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Full text of "L'Orestie d'Eschyle : Traduction nouvelle"

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in  2011  with  funding  from 

Univers ity  of  Toronto 


http://www.archive.org/details/lorestiedeschyleOOaesc 


OUVRAGES  PARUS  PRÉCÉDEMMENT  DANS  LA  MÊME  COLLECTION 


LE  GENIE  LATIN 

La  Race.  —  Le  Milieu.  —  Le  Moment.  —  Les  Genres 
PAR  ii.  ^IICIIALT 

ANCIEN    ÉLÈVE   DE    l,*ÉCOLE   NOIIMALE    SUPÉRIEURE 
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PASCAL 

L'Homme.  —  L'Œuvre.  —  L'Lnfluence 
Deuxième  édition^  pah  V.  GIRAUD 

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l'ROIESSEUR    DE    LITTÉRATURE    FRANÇAISE    A     l'uNIVERSITÉ    DE     KRIBOUUG    (SuiSSC) 

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MARG-AURÈLE 

PENSÉES 

Traduction   nouvelle 

DEUXIKMK     ÉDITION,     HEVUK     KT    CORRIGÉE 

PAU  O.  MICIIALT 

PROFESSEUR  A  l'uNIVKRSITÉ   DE   FRIBOURG   (SUISSE) 

Un  volume  in-16  écu  (1902) îi  fr.  oO 


L'ŒUVRE  SOCIALE 

DE 

LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

AVEC  UNE  INTRODUCTION  DE  M,   MlKlîle  FAGUET 

DE  l'académie  française 

"  SUR  LES  IDÉES  MAITRESSES  de  la  RÉVOLUTION  " 

Avant-propos.  —  Introduction.  —  Le  Socialisme  et  la  Révolution, 
pjir  M.  LicHTKNBKRGBR.  —  Lcs  Doctrines  de  l'Éducation  révolution- 
naire, par  M.  Maurice  Wolkk.  —  La  Propriété  foncière  et  les  Paysans, 
par  M.  Ph.  SAtiNAc.  —  La  Révolution  et  le  Clergé,  par  M.  Cahen.  — 
L'Armée  et  la  Convention,  par  M.  LKVY-ScnNKinKR. 

Un  fort  volume  in-i6  écu  ri901) o  fr. 


OUVRAGES  PARUS  DANS  LA  MÊME  COLLECTION  (suite) 


PETRONE 

L'ENVERS  DE  LA  SOCIÉTÉ  ROMAINE 

Deuxième  édition 
PAR  M.  E.  THOMAS 

PROFESSEUK    A    l'uNIVEKSITÉ    DE    LILLE 

Un  volume  in-16  écu  (1901) 3  f i .  50 


LES    ÉPOQUES 


DE     LA 


PENSEE    DE    PASCAL 


Deuxième  édition 


PAR  G.  MICHAUX 

ANCIEN    ÉLÈVE    DE    l'ÉCOLE    NORMALE   SUPÉRIEURE 
PROFESSEUR     A     L'cNIVERSITÉ     DE     FRIBOURG      (SuisSe) 

Un  volume  in-16  écu  (1902) 3  fr.  50 


L'Orestie  d'Eschyle 


PAUL    MAZON 

AtiKii'iii  ui;s  i.i.iiKhs 

A  N  C  I  K  N      li  L  H  V  K      U  H      l'  U  N  I  V  E  R  S  I  T  lï      D  K     PARIS 

Hi-  Dit  l'École  pkatique  des  hautes-études 


L'Orestie 


d  Eschyle 


TRADUCTION    NOUVELLE 


PUBLIEE 


Avec  une  Introduction  sur  la  légende,  un  Commentaire  rythmique 

et  des  Notes 


PARIS 

ANCIENNE    LIBRAIRIP:    THORIN    ET    FILS 

ALBERT    FONTEMOING,    ÉDITEUR 

4,     RUF    LE    GOFF,    4 
1903 


A    MON   MAITRE 

mciiMeuiO  mAURICE  'eROISET 

Honimngc  de  respectueuse  reconnaissance 

P.  M. 


Avertissement 


Le  texte  partout  suivi  est  celui  de  Weil  [Teub- 
ner^  i8c)i).  Lorsque  ce  texte  est  manifestement 
altéré^  on  a  traduit  Les  conjectures  proposées 
au  bas  des  pages.  Quand  V éditeur  n\i  pas 
même  offert  ce  remède  à  un  mal  qu^ il  jugeait 
trop  profond .  on  a,  soit  résumé  le  sens  géné- 
ral qu^on  a  cru  pouvoir  deviner  sous  les  mots 
corrompus,  soit  emprunté  ailleurs  des  conjec- 
tures qu'on  a  toujours  eu  soin,  en  ce  cas,  de 
citer  dans  les  Notes. 

On  a  surtout  recherché  V exactitude  et,  par 
conséquent ,  la  clarté.  Eschyle  n\'st  point 
obscur.  Seulement  sa  langue  est  synthétique  et, 
par  suite.,  impossible  à  calquer  en  vrai  fran- 
çais. On  ne  doit  donc  pas  songe /•  à  t /'a du  ire 
ses  mots.,  mais  ses  idées  :  il  faut   analyse/'  là 


Vm  AVFJîTiSSKMKNT 

Oïl  il  a  condensé.  C'est  une  infidélité,  sans 
doute,  mais  une  infidélité  nécessaire,  et  moins 
choquante,  à  coup  sûr,  que  de  rendre  une 
poésie  vigoureuse  et  rapide  par  une  prose 
indécise  et  cahotante.  Il  y  a  dans  Eschyle  des 
idées  qui  se  suivent^  au  moins  autant  que  des 
images  qui  ^e  heurtent. 

Le  mouvement  n'a  été  sacrifié  qu'à  la  clarté, 
dans  de  rares  passages  où,  véritablement,  il 
fallait  choisir  entre  les  deux.  Partout  ailleurs, 
on  s'est  efforcé  de  rendre  quelque  chose  de 
l'allure  du  grec.  C'est  pourquoi  on  s  est  im- 
posé de  rythmer  la  traduction  des  sticho- 
mythies.  Ces  parties  de  la  tragédie  ont  déjà, 
dans  le  texte,  une  gaucherie  naïve  qui  sur- 
prend et  amuse;  en  français,  le  charme  de  la 
naïveté  disparaît  et  la  gaucherie  reste.  On 
s'excuse  donc  de  la  raideur  et  de  la  platitude 
de  ces  copies  :  la  platitude  est  du  traduc- 
teur, mais  la  raideur  est  souvent  de  Vori- 
ginal. 

On  a  cherché  aussi  à  faire  saisir  à  des  lec- 
teurs modernes  la  variété  d'une  tragédie 
grecque.  On  a,  pour  la  leur  rendre  plus 
sensible,  imprimé  en  el^évirs  les  parties  réci- 
tées, en  italiques  les  parties  chantées,  en  ca- 
ractères romains  les  parties  débitées  sur  un 
accompagnement  instrumental,  comm^e  les  mélo- 
drames de  certains  de  nos  opéras. 

On  a  même  essayé  de  dégager  le  caractère 


AVERTISSEMENT  IX 

des  rythmes  employés  par  le  poète.  Ce  n'est 
pas  que  ce  caractère  soit  encore  saisissable 
pour  des  oreilles  modernes  dans  le  texte  grec. 
Ce  n'est  pas  davantage  qu'on  puisse  par  des 
raisonnements,  si  subtils  qirUs  soient,  attri- 
buer tel  caractère  à  tel  rythme  :  les  rythmes 
n'existent  point  abstraitement,  et  nous  ne 
connaissons  pas  les  rythmes  d'Eschyle  réa- 
lisés, puisque  le  texte  musical  de  ses  chœurs 
n'est  pas  venu  jusqu'à  nous.  Nous  savons 
même  par  Aristoxène  —  et  nous  l'aurions  con- 
jecturé aisément  —  que  «  la  réalisation  du 
rythme  admettait  de  multiples  changements  >^. 
—  Seulement,  là  oii  nous  ne  pouvons  deviner 
par  nous-mêmes,  nous  pouvons,  du  moins, 
écouter  les  témoignages  autorisés  de  l'anti- 
quité. Quand  les  anciens  nous  définissent,  avec 
une  certaine  précision,  rinip/'cssio/i  qii^un 
rythme  leur  faisait  éprouver,  pourquoi  ne  les 
croirions-nous  pas?  —  Supposons,  en  outre., 
que  le  caractère  d'un  rythme  isolé  reste  toujours 
un  peu  indécis,  cette  indécision  disparaît  en 
grande  partie,  dès  que  ce  rythme  est  opposé  à 
un  autre.  —  Enjîn  l'intoition  musicale  du  poète 
musicien  peut  être  parfois  soulignée  par  le 
texte  poétique  lui-même  :  la  modulation  ryth- 
mique peut  correspondre  à  un  changement 
dans  les  idées,  et  l'adaptation  des  rythmes 
aux  thèmes  poétiques  nous  apparaître  alors 
par  la  simple  analyse  du  texte.  —  Et  ainsi  de 


a  AVr.IîTISSKMFA'T 

ces  divers  cléments,  lêmoignafrcs  antiques, 
opposition  ou  juxtaposition  fréquente  de  cer- 
tains rythmes,  parallélisme  des  modulations 
rythmiques  et  des  mouvements  de  la  pensée, 
il  se  forme  dans  l'esprit  du  lecteur  averti 
une  impression  asse^précise,  qui  na  pas,  sans 
doute,  une  valeur  scientifique  indiscutable, 
mais  qui  éclaire  si  vivement  les  textes  an- 
tiques qu'il  serait  vraiment  étrange  que  ce 
ne  fut  qu'une  illusion  de  moderne. 

On  a  accompagné  cette  traduction  de 
quelques  indications  scéniques.  Elles  ont  en- 
core moins  de  prétention  scientifique  que  les 
indications  musicales.  On  a  considéré  comme 
admis  qu'au  m, oins  à  V époque  d'Eschyle,  les 
acteurs  jouaient  dans  VOrchestra.  On»,  s'est 
conformé  aux  indications  des  lexicographes 
anciens  sur  la  signification  des  entrées  et 
des  sorties.  On  s'est  inspiré  aussi  de  quelques 
peintures  de  vases  relatives  à  la  légende 
d'Oreste.  Les  autres  remarques  qu'on  a  cru 
devoir  faire  pour  faciliter  la  lecture  du 
drame  d'Eschyle  ne  sont  même  pas  des  hypo- 
thèses :  ce  sont  des  fantaisies  vraisemblables. 
On  a  dû  beaucoup  —  là  comme  ailleurs  —  à 
M.  de  Wilamowit^-Mœllendorjf. 

On  a  cru  devoir  ajouter  aussi  à  la  traduc- 
tion quelques  notes  destinées ,  soit  à  la  justi- 
fier, dans  les  passages  où  l'interprétation 
adoptée  peut  paraître  le  plus  contestable.,  soit 


AVERTISSEMENT  XI 

à  la  compléter,  lorsqu'on  s'est  vu  forcé  iVabré- 
ger  on  tVafjaihlir  un  texte  intradnlslble.  On 
ny  tronvera  point  cV explications,  même  ponr 
les  vers  les  pins  difficiles,  lorsqn'nn  commen- 
taire clair  et  définitif  de  ces  passages  se 
tronve  déjà  dans  les  éditions  conrantes  de 
Wecklein  on  de  Weil . 

On  a  pensé  qn'il  y  anrail  qnelqnc  intérêt  à 
exposer  brièvement  ce  que  nons  pouvons  sa- 
voi/'  de  la  légende  d'O reste  avant  Eschyle, 
afin  de  montrer  qnelle  a.  été  Vinlention  du 
èoète  en  renouvelant  ce  sujet.  On  s\\st  appuyé 
àur  des  textes  précis  autant  qn\^n  fa  pu;  à 
ùéfaut  de  textes,  sur  des  témoignages  plas- 
kques.  Il  a  bien  fallu,  malheureusement,  y 
(jouter  quelques  hypothèses  :  on  s'est  efforcé 
Of'  n'en  présenter  que  de  conformes  aux  vrai- 
Â'uiblances  historiques. 

On  sent  —  mieux  que  personne  ne  pourra 
l\  faire  —  les  imperfections  de  ce  travail. 
Une  l raducl ion  ne  peut  satisfaire  aucune 
c'asse  de  lecteurs  :  elle  n\'st  jamais  asse^ 
Jïièle  pour  qui  peul  la  comparer  avec  le  texte  ; 
e le  manque  de  liberté  et  de  saveur  pour  qui 
l\  lit  comme  une  œuvre  originale.  On  sera 
r\connaissant  et  docile  aux  critiques  qui  per- 
mettront d\iméliorer  un  peu  celle-ci. 

On  remercie  enjln  tous  ceux  qui  ont  bien 
vfulu  s^ intéresser  à  ce   livre,  MM.  Foifgè/'es, 

'srousseaux,      Desjardins,     Bodin,     Laloy, 


XII 


.\\i:mtissi:mknt 


Biiry,  à  ijiii  ron  doil  des  encouragements,  des 
conseils  el  douilles  corrections  ;  et  surtout 
MM.  Alfred  et  Maurice  Croiset,  dont  la  mé- 
thode pénétrante  et  sûre  est  le  înodèle  qu'on 
s'est  toujoiLrs  proposé. 


i""  septembre  ic;o2. 


INTKODIJCTION 


La  légende  d'Orcsle  a  été  successivement  trai- 
tée par  l'épopée  ionienne,  le  lyrisme  doi'ien  el  le 
drame  altique,  et  chacun  de  ces  genres  l'a  loca- 
lisée dans  une  ville  différente,  Mycènes,  Amy- 
clées  etx\rgos. 

Au  fond  de  l'Argolide  nourricière  de  chevaux', 
se  dresse  l'acropole  de  Mycènes.  Adossée  à  des 
monts  abrupts  et  nus,  protégée  par  une  colline 
allongée  qui  lui  sert  de  rempart  du  côté  de  la 
plaine,  elle  commande  à  tout  le  pays  d'Argos 
jusqu'à  la  mer  et  surveille  le  délilé  qui  rattache 
les  rivages  de  h\  mer  Egée  à  ceux  du  golfe  de  Co- 
rinthe.  Son  enceinte  courte  et  épaisse  n'évoque 
|)as  l'image  d'une  ville ',  mais  bien  plutôt  d'un 
chàteau-l'orl,  où  de  rudes  et  jHiissants  seigneurs 
guettaient  les  occasions  propices  au  piUage  et 
entassaient  leur  l)utin. 

1.  Cf.   Odyssre,  HI,  203  :  {aj/(o  "Apv£o:  I--000T010. 

2.  Cf.  Thucydide,  I,   10,  1. 


\iv  i\TiîoniT:Tiox 

Mycèiies  aviiit  (Hé  l'ondée  par  Persoc,  el  la  dv- 
iiaslio  (le  Persée  y  avait  r<'î^né  jusqu'à  KiirNsllMM'. 
Aux  l*erséi(les  avaient  succédé  les  fils  de  lN''loj)S  ', 

Atrée  d'ahord,  puis  son  frère  Thvesle^.  Tliveste 

'I  ti  t) 

mourant  avait  l'cmis  à  A^amemnon,  lils  d'Atrée, 
le  sceptre  jadis  donné  par  Zeus  à  IN'dops.  La 
royauté  d'Agannemnon  était  déjà  la  plus  consi- 
dérable de  la  Grèce.  Il  commandait  à  lArgolide 
entière  el,  par  sa  flotte,  à  de  nombreuses  îles  de 
la  mer  Egée'\  Les  trésors  que  les  Pélopides 
avaient  apportés  de  l'Asie^  s'accroissaient  main- 
tenant des  tributs  ou  des  rançons  qu'exigeait  de 
ses  vassaux  et  de  ses  prisonniers  le  souverain 
de  Mycènes,  et,  dans  le  monde  achéen,  les  aèdes 
ne  cessaient  de  chanter  la  gloire  du  «  roi  de 
Mycènes  pleine  d'or  ^  ». 

Quand  l'outrage  fait  à  Ménélas  par  Paris  unit 
tous  les  Grecs  contre  Troie,  Agamemnon,  chef 
de  la  i)lus  nombreuse  flotte  d'Achaïe,  se  trouvait 
tout  désigné  pour  le  commandement  suprême *". 
11   l'accepta  et  équipa  ses   nefs   et  son  armée. 

1.  Cf.  Thucydide,  I,  0,  2. 

2.  Cf.  Iliade,  II,  106. 

3.  Cf.  Iliade,  108,  et  les  réflexions  de  Thucydide  (I,  0,  4)  sur 
ce  vers. 

4.  Thucydide,  I,  9,  2  :    -Ir'fiv.   •/sr,aâ-:a)v  a  r,AOcV  £■/.  -r]ç  'A^-a; 

5.  Cf.  Iliade,  VII,  180,  et  XI,  46  :  ,3a7iÀf,x  -oÀj/ojaoïo  Mj/.v/TjÇ. 

6.  Cf.  Thucydide,  I,  U,l. 


INTRODUnTÎON  XV 

Une  inquiétude  pourtant  l'obsédait  :  on  son 
absence,  que  deviendrait  Mycènes?  Il  n'y  laissait 
que  sa  femme  Clytemneslre.  Un  coup  de  force 
n'était  guère  à  craindre  contre  l'imprenable  for- 
teresse. Mais  de  la  ruse  une  femme  se  défend 
mal  :  un  ennemi  ambitieux  et  adroit  pouvait 
tromper  Clytemnestre,  se  faire  ouvrir  les  portes 
de  Mycènes,  s'emparer  des  trésors  des  Pélopides. 
Un  sage  conseiller  saurait  seul  ouvrir  les  yeux 
d'une  femme  crédule  et  la  préserver  des  em- 
bûches. Auî)rès  de  Clytemnestre,  Agamemnon 
plaça  donc  un  aède  ^  un  inspiré  des  dieux,  à  qui 
le  ciel  avait  donné  de  connaître  le  bien  et  le  mal', 
et,  après  l'avoir  sup[)lié  à  maintes  reprises"^  de 
défendre  Clytemnestre,  il  partit. 

Or,  àArgos'',  vivait  le  fils  de  ïhyeste,  Kgisthe, 
vassal  d'Agamemnon  ;  il  convoitait  le  sceptre 
qu'avait  porté  son  père.  L'occasion  s'olTrait  à  lui 
de  le  conquérir  sans  violence.  Il  entreprit  de  sé- 
duire Clytemnestre.  Il  lit  de  fréqu(;ntes  visites  à 

1.  Cf.  i)dyssce,  III,  267. 

2.  Cf.  (kii/sscc,  VIII,  63. 

;{.  Cf.  Odysi^rc,  IIF,  267  :  tzôXV  i::i-i)J.E. 

4.  Kgistho  est  un  vassal  d'AgamemnoM  ;  il  lial)ile  un  des 
bourgs  de  la  plaine,  Argos.  Si  Ton  n'admet  pas  rette  liypo- 
tlièse,  les  mots  âzà;  ''Apyso;  [Od.,  111,260)  deviennent  inintel- 
ligibles :  Kgislln;  habite  Argos;  en  Tabsence  d'Agamemnon,  il 
séduit  Clytemnestre  et  l'emmène  dans  sa  maison  (cf.  j».  XVII, 
n.  2)  ;  si  Ménélas  était  alors  revenu  en  (irèce  et  avait  surpris 


X\l  l\TI{()l)[;CTir)\ 

Mycèncs',  (il,  piii-  (\i'<  |)îii'()1(;s  llatUîUscs,  com- 
meru;a  à  ^Jign(;r  le  cœur  de  la  reino.  Klle  l'ésis- 
tail  ccpendanl;  son  cjvur  était  lionnôte ',  et  elle 
craignait  l'aède,  témoin  de  sa  faiblesse. 

Mais  les  dieux,  dans  leur  |)rescience,  voyant 
les  maux  qu'Egisthe  allait  attirer  sur  sa  tête  par 
sa  propre  folie,  eurent  pitié  de  lui  et  lui  en- 
voyèrent Hermès  avec  ce  message  :  (^  Ne  prépare 
point  la  mort  d'Agamemnon,  ne  recherche  pas 
son  épouse  ;  car  tu  payeras  ton  crime  en  tom-  \ 
bant  sous  les  coups  d'Oreste,  petit-fils  dWtrée, 
le  jour  où,  devenu  un  adolescent,  il  sentira  le 
désir  de  sa  terre  ^  .»  L'avis  des  dieux  était  un  \ 
conseil  bienveillant'.  Égisthe  n'y  crut  pas. 

Alors  les  dieux  l'abandonnèrent  :  son  sort  fut 
fixé  et  sa  destinée  s'accomplit  '\  Il  s'empara  de 
l'aède,  le  lit  jeter  dans  une  île  déserte,  pour  qu'il 


l'usurpateur,  il  eût  fait  jeter  son  corps  dans  la  plaine,  loin  d^Ar- 
gos,  sa  ville,  où  il  aurait  dû  être  enseveli.  Ailleurs  flV,  517}, 
le  pays  d'Égisthe  et  de  ïhyeste  est  donné  comme  placé 
àypoù"  £-'£a/aT''7]v,  à  V extrémité  de  la  plaine.  Or,  pour  un  My- 
cénien, Argos,  adossée  au  mont  Larisa  qui  ferme  TArgolide 
au  sud-ouest,  est  bien  le  dernier  bourg  de  la  plaine, 
i.  Cf.  Odyssée,  111,  264. 

2.  Cf.  Odysfiée,  III,  266  :  çotaî  yào  y.iypr,-'  àyaO^T'.. 

3.  Cf.  Odyssée,  I.  37  sqq. 

4.  Cf.  Odyssée,  I,  43  ;  àyaôà  ooo^dMv. 

5.  Cf.  Odyssée,  III,  269.  Le  pronom  u-v  ne  peut  se  rapporter 
qu'à  Égisthe. 


INTHODUCTIOX  W  II 

servît  de  pâture  aux  oiseaux',  et,  ayant  vîiiucu 
les  dernières  résistances  de  Clytemnestre,  il  la 
conduisit  à  Argos -^  et  l'épousa  solennellement. 
D'innombrables  cuisses  de  bœufs  brûlèrent  sui' 
les  autels  divins;  d'innombrables  offrandes,  riches 
tissus  et  bijoux  d'or,  furent  suspendues  aux  murs 
des  sanctuaires  '\  Kgisthc  avait  obtenu  |)lus 
qu'il  n'avait  jamais  osé  espérer',  la  |)uissance 
royale,  les  richesses  de  Mycènes,  et  la  femme, 
«  doux  joyau'  de  ces  trésors  ». 

Mais  il  fallait  craindre  maintenant  le  retour 
du  roi  légitime.  Agamemnon  pouvait  débarquer 
brusquement  au  rivage  d'Argos  et  surj)rendre 
l'usurpateur''.  Égisthe  sut  prévoir  et  se  garder. 
il  conduisit  lui-même^  sur  une  hauteur  un  de 
ses  esclaves  les  plus  dévoués,  lui  promit  l'énorme 
salaire  de  deux  talents  d'or'^  et  l'établit  là  gar- 
dien du  golfe  d'Argos.  Une  année  s'écoula  ainsi. 
Un  jour,  le  veilleur  aperçut  les  vaisseaux  argiens. 


1.  Cf.  Och/ssce,  III,  270  sq. 

2.  Cf.  0(lyS!^L'Cj  III,  272  :  ovoî  8o[xovo£.  Voyez  p.  XV,  n.  4. 

3.  Cf.  Odyssée,  III,  273  sq. 

4.  Cf.  (hh/sscc,  III,  275. 

;>.  Cf.  Escliyle,  Agamennion ,  741  :  à/.aaxaïov  ayaXaa  -àojtoj. 
G.  Cf.  Odyssée,  IV,  527. 

7.  Cf.   Odyssée,  IV,  524  sq.  :  ô'v  ca  /.aOîiie  |    Ai'Y'.aOo;  ôoXoar^Ti; 
aytov. 

8.  Cf.  (klyssée,  IV,  525  sq. 


XVITI  FNTROnrnTTON 

Il  courut  avertir  son  niaîlrr.  A^am(;mnon  mettait 
le  pied  sur  le  rivag(;  et,  vers.ant  des  pleurs  hrfi- 
lants,  adorait  la  tei're  pateinelle  \  quand  il  vil 
venir  à  lui  le,  char  (ri']gisthe  '.  Le  saluant  au  nom 
de  ses  vassaux,  Kgistlie  l'invitait  à  venir  à  Argos 
où  Ton  fêterait  par  un  banquet  son  heureux 
retour.  Agamemnon  suivit  Kgisthe  et,  comme 
un  bœuf  qu'on  mène  à  l'étable  pour  l'assommer 
devant  la  crèche-^,  il  vint  tomber  devant  la  table 
du  festin  sous  les  coups  de  son  ennemi.  Ses 
compagnons  voulurent  le  défendre.  Mais  Kgistbe 
avait  caché  vingt  de  ses  meilleurs  guerriers  près 
de  la  salle  ;  une  lutte  terrible  s'engagea  :  tous  les 
compagnons  d'Agamemnon  périrent  et  tous 
ceux  d'Égisthe^.  Égisthe  resta  seul  survivant  de 
cette  scène  de  carnage. 

1.  Cf.  Odyssée,  IV,  521  sqq. 

2.  Cf.  Odyssée,  IV,  533,  Ïk-oicv/  xal  o/saçiv. 

3.  Cf.  Odyssée,  IV,  ri33  :  oie  -iç  te  xatr/.Tave  [jO\j'^  l'î  ç^Tvr;. 

4.  Cf.  Odyssée,  IV,  536  sq.  Il  n'y  a  pas  de  raison  de  sus- 
pecter le  vers  537;  il  semble  môme  que  cette  scène  de 
massacre  dût  être  une  des  plus  saisissantes  des  épopées  com- 
posées sur  le  meurtre  d'Agamemnon,  car  les  mêmes  traits  se 
retrouvent  dans  les  vers  418  et  suivants  du  chant  XI,  qui  se 
rapportent  pourtant  à  une  forme  déjà  plus  avancée  de  la 
légende  (cf.  p.  XXIV)  : 

'AXXâ  Xc  xîiva  [j.âÀ'.c>TX  'orov  oXocpucao  6'ju.tp. 

xs'.asO'  sv  (  u.=yào(o,  oàzsoov  ô   à-av  a'.'aaTi  GO"£v. 


INTHODUCTION  XIX 

Puis  il  i'<'^iia  s('|)l  jiiis'.  I^e  peuple  lui  obéis- 
sait sans  murmure.  Mais,  suivant  la  menace 
divine,  Oresie  f^randissail  loiri  de  rAr^oliiie,  à 
Athènes,  au  milieu  des  ennemis  de  sa  patrie'^, 
mais  à  l'abri  des  li'aîtrises  d'Kgisthe.  Un  joui-,  il 
levint  à  Argos,  tua  Tusurpateui*  et,  pour  honorer 
les  mânes  de  son  père,  enseveli  jadis  en  silence, 
célébra  solennellement  les  funérailles  d'Aga- 
memuon^  Le    même  jour,  iVb'né'Ias,  suivi  d'une 

1.  C\\   (hh/ssrr,   III,  :U):i. 

2.  Peiulant  la  proniièie  piTiodc  ch;  l'invasion  iloiicnnc, 
Athi'nps  était  le  poste  avancé  de  Tenvahisseur,  celui  d'où  il 
guettait  riieure  propice  pour  pénétrer  dans  le  Péloponnèse. 
(]'est  peu  (Tannées  auparavant  qu'Eurysthée  était  mort  on 
Attique,  en  luttant  contre  les  Héraclides  (Thucydide,  I,  0,  2). 
Les  rois  de  iMycènes  n'avaient  sans  doute  dans  le  Pélopon- 
nèse que  des  vassaux  ou  des  alliés.  Le  refuge  le  plus  proche 
et  le  plus  sûr  à  la  fois  du  jeune  Oreste  devait  être  la  ville 
ennemie  la  plus  voisine  d' Argos,  Athènes.  Le  séjour  d'Oreste 
en  Phocide  ne  fut  inventé  sans  doute  que  plus  tard,  à 
ré|)0((ue  où,  les  dieux  intervenant  dans  le  drame,  il  parut 
nécessaire  que  le  vengeur  prrdit  par  les  oraclrs  de  Pytho,  guidé 
dans  son  clan  par  les  conseils  d'un  dieu  {Chocph.^  940  sq.),  eût 
grandi  d'ahord  à  Tombre  du  sanctuaire  deliihique. 

3.  Aucun  passage  du  texte  homérique  ne  nous  laisse  deviner 
comment,  dans  la  vieille  épopée,  avait  lieu  le  retour  d'Oreste 
et  le  meurtre  d'Rgisthe.  Pourtant,  comme  les  vieux  aèdes 
semblent  ne  pas  trop  s'écarter,  en  général,  d'une  certaine  vrai- 
semblance historique,  il  est  permis  de  conjecturer  qu'Oreste, 
s'il  revenait  d'Ailleurs,  n'en  irven.iit  |>as  seul  :  il  av.iil  du 
tit>iiv('r  parmi  b's  Doriens  des  volontaiies  |»réts  à  tenter  une 
aveiituit'  dans  ce!  empire  myct-nien  jns(|iit'-là  fermé'  l\  leurs 


\\  INTItODICTioN 

ll()ll«;  chiii'^éc  (Tun  inirri(;ns(;  hulin,  aiiiv;iil  ;i 
Argos'.  Les  rélo|)i(Irs  iHMlevcniiifînl  les  maîtres 
souveniins  cl  opulents  «  de  iMycènes  pleine  cror  ». 

Telle  esl  la  l'orme  aclj(M!nne  de  la  lé'^ende. 
Kïïii  ne  contient  pas  d'autre  idée  relij^ieuse  que 
celle-ci  :  Fhomme  est  lui-même  Tartisan  de  sa 
perte  et  ajoute  par  sa  folie  aux  peines  que  le 
destin  lui  avait  réservées  ~.  Mais  nulle  malédic- 
tion ne  pèse  sur  la  race  des  Pélopides  ;  nulle 
haine  n'a  divisé  les  pères,  Atrée  el  Tliyesle;  la 
transmission  du  sceptre  s'était  faite  régulièi-e- 
ment,  suivant  les  volontés  deZeus ',  jusqu'au  jour 
où  Tambition  d'un  homme  a  voulu  devancer 
l'ordre  des  destinées  et  jouir  prématurément  de 
la  royauté  mycénienne. 

Mais  cet  homme  devient  alors,  par  son  initia- 
tive même,  le  vrai  héros  de  l'épopée  ;  c'est  un 
aventurier  hardi  qui  sait  vouloir  et  prévoir.  Après 
de  longues  tentatives  de  séduction,  il  sait  brus- 
quer les  événements,  se  débarrasser  de  l'aède 
qui  représente  l'époux  absent  auprès  de  Clytem- 

convoitises,  et  il  était  venu  alors,  à  la  tête  d'une  troupe  hardie, 
attaquer  Égisthe  dans  son  palais.  Égisthe  tombait  au  milieu 
de  ses  gardes  après  une  lutte  sanglante,  comme  était  tombé 
Agamemnon  (cf.  p.  XVIII,  n.  4). 

1.  Cf.  Odyssée,  III,  311  sq. 

•2.  Cf.  Odyssée,  I,  33  sq. 

3.  Cf.  Iliade,  II,  103  sqq. 


INTRODUCTION  XXI 

neslre,  et  jeter  un  défi  aux  dieux  en  épousant 
réponse  d'Agamemnon,  suivant  tons  les  l'ites, 
au  inilieu  d'une  soiennitt'  insolente.  C'est  lui- 
niênie  qui  eonduil  le  veilleur  à  son  poste  et 
s'assure  à  prix  d'oi'  sa  (ich'lilé;  c'est  lui  (jui  le 
premier  vient  au-devant  d'A*;ameiTinon  sur  le 
riva«2;e  et  l'invite  à  sa  table'.  Le  crime  commis, 
il  est  un  grand  roi  qu'on  respecte  et  qu'on  craint  '. 
Clytemnestre  est  une  femme  faible  et  sans 
v()lont(''.  Kl  le  cède  non  à  l'amom',  mais  à  une 
volonté  plus  forte  qui  l'obsède  et  s'impose  à  elle, 
i^^llcî  ne  prend  vraisemblabbunent  pas  de  part  au 
meurtre  d'Agamemnon,  et,  quand  son  fils  rentre 
en  vengeur  dans  sa  patrie,  il  n'a  [)as  à  la  frap- 
per ^  Le  seul  criminel,  c'est  l^gistlie,  qui  a  volé 

1.  Un  vers  de  VOdyssée  (IV,  92)  seml)I<'rciit  pourtant  '\nd\- 
(|U('r  que  c'est  Clyteinnestre  (jui  a  imaginé  le  ijuet-apens. 
Mais  ceci  serait  en  contradiction  formelle  avec  d'autres  pas- 
sa4,'es  de  la  Tr^Xî^xyv.ji  (jui  désignent  nettement  Kgisthe 
comme  IMnventeur  de  la  ruse  :  Al'YiaÔo;  èjxrJaaTo  Àjypôv  oÀjfjpov 
m,  194),  Al'YtTOo;  8oXîr,v  ÈcppâaaaTo  T£/v7)v  (IV,  529).  Si  nous 
(approchons,  au  contraire,  les  mots  ooXo)  ojXofxivr]?  àXo/o-o 
,1V,  92)  de  Tépitliète  ooàoiatjtu  (XI,  422)  d(ninée  à  Clylem- 
neslre  dans  la  Nixjta,  nous  serons  en  droit  de  nous  deman- 
der si  le  vers  du  chant  IV  n'est  pas  une  interpolation  mala- 
droite, qui  se  réfère  non  au  récit  du  meuitre  d'Agamemnon 
(lue  connaît  l'aède  de  la  Télémavhie,  mais  bien  à  celui  que 
résume  l'aède  de  la  NÉxuia. 

2.  Cf.  Odyssée,  III,  .'^04  :  ôi8fjLr,T0  Se  Àao;  -j-'ccÙ-ok 

3.  Le  vers  310  du  chant  III  manquait  dans  les  plus 
anciennes   éditions   de  Vodyssee,  nous  apprennent  les  scho- 


XXII  INTUonUCTION 

la  l'eiTinK;  d'A^iimemnon.  Co  qu'a  d'odioiix  la  si- 
lualion  de  Clylemnestre,  épouse  du  meurtrier  de 
son  mari,  disparaît  quand  succombe  le  coupable. 
La  moil  d'K^istbe  justifie  (^lytemnestre.  Elle 
rentre  dans  1(;  gynécée,  où  elle  vieillit  sans  doute 
respectée,  comme  sa  sœur  Hélène  dans  le  [)alais 
de  Ménélas'. 

Oresle  enfin  n'est  point  un  vengeur  guidé  par 
les  dieux  vers  l'accomplissement  d'une  tache 
sainte.  Il  est  le  prince  exilé  qui  vient  reconqué- 
rir son  trône  et  ses  richesses.  Il  tue  l'usurpateur, 
puis  il  reprend  le  sceptre  saint,  d*on  deZeus  %  et, 
souverain  incontesté,  il  règne  dans  Mycènes. 
—  C'est  une  histoire  banale  de  séduction,  d'usur- 
pation et  de  vengeance,  qui  ne  doit  sa  célébrité 
qu'à  la  destinée  tragique  d'Agamemnon,  assas- 
siné dans  un  festin  le  jour  même  où,  après  dix 
ans  de  guerre,  il  revoit  la  terre  paternelle,  et  au 


lies.  Il  a  été,  sans  doute,  introduit  dans  le  texte  pour  expli- 
quer xacpov.  L'interpolateur  n'a  pas  compris  qu'il  s'agissait 
des  funérailles  d'Agamemnon.  Oreste  est  loué  sans  réserve 
et  par  les  hommes  {Nestor  le  propose  comme  modèle  à  Télé- 
maque,  Odyssée,  III,  196sqq.)et  par  les  dieux  {Odyssée,  I,  30  : 
xrjXsxXuTÔ:  'Opiatr,;,  et  surtout  298  sqq.).  S'il  avait  tué  samère, 
une  réserve  à  ces  louanges  ou,  du  moins,  une  justification  du 
parricide  serait  indiquée  d'un  mot. 

1.  Cf.  Odyss:ée,  IV,  passim.  Il  ne  faut  pas  oublier  qu'Hélène 
tut,  après  sa  mort,  élevée  au  rang  des  déesses. 

2.  Cf.  Iliade,  II,  101  sqq. 


INTRODUCTION  XXI II 

grand  nom  de  Mycènes,  à  ces  trésors  prodigieux 
qui,  fascinanl  Egislhe,  lui  font  repousser  le  con- 
seil des  dieux,  el  qui,  dans  la  scène  linahî  de  la 
vieille  épopée,  viennent  encore  s'accroître  de 
tout  Tor  troyen  que  les  nefs  deMénélas  apportiMit 
aux  rives  d'Argolide.  Le  pouvoir  et  Tor,  voilà  ce 
qui  ici  fait  agir  les  hommes,  voilà  ce  qui  cause 
leur  folie  et  leur  perte. 

C.etle  forme  de  la  légende  est  assurément  la 
plus  ancienne  que  nous  puissions  atteindre.  Elle 
s'est  formée  à  une  époque  où  les  récits  épiques 
lie  s'étaient  pas  encore  pénétrés  les  uns  les 
autres,  où  l'on  ne  suivait  qu'une  seule  ti'adi- 
lion,  la  plus  rapprochée  de  la  vérité  historique, 
sans  rallércr  pour  produire  un  elï'et  dramatique 
nouveau  ou  pour  la  mettre  en  accord  avec  d'aulres 
légendes.  Mais  bientôt  les  aèdes  s'aperçurent  des 
ra|)prochements  auxquels  se  prêtaient  les  divers 
ré('its  de  l'épopée:  ils  cheichèrent  des  analogies 
v\  des  conlrastes.  ('.eux  qui  chantaient  Ulysse 
op[)()sèrent  la  fennne  lidèle,  Pénélope,  à  l'épouse 
adultère,  Clytemnestre '.  (leu\  (jui  chantaient  le 
meurtre  d'Agamemnon  icinarquèrent  ([ue  les 
deux  Atrides  avaient  tous  deux  été  perdus  ()ar 
les  (i(Mi\   Mlles  (le  T\n(lare'.   Clytemnestre  sort 

1.  C'csl  cerlaiiicincnt  iinu  ilt'>   inlciilions  (!<•   r.K'dc  qui  a 
(•()in[io>«''  la  N:y.j'a  (cf.  (hh/ssrc.  M,  4  'i-4  Stjq.). 

2.  Cr.  Odysscc,  XI,  't'M\  siitj.  I,t'  Uièine  devait  être  courant 


XXIV  l\Tl{nnT'r.TK)\ 

alors  (lo  son  offacemenl  primitif.  Kilo  devient 
agissante  :  on  refait  jxxir  clU*  la  scène  du 
menrire'.  Kf^isllie  a  frapjx*  Aj^ameinnoii,  <jiii 
lomhc  sur  réjxM}  nieurlrière^' ;  (llytemnesln*  a 
frappé  ilassandre,  dont  l'appcd  gémissant  par- 
vient jusqu'aux  oreilles  d'A^amennnon  :  il  lève 
alors  vers  sa  femnrie  un  bras  suppliant,  (jui  re- 
tonibe  sans  force  sur  la  terre.  Mais  elle  se 
détourne  et  ne  daigne  pas  même  fermer  les  yeux 
et  la  bouche  à  l'époux  de  sa  jeunesse'*. 

Une  Clytemnestre  nouvelle  est  née  dans  la  poé- 
sie, une  femme  aux  passions  cruelles  et  fortes, 

dans  l'épopée.  Il  se  retrouve  encore  dans  une  stro|ihe  de 
VAgamcmnon  (1468  sqq.). 

1.  Ce  récit  de  la  Nr/.j'.a  ne  peut  se  rapporter  à  une  épo))ée 
différente  de  celle  que  nous  avons  résumée  d'après  la 
Tr|À£[j.a"/£ia.  On  en  a  refait  une  scène,  on  n'a  pas  touché  à  la 
marche  même  du  récit.  Bien  des  indices  nous  le  prouvent. 
Le  vers  411  du  chant  XI  n'est  autre  que  le  vers  o35  du 
chant  IV  :  pourquoi  ne  serait-ce  point  un  vers  du  Meurtre 
d'Agamemnon?  Les  aèdes  se  citaient  peut-être  les  uns  les 
autres  :  l'expression  ''^où^  ï-\  ©octvtj  avait  paru  belle,  on  répé- 
tait le  vers  où  elle  se  trouvait  toutes  les  fois  qu'on  rappelait  le 
crime  d'Égisthe.  Les  autres  détails  du  récit  s'accordent  avec 
cette  hypothèse  :  Agamemnon  tombe  dans  le  palais  d'Égisthe 
qui  l'a  invité  à  un  festin  (cf.  XI,  410  :  o-xovôe  xaÀia^aç);  une 
véritable  bataille  s'engage  autour  des  cratères  et  des  tables 
chargées  :  c'est  le  tableau  de  carnage  que  laissaient  entre- 
voir les  vers  536-o37  du  chant  IV  (cf.  p.  XVIII,  n.  4). 

2.  Cf.  Odyssée,  XI,  424,  à-oÔvr^jxwv  -epî  cpaoryâvoj. 

3.  Cf.  Odyssée,  XI,  421  sqq. 


INTRODUCTION  XXV 

cnpîihlc  (le  jalousie  et  de  liaine.  Mais  le  iiieiir- 
Iriei*  reste  Kf^islluî;  le  ven^eiii'  n'aura  donc  |)()inL 
à  punir  celle  (jui  n\'i  tué  qu'une  esclave  dont  elle 
avait  le  droit  de  vouloir  la  niort.  Il  n'y  a  encoi-e 
dans  la  légende  ni  meuih'e  (run  mai'i  ni 
meurtre  d'une  inèi'e. 

Il  nous  esl  dillicile  de  suivre»  la  l(''«;en(le  dans 
les  épopées  du  (.ycle,  sur  lesquelles  il  ne  nous 
reste  rien  que  des  lextes  ol)scurs  et  parfois  con- 
tradictoires. Pourtant,  à  comparer  les  lares  lé- 
moii;iiages  relatil's,  pour  cette  époque,  au  nieurli-e 
d\\*^arnemnon,  il  n'est  <;uèr(*  douteux  que  des 
id(Mîs  doriennes  ont  pénéti'é  la  légende,  lui  don- 
nant un  caractère  tout  nouveau  où  transj)araît 
rimage  de  moHirs  cruelles  et  d'une  th(''olo<;ie  à 
demi  baihare. 

On  lit  d'abord  -de  la  lace  (rAi;aniemnon  une 
race  maudite.  Les  crimes  des  fds  avaient  été 
pr('M'édés  des  crimes  des  pères  :  Atrée  et  Thyeste 
avaient  été  eux-mêmes  des  meurtriers  ;  ils 
avaient  de  concert  assassine'  \ouv  frère  Cliry- 
sippe'.   Puis  on  en  lit    des  frères  ennemis  :  un 

l.  Allée  et  Thyeste,  avec  Taiile  de  leur  mère  Ilippodamie, 
Jivaient  tiK^  leur  frère  Clirysippe,  que  Pélops  avait  eu  de  la 
nymphe  Axioché  (Sch.  Pind.,  0/.,  I,  92).  C'est  là  le  récit  le 
plus  aucien  et  le  plus  dii,Mie  de  foi,  juiisqu'il  est  admis  par 
des  historiens  comme  ll»'ll;mikos  ifr.  4-i,  MiiMrr  el  surtout 
Thucydide  (I,  9,  2). 


X.W'I  INTIîDDrflTION 

a^iicaii  à  la  loison  d'or,  *^'d^(i  du  [)Oiivoir.  avail 
él(;  doniK'  par  /eus  '  à  AIic'm;;  in;iis  Tliyeste  avail 
srdiiiL  la  IcnurK;  do  son  frère  ol  s'élail  orri|jai«'*  (!<; 
Ta^neau-'.  IMus  lai-d',  le  cv'inut  de  Thyesle  |)arul 
(encore  insul'fisaul  :  on  inventa  la  ven'^eance 
d'Atrée  oITrant  à  Tli veste  un  banquet  des  chairs 
de  ses  enfants.  On  remonta  ensuite  jusqu'à  Pélops. 
C'(''tait  lui  le  premier  criminel  :  il  avait  traîtreu- 
sement fait  péril-  Myrlile,  fils  d'Hermès,  auquel 

J.  Cf.  Accius,  Ahec,  fr.  8  (Hibbeck): 

Adde  hue  quod  mihi  portento  caelestum  pater 
Prodighiiii  misil,  reg-ni  stabilimen  iiiei, 
Af^^num  inter  pecudes  aurea  clarum  coma, 
Em  clam  Thyestes  clepere  ausiim  esse  e  regia, 
Qua  in  rc  adjutricem  conjugem  cepit  sibi. 

Il  ne  s'agit  donc  point  ici  d'une  vengeance  d'Hermès,  irrité 
de  la  mort  de  son  fils  Myrtile;  cette  forme  de  la  légende  est 
postérieure  :  cf.   Sch,  Eur.,  Oreste,  997  :  *l>£&£xjor,ç  o:   où  xaO' 

'Ecaoù'  iXTiviv  cr.'j'.  tr.v  aova  •j-o6Àr,0r'vau 

2.  Cette  légende  apparaissait  pour  la  première  fois  dans  le 
poème  cyclique  de  VAlcmconide  (qui  semble  avoir  été  une 
suite  des  Épigones)  :  cf.  Sch.  Eur.,  Oreste,  997.  Euripide  y  fait 
plusieurs  fois  allusion  :  cf.  Oreste,  995sqq.,et  Electre,  699  sqq. 

3.  C'était  à  ce  vol  de  Thyeste  qu'on  rapportait  le  recul 
miraculeux  du  soleil  indigné  (cf.  Eurip.,  Electre,  727  sqq.). 
Si,  à  ce  moment-là,  le  festin  d'Atrée  avait  déjà  été  inventé, 
il  est  bien  clair  qu'on  eût  rapporté  le  prodige  (comme  on  le 
lit  idus  lard)  à  ce  second  crime,  plus  monstrueux  que  le  pre- 
niie'i .  La  légende  de  l'agneau  à  la  toison  d'or  est  donc  anté- 
rieure é'i  celle  du  festin  d'Atrée. 


INTRODUCTION  XXVII 

il  devait  sa  victoire  sur  OKnoiiiaos '.  On  alla  enfin 
jusqu'il  Tantale,  auteur  delà  race  :  son  impiété, 
pour  éprouver  les  dieux,  avait  osé  leur  offrir  à  sa 
table  les  membres  de  son  (ils '.  Toute  Tàpreté 
(les  vieilles  légendes  doriennes  a  passé  dans 
riiistoire  de  la  race  d'Atrée.  Le  meurtre  d'un 
mari  suivi  du  meurtre  d'une  mère  ne  devait  être 
que  le  dernier  ternie  d'un  long  passé  semé  de 
haines,  d'adultères  et  d'assassinats  ^ 

Mais  ce  n'était  pas  tout  :  il  fallait  expliquer 
religieusement  Tinfortune  dWgamemnon  ;  il  ne 
suflisait  pas  qu'il  fût  l'héritier  d'une  race  maudite, 
il  fallait  que  lui-même  se  fut  montré  criminel  et 
barbare  comme  Atrée,  afin  de  susciter  à  son  tour 
contre  lui  une  vengeance  digne  de  son  crime  et 
de  sa  race.  Il  fallait  enfin,  puisque  Clytemnestre 
s'offrait  maintenant  aux  imaginations  comme  un 
caractère  vivant  et  agissant,  lui  donner  des  pas- 
sions  capables  d'inspirer    une  haine  hardie   et 

1.  Cf.  Phérécyde,  cité  |uir  le  scholiastedeSoplioclo,  Electre, 

rioo. 

2.  Cf.  Pindare,  (H.,  I,  "û  sqq.  Il  était  déjà  question  de 
Tiinlalt'  dans  le  Rapatriement  des  Atrides  :  cf.  Athénée,  VII, 

3.  On  cherchait  de  même  à  expliquer  la  violence  des  pas- 
sions amoureuses  chez  les  lilles  de  Tyndare.  Les  Catalofjucs 
hêaiodiques  Tattrihuaient  à  la  Jalousie  d'Aphrodite  (fr.  112, 
Kinkel),  Stésichore  à  l\»uhli  du  nom  d'Aphrodile  jiar  Tyn- 
dare dans  un  sacrifice  :  oi'  o    opYiaOeiaa  f,  Oêo;  ôiyâaoj;  tî    /.ai 


XX  vil  I  INTHOOLCTION 

l)i*rilîinl('.  l'^l  c'nsl  ainsi  (pu'  lui  cvr'iU^  la  I(''!j:<'ii(Io 
(lu  siicrilico  (I1|)liif^éiii(î. 

(^'esl  dans  l\;po|)('H3  do  Slasinos,  les  (yyjn'ifujvcs^ 
qn^^lle   apparaît    pour    la    prorni<''i*<'    fois'.    Les 
poètes  des  Ages  suivants  en  on!  un  jxui  dissimui»'* 
riiorreur  et  la  dureté  priniilives.   Le  poète  de 
(Chypre  avait  au  contraire  fortement  insisté  sur 
la  barbarie  d'Agannemnon  et    cjioisi  les  détails 
les  plus  propres  à  l'endre  odieux  celui  quidevail 
être  la   victime  de  Clytemnestre.    L'i(b'e  de    la 
iXémésis  était  le  point  de  dé|)art  de  la  nouvelle 
légende.  Agamemnon  avait  chassé  dans  un  bois 
d'Artémis,  atteint  wwq  biche  sacrée  et  cri('  inso- 
lemment qu'Artémis  elle-même  n'eut  pas  mieux 
visé'.  La  déesse  irritée  avait  déchaîné  les  vents 
contraires  et  immobilisé  la  flotte  grecque   dans     I 
les  eaux  dWulis.  Puis,  par  la  bouche  de  Calchas.     \ 
elle  demandait  à  Agamemnon  le  sang  de  saillie, 
comme  victime  expiatoire  de  sa  parole  orgueil- 
leuse. Ulysse  partait  alors  pour  Mycènes;  il  pré-      . 
textait  un  mariage  entre  Iphigénie  et  Achille  et     j 
emmenait  la  vierge  au  camp  des  Grecs.  Clytem-     " 

Tpivâfj-O'j;  xal  Àsi'i^avBpo'jç  a-jTO')  ta:  OuyaTSca;  ï~o\T^1v^  (Schol. 
Eur.,  O/r.s/f,  249).  Partout  se  retrouve  la  même  tendauce  à 
reculer  do  génération  en  génération  la  cause  première  des 
crimes  de  la  race. 

1.  Cf.  Proclos,  Chrcsiomnthic,  livre  I  (Kinkel,  p.  IGj. 

2.  C'est  la  version  que  suit  Sophocle,  É/ec^re,  566  sqq. 


INTROnrCTIOV  XXIX 

iieslrc  roslait  à  Mycèn('s,c(''lrl)ranl|)ai'  (h's  danses 
et  des  chants  le  glorieux  hyménée  de  sa  lille,  et 
le  palais  des  Atrides  retentissait  du  chant  de  la 
flûte  ',  tandis  que  l'en  fan  t  tonn  hait  à  l'autel  d'Ai'- 
témis,  innniolée  |)ar  son  père,  qui,  lui-même, 
tenait  le  couteau  '. 

Un  ci'ime  d'une  horreur  pareille  devait  èlre 
puni  d'un  châtiment  égal  à  lui-môme  \  Celui  qui 
avait  tué  lâchement  et  traîtreusement  sa  lille 
devait  |)érir  sous  les  coups  de  sa  femme,  ven- 
geresse du  sang  de  son  enfant,  il  fallait  que 
Clvlemnestre  devînt  elle-même  la  meurlrière 
d'Agamemnon.  Il  fallait  par  conséquent  que  le 
vengeur  la  frappât  à  son  tour  et  que  le  parricide 
fût  le  dernier  terme  de  cette  progression  inin- 
t(UM'ompue  dans  le  crime.  Ces  deux  dernières 
étapes  de  l'histoire  delà  légende  furent  franchies 
dim  seul  coup  par  un  poète  de  génie.  La  légende 
telle  que  l'avait  faite  l'esprit  dorien  s'épanouit 
dans  une  grande  anivre,  ï(J)'c\sUe  de  Stésichore  '. 

1.  Ces  détails  se  trouvent  dans  Eiiii|>i(l(\  Ip/iin.cu  Ttnaidc, 
24  sqq.  et  359  sqcf.  M.  Weil,  avec  i.iisoii,  en  fait  remonter 
Toiigine  à  Stasinos. 

2.  Cf.  Eurip.,  Iphùj.cn  Taitridr,  300.  Il  semble  bien,  d'après 
les  vers  207  scpj.  et  224  de  VAi/amcnuiou.  que  ce  soit  aussi  la 
tradition  suivie  par  Eschyle. 

3.  Cf.  Eschyle,  Aq.,  4527  :  à^ia  Spâaa;  a;'.a  râa/fov. 

4.  D'après  Athénée  (;il3  A),  Stésichore  naurait  l'ait,  dans 
son  Orestie,  (jue  plagier  [r.oLpoLr.ouh]  un  certain  Xanlhos,  qui 


X\X  IXTIU  (DICTION 

Sl,ési('liorc  |)lîu;ail  liîli'oiic  (rA^arncmnon,  non 
plus  à  MycùiKiS,  mais  à  Arnyr.lres,  au  cjvaw  du 
pavs  (loricFi  '.  (]lvLemn(;stre  Irarnail  la  ruoil 
d'Agam(;mnon,  meurtrier  de  sa  propre  lillf;-'. 
I^]lle  l'immolait  elle-même,  |)uis  essuyait  son 
épée  sanglante  sur  la  tête  de  sa  victime  pour 
rejeter  sur  celle-ci  la  responsabilité  du  sang 
versée    Sa   colère    ne  s'en  tenait   pas   là:    elle 

ne  nous  est  connu  que  par  ce  passai,'e  et  une  indication  ana- 
logue d'Klien  {llist.  Var.,  IV,  20;.  On  peut  vraiment  conser- 
ver des  doutes  sur  l'existence  d'un  grand  poète  grec  du 
vi*^  siècle  dont  le  nom  et  l'œuvre  nous  sont  révélés  pour  la 
première  fois  par  des  sophistes  du  ni'^  siècle  après  Jésus- 
Christ. 

i.  Cf.  Schol.Eurip.,  Oresfe,  46  :  "0[JLr]poç  âv  Muxrlva-îcprjalv  elva-. 
Ta  [jaaîXsia  'A^aj^iavovoc,  STr|ar/opo;  oï  iv  Aaxîoa'.ULOvîa.  C'est 
Pindare  qui,  plus  précis  encore,  nomme  Amyclées  (Pyth., 
XI,  32),  et  Pindare,  comme  nous  le  verrons,  s'inspire  surtout 
dans  cette  ode  du  récit  de  Stésichore.  D'ailleurs  nous  savons 
par  Pausanias  (111,19)  qu'on  montrait  enLaconie  le  tombeau 
de  Cassandre  et  d'Agamemnon.  Simonide  suivait  encore  la 
même  tradition  :  cf.  Sch.  Eurip.,  Oreste,  46. 

2.  Nous  savons  parPhilodème,  IIsp-  cjasosîa:,  p.  24,  que,  pour 
Stésichore,  «  Hécate  était  aussi  un  nom  d'Iphigénie  ».  Donc 
Stésichore  parlait  du  sacrifice  d'Iphigénie  et,  vraisemblable- 
ment, en  faisait  le  point  de  départ  de  son  poème. 

3.  Tout  ceci  peut  se  tirer  du  fragment  cité  par  Plutarque, 
Moralia,  p.  355  A.  Si  le  fantôme  d'Agamemnon  apparaît  à 
Clytemnestre,  c'est  qu'elle  est  elle-même  la  meurtrière  ;  s'il 
a  le  haut  de  la  tête  ensanglanté  (xâpa  .SsSpotfDaivoç  axpov),  c'est 
qu'elle  a  essuyé  sur  lui  son  épée.  De  même  la  Clytemneslre 
d'Eschyle,  pour  échapper  à  la  vengeance  du  mort  [l-l  Ào-j-rpoiai, 


INTRODUCTION' 


XXXI 


voulait  sacrifier  aussi  le  fils  qu'elle  avait  conçu 
de  lui  et  qui  pouvait  devenir  un  vengeur.  Mais 
la  nourrice  d'Oreste,  Laodamie',  le  dérobait  à 
ses  mains  furieuses'',  le  confiait  à  Talthybios'', 
le  fidèle  héraut  d'Agamemnon,  qui  Temmenait 
en  Phocide,  tandis  que  Clytemnestre,  croyant 
frapper  Oreste,  tuait  le  fils  de  Laodamie. 

Des  remords,  des  pressentiments  assaillaient 
alors  Clytemnestre.  Un  songe  piophétique  lui 
montrait  un  serpent  à  la  tête  sanglante,  qui, 
soudain,  prenaitles  traits d'Agamemnon  '  :  le  ven- 
geur était  proche.  11  [)araissait  bientôt  en  Lacouie  ', 


dit  le  sclioliaste  «lu  Mediceus),  le  mutile  et  l'ensevelit  en  si- 
lence [Choéph.,  43y  sq.). 

1.  C'est  le  vieil  historien  Plirrécyde  (cité  par  le  scholiaste 
de  Pindare,  I*yth.,  XI,  17)  qui  nous  raconte  le  dévouement 
de  Laodamie.  Or  le  scholiaste  d'Eschyle,  Choéph.,  731,  nous 
apprend  que  Stésichore  appelait  la  nourrice  d'Oreste  Lao- 
djiniie.  Le  fait  rapporté  par  Phérécyde  devait  donc  être 
raconté  dans  VOrcsIir  de  Stésichore. 

2.  CL  Pindare,  l'ijtfi.,  XI,  17  sq.  :  KÀj-:a'.;jLvr|TTpaç  /cipcov  jro 
xpaTepav.  Phérécyde  dit  :  j-ô  AîytaOoj.  Mais  ici  le  témoignage 
du  poète  doit  être  préféré  à  celui  de  l'historien.  Stésichore 
aimait  à  peindre  des  canictères  de  femmes  :  Clytemnestre 
devait  Jouer  le  premier  rôle  dans  le  drame  tel  (ju'il  l'avait 
conçu. 

3.  Cf.  Nicolas  do  Damas,  fi'.  28  (Dindorf  ;. 
i.  Cf.  Plutarque,  Moralin,  555  A. 

:».  A  partir  d'ici,  les  seuls  témoignages  que  nous  ayons  ne 
sont  plus  des  textes,  mais  des  monuments  (igurés,  en  parti- 
culier des  vases  du  commencement  du  v   siècle    à   ligures 


XXXII  INTItohl  f:TION 

suivi  (leTiillliNbios '.  Il  trouvait  Klcidroon  plours 
sur  le  lonibcau  (rAj^amernnon  avec  la  \i(Mll(3 
Laodamic;  :  1(3S  deux  siirvileurs  se  recori nais- 
saient peut-être  les  |  remier's  et  leui*  recon- 
naissance entraînait  celle  du  frère  et  de  lasoîur. 
On  concertait  rapidenrient  un  plan  de  vengeance. 
Oreste,  ^uidé  par  Electre,  entrait  dans  le  palais 
et  tuait  Egistlie  sur  son  trône.  Mais  Clytem 
nestre  avait  suivi  Tétranger  et,  au  moment  même 
où  il  frappait  le  roi,  elle  accourait  par  derrière  et 
levait  la  hache  sur  sa  tête.  Electre,  d'un  cri  tardif, 
avertissait  en  vain  son  frère  :  la  hache  allait 
retomber,  quand  Talthybios,  surgissant  à  son  tour 
derrière  Clytemnestre,  arrêtait  son  bras.  Le  fils 


rouges  :  les  scènes  de  ÏOrestie  représentées  sur  ces  vases  se 
rapportent  toutes  clairement  à  la  même  tradition.  Or  la 
célébrité  de  ÏOrcstic  de  Stésichore  était  encore  très  grande 
au  v^  siècle  :  Aristophane  en  glisse  deux  vers  dans  sa  para- 
base  de  la  Paix,  et  un  poète  comique  ne  fait  de  citations  de 
ce  genre  que  lorsqu'il  est  sûr  qu'elles  seront  saisies  et  com- 
prises du  public.  On  lisait  donc  encore  ÏOrestie  de  Stésichore 
en  421,  après  celle  d'Eschyle;  à  plus  forte  raison  devait-elle 
être  populaire  cinquante  ans  auparavant;  tous  les  poètes 
lyriques  y  font  de  fréquentes  allusions.  C'est  donc  à  elle 
aussi  que  doivent  se  rapporter  les  peintures  de  vases  de  cette 
époque.  Pour  cette  reconstitution  de  Tœuvre  de  Stésichore, 
nous  suivons  Cari  Robert,  Bild  und  Lied. 

1.  Le  -aiôaywyd:  de  Sophocle  et  le  r^piio-jç  d'Euripide,  dans 
leurs  Électres,  sont  évidemment  des  souvenirs  du  Talthybios 
de  Stésichore. 


iNTROnrCTION  XXXIII 

se  faisait  peut-être  reconnaître  de  sa  inèi'e,  puis 
il  la  tuait'.  Les  Fiu'ies  s'attaeliaient  alors  à  sa 
poursuite.  Mais  Apollon  lui  prêtait  son  arc  et 
ses  flèches'.  Un  dieu  venait  au  secours  du 
meurtrier  :  [)Ourquoi?  Avait-il  donc  lui-même 
poussé  Oreste  au  crime?  Quel  rôle  inattendu  ve- 
nait jouer  Apollon  dans  le  vieux  n'cit  myc('nien? 

Apollon  est  ledieudorien  |)ar  excellence,  c'(^st 
le  dieu  de  Tordre  et  de  la  justice,  le  dieu  prolec- 
teur et  vengeur.  A  ce  titre,  il  veille,  implacable, 
au  maintien  de  la  loi  du  talion.  «  Sang  pour 
sang  »  :  quand  un  homme  est  tombé,  son  lils,  son 
IVère,  son  plus  proche  parent  doit  le  venger.  Au 
besoin,  la  voi\  fatidique  du  dieu  saura  le  lui 
rappel(M'.  Llle  menacera  le  vengeur  hésitant  de 
maladies  mystérieuses''  qui  peu  à  peu  le  dévore- 
ront tout  vivant.  Klle  lancera  même  sur  sa  ville^ 
la  |)este  ou  la  famine,  jusqu'à  ce  (jue  le  cour- 
rv)ii\  de  ses  concitoyens  force  le  rebelle  à  apai- 
ser le  fléau  par  une  obéissance  aveugle.  Dans 
cefte  société  encore  barbare,  tout  homme  a  pour 

1.  Nous  savons  (par  \e  scholiaslo  cilé  n.  2)  que  TOreste  de 
Stésichoi'o  étail  poursuivi  |»ar  les  Kuiios  :  donc  il  avail.  coni- 
mis  un  parricide. 

2.  Cf.  Sch.  lùir.,  i)n'sU\  268. 

13.  Cr.  Kscliyle,  r//o<7)/i.,  279  siiq. 

f.  cr.  Eschyle,  Choéph.,  278  S(|.,  cl  noire  noie  sur  ce  pas- 
sage. 


