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OUVRAGES PARUS PRÉCÉDEMMENT DANS LA MÊME COLLECTION
LE GENIE LATIN
La Race. — Le Milieu. — Le Moment. — Les Genres
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naire, par M. Maurice Wolkk. — La Propriété foncière et les Paysans,
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L'Armée et la Convention, par M. LKVY-ScnNKinKR.
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L'Orestie d'Eschyle
PAUL MAZON
AtiKii'iii ui;s i.i.iiKhs
A N C I K N li L H V K U H l' U N I V E R S I T lï D K PARIS
Hi- Dit l'École pkatique des hautes-études
L'Orestie
d Eschyle
TRADUCTION NOUVELLE
PUBLIEE
Avec une Introduction sur la légende, un Commentaire rythmique
et des Notes
PARIS
ANCIENNE LIBRAIRIP: THORIN ET FILS
ALBERT FONTEMOING, ÉDITEUR
4, RUF LE GOFF, 4
1903
A MON MAITRE
mciiMeuiO mAURICE 'eROISET
Honimngc de respectueuse reconnaissance
P. M.
Avertissement
Le texte partout suivi est celui de Weil [Teub-
ner^ i8c)i). Lorsque ce texte est manifestement
altéré^ on a traduit Les conjectures proposées
au bas des pages. Quand V éditeur n\i pas
même offert ce remède à un mal qu^ il jugeait
trop profond . on a, soit résumé le sens géné-
ral qu^on a cru pouvoir deviner sous les mots
corrompus, soit emprunté ailleurs des conjec-
tures qu'on a toujours eu soin, en ce cas, de
citer dans les Notes.
On a surtout recherché V exactitude et, par
conséquent , la clarté. Eschyle n\'st point
obscur. Seulement sa langue est synthétique et,
par suite., impossible à calquer en vrai fran-
çais. On ne doit donc pas songe /• à t /'a du ire
ses mots., mais ses idées : il faut analyse/' là
Vm AVFJîTiSSKMKNT
Oïl il a condensé. C'est une infidélité, sans
doute, mais une infidélité nécessaire, et moins
choquante, à coup sûr, que de rendre une
poésie vigoureuse et rapide par une prose
indécise et cahotante. Il y a dans Eschyle des
idées qui se suivent^ au moins autant que des
images qui ^e heurtent.
Le mouvement n'a été sacrifié qu'à la clarté,
dans de rares passages où, véritablement, il
fallait choisir entre les deux. Partout ailleurs,
on s'est efforcé de rendre quelque chose de
l'allure du grec. C'est pourquoi on s est im-
posé de rythmer la traduction des sticho-
mythies. Ces parties de la tragédie ont déjà,
dans le texte, une gaucherie naïve qui sur-
prend et amuse; en français, le charme de la
naïveté disparaît et la gaucherie reste. On
s'excuse donc de la raideur et de la platitude
de ces copies : la platitude est du traduc-
teur, mais la raideur est souvent de Vori-
ginal.
On a cherché aussi à faire saisir à des lec-
teurs modernes la variété d'une tragédie
grecque. On a, pour la leur rendre plus
sensible, imprimé en el^évirs les parties réci-
tées, en italiques les parties chantées, en ca-
ractères romains les parties débitées sur un
accompagnement instrumental, comm^e les mélo-
drames de certains de nos opéras.
On a même essayé de dégager le caractère
AVERTISSEMENT IX
des rythmes employés par le poète. Ce n'est
pas que ce caractère soit encore saisissable
pour des oreilles modernes dans le texte grec.
Ce n'est pas davantage qu'on puisse par des
raisonnements, si subtils qirUs soient, attri-
buer tel caractère à tel rythme : les rythmes
n'existent point abstraitement, et nous ne
connaissons pas les rythmes d'Eschyle réa-
lisés, puisque le texte musical de ses chœurs
n'est pas venu jusqu'à nous. Nous savons
même par Aristoxène — et nous l'aurions con-
jecturé aisément — que « la réalisation du
rythme admettait de multiples changements >^.
— Seulement, là oii nous ne pouvons deviner
par nous-mêmes, nous pouvons, du moins,
écouter les témoignages autorisés de l'anti-
quité. Quand les anciens nous définissent, avec
une certaine précision, rinip/'cssio/i qii^un
rythme leur faisait éprouver, pourquoi ne les
croirions-nous pas? — Supposons, en outre.,
que le caractère d'un rythme isolé reste toujours
un peu indécis, cette indécision disparaît en
grande partie, dès que ce rythme est opposé à
un autre. — Enjîn l'intoition musicale du poète
musicien peut être parfois soulignée par le
texte poétique lui-même : la modulation ryth-
mique peut correspondre à un changement
dans les idées, et l'adaptation des rythmes
aux thèmes poétiques nous apparaître alors
par la simple analyse du texte. — Et ainsi de
a AVr.IîTISSKMFA'T
ces divers cléments, lêmoignafrcs antiques,
opposition ou juxtaposition fréquente de cer-
tains rythmes, parallélisme des modulations
rythmiques et des mouvements de la pensée,
il se forme dans l'esprit du lecteur averti
une impression asse^précise, qui na pas, sans
doute, une valeur scientifique indiscutable,
mais qui éclaire si vivement les textes an-
tiques qu'il serait vraiment étrange que ce
ne fut qu'une illusion de moderne.
On a accompagné cette traduction de
quelques indications scéniques. Elles ont en-
core moins de prétention scientifique que les
indications musicales. On a considéré comme
admis qu'au m, oins à V époque d'Eschyle, les
acteurs jouaient dans VOrchestra. On», s'est
conformé aux indications des lexicographes
anciens sur la signification des entrées et
des sorties. On s'est inspiré aussi de quelques
peintures de vases relatives à la légende
d'Oreste. Les autres remarques qu'on a cru
devoir faire pour faciliter la lecture du
drame d'Eschyle ne sont même pas des hypo-
thèses : ce sont des fantaisies vraisemblables.
On a dû beaucoup — là comme ailleurs — à
M. de Wilamowit^-Mœllendorjf.
On a cru devoir ajouter aussi à la traduc-
tion quelques notes destinées , soit à la justi-
fier, dans les passages où l'interprétation
adoptée peut paraître le plus contestable., soit
AVERTISSEMENT XI
à la compléter, lorsqu'on s'est vu forcé iVabré-
ger on tVafjaihlir un texte intradnlslble. On
ny tronvera point cV explications, même ponr
les vers les pins difficiles, lorsqn'nn commen-
taire clair et définitif de ces passages se
tronve déjà dans les éditions conrantes de
Wecklein on de Weil .
On a pensé qn'il y anrail qnelqnc intérêt à
exposer brièvement ce que nons pouvons sa-
voi/' de la légende d'O reste avant Eschyle,
afin de montrer qnelle a. été Vinlention du
èoète en renouvelant ce sujet. On s\\st appuyé
àur des textes précis autant qn\^n fa pu; à
ùéfaut de textes, sur des témoignages plas-
kques. Il a bien fallu, malheureusement, y
(jouter quelques hypothèses : on s'est efforcé
Of' n'en présenter que de conformes aux vrai-
Â'uiblances historiques.
On sent — mieux que personne ne pourra
l\ faire — les imperfections de ce travail.
Une l raducl ion ne peut satisfaire aucune
c'asse de lecteurs : elle n\'st jamais asse^
Jïièle pour qui peul la comparer avec le texte ;
e le manque de liberté et de saveur pour qui
l\ lit comme une œuvre originale. On sera
r\connaissant et docile aux critiques qui per-
mettront d\iméliorer un peu celle-ci.
On remercie enjln tous ceux qui ont bien
vfulu s^ intéresser à ce livre, MM. Foifgè/'es,
'srousseaux, Desjardins, Bodin, Laloy,
XII
.\\i:mtissi:mknt
Biiry, à ijiii ron doil des encouragements, des
conseils el douilles corrections ; et surtout
MM. Alfred et Maurice Croiset, dont la mé-
thode pénétrante et sûre est le înodèle qu'on
s'est toujoiLrs proposé.
i"" septembre ic;o2.
INTKODIJCTION
La légende d'Orcsle a été successivement trai-
tée par l'épopée ionienne, le lyrisme doi'ien el le
drame altique, et chacun de ces genres l'a loca-
lisée dans une ville différente, Mycènes, Amy-
clées etx\rgos.
Au fond de l'Argolide nourricière de chevaux',
se dresse l'acropole de Mycènes. Adossée à des
monts abrupts et nus, protégée par une colline
allongée qui lui sert de rempart du côté de la
plaine, elle commande à tout le pays d'Argos
jusqu'à la mer et surveille le délilé qui rattache
les rivages de h\ mer Egée à ceux du golfe de Co-
rinthe. Son enceinte courte et épaisse n'évoque
|)as l'image d'une ville ', mais bien plutôt d'un
chàteau-l'orl, où de rudes et jHiissants seigneurs
guettaient les occasions propices au piUage et
entassaient leur l)utin.
1. Cf. Odyssre, HI, 203 : {aj/(o "Apv£o: I--000T010.
2. Cf. Thucydide, I, 10, 1.
\iv i\TiîoniT:Tiox
Mycèiies aviiit (Hé l'ondée par Persoc, el la dv-
iiaslio (le Persée y avait r<'î^né jusqu'à KiirNsllMM'.
Aux l*erséi(les avaient succédé les fils de lN''loj)S ',
Atrée d'ahord, puis son frère Thvesle^. Tliveste
'I ti t)
mourant avait l'cmis à A^amemnon, lils d'Atrée,
le sceptre jadis donné par Zeus à IN'dops. La
royauté d'Agannemnon était déjà la plus consi-
dérable de la Grèce. Il commandait à lArgolide
entière el, par sa flotte, à de nombreuses îles de
la mer Egée'\ Les trésors que les Pélopides
avaient apportés de l'Asie^ s'accroissaient main-
tenant des tributs ou des rançons qu'exigeait de
ses vassaux et de ses prisonniers le souverain
de Mycènes, et, dans le monde achéen, les aèdes
ne cessaient de chanter la gloire du « roi de
Mycènes pleine d'or ^ ».
Quand l'outrage fait à Ménélas par Paris unit
tous les Grecs contre Troie, Agamemnon, chef
de la i)lus nombreuse flotte d'Achaïe, se trouvait
tout désigné pour le commandement suprême *".
11 l'accepta et équipa ses nefs et son armée.
1. Cf. Thucydide, I, 0, 2.
2. Cf. Iliade, II, 106.
3. Cf. Iliade, 108, et les réflexions de Thucydide (I, 0, 4) sur
ce vers.
4. Thucydide, I, 9, 2 : -Ir'fiv. •/sr,aâ-:a)v a r,AOcV £■/. -r]ç 'A^-a;
5. Cf. Iliade, VII, 180, et XI, 46 : ,3a7iÀf,x -oÀj/ojaoïo Mj/.v/TjÇ.
6. Cf. Thucydide, I, U,l.
INTRODUnTÎON XV
Une inquiétude pourtant l'obsédait : on son
absence, que deviendrait Mycènes? Il n'y laissait
que sa femme Clytemneslre. Un coup de force
n'était guère à craindre contre l'imprenable for-
teresse. Mais de la ruse une femme se défend
mal : un ennemi ambitieux et adroit pouvait
tromper Clytemnestre, se faire ouvrir les portes
de Mycènes, s'emparer des trésors des Pélopides.
Un sage conseiller saurait seul ouvrir les yeux
d'une femme crédule et la préserver des em-
bûches. Auî)rès de Clytemnestre, Agamemnon
plaça donc un aède ^ un inspiré des dieux, à qui
le ciel avait donné de connaître le bien et le mal',
et, après l'avoir sup[)lié à maintes reprises"^ de
défendre Clytemnestre, il partit.
Or, àArgos'', vivait le fils de ïhyeste, Kgisthe,
vassal d'Agamemnon ; il convoitait le sceptre
qu'avait porté son père. L'occasion s'olTrait à lui
de le conquérir sans violence. Il entreprit de sé-
duire Clytemnestre. Il lit de fréqu(;ntes visites à
1. Cf. i)dyssce, III, 267.
2. Cf. (kii/sscc, VIII, 63.
;{. Cf. Odysi^rc, IIF, 267 : tzôXV i::i-i)J.E.
