa démarche imposante ,
De son manteau royal la pourpre éblouissante ,
Son càVquois lycien , 1 or en flexibles nœuds
Sur son front avec grâce attachant ses cheveux,
Son myrte armé de fer, qui dans ses mains légères
Fait ressembler la lance au sceptre des bergères,
Des guerriers attroupés au faîte des remparts
Sur elle ont réuni les avides regards:
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a7o JENEIDOS LIBER VIL v.Sn,
Illam ornais lectis agrisque effiisa jureutus , t
Turbaqne miratur matrmn , et prospectât euntem,
Attomtis inhiaus anîmis; ut regras ostro
Velet honos levés humeros ; ut Çbula crinem
Auto internectat ; Lyciam ut gerat ipsa pharetram , v
Et pastoralem préfixa cuspide ntyrtum.
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v. 1169. L'ENÉIDE, LIVRE VIL 171
L'œil étonne se plaît a ses grâces hautaines.
Des hameaux d'alentour, des bourgades lointaines,
Tout un peuple empresse, sitôt qu'elle a paru,
Pour fêter son passage en foule est accouru.
Son audace aux Latins promet un sort prospère;
Le jeune homme s'enflamme, et le vieillard espère ;
Et la mère, admirant tant d'attraits réunis,
La voudroit pour sa fille , et la montre a son fils.
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REMARQUES
SUR LE LIVRE SEPTIÈME.
Une nouvelle carrière vient <jfe s'ouvrir pour le poète
et pour son héros. Jusqu'ici Énée n'a été en butte qu'aux
périls de la mer et aux dangers d'une navigation incer-
taine ; son courage va désormais être éprouvé par de plus
grands obstacles , et il va se signaler par des faits plus
éclatans. 11 a sauvé les débris du peuple troyen de la
poursuite de Junon ; il doit leur conquérir une patrie, et
relever les autels- de ses dieux. Il a déployé jusqu'à présent
la prudence d'Ulysse ; il lui reste à déployer toute la sa-
gesse d'Agamemnon et toute la valeur d'Achille. Dans les
six premiers livres , il n'est presque question que d'un
empire détruit ; dans les six derniers c'est un nouvel
empire qui s'élève et qui est fondé par la victoire.
A mesure que les difficultés augmentent pour le héros %
ejles semblent aussi augmenter pour le poè'te. Virgile ta
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REMARQUES. *73
lait sentir et en avertit ses lecteurs des le début de ce
septième livre :
Major reraan uâhi aucttur ordo,
Virgile , en parlant de la des traction de Troie , avoit
pins de moyens d'intéresser. Les images de la destruction
plaisent à l'esprit humain : ce sont les passions qui dé-
truisent , et les passions sont toujours poétiques : la chute
fFun empire et les malheurs qui en résultent sont d'ailleurs
la source d'un grand intérêt. On pourrait ajouter que le
poète, en faisant voyager son héros, avoit nécessairement
une grande variété d'objets a présenter à ses lecteurs j les
orages fie la mer , des contrées intéressantes , les moeurs
despeuples , toutes les vicissitudes de la fortune , venoient
s ofîrir à son pinceau ; tous les trésors de la fable et de
l'histoire loi étoient ouverts. Non seulement fl avoit une
grande variété d'objets à peindre , mais tous les évène-
mens et tous les pays qu'il décrit étoient déjà illustrés
par de grands souvenirs ; la marche de son héros étoit
semée de prodiges accrédites par la tradition ; la mytho-
logie des Grecs l'avoit partout devancé , et le poète dans
chacun de ses récks trouvait l'attention de son lecteur
heureusement préparée.
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2?4 REMARQUES
Tous ces avantages sont perdus pour le diantre «TEnee
dans les six derniers livres. A. mesure que son sujet se
développe , son théâtre semble se rétrécir. B n'a plus à
h. nous entretenir de la destruction de Troie , des Iles
qu'Ulysse a parcourues ; de l'origine , de la grandeur et
de la haine de CàVthage; du supplice des médians dans
le Tartare , du bonheur des justes dans l'Elysée : le voilà
en quelque sorte confiné* avec son héros dans l'ancienne
Italie , qui ne lui offre point de monumens et peu de tra-
ditions propres a intéresser. Le poète reste presque seul
avec son imagination et son génie ; et , quoiqu'il ait triom-
phé de toutes les difficultés , quoiqu'il ait trouvé dans son
talent tout ce qu'A falloit pour prolonger l'action et sou-
tenir l'intérêt , plusieurs critiques ont placé les derniers
livres au-dessous des premiers ; et l'on ne doit pas trop
s'en étonner: le génie est comme la lumière du jour, qui
n'est pas seulement belle par elle-même , mais quix est
belle encore par les objets qu'elle éclairé. Les lieux et les
évènemens que Virgile a décrits ont reçu de lui une
partie de leur éclat , mais il leur a dû aussi quelque
chose. Il n'en est pas de même des contrées et des guerres
qu'il va décrire \ elles lui devront tout leur lustre , et il
ne leur devra rien. La , c'est la lumière qui éclaire une
riche campagne , des scènes pittoresques et variées ; ici ,
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SUR LE LIVRE VIL »75
«De n'éclairèqu'une contrée sauvage et un climat presque
désert.
On a dit que dans les premiers livres Virgile Aroit
suivi XOd^ssée , et que dans les derniers il prenoit le
Son de V Iliade.' Quoique Y Iliade soit un poème plus
parfait que V Odyssée , on sait qu'il n'est pas rare de
trouver des lecteurs qui aiment mieux les aventures
d'Ulysse que les combats d'Achille ; et cette préférence
peut nous servir à expliquer celle de certains critiques
pour les premiers livres de Y Enéide. On ne peut nier-
cependant que \Eirgile n'ait semé une grande variété dans
les dernières parties de son poème. Les souvenirs hé-
roïques de la Grèce y sont moins prodigués j mais les
passions et les sentimens y sont plus' souvent mis en jeu.
Le poète y décrit moins de pays , mais il y fait connoitre
le cœur humain tout entier'; l'attention y est sans cesse
éveillée par la diversité des combats et des évènemens -, les
ressources du merveilleux y sont plus souvent et plus
heureusement employées ; les caractères des personnages
' y sont plus variés et mieux développés •, et si le lecteur n'y
est plus ému par la chute d'un grand empire , il y est vive-
ment intéressé par l'origine d'un empire nouveau qui
* commence par le chaume du bon Évandre , et qui doit
' finir par embrasser l'univers. Cette origine , qui s'accorde
dby Google
i76 REMARQUES
avec l'histoire , n'est pas moins merveilleuse que tontes
les fictions des Grecs. Virgile , dans le second livre , com-
paré, comme on Ta vu, la chute de Troie à celle d'un
arbre antique qui ombrageoit les collines , et qui s'écroule
avec fracas sous l'effort des bûcherons. Cette comparaison
est très-belle , elle est sentie par tous les lecteurs ; mais
si , pour exprimer l'élévation d'un nouvr 1 empire , le
poète nous eût représenté un simple gland se développant,
se transformant en rameaux , s'élevant lentement dans les
airs , et protégeant tout ce qui l'environne de son om-
brage immense , cette comparaison n'auroit pas été moins
exacte et moins «levée j elle auroit annoncé <f un seul trait
l'origine et les destinées de Rome. Tout le sujet des der-
niers livres de ï Enéide est dans cette idée ; mais elle
n'est apperçue que par les hommes accoutumés a réflé-
chir, et voila sans doute une des raisons pour lesquelles le
vulgaire des lecteurs préfère les premiers livres.
Dans ce septième livre les promesses des dieux sont
sur le point d'eue accomplies. Enée arrive aux bords do
Tibre , et sa situation au milieu des forêts sauvages dont
il est entouré est celle d'un navigateur qui aborde pour
la première fois dans une île inconnue ; il nous semble voir
Gama , ou plutôt Christophe Colomb qui débarque dans
un nouveau monde , et qui va changer la face de l'uni-
\
dby Google
SUR LE LIVRE VIL 277
vers. Enée trouve en Italie de grands obstacles , des rivaux
dignes de lui ; il pourroit avoir l'air d'un conquérant
usurpateur, maïs les oracles qui l'ont annonce semblent
justifier ses entreprises. Le caractère de Latinus est tracé
d'une manière très - convenable au développement de
Faction : Latinus est hutnain , vertueux et sans fermeté*
On sait que ce caractère chez un souverain dans les mû-
mens difficiles laisse agir les passions dans toute leur
liberté , et le poète reste ainsi le maître de disposer lui*
même de ses personnages et de ses évènemens.Le roi des
Latins , comme l'observe plaisamment Ségrais , est si em-
pressé de marier sa fille , qu'il consulte tous les oracles
pour savoir qui sera son gendre. Les oracles lui ont
annoncé un gendre , étranger -, Énée arrive , et , quoique
Lavinie soit destinée k Turnus , son père la fait proposer
an prince troyen. Toutes les prétentions d'Énée sont de-
venues légitimes; mais Latinus , qui a offert sa fille , n'a
pas assez de fermeté pour faire exécuter les traités : de lk
naît la rivalité arméô de Turnus; de lk naissent ces guerres
sanglante s qui font ressortir l'héroï sme d'Énée , et l'inac-
tion de Latinus devient ainsi la source féconde des plus
grands évènemens. »
Juaon paroît encore dans ce livre. Elle n'y invoque plus
le dieu des tempêtes, elle n'implore plus Jupiter ; il ne
ni. ' *4
rtfyG*
a78 REMARQUES
s'agit plus de disperser les Troyens sur les gouffres de la
mer , de les faire briser contre les écueils de Scylla et de
Carybde , mais de leur susciter la guerre la plus cruelle -,
elle appelle, à son aide la plus terrible des furies :
Flectere ii nequeo Soperos , ÀcheronU movebo.
Le monologue de cette déesse caractérise très-bien le
désespoir de la colère et de la jalousie. Les discours de
Junon sont les plus beaux de Y Enéide: la passion est
toujours éloquente ; et celui que la déesse tient en cette
occasion ne le cède point aux autres ; quoique certains
critiques lui aient reproché des longueurs. Le caractère
d'Alecton et la fureur qu'elle inspire à Amate et à Tarons
décèlent dans le poète l'imagination la plus féconde , la
plus épique ; il n'est pas inutile d'ajouter que le mer-
veilleux s'accorde tellement âci avec la nature des pas-
sions , qu'il semble être la vérité et la nature elle-même.
Alecton secoue partout les torches de la discorde , et la
guerre se déclare à l'occasion du cerf de la jeune 8ylvie ,
qui est tué par Ascagne. Celte fiction a trouvé des appro-
bateurs et des critiques : les uns ont observé que ce moyen
n'étoit pas assez épique , et ils ont pensé que rien n'éCoit
plus ridicule que de commencer une guerre par une
«glogue : d'autres, ont défendu Virgile ; et , comme il
dby Google
SUR LE LIVRE VIL »19
arrive ordinairement dans une discussion , ils se sont pas-
sionnes, et ils ont trouvé ce morceau admirable. Il ne
nous appartient point de prononcer : ceux qui ont blâmé
cette invention sont d'une très-grande autorité-à nos yeux;
mais on ne se décide pas aisément lorsqu'il faut se dé-
clarer contre "\Jn*gtte , qui ne s'est presque jamais trompé.
Nous passerons aux observations de détail.
fline exaodiri gemitui ineque leotanm
Vincht reauantam et terft sub nocte rudentum , etc.
La répétition des mots leonum , fecusantum , ruden-
tum y exprime admirablement bien le bruit sourd et
confus et les rugissemens qui se font entendre pendant
la nuit. Ce passage est imité du dixième livre de YOdys-
sée. Il a été désapprouvé par Scaliger : il faut cependant
. convenir que l'idée de la colère des lions >jui s'irritent
contre leurs fers est une Heureuse addition du poète
latin. Virgile diffère d'Homère dans sa description , en
ce qne ce dernier représente les animaux avec un carac— {
tère doux , et que l'autre les peint avec leur férocité
sauvage, lie poè'te grec a conservé aux animaux de Circo
le caractère des hommes ; mais si , comme on l'a dit ,
son dessein étoit de faire allusion aux passions et aux
plaLirs sensuels , il n'est pas douteux que l'idée d'un
2»4"
dby Google
j8o REMARQUES
caractère sauvage convenoit beaucoup mieux. Nous cite-
rons ici , pour justifier notre opinion , le portrait que fait
Platon , dans sa République , des hommes livres aux
passions brutales : « Os sont , dit-il , comme des bétes qui
» regardent toujours en bas, et qui sont courbées vers la
» terre ; ils ne songent qu'a manger et à repaître , à sa-
» tisfaire- leurs désirs grossiers; et , dans l'ardeur de les
s» rassasier, ils regimbent, ils égratignent , ils se battent
» à coups d'ongles et de cornes de fer , et périssent a la
» fin par leur gourmandise insatiable. »
Hujui «pet •omnium denne ( mirabile dicta ) ,
Stridore ingenti liquidum tram aethera vectoe,
Obfedere apicem;et, pedibut per mu tua nexi*,
Examen subitam ramo frondente pependit.
Cet essaim d'abeilles est décrit de la manière la plos
poétique et la plus exacte. Le second vers , stridore in-
genti liquidum traits œthera vectœ, exprime par son
harmonie la marche rapide de cette petite colonie , et
son arrivée sur les branches dn laurier d'Apollon. Le
dernier vers présente une image pittoresque. M. de Rc'au-
mur , qui est l'historien des abeilles comme Virgile est
leur poète , a décrit la manière dont un essaim s'attache
à la branche d'un arbre et y forme uu massif en forme
de feston. Tout ce qu'a dit le naturaliste se voit dan»
àbyGOQ
SUR LE LIVRE VIL .*&*
le» deux derniers vers que nous venons de citer. Cette
image des abeilles est heureusement adaptée aux moeurs
pastorales de ces temps reculés ; et leur retraite sur le
laurier d'Apollon est très-propre à figurer l'arrivée de
la colonie des Troyens 9 qui abordent en Italie sous le*,
auspices des dieux. ,
lient ! etiam menta» consumimiu ! inquit lulni .
Ce passage a été F objet des censures les plus amère&J.
Âddisson et d'autres écrivains célèbres ont répondu aux
critiques que Virgile n'avoit pu s'écarter de la tradition 9
et que cette histoire , qui paroi t puérile , avoit été con-
sacrée dans les antiquités romaines. Voltaire ajoute que
le poète latin s'est trouvé obligé de rapporter ces paroles
d'Iule , dans un poème sur la fondation de Rome, de
même qu'un poète français seroit forcé de parler du pi-
geon qui apporte la sainte ampoule , dans un poème où
il seroit question de l'origine de la monarchie française.
La poésie épique vit de fictions-, ces fictions tiennent au.
merveilleux, et le poète doit s'attacher autant qu'il peut
a les rendre plus vraisemblables , en les joignant à quel-
ques traits déjà connus et accrédités. Les lecteurs sont
disposés à croire ce qu'ils ne connoissent point encore 9
• en favetn de ce qu'ils connoissent et de ce qu'As croient!
dby Google
*8a REMARQUES
déjà , et- l'histoire prête ainsi son autorité à la fable.
Strabon parle des tables mangées par les Troyens , et
Denys d'Halicarnasse raconte cet événement presque
avec les mêmes circonstances que Virgile. « Lorsque la
» flotte des Troyens , dit-il , fut arrivée an pays des Lan- '
» rentins , et qu'elle eut campé sur le bord de la mer, on
» manqua d'eau douce : a l'instant des fontaines sortirent
» de dessous terre , et fournirent de 1 eau a l'armée. On
» offrit ensuite des sacrifices , et fon-Servit à manger ,
» après s'être assois a terre. On éleva des tables de persil sau-
» vage , qu'on mit en monceaux , et on arrangea par-des-
» sus des pains, afin de manger plus proprement. Comme
» la faim fit dévorer ces pains , un des fils d'Énée , ou
» quelque autre, s'écria : Nous mangeons nos tables! Â
» ces mots , tous firent grand bruit et dirent que l'oracle
» s'accomplissent. En effet , ils aboient reçu cette réponse ,
» ou à Dodone , comme le rapportent quelques histo-
» riens , ou , selon d'autres , a Érythre , bourgade du
» mont Ida , où résidoit une sibylle. On leur avoit or-
» donné de naviguer vers l'occident , jusqu'en un lieu où
» ils mangeraient leurs tables : voyant que la prédiction
» étoit accomplie , ils se laissèrent guider par un cheval,
»et bâtirent des maisons dans l'endroit où il se ré-
»posa,» -*
dbyCoogle
SUR LE LIVRE VII. i83
Tectum augnt tant , îngeni, coûtant ««Mime colamnû,
TJrbe fait nuunt , Laurent!* régi» Pici ,
Horrendum iilvia et relligione parcnlam.
Ce palais auguste, immense, soutenu par cent co-
lonnes , et entouré de son bois sacre*, recommandante par
la piété des moeurs antiques , donne d'abord une idée
juste et heureuse de f antiquité voisine de Ydge de Sa-
turne. On croira peut-être difficilement que le bon Ficus
eut un palais sonteuu par cent colonnes \ mais 11 ne faut
pas oublier que Tordre toscan , le plus simple , le plut
fort et le plus solide de tous les ordres d'architecture ,
est dû aux peuples de l'ancienne Étrurie. Le reste de
cette description est un mélange de choses qui appar-
tiennent à la guerre et de celles qui appartiennent à
T agriculture ; ce qui caractérise très-bien les moeurs de
Rome , dont le poète veut chanter l'origine.
MnlUqae prxterea saeria in postibus arma ;
Captm pendent esmu , cameqne lecnrea ,
Et cristas capitam , et portarum ingentia claiMtra ^
Spicnlaqne , clypeique , ereptaqae roctra carinit.
Ces vers ont été imités par Stace , dans sa description
du temple de Mars. Voici les vers de la Thebàide , liv. 7 :
Terraram tiuvia» circàm et faatigia templi
Captte inaignibant geatef, catlataqve ferra /
dby Google
*S4 REMARQUES
Fragmina poruram , bellatricestpie carias.
Et yacui carras T protriUque curribuora.
Ce passage est an des plus beaux de la Thébalâe s et
c'est ainsi que Staoe auroit toujours dû imiter Virgile ^
"qu'il cherchent à prendre pour modèle.
Nnm capti po lucre capi ? nnm inceui a crenumt
Troja viro»?
Quelque beau que soit le discours de Jtmon , il faut
avouer que cette espèce d'opposition et de jeu de mots
n'est pas digne de son caractère. I/antithèse est une figure
froide et qui tient de l'esprit de symétrie ; elle ne peut
s'allier au langage des passions , et surtout a celui de la
colère. Virgile a youlu imiter ici ces vers d'Ennius sur les i
murs de Troie :
Que neque dardaniis campU potuere perire , j
Nec càm capta 4 capi , sec , cùm combusta y cremarî. |
I
Ces vers d'Ennius étoient fameux dans l'antiquité la- 1
tine ; mais ils étoient plus kits pour être imités par Ovide i
que par Virgile.
Fccnndom «meute pectni 9
Dit)icc compotit&m pacan , aer» crimina bcili :
Arma velit, poscatque ilmaï, rapiattrue juventaf , etc.
Ce discours , adressé par l'épouse de Jupiter à Akc«
dby Google
SUR LE LIVRE Vit a»S
•on, est la plus belle exposition qu'on puise (aire de»
scèiies sanglantes qui vont avoir lien; tons les fléaux
dont on est menacé semblent être dans ces mots : Fe~.
cundum coneute peclus. En général , ce morceau
d'AIecton est admirable dans tous ses détails. Le serpent
qu'elle jette dans le sein d'Àmate , qui se glisse dans le
coeur de la reine , qui s'insinue sous ses habits , qui se re-
plie autour de son cou , et glisse successivement sur tons
ses membres , est décrit avec une telle énergie , avec une
telle vérité , qu'on croit le voir et suivre tons ses mouve-
mens -, le lecteur frémit pour la malheureuse Àmate*
Le désespoir et la fureur de la reine sont tracés avec
le même pinceau. Sa fuite dans les forêts avec les bac-
chantes , ses invocations à Baechus , auquel elle veut con-
sacrer sa fille , donnent une nouvelle vraisemblance à la
fiction dn poète , en la méhnt aux cérémonies usitées chez
les païens. Ici Virgile se livre à tout son enthousiasme
poétique ; -et il pourront s'écrier comme Horace : Quà
me, Bacclie , rapts tui plénum ?
Alecton, pour enflammer Turnus, prend les traits
d'une vieille prêtresse de Juoon ; et Ton ne voit pas
d'abord le motif de cette métamorphose , puisqu'elle ne
produit point l'effet que s'étoit promis cette fille des en-
fers; niais en réfléchissant un peu , on s'appercoit que 1«
dby Google
*U REMARQUES
poète a voulu mettre le caractère de Turnus dans tout son
jour, et l'opposer a celui du pieux Énée. Turnus méprise
les avis de la prétresse de Junon, il se rît de la vaine
crédulité de la vieillesse , et il ne cède qu'a la fatale in-
fluence des enfers. Juvénal étoit particulièrement frappe
de ce passage de Virgile , comme * on le voit dans ces
vers de la septième satyre :
Magne menti* optu , nec de lodke paraadi
Attonite , cnrrus et eqnot , facieaqtje deoram
Adtpicere y et qnaltt Rntnlum confnndat Erinnyt .
Nam si Vîrgilio poer, et tolerabile detit
Hotpitium , caderent omnec a crinibuf hydri ;
Surda nihil gemeret grave Jraccina...
«La crainte de manquer d'un habit géneroit la muse
» dn poète , lorsqu'il s'agit de voir , de peindre les dieux ,
» leurs chars et leurs coursiers , ou bien Érinnys soufflant
» au sein de Turnus le vertige et la terreur. Virgile , sans
» esclave et mal logé , n'eût point entortillé de serpens
» les crins de sa finie ; ce monstre infernal n'auroit point
» fait gémir son funèbre cornet. » ( Trad. de Dussaulx ).
Les comparaisons qui se trouvent* dans ce passage ont
été le sujet de plus d'une critique. On a reproché a Vir-
gile d'avoir comparé la reine Amate a un sabot , et
Turnus a une chaudière bouillante. Nous n'osons affirmer
dby Google
STJR LE LIVRE VIL a87
que ces comparaisons , et surtout la première , soient
parfaitement du ton de la poésie épique; mais les cri-
tiques conviendront que ce qu'il y a de commun ici
dans le sujet est bien racheté par la richesse des images
et des expressions. On pourvoit ajouter que l'objet dn
poète latin doit être de rabaisser k caractère d*Amate
et de Turnus, et qu'il «toit convenable de chercher le
sujet de sa comparaison dans les choses les plus vulgaires.
Homère , pour donner une idée du trouble qui agite le
chef des Grecs , compare son agitation à celle de l'air,
lorsque l'embrasant de son tonnerre Jupiter annonce aux
humains tous' les ravages de la tempête ou tous les mal-
heurs de la guerre. Cette comparaison est aussi belle que
convenablement placée ; mais Virgile aurait manqué de
jugement s'il eût pris le sujet de la sienne dans des images
aussi élevées. 11 ne s'agit pas du roi des rois , du chef
d'une ligue puissante , mais d'une femme emportée par
ses passions , d'un jeune prince aveuglé par sa fureur , et
qui l'un et l'autre sont en proie aux puissances du
Tartare.
Nous remarquerons , en finissant ces observations , que
la fiction employée par Voltaire dans le cinquième chant
de la Henriade ressemble beaucoup à ce passage du
septième livre de V Enéide. D'un coté, c'est Junon qui
dby Google
.88 REMARQUES
t'indigne de l'audace des Troyens ; de l'autre , c'est h
Discorde qui frémît ^le rage en voyant les succès de
ennemis de la ligue : Junon invoqne Alecton ; et la Dis
corde invoque le Fanatisme , divinité infernale : Alecto
prend les traits d'une prétresse de Junon , et le Fanatism
ceux du duc de Guise. Ce dernier trait , il est vrai , re 1
semble moins à Virgile qu'au 2e. livre de la Thèbâtt, J
où l'ombre de Laïus apparok k Tydée pendant son sol 1
' meil , sons les traits de Tyrésias ; mais pour tout le r«
la ressemblance est parfaite : le moyen de Voltaire est
même que celui de Virgile; heureux si, en adoptr 4
cette fiction du poëte latin , il eût imité sou modèle dr
■es développemens et dans ses détails ! .
Ccrvtu erat forma puriUnti «t cornibuk logent , etc.
Macrobe , dans son livre des Saturnales , se ré
beaucoup sur ce passage et sur ceux qui précèdent;
«a critique, surtout pour ce qui regarde le cerf de j5yhj
a frappé beaucoup de bons esprits. On a trouvé ridict jéf
qu'un cerf tué par Ascagne fôt la cause d'une guer. £0
dont le résultat devoit être la fondation de Borne : pli
sieurs écrivains ont défendu Virgile; ils ont observé qn
la plupart des guerres les plus sanglantes avoient e
nue cause plus légère 2 que quelques-vues même n'ei
DigitizedbyGoOQle
SUR LE LIVRE VIL »89
avoienc point eu du tout , ec que <f afteurs le cerf tné
n'était point ici la cause, mais f occasion des combats. On
pourrait ajouter qu'il n'est point étonnant que la guerre
commençât par un pareil motif parmi des peuplades
agrestes qui n'étaient point accoutumées à se battre pour
des empires, et 4ftà dévoient plus facilement embrasser
la qnereUe d'tm fermie* puissant qxts h. cause de rois
qu'ils ne connoissoient point. Au reste , sans prétendre
justifier Virgile , qui n'a pas besoin d'apologie , flOttsnous
contenterons de faire remarquer quelques -unes des
beautés de détail qui se trouvent dans ce morceau.
Mollibitt intenter ornafeat cofnna ««ni»,
Pectebatqne féftua, purague îtt Jbttte lvrab'it.
Ille t manum patiena t ménisque aataetui berili ,
Errabat aklvU f runiuque ad limina nota
îpte domnm iéft <$ûa3ttttf se nocte ferébat.
Ce sujet prétoit beaucoup aux images pittoresques et
riantes» Virgile n'a rien oublié ; c'est ici qu'il a £dt preute
d'un goût exquis, en disant tout ce* qu'il failoit dire 9 et
<en ne disant rien de trop. Ovide est loin de montrer la
même réserve en décrivant les caresses et lés ontenrens
<jue Cyparisse prodigue au cerf qm' suit partout stir ptas.
On peut comparer son tableau sr MA de Virgile :
Cwnir* fallût SU* ; tfttflâ.faSpU la ttitst
xzi. ?5
dby Google
apo REMARQUES
Pendebant tereti gemmata mooilta coUo.
Bulla super frontem parvis argenté a lori»
Vincta movebatur , parilique ex arte oitebant
Àoribus e geminis circum cata tempera baccas.
Le dernier vers présente une image ridicule , en donnant
à un cerf des pendons d'oreilles : le poète en a déjà trop
dit , mais il ne s'en tient pas la ; il ajoute , en «'adressant
à Cyparisse :
Tu modo texebas yarioi pot cornu* flores ;
Nunc eques in tergp résident t hue latus et illuc
Mollia purpureis fraenabas or a çapistris.
Quelque agréables que soient ces détails, ils sont trop
multipliés pour produire un heureux effet ; on peut dire
ici d'Ovide ,
Qu'il a peint la richesse e.t non pas la beauté. ,
C'est avoir beaucoup d'esprit , dit un écrivain moderne,
- que d'en avoir trop; mais , à mon avis, c'est n'en pas
avoir assez. Le reste de ce morceau , dans Vitgile , est
. écrit avec le charme et le naturel qui le caractérisent.
- Les malheurs du vieux Tyrrhée* arrachent des larmes ; U
consternation qui se répand dans les campagnes est par-
tagée par tous les lecteurs; la Discorde qui entonne 1a
trompette guerrière sur le toit modeste du chef des pas-
dby Google
SUR LE LIVRE VIL »51
teurs présente un tableau à la fois pittoresque et effrayant.
Qui n'est pas touche* surtout du sentiment qui règne dans
ce vers,
Et trépide maire» preuere ad pectora nafcx.
Les circonstances *de cette scène pathétique sont em-
pruntées d'Apollonius de Rhodes : « Le dragon , dont les
» yeux perçans n'étoient jamais fermes par le sommeil ,
» les vit s'approcher , et , allongeant une tête ef&oyable ,
» remplit l'air d'horribles sifQemens. La forêt et les rivages
» du fleuve en retentirent , et ils furent entendus de ceux
3j qui habitoient les extrémités de la Colchide ; à ce bruit
» affreux , les mères épouvantées s'éveillèrent et près—
» sèrent contre leur sein leurs nourrissons tremblans. »
Euripide a exprimé cette dernière idée dans sa Troade :
« Les enfans pressèrent leurs mains tremblantes autour
» des vétemens de leurs mères. »
Pandite nn&c Helicona , Des , cinUuque more te;
Qui belloexciti reget; quai quemque «ecutaj
Gomplériat campoi acies;
La gradation du ton et des images- est très-bien sou-
tenue : Virgile commence par une scène pastorale ; bien-
tôt la consternation et le tumulte succèdent au tableau,*
a5,t
dby Google
an* REMARQUES
des travaux champêtres ; les instrument 4a labourage se
changent ancré* d'Akctou en armes meurtrières ; déjà la
terrible scène des combats va s'ouvrir » et la querelle des
pasteurs devient celle des rois. L'invocation aux nuises
prépare très-bien l'esprit des lecteurs aux scènes san-
glantes qui vont avoir lien.
Macrobe et quelques antres critiques ont reproché à
Virgile de n'avoir' pas mis assez ôfi méthode dans sou
dénombrement ; les mêmes censeurs louent beaucoup
Homère de Tordre qu'il a mis «Jans Jes siens. Les éloges
qu'ils donnent au poète grec sont de tonte justice ; maisJU
critique qu'ils font du poète latin nous parole mal fondée.
Au temps d'Homère , les poètes étpienjt en quelque sorte
des historiens ; le monde étoit peu connu; et la méthode
géographique , l'esprit de classification , étoient néces-
saires dans un poème. II n'en étoit pas de même an temps
de Virgile > où les conquêtes des Romains ayoient mjts les
lecteurs les moins éclairés à portée de connoître les con-
trées les plus éloignées : on ne doit pas oublier que Strabon
é*toit contemporain du chantre d'Énée , et que ce fut sous
le règne d'Auguste que la description générale du monde,
à laquelle on avoit travaillé pendant deux siècles , fut
achevée sur les mémoires d'Agrippa , et placée au wifcea
de Rome sous un grand portique Mtti exprès. Un dénoua*
dby Google
SUR LE LIVUI yil. i93
brcmept mé&odiofle ^XM^^t^fnfifm »PP"«
aux Romains; et cç quj toojt JW**? «feWlW? *■■
Homère n'eût été que fastidieux dans Virgile.
Le poète latin a. gu> fkft? son, ^ombmnfOl tout ce
qui pouvoit donner de l'intérêt et de la variété a ton sujet.
Les différera peuples qu'il introduit sur la scène ont un
caractère particulier. Le poète en prend occasion de par-
ler d'un grand nombre de Tilles, cfc fpréts , de rivières,
de montagnes , et d'amuser son lecteur en l'entretenant
de la situation' et de la richesse des contr&s qu'il dé-
crit. Ses soldats sont remarquables par la différence de
leurs armes , {le leurs habillement. , et letps cheft par la
différence de Jeuçs attitudes , dp leurs caractère*. Parmi
ces derniers oji remarque un grand nombre de ltyéros des-
cendant des dieux ; et leur réunion dans les camps de
Tnrnus esj très-propre ^ donner une grande idée de la
guerre qui va comniencer : ce depomhrement n'est pat
moins intéressant par l'agréable mélange des récits, que
Virgile a tirés tour a tour de l'histoire et de la fable , et
qui sont au$aa£ % #}eaux vpj«H$que* qui dissent le
lecteur. Lç paê'^e ne varie pat seulement tes tableaux %
mais il varie ses expressions avec un art qu'on ne sauroit
trop louer, fl emploie quelquefois l'apostrophe % et cette
iigurc anime son récit. L'harmonie incitative vient aussi
a5...
dby Google
z$b REMARQUES
prodiguer ses merveilles au poète , et le dernier trait cfo *
oe tableau est d'une beauté inimitable :
Iua vel intacte segetis per summa rolaret
Gramina , nec teneras corsa lsesUset ariata« i
Vel mare per médium , fluctu suspensa tnmenti,
Ferret iter T celeres nec tingeret sequore plantas, etc.
Ces. vers, aussi légers que Camille elle-même, sont
'dans la mémoire de tout le monde : nous nous dispense-
rons d'en faire sentir les beautés.
Vida , dans son slrt poétique , fournit plusieurs exem-
ples de cette harmonie imitative. Pope , dans son poème
de la Critique, a imité le morceau de Camille , autant
que la langue anglaise le lui permettait. Nous en avons
plusieurs imitations dans notre langue , mais aucune n'a
rendu les beautés de l'original. Parmi les paraphrases ridi-
cules qu'on a faites de ce passage de "Virgile , on pourroit
citer celle de Saint-Amand dans le Moïse sauvé;
Tont ce qu'an beau mensonge a dit d'une Atàlante,
Ce qu'on a feint d'une autre , a la rapide plante , ,
Qui patsoit Tonde à »«c , et dessus les guéreU
Couroit sans affaisser les trésors de Cérès ,
Se montre véritable en l'ardeur dont Marie
Marche ou glisse plutôt sur la plaine fleurie;. *
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SUR LE LIVRE VIL agS
Sa trace ert invisible , et «où agilité
lait croire l'hyperbole ayee facilité.
Le poêle , après avoir épuisé ce tableau , représente le
toile de Marie vaguant sur sa tête , et il ajoute ces vers
bizarres:
Puis, ainsi qu'une «oie ondoyante etmenne,
Frappant de «on beau dos l'ivoire demi-nue ,
Bien qu'elle aille si vite , il semble la fouetter
Pour punir sa lenteur et la faire hâter.
Nous demandons pardon au lecteur de citer ces vers
à côte de ceux de Virgile ; mais , comme la manière de
Saint- Amand s'est reproduite quelquefois de nos jours,
comme il est arrivé plusieurs fois de prendre l'affectation
pour le génie % et la recherche pour l'élégance , nous avons
cru devoir citer ce morceau pour faire voir aux jeunes'
gens jusqu'à quel point de ridicule peut conduire l'ima-
gination sans le jugement , et l'esprit qui n'est point
«claire par le goût.
Nous n'avons pas besoin de faire remarquer ici que ce
septième livre se termine de la manière la plus heureuse :
la guerre est déclarée , ses principaux acteurs sont connus,,
et c'est la jeune Camille çrai ferme la marche de cette
dby Google
*96 BEMÀftQUES
foule de demi-dieux c* de hère*. Ce chant est une très-
belle introduction aux scènes héroïques que le poète va
décrire : nous n'avons pu en faire voir toutes les beautés ;
niais nous en avons dit assez pour que ceux même qui ne
le connoissent point, aient lieu de s'étonner de la sévérité
des critiques qui en ont été faites. Pour bien apprécier
"Virgile , peut-être faut-il avoir quefque cjiose de ce génie
et de ce goût si pur qui 4isjt|ngue le prince des poètes
latins. Un esprit impartial pourra trouver quelques lé-
gers défauts dans V Enéide ; mais les beautés de tout
genre y sont semées avec une telle prodigalité que la
critique la moins sévère est toujours reçue avec défaveur ;
et la postérité a fait comme Auguste qui refusa d'en
croire Virgile liri-mênie , lorsqu'il manifëstoit des craintes
sur le mérite de son ouvrage. Macrobe est le plus acharne
des censeurs de X Enéide ; son livre est presque tombé
dans l'oubli , et nous pourrions avec raison loi appli-
quer cette fable de Boccalîni , qui sera peut-être ap-
plicable' aussi à certains critiques de notre temps : « Un
» fameux critique , dit Boccalini , ayant ramassé toutes
» les fautes d'un poète célèbre , en fit présent à Apollon ;
*> ce dieu les reçut gracieusement , et résolut de récom-
>> penser l'auteur d'une façon convenable pour la peine
» çju il avait prise, Dans cette vue 7 il mit devant loi un
dby Google
SUR LE LIVRE VIL t97
» monceau de blé qui n'étoit point vanné ; il 1m ordonna
» ensuite de séparer la paille d'avec le bl« , et de la mettre
» & part. Le critique se mit à travailler avec beaucoup
» d'industrie et de plaisir ; et après qu'il eut fait la sépa-
*> ration , Apotyoniuj présenta la paille pour sa peine. »
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jENEIS.
LIBER OCTAVUS.
Ut bellî 8Ïgnum Laurenli Twrnus ab arec
Extulit, et rauco strepuerunt cornua cantu ,
Utque acres concussit equos , utque impulit arma ;
Extemplo turbati animi; simul omne tumultu
Conjurât trepido Latiam , saevitque jurentus
Effera. Ductore* primi , Messapus , et Ufens,
Contemptorqae deûm Mezentîus, andique cogunt
Auxilia , et latos yastant cultoribus agros.
Mittitur et magni Venulus Diomedîs ad nrbem,
Qui petat auxîKum, et Latîo consistera Teucros,
Âdrectum JEnean classi, vîctosque Pénates
Inferre, et fatîs regem se dicere poscî ,
Edoceat, multasque vîro se adjungere génies.
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L'ENÉIDE.
LIVRE HUITIÈME.
À ** i h S a retenti la trompette éclatante ,
A peine sur les tours de l'antique Laurente
Turnus a de la guerre arboré les drapeaux ,
Frappé son bouclier , animé ses cbevaux ,
En tumulte a sa voix tous les Latins s'unissent,
De leurs cris conjurés les champs au loin frémissent ;
Tout s*ëmeut, tout s'irrite , et leurs cœurs enflammés
Sont altérés de sang , et de meurtre affamés.
Leurs chefs , Messape, Ufens , et le cruel Mézence,
De vingt peuples encor reVeillent la vaillance ;
Partout les laboureurs sont changés en soldats.
Diomède veilloit sur ses nouveaux états,
Et respiroit enfin du tumulte des armes :
Tout a coup , lui portant de nouvelles alarmes,
Vénulns a ce Grec ennemi des Trojens
Apprend leur arrivée aux bords ausoniçns.
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5oo, 2EN MDOS LIBER Vllt t. i4-
Dardanîo , et latè Latio increbrescere nomen :
Qmd «îruat hû cœptû, quem, à fortana sequatar ,
Eventmn pagnae capîat , manifestiùa îpsi ,
Quant Ttano regi aut régi apparere ÉabBo.
Tatia par Latram : qàa Latanedostiàs haros
Cuncta vkfafe , magno cnntfinù flncraât atfsfo;,
Atqne anîmûm nunc Eue celerem, nunc dmdît îlluc,
In partesque rapit yarias , perque omnia versaï.
Sicut aquae tremukm labris obi lumen- altéins ,
Sole repereuflsau, aut radiant» imagine lttia ,
Omnia penrolitat latè loca; jamqoé $A aoraV
Erigitur, summique ferit laquearia teelî.
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v, i7. L'ENÉIDE, LIVftft VHL Soi
Déjà, dit-il , leurs dieux espèrent un asife ;
Déjà, fier de» retapants de sa naissante rffcr,
Leur prince fugitif usurpateur hardi,
Affermit son état chaque jour agrandi ,
Prétend que les destins l'appellent a l'empire ;
Déjà de toutes parts on s'assemble , on conspire ,
Déjà vingt nations s 'intéressent pour lui ;
Fier de sa renommée , et sûr de leur appui,
/ On prévoit ce quEuee un jour peut entreprendre :
Dioznède le sait, c'est à lui de l'apprendre
Aux rois de I'Ausonie , aux cnefi des Ardéens :
Sans doute c'est aux Grecs h juger lés Trojens.
Cependant , agité par ëts projets- contraires',
Enée ai entretient ses penser» solitaires f
Et , partageant entr'eux ses esprits inquiets ,
Roule , prend, abandonne, et reprend ses projets :
Tel dans l'airain brillant où flotte une eau tremblante f
Le soleil variant sa lumière inconstante,
Croise son jeu mobile et son rapide essm* ,
Va , vient , monte, descend, et se fêhVè e*$otf ,
Et des murs aux lambris rapidement promené
Des reflets vagabonds la lueur incertaine,
m. aG
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Soi iENEIDOS LIBER VHL v. a6.
Nox erat, et terras animalia fessa per omnes
Alituum pecudumque genusrsopor altus babebat ;
Quum pater in ripa gelidîque sub setberis axe
jEneas , tristî turbatus pectora bello ,
Procubuit, seramque dedil per membra quîetejm.
Haie deus ipse loci, flurio Tiberinus amœno,
Pcpuleas inter senior se attollere frondes
Visas. Eum tenais glaaco velabat amictu
Çarbasus , et crines uuibrosa tegebat arundo.