XXXIV  INTHODUCTION  \ 

devoir  (h^  s(i  l'jiirci  jusLi(:e,  cl,  s'il  siiccoml)f3,  co 
devoir  retombe  aux  hommes  de  son  san^.  Mais 
nul  lorl  ne  doit  rester  impuni;  l'ordre  du  monde 
est  tout  entier  dans  une  stricte  réparlilion  de  la 
vengeance  K 

Mais  il  n'est  point  de  lois,  si  antiques  qu'elles 
soient,  si  adaptées  qu'elles  paraissent  à  la  nature 
d'une  race,  qui  puissent  triomplier  complètement 
des  instincts  communs  de  l'humanité.  Tant  que 
les  Doriens  vécurent  en  soldats,  conquérant 
lentement  les  plaines  et  les  vallées  du  Pélo-  à 
ponnèse,  nulle  crainte  du  sang  versé,  nul  I 
remords  ne  les  troubla.  Mais,  quand  ils  se  furent 
établis  en  vainqueurs  dans  le  pays  conquis,  ils 
éprouvèrent  un  étonnement  craintif  devant  lesj 
immenses  tombeaux  que  partout  avaient  laissés] 
les  vaincus  sur  le  sol  achéen.  Ces  peuplades  guer-j 
rières,  errantes  depuis  de  longues   années   à   la 


1.  Dans  la  société  homérique,  le   sans  versé  se  rachète  à' 
prix  d'or.  Ajax,  dans  VIliadc  (IX,  632  sqq.),  trouve  qu'il  est! 
d'un  bel  exemple  de  voir  réunis  dans  la  même  cité  un  meur- 
trier et  les  parents  de  sa  victime,  l'un  c  vivant  tranquille  au| 
milieu  de  ses  concitoyens,  puisqu'il  a  largement  payé  ce  qu'il 
devait»,   les  autres   «contenant    leurs  nobles  cœurs,  puis- 
qu'ils ont  reçu  le  prix  du  sang».  I.a  loi  dorienne,  malgré  sa 
cruauté,  marque  un  progrès  sensible  de  la  morale  grecque. 
Elle  reconnaît  le  prix  de  la  vie  humaine  et  la  met  au-dessus 
de  toute   évaluation  pécuniaire    :  les  dettes  de  sang  ne  se 
payent  point  en  or. 


INTRODUCTION  XXXV 

conquête  de  terres  nouvelles  et  qui  abandon- 
naient leurs  nnorts  en  des  pays  qu'ils  ne  devaient 
plus  revoir,  connurent  pour  la  première  fois  le 
respect  et  la  crainte  des  morts  quand  ils  ou- 
vrirent ces  tombes  pi'otondes  où,  entourés  de 
richesses  sans  prix,  des  rois  dormaient,  masqués 
d'or.  Au  contact  d'une  société  vaincue,  mais  dont 
le  souvenir  vivait  encore  par  ses  monuments 
funèbres,  une  terreur  s'éveilla  dans  l'àme 
dorienne  :  cette  terre  qui  garde  les  corps  ne 
gaiderait-elle  pas  aussi  les  âmes,  et  des  divinités 
redoutables  ne  seraient-elles  point  les  venge- 
resses des  morts  contre  les  vengeurs  tiop  sévères 
qui  ont  versé  le  sang  iiumain?  Et  c'est  ainsi  que 
naquit  le  culte  des  divinités  clitoniennes,  de  la 
Terre  et  des  Erinyes,  filles  de  la  Nuit,  qui  sortent 
des  tombeaux  et  poursuivent  sans  trêve  celui 
qui  a  fait  couler  le  sang  de  sa  race  ^ 


1.  La  superstition  populaire  a  restreint  le  rôle  des  Érinyes 
à  la  vengeance  des  meurtres  commis  sur  un  homme  du 
mi'me  sang  (çovoioij.ai[xoi,  EMmt'n.,2i2).  Uienne  saurait  mieux 
montrer  ce  qu'il  y  a  d'étroitesse  dans  cette  théologie 
dorienne.  Les  Lrinyos  syniholisent  une  loi  de  nature,  mais 
une  loi  hrutale,  qui  ne  connaît  que  les  liens  du  sang  et  ne  se 
préoccupe  pas  des  liens  sacrés  du  mariage  ni  des  lois 
sociales  (jue  (Uytemnestre  a  outragés  en  luanl  un  mari  et  un 
roi.  C'est  pouniuoi  il  sera  si  facile  à  Eschyle  de  grandir  le 
rôle  d'Apollon.  I*rimilivement  celui-ci  est,  comme  les 
Furies,  un  dieu  obstiné  el  aveugle  (jui  ni;  connait(|ue  la  loi 


W.WI  INTUODICTION 

lu  coiillil,  s'ôleviiiL  donc  loul  à  coiii)  cnlff  l;i 
loi  (in  san^,  qui  oi'donne  Ic3  meinir<!,  cl  la  loi  de 
nature,  qui  conchiiniie  h;  rneniLrier  aux  r<'mords, 
aux  tcireurs  iioclurncs,  aux  apparitions  de^ 
songes.  Et  ce  conflit  se  symbolisa  alors  dau> 
une  lutte  entre  1(î  dieu  des  vengeances  humaines. 
Apollon,  et  les  divinités  de  Tombre,  représentées 
à  la  fois  par  le  serpent'  Pxllion,  (jnWpollon 
tuait  et  laissait  pourrir  sur  Ut  sol',  et  par 
la  Terre  ^,  à  qui  Apollon  enlevait  de  force' 
son  sanctuaire  et  sa  puissance  mystérieuse.    Il 

d(3  vengeance.  11  devient  chez  Eschyle,  en  s'opposant  aux 
Érinyes,  le  représentant  d'une  Justice  vraiment  humain<', 
qui  tient  compte  au  meurtrier  de  ses  intentions,  de  l'indi- 
gnité de  sa  victime,  et  pardonne  une  faute  contre  la  nature 
qui  châtiait  une  faute  contre  la  société. 

1.  Le  serpent,  fils  de  la  Terre,  a  la  même  signification 
symbolique  que  les  Érinyes.  Et  c'est  pourquoi  les  Érinyes 
sont  représentées  la  chevelure  entrelacée  de  serpents.  Sur 
Vompltalos  de  Delphes  était  peint  un  serpent;  c'était  évi- 
demment un  reste  du  culte  de  Gëa,  Cf.  Jane  E.  Harrison, 
Dc/phica,  dans  le  Journal  of  hcllcnic  stiidies,  1899,  vol.  XIX, 
part.  II. 

2.  Voyez  VHymne  homérique  à  Apollon  Pythien. 

3.  Cf.,  par  exemple,  Euripide,  Iph.  en  Tauride,  1233  sqq. 
Euripide,  dans  les  tragédies  où  il  a  traité  la  légende  d'Oreste, 
semble  avoir  suivi  les  traditions  doriennes  de  plus  près 
qu'Eschyle,  pour  se  donner  ensuite  le  malin  plaisir  d'y  mon- 
trer Fétrangeté  du  rôle  des  dieux. 

4.  C'était  l'ancienne  tradition.  Eschyle  veut,  au  contraire, 
que  la  transmission  du  pouvoir  prophétique  se  soit  faite  sans 
violence  :  voyez  les  premiers  vers  des  Euménidcs. 


INTHODUr.TION  XXXVII 

(Uail  (h'sormjiis  un  lieu  sui*  lu  Ictre  où  nulle 
divinité  souterraine,  nulle  finie  de  mort  irrité, 
ne  pouvait  poursuivre  le  meurtrier:  c'était  Ten- 
ceinte  sacrée  de  Delphes  où  Apollon  avait  vaincu 
les  divinités  des  ténèbres.  Là,  le  dieu  olï'rait  des 
purifications  h  celui  (jui  s'était  souillé  de  sang. 
Lui-même  s'était  purifié  du  sang  du  serpent:  il 
s'était  exil('  pendant  huit  ans,  il  avait  accom|)li 
dans  la  vallée  de  Tempe  tous  les  rites  expiatoires, 
avanl  de  remonter  couronné  de  laurier  à  son 
temple  de  Delphes.  Il  exigeait  des  autres  l'exil 
auquel  lui-même  s'était  soumis,  puis  faisait  cou- 
ler le  sang  d'un  jeune  porc'  sur  la  tête  du  cou- 
pable. Ses  concitoyens  des  lors  pouvaient  lui 
parler,  le  recevoir  à  leur  loyer;  sa  souillure 
s'émoussait  au  contact  des  hommes';  il  rej)re- 
nait  sa  place  dans  la  cité,  etilétait  honoré  [)arce 
qu'il  avait  fait  son  (hwoir  et  soufîert  pour  ce 
devoir  l'exil  expiatoire. 

Ce  sont  là  les  idées  que  Stésichore  avait  poéti- 
quement traduites  par  le  |)rêt  des  flèches  divines. 
Le  dieu  était  venu  au  secours  (TOreste,  et  ce 
secours  avait  dû  être  tout-puissant,  car  les  flèclies 
qui  avaient  frappé  Python  restaient  invincibles 
contre  le  courroux  des  divinités  souterraines.  Le 


1.  Cf.  Es(:liyl(\  Eumènides,  283  et  450. 

2.  {]{'.  Kschvlc,  Kaniénides,  2.i<S  sij. 


XXXVI  11  INTRODUCTION 

poème  (le  Slésic-hore  se  terminait  donc  pjii'  l;i 
juslilication  d'Oreste.  Mais,  i'em<ir(jnons-l(î  ijien, 
cette  jnstification  est  uni(}nement  théolo^ique. 
De  qnoi  délivre-t-ellc  Oreste  !  Des  Furies,  c'est-à- 
dire  des  morts.  Mais  rarrache-t-elle  aux  vivants 
à  qui  revient  la  vengeance  du  sang  versé?  Au 
contraire,  elle  le  désigne  à  la  vengeance.  Si 
Oreste  a  été  protégé  par  un  dieu,  c'est  qu'il  a 
obéi  à  la  loi  d'Apollon  :  il  a  payé  du  sang  de  sa 
mère  le  meurtre  d'Agamemnon.  Que  maintenant 
le  père  de  Clytemnestre,  Tyndare,  à  qui,  par 
cette  même  loi,  revient  le  soin  de  la  vengeance, 
vienne  le  frapper  à  son  tour,  Apollon  ne  le 
secourra  point,  il  oflrira  au  contraire  à  son  meur- 
trier les  mêmes  rites  purificatoires,  car  il  est  le 
|)rotecteurde  tous  les  vengeurs  légitimes.  Le  sang| 
continuera  à  couler,  épuisant  les  cités'.  Et  nul 
terme  n'apparaît  à  la  série  des  vengeances  tou- 
jours commandées  par  la  loi,  toujours  exécutées] 
par  les  hommes,  toujours  purifiées  par  les  dieux. 
Le  lyrismedorien^  a  donc  profondément  trans-J 
formé  la  légende  épique.  Il  a  modifié  les  faits] 

[.(]{.   Eschyle,  Eumcnûles,  980  sqq.,  et  surtout  Euripide J 
Oreste,  52^). 

2.  Pindaie  a  rapidement  traité  la  légende  d'Oreste  {Pyth. 
XI,  17  sqq.).  Mais  il  suit  évidemment  la  tradition  de  Stési- 
chore  (cf.  p.  XXXI,  n.  2).  Ce  qui  lintéresse,  ce  sont  surtout  les 
motifs  qui  ont  fait  agir  Clytemnestre  :  est-ce  l'amour  mater- 


INTRODUCTÎON  XXXIX 

eux-mêmes,  en  faisant  de  Clylemnestre  ia  meur- 
trière, et  en  inventant  le  meurtre  de  la  mère, 
seule  vengeance  digne  du  meurtre»  du  mari.  Il  a 
surtout  modifié  les  l'aisons  d'agir  des  acteurs  du 
drame  et  donné  un  intérêt  moral  aux  passions 
qui  les  mènent  :  robéissanecî  à  une  loi  sacrée 
devient  Texcuse  du  crime;  le  sang  (ri|)lngénie  a 
été  payé  du  sang  d'Agamemnon,  le  sang  d'Aga- 
memnon  du  san^  de  Clvtemnestre.  Une  réelle 
grandeur  s'attache  dès  lors  à  ces  criminels  :  les 
meurti'es  qu'ils  ont  commis  (daient  des  actes  de 
justice  ;  |)euvent-ils  donc  blesser  la  justice  ? 
T/idée  d'un  conflit  entre  deux  devoirs  également 
im[)érieux  apparaît  j)Our  la  première  t'ois  à  la 
pensée  gi'ecque.  L'esprit  dorien  conclut  à  la  su- 
pi'ématie  d'un  de  ces  deux  devoirs,  le  devoir  de 
vengeance,  et  il  lui  sacrifie  les  lois  naturelles 
d'humanité  et  de  respect  fdial.  Il  y  a  dans  cette 
solution  quelque  chose  de  brutal  qui,  avec  le  pro- 
grès des  mœurs,  devait  choquer  la  conscience 
grecque,  et  c'est  pourquoi  le  drame  attique  ne 
reprit  la  légende  qu'en  lui  cherchant  un  dénoû- 
ment  nouveau. 

iiol?  ost-ce  l'amour  ailulLère?  ou  n'est-ce  pas  plutôt  la  situa- 
lion  laite  par  radullère,  (jui  force  la  femme  intidèle  à  tuer 
le  mari  à  qui  elle  n'espère  pas  pouvoir  cacher  sa  faute?  Cette 
dernière  façon  de  voir  est  peut-être  "aussi  celle  d'Eschyle 
(cf.  p.  XLV). 


XK  INTlmDI  CTIOV 

IN)ni(jii()i  Msc.hyle  an  458'  choisil-il  Iji  l(''^(;n(ln 
(TOiTsIc  poni'  mali<''F'o  (riino  trilogie?  I*îii-cn  (jikî 
(*o  sujet.  Ici  (|u  il  le  concovail,  iw'pondait  à  ses 
])réoc(ui|)alions  politiques  :  il  lui  permelhiil  en 
eiï(il  (le  donner  aux  partis  de  sages  conseils  et, 
en  même  temps,  de  célébrer  avec  toute  la  cité 
une  alliance  précieuse  pour  Athènes. 

Après  les  guerres  Médicpies,  FAi'éopage  avait 
eu,  non  ])oint  officiellement,  mais  en  fait,  la 
direction  des  affaires  de  la  cité^  Vers  402,  le 
chef  du  parti  démocratique,  Kphialtès.  lui  avait 
enlevé  ses  attributions  les  plus  importantes  pour 
les  rendre  aux  Cinq-Cents  et  aux  tribunaux '.  |]n 
458,  Périclès  reprenait  cette  lutte  contre  l'Aréo- 
page et  cherchait  à  enlever  ses  dernières  préro- 
gatives'* à  rassemblée  qui  symbolisait  jjour  le 
parti  démocratique  le  gouvernement  des  aristo- 
crates. Eschyle  appartenait-il  au  parti  attaqué  ?  La 
chose  est  douteuse  \  mais  il  avait  sans  doute  des 

1.  Cette  date,  qui  nous  était  déjà  donnée  par  TArizument 
de  VAgamemnon,  a  été  confirmée  encore  en  1880  par  la  dé- 
couverte d'une  inscription  sur  FAcropoîe.  Cf.  Cli.  ^lichel. 
Recueil  (F Inscriptions  grecques,  n°  879.  A,  I. 

2.  Cf.  Aristote,  Comt.  d'Athènes,W\U.  1. 

3.  Cf.  Aristote,  Const.  d'Athènes,  XXV,  2. 

4.  Cf.  Aristote,  Const.  dWthèncs,  XXVII,  1 .  Voyez  aussi  Weil. 
Études  sur  le  drame  antique.,  p.  54  sq. 

5.  Si  Eschyle  eût  été  vraiment  du  parti  oligarchique,  eût-il 
célébré  cette  alliance  avec  Argos  contre  Sparte,  qui  était  la 
négation  même  de  toute  la  politique  extérieure  de  Cimon? 


IXTRODITTION  \\A 

amis  flans  ce  parli  ;  il  avait  souirer-l  do  voii'  siic- 
coinher  sous  des  accusations  politicjues  un^rand 
nombre  d'Arcopa^ites'.  Au  milieu  de  la  lerreui* 
qui  avait  dfi  réf2;nei'  alors  dans  la  société  oligar- 
chie! ne  d'Athènes,  il  avait  pu  croire  que  la  démo- 
cratie menait  la  cité  à  Tanarcliie  (M,  poui'  sauvei* 
rAréopage,  il  voulut  en  ra|)pelcr  à  ses  conci- 
toyens les  origines  divines,  en  dissimuler  le  ca- 
ractèi'e  |)()litique  et  en  célébrer  au  contraire  le 
rôle  d'humanité  et  de  justice,  symbole  du  rôle 
d'Athènes  dans  le  monde  grec. 

xMais,  [)our  exalter  TAréopagc,  quelle  légende 
choisir?  Une  ancienne  ti'adition  l'attachait  le 
nom  de  la  colline  où  il  siégeait  au  meurti*e 
dllalirrhotios  par  Arès^.  Kschyle,  sans  aucun 
doute,  la  connaissait.  Mais  il  savait  aussi 
que,  parmi  les  accusés  illustres  qui  avaient  été 
jugés  sur  la  colline  attique,  on  citait  le  nom 
(rOreste ^  :  un  roi  argien  avait  du  son  salut  à 
Alhéna.  Or,  à  ce  même  moment,  un  rapproche- 


I.  Ilphiallrs  avait  commencé  par  intenter  des  procès  privés 
à  (le  ni^mhreux  meml)res  de  l'Aréopage  (cf.  Aristote,  Consl. 
(rMhcnrs,  XXV,  2). 

1.  Cf.  Enripide,  Electre^  1258  sqq. 

'.].  Nicolas  de  Damas,  dans  le  fraijment  que  j'ai  déjà  cité 
(p.  XXXI,  n.  :0,  après  avoir  rappelé  Tacquittement  d'Oreste, 
ajoute  :  Ajtt)  r^  ù'.xt^  çovoj  TcTap-rr,  iv  'AOrjvai;  v/.p'.f^T^.  Ces  motS 
ne  peuvent  se  rapporter  qu'à  une  tradition  ancienne,  pro- 
bablement   celle    d'après  laquelle  Ares   commettait  le    pre- 


XMI  INTMOnUCTIOX 

rneiil  ;iv;iil  \'\vu  entre  Allièncs  cl  Ar'^os.  La  poli- 
li(|iM'  (le  (limon,  (jui,  salisfiiilc  dit  la  puissance 
d'Athènes,  vonlait  défendre  Sparte  contre  ses 
alli('S,  était  devenue  prodi^ieusennent  innpopu- 
laire  depuis  le  jour  où  les  Lacédénnoniens  avaient 
dédaigneusenient  renvoyt;  l'amnée  de  secours 
qu'Athènes  leur  avait  prêtée  contre  leurs 
révoltés'.  Périclès  avait  inauguré  une  politique 
])lus  hardie  qui  visait  à  donner  à  Athènes  Thé- 
génnonie  de  la  Grèce  entière  par  l'écrasement 
de  Sparte.  Une  alliance  avec  toutes  les  villes  du 
Péloponnèse  hostiles  à  Sparte  rentrait  donc  dans 
les  plans  du  parti  démocratique,  et  c'est  pourquoi 
Athènes  se  rapprochait  d'Argos.  Rien  ne  devait 
être  plus  agréable  aux  Athéniens  que  d'entendre, 

mier  meurtre  qu'Athènes  eût  vu  juger;  on  ajouta  ensuite 
au  nom  d'Ares  tous  les  noms  de  criminels  célèbres,  dont 
celui  d'Oreste.  Le  tribunal  était  composé,  pour  Oreste 
comme  pour  Ares,  des  douze  grands  dieux  (cf.  Euripide, 
Oreste,  1650  sq.,  et  Démosthène,  Contre  Aristocrate^  66  . 
Donc,  faire  juger  Oreste  à  Athènes  n'était  pas  une  inven- 
tion :  ce  qui  était  nouveau,  c'était  de  faire  fonder  l'Aréopage 
pour  Oreste.  Les  raisons  d'Eschyle  se  devinent.  Il  ratta- 
chait ainsi  plus  étroitement  cet  Aréopage  qu'il  voulait 
défendre  à  la  grande  cité  dont  l'alliance  était  à  ce  moment 
si  populaire  à  Athènes  :  les  Argiens  ne  devaient-ils  pas  véné- 
rer le  tribunal  fondé  pour  sauver  un  de  leurs  rois  et  devant 
lequel  Oreste  avait,  le  premier,  juré  lîdélité  éternelle  à  la 
ville  de  Pallas  (cf.  Ew?7z., 'Î62sqq.)? 
1.  Cf.  Thucydide,  I,  102,  4. 


I 


INTHODLTTION  XLUl 

dans  leur  Ihéàtre,  Oreslo  proiiicllie  à  Allic'iia  la 
lidMo  alliance  de  mm\  peuple'. 

Ainsi  ce  fut  pour  des  raisons  politi(jues  qu'Ks- 
cliyle  se  décida,  en  458,  à  faire  de  TOrestie  h» 
sujet  d'une  ti'ilo^ie  qui  rappelb'i'ait  le  nMe  élevé  de 
TAréopa^e  et  céléhi*erail  Talliance  argienne.  Mais 
les  modidcalions  ([u'il  lit  subir  à  la  légende  ne 
furent  pas  dictées  par  des  raisons  politiques  :  elles 
devaient  naturellement  sortir  du  contact  de  la 
vieille  légende  avec  Tesprit  attique. 

La  légende  dorienne  laissait  la  victoire  à 
Apollon  :  les  Krinyes  étaient  repoussées  par  les 
(lèches  infaillibles  du  dieu.  Autrement  dit,  le 
silence  était  imposé  à  la  plainle  des  morts  implo- 
l'anl  la  vengeance  et  à  la  voix  de  la  nalurci  r(''- 
voltée  devant  le  parricide.  Cette  solutiorj  brutale 
ne  pouvait  satisfaire  res|)i"il  d'un  Athénien,  tou- 
jours disposé  à  suivre  la  nature,  à  répudier  tout 
excès  de  volonté,  toute  loi  qui  se  fonde  sur  l'écra- 
sement des  premiers  sentiments  de  l'homme. 
En  même  temps,  les  Mystères  faisaient  naître 
dans  les  âmes  la  préoccupation  de  la  mort  et  y 
entretenaient  l'idée  d'une  vie  piolongée  au-delà 
du  tombeau.  Nier  la  puissance  des  morts,  la  faire 

I.  (VosI  aussi  pour  rdu  ({u'Eschyle  a  localisr  la  légende  à 
Ai'i^os.  I/ancieniie  Mycènes  avait  étédéiruite  par  les  Argiens 
dix  aus  avant  la  représentation  de  rOreslie. 


MJV  i\'i"i!«H)i  (:Tir>\ 

iiisullor  \iiiv  lin  pwiiicidc.  pour  un  AHM''ni<'ii  du 
v''  sièclo,  c/élail,  un  hlasphèrnc.  .Nulle  violoucfî 
Immaincî,  nulle  aulorilé  divine  ne  peut  imposer 
silence  à  la  jilainlc  impérieuse  du  nioil.  Le  (ils 
parricide  n'échappera  pas  au  souvenii*  de  son 
crime.  Toul  dans  Eschyle  contribue;  à  mettre 
cette  idée  en  lumière.  Oreste  a  beau  avoir  agi 
avec  ra])pui  sacré  du  mort,  sur  Tordre  même 
d'Apollon,  que  Pylade  lui  a  rappelé  à  la  minute 
suprême  ;  il  a  beau  crier  devant  le  peuple  (FArgos 
que  son  acte  fut  juste  :  les  Furies  ne  s'en  dressent 
pas  moins  devant  lui,  au  moment  même  où  il 
invoque  le  dieu  qui  le  poussa  au  crime.  Il  fuit 
jusqu'à  Delphes  :  les  Furies  violent  le  sanctuaire 
du  dieu  tout-puissant,  vainqueur  de  Géa  et 
de  Python;  elles  dorment  dans  le  temple  saint; 
elles  le  quittent  moins  parce  qu'Apollon  les  en 
chasse  que  parce  que  la  poursuite  de  leur  victime 
les  appelle  ailleurs.  Athéna  elle-même  reconnaît 
qu'on  ne  peut  sans  danger  leur  refuser  une  satis- 
faction; et,  même  le  jugement  rendu,  elles  ne 
sont  pas  des  vaincues*  ;  leur  vengeance  resle 
pendant  un  moment  suspendue  sur  Athènes  : 
leur  colère  ne  cède  qu'à  la  douceur,  à  la  Per- 
suasion saintes  quand  Pallasleur  prometle  res- 


\ .  Cf.  Eschyle,  Eiiménides,  795. 

2.  Cf.  Eschyle,  Euménides,  885  et  970. 


à 


INTUOnrCTION  XF.V 

|)or'l  (run  peiipl<',  im  culle  élcriK'l  dans  sa  rilé. 
T. es  moi'ls  iToiil  pas  été  vaincus  ;  les  morts  se 
sont  laissé  a[)aisor  pai*  des  ollVandes  (expiatoires  ; 
les  morts  ont  pardonné. 

Oreste  n'est  donc  point  justifié;  il  est  gracié. 
Le  jKirricide  reste  poui*  Eschyle  un  crime  sans 
excuse,  et,  pour  en  alténuer  l'horreur,  il  s'ap- 
pli(jue  à  aggraver  la  faute  de  Clytemnestre  et  à 
dimimiei'  la  i'es|)onsa])ilité  d'Oreste.  —  La  mcur- 
Irière  donnera  bien  comme  excuses  de  son  crime 
le  sacrilice  (riphii;énie,  la  faiblesse  d'A<;amem- 
noii  poui'  ses  captives;  elle  couvrira  sa  haine 
|M)ur  son  mari  du  nom  de  jalousie'  et  d'amour 
maternel'  :  l'arrivée  insolenle  d'I^gisthe  à  la  (in 
de  la  pièce  parlera  plus  haut  (|u'elle  el  dira  la 
vraie  l'aison  du  crime,  la  situation  créée  par 
l'adultère''.  —  Oreste,  au  contraire,  arrive  à 
Argos  en  justicier;  la  voix  d'Apollon  l'a  conduit 
jusqu'au  tombeau  de  son  pèi-e  ;  maintenant  c'est 

1.  Cf.  l'ischylo,  Af/tnncmno}i,  i't'M)  sipj.  Cassaiidro  a,  par 
avance,  ri-futé  cette  excuse  :  cf.  1258  s(jij. 

2.  Cf.  Eschyle,  Agnmemnon,  141i)sqq.  et  1;)23  sqq. 

3.  1-e  personnage  d'Kgisthe  diminue  et  s'efTace  à  mesure 
que  grandit  celui  de  Clyteninesti'e.  Dans  Eschyle,  il  apparaît 
surtout  comme  un  heau  parleur,  aussi  présomptueux  que 
lAche  :  sa  suflisance  naïve  est  très  spirituellement  marquée 
dans  les  Chovpliorcs  (voyez  en  particulier  les  vers  847  et  8.')4). 
Il  est,  dans  toute  la  force  du  teiine,ce  que  M.  de  Wilamowilz 
appelle  énergiquement  un  frcliKnict. 


Xf.VI  l\TIU)hrfT10\ 

(J<;  CM  loiiihc.iii  (jnc  lit  V(;ii«^ejinc(;  sorliiM  :  un 
lon^"  tlirènc  (îveill<'ia  \(\  niorl,  lui  rendi'ji  sîi  forer 
invincible  (I(i  vi('lirne  qni  \eul  se  venger,  et  c'esl 
lui  qui,  par  le  bras  de  son  (ils,  frappera  Clytenn- 
neslre  '.  —  Tout  eoncourt  donc  à  atténuer 
Todieux  du  parricide,  et,  malgré  tout,  le  parri- 
cide n'estpointabsous:  il  reste  le  crime  inexpiable. 
La  pauvreté  des  arguments  d'Apollon  '  devant 
les  juges  d'Oreste  montre  combien  il  <*tait  difli- 
cile,  pour  un  |)oète  atlique  du  v^  siècle,  non  pas 
seulement  d'admettre,  mais  même  de  comprendre 
et  de  présenter  avec  force  les  idées  sur  lesquelles 
reposait  la  légende  dorienne. 

Ce  n'étaitpas  seulement  la  conscience  d'Escbyle 
qui  était,  en  effet,  choquée  par  ces  vieilles  idées  ; 
c'était  aussi  sa  conception  de  la  société.  La  loi  du 
sang  conduit  les  villes  à  leur  perle  en  les  épuisant 
par  des  meurtres  vengeurs.  Elle  convient  non  à 
des  hommes  civilisés,  mais  à  des  hêtes  sauvages  '. 
Elle  se  fonde  sur  les  plus  bas  sentiments  de 
l'homme,  qui  souffre  dans  son  orgueil  plus  que 

1.  Cf.  Eschyle,  Choéph.,  927. 

2.  La  faiblesse  du  plaidoyer  d'Apollon  n'est  pas  discutable. 
Mais  il  ne  faut  pas  oublier  qu'il  ne  pouvait  guère  en  être 
autrement  chez  Eschyle,  car  Apollon  ne  sort  pas  vainqueur 
du  débat  :  la  conscience  humaine  se  partage  et  ne  peut  se 
prononcer;  pour  correspondre  à  la  vérité  (àXr,f)coç,  796),  c'est 
un  arrêt  indécis  qui  sort  seul  de  l'urne. 

3.  Cf.  Eurip.,  Oreste,  o24  :  -à  Or^ciwScç  tojto. 


ÎNTHOni^CTION  XLVII 

dans  sesaiïections  do  ne  pas  voir  vengés  ceux  qui 
le  louchent  de  près.  Mais,  d'autre  part,  si  le  crime 
reste  impuni,  les  meurtres  cioîlront  aussi,  bien 
que  pour  des  raisons  dilîérentes.  11  faut  donc  que 
tout  meurtre  soit  vengé.  Mais  il  faut  ([ue  le  ven- 
gein*  soit  tel  qu'il  ne  |)uisse  à  son  tour  susciter 
de  vengeance  contre  lui  :  ce  sera  la  dite.  La 
Cité,  autant  que  la  famille,  est  atteinte  par  la  nioil 
d'un  de  ses  membres.  Elle  a  donc  à  la  fois  le 
droit  et  le  devoir  de  la  venger.  Mais  un  frère,  un 
fils  de  celui  qu'elle  a  condamné  osera-t-il  ensuite 
se  venger  d'elle?  Il  ne  le  peut  sans  renoncer  |)ar 
là  même  au\  autres  lois  de  la  Cité,  dont  il  accepte 
le  bienfail.  L'institution  d'un  ti'ibunal  chargé,  au 
nom  de  la  Cité,  de  la  vengeance  du  sang  versé 
mettra  donc  tin  à  ces  meuitres  barbares  qui  se 
paraient  du  nom  de  devoirs  et  se  cachaient  sous 
la  protection  d'un  dieu.  Le  règne  de  la  pure  jus- 
tice et  des  lois  équitables  va  commencer. 

L'Orestie  reconnaît  donc  et  célèbre  le  progrès; 
elle  est  une  des  premières  œuvres  poétiques  où 
se  manifeste  un  commencement  de  sens  histo- 
rique. Il  ne  faut  pas  s'y  tromper  pourtant  :  il  n'y 
avait  point,  chez  Lschyle,  d'observation  atten- 
tive, d'étude  approfondie  et  impartiale  du  |)assé. 
Mais  il  y  avait  une  volonté  im|)érieuse  et  rétléchie 
de  concilier  le  passé  et  le  présent,  les  Iraditions 
de  l'un  et  les  audaces  de  l'autre.  Deux  courants 


MA  III  INTlinhl CTION 

(ri(l<''(?s  n'^iiait'iil  alors  à  AllH"'Il(^s  (îl  (livisai(Mil  l(;s 
cspi'ils. —  liCS  uns,  r('S|)(!(;Uieux  (hi  passé  jusqu'à 
la  su|)(îi'sliLi()ii,  \oulaieut,  pour  l'cducalioii  (ht  la 
j(3U liesse  ^rc<'que,  (;ons(;rvei*  cornrrK*  \<''rit(îs  (.'l 
règles  (le  vie  iridiscuLables  toutes  les  tradilioiis 
léguées  pai-  Tantique  poésie,  sans  s'ap(ire(*voir 
(les  contradictions  de  ces  légendes  anciennes,  suc- 
cessivement transformées  suivant  les  Ages  et  les 
pays  par  le  développement  de  mœurs  nouvelles. 
Le  triomphe  de  la  vieille  loi  du  sang,  bien  qu'elle 
fut  d'origine  toute  dorienne  etnullement  ada|)tée 
au  caractère  attique,  les  eût  à  peine  choqués 
dans  un  drame  athénien.  —  D'autres,  au  con- 
traire, élèves  des  philosophes  qui  avaient  dénoncé 
l'immoralité  des  vieilles  légendes  épiques  et  la 
vanité  des  thèmes  familiers  au  Ivrisme,  eussent 
trouvé  dans  l'absolution  du  parricide  un  outrage 
à  la  raison  et  aux  sentiments  d'humanité  qui  font 
l'homme  civilisé.  —  ici  comme  ailleurs,  Eschyle 
a  voulu  concilier  :  il  a  refait  la  légende  pour  lui 
donner  un  dénoùment  de  nature  à  satisfaire  la 
raison  et  la  conscience  ;le  parricide  d'Oreste  sera 
pardonné,  parce  que  le  libre  pardon  peut,  seul,  à 
de  certaines  heures,  arrêter  l'enfanlement  con- 
tinu des  crimes  par  les  crimes  ;  mais  la  loi  du  sang, 
la  vérilable  meurtrière,  sera  condamnée;  elle  dis- 
paraîtra pour  faire  place  à  des  lois  humaines  et 
justes.  Ici,  comme  dans  la  trilogie  de  th^ométhée, 


1NTI{(II)1  CTloS  XLIX 

les  colères  s'apaisent  et  le  règne  delà  justice  naît 
(le  la  réconciliation  et  de  Toiibli.  Cette  concep- 
tion pent  paraître  d'nn  o|)limisiue  naïf;  mais, 
dans  le  cas  de  TOrestie,  ell(î  se  justifiait  |)ar  le 
clioix  du  lieu  où  s'accomplissait  la  réconciliation 
des  JM'inyes  et  des  mortels  :  la  citi'  (rKscInle 
était  alors  dans  tout  l'éclat  de  sa  gloire  civilisa- 
trice ;  elle  se  flattait  d'être  «  le  joyau  de  la  (irèce  », 
le  lempart  de  l'Europe  contre  la  barl)arie,  la  ville 
lihreoù  la  légalité  seule  est  souveraine,  et  il  était 
naturel  ([ue  tout  rappel  d'un  passé  à  demi  bar- 
bant siî  terminât  par  un  bymne  à  Atbônes  et  à 
ses  lois. 


AGAMEMNON 


Au  fond  du  théâtre,  le  palais  des  Atridcs  à  Argos.  Au  sommet 
d'une  tour,  le  Veilleur  est  accroupi  sur  un  lit  grossier.  C'est  la 
nuit. 

LE    VEILLEUR 

J'implore  des  dieux  la  délivrance  de  mes  peines, 
depuis  une  longue  année  de  garde  qu'étendu  sur 
le  toit  des  Atrides,  veillant  ainsi  qu'un  chien,  j'ai 
appris  à  connaître  l'assemblée  des  astres  nocturnes 
et  leurs  ])rinces  lumineux  qui,  apportant  aux 
hommes  et  l'hiver  et  l'été,  régnent  dans  l'éther. 
Et  me  voici  encore  épiant  le  signal  du  flambeau, 
la  lueur  enflammée  qui  de  Troie  nous  portera  la 
nouvelle,  le  mot  victorieux  :  ainsi  l'ordonne  en  sa 
virile  volonté  une  femme  au  cœur  impatient.  Par- 
fois, sur  ht  couche  où  s'agitent  mes  nuits,  pénétré 
de  rosée,  abandonné  des  songes  —  car  l'Epou- 
vante vient  au  lieu  du  vSommeil  s'asseoir  à  mes 
côtés  et  me  défend  de  joindre  en  paix  mes  pau- 
pières dormantes  —  parfois  je  veux  chanter,  fre- 
donner, par  un  refrain  combattre  la  torpeur,  et  ne 
puis  soudain  que  pleurer  sur  le  sort  de  cette  mai- 
son où  de  vrais  maîtres  ne  commandent  plus.  Ah! 
puisse   donc   luire    l'heureuse   délivrance  de   mes 


I/ORESTIE 

peines  et  le  feu,  messager  de  joie,  Vjriller  enfin 
dans  les  ténèbres! 

Une   flnmme  jaillit,  lointaine,    mais  puissante  et  claire.  Le 
Veilleur  se  soulève  à  demi.  —  Avec  une  émotion  religieuse  : 

vSalut,  flambeau  qui  fais  naître  "le  jour  au  milieu 
de  la  nuit  et  d'innombrables  chœurs  se  former 
dans  Argos  pour  fêter  la  victoire! 

Il  se  lève.  Joyeux  : 

Ah!  ah!  dans  un  instant  je  préviens  à  voix  haute 
la  femme  d'Agamemnon  ;  que,  levée  en  hâte  de 
sa  couche,  elle  fasse,  en  réponse  à  ce  fanal,  s'éle- 
ver du  palais  une  longue  clameur  de  joie,  puisque 
la  cité  d'Ilios  est  prise  :  le  messager  de  feu  l'a 
proclamé.  Et,  j'aurai  le  premier  part  à  la  fête  :  les 
succès  de  mes  maîtres  rejailliront  sur  moi;  grâce 
à  rheureux  signal,  j'ai  gagné  la  partie.  Puissé-je 
voir  du  moins  le  retour  de  mon  roi  et,  de  cette 
main,  porter  à  mes  lèvres  sa  main  chérie  I  Je  n'en 
dis  pas  plus  :  un  bœuf  énorme  est  sur  ma  langue. 
Si  la  voix  lui  était  donnée,  ce  palais,  de  lui-même, 
clairement  dirait  tout.  Mais  moi,  si  je  parle  sans 
peine  à  ceux  qui  savent,  pour  les  autres  j'ai  tout 
oublié. 

Il  sort.  —  Le  jour  naît.  Le  Chœur  entre  :  douze  vieillards 
encore    vigoureux,    un    bâton   à   la    main,  l'épée  au   côté.    Ils^ 
défilent  lentement  au  son  de  la  flûte,   tandis  que  le  Coryphée 
s'arrête  au  milieu  de  l'orchestre. 


AGAMEMNON  (40-9r)) 


LK   COMVIMIKI-: 


Voici  dix  uns  <l(''jà  (juc  Priam  a  vu  deux  {j^rands  Mélodrame 
adversaires,  Mc'nélas  el  A^amemnon,  rois  lils 
d'Atrc^e,  couple  puissant,  lionon»  par  Zeus  (11111 
double  IroiK»  et  d'un  double  sceptre,  lever  di*  ce 
pays  une  llotle  de  mille  vaisseaux  grecs,  pour 
pièter  à  huir  cause  le  secours  des  armes. 

Ils  sont  partis  criant  la  guerre  du  fond  de  leur 
cœur  irrite,  semblables  aux  vautours  qui,  dans 
un  deuil  éperdu,  tournoient  au-dessus  de  l'aire 
sans  couvée,  ramant  dans  l'espace  à  grands  coups 
d'ailes,  frustrés  des  soins  perdus  à  veiller  leurs 
petits  au  nid. 

Et,  au-dessus  d'eux,  une  divinité,  Pan,  Apollon  ou 
Zeus,  entendant  se  plaindre  en  leur  langue  d'oiseau 
aiguë  et  gémissante  ces  métèques  du  Ciel,  envoie 
tr)t  ou  tard  aux  coupables  l'Erinys  vengeresse. 

C'est  ainsi  que  le  puissant  Zeus  Hospitalier 
dirige  contre  Pàiis  les  lils  d'Atrée,  afin  que,  pour 
une  femme  qui  fut  à  plus  d'un  homme,  des 
membres  s'engourdissent  en  des  combats  sans 
Iréve,  des  genoux  s'écroulent  dans  la  poussière  et 
des  lances  se  brisent,  dans  ces  hétacombes  guer- 
rières qu'olfriront  d'abord  aux  dieux  Trovens  et 
Grecs  h  la  fois  ! 

Dans  quelque  voie  que  marche  maintenant 
l'avenir,  sou  but  est  fixé  par  le  destin.  Ni  feux  ni 
libations  ni   pleurs  n'apaiseront  Tinllexible  colère 


I/OMKSTIK 

dos   oiïrandos    dont    la    flainmo    ot    les    dieux    ne 
veulent  pns. 

Pause.  —  Des  esclaves  sortent  du  palais  en  courant  et  «e 
dirigent  vers  la  ville.  D'autres,  la  figure  joyeuse,  apprêtent  de 
petits  autels  devant  les  statues  de  dieux  qui  décorent  l'entrée 
du  palais. 

Pour  nous,  dont  le  vieux  corps  ne  peut  payer  sa 
dette  et  que  l'armée  partie  a  laissés  derrière  (die, 
nous  restons  ici,  appuyant  sur  nos  bâtons  une  fai- 
blesse égale  à  celle  de  l'enfance. 

Car,  si  les  membres  où  monte  une  jeune  sève 
sont  débiles  comme  ceux  des  vieillards,  il  n'est 
pas  davantage  de  place  pour  Ares  dans  les  corps 
flétris,  comme  troncs  sans  verdure,  par  l'extrême 
vieillesse.  Ils  marchent  sur  trois  pieds  et,  sans 
plus  de  force  que  des  enfants,  ils  vont  errant 
comme   des   songes   égarés  à  la  lumière. 

Il  se  tourne  vers  le  palais. 

A  toi,  fille  de  Tyndare,  reine  Glytemnestre,  de 
nous  instruire.  Qu'y  a-t-il?  Quelle  nouvelle? 
Qu'as-tu  donc  appris  .^  Sur  la  foi  de  quel  message 
les  ordres  vont-ils  de  tous  côtés  provoquer  des 
sacrifices  ? 

Tous  les  dieux  de  la  ville,  dieux  du  ciel  et  des 
enfers,  dieux  de  la  maison  et  de  la  place  publique, 
voient  leurs  autels  embrasés  d'otfrandes. 

Partout  la  flamme  jaillit  jusqu'au  ciel,  avivée 
par  des  caresses  dont  la  douceur  n'est  pas  trom- 
peuse, les    caresses  de  l'huile  sainte  que  la  reine, 


AGAMEMNOX  (96-156) 

pour  l'olFrir  aux  dieux,  a  tirée  du  fond  du  palais. 
Co  que  tu  peux  m'apprendre,  ce  qu'il  m'est 
permis  de  savoir,  dis-le-moi,  et  guéris  mon  àme 
anxieuse,  qui  tantôt  se  torture  et  tantôt  voit  l'es- 
pérance jaillir  brillante  et  douce  du  feu  des  autels, 
apaisant  mon  angoisse  insatiable  de  larmes,  mal 
mortel  pour  les  cœurs. 

LE    CHŒUR 

Cr  (juc  j<'  jnnx,  c^csl  <lirr  l'in/diUih/r  pri'S(U/r  t/ui      Lirge 
salua  le  drjKirl  dr  notre  jVNnr  artnée.  Les  diciu:  h  ont 
conservé  qn^unr  forée  à  la  vieillesse  :  la  persuasion 
qui  eoule  de  ses  chants. 

Je  dirai  comment  les  deu.r  jniissantx  rois  dont  1rs 
volontés  unies  conduisent  vers  le  sol  tro//en  les  lances 
et  les  bras  vengeurs  de  la  jeunesse  grecque  sont  par- 
tis accompagnés  d'un  présage  guerrier  :  deux  rois 
des  oiseaux  qui  apparurent  aux  rois  des  nefs^  Cun 
noir,  l'autre  au  dos  blanc. 

fis  apparurent  près  du  p(dais,  du  côté  du  brus  qui 
brandit  la  lance,  bien  en  vue^  dévorant  une  base 
pleine  et  sa  portée  —  (Mordant)  qui  n  acheva  pas  sa 
course  vers  la  vie. 

Dis  le  chant  lugubre,  lugubre.,  mais  que  triomphe 
le  sort  heureux! 

Et  le  sage  devin  de  larnu\e,  songeant  aux  cœurs 
audacieux  des  deux  fils  dAtrée,  reconnut  dans  les 
aigles  dévorants  les  belliqueux  chefs  de  Ter  pé  dit  ion. 
Et  il  interpréta  le  prodige  : 


i;ORKSTIF 

<(  Avec  le  fcitips  ils  s' emparera /il  de  la  r'illr  de 
Priam  ceuj  (iiii  partent  à  cette  heure ^  et ^  par  leurs 
niains^  la  heslinre  rava(jera^  brutale,  les  anlû/iies 
richesses  (jae^  derrière  ses  remparts,  tout  un  peuple 
amassa.  Qtfe  seulement  la  jalousie  divine  ne  vienne 
pas  d  abord  frapper  et  anéantir  l'armée  fiui  ra 
dompter  Troie! 

Car  la pnre  Artém,is  est  indignée  contre  les  chiens 
ailés  de  son  père  qui  ont  immolé  avec  sa  portée  la 
malheureuse  hase  encore  pleine  :  —  (Mordant^  elle  a 
horreur  du  festin  des  aigles. 

Dis  le  chant  lugubre.,  lugubre.,  mais  que  triomphe 
le  sort  heureux! 

Puisque  tu  as  pareille  bienveillance^  belle  déesse, 
pour  les  tendres  fruits  des  lions  violents  et  les  faibles 
nourrissons  de  toutes  les  bétes  qui  peuplent  les  cam- 
pjagnes,  je  t'en  stipplie,  les  g  eux  fixés  sur  ces  signes 
cF espoir  et  de  deuil  :  ne  réalise  de  ces  présages  que 
ceux  qui  nous  promettent  la  joie! 

Et  j'implore  Péan  qu'on  invoque  avec  des  cris  aigus 
pour  que  tu  n  arrêtes  pas  nos  vaisseaux  immobilisés 
dans  r attente  par  des  souffles  contraires,  réclamant 
à  ton  tour  un  festin  de  mort,  dont  la  victiine  te  restera 
entière,  qui  engendrera  des  luttes  dans  le  sein  des 
familles  et  ne  respectera  même  pas  un  époux.  Car, 
prête  à  se  redresser  im  jour  terrible,  ime  intendante 
perfide  garde  la  maison  :  c'est  la  Haine  qui  n  oublie 
pas  et  veut  venger  une  enfant.  »  Tel  fut  le  sort  sinistre, 
joint  à  des  triomphes  sans  prix,  qu'en  face  des  pré- 


AGAMEMNON  (157-230) 

sa(jps  (lu  (Irpai't  Calckas  prédit  au  palais  de  nos  rois. 
Et  loi^  d'accord  avec  f  oracle,  dis  le  chant  luf/uùre, 
Ifff/uùre,  mais  que  trioniithe  le  sort  heureux  î 

Pause. 

'/jCus,  quelque  soit  ton  vrai  nom,  si  celui-ci  t'aqrèe,      Ferme  et 

^  ,  .  sonore 

cest  celui  dont  je  t'invoque.  J'ai  tout  mesuré  et  n'ai 
jtu  com/jarer  Zeus  qu'à  lui-même.  Rejetons  de  nos 
cœurs  le  fardeau  d'une  recherche  vaine  :  la  vérité  le 
veut. 

Un  dieu  fut  (jrand  jadis,  débordant  d'une  aiulace 
prête  à  tous  les  coinhals  :  on  ne  saura  plus  un  jaur 
qu'il  exista.  Un  autre  nint  ensuite,  qui  trouva  son 
vainqueur  et  sa  fin.  Mais  T homme  dont  Cdme  enthou- 
siaste (hantera  le  nom  victorieux  de  Zeus  atteindra 
la  sagesse  suprthne. 

Il  a  ouvert  aux  hommes  la  voie  de  la  science.  Il 
a  roulu  (jue  n  souffrir  pour  savoir  y)  fut  leur  loi. 
.iusijue  dans  le  sommeil  l'angoisse  du  remords  s'in- 
fdlre  (tu  fnnd  des  ctrurs  ;  la  sagesse  j)énf'tre  ?nfhne 
qui  lu  rcjurnssc  ;  Inenfaisante  violence  des  dieux  assis 
au  gouvernail  sacré  du  monde  ! 

Cest  ainsi  (ju'en  ces  temps-là  Vaine  des  chefs  de  la 
flotte  achéenne  n  avait  certes  que  respect  pour  les 
devins,  docilité  pour  les  arrêts  du  sort!  Mais,  devant 
ses  voiles  pliées,  ses  sacs  vidés,  l'armée  grecque  s'éner- 
vait, arrêtée  en  face  de  Chalcis,  dans  les  brisants 
dWulis. 

Les   vents    soujjluienl   du   Slrgmon,  portant   avec      Plus  vif 


I/OHKSTIE 

vu.r  les  rr/ards  //nirs/t's,  lu  fanunc^  /es  ff/i/tr/crs  du 
iH(null.(i(jr ^  la  (hsi)('rsi(in  des.  hommes^  riiirrorahlc 
mine  drs  i:aisseaif./:  cl  des  (  (n-dar/fs,  rf .  ji/ir  des  d  ri  ai  s 
loajoni's  i-ciHturrIrs,  dcssf'ckaicnf  dans  ïatlculc  la 
/leur  des  Aryicns.  11/  <i2iand,  se  courra  ni  da  nom 
d'Arlémis^lc  devin  vint  encore  procUnncr  an  rrmcde 
plus  crael  pour  les  chefs  que  la  lenipeLe  amère^  à  ce 
coup^  les  Atrides  frappèrent  la  Icrre  de  leurs  sceptres 
et  ne  continrent  phis  leurs  larmes. 

Et  rainé  des  rois  parla  ainsi  :  «  Cruel  est  mon 
sort  si  je  désobéis^  mais  cruel  est-il  aussi,  si  Jr  dois 
immoler  mon  enfant,  le  joya7(  de  ma  maison,  et^ 
près  de  Pau  tel,  souiller  mes  mains  paternelles  du 
sang  chand  d'une  vierge  égorgée.  De  tous  côtés  c'est 
la  souffrance.  Puis-je,  déserteur  de  ma  flotte,  tromper 
mes  alliés  assemblés?  S'il  enchaîne  les  vents,  le 
sacrifice  de  ce  sang  virginal,  avec  ardeur,  ardeur 
profonde,  on  peut  le  désirer  sans  crime.  Qu'il  soit 
donc  notre  salut!  » 

Et,  sous  son  front  une  fois  courbé  sous  le  Joug  du 
destin,  un  revirement  se  fait,  impur,  impie,  sacri- 
lège :  il  a  changé,  le  voilà  prêt  à  tout  oser!  Car,  à 
la  source  de  tous  les  crimes,  une  funeste  conseillère 
de  honte,  la  folie,  est  là  pour  souffler  l'audace  aux 
mortels.  Il  osa  immoler  sa  fille ,  pour  aider  une  armée 
à  poursuivre  une  femme,  ouvrir  la  mer  à  des  vais- 
seaux ! 

Suppliante,  appelant  son  père,  elle  vit  sa  jeunesse 
et  savirginité  comptées  pour  rien  par  ces  chefs  épris  de 
guérite.  Et,  les  dieux  invoqués,  le  père  fait  un  signe 


I 


A(.  A  M  KM  NON'  (-m-'lTS) 

aux  servants  de  Calehas pour  (jne  la  rie r (je  (fé/fn/lan/e 
promptement  soit  saisie,  sottievée,  stn-  /\/N/e/  portée 
COfunte  ane  elièrre,  (/ans  les  loags  plis  de  ses  roiles 
tanihanls^  et  poar  (fu'iin  haillon  sar  sa  hoaehe  (h'Iieale 
arr(''te,  au  moins  par  la  force,  par  ce  frein  hralal  mis 
()  sa  vois,  toute  iniprccation  contre  les  siens. 

Sa  rohe  de  safran  a  couh'  sur  le  sol  et  ses  i/eu.i 
vont  Idesser  de  piti(''  ceu.r  nn-me  (jui  la  tuent.  Elle 
senihie  une  inuKje  impuissante  (t  parler,  elle  (^ui 
tant  de  fois,  dans  la  salle  des  festins  paternels,  chan- 
tait et ,  de  sa  eoi.v  pare  de  eierfp'  aimante,  entonnait 
pour  la  troisi/'ine  Iduit/on  le  /oi/eu./  jn-an  de  s(ni 
pi're  aiiiK'! 

Tr  (fUi  a  suiri,  p'  ne  Idi  point  ru  et  ne  le  peur 
dire.  Mais  les  oracles  de  Cal  chas  ne  sont  pas  rai  fis 
et  ce  nest  (luà  (cu.r  (jui  ont  souffert  (pie  la  Justice 
donne  la  science.  Pour  rave  ni  r  lui -mione,  c'est  assez 
tôt  le  connaître  (juand  il  rien!  au  jour.  .Ius(jue-I()  ne 
songeons  pas  ()  lui  :  ce  serait  vouloir  (jinnir  (T avance . 
\\l  se  révélera  un  jour  ()  mms  dans  sa  pleine  lumd're . 
Puisse  seulement,  autant  (pi' il  est  possible,  se  n'-aliser 
le  su  CCI' s  (j  n'appellent  de  leurs  vipux  les  vigilants 
{(/ordiens  restés  seuls  ()  veiller  sur  la  terre  (F Apis l 

\  A  la  porte  de  gaucho   du  palais,  celle  du  gynécée,  Clytcm- 

nestre  parait,  entourée  d'esclaves. 

LK  coryphél: 

[I    Je  suis  venu    rendre   hommage  à    ton  iiutorité, 
Clytemnestre.  Il  est  juste   d'honorer  une  épouse 


i;(Mu:sTiR 

royale,  quand  est  vide  le  trône  de  l'époux.  Mais, 
dis-moi,  as-tu  quelque  heureuse  nouvelle,  ou  l'Ms- 
pérance,  seule,  est-elle  la  douce  messagère  qui 
t'invite  à  sacrifier?  Je  t'entendrai  avec  joie;  mais, 
si   tu  te  tais,  je  respecte  même  ton  silence. 

GLYTEMNESTHE 

Douce  messagère,  si  le  proverbe  dit  vrai,  puisse 
Tètre  l'Aurore,  fille  de  la  Nuit  douce!  Ta  joie  va 
dépasser  toutes  tes  espérances.  Les  Argiens  ont 
conquis  la  ville  de  Priam. 

LE    CORYPHÉE 

Quoi  ?  J'ai  mal  entendu  l'incroyable  nouvelle? 

CLYTEMNESTRE 

Troie  est  aux  mains  des  Grecs  :  parlé-je  claire- 
ment? 

LE    CORYPJIÉE 

La  joie  pénètre  en  moi  et  me  tire  des  larmes. 

CLYTEMNESTRE 

Tes  yeux  attestent  bien  ton  amour  pour  tes  rois. 

LE    CORYPHÉE 

As-tu  de  la  nouvelle  un  indice  certain? 

CLYTEMNESTRE 

Sans  doute,  à  moins  qu'un  dieu  n'ait  voulu  me 
jouer. 


i 


AGAMEMNON  r274-316) 
LE    CORYPHÉE 

Ton  crédule  respect  se  fierait-il  aux  songes  ? 

CLYÏEMNESTRK 

Je  crois  mal  aux  visions  de  l'esprit  endormi. 

LE    CORYPHÉE 

Kst-ce  quelque  bruit  vain  qui  t'enfle  de  chimères  ? 

CLYTEMNESTRE 

Tu  me  crois  une  enfant  pour  me  railler  ainsi. 

LE    CORYPHÉE 

Depuis  quand  Ilios  a-t-elle  succombé? 

CLYTEMNESTRE 

Depuis  la  nuit  cjui  vient  de  nous  donner  ce  jour. 

LE    CORYPHÉE 

Quel  messager  rapide  a  donc  franchi  l'espace? 

CLYTEMNESTBE 

f  Héphaistos,  de  l'Ida  lâchant  la  flamme  claire. 
JTrâce  au  courrier  de  feu,  chaque  fanal  allait  dépê- 
chant un  fanal  vers  Argos.  L'Ida  envoie  au  cap 
THermès  à  Lemnos,  et  un  signal  éclatant,  parti 
i  son  tour  de  l'île,  a  reçu  accueil  de  l'Athos,  dont 
'eus  possède  les  sommets.  Là,  le  pin  enflammé 


LOMKSTir-: 

élève  vers  le  ciel  sa  lueur  messagère,  et,  d'un 
bond  puissant  (jui  franchisse  la  croupe  des  mers, 
le  flaml)eau  voyageur  s'élance  à  cœur  joie,  trans- 
mettant sa  lumière  d'or,  soleil  de  la  nuit,  aux 
rochers  du  Makistos.  Le  mont  veillait  :  sans  retard 
il  s'est  chargé  du  message,  et  l'éclat  de  son  fanal 
part  au  loin  vers  l'Euripe  rapide  porter  la  nouvelle 
aux  gardiens  du  Messapios.  Ceux-ci,  allumant  un 
amas  de  bruyère  sèche,  ont  fait  luire  leur  réponse 
et  transmis  l'ordre  au  loin.  Toujours  sans  défail- 
lance, la  flamme  vigoureuse  traversait  d'un  vol 
rapide  la  plaine  de  l'Asôpos,  semblable  à  la  lune 
brillante,  et  venait  éveiller  sur  le  sommet  du  Ci- 
théron  un  nouveau  relai  du  lumineux  coureur.  La 
garde  s'empressait  alors  de  faire  jaillir,  plus  haute 
même  que  je  ne  l'ordonnais,  une  flamme  infati- 
gable, qui  bondit  par-dessus  le  lac  Gorgôpis  et 
vient  sur  l'Egiplancte  inviter  les  signaux  prescrits 
à  ne  pas  s'attarder.  On  allume  un  brasier  fougueux 
et  dévorant,  et  Ton  dépêche  une  gerbe  de  flamme 
assez  haute  pour  que  la  clarté  en  aille  au  loin 
dépasser  le  rivage  entrevu  au  delà  du  golfe  Saro- 
nique.  Elle  s'élance,  s'arrête  sur  le  mont  d'Arachné. 
poste  voisin  d'Argos.  P^t  enfin  il  vient  s'abattre  sur 
le  toit  des  Atrides,  ce  feu  descendu  du  feu  de  ITda. 
Telles  étaient  les  lois  fixées  à  mes  lampadéphores  : 
pour  y  satisfaire,  ils  se  sont  passé  tour  à  tour  le 
flambeau,  laissant  la  victoire  au  dernier  parti  et 
premier  arrivé.  Voilà  mon  sûr  indice,  le  signal 
que  mon  époux  m'a  transmis   de  Troie. 


\(; AMKMXON  (3n-36G) 
LE    CORYPHÉE 

Je  vais  tout  à  l'heure  rendre  grâces  aux  dieux, 
femme  ;  mais  ce  que  tu  me  dis  là,  je  voudrais  de 
nouveau  l'entendre  et  l'admirer  à  loisir. 

CLYTEMNESTRE 

A  cette  heure  les  (frecs  possèdent  Troie.  Je 
m'imagine  entendre  la  cité  retentir  de  deux  cla- 
meurs (jui  jamais  ne  se  fondent.  Verse  vinaigre  et 
huile  dans  un  même  vase  :  tu  les  verras  rester 
séparés  comme  deux  ennemis.  Ainsi  vaincus  et 
vainqueurs  ne  confondent  pas  plus  leurs  voix  que 
leurs  destins.  Les  uns,  tombant  à  terre,  étreignent 
les  cadavres  d'un  frère,  d'un  mari,  ou,  vieillards 
qui  furent  d'heureux  pères,  d'un  enfant,  et,  cour- 
Ibant  un  front  désormais  sous  le  joug,  gémissent 
sur  la  mort  de  tout  ce  qu'ils  aimaient.  Les  autres, 
la  tache  vagabonde  et  sanglante  de  la  nuit  les  ras- 
semble affamés  autour  des  mets  les  meilleurs  que 
icontienne  la  ville,  sans  autre  signe  de  ralliement 
pour  les  grouper  que  le  sort  tiré  par  chacun  dans 
ll'urne  du  hasard.  Déjà  ils  s'installent  dans  les 
ITiaisons  caj)tives  de  Troie,  délivrés  enhn  des  gelées 
i|?t  des  rosées  du  ciel  :  avec  quel  bonheur  ils  dormi- 
/;ont  la  nuit  entière  sans  avoir  à  se  garder  I  Et  si 
reur  piété  respecte  les  dieux  nationaux  de  la  terre 

onquise  ot  leurs  sanctuaires,  ils  n'auront  pas  à 
trraindre  la  défaite  après  la  victoire.  .Maisqu'avant 

e  retour  nulle  convoitise  ne  les  pousse  à  de  sacri- 


I/ORRSTIK 

luges  pilhigcs,  ne  les  fasse  (:('Mler  à  la  cupidité  ! 
Pour  trouver  le  salut,  le  retour  aux  foyers,  il 
faut  courir  en  sens  inverse  la  piste  déjà  courue. 
Partiraient-ils  même  purs  d'offense  envers  les 
dieux  que  le  courroux  des  morts  peut  aussi  s'éveil- 
ler et  se  trahir  par  des  coups  imprévus.  Voilà 
les  pensées  d'une  simple  femme.  Mais  puisse 
Tespoir  heureux  triompher  sans  réserve!  Nos  suc- 
cès sont  grands  :  je  ne  demande  plus  que  le  droit 
d'en  jouir. 

LE    CORYPHÉE 

Femme,  tu  parles  en  homme  sage,  et  tes  souhaits 
sont  bons.  J'en  crois  tes  sûrs  garants  et  m'apprête 
à  mon  tour  à  invoquer  les  dieux.  Une  joie  digne 
de  nos  peines  enfin  nous  est  donnée. 

Clytemnestre  et  sa  suite  rentrent  dans  le  palais  par  la  porte 
centrale. 

Mélodrame  0  Zbus  souverain,  ô  Nuit  amie  qui  nous  a  con- 
quis tant  de  gloire! 

Vous  avez  jeté  sur  les  remparts  de  Troie  un  filet 
enveloppant,  et  ni  enfant  ni  homme  fait  n'a  pu 
échapper  au  vaste  réseau  de  servitude  où  le  Châti- 
ment divin  les  a  tous  faits  prisonniers. 

Oui,  c'est  Zeus  Hospitalier  que  j'adore,  car  sa 
volonté  a  tout  conduit  et  son  bras  n'a  tendu  si 
longtemps  son  arc  contre  Paris  que  pour  éviter  à 
un  trait  prématuré  de  s'égarer  au-delà  des  astres. 


AGAMEMNON  (3G7-450) 


LE    CHŒLK 


Troie  peut  dirv  (lUc  le  antp  vicuf  dr  Va' us;  il  lui  est  Animé 
facile  (l'en  reconnaître  r origine  :  elle  a  eu  le  sari 
(ja'il  avait  décrété.  Ijs  dini.i-  oui  prn  de  smici^ 
disait-on^  des  mortels  (jui  foulent  luer  pieds  Fin- 
eiolalUe  sainteté  drs  lins,  ("est  là  hini/ayc  iriinpir. 
Vn  Ares  veiujeur  finit  par  uppdnùtrr  à  ceux  iini^ 
dans  Populenie  drhordantc  de  leurs  ntaisons^  res- 
pirent un  orejneil  insolent .  La  mesure  est  Ir  hien 
sf/pré/ne.  Soukaitons  un  honlienr  sans  doiup'r  :  il 
suffit  à  ([ui  est  saije .  —  (Un  peu  retenu)  Nul  rctnparl  ne 
sauvera  celui  qtu,  dans  t orgueil  de  la  richesse^  a 
renversé  f  autel  sacré  de  la  Justice  :  il  périra. 