4. Kgistho est un vassal d'AgamemnoM ; il lial)ile un des
bourgs de la plaine, Argos. Si Ton n'admet pas rette liypo-
tlièse, les mots âzà; ''Apyso; [Od., 111,260) deviennent inintel-
ligibles : Kgislln; habite Argos; en Tabsence d'Agamemnon, il
séduit Clytemnestre et l'emmène dans sa maison (cf. j». XVII,
n. 2) ; si Ménélas était alors revenu en (irèce et avait surpris
X\l l\TI{()l)[;CTir)\
Mycèncs', (il, piii- (\i'< |)îii'()1(;s llatUîUscs, com-
meru;a à ^Jign(;r le cœur de la reino. Klle l'ésis-
tail ccpendanl; son cjvur était lionnôte ', et elle
craignait l'aède, témoin de sa faiblesse.
Mais les dieux, dans leur |)rescience, voyant
les maux qu'Egisthe allait attirer sur sa tête par
sa propre folie, eurent pitié de lui et lui en-
voyèrent Hermès avec ce message : (^ Ne prépare
point la mort d'Agamemnon, ne recherche pas
son épouse ; car tu payeras ton crime en tom- \
bant sous les coups d'Oreste, petit-fils dWtrée,
le jour où, devenu un adolescent, il sentira le
désir de sa terre ^ .» L'avis des dieux était un \
conseil bienveillant'. Égisthe n'y crut pas.
Alors les dieux l'abandonnèrent : son sort fut
fixé et sa destinée s'accomplit '\ Il s'empara de
l'aède, le lit jeter dans une île déserte, pour qu'il
l'usurpateur, il eût fait jeter son corps dans la plaine, loin d^Ar-
gos, sa ville, où il aurait dû être enseveli. Ailleurs flV, 517},
le pays d'Égisthe et de ïhyeste est donné comme placé
àypoù" £-'£a/aT''7]v, à V extrémité de la plaine. Or, pour un My-
cénien, Argos, adossée au mont Larisa qui ferme TArgolide
au sud-ouest, est bien le dernier bourg de la plaine,
i. Cf. Odyssée, 111, 264.
2. Cf. Odysfiée, III, 266 : çotaî yào y.iypr,-' àyaO^T'..
3. Cf. Odyssée, I. 37 sqq.
4. Cf. Odyssée, I, 43 ; àyaôà ooo^dMv.
5. Cf. Odyssée, III, 269. Le pronom u-v ne peut se rapporter
qu'à Égisthe.
INTHODUCTIOX W II
servît de pâture aux oiseaux', et, ayant vîiiucu
les dernières résistances de Clytemnestre, il la
conduisit à Argos -^ et l'épousa solennellement.
D'innombrables cuisses de bœufs brûlèrent sui'
les autels divins; d'innombrables offrandes, riches
tissus et bijoux d'or, furent suspendues aux murs
des sanctuaires '\ Kgisthc avait obtenu |)lus
qu'il n'avait jamais osé espérer', la |)uissance
royale, les richesses de Mycènes, et la femme,
« doux joyau' de ces trésors ».
Mais il fallait craindre maintenant le retour
du roi légitime. Agamemnon pouvait débarquer
brusquement au rivage d'Argos et surj)rendre
l'usurpateur''. Égisthe sut prévoir et se garder.
il conduisit lui-même^ sur une hauteur un de
ses esclaves les plus dévoués, lui promit l'énorme
salaire de deux talents d'or'^ et l'établit là gar-
dien du golfe d'Argos. Une année s'écoula ainsi.
Un jour, le veilleur aperçut les vaisseaux argiens.
1. Cf. Och/ssce, III, 270 sq.
2. Cf. 0(lyS!^L'Cj III, 272 : ovoî 8o[xovo£. Voyez p. XV, n. 4.
3. Cf. Odyssée, III, 273 sq.
4. Cf. (hh/sscc, III, 275.
;>. Cf. Escliyle, Agamennion , 741 : à/.aaxaïov ayaXaa -àojtoj.
G. Cf. Odyssée, IV, 527.
7. Cf. Odyssée, IV, 524 sq. : ô'v ca /.aOîiie | Ai'Y'.aOo; ôoXoar^Ti;
aytov.
8. Cf. (klyssée, IV, 525 sq.
XVITI FNTROnrnTTON
Il courut avertir son niaîlrr. A^am(;mnon mettait
le pied sur le rivag(; et, vers.ant des pleurs hrfi-
lants, adorait la tei're pateinelle \ quand il vil
venir à lui le, char (ri']gisthe '. Le saluant au nom
de ses vassaux, Kgistlie l'invitait à venir à Argos
où Ton fêterait par un banquet son heureux
retour. Agamemnon suivit Kgisthe et, comme
un bœuf qu'on mène à l'étable pour l'assommer
devant la crèche-^, il vint tomber devant la table
du festin sous les coups de son ennemi. Ses
compagnons voulurent le défendre. Mais Kgistbe
avait caché vingt de ses meilleurs guerriers près
de la salle ; une lutte terrible s'engagea : tous les
compagnons d'Agamemnon périrent et tous
ceux d'Égisthe^. Égisthe resta seul survivant de
cette scène de carnage.
1. Cf. Odyssée, IV, 521 sqq.
2. Cf. Odyssée, IV, 533, Ïk-oicv/ xal o/saçiv.
3. Cf. Odyssée, IV, ri33 : oie -iç te xatr/.Tave [jO\j'^ l'î ç^Tvr;.
4. Cf. Odyssée, IV, 536 sq. Il n'y a pas de raison de sus-
pecter le vers 537; il semble môme que cette scène de
massacre dût être une des plus saisissantes des épopées com-
posées sur le meurtre d'Agamemnon, car les mêmes traits se
retrouvent dans les vers 418 et suivants du chant XI, qui se
rapportent pourtant à une forme déjà plus avancée de la
légende (cf. p. XXIV) :
'AXXâ Xc xîiva [j.âÀ'.c>TX 'orov oXocpucao 6'ju.tp.
xs'.asO' sv ( u.=yào(o, oàzsoov ô à-av a'.'aaTi GO"£v.
INTHODUCTION XIX
Puis il i'<'^iia s('|)l jiiis'. I^e peuple lui obéis-
sait sans murmure. Mais, suivant la menace
divine, Oresie f^randissail loiri de rAr^oliiie, à
Athènes, au milieu des ennemis de sa patrie'^,
mais à l'abri des li'aîtrises d'Kgisthe. Un joui-, il
levint à Argos, tua Tusurpateui* et, pour honorer
les mânes de son père, enseveli jadis en silence,
célébra solennellement les funérailles d'Aga-
memuon^ Le même jour, iVb'né'Ias, suivi d'une
1. C\\ (hh/ssrr, III, :U):i.
2. Peiulant la proniièie piTiodc ch; l'invasion iloiicnnc,
Athi'nps était le poste avancé de Tenvahisseur, celui d'où il
guettait riieure propice pour pénétrer dans le Péloponnèse.
(]'est peu (Tannées auparavant qu'Eurysthée était mort on
Attique, en luttant contre les Héraclides (Thucydide, I, 0, 2).
Les rois de iMycènes n'avaient sans doute dans le Pélopon-
nèse que des vassaux ou des alliés. Le refuge le plus proche
et le plus sûr à la fois du jeune Oreste devait être la ville
ennemie la plus voisine d' Argos, Athènes. Le séjour d'Oreste
en Phocide ne fut inventé sans doute que plus tard, à
ré|)0((ue où, les dieux intervenant dans le drame, il parut
nécessaire que le vengeur prrdit par les oraclrs de Pytho, guidé
dans son clan par les conseils d'un dieu {Chocph.^ 940 sq.), eût
grandi d'ahord à Tombre du sanctuaire deliihique.
3. Aucun passage du texte homérique ne nous laisse deviner
comment, dans la vieille épopée, avait lieu le retour d'Oreste
et le meurtre d'Rgisthe. Pourtant, comme les vieux aèdes
semblent ne pas trop s'écarter, en général, d'une certaine vrai-
semblance historique, il est permis de conjecturer qu'Oreste,
s'il revenait d'Ailleurs, n'en irven.iit |>as seul : il av.iil du
tit>iiv('r parmi b's Doriens des volontaiies |»réts à tenter une
aveiituit' dans ce! empire myct-nien jns(|iit'-là fermé' l\ leurs
\\ INTItODICTioN
ll()ll«; chiii'^éc (Tun inirri(;ns(; hulin, aiiiv;iil ;i
Argos'. Les rélo|)i(Irs iHMlevcniiifînl les maîtres
souveniins cl opulents « de iMycènes pleine cror ».
Telle esl la l'orme aclj(M!nne de la lé'^ende.
Kïïii ne contient pas d'autre idée relij^ieuse que
celle-ci : Fhomme est lui-même Tartisan de sa
perte et ajoute par sa folie aux peines que le
destin lui avait réservées ~. Mais nulle malédic-
tion ne pèse sur la race des Pélopides ; nulle
haine n'a divisé les pères, Atrée el Tliyesle; la
transmission du sceptre s'était faite régulièi-e-
ment, suivant les volontés deZeus ', jusqu'au jour
où Tambition d'un homme a voulu devancer
l'ordre des destinées et jouir prématurément de
la royauté mycénienne.
Mais cet homme devient alors, par son initia-
tive même, le vrai héros de l'épopée ; c'est un
aventurier hardi qui sait vouloir et prévoir. Après
de longues tentatives de séduction, il sait brus-
quer les événements, se débarrasser de l'aède
qui représente l'époux absent auprès de Clytem-
convoitises, et il était venu alors, à la tête d'une troupe hardie,
attaquer Égisthe dans son palais. Égisthe tombait au milieu
de ses gardes après une lutte sanglante, comme était tombé
Agamemnon (cf. p. XVIII, n. 4).
1. Cf. Odyssée, III, 311 sq.
•2. Cf. Odyssée, I, 33 sq.
3. Cf. Iliade, II, 103 sqq.
INTRODUCTION XXI
neslre, et jeter un défi aux dieux en épousant
réponse d'Agamemnon, suivant tons les l'ites,
au inilieu d'une soiennitt' insolente. C'est lui-
niênie qui eonduil le veilleur à son poste et
s'assure à prix d'oi' sa (ich'lilé; c'est lui (jui le
premier vient au-devant d'A*;ameiTinon sur le
riva«2;e et l'invite à sa table'. Le crime commis,
il est un grand roi qu'on respecte et qu'on craint '.
Clytemnestre est une femme faible et sans
v()lont(''. Kl le cède non à l'amom', mais à une
volonté plus forte qui l'obsède et s'impose à elle,
i^^llcî ne prend vraisemblabbunent pas de part au
meurtre d'Agamemnon, et, quand son fils rentre
en vengeur dans sa patrie, il n'a [)as à la frap-
per ^ Le seul criminel, c'est l^gistlie, qui a volé
1. Un vers de VOdyssée (IV, 92) seml)I<'rciit pourtant '\nd\-
(|U('r que c'est Clyteinnestre (jui a imaginé le ijuet-apens.
Mais ceci serait en contradiction formelle avec d'autres pas-
sa4,'es de la Tr^Xî^xyv.ji (jui désignent nettement Kgisthe
comme IMnventeur de la ruse : Al'YiaÔo; èjxrJaaTo Àjypôv oÀjfjpov
m, 194), Al'YtTOo; 8oXîr,v ÈcppâaaaTo T£/v7)v (IV, 529). Si nous
(approchons, au contraire, les mots ooXo) ojXofxivr]? àXo/o-o
,1V, 92) de Tépitliète ooàoiatjtu (XI, 422) d(ninée à Clylem-
neslre dans la Nixjta, nous serons en droit de nous deman-
der si le vers du chant IV n'est pas une interpolation mala-
droite, qui se réfère non au récit du meuitre d'Agamemnon
(lue connaît l'aède de la Télémavhie, mais bien à celui que
résume l'aède de la NÉxuia.