Tum sic affari, et curas bis deraere diclis :
0 sate gente deûm , Trojanam ex bostibus urbem
Qui revebis nobis , arternaque Fergama serras J
Exspectate solo Laurenli arrisque Latinis ,
Hîc tibi certa domus ; cerd , ne absiste, Pénates ;
Neu belli terrêrç minis : tumor omnis et ira
Concessere deûm. '
Jamque tibi , ne vana putes haec fiugere somnran,
Liltorçis ingens inventa sub ilicibus sus,
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v. l9. L'ENEIDE; LIVRE VIII. 3o3
La nuit couvrait la terre , et le dieu du repos
Sur tout ce qui respire épanchoit ses pavots;
De ses périls futurs se retraçant l'image ,
Le héros médîtoit, couché sur le rivage ;
Mais enfin le sommeil assoupit ses chagrins. *
Tout a coup , a travers les peupliers voisins,
Le Tibre s'offre a lui durant la nuit obscure :
Des tresses de roseaux ceignent sa chevelure,
Et du lin le plus fin le léger vêtement
De ses plis azurés l'entoure mollement :
« Fils des dieux, lui dit-il, qui sauvas de la flamme,
» Qui portas sur ces bords l'éternelle Pergame,
» Toi qu'attendoient Laurente et l'empire latin,
» La guerre et ses dangers te menacent en vain :
» Rassure-toi ; du sort la tempête orageuse
» Ne fatiguera plus ton ame courageuse.
» Ne crains pas qu'un vain songe abuse ici de toi;
» De mes prédictions garantissant la foi,
» Sous les chênes sacrés de ma rive fidèle , -
» Une laie aux poils blancs,trente enfans blancs comme elle,
» Vont s'offrir à tes yeux, et vont donner leur nom
» A cette Albe héritière et fille dHion :
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5o4 -BNEIDOS LIBER VIII. v. 44.
Triginta capitum fêtas enixà, jacebit,
Alba, solo recubans, albi circum nbera DatL
[BSc locus urbis erit, requies ea certa labonon :]
Ex quo ter dénis urbem redeuntibus annk
Ascanms dari condet cognominis Albam.
Haud incerta cano. Nuiic qoâ ratione quod instat
Expédias victor, panels, ad verte, docebo.
Arcades bis oris , genus a Pallante profectum ,
Qui regeœ Eyandram comités , qui signa secnti,
Delegere locnm, et posuere in montibus urbem,
Pallamis proayi de nomine Pallantemn.
Hî bellum assidue ducunt cum gcnte Lafanâ ;
Hos casais adhibe socios, et fœdera junge.
Ipse ego te ripis et recto flumine ducam,
Adversum remis superes snbvectus ut amnem.
Surge, âge , nate deâ; primi&que cadentibus astris',
Junoni fer rite preces , iramque mînasque
Supplicibus supera votis : mihi victor honorent
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v. 6i. I/ENEIPE, tIVRE VIII. 5o5
» La t'attend un mk et la fin. de tes peines.
» Ces promesses , cfois-moi, ne sont point incertaines ;
» Et trente ans révolus ne s'écouleront paj ,
» Quiule ne commande a ces nouveaux Aats.
» Mais écoute, et connois les secours qui t'attendent,
» Et quels soins importans tes intérêts commandent:
» Un peuple , qui $%wise a swvi les drapeaux ,
» A sur lçs monts Ja_tinsÉ fpn.de *es mur» nouveaux 5
» Par les Arcadieqs leur ville est habitue ;
» Leur ancêtre Pallas du nom de Pallanlee
» fit appeler ces murs , et dVterneîs combats
» Contre les fiers Latins détendent leurs état» r
» Pour ligtârê* commun qu'un traite ?qu# unisse j
» Moi-même , tous guidant sur mon onde propice ,
» J'aiderai vos vaisseaux a remonter son cours.
» Lève-toi dono , va , pars , implore leurs secours ;
» Et demain, quand la nuit, en repliant ses voiles,
» Donnera du départ le signal aux étoiles ,
» Prie, appajst Junon dont la longue rigueur
» Par de si longs revers exerça ton grand cœur.
» Un jour , vainqueur du sort , ta nouvelle puissance
» Me paîra le tribut de sa reconnoissance.
56...
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5o6 iENEIDOS LIBER VIII. v.fa,
Persolres. Ego sum, pleno quem flumine cernis
Stringentem ripas , et pinguîa calta secantem,
Caeruleus Tbybris , cœlo gralissimus amnis.
Hîc mibi magna domus, celsis caput urbibus exit
Dixit; deinde Iacu fluvïus se condidit alto,
Ima pëtens : nox ^nean somnusque reliquat.
Surgît ; et , aetberiî spectans orienlia solis
Lumina, rite cavis undam de flumine palmis
Sustulit, ac taies effundit ad aethefct voces ;
Nymphœ, Laurentes Njmpbae, genus amnibus unde est,
Tuque , o Thybri tuo genitor cum flumine sancto ,
Accipite /Enean, et tandem arcete pericKs.
Quo te cumque lacus miserantem incommoda nostra
Fonte tenèt, quccumque solo pulcherrimns exîs,
Semper bonore raeo ^ semper celebrabere donïs,
Corriger Hesperidum fluvius regnator aquarum.
Adsis o tanlùm, et propiùs tua numina firmes.
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y.83. L'ENEIDE, LIVRE VIII. 3o7
» Tourne yen moi les yeux , vois ce dieu protecteur
» Qui baigne ces beaux champs de son flot bienfaiteur,
» Le Tibre , dont le ciel favorise la course.
» Un superbe palais aux lieux où naît ma source
* Cache aux profanes yeux mon fleure encor ruisseau,
» Et d'illustres cites entourent mon berceau. »
H dit, et se replonge en ses grottes profondes.
Le héros se re veille au doux bruit de ses ondes,
Et l'ombre loin de lui fuit avec le sommeil.
Il se lève, et, tourne' vers l'orient vermeil,
Près d'invoquer les dieux de l'antique Laurente ,
H s'approche, et courbe' sur l'onde transparente
Pour puiser l'eau .sacrée il a courbe' ses mains •
Aussitôt il s'e'crie : « 0 nymphes^es Latins,
» Nymphes, mères des lacs, des fleuves , des fontaines!
» Et toi , Tibre sacre', qui fécondes ces plaines,
» Auguste souverain des fleuves de ces bords,
» Quels que soient les saints lieux où naissent tes tre'sors,
» Si tu finis mes maux , si tu sers mon courage,
» Dieu puissant 9 je te jure un éternel hommage ! »
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Sg8 jENEJÇPS WBPR VUî. v.79.
Sic ipemoret, gepainafqqe legU fe ril»se frire m es,
Remigieque aplat ; aocfcf âmul instruit annjs.
Ecce autem, subitum atque ocufis mirabile monstram,
Canada per silyain, cum fétu concqjor albo
Procubuit , widwfle jn fttW* ç wçpritnr , m -
Qnaiq pw* 4&*w ti& wn, tifci,' mawa Juhq,
Mactat , sacra ferens , et enm grege siatit ad aram.
Thybris eà fluvium, quam longa-est, nocte fomentera
Lennt, et tacita refluens ita snb^titît undâ,
Miti8 ut w raprem, staguj placitfapque palucEs
Sternefet «quor aquu, rama ut luctamen abesscK
flrgo iter mceptnm ceïerant rumore secundo.
Labitur uncta vadis abîes : niirantur et uaçfe •
Miratur nemus insuetrçm fulgentia. lp^gè
Senta vicûm fli^rio , picfcsque ium ç*#i*a*
Olli remigio noclenxjue diemepe fatigant,
Et longos superant flexus, yariîsqoe leguntiur
Arboribus , yiridesque sécant placido awjuore sflwts.
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v. io3. LTNÉIDE, LIVRE VIII $o9
Il dît , et dans sa flotte il choisit deux vaisseaux :
Déjà la rame est prête a sillonner les eaux;
Ils partent. Tout a coup , ô surprise! ô merveille !
Une laie et ses fils , tous de couleur pareille ,
S'offrent a ses regards sur la rive étendus :
De leur sang aussitôt les flots sont répandus :
« C'est k vous, ô Junon, que fen offre l'hommage! »
Ainsi le dieu du Tibre accomplit son présage.
Le fleuve cependant , durant toute la nuit,
De son onde fougueuse a fait taire le bruit;
Ce n'est plus un torrent, c'est un marais tranquille,
C'est d'un lac endormi la surface immobile;
Et , sans que les rameurs luttent contre les eaux ,
La vague complaisante obéit aux vaisseaux :
Ds poursuivent leur cours, la nef glisse sur fonde,
Le fleuve les revoit dans sa forêt profonde.
Surpris de voir troubler leurs bords délicieux ,
Le fleuve infréquenté, le bois silencieux
Admirent ces vaisseaux, cette troupe guerrière.
Les rameurs patiens , le jour , la nuit entière ,
Du courant tortueux suivant les longs détours,
Fendent l'onde docile , ou combattent son cours ;
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3io JENEIDOS LIBER VIIL v.97.
Sol médium cœli consceiidcrat îgneus.orbem ,
Qiium muros, arcemque procul, ac rara clomonim
Tecta vident , quae nunc Roraana potentia cœlo
iEquavit ; tum res inopês Evandrus babebat.
Ociùs ad verront proras, urbique propinquant.
Fertè die solemnem illo rex Arcâs honorem
Arophitryoniadae magno divisque ferebat
Ante urbem,in luco. Pallas nuic filius una,
Una emnes juvenum primi , pauperque senalus,
Thura dabant , tepidusque cruor fumabat ad aras.
Ut celsas vidère rates, atque inter opacum
Allabi nemus , et tacitis incumberë remis ;
Terrentur visu subito , cunctique relictis
Consurgunt mensîs. Audax quos rumpere Pallas
Sacra vetat, raptoque volât telo obyius ipse ;
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y. i*5. L'ENEIDE, LIVRE VIIL 3n
Sur eux les bob en voûte incliuent leur feuillage ,
Et des forêts dans Fonde ils sillonnent l'image.
Déjà l'astre du jour brilloit au haut des cieux :
On approche 5 et déjà se montrent a leurs yeux
Et la ville et ses tours , et ce palais de chaume ,
La capitale alors de cet humble royaume,
Mais où doit Rome un jour, mettant le monde aux fers,
De sa toute-puissance étonner l'univers.
Ils voguent, et déjà s'approchent de la ville.
G e j ôur, sousleurs remparts, au fond d'un bois tranquille ,
-Le roi, son fils Pallas, les premiers de l'état,
Ce peuple encore agreste, et son petit sénat,
Au fils d'Amphitryon , noble vengeur des crimes,
Ofîroient un encens pur et le sang des victimes.
Des vaisseaux tout a coup les mats frappent leurs yeux :
À travers la forêt, d'un cours silencieux
Us approchent. Soudain dans le sacré bocage
Tout fuit : Pallas lui seul , conservant son courage,
Fait poursuivre la fête et le sacré festin;
IL court au-devant d'eux les armes a la main ;
Et, d'un terlre élevé qui commande a la plaine :
*< Etrangers, leur dit-il, quel sujet vous amène?
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5„ JENEIDOS LIBER VIII. v: 112.
Et procul e tumulo : Juvenes, quas causa subegit
Ignotas tentare Tias? quà tendîtis ? înquit.
Qui genus ? unde domo ? pacemne hue ferlis , an arma?
Tum pater Jïneas puppi sic fatur ab altâ,
Paciferaeque manu ramum prétendit oliyae :
Trojugenas ac tela vides iinmica Latinis ,
Quos illi bello prôfugos egêre snperbo.
Eyandrum pefimus : ferte base, et dicite ïecto»
Dardaniae venisse duces , socia arma rogantes.
Obstupuit tanto percussus nomine Pallas :
Egredere , 0 qtricmnqtoe es , ait, coramque parent em
AHoquere , ac nostris succède Penatibus hospes.
Excepitque inanu, dextramqae amplezus iahssit.
Progrès» snbeunt luco, fluviumque relinquimt*
Tum regem iEneas dictis affatnr amicîs :
Qptime Grajugeoûm , cui me fortuna prtcarî ,
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t. 147. L'ENÉIDE, LIVRE VIII. 5j5
» Quels sont votre pays , votre nom , vo* projets?
» Parlez : apportez-vous ou la guerre ou la paix ? »
Alors , l'olive en main , et monte' sur sa poupe,
Le héros en ces mots parle au nom de sa troupe :
« Vous voyez des Troyens, vous voyez vos amis,
» Des barbares Latins comme vous ennemis.
» Sans pitié pour les maux où nous fûmes en proie ,
» Us poursuivent en nous ce qui reste de Troie.
» Nous demandons Evandre : allez, et dites-lui
» Que nous venons offrir et chercher un appui. »
A ce discours Pallas ne peut plus se contraindre :
« Ah ! qui que vous soyez , approchez sans rien craindre,
» J'en jure par Evandre et par son équité;
» Venez jouir des droits de l'hospitalité'. »
Il dit , tend au Troyen une mam fraternelle,
Garant déjà sacre d'une foi mutuelle,
Saisit ce bras puissant, fameux par tant d'exploits.
Us s'éloignent du fleuve, ils entrent dans le bois.
Ene'e approche Evandre , et d'une ame enhardie,
« 0 te meilleur des Grecs , honneur de FArcadie,
ni. 37
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3t4 J1NEID0S LIBER VIII v. i*&.
Et vittâ comptos voluit praetendere r amos ,
Non equidem extimui£)anaûm quod ductor et Àrcas ,
Quodque ab stirpe fores geminis conjanctus Atridîs ;
Sed mea me yirtus , et sancta oracula diyûm ,
Cognatique patres, tua terris didita fama ,
CoDJunxere tibi, et fatis egêre volentem.
Dardanus , Hiacx primus pater urbis et auctor , t
Electrâ, ut Graii perbibent , Atlantide cretus,
Advebitur Teucros : Electram maximus Atlas
Edidit, aelberios humero qui sustinet orbes.
Vobis Mercurias pater est , quem candida Maia
Cyllenae gelido conceptum vertice fiidit;
At Maiam, auditis si quidquam crediraus, Allas,
Idem Atlas générât cœli qui sidéra tollit. *
Sic genus amborum scindit se sanguine ab uno.
His fretus , non legatos, neque prima per artem
Tentamenta tui pepigi : me, me ipse, meumque
Objeci capul, et supplex ad limina veni.
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v. i67. L'ENEIDE, LIV£E VHL 3i5
» Qu unit un double nœud au sang d'Agamemnon ,
» Je ne me laisse point effrayer par ce nom,
» J'oublie en vous les Grecs, et ne yois plus quEyandre;
» Seul au ton suppliant vous m aurez vu descendre :
» Ma franche loyauté' , les oracles des dieux,
» Le sang qui nous unit par nos communs ayenx ,
» Votre grand nom; voila mes drûts, mon espérance;
» Voila quels nœuds sacres nous enchaînent d 'avance.
» Dardanus dllion fut l'heureux fondateur:
r r
» Electre fut sa mère : Electre eut pour auteur
» Cet Atlas qui des cieux porta la voûte immense.
» Vous, au fils de Maïa vous devez la naissance :
» Maïa, qui le conçut du souverain des dieux,
» Naquit du même Atlas qui supporte les cieux.
» Ainsi de nttre race , également divine ,
» Les rameaux séparés ont la mâme racine :
» Voila mes droits. Ainsi, bien sûr de votre cœur,
» Sans art , sans vains de'ti.urs , et sans ambassadeur,
» C'est moi qui viens a vous , c'est moi qui vous supplie*
» L'Ardeen , qui prétend asservir l'Italie,
» Pense, vainqueur de moi, l'être de l'univers,
» Et régner sur les lieux qu'embrassent les deux mer*
33*
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US jENEIDOS LIBER VIII. V.146.
Gens eadem, qu« te, crudeli Daunîa bello
Insequitur : nos à pel)*nt, nihil abfore credunt
Quîn omnem Hesperiam penitùs sua sub juga initiant,
Et mare quod supra tefleant, quodque alluit injra.
Accipe daque fidem : sunt nobis fortia bello
Pectora, sunt animî, et rébus speetata juvenius.
Dixerat iEneas : flle os oculosque loquentis
Jam dudum et tutum lastrabat lumine corpus.
Tum sic pàuca refert : Ut te, fortissime Teucrûm,
Accipîo agnoscoque Iibens! ut verba parentis
Et Yoçem Anchisœ magni vultumque recordor !
Nain meffibî Hesiona yîsentem régna sororis
Laomedontiaden Priamum, Salamiiia pelentem,
Protenus Arcadiae gelidos invîsere fines.
Tum mibî prima gênas yçstîbat flore juventa ;
Mirabarque duces Teucros; mirabar et ipsum
Laomedontiaden : sed cunctis altior ibat
Ancbises. Mibi mens juyenali ardebat amore
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t. 189. L'ENÉIDE,%LIVRE VIII. 5i7
» Donnez-moi votre loi, je tous paire la mienne.
» Vous connaisse», grand roi % la jeunesse troyenne ,
» Ce que peuvent leurs bras , ce qu'ose leur valeur ,
» Et tout ce qu'au courage ajoute le malheur. »
Le discours du héros ravit le bon Évandrej
Il ne peut se lasser de le voir, de l'entendre ,
Le parcourt tout entier d'un regard curieux.
Enfin , prenant ta main : a Noble fils de nos dieux,
» Quel plaisir de vous voir et de vous reconnoître!
» Qu'Anchise en un tel fils est heureux de renaître !
» Je crois revoir se$ traits , je crois ouïr sa voix.
» Je m'en souviens encor, quand Priam autrefois ,
» Visitant He'sione, aborda Salauaine, ,
» ( De ce puissant état l'Arcadie est voisine )
» Souverain de l'Asie il ne dédaigna pas
» De voir nos monts glaces et mes humbles e'tals.
» Je le vis arriver : alors la fleur de l'âge
» De son premier duvet omhrageoit mon visage :
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3i8 JENEIDOS MBER VIII. v.164.
Compellare virum, et dexlrse conjuogere dextram :
Accessi, et cupidu» Pheneî sub mœnia duxî.
Die mihi msiguem pharetram Ljciasque sagiltas,
Discedens, cblamydernque auro dédit infertextam,
Frenaque bina meus quae dudc babet aurea Pallas.
Ërgo et quam pelitis juncta est mihi fœdere dextra :
Et , lux quam primùm terris se crastina reddet,
Auxîlio laetos dimittam , opibusque juvabo.
Interea sacra haec, quando hue venislis aaûcî,
Atinua, quae differre nefas, celebrate fayentes .
Nobisciuu, et jam nuae wcionun assuescite i
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T.ioy. L'ENÉIDE, LIVRE VIII. it±
» J'admirois les Troyens , j'admirois ce grand roi ;
«Mais Anchise parut, tout s'éclipsa pour moi.
» Amoureux de l'honneur, plein de la noble flamme
» Qu a l'aspect d'un grand homme éprouve une jeune ame,
» Je hrulois d'approcher , d'embrasser ce guerrier.
» Heureux s'il visitait mon toit hospitalier !
» Sa noble complaisance honoroit mon jeune âge.
» En partant, ce héros, pour prix de mon hommage,
» Me combla de pre'sens. C'est a lui que je dois
» Ces flèches de Lycie , et ce brillant carquois ,
» Des tissus d'or , deux freins (Tune égale richesse ,
» Qu a mon jeune Palias a cèdes ma vieillesse.
» Le fils de ce héros est déjà mon ami ,
» Et qui l'ose attaquer devient mon ennemi ;
» Comptez sur mes sermens : demain je vous renvoie
» Avec tous les secours dûs au héros de Troie.
» Cependant, puisqu'ici nous devons célébrer
» Des fèies que sans crime on ne peut différer,
» Venez , et partagez la pompe solennelle
» Que pour Hercule ici ce grand jour renouvelle*.
» Confions a ce dieu nos communs intérêts x
» Et de vos allies essayez les banquets. *
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3*o ^NEIDOS LIBER VIIL t.i7ï.
H«bc obi die ta, dapes jubet et sublata repoiii
Pocnla, graœineoqoe viro« locat îpse sedili ;
Praeapuumqne toro et yîllosî pelle leonîs
Accipit iEnean , solioqoe invitât a^çrao.
Tum lectî jurenes certatîm ararçoe sacerdçs
Viscera tosta feront taunurum, onerantqae canistris
Dona laboratas cereris , bacchumqne mînistrant.
Vescîlur JEneas, âmul et Trojana juventys ,
Perpetuî tergo bovîs et lustralîhus extia,
Posiîjuani exempta iames, et anaor compressas eh\
Rez Erandrus ait : Non haee solemma nobis ,
Has ex more dapes, hanc tanti numinis aram,
Vana snperstûio yeterumque îgnara dçoram
Imposa : wyis. , hospes Trojane , pendis
Servab facimus, meritosque novamùs honores.
Jam primàm saxb suspensam banc adspice rnpeiu?
Disjectae procul ut moles, desertaque montîs
Stat domus, et scopuli ingentem traxere ruina».
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r. *i9. L'ENEIDE, LIVRE VIIL 3*i
Il dit : les vins , les mets sont remis sur la table ;
Lui-même il place Énée en un trône d'érable
Que recouvre la peau d'un énorme ton ;
Un lit d'herbe reçoit le héros dTUon ;
Le pontife , suivi du choix de la jeunesse,
Sert le festin sacré. D'une sainte allégresse
Tous les cœurs sont remplis : on charge les buffets
Des trésors de Bacchus , des présent de Cérfes ;
La victime , ies chairs, ses entrailles sacrées ,
Sur une table immense 'a leur faim, sont livrées.
Le besoin satisfait , le monarque au héros
Adresse la parole , et lui parle en ces mots :
« Ce n est pas vainement , prince*, que notre zèle
» Célèbre avec éclat cette pompe annuelle :
» L'oubli des dieux anciens, de crédules erreurs,
» K'ont point dicté nos vœux > leur source estdansnoscœun
» Sauvés d'un grand danger, notre reconnoissance
» D'un dieu libérateur honore la puissance.
» Voyez-vous dans les airs ces rochers suspendus,
» Ces éclats, ces débris au hasard répandus,
» De ce. mont entr ouvert l'horreur désordonnée,
» £t de son antre affreux la voûte abandonnée ?
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Ui JENEIDOS LIBER VIIL t. 193.
Hic spelunca fuit , vasto submota recessa ,
Semihorainis Caci faciès quam dira tenebat,
Soiis inaccessam radiïs ; semperque recenti
Carde tepebal humus; foribusque affila superbîs
Ora virûm tristi pendebant pallida tabo.
Huic monstro Vulcanus erat pater : illius atrot
Ore vomens ignés, magna se mole ferebat.
Attulit et nobis aliquando optantibus aetas
Auxilhim adventmnque dei : nam maiîmas ultcr,
Tergomini nece Geryonse spoliisque superbus,
Alcides aderat, tawosque hàc victor agebat
Iogentes; yallemque boves'amnemque tenebanh
Àlfuriis Caci mens efifera, ne quîd inausum
Àut intractatum scelerisve doliye fuisse t,
Quatuor a stabulis'praestanti corpore tauros
Avertit , lotidem forma snperante juvetacas;
Atque hos , ne qua forent pedibus vestigia reclw>
Caudà in speluncam tractos, yersisque viarum
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?.25i. I/ENEIDE, LIVRE VIII. 3*3
» La , dans les flancs du mont , bien loin de l'œil du jour,
» De l'infâme Gacus fut l'infâme séjour.
» Des têtes au front pâle et de sang dégouttantes
» A sa porte homicide étoient touj urs .pendantes;
» Et son antre, du meurtre odieux monument ,
» D un carnage nouveau sans cesse étoit fumant.
» Ce monstre horrible a voir, fier de sa taille immense,
» Deyoit au dieu du feu sa funeste naissance ;
» Et, tel un un noir volcan , de son gosier affreux
» Des brasiers paternels il vomissoit les feux.
» Un dieu vengeur, un dieu sauva notre patrie.
» Revenu des beaux champs de l'antique Ibérie,
» Dans ces riches vallons a sur les bords de ces eaux ,
» Le fils d'Âlcmène avoit amené ses troupeaux :
» Du triple Géryon triomphateur superbe ,
» Le prix de sa conquête erroit en paix sur l'herbe.
» Cacus , que ne retient ni crime ni danger,
» Dérobe des troupeaux de l'illustre étranger
» Quatre jeunes taureaux, quatre belles génisses,
» Qui des herbages frais savouroient les délices,
» Les cache en sa caverne ; et cependant sa main,
» Pour déguiser aux yeux les traces du larcin,
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l2i ^NEIDOS LIBER VIIL v. nr.
Indiens raptos , saxo occtdtabat opaco.
Qasrenti nulla ad speluncam signa ferebant.
Interea, quum jain stabulis saturata moveret
Âmptntryonîades arment a, abitumque pararet,
Discessu mogke boyes, atque omne qaerelîs
Implerinemus, et colles clamore rcfcqoL
Reddidit nna boum vocem , vastoqae flib antro
Mugiit, et Cad spem custodita fefeOit.
Hic verô Alcidae fùriïs exarserat atro
Felle dolor : rapit arma manu, nodisque gravaunn
Robur , et stheni cursu petit ardua montas.
Tarn primùm nostri Cacum vidêre tûnentem ,
Turhatumqne ocah's. Fngit îKcet ocîor euro ,
Speluncamque petit : pedihus tiroor addidit alaj.
Ut scse incluait, ruptisqae imraane catenis
Dejecit saxum ferro quod et arte patenta
Pendébat, fultostrae emnnnt obice postes ;
Ecce forens animis aderat Tirpthius, omnemque
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v.£73. L'ENEIDE» LIVRE VIII. 3*5
» Saisit par leurs longs crins , fait marcher en arrière
» Les taureaux, dont les pas marques en sens contraire
» De son infâme yol e'cartoient le soupçon.
» Enfin, las du repos, le fils d'Amphitryon
» Se prépare a mener sur de lointains rivages
» Ses troupeaux engraisses dans ces beaux pâturages
» Et des taureaux partout les gémissantes voix
» De leur adieu plaintif ont fait mugir ces bois.
» Alors , de ce brigand trahissant l'artifice ,
» Du fond de l'autre creux repond une génisse :
» Alcide entend ses cris. Aussitôt dans son cœuf
>» Un fiel noir et brûlant allume sa foreur;
» Il Relance , Q saisit sa pesante massue ,
» Cherche du noir se'jour la porte inapperçue.
» Alors , les yeux trouble's , sans courage , sans yoix f
» L'affreux Cacus trembla pour la première fois :
» Plus prompt que les éclairs , vers ses roches fidèles
» Il court > vole ; a ses pieds la peur donne des ailes i
» Il fait tomber ce roc que, d'upe adroite main ,
» A des chaînes de fer a suspendu Vulcain^
» S'enferme , oppose au dieu cette vaine défense.
» Hercule est accouru respirant la vengeance :
211. ?»
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3i8 2ENEID0S LIBER VIIL v.*A7.
Ergo insperata deprensum in lace repente ,
Inclusumque cavo saxo, atque însaeta rudentem ,
Desuper Alcides telis prenait, omniaque arma
Adyocat, et ramis vastisque molaribus instat.
Die autem , neque enim fuga jam super ulla pericli,
Faucibus ingentein fumum, mirabile dicta,,
Eyomit, involyitqwe domum cahgine caecâ,
Prospecfum eripiens oculis ; glomeratque sub antro
Fumiferam noctem , commixtis igné tenebris.
Non tnjit Alcides animis; seque ipse per ignent
Prapoipiti injecit saltu, qna plurîmus undam
Fumas agit , nebulâque ingens specns aestuat atrâ.
Hic Cacum in tenebris incendia yana moventem
Corripit , in nodum complexus , el augit Inhaerens
Elisos oculos, et siccum sanguine guttur.
Panditux èxtemplo foribus domus atra reyulsis;
Abstractxque boves abjurataeque rapins
Çœlo ostenduntur ; pedibusque informe cadayejr
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, /
?.3i7. L'ENEIDE, LIVRE VIII. 3*)
» Tel, si d'un choc soudain l'horrible violence
» Du globe tout a coup rompoit la voûte immense,
3» Et dans ses profondeurs découvroit a nos jeux
» Le Styx craint des mortels, abhorre par les dieux,
» De ce royaume affreux, désole', lamentable,
» L 'œil verroit jusqu'au fond l'abîme redoutable ;
» Et , dans l'ombre éternelle envoyant ses clartés ,
» Le jour eblouiroit les morts épouvantes :
» Tel , effraye' du jour qui maigre' lui l'éclairé,
» Le monstre en vain s'agite, et rugit de colère.
» De la cime du mont Alcide le combat ;
» Tantôt d un roc brise' lui lance un large éclat ;
» Et tantôt , a deux mains, d'un arbre entier l'accable.
» Alors le monstre , en proie a son bras implacable ,
» Se ressouvient du dieu qui lui donna le jour : .
» De son gosier brûlant, dans son hideux séjour,
s II vomit des torrens de flamme et de fumée ,
» S'entoure tout entier d'une nue enflammée ,
s» Et dans ses noirs cachots , image de* enfers ,
» A leur obscurité' mêle d'affreux éclairs.
» Alcide furieux ne contient plus sa rage;
» U «élance , il se jette au plus fort du nuage,
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m SENEIDOS LIBER VIII v.v/u
Hanc àram luco staluit , qua maxima semper
Dicetur nobis, et erit qu» maxima semper.
Quare agite , o juyenes, tantarum in munere laudum ,
Cingite fronde comas, etpocula porgite dextris;
Communemoue vocate deum, et date vina volentes.
Dixerat ; Herculeà bicolor quum populus umbrâ
Velavitque comas , foliisque innexa pependit ,
Et sacèr impleyit dextram scjpbas. Ociàs omnes
In mensam laeti libant, divosque precantnr*
Devexo interea propior fit vesper Olympo :
Jamque sacerdotes primusque Potilins ibant
Pellibus in morem cincti, flammasque ferebant.
Instaurant epulas, et mens» grata secundae
Dona ferunt, cumulantque oneratis lancibus aras*
Tnm Salii ad cantus, înoensa altaria circum,
Populeis adsunt evincti tempora ramis;
Hic j uventim chorus, Ole senum, qui carminé laudes
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v. 36i. L'ENÉIDE, LIVRE VIII. 33?
» En mémoire du dieu vainqueur de ce barbare.
» Le vieux Potîthis et l'illustre Pinare
» Président a ce temple, et, prêtres de ces bois,
» D'un culte héréditaire ont conserve' les lois.
» Joignez-vous donc a nous dans cette noble fête;
» Prenez la coupe en main, couronnez votre tête;
» Prions ce dieu qu'il soit notre commun appui;
» Prions , et qu'a grands flots le vin coule pour lui. *
fl dit : du peuplier la douteuse verdure
De sa double couleur orne sa chevelure ;
Leur main saisit la coupe, on l'épanché , et le via
Baigne en l'honneur du dieu la table du festin.
Déjà vers l'occident penchoit le jour oblique :
Alors , vêtus de peaux suivant l'usage antique ,
Marchent Potitius et les prêtres do dieu;
Dans les foyers sacrés leurs makis portent le feu.
On sert les seconds mets : l'autel ceint de guirlandes,
Est couvert des bassins qui sont remplis d'offrandes,
On allume les feux, on commence les chants :
Deux chœurs de Saliens , partagés en deux rangs,
D?un côté les vieillards, de, l'autre la jeunesse ,
Ceints des rameaux du (Jieù , pleins dune sainte ivresse ,
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534 «NEIDOS LIBER VIII. * a&8.
Hercafeas et facia fenmt : nt prima no vercae
Monstra manu gemînosque premens élisent angues ;
Ut bello egregias idem disjecerit urbes,
Trojamqoe 9 (Ecbalkmque; nt doroamille labores
Rege sub Emysdieo, fetis Jmmmhs inkp» ,
Pertalerit. Ta irabigenas, invicte,bimembres
Hjlœumqoe Pholumque manu, tu Creasîa mactaft
Prodigia , et yastum Nemeâ sub xupe leonem,
Se Stygn tremere bons , 2e janitor Orci
Ossa super reeufmns ftnfro semesacruento.
Nec te ulbs faciès , non terrait ipseTyphoeus
Ardaus , arma tenens; non te rationk egenten*
Lernams turbà capitum cîrcumstetit anguis.
Salve , vera Joris proies , deous addke dins :
Et nos et tua dexter a£ pfede- sacra secundo.
Ta]ia carminibus célébrant : super omnia Cacî
Speluncam adjiciuot, spirantemque ignibns ipsum.
Consonat omne nemos stwpîhi , collesque résultant»
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t. 383. L'ÉN&DE, LIVRE VltL 3SS
Chantaient , chantaient Hercule an loin victorieux f
Sa précoce valeur, son berceau glorieux,
Les serpens étouffes, essais de /on enfance *
Les superbes cités qu'immola sa vengeance,
Comment d'un fier tyran bravant les dores fort
U fatigua Junon de ses nombreux exploit» :
« Terrible dieu ! c'est toi qui domptas le Centaure)
» C'est par toi que périt l'infime Minotaure x
» Que servit au liou son fier rugissement ,
» Ses longs crins hérissés , son gosier écumantf
» En wmn l'Hydre t» lei redressa ses cent têfrs;
» L'enfer même, l'enfer bémk de tes conquêtes;
» Et Cerbère > couché dans son antre sanglant,
» Par ta puissante main fut traîné tout tremblant
» Tu bravas , tu domptas le monstrueux Typhée y
» Et son armure immense honora ton trophée.
» Salut, honneur du ciel , enfant mt roi des dieux f
» Salut ! recois nos deM^natre cotte et nos vans. *
Tels étaient leurs concerts 5 ils célèbrent encexe
Le trépas du brigand que la contrée abhorre ,
Devant le dieu vainqueur ce monstre épouvanté,
Les feux qu'il vomjssoit, sou autre ensanglanta
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Zh6 JîNEIDGS LIBER VIII. v. 3o6.
Exïn se cuncti divinis rébus ad urbem
Perfectis referont. Ibat rex obsitus »vo,
Et comitem JSnean juxtk natumqae tenebat
Ingrediens, varioque vîam sennone levabat.
Miratur, facilesque oculos ferl omnia circum *
JEneas, capiturque locisj et singula lastns
Exquiritque auditque virûm monumenla priorom.
Tum rex Evandrus , Romans conditor arcîs :
Hase nemora indigenae Faani Nymphœque tenebant ,
Gensque virûm truncis et dura robore nata,
Queis neque mos, neque cultas erat 5 nec jungere laoros
Ànt componere opes norant, aat parcere parto ;
Sed rami , atque asper yietu venatus alebat.
Primas ab aetherio venit Satoraus Olympo ,
Arma Jovis iugiens , et regnis exsul ademptis.
Is genus indocile ac dispersum montibas altfs
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v.4o5. L'ENEIDE, LIVRE VIII. 337
Leurs voix, leurschanft, leurs vœux et leurs cœurs se confondent 5
Le bois en retentit, et les monts leur répondent.
Lorsque des saints devoirs de ces solennités
Leurs cœurs religieux enfin sont acquittes,
Pour marcher vers la ville ils quittent le bocage.
Le vertueux Evandre, appesanti par l'âge ,
Suiyoit, entre son fils et le prince troyen,
Le chemin qu abre'geoit un aimable entretien.
Enee observoit tout avec un œil avide :
Tour a tour il écoute, interroge son guide ;
H aime a voir ces lieux, ces anciens mon u mens
D'un peuple qui remonte a la source des temps :
Sur les débris sacres son regard se promène.
Le premier fondatm ^'UDe Clte' romame>
Evandre , alors lui dit : a Des Nymphes, autrefois,
a Des Faunes, habitoient dans le fond de ces bois;
» Et ce fleuve et ces monts e'toient sous leur puissance :
» La, vivoient des mortels sans art , sans prévoyance ,
» Aussi durs que les troncs des chênes leurs ayeux,
» Ayant pour mets leur chasse ou quelques fruits pierreux.
» Chasse' par Jupiter des demeures divines ,
» Saturne le premier cultiva ces collines,
III. 9<>
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HZ JENEÎDOS LIBER VIII. v;3*t.
Composait, kgescpe dédît , Lâhmqaé rocm
Malaft, Idb quontam latuks'et turtns in om.
Aurea qua perhibent , iBo sub rege fuerunt
Saecula 5 sic placidà populos in pace regebat :
Deteribr donec paohtim ac decolor aetas,
Kt belli rabîes . et àmor snccessk babendL
Tum mairas Ànsoma et gentes yenêre Stcans;
Sœpius et nomen posuît Saturnia telliis :
Tum reges , asperqae immani corpote Thybris,
A qno po*t Itali fluvium cognonûa* Tbybrim
Dîximus ; zmkk reniai refus Albdia mcnea.
Me pulsum patriâ, pélagique e^fema seqaentem,
Fortuna omnipolens et inéluctable fatum
His posuere locis, matrisque egêre tremeada
Carmentî» Nympha nuuha, et deua auctor ApaUo.
Vix eu dicta ; debmc progressas moBstrat et arafe ,
Et Carmentalem Romano nomme portam
Quam meraorant, Nympha? prigcum Carmea&IiaMreiP
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v. 4*V L'ENEIDE, LIVRE VIIL *3f
» Civilisa ce peuple, deya des remparts ,
» Y rassembla des monts les habitas* épars;
» Et, dira mot qui marquoit sa retraite ignorée»
» Du nom de Latiuni nomma cette contrée.
9 Tel étoit l'âge d'or. Bientôt , dégénéré,
a Vint d'an métal moins pur l'âge décoloré ,
» La soif de la richesse, et l'amont de la guerre.
» Ce n étoient plus les fils de cette heureuse terre s
» Avec tous leurs voisins on vit se mélanger
» Leur sang abâtardi par un sang étranger*
I Ici se transporta l'antique Sicanie;
9 Ici furent reçus les enfans d'Ausonie :
» Et de moeurs et de nom ce lieu changea cent fois.
» Depuis, à ces beaux champs commandèrent des rois*
» Tjbris , ce fier géant , tyran d'un peuple libre,
» A l'antique Albula donna le nom de Tibre.
» Pour moi , de ma patrie injustement chassé,
» Le sort impérieux dans ce lieu m'a poussé ;
» Et les lois d'Apollon , et Carmenta ma mère,
» Ont guidé vers ces bords ma course involontaire. »'
II dit , s'avance, et montre au héros dltion
La porte Carmentale , et l'autel de ce nom ;
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54o jENEIDOS LIBER VIII. v.54o.
Vatis fatidicae , cecinit quas prima futuros
jEneadai magnos, et nobile Pallanteum.
Hinc lucum ingentem , quem Romulus acer asjlara
Retulit ; et gelidâ monstrat sob rupe Lupercal,
Parrhasio dîctum Panos de more Lycaei.
Nec non el sacri monstrat nemus Argileti,
Testaturque locum , et letum docet hospitis Argî.
Hinc ad Tarpeiam sedem et Capitolîa ducit ,
Aurea mine, olim silvestribus horrida dumîs.
Jam tum relligio payidos terrebat agresles
Dira loci; jam tum âlvam saxumque tremebant
Hoc nemus , hune, inquit, frondoso verlice collera,
Quis deus , incertain est , habitat deus : Arcades ipsum
Credunt se vidisse Jovem, quum satoè nîgrantem
JEgida concuteret dextrâ, nimbosque cieret
Haec duo proterea disjectis oppida mûris,
Reliquias veterumque vides monumenta virorum :
Pane Janus pater, hanc Saiurnus condidit 810603
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r.44* L'ENEIDE, LIVRE VIII. 54*
Monument élevé , si 1 on en croît l'histoire ,
A celle qui de Rome avoit prédit la gloire,
Et des mars de Pallas la future splendeur.
Bientôt paroît ce bois où , hâtant sa grandeur,
Romule aux étrangers sut ouvrir un asile ,
Refuge des proscrits , et berceau de sa ville ;
Puis du froid Lupercal s'offre l'antre divin ,
Dont l'origine grecque a pris nn nom romain»
Il ne néglige pas le saint bois d'Argilète >
De ses nobles regrets éloquent interprète :
La par ses soins repose un perfide Argien ,
Qui trouva son trépas en méditant le sien.
Enfin s'offre a leurs yeux la roche Tarpelenne,
Ce futur Capitole où la grandeur romaine
Etalera son marbre et ses colonnes d'or :
Des ronces , des buissons le hérissent encor.
De'ja , le peuple e'mu d'une pieuse crainte
Pressentoit ses destins et sa majesté sainte ;
De'jk ce mont , ce roc le frappoit de terreur.
« Voyez la-haut ces bois dont la muette horreur
» Aujourd'hui même encore inspire l'épouvante >
* Quel dieu réside au fond de leur nuit imposante?
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54» JENEÏDOS LIBER VIII. r. 55t
Jauiculum huic, 3U frétât Satura* nomen.
TaŒras inter se dictia ad tecta subital
Pauperis Erandri, pasâmque ameuta vîdebant
Romanoque foro et lautû mugire Cariais.
Ut yentum ad sedes : H*c, inquit , limiua yictor
Àlcides subît; tac illum repa cepit.
Aude, hospes^coiiteiiinere opes, et te qaoqae d%mun
linge deo; rebusque tem fton asper egema,
Dûrît; et angusti subtet fasrigia tectî
Ingentem jEnean droit, stratisque locayit
^9«himfidQ0etpeQeI%stidiAan«.
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v, 47*- Liff&fcE, LITRE VIII Sa
» On ne sait; mais on dieu réside dans ces bois :
» Même , je m'en souviens , nos bergers ont cent fois
» Cru voir, dans tout l'éclat de sa grandeur suprême %
» Sur ce terrible mont tonner Jupiter mime.