Elle  fait  violence  à  la  volonté^  lu  funcsti-  per- 
suasion^ affreuse  jille  dWté.  Dès  l(U's  fout  remède  est 
vain.  Iji  faute  n'est  pas  cachée  :  lueur  à  réélut 
funèbre,  elle  brille  à  tous  les  //eux.  Comme  une  tnuu- 
1  vaise  monnaie  noircie  par  l'usage  et  les  chocs ^  il  est 
enfin  jugé  à  son  prix  celui  qui.,  p(mr  suirre,  ainsi 
(juun  enfant,  un  oiseau  ailé^  a  mis  sur  sa  ville  une 
intolérable  souillure.  Aucun  dieu  n'écoute  ses  prières  ; 
s  il  s'est  complu  à  de  tels  crimes^  le  coupable  est 
'luéanti. —  (un  peu  retenu)  C'est  ainsi  que  Paris,  dans 
la  denu'ure  des  Atrides,  souilla  la  table  de  so/t  hôte 
par   un  rapt  adultère. 

I  Laissant  à  son  pngs  vaisseaux  ù  armer,  bou- 
cliers et  lances  à  froisser  dans  les  mêlées,  ajjportant 
pour  (lof  (7  llios   la  morf .  légère,  elle   a   franchi  ses 

2 


I/OIIESTIE 


,,„Wrs  ,ysnnl  <r  r<'""  "'"sn  jamais.  Lrx  <l<'>U's    ,h, 
l,ah,i.    <,h,>issmr,.l  H    </,so,r,./  :  Ah!  />a/'us.'  ,>a/a,s 
vl   j,ri„rrs!    Lil    ni,    friioiisr   a   laissé   s,m   n„i,rrnilr 
rhorir!  I.r  roi  smlrrmr  ,l<u,s  h  silence  :  son  reijrrl  la 
sait  aa-,ldà  des  aa-rs,  el  ,e  aes/plas  ./aaae  „a,hre  <,a, 
.nnUle  cowmander  dans  sa  maison.  —  (un  peu  retenu; 
La  </rdce  des  helles  slatms  nés/  plas  ,,aodtense  a 
l'éjmu:.  Elles  n  ont  pas  les  yeux  d'Hélène  :  loul  leur 
charme  amonrenx  a  fat. 

Dans  les  sonfjes,  de  douloureuses  a/,panlions  im 
apportent  une  vaine  joie,  car  ,^ est  hien  vanité,  si 
da  bonheur  qu'on  croit  voir  la  vision  glisse  rapalr 
entre  vos  bras  et  s'envole  par  les  roules  du  sommeil. 
Telles  sont  les  souffrances  qu'enferme  ce  palais.  Il  ;/ 
en  a  d'autres  ailleurs,  plus  cruelles  encore.  A  tous 
les  foi/ers  des  guerriers  partis  de  la  terre  de  Grèce 
rèqne  un  deuil  lourd  à  porter.  Bien  des  pensées 
percent  le  cœur.—  {vn  peu  retenu)  On  sait  qui  l'on  a  vu 
partir;  mais,  au  lieu  de  guerriers,  c'est  une  urne 
et  des  cendres  qui  rentrent  dans  chaque  maison. 

Ares  changeur  de  mort,  dans  la  mêlée  des  jave- 
line, '«  dressé  ses  balances.  On  lai  donne  des 
hommes  :  il  renvoie  d'ilios  la  triste  cendre  des 
bûchers  et  de  cette  poussière  cruelle  à  des  parents 
emplit  des  urnes  chétives.  On  gémit  en  vantant 
tel  guerrier  .si  habile  au  combat,  tel  autre  glo- 
rieusement tombé  dans  la  lutte  sanglante...  pour 
une  femme  qui  ne  lui  était  rien;  mais  cela  à  voix 
basse;  et  la  douleur  va  se  mêlant  de  haine  contre  les 


Ar,AMKM\0\  (if>1-fîin) 

Aliidrs^  cluintinoNs  de  la  rciu/caiH  r .  —  (Un  peu  retenu) 
n\//f//'('s,  afftotfr  (les  murs  innnr  où  ils  (intu-nt  lii/lr, 
rt'ijosi'nl ,  corps  iiiriolrs,  dans  le  soi  I roi/cit  :  la  Icrrr 
eiua'aùc  a  cachr  ses  raua///rars. 

La  (jloirc  est  loardr  tja  ai  cotniiai/nc  la  launc  da 
pai/s  ;  rllr  itair  so/i  hihat  à  la  aialnliclinn  d' an 
l^'aplc.  Mon  (UK/oissc  incssrnl  narlijar  roap  trnv- 
hrra.i .  i'ca.i-  (jai  rrrsr/-r/i/  drs //o/s  de  sanij  ici icnncnt 
les  rci/ards  des  dirii.i\  cl  1rs  noires  /'^rini/cs,  arec  le 
cin/rs  des  cluinf/eanles  années,  ancani issrni  an  /'nir 
le  inorlid  dmil  le  hiadicar  ojjcnsail  la.laslice  ;  cl  (jac 
deeienl  la  fia'cc  d  an  iiiori?  Tro//  //randc  (jliarc  csl 
nèrilleasc  :  la  foadre  de  Zens  f rajijie  les  soinnicls. 
—  ( Un  peu  retenu)  ,/^'  cca.r  (jac  nnai  Inaihear  nc.iiilc 
pas  Fcncic  :  paissé-je  nèlri\  nan,  ni  dcslna  leur 
de  cilles,  ni  csclacc  sminiis  aa.r  caïuK  es  iliialrai. 

—  l.' Iiearease  nttacellc  ajijiialcc  par  h'  coarrier  de 
fca  se  répand  rapide  à  travers  la  cite.  Mais  est-elle 
ce  rite  on  nicnsiaiyc  dicin,  i/in  le  sait? 

—  Qai  serait  assez  cn/a/il.  assez  fou,  pour  s'en- 
/laniiiier  d  espoir  aa.r  nics^aip's  da  /ca,  iiaillc  à 
soii/frir  deçà,  (^iia/id  clia/a/e/onl  les  choses? 

—  Satis  attendre  la  pleine  lainii're,  faire  chanter 
I  hi/nine  (factions  de  ijrdces  est  hien  an  ordre  de 
jcninic  :  crédule  par  nain  ri',  la  jeninic  prompt  e- 
nienl  ca  aa-delà  des  /ails;  mais  promplcnn  ni  aussi 
périssent  les  noacelles  prix  lamées  par  sa  coi.r. 

Le  Coryphée  regarde  .lu  loin,  vers  l.i  droite. 


i,<»iu;s'riK 


m:    COKVI'IIKK 


Nous  saurons  bientôt  si  ces  flambeaux  éclatants, 
ces  signaux  enflammés  aux  relais  de  feu  ontditla 
vérité  ou  si  ( 'est  une  lumière  de  songe  (jui  est 
venue  éblouir  n(js  esprits  charmés.  Je  vois  du  rivage 
s'avancer  un  héraut  le  front  ombragé  de  rameaux 
d'olivier,  l.a  poussière,  sœur  altérée  de  la  boue, 
m'atteste  qu'une  voix  humaine,  et  non  ])lus  un  feu 
de  bois  allumé  sur  les  monts  et  sans  autre  langage 
que  sa  flamme  enfumée,  va  nous  dire  en  termes 
clairs  s'il  nous  faut  réjouir  encore  ou  si  au  con- 
traire... l'idée  m'en  fait  horreur!  Que  des  succès 
continuent  les  succès  qui  nous  luisent  déjàl  Si 
quelqu'un  fait  ici  d'autres  vœux  pour  la  ville,  qu'il 
recueille  le  fruit  du  crime  de  son  cœuri 

Talthybios,  le  héraut,  entre  par  la  droite,  puis  s'arrête  et 
fait  le  geste  des  adorants,  étendant  le  bras  droit  et  s'inclinant 
légèrement. 

LE    HÉUALT 

Ah!  terre  maternelle  du  pays  argien,  après  dix 
ans  elle  a  donc  lui,  l'heure  où  je  te  revois  !  De  tant 
d'espoirs  brisés  un  seul  se  réalise.  Je  ne  me  flattais 
plus  de  trouver,  à  ma  mort,  une  place  chérie  dans 
un  tombeau  creusé  au  sol  d'Argos.  Salut  donc 
enfin,  patrie;  salut,  lumière  du  soleil  ;  et  toi,  Zeus, 
dont  la  pensée  plane  sur  cette  terre;  et  toi  qui 
règnes  à  Pytho,  archer  dont  les  traits  ne  sont  plus 


1 


ACA.MK.MNO.N  f.;ii-n4«;) 

pour  nous  ;  assez  long"temps,  près  du  Scaniandro, 
tu  lis  notre  détresse  :  aujourd'hui  sois  pour  nous 
salutetguérison,  Apollon  souverain.  — (ii  taitquelqucs 

pas,  puis  s'arrête  devant  le  p.ilMis.")    Je     X'OUS    in\'0(jUe    aUSsi. 

\ous  tous,  dieux  de  nos  places,  et  toi,  di\in  ])atron, 
I  lermès,  héraut  chéri,  orgueil  des  hérauts  ;  et  vous, 
(l(Mni-dieux  ([ui  jadis  avez  accompagné  les  guer- 
riers (jui  partaient,  accueillez  ceux  qui  rentrent 
épargnés  ])ar  la  lance.  ^Vh  !  palais  de  mes  rois, 
demeure  chérie  ;  sièges  augustes  ;  statues  (mso- 
leilléesde  nos  dieux;  si  toujours  xous  avez  eu  ])our 
nous  des  regards  favorables,  accueillez  comme  il 
sied  le  roi  longtemps  absent.  Tl  vient  en  ])leine  nuit 
faire  briller  le  jour  ])our  xous,  ])()ur  tous  ceux-ci, 
Agamemnon,  mon  maître.  (  )uvrez-lui  donc \-os])ras  ; 
il  le  mérite,  le  destructeur  de  Troie  à  (pii  /eus 
a  prêté  son  hoyau  vengeur  })our  retourner  le  sol, 
détruire  autels  et  temples,  anéantir  la  race  entière 
du  pays.  Ainsi  fut  domptée  Uios  par  le  roi  cjui 
revient,  aîné  des  fils  d'Atrée,  héros  fortuné  et  de 
tous  les  vivants  le  plus  digne  de  respect.  Paris  et 
sa  ville,  avec  lui  condamnée,  ne  pourront  dire  que  le 
châtiment  est  resté  au-dessous  de  la  faute.  Con- 
vaincu de  rapt  et  de  vol,  il  a  vu  sa  proie  lui  échapper 
et  a  entraîné  sous  la  faux  destructrice  la  maison 
paternelle  et  sa  patrie  entière.  Les  IViamides  ont 
deux  fois  payé  leurs  fautes. 

LE    CORYPHÉE 

Sois  heureux,  cher  héraut  de  l'armée  achéenne. 


i;(»nr.sTir: 


Je  suis  licLircux  ;  niix  dieux  j'al)an(lonnc  ma  \'ie. 

LK    rOI'.Yl'UKE 

Le  regret  du  pays  a  tra\aillé  ton  âme? 

Crois-en    les    pleurs    de   joie    qui    remplissent 
mes  yeux. 

LE    COIIVPIIÉE 

Vous  avez  donc  connu  le  doux  mal  de  nos  cœurs? 

\a:  héraut 

Que    dis-tu?    instruis-moi,    et    je    comprendrai^ 
mieux. 

LE  coiapnÉE 
Vous  brûliez  du  désir  de  qui  vous  désirait. 

LE    HÉKAUT 

Cette  terre  pleurait  ses  fils  qui  la  pleuraient  ? 

LE    CORYPHÉE 

Et   de  mon   sombre  cœur  jaillissaient   les  san- 
glots. 


ACÎAMEMNON  (547-r)8r.) 
LE    HÉRAUT 

Ouello  amôre  soiiffranrp  envahissait  \()s  âmes? 

LK    CORYPHÉE 

Le  silence  à  ma  peine  était  le  seul  remède. 
Voyant  tes  rois  absents  tu  redoutais  quelqu'un  ? 

LE    CORYPHÉE 

Comme  à  toi,  la  mort  même  mVùt  été  un  ])ienfait 

LK  Fn:i{  m:t 

Oui,  car  mes  vœux  sont  comblés.  Mais,  comme 
tout  ce  qui  dure,  la  guerre  a  joint  à  ses  succès 
d'inévitables  revers  :  les  dieux  seuls  voient  sans 
souffrance  s'écouler  leur  vie  éternelle.  Si  je  vous 
contais  toutes  nos  peines  sur  mer,  veillées  sous  le 
ciel,  relâches  rares  et  sans  abri  !  Axons-nous 
passé  sans  gémir  une  heure,  marquée  par  quelque 
joie?  Kt  sur  terre  la  peine  était  autre,  mais  ])lus 
cruelle  encore.  Nous  campions  sous  les  murs 
même  de  l'ennemi,  et  du  ciel  et  de  la  terre  la 
rosée  venait  couvrir  la  ])laine;  le  sol  humide  per- 
dait nos  vêtements;  nos  l^arbes  incultes  nous 
donnaient  un  aspect  sauvage,  lu  si  Ton  vous 
peignait  l'hiver,  tueur  d'oiseaux,   que  rend  insup- 


I/f)nKSTIK 

portable  la  nci^o  de  l'Ida,  ou  la  chaleur  de  l'été, 
quand  la  nier  à  midi,  dans  le  calme  des  vents, 
laisse  retomber  sur  sa  couche  ses  flots  endormis! 
Mais  à  quoi  bon  s'en  attrister  encore?  J.a  peine 
est  passée  et  bien  passée;  les  morts  ne  songent 
j)lus  à  se  lever  de  terre  ;  les  vivants  n'ont  pas  à 
renouveler  leur  souffrance  en  comptant  les  absents. 
Il  reste,  en  somme,  bien  des  sujets  de  joie  dans 
notre  aventure,  et,  pour  les  survivants  de  Tarmée 
argienne,  le  bonheur  l'emporte  encore  et  compense 
largement  la  peine  passée.  Nous  pouvons  à  la 
face  du  soleil  nous  rendre  gloire,  nous  dont  le 
nom  vole  par-dessus  la  terre  et  les  mers  :  'r  Con- 
quérante de  Troie,  une  armée  argienne  a  cloué 
dans  leur  temple  ces  dépouilles  vouées  aux  dieux 
de  la  Grèce,  antique  et  brillant  trophée.  >/  De 
tels  souvenirs  feront  célébrer  Argos  et  ses  capi- 
taines et  rendre  hommage  à  la  faveur  de  Zeus  à 
qui  ces  exploits  sont  dus.  J'ai  tout  dit. 

LE    CORYPHÉE 

Je  me  rends  à  tes  récits,  je  Tavoue  :  on  n'est 
jamais  trop  vieux  pour  aller  à  l'école  de  la  vérité. 
Mais  c'est  surtout  cette  maison,  c'est  Clytemnestre 
que  touchent  ces  nouvelles  :  je  n'ai  droit  qu'à  ma 
part  du  trésor  de  leur  joie. 

Clytemnestre     parait     à     la     porte    centrale,     entourée     de 
femmes. 


AdAMEMNON  (r]81-r)21] 


CLYTEMNKSTRF 


11  y  a  longtemps  déjà  ([uc  j'ai  poussé  une 
longue  daineur  (le  joie,  c[uan(l,  le  premier,  arri\a 
dans  la  nuit  le  messager  de  feu,  annonçant  la 
prise  et  la  destru(^ti()n  irilios.  Et,  plein  de  re- 
proches, chacun,  me  disait  :  '^  Des  signaux  en- 
flammés suffisent  à  te  convaincre  (pie  Troie  est 
aujourd'hui  dcHruite!  Tl  est  bien  d'une  femme  de 
s'exalter  ainsi!//  1  )e  tels  projios  me  peignaient 
folle,  .^\algré  tout,  je  sa(Tifiais  ;  sur  mon  ordre  de 
femme,  Argos  entière  n^tentissait  de  longs  cris 
de  triomphe  et,  dans  les  temples  divins,  les  prêtres 
s'efforçaient  d'endormir  la  dévorante  ardeur  des 
flammes  jxarfumées.  lù  maintenant  qu'ai-je  besoin 
que  tu  m'en  dises  plus?  J'ajiprendrai  tout  du  roi 
lui-même.  Je  nc^  v(hix  plus  songer  qu'à  recevoir 
(le  mon  mieux  r(q^oux  respecté  qui  me  re\ient 
enfin.  Ouel  soleil  luit  plus  doux  à  une  femme 
que  celui  qui  l'éclairé  ()u\  rant  ses  p(^rtes  au  mari 
([ue  les  dieux  ont  sauvé  de  la  guerre?  Tout  cela, 
dis-le  à  mon  é])oux,  et  (pi'il  \ienne  en  hâte  ré- 
pondre aux  désirs  de  sa  ville;  (|u'il  vienne  retrou- 
ver dans  sa  maison,  telle  qu'il  l'y  a  lais.sée,  une 
épouse  fidèle,  chienne  de  garde  à  lui  dévouée, 
farouche  à  ses  ennemis,  toujours  la  même  en  tout, 
et  qui  n'a  point  violé,  durant  sa  longue  absence, 
les  dépôts  confiés.  Teindre  le  fer  ne  m'est  pas 
chose  plus  inconnue  que  le  plaisir  coupable  et 
l'infamant  renom    que    vous    fait    l'adultère.  Tel 


I/OHESTIR 

élo^c  (le  soi,  (|iian(l   il  est  j)l(Mn  de  vérité,  ne  dis- 
coin  iciU  j)oint  aux  lè\  res  (Tune  noble  femme. 

Elle  entre  dnns  le  gynécée.  Le  Corypliéc  la  suit  des   yeux, 
d'un  regard  sévère  et  triste. 

LK    CORYPHÉK 

Pour  toi  qui  n'entends  que  le.s  mots,  ils  te 
semblent  sans  doute  clairs  interprètes  de  pensées 
qui  conviennent!  —  Mais  parle,  héraut  :  que  je 
sache  si  Ménélas  a  trouvé  avec  vous  le  salut  et  le 
retour,  lui,  le  roi  cher  à  ce  pays. 

LE    HÉRAUT 

Je  ne  puis  inventer  de  séduisants  mensonges, 
dont  le  profit  pour  vous,  amis,  soit  bien  durable. 

LE    CORYPHÉE 

Ah  !  puisse  joie  pour  nous  être  aussi  vérité!  La 
joie  qui  n'est  pas  vraie  vite  est  désabusée. 

LE    HÉRAUT 

Le  roi  et  son  vaisseau  ont  tous  deux  disparu  de 
Tarmée  achéenne  :  voilà  la  vérité. 

LE    CORYPHÉE 

Était-il  parti  seul  d'Ilios  devant  vous?  ou  un 
même  fléau  vous  frappa-t-il  ensemble  ? 


i 


ACAMK.MNO.N    r.-2s-(;7r 


LK     IIKRALT 


Cominc  un  liabilc  arrher  tu  as  touché  le  l)Ut,  et 
•ésunié  d'un  mot  un  ininicnse  désastre. 

LE  COHYPIIKK 

Parnii  nos  (M)nîpai4n<)ns,  dans  la  flotte  deslirecs, 
le  croyait-on  \ivant  ou  à  jamais  perdu? 

I.i:    IIKIIAIT 

Personne  n'en  a  })lus  de  nouvelles  certaines,  si 
ce  n'est  le  Soleil,  nourricier  de  la  terre. 

M-:    (.OHVl'HKK 

Dis-moi  donc  le  fléau  que  le  (^ourroux  des  dieux 
déchaîna  sur  la  flotte,  et  quelle  en  fut  l'issue. 

\A-:    IlÉRALT 

11  nc^  (H)n\ient  pas  de  souiller  un  jour  de  joie 
d'un  rc'uit  de  deuil  :  chaqut*  di\inité  \('ut  être  ado- 
rée à  son  heure.  Quand  un  messag'er,  la  tristesse 
au  front,  \'ient  apporter  à  la  c\lr  l'horrible  douleur 
d'une  armée  anéantie,  la  blessure  est  commune  à 
tous  ;  c'est  la  blessure  du  pays,  autant  ([ue  des 
foyers  oîi  la  mort  a  choisi  les  nombreuses  victimes 
vouées  au  double  fouet  ([ue  })artout  })()rte  Ares, 
comme  un  guerrier  sa  double  lan(  e,  couple  san- 
glant de  fléaux.  C'est  alors  c[u'il  (^onxient  au 
héraut  chargé  de  ces  douleurs  d'entonner,  comme 


i;(ii;i>riF. 

tu  le  (Icmandcs,  le  péan  des  l''rinyes.  iMais,  entrant, 
messaj^er  de  salut,  dans  une  \ille  tDul  à  la  jf)ic(le 
son  tri()m])he,  dois-je  mêler  la  tristesse  au  bonheur, 
en  vous  contant  une  tempête  qui  trahit  cU^s  dieux 
irrités  contre  nous?  Xous  a\'ons  vu  en  effet  deux 
ennemis  jusqu'ici  irréconciliables,  la  mer  et  le 
feu,  se  conjurer  et  montrer  leur  alliance  en  détrui- 
sant la  malheureuse  armée  des  Argiens.  C'est  dans 
la  nuit  qu'en  tourbillons  cruels  la  mort  se  leva 
contre  nous.  Les  vents  de  Thrace  choquaient  nos 
vaisseaux  les  uns  contre  les  autres  :  eux,  se  heur- 
tant de  front  avec  violence  sous  le  déchaînement 
de  la  tourmente,  sous  le  fouet  de  grêle  de  l'oura- 
gan, berger  de  malheur,  tournoyaient  et  dispa- 
raissaient aux  regards.  Quand  se  leva  la  radieuse 
lumière  du  matin,  la  mer  Egée  était  toute  fleurie 
de  cadavres  grecs,  de  débris  de  vaisseaux.  Pour 
nous,  sur  notre  nef  intacte,  un  brusque  élan  de  la 
carène  guidée  par  une  main  divine  qui  prit  le  gou- 
vernail nous  déroba  à  la  mort.  La  Fortune  libé- 
ratrice s'assit  à  la  place  du  pilote,  et  nous  ne 
sentîmes  ni,  au  mouillage,  l'assaut  furieux  de  là 
vague,  ni,  en  marche,  le  heurt  d'un  écueil  rocheux.  ! 
Mais,  échappés  aux  portes  qu'Hadès  s'ouvre  sur  la 
mer,  nous  ne  pûmes,  même  à  la  clarté  du  jour, 
jouir  de  notre  bonheur,  car  nos  cœurs  anxieux 
nourrissaient  une  nouvelle  souffrance  :  notre  armée 
perdue  et  détruite  !  A  cette  heure  même,  s'il  en 
reste  sur  terre  un  survivant,  sans  doute  il  parle 
de  nous  comme  de  morts,  tandis  qu'ici  nous  lui 


AGAMFMNoN  ^Ji-Ji-Tie) 

prêtons  le  même  destin.  Qu'il  en  soit  jxmr  le 
iiieux!  l'A  |)()iir  Ménélas  surtout,  attends-toi  à  ce 
[iTil  reparaisse  ici  le  premier.  Si  ciueU^ue  rayon  du 
^oKil  li;  voit  t[uekiue  ])arl  \i\anl  et  les  yeux 
•  Il verts  à  sa  lumière  par  l'etticace  volonté  de  Zeus 
|ui  se  refuse  à  anéantir  la  ra("e  d'Atrée,  un  espoir 
MOUS  reste  de  le  xoir  rentrer  en  son  palais.  Vu  \  iens 
l'entendre,  sac"he-le,  l'entière  \érité. 

Il  rciiUc  J.iiis  le  palais  par  la  purlc  de  droite. 

Li:    CIKKUU 

Utn  f/<Ht(\,    st/in/t    f/Kf'/tiffr  r//r    inrisihlc  «/m,  ihiiis       Animô 

^(1  prcscicni  (%  fait  /mrh'r  à  nos  li-rrcs  lu    Innijm'  ilu 

h'stm^  (hmiKl  rr  nom  si  mû  à  ri'jnuisrr  (juCsi  tnh'uf 

Vs  l(in(i's  rt  1(1  (j lierre,    a    llr/rnr?   Elle   rsl    née,   rn 

Iji'l^  ptnir  perdre    1rs  niissmiir,   les  honn/irs    el  les 

llvs^  celle  iiui,   souleriuit  ses  molles  leiiliires,   s  rn- 

<iit  sur  lu  mer  au  sou //le  du  zèpluir  ardent ,  tandis 

/lie,  sur  la  trace  éranouie  de  son  ruisseau,  détrani/es 

liasseiirs  armés  de  hoin  liers    et  sairis   dune  meute 

/uerrièrr   venairnt    ahorder  aux  rires  où  le  Sinn/is 

it  croître   les  feuillaycs    urrn<rs  du  sanij   des    Im- 

dles. 

l  ne    \  enyeance  aii.i    desseins   in/aillihles  jHu/ssa 

/■s  llios  celle  dont  l  alliance  allie  à  la  mmt ,  u/in 
le  /aire  un  jimr  imi/er  la  laide  hospitalière  et  Zeus 
irotecteur  du  /oijer  méprisés  par  Pdris  ù  tous  ccff.r 
lai^à  pleine  roix,  avaient  répété  le  chant  dluiniénée 

'  en  llionneiir  des  jeunes  épou.r  entiuinîrent  alors 


I 


1é 


i;nia:sTiE 

les  jils  (II'  l^nani .  Aprrs  riii/nuic  dr  jfnc  ri  h-  njnirrud 
riiijnmr  ilr  dciiil,  la  ririllc  cild  tr<H/riinf\  cl.  fhins 
ses  loNffls  sdiuflols^  niiindissanl  l*àns  au.i  /Kurhre» 
(iiHDurs^  cl  II'  lail  celai  cr  un  jican  de  (htidenr  stir^ 
le  saiH/ldnl  di'slni  de  ses  ijnerricrs  aunes! 

C'est  ainsi  nu' an  lannnic  a  dans  sa  maison  naarri 
an  luniccaa.  lai  a  /ail  parlafjcr  le  lait  de  sei\ 
agneaux,  r/,  dans  les  premiers  j(nirs^  l'a  ru^  fjlein  de 
douceur^  caresser  les  enfants^  amuser  les  ricillards.\ 
SaueenI  il  la  jjris  en  ses  aras  comme  un  /ifiureau-né] 
quand  celui-ci  venait^  hril  brillant,  flatter  la  main\ 
à  laquelle  sa  faini  le  fait  ohèir. 

Mais^  avec  le  temps ^  il  révèle  Came  epi'il  doit  à  sa 
naissance .  Pour  paijer  les  soins  de  ceux  qui  Poni\ 
nourri^  il  se  donne  an  milieu  des  brebis  éyorgées  un\ 
festin  imprévu  ;  la  demeure  est  trempée  de  sang,\ 
pour  tous  ceux  qui  f habitent  incurable  fléau,  nias-\ 
sacre  ruineux.  Cest  un  prêtre  d'Até  envot/ê  par  les\ 
dieux  qu'a  nourri  la  maison.  ' 

De  même,  puis- je  dire,  entra  dans  llios  une  fenune\ 
sereine  comme  une  mer  sans  brise,  joyau  charmani 
de  la  richesse,  douce  flèche  qui  vise  aux  yeux,  fleur 
d'amour  qui  mord  les  cœurs.  —  '^ soutenu j  Mais  bientéi 
elle  change,  et  son  hymen   donne  des  fruits  amer- 
c'est  pour  perdre  qui  la  reçoit,   c'est  pour  jjerû' 
qui  rapproche   quelle   est    venue  aux  Priamides 
Zeus    Hospitalier    conduit    cette    Érinys    dotée   ' 
jjleurs. 


I 


AGAMFMNON  (ir.O-s!  \) 

Ilh'itiùs  l(ni(/trni]i:<  l  /mninir  rrjH'lr  im  rtcii  i  Jk  Inn  : 
le  honhciir  hnnuiui^  s'il  s'r/i-rr  asst'z  /kiiiI,  iw  fururt 
\iias  s/rrl/f^  il  (tcric/U  /rcoml  :  ih'  lu  prasprritr  (imnr 
\tinr  uisdt Kihir  mtsri'c. —  (Soutenu  .1  I  rnivt  (1rs  tiiilirs, 
je  jH'usr  srui  (u/tsi  :  r'rs/  Idrtr  inifin'  (jui  m  ru j an  le 
iCdiifrrs,  scmhifihirs  dii  jK-rr  dnnl  ils  sauf  nrs.  Mais, 
\fHW  /nf/r/s  (Ir  jtist  K  r,  la  praspriifr  nd  cy///.'  de  hcaUJC 
ïenf(inls  tinij(nirs. 

1  Ij  hisolrnrr  an/ucillrKsr  /ai  I  inillir  ihiii^  1rs  in-urs 
injnslrs  UNI'   insitIriHc  n(nirrlh\    hll    nu  hird,   tiuiind 

\est  rcini  Ir  jnur  /i.rr  à  s/i  naissdnrr,  r/.  urrr  rlh\ 
mw    dirim/r    nulnm jifahlc^     iinturddr.     .\h\    fimrslr 

\(U(.i'    UHUsoiis,    (indtK  irttsr    ri   inijur,    srnddah/r  à  sd 

\mrrc. 

j       La  Jusln  r  hnllr  satts    1rs  faits  rnjuairs   ri  hnnin'r 

s  les  rirs  pttrrs.  Mats  des  i>al<us  parsrinrs  di\i\  lui 
aiir     aann     snai/lrr     a     hussr     su/i     riiifirriHlr,     rl/r 

tdvtonnw  srs  rrtjards  ri  sdlltu  hr  à  la  inirrir  sainlr, 
sans  rijard  paar  la  /jtnssancc  dr  l'ar  ri  sa  i  nnlrc- 
fartm   dr  ijlnirr.    l'f/r    r/lr     laal    niarrhr    à    son    rral 

\lci  itir. 

A^.micmnon  entre  p.ir  la  ».lruiic.  11  est  debout  sur  son  char. 
Derrière  lui,  cortège  de  guerriers  et  de  captifs.  Sur  un  autre 
char,  queliiues  pas  en  arrière,  Cassandre  iiuniubile  et  les  yeux 
obstinément  fixés  sur  la  statue  d'Apollon,  prolecteur  des 
routes,  qui  est  à  côté  de  la  porte  centrale  du  palais  des 
Atrides. 

i.i:  couvpiiÉfc: 

Ah!  loi  ileslrucleur  irilio^.  lil^  J'Atn'o,  conimoiit      Mélodrame 
II'  saluer?  CoimiUMil  t'ex|nim«M-,  sans  allrr  au  drlà, 


I/OHKSTIE 

sans  r(»stor  en  deçà,  la  sincc'îrilé  de  ma  joir*?  Tant 
do  mortels  joueiil  l'iiircelion  aux  dépens  de  la  vé- 
rité! 

L'homme  malliciirciix  trouve  chacun  prêt  à  te- 
rnir avec  lui,  sans  (jue  le  chaj^rin  pénètre  et  morde 
les  cœurs. 

D'autres  senibieiit  pai'la^er  vos  joies  dmit  le 
visa|^e  contraint  est  hieii  loin  du  lire. 

Mais  celui  qui  connaît  son  troupean  sait  lire  dans 
les  yeux  qui  sem'hlent  parler  d'allection  sincère  et 
dont  la  llatteuse  amitié  est  noyée  d'envie. 

Pour  moi,  quand,  pour  Hélène,  tu  levas  une  ar- 
mée, je  ne  puis  le  cacher, 

J'inscrivis  en  mon  cœur  :  «  L'insensé  laisse  donc 
sa  raison  aller  à  la  dérive!  » 

Mais  maintenant  mon  âme  dévouée  ne  respire 
plus  que  sympathie  profonde  pour  ceux  qui  ont  su 
vaincre. 

Tu  sauras  plus  tard,  si  tu  veux  t* informer,  qui 
des  citoyens  restés  dans  la  cité  a  suivi  la  justice  et 
qui  l'a  transgressée. 

Agamemnon,  comme  Talthybios,   étend  le   bras  et  salue  la 
terre  paternelle. 

AGAMEMNON 

Je  dois  d'abord  saluer  Argos  et  ses  dieux,  aide^ 
puissants  de  mon  retour  et  du  châtiment  que  j"ai 
tiré  de  la  ville  de  Priam.  Juges  insensibles  aux 
mensonges  des  mots,  tous  les  dieux  ont  été,  d'un 


\(;ami:m\<>.\  8i:i-s6u) 

nirnic  iiiouwmcin,  d('*i)()S('r  dans  rurnc  sanglante 
un  suffraj^v  de  ruine  et  de  mort  pour  Iroic;  de 
riinic  de  rU'nienct*  seul  l'espoir  s'ap])ro(diait,  mais 
l'urne  restait  \'ide.  I  .a  t'uuK'e  indicpie  maintenant 
oi'i  fut  la  \ille  (|ue  nous  a\()nscon(|uis('.  l/ourag'an 
(lu  destin  reste  seul  \i\ant,  tandis  (pT I  lios  s'éteint 
dans  la  ("endre  mourante  d'où  montent  des  \a- 
])eurs  lourdes  de  sa  riehessc.  C'est  aux  dieux 
(pi'une  lidèle  reconnaissiMK^e  est  due,  si  nous 
avons  dress('*  d'in  t  ranehissahles  ])anneau\,  et  si, 
])()ur  une  renMn(\  une  \  ille  a  p(''ri  sous  le  monstre 
ari^ien,  issu  des  lianes  d'un  cliexal,  )»eu|)le  armé 
du  houelier,  (pli.  à  l'heure  où  se  couclient  les 
riéiades,  a  bondi  sur  Troie,  a  franchi  ses  rem- 
])arts,  et,  lion  eruel,  s'est  désaltéré  de  sanj^  ro}ai. 
("est  ])()ur(pioi  j'ai  prolonj^^f*  d'abord  mon  salut  aux 
dieux.  —  Pour  tes  ri'flexions.  j'y  ai  prêté  une  oreille 
attentixc,  et  je  t"aj)pr()U\  c,  etjele  rép('te  avee  toi  : 
nui,]UMi  d'hommes  sa\"ent  sansenxie  rendre  liom- 
m  a  j^'e  à  l'a  un  (pii  r(''Ussit.  (Juand  le  trait  de  haine  a 
touelu'  un  e(ear,  c'est  double  soufifranee  ]')our  ccdui 
qui  en  est  blessé  :  il  sent  le  ])()i(ls  {\c  ses  ])r()]ircs 
malheurs  et  jL^émit  au  spe(Haele  du  bonheur  d'au- 
trui.  J'en  j)arle  par  expiVience,  car  je  ("onnais  à 
tond  le  miroir  tromjx'ur  de  l'anntié,  ce  t"ant(")me 
d'une  ond)re  (pie  tut  l'affection  de  ceux  (pie  je 
'  l'us  nies  amis.  .Sciil.  ri\sse,  (pii  ])artit  a\'ec  tant 
(le  regrets,  une  lois  atteh'  à  mes  C(*)tés.  me  jirêta 
toujours  une  aitle  fidèle.  Ou'il  soit  mort  ou  vi\ant, 
je  lui  rends  témoignage.    Pour  ce  ([ui    regarde   la 

3 


i;(H{i:sTii-: 

ville  et  les  dieux,  nous  on \  rirons  dans  rassemblée 
des  débats  ])ul)li(:s  et  nous  en  délibérerons.  I.r  bien, 
il  fiiiidra  xcillcr  à  le  rendre  durableet  jjernianent. 
iMais,  là  où  l>e.soiii  sera  de  salutaires  remèdes,  ]>rû- 
lant  et  taillant  j)our  le  bien  de  l'Iûat,  n(jus  essaye- 
rons de  détourner  Todieuse  contaj^ion.  Pour  l'ins- 
tant, j'entrerai  dans  le  palais  et,  devant  le  foyer, 
je  saluerai  d'abord  les  dieux  qui,  après  m'avoir 
accompagné  au  loin,  m'ont  ramené  ici.  lu  ([ue  la 
Victoires,  qui  m'\'  a  sui\i,  \'  fixe  sa  demeure! 

Clytcinnestre,  depuis  un  moment,  est  apparue  à  la  porte 
du  gynécée.  Des  esclaves  la  suivent  chargées  d'étoffes  et 
de  tapis  précieux. 

CLVTE.MiNESTRK 

Citoyens  qu'on  respecte  entre  les  Argiens,  j'ex- 
primerai sans  rougir  devant  vous  mon  conjugal 
amour:  le  temps  étouffe  la  timidité  dans  les  cœurs. 
C'est  ma  propre  vie  que  je  vous  conterai,  ma  vie 
de  misère,  tant  que  cet  homme  fut  sous  Ilios.  Pour 
une  femme,  rester  au  foyer,  délaissée,  sans  époux, 
c'est  déjà  un  mal  affolant.  .Mais  sans  cesse  venait 
encore  un  messager^  puis  un  autre,  annonçant  à 
grands  cris  .des  maux  toujours  plus  cruels  pour 
cette  maiseA.  Oui,  si  cet  homme  avait  reçu  autant 
de  blessures  que  mille  canaux  divers  en  portaient 
ici  la  nouvelle,  son  corps  aurait  plus  de  plaies 
qu'un  filet  de  mailles  ;  et,  s'il  était  mort  aussi 
souvent  que  le  récit   nous  en  arrivait,  il  pourrait 


AGAMEMNOX  (870-928) 

se  vanter,  nouveau  (réryon,  d'avoir  eu  trois  corps 
et  d'avoir,  succombant  sous  chacun  d'eux,  donné  à 
tous  trois   le  manteau   de  la  tombe.  Voilà  cjuelles 
rumeurs,  exaspérant  ma  peine,  me  tirent  suspendre 
])lus  d'une  fois  mon  corj)s  à  un  lacet  mortel,  tlont 
la  violence  seule  sa\  ait  me  détacher,  là  ( 'est  aussi 
poun^uoi  ton  fils  n'est  ])as  ici,  comme  il  eût   con- 
venu, (  )reste,  j^arant  de  notre  foi.   Xe  t'en  étonne 
point  :  un  hôte  ami  l'élèxc,  Strophios  de  Phocide, 
])ar  (|ui  je  sus  entre\()ir  un  double  danger:  ta  mort 
sous   Uios,    ici    l'émeute  ([ui  j)ouvait   renverser  le 
Sénat  ;  piétiner  l'homme  à  terre  étant  un  désir  inné 
aux  mortels.  La  ruse  n'a  pas  ])lace  en  dépareilles 
raisons,  l'our  moi,  j'ai  \  u  se  tarir  les  sources  jail- 
lissantes de  mes  pleurs  et  n'ai  ]>his  une  larme.  J'ai 
brùh'  mes    \(>ii\   dans    les   lons^iu's    xcilh'es   où  je 
pleurais  sur  toi,  dans  l'obstiné  silence  des  signaux 
enflammés,    lu,    dans  mes  songes,   le   vol  léger  et 
bourdonnant  du    mi^ucheron   m'éveillait,  les  yeux 
encore  pleins  des  maux  ([iie  j'a\ais  \  us  t'envelopper 
plus  nombreux  ([ue  les  minutes  de  mon  rêve.  Après 
tous  ces    maux    soufferts,  l'àme  aujourd'hui   libre 
d'angoisses,  je  puis  bien  appeler  cet  homme  le  chien 
lie  l'étable,  le  (\\ble  saux'eur  du  na\  ire,  la  colonne 
soutien  de  la   haute  toiture,  l'enfant  unic[ue  chéri 
lie  sou  père;  ou  mieux  encore,  la  terre  inespérée 
apparue  au   matelot,  la  lumière  si  douce  après  la 
tempête,  la  sour«H*  \  ive  ([ui  (aime  la  soif  du  voya- 
geur. Oui,  \()ilà  de  cpiels  uoms  il  faut  le  saluer  :  ([ui 
triomphe  du  sort  goûte  joie  sans  mélange.  Et  que 


i;(M{i:sTiK 

1  cn\'ie  ne  s'atUi({ue  j)as  à  notre  bonheur  :  il  fut  ])rr- 
cédé  d'assez  de  maux.  Kt  maintenant,  tête  clière, 
descends  de  ee  char,  sans  poser  à  terre,  ô  maître, 
ce  pied  ([ui  a  renversé  Troie.  Que  tardez-vous,  cap- 
tives à  qui  j'avais  confié  le  soin  de  couvrir  de  tapis 
le  sol  qu'il  doit  fouler?  Que  sur  ses  pas  naisse  un 
chemin  de  pourpre,  et  que  la  Justice  le  conduise 
dans  une  demeure  inespérée  !  L'avenir,  une  jjensée 
que  le  sommeil  ne  dompte  pas,  en  disposera  suivant 
la  justice  avec  l'aide  des  dieux. 

Elle  sest  peu  à  peu  avancée  jusqu'à  la  porte  ceatrale,  et.  en 
prononçant  ces  derniers  mots,  elle  l'ouvre  brusquement.  Elle 
est  maintenant  debout  sur  le  seuil. 


AGAMEMXON 

Fille  de  Léda,  gardienne  démon  foyer,  ton  dis- 
cours s'est  mesuré  sur  mon  absence  :  tous  deux  ont 
été  longs.  La  seule  louange  qui  convienne,  c'est 
l'hommage  que  nous  rend  autrui.  Xe  m'entoure 
pas  d'ailleurs,  comme  une  femme,  de  luxe  amollis- 
sant ;  ne  m'accompagne  pas,  ain.si  qu'un  roi  bar- 
bare, de  cris  et  de  génuflexions.  Ne  me  fais  pas  un 
chemin  d'étoffes  précieuses  qui  puisse  éveiller  l'en- 
vie. Ce  sont  les  dieux  qu'il  faut  honorer  ainsi. 
3iais,  mortel,  je  ne  puis  sans  crainte  marcher  sur 
ces  merveilles  aux  mille  couleurs.  Je  veux  être 
honoré  en  homme,  non  en  dieu.  Sans  ces  tapis  ni 
ces  riches  tissus,  la  gloire  saura  parler  de  nous. 
La  sagesse  est  le  premier  don  des  dieux.  Il  ne  faut 


A(.  \mi:mn(>.\  ('J2i>-*jn, 

estimer  heureux  ([uc  celui  doiithi  \  ic  s'est  achevée 
dans  la  douce  j)r()spérité.  Ainsi  ai-je  dit,  ainsi 
ferai-je  :   la  j)ru<lcnc('  le  veut. 

clvti:.mm:siiu: 
Xe  ])arle  pas  ainsi  contre  tous  nies  désirs. 

Ac;  A  M  KM. NON 

Sache   ([u'aux    miens    non     plus  je  ne   \'eu.\  rien 
chanLi'er. 

CLYTEMNKSTRi: 

Ce     pourrait    être    un    V(eu    (jue    t'eut  di(Ué    la 
crainte. 

A  (1  A. an:. M  NON 

Je  sais  ce  (pie  je  \eux  ;  mon  refus  est  formel. 

CLVTEMNESTRK 

(Ju'eùt    t'ait    IViam,    dis-moi,    s'il    eût    été  \ain- 
queur? 

AC,  \  M  KM. NON 

Sans  doute  il  eût  marché  sur  de  riches  tissus. 


CLYTEMMISTia: 

Cesse  de  craindre  alors  le  blâme  des  mortels. 


L'ORESTIE 


AGAMEMNON 


Je   crains   la    voix   du  jjcuple,  et  grande  est   sa 
puissance. 

CLYTEMNESTRE 

Qui  n'est  pas  envié  n'est  pas  digne  de  l'être. 

AGAMEMiNON 

La  femme  ne  doit  pas  se  complaire  au  combat. 

CLYTEMNESTRE 

Même  aux  heureux  il  sied  parfois  d'être  vaincus. 

AGAMEMNON 

Tu  tiens  à  vaincre  aussi,  toi,  dans  cette  querelle. 

CLYTEMNESTRE 

Tu  restes  le  vainqueur  en  cédant  de  plein  gré. 

AGAMEMNON 

Eh  bien,  puisque  tu  le  veux,  que  l'on   me  délie 

en  hâte  ces  sandales,  servantes  de  mes  pas.  (Une  es- 
clave lui  délace  ses  sandales.)  iMais  qu'au  moment  où  je 
mets  le  pied  sur  ces  tissus  de  pourpre,  un  regard  en- 
vieux d'en  haut  ne  tombe  pas  sur  moi  !  C'est  grande 


AGAMK.MNON  ;'J4S-1000) 

honte  que  de  piétiner  et  de  ])erdr(»  un  tel  luxe 
d'étoffes  achetées  à  prix  d'or.  Mais  assez  là-dessus. 
(Il  montre  Cassandrc.)  Tu  vois cette étranj4"ère,  accueillc- 
la  a\('c  bienveillance,  l.e  maître  doux,  les  dieux 
ont  ])our  lui  des  rej^'ards  complaisants,  car  nul  ne 
))()ri('  sans  douleur  le  jou^  de  l'esclavage.  Celle-ci, 
tleur  clioisie  entre  mille  richesses,  présent  démon 
armée,  a  dû  sui\re  mes  pas. —  là  maintenant  (jue 
je  me  suis  laissé  xaiiure  ])ar  tes  ])ar()les,  je  rentre 
au  fond  tle  mon  palais  sur  un  clicmin  de  ])ourj)re. 

Il  rentre  lentement  d;insle  palais,  tandis  que  Clytemnestrc 
répond  avec  emphase  : 

nr.YTEMNKSTRi: 

11  y  a  la  mer,  et  (pli  réj)uisera?  làle  <pii  nour- 
rit l'inépuisable  et  précieuse  sève  d'une  ]:)ourpre 
intini(»  ]^our  teindre  nos  tissus,  (iràces  aux  dieux, 
maître,  la  maison  peut  en  axoir  à  elle  :  notre 
foyer  ne  connaît  pas  la  ])au\reté.  J'eusse  offert 
dans  mes  vœux  bien  d(\s  tissus  de  ])ourpre  à  tes 
pieds  \ainqueurs,  si  des  oracles  fussent  venus  en 
ce  palais  révéler  à  mon  anj^oisse  le  ])rix  du  retour 
d'une  tète  si  chère.  ()ui,  a\"ec  la  racine  \i\ace, 
c'est  le  feuilkii^'e  (pii  revient  étendre  sur  a.^  toit 
son  ombre  protectrice  de  la  canicule.  Ton  retour 
au  foyer  domestique,  c'est  pour  nous  un  retour  de 
r/'lé  au  milieu  de  l'hiver;  une  fraîcheur,  douce 
comme  celle  des  mois  où  /eus  ])our  le  \in  mûrit 
la    gTa])pe    verte,    pénètre    la    maison    (|uand    le 


i;()i;i>Tii-: 


iiiaîtrc,  r(''})()iix,  l'cniplil  de  sa  j)résenc(*.  Zeus, 
Zcus,  ])iir  (|ui  tout  s'accomplit,  accom])lis  mes 
souhaits,  et  scjiiî^'e  l)icn  à  ro'inre  (jue  tu  dois 
accomplir. 


lille  rentre  d;iiis    le   p;il:iis  derrière   Ag.'imciiinon.    I.i    j)oii(j 
reste  ouverte. 


Bien  marqué 


LE    CHŒUR 

Pourquoi  celle  rpouvan/c  (luiobstinéïnent  se  dresse 
ilercuU  ))ion  cœur  prophète  et  vole  autour  de  hil? 
Sans  avoir  reçu  ordre  ni  salaire^  mon  chant  veut 
prédire.  Et  pourquoi  ne  puis-je  même  pas  cracher^ 
comme  oii  fait  pour  nn  songe  obscur^  et  sentir 
s'asseoir  en  mon  dnie  la  persuasive  confiance  ?  Il  y 
a  longtemps  que  du  sable  de  nos  rivages  nos  nefs  se 
sont  détachées^  le  jour  où  vers  Ilios  s  élancèrent  nos 
?narins  en  armes. 

Et,  de  mes  ptropres  geux,  je  rois  leur  retour^  moi- 
même  j'y  assiste  ;  et,  malgré  fout,  le  thrène  sans  lyre 
de  VErinys  s^ élève  de  mon  cœur,  à  qui  nul  ne  l'ap- 
prit au  fond  de  mon  être,  mais  en  qui  est  morte  à 
jamais  la  douce  confiance  de  l'espoir.  Non,  le  cœur 
ne  se  trompe  pas,  et,  dans  les  poitrines  justes,  les 
mouvements  qui  F  agitent  toujours  ont  dit  vrai.  Dieux! 
jniissent  cette  fois  ses  pressentiments  être  mensongers 
et,  de  ma  pensée  anxieuse,  aller  se  perdre  hors  du 
monde  réel! 


\(;  \MIM\(t\     Hiiil-Hi.VJ) 

Oui,  Imii  flurfo^diilr ,  in  sanh'  i'//i'<i!/'\  <  'H'  f'i  nnihi- 
dir,  stt  roisinc,  tinninr  sur  elle  1rs  innrs  f/c  sa  /Hfusn/i. 
La  lirosjH'ritr  liiini(nm\  si  i/milrs  m  sninit  les  roirs, 
rti  liriirlrr  un  ri  uni  inrisihlr.  —  Mais  tlii  ninins, 
SI  iiiir  munir  siufr  siiil  jrtri\  roiiinir  un  Irsl  snii- 
rriir,  un  fini  i/rs  ru  lirssvs  (irijitisrs^  iii/isi  ijur  siir- 
n'it/r  1(1  Imri/iir  <ill(<jri\  hi  niai^^nn  nr  s(uiihrr  fiii^ 
linifr,  /nul  1/ II'  su  rlian/r  ilr  nin/liriii s  ;  '/.rus  ri  1rs 
sillons  (Ir  I  itnnrr ,  jnir  dr  inniihiriii  ri  luniilcs  tln/is^ 
rliui//ir/il  hi  fiiniinr. 

Mfiis  Ir  s/in<i  unir  il  un  linninir  iinr  jms  ri'iiuni/ii 
sur  Ir  ><>/,  nul  rni  liunlni r  ne  Ir  nijiiirllrruil  iluns  1rs 
ti'inrs  nuuirs,  pus  mrnir  irlui  ijui  ruinrnail  1rs 
Diuris  (lu  rm/dunir  des  anihrrs  ri  dnnl  Zriis  urr(Uu  1rs 
hirnfuils.  —  A/i!  si  1rs  diriir  nuruirni  l'Inntr- 
nvnl  hurni'  Ir  Inl  dr  (  Ikk  un,  nuni  rd'iir  ju-i^rirn- 
dniil  ni'i  lunijur  ri  drlmrdrriil ,  Iu/k^is  t^u'il  nr 
pcul  (jiir  i/rniir  dans  l^tnilwr  ri  lu  doiilrur,  sans 
tnr/nr  rsjirrrr  (iiiiin  orui  Ir  suurrur  se  dcruiilr  juniais 
de  nui  jtoilrinr  rn  feu. 

Clytcmncstre  rcpar;iit  sur  le  seuil  du  palais.  Elle  cherche 
des  yeux  dans  l'orchestre  et  appelle  Cassaïuire  toujours 
iiuinobile  sur  son  char. 

(  i.vi  i:m.m:sii;i: 

RcMilre,  toi  aussi,  Cassandre,  j)uis([uc  /.vus  xcut 
que,  déposaiU  la  haine,  tu  purirtes  tes  mains  dans 
notre  eau  lustrale,  debout  au  ir.ilieu  de  nos  n(Mn- 
breux  esclaves,  près  de  l'autel  (jui  ])r()tège  nos 
biens.  Descends  de  ce  char  (H  ne  fais  ])lus  la  fière. 


LOHESTIE 

Le  fils  d'Alcmône  lui-même,  dit-on,  fut  un  jour 
vendu  et  connut  la  rudesse  du  fouet  de  Tescla- 
vage.  En  tout  cas,  celui  sur  qui  tel  destin  s'abat 
doit  rendre  greices  aux  dieux  de  tomber  chez  des 
maîtres  dont  vieille  est  la  richesse.  Ceux  qui 
contre  tout  espoir  ont  fait  riche  moisson  sont 
cruels  à  l'esclave  et  en  tout  rigoureux.  Tu  trou- 
veras chez  nous  tradition  de  douceur. 

LE    CORYPHÉE 

C'est  à  toi  qu'elle  vient  de  parler  clairement  : 
tu  n'es  pas  hors  des  filets  du  sort  pour  pouvoir 
n'obéir  qu'à  ton  heure,  désobéir  même. 

CLYTEMNESTRE 

A  moins  qu'elle  n'ait  langage  inconnu  et  bar- 
bare comme  l'hirondelle,  elle  serait  folle  de  déso- 
béir à  ma  voix. 

LE  CORYPHÉE 

Suis-la  :  elle  te  donne  le  conseil  aujourd'hui  le 
meilleur.  Obéis,  quitte  ton  siège  sur  ce  char. 

CLYTEMNESTRE 

Je  n'ai  pas  le  loisir  de  perdre  mon  temps  à  la 
porte.  Déjà,  au  cœur  de  la  maison,  devant  le 
foyer,  les  victimes  sont  prêtes,  attendant  le  cou- 
teau :  car  nous  n'espérions  plus  goûter  pareille 
joie.  Pour  toi,  si   tu  veux  m'écouter,  hâte-toi.  Si, 


AGAMEMNON  MOGO-1087) 

fermée  à  notre  lan^a^e,  tu  n'entends  pas  mon 
ordre,  à  défaut  de  la  voix,  i)arle  ainsi,  par  gestes 
barbares. 

I.E  CORYPIIÉK 

C'est  un  elair  int('r]')rèt("  dont  r(''trant;rre  aurait 
besoin,  je  crois.  (  )n  cbrait  une  l)ète  cpi'on  \ient 
de  capturer. 

CLYIK.M.NESTHK 

\\\\c  est  folle  à  cou])  sûr  et  obéit  au  délire,  si, 
arrachée  d'hier  à  sa  \  ille  conquise,  elle  ne  sait  se 
résigner  au  frein  sans  exhaler  sa  fougue  en 
écume  sanglante.  Je  ne  sul)irai  ])as  l'afFront  de 
parler  ])lus  longtemps  en  \ain. 

l'Ile  rentre  dans  le  pahiis.   La  porte  reste  ouverte. 
LE    COKYPniî:E 

Pour  moi  —  car  j"ai  ])itié  —  je  ne  m'irriterai 
pas.  Va,  malheureuse,  abandonne  Ion  char,  et, 
cédant  au  destin,  fais  l'épreuve  du  joug. 

C.issanJre  est  restée  immobile,  les  yeux  toujours  fixes  sur  la 
statue  d'Apollon,  protecteur  des  routes.  Tout  à  coup,  sans 
un  geste,  toujours  immobile  sur  son  char  : 

CASSANnKE 

Il  ('/as!  Ah!  Tcnr  ri  Cirl! 
Apollon  !  Apollon  ! 


Agité 


i;oi',i:s'rii: 


liî;  cor. vi'ncr: 


Pounjuoi  i^'émir   ainsi    au    nom   de  Loxias?  son 
culte  ne  veut  pas  du  thrène  funéraire. 


CASSANDRE 


Agité       Ile  las!  A  h!  Terre  et  Ciel! 
A  p  0  lia  1 1  !  A  p  0  lia  1 1  ! 


LE  CORYPHÉE 


Sa  lugubre  clameur  invoque  encore  le  dieu  dont 
la  place  n'est  point  dans  les  chants  de  douleur. 


CASSANDRE 


Agité       Apollon!  Apollon^  dieu  des  routes! 

Apollon  qui  m  appelles!  i 

Accentué       Tu  ni  appelles  à  ma  perte  une  seconde  fois!  . 

LE    CORYPHÉE  | 

a 

Elle    semble   prévoir    sa    propre    destinée.   Le 
souffle  du  dieu  vit  encore  dans  Tâme  esclave. 

CASSANDRE 

Agité       Apollon!  Apollon^  dieu  des  routes! 
Apollon  qui  m'appelles! 
Accentué       ^^^  donc  ni  us-tu  condiiite?  Ah!  dans  quelle  de- 


meure ! 


1 


.\(iA.Mi:.MN()N     lU8.S-ll.i(» 

LE  r.ORVPHÉi: 

Dans  celle  des  Alridcs;  si  xraiincntUi  Tii^-norcs, 
saclu'-le  maint(M"ianl  ;   \a,  je  lu*  le  niriis  ))()int. 

C;iss;inJrc    Icvc   les  deux    hras  comme  pour  maudire.  Avec  force: 

r.ASSANDIU: 

Paldis   hui    des    (ln'U.i\     cuniii/n  r    dr    rrn/ifs    sf/ns  Agité 

Hi>//////'f\  //r  nn'Hihrrs  niiil ilrs  jHir  un  / ri-rc  —  (  Accentuô) 
où  h'  sdiHj  IniiiKim  (diilr  inniitlnitf  le  fuirr, 

i.i:  convi'iiKi-: 

L'étrangère,  je  erois,  a  le  ne/  d'une  chienne  : 
elle  \a  dé("()u\rir  le  sani;'  (luClle  a  flairé. 

CASSANDRR 

Oui,  l'en  crnis  i/'s  frninn/nai/cs,    ers   cnjUnls    (juc  Agité 

jv  rnts idrnrcrsiïiO'  Ir  ^  nuira u  —  (  Accentué)  /7  rv^  uirntlirrs 
rù/ts   (/rf'iurs  jKir   un    nrrc. 

Li:  conYPin'iF 

Va.  nous  (N)nnaiss()ns  tous  ion  renom  ]n-o))lié- 
li«iui'.  .^\ais  du  passé  éleint  nul  ne  chiTche  un 
prophète. 

Cissandre  étend  les  hr.is  en  nv.int. 
CASSANDHE 

.1//.'  y///'  ju'vpnvr-t-fu\  là?  (Jurllr  nourrlh-  daulrur  Agrité 

^mvc-t-nn  ù  (('  jKilui^,  nnunn^r ,  iliilnru nh\   inlu- 


I/OHKSTIF-: 


Ivrahlr  jioirr  les  siens ^  inrjucrissah/c? Et  le  secours  est 
loin. 


LE    COIIVPIIEE 


Ce  qu'elle  prédit  là,  je  ne  puis  le  saisir;  le  resle 
m'est  connu  :  Argos  entière  le  crie. 


CASSANDRE 


Agité  ^lA/  misérable^  tu  oses  cela:  tu  baignes  ton  époux, 
puis...  comment  achever?  Bientôt  sera  ce  qui  doit 
être  :  l'un  après  l'autre^  deux  bras  avidement  se 
tendent  pour  frapper. 


LE    CORYPHÉE 


Je  comprends  moins  encore  :  aux  énigmes  suc- 
cèdent des  oracles  obscurs,  et  je  reste  interdit. 


CASSANDRE 

Agité  Ah!  horreur!  horreur!  que  vois-je?  JS'est-ce  point 
un  filet  cVUadès?  Le  vrai  filet,  cest  la  femme  com- 
plice d'adultère  et  de  meurtre.  Insatiable  Discorde  atta- 
chée à  la  race,  salue  donc  du  cri  rituel  le  sacrifice 
d'infamie! 

LE    CORYPHÉE 

Ah  !    de  quelle  Érinys  provoques-tu  le    cri  sur 
ce  palais?  Ta  voix  maintenant  m'épouvante. 


I 


AliAMEMNON  ^llJl-llIJl) 


m:  (IKiail 


O///,  m  tin  sf/nf/  rcrs  m  nu  (wnr  rcflur  en  o/if/rs 
ufilfs^  at/tst  ijN  un  sdiKf  ijnmirr  n''p(unlu  jkw  la 
1(1  me  au.i  nufons  cuncliaiits  d  une  ne .  Hupulcs  sanl 
/(•s  pas  (lAlr. 


CASSANDKE 


Ali!  rois!  rois!  rcarlr  le  hinrc(in  dr  hi  nujidlji 
ht'tr  (ni.r  cornes  noires  (Tune  fimiijiir  <i  jdif  tiit  pirife  \ 
elle  j  rnppe  ^  il  toniheaN  fond  de  hi  hai^/noire  jdctne .  lUim 
de  m  se  et  de  s<uk/  :  tu  eonn(U'<  indintenant  Idrtifiee. 


Âg-ité 


Affité 


\.v:  coiui'iiÉi-: 


Je  ne  suis  certes  pas  grand  connaisseur  d'oracles  ; 
mais,  sous  des  mots  pareils,  je  prt'xois  un  malheur. 


Li;  ciKiau 


Que/le  jKiride  de  joie  /(unnisest  sortie  des  oracles? 
C'est  jKir  des  nuiH.r  (jur  fort  otnhitjn  drs  il  crins 
vert  fie  lu  trrrenr  (fifil  inspire. 


Agité 


CASSAM)HK 

Hélas!  hélas!  hnnentahie  tnisrre  dune  infortunée! 
C'est  ma  propre  sofi /jrance  (jur  jr  proclame  ici  :  le 
caheedéhorde.  —  (  Accentué)  Où d(nt( m  os-t// (  nndnite en 
m  (iini'nanf  /m,  mulhrnrense?  o/V,  sinnn  ù  hi  ninrf 
comme  lai  ? 


Agité 


LOIU-STIE 


m:  ciKiaii 


lH  (Ir/irrs,  j(Hi('l  des  d'ti'u.r^  cnlonixtnl  sur  loi-iiiniic 
un  chant  (jni  ncnchdntc  (jiù'rc  ;  ainsi  l  oiseau  an 
hrnn  plnntarje^  la  rossifjnal ^  fiàlasl  insaliahle  de  cris^ 
appelle  :  Il  fjsl  lljjsl  pleurant  en  son  eanir  do  ni oa- 
reu.r  sa  vie  trop  riche  de  misères. 


CASSANDRE 


Hélas!  hélas l  heureux  le  sort  du  rossignol  mélo- 
dieux !  les  dieux  l'ont  revêt  u  d'un  corps  ailé;  —  ^  Accentué) 
sa  vie  s'écoule  tout  en  la  douceur  des  plaintes  :  moi ^ 
je  suis  réservée  à  la  hache  tranchante. 


LE    CHŒUR 


Qui  te  révèle  ainsi  les  inévitables  douleurs  par  lek 
dieux  entassées  sur  ta  tête?  Qui  te  fait  chanter  te^ 
terrifiants  oracles  cela,  fois  en  clameurs  obscures  et  et 
pénétrantes  paroles?  Qui  te  guide  éi  travers  l ambi- 
guïté obscure  des  chemins  prophéticjues? 


CASSANDRE 


Agité  Hélas!  Jnjmenjiymen  de  Paris,  r/ui  perdit  tous  1rs 
siens!  Scamandre  dont  s'abreuve  le  sol  de  ma  patrie! 
C'est  sur  tes  rives  que  j'ai  grcuuli,  formée  par  tes 
soins.  —  (Accentué)  Maintenant  le  Cét^tc ,  les  bords  de 
FA  cher  on  i}i}0%teJMr&M'^iihjyrophél\ser  bien  tôt . 
^  0.  .«.^■^'.s..„^ 


AC  AMTMNON   Tl  |(;2-Iiîn2^ 


LK  ciKian 


Ali!  (jurl  rsl  ce  trop  chiir  (wnc/r?  MnHc  un  m  [(tuf 
vcllr  li)is  ri'ùl  rainiu't^c .  .i(U  srnfi  (munir  nnr  snn- 
fjldnh'  nnii-sH/f  (jinind  j di  ((n/tjnts  le  iltnihniri'tij: 
'l''<tin  liant   tmjrniis  et  il(uit  jr  in^i'iKniriinfr . 

CASSANDIU: 

llr/iis!  c/j'nrts,  cjjin'ts  ilcvnii'vs,  de  Traira  /nninls 
ihsjniriir!  Ilnntnnihrs  où  nnui  i>rri\  pnur  snnvrr  /nix 
rvniiKtrtsjniinnhiit  fuir  nn/hrrs  1rs  /)(ru/s  ijni  jinisscnt 
riirrhr  !  Et  tout  rrnirilc  d  rfr  rain .  —  (Accentué  Iji  rillr 
dr  Vriiini  a  siiln  son  destin  ^  rt  nmi ,  (  limidr  tf  nn  dicit^ 
je    r/ns  droit  an  fdrl. 

LE    CIIŒLR 

ïrs  arntirs  nr  se  drnirntrntjxis.  In  d  u'ii  Jinnimr 
.sV>7  de  tant  son  poids  ahaltii  sur  ta  trie  et  te  jdit 
vhiinter  tes  f/énussantes  et  niorte//rs  (hni/riirs.  lit 
ItHon  (inqoissr  ni n are  le  trrnir  dr  ces  niaii.v. 