2. Cf. Odyssée, III, .'^04 : ôi8fjLr,T0 Se Àao; -j-'ccÙ-ok
3. Le vers 310 du chant III manquait dans les plus
anciennes éditions de Vodyssee, nous apprennent les scho-
XXII INTUonUCTION
la l'eiTinK; d'A^iimemnon. Co qu'a d'odioiix la si-
lualion de Clylemnestre, épouse du meurtrier de
son mari, disparaît quand succombe le coupable.
La moil d'K^istbe justifie (^lytemnestre. Elle
rentre dans 1(; gynécée, où elle vieillit sans doute
respectée, comme sa sœur Hélène dans le [)alais
de Ménélas'.
Oresle enfin n'est point un vengeur guidé par
les dieux vers l'accomplissement d'une tache
sainte. Il est le prince exilé qui vient reconqué-
rir son trône et ses richesses. Il tue l'usurpateur,
puis il reprend le sceptre saint, d*on deZeus % et,
souverain incontesté, il règne dans Mycènes.
— C'est une histoire banale de séduction, d'usur-
pation et de vengeance, qui ne doit sa célébrité
qu'à la destinée tragique d'Agamemnon, assas-
siné dans un festin le jour même où, après dix
ans de guerre, il revoit la terre paternelle, et au
lies. Il a été, sans doute, introduit dans le texte pour expli-
quer xacpov. L'interpolateur n'a pas compris qu'il s'agissait
des funérailles d'Agamemnon. Oreste est loué sans réserve
et par les hommes {Nestor le propose comme modèle à Télé-
maque, Odyssée, III, 196sqq.)et par les dieux {Odyssée, I, 30 :
xrjXsxXuTÔ: 'Opiatr,;, et surtout 298 sqq.). S'il avait tué samère,
une réserve à ces louanges ou, du moins, une justification du
parricide serait indiquée d'un mot.
1. Cf. Odyss:ée, IV, passim. Il ne faut pas oublier qu'Hélène
tut, après sa mort, élevée au rang des déesses.
2. Cf. Iliade, II, 101 sqq.
INTRODUCTION XXI II
grand nom de Mycènes, à ces trésors prodigieux
qui, fascinanl Egislhe, lui font repousser le con-
seil des dieux, el qui, dans la scène linahî de la
vieille épopée, viennent encore s'accroître de
tout Tor troyen que les nefs deMénélas apportiMit
aux rives d'Argolide. Le pouvoir et Tor, voilà ce
qui ici fait agir les hommes, voilà ce qui cause
leur folie et leur perte.
C.etle forme de la légende est assurément la
plus ancienne que nous puissions atteindre. Elle
s'est formée à une époque où les récits épiques
lie s'étaient pas encore pénétrés les uns les
autres, où l'on ne suivait qu'une seule ti'adi-
lion, la plus rapprochée de la vérité historique,
sans rallércr pour produire un elï'et dramatique
nouveau ou pour la mettre en accord avec d'aulres
légendes. Mais bientôt les aèdes s'aperçurent des
ra|)prochements auxquels se prêtaient les divers
ré('its de l'épopée: ils cheichèrent des analogies
v\ des conlrastes. ('.eux qui chantaient Ulysse
op[)()sèrent la fennne lidèle, Pénélope, à l'épouse
adultère, Clytemnestre '. (leu\ (jui chantaient le
meurtre d'Agamemnon icinarquèrent ([ue les
deux Atrides avaient tous deux été perdus ()ar
les (i(Mi\ Mlles (le T\n(lare'. Clytemnestre sort
1. C'csl cerlaiiicincnt iinu ilt'> inlciilions (!<• r.K'dc qui a
(•()in[io>«'' la N:y.j'a (cf. (hh/ssrc. M, 4 'i-4 Stjq.).
2. Cr. Odysscc, XI, 't'M\ siitj. I,t' Uièine devait être courant
XXIV l\Tl{nnT'r.TK)\
alors (lo son offacemenl primitif. Kilo devient
agissante : on refait jxxir clU* la scène du
menrire'. Kf^isllie a frapjx* Aj^ameinnoii, <jiii
lomhc sur réjxM} nieurlrière^' ; (llytemnesln* a
frappé ilassandre, dont l'appcd gémissant par-
vient jusqu'aux oreilles d'A^amennnon : il lève
alors vers sa femnrie un bras suppliant, (jui re-
tonibe sans force sur la terre. Mais elle se
détourne et ne daigne pas même fermer les yeux
et la bouche à l'époux de sa jeunesse'*.
Une Clytemnestre nouvelle est née dans la poé-
sie, une femme aux passions cruelles et fortes,
dans l'épopée. Il se retrouve encore dans une stro|ihe de
VAgamcmnon (1468 sqq.).
1. Ce récit de la Nr/.j'.a ne peut se rapporter à une épo))ée
différente de celle que nous avons résumée d'après la
Tr|À£[j.a"/£ia. On en a refait une scène, on n'a pas touché à la
marche même du récit. Bien des indices nous le prouvent.
Le vers 411 du chant XI n'est autre que le vers o35 du
chant IV : pourquoi ne serait-ce point un vers du Meurtre
d'Agamemnon? Les aèdes se citaient peut-être les uns les
autres : l'expression ''^où^ ï-\ ©octvtj avait paru belle, on répé-
tait le vers où elle se trouvait toutes les fois qu'on rappelait le
crime d'Égisthe. Les autres détails du récit s'accordent avec
cette hypothèse : Agamemnon tombe dans le palais d'Égisthe
qui l'a invité à un festin (cf. XI, 410 : o-xovôe xaÀia^aç); une
véritable bataille s'engage autour des cratères et des tables
chargées : c'est le tableau de carnage que laissaient entre-
voir les vers 536-o37 du chant IV (cf. p. XVIII, n. 4).
2. Cf. Odyssée, XI, 424, à-oÔvr^jxwv -epî cpaoryâvoj.
3. Cf. Odyssée, XI, 421 sqq.
INTRODUCTION XXV
cnpîihlc (le jalousie et de liaine. Mais le iiieiir-
Iriei* reste Kf^islluî; le ven^eiii' n'aura donc |)()inL
à punir celle (jui n\'i tué qu'une esclave dont elle
avait le droit de vouloir la niort. Il n'y a encoi-e
dans la légende ni meuih'e (run mai'i ni
meurtre d'une inèi'e.
Il nous esl dillicile de suivre» la l(''«;en(le dans
les épopées du (.ycle, sur lesquelles il ne nous
reste rien que des lextes ol)scurs et parfois con-
tradictoires. Pourtant, à comparer les lares lé-
moii;iiages relatil's, pour cette époque, au nieurli-e
d\\*^arnemnon, il n'est <;uèr(* douteux que des
id(Mîs doriennes ont pénéti'é la légende, lui don-
nant un caractère tout nouveau où transj)araît
rimage de moHirs cruelles et d'une th(''olo<;ie à
demi baihare.
On lit d'abord -de la lace (rAi;aniemnon une
race maudite. Les crimes des fds avaient été
pr('M'édés des crimes des pères : Atrée et Thyeste
avaient été eux-mêmes des meurtriers ; ils
avaient de concert assassine' \ouv frère Cliry-
sippe'. Puis on en lit des frères ennemis : un
l. Allée et Thyeste, avec Taiile de leur mère Ilippodamie,
Jivaient tiK^ leur frère Clirysippe, que Pélops avait eu de la
nymphe Axioché (Sch. Pind., 0/., I, 92). C'est là le récit le
plus aucien et le plus dii,Mie de foi, juiisqu'il est admis par
des historiens comme ll»'ll;mikos ifr. 4-i, MiiMrr el surtout
Thucydide (I, 9, 2).
X.W'I INTIîDDrflTION
a^iicaii à la loison d'or, *^'d^(i du [)Oiivoir. avail
él(; doniK' par /eus ' à AIic'm;; in;iis Tliyeste avail
srdiiiL la IcnurK; do son frère ol s'élail orri|jai«'* (!<;
Ta^neau-'. IMus lai-d', le cv'inut de Thyesle |)arul
(encore insul'fisaul : on inventa la ven'^eance
d'Atrée oITrant à Tli veste un banquet des chairs
de ses enfants. On remonta ensuite jusqu'à Pélops.
C'(''tait lui le premier criminel : il avait traîtreu-
sement fait péril- Myrlile, fils d'Hermès, auquel
J. Cf. Accius, Ahec, fr. 8 (Hibbeck):
Adde hue quod mihi portento caelestum pater
Prodighiiii misil, reg-ni stabilimen iiiei,
Af^^num inter pecudes aurea clarum coma,
Em clam Thyestes clepere ausiim esse e regia,
Qua in rc adjutricem conjugem cepit sibi.
Il ne s'agit donc point ici d'une vengeance d'Hermès, irrité
de la mort de son fils Myrtile; cette forme de la légende est
postérieure : cf. Sch, Eur., Oreste, 997 : *l>£&£xjor,ç o: où xaO'
'Ecaoù' iXTiviv cr.'j'. tr.v aova •j-o6Àr,0r'vau
2. Cette légende apparaissait pour la première fois dans le
poème cyclique de VAlcmconide (qui semble avoir été une
suite des Épigones) : cf. Sch. Eur., Oreste, 997. Euripide y fait
plusieurs fois allusion : cf. Oreste, 995sqq.,et Electre, 699 sqq.
3. C'était à ce vol de Thyeste qu'on rapportait le recul
miraculeux du soleil indigné (cf. Eurip., Electre, 727 sqq.).
Si, à ce moment-là, le festin d'Atrée avait déjà été inventé,
il est bien clair qu'on eût rapporté le prodige (comme on le
lit idus lard) à ce second crime, plus monstrueux que le pre-
niie'i . La légende de l'agneau à la toison d'or est donc anté-
rieure é'i celle du festin d'Atrée.
INTRODUCTION XXVII
il devait sa victoire sur OKnoiiiaos '. On alla enfin
jusqu'il Tantale, auteur delà race : son impiété,
pour éprouver les dieux, avait osé leur offrir à sa
table les membres de son (ils '. Toute Tàpreté
(les vieilles légendes doriennes a passé dans
riiistoire de la race d'Atrée. Le meurtre d'un
mari suivi du meurtre d'une mère ne devait être
que le dernier ternie d'un long passé semé de
haines, d'adultères et d'assassinats ^
Mais ce n'était pas tout : il fallait expliquer
religieusement Tinfortune dWgamemnon ; il ne
suflisait pas qu'il fût l'héritier d'une race maudite,
il fallait que lui-même se fut montré criminel et
barbare comme Atrée, afin de susciter à son tour
contre lui une vengeance digne de son crime et
de sa race. Il fallait enfin, puisque Clytemnestre
s'offrait maintenant aux imaginations comme un
caractère vivant et agissant, lui donner des pas-
sions capables d'inspirer une haine hardie et
1. Cf. Phérécyde, cité |uir le scholiastedeSoplioclo, Electre,
rioo.
2. Cf. Pindare, (H., I, "û sqq. Il était déjà question de
Tiinlalt' dans le Rapatriement des Atrides : cf. Athénée, VII,
3. On cherchait de même à expliquer la violence des pas-
sions amoureuses chez les lilles de Tyndare. Les Catalofjucs
hêaiodiques Tattrihuaient à la Jalousie d'Aphrodite (fr. 112,
Kinkel), Stésichore à l\»uhli du nom d'Aphrodile jiar Tyn-
dare dans un sacrifice : oi' o opYiaOeiaa f, Oêo; ôiyâaoj; tî /.ai
XX vil I INTHOOLCTION
l)i*rilîinl('. l'^l c'nsl ainsi (pu' lui cvr'iU^ la I(''!j:<'ii(Io
(lu siicrilico (I1|)liif^éiii(î.