» Là sont les murs détruits de deux grandes cités,
» Monnmens des héros qni les ont habités;
» L'une est Janiculum, et l'autre Saturnie :
» Janus de la première enrichit l'Ausome , '
» Et Saturne de l'autre elera les. remparts. »
L'humble palais du m frappe en&Ueucs regards;
Quelques troupeaux erroîent disperse* dans ces plaines %
Séjour des rois du monde et des pompes romaines ,
Et lé taureau mugit où d'éloquentes voix
Feront le sort du monde et le destin des rob.
Tandis que de ces lieux Achate, Évandre, Éaée
Méditent en marchant h haute destinée»
On arrive au palais, où la félicité
Se plaît dans l'innocence et dans la pauvreté.
« Ce n'est pas dans ma cour que lé faste réside,
» Dit Évandre : ce toit reçut le grand Àlcide,
» Des monstres, des brigands noUe extenrjiÉatwaV
» là siégea près de moi ce dieu triomphateur ;
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!
344 JENEIDOS LIBER VIIL t. 56j-
Noi rat , et fascb tellnrem amplecikar al».
At Venus haud anîmo ne<juîd<juam exterrita mater,
Laurentnmqne minis et duro mota tumultn,
Valcanom alloquitur , thalamoque haec conjugis anreo
Incipit, et didis diyînum adspirat amorem :
Dum bello Ârgolici vaslabant Pergama reges
Débita , casurasque înimicis îgnïbus arces ,
Non nllnm auxîliam mîseris , non arma rogavî
Àrtis opisque tus ; nec te) carisstme conjux,
hcassùmre tnos yoiui exercere laboné&£ r
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M93. L'ENÉIDE, LIVRE VIII. 545
» Depuis qu'il l'a reçu , ce palais est un temple.
» Gomme lui , fils des dieux , suivez ce grand exemple ;
» Osez d'un luxe Tain fouler au pied l'orgueil : v
» De mon humble séjour ne fuyez point le seuil;
» Venez, et regardez des yeux de l'indulgence
» Du chaume hospitalier l'honorable indigence. »
A dit ? et fait placer pour le roi dUion
Sur un lit de feuillage une peau de lion :
La, méditant du lieu la noble destinée,
Dans cet humble palais s'assied le grand Énée.
La nuit tombe, et son aile obscurcit l'univers.
Vénus , le cœur en proie a ses chagrins amers,
Des Laurentins armés méditoit les menaces :
Dans une couche d'or la déesse des Grâces
Veilloit près de Vulcain; aux plus tendres discours,
Pour réveiller ses feux, son adresse a recours :
« Cher époux ! quand vingt rois ligués contre Pergame
» Attaquoient ses remparts dévoués a la flamme»
» Quoiqu au fils de Priam je dusse mes faveurs ,
» Quoique souvent Énée eût fait couler mes pleurs*
» H n'en étoit plus I emps $ c'en étoit fait de Troie , ,
» Et ses mur* delà Grèce alloient être la proie.
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5tf -SNEIDOS LIBER VIII, v. 57*
Qaamvû et Priami deberem plurima Bat» ,
Et durmn JEqea flevissem saepè Iaborem.
Nanc Jovis imperiis Rutalorum constitk oris :
Ergo eadem anpplex venio , et sanctnm mlhi muneft
Arma rogo genetrix aato. Te filia Nereî ,
Te potuît laciymîs Thhonia flectere conjux,
Adspice qui coëant populî, quae mœnîa clausîs
Jfemim acaant portis in me excidiumque meflrmn.
Dixerat } et sire» tînc atqoe bine dîw lacertJ*
Canctantem amplexu molli foret : ille repente
Âccepit solitam flammam, notusque meduDas
lutrayit calor , et labefacta per ossa cucurril :
Non secàs aique olîm tonitru quum nrpta cornsco
Jpea^nmamûajii percomt lumine mmboa.
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r. 5x5. L'ENÉIDE, LIVRE VIII Uj
» De ces infortune*, quel que fit le besoin,
» Je n'ai pas voulu prendre un inutile soin;
» Je n'ai point exigé de votre complaisance
» Les instrumens tardifs d une vaine défense*
s Maintenant cTÂusonie il a touché les ports,
» Le roi mente de» dieux Ta conduit sur ses bords.
» Je viens donc près de vous, o dieu que je révère!
* Pour un fils adoré vous supplier en mère :
» Qu'une armure pour lui sorte de votre main;
» Qoe le monde a ce don reconnoisse Vulcain*
» L'épouse de Thhofc , la fille de Nérée,
» Ont obtenu de vous l'armure désirée;
» J'ai plus de droits peut-être, et n'ai pas moins d'effroi :
» Vojez comme on menace et les Trojens et moi*
» Tout s'arme; mon fils seul sera-t-il sans défense ?
Elle dit : et voyant sa foible résistance ,
Elle édiaufle son cœur d'un doux embrassement
Son époux, quetséduit son tendre empressement,
De ses premiers désirs sent palpiter son ame;
H reconnoît Vénus a l'ardeur qui l'enflamme ;
Et le rapide éclair des amoureux transports
Pénètre chaque veine , et court partout son corps :
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548 ^NEIDOS LIBER VIIL y. 5tf.
Sensit laeta dolis et formte conscia donjux.
Tum pater aeterno fatur devinctus amore :
Quid causas petis ex alto? fiducia cessit
Quo tibi, dira , mei ? similis si cura fuisset ,
Tum quoque fas nobis Jeucros armare fuisset ;
Nec pater omnipotent Trojam nec fata vetabant
Stare , decemque alios Priamum superessç per annos.
Et nunc , si bellare paras , atque bac tibi meus est,
QuidquM in arte meâ possum prpmiltere cure,
Quod fieri ferro liquidoye potest electro,
Quantum ignés animxque valent $ absiste precand?
Viribus indubitare tuis. Ea yerba locutus ,
Optatos dédit amplexus, placidumqiie petivit
Conjugis infusus gremio per membra soporem.
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t. 537. L'ENEIDE, LIVRE VHL 34*
Tel, du ciel enflamme parcourant l'étendue,
L'éclair part , fend les airs et divise la nue.
Le piège a réussi; sûre de ses attraits ,
Vénus sent son triomphe , et jouit du succès.
Alors le dieu du feu, qu'attache k la déesse
D'un coeur toujours brûlant l'éternelle tendresse :
« Vous faut-il tant de soins pour me persuader?
» C'est k moi d'obéir, a tous de commander.
» Depuis quand doutez-vous de mon obéissance?
» Vulcain a quelques droits k votre confiance;
» Et quand de vos malheurs eut commencé le cours,
» Si Venus de mon art eût voulu le secours,
» J'aurois k ses désirs satisfait avec joie ;
» Priam dix ans encor pouvoit régner sur Troie,
» Le sort le permettait. Mais enfin , en ce jour ,
» S'il me faut pour un fils rassurer votre amour,
» Si de nouveaux combats veulent mon assistance,
» Commandez seulement : tout ce qu'ont de puissance
» Et l'haleine des vents, et le fer, et les feux,
» Sous mes savantes mains va seconder vos vœux. .
» Cessez donc, en priant, d'offenser ma tendresse :
» La prière est un doute, et ce doute me blessé. *
nu 3o
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$tt 2ENEID0S LIBER V1U v.4<>7,
tilde ubî prima quies, medïo jam noctis abacta
Curriculo, expulerat conuram ; quam femina priato
Cui tolerare edo vitam tenuiqae miaenrà
Imposition cmercm et sopitos suscitât ignés ,
Noçten* addens operi , famulasqoe ad lamina long»
Exercet penso , castum ut serore cubilç
Conjugis, et posait parvos edueerç aatos ;
Haud sedtt igoipotena , nec tempore segrâor iflc ,
Mollîbu8 e stratis opéra ad fabriKa surgît,
însula Sicanîum juxta latus iEoliamque
Erigîtar Liparen Y fumantibus ardua saxis 3
Quam sobter spècus et Cyclopuaa çxesa canûii
Antra JEtnaa tonant, raKdqne incndibus ictus
Ànditî referont gemitum , stridantqoe caverms
Strictura chalybum, et fornacuSos ignîs anbelat :
Tulcani domus, et Vulçania nomme tellni.
(
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r. 555. L'ÉNÈIDE, LIVRE VIIL 35i
H dît, reçoit le prix par sa flammé attends,
Et s'endort sur son sein mollement ëtenda.
A peine un court sommeil a ferme* sa paupière ,
Le diligent Vulcain devance la lumière ;
Et telle que, rendue a ses soins journaliers,
La sage^ ménagère a ses humbles foyers
Ranime en haletant la flamme qui sommeille,
Prescrit leur longue tâche aux femmes qu'elle éreûle;
Elle-même, ajoutant la nuit a ses travaux,
Aux lueurs çT une lampe exerce se$ fuseaux;
Quelquefois reprenant l'industrieuse aiguille,
Soutient d'un gain permis sa naissante famille,
La pudeur de sa fille, et l'honneur de son lit :
Tel le dieu matinal a Venus obât
Il court , pour signaler son ardeur vigilante ,
De sa couche céleste a sa forge brûlante.
Du sein de cette mer où sur leurs rocs épari
Les fies d'Éolie appellent les regards,
Auprès de Liparis , et non loin de Sicile ,
L'onde jusques aux cieux voit s'élever une Se
Qui toujours noircit l'air de son sommet fumant;
Dans ses fiancé embrasés tonnent incessamment
Digit.zedby GoOgle
35» .ffiNEIDQS LIBER VIIL r.4a3*
Hoc tune ignipotens cœlo descendit ab alto.
Ferram exercebant vasto Cyclopes în antra,
Brontesqae, Steropesque, et nudus membra Pyracmou.
His informatum manibus, jam parte politâ,
Fulmen erat, toto Genitor quae plurimacœlo
Dejicît în terras , pars imperfecta manebat.
Très îmbris torti radios, très nubis aqaosa
Addiderant, rutiK très ignis et alitis austrï.
Fulgores nunc terrificos, sonitumque , metumqae,
Miscebant operi, flammisque sequacibus iras.
Parte aliâ Marti currumque rotasque yolucres
Instabant, quîbas ilie viros , quibus excitât urbeu
JEgidaque borriferam , turbatae Palladis arma,.
CerUtim squamis serpentum auroqae polibant ,
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* 58i. L'ENEIDE, LIVRE Vllt 55J
Et les pesans marteaux et la bruyante enclume :
Là , sans cesse irritant le feu-qui le consume,
Des soufflets haie tans le vent chassé rugit;
De coups moins redoublés l'Etna tremblant mugit;
Et l'air, Tonde et les feux, exercés a toute heure,
Fatiguent de leur bruit la brûlante demeure;
Palais du noir Vulcain,. cette île en a le nom :
Lk vient du haut des deux le divin forgeron.
Dans ce moment Brontès , laborieux cyclope,
Pyracmon aux bras nus, et le nerveux Stérope ,
De leurs bruyans travaux faisoient retentir l'air,
Àmollîssoient le bronze et façonnoient le fer.
Leur diligente main vient d'ébaucher un fondre,
Un des foudres par qui les monts tombent en poudre :
Une part est finie , et l'autre est brute encor.
Le dieu de la tempête, épuisant son trésor,
Du terrible travail a fourni la matière :
Lk, joignant l'air, le feu, la nuit et la lumière,
Ils ont mis troisrayons de l'Autan .orageux ,
Trois de grêle bruyante et de flocons neigeux;
Ds alloient y mêler la terreur foudroyante,
Le courroux du tonjftre , et sa flamme effrayante :
3o.m
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m JENEIDOS LIBER VI1L v.457,
Çonneioscpc asÇues, i£satJrçae in pectore drr»
Gorgonat deseeto terien^m Iqmma côflo*
ToIIHe canota, râcpnt, Cfcpforçtte anferte h&pfts*
jStnw Cyclopes, et lrac advertite t&entem.
Arma acri facîenda vira :.nunc viribas usas ,
Nunc manibi# rapidîs, ornai nunc aite magistral \
Precipitate muras. Nec ploxa eflàt os ; et SI* s .
Ociùs incdbaere mimes , parkertpie lafcoreak
gortiti : fiait «s rivis, atniqae metallum ;
Yuluificusque cbaljbs yasta fo^ce llqueatit
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v. fo5. L^NÊIDE, LIVRE VIII 551
Et son brait qui poursuit le coupable en tout Ken,
Et l'éclair qui l'atteint sur «eu ailes de feu*
Plus loin, c'étoit le char du grand dieu de la guerre ,
Ce char qui roule égal aux flèches du tonnerre,
Qui rend l'ardeur guerrière aux peuples, aux cités,
Et deVaste en courant les champs ensanglantés.
Un autre pour Bettone appretok un égide ,
Signal de la foreur , de la rage homicide :
La cent hideux serpens entrelaçant leurs noeuds
De leurs écailles d'or éblouissent les jeux 5
Et les regards mortels de Paifreuse Gorgone ^
Vont placer la terreur sur le sein de Bellone.
« Çjclopes 9 c'est assez ; arrêtez, dit Vulcain :
*> Des travaux plus pressés attendent votre main;
» Allons, fils de l'Etna , ni délai, ni murmure ;
» Pour un jeune héros j'ai besoin, d'une armure ;
» Que vos feux un instant ne se reposent pas :
» H me firat tout votre art, 3 me faut tous vo$ bras»
» Hâtez-vous , quittez tout » Ainsi Vulcain ortfoon*.
Soudain le mont au loin sous les marteaux résonne; »
Tous d'une égale ardeur poursuivent leurs travaux)
L'acier, for et l'argent coulent eu longs ruisseaux.
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556 JENEIDOS LIBER VIIL T.Kp
Ingenlem clypenm informant, unam omnia contra
Tela Latinorom; septenosque orbibos orbes
Impediunt : aln ventosis follibos auras
Acdpiunt reddontque 5 alii stridentia tinguut
JEralacu : gémît imposîtis racudibns antram.
Hli inter sese moka vi brachia tollunt
In numenun, rersantque tenaci forcipe massaw.
Haec pater JEoliis properat dum Lemnîas oris,.
Evandram ex hamili tecto lax suscitât aima,,.
Et matutini volucrum snb culmine cantus»
Consnrgit senior , tunicâque inducitur artus,
Et Tyrrhena pedum circumdat yincola plantis.
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r. 6*5. L'ENÉIDE, LIVRE VIII. 557.
On forme an bouclier impénétrable , immense ,
Et seul contre une année invincible défense :
Sept couches d un mêlai que la flamme a durci
S'appliquent sous leurs mains sur son orbe épaissi.
Chacun a ses emplois, et pour hâter l'ouvrage
Entre leurs bras actifs le travail se partage :
Les uns placent l'enclume , et leur antre en gémit ; .
D'antres trempent l'acier dans le flot qui frémit $
D'antres, tenant en main la tenaille mordante,
À leurs coups répétés offrent la masse ardente ;
L'autre nourrit les feux dans leur brûlant séjour ;
L'autre enfermant les vents , les chassant tour a tour,
Irrite des brasiers les flammes paresseuses. .
Tout agit , tout s'empresse , et leurs mains vigoureuses
Tantôt levant , tantôt baissant leurs lourds marteaux ,
Retombent en cadence , et domptent les métaux.
Tandis que Vulcain presse et dirige l'ouvrage,
Evandre dort encor sur son lit de feuillage ;
Les oiseanx , de son toit botes harmonieux ,
Et les premiers, rayeris qui rçdorent les cieux ,
Ont hâté son réveil. Sur s,es piedst qu'il embrasse
Un brodequin toscan se renoue avec grâce ;
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m «MRIDOS LIBER VIIL t. #9.
Tnm lateri tique basens Tcgefcmn subliçat entera 9
Demissa ab larl paa&erii terga retertpeas.
Nec non et geftrini custodes limine ab alto
Procedunt, gressumque canes comitantur berilem.
Hospitb Mne» sedem et igcreta petebat ,
Serno&wn nemor tt prouis* nraneris, ber 0*.
Nec minus jEneas se matntraus agebat.
Filius huic Pa&as, îffi cornes îbat Achates.
Congressi jnngunt dextras, raediwqae résidant
jEdibus, et lioito tandem sernwne ftyuaiur.
Rex prior bats 1
Maxime Teucroram Aoctor, q&o sptùke ntnncpast
Res equidein Troja vîctas aut régna fatebor,
Nobis ad belli auxikum pro nomme tanto
Exîguœ rires : Une Tusco claudimur aaroî «
{fine Rutuins pmât, et moram cireumsonat arasa,
{3ed tibi ego ingentes populos opulentaqtie regnis
Juogere castra paro : quam fors inopina salutem
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t. 647. HËNÉ IDE, LIVRE ?I!L 8S9
De l'épaule an eké 0» glaire est suspend* j
Un long poil tacheté sa son dot étendu,
Jadis d'un léopard la superbe parure,
Ramène sur son sein son épaisse fourrure;
Et deux chiens afEdés, qui ne le quittent pas,
Bondissent sur sa trace ou devancent ses pas.
Empresse' d'accomplir sa parole donnée ,
Dans son nocturne aile Svandre/ cherche Eus*
Au-devant de ses pas , du lieu de son repos,
Avec la même ardeur s'avance le héros.
L'un vient avecPallas, l'autre est suivi d'Achate.
Un transport mutuel dans leurs regards éclate;
Tous deux en s'emhrassant renouvellent leur foi;
Tous deux , demeures seuls dans le palais du roi *
De leurs nobles projets , pesés par la prudence,
Peuvent se faire entr'eux l'entière confidence.
Le roi commence ainsi : « Fier successeur d'Hector,
» Vous par troi Troie en cendre ose espérer encor,
» Vous par qui le vaincu se promet la victoire,
» Mes moyens ne soit pas dignes de votre gloke;
» Le Tibre d'un côte, protecteur des Toscans,
» Borne ici mes états , et jusque dans mes camps
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36o JENEIDOS LIBER VIII. v.477.
Ostentat ; fatb hue te poscentibos afiers.
Haud procul faîne saxo incolitur fundata vetasto
Urbis Agyllinse sedes, ubi Lydia qiiondam
Gens, bello praclara , jugis insedit Etruscïs.
Hanc multos florentem annos rex deinde superba
Imperio et saevis tenait Mezentius armi»,
Quîd memorem infandas csdes , quid facta tyranîn
Effera ! Ci capïli ipsius générique réservent !
Mortua quin etiain jungebat corpora vivis,
Componens manibusque rnanus atque oribus ora ,
Tormentî genus ! et sanie taboque fluentes
Complexu in misera longâ sic morte necabat.
At fessi tandem cives infanda furentem
Armati circumsistunt ipsumque domumque :
Obtruncant socios; ignem ad fastigia jactant.
Ule inter cœdem Rutulorum elapsus in agros
Confogere , et Turni defendier llospitis armis*
Ergo omnis furiis surrexii Etruria justis ;
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U(>o, L'ENÉIDE, LIVRE VIII. Mi
» Les Rotules de l'autre apportent les alarmes j
» J'entends d'ici leurs cris et le bruit de leurs armes.
» Mais un hasard heureux nous assure aujourd'hui
» D un peuple belliqueux l'intérêt et l'appui;
» Et le Destin ici semble exprès tous conduire.
» Cite' riche autrefois, siège d'un grand empire,
» Séjour heureux long-temps des braves Lydiens,
» Agylle ici commande aux monts &ruriçns;
» Dépouillée aujourd'hui de sa splendeur antique,
» Mëzence l'asservit à son joug tyrannique.
» Comment pondre l'horreur de son règne odieux?
» Puisse tomber sur lui la vengeance des dieux I
» Ce monstre , joignant l'art avec la barbarie,
» D'un tourment tout nouveau repaissoit sa furie :
» Des vivans joints aux morts sur des lits inhumains,
» La bouche sur la bouche , et les mains sur les mains,
» Tout dégoutlans d'un sang qui faîsoit ses délices ,
» Mouroient d'un long trépas dans ces affreux supplices;
» Et le monstre auprès d'eux goutoit tranquillement
» De ces corps déchires l'horrible accouplement.
a Son peuple enfin lassé du poids de tant de crimes,
> S'arme contre an tyran , et ^ vengeant ses victimes,
m. 3i
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3«i JÊNEIDÔS LIBER VIII. ?.ty$.
Regem ad supplicium praesenti marte reposcunt.
Bis ego te, -flSnea, ductorem millibus addam.
Toto uamque fremunt condensas littore puppes ,
Signaque ferre jubent : retînet longsfus haruspex,
Fata canens :.Q Maeoni» délecta juventus,
Flos yeterum virtusqne vîrûm , quos justus in hostem
Fert dolor , et mérita accendit Mezentias ira ,
JîuiB fas Italo tantam subjungere gentem ;
Externos optate duces. Tum Etrusca resedit
Hoc acîes campo, monitis exterrita divûm. -
Ipse oratores ad me regnîqne coronam
Cuin sceptro misit, mandatque insignia , Tarchon,.
Succedam castris, Tyrrhenaque régna capeasam.
Sed mibî tarda gela s&clisqae eflèta senectus
Invidet imperium, sera&qne ad fortia vires»
Natum exborfarer, ni mixtus raatre Sabellâ
Hinc partem patriae traberet. Ta, cujus et annïf.
Et generi fata indulgent , quem numjna poscunt,
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r.69x. L'ENEIDE, LIVRE VIII. 565
» Egorge ses amis, assiège son palais,
» Et livre an feu vengeur ce séjour des forfaits.
» Turaus vient au secours de ce roi sacrilège;
» Son palais le reçoit , et son bras le protège.
» Mais rÉtrurie entière a jure son trépas ;
» Sa vengeance a grands cris appelle les combats.
'» Marchez , prince trojen , avancez a leur tète;
» Leur flotte est assemblée, et leur armée est prête.
» Déjà leurs fiers drapeaux floltoient au gré des vents;
*> Lorsqu'un sage vieillard , dont les regards savans
» Lisent dans l'avenir, arrête leur armée ,
» Tranquille maintenant, mais non pas'désarmée ;
» Et sa voix, réprimant leurs transports indiscrets,
» Du Destin en ces mots rappelle les décrets :
a Illustres chefs , dit-il , héros de Méonie ,
» Des braves Lydiens illustre colonie ,
» Contre un tyran cruel un courroux mérité
» Provoque, justement votre bras irrité;
» Mais un chef étranger doit guider votre audace »
a Les toscans, a ces mots , suspendent leur menace.
» Tranquilles dans leurs camps, et leurs drapeaux baissés,
9 Us attendent ces chefs par l'oracle annoncés.
3i..
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864 iENEIDOS LIBER VI1L v. 5i3-
ÏDgredere , o Teucrum aique Italûm fortisâme dnctor.
Hune tibi praterea, spes et solatia ntofri,
Pallanta adjungam. Sub te tolerare magistro
Militiam et grave Martis opus, tua ceroere facta,
Assuescatj primis et te miretur ab unis.
Arcadas bine équités bis centnm , robora pubis
Lecta , dabo 5 totidemque suo ti& ûemine Palfits.
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t. 7i3. L'ENEIDE, LIVRE VIII. m 365
» Par ses ambassadeurs , déjà Tarchon lui-même
» Vient de m'oflrir le sceptre avec le rang suprême ;
» U veut que , capitaine et monarque a la fois ,
» L'armée et tout l'état se rangent sous mes lois.
» Mais il n'en est plus temps , et la glace de l'âge
» Envie a mes vieux ans nn si noble avantage.
» J'eusse envoyé mon fils , si le sang maternel
» Ne mettoît un obstacle a son droit paternel;
» Mais au peuple toscan étranger par son père,
» Mon fils du sang latin est sorti par sa mère,
» Et ce hasard l'exclut dun rang si glorieux.
» Pour vous, qu'à plus d'un titre ottt proclamé les dieux,
» Vous, de qui la fortune obtint des destinées
» Le droit de la naissance et celui des années,
» Marchez : puissé-je voir réunis dans vos mains
» L'intérêt flUion et celui des Latins !
» Ce n est pas tout : mon fils , dont la fendre jeunesse
» Est l'espoir de l'état, celui de ma vieillesse,
» Digne appui des Truyens ensemble et des Toscans,
» Va quitter mon palais pour voler dans vos camps.
» Instruisez au combat son précoce courage s
» Qu'il en fasse sous vous le noble apprentissage ;
3r...
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UGm ^NEIDOS LIBER VIIL y.Sio.
Vii ea fatos erat , defiiîqae ora ieaebaat
Mneas Anchisiades et fidus Acbates ,
Multaque dura suo Iristi cum corde putabant;
Ni signum cœlo Cytberea dedissel aperto.
Namque improvisa vibratos ab œtbere fulgor
Cum sonitu venit , et ruere oinnia visa repente »
. Tyrrhenusque tubas mugire per sthera clangor.
Suspiciunt : iterum atque iterum fragor increpat ingens.
Anna inter nubem, cœli in regione serena,
Per sudmn rutilare vident , et puisa tonare.
Obstupuere anîmis alii ; sed Troïus héros
Agnovit sonitum , et diyae promîssa parentis.
Tum memorat ; Ne vero , hospes , ne cpaere prafecti
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?.755. L'ENEIDE, LIVUE VIII. 3fy
» De vos liantes leçons qu'il connoisse le prix :
» Savoir vous admirer , c'est avoir tout appris.
» De deux cents cavaliers une élite intrépide
» Va joindre a vos soldats son escadron rapide ;
» Deux cents autres bientôt, également choisis,
» Vont , sous vos étendards , accompagner mon fils. »
Il dit : et le héros et le fidèle Âchate,
Maigre le noble espoir dont ce discours les flatte,
Tous les deux en silence , immobiles tous deux ,
Plongent d'un œil tremblant dans l'avenir douteux.
Tout a coup un signal que donne Cythérée
Vient ranimer leur cœur. Dans la plaine éthérée
L'air s'ébranle , des cieux partent de lougs éclairs ,
La trompette éclatante a sonné dans les airs.
On regarde, on se tait : de nouveau les cieux grondent.
Alors dans l'air serein , ojî mille échos répondent ,
Une superbe armure en longs sillons de feux
Descend, tonne a l'oreille , et resplendit aux yeux*.
Ces éclairs, ce fracas, cette armure brillante,
Dans les cœurs attentifs ont jeté l'épouvante ;
Mais Vénus, par ces sons , se révèle k son fils :
C'est elle , c'est sa mère, et ses dons tant promis.
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568 ^INEIDOS LIBER VlIL v. 533.
Quem casum porienta ferant : ego poseor Olympe
Hoc signum cecinit missaram diva creairix,
Si bellum îngraeret , vulcaniacme arma per auras
Laturam auxilio.
Heu ! quantae miseris caedes Laurentibos instant !
Quas pœnas mihi , Turoe , dabis ! qnam nralta sub undi
Scuta virûm galeascme et fortia corpora volves,
ïbybri pater ! Poscant acies , et fœdera rompant.
Haec ubi dicta (ledit, solio se tollît ab alto ;
Et primum berculeis sopitas ignibus aras
Excitât ; besternumqae Larem, parvosepie Pénates,
Laetus adit : mactant lectas de more indentetf ,
Evandrus pariter, pariter Trojana juventas.
Pôst bine ad nayes graditur , sociosque revwit ;
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v.757. L'ÉNÈIDE, LITRE VHL 369
« Cher Evandre , dit-il , que ce bruit , cette flamme
» D'une vaine frayeur n'altère point votre ame ;
» J'entends, je reconnob ce grand signal des cieux :
» C'est a moi , c'est a moi que s'adressent les dieux.
» Venus, si les Latins me déclarent la guerre,
» Et j'en crois son amour, doit au bruit du tonnerre
» Descendre, et in apporter les armes que Vulcain
» Pour défendre son fils fabriqua de sa main.
» Malheureux Laureniins, quel péril vous menace !
» Combien votre Turnus paîra cher son audace !
» Et toi, fleuve toscan , ah! combien dans tes flots
» Tu vas rouler de sang, d'armes et de héros !
» Allez, fiers enneqgp, déclarez-moi la guerre;
» "Vos tètes répondront des malheurs de la terre. »
À ces mots, prononcés d'un accent solennel ,
Il se levé , d'Hercule il approche l'autel,
S'incline avec respect, sous la cendre réveille
Les restes assoupis des flammes de la veille ,
Présente son hommage a ces humbles foyers ,
Immole cinq brebis aux dieux hospitaliers.
Evandre y joint ses dons; et , marchant vers le temple,
La jeunesse troyenne imite leur exemple.
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57o .XNEIDOS LIBER VIIL r.Uj.
Quorum de numéro , qui sese in bella seqaantur ,
Prêtantes vîrtutelegit; pars cetera pronà
Fertur aquâ, segnisque secundo defluît amnî ,
Nuntia yentura Ascanio rerumque patrisque.
Dantur equi Teucris Tyrrhena petentibus anra ;
Dncunt exsoitem JEnes, quem ralvaleonis
Pellis oKt totam , profulgens unguibus aarei*,
Fama yolat, parvam subite vulgata per urbem,
Ociùs ire équités Tyrrheni ad limina régis.
Vota metu duplicant matres , pÉ^îusque pericl*
It timor, et major martis jam apparet imago.
Tum pater Eyandrns, dextram complexus euntis,
H$ret, raexpfetumlacrymans, ac talia fatur :
0 mihi prateritos référât si Jupiter annos !
Qualis eram, quum primam aciem Pr&neste sob ipsâ
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*Ï7* L'ENEIDE, LIVRE VIII. 57x
Le héros yen sa flotte enfin porte ses pas ,
Choisît des coeurs yaillans et d'intrépides bras ;
Le reste sur les flots , dont le cours les seconde ,
Descend et s'abandonne a la pente de Fonde , -
Va rejoindre son camp, et redire a son fils
Ce que le roi, le sort et les dieux ont promis.
Enfin , pour la jeunesse a Tarchon destinée
Des coursiers sont choisis ; celui que monte Enee
Par une peau de tigre et par ses ongles d'or ,
Déjà brillant et fier, se dîstingnoit encor.
Mais bientôt, consternant la feule épouvantée,
Un bruit s'est répandu dans l'humble Pallantee ,
Que vers les murs toscans marche un gros de soldats :
Les mères, qu'eflrayoit l'approche des combats,
Au pied des saints autels redoublent leurs prières,
Et , plus près dn péril , (remissent d'être mères.
Le roi de ses adieux attendrit le héros,
Le pesse sur son sein avec de longs sanglots ,
Et , pour un fils qu'il aime exprimant ses alarmes,
De ses yeux paternels verse un torrent de larmes.
«An! si les dieux, dit-il, me rendoient mon printemps;
» Si î etois ce guerrier qui, dans de meilleurs temps ,
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tys JENEIDÔS LIBER VIIL v.56s.
Strayi, scutornmqae incendi victor acervos»
Et regem tac Herilum dextrà sub tait ara mis
Nascenti cuî très animas Feronîa mater
(Horrendum dicta) dederat, terna arma movenda,
Ter leto sternendus erat ; coi tune tamen onmes
Abslolit hsc animas dextra , et totidem exnit armis :
Non ego nunc dulci ampleiu divellerer usquam,
Nate , tuo ; neque finitimus Mezentius umquam
Haie capiti insoltans tôt ferro saeva dedisset
Funera, tam multie riduasset civibus urbem.
At yos , o Superi 9 et divûm tu maxime rector
Jupiter, Àrcadii,qusso, miserescite régis,
Et patrias audite preces : Si muniua vestra
Incolumem Pallauta mihi , si fata reseryant ;
Si yisurus eum viyo > et yenturus in murai ;
Vitam oro : patiar quemyis durare laborem.
Sin ab'quem infandum casum, Fortuna, minaris;
Nunc, o, nunc liceat crudelein abnunpere vitam,
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v.8oi. L'ENEIDE, LIVRE VIII. 375
» Moissonna sons les murs de Préneste tremblante
» Des rangs entiers tombés sons sa main triomphante ,
» Et, de leurs boucliers embrasant ies monceaux,
» Voloit de la victoire a des combats nouveaux !
» Si j'étois ce vainqueur qui dans le noir Tartare
» Plongea cet Hërilus, ce colosse barbate,
» Ce roi, de Féronie enfant prodigieux !
» Trois âmes vainement mouvoient ce corps affreux ;
» En vain sa triple vie , en vain sa triple armure
» Demandoit a mon bras une triple blessure ;
» Trois fois je l'abattis, le désarmai trois fois ,
» Et d'un triple trophée illustrai mes exploits.
» Hélas! ce temps n'est plus. Oh! s'il étoit encore,
» 0 Pailas , ô mon fils , cher objet que j'adore ,
» Je ne te verrois point arracher de mes bras ;
» C'est moi que tu suivrais au milieu des combats ;
» Et ce Mézence affreux, fléau de l'Ausonie,
» N'eût pas vu si long-temps son audace impunie;
» Il n'insulteroit pas a ce bras impuissant.
39 Et vous, ayez pitié de ce cœur gémissant,
3» O dieux! ô justes dieux, écoulez la prière
» D'un malheureux vieillard et d'un malheureux père.
m. 3*
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37* JENEIDOS LIBER VllL v. 5S#.
Dam cars ambigu» , dum spea încerta futuri ,
Dam te , care puer , mea sera et sola voluptas ,
Compîexu teneo : grayior ne nuntins aores
Volneret. Hec genitor digressn dicta snpremo
Fandebat ; famuli collapsum in tecta ferebant
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*.8*3. L'ENEIDE, LITRE VIII. 375
» Si tous aimez Pallas, si tous devez un jour
» Le rendre à mes regrets, le rendre a mon arnonr ,
» Si ce n'est pas en vain que ce cœur vous implore >
» Si je vis pour le ?oir , pour l'embrasser encore,
a» An f prolonge* mes jours; il n est point de tourment
» Qui ne cède aux douceurs de cet embrassement
» Mais , si du coup fatal vous menacez sa vie ,
» 0 dieux! qu'avant ce temps la mienne soit ravie,
» Avant qu'un deuil affreux vienne en troubler la fin ,
» Tandis que.... ô mon cher fils, seul bienfait du destin,
» Dernières voluptés des derniers jours d*Evandre ,
» Je puis encor te voir, je puis encor t entendre ,
» Te serrer dans mes bras , te presser sur mon sein*
» Quand l'obscur avenir est encore incertain,
» AitendraUje , en tremblant, qu'un avis funéraire
, » Vienne du coup fatal assassiner ton père?
» Ab ! quEvandre plutôt, sans connoitre ton sort,
9 Meure d'un coup de foudre, et non pas de ta mort ! »
Ainsi parloît Evandre ; ainsi y baigne de larmes,
D'un dernier entretien il prolongeoit les charmes :
Mais enfin ses adieux expirent dans les pleurs ,
D succombe , on l'emporte accable' de douleurs^
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376 &NEIDOS LIBER VIII. v.585.
Jamque adeo exierat portis equitatus aperto:
iEneas inter primos et fidus A.chates;
Inde aliiTrojœ proceres : ïpse agraine P allas
In medio, chlamyde et pictis conspectus in armis ;
Qualis uki oceanî perfusus Lucifer undà,
Quem Venus ante alîos astroram diligit ignés,
Extulit os sacrum ccelo, tenebrasque resolvii
Stant pavidae in mûris maires, oculîsque sequuntar
Pulveream nubem, et fulgentes are cateryas.
Olli per dumos , qua proxima meta viarum ,
Ârmati tendunt : it clamor, et, agraine facto,
Quadrupedante putrem sonrtu qaatit nngula campuia
Est ingens gelidum Iucus prope Gaeritis amnem,
Rellîgione patrum latè sacer : undiqne colles
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y. m. L'ENEIDE, LIVRE VIII. 577
Cependant tout est prêt , tout part , et de la villt
Dés fiers Arcadiens sort l'escadron agile :
Le grand Ene'e , Achate , et les chefs dllion ,
À leur tête guidoient le brillant escadron ;
Pallas est dans le centre , et sa superbe armur»
De son babît guerrier relève la parure.
Moins rayonnant se montre aux célestes lambril
Des astres du matin le plu» cher k Cypris,
Lorsque, pur et brillant , il sort du sein de Tonde ,
Remonte vers les cieux , et rend le jour au monde.
Les femmes cependant de leurs yeux attendris
Suivent , du haut des murs , leurs époux et leurs fils ,
Et leurs casques brillans , et leur marche poudreuse.
A travers des buissons leur troupe valeureuse
Marche, abrégeant la route : ils avancent. Enfin
La route s'élargit , un cri part ; et soudain
Tous les pieds des chevaux qu'un même ordre rassemble
Vont montant , retombant , et remontant ensemble ,
Et de leurs pas bruyans battant les champs poudreux,
D un tourbillon de sable obscurcissent les cieux.
Aux lieux où le Ce'rite égare en paix son ond#
S'étend sur le rivage une forêt profonde;
3x* ^
Digjt.zedby GoOgle
578 JENEIDOS LIBER VIII. v. 599.
Inclusere cavî, et nîgrâ nemus abiete cingunt
Silvano fama est veteres sacrasse Pelasgos ,
Arvorum pecorisque deo, lucumque diemque ,
Qui primi fines aliquando babuere Latinos.
Haud procul hinc Tarcbon et Tyrrhenî tuta tenebant
Castra locîsj celsoque omnîs de colle yideri
Jam poterat legîo , et latis tendebat m arvis.
Hue pater /Eneas et bello lecta juventus
Succédant , fessique et equos et corpora curant.
At Venus aetberios ûiter dea candida nîmbos
Dona ferens aderat : natumque in yalle reducti
Ut procul egeîido secretum fiumîne vidit,
Talibus affata est dictis, seque oblulit ultro :
En perfecta mei promissà coujugts arte
Munera : ne inox aut Laurentes, nate, superbos,
Ant acrem dubites in prœlia poscere Turnum.
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t. 867. L'ENEIDE, LIVRE VIIL 379
Là, des rameaux touffus la sauvage épaisseur,
De son obscurité répandant la noirceur,
Dans les esprits émus d'une terreur pieuse
Eiitretenoit du lieu l'horreur religieuse ;
La, d'un double coteau de cèdres couronné
L'un et l'autre rivage etoft environné :
A Sylvain, dieu des bois, les Grecs le consacrèrent,
Et d'un culte annuel leurs enfans l'honorèrent s
Les antiques Latins l'habitoient autrefois;
La, Tarchon , les Toscans rassemblés sous ses lois,
À voient assis leur camp , et du haut des montagnes
On vojoit leurs drapeaux flotter dans tes campagnes;
Là le héros tro yen arrête ses guerriers ,
Et permet le repos aux soldats, aux coursiers.
De Papbos cependant la brillante déesse
Venoit, du haut descienx, acquitter sa promesse.
Enée, en ce moment, couvert d'épais rameaux,
Respiroit la fraîcheur et de l'ombre et des eaux |
Il regarde , et soudain dans son éclat céleste
A ses yeux enchantés Vénus se manifeste ;
« Les voila ces présens que Vénus a promis,.
» Et qu'un dieu mon époux prépara pour mon fils '%
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58o jENEIDOS LIBER VIII, v. 6i5.
Dixît, eiamplexus nati Cytherea petivit :
Arma sob adversâ posuit radiantia quercu.
Hle des doms et tanto l»tns honore
Explerî nequtt , atqae oculos per sîngula vol vit 5
Mîraturqae , interque manus et brachja versât
Terribilem cristis galeam flammasque vomentem;
Fatiferumque ensem; loricam ex çie rigentem,
Sanguineam, ingentem, qualis quum enrôla nubei
Solis bardescit radiîs longeque refulget ;
Tum levés ocreas electro auroque recocto,
Hastamque , et clypai non enarrabile textuio.
Hîic resltalas, Romanoramqoe trimnfAios,
Haud vatum ignarus, veolurique mscius »vif
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t. 889. L'ENÉIDE^ LIVRE Via 38i
» Avec eux ne crans pins la superbe Lauréate ;
» Pars , va braver Turnus et sa rage insolente. *
A ces mots elle avance, et pose de sa main
Sur un chêne élevé l'ouvrage de Vulcain.
Ëuée a cet aspect tressaille d allégresse;
U s'élance , il saisit les dons de la déesse,
Les eaporte en triomphe, et d'un œil curieux
Se plaît h parcourir cet ouvrage des dieux;
Il prend , reprend cent fois ce casque formidable
Qui darde en longs éclairs sa flamme inépuisable ,
Et de son cimier d'or les panaches mouvans
Pareils a ces rameaux que balancent les vents,
Et son impénétrable et sanglante cuirasse
Dont l'éclat éblouit , dont la couleur menace,
Tel qu'en un jour d'été nous voyons un ciel pur
Des feux d'un pourpre ardent enflammer son azur;
Puis, de ses longs cuissards essayant la souplesse,
D'un argent mêlé d'or admire la richesse,
Et sa lance fatale, et son glaive divin,
Surtout son,bouclier cheWœuvre de Vulcain.
La ce dieu, que le sort instruisit de leur gloire ,
De Rome triomphante a retracé l'histoire.
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53« JENEIDOS LIBER VIIL v.623.
Fecerat îgnipotens 5 illic genus orone futur»
Stirpis ab Àscanio , pugnataque îa ordine beifa.
Fecerat et viridi fetam Mavortis in antro
ProcubuÎMe lupam ; geminos buic ubera circunt
Ludere pendantes pueros , et lambere matrem
Iropavidos; illam tereti cervice reflexam
Mulcere altemos , et eorpopa fingere linguà.
Nec procul hinc Romam , et raptas sine more Sabinas
Consessu caveae, magnis Circensibra aclis,
Àddiderat ; subkùque noYum consurgere bellcm
Roraulîdb, Tatîoque seni, Curibusqae severis.