I  Cassandrc  ilesccnd  de  son  char. 

CASSANDIIK 

Oui,  l'oracle  bientôt  brillera  devant  vous,  et 
ion  plus  à  travers  un  voile,  ainsi  ((u'une  jeune 
îpousée  :  tel  un  \  (mU  éclatant  (\\\\  bondit  vers 
'Orient,  il  fera  déborder  vers  la  lumière  (jui  se 
ève  comme  une  mer  de  maux  toujours,  toujours 
)lus  grands.  Mes  avis  alors  ne  s'en\  elopperont  ])lus 
l'éni|4'mcs.  Du  moins  rendez-moi  témoignage  ((ue, 

4 


I/OMKSTIK 

le  nez  sur  la  piste,  j'ai  sui\i  sans  érarl  la  trace 
(les  forfaits  anciens.  C'est  (|ue  cette  maiscjn  ja- 
mais n'est  désertée  par  un  chd'ur  dont  les  voix 
ne  s'unissent  qu'en  un  unisson  d'horreur;  car 
son  chant  n'est  point  une  aubade.  Non,  pour  se 
donner  plus  d'audace,  c'est  du  sang  humain  qu'elle 
a  bu,  l'étrange  troupe  de  fête  qui  s'est  établie  en 
ce  palais  et  que  nul  n'en  chassera;  car  elle  est 
composée  des  Furies  de  la  race.  Attachées  à  ces 
murailles,  elles  chantent  l'égarement  qui  com- 
mença vos  maux  :  tour  à  tour,  chacune  flétrit  la 
couche  adultère  funeste  au  frère  qui  la  souilla. 
Ai-je  dit  vrai  Pou  mon  arc  a-t-il  mal  visé?  Suis-je 
une  radoteuse  qui  va  mendier  de  porte  en  porte 
avec  de  fausses  prophéties?  Veux-tu  me  réfuter? 
Jure-moi  d'abord  que  mes  oracles  ignorent  les 
anciens  crimes  de  ce  palais. 

LE    CORYPHÉE 

Plût  au  ciel  que  la  fermeté  d'un  serment  fer- 
mement juré  suffît  à  guérir  nos  maux!  ^lais 
j'admire  comment,  élevée  sur  des  rives  lointaines, 
étrangère  à  notre  langage,  tu  rencontres  partout 
la  vérité,  comme  si  tes  yeux  l'avaient  vue. 

CASSANDRE 

Apollon,  le  devin,  m'a  fixé  cette  tâche. 

LE    CORYPHÉE 


AGAMRMNON  (1203-122!)) 
CASSANDIΠ

J'avais  honte  autrefois  tic  parler  du  ces  choses. 

LR    CfUniMIÉK 

Tout  (lieu  (ju'il  est,  fut-il  atteint  du  trait  d'anio.ir? 

CASSA.NDlii: 

LE  coiu  l'iiia: 
Trop  de  bonheur  toujours  inspire  de  l'orgueil. 

CASSANDIU: 

Il  luttait  pour  m'axoir,  tout  embrasé  d'amour. 

[.E    CORYPHÉE 

l'-t  fîtes-\()us  pas  oeuvre  de  père   et   mère  en- 
sem])le? 

CASSANDRK 

Je  promis  à  Loxias  et  trahis  mon  serment. 

LE  c.oHvrnKi: 

Possédais-tu  déjà  l'art  (pii  t'hispire  ici? 

CASS ANDRE 

je  prédisais  déjà  les  maux  de  ma  patrie. 


I 


L'ORESTIE 
LE    CORYPHÉE 

Et  le  courroux  du  dieu  ne  te  punit-il  pas  ? 

CASSANDRE 

Du  jour  où  j'eus  menti,  personne  ne  me  crut. 

LE    CORYPHÉE 

Trop  croyables  pour  nous  sont  ici  tes  oracles. 

CASSANDRE 

Ah!  ah!  de  nouveau  le  travail  prophétique  me^ 
pénètre  et  me  fait  tournoyer  d'horreur,  prélude 
qui  déjà  m'épouvante!  Ah!  douleurs!  douleurs! 
Voyez  ces  formes  jeunes  assises  dans  le  palais, 
pareilles  aux  apparitions  des  songes.  Oui,  ce  sont 
des  enfants  tués  par  leurs  parents  :  leurs  mains, 
pleines  de  lambeaux  sanglants,  offrent  à  manger 
de  leur  propre  chair,  entrailles  et  viscères,  fes- 
tin lamentable  auquel  un  père  a  goûté.  Mais  de 
ces  crimes,  je  vous  le  dis,  quelqu'un  médite  la 
vengeance,  un  lion,  mais  un  lion  lâche,  qui  reste 
au  foyer  et,  vautré  dans  le  lit,  attend  que  du  com- 
bat revienne  le  maître...  mon  maître  :  car  il  faut 
maintenant  porter  un  joug  d'esclave.  Et  celui  qui 
a  guidé  les  nefs  de  la  Grèce  et  détruit  Ilios  ne 
voit  pas  que  la  misérable  dont  la  langue  lèche 
et  flatte  comme  celle  d'un  chien  joyeux,   lui  pré- 


A(;AMEMN0.\  {1230-12o5) 

pare  traîtreusement  la  mort,  complice  d'un  destin 
jaloux.  Oui,  telle  est  son  audace  :  par  elle,  la 
femelle  meurtrière  du  mâle  existe  maintenant. 
De  cjuel  monstre  odieux  em])runterai-je  le  nom 
])our  lui  donner  celui  i{u  elle  mérite?  Dragon  à 
deux  têtes?  Scylla,  gîtée  dans  les  rochers,  fléau 
des  marins,  furieuse  prétresse  d'iladès,  contre 
tous  les  siens  res])iraHt  guerre  sans  trêve?  Quelle 
clameur  de  triom])he  elle  a  poussé,  l'audacieuse, 
comme  un  guerrier  \ain(iueur  devant  la  déroute 
ennemie!  Kt  vous  n'avez  vu  là  ([ue  sa  joie  pour 
l'heureux  retour  d'un  époux!  lu  (|ue  \()us  me 
royiez  ou  non,  (pie  m'importe?  C'e  ([ui  sera,  sera; 
et  toi,  (|ui  bientôt  en  dois  être  témoin,  ])lein  de 
])itié,  lu  reconnaîtras  alors  ([ue  j'étais  trop  véri- 
dii[ue  prophétesse. 

\a:  (;ni;vi'iii:i: 

Tu  as  parlé  du  festin  offert  à  Thyeste  des  chairs 
de  ses  enfants  :  j'ai  compris  et  j'ai  frissonné,  et 
la  terreur  m'enxahil  ([uand  j'entends  la  vérité  nue 
et  sans  images,  .^lais  au  reste  de  tes  oracles,  mon 
esprit  court  égaré  hors  de  la  carrière. 

CASSANDRE 

Agamemnon  mourra,  te  dis-je,  sous  tes  yeux. 

LE    COHYPFIKE 

Ail!  tais-toi,  malheureuse;  endors  ta  voix  :  si- 
lence! 


L'OHESTIE 


CASSANDRE 


Nul  remède  n'existe  aux  maux  que  je  prédis, 


LE    CORYPHÉE 


S'ils  doivent  voir  le  jour;  mais  les  dieux  nous 


en  gardent! 


CASSAKDRE 

Faites   vœux    et    prières    :    eux    préparent    le 
meurtre. 

LE    CORYPHÉE 

Quel  homme  apprête  donc  ce  sacrilège  infâme  ? 

CASSANDRE 

Tu  t'égares,  je  vois,  loin  du  sens  des  oracles. 

LE    CORYPHÉE 

Nomme  le  criminel  :  je  doute  et  ne  comprends. 

CASSANDRE 

Pourtant  je  sais  parler  la  langue  de  l'Hellade, 

LE    CORYPHÉE 

Loxias  aussi  :  obscurs  pourtant  sont  ses  oracles. 


a<.a.\ii:mn(>\  (i2:;(i-i:ioi) 


CASSANDUK 


Ah  !  ah  !  (jucl  t'en  s'axancc,  là  ?  h.l  il  marche 
sur  moiî  Ilrlas  !  Apollon  L\(i(Mi,  ])iti(''.  pitié  pour 
moi!  C'est  clic,  hi  lionne  à  deux  ])icils.  clic  (|ui 
(lorl  a\('c  le  louj)  en  rabscnec  du  noMc  lion,  (|ui 
me  luc?*a,  in  tortuni'c  !  I)an.s  la  eoujx*  de  mort 
(|u"clle  lui  prc'jiarc,  elle  veut  mcllrc  aussi  mon  sa- 
laire cl.  tandis  (ju'idlc  aiguise  le  ])oiL;*nard  contre 
son  (''poux,  (die  ])rt''lend  lui  faire  ])a\'er  de  son 
sanj4"  une  temme  anuMU'c  ici  !  l*our«iuoi  donc  ])or- 
ter  en("ore  la  (h'rision  de  cette  ]:)arure  sacrée, 
sceptre,  banchdettes  ])ro])h(''ti<jues  retond)ant  sur 
mes  é])aules  ?  Je  hvs  ])erdrai  axant  de  me  ])erdre 
moi-même.  Aile/,  roulez  à  la  mort  :  j"\'  marcherai 
avec  \()us,   l'.nrichissez  désormais  de   douleur  une 

I  autre  ((ue    moi.    \'ois,   A])ollon    lui-même   me  dr- 

I  pouille  du  manteau  proj)héti([ue,  mais  (|u'il  s'est 
l)lu  longtemps  d'abord  à  me  voir  (M-U(dlcment  rail- 

I  lée  dans  c(*s  vêtements  mêmes  par  ceux  cpii  eussent 
dû   m'aimer   et   cpii    me   haïssaient  !  railleries  bien 

1  vaines,  nul  n'en  doute  à  cette  heure.  Je  me  suis 
vu  trail(*r  de  xas^'abonde,  comme  une  diseuse  de 
pro})héties,  une  mendiante  folle  et  affamée.  Kt 
maintenant  encore  le  ])roj)hête  (jui  m'a  fait  ])ro- 
phétesse  me  conduit  lui-même  à  ce  destin  san- 
glant. Au  lieu  de   l'autid  oii   tomba  mon   ])ère,  un 

jl  billot  m'attend,  (pie  rougira  le  sang  (diaud  de  mon 
'irorgement.  -^\ais  du  moins  les  dicnix  ne  laisse- 
ront  ]ias  notre   mort    im]ninie  :  un  autre   \i(^ndra. 


i;oHi:sTiE 

un  justicier,   dont  le   l^ras    immolera  sa  mère    et 
vengera   son    père.    Exilé,    errant,   banni   de  cette 
terre,  il   rev^iendra    porter  à  son   comble  les  dou-  | 
leurs  de  sa  race.  Car  un  grand  serment  a  uni  les  | 
dieux:  il  fera  pa3^er  aux  coupeibles  le  cadavre  pa- 
ternel  étendu    sur  la   terre.    Pourquoi   donc  ainsi  | 
gémissante  m'apitoyer  sur  moi-même?  Si  j'ai  \u  la 
ville  d'Ilios  traitée  comme  elle  le  fut,  je  vois  au- 
jourd'hui ses  vainqueurs  finir  à  leur  tour  condam- 
nés par  les  dieux.  Résignée  dès  lors  à  mon  destin, 
je  subirai  la  mort.  Oui,  je  s^ilue  ici  les  portes  d'IIa- 
dès,  et  je  ne  souhaite  plus  qu'un  coup  bien  porté 
qui,  sans  convulsion,  dans  les  flots  d'un  sang   qui 
tue  doucement,  vienne  fermer  mes  yeux, 

LE    COKYPHÉE 

O  femme  trop  infortunée,  trop  clairvoyante 
aussi,  longue  a  été  ta  prophétie.  .Mais  si  vraiment 
tu  connais  ton  destin,  pourquoi,  comme  une  génisse 
poussée  par  les  dieux,  marcher  ainsi,  audacieuse,  à 
l'autel  ? 

CASSANDRE 

Je  n'éviterai  rien  par  le  délai  d'une  heure. 

LE    CORYPHÉE 

Mais  de  l'heure  dernière  le  prix  est  infini. 

CASSANDRE 

Non,  le  jour  est  venu:  que  gagnerais-je  à  fuir? 


A(iAMK.MNO\  (1302-1323) 
LE   CORVPIIKi: 

Sache   (iue  ton  courage  aura  seul  fait  ta  perte. 

CASSANDRE 

Mourir  glorieusement  est  un  bienfait  des  dieux. 

LK     r.oiîM'UKI-: 

Xiil    heureux  de  ce  monde  ne   l'entend   comme 

toi. 

CASSANIHU; 

Père,  je  \ais  \-ers   loi  et  \'ers  tes  nobles  fils. 

Elle    s'enveloppe    la    tète     et    marche    vers    le   palais,   puis, 
brusquement,  recule. 

LE    COllYIMIÉE 

Ou'y  a-t-il  ?  Ouelle  crainte  a  ramené  tes  })as  ? 

CASSANDRE 

Ah  :   Ah  ! 

Elle  se  détourne    ivii  IioiiLiir. 
LE    CORVIMIÉE 

Pourquoi  ces  cris?  (.(uel  monstre  a})])arait  à  ton 
âme? 

CASSANDRE 

Ce  palais  sent  le  meurtre  et  le  sang  répandu. 


I/ORESTIK 
LE  COR VI' Il ÉK 

Non,  il  sent  les  parfums  consumés  à  Tautel. 

CASSANDRE 

C'est  une  odeur  semblable  à  celle  des  tombeaux. 

LE   CORYPHÉE 

Ah!  ce  n'est  pas  Tencens  dont  tu  nous  veux 
parler. 

Cassandre  recule  encore. 
CASSANDRE 

Ah!  étrangers!  —  Je  ne  suis  pas  un  oiseau  qui 
crie  effra3^é  devant  un  buisson  ;  je  veux  seulement 
que  vous  puissiez  me  rendre  témoignage  au  jour 
où,  pour  pa3xr  mon  sang,  le  sang  d'une  femme, 
une  femme  aussi  versera  le  sien,  et  où,  perdu  par 
son  épouse,  un  homme  tombera  pour  Thomme  qu'il 
tua.  C'est  le  présent  d'hospitalité  que  de  vous  une 
mourante  implore. 

LE  CORYPHÉE 

Infortunée  !  j'ai  pitié  du  sort  que  te  font  les 
dieux. 

CASSANDRE 

Un  souhait  encore  :  car  mon  thrène  est  fini.  En 
face  de  ce  soleil,  le  dernier  qui  luira  pour  moi,  je 


1 


\(i\MKMN()N  (13-21-1353) 

fais  Icvd'u  ([lie  les  vendeurs  (run  ])i'r(' fasscMit  aussi 
j)a\('r  à  mes  mciirlricrs  la  morl  de  l'csrlaN'e  (\m 
leur  fut  une  ])r()ie  si  facile,  lu  maintenant  je  des- 
rends chez  les  morts  continuer  à  gémir  sur  le  sort 
de  Cassandre  et  d'Ai^'amemnon.  Ou'ici  s'arrêtent 
mes  jours  î 

l'Ile  Liilrc  d.ms  le  pal.iis.  Le;   portes   se    referment    derrière 
elle.  1.1   nuit  tombe  peu  ."i  peu. 

Li:    (OI'.VIMIKK 

Ah!  triste  sort  de  l'homme;  son  boiilnnir  n'est 
(|u'inie  peintureijue  le  malheur,  comme  une  éponj^e 
humide,  noie  et  efface  en  un  moment  :  revers  ])lus 
diî^'ne  de  ])iti(''  ([u'un  malheur<iui  toujours  dura. 

I.c  honheur    ne  sauiiiil    salisfaiic    riioninie  :  dos 
(Icmcui-es  même  qu(î  Iciii' |)ros[)t''rili''  lait  monlicr  au 
I    lioi^l,   |)cr>()un(»  jamais    n'a   su    l^'ciilci*  d  un    mot 
I    iinpi'i'ienx  .•  «  N'enli'c  plu^  ici.  » 

(Test  ainsi  (Ui'à  Aiiamcmnon  la  màcc  fui  doimt'e 
p'ir  les  dieux  hicidicnrcux  (h'  compici'ii-  la  \  iljc  de 
Priam.  VA  \o  voici  (jui  icidrc  en  sa  pairie  honoré 
H  à  l'éj^al  d'un  dieu.  Mais,  s'il  doil  niiiintcnanl  i;iclic- 
ler  le  sani;'  (|u  il  a  d'ahord  viu's»'  cl  ^i,  en  pavant 
de  sa  vie  les  vies  (pi'il  a  saciilitu^^.  il  sn^cilc  à  son 
lour  de  nouveaux  nunirlres  j)our  \eiii:er  le  sien, 
(Jihd  moi'l(d  jxmira  déformai"'-  «m'  vanlei-  (Trli'c 
né  pnnr  un  sort  sans  orai;*'? 

On    catenJ    tout    à    ci^up,    derrière    l;i    porte,    l'-ippcl    dWg.t- 

lUL-innon. 


J.OJIESTIE 
AG A M KM NON 

Hélas!  un  coup  mortel  a  déchiré  mon  flanc! 

PREMIER    CIIOÏŒUTE 

Silence  !  Qui  donc  crie,  atteint  d'un  coup  mortel  ? 

AGAMEMNON 

Hélas  !  encore  hélas  !  un  second  coup  m'abat. 

PREMIER    CHOREUTE 

Le  crime  est  accompli  :  ces  gémissements  sont 
de  notre  roi.  Songeons  à  réunir  ici  de  sûrs  avis. 

DEUXIÈME    CHOREUTE 

Mon  avis,  le  voici  :  allons  et  courons  par  la 
ville  :  «  Au  secours  !  Dans  le  palais  royal  !  » 

TROISIÈME    CHOREUTE 

Non,  nous-mêmes,  en  toute  hâte,  bondissons 
au  palais  et  saisissons  le  crime  Tépée  encore  san- 
glante. 

QUATRIÈME    CHOREUTE 

Oui,  je  partagerai  tout  avis  de  ce  genre;  agis- 
sons :  l'heure  n'est  plus  aux  vains  délais. 


AGAMKMNON  (1351-1386) 


C I N 0 U 1 1. ME    C II 0 H !•: l  T E 


Klle  permet  de  réfléchir  j)ourlarn  :  c'est  à  la 
tyrannie  (juils  ])réludent,  nous  en  avons  it  i  de 
sûrs  indices. 

SIXIÈMK   cnoiu:[  TE 

(.)ui,  ])arce  que  nous  hésitons;  mais  eux  fouk'uL 
aux  pieds  hi  ji^h)ire  d'hésiter  et  ne  laissent  point 
s'endormir  leurs  bras. 

SEPTIlhir:    CIIOREUTE 

Je  ne  sais  ([uel  cons(»il  donner  :  même  à  ([ui 
veut  agir,  il  api)arlient  de  réfléchir  (ral)()rtl. 

miTiKMr:  ciiorkiti: 

Cet  a\is  est  le  mien  :  je  (hnite  ([ue  nos  eris  res- 
suscitent le  mort. 

NEUVlf-ME    CnoUEUTE 

l       Doit-on,    ])our   allonger   sa    vie,    obéir    à    des 
1  maîtres  qui  souillent  ce  palais? 

DIXll^ME    CMORKUTE 

Intolérable  honte!  certes,  mourir  vaut  mieux; 
la  mort  est  plus  douce  que  la  tyrannie. 

ONZIÈME    CIIOREITE 

.Mais  avons-nous  des  preuves?  pourquoi,  sur  un 
f  gémissement,  prophétiser  la  mort  de  notre  roi  ? 


i 


LOIŒSTIE 


dolzie.ml:  ciiouELii': 


Ce  n'est  que  lorsqu'on  sait  que  Ton  doit  s'indi- 
gner :  conjecturer  n'est  pas  savoir. 

PREMIER    CnOREETE 

Ma  voix  donne  du  moins  le  nombre  à  cet  avis: 
sachons  d'abord  ce  qu'il  en  est  du  roi. 

La  porte  centrale  s'ouvre.  On  aperçoit  Aganieninon,  nu, 
étendu  sur  un  large  voile  ensanglanté.  Cassanure  est  couchée  à 
ses  côtés,  le  front  ouvert.  Clytemnestre  est  debout  derrière  les 
deux  cadavres,  la  hache  à  la  main. 

CLYTE.MjNESTRE 

La  nécessité  tout  à  l'heure  m'a  dicté  bien  des 
mots  :  je  ne  rougirai  pas  ici  de  les  démentir.  Quand 
on  veut  sur  ceux  qu'on  hait,  mais  qu'on  semble 
aimer,  satisfaire  sa  haine,  comment,  sans  le  men- 
songe, tendre  le  panneau  du  malheur  assez  haut 
pour  que  nul  ne  puisse  le  franchir?  Cette  heure 
décisive  d'une  vieille  querelle,  longtemps  je  l'avais 
préparée  :  elle  est  venue,  enfin!  Et  je  me  dresse 
sur  ma  victime,  mon  œuvre  accomplie.  Je  ne  le 
nierai  pas,  j'ai  tout  fait  pour  qu'il  ne  pût  ni  fuir, 
ni  écarter  la  mort.  C'est  un  filet  sans  issue,  vrai 
filet  à  poissons,  que  je  tends  autour  de  lui,  un 
voile  à  l'ampleur  funeste.  Et  je  frappe,  deux 
fois;  et,  en  deux  gémissements,  il  a  laissé  aller 
ses  membres  ;  et,  comme  il  s'affaisse,  je  lui  donne 
encore  un  troisième  coup,  offrande  votive  au  Zeus 


ACAMKMVO.N  (IMS'-l  i:i(l) 

Sau\'L'ur  (les  morts,  ((ui  rr^nc  sons  la  terre,  Tomlx', 
il  erache  alors  son  âme,  et,  tandis  (niavce  vio- 
lence le  sanj^  jaillit  de  ses  blessures,  la  rosée  du 
meurtre  m'inonde  de  ses  noires  gouttes  aussi 
douées  à  mon  (Meur  (|ue  la  jtluie  bienfaisante  de 
Zeus  à  la  i^raine  dans  le  sein  du  bouton.  \'oilà 
les  faits,  citoyens  respectés  dans  Argos  ;  (ju'ils  vous 
plaisent  ou  non,  moi,  je  me  glorifie  de  ce  (jue 
j'ai  fait.  Si  même  les  dieux  jjerniettaient  de  ver- 
ser des  libations  sur  une  \ictinie  humaine,  ce 
serait  justice  sur  cet  homme,  plus  cpie  justice 
même  :  tant  il  a  ])ris  plaisir,  dans  sa  maison,  à 
remj)lir  de  crimes  exécrables  le    cratère   (pià   son 

retour  il  a  dû  lui-même  vicier  il'un  seid  trait. 

I 

LE    COUYlMIKi: 

J'admire   ta    langue   impudente,  toi   ([ui  te  glo- 
rifies aux  dépens  d'un  époux. 

CLYTEM.NKSTHl': 

\'ous  voulez  m'effra\"er  comme  si  j'étais  une 
femme  sans  résolution,  là  moi,  je  vous  dis,  d'un 
pœur  (|ui  ne  tremble  pas,  vous  le  savez  bien  :  — 
(uant  à  \()s  louanges  ou  à  vos  blâmes,  j)eu  m'im- 
)orte  — celui-ci  est  Agamemnon  mon  é])oux;  ma 
iroite  en  a  fait  un  cadavre,  ouvrière  ifunc  oHivre 
le  justice.  Voilà. 

I    Quelle lier/H'e/N/ioiso/iftéc nnurrie dessiics  terrestres^      Agitô 
luel  hretiriujr  jdiUi    du  ynii/fre    marin    as-tu    donc 


L'ORESTIE 

absorbé.,  pour  t'cfre  chargée  cinri  Ud  meurtre?  I)an!i 
des  malédictions  oii  gronde  la  voix  d'un  peuple^  la 
haine  vigoureuse  de  tes  concitoyens  déjà  Va  rejetée, 
retranchée  d'Argos  :  désormais  lu  es  sans  patrie. 

CLYTEMNESTRE 

Ainsi  maintenant  tu  me  voues  à  l'exil  loin 
d'Argos,  à  la  haine  de  la  cité,  aux  malédictions 
populaires,  alors  que,  pour  lui,  tu  n'eus  pas  un 
mot  de  blâme,  lorsque  insouciant  comme  un  homme 
qui  prend  une  victime  dans  les  brebis  sans  nombre 
de  ses  troupeaux  laineux,  il  immola  sa  propre 
fille,  douloureux  fruit  de  mes  entrailles,  pour  en- 
chanter les  vents  de  Thrace!  N'était-ce  pas  lui 
qu'il  fallait  jeter  hors  de  sa  ville  pour  lui  faire 
payer  ses  souillures?  Et  pour  moi,  rien  qu'à  en- 
tendre ce  que  j'ai  fait,  tu  deviens  un  juge  sévère! 
Mais  voici  les  seules  menaces  que  je  te  permette, 
car  je  suis  prête  à  y  répondre  :  combattons;  vain- 
queur, tu  seras  mon  maître.  Mais,  si  les  dieux  en 
décident  autrement,  de  tardives  leçons  t'appren- 
dront la  sagesse. 

LE    CHŒUR 

Agité  Ta  pensée  est  hautaine^  ta  parole  orgueilleuse.  Ainsi, 
tout  souillé  de  son  m,eurtre,  le  criminel  se  ptersuade, 
en  son  délire^  que  sa  sanglante  tache  est  parure  sur 
son  front.  Mais  tout  n'est  pas  fini  :  je  jure  qii  aban- 
donnée, méprisée  de  tous,  tu  paieras  coup  pour 
coup. 


AGAMEMNUN  (ii:n-in5) 


CLYTEMNKSTRE 


Kt  voici  l'arrêt  de   mes   serments  ii  moi.    Non, 
par  la  Jiisti(^(*  ([ui  aujoiinrimi  a  su  veng'er  ma  fille, 
par  Aie,  par  Tlvrinys,  à  <|iii  j\ii  imnioh''  cet  homme; 
mon,    n'esprrcz    ])as  (jue    la   (TaiiUc    \)()>r    un    pied 
l;dans  ma  maison,   tant  ([uc   sur  mon  toscr  brillera 
fjmon     feu    sacrt'',    I^i^isthc,    dont    l'amour   est    tou- 
jours à  moi.   X'oilà  le  lar^'e   bouclier  au([uel  je  me 
>lfie.  11  est  doue  à  terre,   riiommf*  cpii  fit  mon   mal- 
^iheur,  ilélices  des  Chryséis  sous  llios.  lu  elle  aussi, 
la  ca])tive,  la  devineresse,  la  pro])luHesse  (pii  par- 
lai^ea  son  lit,  elle  est  donc  revenue,  tîdèle,  j)rendre 
jdace   sur    cette    couche,    comme    elle    avait    ]iris 
place  sur  sa  nef  marine.    Ils  ont  eu  le  sort  (ju'ils 
client  mérité.  Lui,  est  tombé  comme  j'ai  dit.  l'-lle, 
linsi  (ju'un  C3'}^ne,  a  chantt'  ])our  la  (U^rnière  fois 
Il    phiintif  chant    de     mort,    axant    de   s'étendre 
irès   de    lui    à   sa     place   d'amante,   et   r'est  ])our 
l■^^aisonner  mon    festin    de    \eng"eance  ([uil   s'esi 
rouvé  avoir   conduit   i(M  celle    (pu    fait  encore  la 
lupté  du  lit  où  il  repose. 


I 


LE    CllŒL'U 


1///  ijKrllc  ninri  idindr   rinnl/d.   s(ii(s  hiiujiir  aii-    Anime 
'/N^v  lu  rourhr  (IHyanir,  njtiuirh'r  à    nus  i  wurs   Ir 
>/Hi/iri/  t/fff  nr  s  inh'rnmijit  ni  iir  sr  lrnmm\  iittiiii- 
naul  (juil  a  suciotnbc,  celui  dunl  Faniour  rci/laii 


L'ORESTII^ 


Sff?'  JtOlls^  qui  huit  souffriL  j)t)ur  une  fruinic   ri.  par 
une  femme pcrdi/  la  rie! 


LI-:  convi'iii::!-: 


Mélodrame       Ail!   uli  I  lléloiiG,  follc  qui,  sculc,  immolas  sons 
Troie  des  ccnlaines  cl  des  milliers  de  vies... 


LE    CHŒUR 

Un  peu       Pfff  iqI  s\hjanoirissent  nos  malheurs  en  un  inou- 

retenu  ^ 

hllable  et  ineffaçable  crime ^  pulssan/e  Discorde,  /Irau 
d'un  ênoux. 

CLYTEMNESTRE 

Mélodrame  N'appcllc  pas  la  iiiort  parce  que  ceci  t'accable. 
Et  ne  tourne  pas  ton  courroux  contre  Hélène;  ne 
crois  pas  qu'elle  ait,  seule  homicide,  seule  meur- 
trière de  guerriers  innombrables,  ouvert  aux 
lianes  de  la  Grèce  la  blessure  qui  ne  se  peut  fer- 
mer. 

LE    CHŒUR 

Animé  Génie  fjul  f  cduits  sur  les  pcdais  et  les  têtes  des  deux 
Tantalides^  tu  te  sers  de  fenwies  aux  cimes  pareilles 
pour  triompher  en  déchirant  nos  ccmirs.  Debout  sui 
le  cadavre,  semblcd)le  à  un  corbeau  de  mort,  elle  se 
flatte  d'entonner  en  règle  un  chant  de  victoire. 

CLYÏE3I^'ESTRE  ^ 

Mélodrame  Ah!  maintenant  ta  bouche  rectifie  ton  erreur  :| 
tu  as  su  nommer  le  Génie  qui  trois  fois  déjà  s'eslj 

ii 


i 


AliAMKMNON  {14ir)-l.j2";) 

«'M^n'aissr  (Jii  san^  de  celle  race,  (l'est  lui  (|iii,<lans 
nos  ciili-ailles,  iioiinit  celle  soif  de  iiieiiiii-e  (jiii, 
avaiil  la  lin  de  raiicieinie  douleur,  veut  iléjà  verser 


lin  siiii;^  nouveau 


II 


LK  CFitian 

Oui,  jims^finf  l'st-il ,  Inul-itutssanl  iri^  le  (irnic  (tii.r  pius  vif 
Iniinlrs  r/Ntrtf/irs  t^/fc  In  r/r/ts  naiis  rappeler.  .\li! 
rapjH'l  i/i)nl()Hrei(  r  d'un  destin  msdtifihle  d  horreurs  ! 
HriasI  hèlds!  Et  eehi,  pdv  Zens,  pur  <ini  tant  est 
eitnlu  et  réalisé  !  (\n\  sfins  /eas,  riea  s^ierof/f/d/t- 
//  jif(/-//u  les  hoitunt's?  Tant  ici-has  est  I  n-arre  des 
dieux. 

u:  coin  PU KR 

Ail!  mou  roi!  luon  roi  î  comuieul  le  pleurer?  Du      Mélodrame 
lond  de  mon  C(enr  ([ni  raimail.  (|iiels  uiols  sauront 
iiiler  vers  loi  ? 

Ton  corps  esl  1;»  i^isanl  dans  ces  lils  daraiguée  el 
Ion  àme  s'exhale  sons  un   coup  sacrilège! 

LK  c.inia  K 

llélas!  ta   f/is    sa/'  cette     enaehe     laduine,  dntanté       Un  peu 
./  .1^1  retenu 

fine  a/te  ///nrt  trait ressv  s(/as  I  /i///ie  é/  dea.r  Ira/a lai/its 
Y'/'"  ce  hras  tient  e/tenre  ! 

CLVTKMNESTIΠ

Tn  oses   dire   (jue  c  e>l  là  mon  oii\i;i,i:e.  N<>n,  In      Méiodramt 
n  as  mémo  plus  devant  loi  r»'j)oii-e  d  Au;imcmnou. 


L'OUESTIE 


Sous  la  forme  de  l'épouse  de  ce  mort,  c'est  l'an- 
tique, l'âpre  Génie  vengeur  d'Atrée,  du  cruel  am- 
phitryon, qui  s'est  payé  sur  ce  cadavre,  s'immo- 
lant  un  guerrier  pour  venger  des  enfants. 


LE    CHŒUR 

Vif  Toi,  innocente  de  ce  meurtre  !  qui  oserait  en  témoi- 
gner? qui  donc?  qui  donc?  Mais  le  Génie  vengeur 
de  la  race  a  pu  te  porter  aide  :  car  sa  colère  va  se 
trahissant  par  des  ruisseaux  de  sang  fraternel.  Par- 
tout ou  ce  noir  Ares  portera  ses  pas,  le  sang  coulera^ 
'ançon  du  sang  des  enfants  dévorés. 

LE    CORYPHÉE 

Mélodrame  Ah!  mon  roi !  mon  roi!  comment  te  pleurer? 
Du  fond  de  mon  cœur  qui  t'aimait,  quels  mots 
sauront  aller  vers  toi? 

Ton  corps  est  là  gisant  dans  ces  fils  d'araignée  et 
ton  âme  s'exhale  sous  un  coup  sacrilège! 

LE  CHŒUR 

Retenu  Hélas!  tu  gis  sur  cette  couche  indigne,  dompté  par 
une  7nort  traîtresse  sous  Varme  à  deux  tranchants 
que  ce  bras  tient  encore. 

CLYTEMNESTRE 

Mélodrame  IMais  la  moi't  traîtresse,  n'est-ce  pas  lui  qui  l'a 
fait  entrer  dans  ce  palais?  11  avait  à  l'enfant  née  de 
notre  sang,  à  notre  Iphigénie  tant  pleurée,  fait  un 
sort  qui  méritait  le  sort  suhi  par  lui.  Qu'il  n'aille 


AGAMEMNON  (1528-lo76) 

|)iis  «lans  rilluirs  (''lalcr  son  ()i'j;ii('il  :  sa  mort  sons  la 
liaclic  traiiclianlc  n'a  l'ail  ((ne  payor  ses  crimes. 


LK  r.H(i:rR 

Iji  nrftsrr  nirt  lia jtpr  ri  tirrc  l'/lr  hnifr  f/rrisiotl  Plus  vif 
sitrt'.  .le  ne  sais  pins  lu)  inr  tonnirr  :  la  j/tf/tson 
il  croiilr  <nil(Uir  dr  moi .  .le  trfnihir  dU  hruissrnicut  de 
I  Parcrsr  satu/lft/i/r  (/(//ts  /uijdcllr  (jlissc  rr  pahii^i.  Dt'jà 
I  cV'.s/  tut  (h'iugf.  L<i  Justiir  (hins  le  sant/  (1rs  fin'/nils 
''  anrir/is  /ave  son  rprc  pnur  «/rs  /(U'/(ii/s  ndurraur. 

LK    COUVI'IM'IE 

I       Ah!  hTr(\    terre,   (\\w   ne    in';i<-tn  inmmi  dan^  hm      Mélodrame 
-(MM,  avant  (jne  j'eusse  vu  ce  Ih'tos   ^isanl  an   Ininl 
•  le  ^;i  liai^noirc  d'arj^ent  î 

(Jni  l'ensevelira?  ([ni  ciiaFilc^ra  son  tlirrno? 
L'oseras-ln  donc,  loi?  Oseras-Ui,  a[)irN  avoii*  hn'» 
Ion  éponx,  l'accompagner  des  lanicnlaliuns  ri- 
tnclh's  el,    contre   toute   justice,  payer  srs  exploits 


1  t 


l'un  honneur  déshononml  ' 


Li;  ciinau 


I 


Oui  (h)nr^  sur  Ir  htnihran  du  hrrns  ilirin,  prrndra       retenu 
soin  dr  rrrsrr  lar/nrs  rt  h)nan<ir  fintrhrr  (Tim    (irur 
Offi  ne  nimfr  juis? 


CI.VTEMNESTRK 


C(»   n'f'st    pas    à    loi   (jn«*    rcvicMit    ce     soin.    C'(»st      Mélodrame 
par  nous  (lu'il  est    lomhé,  (|u'il  est    morl,  «d    ([n'il 


I/ORESTIK 

sera  onsevcli  sans  los  gémissements  des  siens. 
Mais  Iplii^énie,  pleine  de  tendresse  puisqu'elle 
fut  sa  lille,  ira,  comme  il  sied,  au-devant  de  son 
père,  aux  bords  du  fleuve  rapide  des  douleurs  et, 
jetant  ses  bras  autour  de  son  cou,  l'accueillera 
de  son  baiser. 

LE  cnaaPi 

Fiévreux  JJoulvcKjc  vf'pond  il  l-outrcige  :  impossible  déjuger. 
Le  violent  souffre  violence^  le  meurtrier  paie  sa  dette. 
Une  loi  doit  régner  tant  que  Zeus  régnera  :  «  Au 
coupable^  le  châtiment  »,  car  c'est  là  décret  divin. 
Ah!  gui  pourra  de  cette  maison  rejeter  la  semence 
des  malédictions?  La  race  est  liée  à  A  té. 

CLYTEMNESTRE 

Mélodrame  Oui,  tu  vicus  ccttc  fois  de  proclamer  la  vérit»'. 
Pour  moi,  je  veux,  du  moins,  échanger  des  ser- 
ments avec  le  génie  des  Plisthénides  et  me  rési- 
gner au  présent,  si  dur  qu'il  puisse  être,  pourvu 
que  désormais,  sortant  de  cette  maison,  il  aille 
épuiser  une  autre  race  par  ces  meurtres  domes- 
tiques. La  moindre  part  des  biens  de  ce  palais 
saura  me  suffire,  si  je  chasse  enfin  dici  celte  fu- 
reur de  mutuels  homicides. 

Elle  jette  la  hache  loin  d'elle.  —  Egisthe  apparaît  à  rentrée 
de  droite.  Il  est  suivi  de  guerriers  en  armes.  Il  s'arrête  à  la 
vue  du  cadavre  d'Agamemnon. 


\<.  \Mi:\i\(>N  ,i;;77  i(i.>2) 


ÉdisTiii: 


Ah!  la  t)ienfaisante  luiniiTc  (11111  soleil  justi- 
cier! Désormais  je  ])iiis  dire  (lu'il  est,  j)()iir  ven- 
ger les  mortels,  des  dieux  (|ui  delà-haut  attachent 
leurs  rej4'ards  aux  tnrtaits  de  la  terre,  puiscjuc  en- 
fin je  \()is,  dans  des  xoiles  tramés  par  les  l\rin\'es, 
ce  cadavre  étendu,  ])our  ma  joie  à  moi  et  j)our  ]c 
paiement  des  crimes  paternels.  C'est  Atrée,  en 
effet,  roi  d'Ar^os  et  ])ère  de  cet  homme,  cjui 
vovant  Th N'este,  son  tVrre  et  mon  j^ère  à  moi, 
pour  parler  (dairement,  lui  disj)uter  le  tnSne,  le 
chassa  de  sa  eité  el  dt"  sa  demeure.  Ke\'(MUi  en  suj)- 
pliant  au  fo\-er  d'Atrc'e,  le  malheureux  Thyeste  y 
trou\a  un  refuse,  sans  doute,  car  son  ])ropre 
san}4'  ne  eoula  pas  sur  le  sol  des  ancêtres,  .Mais  le 
père  impie  de  ce  mort,  sous  ])r('texte  d'offrir  au 
mien  un  préscmt  d'hospitaliti'',  le  (N)n\-ia  à  «célé- 
brer joyi'usement  un  jour  de  saerifu^'  et  lui  fit 
un  festin  des  chairs  de  ses  enfants.  11  avait  dé- 
coupé les  mains  et  les  pieds  seul,  à  l'écart,  pouf 
que  les  (M)n\i\es  assis  chacun  à  sa  table  ne 
pussent  les  reconnaître.  Kt  Thyeste  aussitôt,  sans 
défiance',  étend  la  main  et  f>*oùte  ce  mets,  ([ui  a 
coûté  cher,  tu  le  \'ois,  à  la  race  entière.  Soudain 
il  (M)mprend  le  crime  exécrable  et,  jioussant  un 
gémissement,  il  tondx^  en  arrièr(\  crachant  la 
chair  de  ses  fils  éj^i^ort^és.  11  apj^elle  alors  sur  les 
Pélopides  un  destin  d'horreur  et,  j)our  accompa- 
gner son  imj)récation,  renversant  la  table  du  pied  : 


L'ORESTIE 

«  Ainsi  périsse,  dit-il,  toute  la  race  de  Plisthène.  » 
C'est  sous  cette  malédiction  que  cet  homme  'est 
tombé.  Le  soin  me  revenait  de  droit  de  tramer  sa 
mort  :  j'étais  le  troisième  enfant  de  Thyeste,  épar- 
gné par  Atrée  et  chassé  avec  mon  père,  encore 
dans  les  langes.  Mais  j'ai  grandi  et  la  Justice  m'a 
ramené  dans  ma  patrie,  et,  sans  franchir  ses  portes, 
j'ai  fait  sentir  à  cet  homme  la  force  de  mon  bras, 
en  formant  contre  lui  les  nœuds  de  ce  complot. 
Et  maintenant  la  mort  même  m'apparaît  douce, 
puisque  enfin  je  l'ai  vu  dans  les  filets  de  la  Justice. 

LE  CORYPHÉE 

Égisthe,  l'insolence  des  lâches  ne  m'en  impose 
pas.  Tu  dis  que,  sans  avoir  frappé  cet  homme  en 
son  palais,  tu  as,  seul,  du  dehors,  préparé  le 
meurtre.  Je  te  dis,  moi,  que  ta  tête  n'échappera 
pas  aux  bras  vengeurs  du  peuple  chargés  de 
pierres  et  d'imprécations. 

ÉGESTIIE 

C'est  toi  qui,  du  dernier  banc  des  rameurs,  oses 
ainsi  élever  la  voix  ?  Tu  oublies  que  les  ordres 
ne  viennent  que  du  pont  du  vaisseau.  Tu  vas 
apprendre,  malgré  ton  âge,  combien  il  est  dur 
pour  un  vieillard  de  recevoir  bon  gré  mal  gré  des 
leçons  de  sagesse.  Les  chaînes,  la  vieillesse,  les 
douleurs  de  la  faim  sont,  pour  guérir  l'ignorance, 
d'excellents  médecins.  Tes  3^eux  ne  s'ouvrent  pas 


AHAMEMNON  (1623-1G:)3) 

à  voir  ce  que   tu   xois  ?  Ne   reg'imbo   plus  contre 
iraij^uillon  :  un  faux  pas  te  coûterait  cher. 

LK   conypiiKK 

i     Quoi!  c'est  toi,    une   femme!  toi   ([ui   attendais 
au  foyer  le   retour  des  j^uerriers,  toi  (jui  souillais 
la  couche   d'un   héros,   c[uoi  !   c'est  toi   (jui   tramas 
!la  mort  d'un  chef  ti'armée! 

ÉGISTHK 

Voilà  encore  des  mots  ([ui  feront  naître  bien 
des  pleurs.  Ta  voix  est  le  contraire  de  hi  xoix 
d'Orphée.  Lui,  par  son  cliant,  enchaînait  hi  nature 
(  liarini'c.  lOi,  pour  nous  ])rovo(iuer  par  de  sots 
hurlements,  tu  seras  enchaîné.  D()mj)té,  tu  te 
montreras  ])lus  traitable. 

h 

LK    CORYPHÉE 

Il  Quoi!  tu  serais  mon  roi,  tu  serais  roi  d'Argo.s, 
loi  qui,  après  avoir  machiné  le  meurtre  d'un  héros, 
n'osas  pas  même  agir  et  frapper  de  ton  bras. 

Ér.ISTIlE 

La  ruse  clairement  revenait  à  la  femme.  Ln- 
nemi  héréditaire,  moi,  j'eusse  été  suspect.  Maître 
des  biens  de  cet  homme,  mon  dessein  est  mainte- 
nant de  commander  à  la  cité.  (Jui  n'obéira  pas, 
^era  lié  à  un  joug'   pesant,   au   lieu  d'être  nourri 


I/OIIKSTIK 

d'orge  comme  un  poulain  de  volée*,  rA  la  faim 
méchante  associée  aux  ténèbres  le  \erra  dexenir 
plus  doux. 

LE     COUYiniÉIO 

Pourquoi,  dans  ta  lâcheté,  n'as-tu  pas  toi-même 
frappé  ce  guerrier?  Pourquoi  est-ce  une  femme, 
souillure  du  pays  et  des  dieux  du  pays,  cjui  a 
porté  les  coups?  Oreste,  du  moins,  voit  le  jour 
pour  revenir  ici,  guidé  par  un  destin  propice,  et 
vous  frapper  tous  deux  de  son  bras  vainqueur. 

Dans  un  mouvement  plus  vif  qui  doit  être  conservé  jusqu'à 
la  fin  de  la  pièce  : 

ÉGISTIIE 

Tu  le  veux  :  eh  bien  !  tu  vas  voir  si  je  sépare  la  pa- 
role et  Tacte...  Allons,  gardes,  voici  Theure  d'agir. 

Il  tire  répce. 
LE    CORYPHÉE 

Allons,  l'épée  au  poing:  tous  en  garde! 

Les  vieillards  tirent  l'épée. 
ÉGISTHE 

Soit  !  Je  consens  à  mourir  aussi  l'épée  au  poing. 

LE    CORYPHÉE 

Tu  parles  de  mourir  :  fort  bien!  j'en  accepte 
l'augure. 

Clytemnestre  descend  vivement    les  marches  du   seuil  et  se 
place  devant  Égisthe. 


ACAMIIMNON  'ir.r»4-i(u:j) 


r.LVTKMNKSTHi: 


Arrête,  n  le  plus  cher  des  hoiniiu's,  n'ajoutons 
pas  aux  maux  ])résents.  Nous  a\'ons  (l('*jà  li(''  une 
riche  gerbe  de  douleurs  ;  e'est  assez  de  souffrances  : 
ne  réj)an(lons  ])lus  le  sa  ni;".  Rentre/  tous,  toi  comme 
les  xieillards,  (^hacun  dans  la  maison  <jue  le  sort  lui 
.1  donnée,  sans  inflis^'er  ni  suhir  d'inutiles  outrajL^'es. 
< 'e  (|U(^  nous  axons  tait,  nous  Taxons  dû  faire. 
l'uisse  la  mesure  de  nos  maux  ])araitre  suffisante 
.lUX  dieux!  ("est  notre  seul  souhait  ;  car  leur  lourde 
tolère  nous  a  durement  frappc's.  X'oilà  ce  ipic  pense 
une  femme,   si  l'on   xcut    l'écouter. 

VAWSIWI. 
L'cpcc  toujours  niLMi.i<,Miito. 

Quoi!  (M*ux-là  d(''ploieront  ainsi  contre  moi  leurs 

lanj^'ues    insolentes,    ])ro\o(|uer()nt    le    sort  })ar   de 

^"lles  menaces  et    manipieront  au  sai^'e  res])ect  dû 

.i  qui  tM)mmande  ! 

I  ..    . 

Los    vieillards    ont    remis    1  épee    ;iu    fourreau;    mais    ils  se 
montrent  du  doigt  Kgisthe  avec  colère. 

LK    CORYPIlÉi: 

Non,  non,  jamais  Arg"os  ne  flattera  un  làcdie. 

Egisthc,  déjà  sur  les  marches  du  seuil,  se  retourne  brusque- 
njciit. 

ÉGISriIE 

Va,  je  saurai  l'atteindre  dans  les  jours  (jui  vien- 
dront. 


L'OllESTlK 
LE   CORYPHÉE 

A  moins  qu'un  dieu  ne  guide  Oreste  jusqu'à 
nous. 

ÉGISTHE 

Ironique. 

On  sait  que  l'exilé  se  repaît  d'espérances  ! 

LE    CORYPHÉE 

Courage  !  l'heure  est  bonne  :  gave-toi  d'injustices! 

ÉGISTHE 

Ah  !  tu  me  paieras  cher  ta  folie  de  ce  jour. 

LE    CORYPHÉE 

Hardi  donc  !  fais  le  beau ,  coq,  auprès  de  ta  poule  ! 

CLYTEMNESTRE 

Dédaigne  ces  vains  aboiements  :  nous  saurons 
bien  tous  deux  rétablir  l'ordre  dans  un  palais  où 
nous  régnons. 

Ils  rentrent  tous  deux  dans  le  palais.  Le  Chœur  sort  lente- 
ment, en  regardant  avec  colère  les  gardes  d'Égisthe,  qui,  l'épée 
nue,  se  sont  rangés  devant  la  porte. 


LKS  CHOÉPHOIIRS 


Au  fond  du  thc.'itrc.  le  p.il.iis  des  Atrulcs.  Devant  ce  palais, 
un  peu  de  côté,  s'élève  un  tertre  :  le  tombeau  d'Agamcninon. 

L'.iube  se  lève.  —  Par  la  gauche  entrent  deux  jeunes  gens. 
L'un  a  dix-huit  ans  à  peine;  sa  longue  chevelure  tombe  sur  ses 
épaules;  il  porte  une  épée  au  coté.  C'est  Orcste.  Pylade  le 
suit.  Il  parait  un  peu  plus  âgé.  I!  tient  deux  javelines  dans  sa 
main  droite. 

Pylade  rote  immobile  à  l'entrée  de  l'orchestre.  Oreste  va 
droit  au  tombeau,  et  s'arrête  à  iiuclquo  pas  de  lui. 


OIIKSTE 


(irave  cl  religieux  : 


llcrniès  inft'rnal.  doiil  l'cril  reste  attaché  au 
iri'me  de  mon  père,  je  t  ini])l()re,  sois  mon  saiixcur, 
mon  allié  dans  le  e()inl)iil.  .^\e  xoici  en  ma  jjiilrie, 
me  \()iei  dr  retour... 

11  monte  sur  le  tertre. 

Sur   le    tertre  de   ee   tombeau,    je   lance  rai)pfl 
Misacré  :    l'ère.   ])réle  roreille.  ('(^oute... 

Avec  son  épee,  il  coupe  une  boucle  de  sa  chevelure. 


J  ai  d(''jà,  ])rès  des  .sources  de  1'  I  naclios.  offert  au 

'1''uve  i[ui  nourrit    ma    jeunesse   nue  boucle  de  ma 

icvelure  :  j'en  Kire  inu'  s(H;t>*tth2^1t^»^'t^^Ç4^^<^iue 

pleure...  1"  v!^^^  ot  Med/ae^T^ 


:.\> 


\^>^ 


S, 


V 


^r 


LIBRARV  r)i 


L'OHESTIE 

Je  n'ai  pas  été  là,  mon  père,  pour  déplorer  ta 
mort!  Je  n'ai  pas  étendu  le  bras,  quand  ton  ca- 
davre a  quitté  la  maison  !... 

Il  regarde  vers  la  droite. 

Que  vois-je  ?  quel  cortège  de  femmes  s'avance 
ainsi  en  longs  voiles  noirs  ?  Quel  malheur  dois-je 
donc  supposer  encore  ?  Une  douleur  nouvelle 
est-elle  entrée  dans  ce  palais?  Ou  dois-je  com- 
prendre plutôt  que  ces  femmes  apportent  à  mon 
père  les  offrandes  qui  apaisent  les  morts  ?  Oui, 
c'est  bien  cela  :  car  voici,  je  crois,  Electre  qui 
s'avance,  Electre,  ma  sœur,  que  trahit  sa  douleur 
amère.  Ah  !  Zeus,  permets-moi  de  venger  le 
meurtre  de  mon  père  et  de  toi-même  viens  aider 
mon  bras  !  —  Pylade,  tenons-nous  à  l'écart  :  je 
saurai  clairement  ce  que  veulent  ces  suppliantes. 

Il  se  cache  près  de  Tentrée  de  gauche  avec  Pylade. 

Par  la  porte  de  droite,  le  Chœur  sort  du  palais.  Il  est  composé 
de  femmes  vêtues  de  noir,  les  voiles  en  lambeaux  et  les  che- 
veux coupés  en  signe  de  deuil.  Les  unes  portent  des  vases 
funéraires,  les  autres  se  frappent  la  poitrine,  toutes  ont  le 
visage  ensanglanté.  —  Au  milieu  d'elles  est  Electre,  que  rien 
ne  distingue  de  ses   compagnes. 

LE    CHŒUR 

Animé  Euvoyêe  du  palais^  je  viens^  chargée  cF offrandes 
funéraires.  Ma  main  rapide  bat  mon  sein  et  sur  ma 
joue  fraîchement  labourée  mes  ongles  ont  laissé  d< 
sanglants  sillons  —  car  les  sanglots.,  cest  chaque 
jour  que  s'en  nourrit  mon  cœur!  —  et^  faisant  crier 


I 


LES  CIlOKIMIOUFvS  (29-î);;) 

A'  ////  ilt's  /tssif^,  ma  thtuhur  d  nii^  en  lniiihrdii.r  Ir^ 
/  ni/rs  (li'djK's  sur  nul  juuiruu'  :  hmlr  jtur  ni  u  f  iiii' 
à  jUiiKii^  .voz/s  les  ((nijts   tjiii  m  nnl  jnijijnf. 

Ihuix  II'  <  Idir  hiiKjinji'  tl  un  snni/t\  I  l'.jumrnnfr 
gifl  hi'nssr  /rs  r/irr/'ii./\  rriii  t/mn  dr  tel  h-  ni<ii'<iui, 
son/ /huit  1(1  rrni/c'incr  du  /nml  i/ii  soniniril,  n  /nit 
atl  (  n'iir  lie  hi  niiil  l'i'hnlir  dun^  h'  jin/nis  jun/inu/ 
UIU'  /rni/ifin/f  r/niiirii/\  s^ihal hiii t  htiin/t'nirnl  sur 
les  cll(nnhri's  dr^  /rninirs.  l'J  les  ml rrpri'lcs  des 
so/if/i's'y  dont  lu  juirnir  u  lr<  dieu  r  jnuir  ifiirunls,  inil 
dnlurr  (iiic  sinis  Irrrc  /rs  nuwls  i/rniissr/i/  rt  s  in- 
dujiivnl  (  nn/rr  /riir-    niruri rirrs. 

Kf  crsl  dun<   un   urih'nl  drsir  d  rrjiirr  linr.rjnuhlr 

rf  <lr  difniirnrr  Ir  nuilhriir,  <'i   ï  rrrr  nu'rr ,  (fii  ni  ni  m- 

I  nir  lu  /rninir  inijnr  —    je  Irrnddr  au  nml  iiui    rnnl 

dr   ni  rrhunjwr .   Muis  (jiirl  rurluil   jwul-il  r.risirr  du 

inif  rrpundii  ù  Irrri'?  .\li'.   /ni/rr    rulir    dr  inisrrrs! 

\li!  jiuluis  uliullu!  Ininrnrt ruhirs  un  sidril,   lulirusrs 

uiir  rirunH,    1rs  trni'hrrs  rnri'lnjijirnl  lu   niuisini  dr- 

<rniuis  suns  niuilrr 

Cr     rrsnri  t     d  <i ul rr/ois,      Irmnijdiunl ,     ini' im  ildr ^ 

imittiuiuiihlr ,  ijiii  rrniplissiùl  1rs  nrnllrs  ri  Ir    rwiir 

du  iirujdr,   srsl  rruuoiii .  ri  lu  (  ruinir  rr</nr  srulr.  /j' 

w/rr/'.v,   rnilù  rr  diuil  1rs    niurhds  /mil    un   dnii.  plus 

'/uiin  diru.  Muis    lu    Jiislirr    rrill/\   st/tirrruinr  :  rllr 

/rujuw  les    ////s     lu'inu jilrnirnl    m     leur    midi  ;      nmir 

d  (lut rrs  /tilt  (irrnirr  drs  duiilriirs  plus  lurdirrs  nuund 

'•jù   rri/nr   Ir    i  rrjjiisculr  ;    r/i  lutssr    d'uiilrrs    rn/in 

iltrindrr  lu  jdrinr  nuit. 


i;ORESTIE 

Afais  le  sang  hu  jxir  Ut  terre,  nourricière  devient 
garant  de  la  vengeance  et  se  fige  sans  pouvoir  s' écou- 
ler. Le  ckdtiment  peut  être  retardé  :  un  douloureux 
remords  fait  germer  dans  le  cœur  coupable  une 
souffrance  qui  suffit  à  r expiation. 

Pour  qui  osa  violer  la  chambre  d'une  vierge,  il 
71  est  point  de  remède  au  mal  qu^il  a  fait.  JJe  même., 
pour  laver  le  Meurtre  aux  mains  souillées.,  vaine- 
ment tous  les  fleuves  ensemble  déborderaient  vers  lui. 

Pour  moi,  que  les  dieux  ont  avec  ma  patrie  enve- 
loppée de  malheurs  et  conduite  en  esclavage  loin  des 
foyers  paternels,  ma  loi  est  de  me  résigner  aux  volon- 
tés justes  ou  injustes  des  maîtres  de  ma  vie,  en 
contenant  ma  haine  amère.  Et  je  pjleure  sous  mes 
voiles  le  coup  aveugle  du  sort  qui  frappa  mon  maître, 
glacée  par  la  douleur  que  je  cache. 

Electre   s'est     arrêtée     devant    le    tombeau,     puis    a    semblé 
hésiter  longtemps.   Enfin  elle  se  tourne  vers  le  chœur. 

ELECTRE 

Captives,  par  qui  Tordre  règne  dans  ce  palais, 
puisque  vous  êtes  mes  compagnes  dans  cette 
pompe  suppliante,  soyez  aussi  mes  conseillères. 
En  versant  sur  la  tombe  ces  libations  de  deuil, 
quels  mots  qui  lui  plaisent  adresser  à  mon  père  ? 
Comment  formuler  ma  prière  ?  Puis-je  dire  que 
c'est  là  TofFrande  d'une  épouse  aimante  à  Tépoux 
aimé?...    alors  qu'elle   vient   de  ma  mère!  Ou  lui 


J 


LES  CIIOKPIIOHES  (9i-117) 

demander,  selon  Tusage  consacré,  d'accorder  à 
ceux  cjui  l'implorent  une  ^ràceéj^ale  à  leurs  dons  ?... 
un  présent  di^ne  alors  du  mal  (nfiN  lui  ont  fait! 

I  Je  n'ose  et  ne  sais  ([uels  mots  prononcer  en  réj)an- 
(lant   cette   offrande  sur  le    tombeau  j)aternel.  A 

,i  moins  qu'en  silence,  dernier  outraj^e  di^ne  de  sa 
tnort,  je  ne  verse  bruscpuMiicnt  ces  libations  sur  le 
sol  (jui  les  boira,  puis,  rejetant  la  coupe,  comme 
une  souillure  (ju'on  lance  loin  de  soi,  je  ne  m'en 
revienne  au  loi^is  .sans  (hHourner  les  yeux.  (Juelle 
décision  ])rendre  ?  amies,  secourez-moi,  j)uisque 
<lans  ce  ])alais  nous  sommes  unies  par  la  haine. 
\e  me  cachez  pas  le  fond  de  vos  conirs  :  (pi'avez- 
>>)us  à  (Taindre  ?  La  mort  attend  Tliomme  libre 
>iussi  bien  (jue  l'esclave  au  pou\oir  d'un  maître. 
\h  '  parlez,  si  vous  avez  mieux  à  me  dire. 

LE    CORYPHÉE 

||  Le  tombeau  de  ton  père  i)our  moi  est  un  autel  : 
devant  lui,  l'àme  enij^lie  de  respect,  je  te  dirai, 
puisque  tu  le  veux,  ce  que  pense  mon  conir. 

ELECTRE 

Parle  (^omme  t'ins])ire  le  respect  de  la  tombe. 

LE    CORYPHÉE 

Verse   la   coupe  et   jirie   le  mort  ])our  ceux  qui 
l'aiment. 


LORESTIE 

ELECTRE 

Qui  donc  parmi  les  siens  puis-je  ainsi  désigner? 

LE    COKYPIIÉE 

Toi  d'abord  et  quiconque  aussi  déteste  Kgisthe. 

ÉLECTHE 

C'est  pour  moi  et  pour  toi  alors  que  je  prierai  ? 

LE    CORYPHÉE 

Réfléchis  :  c'est  à  toi  d'achever  ma  pensée. 

ELECTRE 

Oui  donc  pourrais-je  ici  nous  associer  encore? 

LE    CORYPHÉE 

Rappelle-toi  Oreste,  tout  exilé  qu'il  soit. 

ELECTRE 

Ah  !  bien  dit  !  cette  fois,  tu  m'as  ouvert  les  yeux. 

LE    CORYPHÉE 

Maintenant    souviens-toi,    et    contre    les    cou- 
pables... 


î 


LKS  ciior:iMi()in:s   iis-i:;^) 

Ki.Ecrm: 
Ouc  tlois-je  clcmandcr  ?  instruis  mon  ignorance. 

LE  roiiviMiÉi: 

I)(Miian(l('  ([uc    sur^isso  enfin,  diru  nu  mortel... 

Ér.rr.TRi: 
(Ju'ajoutiTiii-jt'  ?  un  juge  ou  bien  un  justicier  ? 

LE    CORYPHÉE 

Ah  !  (lis-le  sans  détour  :  un  meurtrier  comme 
•ux. 

ÉLKCTIU: 

là.  pour  les  dieux,  ce  vohi  ne  serait  point  impie  ? 

LE    COIIYPIIÉE 

C'est  ])iêté  de  ])ayer  le  crime  ])ar  le  crime. 

ÉLECTHi: 

Puissant  messager  di's  \i\ants  et  des  morts, 
viens  à  moi,  Hermès  infernal,  et  charge-toi  de 
mon  message  :  (juClles  écoutent  mes  ])rières  les 
divinités  souterraines,  gardiennes  du  sang  de  mon 
père,  et  la  Tt^rre  elle-même,  qui  seule  enfante  tous 


L'OHKSTIE 
les  êtres,  les  nourrit,   ])uis  en  reçoit  à  nouveau  le 

g"erme  fécond.  (Deux  chorcutes  font  couler  l'eau  lustrale  sur  ses 

mains.)  Et  moi,  en  purifiant  mes  mains  pour  ])arler 
aux  morts,  je  crie  au  père  c[ue  j'invoque  :  Aie 
pitié  de  moi  et  de  ton  Oreste,  ramène-nous  dans 
ta  maison.  Car,  à  cette  heure,  nous  errons  sans 
asile,  vendus  par  celle  même  qui  nous  a  enfantés, 
et,  en  échange,  elle  a  pris  un  amant,  Kgisthe,  lui, 
le  complice  de  ta  mort.  Moi,  je  suis  traitée  en 
esclave,  Oreste  est  exilé  de  ses  biens,  et  eux,  inso- 
lemment, triomphent  dans  le  faste  conquis  par  tes 
fatigues.  Ah  !  qu'Oreste  ici  revienne,  guidé  par 
le  destin,  je  t'en  supplie,  père,  entends  ma  voix. 
Et  à  ta  fille  accorde  un  cœur  plus  chaste  que  sa 
mère  et  des  mains  plus  pieuses.  Voilà  mes  vœux 
pour  nous.  Mais,  pour  nos  ennemis,  que  surgisse 
enfin  ton  vengeur,  père,  et  qu'il  tue  ceux  qui  ont 
tué  :  c'est  justice.  Telle  est  la  prière  que  je 
t'adresse  aussi,  réservant  aux  seuls  criminels  m.es 
souhaits  de  mort.  A  tes  enfants,  au  contraire, 
envoie  la  joie  du  fond  de  l'ombre,  avec  l'aide  des 
dieux,  de  la  Terre  et  de  la  Justice  triomphante. 
Et,  pour  accompagner  mes  vœux,  je  verse  ces 
libations.  A  vous,  selon  le  rite,  de  les  couronner 
de  gémissements,  en  chantant  le  péan   du   mort. 