(^'esl dans l\;po|)('H3 do Slasinos, les (yyjn'ifujvcs^
qn^^lle apparaît pour la prorni<''i*<' fois'. Les
poètes des Ages suivants en on! un jxui dissimui»'*
riiorreur et la dureté priniilives. Le poète de
(Chypre avait au contraire fortement insisté sur
la barbarie d'Agannemnon et cjioisi les détails
les plus propres à l'endre odieux celui quidevail
être la victime de Clytemnestre. L'i(b'e de la
iXémésis était le point de dé|)art de la nouvelle
légende. Agamemnon avait chassé dans un bois
d'Artémis, atteint wwq biche sacrée et cri(' inso-
lemment qu'Artémis elle-même n'eut pas mieux
visé'. La déesse irritée avait déchaîné les vents
contraires et immobilisé la flotte grecque dans I
les eaux dWulis. Puis, par la bouche de Calchas. \
elle demandait à Agamemnon le sang de saillie,
comme victime expiatoire de sa parole orgueil-
leuse. Ulysse partait alors pour Mycènes; il pré- .
textait un mariage entre Iphigénie et Achille et j
emmenait la vierge au camp des Grecs. Clytem- "
Tpivâfj-O'j; xal Àsi'i^avBpo'jç a-jTO') ta: OuyaTSca; ï~o\T^1v^ (Schol.
Eur., O/r.s/f, 249). Partout se retrouve la même tendauce à
reculer do génération en génération la cause première des
crimes de la race.
1. Cf. Proclos, Chrcsiomnthic, livre I (Kinkel, p. IGj.
2. C'est la version que suit Sophocle, É/ec^re, 566 sqq.
INTROnrCTIOV XXIX
iieslrc roslait à Mycèn('s,c(''lrl)ranl|)ai' (h's danses
et des chants le glorieux hyménée de sa lille, et
le palais des Atrides retentissait du chant de la
flûte ', tandis que l'en fan t tonn hait à l'autel d'Ai'-
témis, innniolée |)ar son père, qui, lui-même,
tenait le couteau '.
Un ci'ime d'une horreur pareille devait èlre
puni d'un châtiment égal à lui-môme \ Celui qui
avait tué lâchement et traîtreusement sa lille
devait |)érir sous les coups de sa femme, ven-
geresse du sang de son enfant, il fallait que
Clvlemnestre devînt elle-même la meurlrière
d'Agamemnon. Il fallait par conséquent que le
vengeur la frappât à son tour et que le parricide
fût le dernier terme de cette progression inin-
t(UM'ompue dans le crime. Ces deux dernières
étapes de l'histoire delà légende furent franchies
dim seul coup par un poète de génie. La légende
telle que l'avait faite l'esprit dorien s'épanouit
dans une grande anivre, ï(J)'c\sUe de Stésichore '.
1. Ces détails se trouvent dans Eiiii|>i(l(\ Ip/iin.cu Ttnaidc,
24 sqq. et 359 sqcf. M. Weil, avec i.iisoii, en fait remonter
Toiigine à Stasinos.
2. Cf. Eurip., Iphùj.cn Taitridr, 300. Il semble bien, d'après
les vers 207 scpj. et 224 de VAi/amcnuiou. que ce soit aussi la
tradition suivie par Eschyle.
3. Cf. Eschyle, Aq., 4527 : à^ia Spâaa; a;'.a râa/fov.
4. D'après Athénée (;il3 A), Stésichore naurait l'ait, dans
son Orestie, (jue plagier [r.oLpoLr.ouh] un certain Xanlhos, qui
X\X IXTIU (DICTION
Sl,ési('liorc |)lîu;ail liîli'oiic (rA^arncmnon, non
plus à MycùiKiS, mais à Arnyr.lres, au cjvaw du
pavs (loricFi '. (]lvLemn(;stre Irarnail la ruoil
d'Agam(;mnon, meurtrier de sa propre lillf;-'.
I^]lle l'immolait elle-même, |)uis essuyait son
épée sanglante sur la tête de sa victime pour
rejeter sur celle-ci la responsabilité du sang
versée Sa colère ne s'en tenait pas là: elle
ne nous est connu que par ce passai,'e et une indication ana-
logue d'Klien {llist. Var., IV, 20;. On peut vraiment conser-
ver des doutes sur l'existence d'un grand poète grec du
vi*^ siècle dont le nom et l'œuvre nous sont révélés pour la
première fois par des sophistes du ni'^ siècle après Jésus-
Christ.
i. Cf. Schol.Eurip., Oresfe, 46 : "0[JLr]poç âv Muxrlva-îcprjalv elva-.
Ta [jaaîXsia 'A^aj^iavovoc, STr|ar/opo; oï iv Aaxîoa'.ULOvîa. C'est
Pindare qui, plus précis encore, nomme Amyclées (Pyth.,
XI, 32), et Pindare, comme nous le verrons, s'inspire surtout
dans cette ode du récit de Stésichore. D'ailleurs nous savons
par Pausanias (111,19) qu'on montrait enLaconie le tombeau
de Cassandre et d'Agamemnon. Simonide suivait encore la
même tradition : cf. Sch. Eurip., Oreste, 46.
2. Nous savons parPhilodème, IIsp- cjasosîa:, p. 24, que, pour
Stésichore, « Hécate était aussi un nom d'Iphigénie ». Donc
Stésichore parlait du sacrifice d'Iphigénie et, vraisemblable-
ment, en faisait le point de départ de son poème.
3. Tout ceci peut se tirer du fragment cité par Plutarque,
Moralia, p. 355 A. Si le fantôme d'Agamemnon apparaît à
Clytemnestre, c'est qu'elle est elle-même la meurtrière ; s'il
a le haut de la tête ensanglanté (xâpa .SsSpotfDaivoç axpov), c'est
qu'elle a essuyé sur lui son épée. De même la Clytemneslre
d'Eschyle, pour échapper à la vengeance du mort [l-l Ào-j-rpoiai,
INTRODUCTION'
XXXI
voulait sacrifier aussi le fils qu'elle avait conçu
de lui et qui pouvait devenir un vengeur. Mais
la nourrice d'Oreste, Laodamie', le dérobait à
ses mains furieuses'', le confiait à Talthybios'',
le fidèle héraut d'Agamemnon, qui Temmenait
en Phocide, tandis que Clytemnestre, croyant
frapper Oreste, tuait le fils de Laodamie.
Des remords, des pressentiments assaillaient
alors Clytemnestre. Un songe piophétique lui
montrait un serpent à la tête sanglante, qui,
soudain, prenaitles traits d'Agamemnon ' : le ven-
geur était proche. 11 [)araissait bientôt en Lacouie ',
dit le sclioliaste «lu Mediceus), le mutile et l'ensevelit en si-
lence [Choéph., 43y sq.).
1. C'est le vieil historien Plirrécyde (cité par le scholiaste
de Pindare, I*yth., XI, 17) qui nous raconte le dévouement
de Laodamie. Or le scholiaste d'Eschyle, Choéph., 731, nous
apprend que Stésichore appelait la nourrice d'Oreste Lao-
djiniie. Le fait rapporté par Phérécyde devait donc être
raconté dans VOrcsIir de Stésichore.
2. CL Pindare, l'ijtfi., XI, 17 sq. : KÀj-:a'.;jLvr|TTpaç /cipcov jro
xpaTepav. Phérécyde dit : j-ô AîytaOoj. Mais ici le témoignage
du poète doit être préféré à celui de l'historien. Stésichore
aimait à peindre des canictères de femmes : Clytemnestre
devait Jouer le premier rôle dans le drame tel (ju'il l'avait
conçu.
3. Cf. Nicolas do Damas, fi'. 28 (Dindorf ;.
i. Cf. Plutarque, Moralin, 555 A.
:». A partir d'ici, les seuls témoignages que nous ayons ne
sont plus des textes, mais des monuments (igurés, en parti-
culier des vases du commencement du v siècle à ligures
XXXII INTItohl f:TION
suivi (leTiillliNbios '. Il trouvait Klcidroon plours
sur le lonibcau (rAj^amernnon avec la \i(Mll(3
Laodamic; : 1(3S deux siirvileurs se recori nais-
saient peut-être les | remier's et leui* recon-
naissance entraînait celle du frère et de lasoîur.
On concertait rapidenrient un plan de vengeance.
Oreste, ^uidé par Electre, entrait dans le palais
et tuait Egistlie sur son trône. Mais Clytem
nestre avait suivi Tétranger et, au moment même
où il frappait le roi, elle accourait par derrière et
levait la hache sur sa tête. Electre, d'un cri tardif,
avertissait en vain son frère : la hache allait
retomber, quand Talthybios, surgissant à son tour
derrière Clytemnestre, arrêtait son bras. Le fils
rouges : les scènes de ÏOrestie représentées sur ces vases se
rapportent toutes clairement à la même tradition. Or la
célébrité de ÏOrcstic de Stésichore était encore très grande
au v^ siècle : Aristophane en glisse deux vers dans sa para-
base de la Paix, et un poète comique ne fait de citations de
ce genre que lorsqu'il est sûr qu'elles seront saisies et com-
prises du public. On lisait donc encore ÏOrestie de Stésichore
en 421, après celle d'Eschyle; à plus forte raison devait-elle
être populaire cinquante ans auparavant; tous les poètes
lyriques y font de fréquentes allusions. C'est donc à elle
aussi que doivent se rapporter les peintures de vases de cette
époque. Pour cette reconstitution de Tœuvre de Stésichore,
nous suivons Cari Robert, Bild und Lied.
1. Le -aiôaywyd: de Sophocle et le r^piio-jç d'Euripide, dans
leurs Électres, sont évidemment des souvenirs du Talthybios
de Stésichore.
iNTROnrCTION XXXIII
se faisait peut-être reconnaître de sa inèi'e, puis
il la tuait'. Les Fiu'ies s'attaeliaient alors à sa
poursuite. Mais Apollon lui prêtait son arc et
ses flèches'. Un dieu venait au secours du
meurtrier : [)Ourquoi? Avait-il donc lui-même
poussé Oreste au crime? Quel rôle inattendu ve-
nait jouer Apollon dans le vieux n'cit myc('nien?
Apollon est ledieudorien |)ar excellence, c'(^st
le dieu de Tordre et de la justice, le dieu prolec-
teur et vengeur. A ce titre, il veille, implacable,
au maintien de la loi du talion. « Sang pour
sang » : quand un homme est tombé, son lils, son
IVère, son plus proche parent doit le venger. Au
besoin, la voi\ fatidique du dieu saura le lui
rappel(M'. Llle menacera le vengeur hésitant de
maladies mystérieuses'' qui peu à peu le dévore-
ront tout vivant. Klle lancera même sur sa ville^
la |)este ou la famine, jusqu'à ce (jue le cour-
rv)ii\ de ses concitoyens force le rebelle à apai-
ser le fléau par une obéissance aveugle. Dans
cefte société encore barbare, tout homme a pour
1. Nous savons (par \e scholiaslo cilé n. 2) que TOreste de
Stésichoi'o étail poursuivi |»ar les Kuiios : donc il avail. coni-
mis un parricide.
2. Cf. Sch. lùir., i)n'sU\ 268.
13. Cr. Kscliyle, r//o<7)/i., 279 siiq.
f. cr. Eschyle, Choéph., 278 S(|., cl noire noie sur ce pas-
sage.
XXXIV INTHODUCTION \
devoir (h^ s(i l'jiirci jusLi(:e, cl, s'il siiccoml)f3, co
devoir retombe aux hommes de son san^. Mais
nul lorl ne doit rester impuni; l'ordre du monde
est tout entier dans une stricte réparlilion de la
vengeance K
Mais il n'est point de lois, si antiques qu'elles
soient, si adaptées qu'elles paraissent à la nature
d'une race, qui puissent triomplier complètement
des instincts communs de l'humanité. Tant que
les Doriens vécurent en soldats, conquérant
lentement les plaines et les vallées du Pélo- à
ponnèse, nulle crainte du sang versé, nul I
remords ne les troubla. Mais, quand ils se furent
établis en vainqueurs dans le pays conquis, ils
éprouvèrent un étonnement craintif devant lesj
immenses tombeaux que partout avaient laissés]
les vaincus sur le sol achéen. Ces peuplades guer-j
rières, errantes depuis de longues années à la
1. Dans la société homérique, le sans versé se rachète à'
prix d'or. Ajax, dans VIliadc (IX, 632 sqq.), trouve qu'il est!
d'un bel exemple de voir réunis dans la même cité un meur-
trier et les parents de sa victime, l'un c vivant tranquille au|
milieu de ses concitoyens, puisqu'il a largement payé ce qu'il
devait», les autres «contenant leurs nobles cœurs, puis-
qu'ils ont reçu le prix du sang». I.a loi dorienne, malgré sa
cruauté, marque un progrès sensible de la morale grecque.