Pèfil idem, înter se posito certamîne , reges
Armatî Joyîs ante aram, paterasque tenentes,
Stabant, et casa jungebant fœdera porca.
Haud procul inde, cita* Metiam in diversa quadrigae
Dbtuleranl, (at tu diciis, Albane, maneres ! )
Raptabalque ?iri mendacis viscera Tullus
Fer ôlvam, et sparsi rorabant sanguine Yepres.
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v. 9ii. L'ENEIDE, LIVRE VIIL 385
Là sont tons ces héros, honneur de ses remparts ,
Depuis les rois albains jusques aux deux Césars.
La du dieu des combats gît la louve fidèle 5
Deux célestes jumeaux 9 qui sont nourris par elle,
Pendoient à sa mamelle, et jouoient sur son sein;
Déjà dans leurs regards est écrit leur destin;
Nés dans l'antre de Mars ils en ont le courage ,
Us sucent sans effroi leur nourrice sauvage :
Le dieu semble sourire aux fruits de son amour;
Elle, en se retournant, les flatte tour a tour,
Et sur l'espoir naissant de Rome encor naissante
Promène mollement sa langue caressante. .
Plus loin on yoit un cirque et le peuple romain ,
Des Sabines en pleurs l'involontaire hymen,
Et les deux rois armés, et les fatales guerres
Dont ce rapt politique ensanglanta leurs terres.
Plus loin , des flots de vin , des flots de sang sacf •
Solennisent le nœud que la paix a serré. >.
Ailleurs, de Métius c éioit l'affreux supplice ;
Pour punir son forfait et son lâche artifice ,
A deux chars attelés quatre fougueux chevaux
De ses membres rompus emportaient les lambeaux :
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$84 JENEIDOS LIBER VIIT. v.64&
Nec non Tarquinrom ejeçtum Porsenna jubebat
Accipere , iogentiqne urbem obâdioœ premebat :
JEneadae in ferrum pro libertate ruebant.
Hium indignant i similem , sjmîlemque minantî,
Adspiceres, pontem auderet quod yellere Codes,
Et fluvinm vinclis innarel Ckelia ruplk.
In summo custos Tarpeiœ Manlins aicts
Stabat pro templo , et Capitolia celsa tenebat,
[Romuleoque recens borxebat regia culmo.]
Atque hic auratis volitaus argenteus anser
Porticibus Gallos in lhnine adesse canebat :
Galli per diimos aderant , arcemque tenebaoi,
Defensi tenebris et dono noctis opacae.
Aurea cxsaries ollis, atque aurea vestîs ;
Virgab's lacent sagulîs; tum lactea colla
Auro innectantur ; duo quwqoe Alpioa coruscant
€»sa mann , sentis proteeti cofpora long is.
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v. 935. L'ENEIDE, LIVRE VIII. 3*5
Son sang au loin rougît les ronces dégouttantes.
Plus loin , de Porsenna les fureurs insultantes
Pressent Rome assiégée , et du joug des Tarquins .
Menacent de nouveau ces fiers républicains ;
Les Romains a sa rage opposent leur audace :
On le voit a son air, a son œil qui menace,
S'indigner qu'un seul homme, arrêtant ses drapeaux,
Brise le pont du Tibre et brave ses assauts.
Une femme, plus loin, égalant ce courage ,
Rompt ses chaînes, s'élance et s échappe a la nagd
Sur le roc Tarpelen qu'illustra Romulus.
Devant le Capitole avançoit Manlius :
Le toit du fondateur dont le Romain s'honore
De son chaume récent se hérissoit encore;
Un oiseau, déployant son plumage argenté,
Crioit, couroit, erroit, voloit de tout côte' :
On reconnoît l'oiseau, sentinelle de Rome ,
Dont les cris vigilans , secondant un grand homme ,
Annoncent aux Romains l'approche des Gaulois :
Protèges par la nuit et par l'ombre des bois,
Les Gaulois arrivoient 5 de la demeure sainte
Déjà leur troupe impie environne l'enceinte.
m, 33
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386 JENEIDOS LIBER VIII, *665.
fflc exaltantes Salids, rtidoaqué Loptrcos,
Lanigerosque apices, et lapsa ancilia cœV
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*9*5. L'ÉNÊIDE, LIVRE VIIL 3fy
Dans ce vivant tableau l'art avoit figuré
Leur chevelure d or, leur vêtement dore^
Et de leurs colliers d'or la parure flottante ,.
Qui couvroit de leur cou la blancheur éclatante;
Leurs tabliers pendans , dont les pans bigarres
Soit rayés de rubans richement colores.
Deux traits, qu avoit fournis a leur main aguerrie
Le chêne rigoureux des Alpes leur patrie ,
Sont leur arme légère, et de longs bouclier»
D'un airain protecteur les couvrent tout entiers.
La, les prêtres voua au grand dieu de la guerre
De leurs sauts cadences font retentir la terre ;
Plus loin , du dieu des bois les prêtres vagabonds >
Le corps nu, s'agitoient et s'elançoient par tonds*
L'art n'a point oublié dans cette vaste scène
Les boucliers garans de la grandeur romaine %
Ni du maître des dieux les prêtres révérés ,
De leurs houpes de laine en marchant décorés ,
Ni ces chars suspendus, où des femmes pudiques*
Conduisent l'appareil de nos fêtes publiques.
La , sur le bronze encor Vulcain vous dessina x
Koiç fËJoitf de l'enfer j et toi , CatiEna ,
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*88 JENEIDOS LIBER VIIL t. 665.
Extuderat : castae ducebant sacra per urbem
Filentis maires in moliibus. Hinc procul addit
Tartareas etîam sedes, alta ostia Ditis ;
Et scelerora pœnas ; et te, Catîlina, minaci
Pendentem scopulo, Furiarumque ora trementem;
Secretosque piôs, his dantem jura Catonem.
Haec inter tumidi latè maris ibat imago
Aurea, sed fluctu spumabant caeruîa cano ;
Et circèm argento clari delphines in orbcm
iEquora verrebant caudis, sstumqae secabant
la medio classes «ratas , Àctia bella ,
Cernere erat ; totumque instructo marte yideres
Fenrere Leucaten , anroque eflulgere fluctns.
Hinc Àugustas agens Italos in prœlia Caesar ,
Cum patribus, populoqne, Penatibus, et magnis dis,
Stans celsâ in puppi ; geminas cui tempera flammas
Lseta yomunt , patriumqne aperitur yertice sidus.
Parte aliâ , yentis et dis Agrippa secundis,
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y. 977- L'ENEIDE, LIVRE VIII. Mj
Qu'une roche pendante incessamment menace.
Dont les filles du Styx épouvantent l'audace.
Enfin , seuls a l'écart, loin du noir Phlégéthon,
Les justes ont leur place ; a leur tête est Caton.
Parmi ces traits formes par une main savante,
Se raoritroit de la mer une image mouvante ;
Ses plaines étoient d'or, mais des flots ecumans
L'argent pur imitoit les longs frémisseniens •
Et, promenant an loin leurs troupes vagabondes,
Des dauphins d'argent pur se jouoient sur les ondes.
Dans le centre, une mer plus étendue encor,
Sous les poupes d'airain rouloit des vagues d^or :
La mer va décider du destin de la terre;
L'onde rouje en grondant l'appareil de la guerre;
Lencate au loin commande à ces fatales eaux ,
Et les vaisseaux déjà menacent les vaisseaux.
D'un côte, c'est Auguste et son puissant génie,
Sur cette onde guerrière entraînant FÂusonie,
Le peuple, le sénat , Rome entière et ses dieux;
De sa poupe élevée il combat avec eux :
Deux faisceaux lumineux , présage de victoire ,
L'environnent déjà des rayons de la gloire,
33...
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S^* ^NEIDOS LIBER VIIL r. 6851
Aidons, agmen agens; coi ,belli insigne soperbom,»
Tempora navali fulgent rostrata coronft.
Hinc ope barbarie! variisque Antonins armis
Victor, ab Aurorae popnlis et liUore rubro y
JSgjptum, viresque Orienta , et uhima seenn»
Bactra vehit; seqaîturqne , nefa* ! jfëgyptia conjoJfc.
Wna omnes ruere , ac totom spumare, reductis
Convulsum remis rostrisqne tridentibns, aupior*
Alla petunt : pelago credas innare révulsas
Cyciadas , aut montes concurrere montions altos i
Tant! mole viri turribs puppîbns instant;
Stuppea flaimna manu , telisqne volatile ferrant
Spargitur : arva nova Neptunia caede rubescunt.
fiegina. in mediis palrip vocat agmina sistro •
Necdum etiam geminos a tergo respicit apgues^
Omnigenumque deûm monstra, et latrator Anubi^
Contra Neptunnm et Venerem, contraqrie Minervaro,
Ma tenent : sayit medio incertamioe Majora
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+> *9* L'ENÉIDE, LÏVRE VIII. 5$i
Et, sur son jeune front empreint de majesté,
De l'astre paternel resplendit la clarté*.
Mus loin,, c'est Agrippa; la couronne rostrale
Décore du héros la tête triomphale.
TSSqienr infortune de vingt peuples ctiiers,
Anton* r. ose a César disputer l'univers :
Près de l'aigle romain , mille enseignes bizarres
Rassemblent sous ses lois mille peuples barbares,
L'Arabe, le Persan , le Maure, l'indien»
Sa femme lui conduit le vil Egyptien :
Sa femme , 6 deshonneur! il combat pour ses charmes,
Opprobre de son lit , opprobre de ses armes.
Tous s'élancent ensemble, et l'airain des vaisseaux,
Et les bras des rameurs, font bouillonner les eaux :
La mer a leur foreur ouvre un théâtre immense.
On s'éloigne des bords, et le combat commence :
Soldats et matelots, et les vents et les mers,
Les poupes sur les eaux , et les mâts dans les airs ,
Tout s'ébranle ; on croit voir sur les eaux écumante*
Voguer, s'entrechoquer les Cyclades flottantes,
On , traînant leurs forets sur les gouffres profonds %
Les monts avec fracas heurter contre les monts.
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39s JÊNEID OS LIBER VIII. y. 701.
Caelalus ferro, triatesque ex aelbere Dîr» 5
Et scûsà gauden* vadit Dîscordia Pallà;
Quam corn «anguineo sequitur Bellona flagella.
Àctfos haec cemwjs aremn iutcûdebat Apollf
Desuper : omnis eo terme ASgyptus, et Ind*f
Omnis Arabs , omnes yertebant terga Sabaei.
Ipsa yidebatur ventis regina vocatw
Vêla dare , et laxos jam jamque immittere fanes.
Illam inter caedes, pallentem morte foturàr
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'-
v. ïoai. L'ENEIDE, LIVRE VIIL 3o5
Neptune épouvanté voit mille morts cruelles ;
L'eau mugit , le feu siffle , et le fer a des ailes.
Cléopatre elle-même, au milieu des combats,
Du sistre égyptien anime ses soldats,
Hélas! et ne voit pas deux serpens qui l'attendent
Sous le nom de ses dieux cent monstres la défendent :
Ensemble conjures, le mugissant Apis,
Le Crocodile impur , l'aboyant Ânubis ,
En vain osent encor , partageant sa fortune , .
Lutter contre Venus et Minerve et Neptune :
Gravés sur leur métal , l'impitoyable 1er ,
Mars , le terrible Mars, et les filles d'enfer,
Bellone aux fouets sanglans , la Discorde abhorrét
En triomphe étalant sa robe déchirée,
Mêlés aux combattans, les animent en vain.
Apollon les a vus de son temple divin ;
Le dieu saisit son arc , et frappés d'épouvante,
L'Arabe et l'Indien et l'Egypte tremblante ,
Tant fuît : la reine même aux yeux de l'univers
Fuyant, n'implorant plus d'autres dieux que les mers,
Et les vents trop tardifs, et la voile, et la rame,
Part , l'orgueil dans les yeux , le désespoir dans l'aine.
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Zt)i iENEIDOS LIBER ?IIt T.7m
Fecerat ignipotens undis et Iapyge ferri : *
Contra autem magno maerentem corpore Nilmo ,
Pandentemque sinus, et totâ veste yocantem
Caeruletiîn in gremium» latebrosaqae flamina yictos*
At Csesar, Jriplici inrectus Romana triumpbo
Mœnia, dis Italis rolum immortale sacrabat,
Maiima ter centum tolam delubra,per urbenu.
Laetitia liidisque viae plausuque fremebant :
Omnibus in templis m a tram chorus, omnibus ara*:;
Ante aras terram cassi stravere juvencî.
Ipse, sedens niveo candentis b'mine Phœbi,
Dona recoguoscit populcrum , aptafque superbis
Poslibus : incedunt victae longo ordine gentes % f
Quam varias linguis, habita tam xestis et annis.
Hic Nomadum genus et discinctos Mulciber Afros,.
Bic Leîegas, Carasque, sagittiferosque Gelonos,
Finxerat. Eupbraies ibat jam mollior undis,
Extremique homjnmn Morini, RJienusque hîcQrnîf^
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t. lotf. L'ENEIDE, LIVRE VIII. 3j)5
Elle fuît , el déjk sur son front uns couleur
De la mort qui l'attend elle offre la pâleur.
Mais à sa fuite encor le Nil reste fidèle ;
Fier de ses sept canaux, le Nil est devant elle;
Lui-même , des vaincus appelant les débris,
De sa robe azurée ouvre les larges plis ,
Ouvre son vaste sein et ses immenses ondes,
Et cache leurs malheurs dans ses grottes' profondes*
César, et conquérant , et pacificateur ,
Par trois fois a conduit son char triomphateur;
Et, payant a ses dieux le tribut de sa gloire,
Par des dons solennels acquitte sa victoire.
An temple d'Apollon, d'un marbre éblouissant ,
Lui-même vient offrir son vœu reconnoissant;
Lui-même , le front ceint d'immortelles guirlande**
l3e cent peuples divers il reçoit les offrandes;
Et , suspendant leurs dons au portique du dieu,
Loi fait de ses faveurs le solennel aveu.
Devant lui s avançoient les nations soumises;
A la variété de leurs armes conquises,
De leurs noms, de leurs mœurs, de leurs habits divers,
Rome a cru dam son wa rassemjjlw l'univers.
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$96 JENEIDOS LIBER VIII. y. 728.
IfldomitHjpe Dahse, et pontem mdignatus Araxes.
Talia per cljpeum Vnlcani, dona parent»,
Miratur, rerumqiie igoaras imagine gaadet,
Attollens humero famamque et fata nepolû».
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p.
f.it>65. L'ENEIDE, LIVRE VIII. $9j
Là, du Nomade errant dans sa hutte roulante,
Du brûlant Africain a la robe flottante.,
Du Carien enfant -d'un sol voluptueux,
Do farouche Gelon, du Dahe impétueux,
Le dieu dans ses tableaux enchaîne encor l'image;
L'Araxe au loin mugit sous un pont qui l'outrage ;
Le Rhin de son orgueil reçoit le châtiment ,
EtllDuphrate soumis coule plus mollement.
Le héros est ravi ; de ses yeux il dévore
Dans ce don prophétique un bonheur qu'il ignore,
Part 3 et porte a son bras ses glorieux destins ,
Et l'honneur de sa race , et le sort des Romains.
34
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A
REMARQUES
SUR LE LIVRE HUITIÈME
bi la censure s'est exercée plus particulièrement sur le
septième livre , il faut croire que les beautés du premier
ordre que le poète latin a jetées presque partout dans
son ouvrage avoient dû rendre ses lecteurs difficiles : il
est probable qu'on eût beaucoup admiré ce livre dans un
poème moins parfait ; mais , placé après la descente
d'Enée aux enfers , il a dû paraître moins admirable.
C'est ainsi que dans la galerie des statues du Muséum la
Vénus dn Gapitole est moins remarquée à côté de la
Vénus de Médicis , et de F Apollon du Belvédère ; et ,
dans ce sens, la plupart des critiques qu'on a faites sont
un nouvel hommage rendu au génie de Virgile. Mais su
est vrai que le génie du poète se soit ralenti dans quel-
ques passages , il nuit avouer qu'il se relève ici avec us
nouvel éclat : c'est l'aigle qui a un moment abaissé son
vol vers la terre , et qui reprend bientôt son essor vers les
cieux.
Ce huitième livre prouve que le génie de Virgile n'étoit
pas moins créateur que celui d'Homère : il a presque
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REMARQUES. 599
tout crée dans ce huitième chafet , et le lecteur est sans
cesse étonné de la richesse et de la variété de ses tableaux.
Le dieu du Tibre apparoît k Énée , et l'invite a solliciter
les secours d'Evandre. Énée arrive k Pallantée , au mo-
ment où le roi et toute sa cour font on sacrifice k Hercule :
ainsi l'épisode de Cacus est naturellement amené ; et si le
vieux roi pasteur met .une très-grande pompe dans son
récit, comme on Ta remarqué, elle est autorisée par la
sainteté du lieu et de la cérémonie. Le lecteur est vive-,
ment ému du contraste oui existe eutre la naïveté hé-
roïque des moeurs anciennes et la magnificence futur*
de Rome ; cet intérêt étoit dans le sujet même , et le mer-
veilleux est ici dans l'histoire. Après avoir montré ceque
les moeurs pastorales ont de plus simple et de plus tou-
chant k la cour d'Evandre, Virgile offre k ses lecteurs
ce que l'Olympe a de plus gracieux dans les caresses et
la prière de Vénus; empruntant ensuite d'autres couleurs,
il fait une description brillante des forges de Lemnos,
et cette riche galerie de tableaux se termine par le plus
pompeux de tous, par le 'bouclier d'Enée. On a dit que
cette dernière fiction étoit imitée d'Homère *, mais l'idée
du bouclier n'est rien en elle-même, c'est dans l'exécu-
tion qu'il faut juger le talent du poète. Thétis dans X Iliade
obtient de VuJcain un bouclier pour Achille : la descrip-
tion de ce bouclier est admirable sans doute ; le divin for-
geron y a représenté toutes les merveilles de la terre et
ai ciel , les horreurs de la guerre , les scènes de la vie
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4oo REMARQUES
-cbasnpétre, etc. LeJboadier d'Hercule qui nous estresTé'
d'Hésiode réunit aussi les spectacles les plus magnifiques,
et les plus imposant. La même fiction a été employée par
Apollonius de Rhodes qui représente sur le manteau que
Jason avoh reçu de Pallas, les Cyclopes fabriquant un
foudre pour Jupiter; la ville de Thèbes qui n'était pas
encore couronnée de tours ; Vénus appuyée sur le bou-
clier de Mars ; Apollon dans an âge encore tendre , per-
çant d'une flèche le téméraire qui vouloit entraîner sa
mère en la tirant par son voile , etc. Toutes ces fictions-
sont très-ingénieuses , mais elles ne sont point adaptées à
Faction ; le bouclier d'Achille , celui d'Hercule , le man-
teau de Jason , n'ont rien de particulier aux héros qui les
portent , ils pourroient aussi bien appartenir a tout autre
personnage. Le bouclier d*£nét , au contraire , est par-
faitement adapté au sujet de Y Enéide ; le héros trojen
porte a son bras les destins de sa race , et son bouclier ne
peut convenir qu'à lui soûl'. Non seulement ce bouclier
doit appartenir à Énée , mais on voit aussi qu'il est l'ou-
vrage d'un dieu*, car lcpoè'te y suppose représentés des
éVéncinens qui ne sont point encore , et qui ne peuvent
être connus que des divinités qui lisent dans l'avenir.
Sous ce double rapport Virgile l'emporte sur ses rivaux
par l'exécution, s'il ne l'emporte point par Pinvention ; et
l'excellence de son jugement n'est pas moins digne d'ad»
miration que le génie créateur du chantre d'Achille.
(Quelques littérateurs ont observé que tous k&évèn&m
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SUR LE LIVRE TIIL 4«
mens et tous les pays dont parle Virgile ne pouvoient être
contenus dans le petit espace d'un bouclier. Cette cri-»
tique est minutieuse , et mérite a peine nne réponse : on
a fait souvent graver les boucliers d'Homère et de Vir-
gile, sans crue rien y ait été oublié, et l'on doit supposer que
le dieu de Lemnos poovoit faire ce qui est à la portée du
moins habile des ouvriers. On a dit quelque part que Dieu
avoir, représenté l'univers sur l'œil de l'insecte, et cette ima-
ge sublimé pourroit seule répondre a toutes les objections.
Les mêmes critiques ont observé qu'Evandre n'étoit point
contemporain (TÉnée , et qu'ils n'avoient pu se rencon-
trer. S seroît déraisonnable d'asservir Tes poètes à une
scrupuleuse exactitude ; tout ce qu'on doit exiger d'eux,
c'est la fidélité dans les tableaux de la nature ; ils ne doi-
vent pas représenter , comme l'observe Fénélon , Momus
avec les traits de Jupiter, Silène avec ceux d'Apollon ,
Âlecton avec les grâces de Vénus : il scroit ridicule aussi
de mêler dans la peinture et dans la poésie les mœurs
anciennes avec les mœurs modernes, comme Fa fait Ifc
Guercliin , qui dans un tableau représente un Suisse de
la garde du pape accompagnant Paris a l'enlèvement
d'Hélène , et k Lorrain qui représente les Hollandais
venus au siège de Troie , et prenant du tabac au port de
Sigée. Virgile avoit trop de jugement pour donner dans
de pareils écarts; et lors même qu'Évandre n'auroit pas .
été contemporain d'Énée , la vraisemblance poétique ne
serok point blessée } car ils ont vécu tous les deux dans
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4os REMARQUES
la plus haute antiquité j et ils peuvent être présentés sou»
le même point de vue. On sait qu'en optique deux objets
séparés se confondent dans l'éloignement; il en est de
même des évènemens et des hommes de l'antiquité* , qui
peuvent être séparés enir'eux , mais qui se rapprochent
pour la postérité qui apprend leur histoire. On a fait la
même objection à Virgile pour Didon qui n'a pas vé-
cu dans le même siècle qu'Ente: on ne peu* faire aux cri-
tiques que la même réponse.
Magao curarw flvctaal esta. . •
Cette métaphore est sublime : Catulle l'avoit employée
avant Virgile.
Proipicit , et magnic enriram fluctuai undi*.
Lucrèce dans le sixième livre de son poème avoit dit :
YoWere cturartun trôtei in pectore fluctot .
Toutes -ces expressions sont très-hardies 9 mais elles
sont en même-temps d'une justesse frappante.
La comparaison dont Virgile se sert dans ce passage
pour exprimer l'indécision de son héros avoit déjà été
employée par Apollonius {jour exprimer l'inquiétude et
l'agitation de Médée : « Le danger, dit le poète grec,
» auquel Jason alloit être exposé , lui causait mille in-
» quiétudes , et faisoit a chaque instant palpiter son coeur.
» Ainsi , lorsque les rayons du soleil frappent la surface
» d'une eau dont on vient de remplir un vase , l'imago
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SUR LE LIVRE VIII. 4<>5
» qui se forme alors se meut sans cesse autour de l'ap-
» partement , et voltige ça et la en décrivant des cercles
» rapides : telle étoit l'agitation du cœur de Médée.» Cette
comparaison est très-ingénieuse, etVirgilc Ta très-heureu-
sement rendue. Les Latins avoient étudié les principes du
goût à l'école des Grecs , et c'est à la langue grecque , aux
chefs-d'œuvre «gu'ette avoit produits , que la langue des
Romains, ainsi que leur poésie, fut redevable d'une
grande partie de ses beautés, Virgile et les plus célèbres
écrivains de son temps firent souvent d'heureux em-
prunts aux écrivains de la Grèce; ils conservèrent par-la
les traditions du goût , et transportèrent son flambeau
dans leur propre pays. C'est ainsi que Boilcau , Racine ,
et les grands «cri vains du siècle de Louis XIV , puisèrent
souvent dans les mines fécondes des Romains et des
Grecs , et qu'ils dictèrent les oracles du goût et de la
raison au Parnasse français. Les hommes sensés n'ont ja-
mais accusé les uns ni les autres d'être des plagiaires;
c'est un flambeau qui s'allume à un autre flambeau, et
chacun brille de sa propre lumière.
Haie deus ipte loci , fiurin Tiberinu* anjœno ,
Popnleai inter senior te attollere fronde*
Vif tu. Eum tennis glanco vêla bat amicta
Carbatns t et crinei umbrota tegebat arando.
Les couleurs sous lesquelles Virgile représente le fleuve
du Tibre ont servi de modèle à tous ceux qui après lui
ont peint les fleuves et leurs divinités : c'est toujours un
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4o4 REMARQUES
vêtement cPaznr et une couronne de 'roseaux. Quoique
les vers de Boileâti sur le passage du Rhin soient très-
connus, on ne sera peut-être pas fâché de les retrouver kà:
» Art pied du mont Adule , entre mille roseaux r
"Le Rhin , tranquille et fier dn progrès de te« eaux r
Appuyé d'un» main sur ton urne penchaifee ,
Dormoît au bruit flatteur de «on onde namante , etc.
Ces vers ne perdent rien a côté de ceux de Virgile ?
Je préfère cependant crin.es umbrosa tegebat arurido
à cette image un peu' trop vague entre mille roseaux.
Dans le reste de sa description Boileau ressemble plus h
Homère qu'à ViigUe , et le Bhm prend plutôt l'attitude
fière et terrible du Scamandre que celle du Tibre.
,Le voyage d'Énée est décrit avec beaucoup de rapi-
dité ; douze vers suffisent au poète pour peindra le fleuve '
faisant remonter ses eaux- vers sa source*, favorisant les.
projets des Troyens, et recevant sur ses ondes la flotte
d'Énée qui s'avance paisiblement à, travers, d'antiques
forêts.
Lorsque les Troyens arrivent près de Pauantée le
poète donne un exemple d'une pins grande précision t
Êvandre étoii occupé à faire un sacrifice ; Pallas s'ap-
perçoitle premier de l'arrivée des étrangers, et il accourt
au rivage ; il les interroge sur le but et le motif de leur
.voyage , sur leur pays , sur leurs familles j il leur demande
s'ils apportent la paix ou la guerre ; et tout cela est ex-
primé en moins de deux vers»
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SUR LE LIVRE VDL 4»3
Qoé tendit**? inquit ; "
Qui geniu? onde doma? pacemne Luc fertis , «a arma ?
Un commentateur anglais , en rendant justice à la pré-
cision de Virgile en cette occasion ± s'est amuse a nous don-,
ner l'itinéraire d'Énée : « Cette expédition d'Énée , dit-il-,
» est aussi prompte que les circonstances l'exigeoient ; il
» partit de son camp près d'Ostie, parcourut la distance
» de quinze nulles sur le Tibre pour arriver a< Home;
» delà pour se rendre a Cervetère , pays de Tarchon , il
» fît environ vingt milles par terre , et trente-cinq milles
» par mer pour retourner à son camp. » D'après le com-
mentateur, on voit qu'Énée ne perdit point de temps,
dans son voyage ; il partit la nuit , arriva à Rome le len-
demain a midi , et passa la nuit suivante chez Évandre ;
le second jour il* se rendit a Cervetère , arriva le soir à la
vue de Tarchon et de son armée , et s'arrêta la nuit dans
la forêt consacrée à Sylvain; le troisième jour il arriva
chez Tarchon , prit le commandement des troupes, mit
. à la voile vers le soir f et voyagea toute la nuit ; le qua-
trième jour au matin il parut à la vue de son camp, et
remporta une victoire avant la fin de la journée. Cet
itinéraire est fait très - exactement , et tracé d'après
"Virgile. ^
La précision n*est pas la seule chose qu'on doive ad-
mirer dans ce passage. On doit remarquer aussi l'adresse
avec laquelle le poëte fait paraître le jeune Pallas , qui
doit jouer un rôle si touchant dans 1«$ antres livres. Vùf^
dby Google
iu6 REMARQUES
gile donne a ce jeune héros l'épithète Saudax ; c'est
ainsi qu'il caractérise d'avance le courage et surtout le
courage malheureux î il donne a Turnns la même épithète
et 'dans la même acception an septième livre , audacem
ad Twnum.
Jam primùm taxi» raapenaam haae «dipice rnpem ;
Dujectae procnl ut mole* , de*ertaque monlis
Stat domui y et ccopuli ingentem traxere ruinas.
L 'épisode de Cacus n'est pas tout entier de l'invention
de Virgile; l'événement qui y est raconté a obtenu une
place dans les récits de la plupart des historiens romains ;
il est rappelé par Denys d'Halicarnasse , et par Tite-Live.
Nous rapporterons ici le passage de Tke-Live : ce On ra-
» conte , dit-il , qu'Hercule , après la défaite de Géryon ,
» amena ses troupeaux en ce lieu-là , et qu'il les fît paître
» sur les bords du Tiljre , qu'il avoit passé à la nage ;
» plein de vin, et fatigué d'ailleurs, il s'endormit; un
» berger de la contrée, nommé Cacus , charmé de la beauté
» de ,ces animaux, et voyant bien qu'Hercule en suivrait
» la trace , s'il les conduisait de la façon ordinaire dans sa
» grotte , s'avisa de les y tramer par la queue. Hercule ,
» mécontent. du pays, sougeoit k le quitter , lorsque les
» boeufs qui lui restaient , meuglant à leur départ , le
» meuglement des vaches renfermées dans la caverne de
» Cacus leur répondit. Hercule retourne sur ses pas , veut
» forcer l'entrée de la grotte ; Cacus s'y oppose, et périt
dby Google
SUR LE LIVRE VHL <o7
ce «l'un coup de massue. » Les circonstances de ce* événe-
ment rapportées par Denys d'Halicarnasse sont a peu près
les mêmes.
• "Virgile a ajouté que Cacns étolt fils de Vulcain, et
cette idée s'accorde parfaitement avec les anciennes tra-
ditions qui représentent le territoire de Rome comme
ayant été autrefois le siège d'un volcan. Le petit bourg
d'Àricia, dit M. Petit-Radel , se trouve situé sur un
écoulement de laves sorties du cratère voisin à des
époques très-reculées. La mémoire de ces éruptions s'est
entretenue par une suite de phénomènes considérés
comme prodigieux , et que les pontifes avoient consi-
gnés dans les annales publiques. Les dernières s'étoient
manifestées au sommet du mont Âlbain , cinq ans avant
la naissance de Gcéron. Le père Kircher rapporte plu-
sieurs inscriptions très-anciennes, par lesquelles les pre-
miers Romains rendoient grâces aux dieux qui les avoient
délivrés de ce fléau destructeur. Onliaoil sur une colonne,
^4 Vulcain tranquille ; sur une autre , Au repos dési-
rable de la mère des cités» Ainsi cette ville , où dé-
voient se forger les foudres de Mars et les fers des nations
soumises , avoit été bâtie sur un sol de toutes parts ébranlé.
Tje peuple romain, si long-temps agité par des dissen-
sions civiles , fouloit les cendres des volcans ; le Capitolc ,
les monumens élevés à la Victoire , les routes consulaires ,
étoient formés de matières vomies de l'antre de Cacus,
fils de Vulcain.
dby Google
4o* REMARQUES >
Au reste , si les historiens diffèrent sur quelques cîr^
constances de la mort de Cacus , tous les gens de goût
- s'accordent a dire que cet épisode est le chef-d'œuvre le
plus parfait de la narration poétique : il est difficile de
trouver un morceau plus fini pour la versification. On y
admire a la fois la fécondité des expressions, l'harmonie
du style , la vivacité des images. Le poète fait voir tout
à la fois dans ce tableau rapide l'antre odieux de Gacus *
le combat d'Hercule , la crainte , les efforts du fils de
Vukain, les nuages de flamme et de fumée exhalés de
sa poitrine , le réceptacle de ses brigandages , ses regards
étincelans , sa chute , et son cadavre difforme» Le père
Catrou étoit si frappé de la beauté de cet épisode , et
surtout de la rapidité du récit , qu'il s'étonnoit de le trou-
ver dans la bouche du vieil Evandre , dont l'imagination
devoit être plus lente. Racine , dans le récit de Théra-
mène , a cherché a imiter la perfection de l'épisode latin ;
il doit même à ce passage de Virgile un de ses plus beaux
vers : |
Le flot qui l'apporta recule épouvanté*
qui est traduit littéralement de ces mots, refluitque txier*
ritus amnis. Racine empruntoit ainsi de Virgile , comme
Virgile empruntoit d'Homère. Le poète grec dans le
vingtième livre de V Iliade peint l'effroi de Platon , à la
suite d'une secousse qu'a donnée à la terre un coup du
trident de Neptune : Virgile a profité de cette idée , mais
dby Google
SÏÏR LE LIVRE VIIL 409
îî se l'est appropriée en la prenant pour sujet d'une com-
paraison , tandis qu'Homère la met en récit.
Ovide dans ses Fastes a raconté la mort de Cacus : 3
sera piquant de comparer les deux morceaux. Virgile
décrit ainsi la caverne :
Hic tpelunca fuit , va«to «ubmota récessif ,
SemihominU Gaci faciès quam dira tenèbat ,
Solis inaccessam radiis ; semperque recenti
Caede tepebat humas ; foribtuqne affixa superbii
Qra virùm fcrUti pendebant pallida tabo.
Voici les vers d'Ovide :
Dira ^iro faciès , vires pro corpôre , corpus
Grande ; pater monstri Mulciber hujus erat.
■ Froqne domo Ion gis apeluoca recessîbu» t ingénu t
Abdita, vix ipsit invenienda feri*.
Ora super postes , affixaque bracbia pendent;
Squalidaque humanis oisibus albet humus.
Ces vers d'Ovide sont élégans et faciles , mais ils n'ont
point la force et l'énergie de ceux de "Virgile : les deux
premiers ne donnent qu'une foible idée du monstre que
le poète veut dépeindre j le troisième est beaucoup plus
expressif; ce mot ingens, placé a la fin du vers, et le
mot abdita renvoyé au vers suivant , produisent un heu-
reux effet. L'idée que le poète ajoute a ce tableau est
ingénieuse , mais ses couleurs manquent de vigueur et de
force. Dans Ovide , c'est un antre que les bétes sauvages
peuvent a peine découvrir \ dans Virgile ,ia figure épou-
nti 35
Digitizedby GoOgle
*!* REMARQUES
vantahle du monstre défend l'entrée de la caverne aux
rayons même du jour. Ovide , dans la seconde partie de
ta description , montre la terre qui blanchit sons les osse-
mens humains , elles têtes et les bras des victimes qui
pendent à la porte de la caverne : ces images n'offrent
rien de comparable a ces mots , semperque recenti cωm
tepebat humus, la terre fumoit sans cesse du meurtre
qu'A venoit de commettre , qu'il commettoit chaque jour :
la seule épithète de recenti caractérise l'homme de génie ;
Fépithètc de superbis n'est pas moins belle , et peint
très-bien la férocité de Gacus. En général , Ovide reste
bien loin de son modèle ; le mètre qu'il emploie n'a pas
d'ailleurs la noblesse nécessaire pOur de si grands ta-
bleaux. Nous laissons aux professeurs le soin d'achever
cette comparaison , et de faire remarquer en détail les
beautés sans nombre qui Virgile s'est plu à rassembler
dans son épisode.
fiiuc ad Tarpeiam sedera et Capitolia duclt,
Àurca aune , olim silvei tribus borrida du mi* .
Jam tum relligio pavidos terrebat agrestes, etc.
On ne peut rien concevoir, dit un commentateur , de
plus sublime que l'image exprimée dans ces vers. La
montagne sur laquelle doit être un jour bâti le Capitolo
est déjà , dans ces temps reculés , remplie d'une reli-
gieuse horreur; les Arcadiensla regardent déjà comme
*le séjour d'une divinité ; ils croient y avoir vu Jupiter )oi-
luêuie descendant au milieu des foudres et des nuages ,
Digitizedby GoOgle
SUR LE LIVRE VIIL 4«
et agitant sa noire 'égide , nigrantem œgida. Quelques
sa vans ont remarqué a ce sujet que la religion des Païens
pouvoit bien n'être qu'une imitation corrompue de la
religion des Juifs. « En effet , dit le docteur Trapp , le
» Jupiter des Païens avoit choisi une montagne pour son
» séjour , comme le dieu de récriture. » Le Seigneur ,
d'après le Psalmite , avoit choisi Sion pour sa demeure ; le
Seigneur se plaît à habiter k montagne de Sion. Pline
nous apprend que les Romains se figuraient Jupiter pré-
sent au Capitole, et se montrant dans toute sa gloire
comme dans le plus haut des cieux.
La foudre et les nuages à travers lesquels Virgile fait
ici paroître Jupiter donnent une véritable idée de la ma-
jesté divine : ces images sont souvent répétées dans ré-
criture , et elles y donnent partout l'idée ta plus sublime
do vrai Dieu. Moïse , en racontant l'apparition de Dieu
sur le mont Oreb , dit que la montagne lança des feux
jusque dans le milieu du ciel , qu'elle fut environnée de
nuages et de profondes ténèbres. La description du Psal-
miste a quelque chose encore de plus sublime : « La terre
» trembla , les fbndemens mêmes des montagnes s'ébran-
. » lèrent. Les cieux s'abaissèrent ; le Seigneur descendit
» sur la terre , et des ténèbres épaisses étoient sous ses
» pieds. Il s'élevoit au-dessus des chérubins , et voloit sur
» les ailes des vents. L'obscurité étoit son sanctuaire ; un
'» pavillon étoit élevé autour (le lui ? et des nuages cou-
» vroienl sa face..»
35.,
Digitizedby GoOgle
4i* REMARQUES
11 est vrai de dire que cette idée de l'obscurité est très*
propre à exprimer la majesté ; qu'elle convient peut-être
mieux aux images de la grandeur et de la toute-puis-
sance , que l'éclat et la lumière dont la plupart des poètes
se plaisent a parer leur Olympe. 11 n'est rien peut-être de
plus majestueux que lu tranquillité d'une nuit profonde ;
et cette image devoit surtout frapper les anciens Païens ,
qui regardoient la nuit comme la plus ancienne et la plus
redoutable de leurs diviuités.
Talibtu vnter *e dictis ad tectt tubibant
Panperis Evandri , pauimque armenta ?idebant
Romanoque foro et lautis mugire Cariais.
Combien cette transition est heureuse ! Combien ce
Contraste est touchant ! Après avoir parlé de la majesté
du Capitole , et montré dans l'avenir la gloire de Rome,
le poète conduit son lecteur sous le chaume d'Evandre ,
pauperis Evaiidri. Ce rapprochement, comme l'ob-
serve judicieusement un commentateur , flattoit l'amour-
propre des Romains , qui regardoient leur agrandisse-
ment comme leur ouvrage : le lecteur est à la fois touché
de la simplicité d'Evandre , et frappé de la splendeur k
laquelle s'élèvera la postérité d'Enée. Plusieurs poètes
contemporains de Virgile ont fait le même rapproche-
ment:
Sed tune pascebant herbota palatia vacca* ,
"Et slabant bumilei in Jovis arce casae. ,
JLacte madent iliie suberat Pan ilicif ombra;,
£Xf*et« agreiti ligne* falce Pale*.
Digit.zedby G00gle
SUR LE LIVRE VIII. iil
Hoc qupdcmnque vides , boapes, quim maxîma Rom* est,
Ante Phrygem JSneam , collu et herba fait.
Atque ubi navali (tant sacra palatia Phabo
Evandri profagss procubuere bove».
Propertiiu, lib. 4. El. 1.
Ovide exprime la même idée dans ses Fastes , au pre-
mier et an cinquième livre. Ce contraste dcvoit en effet
frapper l'esprit des Romains ; il ne pouvok pas surtout
échapper a l'imagination des poètes témoins de la splen-
deur et de la magnificence des Césars : mais il apparte-
noit a Virgile de dire quelque chose de plus que les
autres , et de tirer d'un si beau sujet des leçons de mo-
rale dont ses contemporains auroient pu profiter :
H«!C , înquit, limita victor
Alcides snbilt; baec illiim regia cepit.
Aude, bospes, coatemnere opes , et te quoxpie dignxta
Fiage deo ; rebasque ?eai non aiper egeais.
On reconnaît bien dans ces vers le poète qui se plaisoil
à célébrer le bonheur et la simplicité des champs. Virgile
paroît exprimer ici ses propres sentimens autant que
ceux d'Évandre ; et , si Auguste l'avoit visité dans sa
modeste retraite , il lui auroit sans doute adressé ces
paroles touchantes : Aude , hospes , contemnere opes,
Fénélon ne se lassoit point d'admirer ce passage. « La
» honteuse lâcheté de nos mœurs , dit-il dans sa qua-
» trième lettre a l'académie , nous empoche de lever les
» yeux pour admirer ces paroles : au.de , hospes, eo/i-
» temnere opes.» Nous partageons l'admiration de Fé-
nélon j mais nous n'osonspa* insister sur la beauté de «*
35...
Digitizedby GOOgle
AU REMARQUES
sentimens de Virgile. Si la corruption des mœurs , aa
siècle de Louis XIV , rendoit les cœurs insensibles à la
noble pauvreté d'Evandre , -il n'est que trop certain
qu'on n'en sera point touché aujourd'hui.
'' Nox mit , et fnscii tellurem amplectitor «Us.
Àt Veniu haud antmo nequidquam exterrita mater,
Laurentnmque mini* et duro mota tomaltu t
Vulcanum alloijuitiir , thalamoque haec conjugu auree
Incipit , et dictic dirinum adjpirat amorem. . .