Elle  verse  les  libations  tout  autour  du  tombeau. 
LE    CHŒUR 

Agité       Laissez  éclater  vos   sanglots   et    que    vos  pleurs 
viennent  mourir  dans  la  terre  où  dorment  nos  morts^ 


LES  GIIOKIMIMIIKS  (i:J4-n8) 

il  fin  que  co  t  OUI  lira  II  nous  ^troli'iji'  ri  sdclir  (Irfoiiriirr 
ilr  nous  1(1  sDiiiUuiw  iilinniindhlr  (1rs.  IiIkiIiow^  dr 
riininrh'.  I\(  inilr-naiis,  nn  n'/uhr;  rcmi/r-nons^ 
//Kii/rr,  (lu  IoikI  ilrs  /(''nr/wrs  où  Ion  dinr  ^'rnrrloiipr . 
Las!  lus!  lus!  (Jnc  cicnnr  (loin  m  fin  (h'/nrcr  irflr 
in(iis(ni  lin  lirros  t)  hi  firtc  l(inri\  ijiii,  voninir  un 
Ai'i'^  s(  i/llir,  nijitr  (i  hi  /<n^  liirr  qu  (ni  frnd  jKnir 
Iv  c(nnl)(il  cl  le  ijhiirc  hidndi  pur  In  jiini/nrr  qui  ne 
Sdit  frnpjwr  ijur  de  jn-rs! 

hlcctrc,  qui  a   t.iil   le  loiir  du  loinheau,   redescend  du  tertre, 
tenant  en  main  la  boucle  d'Oreste.  HUe  jette  la  coupe  loin  d'elle. 

ÉI.ECTRE 

La  terre  a  bu   nos  libations,  et  mon   père  les  a 
reçues.  .Mais  ])artag'ez  maintenant  ma  surprise. 

Li:    COUVl'HÉE 

Ali!    parle   donc   :    uKjn    ccjeur    palpite    d'épou- 
vante. 

ÉLECTRK 

Je  vois  sur  le  tombeau  cette  boucle  coupée. 

LE    CORYPHÉE 

D'un  homme  ou  d'une  \ierg'e  à  la  taille  élancée? 

ELECTRE 

La  chose  est  bien  facile  à  deviner,  pourtant. 


LOHESTIE 
LE    COIiVlMlKE 

De  j)lus  jeunes  ici  auront  donc  à  m'inslruire. 

i':ij:cTr,r: 
Personne  autre  que   moi   n'aurait-il  pu  l'offrir? 

LE    CORYPHÉE 

La  haine  et  non  le  deuil  remplit  ici  les  cœurs. 

ELECTRE 

Oui,   oui,  pour  la  couleur,   cette  boucle  est  pa- 
reille... 

LE    CORYPHÉE 

A  quels  cheveux?  C'est  là  ce  que  je  veux  savoir. 

ELECTRE 

Aux   miens!    Ce  sont   les    miens  que  sa   teinte 
rappelle. 

LE    CORYPHÉE 

Serait-ce  donc  d'Oreste  une  offrande  furtive? 

ELECTRE 

Oui,  c'est  à  ceux  d'Oreste  que  ces  cheveux  res-j 
semblent. 


LKS  i:iii)i;i'ii()iiKs  (nu-2iG, 

m:  coiivi'Im:!: 
Comment  a-t-il  osé  vi'iiir  jus(jirà  la  lonihc? 

iCLEcini: 

Il  a  pu  (MUONcr  (U'itc  boucle  en  offrande. 

ij<:    (:ni;vi>ui:K 

Ah!  (|u'as-iu  (lit?  mes  larmes  redou])lent,  si  son 
])i(Ml  ne  (loil  plus  loucher  le  sol  d'Ar^os! 

ÉLECTRi: 

Moi  aussi,  j'ai  sru{\  un  tlol  (ramcrluiuc  monter 
mou  coHir  et  un  trait  (U'chiranl  p(''nétrer  eu  moi. 
lu  de  mes  yeux  les  larmes  jaillissent,  brûlantes, 
irrésistibles  comnu'  un  débordement  d'orag'e,  à  la 
\  ue  de  celte  l)oucle.  Puis-je  croire  (pTelle  vienne 
de  (|ueK|ue  aulre  Ar^ien?  l'.ncore  moins  est-ce  la 
meurtrière  (jui  a  pu  la  c()uj)er,  ma  mère,  il  est 
vrai,  mais  (jui  dément  ce  nom  ])ar  une  haine  im- 
pie pour  ses  enfants.  I)"aulre  ])ari,  affirmer  sans 
ri'serve  (pie  vviir  offrantle  \ient  du  ])lus  (dier  des 
mortels,  d'Oreste...  je  ne  puis.  \\i  ])ourtant  je 
^cus  la  caresse  de  l'espoir!  Ah!  si  elle  avait  la 
\oi\  d'un  messag'er  vivant,  je  cesserais  du  moins 
d'être  ballottée  entre  deux  pensées,  et  je  ])ourrais 
ms  hésiter  ou  la  rejeter  avec  horreur,  si  le  fer 
l  a  coupée  sur  un    front  ennemi,   ou,  si   elle  \ient 


L'OHICSTIE 

de  mon  frère,  Tassocier  au  deuil  dont  j'orne  cette 
tombe  ])our  honorer  un  père.  —  Mais  v(jici  un 
second  indice  :  des  empreintes  semblables  entre 
elles  et  dont  la  forme  rappelle  mes  pas.  CJui,  ces 
traces  trahissent  deux  hommes  :  lui-même  sans 
doute  et  son  compagnon!...  Talons,  dessin  des 
muscles  du  pied,  quand  on  les  compare,  sont  ana- 
logues à  mes  propres  empreintes.  Ah  !  l'angoisse 
saisit  mon  cœur  bouleversé!  Mais  les  dieux  que 
nous  invoquons  savent  bien  quels  orages  nous 
emportent  en  leur  tourbillon  comme  des  marins 
en  détresse,  et,  s'ils  veulent  que  nous  échappions 
au  naufrage,  du  plus  petit  germe  va  peut-être 
jaillir,  immense,  l'arbre  du  salut! 

Oieste  parait.  Pylade  reste  à  quelques  pas  derrière  lui. 
ORESTE 

Fais  des  souhaits  pour  l'avenir,  si  tu  veux  que 
les  dieux  puissent  réaliser  tes  prières. 

ELECTRE 

Quelle  grâce  viennent  donc  de  m'accorder  les 
dieux? 

ORESTE 

Te  voilà  devant  ceux  qu'invoquait  ton  désir. 

ELECTRE 

Quel  mortel  sais-tu  donc  que  mon  âme  appelait? 


Il 


LES  CIIOLIMIOIIES  (217-245) 
OR ESTE 

C'est  Oreste,  je   le  sais,  que  désirait  ton  cœur. 

ELECTRE 

\\n  (jU(3i  mes  V(iiux  ici  sont-ils  donc    satisfaits? 

ORESTE 

C'est  moi  :  ne  cherche  pas  un  mortel  ])lus  chéri. 

ÉLPXTRE 

Etranger,  contre  moi  est-ce  une  ruse  ourdie? 

OHESTE 

Contre  moi-même  alors  j'en  serais  l'artisan. 

ELECTRE 

C'est  donc  que  tu  te  veux  rire  de  mes  misères? 

ORESTE 

Des  miennes  donc  aussi,  si  je  riais  des  tiennes. 

ELECTRE 

Est-ce  vraiment  Oreste  qui  parle  par  ta  voix? 

ORESTE 

Ainsi,  quand  tu  me  vois,  tu  refuses  de  me  recon- 
naître,  et  tout  à  l'heure,  rien    t[u'en    apercevant 


l.ni!i;sTli: 

cette  ])()U(;1('  (le  deuil,  en  cherchant  cUins  leurs  em- 
preintes la  trace  de  mes  pas,  ton  co'ur  s'en\f)la 
d'allégresse,  et  tu  croyais  alors  me  voir.  Regarde; 
rapproche  de  la  ])lace  où  elle  fut  coupée  cette 
boucle  empruntée  aux  cheveux  de  ton  frère  si 
semblables  aux  tiens;  vois  ce  tissu,  ouvrage  de  tes 
mains;  contemple  les  figures  de  chasse  qu'y  tra- 
cèrent jadis  les  coups  de  la  navette. 

Electre  se  jette  dans  ses  hras. 
ÉLECTUE 

O  doux  objet  qui  retiens  quatre  parts  de  m; 
tendresse  :  je  dois  en  toi  saluer  un  père;  à  t'^ 
aussi  revient  l'amour  que  je  dois  à  ma  mère  —  elle, 
je  la  hais  sans  remords  —  et  à  ma  soiur  égorgée 
sans  pitié;  enfin,  tu  es  donc  le  frère  fidèle  qui  me 
rendra  le  respect  des  hommes  ! 

OR ESTE 

Contiens-toi  :  ne  te  laisse  pas  égarer  par  la 
joie;  car  ceux  qui  nous  doivent  ici  leur  amour  ne 
nous  paient  que  de  haine. 

ELECTRE 

O  cher  souci  du  fo\'er  de  ton  père,  espoir  tant 
pleuré  qui  vas  sauver  ta  race,  fie-toi  à  ton  bras 
vigoureux,  et  tu  recouvreras  le  palais  de  ton  père. 
Que  seulement  la  Force  et  le  Droit,  et  Zeus  enfin, 
le  plus  grand  des  dieux,  nous  prêtent  leur  secours! 


LES  CIIOKPIIOIIES  (•24G->tn) 


OIIKSIE 


/('US,  /eus,  viens  r()ntcMnj)ler  notre  misère.  \'ois: 
es  petits  (le  l'aigle  ont  jjerdii  leur  j)(^re  dans  les 
ilacements  et  les  nd^utls  (.l'une  \i})('re  intïinic,  et 
.1  t'aini  (hAoTiinte  presselesorplielins.  ear  ils  n'ont 
Ms  la   force  de   rai)porter  au  nid    la  proie  de  leur 

re.  ("est  ainsi,  tu  le  \'ois,  (pie  nous  xcnons  à  toi, 
uoi  et  (die,  l'deelre,  enfants  sans  j){'re,  tous  deux 
•\il(''s  de  notre  fo\"er.  Si  tu  fais  ])(''rir  la  eou\ée  de 
('lui  (pn  longt(.Mn|)s  t'honora  de  riches  sacrifiées, 
|ii(dle  main  (h'sorinais  t'offrira,  aussi  libérale,  de 
tunj)tueux  festins?  La  race  de  l'aigle  an(*antie, 
u  n'enverras  ])lus  aux  ni()ri(  Is  de  signes  ])r()phé- 
itiues;  cette  race  royale  une  fois  séchée  jusqu'en 
es  racines,  (pii  prendra  soin  de  tes  autels  dans 
f^  jours  d'iu'catonibes  ?  l'rotège-nous;  tu  ])eux  à 
loiro  maison  relevée  rendre  sa  grandeur,  toute 
lechue  ([u'(dle  semble  aujourd'hui. 

LE   COHYPin':E 

Enfants  d'Agamemnon,  sauveursdu  foyer  pater- 
lel,  faites  silence,  d(*  ]ieur  que  (jueUprun  ne  \-ous 
întende.  enfants,  et,  j)()ur  le  ])laisir  de  ])arler.  n'aille 
:out  révélera  nos  maîtres.  Ah!  ceux-là,  ])uissé-je 
/oir  fondre  leur  chair  dans  la  flamme  tourbillon- 
lante  du  bûcher  résineux! 


L'ORESTIE 


ORESTE 


Non,  il  ne  me  trahira  pas,  l'oracle  tout-puis- 
santde  Loxias,  qui  m'ordonne  d'allerjusqu'au  bout 
du  péril,  et,  de  ses  clameurs  pressantes,  menace 
mon  cœur  en  fièvre  d'orageuses  souffrances,  si  je 
ne  poursuis  pas  les  meurtriers  d'un  père,  pour  les 
tuer  comme  ils  ont  tué,  dans  l'élan  d'une  colère 
qui  n'admet  pas  l'or  pour  rançon  du  sang.  Il  Ta 
dit  :  je  paierai  une  désobéissance  de  ma  vie  au 
milieu  d'effrayants  supplices.  Car  les  vengeances 
infernales  font  naître,  pour  qui  les  provoque, 
d'odieuses  maladies.  La  lèpre  rongeuse  montera  à 
Tassaut  de  ma  chair  et  de  ses  dents  sauvages  dévo- 
rera mon  jeune  corps,  tandis  que,  pour  achever 
mes  maux,  des  poils  blancs  envahiront  tous  mes 
membres.  Et  sa  voix  me  prédisait  encore  d'innom- 
brables attaques  des  Furies  provoquées  par  le  sang 
paternel  :  je  verrai  dans  mes  songes  l'œil  de  mon 
père  briller  dans  Tombre.  Délire,  vaines  frayeurs 
naissant  du  sein  des  nuits,  tous  ces  traits  ténébreux 
des  morts  de  la  race,  qui  du  fond  des  enfers  im- 
plorent la  vengeance,  viennent  troubler  le  coupable, 
l'agiter,  le  chasser  enfin  de  sa  ville  avec  un  fouet 
d'airain ,  le  corps  ravagé.  Dès  lors,  plus  de  part  pour 
lui  aux  cratères  ni  aux  libations:  la  colère  invisible 
du  père  Técarte  des  autels  ;  personne  ne  peut  le 
recevoir  ni  partager  son  gîte  :  rejeté  de  la  cité, 
sans  ami,  il  meurt  enfin,  desséché,  consumé  par  son 
mal.  A  de  tels  oracles  il  faut  donc  obéir,  et,  ne  fût-ce 


LES  C!IOf:PIIOFlES  (298-347) 

lêiiK*  i)a.s  j)ar  obéissance,  IdniNre  toujours  (lc\rail 
tre  accomplie.  Car  toutes  mes  raisons  d'aj^ir 
iennent  sur  un  j)oinl  s'accorder  avec  l'ordre  du 
ieu,  mon  ardent  rej^ret  de  mon  père  et  le  dénù- 
lenl  (jui  m'accable  :  c'est  ma  volonté  de  ne  pas 
iisser  mes  concitoyens,  les  ])lus  nobles  des 
ommes,  dont  la  prouesse  j^lorieuse  a  renversé 
Toie,  être  ainsi  les  serfs  de  deux  femmes.  Car 
on  cœur  est  d'une  femme;  s'il  ne  le  sait,  il  va 
apprendre. 

Tous  se  tournent  vers  le  loinbc.iu.  I.e  Coryphée  se  place  entre 
Orcste  et  Electre. 


LE  CORYPHÉE 

0  grandes  Parques,  (|u'au  nom  de  Zens  nuire 
îuvre  marche  vers  son  bul,  par  où  le  Droit  va  sa 
)uto. 

«  Ou'à  l'outrago  répondt»  l'oulrap^  »,  voilà  ce 
u'à  voix  liaiile  proclame  la  Justice,  ([ni  de  loul 
DUpalde  exii^e  sa  dfdlo. 

«  Et  ([u'un  «onp  niiMiiliier  soit  pav«''  d'un  coup 
leiirlrier.  Au  cou|)al)le,  le  cliàlinieid  »,  c'est  là 
■nltMice  trois  lois  vieille. 

OR ESTE 

<>    mon  prrc^   )nallu'Nr«'i(.r   firrr!  ptir   (pirh  nints^ 

ii'llvs  ()/fra/i(ies^  utleindrai-jr  uni   rires  Inintaincs 

.  /  t  enserre  ta  couche  (fonihre?  Les   ténèbres  et    la 


Modéré 


4 

I/OHKSTIK 

luniuTC  son/  dru.r  mondes  rinu'niis:  cl  Ton  ramlrni 
(jiif  rinumufujc  de  /h/s  f/r/jfissfit7ir/i/s  //f/ièfj/rs  un 
encore  loucher  les  Airides.  jadis  nuillres  en  (e  jjfi/a'is 

■1 


f 


7*'//.s',  f(L  deni  sduratje  du  feu  ne  donijile  pas  /  fiini 
du  niori  :  il  ré r rie  un  jour  ses  colères,  (lifinle  su, 
lui  le  chant  de  deuil^  et  voici  (ju' un  rc/ujcur  se  levé 
La  lamentation  rituelle  sur  le  tondicuu  oii  (hnt  urllf 
'perc  le  po^irsuit  au  f{)}id  de  Finnhrc  de  son  irrési 
tible  jilainte.  V'^ 

ELECTRE 

Ecoute  donc  aussi ^  père,  mes  souffrances  lamen- 
tables.  Tes  deux  enfants  sur  ce  tertre  font  cjéntir  h 
tlirène  funèbre^  et  ta  tombe  accueille  en  eux  do 
supplicmts^  des  exilés  tout  ensemble!  Où  donc  trou- 
ver une  espérance?  De  tous  côtés^  cest  la  douleur, 
Invincible  est  le  Destin. 

LE    CORYPHEE  fa  i 

Mélodrame  Mais,  de  cottft  détressG  môme,  un  dieu,  s'il  veut, 
peut  faire  naître  de  plus  joyeuses  clameurs.  Au 
lieu  du  thrène  sur  une  tombe,  le  péan  peal 
encore,  au  palais  de  nos  rois,  ramener  la  douceui 
nouvelle  des  libations  de  la  victoire. 


OR ESTE 


Ah!  si  devant  Troie,  ô  père,  tu   étais  tondié  en 
guerrier  sous  une   lance  lycienne,  laissant  dans  tiH 


ïi: 


LES  CIIOKPIIOHKS  (34S-401) 

maison  un  nom  tuhin-r  et^  sur  les  routes  de  tes  enfants, 
l'ini posant  édifiée  dr  ta  firosprrt/r,  ///  donn trais  au- 
dehi  des  mers  sous  un  tertre  dont  le  renom  du  moins 
consolerait  1rs  tiens! 

LE    CUCKLR 

Mais,  (limé  de  eeux  y//'/7  aima,  eotnme  lui  morts 
fjfiorieusemeut,  il  rèf/ue  encore  uu  milieu  d\'ux, 
Xirinee  entouré  de  leurs  respects,  et  ministre  choisi 
des  dieur  ijui  comfnauden/  uu.r  enfers.  Vur  il  fut  roi 
tant  (jiéil  reçut ,  roi  de  ceux  mêmes  éi  (jui  un  décret 
du  Ih'stin  confia  le  jtouciur  des  urmes  et  le  sceptre 
des  co/iseils. 

ELECTRE 

Non,  ce  n'était  pas  éi  toi,  père,  éi  tomt)er  sous  les 
Wirs  de  Troie,  fruppé  arec  les  tiens  d'une  lance 
nor  telle,  ni  éi  reposer  du  us  le  subie  sur  les  rices  du 
^camandre,  mais  c  était  éi  les  meurtriers  éi  périr  1rs 
premiers  léi-hus,  lundis  (^éit  i  ce  puluis,  informé  de 
ettr  mort  lointaine,  ei'il  njnoré  ces  aiujoisses  ! 

LE  COIIVPIIKE 

Tes  souhaits,  eni'anl,  veulent  plus  (juo  l'or,  plus  Môiodrame 
ue  la  félicité  suprcnie  dos  peuples  hyperboréens  : 
out  est  possible  à  des  vœux! 

Mais  songe  plutôt  (jih'  le  doiibb'  biiiil  de  vos  poi- 
rines  frappées  déjà  pénètre  sous  la  terre,  éveillant 
os  défenseurs. 


i;OHKSTIE 


Soiii^c   à   ceux     (|iii  jriiHCMl     iri,     au     saii;^    (jiii 

souille  leurs  mains,  à  la  haine  (Ju  moi  I   pour*  eux, 

à  la  haine  ciicoi'e  plus  ar(J(;nl(;   (jui  doit  aninuT  ses 
enfants. 


ÉLECTHE 


Ta  parole^  comme  mt  trait ^  a  travor^v  mon  oreille. 
Zf  ?/.s,  par  qui  tôt  ou  tard  sort  des  enfers  le  (^Jultiment 
vengeur^  permets  quhin  bras  humain  accomplisse  ici 
ton  œarre^  par  l'audace  et  la  perfidie  :  mais  il  le 
faut^  pour  un  père! 


LE    CIIŒLR 


Ahlpuissé-jedonccnfui  saluer  d'un  loiuj  (ri  de 
joie  la  chute  des  deux  cictimes^  hommr^  fennnc, 
immolés  ensemble!  Pourquoi  donc  cacher  ma  pensée? 
ly elle-même,  elle  échappe  à  mon  cœur  :  mon  eisafje 
dit  assez  l'ardeur  de  ma  haine. 


ORESTE 


Et  quand  donc  le  bras  de  Zeu s  tont-pniissant  frap- 
perait-il plus  justement?  Ah!  que  les  têtes  qu'il 
abattra  soient  pour  Argos  des  gages  d'espérance  !  Je 
réclame  justice  contre  l'injustice ,  Terre,  écoute-moi 
et  cous, puissances  infernales! 


LE    CORYPHÉE 


Mélodrame       C'est  unc  loi  que  les  sanglantes  gouttes,  une  foi 
répandues  à  terre,  provoquent  un  sang  nouveau.  L 


î 


m:s  (:ii()i:imi()iu:s  (402-i50) 

niourtrc  appelle  l'Iù'inys  pour  qu'an  nom  des 
premières  vielimcs  elle  entasse  meurtre  sur 
nunirli(\ 


ÉI.KCTIU'l 


lli'las!  hrlas!  sourrrains  t/rs  enfers!  puissantes 
hnpn'rations  des  niarts!  Voi/cz  cr  (fUi  reste  des 
Atrides,  en  ijiifUr  iudieihle  inisrrc  !  en  ijiirl  lunni- 
liant  f'.ril!  On  dnnc  se  fntirncr.  <l  '/rus? 


m:    CHiKUR 


Mon  etviir  lïonWhtnnf  de  ndrre  (jutiud  j'entends 
génnr  (unsi .  Et  jr  iicrds  a/ors  t(nit  rsjunr  rt  nian 
dtne  Siissondnit  à  ses  mots  d/u  oitntfjés.  Mats^  ntf.r 
sons  (Tune  roi.i-  rinh\  toutes  /)u's  eraintrs  disparaissent 
et  jr  rer/rn^  à  /'rspf'rf//He, 

ou EST K 

Pourt/uoi  rujj/je/rr  nossou/frunces'/  \ous/es  drroiis 
à  une  /nèrr  :  des  caresses  peut-rtrr  /rs  apuiseruirnt . 
Mais  il  m  rst  d  autres  (jur  nulle  nukiic  jununs  fie 
charmera.  Mu  /urrr  fflr-mrnu'  a  fuit  dr  /non 
Cipur  un  loup  ( urnussier  (^ur  drs  nw'sses  ndpuisrnt 
plus. 

Pause.  —  Le  Chœur  gcmit  et  se  frnppe  la  poitrine. 
LE    CMŒUK 

J'ui  battu  sur   ma  poitrinr  Ir    ri/t/une   du    tlirène      pj^g  .^ 
arien  ct^   suivant  Ir   ritr   des  pirurrusrs  eissiennes^ 


i;OHESTIE 


saîis  l'cldcke  ma  main  errante  a  hondi^  redoublant 
les  coups,  frajtpant  de  haut  et  de  loin,  faisant  (jémir 
sous  ses  chocs  mon  front  meurtri  et  douloureux. 


ELECTRE 


Ah!  mhre  impudente  et  cruelle,  tu  as  ose  —  cruelles 
funérailles  !  —  ensevelir  en  silence  un  roi  sans  deuil 
de  sa  cité,  un  mari  sans  larmes  pieuses! 


ORESTE 


Ah!  tu  viens  de  l'appeler  toute  Tin f amie  du  passé. 
Hélas!  Mais  r outrage  fait  à  mon  père,  il  faudra 
qu'elle  le  paye,  immolée  par  les  dieux,  immolée  par 
mon  bras.  Que  je  frappe,  puis  que  je  meure! 


LE    CHŒUR 


Elle  l'a  mutilé,  si  tu  veux  tout  savoir;  puis,  dans 
cet  état,  Va  enseveli,  voulant  mettre  sur  ta  vie  une 
intolérable  souillure.  Telle  fut  Pignominie  du  sort 
fait  à  ton  père. 


ELECTRE 


Tu  sais  le  sort  de  ton  père  :  écoute  maintenant  le 
mien.  Solitaire,  dédaignée,  humiliée,  j'étais  rejetée 
du  fot/er  ainsi  qiCun  chien  malfaisant,  et,  les  larmes 
dans  les  yeux,  le  sourire  banni  des  lèvres,  je  mêlais 
à  mes  pleurs  un  sanglot  étouffé.  Entends  ma  plainte  .^ 
inscris-la  dans  ton  cœur. 


LES  CHOI^PnORES  (451-483) 


LE   CHŒLR 


Que  ht  roluntè  (/nirr  et  ((ilnir  se  priirlrc  <lr  /nrs 
avis.  L(i  (/insrrs/  trilr  (jtir  fai  d'il.  Le  r('^tt\  il  sera 
tetnjts  (le  F n  (tutcr  plus  ianl.  Crsf  nrrr  un  cœur  de 
fer  qu  il  fuut  (Irsccjidrc  duns  Hirhn'. 

OH ESTE 

/V'/v%  cvsl   loi   que  fapiicllc'y  pnUp  secours  à  tes     Très  vif 
enfants. 

ÉLECTR 

.le  t'invoque  aussi  tout  m  pleurs. 

\.V.    CMŒIR 

Et  nos  rtu.r  unies  fuil  relia  à  leur  prirrr.  Viens 
au  Jtnir  :  prrtr-noiis  F incilli' .  Sois  arrc  nous  contre 
nos  ennemis. 

OR  ESTE 

Iji  Force  luttera  co/itrc  lu  Force  et  le  hruit 
contre  le  lirait. 

ELECTRE 

Dieux!  que  votre  Justice  achève  F  œuvre  de  jus- 
tice ! 

LE   CHŒUR 

Je  tressaille  à  ces  accents.  Le  prstin  u  lonfjtanps 
tardé  :  nos  prières  hâteront  ses  pas. 


L'ORESTIE 


TOUS    ENSRMHLE 


Plus  soutenu  Ak!  inisrrc  de  la  raccl  coup  hujuhre  cl  incurlr'wr 
du  destin.  If  ('/as!  in/o/rra/jlrs^  drc/iiranles  doii/cKrs! 
Hélas!  soif/fra/ice  .sans  frère! 

Mais  le  remède  à  sa  hlessure^  ce  [jalais  Ir  porte  en 
hn-mênte  :  il  agira  par  la  lutte  ^  l  horreur  et  le  saïKj. 
Va  voilà  V hymne  qui  convient  aux  dieux  infernriu  r  ! 

LE    CORYPHÉE 

Mélodrame  j^t  VOUS,  mâncs  bienhcureux,  écoutez  notre  prière, 
et  que  votre  bonté  envoie  à  ces  enfants  votre  se- 
cours victorieux  ! 

Oreste  et   Electre  montent    sur  le  tertre,   s'agenouillent  et 
frappent  la  terre  des  mains. 


ORESTE 

Père,  tombé    d'une    mort  indigne  d'un   roi,  je 
t'implore,  fais-moi  régner  en  ta  maison. 

ELECTRE 

Et  moi,  père,  voici  ma  prière  :  permets-moi  de 
frapper  Egisthe  et  d'échapper  à  ses  coups. 

ORESTE 

Alors  en    ton  honneur  s'établiront   les    festins 
consacrés.  Sinon,  au  milieu  des  morts  honorés  de 


LKS  CIIOKI'IIOUKS  (iSi-:iU'.)) 

l)aii(|U('ts  funrhrcs,  tu  st'ras  seul  ()ul)lié,  aux  jours 
où  fumeront  les  autels  d'Arj^-os. 

KIJXTHE 

l'.l  la  fille  t'apportera  son  liéritaj^e  entier  en 
offrande  d'hymen,  (juand  elle  (juiilera  la  maison 
|Mternelle.  Vx  ta  tombe  lui  sera  sacrée  par-dessus 

t<  »ute  chose. 

OIIKSTE 

rerr(\  ouxrc-toi  :  mon  pèrc"  veut  \"(^iller  aurom- 

iMt. 

ÉLECTRK 

Perséphone,  envoie-nous    la   Ijrillante  victoire. 

ORi:STK 

S()u\iens-toi  du  bain,  jx're,  où  tu  fus  immolé. 

KLKrTHK 

Sou\iens-toi    du   hlet    de  leurs  ruses  nouvelles. 

onnsTi: 

Le   jour    oii  ils  te  ])rirent  dans  des  chaînes   de 

lin. 

Ér.KCTRE 

Oansles  voiles  pertides  d'un  infâme  complot. 

ORESTE 

l*ère,  t'éveilles-tu  enfin  à  ces  outrages  ? 


LORESTIF. 
ÉLECTRK 

wSoulèves-tu  enfin  ta  tête  bien-aimée  ? 

ORESTE 

Envoie  donc  la  justice  combattre  avec  les  tiens; 
ou  toi-même,  plutôt,  permets-leur  de  prendre  ta 
revanche,  si,  jadis  vaincu,  tu  veux  vaincre  à  ton 
tour. 

ELECTRE 

Kcoute  aussi,  père,  mon  dernier  appel  de  dé- 
tresse. Vois  ta  couvée  blottie  sur  ce  tombeau. 
Prends  pitié  de  la  plainte  du  fils  et  de  la  fille. 

ORESTE 

N'efface  pas  du  sol  les  derniers  fils  de  Pélops  : 
par  eux  tu  te  survis  jusque  dans  la  mort. 

ELECTRE 

Les  enfants  d'un  héros  sont  de  vivants  souvenirs 
qui  sauvent  son  nom  de  Toubli,  ainsi  que  le  liège 
sauve  des  eaux  profondes  le  filet  de  lin. 

ORESTE 

Entends-moi,  c'est  pour  toi  que  je  t'implore.  Tu 
te  sauves  toi-même  en  exauçant  notre  prière. 

Ils  redescendent  du  tertre. 


LES    CHOKPlInRES  (.110-^35) 


LE    CORYPHÉE 


Vous  avez,  selon  \c  rite,  en  prolongeant  votre 
prière,  racheté  la  j)lainte  funèbre  oubliée  sur  ce 
:onibeau.  lu  maintenant,  puisque  ta  volonté  s'est 
.evée  pour  aj4"ir,  à  l'ieuvre  !  tente  la  fortune. 

OR ESTE 

Oui.  Mais  est-il  hors  cU»  propos  de  savoir  d'abord 
pourquoi  elle  a  voulu  ces  lil)ati()ns?  Quelle  idée 
a  pousse  à  apaiser  trop  lard  une  in^"uérissable 
souffrance?  Pour  h'  mort  insensible  à  sa  ] trière, 
:*est  une  pauvre  expiation  (ju'elle  ose  offrir  à  son 
Dmbre.  J'ai  i)eine  à  ni'explic[uer  ces  offrandes; 
mais  je  sais  (ju'elles  restent  au-dessous  de  hi 
faute.  Pour  payer  une  goutte  de  sant;',  lu  peux 
i*un  seul  coup  verser  tous  tes  biens  :  \ain  sera 
:on  effort.  C'est  ainsi.  .Mais,  je  t'en  ])rie,  si  tu  le 
peux,  réponds  à   ma  demande. 

LE    CORYPHÉE 

Je  le  puis,  enfant,  car  j'étais  là.  Ce  sont  des 
songes,  des  terreurs  ([ui,  troui)hint  ses  nuits, 
l'ont  fait  b(mdir  hors  <U'  sa  couche,  pour  envoyer 
ces  libations,  malgré  son  audace  impie. 

ORESTE 

Mais  le  songe  lui-même,  peux-tu  me  le  conter? 


i;(»i(i;sTiK 

Li:    COP.VIMIKE 

Elle  crut  enfanter  un  serpent,  disait-elle. 

OFŒSTE 

Dis-moi  la  fin,  dis-moi  où  ce  rêve  aijoulitî 

LE  convpnÉF: 
Elle,  comme  un  enfant,  l'abritait  au  l;erceau. 

ORESTE 

Mais  de  quoi  vivait-il,  le  monstre  nouveau-né- 

LE    CORYPHÉE 

Elle-même,  en  son  rêve,  lui  présentait  le  sein. 

ORESTE 

Et  le  sein  ne  fut  pas  blessé  par  un  tel  monstre? 

LE    CORYPHÉE 

La  bête  avec  le  lait  tira  un  flot  de  sang. 


ORESTE 

Il  ne  sera  pas  vain  ce  songe  prophétique  ! 

LE    CORYPHÉE 


i 


Du  fond  du  sommeil  elle  pousse  un  cri  d'épou- 
vante.  Aussitôt   les  lumières,   dont  l'éclat  s'était 


LES  CflO^:i>IIOKES  (.",36-583) 

iteint  dans  r()inl)re,  se  rcillunicnt  en  toiiU'  dans 
a  maison  ù  la  voix  de  la  maîtresse.  Mlle  envoie 
ilors  ces  offrandes  funèbres,  espérant  y  trouxcr 
,e  remède  à  ses  maux. 

OH ESTE 

V.h  l)ien  !  je  \)r'\c  la  IV'rrc  <|iii  nous  ])()rl('  et  ce 
:oml)cau  de  mon  ])ère  de  nie  laisser  rc'aliscr  ri* 
iOnge.  l'A  vois  coninient  je  rinterprètc  en  le  scr- 
*ant  de  près.  Si,  sorti  du  même  sein  c^ue  moi,  ce 
»erpent,  comme  un  enfant,  s'est  enveloppé  de 
.anj^es,  a  sucé  la  mamelle  ([ui  jadis  me  nourrit 
ît  a  mêlé  de  sang  le  doux  lait  d'une  mèri',  tandis 
qu'elle,  effrayée,  jetait  un  eri  douloureux,  il  faut 
ionc,  (M)mnie  elle  Ta  donné  au  monstre  ([ui  Tépou- 
/anta,  cprelle  me  donne  aussi  son  sang,  et  c'est 
Tîoi,  transformé  en  serpent,  ([ui  la  tuerai,  ainsi 
[ue  le  prédit  son  rêve. 

LE  conviMii^:i: 

Ah  !  je  t'agrée  aujourd'hui  pour  devin.  I^uisse-t-il 
don("  en  être  ainsi  !  lù  maintenant  dis  à  tes  amis 
ce  qu'ils  doivent,  selon  les  cas,  faire  ou  é\iter. 

OUKSTK 

Simple   est  mon   dessein.  (A  Electre,  qui  se  dirige  alors 

i>   le   palais,  puis,   déjà   sur   les  marches,    s'arrête  et  se   retourne 

ir  entendre   les   derniers  ordres  de   son    frère.)  QuC    celle-Cl 


L'ORESïlE 

rentre  au  palais.  Vous,  couvrez  iri  mes  projets 
afin  qu'après  avoir  tué  par  la  ruse  un  guerrier  glo- 
rieux, ils  soient  à  leur  tour  victimes  de  la  ruse  et 
périssent  dans  le  même  filet,  ainsi  que  Loxias  Ta 
proclamé  lui-même,  Apollon  souverain,  le  devdn 
qui  jamais  ne  mentit.  Semblable  à  un  étranger, 
chargé  d'un  bagage  complet  de  voyageur,  je  me 
présenterai  avec  Pylade,  aux  portes  de  la  cour, 
apportant  des  nouvelles  d'une  maison  amie.  Tous 
deux  nous  emploierons  la  langue  du  Parnasse  en 
imitant  l'accent  du  parler  phocidien.  Et  personne, 
sans  doute,  ne  nous  ouvrira  en  souriant  la  porte 
d'une  maison  que  les  dieux  déjà  bouleversent  de 
sinistres  présages.  Nous  attendrons  alors,  sans 
bouger,  afin  que  chaque  passant  s'interroge  et  se 
dise  :  «  Pourquoi  Égisthe  écarte-t-il  de  son  seuil 
le  suppliant,  puisqu'il  est  à  Argos  et  doit  être 
averti  ?  »  Mais,  que  je  franchisse  la  porte  pour  le 
trouver,  lui,  sur  le  trône  de  mon  père,  ou  que  je 
le  laisse  venir  jusqu'à  moi  et  me  jeter  un  regard, 
en  tout  cas,  sache-le,  avant  qu'il  ait  dit  :  «  De 
quel  pays  est  l'étranger?»  j'en  fais  un  mort, 
l'enveloppant  de  l'airain  rapide.  Et  l'Erinys  sa- 
tisfaite boira  du  sang  pur  pour  troisième  liba- 
tion.  (A  Electre  qui,  cette  fois,  entre   dans  le  palais,  par  la  porte 

du  gynécée.)  Ainsi  donc,  toi,  surveille  l'intérieur  du 
palais,  pour  que  tout  marche  avec  ensemble. 
Vous  ici,  je  ne  vous  demande  qu'une  langue 
prudente  qui  sache  à  propos  se  taire  et  tenir 
le  langage   qui   convienne.    Le   reste,   le    dieu   y 


LES  CIK^KPIIOHES  {im-G"»2) 
'illcra,  puisqu'il  m'a  lui-même  mis  dans  la  route 
l:o  combats  où  brille  Tépée. 

Orestu  et  Pyladc  sortent  par  la  gauche. 
LE    CHŒUR 

Innombrables  sont  les  /léniix  de  douleur  et  d'effroi     Vijfouroux 
ue  nourrit  la  terre ^  et  les  monstres  cruels  à  r homme 
u  enferme  le  sein   des   mers.    Entre   terre    et    ciel 
iétne    vole/il  jusquà    nous    des    relaies    sublimes, 
ionstres  ailés  ou  rainpants^  vents  courroucés  de  la 

mpéte^  tout  lionnne  peut  rnus  décrire. 

Mais  quels  mots  sdurainif  donr  pcuulrt'  l  audace 
ms  bornes  de  t homme ^  hi  /tussla/t  >>///>  frrin  de  la 
miine  impudique^  et  lacajuplcmenl  (jni  1rs  lir^  avec 
m  corti'(je  de  crimes  ?  U  amour  sfins  anutur  y  ui  dompte 
l  fenune  surjjasse  eu  horreur  ministres  rt  tour- 
lifons. 

Que  tous  ceux  qui  n'a/tt point  laissé  s'envoler  de  Irur 

moire  les  histoires  qu  on  leur  conta.,  se  souviennent 
K  feu  perfide  qu(\  pour  perdre  son  enfant,  osa 
■lumrr  Althéa,  abandonnant  ô   la  jlumme  le  tison 

'rnt  auquel  étairnt  attachés  1rs  Jours   de  so/i  fils 

uis  son  premier  cri  au   sortir   du    srin    malrrnrl 

'  qui  'levait  le  suivre  à  travers  la  vie  justpntu  jour 

rquv  par  le  destin . 

Les  vieux  récits  flétrissaient  encore  la  sani/lante 
cijlla  qui^  pour  plaire   à    un  ennemi^   sacrifia   son 

qjre  père,  et^  séduite  par  les  bracelets  dor  crétois, 


L'OHKSTIi: 

présents  de  Minos,  coupa  la  hoiiclc  diiiunoiUdiU 
snr  le  front  dr.  Nisos  endormi  sans  défiance  —  rhnpu 
dente  chienne!  —  et  Hermès  se  saisit  de  lui. 

Plus  vif  Et  puisque  j\ii  rappelé  ces  passions  affreuses 
n  est-ce  pas  V heure  de  maudire  enfin  T union  haie  di 
ce  palais^  la  perfidie  d\m  cœur  de  femme  eontr, 
un  guerrier^  un  roi  respjecté  de  ses  ennemis  même 
et  de  réserver  nos  respects  au  foyer  paisible  01 
réponse  exerce  douce  royauté? 

Entre  tous  les  crimes^  le  langaye  des  hommes  a  Si 
mettre  à  part  celui  des  Lemniennes.  Il  est  partou 
flétri  avec  horreur^  et  le  malheur  même  maintenan 
est  du,  «  lemnien  ».  i.a  créature  qui  se  souille  de  c 
crime  haï  des  dieux  doit  périr  dans  r ignominie  :  nu 
ne  soutient  ce  que  les  dieux  ont  condamné.  Ai-je  tor 
de  rappeler  ces  vérités? 

Le  glaive  aigu  et  pénétrant  vient  frapper  les  cou 
pahles  au  cœur.  La  Justice  veut  quils  soient  foulé 
aux  pieds ^  même  au  prix  d'un  crime.,  ceux  dont  l 
crime  osa  violer  les  lois  que  respecte  Zeus. 

Inébranlable  reste  la  Justice  :  le  Destin  d'avance  « 
forgé  ses  épées  ;  et  F  enfant  des  meurtres  anciens  e:^ 
enfui  conduit  au  foyer  dont  il  doit  laver  les  soini 
lures  par  un  guide  aux  vues  profondes^  la  glorieus 
Erinys. 

Orestc  et  Pylade  reparaissent  dans  un  accoutrement  compl< 
de  voyageurs.  Leurs  armes  sont  cachées  sous  leurs  manteauî 
Oreste  frappe  à  la  porte  centrale. 


LES  Cil OÉIMK  MIES  (G53-6l)0) 


ORESTE 


l'"s(^la\e,  esclave,  entemls  frapper  aux  ])orLe.s  de 

( our.  X'ya-t-il  personne  dans  ce  j)alais?  Ksclavo, 

lav(\  eiuore  un  coup  !  \^)ilà  trois  fois  c[uc  j  aj)- 

M'ile  :  ([ue  quel([u'un   sorte    enfin,   si    le    ]uiissant 

jisthe  est  homme  hospitalier. 

I..1     |>C)I  le   s  UUVIC. 

i.E  PO  HT  n;  Il 

Eh  bien!  J'écoute.  De  ciuel  pays  est  l'étranger? 
Voù  \ient-il  ? 

OllKSTE 


\'a  dire  à  ceux  (|ui  (•oiiniiandciU  ici  ([uc  j'arri\e 

leur  dun  niessajj^e  —  mais  hâte-toi,  car  lechar 

M'brcux  dr  la   nuit    m'  hàtc  aussi,  et   l'heure  est 

•  iiuc  j)our  \r  voyageur  de  laisser  tond)er  l'ancre 

ans  (h*s  diMncurcs  hospitalières  —  fais  sortir  un 

is  n:aitrcs   de  la    maison,  soit  une   femme  a\'ant 

Utorité   ici.    soit  ])lut('>t  un  homme.  (Le  portier  rcntrcdans 

l.iis  cl  en  rd'enne  la  porte,  l.iiulis  qu'Orcstc  achève  avec  vivacité.) 

vir,  d(^vant  une  femme,  notre  ji^ènc  s'exprime  en 
loN  emliarras.sés  :  l'homme  avec  l'homme  parle 
iiis  crainte  et  tient  un  clair  lan£;"aLCe. 


Clytemncstre     apparaît    h    li    porte    du    gynécée,   entourée 
d'esclaves.  l'ioclro  e^t  derrière  elle. 


I 


L'OHESTIE 


CLYTEMNESTRE 


Etrangers,  dites  ce  qu'il  vous  faut.  Vous  trou- 
verez dans  ce  palais  ce  que  vous  êtes  en  droit  d'3 
attendre,  des  bains  chauds  et,  pour  endormir  vo: 
fatigues,  un  lit,  sur  lequel  veillera  un  regan 
bienveillant.  Si  vous  venez  pour  chose  plus  se 
rieuse,  c'est  l'affaire  des  hommes,  à  qui  nous  ei 
référerons. 

ORESTE 

Etranger  à  ce  pays,  je  viens  de  Daulis  en  Pho 
cide.  Comme  je  cheminais  vers  Argos,  portant  moi 
même  mon  propre  bagage,  dans  l'état  même  oî 
j'arrive  ici,  sans  me  connaître  et  sans  m'être  connu 
un  homme  m'a  abordé,  et,  après  m'avoir  parlé  d( 
son  voyage,  questionné  sur  le  mien,  voici  ce  qu( 
m'a  dit  Strophios  de  Phocide  —  j'appris  son  non 
en  causant  :  —  «  Puisque  aussi  bien  tu  vas  à  Argos 
étranger,  songe  à  dire  aux  parents  d'Oreste  qu'i 
est  mort.  Ne  l'oublie  pas,  de  grâce.  Veulent-ils  L 
voir  ramener  auprès  d'eux  ?  préfèrent-ils  qu'i 
soit  enseveli  ici,  étranger  devenu  notre  hôte 
tout  jamais  ?  rapporte-moi  leurs  ordres.  Pour  Tins 
tant,  les  flancs  d'une  urne  d'airain  enferment  se 
cendres  pleurées  selon  les  rites.  »  Je  t'ai  répét 
tout  ce  qu'il  m'a  dit.  Parlé-je  à  des  parents  quali 
fiés  pour  m'entendre?  je  l'ignore:  mais  il  sied  qu( 
le  père  au  moins  soit  averti. 


LKs  (:ii(»i:iMi(»m:s  .oDi-iiiî») 


ÉLKCTHE 


Malheur  sur  moi  !  Ton   message   anéantit  cette 

maison.  Ah  I  ([u'il  est  difficile  de  lutter  contre  toi. 

Imprécation  lomliée  sur  ce  palais!  C(jmme  ui  sais 

porter  partout  les  yeux  et,  même  de  loin,  (lomj)ler 

le  ton  arc  infaillible  ce  ([ue   nous   cro\  i(jns   avoir 

mis  à  ral)ri  !    Tu  me   ch'pouilles  donc    de   tous    les 

miens,   infortunée  (h'sormiiis   sans  esi)oir!    (  )reste 

i\  ait  gagné  la  j)remière  ])artie  et  retiré  son  })ieddu 

»()url)ier    sanglant,    et    maintenant    lui-même,    le 

Icrnier  espoir  (pli  nous    restât  de    gu(''rir  le  délire 

rivresse  de  cette  niais(jn,  il  te  faut  aussi  manpier 

•  >n  échec  ! 

Orcslc  regarde  fixement  Clyteninestre.  qui  est  restée  froide 
et   muette. 

OHESTi: 

J'aurais   xoulu   (pie   de    meilleures  nouvelles  me 

issent  connaître  et  accueillir  d"li(')tes  aussi  nobles. 

^ersonne  est-il  mieu.x:  disposé  (|u"un  h(")te  ])our  ses 

ôtes  ?  Mais  mon  cd^ur  eût  jugé  inipi(»  de  dissimuler 

P  des  amis   (pieUpie    chose   d'un    j)areil    message, 

près  promesse  là-l)as  faite  et  accueil  ici  re(,'u. 

CLYTE.MNESTRL: 

'  Tu  n'en  seras  ]^as  m^nns  traité  selon  ton  mérite 
t  re(,Hi  en  ami  ])ar  cette  maison.  Un  autre  tôt  ou 
cird  nous  eût  porté  même  message.  3lais  Iheure 


I 


I/OHESTIF 

est  venue,  pour  le  voyageur  qui  n  fait  sa  journée 
de  rencontrer  des  soins  en  rapport  avec  sa  longue 
route.  (A  Kiectrc.)  Conduis-lc  dans  les  chambres  réser- 
vées à  nos  hôtes  avec  ses  serviteurs  et  ses  compa- 
gnons. Kt  qu'ils  y  trouvent  tout  ce  cjui  convieni 
à  leurs  membres  lassés.  Je  t'avertis  :  songe  en 
m'obéissant  que  tu  m'en  rendras  compte.  —  (Cjrestc 

et  Pyladc  suivent  Electre  et  entrent  dans  le  palais  parla  porte  cen- 
trale.) PoumOUS,  nous  allons  tout  rapporter  au  maître 
du  palais,  et,  comme  nous  ne  sommes  pas,  nous, 
à  court  d'amis,  nous  délibérerons  avec  eux  sut 
l'événement. 

Clytemnestre  rentre  dans  le  gynécée. 


LE    CORYPHEE 

Mélodrame  Eh  bien  !  captives  du  palais,  quand  donc  déploie- 
rons-nous, en  faveur  d'Oreste,  la  force  amie  de  nos 
prières? 

LE    CHŒUR 

0  terre  sacrée,  et  toi,  dernier  rivage  de  la  lu- 
mière, tombeau  sacré  élevé  sur  le  corps  du  roi  qui 
guida  les  nefs  de  la  Grèce,  l'heure  est  venue,! 
écoute-nous,  secours-nous.  Oui,  Theure  est  venue 
pour  la  Persuasion  traîtresse  de  descendre  avec 
eux  dans  la  lice,  et  pour  Hermès  infernal,  pour  le 
mort  du  fond  de  sa  nuit,  de  guider  leurs  épées 
aux  combats  meurtriers. 

La  nourrice  sort  du  palais  parla  porte  de  droite. 


I 


LES  CIIOKPIIORES  (lIO-Tin) 


LE    CORYPIIÉr: 


L'étranger,  je  pense,  prépare  le  meurtre.  Je  vois 
à,  tout  en  pleurs,  la  nourrice  d'Oreste.  Où  vas- 
u,  Cilissa,  hors  du  palais  clos?  Le  chagrin,  je  crois, 
'accompagne,  sans   que  tu   l'aies  payé  pour  cela. 

LA    NOURRICE 

La  maîtresse  veut  que  j'appelle  l^gisthe  bien  vite 
our  qu'il  voie  les  étrangers  etque  plus  nettement, 
homme  à  homme,  il  vienne  écouter  leur  message. 
)evant  les  serviteurs,  elle  a  feint  de   le  trouver 
iste;  mais  son  œil  cachait  un  sourire,  car,  pour 
le,  tout   se   termine  à   souhait,  tandis  que,  pour 
ette  maison,  c'est  le   malheur  complet  que  trop 
airement  nous  apportent  ces  étrangers.  Ah!  lui, 
en  ([u'à  entendre  la  chose,  va  sentir  son  cœur  tout 
)yeuxî  Las!  chétive  !  comme  les  vieux  souvenirs 
1  moi  gravés  des   maux  si  lourds  de   la   maison 
'Atrée    déjà   pesaient   à  mon  cœur!  Mais  jamais 
icore  je    n'avais    eu  à  porter  un  i)areil  chagrin. 
es  autres,  je  les  épuisais  patiemment.  >Mais  mon 
reste,  pour  qui  j'ai  usé  ma  vie,  que  j'ai  reçu  sor- 
tit de  sa  mère  et  nourri  jusqu'au  bout!  Ah  !  ces 
is  impérieux   ([ui    me  faisaient  courir  des  nuits 
itières!  J'aurais  donc  supporté   pour  rien  toutes 
s    misères  de  l'enfance  !  Car  ce  qui  ne  connaît 
is,  comment    faire  ?  il  faut  bien  lélever  comme 
petit  chien,  deviner  ses  envies  :  encore  dans  les 


i;()Hi:sTii: 

langes,  l'enfant  ne  jjarle  pas,  qu'il  ait  faim,  soif  ou 
besoin  plus  pressant;  mais  son  petit  ventre  se  soui 
lage  seul.  J'avais  à  tout  prévoir,  et  comme,  ma  foi! 
souvent  j'y  étais  trompée,  je  devenais  hueuse  de 
langes  :   blanchisseuse   et   nourrice    confondaient 
leurs   besognes.    Mais,   en   acceptant  cette  doubh 
peine,  j'avais  élevé  Oreste    pour  son  père  î  lu  i 
est  mort!  Voilà  ce  que  j'apprends,  malheureuse 
Mais  je  vais  vers  l'homme  qui  a  perdu  ce  palais 
c'est  sans  peine,  lui,  qu'il  va  entendre  la  nouvelle 


LE    CORYPHÉE 

Mais  en  quel  appareil  veut-elle  qu'il  se  montre 

LA    NOURRICE 

Quel  appareil?  répète  et  je  comprendrai  mieux 

LE  CORYPHÉE 

Avec  toute  sa  garde  ou  bien  seul,  sans  escorte 

LA    NOURRICE 

Elle  veut  qu'il  amène  tous  ses  porteurs  de  lances 

LE    CORYPHÉE 

Ne  transmets  pas  l'avis  au  maître  que  tu  haisL 
Pour  ne  pas  l'effrayer,  dis-lui,  d'un  cœur  joyeux 
de  venir  seul,    en  hâte.    Bon   messager    redress 
message  tortueux. 


LES  r,II(U':i»FI()HES  (77i-SH) 
LA    NOURRICE 

Mais  ))('ux-tii  espérer,  après  cette  nouvelle  ? 

î.i:  cou  y  PII  ÉK 

Alais  Zeiis  ]KHit  bien  changer  tous  nos  malheurs 
Il  joies, 

LA    .NOLUIUCI-: 

Comment?  Oreste  est  mort,  l'cvspoir  de  ce  palais. 

LE    CORYPHÉE 

l*as  encore  :  qui  le  croit  sera  mauvais  devin. 

LA    NOURRICE 

(hic  (lis-tu?  As-tu  donc  reçu  d'autres  nouvelles? 

LE  ronvpiiKF: 

\'a  t'acquitter  de  ton  messat,^e  et  remplis  les 
■«1res  reçus  :  aux  dieux  de  veiller  à  ([uoi  ils 
>i\(Mit  \(Mller. 

LA    NOURRICE 

I  irai  donc  et  suivrai  ton  conseil.  Ouc  la  faveur 


ine  tourne  tout  ])our  le  mieux! 

La  nourrice  sort  pjr  Li  droite. 


I 


L'OHESTIE 


LE   CHŒUR 


Animé  Maînfenant ^  jc  t'en  conjure,  ZeiiH^  phc  des  du;ux\ 
de  L'Olympe^  accorde-nous  la  victoire^  une  drcinivA 
victoire^  car  c^esl  pour  un  sage  liéros^  dou/  l'ardenti 
désir  n^ est  que  justice  et  piété ^  (jue  Péa/i  a  élevé  UA 
voix.  Et  toi^  Zeus,  veille  sur  lui. 
Plus  soutenu  Oui,  fuis  triompher  de  ses  ennemis^  Zeus^  celui] 
qui  est  dans  ce  palais^  car.,  si  tu  rélèves  au  trône  del 
son  père,  il  t'en  paiera,  joyeux,  un  double  et  triple] 
prix. 

Animé  Vois  le  jcwie  coursier,  orphelin  d'un  roi  qui  le\ 
fut  cher,  attelé  à  un  char  de  douleurs.  Fais  que.  saii^ 
s'égarer  loin  du  but,  sans  briser  son  timon,  il  atteigne 
enfin  le  sol  de  cette  terre  où  tendaient  avidement 
les  pas  qu'il  a  faits.  | 

Plus  soutenu  Oui,  fais  triompher  de  ses  ennemis,  Zeus,  celui  qui\ 
est  dans  ce  palais,  car,  si  tu  f  élèves  au  trône  de  som 
père,  il  t'en  paiera,  joyeux,  un  double  et  triple  prix.) 

: 
Animé       Et  VOUS  qui,  dans  le  sanctuaire  domestique,  aimez^\ 

l'éclat  joyeux  de  l'or,  dieux  bienveillants,  prêtez-moi  s 
Voreille.  Allons,  que  le  sang  de  nouveaux  meurtres^ 
vengeurs  lave  les  taches  du  passé!  Que  le  vieitay 
meurtre  n' enfante  plus  dans  la  maison!  r. 

Plus  soutenu  Toi  qui  habites  aux  flancs  profonds  de  DelphesA 
fais  qu'un  meurtre  légitime  relève  enfin  la  maison'] 
d'un  héros  et  quelle  puisse  voir  de  ses  yeux  attendriiS' 
le  soleil  de  la  liberté  percer  la  nuit  qui  l enveloppe  \ 


LKs  cii()Ï!:phohks  (812-806) 

l']t  jnd^sr  lltrinrs^  jUs  dr  Maùij  /loits  prrfer  aide  Animé 
//  s7/  jii^hcr!  Prrsonnr  niiriir  (jtir  lui  iw  jx'lit, 
jUiind  il  /crriil,  ijindcr  mirni'  au  port,  il  saura  à 
i/fjjjos,  stnt  rcpandrr  dr  hrustjurs  luniirrrs^  soit,  par 
h's  fiaro/rs  obscures,  vtvndrr  sur  Irs  yeux  coiipahles 
les  truf'hrrs  ijue  le  jour  luriue  ne  dissiperait  pas. 

Toi  (jui  hahitrs  au.r  //ti/K  s  profonds    de    \)rlphes^   Plus  soutenu 
fais  (lu'uu  meurtre   lêi/ftinie  relrre   enfin  la   nuii'<on 
fini  héros  et  (jiùlh'  puisse  et/ir  de  ses  ijeux  attendris 

soleil  de  la  lihertr  jtereer  la  nuit  qui  Cenecloppe. 

Alors,  p(nir  crlrhrer  la  maison  dèlirrre ,  nous  irons   p^^g  y^f 
OOUssff/it   /Kts   vhnneurs   an/ui-s   à    trarers    la   rille... 
Le  niallieur  s'êlon/ne  donc  enfin  de  ceu.i    (juc  /lous 
%itnons. 

Toi  y    liardi/nent ,    ijumul    rwndra    llieurr    diKjir,    Plus  soutenu 
épiuids  en   mroijuant  Ir  cadavre  d  un  pl-re  à  la  roi.r 
maternel  le  criant  eers  toi  :  '^  nuui  fils!  y,  puis  achève 
fwiierr  dr  nuu't,  sans  craindre  d^'n  jamais  répondre. 

Portant  rn  ta  poitrine  f  inflexilde  ca'ur  de  Versée ,   Toujours  vif 
"ésolu  à  satisfaire  daino'd  i  ru  i\  morts  ou  rirunts,  à 
fUi  tu  te  dois^  aclirre    le   sani/lant    chdliment    dr   la 
^orijone  infâme  (/lée/i ferment  ces  murailles  et  immole 
'e  meurtrier. 

Oiùy    hardiment^  Huaml    viendra    Vheure    iTuf/ir,  Plus  soutenu 
""éponds  en  i/iroquant  le  cadavre  d'un  père  à  la  voix 
*}iaternelle  criant  vers  toi  :  *f  mon  fils!  >/  puis  achève 
l*cei(vre  de  mort ,  sans  craindre  (Ten  jamais  répimdre. 

Hgisthe  arrive  par  la  droite,  suivi  de  la  nourrice. 


i/onrsTiF 


Kfiismi: 


J'arrive  ici  mande  })ar  un  message  :  cm  me  dit 
que  des  étrangers  nous  apportent  une  nouvelle 
qui  certes  n'a  rien  de  désirable,  puisqu'il  s'agit 
de  la  mort  d'Oreste.  Ah!  puisse  la  maison  se  ré- 
signer à  cette  nouvelle  douleur,  toute  meurtrie 
qu'elle  soit  encore  de  la  terreur  sanglante  dont  elle 
a  senti,  cette  nuit,  la  morsure!  .Mais  faut-il  juger 
ce  qu'on  nous  raconte  comme  véridique  et  réel? 
Ne  serait-ce  point  des  mots  effrayés  de  femmes 
qui  volent  dans  l'air,  puis  périssent  sans  réalité? 
Que  peux-tu  m'en  dire  qui  s'impose  à  mon  esprit? 

LE    CORYPHÉE 

Nous  avons  entendu  la  nouvelle;  mais  entre, 
informe-toi  auprès  des  étrangers  :  nul  rapport  n'a 
l'autorité  d'un  entretien  direct  d'homme  à  homme. 

ÉGISTIIE 

Je  veux  à  mon  tour  voir  et  interrog'er  le  messa- 
ger. Était-il  lui-même  auprès  du  mourant  ?  ou  ré- 
pète-t-il  une  rumeur  confuse  ?  Il  ne  saurait  trom- 
per mon  esprit  clairvoyant. 

Il  entre  dans  le  palais  par  la  porte  centrale.  La  nuit  commence 
à  tomber. 

LE    CORYPHEE 

Mélodrame       Zous  !    Zciis  !   qiiG   dois-je  dire  ?  Comment   com- 
mencer   ma   prière  et   invoquer  les   dieux  contre 


LES  CIIOKIMIOHKS  (8rn-801) 

It'^  coupahles?  (^omniciil   l'aclicvci"  ri  «liic   loiis  les 

(lar  cCsl  inainlcnaiit  (jiic  1rs  j^laivcs  à  la  poiiil»' 
inciirlrirrc   voiil,  m    so  sonilhml  d»'  sanJ^^  achcvrr 

iamais  la  niinr  du  lovci"  (r.\L:;mn'iiiiinu, 

On  (jiriillumanl  IViix  de  iVlc  cl  llaiiiInMii  de 
lilicrli',  Ihi'slc  v;i  iccoiini'i'I'  ('iiliii  le  |M»ii\nir  (|iii 
dniiiit'    d(»s   lois   aux  cih's  cl   I  immense  ri(  In'ssc  de 

s  pèr(»s. 

(i'esl  là  la  Inlle  <|ne  le  divin  Oroslo.  I(d  nii 
allilèle  de  i't''sei"ve.  \,\  seni  enj;a^ei'  conh'e  i\r\\\ 
adversaires  :  ah!  ([m'  ce  soit  poni'  la  vicloire! 

On  ciiteiul  tout  à  coup  derrière  la  porte  les  cris  d'Kgisthc. 


Ail!  hélas  : 


ÉGlSTMi: 


IJ-:  conviMiKE 


Ah!  ah!    Ou'cst-re?   Comment   lont   s'es'.-il    ter- 
miné dans  le  palais?  Mloi^nons-nous  :  rentrcj)rise 
-  u^hè\(';ne  paraissons  pas  complices  du  meurtre. 
AT  voie  i  décidée  l'issue  du  combat. 

Le  Chœur  se  retire  dans  un  coin  de  l'orchestre.  La  nuit  est 
venue.  L^n  serviteur  affolé  sort  de  la  porto  centrale  et  se  pré- 
cipite vers  la  porte  du  gynécée  qu'il  heurte  bruyamment. 

TN    SERVITEIR 

Hélas!  ah!  oui,    hélas!   le  maître  est    frappé  à 
mort!    Hélas!    encore   hélas!   une   troisième   fois. 


LOIJKSTIE 

]\i^i.sthe  n'est  plus.  Allons,  ouvrez  bien  vite,  et 
lâchez  les  verrous  (\its  portes  des  femmes.  Nous 
a\()ns  Ijien  besoin  d'un  h(jmme  xi^oureux.  Mais 
non  :  peut-on  porter  secours  à  un  mort?  Ah  !  ah! 
je  crie  à  des  sourds  ;  ils  dorment,  c'est  jjour  rien 
que  je  pousse  ces  vains  appels.  Où  est  allée 
Clytemnestre?  Que  fait-elle?  Ah!  sans  doute,  à 
son  tour,  maintenant  sa  tête  va  tomber  près  de 
son  amant,  justement  frappée. 

Clytemnestre  sort  seule  du  gynécée. 
CLYTEMNESTRE 

Qu'est-ce  ?  De  quelles  clameurs  remplis-tu  la 
maison? 

LE    SERVITEUR 

Je  dis  que  les  morts  frappent  le  vivant. 

CLYTEMNESTRE 

Ah!  je  comprends  le  mot  de  Ténigme.  Xous 
allons  périr  par  la  ruse,  ainsi  que  nous  avons  tué. 
Personne  ne  me  tendra  donc,  vite,  la  hache 
meurtrière!  Sachons  si  nous  sommes  ici  des  vain- 
queurs ou  des  vaincus,  puisque  j'en  suis  là  de 
mon  sanglant  destin  ! 

Elle  court  vers  la  porte  centrale  qui  s'ouvre  brusquement. 
Oreste  paraît,  l'épée  à  la  main.  Pylade  est  derrière  lui.  Dans  le 
fond  on  aperçoit  le  cadavre  d'Egisthe.  Le  serviteur,  épouvanté, 
disparait  par  la  porte  du  gynécée. 


LES  CHOÉPIIORES  (892-1)13) 
ORESTE 

Toi  !     torl   bien   :  je   te  cherche.    Celui-ci  a    son 

-  '  )ni])te. 

CLVlEMiNESTRE 

llélas!  tu  es  donc  mort,  ô  mon  vailhmt  I\g'isthe? 