Elle reconnaît le prix de la vie humaine et la met au-dessus
de toute évaluation pécuniaire : les dettes de sang ne se
payent point en or.
INTRODUCTION XXXV
conquête de terres nouvelles et qui abandon-
naient leurs nnorts en des pays qu'ils ne devaient
plus revoir, connurent pour la première fois le
respect et la crainte des morts quand ils ou-
vrirent ces tombes pi'otondes où, entourés de
richesses sans prix, des rois dormaient, masqués
d'or. Au contact d'une société vaincue, mais dont
le souvenir vivait encore par ses monuments
funèbres, une terreur s'éveilla dans l'àme
dorienne : cette terre qui garde les corps ne
gaiderait-elle pas aussi les âmes, et des divinités
redoutables ne seraient-elles point les venge-
resses des morts contre les vengeurs tiop sévères
qui ont versé le sang iiumain? Et c'est ainsi que
naquit le culte des divinités clitoniennes, de la
Terre et des Erinyes, filles de la Nuit, qui sortent
des tombeaux et poursuivent sans trêve celui
qui a fait couler le sang de sa race ^
1. La superstition populaire a restreint le rôle des Érinyes
à la vengeance des meurtres commis sur un homme du
mi'me sang (çovoioij.ai[xoi, EMmt'n.,2i2). Uienne saurait mieux
montrer ce qu'il y a d'étroitesse dans cette théologie
dorienne. Les Lrinyos syniholisent une loi de nature, mais
une loi hrutale, qui ne connaît que les liens du sang et ne se
préoccupe pas des liens sacrés du mariage ni des lois
sociales (jue (Uytemnestre a outragés en luanl un mari et un
roi. C'est pouniuoi il sera si facile à Eschyle de grandir le
rôle d'Apollon. I*rimilivement celui-ci est, comme les
Furies, un dieu obstiné el aveugle (jui ni; connait(|ue la loi
W.WI INTUODICTION
lu coiillil, s'ôleviiiL donc loul à coiii) cnlff l;i
loi (in san^, qui oi'donne Ic3 meinir<!, cl la loi de
nature, qui conchiiniie h; rneniLrier aux r<'mords,
aux tcireurs iioclurncs, aux apparitions de^
songes. Et ce conflit se symbolisa alors dau>
une lutte entre 1(î dieu des vengeances humaines.
Apollon, et les divinités de Tombre, représentées
à la fois par le serpent' Pxllion, (jnWpollon
tuait et laissait pourrir sur Ut sol', et par
la Terre ^, à qui Apollon enlevait de force'
son sanctuaire et sa puissance mystérieuse. Il
d(3 vengeance. 11 devient chez Eschyle, en s'opposant aux
Érinyes, le représentant d'une Justice vraiment humain<',
qui tient compte au meurtrier de ses intentions, de l'indi-
gnité de sa victime, et pardonne une faute contre la nature
qui châtiait une faute contre la société.
1. Le serpent, fils de la Terre, a la même signification
symbolique que les Érinyes. Et c'est pourquoi les Érinyes
sont représentées la chevelure entrelacée de serpents. Sur
Vompltalos de Delphes était peint un serpent; c'était évi-
demment un reste du culte de Gëa, Cf. Jane E. Harrison,
Dc/phica, dans le Journal of hcllcnic stiidies, 1899, vol. XIX,
part. II.
2. Voyez VHymne homérique à Apollon Pythien.
3. Cf., par exemple, Euripide, Iph. en Tauride, 1233 sqq.
Euripide, dans les tragédies où il a traité la légende d'Oreste,
semble avoir suivi les traditions doriennes de plus près
qu'Eschyle, pour se donner ensuite le malin plaisir d'y mon-
trer Fétrangeté du rôle des dieux.
4. C'était l'ancienne tradition. Eschyle veut, au contraire,
que la transmission du pouvoir prophétique se soit faite sans
violence : voyez les premiers vers des Euménidcs.
INTHODUr.TION XXXVII
(Uail (h'sormjiis un lieu sui* lu Ictre où nulle
divinité souterraine, nulle finie de mort irrité,
ne pouvait poursuivre le meurtrier: c'était Ten-
ceinte sacrée de Delphes où Apollon avait vaincu
les divinités des ténèbres. Là, le dieu olï'rait des
purifications h celui (jui s'était souillé de sang.
Lui-même s'était purifié du sang du serpent: il
s'était exil(' pendant huit ans, il avait accom|)li
dans la vallée de Tempe tous les rites expiatoires,
avanl de remonter couronné de laurier à son
temple de Delphes. Il exigeait des autres l'exil
auquel lui-même s'était soumis, puis faisait cou-
ler le sang d'un jeune porc' sur la tête du cou-
pable. Ses concitoyens des lors pouvaient lui
parler, le recevoir à leur loyer; sa souillure
s'émoussait au contact des hommes'; il rej)re-
nait sa place dans la cité, etilétait honoré [)arce
qu'il avait fait son (hwoir et soufîert pour ce
devoir l'exil expiatoire.
Ce sont là les idées que Stésichore avait poéti-
quement traduites par le |)rêt des flèches divines.
Le dieu était venu au secours (TOreste, et ce
secours avait dû être tout-puissant, car les flèclies
qui avaient frappé Python restaient invincibles
contre le courroux des divinités souterraines. Le
1. Cf. Es(:liyl(\ Eumènides, 283 et 450.
2. {]{'. Kschvlc, Kaniénides, 2.i<S sij.
XXXVI 11 INTRODUCTION
poème (le Slésic-hore se terminait donc pjii' l;i
juslilication d'Oreste. Mais, i'em<ir(jnons-l(î ijien,
cette jnstification est uni(}nement théolo^ique.
De qnoi délivre-t-ellc Oreste ! Des Furies, c'est-à-
dire des morts. Mais rarrache-t-elle aux vivants
à qui revient la vengeance du sang versé? Au
contraire, elle le désigne à la vengeance. Si
Oreste a été protégé par un dieu, c'est qu'il a
obéi à la loi d'Apollon : il a payé du sang de sa
mère le meurtre d'Agamemnon. Que maintenant
le père de Clytemnestre, Tyndare, à qui, par
cette même loi, revient le soin de la vengeance,
vienne le frapper à son tour, Apollon ne le
secourra point, il oflrira au contraire à son meur-
trier les mêmes rites purificatoires, car il est le
|)rotecteurde tous les vengeurs légitimes. Le sang|
continuera à couler, épuisant les cités'. Et nul
terme n'apparaît à la série des vengeances tou-
jours commandées par la loi, toujours exécutées]
par les hommes, toujours purifiées par les dieux.
Le lyrismedorien^ a donc profondément trans-J
formé la légende épique. Il a modifié les faits]
[.(]{. Eschyle, Eumcnûles, 980 sqq., et surtout Euripide J
Oreste, 52^).
2. Pindaie a rapidement traité la légende d'Oreste {Pyth.
XI, 17 sqq.). Mais il suit évidemment la tradition de Stési-
chore (cf. p. XXXI, n. 2). Ce qui lintéresse, ce sont surtout les
motifs qui ont fait agir Clytemnestre : est-ce l'amour mater-
INTRODUCTÎON XXXIX
eux-mêmes, en faisant de Clylemnestre ia meur-
trière, et en inventant le meurtre de la mère,
seule vengeance digne du meurtre» du mari. Il a
surtout modifié les l'aisons d'agir des acteurs du
drame et donné un intérêt moral aux passions
qui les mènent : robéissanecî à une loi sacrée
devient Texcuse du crime; le sang (ri|)lngénie a
été payé du sang d'Agamemnon, le sang d'Aga-
memnon du san^ de Clvtemnestre. Une réelle
grandeur s'attache dès lors à ces criminels : les
meurti'es qu'ils ont commis (daient des actes de
justice ; |)euvent-ils donc blesser la justice ?
T/idée d'un conflit entre deux devoirs également
im[)érieux apparaît j)Our la première t'ois à la
pensée gi'ecque. L'esprit dorien conclut à la su-
pi'ématie d'un de ces deux devoirs, le devoir de
vengeance, et il lui sacrifie les lois naturelles
d'humanité et de respect fdial. Il y a dans cette
solution quelque chose de brutal qui, avec le pro-
grès des mœurs, devait choquer la conscience
grecque, et c'est pourquoi le drame attique ne
reprit la légende qu'en lui cherchant un dénoû-
ment nouveau.
iiol? ost-ce l'amour ailulLère? ou n'est-ce pas plutôt la situa-
lion laite par radullère, (jui force la femme intidèle à tuer
le mari à qui elle n'espère pas pouvoir cacher sa faute? Cette
dernière façon de voir est peut-être "aussi celle d'Eschyle
(cf. p. XLV).
XK INTlmDI CTIOV
IN)ni(jii()i Msc.hyle an 458' choisil-il Iji l(''^(;n(ln
(TOiTsIc poni' mali<''F'o (riino trilogie? I*îii-cn (jikî
(*o sujet. Ici (|u il le concovail, iw'pondait à ses
])réoc(ui|)alions politiques : il lui permelhiil en
eiï(il (le donner aux partis de sages conseils et,
en même temps, de célébrer avec toute la cité
une alliance précieuse pour Athènes.
Après les guerres Médicpies, FAi'éopage avait
eu, non ])oint officiellement, mais en fait, la
direction des affaires de la cité^ Vers 402, le
chef du parti démocratique, Kphialtès. lui avait
enlevé ses attributions les plus importantes pour
les rendre aux Cinq-Cents et aux tribunaux '. |]n
458, Périclès reprenait cette lutte contre l'Aréo-
page et cherchait à enlever ses dernières préro-
gatives'* à rassemblée qui symbolisait jjour le
parti démocratique le gouvernement des aristo-
crates. Eschyle appartenait-il au parti attaqué ? La
chose est douteuse \ mais il avait sans doute des
1. Cette date, qui nous était déjà donnée par TArizument
de VAgamemnon, a été confirmée encore en 1880 par la dé-
couverte d'une inscription sur FAcropoîe. Cf. Cli. ^lichel.
Recueil (F Inscriptions grecques, n° 879. A, I.
2. Cf. Aristote, Comt. d'Athènes,W\U. 1.
3. Cf. Aristote, Const. d'Athènes, XXV, 2.
4. Cf. Aristote, Const. dWthèncs, XXVII, 1 . Voyez aussi Weil.
Études sur le drame antique., p. 54 sq.
5. Si Eschyle eût été vraiment du parti oligarchique, eût-il
célébré cette alliance avec Argos contre Sparte, qui était la
négation même de toute la politique extérieure de Cimon?
IXTRODITTION \\A
amis flans ce parli ; il avait souirer-l do voii' siic-
coinher sous des accusations politicjues un^rand
nombre d'Arcopa^ites'. Au milieu de la lerreui*
qui avait dfi réf2;nei' alors dans la société oligar-
chie! ne d'Athènes, il avait pu croire que la démo-
cratie menait la cité à Tanarcliie (M, poui' sauvei*
rAréopage, il voulut en ra|)pelcr à ses conci-
toyens les origines divines, en dissimuler le ca-
ractèi'e |)()litique et en célébrer au contraire le
rôle d'humanité et de justice, symbole du rôle
d'Athènes dans le monde grec.
xMais, [)our exalter TAréopagc, quelle légende
choisir? Une ancienne ti'adition l'attachait le
nom de la colline où il siégeait au meurti*e
dllalirrhotios par Arès^. Kschyle, sans aucun
doute, la connaissait. Mais il savait aussi
que, parmi les accusés illustres qui avaient été
jugés sur la colline attique, on citait le nom
(rOreste ^ : un roi argien avait du son salut à
Alhéna. Or, à ce même moment, un rapproche-
I. Ilphiallrs avait commencé par intenter des procès privés
à (le ni^mhreux meml)res de l'Aréopage (cf. Aristote, Consl.