On ne sauroit trop admirer l'art avec lequel le po(:te
profite de l'intervalle de la nuit et du sommeil pour faire
reparohre Vénus , et pour lui faire obtenir de Vulcain
un bouclier pour Ênée. Les affaires importantes qui se
traitent entre Êvandre et le héros tyoyen sont ainsi ra-
contées sans interruption. Aucun moment n'est perdu ;
lorsque tous les personnages de cette scène reposent dans
le sein du sommeil , lorsque le poète par conséquent n'a
plus a parler de leurs actions , c'est alors qu'il a recours
au merveilleux , et fait intervenir l'épouse de Vulcain,
qui prépare a son fils les moyens de mettre a profit l'al-
liance qu'il vient de faire.
Ergo eadem tupplex venio , et •anetnm mihi nnmen
Arma rogo genetrîx nato , etc.
Quelques commentateurs ont trouvé de l'inconvenance
dans ce passage ; ils se sont étonnés que Vénus osât prier
Vulcain de fabriquer un bouclier pour son fils illégitime;
.Vulcain a laissé périr son fils Cacus sous la massue d'Her-
cule , et il va donner des amies à Ênée dont la naissance
dby Google
SUR LE LIVRE VIII. 4i5
est un outrage pour sou hymen. Montaigne se réunit aux
censeurs ; i] pense que Vénus ne parle point et n'agit
point comme une épouse doit parler et agir. U faudrait
connoitre à fond les systèmes des anciens sur leurs divi-
nités, pour oser décider celte question; mais ce qui
prouve que l'antiquité pensoit autrement que nous sur
plusieurs points, c'est que ce morceau , blâmé par'qucl-
«jues modernes , étoit admiré comme un modèle de dé-
cence. « Annianus et plusieurs autres poètes , dit Aulu-
s> Gclle , ne pouvoit se lasser d'admirer et de louer
» l'adroite retenue de Virgile, qui, ayant à peindre
» Vénus et son époux dans le lit conjugal , a eu soin de
» respecter le voile d'honnêteté que la nature étend sur
» ses mystères , e£ de n'employer que les expressions
39 sages que la pudeur peut avouer sans rougir. » Voici
ces vers:
Ea verba locutua,
Optatos dédit amplexus , placidnmque petivtt
Coojugic infusas gremio per xnembra soporem.
« Ces illustres littérateurs , ajoute Aulu-Gelle ^ pen-
» soient qu'il avoit été beaucoup moins difficile à Homère,
» en pareille circonstance , de n'employer qu'une phrase
» courte et très-peu de mots , lorsqu'il dit en différentes
» occasions : la ceinture virginale et les lois de Vhy-
» men ; les œuvres de V amour ,* ils étaient couchés
» dans des lits suspendus* Le seul pinceau de Virgile a
» osé présenter l'image plus éteudue ; seul , en n'en*»
>> ployant qu.Q dçs couleurs pures et chastes , U indique les.
)gle
*i6 REMARQUES
» secrets de la couche des époux , sans blesser le respect
» et flionnétcté qui y préside. »
Ce morceau renferme de très-grandes beautés. On a
déjà parlé de la comparaison de la ménagère , qui respire
la pudeur et rinnocence , et qui prouve que Virgile va-
loit beaucoup mieux que ses dieux. La comparaison de
la flamme qui court dans les veines de Vulcain avec le
feu du tonnerre qui sillonne les nuages n'est pas moins
remarquable par l'image qu'elle présente que par la ma-
nière brillante dont elle est rendue. Les personnes les
moins versées dans l'étude de la langue latine peuvent
sentir l'harmonie imitative de ces vers , où l'œil voit les
efforts des Cyclopes , et où l'oreille entend le bruit qu'ils
font:
Gémit impoûtia incndtbus «ntntm.
Illi inter cece multâ vi brachia tollunt
In oumernm, veraantque tenaci forcipe masaam.
L'admiration doit se partager ici entre la beautéde la
versification et l'adresse merveilleuse que le poète a
mise dans la composition de cette partie de son poème. H
fait ressortir son héros de la manière la plus ingénieuse
et la plus frappante : la foudre de Jupiter, le chariot de
Mars, l'égide de' Minerve, sont commencés dans les
forges de Vulcain*, mais tous ces travaux sont interrom-
pus pour le bouclier d'Enée , arma aèrifacienda v£ro.
Cet artifice du poète latin est sublime *, et c'est en cela
que Virgile , qui a imité Homère , a de beaucoup sur-
passé son modèle.
SUR LE LIVRE VIII. 4iy
Sed libi ego ingentes populos opulenUqae regnù
^aagere castra paro : quam fors inopiaa salutem .
Os tentât; fatis hue tè poscentibu* affers, etc.
Ce discours justifie pleinement Ence de tous les re-*
proches qu*on pourroit lui faire. Le roi de Pallantéc
apprend au héros de Troie r usurpation et les crimes du
farouche Mézence ; cet ennemi des dieux et des hommes
a été chassé de l'Étrurie , et il s'est retiré chez Turnus
qui protège tous ses forfaits. Le peuple étrurien est venu
implorer les secours d'Évandre , il lui a offert la cou-
ronne , en le chargeant du soin de sa vengeance : mais
Evandre est déjà glacé par Page ; il ne peut accepter ce
périlleux emploi , il le confie au héros troyen. Dès-lors la
cause d'Evandre devient en quelque sorte celle d'Enée ;
tout f imérèt qu'inspire le roi de Pallantée retombe né-
cessairement sur le prince étranger.
Tnm pater Evandrus , d extram eomplexui enntk , -
Hacret, inexpletùm lacrymans , ac talia fatur :
€) railii pneteritos référât si Jupiter annot ï
Qualis eram, etc.
Ces adieux d'Évandre sont d'une éloquence noble U la
fois et pathétique. Dans la première partie de son dis-
cours il regrette les beaux jours de sa jeunesse et de sa
gloire. Si la glace de l'âge ne Favoit pas affaibli , il au-
roit repoussé lui-même les insultes de l'orgueilleux Mé-
zence ; ce cruel tyran n'auroit pas impunément répandu
tant de sang et dépeuplé tant de villes. Ici Evandre parle
comme un vieux guerrier et comme un roi J mais bien»*
dby Google
Sa REMARQUES
tôt la nature reprend tons ses droits. Dans le reste de son
discours il ne songe plus qu'à son fils ; il pressent son
malheur , il semble prévoir la mort de son cher Pallas. Ce
mouvement est très-attendrissant , et il préparc très-heu-
reusement ce que le poète va raconter dans }es trois der-
niers livres; il fait désirer la chute de Mézence et la
défaite de Turnus.
Ipte agmine Pallag
In medio , chlamyde et pictis eonspectas in armi* ;
Qualis nbi oceani perfusus Lucifer unda,
Qaem Venus ante alios astrorvm diligit ignés,
Extnlit os sacrum ccelo , tenebrasque resolvit.
Virgile n'a négligé dans ce huitième livre aucune oc-
casion de faire remarquer Pallas , et d'intéresser a son
tort : la comparaison de ce jeune héros avec l'astre
de Vénus est très-gracieuse , et la muse du poète semble
avoir pris plaisir à en perfectionner jusqu'aux moindres
détails. Les mots perfusus undâ expriment bien la
fraîcheur du matin, et la jeunesse du fils cPEvandre. Ex-
tulit 09 sacrum cœlo: l'astre de Vénus se montre bien»
tôt au haut des cieux , et les ténèbres se dissipent de-
vant lui. Ainsi Pallas se montre à la tête de ses troupes,
et il voit s'ouvrir sur ses pas une carrière glorieuse.
Stant pavidae in maris ma très , oculisqne sequuntur
Pnlveream nubem , et fulgentes aère catervas.
Quel tableau touchant est renfermé dans ces deux
vers! D'un côté, les jeunes guerriers qui marchent au
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SUR LE LIVRE VIII. 419
combat , et de l'autre , les mères debout et tremblante»
sur les remparts. Il n'est personne qui n'ait été «témoin
de cette scène attendrissante dans le temps où non»
avons vécu. Non seulement , dans ce tableau de Virgile ,
les mères suivent des yeux leurs enfàns lorsqu'ils sortent
de la ville ; mais elles attachent encore sur eux leurs re-
gards lorsqu'ils sont déjà éloignés; elles contemplent
l'éclat que jettent au loin leurs armes , et le nuage de
poussière qui les couvre au bout de l'borison. Le premier
trait de ce tableau est bien dans la nature , et le cœur
des mères et des épouses s'est révélé tout entier à Virgile
dans le second.
Hlic ret Italaa , Rom&neramque triumphos ,
Hand vaium ignanu , venturique intciiu «ri ,
Fccerat ignipotenc. . .
Le lecteur n'a pas oublié ce passage admirable du
sixième livre dans lequel Ancbisc fait voir à Enée les des-
tinées de sa race et la gloire de Rome. Virgile emploie la
même i^ée dans la description du bouclier d'Énée; mais
cette idée est présentée dans un cadre nouveau. Un autre
. poète que Virgile aurait tout dit peut-être dans le sixième
livre , et il aurait gâté une des plus belles parties du
poème ; Virgile , toujours guidé par un goût exquis , n'a
point épuisé son sujet , et sa main économe se réserve
toujours quelques fleurs pour en semer sur son passage,
Fecerat etviridi Cctara M&vortis m antro
Frocabttusa lupam ; geminu* htue ubera circum
dby Google
4s<» REMARQUES
haltère pende aies paeroc , ci Umbere malrcm
Impaviiioi. . . %
Virgile , en pariant d'un tableau v fait lui-même on ta*
hleau ravissant. Ludere pendentes pueros , présent»
l'image la pins gracieuse et la plus pittoresque. L'épi-
thète dUmpavidos , renvoyée au quatrième vers , achève
heureusement cette description, où le poète se plaît a
mêler des couleurs riantes avec des couleurs sauvages :
l'esprit semble d'abord effrayé par l'idée d'une louve ,
par l'idée de l'antre de Mars; mais il est agréablement
rassuré par les jeux de l'enfance , et les tendres caresses
qu'un farouche animal prodigue à deux héros encore
enfans. Ces contrastes sont le chef-d'œuvre do goût et
de l'art. 11 nous est resté de l'antiquité plusieurs mé-
dailles, plusieurs morceaux précieux pour l'histoire
comme pour les arts; la vérité que Virgile met data
tous ses tableaux fait douter aujourd'hui s'ils sont l*or>
ginal ou la copie*
Dans le sixième livre le poëte avoi$ parlé plus particu-
lièrement de la postérité d'Ence ; il parle ici des masure
et des destins de Rome ; après avoir peint Romulus et
Rémus allaités par une louve , il rappelle la gloire de
l'ancienne république , et les institutions religieuses et
politiques qui l'ont conservée depuis Tarquin qui
ça la liberté romaine , jusqu'au vertueux Caton qui
rut avec elle. Quelques commentateurs se sont étonnés
que Virgile ait montré à ses lecteurs Catilina dass le
dby Google
'
SUR LE LIVRE VIIL lu
Tartare,ctCaton dans l'Elysée: il est probable , disent-
ils , qu'on ne tenoit point ce langage à la cour d'Au-
guste. Nous ne partageons point ici l'opinion des com-
mentateurs» «c Pendant que sous Sylla , dit Montesquieu»
» la république prenoit des forces , tout le monde crioit
» à la tyrannie ; et tandis que sous Auguste la tyrannie se
» fortifioit , on ne partait que de liberté. » Saint-Évre-
mond , dans un ouvrage où Montesquieu n'a pas dédai-
gné de prendre quelques idées , dit « qu'Auguste se fit
appeler empereur de temps en temps pour conserver
son autorité sur les légions , qu'il se fît créer tribun
pour d sposer du peuple , et prir.ee du sénat pour le
gouverner ; il devint à la fois , l'homme des armées , dW
peuple et du sénat , quand il s'en rendit maître ; il fût
comme le héros de V Enéide , le souverain pontife et le
législateur suprême , mais les formes de la république
furent respectées. Sous son règne , ajoute le même au-
teur , le peuple ne fut moins libre que pour être moins
séditieux, le sénat ne fut moins puissant que pour être
moins injuste ; la liberté ne perdit que les maux qu elle
peut causer. »
On a reproché à Virgile d'avoir négligé beancoup d'e-
fènemens glorieux dans l'histoire romaine. La défaite
d'Annibal, la captivité du roi Persée,'les triomphes de
Scipion , auroient figuré d'une manière aussi brillante
dans h bouclier d'Énée , que la résistance de Codés ,>le
supplice de Manlius % et la victoire de Camille sur k*
h* ' 3$
Digitftedby G OO
i%% REMARQUES
Gantois. Cela peut être vrai , maïs il ne faut pas oublier
.que le bot principal dt Virgile étoit de parler de la ba-
taille <f Actions ; après avoir peint l'enfance héroïque du
peuple romain , il passe tont à coup a l'époque de la pins
grande splendeur de l'empire , et il semble réserver tous
les efforts de son génie , pour décrire le combat qui dé-
cida et commença le règne d'Octave. On a dit que Vir-
gile avok cherché a louer Auguste dans le personnage
. d'Enée ; mais il faut avouer qu'Auguste prête ici un nou-
vel éclat au héros troyen : quoi de plus propre -en effet
à rehausser la gloire d'Énée , que de le montrer comme
la première cause de tant de grandeurs , et de le parer,
pour ainsi dire , des trophées qui faisoient au temps dt
Virgile l'admiration de l'univers soumis ?
Cette description de la bataille d'Actium est remplie
-d'images grandes et sublimes. César entraînant au com-
bat le sénat , le peuple et les dieux de Rome , et parois-
.sant debout sur sa poupe élevée , statu celsd in puppi ,
est un des plus beaux tableaux que puisse représenter la
poésie ; il prépare bien l'imagination a ce combat où l'on
croit voir les Cyclades se choquer contre les Çydades, et
les monts se heurter contre les monts. Le Tasse a répété
cette idée dans l'épisode d'Armide; mais elle n'est pas
si heureusement employée. Mars gravé sur le fer , les Fu-
ries terribles , Bellone avec son fouet sanglant , et la Dis-
corde , scissd gaudens discordia palld, achèvent de
jeter l'horreur et l'épouvante dans l'esprit du lecteur, et
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SUR LE LIVRE VIIL 4*5
peignent très-bien la situation de l'empire romain , dé-
chiré* alors par la guerre civile. L'idée de faire combattre
les dieux monstrueux du Nil avec Vénus, Minerve et
Neptune -, l'attitude fière et noble d'Apollon, qui voit le
combat du promontoire d'Actium x qui bande ,son arc
puissant , et Eût fuir par son seul aspect la troupe confuse
des Egyptiens , des Indiens , des Sabéens et des Arabes ,
sont des conceptions admirables; mais rien n'égale la
beauté de ces vers où le poète représente le Nil ouvrant
les larges plis de sa robe azurée , et cachant la honte et
les malheurs de Qéopâtre dans ses grottes profondes :
' Contra aotem magno mvrentem corpore Nilum,
Pandentemqne sinus , «t totft veste vocantem
Cseruleum in gremium latebrosaqae flamina victo*.
Le reste de cette description mérite les mêmes éloges.
Addisson regarde surtout le dernier vers comme un des
plus heureux de Y Enéide :
Attollens hnmero famamqne et fau nepotnm.
Ce vers nous fournit une occasion de louer encore le ju-
gement du poète latin. Dans cette description de la gran-
deur de Rome , le lecteur avoit un moment perdu de vue
Énée pour ne songer qu'a Auguste ; mais 'Virgile ramène
l'attention à son héros de la manière la plus adroite et
la plus ingénieuse. Dans un seul vers il a l'art de louer
les Romains, de flatter Auguste, de célébrer Énée. Le
présent , le passé , l'avenir , tout est la , et le sujet tout
entier de f Enéide est dans cette image pittoresque. ,
36-
Dgitzedby GoOglé
jENEIS.
LIBER N O N U S.
A.TQUI ea diversâ penitùs dum parle genwtor,.
Irim de eœlo misit Saturnia Juno
Àucfacem ad Turnum. Luco tum forlè parenti*
Pilumni Turnus sacratà valle sedebat
Ad quem sic roseo Thaumantias ore Iocuta est t
Turne, qsiod optanti diyùm promittere nemo
Âuderet, volyenda dies en attulit ultro :
iEueas, urbe, et sociîs, et classe relictâ,
Sccptra Palatini sedemque petiit Evandri.
Nec salis : extremas Corytbi penetravit ad urbes;
Ljdorumque manum , collectos armât agrestes.
Quid dubitas? nunc tempus equos, nunc poscere cuiras:
Rurape moras oranes 5 et turbata arripe castra*.
Dixit ; et in cœlum paribus se suslulit alis;-
Ingentemque fugâ secuit sub nubibus arcuuu
^Digiti:
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L'ENÉIDE.
LIVRE NEUVIEME.
X à n d i s que loin des siens l'infatigable Ené*
Joint an sort des Toscans sa hante destinée,
Junon envoie Iris au superbe Turnus. ^
Tranquille, il somineilloit au bois de PilumDus.
Iris vient et l'éveille; et saboucbe de rose
Adresse ce discours au héros qai repose :
« Turnus, ce que pour toi n'eût fait aucun des dieux,
» Un bonheur imprévu vient l'offrir a tes vœux :
» Entraîné loin d'ici par un espoir stérile,
» Ton imprudent rival a déserté «a ville ,
» Et, pour des camps lointains fuyant ses propres camps
» Court du palais d'Evandre aux remparts des Toscans
» Tandis que, dans leurs champs, d'une troupe novict
» Il rassemble au hasard l'impuissante milice ,
» Va, pars, cours l'attaquer, arme-toi, hâte-toi,
» Et porte dans ses murs le désordre et l'effroi. >i
' Elle dit, et soudain de son aile brillante
Trace en arc radiaux sa route étincelante.
Dgitzedby GoOgle
426 &NEIDOS LIBER IX. y.iG.
Agnoyil juveuis, duplicesque ad aidera palmas
Sostulit , et tali fugientem est voce secutus :
Iri, decus cœli, quis te mihi nubibus actam
Detulitin terras? unde hase .tam clara repente
Tempestas? mediam video discedere cœlum,
Palantesque polo stellas : seqoor omina tanta,
Quisqui* in arma yocas. Et sic effatos ad nndam
Processtt, summoque bausit de gurgite ljmpnas,
Multa deos orans ; onerayitqae «tbera votis.
Jamqne omnis campis eiercitus ibat apertis,
Dives equûm, dires pictaï restis et aori
Messapus primas acies, postrema coërcent
Tyrrbidae juvenes, medio dux agmine Turnus
[Vertitur arma jtenens, et toto verGce sqpra est : ]
Geu septem snrgens sedatis amnibas allas
Per tacitum Ganges, aut pîngui flamine Nilus,
Quura reflujt campis, et jam se condi<Jit aJveq,
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v. i9. L'ENEIDE, LIVRE IX. 447
Turnus la reconnoît, et le jeune héros
Lève ses mains vers elle , et lui parle en ces mots :
« Noble ornement du ciel , messagère sacrée ,
» Quel dieu t'envoie ici de la voûte azurée ?
» Quel torrent de clartés vient éclairer les cieux !
» Je vois , je vois s'ouvrir la demeure des dieux.
» Quel que soit au combat le pouvoir qui m'appelle , 4
» A ses ordres sacres Turnus sera fidèle :
v Marchons vers le rivage. » Il s'avance a ces mots 5
Pour les libations sa main puise les flots ,
Et, prodigue de vœux, d'offrandes , de prières ,
Mêle un pieux hommage a ses fureurs guerrières.
Défa l'armée avance ; et l'orgueil des coursiers.
L'éclat des vêtemens, et l'or des bouchers,
Au loin ont déployé leur pompe éblouissante.
Superbe conducteur d'une troupe. brillante ,
Messape la précède; et, chefs des derniers rangs,
On voyait de Tyrrhée avancer les enfans.
Au centre, c'est Turnus qui, dans sa marche altière ,
En grandeur, en beauté, passe l'armée entière :
Le calme est sur son front ; vingt peuples a la fois
Dans un ordre imposant s'avancent sous ses lois :
Tel , retiré des bords que sa course féconde ,
fie Nil rentre en son lit, et rassemble son, onde ;
i
4*8 £NEIDOS LIBER IX * 55.
Hic subitam nigro glomerari pulvere nubem
Prospiciunt Teucri, ac tenebras însurgere campis»
Primus ab adversâ conclamat mole Caicus :
Quis globus, o cires, caligine volvitar alrâ !
Ferte citî ferrum, date tela, scandite muros ;
Hostis adest, eia! Ingentî clamore per omnes
Condcmt se Teucri portas , et mœnia complent.
Namque ita discedens praceperat optimus armîs
iEueas : si qiia înterea fortuna fuisset ,
Ne struere- auderent aciem, neu credere campo;
Castra inodô et tutos servarent aggere muros.
Ergo , etsi conferre manum pudor iraque monstrat,,
Objiciunt portas tamen , et praecepta facessunt ,
Àrinatiqqe cayis exspeclant turribus hostem.
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iv43. L'ENÉIDE, LIVRE *£ «s9
Tel le Gange, calmant ses flots tumultueux,
En silence poursuit son cours majestueux.
Tout a coup dans les champs un immense nuage -,
Pareil aux tourbillons que roule un sombre orage ,
A frappe des Troyens tes escadrons nombreux.
Caïcus le premier a tu ces flots poudreux ;
Il s élance aussitôt; et, semant les alarmes j
a Aux armes , mes amis, s'ecria-t-il ; aux armes- !
» Venez, volez, montez, défendez vos remparts !
» L'ennemi vient. » Sa voix, le feu de ses regards
Les rallie, a l'instant j leurs phalanges guerrières
Des portes a la hâte ont ferme les barrières ,
Eu foule autour des forts assemblent leurs soldat»,
Et bravant les assauts évitent les combats.
Ainsi l'avoit d'Ene'e ordonne la prudence ;
Ainsi, dans leur enceinte enfermant leur vaillance,
Ils dévoient sans danger, défendant leurs remparts ,
D'un combat inégal e'viter les hasards. /
Aussi , quoique déjà leur superbe colère /
Dans leurs murs a regret languisse prisonnière , / %
De leur courroux docile ils étouffent la voix y
Et de leur chef absent exécutent les lois.
A l'abri de leurs tours ils fujoient les batailles,
Quand Turnns se présente au pied de leurs murailles.
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4a> iENEIDOS LIBER IX. rMy.
Turnus , ut antè volans tardum praecesserat agmen,
Viginti lectis equiium comitatus, el urbi
Iinproyisus adest * maculis quem Thracius albis
Portât equus, cristâque tegit galea aurea rubrâ.
Ecquis erit mecum, juvenes? qui primus in bostem...?
En, ait : et jaculum adtorquens einittit în auras,
Frincîpium pugns , et campo sese arduus înfert.
Clamore excipiunt socii, fremituque sequuntnr
Horrisono : Teucrum mîrantur inertia corda 5
Non aequo dare se campo , non obvia ferre
Arma viros , sed castra fovere. Hue turbidas atque hue
Lustrât equo muros, aditumque per avia quaeriL
Àc yeluti pleno lupus insidiatus oyili ,
Quum frémit ad caulas , ventos perpessus et imbres,
Nocte super medià ; tutî sub matribus agnî
Balatum exercent : ille, asper et improbus ira ,
SjBvit in absentes; collecta fatigat edendi
Ex longo rabies , et siccae sanguine fances.
Haud aliter Rutulo muros et castra tuenti
Igpescunt iras 5 duris dulor ossibus ardet :
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y.tf7. L*ÉNÉIDE, LIVRE IX. Ut
L'impétueux Turnus, avide de combats,
De sa troupe tardive a devance les pas;
Des cavaliers choisis ont vole sur sa trace ;
Un poil tache de blanc teint son coursier de Thrace ;
Et d'an panache altier le brillant incarnat
De son beata casque d'or rehausse encor l'e'clat.
« Braves/amis, dit-il avec une voix fière ,
» Qui le premier de nous. . . » Soudain sa main guerrière
Four signal de l'attaque a lait partir un dard ,
Et son coursier fougueux vole au pied du rempart
A son noble défi ses guerriers applaudissent.
Dans le camp des Trojens les clameurs retentissent;
Leur aspect immobile étonne le héros ;
Sa bouillante valeur accuse leur repos.
Les yeux e'tmcelans, dans sa rage stérile ,
Il tourne, va, revient autour de leur asile.
Dans l'ombre de la nuit, tel un loup de' voyant
Qu'a long-temps tourmente l'ardente soif du sang,
Autour (Tune nombreuse et vaste bergerie,
Bravant le froid , la neige , et les vents en furie ,
Court, rode; les agneaux par leurs longs bêlemens,
Tranquilles sous leur mère , irritent ses tourmens ; v
Il épie, il attend le moment du carnage ;
Contre sa proie absente il excite sa rage,
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\
43* ^ENEIDOS LIBER IX. v/67.
Quâ tenlet«ratione aditus, et quae viaclausos
Eiculiat Teucros vallo , atque effiindat in œquor.
Classem, quae lateri castrornm udjuncta latebat,
Aggeribus sœptam circùm et fluvialibu« undis,
ïnyadit ; sociosque incendia poscit oyantes ;
Atque mamim piuu flagranti feryidus implet.
Tuin vero incnmbunt : urget praesentia Turaif
Atque omnis facibus pubes accingîtur atris.
Diripuere focos ; piceum fert fumida lumen
T*da, et conunktam Vulcauu? ad astra fayiHant.
Qnîs deus , 0 mus» , tam saeya incendia Teucri*
Avertit? tantos ratibus quis depulit ignés?
picite : prisca fîdes facto , sed fama perenms.
Tempore quo primùm Phrygia formabat in Idi
J£neas classem, et pelagt petere alla parabat,
Ipsa deûm fortur genetrix Berecynthia magnum
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t.$i. L'ENEIDE, LIVRE IX. «3
Croit dejh la teBÎr , croît déchirer son flanc,
Se repaître de meurtre, et s'abreuver de sang :
A l'aspect irritant de la troupe d*Énee ,
Des tours a qui ses chefs fioient sa destinée ,
Tel frémissoit Turnus. Gomment, par quels moyens
De leur lâche retraite arracher les Troyens ?
Leur présence l'aigrit, le depil l'aiguillonne , s
Et son sang embrase dans ses reines bouillonne.
La cite par ses murs , le fleure par ses eaux ,
De leurs doubles remparts protégeoient leurs raisseaux 2
H s'élance , il médite un horrible incendie;
Par l'exemple du .chef l'armée est enhardie;
Une torche a la main , il donne le signal ;
Tops hâtent à lenri l'embrasement fatal :
Le feu rôle , et déjà de la flotte enflammée
S'élère en tourbillons une épaisse fumée.
Qui saura les raisseaux de la fureur des feux t
Muses, racontez-nous ce grand bienfait des dieux.
Parlez : ce fait remonte au berceau de l'histoire
l Mais le temps d'âge en âge en transmit la mem 0
Quand sur le mont Ida, pour des climats nouveaux,
Enée et les Troyens préparaient leurs raisseaux , \
Des habitans du ciel créatrice féconde,
Ainsi parla Cybèle au souverain du monde :
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iU ^NEIDOS LIBER IX. y. 83.
Vocibus bis affata Jovem : Da , nate, petentî ,
Quud tua cara parens domîto te poscit Olympo.
Pînea silya mihi, multos dîlecta per annosr
Lucus in arce fuît summâ , quo sacra ferebaut,
Nigranti piceâ trabibusque obscurus accrois :
Has ego Dardanio juveni , quum classis egeret,.
Lsta dedî ; nunc sollicitam tîmor anxius urget.
Solye metus, atque boc precibus sine posse parentem ,
Ne cursu quassatœ ullo , neu tuibine yentî ,
Vincantur : prosit noslris in montibus ortas.
Filius buic contra, torquet qui sidéra mundi :
0 genetrix, que fata yocas? aut quid petis islis ?
Mortaline manu factae immortale canna
Fas habeant ? certusque incerta pericula lustret
jEneas? Cui tanta deo permissa potestas?
Immo, ubi defunctae finem portusque tenebunl
Ausonios, olim qu&cumque evaserit undas,
Dardaniumque ducem Laurentia y^exerit arva,
Mortalem eripiam formam , magnique jubebo
^Equoris esse deas : qualis Nereïa Dota
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v. n5. L'ENEIDE, LIVRE IX. 4*5
« 0 toi dont le pouvoir dominateur des cieux
» Est égal a too rang, suffit a tous les vœux ;
» Arbitre tout-puissant, écoute ma prière,
» Et sache de son fils ce qu'attend une mère :
» Sur le sommet d'Ida dès long-temps re've'ré,
» Un btis sombre e'tendoit son ombrage sacre' ;
» Un fils de Dardanus, près de fuir sa patrie,
» Sollicita de moi cette foret chérie.
» Je l'accordai. Ces bois a mon cœur toujours chers,
» Mon fils, de'fendez-les et des vents et des mers :
» Donnez ce privilège au lieu de leur naissance.
» —Vos vœux, dit Jupiter, surpassent ma puissance :
» Quoi ! des vaisseaux formés par la main des mortels,
» Ma mère , comme nous seroient donc e'ternels !
» Et, volant sans péril sur les plaines profondes,
» Ene'e auroit le sort du souverain des ondes !
» Une telle faveur ne depeild pas des dieux.
» Il en est une au moins que j'accorde a vos vœux :
» Tons ceux de ces vaisseaux qui, vainqueurs des orages,
» Auront de TAusonie aborde' les rivages ;
» Tous ceux qui du Scamandre aux champs des Laurentïnt
» Auront conduit Enée et suivi ses destins,
» Je les dépouillerai de leurs formes mortelles ,
» Et la mer recevra ces déités nouvelles ;
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436 JENEIDOS LIBER IX. V. io5.
Et Galatea sécant spumantem pectore ponlum.
Dixerat; idque ratum Stygii per flumina fratris ,
Per pice torrentes atrâque voragine ripas ,
Annuit 5 et totum nutu tremefecit Olympum.
Ergo aderat promissa dies, et tempora Parc» •
Débita complétant, quum Tumî injuria Matrem
Âdmonuit ratibus sacris depellere tsdas.
Hic primùm nova lux oculis oflulsit, et ingens
Visas ab aurorà cœlum transcurrere nimbus f
Idœique chori; tum vox horrenda per auras
Excidit, et Troum Rululorumque agmina complet :
Ne trepidate meas, Teucri, defendere naves,
Neve armate manus 5 maria ante exurere Turno
Quam sacras dabitur pinus. Vos, ite solute,
Ile, de» pelagî; genetrix jubet. Et sua quaeque
Continué puppes abrumpunt yîncula ripis,
Delpninûmque modo demersis aequora rostris
Ima petunt Hinc vîrgineae (mirabile monstrum),
[Quot priùs aeratae steterant ad littora prorœ,]
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t. i39. L'ENEIDE, LIVRE IX. 43?
» Et Doto, Galatee, en adoptant ces sœurs,
» Les verront se mêler a leurs bumides cbœurs. »
Aussitôt par le Styx, formidable au ciel même,
Ratifiant l'arrêt de son pouvoir suprême ,
Par un signe de tète il avertit les cieur ,
Et l'Olympe ébranle s Incline avec les dieux.
Enfin, des jours comptés par la parque fidèle
Le temps est arrive'. La puissante Çybèle,
Voyant du fier Turnus approcber les flambeaux,
Vient au feu sacrilège arracber les vaisseaux.
D'un éclat inconnu l'Olympe se colore ;
Un nuage embrasé des portes de l'Aurore
Part, vole, et dans les cieux traîne de longs éclairs.
Les chœurs du mont Ida résonnent dans les airs.
Cependant une voix qui ressemble au tonnerre
Fait Irembler les deux camps, et le ciel , et la terre :
« Troyens , ne craignez pas pour mes vaisseaux chéris;
v L'audacieux Turnus en vain les a proscrits :
» Plutôt des vastes mers il brûleroit les ondes.
» Et vous, augustes nefs trop long-temps vagabondes ,
? Soyez libres, partez, fendez les flots amers ;
? Cybèle vous ajoute aux déités des mers. »
Chaque nef a ces mots rompt le nœud qui l'arrête;
JEt tels qu'en l'Océan plongeant leur large tète
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438 jENEIDOS LIBER IX. v. m.
Reddunt se totidem faciès , pontoque feruntur.
Obstupuere animis Rutuli ; conterrîtus îpse
Turbatis Messapus eqnis; cimclatur et amnîs
Rauca sonans, revocatque pcdem Tiberinus ab alto.
At non audacî cessit fiducia Turno ;
Ullro animos tollit dictîs, atque increpat ultro :
Trojanos baec monstra petimt ; bis Jupiter ips«
Auiîlium solitum eripuit : non tela nec ignés
Exspectant Rutulos. Ergo maria inria Teucris ,
Nec spes ulla fogae : rerum pars altéra adempta est;
Terra antem in nostris manibus; tôt millia gentes
Arma feront Italae. Nil me fatalia terrent,
Si qua Pbryges prae se jactant responsa deorum.
Sat fatis Venerique datum tetigere quod arva
Ferttlis Ausoniae Tro'ês : sunt et mea contra
Fata mîbi ferro sceleratam exscindere gentem,
Conjuge prœrepiâ. Nec solos tangit Atridas
Iste dolor, solisque bcet capere arma MjcenU.
Sed periisse semel satis est. Peccare fuisset
Aille satis , penitù* modù non gênas omue perosos
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v. i63. L'ENEIDE, LIVRE IX. 439
Les folâtres dauphins se cachent dans les flots ,
Ainsi leurs becs d'airain descendent dans les eaux.
Tout a coup, ô prodige ! aulant qu'entre ses rive*
Le Tibre hospitalier reçut de nefs captives ,
Autant on voit sortir de jeunes delte's
Montrant leurs seins de lis sur les flots argentés.
Des Rutnles troubles la surprise est extrême ;
Messape est consterne' ; le vieux Tibre lui-même
Suspend son cours, murmure au fond de ses roseaux y
Et vers leur source antique il rappelle ses eaux*
Le fier Turnus lui seul garde une ame intrépide,
Et gourmande des siens la foîblesse timide :
« Quel effroi, mes amis, semble vous accabler?
» C'est aux ennemis seuls qu'il convient de trembler.,
» Eux seuls sont menacés ; la céleste colère
» "Vient de leur enlever leur ressource dernière.
» Contre nos feux, nos traits et nos justes fureurs >
» Leurs vaisseaux restoient seuls a ces timides cœurs ;
» Les voila dépouillés de leur lâche espérance ,
» Les voila sans secours livrés a ma vengeance y
» La mer leur est fermée , et la terre est a. nous..
» Cent peuples a Tenvi secondent mon courroux*.
» Tous ces oracles vains dont leur orgueil se vante,
» Tous ces arrêts du sort n'ont rien qui m'épouvante :
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>
U* JENEIDOS LIBER IX. y. i4».
Femineum : quibus baec medîi fiducia yallî,
Fossarumque mors , lcti discrimina pana,
Dant animos. At non yiderunt mœnia Trojas ,
Neptnni fabricata manu, considère in ignés?
Sed vos, o lecti, ferro qui scindere yallum
Apparat, et mecum invadit trepidantia castra?
Non arinis mini Vulcani , non mille carinis
Est opus in Tencros. Addant se protenus pûmes
Etrusci sociosj tenebras et inertia furta
[ Palladii , caesïs summ» custodibus arcîs , ]
Ne timeant ; nec equi caca condemur in alyo :
Luce , palam , certum est igni circumdare murofir
Haud sibi cum Danais rem faxo et pube Pelasgâ
Esse putent, decimum quos distulit Hector iu annoa»
Nunc adeo, mclior quoniam pars acta dieî,
Quod superest, l»ti )>ene gestis corpora rebut
Procorate , yiri j et pugnam sperale parati.
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t. 187. L'ENEIDE, LIVRE IX. 44*
» Leurs vaisseaux ont touche les rivages latins ;
» C'est assez pour Venus , assez pour les destins.
» Le destin de Turnus, et j'y serai fidèle,
» C'est d'éteindre a jamais leur race criminelle :
» Ils m'ont ravi ma femme 5 et, d'un lâche étranger
» Me'nelas n'eut pas seul le droit de se venger.
* Cruellement punis d'une coupable flamme,
» Us devroient tous trembler au seul nom d'une femme*
» Mais un second Paris ose usurper mes droits :
» Par deux fois ravisseurs, qu'ils périssent deux foi».
» Oui , je le jure, Àrdée égalera Mycène.
» Qu'ils m'opposent d'un mur la résistance vaine ,
» Je saurai le franchir, et d'un juste trépas
» Ces fragiles remparts ne les défeudront pas.
» N'ont-ils pas vu déjà leur superbe Pergaine,
» Ouvrage de Neptune, expirer dans la flamme ?
» Allons , braves amis ! qui de vous avec moi
» S'élance sur ces murs que nous livre l'effroi ?
» Ma valeur n'ira pas contre un peuple parjure
» Aux antres de Lemnos demander une armure ,
» Ni de mille vaisseaux couvrir le sein des mers,
» Que le Toscan se joigne a ce peuple^pervers,
» Je laisse aux Grecs leur fourbe et leurs ruses timides j
» Que d'un cheval trompeur les ténèbres perfides
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44* jENEIDOS LIBER IX. v. i59.
Interea vigiluni excubiïs obsîdere portas
Cura datur Messapo, et mœnia cingere flaijimis.
Bis septem Rulalo muros qui milite ser?ent
Delecti 5 ast illos centeni quemque sequuntur
Purpurei cristis juvenes auroque coruscL
Discurrunt, variantque vices , fcsique per herbam
Indulgent vino, et rertunt crateras ahenos.
Collucent ignés , noctem custodia ducit
Insomnem ludo,
Haec super e vallo prospectant Troës, et armis
Alta tenent ; nec non trepidi formidine portai
Explorant, pontesque et propugnacula jungunt,
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f. an. L'ENEIDE, LIVRE IX. 445
> Dans leur sombré retraite enferment leurs soldats ;
> Qu'ils surprennent la nuit le temple de Pallas :
» Je combats en plein jour, et dédaigne un vain piège.
» Qu'ils ne s'attendent pas aux lenteurs d'un long siège *
• A ces assauts qu'Hector rendit seul impuissans ;
» Faisons plus en un jour que les Grecs en dix ans.
9 Plus funeste pour eux que ne fut le Scamandre,
o Le Tibre dès demain verra leurs murs en cendre*
• Vous, donnez au repos tout le reste du jour,
» Et que leurs murs brûlans signalent son retour. »
Il dit : mais, dans la peur que l'ennemi n'échappe*
D'éclairer ces remparts il a cbarge' Messape :
Il marche , et par son ordre avancent sur ses pas
Quatre chefs dont chacun commande h cent soldats.
Tour à tour en repose , et tour a tour on veille ;
Ici le dieu du vin et sa liqueur vermeille,
Là des jeux varies les doux amusemens ,
De leur nuit vigilante abrègent les momens :
Partout des feux prudens ont éclaire la plaine.
Ce spectacle a frappe la jeunesse troyenne.
Aux portes de la ville ils accourent soudain ;
Un sage effroi leur met les armes a la main ;
Us bordent leurs remparts ; et de leurs tours fidèle»
Le» chemins suspendus les unissent entre elle» ;
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Ui &NEIDOS LIBER IX. t. 171-
Tela gérant. Instant Mnestheus acerque Serestus,
Quos pater JEneas , à quando adversa vocarent,
Rectores juvemun et rerum dédit esse magistros.
Omnis per inuros legio sortita pericluia
Excubat, exercelque vices, qaod cuique taendam est.
Nisus erat portée custos , acerrimus armis,
Hyrtacides; comifcem JSneae qoem miserai Ida
Venatrix, jaculo celerem leyibusque sagittîs :
Et juxta cornes EuryaIus,iquo pulcbrior aller
Non fuit iEneadum , Trojana neque induit arma;
Ora puer prima signans intonsa juventâ.
His amor unus erat , pariterque in bella ruebant;
Tum quoque commuoi portam statione tenebant
Nisus ait : Dîne bunc ardorem mentibus addunt,
Eiiryale ? an sua cuique deus fit dira cupido?
Aut pugnain , aut aliquid jam dudum invadere magnum,
Mens agitât raitn; nec placidâ contenta quiète est.
Cerais , quaî Rutulos babeat fiducia rerum :
Lumina rara micantj somno yinoque sepuM
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' * a35, L'MlDE, LIVRE IX. 445
Et Séreste et Mnesthée ordonnent les travaux.
Énée a son départ , sî des périls nouveaux
Menaçoient la cité, leur remit sa puissance ;
Et sur eux de l'élat reposoit la défense.
Dans son poste a leur voix chacun vient se ranger ;
Tous ainsi que l'honneur partagent le danger ,
Et les murs sont couverts de leurs fieres cohortes.
Parmi les combattans qui veilloient a leurs portes ,
Rejeton glorieux du beau sang d'Hyrtacus,
A sa place d'honneur se distingue Nisus ,
Nisus, chasseur adroit et guerrier intrépide :
Aucun d'un bras plus sur ne lance un trait rapide.
Autrefois la terreur des habitans des bois ,
Ida le vit partir pour de plus grands exploits.
A ses côtés vcilloit le charmant Euryale :
En grâces, en beauté , nul Troyen ne l'égale ;
A peine adolescent , de son léger coton
La jeunesse en sa fleur ombrage son menton.