UULSIK 

Vu  l'aimes?  Eh  bien,  va  donc  t'étendre  près  de 
lui  !  .Même  mort,  tu  ne  le  trahiras  pasl 

Il  s'élance  sur  elle,  l'cpée   levée.  Clytemnestrc  tombe  h  ses 
genoux,  déchire  sa  robe  et  lui  montre  son  sein. 

clvti;m.m:sire 

Arrête,  ô  mon  fils,  respecte,  enfant,  ce  sein  sur 
Icijuel  souvent,  tout  endormi,  tu  suçais  de  tes 
Irvres  le  lait  nourricier. 

Oreste  laisse  retomber  son  épée  et  se  tourne  vers  Pylade. 
ORESTE 

Pylade,  que  ferai-je?  Puis-je  tuer  une  mère? 

PYLADE 

Oublies-tu  donc  les  clairs  oracles  d'Apollon, 
rendus  à  Pytho  même  ?  les  serments  garants  de 
notre  foi?  Crois-moi  :  mieux  vaut  contre  soi  avoir 
tous  les  hommes  plutôt  que  les  dieux. 


i;oi!i:sTii; 


ORFSTE 


C'est  toi  (jui  as  raison,  je  le  reconnais,  et  ton 
conseil  est  juste.  (A  ciytemnestrc  )  Suis-moi.  je  veux 
t'égorger  près  de  lui.  Déjà,  vivant,  tu  l'as  préféré 
à  mon  père  :  dans  la  tombe  dors  donc  avec  lui, 
puisqu'il  est  l'époux  que  tu  aimes  et  que  tu  hais 
celui  qu'il  te  fallait  aimer. 

CLYTEMNESTRE 

Je  t'ai  nourri,  je  veux  vieillir  à  tes  côtés. 

ORESTE 

Meurtrière  d'un  père,  tu  vivrais  avec  moi! 

CLYTEMNESTRE 

C'est  le  Destin,  mon  fils,  qui  m'a  poussée  au 
crime. 

ORESTE 

Et  c'est  donc  le  Destin  qui  prépara  ta  mort. 

CLYTEMNESTRE 

Ah  !  crains  d'être  maudit,  mon  enfant,  par  ta 
mère. 

ORESTE 

Une  mère  qui  jette  son  fils  à  la  misère! 


LES  CIIOKPIIOUKS  (Î)14-'J30) 
CLVTEM.NESTHi: 

Jo  ne  t'ai   ('iu'en\c)\'(''  dans  la  maison  d'iiii   liôlc. 

oni:sTE 
Je  fus  deux  fois  \'endu,  moi,  fils  d'un  père  libre! 

CLYTEMNESTHE 

Où  donc  est  le  salaire  ([ue,  moi,  j'en  ai  reçu? 

on ESTE 

J'ai  honte  à  le  nommer,  ce  salaire  infamant. 

CLYTEMiNESTUE 

Dis  tout,  mais  dis   aussi  les  fautes  de  ton  père. 

OR ESTE 

Accuser  le  soldat,  toi,  assise  au  foyer! 

CLYTEMNESTHE 

l'^ils,  il  est  dur  aux  femmes  d'être  loin  du  mari. 

ORESTE 

Le  la])eur  du  mari  nourrit  la  femme  oisive. 

CLYTEMNESTRE 

Voudrais-tu   donc  tuer  ta  mère,  ô  mon  enfant? 


i;()Hi:r^Tii: 

ORESTE 

Ce  n'est  pas  moi,  c'est  toi  qui  te  tueras  toi-même. 

CLYTEMNESTRE 

Prends  garde,  songe   bien   aux   chiennes  de  ta 
mère. 

ORESTE 

Et  celles  de  mon  père,  où  les  fuir  si  j'hésite? 

CLYTEMNESTRE 

Ah!  je  suis  là,  vivante,  à  prier  un  tombeau! 

ORESTE 

Le  destin  de  mon  père  vers  toi  pousse  la  mort, 

CLYTEMNESTRE 

J'aurai  donc  enfanté  et  nourri  ce  serpent  ! 

ORESTE 

La  terreur  de  tes  songes  fut  un  devin  sincère. 

CLYTEMNESTRE 
ORESTE 

Tu  tuas  ton  époux,  meurs  sous  le  fer  d'un  fils! 

Il  saisit  sa  mère  par  les  cheveux  et  l'entraîne  dans  le  palais. 
Les  portes  se  referment.  Le  Chœur  revient  au  milieu  de 
l'orchestre. 


LES  CIIOf.PHORES  ^931-973^ 


LE  CORYPHÉE 


J'aurais  encore  des  pleurs  sur  leur  sort  à  tous 
deux.  Mais,  à  cette  heure  où  le  triste  Oreste  a  mis 
le  comble  aux  meurtres  san^  tin  de  la  race,  mieux 
vaut  pourtant  que  \\v\\  de  la  maison  ne  se  soit  pas 
du  moins  éteint  à  tout  jamais  ! 

ij:  ciiiiaR 

K//r  rsf  ri'nur  ritfmjd  .hisin  r  (jiu  crut/c /rs.  Pria-  Agritô 
mitres,  (irrr  son  hnird  t  liflfiinrul .  l'J/r  rsf  rrnnr  dans 
le  paldis  (lA(/(inirnuiini ,  ihnihlr  lion,  dniihlr  Ari's. 
Il  a  poussr  jus(j(i\iN  Inil ,  /'r.ri/t'  jirrilil  jtnr  Pt/llu», 
ijmdr  dans  sn/i  rlan  jtnr  1rs  conseils  dirins. 
P  Ah!  jrirz  ros  rns  (lal/rr/rrssr  sur  Ir  jxdais  dr  /tos 
niai/rrs  rnftn  drhrrr  de  srs  man.r  ri  drs  dru.v  sarri- 
ijrs  (jui^  toal  m  dévorant  srs  n(  hrsscs^  sachrini- 
iKiirnl  rrrs  la  nual ! 

i 

Il  est  venu  le  die  a  f^at,  en  comhattant  dans  FoniUrr^ 
-dit  jxir  la  nisr  arhrrrr  le  rhdliinenf .  Et  elle  n  fjiiidé 
-'I  niai/f  dans  la  lattr,  la  jiUr  dr  'Arus  (pie  nous  nom- 
mons dr  son  vrai  nom  Jasfirr  rf  rjai  resijirr  an 
rourroa.r  dr  mort  ronirr  (jai  I  <)/frnse. 

Ali.'jr/rz  vos  cris  ddllrrirrssr  sur  Ir  palais  île  nos 
litres  enfin  dr/ivrr  dr  ses  maa.r  rt  drs  drux  sacri- 
/cs  (jui^  toat  m  drvorant  ses  ricliesses,  s^clienii- 
ient  vers  la  mort! 


i/()iu:sTii-: 

L'oraih'  (jW  la  nu./  jmissdiilr  de  Lfj./ids  l^arufis- 
sien  (i  procliiiitr  au  fond dr  Idnlrc  dcIpliKiiU'  (itlfKpie 
à  s(Hf  t(nii\  jKir  lr(utns,('  iiicurl ruTC,  la  IrdUrisr  nicnr 
trihrc  dont  ht  clidliincnl  arail  trop  laïujh'nift^  lardi'. 
On  peut  cn/ui  ne  plus  srrctr  Ir  (  riinc  cl  rnin-rr 
coniDie   il  convient  la  piiissancf  (jai  rl'tjnf   a  a  (  ud. 

On  pcal  enfin  rair  la  hunlrrc.  Cidlf  niais(ni  est 
délivrée  dujmuj  <iiii  l'oppr'una.  Allons,  (hdioal .  palais! 
trop  lon(j temps  lu  restas  ahatta. 

Bientôt  le  temps  ((ai  tout  achève  transfama'ra  l'as- 
pect de  ce  jjalais^  quand  enfin  auront  été  lavées  les 
souillures  du  foyer ^  quand  les  prières  qui  parifent 
auront  chassé  les  sanglants  délires.  La  Fortune  n'a  plus 
pour  nous  que  regards  souriants.  Les  génies  étran- 
gers qui  se  sont  établis  en  ce  palais  en  seront  bannis 
à  leur  tour.  j 

On  peut  enfin  voir  la  lumière.  Cette  maison  est 
délivrée  du  joug  qui  l'opprima.  Allons,  debout^ 
palais!  trop  longtemps  tu  restas  abattu!  M 

La  porte  centrale  s'ouvre.  On  apporte  les  deux  cadavres 
dEgisthe  et  de  Clytemnestre  étendus  côte  à  côte.  Oreste  se 
place  derrière  eux.  Il  a  l'épée  nue  à  la  main.  Autour  de  lui, des 
esclaves  du  palais  élèvent  des  torches;  d'autres  tiennent  un 
voile  ensanglanté.  Parla  droite,  le  peuple  d'Argos  accourt  à  cC 
spectacle. 


ORESTE 

Contemplez    les  deux  tyrans   de  la  patrie  I    Ils 
avaient  tué  mon  père,  ravagée  mon  foyer,  et  ils  sié- 


LES  CIIOÉPIIORES  (976-1020) 

geaient  tous  deux,  augustes,  sur  son  trône!  Main- 
tenant encore  ils  se  restent  fidèles  — leur  mort  au 
moins  invite  à  le  penser!  —  et  le  serment  qui  les 
liait  n'est  toujours  j)()int  trahi.  Ils  s'étaient  juré 
td'immoler  ensemble  mon  malheureux  père  et  de 
mourir  ensemble  :  voilà  une  parole  désormais  tenue. 
[Voyez,  vous  dont  les  oreilles  seules  ont  connu  nos 
misères,  voyez  enfin  le  i)ièK'e  (jui  lia  mon  mal- 
heureux   père,    enchaîna    ses    ])ras,    entrava    ses 

pieds.     (Aux  esclaves  qui  portent  le  voile.)    J)éployeZ-le    et, 

en  cercle  près  de  moi,  montrez  à  tous  le  voile  où  le 

héros  fut  enveloppé,  afin  que  le  sacrilège  commis 

par  ma  mère  soit  mis  sous   les  yeux,  non  de  mon 

Jpère,  mais    du    père    (jui    voit    toutes    choses,  du 

Soleil,  cjui    viendra  un   jour  témoigner  pour  moi 

len  justice  que  j'ai   justement   poursuivi    le  crime 

jusqu'au  meurtre  d'une  mère.  Je  ne  i)arle  pas  de 

celui  d'I^'t^isthe  :  adultère,  il  a  subi  la  peine   que 

porte  la  loi.  .Mais  celle  qui  conçut  pareille  infa- 

"Me  contre  un  homme  dont  elle  avait  porté  les  fils 

us  sa  ceinture  —  fardeau  d'amour  jadis,  de  haine 

uaintenant,  nous  dit  ce  cadavre  —  que  te  semble- 

-rlle?  Une   murène    sans   doute,  un   serpent  ca- 

ahle    d'empoisonner   ])ar    simjîle    contact,     sans 

nrme  une   morsure,  ce  ([ui  est  près  de  lui  :  tant 

n  âme  est  pleine  d'audace  et  de  crime!  (Ju'une 

(lie  compagne   n'entre  jamais  dans  ma  maison  : 

s    dieux   me    fassent  plutôt    mourir     sans    pos- 

rité! 


I 


louestif: 


Li:  CIKIX'K 


Modéré  Jlr/ds!  Iii'his!  trislr  for/ dit!  Tu  as  sn(((nnln''  à 
viir  mort  cm  cl  le!  Il  cl  as!  hclas!  Mais  plus  tarde  Iç 
vlall imcnt ^  plas  il s'cpanoait  terrible l 


OIŒSTE 


L'a-t-elle  ou  non  commis?  J'en  prends  ce  voile 
à  témoin,    qui    atteste    que    l'épée    d'Kgisthe    l'a 
trempé  de  sang.  Vois,  la  tache  du  meurtre  s'unit 
au  temps  pour  détruire  les  teintes   variées  de   la 
broderie.  De  quel   nom  l'appeler  pour  rencontrer 
celui  qui  lui  convient?  Piège  de  chasse?  Draperie 
de  cercueil  pour  envelopper  le  mort  tout  entier? 
Ah!   c'est  filet  qu'il   faut  dire,   panneau,    entrave 
pour  les  pieds.    C'est    un    filet   pareil  que,   pour 
tromper  ses  hôtes,  aimerait  un  bandit  vivant  de 
rapines  :  tel  engin  de  traîtrise,  sans   cesse  facili- 
tant ses  crimes,  sans   cesse  remplirait  son    cœur 
d'ardente  joie.    Assassin   de    mon    père,    c'est   le 
nom  que  je  lui  donne,  moi,  et,  pleurant  les  crimes 
commis,   les  douleurs    souffertes  et   ma   race  en- 
tière,   tantôt  je   m'applaudis   et    tantôt  je   gémis 
d'une  victoire   dont,  pour  triste  trophée,  je    n'ai 
qu'une  souillure. 

LE    CHŒUR 

Modéré  AuciDi  iiiortel  1X6  traversera  sans  souffrance  une\ 
vie  toujours  heureuse.  Hclas!  hélas!  Telle  peine^ 
aiijoîird'hin,  telle  autre  demain  ! 


I 


i 


I 


LES  GII()1':PII()RES  (lÛ2i-105r,) 


ou EST K 

.^\ais,  sachez-le  —  car  je  ne  sais  comment  tout 
finira  :  il  me  semble  conduire  un  char  emporté 
hors  (le  la  carrière;  mes  es])rits  indociles  m'en- 
1  rainent  malj^'ré  moi,  cl  ri'.j)()u\'ante,  (U'\anl  mon 
•  eur,  se  tient  prête  à  chanter,  et  lui  à  bondir, 
bruyant,  à  sa  voix  —  mais,  encore  maître  de  ma 
liiison,  je  le  déclare  à  (X'ux  (jui  nTaimcnt  :  ()ui, 
j'ai  tué  ma  mère  justement  :  meurtrière  d'un  père, 
l'Ui.'  étaiî.  une  souillure  en  horreur  aux  dieux;  et 
je  proclame  que  le  plus  j^Tand  aig"uillon  de  mon 
ciudace  fut  le  pro])hète  de  l'ylho,  Loxias,  (pii  me 
j)rédisait  (|u'en  faisant  ce  (jue  j"ai  fait  je  n'aurais 
jioint  à  en  répondre*,  tandis  ({u'en  n(\L;iie»*eant  ses 
ordres  —  je  ne  vous  dirai  pas  le  châtiment  :  l'arc^ 
de  votre  pensée  n'atteindrait  ])as  si  loin.   (Avec  son 

pce,   il  détache  un  rameau  d'olivier  qui  est  suspendu  à  la  porte  du 

pilais.)  Kt  maintenant  voyez  comment,  avec  ce  ra- 
meau entouré  de  laine,  je  vais  me  diriger  vers  le 
sanctuaire,  cœur  du  monde,  sol  sacré  de  Loxias, 
où  brille  la  lueur  du  feu  imj)érissable,  j)our  fuir  le 
^an^'  tlune  mère  :  Loxias  m'a  défendu  de  chercher 
un  autre  refuge.  Kt  à  tous  les  Argiens  je  demande 
de  me  prêter  un  jour  leur  témoignage...  tandis 
que  je  vais  loin  d'ici  errer  comme  un  banni,  vivant 
ou  mort,  laissant  à  jamais  ces  tristes  souvenirs. 

Il  se  dirige  vers  la  sortie  de  gauche. 


M 


L'ORESTIE 


LE    CORYPHKE 


Tu  as  triomphé  :  ne  mets  pas  sur  tes  lèvres  des 
paroles  de  mauvais  augure;  ne  t'accable  pas  toi- 
même  d'imprécations.  Tu  as  délivré  tout  le  pays 
d'Argos  en  abattant  heureusement  les  têtes  de 
ces  deux  vipères. 

Oreste    recule  brusquement,  épouvanté,    et  tourne    sur  lui- 
même, 

ORESTE 

Ah  !  ah  !  quelles  sont  ces  femmes  pareilles  à 
des  Gorgones,  vêtues  de  noir,  enlacées  de  serpents 
sans  nombre?  Je  ne  puis  plus  rester. 

LE    CORYPHÉE 

Quels  vains  fantômes  te  font  tournoyer  d'hor- 
reur, ô  de  tous  les  mortels  le  plus  cher  à  son 
père?  Reprends  tes  sens  :  que  peut  craindre  un 
vainqueur  tel  que  toi  ? 

ORESTE 

Ils  ne  sont  pas  vains  les  fantômes  qui  me  tor- 
turent. Ah  !  ce  ne  sont  que  trop  clairement  les 
chiennes  furieuses  de  ma  mère. 

LE    CORYPHÉE 

Le  sang  est  encore  tiède  sur  tes  mains  :  de  là 
le  trouble  qui  s'abat  sur  ton  âme. 


ORESTE 

Apollon  souverain,  les  voilà  (|iii  fourmillent  : 
(le  leurs  yeux  goutte  à  goutte  coule  un  sang  odieux. 

LE    COHYPHÉE 

Dans  le  palais  tu  te  purifieras.  Va  toucher 
Loxias,  il  te  délivrera  de  ton  supplice. 

G RESTE 

\'ous  ne  les  voyez  pas,  xous,  mais,  moi,  je  les 
vois.  Elles  me  pourchassent  :  je  ne  puis  rester. 

Il  sort,  éperdu,  parla  ^.luclic. 
LE    COUVPIIÉE 

Adieu  donc,  et  qu'un  dieu,  te  suivant  de  ses 
regards  propices,  te  garde  pour  des  jours  meilleurs! 

Tandis  que  le  Chœur  lentement  rentre  dans  le  palais  : 

Voici  donc  le  Iroisième  oiage  «iont  le  souille  ar-      Méiodrai 
dont  vient  de  s'ahaltre  soudain  sur  le  palais  de  nos 
rois. 

I)(\s  «'nfanls  dt'vorés  commencèrent  ci^s  trisles 
douliHirs.  Puis  vinrent  dos  douleurs  de  f^uorrier  et 
de  roi  :  celui  (|ui  guida  les  armées  de  la  (irèce  périt 
égorgé  dans  son  bain.  El  maintenant  encore,  pour 
la  troisième  fois,  vient  d'entrer  ici,  dirai-je  la  mort 
ou  le  salut?  Où  donc,  enfin  satisfait,  où  doit  s'ar- 
rôter,  s'endormir  le  courroux  d'Até? 


i 


V?' 


LES  EUMÉNIDES 


A  Delphes,  devant  le  temple  d'Apollon.  —  Le  jour  nait.  Une 
vieille  femme  monte  lentement  les  marches  du  temple.  Sa  tête 
est  ceinte  de  laurier;  la  lourde  clef  du  sanctuaire  est  suspen- 
due à  son  cou  :  c'est  la  Pythie.  Avant  de  gravir  la  dernière 
marche,  elle  s'arrête,  et,  tournée  vers  la  porte  encore  fermée, 
fait  le  geste  des  adorants,  le  buste  incliné,  le  bras  droit  tendu 
en  avant. 

LA    PVTIIIK 

Ma  prière  parmi  les  dieux  distinguera  d'abord  la 

I  (Tre,  la  j^reniière  des  prophêtesses;  ])uis  Thémi.s 

[ui  s'assit  après  sa  mère  sur  le  trône  j)n)phétique, 

MOUS  affirme  un  \ieux  récit;  a])rès  Thémis,  et  de 

son  j)lein  consentement,  sans  aucune  violence,  une 

lutre  so'ur  des  Titans,  fille  de  la  Terre,  y  prit  place 

^on  tour,  Phœbé,  et  c'est  elle   qui    le    transmet, 

n  don  de  joyeuse  naissance,  à  Phœbosqui  tire  son 

iioiii  du  nom  de  son  aïeule.  Délaissant  lac  et  mon- 

-^ne  de    Délos,  Phœbos  vient  donc  aborder  aux 

i  I  \  (^s  de  Pallas  aimées  des  vaisseaux,  afin  de  gagner 

t'tte  terre  et  le  Parnasse,  son  nouveau  séjour.  Le 

rtège  pieux  des  enfants  d'IIéj)haistos  lui  ouvre 

n  chemin,  apprivoisant  le  sol  sauvage.  Arrivé 
n  ces  lieux,  il  y  reçoit  l'hommage  du  peuple  et 
lu  roi  Delphes,  pilote  du  pays.  Et  Zeus,  lui  rem- 
plissant le  cœur  de   sa   prescience,   l'assied  enfin 


L'OHFSTIK 

sur  rr'  trône,  (juatrième  prophète.  Loxias  est  main 
tenant  l'interprète  de  Zeus,  son  père.  C'est  done  à 
ces  divinités  qu'iront  d'abord  mes  prières. 

Elle  se  retourne  et  porte  ses  reg.irds  du  côté  opposé,  où  cUe 
est  censée  apercevoir,  plus  basdans  la  vallée,  l'entrée  du  sanc 
tunire,  le  temple  d'Athéna  Pronaia  et  le  cours  du  Pleistos. 

J'adresserai  ensuite  un  hommage  particulier  à 
Pallas,  gardienne  de  ce  sanctuaire,  et  je  saluerai 
les  Nymphes  de  l'antre  Corycien,  cher  aux  oiseaux, 
retraite  divine,  où  règne  Bromios,  que  je  n'ai  garde 
d'oublier:  car  c'est  delà  que  sa  divinité  conduisit 
au  combat  ses  troupes  de  Bacchantes,  le  jour  où, 
comme  un  lièvre,  Penthée  périt   dans  ses  trames. 
J'invoque  encore  les  sources  du  Pleistos,  la  puis- 
sance de  Poséidon,  et  Zeus  enfin,  le  plus  haut  desj 
dieux,  qui  tout  achève.  Puis,  je  m'assieds,  prophé-j 
tesse,    sur    mon   trône.  Puissent  les  dieux  bénir, 
aujourd'hui  plus  encore  que  jamais,  mon  entrée  au 
sanctuaire!  Si  quelques  Grecs  sont  là,  qu'ils  tirent- 
au  sort,  suivant  l'usage,  qui  viendra  le  premier  à 
moi:  je  vais  prophétiser,  guidée  parle  dieu. 

Elle  gravit  la  dernière  marche,  ouvre  la  porte  du  temple  et 
entre.  Elle  ressort  presque  aussitôt,  épouvantée,  défaillante, 
s'appuyant  à  la  porte,  au  mur,  aux  colonnes. 

Ah  !  horrible  à  dire,  horrible  à  voir  de  ses  yeux, 
le  spectacle  qui  me  chasse  du  temple  de  Loxias,  si 
horrible  que  je  n'ai  plus  même  assez  de  force  pour 
marcher  droite,  et  que  mes  mains,  dans  ma  course, 
suppléent  mes  jambes  alourdies.  Une  vieille  femme 


I 


LES  FJ'Mf'MDFS  (38-84) 

\u\  prend  ])eur  n'est  plus  rien  et  devient  telle  qu'un 
3nfant.  J'allais  vers  lesanctuairc  riche  d'offrandes, 
ijuandje  vois,  contre  la  pierre  qui  nianiuc  le  ccrur 
du  monde,  un  homme  couxcrt  d'une  souillure  en 
■horreur  aux  dieux,  dans  la  ])()sture  des  suppliants, 
les  mains  dég^outtantes  de  sang,  portant  une  épée 
nue  et  un  rameau  d'olivier  des  montagnes  entouré 
du  lénos  rituel,  d'une  blaiK  he  toison,  pour  parler 
plus  clairement  encore.  l'"n  face  de  lui,  sur  les 
stalles  du  tem])le,  des  femmes  dorment,  troupe 
terrifiante.  Mais  non,  ce  ne  sont  j)()int  des  femmes, 
mais  des  (îorgones.  lu  encore  non,  ce  n'est  pas 
Taspect  des  (iorgones  qu'elles  me  rappellent.  J'ai 
bien  \u  un  jour,  en  peinture,  des  llarpyivs  ravis- 
sant le  repas  de  Phiné(»  :  mais  à  celles-ci  on  ne 
voit  pas  d'ailes;  leur  aspect  est  sombre  et  repous- 
sant; bruyamment  elles  exhalent  un  souffle  em- 
pesté, et  leurs  yeux  ])leurent  dhorribles  laniK^s. 
Leurs  \ètem(Mits  ne  sont  point  de  ceux  (ju'il  con- 
vient de  porter  ni  devant  les  statues  des  dieux 
ni  dans  les  maisons  des  hommes.  J'ignore  à  (|uelle 
race  leur  troupe  appartient  et  quelle  terre  l'a  pu 
nourrir  sans  regretter  amèrement  sa  peine.  Que 
doit-il  en  arriver?  C'est  affaire  au  maître  de  cette 
demeure,  à  Loxias  tout-puissant.  11  sait  guérir  par 
ses  oracles,  interprétt^r  les  prodiges,  purifier  même 
les  maisons  d'autrui. 

Elle  s'cloignc  en  se  vciil.mt  la  f.ice.  I..«  porte  du  temple 
s'ouvre  toute  gr.ind«.  On  aperçoit  une  haute  pierre  blanche, 
de  ft)rnie  conique,  sur  laquelle  est  peint  un  serpent.  Elle 
est    tout    entière    recouverte    dun    filet    où    s'attachent    din- 


L'OHKSTIE 

nonibrahlcs  handeleltes  de  laine.  Contre  cette  pierre,  un  homme 
est  accroupi,  dans  la  posture  des  suppliants.  Sa  main  droite 
tient  un  rameau  d'olivier,  sa  main  gauche  une  épée  sanglante. 
Debout  derrière  lui,  appuyé  sur  son  arc,  Apollon  a  posé  la 
main  droite  sur  la  tète  de  son  suppliant.  Tout  autour  d'eux  lef 
Erinyes,  en  longs  voiles  noirs,  dorment  sur  des  stalles  de  pierre. 


APOLLON 

Non,  je  ne  te  trahirai  pas:  jus(4u'au  bout,  sur  toi 
je  veille  ;  loin  de  toi,  comme  debout  à  tes  côtés,  ne 
crains  pas  que  je  sois  tendre  à  tes  ennemis.  Déjà 
tu  vois  ici  domptées  ces  folles  furieuses.  Le  som- 
meil les  enchaîne,  les  vierges  maudites,  antiques 
filles  de  la  Nuit,  dont  ni  dieu  ni  bête  sauvage  ne 
partage  le  lit.  Leur  naissance  même  eut  lieu  pour 
le  mal,  puisque  leur  séjour  est  l'ombre,  séjour  du 
mal,  et  le  Tartare  souterrain  où  elles  vivent  en 
horreur  aux  mortels  comme  aux  dieux  de  TOlympe. 
Fuis  pourtant,  ne  te  relâche  pas  :  elles  vont  te 
poursuivre  à  travers  le  vaste  continent  et,  chaque 
fois  que  ton  pas  errant  cessera  de  fouler  la  terre^ 
par-dessus  les  flots  et  les  cités  des  îles.  Mais  ne  te 
lasse  pas  de  promener  ta  peine,  avant  d'avoir  atteint 
la  ville  de  Pallas.  Alors,  tombant  à  genoux,  étreins, 
l'antique  statue  de  bois;  et  là,  pour  elles,  j'aurai, 
des  juges,  des  mots  apaisants,  et  je  trouverai  le 
moA^en  de  te  délivrer  à  jamais  de  tes  peines,  puisque  ' 
c'est  moi  qui  t'ai  persuadé  de  percer  le  sein  d'une 
mère.  j 

Oreste  se  lève. 


LES  EUMÉNIDES  (s:;-12'J) 


OKESTE 

Apollon  souverain,  tu  sais  être  juste  :  apprends 
lonc  aussi  à  être  vigilant,  et  ta  puissance  garantit 
e  succès. 

APOLLON 

Songes-y  donc  toujours  ot  riuola  crainte  n'abatte 

lAS    ton    anie.    (llcrmcs  ;ippar;iil  hru>«quciuciU  aux  cotés  d'Apol- 

m.)  Kt  toi,  mon  frère,  en  (|ui  coule  le  sang  de  mon 
^re,  Hermès,  \ cille  sur  lui  ;  jusiiHe  ton  nom  et  sois 

on  conducteur.  Celui  c^ue  tu  guides  est  mon  su])- 
iant,   et   /eus   même  respecte   le    respect    cju'on 

lontre  aux  j)roscrits  en  volant  à  leur  aide   i)our 

uider  leurs  pas. 

Apollon  disparait.  Oreste, guide  par  Henucs,  sort  rapidement 
du  temple  et  de  l'orchestre.  —  Pause.  —  Soudain,  au  milieu  du 
temple,  en  avant  de  la  pierre  sacrée, surgit  l'ombre  de  Clylem- 
nestre. 

CLYTEMNESTRE 

Dormez  donc  à  loisir,  hé  là!  qu'avons-nous  besoin 
e  dormeuses  ?  C'est  donc  ainsi  que  vous  me  dédai. 
nez,  seule  d'entre  les  morts,  et  que  l'opprobre 
U  sang  par  moi  versé  vit  encore  dans  les  enfers, 
ù  honteusement  j'erre  iKirmi  les  ombres  :  oui, 
ous  dis-j(%  on  me  fait  durement  payer  mes  actes 

moi,  tandis  qu'ajirès  l'outrage  que  j'ai  subi  d'un 
Is,  nul  courroux  divin  ne  se  lève  en  faveur  de 
i  mère  égorgée  par  la  main  d'un  enfant.  (Elle  dé- 

lirt  sa  robe  et  montre  son  sein.)    Regarde    :    CjUe    ton    âme 


I/OMKSTin 

voie  mes  plaies,  puisque,  dans  le  sommeil,  Tâme 
s'éclaire  de  reg"ards  qui  s'éteignent  au  jour.  Xavez- 
vous  pas  à  plaisir  souvent  léché  de  mes  offrandes, 
libations  sans  vin,  sobres  breuvages  apaisants} 
N'ai-je  point  immolé  des  victimes  à  vos  repa^ 
sacrés,  la  nuit,  sur  un  foyer  bas,  à  des  heures 
ignorées  des  autres  divinités?  Et  tout  cela,  main- 
tenant, vous  le  foulez  aux  pieds,  je  vois.  Lui. 
s'évade,  disparaît  comme  un  faon  et,  du  milieu  d 
filet,  léger,  bondit  au  dehors,  en  vous  adressai 
railleuse  grimace.  Entendez-vous  ce  que  veut  moi 
âme  ?  Reprenez  vos  sens,  déesses  des  enfers  ;  1 
fantôme  de  vos  songes,  c'est  moi,  Clytemnestrej 
qui  vous  appelle. 

Mugissement  du  Chœur. 

Mugissez,  l'homme  a  disparu  et  court  au  loin 
il  a,  lui,  des  amis  bien  différents  des  miens. 

Mugissement  du  Chœur. 

Tu  dors  trop,  insensible  à  ma  souffrance  :  mor 
meurtrier,  le  parricide  Oreste,  a  disparu. 

Grognement  du  Chœur. 

Tu  grognes  et  tu  dors  :  qu'attends-tu  pour  t( 
lever  vite  ?  As-tu  donc  autre  office  qued'enfantei 
des  maux  ? 

Grognement  du  Chœur. 

Le  sommeil,  la  fatigue  se  sont  donc  conjurés  pou' 
épuiser  la  fougue  du  terrible  dragon? 

Double  mugissement  aigu  du  Chœur. 


LES  EL'MKMDES  (130-1*3) 
LK   CIKIJ.U 

Prends!  Prends!  Prends!  Prends!  (îare! 

C[.ytemm:stre 

Tu  j)()ursiiis  ton  j^ihier  en  son^e,  el  al:)()ies 
!Onim('  un  chien  liante  pendant  son  somme  par  le 
iouci  de  sa  besogne.  Allons!  debout  !  (Jue  la  fatij^ue 
l'ait  pas  raison  de  toi!  Xe  \a  j)as,  amollie  ])ar  le 
iommeil,  méconnaître  lOutraj^e  c[ui  t'est  fait.  Sois 
înfin  sensible  à  de  justes  rej)ro(^hes  :  ce  sont  là  les 

liguillons   du  sage.   (Le  Coryphée,  qui  est  la  lùiric  l.i  plus  voi- 
incdc  Clytcniiicstrc,  s'éveille  et  écoute  ces  derniers  mots.)    Dirige 

rontre    lui    ton  lialeine  sanglante,  dessèche-le    du 
iouffle   enrtaninH'   de  ton    sein:   suis-le,   épuise-le 
ans  une  nouxelle  ])oursuite. 

I. 'ombre  de  Clytcmnestrc  disparaît.  Le  Coryphée  réveille  la 
Furie  la  plus  proche. 

LE  COKVIMIKE 

Allons,  toi,  réveille  celle-{  i  eomme  je  fais  pour 
oi.  Tu  dors  :  debout  !  repousse  le  sommeil;  et 
'Oyons  si  l'avis  est  bon. 

Toutes  les  Erynics  se  réveillent  et  s'agitent  bruyamment. 
LE   CIKKUll 

—  Ail!  (ih!  tnal/icur!  nouvelle  jieine,  amies! 

—  Jai  iiourlant  (lêjf)  assez  pemè  en  ruin  ! 


A^tô 


L'ORESTIE 

—  Nouvelle  peine  lamentable^  ô  dieicr!  insitppor- 
lahle  misère!  La  bêle  hovy  du  filet  Ixmdit  et  s'en- 
fuit. 

—  J'ai  cédé  au  sommed  et  fai  perdu  ma  proie. 

—  Ahl  fils  de  Zeus^  tu  n'es  <fu  un  larron  ! 

—  r?Y  écrases.,  jeune  cavalier,  d'antiques diri/ntis. 

—  Et  tu  fjardes  ton  respect  pour  le  suppliai lI^ 
l'impie  qui  s  est  armé  contre  une  mère!  Ta  divinité 
s'emploie  avions  voler  un  parricide! 

—  Qui  donc  trouverait  là  une  ombre  de  justice  ? 

—  Du  fond  des  rêves ^  un  reproche  est  venu  me 
frapper.,  ainsi  qiiun  aiguillon  manié.,  du  haut  d'un 
char,  par  un  bras  vigoureux. 

—  Au  cœur,  au  foie,  le  fouet  du  bourreau  brutal 
fait  passer  en  moi  un  douloureux,  trop  douloureux 
frisson. 

—  Voilà  donc  comme  agissent  les  jeunes  dieux, 
qui  veulent  régner  sur  le  monde,  sans  songer  à.  la 
justice,  du  haut  d'un  trône  ensanglanté  !  \s. 

—  Au  pied,  à  la  cime,  voyez,  le  sang  dégoutte  du 
rocher,  cœur  du  inonde.  Le  voilà  chargé  à  jamais 
d'une  repoussante  souillure! 

—  Il  a  sali  le  foyer  même  du  prophétique  sanc- 
tuaire, sans  que  nul  l'y  eût  invité,  stimidé.  Il  a 
violé  la  loi  des  dieux  pour  honorer  un  niortel  et 
déchiré  l'antique  traité  de. partage. 


LES  ELMKMDKS  (171-208) 

—  -  Mfiis  il  peut  ni\)u/ l'fn/rr  ;  son  stf/tp/tn/t/  ne 
sr/fi  jKis  smivi'  :  mr.mr  stu/s  la  trrrr,  il  n  r^t  jHUnf  jinnr 
hn  (Ir  salnl .  i'linr<n''  tir  san  rrniii\  il  ra  ilroil  niir 
Unir  (Ui  un  iiiifrr  à  so/i  huir  sr  smiillrru  ilr  snii  s/i/i/j. 

Ap'illoii  ;ippar«it  soudain  au  fond  du  temple,  l'arc  tendu. 

APOLLON 

I  )('li()rs  !  je  l'ordonne  :  sors  à  riiistanl  d'ici.  I  )(''l)ar- 

iMssc  le  i)ro])li(''li(|U('  sanctuaire,  si  tu  ne  veux  ([ue 

le  serj)LMU  à  l'aile  l)lanehe,  s'élançantde  l'arc  d'or, 

ne  te  fassecraeher de  douleur  ta  noire é(Hiine  teinte 

le  nuHirtre  et    \-oniir  tout   U?  sanj;'  ])ar  toi  tiré  des 

hommes.    Il   ur  \'ous  sied  point  de   touler  le  solde 

c  temple.   X'otre  place   est  aux    lii'ux  oii  la  justice 

il)at  des  tètes,  arrache  tlesyeux,  ou\re  des  gorges, 

)ii.  ])onr  tarir  leur  tV'(^ondit('\  la  fleur  de  la  jeunesse 

'st  ra\  ie  aux  entants,  où  gémit   la  longue   ])lainte 

le   \ietimes    mutilées,    lapidées,    plantées    sur    le 

'a\.    \'oilà,  entendez-vous?   monstres  en    horreur 

lux  dieux,    les  fêtes  où    xous   xous  complaisez.   VA 

ut  \()tre  asj:)e(H  y   réi)ond.  (''est   au  re])aire  d'un 

ion  l)u\(nir  de  sang  (pfil  vous  convient  tle  vivre, 

lu  lieu    d'infliger  xotre   souillure   à  ce  palais    fati- 

liijue.  A  liez  paitre  sans  IxM'ger  :  un  trou]-)(Mu  pareil , 

\u\  dieu  n'en  a  cure. 

LE    CORVPIIEC 

Apollon  souverain,  entends-moi  à  mon  tour,  lu 
s  toi-même,  non  complice,  mais  .seul  auteur  du 
rime  et  vrai  (  ()uj)al)le. 

10 


L'OHESTIE 


APOLLON 


Et   comment?  Ne  réponds  qu'à  ma  seule  ques- 
tion. 

LE    CORYPHÉE 

Ton  oracle  à  ton  hôte  dicta  le  parricide. 

APOLLON 

Mon  oracle  lui  dit:  '< Venge  ton  père.  /^  Kh  bien 

LE   CORYPHÉE 

Tu  promis  d'accueillir  sa  sanglante  souillure. 

APOLLON 

Et  lui  dis  de  chercher  ici  son  seul  refuge. 

LE    CORYPHÉE  7 

Et  son  cortège  alors,  pourquoi  le  chasses-tu  ? 

APOLLON 

C'est  qu'en  cette  demeure  on  ne  peut  Taccueillir. 

LE    CORYPHÉE 

Je  ne   fais  rien   pourtant   que    de    remplir    ma 
charge. 


LES  El'MflNinrS  '2Û'.)-2:U) 
ATOLLON 

Quelle  est  donc  ta  mission  ?  Va,  chante-m'en  la 
gloire. 

Li:    CORYPHÉE 

C'est  nous  (|ui  ])oursuivons  le  parricide  errant. 

APOLLON 

Et  la  femme  qui  tue  son  époux,  celle-là...? 

LE  CORYPIILE 

Son  crime  n'a  pas  tait  couler  son   propre  sang. 

APOLLO.N 

Ah  !  tu  mets  donc  bien  bas  et  tu  rcduis  à  rien 
un  pacte  dont  les  garants  sontZcus  et  liera,  déesse 
de  l'hymen.  Kt  Cypris,  ton  raisonnement  l'écarté 
avec  dédain,  elle  à  ([ui  les  mortels  doivent  leurs 
plus  douces  joies.  La  couche  nujniale  ])our  l'homme 
et  pour  la  femme  est  un  lien  ])his  fort  (pie  le 
serment,  et  sur  clh*  la  Justice  veille.  Si  ta  fai- 
blesse est  telle  pour  les  époux  (pii  s'entre-tuent 
qu(î  tu  ne  leur  accordes  ni  pensée  ni  regard  de 
courroux,  je  déclare  injuste  ta  poursuite  d'Oreste, 
puisqu'il  est  des  crimes  pour  lesquels  on  te  voit 
sans  colère  et  d'autres  dont  tu  veux  éclatante 
vengeance.  L'œil  divin  de  Pallas  saura  voir  et 
juger. 


LOHKSTIf': 


LK  CORYPHÉr: 


1 

Ne  crois  pas  ([ue  jamais  je  renonce  à  ma  proie. 

APOLLON 

Poursuis-la  donc  ;  ajoute  encore  à  tes  fatigues. 

LE    COUYPIIÉE 

Pourquoi  rabaisses-tu  mon  glorieux  ministère  ? 

APOLLON 

Je  ne  voudrais  pas,  moi,  d'une  gloire  pareille. 

LE    CORVPFIÉE  i| 

Tu  jouis  bien  de  ta  puissance,  assis  auprès  de 
Zeus.  Moi,  le  sang  d'une  mère  me  pousse,  je  pour- 
suivrai cet  homme  comme  un  chien  à  la  piste. 

APOLLON  w 

Moi,  je  défendrai,  je  sauverai  mon  suppliant. 
Terrible  pour  les  dieux  comme  pour  les  mortels 
est  le  courroux  du  suppliant  contre  qui  l'a  trahi 
sans  y  être  forcé.  ^ 

Le  Chœur  sort  en  désordre  du  temple,  et,  traversant 
1  orchestre,  disparait  du  même  côté  qu  Hermès  et  Oreste.  La 
porte  du  temple  se  referme.  Pause. 

La  porte  se  rouvre.  On  aperçoit  nu  fond  du  temple  la  vieille 
image  de  bois  d'Athéna:  le  décor  représente  donc  rErechtéion 
d'Athènes.  Oreste  entre  avec  Hermès  par  la  droite.  Hermès 
lui  montre  le  temple,  puis  disparaît.  Oreste  traverse  l'orchestre 
en  courant  et  s'agenouille  devant  l'antique  statue  qu'il  entoure 
de  ses  bras. 


LKS  el.mi:mi)i:s  (2:i:j-m] 


ORKSTi: 


Souveraine  Atlirna,  c'est  sur  l'ordre  de  Loxias 
([ue  je  suis  \t'nu  à  toi  :  accueille  le  maudit  axcc 
bienveillance.  Ce  n'est  ))lus  un  suppliant  aux 
mains  impures:  ma  souillure  s'est  émoussée,  effa- 
(■('('  au  contact  des  liommes  (pii  m'ont  re'çu  à  leur 
foNcr  ou  rencontré  sur  les  chemins,  l'idèle  aux 
.i\is  fatidi(|ues  du  dieu,  j'ai  franelii  terres  et  mers: 
me  \()ici  dans  ton  sanctuaire  ;  j'y  attendrai,  déesse, 
les  bras  ainsi  jetés  autour  de  ton  imag'e,  l'arrêt 
de  la  justice. 

Le  Chœur  entre  p.tr  la  droite. 

I.K    ConVIMIKE 

Bien!  voici  un  clair  indice.  Sois  docile  à  l'axis 
de  ce  J4"uide  muet.  Comme  un  chien  un  faon 
blessé,  nous  suivons  l'homme  à  la  i)iste  du  sang 
([u'il  ])erd  j^outte  à  goutte.  Mais  je  sens  sous  tant 
de  fatigues  mes  membres  brisés,  mon  sein  hale- 
tant. Il  n'est  point  de  lieu  sur  la  terre  où  n'ait 
pass(''  mon  troupeau  :  attachée  à  sa  ])oursuit(\  j'ai, 
sans  ailes,  volé  par-dessus  les  flots,  aussi  rapide 
iiu'un  naxire.  Il  est  ici  l)lotti  sans  doute  :  l'odeur 
du  sang  humain  me  sourit. 

i.t:  c.iid.ni 

—   Hf'f/ a /•///',    (i//ons,    rrijardr    de    nouveau^  portif      Ag-ité 
l>(n'f()f(f  1rs    ij('ii.i\  SI    hi    )u'  rru.i-    rolr    Ir    parriciHe 


L'ORESTIE 

t'ccîinppnr  encore  et,  fnrtif^  s'enfuir^  laissant  sa  dr/fc 
impayée. 

Une  Furie  nperçoit  Oreste. 

—  Ali  !  il  a  donc  frourr  un  nourcaii  rcj (Kjr  :  les 
bras  enroulés  aulonr  de  la  statue^  déesse  imniortellr^ 
il  implore  un  jugenienl  de  son  aclc 

—  Mais  il  n'en  est  pas  pour  lui  :  le  sanfj  (Tune 
mère^  une  fois  tombé  à  terre^  est  difficile  à  rappe- 
ler. Ah!  ah!  rajnde^  il  a  coulé  sur  le  sol  :  il  est  pjerdn 
à  jamais. 

—  Mais  il  faut  en  revanche  que  ton  corps  tout 
vivant  fournisse  à  ma  soif  une  rouge  offrande  jniisée 
à  tes  veines.  Qu'à  longs  traits  je  me  désaltère  de  ce 
sanglant  breuvage  ! 

—  Desséché  tout  vivant,  je  t'entraîne  enfin  sous 
la  terre ^  où  tu  paieras  ton  crime  du  châtiment  des 
pjarricides. 

—  Là.,  tu  verras  les  sacrilèges  qui  ont  offensé 
divinité.^  hôte  ou  parent;  tous,  par  des  souffrances 
égales  à  leurs  fautes,  satisfont  enfin  à  la  Justice. 

—  Car  Rades  sous  la  terre  est  juge  suprême  des 
Iiommes,  et,  de  tout  ce  qu'a  vu  son  dme,  rempreinte 
en  elle  demeure. 


Sans  tourner  la  tête  vers  le  chœur    qui    s'est  rapproché    et 
l'entoure  : 


ORESTE 

Instruit  dans  le  malheur,  je  sais  partout  ce  qui 
convient,  où  l'on  a   droit  de  parler  comme  aussi 


LES  FX'Mf:NFDES  (218-331) 

où  Ton  doit  se  taire.  Pour  l'heure  présente,  j'ai 
rcrii  (l'un  saj^'e  maître  l'ordre  d'élever  la  voix.  Le 
sanj4' sur  ma  main  s'endort  et  s'efface,  la  souillure 
du  parricide  est  la\(''e  :  encore  noux'elle,  k»  sanj^ 
d'un  pourceau  immolé  à  l'autcd  de  IMio'hos  l'a 
chassée  loin  de  moi.  l'A  le  compte  entier  serait 
loujn*  de  tous  ceux  cpie  j'ai  approchés  sans  cpie 
mon  contact  leur  ail  nui.  Je  peux  donc  mainte- 
nant, dune  bouche  ])ure,  in\'o(jucr  sans  sacrilèjLi["e 
cell(»  (jui  rè^ne  en  ce  j)ays  :  (pi'Athéna  vienne  à 
lUon  aide,  et  elle  conc^uerra,  sans  effort  de  sa 
hmie,  Oreste  et  sa  terre  et  le  ])eui)le  d'Argos  ([ui 
lui  restera  à  jamais  alli(''  loyal  et  fidèle.  Soit 
donc  (ju'aux  (diamps  de  Libye,  près  du  tleu\e 
Triton,  dont  les  bords  l'ont  \  ue  naître,  elle  aille, 
\isil)le  ou  ceinte  de  nuées,  au  secours  des  siens  ; 
soit  ([u'elle  inspecte,  ainsi  c[u'un  hardi  chef  de 
guerre,  la  plaine  de  Phlégra  —  la  divinité  entend 
*  les  plus  lointains  appels  —  ah  1  (|u'elle  vienne  à 
moi  et  me  déli\re  d'elles  enfin! 

LF    CORYPHÉE 

Non,  ni  Apollon,  ni  la  force  d'Athéna  ne  te 
sauveront  :  tu  périras,  délaissé  de  tous,  l'âme  à 
jamais  désertée  par  la  joie,  ombre  des.séchée  par 
des  déesses  avides.  Tu  ne  réponds  pas  et  re- 
I  jettes,  en  crachant,  mes  oracles,  toi,  victime  en- 
;;raissée  pour  mes  sacrifices,  cjui.  toute  vivante, 
sans  égorgement  à   l'autel,  vas   me    fournir    mon 


L'OHESTIK 

festin,     iù,    pour    renchiiîncîr     d'aljord,     entends 
l'hymne  des  Furies. 

Môiodramo  Alloos,  nouons  la  cluiîiie  (]ansant(;  :  nous  voulons 
au  grand  jour  crier  noire  cliant  d'horreur, 

Et  dire  suivant  ([uelles  lois  notre  troupe  va  dis- 
tribuant leurs  lots  aux  mortels. 

Nous  nous  flattons  d'être  droites  justieières,  et 
quand,  l'àme  pure,  l'homme  étale  des  mains 
pures. 

Jamais  notre  colère  ne  marche  contre  lui  ;  il  tra- 
verse la  vie  sans  souffrance. 

Mais,  quand  un  criminel,  pareil  à  cet  homme, 
cache  ses  mains  ensanglanlées. 

Incorruptibles  témoins,  nous  venons  au  secours 
des  morts  et,  sans  merci,  la  sanglante  créance  en 
main,  nous  surgissons  devant  lui. 

Les   Furies   entourent  Oreste   et,   à   chaque   refrain,  l'enve- 
loppent d'une  danse  sauvage. 

LE    CHŒUR 

Vigoureux  0  ma  77ière,  Nuit,  ma  im've,  toi  qui  m'as  enfan- 
tée pou?'  qu'aux  ténèbres  de  la  mort,  comme  au  so- 
leil des  vivants,  la  vengeance  imt  suivre  son  cours, 
entends-moi  donc.  Car  le  fils  de  Latone  s'attaque  à 
mes  honneurs  en  m' arrachant  ce  lièvre,  offrande 
expiatoire  du  meurtre  dune  mère. 
Fiévreux  Mais,pour  iiotrc  victime,  voici  le  chant-délire ,  ver- 
tige, égarement,  voici  Vlujmne  des  Érinyes,  Vhijmne 


"  Li:S  KLMKMDKS    x\2-:m\) 

sr//is  /f/rr,  rurluilnrur    (/a//irs,  ijui    src/ir  lr<  f/tarfr/s 
(/r/froi. 

Lr     lui    (jNc    juMir   jdiiuns     m'a     fi  i  v     la     Pdrtjnr       vigrourouj 
mfh'.nhit'.  i'rst  tir  Inirr  rst  or/r  dur  mortels  (jin  I  nul 
osr  fnifirr  dur  jnr<h  (ldif<    du   drlirr  iKiniridr ,  Jds- 
ijdd  (r  (jdils  (Irsri'idii'nl  dd.r  rnjrrs:   ri,  uiruir  dans 
1(1  idnri ,    ils  ne   InmrrronI  hi  drl nrdurr . 

Md/s,    pour    iinirr     rirlnur,     ron  t     lr   rhdnl -drl i rr ,        Fiévreux 
rrrli(/r,     ('(/drrtnrnl ,      rnn  i      llufiudr      des     Eriui/rs. 
I  lu/ldnr  stins  h/rr,    riirhdinrdr  dilmrs,  (jin    <rrli/'    1rs 
dddifds  iFrlJ'roi. 

l'rllr   rsl   la  part  (jil  d   nntrr    udissfUK c   iinds  jil   un        Lar^'o 
dri  rrl  (la  Ifrstm.  Xaus  drrans^  en   rrlotir,  r(''(/iirr  hnn 
des  intutnrlrls ,  ri  i\dl  d Cnlrr  rui    ne  jidrhKir  m>s  /rs- 
tms.   Le  lot ,   lr  sari  pour  hujurl  je   stus  urr  nircdrtr 
drs  j(''lrs  dur  roi  1rs  Ida/tes.  J'ai  pris  pour  moi 

La   runir    drs    joip'rs    o/V,     ru     plriiir    pai.i\      Arl-s       Fiévreux 
frappr  un  frrrr  ;  sur  lui  alors^  ah!  nous    hondissons 
rt,   SI  puissant   (jif d  soit ^    Irtou jfmis   dans   un    sanij 


ntnirrau . 


\olrr    zrir  s Cinploir  (i  rnlrrrr  a   d  autres  tris  sou-       Largo 
r/s,  //  (h'charqrr  1rs  dirii.r  drs  (  (lusrs  à  nioi   n'srrrrrs 
rt ,    pui\(pir    /rus    rrartr    dr    sim    aadirnrr    I  infdmr 
vrraliirr  «jUi   sr  souillr   de  san(p   à  arlirrrr  sans  dis- 
rassio/i . 

La  ruine    des    foi/rrs     où,   m     pirnir    pair,     .I/vn       Fiévreux 
Irappr  un  /rrrr  ;  sur  lui  alors ^  ait!  ?ious  lionf/issoîts 


I/OnESTIE 

^/,  si  pîfissff/t/   t/f/'il  soif^   Irhinf/nns  dans   nu    sniK/ 
noiivcdH . 

Large  Lcs  (jloirrs  hinnainrs  (jtii  sêlrvcnt  h/ijtosfinlL's 
jusqu'à  ti'lhcr  fondent  et  disparaissent  linmiliées 
sons  la  teirc,^  (jnand  contre  elles  s  élancent  nos  voiles 
noirs  et  les  maléfices  de  nos  pas  dansants. 
Fiévreux  Oi/z,  771011  jAcd  hondit  et ^  si  loin  ([ue  soit  le  c(m- 
pable^  lourdement  sur  lui  retombe  ;  et  ses  pas  fur/i tifs 
vacillent  sous  le  lourd  fardeau  de  vengeance. 

Large  //  cst  déjà  tombé  et  ne  s'en  doute  pas  dans  le  délire 
qui  le  perd  :  sa  souillure  vole  autour  de  lui  et  met 
la  nuit  sur  ses  yeux.  Mais  la  rumeur  gémissante 
conte  qu'une  brume  sombre  enveloppe  la  maison. 
Fiévreux  Oui,  mon  pied  bondit  et^  si  loin  que  soit  le  cou- 
pable, lourdement  sur  lui  retombe  ;  et  ses  pas  fugitifs 
vacillent  sous  le  lourd  fardeau  de  vengeance. 

Plus  vif  Le  courroux  adroit  et  tenace,  la  mémoire  fidèle 
aux  crimes.,  terrible,  inexorable  aux  mortels,  sans 
que  nid  m'en  rende  hommage,  je  fais  honneur  au 
rôle  sans  honneur  ciue  je  remplis  loin  des  dieux, 
dans  un  désert  sans  soleil,  inaccessible  aux  pas  des 
vivants  et  des  morts. 

Quel  mortel  peut  donc  entendre  sans  tremblement 
ni  respect  les  lois  à  moi  fixées  par  laParque  et  rati- 
fiées par  les  dieux?  Je  garde  un  apanage  antique 
et  ne  suis  pas  de  celles  qu'on  dédaigne,  bien  que 
ma  place  soit  sous  terre,  dans  une  nuit  close  au 
soleil. 


LES  El'MriNIDKS  (391-426) 

ATllÉNA 

App;ir;iiss.int  suiid.iin,  ilcbout  ;iuprés  de  s.i  statue. 

j'ai  (le  loin  entendu  l'appel  dune  v(jix  :  sur  les 
liords  du  Scaniandre,  je  ])renais  possession  du 
pa\s  (pie  les  rois  et  ehefs  de  la  (frèce  nTont  allri- 
bu(''  (N)nnne  une  riehe  part  du  butin  de  leur  lance, 
et  dont  le  sol  désormais  est  à  moi,  j:)résent  ré- 
ser\é  aux  lils  de  Thésée.  C'est  de  là  ([ue  j'ai  porté 
ici  mes  pas  infatigables,  laissant  l'és^ide,  à  défaut 
d'ailes,  frémir  au  vent  sur  ma  ])oitrine,  ra])ide 
comme  un  ehar  attelé  de  fortes  cavales,  lu  main- 
tenant, en  voyant  cette  troupe  nouvelle  en  ce 
pavs,  mon  e(eur  ne  tremble  pas,  mais  mon  rei^'ard 
s'étonne.  Oui  donc  êtes-xous?  je  m'adresse  à  tous 
également  ;  à  toi,  l'étranger  ])rosterné  aux  ])ieds 
de  mon  image;  à  \()us  aussi,  ear  xous  ne  ressem- 
blez à  nulle  créature  :  les  dieux  jamais  ne  vous 
ont  \  lies  au  milieu  des  déesses  et  vous  n'avez  rien 
de  l'aspect  des  mortelles.  Mais,  parce  qu'on  est 
soi-même  sans  défaut,  insulter  son  prochain  est 
acte  d'injustice,  éloigné  d'écpiité. 

LE    COnvi'UKE 

Tu  sauras  tout  en  peu  de  mots,  fille  de  Zeus. 
Nous  sommes  les  tristes  enfants  de  la  Xuit.  Dans 
les  demeures  souterraines,  on  nous  nomme  les 
Imprécations. 


i;()i{i:sTii-: 

atiii^:na 

P>icn  !  je  sais  Aotre  race  et  le  ddhi   (ju'on   \'ous 
donne. 

LE    COUYPIIÉE 

Apprends  donc  maintenant  ma  no];le  missir)n. 

ATIIÉNA 

Soit,  si  tu  veux  du  moins  parler  un  clair  lan- 
gage. 

LE    CORYPHÉE 

C'est  nous  qui  de  son  toit  chassons  le  meurtrier. 

ATHÉNA 

Et,  pour  lui,  où  s'arrête  votre  longue  poursuite? 

LE    CORYPHÉE 

Au  royaume  où  la  joie  n'a  jamais  habité.  ' 

ATHÉiNA 

Ainsi  cet  homme  fuit  devant  tes  cris  sauvages  ? 

LE    CORYPUÉE 

Oui,  car  il  a  osé  immoler  une  mère. 

ATHÉNA 

Sans  y  être  contraint  par  quelque  loi  terrible? 


LES  EUMKNIDKS  (427-401) 

LE    CUUVIMIÉL 

Oucl  aijuj'uillon  puissant  excuse  un   parricide? 

ATIIKNA 

Je  vois  là  deux   ])artics,  mais   n'entends  ([u'une 
voix. 

m:  coini'iiKE 

Ni  ])()ur  nous  ni  ])our  lui,  il  ne  veut  de  serment. 

ATIIÉ.NA 

'i'u  \-eux  ]iasser  ])our  juste  cl  non  l'être  en  cff(4. 

LL  coiiYriiÉi: 

Comment   donc?    Tnstruis-moi   :    tu    es    riche  en 
sagesse. 

ATIIÉN  A 

L(*s  serments  n(^  font  pas  triom])her  Tinjustiee. 

m:    Cor.MMIKK 

l*'ais  ton  empiète  alors  ci  juge  sans  délais. 

ATHLiNA 

\'ous  me  remette/  dom^  hi  décision  suprême? 

LE    CORVl'HÉE 

(^ui,  i^our  te  rendre  ainsi  l'hommaiife  (pii  t'est  dû 


L'OHESTIE 


ATHÉNA 


(Jue  peux-tu  à  cela  répondre,  étranger  ?  Ois-ni' 
ton  pays,  ta  race,  tes  malheurs;  puis  réfute  t' 
accusatrices,  si  vraiment  tu  as  eu  foi  dans  la  jus- 
tice quand  tu  es  tombé  à  genoux  près  de  mou 
foyer,  embrassant  mon  image,  suppliant  respecté 
comme  fut  Ixion.  A  tous  ces  points  d'abord, 
donne  réponse  claire. 

ORESTE 

Souveraine  Athéna,  je  t'allégerai  d'abord  du 
lourd  souci  qu'ont  trahi  tes  derniers  mots.  Je  ne 
suis  point  un  être  impur;  ce  ne  sont  point  de- 
mains  souillées  qui  embrassent  ton  image.  Je  t'en 
fournirai  l'irréfutable  preuve.  La  loi  ne  défend  au 
meurtrier  d'élever  la  voix  que  jusqu'au  jour  où.  par 
les  soins  d'un  purificateur  du  sang  répandu,  le 
sang  d'une  jeune  bête  égorgée  a  coulé  sur  lui;  et 
il  y  a  longtemps  déjà  que  j'ai  usé  ma  souilluri 
au  contact  d'autres  foyers  et  sur  tous  les  chemin- 
de  la  terre  et  des  mers.  Écarte  ce  souci,  te  dis-je. 
Pour  ma  naissance,  connais-la  sans  tarder.  Je 
suis  Argien,  et  mon  père  t'est  bien  connu,  Aga- 
memnon,  qui  arma  la  flotte  des  Grecs  et  t'aid 
toi-même  à  faire  une  cité  de  ruines  de  la  cite 
troyenne.  Il  a  péri,  ce  roi,  et  d'une  mort  indigne, 
quand  il  revint  à  son  fo3'er.  ^la  mère  aux  noir^ 
desseins  Ta  tué,  l'enserrant  dans  un  riche  filet  qui 
reste  garant  du   crime  accompli  dans  le   bain.  Et 


LES  FX'MKMDKS  (402-519) 

moi,  lonjT^tenips  cxilù,  rentrant  enfin  dans  ma  j)a- 
irie,  j'ai  tué  ma  mère  —  je  ne  le  nierai  j)as —  j)our 
qu'un  meurtre  payât  le  meurtre  de  mon  père 
adoré.  Mais,  de  ma  conduite,  Loxias  est  respon- 
sable aussi,  dont  les  oracdes,  aiguillons  de  mon 
âme,  ne  me  prédisaient  (jue  douleurs,  si  je  n'exé- 
cutais tous  SCS  ordres  eontre  les  roupal^les.  Ai-je  eu 
tort  ou  raison?  A  toi  d'en  décider  :  je  suis  en  ta 
puissance;  quoi  ([u'il  tasse  de  moi,  j'accepte  ton 
arrêt . 


ATHKNA 

Si  l'on  troiix'c   la  (\'uise  trop  i^Tav'e  pour  ([uc  des 
mortels  en  décident,  il  n'est  ])as  da\aiitag'c  i)ermis 
à  la  déesse  de  juger  les  colères  trop  jiromptes  qui 
se  font  justice  dans   le  sang.  Je  dois  surtout  me 
souvenir  cpie  tu  es  venu  à  moi  en  su]i])liant,  puri- 
fié selon  les    rites,  sans  souillure    ])(''ri lieuse  pour 
ce  sanctuaire,  et,  ma  cité  n'aviint  i)as  davantage  de 
reproches  à  te  faire,  je  n'ai   ])our  toi  (pie  respect. 
^\ais  ces  déesses  aussi  gardent  un  ])rivilège  cjui  ne 
M'    peut    dédaigneusement    écarter,     et,    si    elles 
n'obtiennent  pas  une  triomphante»  victoire,  sur  le 
sol  de  ce  pays  s'abattra  le  trait  tle  leur  colère,  une 
intolérable   et    douloureuse     épidémie.   J'en     suis 
onc  là  :  (|ue  je  les  accueille  ou   les  repousse,  les 
eux   me   réservent    d'indicibles    dangers.     Mais, 
uisque  ce  destin  est  tombé  sur  Athènes,  j'établi- 
rai ici  des  juges  criminels,   respectueux   des  ser- 
ments, et  leur  tribunal  restera  fondé  pour  l'éter- 


i;OMKSTlK 

nih'.  Pour  \()us,  faites  appel  aux  lémoij^'naj^cs  c 
aux  ])reuve.s,  ainsi  qu'aux  serments,  auxiliaires  (K 
la  justice.  Je  reviendrai  lorsfjue  j'aurai  rhoisi  le- 
meilleurs  de  ma  ville,  p(jur  qu'ils  jugent  selon  la 
justice,  sans  transgresser  leurs  serments  dun 
cœur  oublieux  d'équité. 

Elle  sort  par  la  droite.  Orestese  relève,  et  debout.  ininiol-'ilL 
rcgarde  fièrement  les  Furies. 

LE    CHŒUR 

Décide  De  nouvelles  lois  von/  honlcverscr  le  monde.  >/ 
un  jugement  fait  tviomplwr  la  cause  de  ee parricide. 
Ce  bel  arrêt  va  désormais  faciliter  le  crime  au.r 
hommes  et,  par  la  main  des  fils,  dislrihner  aux  jti-res 
de  véritables  et  multiples  blessures,  dans  les  jours  <p>i 
viendront. 

Mon  courroux  furieux  qui  surveillait  les  hommes 
ne  poursuivra  donc  plus  les  auteurs  de  ces  crimes,  .h 
laisserai  tout  meurtre  impuni.  Chacun  alors,  sr 
lamentant  sur  le  mal  que  lui  fait  un  fils,  ira  deman- 
dant un  remède,  un  soulagement  incertain  à  sa  peine, 
(i  (r  au  très  malheureux  impuissants  à  le  conseiller. 