(rMhcnrs, XXV, 2).
1. Cf. Enripide, Electre^ 1258 sqq.
'.]. Nicolas de Damas, dans le fraijment que j'ai déjà cité
(p. XXXI, n. :0, après avoir rappelé Tacquittement d'Oreste,
ajoute : Ajtt) r^ ù'.xt^ çovoj TcTap-rr, iv 'AOrjvai; v/.p'.f^T^. Ces motS
ne peuvent se rapporter qu'à une tradition ancienne, pro-
bablement celle d'après laquelle Ares commettait le pre-
XMI INTMOnUCTIOX
rneiil ;iv;iil \'\vu entre Allièncs cl Ar'^os. La poli-
li(|iM' (le (limon, (jui, salisfiiilc dit la puissance
d'Athènes, vonlait défendre Sparte contre ses
alli('S, était devenue prodi^ieusennent innpopu-
laire depuis le jour où les Lacédénnoniens avaient
dédaigneusenient renvoyt; l'amnée de secours
qu'Athènes leur avait prêtée contre leurs
révoltés'. Périclès avait inauguré une politique
])lus hardie qui visait à donner à Athènes Thé-
génnonie de la Grèce entière par l'écrasement
de Sparte. Une alliance avec toutes les villes du
Péloponnèse hostiles à Sparte rentrait donc dans
les plans du parti démocratique, et c'est pourquoi
Athènes se rapprochait d'Argos. Rien ne devait
être plus agréable aux Athéniens que d'entendre,
mier meurtre qu'Athènes eût vu juger; on ajouta ensuite
au nom d'Ares tous les noms de criminels célèbres, dont
celui d'Oreste. Le tribunal était composé, pour Oreste
comme pour Ares, des douze grands dieux (cf. Euripide,
Oreste, 1650 sq., et Démosthène, Contre Aristocrate^ 66 .
Donc, faire juger Oreste à Athènes n'était pas une inven-
tion : ce qui était nouveau, c'était de faire fonder l'Aréopage
pour Oreste. Les raisons d'Eschyle se devinent. Il ratta-
chait ainsi plus étroitement cet Aréopage qu'il voulait
défendre à la grande cité dont l'alliance était à ce moment
si populaire à Athènes : les Argiens ne devaient-ils pas véné-
rer le tribunal fondé pour sauver un de leurs rois et devant
lequel Oreste avait, le premier, juré lîdélité éternelle à la
ville de Pallas (cf. Ew?7z., 'Î62sqq.)?
1. Cf. Thucydide, I, 102, 4.
I
INTHODLTTION XLUl
dans leur Ihéàtre, Oreslo proiiicllie à Allic'iia la
lidMo alliance de mm\ peuple'.
Ainsi ce fut pour des raisons politi(jues qu'Ks-
cliyle se décida, en 458, à faire de TOrestie h»
sujet d'une ti'ilo^ie qui rappelb'i'ait le nMe élevé de
TAréopa^e et céléhi*erail Talliance argienne. Mais
les modidcalions ([u'il lit subir à la légende ne
furent pas dictées par des raisons politiques : elles
devaient naturellement sortir du contact de la
vieille légende avec Tesprit attique.
La légende dorienne laissait la victoire à
Apollon : les Krinyes étaient repoussées par les
(lèches infaillibles du dieu. Autrement dit, le
silence était imposé à la plainle des morts implo-
l'anl la vengeance et à la voix de la nalurci r(''-
voltée devant le parricide. Cette solutiorj brutale
ne pouvait satisfaire res|)i"il d'un Athénien, tou-
jours disposé à suivre la nature, à répudier tout
excès de volonté, toute loi qui se fonde sur l'écra-
sement des premiers sentiments de l'homme.
En même temps, les Mystères faisaient naître
dans les âmes la préoccupation de la mort et y
entretenaient l'idée d'une vie piolongée au-delà
du tombeau. Nier la puissance des morts, la faire
I. (VosI aussi pour rdu ({u'Eschyle a localisr la légende à
Ai'i^os. I/ancieniie Mycènes avait étédéiruite par les Argiens
dix aus avant la représentation de rOreslie.
MJV i\'i"i!«H)i (:Tir>\
iiisullor \iiiv lin pwiiicidc. pour un AHM''ni<'ii du
v'' sièclo, c/élail, un hlasphèrnc. .Nulle violoucfî
Immaincî, nulle aulorilé divine ne peut imposer
silence à la jilainlc impérieuse du nioil. Le (ils
parricide n'échappera pas au souvenii* de son
crime. Toul dans Eschyle contribue; à mettre
cette idée en lumière. Oreste a beau avoir agi
avec ra])pui sacré du mort, sur Tordre même
d'Apollon, que Pylade lui a rappelé à la minute
suprême ; il a beau crier devant le peuple (FArgos
que son acte fut juste : les Furies ne s'en dressent
pas moins devant lui, au moment même où il
invoque le dieu qui le poussa au crime. Il fuit
jusqu'à Delphes : les Furies violent le sanctuaire
du dieu tout-puissant, vainqueur de Géa et
de Python; elles dorment dans le temple saint;
elles le quittent moins parce qu'Apollon les en
chasse que parce que la poursuite de leur victime
les appelle ailleurs. Athéna elle-même reconnaît
qu'on ne peut sans danger leur refuser une satis-
faction; et, même le jugement rendu, elles ne
sont pas des vaincues* ; leur vengeance resle
pendant un moment suspendue sur Athènes :
leur colère ne cède qu'à la douceur, à la Per-
suasion saintes quand Pallasleur prometle res-
\ . Cf. Eschyle, Eiiménides, 795.
2. Cf. Eschyle, Euménides, 885 et 970.
à
INTUOnrCTION XF.V
|)or'l (run peiipl<', im culle élcriK'l dans sa rilé.
T. es moi'ls iToiil pas été vaincus ; les morts se
sont laissé a[)aisor pai* des ollVandes (expiatoires ;
les morts ont pardonné.
Oreste n'est donc point justifié; il est gracié.
Le jKirricide reste poui* Eschyle un crime sans
excuse, et, pour en alténuer l'horreur, il s'ap-
pli(jue à aggraver la faute de Clytemnestre et à
dimimiei' la i'es|)onsa])ilité d'Oreste. — La mcur-
Irière donnera bien comme excuses de son crime
le sacrilice (riphii;énie, la faiblesse d'A<;amem-
noii poui' ses captives; elle couvrira sa haine
|M)ur son mari du nom de jalousie' et d'amour
maternel' : l'arrivée insolenle d'I^gisthe à la (in
de la pièce parlera plus haut (|u'elle el dira la
vraie l'aison du crime, la situation créée par
l'adultère''. — Oreste, au contraire, arrive à
Argos en justicier; la voix d'Apollon l'a conduit
jusqu'au tombeau de son pèi-e ; maintenant c'est
1. Cf. l'ischylo, Af/tnncmno}i, i't'M) sipj. Cassaiidro a, par
avance, ri-futé cette excuse : cf. 1258 s(jij.
2. Cf. Eschyle, Agnmemnon, 141i)sqq. et 1;)23 sqq.
3. 1-e personnage d'Kgisthe diminue et s'efTace à mesure
que grandit celui de Clyteninesti'e. Dans Eschyle, il apparaît
surtout comme un heau parleur, aussi présomptueux que
lAche : sa suflisance naïve est très spirituellement marquée
dans les Chovpliorcs (voyez en particulier les vers 847 et 8.')4).
Il est, dans toute la force du teiine,ce que M. de Wilamowilz
appelle énergiquement un frcliKnict.
Xf.VI l\TIU)hrfT10\
(J<; CM loiiihc.iii (jnc lit V(;ii«^ejinc(; sorliiM : un
lon^" tlirènc (îveill<'ia \(\ niorl, lui rendi'ji sîi forer
invincible (I(i vi('lirne qni \eul se venger, et c'esl
lui qui, par le bras de son (ils, frappera Clytenn-
neslre '. — Tout eoncourt donc à atténuer
Todieux du parricide, et, malgré tout, le parri-
cide n'estpointabsous: il reste le crime inexpiable.
La pauvreté des arguments d'Apollon ' devant
les juges d'Oreste montre combien il <*tait difli-
cile, pour un |)oète atlique du v^ siècle, non pas
seulement d'admettre, mais même de comprendre
et de présenter avec force les idées sur lesquelles
reposait la légende dorienne.
Ce n'étaitpas seulement la conscience d'Escbyle
qui était, en effet, choquée par ces vieilles idées ;
c'était aussi sa conception de la société. La loi du
sang conduit les villes à leur perle en les épuisant
par des meurtres vengeurs. Elle convient non à
des hommes civilisés, mais à des hêtes sauvages '.
Elle se fonde sur les plus bas sentiments de
l'homme, qui souffre dans son orgueil plus que
1. Cf. Eschyle, Choéph., 927.
2. La faiblesse du plaidoyer d'Apollon n'est pas discutable.
Mais il ne faut pas oublier qu'il ne pouvait guère en être
autrement chez Eschyle, car Apollon ne sort pas vainqueur
du débat : la conscience humaine se partage et ne peut se
prononcer; pour correspondre à la vérité (àXr,f)coç, 796), c'est
un arrêt indécis qui sort seul de l'urne.
3. Cf. Eurip., Oreste, o24 : -à Or^ciwScç tojto.
ÎNTHOni^CTION XLVII
dans sesaiïections do ne pas voir vengés ceux qui
le louchent de près. Mais, d'autre part, si le crime
reste impuni, les meurtres cioîlront aussi, bien
que pour des raisons dilîérentes. 11 faut donc que
tout meurtre soit vengé. Mais il faut ([ue le ven-
gein* soit tel qu'il ne |)uisse à son tour susciter
de vengeance contre lui : ce sera la dite. La
Cité, autant que la famille, est atteinte par la nioil
d'un de ses membres. Elle a donc à la fois le
droit et le devoir de la venger. Mais un frère, un
fils de celui qu'elle a condamné osera-t-il ensuite
se venger d'elle? Il ne le peut sans renoncer |)ar
là même au\ autres lois de la Cité, dont il accepte
le bienfail. L'institution d'un ti'ibunal chargé, au
nom de la Cité, de la vengeance du sang versé
mettra donc tin à ces meuitres barbares qui se
paraient du nom de devoirs et se cachaient sous
la protection d'un dieu. Le règne de la pure jus-
tice et des lois équitables va commencer.
L'Orestie reconnaît donc et célèbre le progrès;
elle est une des premières œuvres poétiques où
se manifeste un commencement de sens histo-
rique. Il ne faut pas s'y tromper pourtant : il n'y
avait point, chez Lschyle, d'observation atten-
tive, d'étude approfondie et impartiale du |)assé.
Mais il y avait une volonté im|)érieuse et rétléchie
de concilier le passé et le présent, les Iraditions
de l'un et les audaces de l'autre. Deux courants
MA III INTlinhl CTION
(ri(l<''(?s n'^iiait'iil alors à AllH"'Il(^s (îl (livisai(Mil l(;s
cspi'ils. — liCS uns, r('S|)(!(;Uieux (hi passé jusqu'à
la su|)(îi'sliLi()ii, \oulaieut, pour l'cducalioii (ht la
j(3U liesse ^rc<'que, (;ons(;rvei* cornrrK* \<''rit(îs (.'l
règles (le vie iridiscuLables toutes les tradilioiis
léguées pai- Tantique poésie, sans s'ap(ire(*voir
(les contradictions de ces légendes anciennes, suc-
cessivement transformées suivant les Ages et les
pays par le développement de mœurs nouvelles.