Toujours même intérêt , même emploi les rassemble ; ,
A de communs dangers tous deux voloienl ensemble ,
Et, dans cet instant même , un devoir hasardeux
A la porte du camp les réunit tous deux.
Soudain Nisus s'écrie : « 0 moitié de mon ame ! >
» Est-ce un dieuqui m*inspire,est-ce un dieu qui m'enflamme?
m. 38
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U6 jËNEIDOS LIBER IX. v.ipo.
Procobuere ; silent latè loca. Percipe porr5
Quid dubitem, et quae nunc animo sententia surgat
^Enean accîri omnes , populnsqué patresque ,
Exposcunt, mittique yîros qui certa reportent»
Si tibi quae posco promittunt , nam mihî facti
Fama sat est, tumulo videor reperire sub illo
Posse ?iam ad muros et mœnia Pallantea.
Obsiupuit, magno laudum percussus amore ,
Euryalus j simul his ardentem affatur amicum :
Mené igitur socium summis adjungere rébus,
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v.*59. L'ENEIDE, LIVRE IX. Ur
» Ou, suivant de nos cœurs l'instinct impérieux ,
» Prenons-nous nos transports pour un avis des dieux ?
» Je ne sais ; mais le mien , que la gloire maîtrise ,
» A besoin de tenter quelque grande entreprise :
» Assez dans nos remparts j'ai langui renferme ;
» De périls, de combats, ce. cœur est affame;
» L'occasion me rit : tu vois quelle assurance
» Des imprudens Latins endort la vigilance ;
» Autour d'eux tout se tait , tout dort , et de leurs camps
» Les feux abandonnes languissent expirans ;
» Du sommeil et du vin les vapeurs les enivrent ;
» La nuit , leur négligence , et les dieux nous les livrent,
» Écoute mon projet : Nos dangers, notre amour,
» De notre chef absent demandent le retour;
» On veut lui députer un messager fidèle,
» Et ma vaillance envie un danger digne d'elle ;
» Qu'on t'assure , au retour , le prix de ma valeur ,
» A l'ami d*Euryale il suffit de l'honneur;
» Je pars : sous ces hauteurs une rcute écartée
» Me conduit, je l'espère , aux murs de Pallante'e. *
Ainsi parle Nisus. Euryale , a l'instant,
De la soif des dangers s'enflamme en l'écoutant;
« Eh quoi! sans Euryale , aurois-je pu le croire ?
* Nisus , mon cher Nisus , tu voles à la gloire ?
| Dgtzedby GoOgle
4i3 -ŒNEIDOS LIBER IX. v. 200.
Nise, fugis? solutn te in tanta pericula mittam ?
Non îta me genitor bellis assuetus Opheltes
Argolicam terrorem inter Trojaeque labores
Sublatum erudiit; nec tecum talia gessî ,
M agnanimum JUnean et fata extrema secutos.
Est bîc, est animas lueis contemptor, et istura
Qui yilâ bene credat emi , qu5 tendis, honorera.
Nisus ad baec : Equidem de te nil taie verebar,
Née fas 5 non : ita me référât tîbi magnus ovanlem
Jupiter, aut quicumque oculîs bac adspicit acquis.
Sed, si quis (qus multa vides discrimine tali) f
Si quis in adversum rapîat casusye deusre ,
Te superesse velim : tua vità diguior aetas.
Sit qui me raptum pugnâ , pretiove redemptum,
Mandet bumo sobtâj aut, si qua id fortuna vetabit,
Âbsenti ferai inferias, decoretque sépulcre.
Neu matri miseras tanti sîm causa doloris ;
Quae-te , sola , puer, multis e matribus ausa,
Persequitur , magni nec mœnia curât Àcestas.
Die autera : Causas neqoidquam neçtis inanes,
Dig,t,zedby GoOgle
t. *83. L'ENEIDE, LIVRE IX. U9
» Crois-lu que je balance, avare de mes jours,
» A payer de mon sang cet honneur où tu cours ?
» Ah! ce n'est pas ainsi qu'au milieu des alarmes,
» Des horreurs d'un long siège, et do fracas des armes ,
» Les soins du brave Ophelte instruisirent son fils.
» Toi-même de mon cœur tu t'etois mieux promis,
» Quand ma jeune valeur sur les champs de Neptune
» Suivit le grand Enée et sa noble infortune.
» Je sens, oui, je sens 1k (je connois bien mon cœur)
» Le mépris de la vie et la soif de l'honneur;
» Et puis-je , dans la lice où ta valeur t'engage,
» Trop briguer un péril que mon ami partage ?
» — Non , je ne doute point de ton cœur généreux ,
» Lui réplique Nisus ; m'en préservent les dieux 1
» Qu'ainsi puissent ces dieux , arbitres de la gloire ,
» Au sein de l'amitié ramener la victoire !
» Mais les périls sont grands; et si le sort jaloux,
» Si des dieux ennemis conjuraient contre nous,
» Ton âge tendre encor te défend de me suivre :
» C'est à moi de mourir, a toi de me survivre :
» Qu'il me reste un ami , quand je ne serai plus,
» Qui ravisse au vainqueur ou rachète Nisus ;
» Ou si , pour leur payer les tributs funéraires ,
* Il ne peut obtenir des dépouilles si chères ,
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45o J3NEID0S LIBER IX. r.no.
Nec mea jam mutata loco sententia cedit.
Âcceleremus, ait : vigiles simul excitât; îlli
Succedunt , servantque vices : statione relictâ
Ipse cornes Niso graditur , regemque requirunt.
Cetera per terras omnes animalîa somna
Laxabant curas, et corda oblita laborom :
Ductores Teucrum primi, et délecta juventus,
C onsilium summis regni de rébus babebant ;
Quid facerent , quisve JEne® jam nuntius esset
Stant longis adnizi bastis , et scuta tenentes ,
Castroram et campi medîo. Tum Nîsus et unk;
Euryalus confestim alacres admittier orani j
Rem magoara, pretiumque mora fore. Primas Ialns
Accepit trepidos, ac Nisum dicere jussit.
Dgitzedby GoOgle
v.3o7. L'ENEIDE, LIVRE IX. 45i
»» A mou ombre du moins élève un vain cercueil.
» Songe a ton tendre ami , songe a ta mère en deuil : *
» Helas ! à ton départ, seule enire tant de mères
» Elle a suivi tes pas aux terres étrangères 5
» Et, dédaignant des ports et des princes amis,
» Leur préféra les mers qu alloit braver son fils :
» Veux-tu que de sa mort ton ami soit la cause ?
» — En vain k mes projets ton amitié' s'oppose :
» Marchons, dit Euryale. » D s'élance k ces mots ;
Deux guerriers k l'instant remplacent ces héros.
D'un pas précipite' vers la tente d'Ascagne
Euryale s'avance , et Nisus l'accompagne.
De'ja l'obscure nuit versoit l'oubli des maux;
Les chefs seuls des Troyens , refusant le repos ,
Chercboient dans ce péril le parti le plus sage.
Qui doivent-ils charger d'un important message?
Voila quel grand objet occupe ces guerriers.
Tous, portant k leurs bras leurs larges boucliers,
Debout, et s'appuyant sur une longue lance ,
Comme pour le conseil sont prêts pour la défense,
Euryale et Nisus demandent d'être admis :
a Un projet, disent-ils, fatal aux ennemis
» Les conduit au conseil ; ce qu'on peut en attendre
» Vaut bien quelques momens donne's k les entendre. »
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*5a -ENEIDOS LIBER IX. r. rii*
Tum sic Hyrtacides : Audile o mentibus asquis
jïneadae ; neve baec nostris spectentur ab annis
Qus ferimus. Rutuli soinno vinoque solati
Procubuere : locum iasidiis conspeximus ipsï ,\
Qui patet in biyio portas qus proxima ponto.
Interropti ignés, aterque ad sidéra fumus
Erigitur. Si fortunâ permittilis uti,
Quasitum iEnean ad mœnia Pallantea
Moxbîc cum spoliis, ingenti c»de peractt,
Affore cernetis. Nec nos via fallit euntes :
Vidimus obscuris primam sub yallibus urbem
Venatu assidue, et totum cognovimus amnem.
Hic annis gravis atque animi maturus Aletes :
Dî palrii, quorum seinper sub numine Troja est,
Non tamen omnîno Teucros delere paratis,
Quum taies animos juvenum et tam certà tnlistis
Pectora. Sic memorans, humeros dextrasque tenebat
Amborum, et vultum lacrymis atque ora rigabat
Qua) vpbis, quae digna, viri, pro laudibusistis,
Praemia posse rear solyi ? Pulcberrima primùm
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t. 33i. L'ENEIDE, LIVRE IX. 455
Ascagne les reçoit , et demande a Nisus
D'expliquer les projets que leur zèle a conçus.
« Troyens, ne jugez point nos projets par notre âge,
» Dit-3 ; il peut unir la prudence au courage.
» Sons la porte qui touebe au rivage des mers ,
» La route se partage en deux sentiers divers;
» L'un deux, inapperçu , propre a notre entreprise,
» Mène aux murs de P allas, et jusqu'au fils d'Anchîse.
» Tout sert notre projet : vous voyez des Latins
» Dans les airs obscurcis fumer les feux éteints;
» Du vin et du sommeil l'ivresse les accable.
» Laissez-nous donc saisir ce moment favorable;
» Bientôt vous nous verrez sanglans, victorieux ,
» Revenir tout charges d'un butin glorieux.
» Ne craignez pas d'erreur : souvent de longues chasse*
» Nous ont , dans ces sentiers , ramenés sur nos traces,
» Et, du fleuve vingt fois reconnoissant les bords ,
» Nous avons de la ville apperçu les abords. »
Alors le vieil Alète avec transport s'écrie :
9 Dieux! ô dieux protecteurs de ma chère patrie !
» Puisque vous notjs laissez de si nobles soutiens,
» Quelque espoir reste encore aux malheureux Troyens. »
Il dit, baigne de pleurs les bienfaiteurs de Troie;
Son ame tout entière en leurs bras se déploie :
dbyGbogle
iU JENEIDOS LIBER IX. f.i5{
Dî moresque dabunt vestri : tum cetera reddet
Actulum puis jEneas, atque integer acvi
Ascanius, menti tanti non immemor umquam.
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Immo ego vos, eoi sok salas genitore redacto,
Excipît Ascanius, per maguos, Nise, Pénates,
Assaracique Larem , et canae penetralia Veste ,
Obtestor ; quscnmque mini fortuna fidesque est,
In vestris pono gremiïs : reyocate parentem;
Reddite conspectum; nifail illo triste recepto.
Bina dabo argento perfecta atque aspera sîgnis
Pocula, devictâ genitor quaj cepit Àrisbâ ;
Et tripodas gemînos ; auri duo magna talenta ;
Cratera antiquum, quem dat Sidonia Dido.
Si vero capere Italiam sceptrisque potiri
Contigerit victori , et praedae ducere sortent ;
Vidisti quo Tarons equo, quîbus ibat in aww !
. 355. L'ENEIDE, LIVRE IX. fit.
Héroïques enfens , ah ! qui pourra jamais
Acquitter notre dette , et payer vos bienfaits?
Ali ! le ciel tous en doit la juste recompense,
> Et dans votre grand cœur vous la trouvez d'avance.
• A ce prix si flatteur pour un vrai citoyen
> Le généreux Enee ajoutera le sien;
> Et son jeune héritier, déjà mûr pour la gloire,
» D'un si beau devoûment gardera la mémoire. »
« — Oui, dit Ascagne emu, j'en jure par ces dieux,
» Par les dieux d'Eion, par Vesta,par ses feux,
» Tout ce que me promet un destin plus prospère ,
» Tout ce que je possède, et tout ce que j'espère,
f> Nisu8, entre vos mains , j'en fais l'aveu sacre ,
» Du retour de mon père est le prix assure';
» Rendez moi ses conseils, rendez-moi sa présence;
» Qu'il revienne , avec lui reviendra l'espe'rauce.
» Je vous donne au retour deux vases d'un grand prix ,
» Dans la triste Arisba par mon père conquis :
» Ce fruit de ses exploits sera le prix des vôtres.
» A ces riches pre'sens j'en veux ajouter d'autres :
» Deux beaux trépieds d'airain , d'immenses talens d'or ;
*> Un pre'sent de Didon plus précieux encor,
» C'est une coupe antique et chère a ses ancêtres :
«> C'est peu ; du Latium si le ciel nous rend maîtres,
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456 2ENEID0S LIBER IX. v.2?o.
Âuretis : îpsum illum, clypeum cristasque rubenles,
Excipiam sorti, jam niinc tua praemia, Nise.
Praeterea bis sex genitor lectissima matrttm
Corpora , captivosque dabit $ suaque omnibus arma :
Insuper bis, cainpi quod rex babet ipse Latimw.
Te vero, mea quem spatiis propioribus «tas
Insequîtur, venerande puer, jam pectore toto
Accipio , et comitem casus complector in omnes :
Nuîla meis sine te quœretur gloria rébus 5
Seu pacem, seu bella geram , tibi maxima rerum
Verborumque fides. Contra quem talia fatur
Eurjalus : Me nulla dies lam fortibus ausîs
Disâmilem arguerit; tantùm fortuna secunda
Aut adversa cadat. Sed te super omnîa dona
Unum oro : genetrix, Priami de gente vetastâ ,
Est mibi, quam miseram tenuit non Hia tellus
Mecum excedentem , non mœnia régis Acestae.
Jîanc ego nunc ignaram bujus quodcumque pericli est,
Inque salutalam linquo : nox et tua leslis
Dextcra qu5d nequeam lacryraas perferre paraitit.
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*.i79. L'ENEIDE, LIVRE IX. tf7
» Vous avez de Turnus vu le noble coursier,
» Sou aigrette de pourpre , et son beau bouclier;
» Je ne souffrirai pas que le sort en ordonne,
» Nisus, et dès ce jour Àscagne vous les donne.
» J'ajoute a ce présent douze jeunes beaute's,
i» Avec leurs douze enfans par leur sein allaites;
» Douze esclaves armes; enfin , la ricbe plaine
» Qui du roi des Latins est l'antique domaine.
m Et toi, qu'un âge égal rapproche encor de moi,
» 0 respectable enfant! tout mon cœur est a toi :
» Que me soit la fortune ou propice ou fatale,
m Àscagne ne peut plus vivre sans Euryale ;
v Ame de mes conseils , ame de mes combats ,
» Je verrai par tes yeux , je vaincrai par ton bras;
» Le serment en est fait. —Ah ! que les dieux propices
m De ma jeune valeur couronnent les prémices !
» C'est assez pour mon cœur, je le jure! et jamais
» Rien ne démentira ces glorieux essais ,
» Dit Euryale en pleurs; mais il est uue grâce
» Qui vaut tous ces trésors , qui même les surpasse :
» Une mère, du sang de notre dernier roi ,
» À tout fait, tout ose', tout supporte pour moi;
v Pour moi son teudre amour a quitte' sa patrie ,
p A brave les hasards d'une mer en furie :
ni* 3g
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453 ^NEIDOS LIBER IX. v. 290.
At tu, oro , solare inopem, et saccurre relictae.
Hanc «ne me spem ferre toi 5 audentior îbo
In casus omnes. Percussà mente dederunt
Dardanidae lacrymas ; ante omnes pulcher Iulus ;
Atque anîmom patriae strinxit pietatis imago.
Tum sic effatur :
Spondeo cligna tnis ingenlibus omnîa cœptis.
Namque erit ista mini genetrix , nomenqne Creusas'
Solum dénient; nec partum gratîa talem
Parya manet, casus factum craicnmque sequentur.
Per caput hoc juro, per quod pater antè solebat ;
Quae tibi polliceor reduci rebusque secundîs,
Hsc eadem matrique lu® générique manebunt.
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y. 4o3. L'ENÉIDE, LIVRE IX. tf9
» Quand je yole pour vous a de nouveaux hasards,
» Seul je lui reste encor, je l'adore, et je pars ;
» Je pars sans l'avertir 5 ma timide tendresse
» A craint par des adieux d'affliger sa vieillesse.
» Je crois déjà la voir sons ces tristes lambris
» A ses foyers de'serts redemander son fils.
» J'en jure par la nuit, témoin de mon audace;
>> J'en atteste, en pleurant, cette main que j'embrasse;
» Je puis braver la mort, mais non pas ses douleurs \
» Le plus grand des assauts est celui de ses pleurs;
» Mon cœur eût succombe'. Vous a qui je la laisse, #
?» Soignez son abandon ', secourez sa vieillesse :
» Fort de ce doux espoir je marche sans effroi,
» Et chéris un pe'ril quï n'expose que moi. >>
H dit : et les Troyens laissent couler leurs larmes;
Mais Ascagne surtout, partageant ses alarmes
N'entend pas, sans pleurer, ces touchans entretiens.
Et les regrets d'un fils renouvellentles siens :
a Eh bien , dès ce moment je l'adopte pour mère;
» Ouï, je deviens son fils, et tu deviens mon frère:
» Eh! qui peut trop chérir la mère d'un tel fils?
» Tout ce que les Troyens par ma voix t'ont promis,
» Tout ce que je réserve a ton retour prospère,
* J'en jure par mes jours, par qui juroit mon père ,
39..
Dgitzedby GoOgle
i6o ^INEIDOS LIBER IX. r.5o5.
Sic ait ilkcryinans : numéro simul exuit ensem
Auratum, mira quem fecerat arte Lycaon
Gnosius , atque habilem vaginâ aptârat eburna
Dat Niso Mnestheus pellem korrenlisque leonis
Exuvias ; galeam fidus permutât Âletes.
Protenus armali incedunt ; quos omnls euntes
Priinorum manus ad portas juvenumque senumqn*
Prosequitur votis : nec non et pulcher Iolus ,
Ante annos animumqae gerenscuramque yirilem.
Mùlta patri portanda dabat mandata; sed aurq
Omnia discerpunt, et nubibus irrita donant.
Egressi superant fossas, noctisque per umbram
Castra raimica petunt, multis tamen antè futuri
,Exitio. Passim somno yinoqae per berbam
Corpora fusa vident ; arrecloa Uttore currns ,
Inter lora rotasque yîtosj simul arma jacere ,
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'-
v. 4a7- L'ENEIDE, LIVRE IX. tft
» Nq dépend plus du sort : quel que soit le succès,
» Ta mère , tous les tiens sont sûrs de mes bienfaits. »
H dit ; et de ses pleurs baigne sou beau visage,
Lui donne son épée, ingénieux ouvrage,
Dont le fourreau d'ivoire et l'acier brillant d'or
De l'art de Lycaôn s'embellissent encor.
D'un lion dépouille de sa large fourrure
Mnesthée offre a Nisus la sauvage parure;
Et, pour son jeune front, Alète en l'embrassant
Détache avec plaisir son casque éblouissant.
Us partent, revêtus de leurs brillantes armes ;
De leurs vœux, de leurs cris, de leurs touchantes larmes,
Les femmes, les vieillards, les chefs et les soldats,
Aux portes de la ville accompagnent leurs pas.
D'Ascagne cependant la précoce prudence,
Devançant les leçons , l'âge , l'expérience,
À son père envoyoit mille avis importans :
Vain espoir ! ses discours sont le jouet des vents.
Ils sortent; des fossés ils passent la barrière,
. Dans l'ombre de la nuit poursuivent leur cam'èrf ;
Vers le camp qui sommeille ils dirigent leurs pas :
Mais combien d'ennemis , immolés par leur bras,
Vont marquer leur passage et leurs traces sanglantes!
Parm iles traits , les chars et les rênes pendantes ,
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46% 2ENEID0S LIBER IX. v. 319.
Vina simul. Prior Hyrtacides sic ore locutas :
Euryale , audendum dextrà : nunc ipsa vocat res.
Hkc iter est : tu , ne qua manas se attollere nobis
A tergo possit , custodi , et consule longé. .
Esc eco vasta dabo, et lato te limite ducam.
Sic memorat, rocemque premit : simul ense superbum
Rhamnetem aggreditur, qui forte tapelibus altîs
Exstructus toto proflabat pectore somnum :
Rex idem, et régi Turno gratîssimus augur ;
Sed non augurio potuit depellere peslem.
Très juxlk famulos temerè inter tela jacentes ,
Armigerumque Rémi premit, aurigamque sub ipsi»
Nactus equis, ferroque secat pendentia colla.
Tum capul ipsi aufert domino, truncumque relinquit
Sanguine singultantem : atro tepefacta çruore
Terra torique madent. Nec nonLamyrumque , Lamumq 1^
Et juyenem Serranura J illâ qui plurima nocte
Luserat, insiguis facie, multoque jacçbat
Dgitzedby GoOgle
r. 4Si. L'ENEIDE, LIVRE IX. 465
Les vases renversés et les vins répandus,
Les soldats au hasard sommeîlloîent étendus.
« Cber ami, dit Nisus, voici l'heure propice,
» Faisons sur notre route un sanglant sacrifice;
» Voici notre chemin. De ce camp endormi
» Prends garde que soudain un perfide ennemi
» Ne fonde sur nos pas; et, prudent sentinelle,,
» Ici , de tous côtés , jette un regard fidèle ;
» Moi , sur leurs corps sanglans je te fraie un chemin, »
Il dit , se tait, s'élance, et, le glaive a la main ,
Perce le fier Rhamnès. Sur la pourpre opulente
Des carreaux que pressoit sa moHesse indolente
Le fier Rhamnès , bercé par des songes trompeurs,
Du sommeil a grand bruit exhaloit les vapeurs :
Le bandeau du pontife et celui du monarque
De son double pouvoir oflroient la double marque.
Tumus le consultait; mais son savoir divin
Lut tout dans l'avenir excepté son destin.
Parmi les chars oisifs et les rênes traînantes,
Trois des siens sommeilloient sur ces plaines sanglantes !
Tous trois sont immolés. Deux guerriers de Rémus ,
Dont les yeux assoupis ne se rouvriront plus ,
Dès long-temps partageoient ses exploits, ses alarmes;
L'un guidoit ses coursiers, l'autre portoit ses armes;
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tfi ^NEID OS LIBER IX, v.337.
Membra deo rictus : felix à protenus illum
JEquasset nocti ludum, in lucemque tulisset !
Impastus ceu plena leo per oyilia turbans,
Suadet enim vesana famés , manditque trahitquo
Molle pecus , mutumque meta 5 frémit ore cruento.
Nec minor Euryali caedes : incensus el ipse
Perfurit, ac multam in medio sine no mine plebem,
Fadum<jue,Herbesumque subit, Rhœtumque,Arabiip<p
Ignaros 5 Rhœlum yîgilantem et cuncta videntem,
Sed magnum metuens se post cratera tegebat;
Pectore in adverso totum cui comminas ensem
Condidit assurgenti, et multa morte recepit.
Purpuream vomit ille animam, et cum sanguine mîxU
Vina refert moriens : Lie furto feryidus înstat.
Jamcnie ad Messapi socios fendebat, ubi ignen
Digit.zedby GoOgle
?.<75. L'ENEIDE, LIVRE IX. 465
Le premier qui donnent penche sur ses chevaux ,
Du carnage en mourant va grossir les monceaux.
De leur maître bien lot, sa superbe conquête ,
Sur leurs corps mutiles Nisus abat la tête;
Et son sang, qui s'échappe en longs elancemens,
Rougit l'herbe et son lit de ses ruisseaux fumans.
Sur Lamas et Lamyre il assouvit sa rage.
L'aimable Serranus , dans la fleur de son âge,
S'endormoit sans s'attendre a ce fatal réveil :
H venoit de quitter le jeu pour le sommeil.
Helas! il va dormir d'une nuit éternelle. •
Trop heureux s'il eût pu jusqu'à l'aube nouvelle
Prolonger dans la nuit et sa veille et le jeu !
Avec moins de fureur , terrible et l'œil en feu,
Au sein d'une nombreuse et vaste bergerie,
Un lion, dont la faim excite la furie,
Des muettes brebis et des tremblans agneaux
Saisit, dechirey emporte , engloutit les lambeaux,
Et , frémissant de rage et la gueule ecumante ,
Répand au loin le sang, la mort et l'épouvante :
Avec non moins d'ardeur son jeune compagnon
Immole h sa fureur mille guerriers sans nom.
lîebesus, Arabis, sont devenus sa proie ;
Fadas mourant ajoute a sa cruelle joie;
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466 7ENEID0S LIBER IX. v.35s.
Defîcere extreixium, et reîigalos rite videbat
Carpere gramen equos • breriter quum talîa Nisns,
( Sensit enim nimiâ cœde atque cupidîne ferri , )
Absistamus , ait j nam lux inimica propinquat.
Fœnaruin exbaustum satis est; via facta per hostes.
Multa virûm solido argenté perfecta relinquunt
Armaque, craterasque sîmul , pulcbrosque tapetas.
Euryalus phaleras Rbamnetîs et aurea bullis
CingtJa 5 Tîburti Remulo ditisâmus olim
Quœ mittit dona, bospitio quum jungeret absens,
Caedicus 5 ille suo moriens dat habere nepoti :
Fost mortem bello Rutuli pugnâque potîtL
Haec rapit, atque bumeris nequidquam forbbus aptat.
Tum galeam Messapi babilem crîslisque decoram
Induit. Excedunt castris , et tuta capessunt.
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y. 499- L'ENEIDE, LIV|RE IX. 4^
Rhe'tus le suit de près sans voir venir la mort :
Tout ce peuple endormi s'éveille au sombre bord*
Rhe'tus plus malheureux veilloit, voyoit l'e'pee
Dans le sang du Rutule a tout moment trempée 5
Derrière un large vase en silence tapi,
A chaque mouvement d frissonne pour lui;
D se lève pour fuir l'atteinte meurtrière ,
Mais l'e'pee en son corps se plonge tout entière :
La mort entre avec elle , et le sang et le vin
En longs ruisseaux pourpres s'échappent de son sein*
Euryale poursuit, enivre* de carnage;
Jusqu'au camp de Messape, entraîne' par sa rage j
Il s'avance, il regarde, il voit de tous côtes
Languir des feux mourans les dernières clarte's ,
Il voit ses fiers coursiers paissant les molles nerbesj
Et lies a son char baisser leurs fronts superbes;
H s'elançoit sur lui, quand Kisus moins ardent
Arrête par ces mots son courage imprudent :
» C'en est assez, bientôt vient l'aurore ennemie,
» Laissons pour d'autres temps cette foule endormie i
» Marchons, et traversons ces rangs ensanglantes. »
Ils marchent : l'or, l'argent e'pars de tous côte's 4
Les riches boucliers et les armes brillantes,
Leur présentent en vain* leurs pompes séduisantes ;
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4« -2EKEID0S LIBER IX. v.Mj.
Interea pnemissî équités ex orbe Latinâ,
Cetera dam Iegio campis instnicta moralur,
Ibant, et Turno régis responsa ferebant ,
Tercenlum, scutati omnes, Volscente magîstro.
Jamque propînquabant castris, murosque suKbant,
Quum procul hos lœvo flectentes lîixtîte cernuntj
Et galea Eurjalum subluslri noctîs in umbrâ
Prodidit immemorem ? radiisque adrersa reWsk.^
Digit.zedby GoOgle
v.5i3. L'ENEIDE, LIVRE 1X> tf9
Euryale, lui seul, saisît avidement
J)es coursiers de Rhamnès le superbe ornement ,
Son riche baudrier qu'un art savant décore,
Que des globes dores embellissent encore.
Auprès de Re'mulus, Ce'dicus autrefois,
De l'hospitalité' sollicitant les droits ,
Envoya de sa foi ce brillant témoignage :
Le prince son neveu le reçut en partage ;
Celui-ci , par sa mort, de ce précieux don
Au Rutule vainqueur fît le triste abandon.
Euryale le voit , le saisit , et s'en pare ;
Avec la même ardeur sa jeune main s'empare
Du casque de Messape, ou d'un panache aider
L'ondoyante parure ombrageoit son cimier.
Ils sortent. Cependant un escadron d'élite,
La fleur d'un corps nombreux quelle laisse a sa suite ,
En ordre s'avançoil des murs de Latinus,
Et portoit un message au superbe Turnus;
Volscens le conduisoil : de'ja d'un pas agile ,
Us approchoient du camp et découvraient la ville,
Quand son regard, perçant au sein de la forêt,
A vu de loin fuyant par un sentier secret
Avec son cher Nisus le charmant Euryale.
vVain espoir! Un rayon de l'aube matinale
in. 4°
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4?o JENËIDOS LTBER IX. v.37l
Haud temerè est yisum, conclamat ab agmîhe "Volscem
State , vîri ; qu® causa vias ? quiye estis in armfs ?~
Quove tenetis iler? Nihil illi lendere contra ;
Sed celerare fugam in sUras , et fidere nocti.
Objiciunt équités sese ad diyortia nota
Hinc atqae hinc, omnemqué abitum custode conmant
Silya fuit latè dumis atque ilîce nîgrâ I
Borrida, quam densî^complèrant undique sentes;
Rara per occultes ducebat semita calles.
Euryalum teuebrœ ramornm onerosaque pr»da
' ïmpediimt ; fallitque timor regione yîarum.
Nisus abit : jaraque imprudens evaserat hostes^
Ad kcos qui post, Âlbx de nomine , dicti
Âlbani ; tum rex stabula alta Latinus babebat
Ût stetit, et frustra absentent respexk amîcum :
Euryale infelix , quâ te regione reliqui f
Quâve sequar f Rursus perplexum iter omne revofyen*
Fallacis silyae, simul et yestigia rétro
Observata legit , dumisqne silentibus errât
Audit equos, audit strepitus et signa sequenlum.
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w. 5*7. L'ENÉIDE, LIVRE IX. 471
Vient tomber sur son casque , et de ce jour douteux
Le perfide reflet les a trahis tous deux.
« Je 11e me trompois pas; arrêtez-vous , s'écrie
» L'inflexible Volscens: quelle est votre patrie?
» De quel lieu venez-vous? où portez-vous vos pas?
» Quels sont vos noms , vos chefs? parlez , jeunes soldats. 9
Ils ne repondent rien ; et, se glissant dans l'ombre ,
De la nuit protectrice et de la forêt sombra
fis implorent du lieu la double obscurité.
Mais aux détours connus, placés de tout coté,
Pe nombreux cavaliers ferment chaque passage.
Dans la noire épaisseur de ce profond ombrage,
A travers les taillis, les rameaux buissonneux
Coupés de loin en loin de sentiers épineux»
Euryale poursuit sa route embarrassée;
De son pesant butin sa force harassée
Cède a ce riche poids , et la nuit et la peur
Ont égaré ses pas dans un sentier trompeur,
Nisus vole, et s'échappe enfin sur la colline ,
Qui de Rome au berceau vit la noble origine,
Riche domaine alors du monarque ennemi.
Il s'arrête, il se tourne , il cherche son ami;
Il ne le trouve plus : « 0 mon cher Euryale !
» On t'ai-je donc laissé? par quelle erreur falalt
A0*
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A7* JENEID-O-S LIBER IX. v. 09S.
Nec longum in medio tempus, qimm clamor ad aures
Pervenit , ac yîdet Euryalum, quem jam manus ornais,
Fraude loci et noclis, subito turbante tumultu,
Oppressum rapit et conaniem plurûna frustra.
Quîd facial? qaâ ?i jurenem , quibus audeat armîs
Eripere? an sese medios moriturus in enses
Inférât , et pulchram properet per yulnera mortem?
Ociùs adducto torquens hastile lacerto ,
Suspiciens altam lunam, sic voce precatar :
Tu } dca, ta pra'sens nostro succurre lahorî,
AstrcTum dccus, et nemomm Lalonia cu^os.
Si qua tés umquaf latcr lljrtacus ans
Du en lui il ; si qn nalibus ami,
ntliyc iholo
ttu
.%
ÏJ pirt 5 sVnfonee «
Pc la farci mette ifenpbi
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Partout Lu
474 jENÇIDOS LIBER IX, ▼. 4**
Dixerat ; et toto connîxus corpore fenran
Conjîcît : hasta volans noctis diyerberat ambras,
Etvenit adversi in tergum Sulmonis , ibicpe
Frangitur , ac fisso transit praecordia Iigno..
Volvitnr ille vomens calidum de pectore flumea
Frigidus , et longis singultibns îlia puisai.
Diversi circumspiciunt. Hoc acrior idem
Ecce aliod summà telum librabat ab aure :
Dam trépidant , iit hasta Tago per tempus utramqoe,
Stridens, trajectoque haesit tepefacta cerejrco.
Samt atrox Volscens , nec teB conspicit uscpaai
Aoctorem , nec qu5 se ardens immittere possit *
Tu tamen înterea çalido mîhi sanguine pœnas
Persolves amborom,inquit. Simul ense recluso
Ibat in Earjalum. Tura yerô exterritus, ameuj^
Çonclamat Nisu*; ne« «• celare tenebri*
j
Dgitzedby GoOgle
v.59l L'ENEIDE, LIVRE IX. 475
» Au faite de son temple, a tes sacres autels,
* J'ajoutai mes tributs aux tributs paternels,
» Diane ! entends ma voix ; que ma main raffermit
» Dissipe sous ces coups cette foule ennemie;
» Viens de mon javelot guider le vol heureux ! »
Il dit : de tout l'effort de son bras vigoureux
Le trait part, fend les airs , siffle dans l'ombre obscure ,
Rencontre , atteint Sûlmon d'une large blessure $
Sûr le trait qui se brise il tombe , et de son flanc
La vie en longs sanglots s'échappe avec son sang.
On regarde partout , on s'étonne , on se trouble ;
D'audace et de vigueur l'adroit Nisus redouble,
Et duliaut de son front , par sa main balance ^
Un trait non moins fatal a Tagus est lance :
De lune a l'autre tempe en traversant la tête ,
Dans le cerveau fumant le trait mortel s'arrête*
Furieux, incertain d'où sont partis ces coups,
Volscens ne sait sur qui doit tomber son courroux »
« Eh bien , de ces deux morts tu porteras la peine. «
Soudain s'abandonnant au courroux qui l'entrafoe%
Il fond sur Euryale. A cet aspect affreux %
Egare', hors de lui, son ami malheureux
Ne peut plus supporter sa pénible contrainte }
{1 se inonde, S s'eçrie^edwrdi par la,«ainje%
Digit.zedby GoOgle
476 -flENEIDOS LIBER IX. v, 42É.
Ampliùs, aut lantum potuil perfore dolorem r'
Me , me 5 adsum qui fecî ; in me convertie feman ,
0 Rtttuli ; mea Crans omnis : nihil iste nec ausus ,
Nec potuit; cœlum hoc et conscia sidéra tester :
Tantùm iufelicem nimiiun dïïexit amieunu
Talia dicta dabat ; secHiribus ensis adactos
Transabiit costas, et candida pectora rumpît.
Volvitur Euryahis Ieto , pulcbrosque per artas
It cruor, incpe humeros cervîx collapsa recumbit:
Purpureus veluti quuin flos succîsus aratro
Languesck moriens 5 lassoye papavera collo
Deinisere caput, pluviâ quum forte grayantur.
At Nisusruit in medios, soluraque per omnes
Volscentem petit, in solo Volscente moratur»
Quem cîrcum glomerati hostes bine commnms atqne bu»
Froturbant : instat non seciùs , ac rotat ensem
F^lmineum 5 donec Rutati cîaraantis in ore
Condidit adverso, et moriens animam abstulit hestL
Tura super exanimum sese projecit amicum
Confoôsus, placidâque ibi demum morte quieyiU
Digit.zedby GoOgle
T. 619. L'ENEIDE, LIVRE IX. . £77
« Moi , c'est moi ! sur moi seul il faut porter vos coups:
» Cet enfant n'a rien fait, n'a rien pu contre vous;
» Arrêtez : me voici, voici votre victime;
» Epargnez l'innocence, et punissez le crime.
» Hélas ! il aima trop un ami malheureux :
» Voila tout son forfait , j'en atteste les dieux. 9
Durant ce vain discours , par la lance mortelle
De'fa frappe de mort Euryale chancelle ;
Il tombe : un sang vermeil rougit ce corps charmant J
Il succombe, et son cou penché laaguissamment
Laisse sur son beau sein tomber sa jeune tête :
Tel languit un pavot courbe' par la tempête ;
Tel meurt avant le temps , sur la terre couche',
Un lis que la charrue en passant a touché.
Kisus court, Nisus vole , aussi prompt que l'orage :
C'est Volscens que choisit, que demande sa rage.
On l'entoure, on s'oppose a ses transports fougueux :
Inutiles efforts ! le glaive furieux
Tourne rapidement dans sa main foudroyante;
Volscens pousse un grand cri : dans sa bouche béant*
Le fer étincelant plonge , et finit son sort.
Ainsi l'heureux Nisus donne et trouve*! a mort 5
Percé presqu a l'instant de la lance fatale ,
S se jette mourajtf stur son cher Euryale!
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ijZ JENEIDOS LIBER IX *.M*.
i
Fortnnati ambo , à quid mea carmina possant ,
Nnlla dïes umquam memori vos eximet aevo,
Dam doraus jEneae Capitolî immobile saxum
Accole t, imperiumque pater Romanus habebit
Victores pradà Rntuli spoliisque potili
Volscentem exanînram fientes in castra ferebant,
Nec minor in castris Iuctus , Rbamnete reperto
Exsangui y et primis imâ tôt caede peremptis,
Serranoque , Nunaâcnie; ingens concorsus ad ipsa
Corpora, seminecesque riros, tepidâque récentes*
Caede locum , et pleno spumautes sanguine riros,
Agnoscunt spolia intcr se, gaieamqne nitentem
Messapi, et mnlte pbaleras sudoreïeceptas.
Et jam prima noyo spargebat Inmine terrai
Tithooi çroceum linquens Aurora cubile;
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t. US. L'ENEIDE, LIVRE IX ift
De son dernier regard cherche encor son ami,
Meurt , et d'un long sommeil s'endort auprès de lui.
Couple heureux ! si mes vers vivent dans la mémoire*
Tant qu'à son roc divin enchaînant la victoire
L'immortel Gapitole asservira les rois,
Tant que le sang d*Enee y prescrira des lois,
A ce touchant récit on trouvera des charmes,
Et le monde attendri vous donnera des larmes.
Le Rutule vainqueur, de dépouilles charge,
Rapporte son hutin et son chef égorge ,
Et baigne de ses pleurs un guerrier qu'il honore.
Mais le deuil dans le camp est plus affreux encore.
Rhamnès et Serranus, leurs membres palpitans,
Les lits de leur massacre encor tout degoutlans,
Ces longs ruisseaux de sang, et ce récent carnage,
D'une nuit désastreuse épouvantable image,
Enfin tant de héros a la fois moissonnes,
Attachent tristement leurs regards consternes.
Plus loin on se console, on revoit avec joie
Tout ce butin repris sur les héros de Troie;
Ce casque , les harnois qu'arracha l'ennemi
A Rhamnès expirant, a Messape endormi.
Mais de*jà , se jouant dans les airs qu elle dore ,
tfeê bras du vieux Tit^on sortait la jeune Aurore >
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tfo JËNEIDOS LIBER IX. y.tfu
Jam sole infuso , jam rébus luce reteclis ,
Turnus in arma yiros , armîs circumdatus îpse ,
Suscitât, œratasque acies in prœlia cogit :
Quisque suos ; variisque acuunt rumoribus iras»
Quîn ipsa arrectis , yisu miserabile , in haslû
Prafigunt capita, et multo clamore sequuntur,
Euryali et Nia.
JEneadas durî mororum in parte siuistrâ
Opposuere aciem, nam dextera cmgitur amni»
Ingentesque tenent fossas, et turribus altis
Stant maesti : simul ora virûin prœfixa movebant,
Nota nimis iniseris, atroque fluentia tabo.
, Interea payidam yolitans pennata per urbem
Nuntia fama mit, matrisque adlabitur aures
Euryali : at subitus miseras calor ossa relierait 5
Excusai mambus radii, rerolutaque pensa :
Eyolat infelix , et femineo ululatu ,
. Scissa comam, muros amens atque agmina curai
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y. 667. L'ENÉIDE, LIVRE IX. /,8i
Et dans l'air répandant ses premières lueurs
Rendoit a l'univers la vie et les couleurs.
Turnus l'a devancée : en son ardeur extrême
Il arme ses soldats , il s'est* anrié lui-même ;
Chacun a pris son rang, de sa noble valeur
Chacun a ses guerriers a transmis la chaleur.
Au bout d'un fer sanglant a leurs yeux on étale
Les fronts décolores de Nisus , d'Euryalei
Déplorable trophe'e , effroyable débjir
Que leur barbare joie insulte par dev cris.
Les Troyens toutefois, ranimant leur vaillance ,
Sur la gauche du camp redoublent leur défense ;
Le fleuVe ceint la droite : aux postes menaces
Une foule nombreuse investit les fosses ;
D'autres du haut des tours sur les piques sanglantes
Contemplent a regret ces têtes dégouttantes
Que voudroient vainement méconnoître leurs yeux.
Cependant la déesse aux regards curieux ,
A la bouche indiscrète , a la course légère,
D'Euryale immolé vient accabler la mère.
Soudain, sans mouvement, sans chaleur et sans voix,
Elle tombe : l'aiguille échappe de ses doigts,
Et le lin déroulé fuit de sa main tremblante ;
Mais enfin ranimant sa force languissante,
in. 4 l
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48s JINEIDOS LIBER ïJL y. 479.