Que  personne    n'aille  maintenant,  fapjpé  par  le 
malheur,  nous  invoquer  en  s'écriant  :  «   0  Justice  ! 
0  trafics  des  Erinqcs .'  ))  Ces  mots  gémissants,  biento 
vont    les    gémir    un    père    ou    une  mère    dans  ch 
douleurs  nouvelles^   car  la  Justice    voit    crouler  sa 
demeure. 

Il  est  des  cas  où  la  crainte  est  utile  et  doit,  vigi- 


I. Ks  K i: M i: M I ) p: s  ( :;-20-:;7î>) 

lnnl(\  tvnnn'  <m  /nn<l  des  nriiis.  Il  rsf  hnn  (Tdjï- 
jnriulrc  l(L  s(i(/rssr  m  (/rNiissa/if.  (Jin  dniic,  ninriri 
iiu  cili',  s  il  nr  rrdouldit  ijuchinr  hu  ih/iiih\  rrsiict  - 
h'i'dil  nu  (H'c  1(1  .hi'i/n  r? 

Nf  consens,  à    rirrc  ni  sn/is  liti<  iti   sv/y/v   lihrrfr.    Ld    Pl^s  soutenu 
I    ï)iriinh'\  (iillrnrs  clunu/ranlc  m  srs  (h'sscins^  n  miilii 

(lu  mnins  ij lie  iKirtimt  f  nnniiihdf  In  iiic^nrc .  Le  t'icn.r 

dulnii    est    d'  (i((  i)rd  arec   moi    :  «  S/     dr     r///>/u(''f('\ 
I    finsole/icc  es/  la  /illc,  de  lu  samc  r(us(ui  luil/  le  Ixut- 

hcnr  (UiiK'  (in'dppvllcnl  /ufs  jirn'rrs.  » 

Je  h'  le  dis,   et  sans  /'('scrrr  ;   ri'sjx'C/c   Fdiifcl  de  la 
I    Jusliir  ri  ne  cd  jids,  jtoiir   nd(dn((r   (/din.  F (U(lrd(/('i\ 

Ir  ri'nfcrsrr  sons  tes  jiu'(U  inijncs.  Le  rlidl nncnl  lod- 
[    jours  nrndi'd  :  fiK'hn  hddc  rcsic  le  (h'nni'inii'nl .   Suis 

fidl'lr    dd    rcsjH'ct    dt/    d    /rs    iiurcnls.    (dtsrrrc    à   htit 

fof/rr  les  lois  hospilaln-rcs. 

Vrst  dinst  t^dc  Ihindnic  ijdty  sdiis  cnntrdinlr ,  d  sa  Plus  animé 
être  jdsf(\  ne  peut  Kjnuvrr  le  Innihcdr  :  jdiudis  il  nr 
doit  /KTi/'  tndi  rnlirr.  Mdis  Ir  ( odjKtldc  (i  Iduthu  r 
r(d)rU(\  (jin  srst  rhanjr  dKn  hiif  m  jtrir-nn'lc  dnidss('- 
par  ld  vnjlrncr  et  cmi/rr  la  jdstnr,  snnihrcrd  un 
jour,  j  en  rrjionds,  (jinutd  lu  rmldrr  en  r/iud  srniird 
fanfcnnc  bris(''r. 

\l  diqirllr  rt  nul  itr  r('(nii(r  dans  rirr(''sis/ildr  Inn- 
pêlr  :  ld  Ihrinilf  rt/  dr  T insolent ,  (jni  a  dr^ndiillr  sa 
fierti'\  itnr  fins  rn  nr(dc  ()  dindn  ihirs  donlriirs 
et  dvj(i    recouvert   des   flots.    Sa    haujur    j/msj/rriié 

il 


i;(»i;i,-rii.  ^ 

vsl  venue  enjin  lieurh'r  I  éeneil  de  la  Jnsliee  cl,  sans 
(jiie    nul  1(1  il  file  lire,  le  roi  là  niori .  nnénnfi . 

Athéna  rentre  par  la  droite.  Derrière  elle  un  héraut  introduit 
douze  juges.  La  foule  se  presse  autour  d'eux.  Les  juges  vont 
s'asseoir.  Athéna  reste  debout  au  milieu  deux.jLe  Chœur  se 
retire  sur  un  des  côtés  de  l'orchestre  ;  Oreste  se  place  en  face 
de  lui. 

ATHÉNA 

Héraut,  fais  ton  office  :  écarte  la  foule,  et  (jue 
la  trompette  perçante  d'Étrurie,  sous  le  souffle 
humain  qui  Vemplit,  fasse  aux  oreilles  du  peuple 
éclater  sa  voix  aiguë.  Il  convient,  tandis  que  ce 
Conseil  s'assemble,  que  le  silence  règne  et  que 
toute  la  ville  sache  quel  tribunal  j'établis  ici  pour 
l'éternité...  afin  de  clore  ce  débat  par  un  juste 
arrêt. 

Apollon  se  montre  soudain  à  côté  d'Oreste. 
LE    CORYPHÉE 

Apollon  souverain,  règne  en  ton  royaume.  Qu'as- 
tu  à  voir  dans  cette  cause  ? 

APOLLON 

Je  viens  pour  témoigner  en  faveur  de  cet 
homme  —  car,  suppliant  de  ma  demeure,  il  vint; 
au  fond  de  mon  sanctuaire,  s'agenouiller  à  mon 
foyer,  où  moi-même  je  purifiai  ses  mains  sanglantes 
—  et  pour  plaider  notre  cause.  Je  suis  responsable 


LES  EUMÉMHES  (580-600) 

(lu  sanj^'  (le  sa  mère.   (A  Athéna.)   Toi,    introduis    la 
cause,  et,  sui\ani  ta  sagesse,  décide  en  ce  débat. 

Athciui  se  tourne  vers  les  Furies. 
ATIIKNA 

l.a  j)ar()le  est  à  vous  :  c'est  ainsi  (juc  jintro- 
(luis  la  cause.  C'est  l'accusateur  (jui,  ])arlant  le 
premier  et  a\anl  tout  débat,  peut  sans  doute  le 
mieux  nous  instruire  des  faits. 

PRKMIEH     CHOUELTE 

vSi  nous  sommes  nombreuses,  nous  saurons  ])ar- 
ler  bref  :  à  chacune  à  son  tour  réponds  donc 
])oint  pour  ])oint. 

DEUXIÈME    CHOREl  TE 

Kt  d'abord,  dis-le-moi,  n'as-tu  pas  tué  ta  mère? 

OR ESTE 

Je  l'ai  tuée,  cela,  je  ne  le  nierai  point. 

TROISIÈME    CHOREL'TE 

vSur  trois  manches,  en  voici  une  déjà  gagnée. 

ORESTE 

Je  ne  suis   pas  à  terre  :  ne  te  vante  donc  pas  ! 

QUATRIÈME     CHOREUTE 

11  te  faut  dire  aussi  comment  tu  Tas  tuée. 


L'ORESTIE 
OIIKSTE 

Mon  Ijras,  armé  du  fer,  lui  a  tranché  la  ^orge. 

CINQUIÈMr-:    CHOREUTE 

Mais   qui   donc   te  guidait?   Quels  conseils  sui- 
vais-tu ? 

ORKSTE 

Les  oracles  du  dieu  qui  témoigne  pour  moi. 

SIXIÈME    CHOREUTE 

C'est  le  devin  qui  t'a  dicté  le  parricide  ? 

ORESTE 

Je  n'ai  point  encore  eu  à  regretter  mes  actes. 

SEPTIÈME    CHOREUTE 

Frappé  d'un  juste  arrêt,  tu  changeras  d'avis. 

ORESTE 

Mon  père,  en  qui  j"ai  foi,  m'enverra  son  secours. 

HUITIÈME    CHOREUTE 

Mets  ta  foi  dans  les  morts  :  par  toi  mourut  ta 
mère  ! 

ORESTE 

Elle  s'était  souillée  de  deux   crimes  ensemble. 


LFS  FUMÉNIDFS  (001-633) 
NEUVIKMK    CIIOUEL  IK 

Et  comment  ?  Instruis  ceux  qui  te  doivent  ju^er. 

OHKSTK 

Kn  tuant  un  époux  elle  tuait  mon  père. 

DIXIÈ.MK    (UIORKrTK 

Oui,  mais  tu  vis  :  la  mort,  elle,  Ta  libérée. 

OKESTK 

Mais,  tant  ([u'cUe  vécut,  Tas-iu  donc  ])()ursuivie? 

O^ZIÏ^.Ml:     CIIOIIELTK 

Non,  (\ir  cll(^  n'était  pas  du  san^' de  sa  victime. 

ORESTK 

I"li  ((uoi?  serais-je  donc,  moi,  du   sang   de   ma 
mère  ? 

DOLZlIvME    CHOHEITE 

Et  comment  donc  t'a-t-elle  nourri  sous  sa  ceinture, 
meurtrier?  Renies-tu  le  doux  sang*  d'une  mère? 

OKESTF 

A  toi  de  témoigner.  Dis-le-moi,  Apollon  :  l'ai-je 

tuée  justement?  L'acte    accompli,   je    ne    le    nie 

jpas.  Mais  fut-il  juste  ou  criminel  ?  qu'en  semble  à 


I/DHFSTIF 

ton  esprit?  Prononce  ta  sentence,  pour  (inc  jo  leur   ! 
réponde. 

APOLLON 

! 

Devant  vous,  puissant  tribunal  fondé  par  Athéna,     i 
me  voici  prêt  à  parler.  Je  suis  prophète  et  ne  sau-    i 
rais  mentir.  Du    haut  du    trône  fatidique,  je  n'ai    j 
jamais  rendu  d'oracle  sur  homme  ou  femme  ou  cité  ; 
que  ne  m'eût  dicté  Zeus  lui-même,  père  des  dieux 
Olympiens.  Je  vous  le  dis:  —  songez  au  poids  de 
l'argument  —  suivez  les  ordres  de  mon  père;  plus 
que  la  foi  jurée  même  oblige  la  volonté  de  Zeus. 

LE    CORYPHÉE 

Zeus,  à  t'entendre,  t'a  fait  transmettre  à  Oreste 
l'ordre  prophétique,  pour  venger  un  père,  de  ne 
rien  accorder  au  respect  d'une  mère? 

APOLLON 

Oui,  car  plus  grave  encore  est  le  meurtre  d'un 
homme  qu'entourent  les  respects  dus  au  sceptre, 
don  de  Zeus;  et  cela,  quand  la  meurtrière  est  une 
femme,  qui  n'a  pas  lancé  de  loin  sur  lui  la  flèche 
guerrière  de  l'Amazone,  mais  l'a  frappé  de  la 
façon  que  vous  allez  apprendre,  Pallas,  et  vous 
tous  qui  siégez  ici  pour  décider  en  ce  débat.  —  Il  ren- 
trait de  la  guerre,  ayant  presque  partout  rencontré 
le  succès  ;  elle  l'accueillit  avec  des  mots  d'amour, 
le  conduisit  au  bain,  puis,  comme   il  sortait  de  la 


I 


tLKS  Kl'MKMDKS  r,:i4-(n:i) 
ai^noire,  déployant  sur  lui  un  \()ile.  elle  frapp(* 
l'époux  pris  au  filet  sans  issue  du  r'whc  vêtement. 
Telle  fut  la  mort  du  Ik'tos  jxirtout  respecté,  du 
roi  des  flottes  j^recques.  Je  l'ai  rappelée  pour 
(|u'un  forfait  pareil  indignât  les  hommes  d(»vant 
nous  assis  pour  juj^'er  cette  cause. 

Lt:    COKVIMIÉK 

Zeus,  si  l'on  t'écoute,  a  grand  souci  des  ])èr(vs. 
Mais  lui-même  enchaîna  son  vieux  père  Kronos. 
«Omment  accordes-tu  ceci  avec  cela?  —  Vous,  je 
\()us  en  prie,  ])rêtez-nous  bien  l'oreille. 

M'OI.I.ON 

O  monstres  haïs  de  la  nature  entière,  abominables 

i    aux   dieux,  des   entraves  se  peuvent  délier  ;  il  y  a 

remède  à  leur  violence,  et  mille  expédients  savent 

ien  dégager.  Mais,  (piand  la  poussière  une  foisa  bu 
le  sang  d'un  homme,  il  n'est  plus  })ourlui  de  résur- 
rection. .Mon  j)ère  n'a  ])oint  à  ce  mal  cré(''  de 
'■emèdes  magiques,  bien  (ju'il  puisse,  sans  efforts 
haletants,  tout  régler  selon  son  caprice. 

LE    CORYPHÉE 

\'ois  donc  comme  tu  soutiens  son  innocence!  l)u 

I    sang,  n'en  a-t-il  pas  répandu  sur  le  sol,  et  le  sang 

d'une  mère,  celui  (|ui  loule  dans  ses  veines?  Va  il 

habiterait  ensuite  à  Argos,  au  ])alais  paternel!  A 

c[uels    autels  publics   sacrihera-t-il   donc  ?  Ouelle 


I/OIJFSTIE 

})liralriL'  lui  i)ermettra  de  purifier  ses  mains  à  son 
eau  lustrale? 

AI'OLLON 

A  cela  encore  je  saurai  répondre,  et  vois  la  jus- 
tesse de  mon  raisonnement.  Ce  n'est  point  la  mère 
qui  enfante  celui  qu'on  nomme  son  enfant.  Elle 
n'est  que  la  nourrice  du  germe  en  elle  semé.  Celui 
qui  enfante,  c'est  l'homme  qui  la  féconde.  Elle, 
comme  une  étrangère,  garde  la  jeune  pousse  étran- 
gère —  quand  les  dieux,  du  moins,  le  lui  per- 
mettent. Et  de  cela,  je  te  donnerai  pour  preuve 
qu'on  peut  être  père  sans  l'aide  d'une  mère.  En 
voici  près  de  nous  un  garant,  l'enfant  de  Zeus  Olym- 
pien, qui  n'a  point  été  nourrie  dans  la  nuit  du  sein 
maternel,  vigoureux  arbuste  pourtant,  tel  que  nul 
dieu  n'en  saurait  enfanter  de  plus  beau.  Pour  moi, 
Pallas,  ma  sagesse  saura  d'ailleurs  faire  grands  ton 
peuple  et  ta  ville.  Mais  j'ai  dès  cette  heure  guidé 
ce  suppliant  au  foyer  de  ton  temple  pour  qu'éter- 
nellement il  te  fût  fidèle  et  que  tu  eusses  des 
alliés,  déesse,  en  lui  et  en  ses  fils,  et  qu'à  tout 
jamais  même  fidélité  te  fût  gardée  encore  par  les 
fils  de  ses  fils. 

Athéna  se  tourne  vers  les  Furies. 
ATHÉNA 

Puis-je  inviter  maintenant  chacun  de  ces  juges 
à  porter  dans  l'urne,  docile  à  sa  conscience,  un 
suffrage  équitable  ?  Avez-vous  tout  dit  ? 


LKS  Kl.MKMlJKS  (6Ui-114; 


LE    COHVFHÊK 


Notre  carquois  à  nous  maintenant  est  xidr. 
J'attends  l'arrêt  (jui  va  terminer  \r  drbat. 

Alhcna  se  tourne  du  côté  d'Apollon  cl  JOrcstc. 
ATHÉNA 

Kt  vous?  —  Que  dois-je  faire  })()ur  r\iter  v(js 
blâmes  ? 

Apollon  repond  avec  vivacité  en  s'adrcssant  au  tribunal  : 
APOLLON 

Vous  avez  entendu  ce  que  vous  avez  dû  en- 
tendre :  en  portant  vos  suffrages,  gardez  bien  dans 
vos  cœurs  le  respect  du  serment,  étrangers. 

ATIIKNA 

Kcoutez  maintenant  mes  décrets,  citoyens 
d'Athènes,  premiers  juges  du  sang  \ersé.  Ce  tri- 
bunal restera  fontlé  à  jamais.  Conseil  éternel  du 
peuple  d'Kgée.  Il  siégera  sur  ce  rocher  où  jadis 
les  Amazones  s'établirent  et  })lantèrent  leurs 
tentes,  (juand  elles  vinrent,  en  haine  de  Thésée, 
coml)attre  contre  Athènes  et  dresser,  en  face  de 
sa  citadelle,  les  remparts  élevés  d'une  autre  cita- 
delle. KUes  y  sacrifièrent  à  Ares,  et  le  rocher,  le 
mont  tout  entier  ont  conser\(''  le  nom  du  dieu. 
C'est  là  que  désormais  le  Respect  et  la  Crainte, 


I/ORKSTIE 

sa  sdMir,  jour  cl  nuit  rclicndronl  les  citoyens  loin 
de  riniquité,  pourvu  qu'eux-mêmes  ne  corromy)ent 
point  la  loi  :  qui  trouble  une  source  claire  d'af- 
fluents impurs  et  de  fang'e,  n'y  doit  plus  trouver 
de  breuvage.  Ni  anarchie  ni  despotisme,  c'est  la 
règle  que  je  conseille  à  ma  ville  d'observer,  de 
respecter  toujours.  Que  surtout  elle  ne  bannisse 
point  la  Crainte  loin  de  ses  murailles  :  s'il  n'a  rien 
à  redouter,  quel  mortel  sait  être  juste?  Si  vous 
révérez  ainsi  qu'il  convient  ce  tribunal  sacré,  vous 
aurez  en  lui  un  rempart  tutélaire  de  \'Otre  pays 
et  de  votre  ville,  tel  que  nul  autre  peuple  n'en 
possède,  ni  en  Scythie  ni  sur  le  sol  de  Pélops. 
Incorruptible,  vénérable,  inflexible,  telle  sera 
l'assemblée  que  j'établis  ici  pour  garder,  toujours 
en  éveil,  la  cité  endormie.  Voilà  les  conseils  que 
j'ai  voulu,  pour  l'avenir,  expressément  donner  à 
mes  citoyens.  Maintenant,  vous  devez  vous  lever, 
porter  vos  suffrages  et  rendre  votre  arrêt  en  res- 
pectant votre  serment.  J'ai  dit. 

Les  juges  se  lèvent  et,  lentement,  se  dirigent  vers  les  urnes. 
LE    CORYPHÉE 

Suivez  mon  conseil  :  songez  avec  crainte  à  la 
lourde  présence  des  Furies  sur  ce  sol. 

APOLLON 

A  mon  tour,  je  vous  dis  :  respectez  les  oracles 
d'Apollon  et  de  Zeus  ;  craignez  de  les  rendre 
stériles. 


LES  EUMÉNIDES  (715-144) 


LE  CORYPHÉK 


T.es  causes  de  sanj^  sont-elles  de  ton  lot,  ])oiir 
([uc  tu  en  aies  t(d  souci?  Tu  ne  rendras  plus 
(Toracdes  d'une  boucdic  |)ur('. 

APOLLON 

Mon  père  même  se  serait  donc  lroni])(''  en  ses 
desseins,  en  accueillant  la  j)ri('r('  (flxion,  le  pre- 
mier meurtrier  ? 

LE    CORYPHÉE 

Des  motsl  wSi  je  n'obtiens  pas  s^ain  de  cause, 
ce  pays,  en  retour,  sentira  le  ])oids  de  ma  pré- 
sence ici. 

APOLLON 

Dieux  noux'eaux  ou  dieux  anciens,  nul  n».'  t'ho- 
nore; c'est  moi  ((ui  triompherai. 

*  LE    CORYPHÉE 

C'est  ainsi  que  tu  en  agis  au  foyer  de  Phérès. 
Tu  persuatlas  le;;  Parcpies  de  rendn^  d(^s  humains 
immortels. 

APOLLON 

Ne  doit-cm  pas  des  bienfaits  à  qui  xous  h(>nore, 
surtout  à  l'heure  de  sa  détresse? 


i;(M{KSTIE 


Li:    CDRYPHÉK 


C'est  toi  qui  déchiras  ainsi  les  antiques  partages, 
en  trompant  par  Tivresse  d'anciennes  divinités! 


APOLLON 


C'est  toi  qui  bientôt,  frustrée  de  ta  victoire,  ne 
cracheras  plus  qu'un  venin  impuissant  contre  tes 
ennemis 


c   » 


LE    CORYPHEE 

Tu  foules  aux  pieds,  jeune  dieu,  notre  vieillesse. 
Soit  !  J'attends  encore  la  sentence  et  retiens  j  usque- 
là  mon  courroux  contre  Athènes. 

ATllÉNA 

C'est  à  moi  qu'il  appartient  de  me  prononcer  la 
dernière.  Je  joindrai  mon  suffrage  à  ceux  qui 
absolvent  Oreste.  Je  n'ai  point  eu  de  mère  pour 
me  mettre  au  monde.  Mon  cœur  toujours  — jus- 
qu'à l'hymen  du  moins  —  est  tout  acquis  à 
l'homme  :  certes,  je  suis  ici  du  côté  du  père.  Peu 
doit  me  toucher  dès  lors  la  mort  d'une  femme 
qui  avait  tué  l'époux,  gardien  de  son  foyer.  Oreste 
est  donc  vainqueur  si  les  voix  se  partagent.  Jetez 
promptement  les  suffrages  hors  des  urnes,  juges 
à  qui  est  confié  ce  soin. 

ORESTE 

O  Phœbos  Apollon,  que  sera  la  sentence? 


LES  EUMÉNIDES  (74ri-781. 
LK    COHVI'IIKK 

O    sombre  Niiil.    ma    mère,    vois-tu    ce   qui    se 
Il    passe  ? 

ORFSTE 

y\v  faudra-t-il  me  pendre  ou  \()ir  encore  le  jour  ? 

L1-:    COHVPMKK 

Devrons-nous   disj)araitre  ou   i^arder  nos   lion- 
i    neurs  ? 

APOLLON 

Comptez  bien  les  suffraj^es  (jui  tombent  de 
l'urne,  étrangers.  Respectez  la  justice  en  dépouil- 
lant les  votes.  Une  voix  de  moins  fait  naître  une 
profonde  infortune,  une  voix  de  plus  relève  une 
maison  qui  croule. 

ATHKNA 

Cet  homme  est  absous  du  crime  de  meurtre  :  le 
nombre  des  \-oix  des  deux  j)arts  est  éj^'al. 

OKESTE 

O  Pallas,  qui  viens  de  sauver  ma  maison  :  j'avais 
perdu  la  terre  paternelle  et  tu  me  l'as  rendue.  Kt 
l'on  dira  dans  la  (îrèce  :  Le  voici  de  nouveau 
(  itoyen  d'Ari^os,  maître  des  biens  de  ses  ancêtres, 
grâce  à  Pallas,  à  Loxias,  à  l'arbitre  suprême  enfin, 


i;nnr>TiK 

au  (lien  Saux'ciir,  (|ni  a  eu  ri^ard  au  irifurtrc  dun 
père  et,  voyant  celles-ci  plaider  pt^ur  ma  mère,  me 
sauve  de  la  mort,  lu  moi,  rentrant  à  mon  foyer, 
j'en  fais  serment  à  cette  terre  et  à  ton  peupht, 
])()ur  Tavcnir,  ])our  la  durée  sans  fin  des  jours  : 
jamais  un  roi  placé  au  gouvernail  d'Argos  ne 
portera  contre  ce  pays  des  armes  réservées  au 
triomphe.  Car  moi-même  alors,  du  fond  de  mon 
tombeau,  à  ce  transgresseur  de  la  foi  que  je  t'ai 
jurée,  je  susciterai  d'inextricables  revers,  découra- 
geant sa  marche,  plaçant  sur  son  chemin  des  pré- 
sages de  deuil,  afin  qu'il  se  repente  de  son  entre- 
prise. Mais  à  ceux  qui,  gardant  le  respect  de  mes 
serments,  ne  cesseront  de  rendre  à  la  ville  de 
Pallas  l'hommage  d'une  lance  alliée,  à  ceux-là  je 
réserverai  ma  bienveillance.  Adieu  donc,  déesse, 
adieu,  peuple  d'Athènes,  puissent  tes  combats, 
fermant  toute  retraite  à  tes  ennemis,  sauver  ta 
cité  et  glorifier  tes  armes  ! 

Il  sort.  Apollon  a  disparu  dès  que  la  sentence  a  été  proclamée. 
La  nuit  tombe,  —  Le  Chœur,  qui  est  resté  immobile  et  comme 
accablé,  se  réveille  tout  à  coup. 


LE    CHŒUR 

Animé  Ah!  jcunes  dieiix^  su?' vos  coio'siers  triomphaiits 
vous  piétinez  les  lois  antiques  par  vous  arrachées  à 
mes  mains.  Soit!  ^infortunée  qu'on  humilie  fera 
sentir  à  cette  terre  son  pesant  courroux.  Ah!  je 
vous  paierai  en  douleurs,  en  répandant  sur  ce  sol  le 


LES  F.rMl^NinF.S  ris-2-8:i6) 

rr/i/N.  le  rcnin  dr  iimn  «n'iir  ihmf  (  lm<iin'  </niitlr 
nn/(r  lu  nnn't .  Ai/isf  /r  iiinl  rtmtjt'ur  tjm  snlir 
la  flrni'  cl  rrn/anf  —  ah!  \r/n/r/in(r!  \  r/t- 
i/ra/Hc!  —  s^r lancera  s///-  cr  imi/s  rt  laissera  an 
soi  atliiini'  jilus  «l'a ne  jilair  incnrlrirrr.  —  [Kgité) 
Pnar(/ai>i  se  lamenter?  i^amnienl  'l'/fi'  jilnh'tl? 
Sof/iuts  l(n/rflrs  à  celle  et  Ile.  Ah  l  elles  mil,  helas  ! 
snhi  un  cruel  a/friuil,  les  Irisles  filli's  ilc  la  A////, 
iliUihnireusenH'nl  hunithres. 

ATIIKN  \ 

lM"()Ut('/.-ni()i  :  moins  lourde  xoiis  soil  xolrr  jH'iiu*. 
Vous  n'a\('/  pas  r{.(''  xaincucs  :  un  arrrl  inilceis 
seul  est  sorti  de  l'urne,  ])our  satisfaire  la  \(''rité, 
non  ])our  xous  outrager.  D'écdatants  ténioii»na|n'es 
étaient  \enus  tle  /eus.  et  (^olui-là  même  nous 
les  apportait  cjui  avait  lui-même  }:)rédit  à  Oreste 
que  de  tels  actes  ne  seraient  point  punis.  Et  vous 
voulez  déjà  cracher  sur  ce  pays  votre  lourde  colère. 
Réfléchissez,  ne  xous  emj)ortez  ])as,  ne  rendez  pas 
ce  sol  stérile  en  ri'pandant  sur  lui.  de  xos  lèvres 
dixines,  une  baxe  rongeuse,  sauvage  dévoratrice 
des  germes.  Je  xous  promets  sans  réserve  un  séjour, 
un  asile  dans  un  sol  consacré  où,  sur  des  trônes 
datants,  vous  siégerez  devant  des  foyers  bas, 
I  environnées  du  respect  de  ce  peuple. 

m:  ciKian 

Ah  !  jeunes  (heur,   stn-  eus  rntfrsiers    trn>nijtlianls      Animé 
vvus  piélinez  les  lots  anlnjues  jtar   cous  arrachées  à 


i;(Hu:sTiK 

me^  iiKinis.  Saill  F  m/  orlnurr  (jn^oii  liimiHic  fera 
sentira  celle  terre  son  pesant  courroiu:.  A/i  !  je 
vous  jHiierai  en  donneurs  en  répandant  sur  ee  sol  le 
venin,  le  venin  de  mon  cœur,  dont  chaque  (jovtle 
porte  la  mort.  Ainsi  le  mal  ronr/enr  qui  sèche 
la  fleur  et  T enfant — ah!  Venr/eance!  Venqeanee! 
—  s'élancera  snr  ce  pays  et  laissera  au  sol  at- 
tique  plus  d'une  plaie  meurtrière.  —  ( Agité j  Pour- 
quoi se  lamenter?  Comment  agir  plutôt?  Soyons 
lourdes  à  cette  ville.  Ah!  elles  ont,  hélas!  suhi  un 
cruel  affront,  les  tristes  filles  de  la  Nuit  douloureu- 
sement humiliées. 

ATHÉiNA 

Vous  n'êtes  point  humiliées:  dans  l'excès  de 
votre  colère,  ne  vous  en  prenez  pas,  déesses,  à  des 
hommes,  ne  rendez  point  la  terre  sourde  aux  appels 
de  leur  travail.  Moi  aussi  je  suis  forte,  forte  par 
Zeus  en  qui  j'ai  foi,  et  — faut-il  le  dire?  — seule 
dans  le  ciel,  je  puis  ouvrir  la  chambre  où  la  foudre 
dort  scellée.  jMais  ici,  point  n'en  est  besoin.  Sois 
docile  à  ma  prière  et  que  tes  lèvres  en  vain  cour- 
roux ne  lancent  pas  sur  ce  sol  une  semence  de  sté- 
rilité. Endors  la  fougue  amère  de  ce  noir  flot  de 
haine,  reçois  ta  part  d'honneurs  et  viens  vivre  avec 
moi.  Sur  ce  sol  populeux,  désormais  les  prémices 
de  toutes  les  offrandes  de  naissance  et  d'h3^men  te 
seront  réservées,  et  tu  ne  cesseras  de  louer  mon 
conseil. 


LES  ki:.mi:nii)Ks  («:n-«y-i) 


I 


I 


u:  r.fHKCH 

Moi,  s(Ut//'rir  cela,  ah  !  nkh ,  Funluinv  (tresse,  rirrr 
sfttts  1(1  trrrc  (iinsi  <jt(im  rire  impur  rt  (Irthm/nr ,  ah! 
Je  nr  rrsptrrtjtir  ra/èrc,  uhfutniiiihle  rriufrunrr .  llrhts! 
Trrrr  ri  ciel!  Ah!  (jurllr  dmilrnr,  (iiirllr  (hm/riir 
jH'rrr  mon  flanc l  Entends  rapprl  de  innn  (  (turroii.r^ 
iXa//,  ')  uni  mère!  Mes  nnhtjurs  haniinirs,  des  dtrnx 
(nrr  ruses  //trrhanfrs  me  les  oui  rnris^  el  tne  r(H(  i 
rêduitr  à  rien  ! 

ATIIKNA 

Je   te   pardonnerai   tes    eolères,  car   tu    as  l'a^e 

])()ur  toi   et,  sur  bien  des  ])()ints,  plus  tjue  moi    tu 

es  sage.  Mais  à  moi  aussi  Zeus  a  donné  de  penser 

sensément.  Si  vous  allez  vers  d'autres  terres,  vous 

regretterez  cette  cité,  je    vous    le    prédis;   car  le 

temps,  dans  son  cours  rapide,  accroîtra  le  renom 

de  ma    \ille,  et    toi,  éta])lie  sur  son  sol  glorieux, 

iprès    de   la    demeure   dl^rechtée,    tu    recevras  de 

es  chœurs  d'hommes  et  de  femmes  un  (  ulte  que 

e  t'accorderait  nul  autre  pays.  Voilà  doncce  (juil 

'est   permis    de   tenir    de    ma    main  :  bienfaits  à 

'épandre,  bienfaits  à  recevoir,  entourée  du  resj)ect 

une  terre  j^ieuse  entrt^  toutes. 


Agité 


LE    CIKKl  R 


Moi,  souffrir  relu,  uh!  mm.  lUnliijUe  déesse ,virre 
was  la  terre  ainsi  iju' un    ètr*'    impur   et    dêdaiyntK 


12 


Agité 


I/OMF.STIE 

(ih  !  Jr  fie  rcsiiirr  (juv  r(tli'r(\  ini julnt/dhh'  ri'iuicdiK c . 
Ilr/as!  Trrrc  ri,  (ici!  A/t  !  (jurllc  (hmiciir.  tjurllc 
ilotilcur  jK'rat  mon  jlaiicl  Enlcmls  rdjipi'l  de  mon 
courroux^  Niiif,  6  ma  mère  !  Mt!s  anlKjncs  honm-ms^ 
(les  (Il fier  aux  rasrs  mrf  /lanfrs  //te  les  (t/if  rm  is.  cl 
me  Vi/ici  /-é  du  lie  à  /'le/il 

AT H EN A 

Je  ne  me  lasserai  point  de  te  dire  ton  intérêt, 
pour  que  tu  ne  puisses  prétendre  que  ma  jeune 
divinité  et  les  hommes  de  ma  ville  ont  chassé  sans 
honneur  et  banni  de  ce  sol  une  antique  déesse.  Si 
tu  sais  respecter  la  Persuasion  sainte  qui  donne  à 
ma  parole  sa  magique  douceur,  tu  resteras  ici. 
Mais,  si  tu  t'y  refuses,  tu  serais  injuste  en  laissant 
tomber  sur  cette  terre  ton  courroux  vengeur  qui 
blesserait  mon  peuple,  alors  qu'il  t'est  loisible  de 
jouir  sans  conteste  de  cette  cité,  éternellement 
honorée  d'elle. 

LE   CORYPHÉE 

Souveraine  Athéna,  que  sera  mon  asile  ? 

ATHÉNA 

Exempt   de    toute  peine  :  accepte-le.  crois-moi. 

LE   CORYPHÉE 

wSoit,  je  l'accepte  donc  :  lors,  quels  honneurs 
m'attendent? 


il 


\ 


LES  EUMÉNIDES  (89S.92fi) 
ATllKiNA 

Sans  toi  nulle  maison  ne  pourra  pnjspérer. 

LR  CDIIYIMIÉR 

lu  sauras  m'assurcr  un<*  telle  puissance  ? 

ATMKNA 

Oui,  en  ne  protégeant  que  ([ui  l'honorera 

l,E    COHVIMIÉK 

lu  cet  engagement  vaut  ])our  réternité? 

ATHÉNA 

Ce  qu'Athéna  ])n)inet,  elle  sait  le  tenir. 

LE    CORYPHKK 

Tu    charmes    mon    courroux,  je  renonce  à    ma 
haine. 

ATHÉNA 

Viens  donc  en  ce  pays  te  faire  des  fidèles. 

r.E  corvpuki: 

Quels  vœux  m"ordonnes-iu  de  chanter  sur  ta 
ville  ? 

ATHÉNA 

Ceux  qui  appelleront  un  triomphe  sans  tache. 
Qu'ils  le  demandent  au  ciel,  à  la  terre,  à  l'onde 
marine,  et  que  les  brises,  sœurs  des  soleils  pro- 


II 


i;oitKSTIK 

pices,  vi('nn(MU  soufilcr  sur  ce  jjays!  (Jue  la  fécron- 
dité  du  sol  et  des  brebis  ne  se  lasse  pas  d'enrichir 
ma  ville!  Veille  à  la  semence  humaine,  mais  ar- 
rache de  terre  la  race  des  impies;  car  j'aime  à 
voir,  comme  un  ])on  jardinier,  les  justes  croître 
à  Tabri  de  ri\  raie.  Xe  lance  pas  dans  la  cité  que 
j'aime  ces  aiguillons  sanglants  qui  ravagent  les 
jeunes  poitrines,  et,  sans  vin,  les  affolent  à  Tégal 
de  l'ivresse.  Ne  t'empare  pas  des  cœurs  de  ces 
citoyens  pour  y  installer  la  rage  meurtrière  qui 
les  anime,  ainsi  que  des  coqs,  contre  leur  propre 
sang  et  leur  souffle  une  mutuelle  audace.  Que 
seule  éclate  la  guerre  étrangère,  déjà  proche  de 
nous,  où  se  révéleront  de  nobles  ardeurs  de 
gloire,  tandis  que  se  tairont  nos  luttes  d'oiseaux 
de  volière!  Voilà  les  vœux  qui  te  regardent. 
Car,  pour  les  combats  sanglants  où  se  conquiert 
un  vrai  renom,  moi-même  veillerai  à  ce  qu'ils 
élèvent  Athènes  triomphante  au-dessus  des  cités 
des  hommes. 

LE    CHŒUR 

Décidé  Oui,  je  veiix  vivre  avec  Pallas  et  ne  point  dédai- 
gner la  ville  dont  Ares  et  Zeus  totit-puissant  font, 
par  leur 'présence ,  la  citadelle  des  dieux,  éclatant 
rernpart  des  autels  sacrés  dans  la  Grèce.  Sur  elle 
fépands  mes  vœux,  mes  oracles  propices.  Puissent 
les  moissons,  noiaricières  de  vie,  jaillir  à  flots  du 
sol  à  la  lumière  a\in  soleil  resplendissant  ! 


I 


LES  KUMÉMDES    927-987) 
ATHKNA 

.r()l)t''is  à  rainoiir  (pic  j«»  porte  iï  co  peuple  en 
lixiint  ici  <l«*  ^Pinidcs  cl  Icrribles  déesses  dnnl  le 
loi  esl  de  (ont  l'éj^ler  elle/  les  hommes,  (^cliii  (|iii 
les  l'eiicoiilre  lioslilcs  ;i  s;i  ruée  esl  soiidiiiii  IVappé 
sans  savoir  d  on  le  coup  esl  venu. 

C(^  sont  les  crimes  des  pères  (|ui  Iraîiictil  le  lils 
devant  les  Mrinyos,  cl  uii  trépas  muet  limuiole, 
malui»'  ses  ci'is  ailiers,  à  leur  «oui-ioux  rmieux. 

\.K    Clhl.l  II 


Q/tc  /(tninis  sixijjlr  cinjh'slr  ne  ricimr  jlrinr  ros 
(ir/trrs  !  milà  Ir  rwn  de  nnm  ( wtir.  I\(  (juc  Idnlcnr 
dim  stth'il  (irriK/hinl  sr  ri'SH/nr  n  ne  fias  jrtuu  hir 
ras  f  l'iiuhrn'sl  Uur  janims  ne  pcni'trr  thms,  I  Aflniuc 
Ir  NHil  (  riirl  dnnl  mrurrnt  1rs  nims^nns  !  Ij  <jHr  lu 
trrrr  /nz/jo/trs  noiirrissr  dr  Ircondrs  hrrhis,  nirrrs  dr 
drti.r  (K/ncdU.r  an  Irnijis  jl.rr  l  (Jiir  Iti  rir/irssr  m- 
fanlrr  jKir  Ir  s(d  ri  rrrr/rr  jKir  llrriiirs  fdssr  Inumrnr 
Il  lu  ifriirrosilr  dirnir! 


Dôcidô 


ATHIO.NA 


Va\\ 


eud(V-vous,    j;ardieu>    dAtliènes,    c«'    qu'elji 


décide  pour  vous?  (irande  esl  la  puissance  de  l'au- 
guste Krinys  près  des  dieux  qui  rèirnenl  sous  la 
terre;  et,  chez  les  hommes,  c'est  elle  encore  «pii, 
ouvertement  et  sans  contrôle,  donne    aux    nn^   les 


L'ORESTIE 


chants  joyeux,   aux  autres  une  vie  ternie   par  les 
larm(»s. 


LE    CIKKLR 


Plus  soutenu  X  HaiifiU'  (h-  nui^  les  inoris  faKc/ieuscs  ilr  j  ru  h  es 
hommes.  Accordez  aux  cicrgoi  ciimahlcs  de  rinr 
aux  côtés  (Vnn  époux,  soiwcratas  arbitres,  et  cous, 
déesses,  filles  de  ma  mère,  Parcjues,  saintes  disfri- 
butrices  d'équité,  (jni,  dans  toute  maison  et  à  toute 
heure,  savez  faire  sentir  aux  coupables  le  poids  de 
cotre  commerce  vengeur,  6  de  toutes  les  divinités 
les  plus  entourées  de  respect! 

ATHÉNA 

Mélodrame  A  entendre   leurs  vœux  souverains  si   propices 

à  ma  cité,  j'ai  la  joie  au  cœur  et  je  bénis  la  Per- 
suasion dont  les  regards  guidaient  mes  lèvres  et 
ma  langue  en  face  de  leurs  sauvages  refus.  Zeus, 
dieu  de  la  parole,  a  triomphé.  Cette  victoire  rouvre 
la  lutte,  une  lutte  éternelle  de  bienfaits  entre  nous. 


Toujours 
ass^ez  large 


LE    CHŒUR 

Et  que  jamais,  dans  cette  ville,  la  Discorde  insa- 
tiable  de  crimes  ne  frémisse!  Que  la  poussière  abreu- 
vée du  sang  noir  des  citoyens  ne  se  paye  pas,  en  sa 
colère,  du  sang  des  meurtres  vengeurs  qui  épuisent 
les  cités!  Que  tous  entre  eux  n  échangent  que  de 
bons  offices,  remplis  cVun  mutuel  amour  et  haïssant 
d'un  même  cœur  !  A  bien  des  maux  humains,  V union 
est  le  remède. 


LES  KUMKMDES  (:i88-103:i] 


ATHÉNA 


Dira-t-on  qu'elles  se  refusent  à  trouver  la  voie 
«les  souhaits  propices?  De  ces  visages  etlrayauts,  je 
vois  sortir  [)our  ce  peuple  (rininienses  prospérités. 
Si  à  leur  aniour  votre  ainour  répond  par  «Ir  pieux 
et  éternels  hommages,  vous  monlrere/  au  monde 
lin  [xMiple,  une  cité  vivant  sans  trouble  dans  la 
droite  justice. 

Les    prêtresses    J'Athciia     sortent    du     temple,     hlles    sont 
suivies  de  porteurs  de  flambeaux  et  de  victimes  de  sacrifices. 

Li:  ciukur 

Afhru.  nrrz  hrurrux  ail  ))n/i('n  des  doux  hrnis 
(Ir  la  ric/i('ss(\  rt/rz  hrnn'N.r,  (  ihti/cns  dWfhrnrs ,  rt^ 
assis  aii.r  ciUrs  dr  la  Vii'itjr  dr  Znis^  mulrz-lin  son 
aniitiir^  iniifcz  sa  saijrssc.  C/'/i./-  f/iir  Pallas  ahritr 
sous  soH  aile  sont  resjK'ctrs  de  /ras  hu-iarnir . 

ATIIÉNA 


Adieu,  vivez  heureuses  aussi,  .le  dois  marcher 
devant  vous  et  vous  moiilrer  votre  asile  aux  lueurs 
sacrées  de  ce  cortège.  Aile/,  avec  ces  victimes 
saintes,  descendez  sous  la  terre  :  retenez  ce  (|ui 
perdrait  notre  cité;  envoyez-nous  ce  qui  doit  aider 
à  sa  gloire. 

lit  vous,  enfants  d'Athènes,  (ils  de  (Iranaos,  gui- 
dez les  étrangères  qui  se  fixent  chez  nous.  Et  que 


i;(>Mi:sTir: 


commenco,   pour   c(^ll(î    ville,  le  rè^ne  hioni'aisant 
d'une  volonl(;  bienraisanle  ! 


LI-:    CIKKUR 

Toujours  vif  AcHetf,  vivcz  keureux^  jft  rrpète  mon  vœu^  vous 
loîis  qui  jouissez  d Athhias^  divinilés  ou  raorlcAs  : 
votre  cité  est  celle  de  Pallas.  Soyez  fidèles  à  Nios- 
pitalité  que  vous  m  avez  offerte^  et  vous  ii  aurez  jkis 
à  vous  plaindre  de  ce  que  vous  apportera  la  vie. 

ATHÉNA 

J'applaudis  au  langage  de  vos  vœux,  et  c'est 
moi  qui  vous  guiderai,  à  la  clarté  des  torches 
lumineuses,  jusqu'aux  grottes  profondes  où  vous 
allez  descendre,  avec  ces  prêtresses  attachées  à 
mon  image.  Tel  cortège  est  bien  dû  à  la  troupe 
glorieuse  qui  va  devenir  l'œil  vigilant  du  pays  de 
Thésée...  Enfants  avec  leurs  mères,  vieilles 
femmes  formées  en  chœur,  pour  honorer  les 
déesses,  enveloppez-vous  de  voiles  empourprés  — 
tandis  que  jaillit  la  clarté  du  feu  —  afin  que 
leur  séjour  propice  en  cette  terre  se  manifeste 
désormais  par  des  floraisons  de  héros. 

Le  cortège  s'organise  et,  lentement,  se  met  en  marche. 
LE    CORTÈGE 

Large  Allez  à  votre  demeure^  puissantes^  vénérées 
déesses,  enfants  infécondes  de  la  féconde  Nuit.  Un 
cortège  ami  vous  guide.  —  Que  tous  dans  la  cité  se 
recueillent. 


LES  EUMKNIOFS  (1030-1041) 

Pi'iH'frrz  xnns  la  ti'irr,  (hins  les  (jV()l tes  nul Ujucs  au 
cous  tnmcvrcz  im  mlfr  (riunnttKK/cs  cl  d' (i/fraiulrs.  — 
Onr  Ions  dans  la  ci  h'  >>'  riu  Hcillmf . 


Iln'iircilhmlcs    cl  pntpucs    à     rrllr     Icrvc,    rcncz, 

aïKjUstcs  (Iccsses,   ri  (/in\  sur  roi  ce  couh\  F  h  lai  tics 

torches  f/crorccs  jmr  le  jeu  réjouisse  cos  i/ri(.c.  — i  Au 

peuple)     Moinlrunut ,    (/nr    rtts    (C/s    rcj>oii(lriil    //    nos 

chnnis  ! 

Clameur. 

Les  lilniliofts,  dans  cos  (Ic/ncffrcs,  janntis  ne  cpsse- 
ronl  (lèlce  ccrsrcs  par  Ir  pciijtlr  de  l*<dlas.  Zens  tjni 
Coil  loiil  el  In  Varijur  en  tnil  autst  décidé  —  i  Au  peuple] 
MauilciHinl ,  (juc  C(ts  rr/s  réjiondrnl  à  nos  rhnnis! 

Clameur. 


i 


COMMENTAlliK  IIYTIIMIUUE 


I 


AdAMKM.XO.N 


Parodos,  W)-257  : 

Les  ini(i})fstt's  (\0-\0'])  sont  divisrs  on  ilcux  |);u-tios  rii^'ou- 
rt'u>t'in<Mit  r^'ules,  Irailaiif  tliacuno  un  tlirnic  dlUV-roiit, 
rarriitM'  ou  les  vieillards. 

lOt-l.'JO.  Dacli/lcs.  J'ai  t'tabii  mes  divisions  d'après  Taiipa- 
lilioii  i\i^s  (liiiimlx's,  ijui  seiiililriil  iiitrndiiirc  chaciue  fois  une 
période  nouvelle.  J'ai,  en  outre,  détach»'  lu  rlausnlr  i(iiiilii(jn(' 
(If  la  sirophe  et  de  l'anlistroplie    avant  l'içjav.ov). 

h)0-l".)l.  Trorhrcs. 

l'.)2-2r»7.  hnnht's.  [)ans  les  i^rands  »'nsenil>les  lyiit|ues 
de  la  tragédie,  les  idinlu's  suce«'d«'nt  souvent  aux  tiorhrrs, 
tanilis  que  les  trochccs  ne  succèdent  jamais  aux  inmhrs. 
l/ap|)arition  des  iambi'fi  me  s«'ml)le,  dans  ces  cas-là,  lorres- 
pondr»'  à  une  ar(r|»'rali(Ui  du  mouvem»Mil. 

1  '  stasimon,  ;i(')7-4«7  : 

l'iinlirs.  Je  n'ai  pas  juétr  d'attention  à  l'apjiarition  d'élé- 
iU(Mits  cliiniiiinhiijnt's  et  (jlj/coHii^nes  :  leur  ryllime  était  eer- 
tainein<Mit  i<mil)i<im'.  J'ai  sim|ilement  détaché  la  lirriodc  nh/- 
ronniin'  (jui  teiinine  toutt-s  les  strophes  et  fait  l'unité 
rythmi(iue  du  morceau,  il  rst  à  remanjuer  (jue,  pour  1»' 
sens  même,  elle  se  détache  toujours  d»'s  membres  pré- 
cédents. 


Il 


COMMENTAI  RE  RYTHMIQUE 

2'  stasimon,  OSI-^Hl  : 

'rroc/irfs,  f/h/coiiiijui's^  ion/i/ucs,  lot/ncdrs,  idmhrs  :  lY;If*ment 
rylhiiiiquc  csl.  toujours  à  trois  t^^mps.  J'ai  sfMilement  souli- 
gna, clans  la  strophe  et  clans  Tantistroplie  3,  rapf)arition  des 
ioniques  (jui  sernMent  df'îlacliés  forloinonf,  iriêrne  jiar  le 
sens,  des  vers  précédents. 

3'  stasimon,  OTIJ-lOMi  : 

L(;  ryLliine  est  nettement  tror/ifiique,  mêl«';  seulement  de 
quelcjues  anapcstcfi  et  dactyles.  Dans  la  strophe  et  dans  Tan- 
tistrophe  2,  la  réapparition  des  trochéea  purs  après  des 
membres  anapestiques,  daclyliqiics  et  lofjaédique.s,  semble 
marquer  un  commencement  de  période,  que  le  texte  poétique 
souligne  aussi  par  une  forte  ponctuation.  J'ai  donc  détaché 
cette  seconde  partie  de  la  strophe  de  la  première. 

Commos,  1072-1177  : 

Les  dochmiaques  sont  mélangés  de  tri  mètres  iambiquefi, 
probablement  chantés,  mais  qui,  au  moins  à  la  fin  d'une 
strophe  dochmiaqiie,  semblent  vouloir  souligner  par  un 
rythme  plus  net  l'effrayante  précision  des  prophéties  de 
Cassandre.  Je  les  ai  donc  détachés  et  rythmés. 

Commos,  1448-1570  : 

Lofjaèdes,  ïambes,  trochées  :  le  rythme  dans  son  ensemble 
paraît  être  à  trois  temps.  Mais  il  se  précise  à  mesure  que  la 
pensée  s'éclaircit,  et  il  est  purement  iambique  dans  la  der- 
nière strophe,  où  le  chœur  résume  avec  une  implacable  logique 
la  situation  faite  par  un  premier  crime  à  la  race  entière  des 
Atrides.  Le  rythme  va  donc,  dans  tout  le  commos,  s' accélérant 
et  se  précisant  peu  à  peu. 

Les  strophes  a  et  6  (1459  sqq.;  1494  sqq.)  sont  profondé- 
ment altérées.  Le  rythme  semble  logaédique.  En  tout  cas,  les 
dactyles  qui  commencent  la  strophe  a,  les  longues  qui  com- 
mencent la  strophe  b,  suffisent  à  nous  faire  supposer  un 
ralentissement  du  mouvement,  une  sorte  de  réponse  lasse 
et  assourdie  des  choreutes  aux  anapestes  de  leur  Coryphée. 


AdAMKMNON 

.Ir  liai  pas  fait  |»ii'M-t''»l<i-  la  di-i  iiirif  sct'-nc  HiVH-lfiT.'l, 
tétramùtres  trochaiques)  de  l'iiulication  de  Mélodrame,  cominf 
je  l'ai  fait  pour  les  |)arties  aiiapestiiiues.  II  n'est  pas  prouv»'' 
(juc  la  7■.^oxv.^.''x\(rr/^  fût  employ»';»'  pour  de  longues  scènes  en 
tctranu'trcs  connue  il  y  en  a  chez  Eschyle  rt  dans  les  d«M'- 
nières  |)ièces  d'F]uri[)ide.  Ces  scènes  sont  souvent  les  plus 
vives,  les  plus  dramatiques  de  la  tragédie.  Dès  lors,  (juand 
in^^rne  elles  auraient  été  jouées  avec  un  accompagnement  ins- 
liunn'ntal,  il  serait  hien  inviaiseinhlahle  de  leur  attrihu»  r 
ieuir'ine  débit  qu'aux  systèmes  aitd/testiques  dont  le  caractère 
est  ti)ut  dinérent. 


LES  CIIOEPFIOHES 


Parodos,  22-83  : 

Hylhme  iambique  presque  pur. 

Thrène,   152-162  : 

DochmtaqueH  mêlés  de  quelques  iamhea. 

Commos,  306-475  : 

Dans  la  première  partie  {mésodiquc),  l'élément  le  plus  fré- 
quent est  le  (jlyconiquc;  les  autres  éléments  sont  iamhujnca, 
logacdiques  et  ioniques  (la  strophe  2  est  en  grande  partie 
ionique).  L'ensemble  n'a  pas  en  soi  un  rfioc  très  caractérisé, 
mais  il  en  prend  un,  en  s'opposant  aux  iambea  purs  des 
deux  autres  parties  du  commos  ( 423-455  et  456-475  i  ;  il  est 
évident  que  le  lythme  va  s'accélérant  et  s'enfiévrant  peu  à 
peu  (comme  dans  le  commos  de  VAgamemnon,  1448-1576). 
Pourtant  il  semble  qu'il  y  ait  un  léger  ralentissement  pour 
Tunisson  tlnal  (466-475,  logaèdcs). 

1*^'  stasimon,  585-652  : 

Les  deux  premières  strophes  sont  de  rythme  trochaïque 
(à  peu  près  pur).  Les  deux  dernières  sont  des  iambes 
])urs.  Le  rythme  suit  la  même  progression  que  dans  la  parodos 
de  VAgamemnon  (160-257). 


LES  rJIOÉPIIORES 

Anapestes,  722-72U  : 

Les  vrrs  71'.)-721  iii(li«|iniil  chiirtMiient  »jue  I<"S  suivants 
sont  |»rononcés  par  le  Clwi'ur  entier.  Le  système  722-729 
est  donc,  une  prière  psalrnodii'c  à  l'unisson  par  tous  h*s 
clioreutes  et,  en  raist)n  nuMur  de  la  laicté  de  ce  mode  de 
récitation,  l'eiïet  devait  en  ôtre  particulièrement  saisissant. 

2'  stasimon,  1H:\-KM  : 

Le  texte  est  très  altér»'.  l'ouï  tant  les  sli()|)lit's  sont  nrllc- 
ini'Ut  trorhniqucs  (la  dernière  est  en  Iroclurfi  purs).  Les 
èç'j{ivia  commencent  Inus  pai-  des  inniijin's  (aux  vers  800 
et  S()7,  \niv  —  a  probablement  la  nit'iiie  valeni-  rytlnniiiue 
(|iie  uu ). 

3    stasimon,  9:LS-972  : 

Durfimiaqttas  mt^lés  de  (juebjues  inmhr^;. 

Anapestes,  I(H)7-1U09  et  1018-1020  : 

Il  est  im|»ossible  d'y  voir  des  si/stèmca  anapesitiques  oïdi- 
niires  récités  pai"  le  seul  (ioiypliée.  Ce  sont  des  anapestes 
li/rùiucs. 


i3 


LES  EUMÉNIDES 


Parodos,  14;M77  : 
îambo-dochmlaques. 

Epiparodos,  255-275  : 
lambo-dochmiaqiies, 

1"  stasimon,  321-396  : 

La  première  strophe  est  trochaïque ;  mais  le  mouvement 
est  retardé  par  de  nombreuses  tenues  qui  donnent  ici  au 
rythme  un  caractère  violent  et  heurté.  La  seconde  et  la 
troisième  sont  dactyliques;  la  quatrième  iambique.  Tous  les 
içjtxvia  sont  péoniques.  —  Le  rythme  v'ujoureiix  et  arjresfiif 
au  début,  alors  que  les  Furies,  invoquant  la  Nuit,  reven- 
diquent leurs  droits  sur  Oreste,  s  élargit,  quand  elles  rap- 
pellent les  décrets  divins  qui  leur  ont,  de  toute  éternité, 
fixé  leur  rôle  de  justicières,  se  précipite  enfin  quand,  s'ani- 
mant  elles-mêmes  au  souvenir  de  leur  puissance  redoutée, 
elles  chantent  Teffroi  qui  les  isole  des  hommes  et  des  dieux. 
A  chaque  refrain,  elles  enveloppent  leur  victime  d'une  danse 
sauvage. 

2«  stasimon,  490-565  : 

La  progression  est  à  peu  près  la  même  que  dans  le  stasi- 
mon précédent.  Les  deux  premières  strophes  sont  trochaïques 
(plaintes    et  menaces).    Quelques    dactyles  se    mêlent   aux 


LES  EUMfiNIDKS 

traclift's  dans  la  lroisi«'iu(;  (graves  Icrons  iiioraI«;.s).  La  <jua- 
lii«'me  sliopho  est  iambitiue  (<'XtMnj)le  «le  litniuc  frappr  par 
les  dieux). 

1"  commos,  778-891  : 

l.;i  pieinièie  .sli()|)li«'  est  d'abord  iaïuhitiur  :  à  la  lin  iiilci- 
vitMincnt  des  él»'*rnents  hacc/iiatiues  t-l  dochiiiitujues.  Dans  la 
secoudi'  strojdie,  les  dovlnnuuiucs  domiiiciit.  Allit'iia,  Irrs 
caliiir,  rôpond  en  trimètrcs. 

2    commos,  '.M0-l(i2()  : 

(l'est  un»' .sn''ne  i1«î  l'iM-oncilialion  :  rt)pj»osilion  du  fliant  «*t 
de  la  jtarole  s'atténue.  AtluMia  réelle  au  son  de  la  llùte;  les 
Krinyes  chantent  (strophes  trorhah^ites  ;  quelques  éléments 
(l(i(l!/ti<iucs  dans  les  deuxième  et  liciisième  strophes). 

Exodos,  lo;{2-i047  : 

hitrdjics  (sauf  le  deiiiitr  î^juv.ov,  (|ui  est  formé  d'un 
/mniiiiuijue). 


I 


NOTKS 


AGAMi:\L\ON 


l.  Mêv  s'opposo  à  Ka*  vJv  du  vors  8  '  j(ii  hrnu  implorer  len 
(licu.r...  vir  roici  tniiJDins... 

;».   Kai,  et  noldiiniiriit ,  <.>^ns  l'r«''(juonl  du  iii"l  ;  cf.  Tnurnicr, 
nrrtir  dr  nhiloloi/ir,  [HH'A,  p.  I.'IO. 


6.    'ICazpsnovTa:,  ii-'inuiit  :  cl".  Choi'p/i.,  '.\Y^('t. 

12.  NuxTÎTîXaYxto;,  gia*  /a/f  errer  la  nuit:  cf.  330  et  Chorpli., 
î)2r),  751.  I.o  mot  ost  pxpliqin''  par  les  doux  «''pitliMos  (|ui 
suivent:  le  Veilleur  ne  peut  rester  sur  sa  couche  parce  qu'ello 
est  svopoTo;  et  oveîpon;  oùx  in'.jzorouaivrj. 

I i.  'lOarjv.  Ainsi  plac^  en  rejet,  le  mot  pourrait  peul-tHre 
sliinilier  :  couche  qui  n  est  iju'à  moi^  dont  fni  le  triste  privilri/e. 
Mais  il  est  très  probable  (jue  lar/;  n'est,  en  réalit»',  ijuune 
l'aulr  (lu  copiste,  entraînée  par  ejvrîv  du  vers  précédent. 

22.  Nj/.to;  est  à  dessein  raj^proclir  dr  f.aésr.a'.ov.  Cf.  !i22. 

6îi.  Les  batailles  t|iii  pii'ludent  à  la  prise  de  Troie  sont 
tomparées  aux  sacrifices  qu'on  offre  aux  dieux  avant  une 
grande  entreprise  pour  en  obtenir  le  succès  (npoT£/.£'.ai  :  la 
victoire  s'achète  des  dieux  |>ar  des  hécatombes  humaines. 


NOTES 

lOi.  Ln  U'.xUt  ne  .s<;iiil»l«'  p.is  all«''ré  :  cf.  Arislopliano,  firm.y 
1270.  KpocTo;  aVaiov  sigiiilie  \)(mi-HiG  la  puissance  prophctùjw, 
c'est-à-dire  les  présat/cs  puissants,  inf'aiUihlcs.  (Veal  une  figure 
(le  style  familière  à  Eschyle. 

105.  Le  mot  èxteÀj'ov  doit  s'entendre  non  au  sen.^  moial, 
mais  au  sens  |)liysi(|U(:  :  i/nh-,  viyoureux.  Le  Chœur  pense  à 
lui-même  ;  il  n'est  plus  è/.TcÀr;;  et  ne  peut  payer  sa  dette  à  la 
patrie  (cf.  72,  àTÎtai),  mais  il  peut  du  moins  —  et  c'est  là  le 
rôle  qui  lui  convient  le  mieux  (xjpio;  e-ai)  —  chanter  les  pré- 
sages qui  accompagnèrent  le  départ  des  guerriers.  Sa  force 
à  lui  (àXxâ),  c'est  l'autorité  que  son  âge  (tjijl^'jto;  atoW)  donne 
à  sa  parole.  Les  mots  [j.0A7:ày  àX/.âv  supposent  une  antithèse 
dont  le  second  membre  n'est  pas  exprimé  :  force  de  mes 
chants,  qui  a  remplacé  la  force  de  mes  membres. 

120.  Litt.  :  arrêtés  dans  leur  dernière  course.  J'ai  suivi  l'inter- 
prétation du  scholiaste. 

132.  Litt.  :  le  grand  frein  de  Troie.  Les  mots  aToaT'oOîv  olV.ro 
n'ont  pas  de  sens,  la  conjecture  ;ïapoi9ey  olV.o^v  n'est  guère  satis- 
faisante, et  la  correction  généralement  admise  oIV.to)  ne  suf- 
fit pas  à  guérir  le  passage. 

151.  "ABaiTov,  un  sacrifice  après  lequel  les  restes  de  la 
victime  ne  serviront  pas  à  un  banquet. 

152.  Où  Ssiarjvopa.  Le  Sacrifice  d'Iphigénie  est  personnifié 
par  le  poète  et  devient  le  Vengeur  :  c'est  lui  qui  frappe  Aga- 
memnon  par  la  main  de  Glylemnestre. 

163.  J'ai  pris  quelque  liberté  avec  un  texte  obscur.  Le 
mot  rpoaE'xâaai  semble  amené  par  la  formule  Zsj;  ojti;  -ot' 
èaTÎv.  Si  Zeus  pouvait  se  comparer,  s  identifier  avec  d'autres 
divinités,  on  pourrait  l'invoquer  sous  des  noms  divers,  il 
serait  -oÀj(Ôvj|j.oç  comme  d'autres  divinités.  Mais  il  n'en  est 
pas  ainsi  de  Zeus,  et,  si  tout  vain  souci  doit  être  rejeté  de  f  es- 
prit, le  poète  affirme  que  celui-ci  est  vain  entre  tous  qui 


A(iAMKMNC)\ 

j'attacho  à  chorchor  d'autres  noms  à  Zens,  car  Zens  n'a 
l'autre  é^al  que  lui-même.  Il  estasse/  picjuaiit  de  rap|iroclier 
le  ce  passage  un  curieux  fragment  (lité  par  CJément 
[d'Alexandrie,  Stromates,\,l[S)  dans  leifuel  Kschyle  identifie, 
LU  contraire,  Zeus  avec  l'Klher,  la  Terre,  le  (]iel  et  le  Tout  : 

Zsû;  £7Tiv  a'Or,&,  Zcj;  oï  yf;,  ZeJ;  ô'  ojpivo;, 
Ztj;  TOI  Ta  navra  yt!i':\.  twvo'  OrspTepov. 

lt)G.    'l'jTrjTjixf.);   me  semMe  signili<'r  iri  :  /tour  se  conforincr 
ta  vêritéy  exactement  comme  àXr/Jo);,  Eumcn.,  796. 

18.")-i86.  L'accent  du  Clneur  est  sarcaslitiue.  —  La  phrase 
est  interrompue  parla  proj)osition  eut'  àrXoîa  z.t.a.  (|ui,  apr«''s 
untî  longue  parenthèse  Tzvoa-  o'  (^  102-1 '.)6;,  est  encore  repiise 
au  vers  \\)1  par  èret  6£  x.t.X.,  si  hien  (jue  l'ajxnlose  que  l'on 
atlcnd  :  alors  pourtnnt  il  sr  révolta,  est  remplacée  [)ar  la  j»io- 
position  llnale  (202)  :  «oaTe  /Oova  /..  t.  X. 