Le triomphe de la vieille loi du sang, bien qu'elle
fut d'origine toute dorienne etnullement ada|)tée
au caractère attique, les eût à peine choqués
dans un drame athénien. — D'autres, au con-
traire, élèves des philosophes qui avaient dénoncé
l'immoralité des vieilles légendes épiques et la
vanité des thèmes familiers au Ivrisme, eussent
trouvé dans l'absolution du parricide un outrage
à la raison et aux sentiments d'humanité qui font
l'homme civilisé. — ici comme ailleurs, Eschyle
a voulu concilier : il a refait la légende pour lui
donner un dénoùment de nature à satisfaire la
raison et la conscience ;le parricide d'Oreste sera
pardonné, parce que le libre pardon peut, seul, à
de certaines heures, arrêter l'enfanlement con-
tinu des crimes par les crimes ; mais la loi du sang,
la vérilable meurtrière, sera condamnée; elle dis-
paraîtra pour faire place à des lois humaines et
justes. Ici, comme dans la trilogie de th^ométhée,
1NTI{(II)1 CTloS XLIX
les colères s'apaisent et le règne delà justice naît
(le la réconciliation et de Toiibli. Cette concep-
tion pent paraître d'nn o|)limisiue naïf; mais,
dans le cas de TOrestie, ell(î se justifiait |)ar le
clioix du lieu où s'accomplissait la réconciliation
des JM'inyes et des mortels : la citi' (rKscInle
était alors dans tout l'éclat de sa gloire civilisa-
trice ; elle se flattait d'être « le joyau de la (irèce »,
le lempart de l'Europe contre la barl)arie, la ville
lihreoù la légalité seule est souveraine, et il était
naturel ([ue tout rappel d'un passé à demi bar-
bant siî terminât par un bymne à Atbônes et à
ses lois.
AGAMEMNON
Au fond du théâtre, le palais des Atridcs à Argos. Au sommet
d'une tour, le Veilleur est accroupi sur un lit grossier. C'est la
nuit.
LE VEILLEUR
J'implore des dieux la délivrance de mes peines,
depuis une longue année de garde qu'étendu sur
le toit des Atrides, veillant ainsi qu'un chien, j'ai
appris à connaître l'assemblée des astres nocturnes
et leurs ])rinces lumineux qui, apportant aux
hommes et l'hiver et l'été, régnent dans l'éther.
Et me voici encore épiant le signal du flambeau,
la lueur enflammée qui de Troie nous portera la
nouvelle, le mot victorieux : ainsi l'ordonne en sa
virile volonté une femme au cœur impatient. Par-
fois, sur ht couche où s'agitent mes nuits, pénétré
de rosée, abandonné des songes — car l'Epou-
vante vient au lieu du vSommeil s'asseoir à mes
côtés et me défend de joindre en paix mes pau-
pières dormantes — parfois je veux chanter, fre-
donner, par un refrain combattre la torpeur, et ne
puis soudain que pleurer sur le sort de cette mai-
son où de vrais maîtres ne commandent plus. Ah!
puisse donc luire l'heureuse délivrance de mes
I/ORESTIE
peines et le feu, messager de joie, Vjriller enfin
dans les ténèbres!
Une flnmme jaillit, lointaine, mais puissante et claire. Le
Veilleur se soulève à demi. — Avec une émotion religieuse :
vSalut, flambeau qui fais naître "le jour au milieu
de la nuit et d'innombrables chœurs se former
dans Argos pour fêter la victoire!
Il se lève. Joyeux :
Ah! ah! dans un instant je préviens à voix haute
la femme d'Agamemnon ; que, levée en hâte de
sa couche, elle fasse, en réponse à ce fanal, s'éle-
ver du palais une longue clameur de joie, puisque
la cité d'Ilios est prise : le messager de feu l'a
proclamé. Et, j'aurai le premier part à la fête : les
succès de mes maîtres rejailliront sur moi; grâce
à rheureux signal, j'ai gagné la partie. Puissé-je
voir du moins le retour de mon roi et, de cette
main, porter à mes lèvres sa main chérie I Je n'en
dis pas plus : un bœuf énorme est sur ma langue.
Si la voix lui était donnée, ce palais, de lui-même,
clairement dirait tout. Mais moi, si je parle sans
peine à ceux qui savent, pour les autres j'ai tout
oublié.
Il sort. — Le jour naît. Le Chœur entre : douze vieillards
encore vigoureux, un bâton à la main, l'épée au côté. Ils^
défilent lentement au son de la flûte, tandis que le Coryphée
s'arrête au milieu de l'orchestre.
AGAMEMNON (40-9r))
LK COMVIMIKI-:
Voici dix uns <l(''jà (juc Priam a vu deux {j^rands Mélodrame
adversaires, Mc'nélas el A^amemnon, rois lils
d'Atrc^e, couple puissant, lionon» par Zeus (11111
double IroiK» et d'un double sceptre, lever di* ce
pays une llotle de mille vaisseaux grecs, pour
pièter à huir cause le secours des armes.
Ils sont partis criant la guerre du fond de leur
cœur irrite, semblables aux vautours qui, dans
un deuil éperdu, tournoient au-dessus de l'aire
sans couvée, ramant dans l'espace à grands coups
d'ailes, frustrés des soins perdus à veiller leurs
petits au nid.
Et, au-dessus d'eux, une divinité, Pan, Apollon ou
Zeus, entendant se plaindre en leur langue d'oiseau
aiguë et gémissante ces métèques du Ciel, envoie
tr)t ou tard aux coupables l'Erinys vengeresse.
C'est ainsi que le puissant Zeus Hospitalier
dirige contre Pàiis les lils d'Atrée, afin que, pour
une femme qui fut à plus d'un homme, des
membres s'engourdissent en des combats sans
Iréve, des genoux s'écroulent dans la poussière et
des lances se brisent, dans ces hétacombes guer-
rières qu'olfriront d'abord aux dieux Trovens et
Grecs h la fois !
Dans quelque voie que marche maintenant
l'avenir, sou but est fixé par le destin. Ni feux ni
libations ni pleurs n'apaiseront Tinllexible colère
I/OMKSTIK
dos oiïrandos dont la flainmo ot les dieux ne
veulent pns.
Pause. — Des esclaves sortent du palais en courant et «e
dirigent vers la ville. D'autres, la figure joyeuse, apprêtent de
petits autels devant les statues de dieux qui décorent l'entrée
du palais.
Pour nous, dont le vieux corps ne peut payer sa
dette et que l'armée partie a laissés derrière (die,
nous restons ici, appuyant sur nos bâtons une fai-
blesse égale à celle de l'enfance.
Car, si les membres où monte une jeune sève
sont débiles comme ceux des vieillards, il n'est
pas davantage de place pour Ares dans les corps
flétris, comme troncs sans verdure, par l'extrême
vieillesse. Ils marchent sur trois pieds et, sans
plus de force que des enfants, ils vont errant
comme des songes égarés à la lumière.
Il se tourne vers le palais.
A toi, fille de Tyndare, reine Glytemnestre, de
nous instruire. Qu'y a-t-il? Quelle nouvelle?
Qu'as-tu donc appris .^ Sur la foi de quel message
les ordres vont-ils de tous côtés provoquer des
sacrifices ?
Tous les dieux de la ville, dieux du ciel et des
enfers, dieux de la maison et de la place publique,
voient leurs autels embrasés d'otfrandes.
Partout la flamme jaillit jusqu'au ciel, avivée
par des caresses dont la douceur n'est pas trom-
peuse, les caresses de l'huile sainte que la reine,
AGAMEMNOX (96-156)
pour l'olFrir aux dieux, a tirée du fond du palais.
Co que tu peux m'apprendre, ce qu'il m'est
permis de savoir, dis-le-moi, et guéris mon àme
anxieuse, qui tantôt se torture et tantôt voit l'es-
pérance jaillir brillante et douce du feu des autels,
apaisant mon angoisse insatiable de larmes, mal
mortel pour les cœurs.
LE CHŒUR
Cr (juc j<' jnnx, c^csl <lirr l'in/diUih/r pri'S(U/r t/ui Lirge
salua le drjKirl dr notre jVNnr artnée. Les diciu: h ont
conservé qn^unr forée à la vieillesse : la persuasion
qui eoule de ses chants.
Je dirai comment les deu.r jniissantx rois dont 1rs
volontés unies conduisent vers le sol tro//en les lances
et les bras vengeurs de la jeunesse grecque sont par-
tis accompagnés d'un présage guerrier : deux rois
des oiseaux qui apparurent aux rois des nefs^ Cun
noir, l'autre au dos blanc.
fis apparurent près du p(dais, du côté du brus qui
brandit la lance, bien en vue^ dévorant une base
pleine et sa portée — (Mordant) qui n acheva pas sa
course vers la vie.
Dis le chant lugubre, lugubre., mais que triomphe
le sort heureux!
Et le sage devin de larnu\e, songeant aux cœurs
audacieux des deux fils dAtrée, reconnut dans les
aigles dévorants les belliqueux chefs de Ter pé dit ion.
Et il interpréta le prodige :
i;ORKSTIF
<( Avec le fcitips ils s' emparera /il de la r'illr de
Priam ceuj (iiii partent à cette heure ^ et ^ par leurs
niains^ la heslinre rava(jera^ brutale, les anlû/iies
richesses (jae^ derrière ses remparts, tout un peuple
amassa. Qtfe seulement la jalousie divine ne vienne
pas d abord frapper et anéantir l'armée fiui ra
dompter Troie!
Car la pnre Artém,is est indignée contre les chiens
ailés de son père qui ont immolé avec sa portée la
malheureuse hase encore pleine : — (Mordant^ elle a
horreur du festin des aigles.
Dis le chant lugubre., lugubre., mais que triomphe
le sort heureux!
Puisque tu as pareille bienveillance^ belle déesse,
pour les tendres fruits des lions violents et les faibles
nourrissons de toutes les bétes qui peuplent les cam-
pjagnes, je t'en stipplie, les g eux fixés sur ces signes
cF espoir et de deuil : ne réalise de ces présages que
ceux qui nous promettent la joie!
Et j'implore Péan qu'on invoque avec des cris aigus
pour que tu n arrêtes pas nos vaisseaux immobilisés
dans r attente par des souffles contraires, réclamant
à ton tour un festin de mort, dont la victiine te restera
entière, qui engendrera des luttes dans le sein des
familles et ne respectera même pas un époux. Car,
prête à se redresser im jour terrible, ime intendante
perfide garde la maison : c'est la Haine qui n oublie
pas et veut venger une enfant. » Tel fut le sort sinistre,
joint à des triomphes sans prix, qu'en face des pré-
AGAMEMNON (157-230)
sa(jps (lu (Irpai't Calckas prédit au palais de nos rois.
Et loi^ d'accord avec f oracle, dis le chant luf/uùre,
Ifff/uùre, mais que trioniithe le sort heureux î
Pause.
'/jCus, quelque soit ton vrai nom, si celui-ci t'aqrèe, Ferme et
^ , . sonore
cest celui dont je t'invoque. J'ai tout mesuré et n'ai
jtu com/jarer Zeus qu'à lui-même. Rejetons de nos
cœurs le fardeau d'une recherche vaine : la vérité le
veut.
Un dieu fut (jrand jadis, débordant d'une aiulace
prête à tous les coinhals : on ne saura plus un jaur
qu'il exista. Un autre nint ensuite, qui trouva son
vainqueur et sa fin. Mais T homme dont Cdme enthou-
siaste (hantera le nom victorieux de Zeus atteindra
la sagesse suprthne.
Il a ouvert aux hommes la voie de la science. Il
a roulu (jue n souffrir pour savoir y) fut leur loi.
.iusijue dans le sommeil l'angoisse du remords s'in-
fdlre (tu fnnd des ctrurs ; la sagesse j)énf'tre ?nfhne
qui lu rcjurnssc ; Inenfaisante violence des dieux assis
au gouvernail sacré du monde !
Cest ainsi (ju'en ces temps-là Vaine des chefs de la
flotte achéenne n avait certes que respect pour les
devins, docilité pour les arrêts du sort! Mais, devant
ses voiles pliées, ses sacs vidés, l'armée grecque s'éner-
vait, arrêtée en face de Chalcis, dans les brisants
dWulis.