Prima petit : non iila virûm, non illa pericli
Telorumque memor; cœlnm dehinc quëstibus implet :
Honc ego le , Earyale , acbpicio f tune tlle , senectas
Sera mes reqtoes ? potuisti lincpiere solam ,
Crndelis? née te, tub tanta pericula miasani f
Aflkri extremùm mueras data copia mairi t
Heu ! terra ignotâ , canibus date preda Latin»
Alitibusqne, jaces ! nec te, tua fanera, mater
Produxi, pressiye oculoa , ant ruinera layî,
Veste tegena , tibi quam noctes festin a diesqué
Urgebam, et telâ curas solabar aniles!
Quo seqaar, ant quas nunc artas, ayulsaqne membre
Et funus lacerum, tellus habel ? Hoc mihi de te ,
Nate, refera? hoc sum terràque mariqne secttla F
Figile me , ai qua est pîetas ; in me omnia tek
Conjicite, 0 Rutoli • me primam absumite ferros
Aut tu , magne pater diyûm , miserere , tuoqne
Invisum hoc dctrude caput sub tartara telo,
Quando aliter neqneo crudelem abrumpere vitami-
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v. 69i. L'ENEIDE, LIVRE IXf 4$3
Se meurtrissant le sein, arrachant ses cheveux,
Malheureuse , elle part avec des cris affreux,
Fend les rangs de soldats , yole au haut des murailles :
La pudeur, le danger , l'appareil des batailles,
Sa douleur brave tout ; puis élevant la voix :
a Euryale , Euryale , est-ce toi que je vois ,
» Toi, le dernier espoir de ma triste vieillesse?
» Cruel ! as-tu bien pu délaisser ma foiblesse,
» Me laisser seule ici sur des bords étrangers ?
» Eh quoi ! quand tu parfois pour de si grands dangers,
» Ta mère n a donc pu t'exprimer ses alarmes ,
» Pour la dernière fois te baigner de ses larmes !
» Helas ! par les oiseaux , par les chiens dévoré,
» Dans quelque affreux désert ton corps gît ignore}
3» Ta malheureuse mère autour de ces murailles
» "N'a pu les jeux en pleurs suivre tes fuuérailles,
» Ou laver ta blessure , ou te fermer les yeux !
» En vain donc j'apprètois ces tissus précieux,
» Qui, le jour et la nuit hâtés par ma tendresse ,
» Consoloient ma douleur, et charmoient ma vieillesse!
» Où courir? où chercher ton malheureux débris,
» Et tes lambeaux sanglans et tes restes flétris?
» 0 mort ! ô désespoir ! ô spectacle funeste !
» 0 mon cher fils! de toi , voila donc ce qui reste !
•■;■■•• 4,r
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AU -ENEIDOS LIBER IX. v-^S.
Hoc fletu concussï anîmî, mœstusque per omnes
Jt gemîtns : torpent mfractas ad prœlîa vires.
Dlam incendenlem luctus Idaeus et Actor,
Bionei monîtu , et inultùm lacrymantîs Iulï,
Corripiuut, interqae manus sub tecta leponunt.
l^t tuba terribilem sonitum procul aère canon»
Increpuît : sequïtur clamor, cœlumque remugit.
Accélérant, actâ pariter testudine, Volscï,
Et fessas implere parant, ac yellere vallum.
Quaerunt pars aditum, et scalis ascendere muros,
Qua rara est acies, interface tque corona
Kon tam spissa ykU. Telorum effundere contrit
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▼-7»k L'ENEIDE, LIVRE IX. m
» Voila ce qui devoît me payer taut de maux , ' *
» Mes courses , mes dangers sur la terre et les eaux t
y> Rutules! c'est a vous de finir ma misère :
* Assassins de mon fils, exterminez sa mère;
» Frappez ! que ma douleur obtienne un prompt trépas!
» J'in roque tous vos traits, j'implore tous vos bras.
» Ou toi , grand Jupiter ! par pitié* prends ta foudre ,
» Que ce corps malheureux tombe re'duit en poudre !
» Oui, tonne , anéantis mes misérables jours,
» Puisquenfin ma douleur n a pu finir leur cours! »
Tout s'émeut , tout gémit a ce triste langage %
La pitié ralentit le plus ardent courage r
Leurs bras restent sans force. Ascagne tout en pleurs
Même en. les partageant redouble ses douleurs;
E t , touché du destin du fils et de la mère.
La fait porter mourante a son toit solitaire.
Mais la trompette sonne , et ses sons belliqueux
Suivis de mille cris ont ébranlé les cieux.
Les Latins vers les murs se frayant une route,
Joignent leurs boucliers en une épaisse voûte.
Déjà leur main s'apprête a combler les fossés
De leurs palis aigus vainement bérîssés :
Aux lieux où , promettant des acfefcs plus faciles ,
Des soldats moins serrés s'éclaircissoient les files,
4Im*
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AU JENEIDOS LIBER 1$. v. 5t*
Omne genusTeucri, ac duris detrndere contis,
Àssueti longo muros defendere bello.
Saxa qooque infesto volyebant pondère , à quà.
Possent tectam aciem perrnmpere ; quum tamen omnes
Ferre juvat snbter densà testudine casas.
Nec jam sufficiunt $ nam , qu'a globus immiiiet ingens,
Immanem Teucri molem yolvuntque runntque,
Quae strayit Rotulos latè, annorumque resolvit
Tegmina : nec curant caeco contendere martç
Amplius audaces Rutuii; sed pellere vallo
Missilibus certant.
Parte aliâ horrendus visu qaassabal Etruscam
Pinnm, et iumiferos infert Mezentius ignés.
At Messapns , equûm domitor , Neptunia proies.
Rescindât ?allam , et scalas in mœnia posât
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V. 739- L'ENEIDE, LIVRE IX. 48j
Ils tentent leur approche, et , l'échelle a la main,
Hasardent dans les airs un périlleux chemin.
Les Troyens, a leur tour,- animent leur audace.
L'un repousse et défend , l'autre attaque et menace*
Instruits par un long siège h braver les assauts,
Les Troyens ont pour eux leurs antiques travaux ;
Tantôt de pieux aigus ils forment leur défense ;
Tantôt , de leurs roche» roulant la masse immense a
Sur l'épaisse tortue et ses mobiles toits ,
De leurs larges éclats précipitent le poids.
Des boucliers unis l'airain impénétrable
Quelque temps en soutient le choc épouvantable £
Mais enfin ces secours spot rendus impuissant
Aux lieux où les latins deviennent plus pressant,
Avec peine roule' par les enfens de Troie
Un énorme rocher en tombant les foudroie,
Enfonce, desunit leurs boucliers brises,
Et tombe en bondissant sur leurs rangs écrases.
Alors, abandonnant ces abris infidèles,
lies Latins ont recours a des armes nouvelles;.
Des orages de traits., de flèches, et de dards ,
Pour chasser les Troyens pleuvent sur. leurs remparts \
Terrible par son air comme par sa vaillance ,
^lus loin, la torche eu, main, marche l'affreux Mezence ;
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'488 .XNEID OS LIBER IX. v. 5*5.
Vos , o Calliope , precor , adspîrate canenti ,
Quas ibi tonc ferro strages, quae fanera Tunios
Ediderit, quem quîsque virum demiserit Orco;
Et mecum ingénies oras evolyîte belli :
( Et memînîslû e*im , dira, et memorare polesûs. )
Turris erat vasto suspecta et pontibus aJtîs,
Opportuna loco , summis quam yiribus omnes
Expugnare Italî, summâque evertere opum vî,
Certabant, Troës contra defendere saxîs ,
Perque cayas denâ tela intorquere fenestras.
Princeps ardentem conjecit lampada Turnus/
Et flammam affixit lateri, quae plurîma yento
Corripuit tabulas, et postibus baesît adesis.
Turbatî trepidare intus, frustraque malorum
.Vefle fugam ; dam se glomerant, retroque résidant
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t. 763. L'ENEIDE, LIVRE IX. 489
Par le feu, par le fer , îl poursuit ses assauts,
Taudis que ce guerrier, enfant du dieu des eaux,
Message , des remparts méditant l'escalade ,
Arrache , foule aux pieds leur vaine palissade ,
Et , plantant son échelle , ardent, audacieux ,
Ressemble a ces géans qui menaçaient les cieux.
Tous, muses des héros, déesses de mémoire,
Vous qui savez garder et raconter leur gloire,
Venez, retracez-moi ces terribles assauts,
Et de ces grands combats déployez les tableaux.
Dites par quels exploits, par quel affreux carnage
L'indomptable Turnus signala son courage.
Une tour élevée en étages nombreux
Joiguoit a ses hauts murs 1 avantage des lieux •
Contre elle des Latins la force est rassemblée ;
Pour elle des Troyens l'ardeur est redoublée,
Et des profonds abris de leurs murs entr'ouverU
IVunejgrèle de traits ils noircissent les airs.
Pe Turnus le premier la main impatiente •
Fait voler sur la tour une torche fumante : .
La flamme siffle , vole , et s'attache a ses flancs ;
Le vent au loin la roule en tourbillons brûlans 5
Sur ses ailes de feu sa fureur se déploie ,
Et d'étage en étage elle poursuit sa proie.
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49Q J5NEID0S LIBER IX. v. Uo.
In partejn (jus peste caret, tum pondère turris
Proçubuit subite , et cœlum touat omne fragore.
Semineces ad terrain , immani mole secutâ,
Confixique sois tells , et pectora duro
Transfossi ligno , yeniunt. Viz unus Helenor,
Et Lycos , elapsi; quorum primsrus Helenor ,
Maeonio régi quem senra Licymnia furtim
Sostulerat, vetitisque ad Trojam mîserat armis %
Ense leyis nudo ? parmâque inglorius albà.
Isque ubi se Turni média inter millia vidit,
Hinc acies atque bine acies adstaçe Latinas;
Ut fera, quae densâ venantum sspta coronâ
Contra tela furit, seseque baud nescia mord
Injicit , et saltu supra venabula fertur;
JSaud aliter juvenis medios moriturus in bostes
Irruit , et qua tela videt denrôsûna tendit
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t;7»7- L'ENEIDE, LIVRÉ IX. t$i
Aux rapides progrès du vaste embrasement
Ses défenseurs troubles s'opposent vainement.
Tandis que loin des murs que la flamme dévore
'Vers celui que les feux n'ont pas atteint encore
Leurs flots tumultueux se pressent a la fois ,
Sous cette charge immense ajoutée a son poids
La tour avec fracas éclate , croule et tombe.
Tout reste enseveli sous cette vaste, tombe :
Les uns poussent des cris sous ses ais embrases £
Sous ses débris fùmans d'autres sont écrases;
Perces de' bois aigus ou de leur propre lance,
D'autres au pied Aes murs suivent sa chute immense!
Dans sa masse croulante ensemble enveloppés, '
Félénor et Ljcus seuls se sont échappes;
Helénor, que la jeune et belle Licymnie
Ravit encore enfant au roi de Méonie.
Jeune , esclave , il courut , s'armant malgré les loisy
Des héros dllion partager les exploits;
N'ayant pour lui ni rang , ni titre , m victoire ,
Êes armes n'ont encor nulle marque de gloire;
Et son simple pavois , son glaive sans honneur,
Sans illustrer son nom ont armé sa valeur.
Dans le camp ennemi sa bravoure enfermée
S'étonne de se voir seule contre une armée.
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4)3 JENEIDOS LIBER IX. v.556.
Àt pedibns longe melSor tycus , înter el hostes,
Inter et arma , fagâ uiuros tenet, alta<jue certat
Prendere tecta manu, sociûmque attiugere dextras.
Quem Turnus , panier cursu teloque secutus,
Iacrepat Lis vîctor : Nostrasne evadere , démens ,
Sperasti te posse manus? Simul arripit ipsum
Pendentem, et magna mûri cum parte revellît :
Qualis ubî aut leporem aut candentî corpore cycnnui
Sustulit alta petens pedibus Jovis armiger uncis ;
Quaesitum aut matri multis balatibus agnum
Martîus a stabulis rapuit lupus. Undique clamor
Tollitur : învadunt, et fossas aggere complent;
Ardentes taedas alii ad fastigia jactant.
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▼•«ii. L'ENEIDE, LIVRE IX. 49Î
Partout des traits , partout une enceinte de fer.
Maïs tel qu'un léopard qui, menace, mais fier,
Quand de ses ennemis les toiles l'emprisonnent,
Au-dessus des chasseurs , des pieux qui l'environnent,.
D'un bond hardi s'élance, et, certain de son sort,
Appelle le danger et provoque la mort :
Tel frémit ce guerrier; tel il court , plein de rage,
Où les traits pins presses irritent son courage.
Tandis qu'il a pour lui son intrépidité',
Devançant les éclairs par sa rapidité,
Parmi les traits, les feux, et cette foule immense ,
Lycus, d'un pied léger, part, s'échappe et s'élance
Au rempart protecteur dont il est descendu.
Vers les bras des Troyens son bras est étendu;
Il cherche a les atteindre : inutile ressource !
Turnus non~moins léger l'a suivi dans sa course;
Et déjà l'approchant de sa terrible main :
« Misérable ! a tes pieds tu te fiois en vain ;
» Pensois-tu m' échapper par ta fuite prudente ? »
Il dit, saisit dans l'air sa tunique pendante ,
Et des murs , qui déjà lui montraient leurs abris ,
Entraîne avec sa proie un immense débris.
Tel ce terrible oiseau qui porte le tonnerre
Par ses ongles trancfcaus enlève de la terre
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A9i jENBIDOS LIBER IX. Y.Stf*
Itibneos saxo atque ingentï fragmine montîs
Lucetium, port» subeuntem , îgnesque ferentem ;
Emathiona Liger, Corynœum slernit Asylas ;
Hic jaculo bonus, bic longé fallente sagîttà;
Ortjgium Ganeûs, yîctorem CaeneaTornos,
Tarons Itym, Cloniumque, Dioxippum, Promolumcpie,
El Sagarim, et summîs stantem pro. tombas Idan;
Prîvernum Capys : bunc primo leris bastâ Teroills
Strinxerat : ille manum, projecto tegmine, démens
Ad vulnus tulit $ ergo alis allapsa sagitta,
Et lavo adfîxa est lateri m anus, abditaqué intus
Spiramenta animae letali vulnére rumpit.
Stabat în egregïïs Arcentis filius armîs ,
Pîclus acu cblamydem, et ferrugîne clarus Ibera,
Insignis facie , genitot quem miserai Arcens 9
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y.*35. L'ENEIDE, LIVRE IX. ^
Le cygne ai blanc plumage ou le lièvre peureux :
Tel du dieu des combats l'animal valeureux
Ravit un foible agneau qu'au vallon solitaire
Par de longs bêlemens redemande sa mère.
On s'écrie , on s'élance , on comble les fosse's ;
Au faîte des remparts des flambeaux sont lancés.
Du fier Lucélius l'audace pétulante
Avançoit, secouant une torche brûlante :
ïlionée attend et le laisse approcher ;
Sur lui fond tout a coup un énorme rocher.
Asjlas foule aux pieds Corynéus qui tombe ;
Attaqué par Liger , Emathion succombe ;
De ce couple vainqueur l'un sait avec plus d'art
Guider un trait ailé , l'autre lancer un dard :
Ortygius périt par la main de Cénée ;
De Cénée a son tour la vie est moissonnée,
Turnus est son vainqueur ; Turnus immole Itys ,
Dioxippe , Clonus , Promolus , Sagaris ;
Idas du haut des tours descend au sombre abîme ;
Priverne est de Gapys la sanglante victime :
De Témille d'abord le bras mal assuré
L'avoit percé d'un trait , ou plutôt effleuré;
L'imprudent , pour porter sa main sur sa blessure,
Jette son bouclier 5 une flèche plus sûre,
*9
fa
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A<fi -ENEIDOS LIBER IX. * 584
Edticlum Marlîs luco, Symaethia circum
Flumina, pinguis ubî et placabilis ara Pa&cL
Stridentem fundam, positis Mezentitisnastis,
Ipse leradductâ circum caput egîthabenâ,
Et média adversi liquefacto tempora plumbo
Diffidit, ac multâ porrectom extendit arensu
Tum primùm bello celerem Intendisse sagiftam.
Dicitur, antè feras solitus terrere fugaces,
Ascanius , fortemque maau fudisse Numanum,.
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*. ZS9. L'ENEIDE, LIVRE ES. i^j
Sur son aile légère élancée en sifflant ,
Frappe , et perce sa main attachée a son flanc ,
£t , pénétrant plus loin, dan même coup déchire
Les organes secrets par qui l'homme respire ;
U tombe, perd son sang , pousse encore un soupir,
Et du dernier sommeil la mort vient l'assoupir.
Un jeune fils d'Arcens , fier de sa riche armure,
Brillant par sa beauté' , brillant par sa parure*
Que l'aiguille a brodée, où d'un sombre incarnat.
La pourpre d'Ibérie e'tale encor l'éclat,
Naquit dans la forêt au dieu Mars consacrée >
Aux rives du Syraèthe , où-, sans cesse adorée^
Diane incessamment sur. ces riches autels
Reçoit et les presens et les vœux des mortels ;
Il brilloit au milieu des défenseurs de Troie :
Messape a sa fureur destine cette proie ,
Et , desarmant son bras de sa lance d'airain ,
En cercle îair siffler la fronde dans sa main.
Le plomb mortel l'atteint dans. sa course brûlante^
Il tombe , et rend son ame a l'arène sanglante.
Jusqu'à ce jour Ascagne a la guerre des bois
Avoit borné l'honneur dq ses jeunes exploits ,
D'un plus notle triomphe obscur- apprentissage ;
Mais sa main aujourd'hui, pour un plus digne usage,
/
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v i9l «NEIDOS LIBER IX. v. S9S.
Cui Remalo cognoraen erat , Turnique minorera
Germanam, nuper thalamo sociatus,nabebat.
ïs primam ante aciem^ digna atque indigna relatif
Vociferans , tuinidusque novo prscordia régna,
Ibat, et ingentem sese cîamore ferebat :
Non pudet obsidione iterum valloque tenerî,
Bis capiî Phryges, et Marti pretendere muros?.
En qni nostra sibi bello connubia poscunt l
Quis deus Ilaliatn, quae yos dementia adegitf.
Non hic Atridae, nec fandi fictor Ulyxes.
iDurum ab slirpe genus, natos ad flumina primùm
peferimus , saevoque gelu duramus et undis :
Venalu inyigilant pueri , suVasqne fatigant :
Flectere ludus equos, et spicula tendere cornu.
Àt patiens opernm parvoque assaeta juyentus,
Aut rastris terram domat , aut quatit oppida bello.
Omne aevum ferro teritur ; versâque juyencûm
îerga fatiganms hastâ : nec tarda senectus.
Débilitât vires animi, mutatque yïgorem;
Canitiem galeâ premimos; semj? erque récente*
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7-885. L'ENÉIDE, LIVRE IX. i&
Tendit son arc fidèle , et le trait emporte
Du fougueux Numanus terrasse la fierté.
Allie' de Turnus, fier de cette alliance,
Pevant les premiers rangs sa superbe arrogance,
Exbaloit sa fureur , et par d indignes cris
Aux Troyens insultes prodiguoit les mépris :
« Les voila ces guerriers, ces héros de Pergame,
» Qui, le fer a la main, demandent une femme !
j> Pour la seconde fois prisonniers dans vos murs «
» Croyez-vous aujourd'hui ces asiles plus sûrs?
» Quel dessein, ou plutôt quelle ayengle folie ,
» Malheureux ! vous a fait aborder l'Italie ?
» Vous n'aurez pas affaire, en ces nouveaux combats ^
»> A l'orateur Ulysse, a ce beau Ménéias,
» Mais aux durs rejetons d'une race aguerrie.
» A peine nos enfans arrivent a la vie,
. » D'un peuple vigoureux ces mâles nourrissons
» Sont Irempés dans les eaux, plongés dans les glaçons ;
» La nuit sur les (rimas l'enfant atlend sa proie,
» La suit avec ardeur, la rapporte avec joie ;
» Déjà sa main tend l'arc , dompte un coursier fougueux*
>> La peine est son plaisir, la fatigue ses jeux ;
a La jeunesse a son tour, sobre, laborieuse ,
» Tantôt des fiers combats revient victorieuse,
fc . ... v . : • O
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&oo iENEîDOS LIBER TX. v.tfi?.
Comportare juvat praedas, et vîvere rapto.
Vobis picta croco et fulgeuti monte vestîs;
Pesidiae cordi 5 juyat indulgere clioreis;
Et tunicae manicas et babent rcdimicula mitra.
0 vérè Pbrygiae, neque enim Pbryges , ite per alu
Diadyma, ubi assueiis biferem dat tibia cantum.
Tympana vos boxusque vocant Berecyntbia mairâ
Wœae : sinite arma vins, et cedite ferro.
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1.907. L'ENEIDE, LIVRE IX. 5o*
» Tantôt soumet la terre a ses coutres trancbans :
39 Le fer guerrier nous suit dans les travaux des. champs ,
» Et , dans nos fortes mains , des taureaux qu'elle presse
» La lance belliqueuse excite la paresse.
» Chez nous point de vieillards , et le sang et le cœur
» Gardent jusqu'à la fin leur robuste vigueur;
» Le casque couvre encor notre tètel>lanchie ;
» D'un butin tout re'cent chaque jour enrichie,
» Notre table dédaigne un facile repas :
» Plus doux par les dangers, payes par les combats,
» Nos mets sont une proie, et nos biens dès conquêtes.
» Pour vous, usant vos jours dans d'éternelles fêtes,
» Dans la pourpre nourris , de myrtes couronne's ,.
» Vous couvrez mollement vos bras effemine's ;.
» Allez, vils Phrygiens, ou plutôt Phrygiennes ;
» Allez , au double son de vos flûtes troyennes ,
» Des. cymbales d'airain , d'un bruit mélodieux ,
» fêter dans ses bosquets votre mère des dieux :
» Pour son riant Dindyme ou son vert Bere'cynthe,.
» De nos pénibles camps quittez , quittez l'enceinte-,
» Et, par vos longs bonnets, noues sous vos mentons,
» Remplacez cet airain trop pesant pour vos fronts ;
» Mais n affectez jamais d'être ce que nous sommes :
9, Gardez les jeux pour vous , laissez la guerre aux hommes.».
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fo* JENEItoOS LIÉER IX. v.ùtu
Talia jaclantem dictis ac dira canentem
Nob tulit Ascanius; nervoque obrersus equwq
Intendit (elam , diversaque brachia ducens
jConslitit, antè Jovem supplex per vota precatus :
Jupiter omnipotens , audacibus annue cœptis :
Ipse tibi ad tua templa feram solemnia dona ;
Et statuam ante aras auratâ fronte juvencum
Candentein , pariterque caput cum matre ferentem ,
( Jam coruu petat et pedibus qui spargat arenam. )
Audiit et cœli geuitor de parte serena
Intonuit laevum : sonat una fatifer arcus.
Efiugït borrendùm stridens adducta sagitta,
Perque çaput Remuli venit, et cava tempora ferro
Trajicit. I, verbis virtutem illude superbb.
Bis capti Pbryges baec Rutulis responsa remittonf.
Hoc tantùm Ascanius. Teucri clamore sequuntur ,
Laetitiâque freinant, animosque ad sidéra tollunL
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v.$3i. L'ENEIDE, LIVRE IX. 5o*
Ce discours furieux, ces propos insultans ,
Ascagne ne sauroit les souffrir plus long-temps.
Sur le crin d'un coursier qui courbe un arc docile ^_
En arrière amenant la flèche au vol agile ,
H roidit ses deux bras l'un de l'autre éloignes.
Et, prêt a venger seul les Troyens indignes,
« 0 Jupiter! dit-il, contre un brigand barbare
» Seconde mon audace $ et ma main te prépare
» L'hommage d'un taureau lier de ses jeunes ans,
» A la corne dorée, au front large , aux poils blancs,*
» Qui, déjà vigoureux, levant sa fête altière,
» Sur le gazon natal marche égal a sa mère,
» Frappe l'air de sa corne , et , sous se& bonds fongueux* ,'
» Dispersé au loin l'arène en tourbillons poudreux, »
Il dît : et, tout a coup , te maître de la terre
A fait sous un ciel pur éclater son tonnerre.
Ascagne lance au but le trait audacieux •
L'arc, en se détendant, fait retentir les cieux •
El le trait, plus bruyant, plus prompt que la tempêté.
Déjà de Numanus a traversé la tête,
a Insolent ! dont l'audace insulte a des guerriers ,
» Reconnoîs ces Troyens par deux fois prisonniers :
» C'est ainsi que répond la bravoure a l'outrage. »
Lé modeste vainqueur n'en dit pas davantage;
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Soi -ENEIDOS LIBER IX. **52.
JSiihem. tum forte plagâ criuiltis Apolio
Desuper Ausonias acies urbemque videbat,
Nube sedens 5 atque bis-viciorem affatur Iulum :
Macte nova vif tute , pner ; sic ilur ad aslra,
Dis gemte , et genitore deos : jure omuia bella
Geute sub Assaraci fato ventura résident :
Nec le Truja capit Simul haec effaras, ab alto
JEthere se mit lit, spirantes dimovet auras,
Ascaniumque petit : formam tum vertitor oris
Antiquum in Buten. Hic Dardanio Anchisas
Armiger antè fuit , fidusque ad limina eus* os;
Tum comîtem Ascanio pater addidit. Ibat Apolio
Omuia longœvo similis , vocemque , coloremque ,
Et crines albos , et saeva souoribus arma ;
Atque bis ardentem dictis affatur Iulum :
Sit satis: JSneada, teJisimpunè Numanmn
Oppetiisse tuis : primam banc tibi magmis Apolio
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v.555. L'ENEIDE, LIVRE IX. 5o5
Tcut le camp applaudit , et mille cris joyeux
D* Ascagne ont célébré l'essai victorieux ;
Tous admirent Ascagne et sa valeur naissante.
Et cependant le dieu qui dans les eaux du Xanllio
Laye ses beaux cheveux , et du trône des airs
De ses vastes regards embrasse l'univers ,
Tranquille , contemploit, assis sur un nuage,
Les deux, camps ennemis et les champs du carnage.
« Enfant des dieux, dit-il , de qui naîtront des dieux ,
» Courage ! c'est ainsi que Ton arrive aux cieux ;
» Cest ton sang, c'est ta race en prodiges féconde,
» Qui donnera la paix et le bonheur au monde :
» Pergame e'toit trop peu pour remplir ton destin ,
» Et l'univers te doit un empire sans fin. »
A ces mots il descend de la céleste plage,
Et l'air respectueux s'écarte 'a son passage ;
Il marche vers Ascagne, il dépouille ses traits,
0 prend tous les dehors de l'antique Bulès
Qui d'Anchise autrefois fut l'écujer fidèle ,
Et devant son palais vigilant sentinelle ,
Mais que le chef troyen recompensa depuis
Par l'honorable emploi qui l'attache a son fils^
. Le dieu brillant du jour emprunte sa figure ,
Son teint, ses cheveux blancs, sa voix et son armure:
m. 4^
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5o6 £NEIDOS LIBER IX. r.«5.
Concedit laudem , et parfais non invidet arrab.
Cetera parce, puer, bello. Sic orsus Àpollo
Mortales medio adspectus sennone reliquit ,
Et procul in tenaem ex oculis evanuit aurais.
Agnovere deam proceres divinaque tela
Dardanide , pharetramque fugâ sensere sonantem.
Ergo ayidum pugnœ dîctis ac numine Phœbt
À8canium prohibent : îpsi in certaniîna rursus
Succedunt, animasque in aperta pericula miltunt.
It clamor totis per propugnacula maris :
Intendunt acres arcus, amentaqae torquent.
Sternitur omnç solum telis : tum scuta cayaque
Dant sonitnm fliclu galeae : pugna aspera surgit;
Qaantus ab occasu venienspluVialihus Hxdis
Verberat imber humum ; qukm multà grandine ninibi
In yada précipitant , quum Jupiter horridul austris
Torquet aquosam hiemem , et ccelo caya nubila rompit
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* 979* L'ENÉIDE, LIVRE IX. $07
« Applaudis-toi, dit-il a son jeune rival,
» Numanus a par loi reçu le coup fatal ;
» Moi-même je pourrais envier ta victoire :
» Mais ce prélude heureux doit suffire a ta gloire,
» Tu dois compte aux destins de tes jours précieux. »
Il dit , et s'e'vapore, et disparoît aux jeux :
Mais son casque divin , ses traits qui retentissent ,
Tout décèle Apollon. Les Troyens obéissent ;
Et, du jeune héros arrêtant la valeur,
Volent ou les dangers appellent leur grand cœur.
Aussitôt on entend le long de leurs murailles
Courir les cris affreux , précurseurs des batailles *
Tous les arcs sont tendus, les traits fendent les airs ,
Les deux en sont noircis , les champs en sont couverts.
La , doublant la vigueur de la main qui la lance ,
La courroie en sifflant laisse échapper la lance ;
On entend retentir et casque et bouclier 5
L'acier avec fracas heurte contre l'acier.
Avec moins de fureur la saison orageuse
Épanche en noirs torrens la pluie impétueuse ;
A coups moins redoubles, moins prompts et moins bruyans,
La grêle épaisse tombe et bondit dans les champs,
Quand le grand Jupiter, déchirant les nuages ,
Fait partir la tempête, et siffler les orages.
43.,
Digit.zedby GoOgle
5o8 jENEIDOS LIBER IX. t.Cjt.
Pandarus et Bilias, Idaeo Alcanore eretf,
Qoos Jovis edaxit luco suVestris Iacra,
Abietibus ju renés patriïs el montibus aequo»,
Portai» , quae ducis împerio commisca, recladunt
Fretî armis , ultroque invitant mœmbus hostem.
Ipsî intus dextrà ac laeyâ pro tuiribus adstant.
Armatiferro, et cristis capita alta corusd z
Quales aeriae Inpientia domina drcum ,
Sive Padi ripis , Atbesim seo propter amcemiiit,
Consurgunt gemîns qnercos , intonsaque cœla
Attolluut capita , et sublhui vertîce nutant.
Imiropunt , aditus Rutuli ut vidère patentes.
Continua Quercens, et puïcher Aqukolus armwr
Et prseceps animiTmarns, et mavortras Hxmon Y
Agrainibus totis aut yersi terga dedère ,
Aut ipso porta posuere in limine vitam.
Tum magis increscant animis discordibusine;
Et jam collectî Troës glomerantur eodem ,
Et conferre manom et procttrrere Ionçiàs audent»
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F
t. iog3. L'ENEIDE-, LIVRE IX. 5oj
Pandare et Bitias9 sauvages nourrissons
Des forêts d'Iéra que surpassent leurs fronts,
Tout a coup de leurs mm* osent ouvrir les portes ,
Et des Latins surpris de'fier les cohortes :
Du passage chacun protégeant un côté
Au pied de chaque tour se place arec fierté ;
Ils comptent sur leurs bras, sur leur terrible lance \
Un long panache ajoute a leur stature immense :
Tels près de rËridan, ou dans ces lieux si beaux
Que l'aimable Athésis arrose de ses eaux ,
Autour d'eux déployant leurs ombres solennelles,
De deux chênes égaux les tiges fraternelles
S'élèvent a la fois et balancent dans l'air
Leur front que n'a jamais déshonoré le fer.
Des Latins provoqués la foule immense vole ;
C'est le mâle Quercens, le brillant Aquicole ,
Et l'imprudent Tmarus, et le farouche Héinon ;
Après eux introduite une foule sans nom
A devant ces géans reculé d'épouvante ,
Ou du seuil a mordu la poussière sanglante.
Le carnage s'accroît : déjà les assiégés
Par ces premiers succès volent encouragés ; 5
Leur nombre se grossit , leur ardeur les emporte £ *■'
Déjà même plusieurs osent franchir la porte. ' >
43.-
Digit.zedby GoOgle
5io ^NEIDOS LIBER IX. v.%i
DuctoriTurno diversà in parte furenti,
Turbanlique viros, perfertur nuntîus bostem
Fervere caede nova, et portas prabere patentes,
Deserit incephim, atque îmraaoî concifas ûrâ
Dardaniam roît ad portant fratresqoe superbes : *
Et primùm Antipbaten , b emm se primus agebat,
Thebanâ de matre nothum Sarpedonis alii,
Conjecto sternît jaculo : yolat Itala cornus
Aéra per tenerura , stomachoque infixa sub altum
Pecius abît ; reddit specns atri yulnerts tmdama
Spumantem , et fîzp ferrum în pulmone tepescît.
Tum Meropem atque Erymantba manu,tum sternît ApW.
Tum Bitian ardentem ocutis, animisque frementem,
Non jaculo , neque enim jaculo ykam aile dedîsset ;
Sed magnum strîdens contorta falarica yenit,
Fulminls acta modo , quam nec duo taurea terga,
Nec duplîci squamâ lorica fidelis et auro
Sustinuit : collapsa ruunt immania membra;
Dat tellus geinilum, et cljpeum super intonat ingens.1
Qualis in Eubaïco Baiarum Httort quondam
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v. xo*7- L'ENEIDE, LIVRE IX. 5n
Dans ce moment, Turnus, poursuivant ses combats,
Semoit ailleurs l'effroi , l'horreur et 1« trépas :
Tout a coup il apprend que les Troyens sans crainte
De leurs murs aux Latins ne ferment plus l'enceinte ,
Que , forts de leur audace , et de sang tout couverts ,
Es laissent leurs remparls insolemment ouverts.
Aussitôt la fureur dans ses regards éclate ;
Il accourt, et d'abord il rencontre Antiphate,
Enfant d'une The'baine et du grand Sarpëdon :
Soudain son javelot vers ce fils d'Ilion
Fart , atteint le guerrier dans sa course rapide.
Le sang coule a grands flots sous la pointe homicide;
Il meurt, et dans son sein le fer reste enfonce.
Me'rope perd la vie, Erymanthe est blesse ,
Aphidenus succombe ; enfin sur sou /passage
Turnus voit accourir , l'œil enflamnre de rage,
Un superbe géant , le puissant Bitias :
D'un simple dard alors il n'arme point son bras;
Qu'eût fait un simple dard? mais une énorme lancé
Qui de son bras nerveux part avec violence,
Plus prompte que l'éclair, suit son bruyant essor :
Vainement sa cuirasse et ses écailles d'or
Protègent le Troyenj il tombe sous ce foudre,
Et son corps gigantesque est couché dans la poudre £
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5i* JSNEIDOS LIBER IX. v.jn-
Saxea pila cadit , magnis qaara molibus antè
Constructam ponto jaciunt : sic illaruinam
Prona trahit, penitùsque radis illisa recnmbit :
Miscent se maria, et nigrae attollmrtur arenae ;
Tum sonita Proclijta alla tremit , durumque cuHIe
Inarime Joyis imperns imposta Typhœa.
Hic Mars armipotens animum vïresque Latinif
Addidit, et siimulos acres sub pecfore verlit;
Immisitque fugam Teucris atntmque timorem.
Undique conveniunt ; quoniam data copia pagne,
Bellatorque aniinos deus incidît.
Pandarus , ut fuso germanum corpore cernit ,
Et qno sit fortuna loco , qui casus agat res,
Portam ri multâ cod verso cardine torque t,
Obuiius latis humeris, multosqae saorom
Mœnibus exclusos daro in certamme linquit :
Ast alios secum includit recipitque ruent es ;
Démens ! qui Rutulum in medio non agrnine regem
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y
V. io5i. L'ibÉlfiE, LIVRE IX. 5i5
Sons son énorme poids la campagne garnit ,
Son bouclier resonne , et l'air an loin frémit.
Telle aux rires de Baie, antique enfant d'Eubée,
Dans le golfe de Cume avec fracas tombée ,
Une masse de roc qu'unit un dur ciment
Ébranle au loin la rive en son noir fondement :
Inariine en frémit , et du géant Typbée
Presse d'un nouveau poids la poitrine étouffée $
L'air en tremble ; la mer craint un second cbaos ,
Et de son vieux limon noircit au loin les ffots.
Aussitôt Mars accourt, et leur soufflant sa rage
Des Latins abattus ranime le courage ;
Et , tandis qu'il envoie aux Troyens la terreur ,
Des enfans d'Italie il reveille l'ardeur.
De la soif des combats rallume en eux la flamme ,
Et descend tout entier dans le fond de leur ame.
Sitôt que de son frère il a vu le trépas,
Et le destin changer la face des combats,
Pandare sur la porte ou le carnage augmente
Posant sa large épaule et sa masse pesante
La pousse sur ses gonds avec de longs efforts*
Mais, tandis que les siens oublies au-debors
En vain a leurs remparts demandent un asile,
Les ennemis en foule accourus dans la villa
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M iENEIDOS LIBER IX. v. 7i9.
Vident irrumpentem , uîtroque inciuserit urbî 9
ïmmanem veluli pecora inter inertîa tigrim.
Confinuo noya lux oculis effulsit , et arma
Horrendùm sonuere; tremunt in vcr&îce cristae
Sanguine», clypeoque micantia fulmina mittont.
Agnoscant faciem inyisam atque immania membra
Turbatî subito JSneadœ. Tum Pandarus ingens
Emicat , et , mortis fratern» feryidus ira ,
EfFatur : Non hase dotalis regia Amalae y
Nec mûris cohibet patriis média Ardea Turnum :
Castra inimica vides 5 nulla hinc exire potestas.
OUi subridens sedato pectore Turnus :
Incite, si <jua animo virtus, ut consere dextram;
Hîc etiam inventum Prtamo narrabis Acbillem.
Dixerat : il]e rudem nodis et cortice crudo
Intorquet summis adnixos viribus hastam.
Excepere aurae yulnus 5 Saturnia Juno
Detorsit veniens 5 portœque infîgitur hasta.
At uon hoc telum , mea quod vi dextera yçrsat,
Eflugies y neque enim u teli nec yulneris auctor.
Digit.zedby GoÔgle
v. io7S. . VÉNÉIDE, LIVRE IX. 5j5
Entrent a la faveur de ce tronble imprévu :
Pour comble de malheur, bêlas! il. n'a point ru
Apportant avec lui l'effroi, les funérailles,
Turnus , l'affreux Turnus entrer dans leurs murailles :
Tel qu'un tigre au milieu d'un timide troupeau ,
Il vient, il voit sa proie; alors un feu nouveau
Semble allumer ses yeux d'un regard plus terrible i
Son armure en marchant rend un son plus horrible ,
Son panache sanglant s'agite dans les airs,
Et de son bouclier partent d'affreux éclairs 5
Terrible , dans leur camp a peine il se présente,
À son air menaçant , a sa taille imposante ,
Aux regards qu'a lances son farouche dédain ,
Les Troyens consternés l'ont reconnu soudain.
Pandare alors s'élance enflammé de colère :
Il est temps de venger le meurtre de son frère.
« Regarde, lui dit-il , ici tu ne vois plus
» Ou le palais d'Amate , où la cour de Daiinus;
» C'est un camp ennemi : je t'y retiens , barbare ;
» Rien ne peut t'en sauver. » Au courroux de Pandare
Repondant froidement par un sourire amer :
a Eh bien, éprouvons donc ce courage si fier,
» Dit Turnus. Va conter au père de Troïle
h Qae la nouvelle Troie a son nouvel Achille :
Digit.zedby GoOgle
Sifi ANEIDOS LIBER IX. v.749-
Sic ait, et suhlahim altè consurgit in ensem,
Et mediaui ferro geminainter tempora frontem
Dividit impubesque immani vulaere malas.
Fit sonus; iogenti concussa est pondère tellus :
Collapsos artus atque arma cruenta cerebro
Sternit humi moriens ; atque 3K partions acquis
Hnc caput atque Mue numéro ex utroque pependiu
Diffiigiunt yersi trépida formidîne Troës :
Et, s continua fictorem ea cura subisset
Rumpere claustra manu, sociosque imnûttere porâs,
Ultimus ille dies bello gentique fuisset $
Sed furor ardentçm caedisque insana cupido
J^jit m adyersos»
Dgitzedby GoOgle
v. 1099- L'ENEIDE, LIVRE IX. $17
» Je saurai quel guerrier se mesure avec moi ;
» Tiens, je t'attends. » Pandare , incapable d'effroi,
Lui lance, en redoublant et d'audace et de force,
Un bois noueux couvert de son épaisse ecorce.
Turnus échappe au trait , l'air seul en est blesse';
U vole, et dans la porte il demeure enfonce;
Junon même en avoit détourne la blessure.
« J'attendois , dit Turnus , une attaque plus sure :
» Mais contre celui-ci ton effort sera vain;.
» L'arme est plus redoutable, et part d'une autre main.
H élève , à ces mots, sa redoutable épée.
La tête du géant en deux parts est coupée ,
Son tronc démesuré retombe appesanti ;
Sous son énorme poids la terre a retenti ;
Et l'on voit, rejetant sa cervelle sanglante,
La. tête en deux moitiés de deux côtés pendante.
Tout tremble a cet aspect, tout s'enfuit de terreur;
Et si du fier Turnus l'imprudente fureur
N'eût oublié d'ouvrir ou de briser les portes,
S'il eût su des Latins rassembler les cohortes ,
Dans ce vaste tombeau de tous les Phrygiens
Ce jour eût vu finir la guerre et les Troyens.
Mais l'ardeur du combat , mais la soif du carnage,
Ont égaré ses sens, ont aveuglé sa rage.
• Digit.zedby G00gle
5i8 JENEIDOS LIBER IX. y. 76>.