220.  Litt.  :  Un  rcvirrmctit  par  suitr  (hninct  il  n  nnon  nuiinlc- 
nmit  ((JL£-:£Y^''0  '^*'  sentiments  (Tune  (Uidace  prrte  a  Initt . 

'l'.V).  Il  ne  |)rut  s'agif  ici  du  siinn  *!''  l'i  j'Uiif  lillr.  Nous 
n'en  son) mes  pas  encore  au  moment  on  Iphigénie  est  frappi'-e, 
mais  à  celui  où  elle  va  l'être,  et  cette  strophe  n'est  pas  un 
rt'cit,  mais  un  tahleau  ;  la  vierge  tout  k  l'henie  était  portée 
;\  l'autel  e/<rt7o/);j<'e  de  ses  voiles;  maintenant  ve.s  voiles  smit 
tondfcs  et  l'armée  voit  alors  ses  yeux  (jui  implorent  la  pitié  et 
sa  bouche  impuissante  à  parler. 

2VI.  Le  texte  giec  dit  seulement  :  .se  j)rrsenlant  comme  dans 
les  peintures^  (c'est-à-dire^  voulant  parler,  sous-entendez  : 
(7  ne  le  pouraiit  pas.  La  haduiljoii  :  «  helle  comme  dans  les 
peintures  »,  admise  par  tous  les  trailurlenrs,  semide  faire  de 
-^Ar.o-jix  un  é(]uivalent  de  su  rrpinojii,  ce  qui  n'e^t  guère  vrai- 
semblable. L'idée  de  heauté  est  d'ailleurs  étrangère  an  pas- 
sage :  la  situation  n'est  pas  la  même  qur  dans  lireuhe,  où 
Polyxène  déchire  sa  robe  et  montre  "  sa  beauté  de  statue  >». 


NorKS 

Escliylf;  no  voit  (mi  l|)tii^'('*nie  que  des  Icvrcs  et  des  yeux  <'*pou- 
vaiit('!S  et  suppliants. 

242.  'Enîî  <i  parfois  en  grec  le  môme  sens  emphaliquo  rjue 
le  français  alors  que,  après  que.  Cï.  Pindare,  Pijffi..,  XI,  .'{.3  : 

l'/.fov  /po'vf»  xÀuTaï;  Iv  'A(Ajy.Xai;, 

(jLocvriv  t'  oXeaîE  xôpav,  ersî  àrxjp'  'F^Xsva  r-jp'jiOÉvt'ov 

TpHKov  eX-JTS  oo'xo'j;  a^poTatoc. 

E^  cVs^  /mi,  /e  héros,  /ils  cVAtrée,  qui,  après  avoir  ruine  pour 
Hélène  les  maisons  de  Troie  incendiée,  vint  ensuite  périr  dans 
l'illustre  Amyclées  et  entraîner  dans  sa  perte  la  vierye  prophé- 
tcsit.c  ! —  Le  mot,  dans  ce  cas-là,  implique  une  antithèse  : 
dans  les  vers  de  Pindare,  entre  la  gloire  guerrière  d'Aga- 
memnon  et  sa  mort,  indigne  d'un  soldat,  à  son  propre  foyer; 
dans  les  vers  d'Eschyle,  entre  les  jours  où  les  lèvres  d"Iphi- 
génie  s'ouvraient  pour  chanter  joyeusement  son  père  et  la 
minute  cruelle  oii  ces  mêmes  lèvres,  fermées  par  un  haillon, 
ne  peuvent  même  plus  supplier. 

251.  Je  n'ai  pas  pu  rendre  la  familiarité  du  texte  grec: 
jusque-là,  bonsoir! 

254.  Ajyaiç,  la  lumière  de  la  réalité  à  venir  :  cf.  1182. 

264.   'H   -apo'.[j.'!a.   Ce  proverbe   équivaut  à  notre  dicton  : 
«  Tel  père,  tel  fils.  »  Nous  n'en  connaissons  point  la  formule 
grecque,  mais   l'idée  s'en  retrouve   ailleurs   chez  Eschyle  : 
voyez,  par  exemple,  760  et  771.  Le  jour  doit  être  sjavvcÀoç     j 
parce  qu'il  naît  d'une  mère  eù^po'vr,.  ' 

276.  "A;:xepoç,  mot  obscur  que  le  scholiaste  interprète  par 

[(jôr.'zpoç,  y.o-j^r\. 


304.  0£a[xàv...  -upôç,  litt.  :  la  loi  du  feu,  c'est-à-dire  le  signal 
de  feu  convenu. 


i 


Ai.AMKMNON 

314.  \a'  vjiirujucui',  aux  l^aiiipadodroiiiics,  riait  natiiicl- 
lemont  1»*  fn-finin-  aiiivô  ;  mais  il  «Hait  Iiii-rn«Mii»,'  le  (Irmirr 
|o  sa  tribu  à  porter  la  toiclu'  :  il  arrivait  donc  au  but  à  la  ft»is 
Vrinirv  ri  (Icrnirr.  —  (i'csl  la  plus  satisfaisautt'  (1rs  ««xplica- 
licMis  proposées  pour  ce  vrrs  obscur.  CA'.  l'oucirt,  lin  ur  dr 
V/iilolixfir,  [H\)\}. 

3i:'».Tix|iap.  Clyteuiuestre  repieml  le  nn»!  du  Cory|)bée,  272. 

A'.W .  \a'  texte  des  uiauuscrits  parle  du  rr/ttis  du  utufin  des 
lerriers  (àptatoi'j'.v,  avec  a  lon^l.  Mjiis  le  luid  Te-,  ajout»'  |tar 
eil,  fait  de  àpiaioiaiv  (avec  a  bref)  un  adjectif.  La  coriection 
pend  d'ailleurs  [)lus  coinprébensible  le  grnitif  ^)v. 

347.  Le  texte  d«'s  manuscrits  est  \i^M6  :  la  conjecture  zr, 
iTeû/oi  pour  (xf,  Tvi/oi  nr  l'améliore  guère. 

3;iO.  Le  vers  est  à  double  rulriitc.       J'ai  cber»  hr-  àjustilier 
[par  ma  traduclicui  le  tt|v  des  manuscrits.  La  coriection    Trjvoe 
fausse  et  alTaiblil   le  sens. 

356.  Wilamowil/  rnt»'nd  /.Teârsipa,  (jiti  /h>ssi'd<\  et  ixcyâXfDV 
Ixôajxfov,  les  s/)/ntdciirs  dr  lu  nuit  rtoUrc.  Mais  ce  sont  là  des 
lidées  étrangères  au  thrmc  h/ri(jur  du  passage.   Il  fmtt  donnei- 

x'ii'i'.yr  le  sens  de  cnuifucninfr. 

307.  Lin.  :  Us  (lesTroyens)/v//'7';j/ rf/;r  ç«r  c'rs/  hi  un  roup 
Ir  Zens  :  il  Irur  est  rritcs  facile  d'rii  suirrc  la  pisir  Jusi/u'aii 
ioint  dr  départ:  ils  ont  ètv  traites  ronnnc  [Zctts]  en  avait  dc- 
*idc. 

374-37!).  Les  mots  n'ont  au<  un  >>t'ns.  mais  l'idée  uénérale  se 
laisse  entrevoir. 

383.  Le  texte  des  manuscrits  est  très  obscur  et  certaine- 
lent  altéré.  J'ai  cru  voir  dans  le  texte  une  alliance  d»» 
lots,  comme  Escbyle  les  aime,  entre  |3'.àTa'.  et  ri'.Oc».  Le 
)ropre  de  cette  pcr.s»/^.s/o/j  étrange,  c'est  d'agir  parla  îio/rwc/*, 
î'est-à-dire   par   le   contraire    même  df  la  persuasion.   Lu- 


NOTES 

tondez  (|uo  IV;^,irornont  envoy»*  par  les  dieux,  Al*'*,  se  pré- 
sente sous  des  defiors  peisuasifs  '^ici  eeux  de  lamoui)  et, 
en  réalité,  s'empaie  de  vive  foice  du  co'ur  de  l'homme,  (pielle 
dirige  ensuite  à  son  gré  comme  un  tyran.  J'.ii  fnten'ln  |»ar 
suite  le  mot7:po^>rjÀo:,  malgré  Tusage,  mais  d'après  l'étymolo- 
gie  :  .se  Hiibsliluant  à  la  volonti'.  Mais  je  reconnais  (jue  ce  sens 
est  fort  incertain,  et  le  mot  lui-même  est  d'ailleurs  conjec- 
tural :  les  manuscrits  ont  roooojÀona-ç,  qui  n"a  point  de  sens 
connu  et  qui  fausse  le  mètre. 

390-395.  Il  s'agit  de  Paris  qui,  pour  satisfaire  un  caprice 
amour^eux,  a  perdu  sa  cité. 

412-413.  Le  sens  de  ces  deux  vers  altérés  ne  se  laisse 
même  pas  deviner  avec  quelque  vraisemblance. 

416.  E'j[j.op©ojv  xoÀoaaôJv.  Il  s'agit  des  statues  d'Hélène.  Klles 
ont  bien  la  beauté  du  modèle,  mais  leurs  yeux  de  pierre 
n'ont  pas  le  charme  amoureux  des  rer/ards  vivants. 

437.  Le  texte  dit,  littéralement  :  Ares,  chan'jcnr  d'or  de 
cadavres,  c'est-à-dire  :  changeur  d'or  d'un  nouveau  genre, 
qui  est,  en  réalité,  un  changeur  de  cadavres.  C'est  une  figure 
de  style  dont  Eschyle  use  et  abuse.  Citer  ici,  comme  le  fait 
Blaydes,  Priam  rachetant  le  corps  d'Hector  suppose  un  con- 
tre-sens :  Ares  qui  rend  les  cadavres  contre  une  ramon  d'or. 

444.  EjÔétou;,  sch.  :  vjoxi-xy.-oj;.  — Cf.  Corneille, /a  Mort  (!<■ 
Pompée,  II,  2  :  «  Dans  quelque  urne  chétive  en  ramasser  la 
cendre.  » 

454.  Eschyle  oppose  les  guerriers  enterrés  qui  dans  la  terre 
conservent  forme  humaine  (£j;a.opço'.)  à  ceux  qui  ont  été  brûlés 
sur  le  bûcher  funèbre. 

409.  ''Ocjcro'.ç  est  un  mot  altéré,  mais  le  sens  général  n'est 
pas  douteux. 


i 


AGAMEMNON 

iS.{,  Tuvotixô;  l'./iii,  un  i/nuirrneinrut  ilr  frimnr  :  cf. 
Ch(,r/ili.,  iVM). 

\H','t.  Ilt'i  iiiaiiii  tr;i(iuisail  ô  OtjXj;  ô'oo;  \)iii-  <h'<rrhait  inidii-lnc  : 
mais  cft  sons  va  mal  avec  ;:iOavo;  et  surtout  avec  èîrtvéfjieTai 
ta/ûropoç.  Si  les  mots  o  Of^Xu;  opo;  ne  sont  pas  altérés,  ils  ne 
[H'uvcnl  signifier  (|Ut'  In  ilèfinidon  fémininCj  c'ost-à-diro  la 
femiiic,  /)(ir  (trfinition  ;  l'inslinct  nulurcf  de  la  frniinr.  Quant  au 
verl)e  £;:iv£ji670xi,  il  se  dit  étymologiquemeut  d'un  troujicau 
«jui  TV/  paitro  au-dclmle  son  cliam|>  :  d'où  le  sens  liiîuré  qu'il 
semble  avoir  ici,  dépasser  les  limites,  exaijèrer. 

.'li-2.  Lilt.  :  A  ce  que  je  vois  (à  (;n  .jut,'er  |)ar  la  joitî  que  lu 
r|>rouves  à  revoir  Ari^'os),  vous  sentiez  les  atteintes  de  notre 
(lou.r  mal  (celui  dont  nous  souffrions  aussi). 

M'rl.  Le  texte  est  plus  iiu'iiiceilain. 

wk.  572.  Le  datif  Tjaçopai;  ne  permet  pas  d'autre  sens  que  celui 
que  j'ai  donné.  Mais  la  conjecture  Tj|x^ooâ;  est  à  peu  jnès 
ceiiaine. 

.'iUi.  rjva'.Xî'».)  vo|i.t.).  Ces  mots  sont  ironi«jues;  sous-enten- 
(jez  :  pour  parler  comme  vous  (cf.  483).  C'est  l'explication  de 
\\eil,la  seule  possible  avec  son  texte,  qui  est  aussi  celui  des 
manuscrits.  Mais  il  y  a  évidemnieiit  une  altération,  car 
Yjvaiy.ïto;  vojxo;  ne  peut  évidemment  désit^ner  que  le  cri  rituel 
(les  femmes  dont  le  Veilleur  a  déjà  parlé  iv.  28).  C'est  dansée 
•  Mis  (ju'il  faut  cbercber  une  correction.  Celle  de  Wpcklein, 
^jjx'.y.zloi  voaoi,  est  séduisante;  mais  la  lin  de  la  jibrase  reste 
difficile  à  construire. 

tlDT.  K'>'.;i.(ôv:£;.  Sous  la  caresse  de  l'huile  pieuse,  la 
llamme  jaillit  avec  violence  (cf.  92  sqtj.)  :  les  piètres  (èv  Oéôjv 

;.ai;)  s'appliquent  à  endormir,  à  rèi/ler  sa  fougue.  —  Ce  vers 
ne  me  semble  pas  corrompu,  mais  une  altération  n'est  pas 
douteuse  dans  ce  qui  précède  :  la  «onstruclituj  générale  de 
la  phrase  est  indécise. 


NOTKS 

01  I.  l/(''|tiLln';l<î  ir.>.'\>(r(()^  se  rappoitf;  à  Tiv}tv  aussi  hifMi  '|u'<i| 
çocTiv,  le  plaisir  et  h'  renom  mf'amntits  (jui  viennrnt  /mr  le  fait\ 
(Vun  anunit.  Mais  \(-.  tf^\l(;  doit  ôtro  alt(';ré.  Le  mot  ojoi  faitl 
plutôt  attondro  :  ja  n'ai  jdiii'ils  eu  de  commerce  coitfKihh;  ni\ 
môme  de  conversation  avec  un  autre  homme  que  mon  cpou.r.  En 
l'étatactuol  du  texto,les  motsgrecsne  se  prêtent  pas  à  ce  sens. | 

012.  Ces  mots  semblent  une   expression  proverbiale,  pourj 
désigner  quelque  cliose   d'invraisemblable  ou  d'impossible 
on  teint  des  étoiles,  non  de  Fairain. 

615.  On  peut  traduire  littéralement  :  Cette  femme,  pour  toi 
qui  prend  son  discours  tel  quel  (out'o;),  s'est  exprimée  au  moyen 
de  clairs  interprètes  et  comme  il  convenait.  Mais  le  texte  est 
bien  douteux. 

642.  Ce  double  fouet  d'Ares,  c'est  la  guerre  et  la  peste. 

714-715.  J'ai  lu  avec  Wilamowitz  :  Àaarpôj;  r.o/.jOoT,vov 
zaïtova,  «pîÀojv  TûoXttav  x.  t.  À.  L'adverbe  Xau-pw;  se  Jusiilie  par 
Sophocle,  (Ed.  Roi,  186  :  Ila'.àv  o;  Àaa-c'.,  Les  mots  zatoiva 
-oXuôprjVov  forment  une  alliance  de  mots  :  cf.  64'j  et  Choéph., 
151.  —  La  construction  de  la  phrase  reste  d'ailleurs  embarras- 
sée et  la  répétition  de  roÀjOprjvov,  à  cette  place,  assez  éton- 
nante ;  mais  les  images  et  les  idées  sont  bien  dans  le  goût 
d'Eschyle,  et  c'est  ce  qui  j)eut  suffire  à  un  traducteur. 

719.  'AyccXa/CTov  (ou  mieux  àYaÀa/.Taj  doit  être  entendu  au 
sens  de  ô;xoTit8oç  D'où  l'excellente  conjecture  oiXopLâTtoiv  pour 

Ç'.ÀO{JLacJTOV. 

742.  '0[J.jjLâTojv  [iiÀo;,  trait  qui  vise  aux  yeux,  plutôt  que 
trait  qui  part  des  yeux  :  c'est  la  beauté  d'Hélène  tout  entière 
qui  blesse  du  trait  d'amour  ceux  qui  la  voient,  mais  c'est  par 
les  yeux  que  la  blessure  pénètre  en  eux.  Le  poète  accumule  | 
selon  son  habitude  les  épithètes  ou  compléments  qui  doivent 
définir  ce  trait  d'un  nouveau  genre  (voyez  la  note  au  vers  437  : 
c'est  un  trait  de  volupté  et  non  de  douleur,  un  trait  qui  vise 
aux  yeux  et  non  aux  cœurs. 


ACAMK.MNON 

7V8.  Ilo'xrà  doit  se  pri'iulio  au  s<'MS  tit'S  |>r»''ti«;  dr  ((ntduilr 
ih'  1(1  fitincrc  parle  père,  le  frère  ou  uu  [umxIp'  |)arenl. 

SL);{-HU4.  (•^ooL'30;...  xoa'^fDv.  Clt'S  hidIs  uonl  uui  luio  l'Sprrt' 
de  sons. 

Ki;{.  ijll.  :  les  dicud'  qui  rntrndent  les  causes,  non  dupres  Ifs 
lanijues^  sous-enlendez  :  mais  (Caprès  les  ca-urs. 

H  lu.   l!jvOvf,7y.o'J7a   jrooo;,  la   ceudr»'   (jui  meurt  arec  la  cilr, 

.9311.  On  lit  généralement  la  jdirase  eoinnie  un»'  interrotîa- 
lion.  Mais  le  text»'  dr  Weil  v«Mit  ilirc  :  C'est  si  j/eu  un  erinte  que 
cest  uu'ine  un  riru  ifue  tu  aurais  pu  faire  aux  dieu.r  dans  un 
moment  de  terreur. 

i02V.   I.cs  mots  ir'  ioÀacitia  sont  ininlt'lli^ili|t'>    pour  moi. 

102G.  Litt.  :  Si  la  <lestinée  que  m'ont  fixée  les  dieu.v  n  écartait 
pas  de  ntoi  une  autre  destinée  comportant  darantaije  ic'asl-ii- 
dire  au-(h'ssus  de  la  mienne),  ou,  plus  littéralement  encore  : 
n'empêchait  pas  une  autre  destinée  de  comporter  darantaqe.  Le 
verbe  eîpYe  est  construit  à  la  fois  avec  un  accusatif,  ;xoi!pav,  et 
un  infinitif,  txr;  rXÉov  çipeiv.  —  Cette  autre  destinée  est  celle 
du  devin,  tjui  peu!  traduire  les  pressentiments  dont  il  soulTi»'; 
tandis  (jue,  dans  l'Ame  du  clio'ur,  ils  sagitent  confusément 
et  la  torturent  sans  tiouver  d'issue. 


I 


il  17.  (Ml  peut  aussi  enl<'ndre  par  Ttâ?-.;  la  troupe  (cf. 
Eumcn.,',i[{)  iles  Furies  alLacliées  à  la  race  d'Atrée  (jui  s'est 
établie  dans  le  palais  :  cf.    1180-1190. 

lii>3.  J'ai  traduit  suivant  le  sens  pro[»osé  par  Weil  pour 
conserver  le  texte  des  manuscrits.  Mais,  en  réalité,  le  pas- 
sage ilemande  une  correction.  Les  motsopOto-.  voaoi  ne  jieuvent 
s'entendre  iiue  de  cris  ait/us  (voyez  la  note  du  vers  "lO'f)  :  le 
sens  iiuuré  de  pénétrant,  clair,  est  inusili'. 

1182.  AÙYacç.  Entendez  :  »»  la  lumière  de  l'avenir  ».  Pour  ce 
sens  métaphorii[ue  île  a-JY^i,  cf.  iWk. 


NOTES 

1187.  l'iio  lioupc  (l«î  fAto  (/.(^iaoç;  rliaiiLf  <l<'s  niihudas,  hoit 
du  rin  pour  se  donuLT  de  l'audace  et  traicrse  les  maisons 
sans  s'y  arrêter.  Celle-ci  chante  des  imprécatiotiH,  s'enivre  de 
saïuj  vA  'Ai'tdhlil  dans  la  maison  qu'elle  a  choisie. 

1202  6/.S.  «  [.e  Chœur  demandait  sans  doute  le  motif  de  cette 
faveur.  .;  (Weil.) 

1204  bis,.  <(  Cassandre  disait  peut-être  qu'elle  avait  «Hé  in- 
sensihle  à  la  recherche  de  plusi(;urs  prétendants.  »  (Weil.j 

12G:j.  Elle  est  adultère  cl  tue  par  Jalousie  :  voilà  le  sens 
général  de  cette  longue  période  un  peu  surchargée. 

1319.  J'ai  vu  en  ouaoâaapTo;  un  nominatifà  cause  de  l'ana- 
logie avec  des  mots  comme  /a/y.âpij.aTo;  (Pind.,  l'yth.,  IV,  87). 
Le  mot  àvBpo;  n'appelle  d'ailleurs  aucune  épithète,  tandis 
que  àvTÎp  peut  en  avoir  une  qui  explique  T.ior,. 

1324.  J'ai  lu  avec  Weil  :  toI»;  -ol-oô;  T'.;j.aopoj:  /p^'^;  yovcù?'. 
TOtç  è[j.or;  TÎveiv  ojjlou...  x.  t.  À. 

1330.  J'ai  interprète  un  texte  vague  et  peut-être  altéré. 

1340.  J'ai,  après  Hermann,  entendu  £-'.x.paîv£'  au  sens  de 
causer,  provoquer,  qui  convient  au  contexte,  mais  qui  est 
contraire  à  l'usage  et  fort  douteux. 

1470.  Kpato;  '!aO'}j/ov  èx  yjva-.xojv  équivaut  à  xpâto;  ix  yjva'.xàiv 
îaot|;u/(ov.  Il  s'agit  de  Clyteranestre  et  d'Hélène. 

1496.  ï^e  texte  est  obscur  et  peut-être  mutilé.  J"ai  inter- 
prété les  mots  £x  /epoç. 

1511.  Le  texte  est  sans  doute  altéré.  On  entend  générale- 
ment (jT.oi  8s  xai  -pooaîvfov  comme  s'il  y  avait  :  -pooa'vojv  ôè 
o-oi  av  xa-.  -po6^,  et  l'on  compare  le  vers  1371,  où  la  construc- 
tion est,  en  réalité,  toute  différente. 

1527.  Le  premier  a^.a  est  pris  activement,  le  second  passi- 
vement :  cf.  Euménides,  435. 


A(.AMKM\(»N 


1î)3"».  I.e  texte  grec  semble  pouvoir  se  traduiii;  litlt'rale- 
ment  :  La  Justice,  pour  un  initrr  crinu'  (Tipàyfxa  jîlXatÇr);),  aùfilisa 
son  épt'c  sur  (raulics  pierres  a  nujuiser  (c'est-à-dire  les  rrimes 
nnriens).  Ce  qui  signifie  pout-êtir  ;  Lu  Justice  pur  les  meitrtres 
anciens  se  prépare  à  de  nouveaux  meurtres.  Nous  avons  Irans- 
post-  rirnag»'  diflicile  h  faire  passeï  fn  lianrais. 

1601.  Zjvôixw;  a  le  iiK^iue  sens  que  ;jv  (ÇuvT'.Oeî;  àpâ). 
L)f  même  ;:avôix<ij;  équivaut  liim  Sduvcul  à  t.x^ko;,  cf. 
Clioi'ph.,i)Hi. 

1620.  EipTi[x£vov,  iitt.  :  lors(iu\l  leur  est  coinnKindé  [d'être 
sage). 

lliilH.  I.(!  mot  r.i'.r>xio[x7.'.  .sii^nilic  siinjjlciiiciil  :  jr  cuis  nic 
mettreà,i*l  n'implique  pas  la  nuance  de  d»''liancedu  français: 
f  essaye  rai  de. 

1657.  IlerptojXÊvou;.  Elle  songe  surloul  au  palais  d'Aga- 
memnon  où  Égisthe  va  rentrer  en  niaitir. 


14 


K 


LUS  CIIOÉÏMIGHES 


1.  Aristophane,  dans  les  Grenouilles  (1126  sqq.),  donne 
doux  explications  de  ce  vers.  I.a  première,  proposée  ji.ir 
Euripide  :  la  cictoirc  remportée  sur  mon  pure,  est  évidemment 
fausse  :  on  attendrait  alors  ir.oK'fjioL;  plutôt  que  è-o-teÛ'ov. 
—  La  seconde,  proposée  par  Eschyle  :  le  poucoir  (pir  ton 
père  Va  confié,  n'est  qu'une  plaisanterie  d'Aristophane  : 
Eschyle  ne  comprend  plus  son  propre  texte.  (Comment 
entendre,  en  eflet,  -aipoia,  que  tu  tiens  de  ton  père  ?Ce  sens 
ne  serait possihle  que  s'il  s'agissait  d'un /)<7/////<o</tr  légué  tout 
entier  par  un  père  à  son  fils.  Mais,  pour  désigner  une  mis- 
sion particulière  confiée  par  Zeus  à  Hermès,  l'expression 
serait  étrangement  concise  et  obscure.  —  Il  est  d'ailleurs 
évident  que,  dans  la  bouche  d'Oreste,  le  Vengeur,  le  mot 
Tûatptoa,  au  premier  vers  du  drame,  ne  peut  se  rapporter  qu'à 
son  père,  à  Agamemnon,  seule  pensée  du  (ils  voué  à  l'o'uvif 
de  vengeance.  Or,  dans  ce  cas,  l'expression  ne  peut  signifier  : 
le  royaume  infernal  où  est  maintenant  mon  pjère,  à  moins 
qu'Agamemnon  ne  fût  roi  des  enfers,  ce  qui  n'est  pas 
(cf.  3')8).  —  Elle  ne  peut  davantage  s'appliquer,  comme  le 
voudrait  Wilamowitz,  à  la  personne  même  d'Agamemnon, 
roi  ton  (-puissant;  car  Agamemnon  n'est  qu'une  ombre  san- 
force  et  sans  pouvoir,  lant  qu'on  n'a  pas  chanté  le  thrène 
sur  la  tombe  (cf.  326,  note).  —  Il  ne  resie  donc  de  possible 
que  le  sens  que  J'ai  adopté.  Hermès  infernal,  messager  des 
vivants   et  des  morts  (cf.  165j,  est  le  gardien   naturel  des 


r.Fs  r.Hor^.pFîoRKs 

liKiies  laissés  vitlt's  par  la  m<»il.  Il  est,  en  outre,  le  dieu  des 
vengeances  traîtresses,  i|ui  guidera  le  l>ras  d'Oreste  (cf.  728, 
812  sq.|.  el  ilVri  sipi.^. 

'.i.  Il  est  probablt'  i\w  la  pliras»'  est  iiilurioiapue  et  ijue  le 
verbe  xaTÊp/oaa-.,  ijui,  tlaiis  Aristophane  {Grcn.^  11^*),  ne 
semble  à  Euripide  «ju'mji^  irpétition  ridicule  de  f,xfi),  était 
suivi  d'un  prédicat,  par  exemple  :  A7  /'//  rmlrr  him  drridé 
(àf6/v(T);...  naoccrxEja^jAivo;)  à  rrcoiiifiirrir  }Kir  In  forer  le 
trônr  de  iinni  fX'rc. 

32.  *l>o6oç  est  une  correction  nécessitée  par  le  mètre  et 
choisie  à  cause  de  l'épilhète  ôpOo'Ov.;.  Mais  la  présence  d«'S 
mots  r.ici'.  çoÇ».>  dans  la  même  phiase  reiul  cette  conjecture 
bien  impr(d>al)l«'. 

01  sqij.  Le  porte  semble  distinguer  les  cou|tables  ijui  sont 
atteints  par  le  châtiment  en  pleine  prospérité  et  ilans  la 
force  de  l'àiie,  ceux  <|ui  ne  sont  frappés  qu'au  déclin  de  la  vie, 
et  ceux  enlln  «jui  entrent  dans  la  mort  sans  qu'on  ail  vn  la 
vengeance  divine  s'aballre  sur  eux.  Mais,  pour  ceux-là,  le 
ch.Uiment  existe  pourtant,  c'est  le  r«Mnords  (jui  les  torture 
sans  Irévi^  :  cf.  r>U  et  la  note,  i.a  même  idée  se  retrouve  au 
vers  lOO'.i. 

03.  Litt.  :  l'our  d  autres,  des  clidtinicnis  (/tii  se  font  attendre 
Qerment  dans  le  rni/ainne  cn-pasculnire.  On  ne  peut,  même  lit- 
téralement, traduire  les  héllénismes  de  celle  phrase  :  -à.  oè, 
litt.  :  (rautres  choses,  cesi-ii-iWiepotir  d'antres, des  choses,  etc..  ; 
£v  {XéTai/[iî«»>  axoToy  |Aive'.,  litt.  :  dans  le  ponntir  roisin  de  l'nnilne, 
c'est-à-dire  le  rréjnisrtile  :  |jL£Ta'./;A'».>  ixotoj  ::=i  jjLÊTai/ »/.{(.»  axoToy 
y.x:  fotoj;,  ellipse  c«)uiante  en  giec  avec  les  mots  cjui  désiunent 
ce  qui  est  intermédiaire  entre  ileux  choses.  —  Le  texte  de 
tout  ce  passage  est  extrêmement  douteux.  Le  Mediceiis  ter- 
mine le  vers  64  par  0L/r^  |3&J£'  L'un  des  (b'ii.x  mots  est  de  trop 
|iour  le  mètre.  Or,  [îpJr.  semble  venir  du  vers  70  a|)rès  le(juel 
les  mots  ToJ;  ô'  axpavTo;  ï/n  vjÇ  sont  répétés  dans  notre  ma- 


NOTFS 

niisciil,  d'où  la  correction  (1<'  l)iii(iorl  :  ;AÉvti  /povi'CovTa:  a/r, 
f)Our  ceux  qui  tardent  [à  être  chfilirs),  dca  souffrancea  leur  nont 
rc'Hervces  nu  crépuscule.  Elle  a  TavanUige  de  faire  de  (aévê-.  un 
verbe,  et  non  un  substantif  difficile  à  expliquer  ici. 

GO.  I.itt.  :  Un  mal  Irés  douloureux  remet  le  conjtahle  a  un 
autre  temps,  {mai<  de  telle  façon)  quil  abonde  eu  une  souffrance 
qui  suffit  complètement.  Il  s'agit  évidemment  du  remords, 
châtiment  de  ceux  qui  meurent  (litt.  :  arrivent  à  laplcine  nuit, 
V.  05)  sans  avoir  subi  de  cliàtiment  matériel.  —  Il  convient 
de  lire  avec  Schiitz  :  ÔiaÀYTjç  oara.  L'absence  de  liaison  ne 
s'expliquerait  pas  ici. 

75.  'AaœîrxoÀtv,  qui  a  enieloppé  ma  cite.  L'explication 
d'Hermann,  généralement  adoptée  :  qui  me  donne  deux 
cités,  est  bien  alambiquée. 

105.  Ce  vers  plat,  inutile  et  qui  commence  comme  le 
vers  108,  est  probablement  à  éliminer  du  texte. 

144.  A'/.r,v  est  une  apposition  à  toute  la  phrase  précédente. 
Il  est  inutile  de  supposer  une  lacune. 

153.  Entendez  ainsi  l'aoriste  6Xo[j.6vov  :  nos  larmes,  qui,  à 
peine  tombées,  sont  déjà  mortes  (se  sont  déjà  perdues  dans  le 
sol).  On  trouve  souvent  le  parfait  employé  de  même  :  cf. 
Aristophane,  Chev.,  54;  Plut.,  569. 

lot.  Sans  prétendre  donner  un  sens  au  texte  lui-même, 
nous  avons  entrevu  sous  les  mots  grecs  l'idée  d'un  tombeau 
rempart  contre  les  maux  (d'après  les  scholies),  capable  de 
détourner  des  âmes  pures  (xcôvwv  :  le  Chœur  pense  à  lui- 
même)  la  souillure  abominable  des  libations  versées  ,  enten- 
dez :  celles  de  Glytemnestre  qui  sont  sacrilèges  et  pourraient 
provoquer  la  colère  des  dieux  contre  le  Chœur,  qui  s'en  est 
chargé.  Mais  tout  cela  est  plus  qu'incertain. 

*206.  "0[j.ûioi,  ((  semblables  entre  elles  »  i,Mdurice  Croiset^. 


LES  CHOKIMIORES 

212.  TsXsTçopoj:,  au  sons  du  lu  lin   :  <  1",  1»M. 

238.  "OijLfxat  signifie  proprement  ce  qtnm  ro/7,  J»-  n'ai  liouv»' 
pour  !•■  traduiir  (|ue  le  mol  067V/,  si  fréquent  dans  la  langue 
iunoureuse  au  x\ii"  et  au  \viii"  siècle. 

2r43.  ^W'jH  est  un  imparfait  de  dérouverte  'comme  s'il  y 
avait  Ti-jO'  àpai  :  ///  rlnis  (Imic  iinui  frciw    «'l  jr  ne  !<•  siirtiis  /)ns]  ! 

275.  'Aro/pT,{X!XTOii'.  x.  t.  à.,  lill.  :  miporlr  /xir  ht  f'nvrnr  jnutv 
des  chdtinu-'nts  qui  ue  veulent  pas  iranjcnt^  c'est-à-dire  qui 
n'adnu'ftnit  pas  (h'  comjx'nsdtions  prruniaircs.  —  lin  aulre  sjmis 
est  possible.  Il  a  étr  proposé  par  Weil  {Hecuc  ilr  l*liilolo- 
tji(\  IHO'f,  p.  218)  :  ru  rcpnussiint  nrrr  iudif/udtinn  (litt.r//  n'ijar- 
diinl  d  un  ni/  funuufu']  des  peines  qui  consish-ruirut  siuiplemrul 
à  prirer  les  cnujuihles  de  leurs  biens.  Pour  1«'  dalif  !^r,;x'X'.;,  cf. 
Euiipitle,  Médée,  1>2.  —  Lr  sens  du  i)assage  resie  d'aillrurs  le 
même  :  la  divergence  ne  |)orl<'  (jue  sur  re.\f)li(ation  de  lépi- 
tliéte  àro/crijxâTO'.Tt. 

278-27U.  J'ai  liaduit  les  conieclun'S  de  LidiccU.  Urimxelli 
et  Weil,  en  repoilant  d'ailleurs,  pour  la  «ommodité  dr  l.i 
traduction,  Tépitliète  éc-ê-:à;  à  la  phrase  suivanli'.  —  Le  texte 
altéré  des  manuscrits  semble  distinguer  des  maux  7///  nni- 
hitient  de  In  terre  (la  famine  sans  doute)  et  dont  souIVrirait 
t»)ut  le  peuple  d'Argos,  tandis  que  les  ntnladies  seraient  rései- 
vées  à  Electre  et  à  Oreste  (en  lisant  au  vers  270  :  tâ70£  vo)v  . 

281.  'Ap/aiav  çjt'.v,  litt.  lu  nature  antérieure  ^a  la  maladie). 
Le  corps  d'Orest^*,  quoique  Jeune  et  sain,  n'en  sera  pas  moins 
dévoré  tout  vivant  par  cette  l^pre  divine.  L'épithète  àp/aio; 
ti.iduit  une  intention  analogue  (soulignée  encore  par  /.=•: 
dans  ce  passage  de  Platon  Gonjias,  r»IS  D)  :  rzpoaa-oXoyjiv 
aJTwv  xal  Ta;  àp/ata;  ixzxi;. 

2S2.    Kop^a:.  seliol.  :  Tpi/a:. 

300.  Les  mots  Oeoji  t'  ÈçeTixal  x.  t.  À.  ne  peuvent  être  des 
apj)ositions  à  Taspoi,  puisque  Oreste  vient  justement  d'écar- 
ter de  ses  raisons  d'aizir  la  nécessité  d'obéir    /.£•!  uf,  ;;£::ûiOa), 


NOTKS 

320.  F.ilt.  :  Et  cc/tciKhml  (ôjjo*'»:,  huit  de  nn^iin'j  mit-  lniiiciit(i~ 
lion  en  tcur  honneur  'pourrait  fltre  appelée  des  joies  pour  les 
Atriilea!  c'est-à-dire  pourra,  (lit-on,  plaire  uu.r  Atrides  .'  l/opla- 
tif  avec  av  traduit  iri  une  nuauc<'  de  doute  et  d'inquif'îtude. 
I.e  texte,  il  est  vrai,  est  conjectural.  La  forme  /.i/.'/.f-rj  se  jus- 
litie  par  y.szXfjo,  Soph.,  /V///.,  111). 

32»)  sq.  Le  vengeur  ne  peut  se  lever  (àva^a'vêiOa'.j  et  agir 
que  s'il  a  l'af)pui  du  mort,  qui  le  guide  alors  au  combat; 
et  le  mort,  de  son  côté,  ne  peut  lui  prêter  son  aide  que  si  un 
long  tlirèm;  chanté  sur  son  tombeau  lui  a  rendu  sa  force; 
car  la  mutilation  qu'il  a  subie  (439)  et  les  funérailles  silen- 
cieuses qui  lui  furent  faites  (430  sqq.)  lui  ont  enlevé  toute 
action  sur  les  vivants. 

331.  Le  mot  àaçiÀaçrîç,  ample,  abondant,  se  rattache  sans 
doute  à  l'idée  qu'exprimera  plus  loin  le  Chœur  (v.  510)  :  le 
mort  n'ayant  j^as  été  pleuré  au  moment  des  funérailles,  le 
thrène  doit  être  long  et  pressant  qui  rachètera  cet  oubli.  — 
Mais  Je  crois  que  to  -àv  (malgré  les  exemples  de  construc- 
tions analogues  avec  des  adjectifs)  doit  se  joindre  à  [xx-t-jt'.. 
—  Quant  à  l'expression  Tapâ<ja£'.v  yoov  (z=  Tapa/oiôr^  Yoav  yoov), 
suspectée  à  tort  par  quelques  critiques,  elle  n'est  pas  plus 
étrange  que  celle  de  Sophocle,  Electre,  123,  Tâzsiv  ol'xr<rri', 
(=  Taxspàv  oîuoiÇeiv  oitjLtoyàv).  Cf.  Ac/.,  247,  -aiàva  Tiaàv,  et  706, 
[xiXoç  tîeiv. 

349  Entendez  :  les  routes  de  la  vie,  sur  lesquelles  ils  trou- 
veront déjà  bâti  par  leur  père  un  édifice  de  richesse  et  de 
gloire  où  ils  n'auront  qu'à  entrer. 

375.  Le  texte  est  à  peu  près  désespéré.  Weil  voit  dans 
(jLapàyvTj  une  allusion  aux  outrages  (oveioetiv,  v.  495)  dont  ils 
cherchent  à  fouetter  la.  iov])eur  du  mort.  Mais  ces  ovsi^r,  ne  se 
trouveront  que  dans  la  partie  iambique  (en  particulier  dans 
492-95)  :  jusqu'ici  Oreste  et  sa  sœur  n'ont  exprimé  que  des 
souhaits  vagues.  En  outre,  le  mot  ^o-jtzoc  serait  alors  étrange. 


I,ES  niIORPIFOHES 

384.  ToxeCÎTi  est  un  |>liMit'l  il'allusiiMi.  11  int  s'agit  ijue 
(rAgamemnon. 

:{!)0-3l)2.   \.o  texte  est  désesp.'ré. 

.11)6.  I.e  participe  oa-Ça;  iloil  se  rapporter  à  Zeus.  Il  y  a 
une  anaeoluthe  semblable  à  r»'lle  du  vers  T'.H.  Voir  la  noir 
sur  ce  vers. 

U"»-il7.  I,t'  tf'xle  est  iîAté.  Mais  Titb^e  se  devine  :  les 
tît'inissenieiils  ill^leetre  iirilent  le  Clueur  ;  il  ne  i-eliouve  de 
lonlianee  (jue  (juaiid  il  entend  la  voix  inAle  d'iMeste,  (jui 
vient  en  elTet  de  |)ailei-  de  tiUrs  nhaftiirs. 

418  S(pj.  Kilt.  :  (juahliciidroiis-nous  en  rnpjx-liint,  telles 
iju  elles  sont,  les  douleurs  (jne  nous  avons  souffertes,  puisfjne 
nous  les  avons  souffertes  par  le  fait  d'une  mère  fT6y.o;jLivfi>v,  plu- 
riel (rallusiiini  :  //  est  possible  [par  conséquent  )dc  les  apaifvr. 
Mais  les  aulres  ne  s'apaisent  pas.  ('.es  autres  soullVanees,  ce 
sont  celles  dWiîameinnon.  Oreste  peut  panlonner  le  mal 
(|u'()n  lui  a  fait,  non  ctdui  (|u*t)n  a  fait  à  son  père.  —  Ma 
nicir  a  fait  de  mon  ctiur,  snus-»'ntende/,  :  par  sa  conduifr 
enrers  mon  père. 

441.  L'explication  dt'  ces  mois  est  l\ut  bien  ilunnée  parle 
scboliaste  :  le  mort  ayant  et»''  mutilé  n'a  plus  aucune  force 
sous  la  terre;  or,  son  lils  ne  peut  guère  le  venger  sans  son 
secours;  il  subit  donc  la  honte  d'être  <»  le  fils  «jui  ne  sait  pas 
venger  son  père  ». 

4t):{.  I.e  texte  est  conjectural.  Le  rhuMir  trouve  déplacées 
et  inutiles  les  plaintes  d'Electre  sur  «dle-mème.  Ces  lamen- 
lati(tns  vaines  ne  peuvent  (ju'amoHir  le  cœur  du  guerri«M'. 
(ju'il  songe  seulement  à  son  |)ère  et  descende  dans  l'arènr 
av«'C  un  co'ur  impitoyable    cf.  827  sqq.\ 

ril7.  <  >j  çoovojvTi.  J  ai  v\r  obligé  de  donner  à  ces  mots  un 
sens  précis  et  malheureusement  assez  improbable.  Mais  le 


NOTKS 

sens,  plus  conforiiK;  à  Tusa^j^  du  privé  de  sentimrut,  sf;rait  en 
conticidictidii  fonrifllc  avoc  tout  le  dramo  d'Eschyle. 

58.{.  Toù-t».  Orcste  ii»onlre  sans  doute  une  statue  (ou  une 
représentation  symbolique;  d'Apollon  placée  devant  le 
palais.  —  Le  mot  ne  peut  s'appliquer  à  Agamemnon,  si  Ton 
conserve  l'aoriste  ôpOoWavTi  :  le  mort  vient  seulement  d'être 
réveillé  par  le  thrène  funèbre;  ce  n'est  pas  lui,  c'est  Apollon 
qui  a  mifi  Oreste  dans  la  rouir  des  combats  qui  portent  Vcpée. 

028.  J'ai  suivi  rinterf)rétalion  Iradilionnelle  j)0ur  ce  vers 
corrompu. 

641.  Cette  antithèse  (conjecturale  d'ailleurs)  se  retrouve 
plus  loin,  V.  930:  r/.avîç  ov  où  /ov;  /.a-  to  \i.\  /oîfov  -âOs. 

(191.  Ces  vers  sont  généralement  attribués  à  Clytemnestre, 
probablement  avoc  raison. 

722.  Le  texte  dit  simplement  :  rivage  de  ce  tombeau, 
c'est-à-dire  :  tombeau  où  l'on  s'embarque  pour  les  enfers. 
Plusieurs  peintures  de  vases  nous  montrent,  en  efTet,  la 
barque  de  Charon  se  détachant  du  tombeau  même. 

728.  Dans  létat  du  texte,  le  mot  vj/iov  ne  peut  être  une 
épithè.te  d'Hermès  coordonnée  à  /Oo'v.ov.  Je  l'entends  donc  du 
mort:  cf.  157,  IÇ  àtxajoaç  ©psvo'ç  (du  moins  avec  le  sens  que 
j'attribue  à  ces  mots). 

793.  Le  mot  GiXcov  fqui  ne  se  comprend  bien  qu'appliqué  à 
Oreste)  indique  clairement  que  à^zî-Ui  est  une  forme  active. 
Mais  le  participe  àpa?  se  rapporte  à  Zeus.  11  va  anacoluthe, 
comme  au  vers  396. 

819-826.  Le  texte  est  désespéré  :  j'ai  résumé  l'idée  qu'il 
laisse  entrevoir. 

833.  Entendez:  ses  proches  {^Cm'.;),  A^amemnon  qu'il  doit 
venger,  Electre  qu'il  doit  protéger. 


LES  CH(»1^:PII()HES 

842.  Aîii.aTO'jTaYïï  ^'>'^';>.  H  s'auit  du  soiii^r  do   (^dvlrmucsli-o. 

899.  Mt)t6p*  aioeaôû  xTaveîv  ;  lilt.  j'iuit-il ,  paire  qurllr  est  ma 
\mèn'y  que  II'  respect  (aiSc.);)  m'einpî^i/te  de  la  tuer  y  Mais  un  tra- 
ducteur no  jn'ut  souvent  (Hro  lidMo  aux  mois  iju'on  «Hant 
infidMe  au  mouvement.  Traduire  trois  mots  par  deux  lignes 
est  rinddéiitti  supn*^m<'.  J'ai  dû  alTaildir  le  text<'  j»our  con- 
server l'allure  vive  de  la  scène. 

DUl.   Ivjopxoiaara.  Je  suis  rinler|)rétation  du  scholiaste. 

915.  A'./co;  est  |>robaldenieiit  alt«''ré. 

931).  Les  mots  BmXoOç  Xétov,  o'.rXoj;  "Apr^;  sont  des  apposi- 
tions î\  Aixa  :  la  Justice  est  venue  sous  la  forme  d'un  double 
meurtre  rem/riir. 

94)).  AuaoifjLOj  ne  peut  vouloir  dire  (|ue  nu.r  roirs  pérUIrnsrs 
(sch.  :  ojaroo£j-rou)  et  doit  par  cons/uiuent  s'appliquer  à  Vexis- 
tence  criminelle^  et  par  là  même  dangereuse ,  qu'ont  choisie 
Égisthe  et  sa  com[)lice.  Malheureusement  j-o  est  alors  difli- 
cile  c\  expli(|uer  :  c'est  pouiquoi  beaucoup  d'é»liteurs  rat- 
tachent 'jrJi  ôjoïv  {itaTTopo'.v  à  xTeâv^Dv  Toioâ;.  En  tout  cas,  je  ne 
crois  pas  (ju'on  puisse  ap|)liquei-  les  mots  oj-joîaoj  TJ/a; 
à  la  destint'e  du  paWiis  ohliu»'  d'obéir  à  deux  sacrilèges  ;  à 
moins  que,  comme  le  voulait  Hlomfield,  on  ne  fasse  venir  le 
mot  ôuaoiixou  de  oï{jLo;,  chant ^  et  qu'on  ne  l'entende  au  sens 
de  lamentable  (comme  8'j76â'JxTo;,  Perses,  10G9).  Mais  l'idée 
est  alors  plate  et  s'accorde  mal  avec  le  thème  lyrique  de 
cette  strophe,  la  Justice  renyeresse  (Aixa  . 

957.  Le  texte  est  mutilé  et  inintelligible. 

970.  Les  mots  grecs  n'ont  aucun  sens,  mais  le  vers  sui- 
vant fait  clairement  allusion  au  xôiao;  d'Érinyes  (cf. 
Agam.y  1 189)  qui  est  venu  s'installer  dans  le  palais  d'Ai;amem- 
non  (iiÉToixo'.  Ôôjxtov). 

975.    'û;  Irstxdiaai  x.  -.  À.  ><■  Litt.  :  comme  leur  mort  est  la  pour 


NDTES 

Ir  cniijcrl  tirer,  ccsl-'d-divQ  qui  jurincl  de  le  ronjrclnrcr.  WcWi't 
nisriio.  »  (Weil.) 

1008.  Aitr.rA/Or^i;.  Le  Cliœur  s'adresse  à  Againemnon,  dont 
le  souvenir  c:s,lé\()(\n6  par  la  vue  du  voile  ensan^Ianl*'*. 

1017.  Miâ^aa-ra  est  un(*  sorte  de  -ap'  j;:ovo'.av  pour  Tooraîx 
que  font  attendre  les  mots  ^^iy.r,;  tt^toc, 

d041-i043.  Le  texte  est  mutilé. 

1067.  Fo/ia:.  Le  scholiaste  nous  apprend  que  le  mot  se  dit 
d'un  «  vent  violent  qui  succède  au  calme  ».  C'est  pourquoi 
J'ai  dû  le  traduire  par  deux  mots  à  la  fois  :  ardent  et  soiidnin. 

1078.  'Avôpôç...  r,(xOr,  s'oppose  à  -a-ooCopo-...  |jo-/0o'.,  comme 
T£A£ov  à  vcapoi:,  Agam.,  1;J04. 


Li:S  KUMKNIhKS 


'     2\.   Los    mots   £v    "kù-^o:;    sonildtMlt    (l«'sii,'n(M'    dt'S    mniflons 
rapith's   (lu    nom  (l»»s  (livinit»''s  auxt|uellrs  la  Pylliif    in'  lail 

;  pas  (lo  v»''ritabl»'s  /iiières  (ej/ai  .  Mais  le  texte  soiillre    |>eut- 

I  être  d'une  laeune. 

M.  I.a  i^ytliift  s'appuis  peiil-r-tre  sur  un  bâton,  »»u  mi»  iix 
,  encore  s'atlaclie  aux  eolcunifs  r[  aux  murs  du  t»'mpl»'. 

't't.  i.e  nioi  Xt^vo;  seniltle  rtie  uii  niol  dr  la  laMiiut'  sacrée, 
j^eut-èlre  nir-njc  un  mol  projtie  au  culte  delphiipie,  assez  peu 
connu,  en  tout  cas,  pour«jue  la  Pythie  rexpliijue  aussitôt  |»ar 
une  métaphore.  Je  n'ai  pas  traduit  yz-y.i-o},  (jui  n'a  p«»int  di^ 
^•'11^  iei, 

t'S.  J'ai  lu  nïOfovTi'.  au  lieu  de  ziio-joa.'.. 

10.;.  l,e  texte  grec  iconjecluia!  d'ailleurs)  signilie  littéia- 
lement  :  ninis,  (hiiis  Ir  Jom-y  le  lot  de  /'/ime  est  de  ne  jms  roir 
derant  elle.  La  nuit,  l'Ame  veille  et  voit;  mais,  le  jour,  les 
yeux  de  chair  voient  seuls  et  l'àme  est  fenin'e  au  mo?ide. 

l'.Ki.  Je  n'ai  pas  traduit  rÀr.^to'.:. 

21  S.   Voyez  la  note  du  vers  021. 


NOTKS 


-^^-i.  .In  n  ai  pas  liadiiil  f^cru/atiépav  q„i  ,,'a  point  de  spn« 
dans  le  texte  de  Weil  et  qui,  dans  le  texte  des  manusrrits  es 
insoutenable  à  côté  de  sa-.av,r,:  (à  moins  daflaildi,  iK-au^our 
lo  sens  de  ce  dernier  mot). 

24:3.  TiXo;  oUr,;.  U  mot  français  arrêt  n'exprime-t-il  pas 
une  métaphore  analogue  à  celle  du  mot  grec  -élo;  (fu,j} 

255  sqq.  J'ai  suivi  Wecklein  pour  la  répartition  de  ces  vers 
entre  les  choreutes. 

324.  'Afxaupoîa-.  xai  oeooo.oacv  ;:o.vâv.  Ces  mots  reprennent 
1  Idée  exprimée  dans  les  derniers  vers  du  Coryphée  |  es 
vivants  se  vengent  eux-mêmes  :  les  morts  ont  besoin  du  se- 
cours  des  Furies  (318-320).  Par  elles  tombe  la  barrière  qui 
sépare  les  morts  des  vivants  et  les  vengeances  infernales 
peuvent  suivre  leur  cours  sur  la  terre.  C'est  en  ce  sens  que 
les  Erinyes  sont  le  Châtiment  à  la  fois  pour  les  morts  et  pour 
les  vivants,  c'est-à-dire  /.  Châtiment  qui  joint  le  monde  des 
morts  à  celui  des  vivants. 

375-376.  Je  n'ai  pu  rendre  la  vivacité  du  texte,  qui,  en  deux 
appositions  libres  à  la  phrase  principale,  nous  montre  de. 
jambes  vacillantes,  bien  que  cherchant  à  allonger  un  pas  prcci- 
pdé  et  un  châtiment  divin  lourd  à  porter.  Mais  tout  cela  est 
dit  en  six  mots. 

404.  Le  rapprochement  des  mots  -tcoûv  àtco  oo..6oo:^a  sui- 
vant une   tournure  familière  à  Eschyle,  prouve  nettement 
que  la  déesse  arrive  en  volant  à  travers  les  airs,  portée  par 
Tegide  qui  flotte  sur  ses  épaules.  Mais  il  est  assez  difficile 
d'autre  part,   d'entendre  métaphoriquement,  comme  je  l'ai 
fait  après    Wecklein,    les    mots    r.^lo:;    i.aaîou'    Tovô-i;:.-:^aa' 
o/.ov.  Je  préférerais,   bien  que  son  intrusion  dans  le  "texte 
s'expliquât  mal,  considérer,   avec  Wilamowitz,  le  vers  405 
comme  interpolé. 


iT.s  l^|•^tl^\lr)l:s 

\i,i.    AvtM'    Wclcket",     jr     l(l|»|miir     a;jo;jv''V     '>/Ta    .Itl    Mljrl    t|f 

i'.v.  (Test  une  manière  détourm'e,  mais  bien  grecMiuc,  de 
lie  allusioi)  à  la  laideur  des  Furies. 

'tl2.  Le  mot  ôÇu;xriv'TOj;  doit  s'entendre  des  meurtres  par 
ltsi|ue!s,  dans  une  cnltrc  trop  i)n)ni})fe,  Thomin»'  a  voulu  se 
r.iire  Justic»!  lui-niùme,  au  lieu  d'attendre  la  justice  divine. 
I   institution  de  l'Aréopage  fera  disparaître  la  raison  d'être 

s  crimes  de  ce  genre. 


*n 


î)Or>.  TXâ[X(ov  :  c'est  celui  quon  cuiisullt;  et  (jui  est  lui-même, 
omme  les  autres,  une  victime  de  ses  enfants.  Le  texte  de 
eut  ce  passage  est  très  obscur,  et  les  explications  (ju'on  en 
onne  peu  satisfaisantes. 

521.  J  ai    traduit:    Ti;    oè    [xXfOi'é'    èv    ypaalv    /.acoia;    xavova 
cpéijL'Dv...  ; 

;i31.   Litl.  :  El  je  te  dis  une  parole  en  rapport  i^avec  les  id«''es 
que  je  viens  d'exprimer).  Les  expressions  (jui  suivent  sont 
roverbiales  :  d'où  les  mots  w;  Itûixojç,  on  h-  dil^el  c'est  en  efj'et 
vérité. 

540.  On  |>(>urrail  être  tenté  d'entendre  Çsvoriaoj;  :  qui  rcs- 
)ectent  Vhôtc  qui  vaux  reçoit  (au  lieu  de  :  llwtc  quon  reçoit) 
)i  de  voir  là  une  allusion  au  crime  de  Pdris  qui  a  déshonoré 
le  foyer  qui  l'avait  accueilli  [cï.Agam.y  :V.)9-402).  Ce  serait  une 
•  rreui-.  Il  n'y  a  ici  que  le  rappel  des  deux  lois  les  plus 
\it'ilies  de  la  morale  antiijue,  le  respect  des  j)arents  et  le 
l'Spect  de  l'étranger  qui  demande  un  asile.  Le  supjdiant 
repoussé  du  foyer  invoque  les  Krinyes,  qui  se  chargent  de  sa 
vengeance  comme  de  celle  il'une  mère  tuée  par  son  lils. 

1572.  En  raison  de  l'état  de  ce  texte  altéré  et  mutilé,  j'ai 
nodifié,  en  traduisant,  la  <  onstiuclion  df*  la  phrase  greciiue. 


îi(>7.   Il  inani|ue  un  pied  à  ce  triniètre. 


\OTKS 

!iS:{.  Los  mots  èÇ  àp/f,;  pourraient  aussi  signifier  :  en  reprc 
liant  Cc.Tjwsr  des  faits  depuis  la  cotnmcjircment .  Mais,  rappro- 
ch^îs  de  -f-oTEç-o:,  ils  rno  semblent  plulot  destin»''S  à  insistci 
sur  le  sens  de  cet  adjectif.  Les  redoublem^Mits  de  ce  genre 
sont  fréquents  en  grec  :  comparez  en  particulier  r»'Xpr«'S- 
sion  £jOj:  èÇ  àp/7Jç. 

612.  '\f^  if^  fovA  ooxeïv.  Ce  n'est  point  ici  une  foirnule  ba 
nale  :  rintelligenc(î  d'Apollon  sait  tout  et  son  jut/miifHt  est 
infaillible:  cf.  Pindare,  Pijth.,  III,  28;  zo'.vàv.  rap'êJOjTz-:».) 
YV(.)[iav   -lOfov,  -âvTa   l-'îaavT'.   voro,  rt  l\,  44  S(pj. 

621.  "Op/.oç.  Le  mot  ne  dt'signe  pas  le  serment  des  juges  : 
Apollon  invite,  au  contraire,  les  juges  à  lespecter  le  serment 
d'impartialité  qu'ils  ont  juré:  cf.  680.  «  Apollon  <i  déclar» 
plus  haut  que  l'union  de  l'homme  et  de  la  femme  est  plus 
forte  que  le  serment  (ooxou  'aTÎ  [xc-ÎToiv,  218),  c'est-à-dire  qu( 
les  liens  du  mariage  sont  plus  étroits  que  l'obligation  con 
tractée  par  serment.  De  même,  la  volonté  de  Zeus  oblige  les 
hommes  autant  que  la  foi  jurée.  »  (Weil,  Études  sur  le  drame 
antique,  p.  51.) 

633.  rispwv:'..  Le  mot  peut  également  vouloir  dire  (ju'il 
entrait  au  bain  ou  qu'il  en  sortait.  Le  texte  est  mutilé. 

651.  Ojôèv  àjO[jia(vfov  [i.£Vci,  sa)is  jamais  haleta'  de  f effort 
(  litl.  de  félan,  sens  propre  du  mot  u-v/o;). 

678.  Le  texte  souffre  d'une  interpolation,  d'une  altération 
ou  d'une  lacune.  L'explication  traditionnelle  (que  j'ai  suivie, 
faute  de  mieux)  veut  qu'Athéna  s'adresse  maintenant  à 
Oreste  et  Apollon,  après  s'être  adressée  à  leurs  accusatrices. 
Mais,  dans  le  Mediceus,  les  vers  619-680  sont  attribués  aux 
Furies  et  non  à  Apollon.  En  outre,  si  Athéna  change  vrai- 
ment d'interlocuteur,  on  attend  plutôt -pôq  ô'ûfjLoiv  que  -:(  vâp; 
Tzpôç  jjjLôiv...  Quant  au  mot  TiOclcya,  s'il  est  authentique,  il  ne 
peut  avoir  qu'un  sens  :  la  façon  dont  Athéna  dirige  les  débats 
restera  un  modèle  pour  tous  les  juges  à  venir  ;  elle  pose  ici 


LKS  KUMKMDKS 

los  r^gIos,  ollr»  institue  les  formes  dZ-sormais  invariablos  de 
la  Justice  huinaiiie  :  avant  la  délibératioi»,  il  sera  une  iler- 
nièic  fctis  (Joinamlé  à  l'accusa'  <•  s'il  n'a  rien  à  ajouter  pour 
sa  (l(''f(Mis«'  >.  AjM»||on  dans  notre  lext«»}  r«''nond,  ««n  s'adii's- 
sant  directement  aux  juf^es,  «  iju'il  atout  dit  et  s'«'n  rapporte 
à  l'éfiuit»'  du  tribunal  >». 

682.  J'ai  accentué  ;ï  dess(;in  la  traduction  dun  texte  con- 
jectural. Les  mots  ôuaaiwv  et  po'jXejTr^p'.ov,  rapprochés  dans 
le  même  vers,  «  désignent  ou  uf  peu!  niinix  les  doubles 
fonctions  politiiiues  et  judiciaires  de  l'Aréopage  »  (Weil). 

(iS!>.  .l'ai  lu  éSoiïvTai  pour  "Apeiov. 

7;.  I.  La  conjecture  napoCiaa  est  très  vraisemblable.  Le 
texte  du  Mi'din'iis  (îaXoO'ja...  ^{*f;^o;...  (jita  ne  peut  guère  s'inter- 
préter, comme  le  voidait  llemiann,  par  [5aÀ(ov  Tr.v  pfôiiTîv  si; 
(|(r,9i^oa£vo:.  Une  voix  qui  vote  n'est  pas  une  expression  plus 
satisfaisante  en  grec  (|u'en  fiançais. 

772.   '<  )&OojjAivfi)v,  sous-entendez  to)v  ôpx'oiiatTfov. 

8!M.  Kï;>-ôv  x.t.à.  Lilt.  :  un  fruit  (jui  comporte  l'insucccs  de 
tout. 

900.  lvjr,X'(o:  nviovTa,  souf'/luut  sous  un  sofcH  pro/)i<c.  Pour 
rid(''e,  cf.  Vl"^  si|. 

".)I2.  Lilt.  :  .Viiime  à  ce  (juc  la  race  des  justes  ne  souffre  pas  de 
ceux-ci  (des  impies). 

8r)G.  Lilt.  :  ,/e  ne  parle  pas  du  combat  de  Voiseau  domesti<iue. 
Knleiide/.  :  (Juand  je  dis  sarfo  roÀciio:,  je  ne  j)arle  tjue  dr  la 
uuerre  étrangère  :  je  vie  'jarde  fncn  fie  parler  de  nos  luttes 
civiles,  de  nos  comhats  île  coqs.  » 

\H\  s(pj.    Lilt.  :  (•///•  des  luttes  ijlorieuscs  dWrùs,  c'est  moi- 

mnne  qui  ne  supporterai  pas  qu'elles  ne  farnrisent  pas  cette  ville 

lie  façon  à  en  faire)  une  cite  triomphante  au  milieu  des  fnortels. 

Si   la  transposition  de   Weil  est  bonne,  Albéna  demanderait 


NOTKS 

donc  aux  Furies  de  ne  pas  susciter  de  guerres  civiles  et  de 
Taire  éclater  la  guerre  étrangère  où  se  conquiert  la  vraie 
gloiic  :  cile-mrîmc  se  charge  ensuite  dassurer  la  victoire  à 
Athènes. 

933.  J'ai  traduit  le  supplément  proposé  par  llennann  : 
rpoaénat'jay. 

047.  'l\o[j.aîav.  Hermès  est  le  dieu  dos  heureuses  IroaraUlrs^ 
des  bonites  aubaines.  C'est  donc  à  lui  qu'on  doit  attribuer  les 
découvertes  heureuses  qu'on  a  faites  et  qu'on  pourra  faire 
dans  les  mines  du  Laurium. 

974.  Nixà  8"épic  est  une  alliance  de  mots  :  ce  n'est  pas  la 
paix  qui  triomphe,  c'est  une  lutte  encore,  mais  une  lutte  de 
bienfaits. 

i027.  J'ai  pris  une  certaine  liberté  avec  ce  texte  mutilé. 

1044.  J'ai  lu,  après  Weil  {Revue  de  Philologie,  1894,  p.  219j  : 

(iTZOv^a.  8'è?  -poTûav  'sixtcôSoç  olV.cov. 


TOrnS.   —  IMPHIMKHIK    UESLIS   Î"RÈRES,  fi.   HLK   GAMBrîTAi 


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BO  OUEEN'S  PARK 
TORONTO  5.    CANADA 


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