Principio Pbalarioi et succiso poplijle Gygen
Excipit j bine raptas fugienlibus ingerit hast as
In tergum : Juno yires animumque minktrat.
Àddit Haljm comitem , et confixâ Pbegea parmâ;
Ignaros deinde in mûris , martemque cientes ,
Alcandrumque , Haliumqiie, Noëmonaque, Prjtanupque
Lyncea tencbntem contra , sociosque rocantem ,
Vîbranti gtadio connixus ab aggere dexter
Occupât ; buîc uno dejectum comminus îctu
Cum galeâ longé jacuît caput : inde fèrarum
Vastatorem Amycum, qao non felkior alter
Ungere tela manu, ferrumque armare reneno :
Et Clytium JEoliden , et amienm Cretbea Musis :
Cretbea Musanun comitem , cuî carmina semper
Et citharae cordi, numerosque intendere nervis;
Semper equw atque arma yktun pugaasque çanebat.
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v..ii*3. L'ENÉIDE, LIVRE IX. £19
Pli al ans mçrd la'poudre , et Gygès chancelant
A peine a se traîner sur son genon sanglant :
H desarme , il poursuit la foule qui l'évite,
Et de leurs propres traits les atteint dans leur fuite 5
Junon sert sa fureur. Halys n'échappe pas*
Phégée et son parois sont perces par son bras.
D'autres Troyens , ranges le long de leurs murailles,
Occupes des assauts , ignoroient ces batailles.
Alcandre , Noémon , Halius , Pry tanis , -
A leurs compagnons morts sont bientôt réunis.
Intrépide au milieu de l'immense carnage,
Lyncée ose a Turnus opposer son courage,
Et de ses compagnons appelle le secours
Du sommet des remparts et du pied de leurs tours :
Le glaive ébncelant, plus prompt que la tempête,
Bien loin avec son masque a fait voler sa tète.
Plus loin tombe Amycus , la terreur des forêts ,
Savant dans l'art cruel d'empoisonner ses traits 5
Clytius , fils oYEoiê , et l'aimable Crétee
Dont la lyre , toujours par les muses montée ,
Charmoit l'ennui des camps; Cre'tee , ami des vers ,
Dont le luth, dont la voix , sur mille tons divers ,
Chantoit Mars, les combats, les guerriers intrépides,
Et le char de la guerre , et les coursiers rapides.
44-
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Rio JENEIDOS LIBER IX. r.773.
Tandem ductores, aodità cœde suorum,
Convemunt Teucri , Mnesthens acerque Seresïus;
Palaptesqne vident socios, hostemqae receptam.
Et Mneslheus : Quo deinde fugam? qno tenditîs? inqmL
Quos alios muros , qoae jam ultra mœnîa habetis?
Pnns bomo , et f estris, o cires , undiqoe ssptos
Àggeribus , tantas slrages impunè per nrbem
Edîderit? jurenum primos tôt misent Orco?
Non inîelicis patriae , veteruraque deornm,
Et magni JEnes , segnes miseretqoe pndetque ?
Talîbus accensîfirmantnr, et agmîne dens#
Consistant. Turnus paulalîm eicedere pugnâ,
Et fluviura petere , ac partent qus cingitur undà.
Àcriùs hoc Teucri clamore incumbere magno,
Et glomerare manum : ceu sœvum turba leonem
Quum telîs premit infensis : at territus îlle ,
A&per, acerba tuens , rétro redît ; et neque lerga
Ira dare ant rîrtus pabtur; nec tendere ckratrà,
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*. iï*7. L'ENEIDE, LIVRE IX Sa*
Enfin , au bruit lointain de ces mortels combats.
Et Mnesthée et Se'reste accourent h grands pas.
Quel spectacle ! Turnus au milieu de leur ville ,
Et les Troyens forces dans leur dernier asile !
Mnesthee alors, bouillant de bonté et de courroux :
« Où fuyez-vous, Troyens? guerriers, où courez- vous?
» Chasses de ces remparts, qnel rerage vous reste?
» £t qui donc a produit ce desordre funeste ?
» Un homme, un homme seul, dans vos murs prisonnier;
» Turnus impunément , de son bras meurtrier ,
3» Avec tant de héros égorges sans défense,
*» Aura donc de l'état moissonné l'espérance!
» Quoi! vos dieux , quoi ! vos rois, flétris par ces affronts,
» N'ont point touché vos cœurs , point fait rougir vos fronts!
» Où sont donc ces Troyens jadis si magnanimes ? »
Ce discours enhardit leurs cœurs pusillanimes ;
Leur foule se rallie et revient sur ses pas.
Le héros, qu'a la fois accablent tant de bras,
Devant ses ennemis , que l'espoir aiguillonne ,
Recule, jusqu'au lieuxrae le fleuve environne :
Tous ils fondent sur lui , seul il combat contre eux,
Ainsi, quand de chasseurs un escadron nombreux
Entoure un fier lion ; dans sa colère horrible ,
Vaincu mais menaçant , effrayé mais terrible ,
44-
Digitizedby G00gle
52* ^NEIDOS LIBER l£ V.79É.
111e quidem bec cupièns, pot» est per tel* virosque.
Haud aliter rétro dubius vestigiaTurnus
Improperata refert, et mens exaestuat ira.
Quia etiam bis tum medioi invaserat hostes ;
Bis confasa fugà per muras agmina vertit.
Sed manus e easiris ptoperè coït onam in unum :
Nec contra vires audet Saturnîa Juno
' Sufficere ; aëriani cœlo nam Jupiter Irim
Demisit , germanse haud mollîa jussa ferentem ,
Ni Turnas cedat Teucrornm nanôbus dtis.
Ergo nec clypeo juvenk subsistera tantàm
Nec dextrà valet, injectis sic undique lefis
Obruitur. Strepit assiduo cava tempora circum
Tinnitu galea , et saxis solida aéra fatiscunt ;
Discussseque jubae capiti ; nec suffi cit umbo
Ictibus : ingemînant bastis et Troës et ipsé
Fulmineus Mnestbeus. Tum toto corpore sudor
Liquitur, et piceum ( nec respirare potestas)
Flumen agit; fessos quatit acer anbelitus arius*
Jnm demum praeceps saltu sese omnibus armk
' Dgitzedby GoOgle
v. nyr. L'ÉNÉIDË, LIVRE IX. 5*5
Retenu par la honte , e'carte' par la peur,
Il éprouve a la fois et répand la terreur :
Tel l'orgueilleux Turnus , qu'un fier courroux dévore,
En cédant aux Tro yens les épouvante encore.
Trois fois , cédant au nombre , il recule h pas lents ,
Et trois fois il revient sur les Troyens tremblans.
Mais le camp tout entier contre lui se rassemble ;
Turnus cède à la force , et Junon même tremble 5
Elle craint, si Turnus, par elle encouragé,
N'abandonne le camp par ses mains ravagé,
D'irriter son époux , dont Iris elle-même v
Vient de lui déclarer la volonté suprême.
Turnus ne songe plus lui-même a l'invoquer :
Ne pouvant se défendre, et n'osant attaquer,
De traits multipliés une horrible tempête
Retentit sur son corps, siffle autour de sa tête ;
Son bouclier d'airain lui-même a succombé ,
Et de son front hautain son panache est tombé.
Point de paix , point de trêve ; acharné sur sa proie ,
f^e terrible Mnesthée a grands coups le foudroie $
Son bras languit £ son fer trahit ses vains efforts ,
La sueur en longs flots coule de tout son corps,
Sa bouche est haletante, et sa brûlante haleine
De ses flancs paîpitans ne sort plus qu'avec peine*
Digit.zedby GoOgle
SU J&NEIDOS LIBER IX. *. 816.
la fluvram dédit : ille suo cnm gurgîte flayo
Accepit vementem , ac mollibus exiolît undis;
Et lartum «ori» , ablutà caede, remiwt-
Digitizedby GoOgle '
?• no5. L'ENÉIDE, LIVRE IX. 5*5
Aussitôt, tout armé , cédant, mais en héros,
Dans le Tibre il s'élance y et le dieu dans ses flots,
Purifiant son corps souillé cTunlong carnage ,
: lie porte mollement et le rend au rivage ,
Où ses braves guerriers l'accueillent dans leurs bras,
Et sous leur noble cbefre volent aux combats»
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REMARQUES
SUR LE LIVRE NEUVIÈME.
JlJes passages les plus remarquables de ce neuvième
livre sont la métamorphose des vaisseaux d'Enée en
nymphes, l'épisode de Nisus et d'Euryale , et le combat
de Turnus. La métamorphose des vaisseaux a été jugée
invraisemblable et même ridicule par plusieurs critiques
modernes. « L'imagination, ont-ils dit , se prête au
» changement d'une créature humaine en statue , en
» animal , en arbre même , parce qu'elle peut suivre
» encore à travers leur uouvellc enveloppe les premières
» formes des personnages métamorphosés ; il leur reste
» une vie , un sentiment. Apollon serre encore dans ses
» bras Daphné changée en laurier ; les sœurs de Phaéton ,
» métamorphosées en peupliers , pleurent encore leur
» frère : mais lorsque d'une matière brute et inanimée,
» dont la forme et la masse repoussent toute idée d'or-
» ganisation et de sentiment , on veut faire un être
» vivant , une nymphe délicate et éloquente , l'imagina-
» tion se refuse au prodige , et n'y voit plus qu'une chi-
» mère absurde. » Telles sont les objections des critiques.
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REMARQUES. 5*7
On pourrait objecter encore que les poètes , dans leurs
métamorphoses , ont pour but d'ennoblir les êtres dont
ils célèbrent ainsi l'origine : un rossignol intéresse davan-
tage quand on sait qu'il étoit autrefois la malheureuse
Philomèle ; on aime à croire que le tournesol , qui se
dirige vers le soleil , fut autrefois cette sensible Cly tie qui
s'étoit passionuée pour Apollon. Mais, dans cette méta-
morphose de "Virgile , F origine des nymphes n'est ni
illustre , ni intéressante ; ces nymphes dévoient sans doute
rougir k la cour de Neptune de n'avoir été que d'informes
vaisseaux avant d'être placées au rang des divinités. Nous
nous contenterons de répondre a cette dernière objec-
tion que l'objet du poète n'étoit pas d'ennoblir l'origine
des nymphes , mais de célébrer les vaisseaux d'Énée ; et
rien n'étoit plus propre k en donner une grande idée que
cette métamorphose. La première objection , qui est
beaucoup plus raisonnable , n'est pas non plus sans ré-
plique. 11 est bien certain que la forme et la masse d'un
vaisseau ne peuvent s'allier dans notre esprit avec l'idée
d'une nymphe. De nos jours , on n'emploieroit pas im-
punément une pareille invention , et la raison en est bien -
simple : la navigation s'est perfectionnée , tout le monde
a vu des vaisseaux , et personne ne se laisseroit aller aux
illusions sur un pareil sujet : mais il n'en étoit pas de
même dans la haute antiquité ; l'apparition d'un vaisseau
devoit frapper les spectateurs d'étonnement. Lorsque les
Ârgouautes parurent k l'embouchure de l'Ister , les habi-
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B»& , REMARQUES
tans de cet contrées , dit Apollonius , prirent les vais-
seaux pour des monstres sortis du sein de la mer ; ils
abandonnèrent leurs troupeaux et s'enfuirent de toutes
parts. Si on avoit dit à ces peuples étonnés que le navire
Argo avoit été métamorphosé en étoile, il est probable
qu'ils Pauroicnt cru , et cette fable s'étoit en effet accré-
ditée dans l'ancienne Grèce. Virgile a donc pu de même
métamorphoser les vaisseaux d>£née en nymphes), et il
rend cette métamorphose vraisemblable en ajoutant que
ton récit est puisé dans les plus anciennes traditions:
priscajîdes facto , sedfama perennis. Virgile ne se
contente pas de métamorphoser les vaisseaux , il fait
parler les nymphes au dixième livre : ce dernier trait
n'est pas plus invraisemblable que ce qui précède ; dès
qu'une fois ces vaisseaux sont devenus des nymphes , il
n'est point étonnant que ces nymphes parlent comme les
autres divinités '*de la mer. Apollonius fait parler une
poutre du navire Argo : cette fiction est beaucoup moins
vraisemblable ; mais il faut se rappeler que cette poutre
étoit un chêne de la forêt de Dodonc , et que les chênes
4e cette forêt rendoient des oracles : ainsi les vaisseaux
d'Énée étoient formés des chênes de la forêt de Cybèle ,
ils avoient aussi quelque chose de merveilleux dans leur
origine. Au reste , nous ne nous appuyons ici que des
idées reçues dans l'antiquité , et nous convenons que ûY
pareilles inventions scroient très- ridicules chez les mo-
dernes : telle étoitsaas doute la pensée de Voltaire, lors*
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SUR LE LIVRE IX. 519
qu'il disoit que pour «ta? la risée de ses conteioporains
il suffipoit do répéter ce qu'on admire le plus chez tes
anciens. En général il faut bien se garder de juger les
chefs-d'œuvre de l'antiquité comme on juge ceux de son
propre siècle. Pour apprécier justement le mérite des
anciens , il ne suffit pas de consulter l'impression <jae
leurs ouvrages font sur notre esprit, il faut examiner
aussi l'impression qu'ils durent (aire sur l'esprit de leurs
contemporains.
Nous ne parlons ici que des fictions , que des évène-
knens que l'imagination peut inventer , et que les progrès
de la civilisation rendent plus ou moins vraisemblables
chez les difiérens peuples et dans les différens âges. H est
une chose qui ne varie point : c'est la nature , ce sont les
passions et les sentimens ; et Virgile les a peints avec une
fidélité qui nous étonne encore aujourd'hui comme elle
«tonna sans doute les Romains. H est a présumer que
celui qui connoissoit si bien le cœur humain , connoissoit
aussi les bornes de la vraisemblance ; et le poète qui a
Jfiut l'épisode de Nisus et d'Euryale ne sauroit être ac-
cusé d'avoir violé les principes de la raison*
Ce dévouement de Nisus et d'Euryale n'est pas seule-
ment un des plus beaux morceaux de V Enéide , il forme
le plus bel épisode qu'ait jamais conçu la poésie épique
chez les anciens et chez les modernes. Cet épisode est
imité du dixième livre de VIliade 5 mais combien l'imi-
tation est au-dessus du modèle l
45
\
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530 REMARQUES
Dans V Iliade , Diomède et Ulysse partent la mut pont
s'introduire dans le camp des Troyens , et pour sur-
prendre les projets de l'ennemi ; fls font on grand ca*V
nage parmi les troupes d'Hector , et Us reviennent em-
menant avec eux les chevjuix de Rhésus. Dans V Enéide %
ce sont deux jeunes guerriers qui se dévouent au salut
des Troyens : leur motif est beaucoup plus noble «rue
celui de Diomède et d'Ulysse. Tandis que ceux-ci vont
épier l'ennemi dans les ténèbres , Nisus et Euryale sortent
des murs, pour aller avertir Énée du danger qui menace
les siens *,tils ne sont pas seulement le modèle du cou-
rage , ils sont encore nn modèle de l'amitié ta plus
tendre et la plus généreuse -, ils périssent tous les deux
viedmes de leur attachement héroïque. Ils sont embras-
sés en partant par le jeune Âscagne ; ils emportent les
vœux des chefs de l'armée ; ils signalent leur courage par
de nombreux exploits ; ils succombent an milieu de leurs
triomphes*, et le désespoir d'une mère est le dernier trait
de ce tableau touchant. Toutes ces sources d'intérêt ne
se trouvent point dans Homère ; et , après avoir In Fépi-
sode latin , on ne peut s'empêcher de dire de Virgile ce
que Cicéron disait des orateurs et des philosophes de
Home : JYostri aut meliùs invenerunt , aut inventa
u Grœcis meliora fecerunt.
Cet épisode est un petit drame auquel il ne manque que
l'appareil de la représentation. Le lecteur connoît le lien
de U scène ; le caractère , la qualité cfes personnages , et
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SUR LE LIVRE IX. 53i
le motif qui les fait agir : voilà l'exposition. Vient ensuite
le nœud de cette action tragique : les deux jeunes guer-
riers se sont fait on chemin dans le camp ennemi ; le
spectateur espère. Volscens survient; il reconnolt Nisus
jet Euryale ; l'espérance est remplacée par les alarmes :
mais les deux amis se confient à l'obscurité de la nuit et
«le la forêt ; on espère encore les voir échapper. Enfin
£uryale qui s'est égaré tombe entre les mains des Ru-
iules ; il ne reste pins d'espoir que dans le courage et le
jdévouement de Nisus ; mais les'coups qu'il porte, causent
la mort de jon ami: Euryale expire , et1 Nisus est bientôt
immolé auprès de lui Le récit de cette adtion est pres-
que tout entier dans la bouche des personnages -, c'est
tantôt Nisus , tantôt Euryale , tantôt sa mère , qui parois-
jent sur la scène ; et le poëte ne se montre qu'à la fin ,
comme pour applaudir au dévouement des deux amis ,
.et transmettre leur nom à la postérité.
Turnus paroit dans ce neuvième livre avec beaucoup
d'éclat , et quelques commentateurs l'ont reproché a
Virgile. Nous croyons devoir rapporter ici ce que dit le »
père Le Bossu du caractère de Turnus. « Ce caractère ,
.» dit-il , est le même que celui d'Achille , autaut que le
.» changement du dessin et celui de la fable l'ont permis,
» C'est un jeune homme furieux et passionné pour une
.» fille qu'un rival lui veut enlever; il ne songe qu'aux
7> armes et à la guerre , sans se mettre en peine si el]e
45..
Digitizedby GoOgle
*3s REMARQUES
» sera juste. H est moins soldat etplus général qu'Achille ;
» mais ce général d'office s'oublie quelquefois, pour faire
» le simple soldat : sans cela il aurait achevé la guerre
» dès le second jour , lorsqn'étant entré dans le camp
» d'Enée qu'il assiégeoit , sa foreur lui fît oublier d*cn
» tenir la porte ouverte aux siens comme il kii eût été
» facile. Le caractère de Turnusa encore cette injustice
» d'Achille qui d'une querelle particulière fait une guerre
» générale. Cette guerre rend sa colère permeiense aux
» deux partis , et plus au sien qu'à celui de son ennemi 9
» et elle expose tant de miiners d'mnocens pour l'intérêt
» d'un seul. »
Nous développerons ailleurs quelques-unes de ces ob-
servations; nous nous contenterons ici de faire remarquer
que si Tnrnus est un autre Achille , le poète a soin de ne
le faire paraître tel qu'en l'absence d'Enée. Cest là une
adresse des plus heureuses 9 et l'on doit s'étonner qu'au-
cun des commentateurs n'en ait parlé. Ce neuvième livre
est celui où le jeune Aseagne joue le rôle le pins brillant ,
et en cela Virgile fait preuve dû même jugement. Dans le
premier livre , le fils d'Enée est transporté par Vénus
dans File de Paphos ; dans le quatrième et dans le sep-
tième il est présenté comme un chasseur intrépide ; dans
ce neuvième livre , Énée est absent , Aseagne devient
l'espérance des Troyens ; sa sagesse brille dans les.coa*-
icils^et son courage snr le champ de bataille
dby Google
SÏÏR LE LIVRE IX. 53«
Ae veloti pleno lnpm insidiatas ovili,
Quum frémit ad caulas , veotoi perpessns et imbres ,
Nocte saper medift; tnti sub matribus agni
Balatum exercent : iile , asper et improbns irâr
Seevit in absentes ; collecta fatigat edendi*
Ex Ion go rabiet , et siccse sanguine fauces,
Haud aliter, etc.
Cette comparaison , comme la plupart de celles des
anciens , n'a rien d'ingénieux et de brillant dans la pen-
sée : le poète le plus médiocre pouyoit comparer Turnus
attaquant les remparts des assiégés a un loup affamé qui
tode autour d'une bergerie ; mais les expressions et les
images que Virgile emploie ne peuvent appartenir qu'à
un poète du plus grand génie. Non seulement le loup
tente' un accès dan» la bergerie, mais il frémit de rage,
il brave l'orage et la tempête , ventùs pérpessus et. am-
bres : ainsi Turnus brave les traits des ennemis. Tandis
que le loup exerce au-dehors sa fureur , lès agneaux re-
posent tranquillement sous leurs mères , et poussent de
longs bélemens , tuti sub matribus agni bal al u m
exercent : ainsi la jeunesse troyenne reste renfermée
dans ses remparts , et se repose sur la prudence des chefs.
.En deux vers le poète expose deux scènes différentes , et
.fait voir tout à la fois ce qui se passe au-dedans et au-
dehors du camp. H. revient ensuite an loup, image de"
.Turnus, dont il caractérise la férocité et l'impuissance
par ces mots admirables: ///e, asper et ifnprobus ira,
sœvit in absentes. Aveuglé par la colère, il s'acharne
45...
Digit.zedby GoOgle
554 REMARQUES
sur sa proie absente. Après cela , on pourroit croire que
toutes les couleurs sont épuisées , et qu'il ne reste plus
rien à dire au poète ; niais il trouve encore des expressions
plus fortes , plus énergiques que les précédentes : rien,
n'égale la vigueur et la beauté de ces derniers traits du
tableau , Collecta fatigat edendi ex longo rabies ,
et s:ccœ sanguine fautes. Notre langue se refuse à ex-
primer ces images hardies , et c'est ici qull faut dire de
Virgile ce que Virgile disoit d'Homère , « qu'il est plus
» difficile de lui arracher un vers que d'arracher a Her-
» cule sa massue. »
Niant ait : Din* faune ardorem mentibos addont,
Euryale ? an tua cuiçne dent fit dira cnpido ?
tie Tasse , dans le douzième livre de la Jérusalem
délivrée , a imité l'épisode de Nisus et dTEoryale. Tandis
que la Nuit roule son char d'ébène , Oorinde s'occupe
d'un grand projet, et elle se tourne vers Argant : « De-
» puis long-temps , lui dit-elle , je ne sais quoi d'extraor-
» dinaire , de hardi , roule dans mon ame inquiète , soit
» inspiration de dieu , soit erreur de l'homme qui se fait
» un dieu de son désir. Vois ces flambeaux qui brillent
» hors du camp des ennemis ; j'irai là , le fer dans une
» main , une torche dans Fautre , et je mettrai le fèu à la
» tour. » Argant sent a ces paroles l'aiguiflon de l'hon-
neur , et il veut accompagner l'héroïne dans son expédi-
tion glorieuse. Tous les deux ils se rendent auprès d'AIu-
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SUR LE LIVRE IX. 535
«fin , qui les reçoit au milieu des plus sages de son conseil ,
approuve leur dessein , et donne de grands éloges à leur
courage. Ils partent au milieu des ténèbres , pénètrent
dans le camp ennemi , brûlent la tour qui menaçoit
Solime. Poursuivis par les chrétiens, ils retournent vers
la ville ; Àrgant est reçu par les siens au milieu des accla-
mations, et, dans le tumulte de la mêlée, la porte est
refermée sur Clorinde. L'héroïne combat seule ; elle
immole plusieurs -chrétiens , et elle succombe enfin sous
le fer de Tancrède , qui la reconnoît el pleure sa vic-
toire.
Tel est le sujet de l'épisode de Clorinde et d' Argant ;
plusieurs détails ont été copiés mot pour mot de Virgile ,
et c'est sans contredit ce qu'on trouve de mieux dans ce
morceau. L'idée d'introduire une femme sur la scène ,
et de la faire pénétrer la nuit dans le camp des chrétiens ,
s'écarte peut-être de la dignité du poème épique. L'a-
rnour que le Tasse met dans le dénouement de son épi-
sode , et qui produit un effet très-dramatique , est un
sentiment bien moins héroïque que l'amitié , et les lec-
teurs éclairés préféreront toujours les larmes de la mère
d'Euryale aux larmes de Tancrède.
Pulcherrima primùm
Dl moresque «Ubunt vesnri , etc.
Les deux amis , avant d'avoir eu dans le conseil l'avia
<lu jeune Ascagne , reçoivent l'approbation d'un sage
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5M REMARQUES* ■
vieillard. Le vieil. Àlète exprime en cette occasion une
glande maxime ; mais elle est appliquée à l' action dont
il s'agit, elle en est inséparable. Les maximes ainsi em-
ployées sont appelées par les commentateurs des sen-
tences déguisées. Virgile ne les emploie presque jamais
autrement , bien différent en cela de Lucain , de Sénèque ,
et de quelques écrivains modernes..
knmo ego yo«, cui *oia tain* genttore redmeta\
Excipit Ascaniuf , per magriot , Nue, Penatea-,
Astaracique Larcm, et cans penetralia Testa:,
ObteUor, etc.
Ces mots par lesquels commence le discours d'Iule ,
immo ego vos , marquent bien l'impatience qu'A a d'ex-
primer sa reconnoissance aux deux jeunes guerriers. Tout
ce discours est pris dans la nature : quand on se trouve
dans une situation embarrassante ,.on est prodigue de
promesses ; Iule offre tout ce qu'il a , il promet tout ce
qu'il espère avoir. «Vous avez vu , s'éerie-t-il , le cheval
» que monte Tùrnus; ce cheval, le bouclier du héros,
» son casque éclatant , n'entreront point dans le partage
» du butin : Nisus , ils seront le prix de votre courage. »
Dans le dixième livre de Y Iliade, Dolon demande à
Hector les chevaux d'Achille ; mais la promesse que fait
le jeune Ascagne de donner le cheval de Turnus à celui
<jui lui rendra sou père a quelque chose de glus naïf et
de. plus .attachante
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SUR LE LIVRE IX. 557
Genetrix Pri*mi.de geute YetBfti^
Est mihi, etc.
Enryale recommande sa tendre mère au fils d'Ençe :
d'un antre côté , Nisus auroit voulu- se. dévouer pour
Euryalc. Cette piété filiale et ce dévouement de l'amitié
reviennent en quelque sorte dans toutes les scènes de
cet épisode dramatique : le lecteur n'oublié point les
paroles de Nisus , et il songe toujours à la mère d'Eu-
ry aie ; cette exposition est un chetd'œnvre de l'art.
La réponse que fait le jeune Ascagne à Enryale est
pleine de sentimens et de vérité. Il avoit fait a Nisus les
pins belles promesses , sans trop savoir s'il pourroit les
tenir : son impatience de revoir son père l'emporte quel-
quefois au-delà des bornes ; le lecteur sourit de son ai-
mable naïveté. Mais lorsqu'Euryale lui parle de sa mère ,
il répond a un langage connu de son cœur , et toutes set
expressions ont la justesse convenable.
Enryaki* phaleras Rhamnetis et «are* bullic
CinguU ; Tiburti Remulo ditiMiffius olim
Qu» mitât don» , etc.
Éuryale prend l'écharpe de Rhamnés, Cette circons-
tance caractérise très-heureusement les goûts de l'impru-
dente jeunesse : cette écjiarpe de Rhamnès doit causer la
mort des deux jeunes Troyens. On croira difficilement
que quelques commentateurs aient trouvé dans cet ingé-
nieux incident un motif pour mettre l'épisode d'Ulysse
«*t de Dipmède au-dessus de celui de Nisus. et d'Ëurjale^
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538 REMARQUES .
« Les espions d'Homère , disent-ils , s'acquittent d'abord
de leur mission ; ce n'est cru1 après avoir su le secret des
ennemis, que Diomède ayant du temps de reste enlève les
chevaux du roi de Thrace ; et , s'il tue des Troyens en-
dormis , ce ne sont précisément que ceux qui ferment le
passage aux chevaux. Quant à Nisus et Euryale , ajoutent-
ils , l'un est un jeune étourdi , et l'autre n'est guère plus
prudent ; ils s'amusent tous les deux a massacrer, des en*
netnis plongés dans le sommeil ; ils se chargent de leurs
dépouilles, et perdent ainsi mal à propos le temps qu'ils
auraient dû employer à faire leur message. » lous ces
raisonnemens ne prouvent rien , si ce n'est que Nisus et
^ Euryale n'ont pas la prudence d'Ulysse. , et personne ne
doit en être étonné ; Virgile a fait agir ses jeunes guer-
riers selon les passions de leur âge ; il faut les juger sur la
bonté poétique , et non pas sur la bonté morale de leur
caractère. Nous convenons cependant que le carnage
inutile que font Nisus et Euryale dans le c:mp ennemi
contraste trop peut- être avec les sentimens tendres dont
ils offrent le modèle. Ce léger défaut, qui pourrait être
justifié par les mœurs anciennes , est le seul qu'on puisse
reprocher raisonnablement à l'épisode de Virgile.
Volvitur Etaryahu leto , pnichnwque per arfu«
It cruor , inque faumeros cervix collapaa remunbit :
PurpureiM veloti qunm flot «accitns aratro, etc.
Cette comparaison est plus ingénieuse que ne le sont
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SUR LE LIVRE IX. 53^
ordinairement les comparaisons des anciens. L'idée en
est évidemment prise de ces vers de Catulle : velut
prati ultimiflos, prœtereunte postquam tactus ara-
tro est. L'imitation de Virgile est gracieuse , mais elle
n'a rien qui puisse remplacer le mot de prœtereunte :
cette épithète se lie heureusement a l'idée morale de la
comparaison ; elle exprime à la fois la fragilité de la fleur
et celle de la beauté. Cette fleur n'a point été renversée
par des efforts combinés , mais par la charrue qui l'a
touchée par hasard et en passant.
Cette comparaison nous en rappelle une autre de
Catulle , qui est peut-être plus gracieuse encore : il com-
pare une jeune vierge à une fleur qui croît dans un jardin
écarté , à l'abri des troupeaux et de la charrue :
Ut flot in teptit «ecreli nateitur horti,
Ignotu* pecori , nulle contntut aratro ,
Quem mulcenl aura?, firmat toi, educat imber.
Ces trois vers charmans sont une idylle tout entière;
Aucun poète dans l'antiquité n'égale Virgile pour la
grâce ; mais Catulle peut lui être comparé quelquefois
avec avantage. Fcnélon aknoit les poésies de Catulle ; il
dîsoit "que les modernes n'auroient pas beaucoup perdu ,
si les. poètes élégiaqnes n'étoient pas venus jusqu'à nous,
niais il auroit cependant regretté Catulle.
Hoc fletn concimi animi , mxstaaque per omne»
It gemitut : torpcntinf'iacta? ad^prœlia viret.
HUm icccndcntem luctuc Idxut «t Àctor ,
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S4o REMARQUES
fltoaei mo&ita , et aufltiun lacrymtntu loK ,
Comptant, interqae manus-cnb teeU reponmn*.
Ât tuba tembilem soattam procal «rc caoor»
Jacrepàii....
I
Tons les cœurs se Jafcserit attendrir par les larmes .
dHinc mère ; od voit bien dans ces vers l'ascendant de L !
douleur -maternelle sur les âmes les plus insensibles. Riva .
n'est plus touchant que ce tableau.
Parmi ce deuil général , on ne remarque que les pleur» .
d'Ascagne ; il n'eût pas été convenable de faire pleurer !
les autres guerriers. Cependant , le jeune héros se montre
au milieu de sa douleur avec toute la raison et toute It
prudence «Tun homme d'état. IL sait combien les larme*
d'une mère peuvent amollir le courage des soldats ; il bit
éloigner la mère, d'Eury aie au moment où le combat va ;
commencer ; l'aspect des larmes maternelles ne s'aBie
point a l'image terrible des scènes de la guerre î Horace a
dit: hella matribus detestala.
Lorsque la mère d'Euryale est rentrée sous son tait
solitaire , la scène change ; les passions guerrières repren-
nent leur place dans tous les cœurs ; on passe subitement
des génùssemens aux accens du clairon j des plaintes d'une
femme aux cris menacans des combats : on voit d'avance
l'effet <jue le clairon va, produire sur famé des guerrière
et la soudaine fureur qui va s'emparer des esprits. Tout
ce morceau est plein de vérité; le propre du tumulte et
du ira cas est dYtckdrc les scutimens tendres j le bruit
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SÛR LE LIVRÉ IX. Ui
'?i
Au tambour a souvent étouffé la voix de la pitié, et les*
r ' larmes ne coulent point sur le champ de bataille.
Ces mots hocfietu conçusse aninii, illam incen-
dentem luctus, multiim lacryinantis luli, présentent
les images les plus expressives.
Il n'est pas inutile de remarquer ici que le poète'
" ralentit ou précipite son vers , selon les passions et les'
^ " scènes qu'il décrit. Des syllabes moins sonores , moins1
rapides , sont employées pour exprimer le deuil des'
Troyens. Mais tout k coup la marche des vers devienÇ
plus prompte ; l'oreille suffît k peine k la rapidité des'
dactyles qui expriment le bruit de là trompette guer-f
itère.
Tnrbatî trepidare intut, frastrtqoe malorum
Velie fugam : dnm ae glomerant, retroque reiidunt
la partem quae peste caret ; ta m pondère turris
Procubuît «ubito , et çœlum toaat omne fragore .
JLa circonstance exprimée dans ces vers inspire un véV
ritable intérêt. On voit l'effroi des Troyens , on les voir
se rassembler , se presser vers le côté qui n'est point
encore embrasé , et trouver la mort en cherchant k l'évi-'
ter. On entend le fracas de la tour qui s'écroule , dan»'1
ce beau vers iProcubuit subite, et cœlum tonatomne
fragore. Les Troyens , ensevelis sous les décombres de/
l'édifice qui leur servoit d'asile , présentent une imago''
terrible et attendrissante j ce tableau est heureasefeent
II»' 4^
Dgtzedby GoOgle
54* REMARQUES
varié par la fuite d'Hélénor et de Lycus * qui seuls sortent
vivans de cet immense tombeau , et périssent bientôt soi»
le fer des ennemis.
U prïnum ante aciem , digna atque indigna relata
Vociférant , tumidusque novo prccordia regno r
Ibat, et ingeutem «ese clamore ferebat...
Ces vers peuvent nous révéler un des secrets de la vér-
ification latine ; le verbe ibat est rejeté* adroitement an
troisième vers , après tumidus , vociférons, « A la tête
» des assaillans , vomissant toutes sortes d'injures , et fier
% de son alliance, il marchait. » Ce mot il marchoit,
renvoyé ainsi a la fin de la période , forme une chute
heureuse ; la phrase se relève ensuite avec éclat par ces
mots : et ingentem sese clamore ferebat Cette coupe
«avante qui ne sembloit appartenir qu'à la langue latine,
a été employée dans la poésie française par nos plus
grands maîtres -, dans le Lutrin :
L'oiseau plein d'allégresse
. Jteconaoît à ce ton la voix de m maîtresse :
11 la fuit ; et tons deux d'un cours précipité»
De Paris à l'instant abordent la cité.
Pans le récit de Théramène:
|1 vent les rappeler, et sa voix lea effraie;
Ils êottnnt : toujt toa corps o'tjt bicatft qu'une plaie
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SUR LE LIVRE IX. B45
Nous pourrions citer un grand nombre d'autres exem-
ples ; mais ceux-ci nous paraissent suffisons pour faire
connoître aux jeunes poètes le parti qu'on peut tirer de
notre langue.
Le discours de Numanus est un des morceaux les plu»
admirés de ce neuvième livre. Ce n'est point aux Atrides ,
s'écrie-t-il , ni au fourbe Ulysse que vous avez affaire ,
mais à une nation chez laquelle la vigueur est hérédi-
taire. Virgile prend delà occasion de faire connoître le
courage et les mœurs guerrières dés peuples de l'ancienne*
Italie. On pourroit penser que le discours de{ Numanus
est un peu trop long pour un guerrier qui est sur le champ
xlc bataille. Il est probable que Virgile ne lui auroit point
donné cette étendue , s'il n'avoit eu un excellent motif:
3. s'agit d'une victoire que va remporter le* jeune Ascagne ;
il étoit convenable d'y faire arrêter l'attention du lec-
teur. Les qualités et les vertus militaires dont se vante si
longuement et si poétiquement Numanus servent d'ail-
leurs à rehausser la gloire de son jeune vainqueur.
It clamor totlc per propngnacula xnurii :
Intendant acres arens , amentaqne torquent.
Sternituromne tolumtclit : tum «cuta cavaeqne
Dant sonitum flictu gale* : pugna aspera surgit,..
Ce combat qui s'engage est un des passages de V Enéide
auxquels, pour nous servir d'une expression de Pope,
4<i~
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Hi REMARQUES
Jlomère a mis le feu. Le poète grec n'a point de descrip-
tion plus rapide , plus vive et pins animée j rien n'égale
la richesse de cette comparaison , où le poète représente,
a Tapproche d'une constellation orageuse , la tempête
jtrui brise le sein des nuages , cœlo cava nubila rumpit ,
et fait tomber la grêle et la pluie sur la terre et sur la mer :
verberat imber humum ; multd grandine nimbi in.
vada prœcipitant ; torquet aquosam hiemem. Tonte»
ces expressions , et surtout les dernières , donnent une
idée parfaite de l'agitation et de la tourmente des élé?
mens , et présentent une fidèle image'de la fureur des
combats. Virgile a dans ce morceau plusieurs autres
comparaisons ; il ne les a pas tontes prises a Homère , et.
elles prouvent que le poète latin étoit souvent plus heu-
reux en suivant son propre génie qu'en imitant les poètes
de la Grèce. La manière dont Turnus s'introduit dans le
camp ennemi , et la frayeur des Troyens à son aspect ,
ad lèvent de peindre la confusion et le désordre de la
bataille. Cette situation est d'un intérêt dramatique et
conforme aux préceptes d'Aristote , qui recommande aux
poètes épiques d'employer quelquefois les mobiles de la
tragédie ; elle est exprimée en quelques mots ; et Virgile,
qui a tout le feu d'Homère , l'emporte sur son rival par
son énergique précision. On peut avec raison appliquer
au chantre d'Énée ce que Pline disoit de Timanthe , un
des plus grands peintres de la Grèce : Timanthi pluri*
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SUR LE LIVRE IX. 5^5
piutn adfuit ingenii in omnibus operibus ejus ; in*»
telligitur enim plus semper quàm pingitur.
Virgile, à la fin de ce neuvième livre, relève avet
beaucoup d'art le caractère de Turnus , et il le relève
ainsi dans le dessein de faire éclater davantage la gloire
d'Énée , qui sera bientôt son vainqueur : le dieu Mars
pousse lui-Brème le héros toscan ; Junon tremble pour
lui ; et le dieu du Tibre le reçoit sur ses ondes pour le
rendre a ses compagnons*
Virgile annonce clairement qu'il a voulu donner h
Turnus le caractère d'Achille ; il chante les Troyens, et
c'est une heureuse idée que d'avoir fait renaître en
quelque sorte le fils de Thétis pour l'immoler aux mânes
xTllion : ce trait rappelle et réalise déjà la prédiction
tTAnchise dans le premier livre :
« Un jour t on jour viendra qu'en tout lieux triomphant,
» A la tuperbe Argos', à la fière Myeènet,
» Le «ang d'Aasaracua imposera de« chainet;
• Et leg fila des vaincue , tout-puissans à leur tour ,
» Aux enfaua des vainqueur» commanderont un jour. •
Le caractère d'Achille est le plus beau caractère de U
poésie épique ; et la ressemblance qu'il a avec Tnrnus a
fait craindre , comme nous l'avons dit , que ce rival
d'Énée ne fut plus intéressant que le héros même de
V Enéide. On auroit dû cependant se pénétrer de ectt»
^érké*, qu'un caractère épique est plus ou moins beat*;
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îlfi REMARQUES
selon qu'il est plus ou moins conforme au but que le
poète se propose. Dans V Iliade, AcluDe est un héros
plein de valeur; mais sa valeur tient essentiellement de
la colère. Homère a voit a parler de la guerre, ou plutôt
de la destruction de Troie , et la colère étoit nue passion
convenable au but qu'il s'étoit propose. Virgile , au con-
traire, chante l'origine d'un empire ; testassions furieuses
ne convenoient ni a son sujet ni a son héros. La colère
peut détruire une ville ; mais elle ne peut fonder un grand
état. Ainsi le caractère d'Achille aurojt paru déplacé dans
le héros de Y Enéide; et Virgile a fait sagement de don-
ner ce même caractère à Turnus qu'il oppose au fonda-
teur de Rome.
Virgile , en effet , comme on l'a tu , présente Turnus
comme un guerrier furieux. A l'imitation d'Homère , il
compare ce nouvel Achille au lion , et le lion est le sym-
bole, de la fureur. Horace nous Apprend que lorsque
Prométhée forma l'homme de ce que chaque animal
«voit de propre , ce qu'il emprunta du lion fut la colère.
Stace a voulu aussi donner à Tydée le caractère d'A-
chille ; mais il n'a pas montré la même sagesse que Vir-
gile dans son imitation. Il fait manger a son héros la tête
de son ennemi , il lui fait boire le sang qui en jaillit , lui
fait fouiller jusqu'à la cervelle pour la dévorer , sans que
ses compagnons puissent le calmer et lui arracher cette
proie:
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SUR LE LIVRE IX. 547
Jktqne illaw effracti perfuram tabe cerebri
Asplcit , et vivo ccelëraotem sanguine faact •
Nec comités tuferre valent.
Toutes ces images sont dégoûtantes ; ce caractère de
fdee est un caractère i
est pris dans la nature.
Tydee est un caractère monstrueux, et celui de Turc us
FIX 9V TOME TROISIÈME»
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Digitizedby GoOgle
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Digitizedby GoOgk
JUN I 2 1931
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