Les vents soujjluienl du Slrgmon, portant avec Plus vif
I/OHKSTIE
vu.r les rr/ards //nirs/t's, lu fanunc^ /es ff/i/tr/crs du
iH(null.(i(jr ^ la (hsi)('rsi(in des. hommes^ riiirrorahlc
mine drs i:aisseaif./: cl des ( (n-dar/fs, rf . ji/ir des d ri ai s
loajoni's i-ciHturrIrs, dcssf'ckaicnf dans ïatlculc la
/leur des Aryicns. 11/ <i2iand, se courra ni da nom
d'Arlémis^lc devin vint encore procUnncr an rrmcde
plus crael pour les chefs que la lenipeLe amère^ à ce
coup^ les Atrides frappèrent la Icrre de leurs sceptres
et ne continrent phis leurs larmes.
Et rainé des rois parla ainsi : « Cruel est mon
sort si je désobéis^ mais cruel est-il aussi, si Jr dois
immoler mon enfant, le joya7( de ma maison, et^
près de Pau tel, souiller mes mains paternelles du
sang chand d'une vierge égorgée. De tous côtés c'est
la souffrance. Puis-je, déserteur de ma flotte, tromper
mes alliés assemblés? S'il enchaîne les vents, le
sacrifice de ce sang virginal, avec ardeur, ardeur
profonde, on peut le désirer sans crime. Qu'il soit
donc notre salut! »
Et, sous son front une fois courbé sous le Joug du
destin, un revirement se fait, impur, impie, sacri-
lège : il a changé, le voilà prêt à tout oser! Car, à
la source de tous les crimes, une funeste conseillère
de honte, la folie, est là pour souffler l'audace aux
mortels. Il osa immoler sa fille , pour aider une armée
à poursuivre une femme, ouvrir la mer à des vais-
seaux !
Suppliante, appelant son père, elle vit sa jeunesse
et savirginité comptées pour rien par ces chefs épris de
guérite. Et, les dieux invoqués, le père fait un signe
I
A(. A M KM NON' (-m-'lTS)
aux servants de Calehas pour (jne la rie r (je (fé/fn/lan/e
promptement soit saisie, sottievée, stn- /\/N/e/ portée
COfunte ane elièrre, (/ans les loags plis de ses roiles
tanihanls^ et poar (fu'iin haillon sar sa hoaehe (h'Iieale
arr(''te, au moins par la force, par ce frein hralal mis
() sa vois, toute iniprccation contre les siens.
Sa rohe de safran a couh' sur le sol et ses i/eu.i
vont Idesser de piti('' ceu.r nn-me (jui la tuent. Elle
senihie une inuKje impuissante (t parler, elle (^ui
tant de fois, dans la salle des festins paternels, chan-
tait et , de sa eoi.v pare de eierfp' aimante, entonnait
pour la troisi/'ine Iduit/on le /oi/eu./ jn-an de s(ni
pi're aiiiK'!
Tr (fUi a suiri, p' ne Idi point ru et ne le peur
dire. Mais les oracles de Cal chas ne sont pas rai fis
et ce nest (luà (cu.r (jui ont souffert (pie la Justice
donne la science. Pour rave ni r lui -mione, c'est assez
tôt le connaître (juand il rien! au jour. .Ius(jue-I() ne
songeons pas () lui : ce serait vouloir (jinnir (T avance .
\\l se révélera un jour () mms dans sa pleine lumd're .
Puisse seulement, autant (pi' il est possible, se n'-aliser
le su CCI' s (j n'appellent de leurs vipux les vigilants
{(/ordiens restés seuls () veiller sur la terre (F Apis l
\ A la porte de gaucho du palais, celle du gynécée, Clytcm-
nestre parait, entourée d'esclaves.
LK coryphél:
[I Je suis venu rendre hommage à ton iiutorité,
Clytemnestre. Il est juste d'honorer une épouse
i;(Mu:sTiR
royale, quand est vide le trône de l'époux. Mais,
dis-moi, as-tu quelque heureuse nouvelle, ou l'Ms-
pérance, seule, est-elle la douce messagère qui
t'invite à sacrifier? Je t'entendrai avec joie; mais,
si tu te tais, je respecte même ton silence.
GLYTEMNESTHE
Douce messagère, si le proverbe dit vrai, puisse
Tètre l'Aurore, fille de la Nuit douce! Ta joie va
dépasser toutes tes espérances. Les Argiens ont
conquis la ville de Priam.
LE CORYPHÉE
Quoi ? J'ai mal entendu l'incroyable nouvelle?
CLYTEMNESTRE
Troie est aux mains des Grecs : parlé-je claire-
ment?
LE CORYPJIÉE
La joie pénètre en moi et me tire des larmes.
CLYTEMNESTRE
Tes yeux attestent bien ton amour pour tes rois.
LE CORYPHÉE
As-tu de la nouvelle un indice certain?
CLYTEMNESTRE
Sans doute, à moins qu'un dieu n'ait voulu me
jouer.
i
AGAMEMNON r274-316)
LE CORYPHÉE
Ton crédule respect se fierait-il aux songes ?
CLYÏEMNESTRK
Je crois mal aux visions de l'esprit endormi.
LE CORYPHÉE
Kst-ce quelque bruit vain qui t'enfle de chimères ?
CLYTEMNESTRE
Tu me crois une enfant pour me railler ainsi.
LE CORYPHÉE
Depuis quand Ilios a-t-elle succombé?
CLYTEMNESTRE
Depuis la nuit cjui vient de nous donner ce jour.
LE CORYPHÉE
Quel messager rapide a donc franchi l'espace?
CLYTEMNESTBE
f Héphaistos, de l'Ida lâchant la flamme claire.
JTrâce au courrier de feu, chaque fanal allait dépê-
chant un fanal vers Argos. L'Ida envoie au cap
THermès à Lemnos, et un signal éclatant, parti
i son tour de l'île, a reçu accueil de l'Athos, dont
'eus possède les sommets. Là, le pin enflammé
LOMKSTir-:
élève vers le ciel sa lueur messagère, et, d'un
bond puissant (jui franchisse la croupe des mers,
le flaml)eau voyageur s'élance à cœur joie, trans-
mettant sa lumière d'or, soleil de la nuit, aux
rochers du Makistos. Le mont veillait : sans retard
il s'est chargé du message, et l'éclat de son fanal
part au loin vers l'Euripe rapide porter la nouvelle
aux gardiens du Messapios. Ceux-ci, allumant un
amas de bruyère sèche, ont fait luire leur réponse
et transmis l'ordre au loin. Toujours sans défail-
lance, la flamme vigoureuse traversait d'un vol
rapide la plaine de l'Asôpos, semblable à la lune
brillante, et venait éveiller sur le sommet du Ci-
théron un nouveau relai du lumineux coureur. La
garde s'empressait alors de faire jaillir, plus haute
même que je ne l'ordonnais, une flamme infati-
gable, qui bondit par-dessus le lac Gorgôpis et
vient sur l'Egiplancte inviter les signaux prescrits
à ne pas s'attarder. On allume un brasier fougueux
et dévorant, et Ton dépêche une gerbe de flamme
assez haute pour que la clarté en aille au loin
dépasser le rivage entrevu au delà du golfe Saro-
nique. Elle s'élance, s'arrête sur le mont d'Arachné.
poste voisin d'Argos. P^t enfin il vient s'abattre sur
le toit des Atrides, ce feu descendu du feu de ITda.
Telles étaient les lois fixées à mes lampadéphores :
pour y satisfaire, ils se sont passé tour à tour le
flambeau, laissant la victoire au dernier parti et
premier arrivé. Voilà mon sûr indice, le signal
que mon époux m'a transmis de Troie.
\(; AMKMXON (3n-36G)
LE CORYPHÉE
Je vais tout à l'heure rendre grâces aux dieux,
femme ; mais ce que tu me dis là, je voudrais de
nouveau l'entendre et l'admirer à loisir.
CLYTEMNESTRE
A cette heure les (frecs possèdent Troie. Je
m'imagine entendre la cité retentir de deux cla-
meurs (jui jamais ne se fondent. Verse vinaigre et
huile dans un même vase : tu les verras rester
séparés comme deux ennemis. Ainsi vaincus et
vainqueurs ne confondent pas plus leurs voix que
leurs destins. Les uns, tombant à terre, étreignent
les cadavres d'un frère, d'un mari, ou, vieillards
qui furent d'heureux pères, d'un enfant, et, cour-
Ibant un front désormais sous le joug, gémissent
sur la mort de tout ce qu'ils aimaient. Les autres,
la tache vagabonde et sanglante de la nuit les ras-
semble affamés autour des mets les meilleurs que
icontienne la ville, sans autre signe de ralliement
pour les grouper que le sort tiré par chacun dans
ll'urne du hasard. Déjà ils s'installent dans les
ITiaisons caj)tives de Troie, délivrés enhn des gelées
i|?t des rosées du ciel : avec quel bonheur ils dormi-
/;ont la nuit entière sans avoir à se garder I Et si
reur piété respecte les dieux nationaux de la terre
onquise ot leurs sanctuaires, ils n'auront pas à
trraindre la défaite après la victoire. .Maisqu'avant
e retour nulle convoitise ne les pousse à de sacri-
I/ORRSTIK
luges pilhigcs, ne les fasse (:('Mler à la cupidité !
Pour trouver le salut, le retour aux foyers, il
faut courir en sens inverse la piste déjà courue.
Partiraient-ils même purs d'offense envers les
dieux que le courroux des morts peut aussi s'éveil-
ler et se trahir par des coups imprévus. Voilà
les pensées d'une simple femme. Mais puisse
Tespoir heureux triompher sans réserve! Nos suc-
cès sont grands : je ne demande plus que le droit
d'en jouir.
LE CORYPHÉE
Femme, tu parles en homme sage, et tes souhaits
sont bons. J'en crois tes sûrs garants et m'apprête
à mon tour à invoquer les dieux. Une joie digne
de nos peines enfin nous est donnée.
Clytemnestre et sa suite rentrent dans le palais par la porte
centrale.
Mélodrame 0 Zbus souverain, ô Nuit amie qui nous a con-
quis tant de gloire!
Vous avez jeté sur les remparts de Troie un filet
enveloppant, et ni enfant ni homme fait n'a pu
échapper au vaste réseau de servitude où le Châti-
ment divin les a tous faits prisonniers.
Oui, c'est Zeus Hospitalier que j'adore, car sa
volonté a tout conduit et son bras n'a tendu si
longtemps son arc contre Paris que pour éviter à
un trait prématuré de s'égarer au-delà des astres.
AGAMEMNON (3G7-450)
LE CHŒLK
Troie peut dirv (lUc le antp vicuf dr Va' us; il lui est Animé
facile (l'en reconnaître r origine : elle a eu le sari
(ja'il avait décrété. Ijs dini.i- oui prn de smici^
disait-on^ des mortels (jui foulent luer pieds Fin-
eiolalUe sainteté drs lins, ("est là hini/ayc iriinpir.
Vn Ares veiujeur finit par uppdnùtrr à ceux iini^
dans Populenie drhordantc de leurs ntaisons^ res-
pirent un orejneil insolent . La mesure est Ir hien
sf/pré/ne. Soukaitons un honlienr sans doiup'r : il
suffit à ([ui est saije . — (Un peu retenu) Nul rctnparl ne
sauvera celui qtu, dans t orgueil de la richesse^ a
renversé f autel sacré de la Justice : il périra.
Elle fait violence à la volonté^ lu funcsti- per-
suasion^ affreuse jille dWté. Dès l(U's fout remède est
vain. Iji faute n'est pas cachée : lueur à réélut
funèbre, elle brille à tous les //eux. Comme une tnuu-
1 vaise monnaie noircie par l'usage et les chocs ^ il est
enfin jugé à son prix celui qui., p(mr suirre, ainsi
(juun enfant, un oiseau ailé^ a mis sur sa ville une
intolérable souillure. Aucun dieu n'écoute ses prières ;
s il s'est complu à de tels crimes^ le coupable est
'luéanti. — (un peu retenu) C'est ainsi que Paris, dans
la denu'ure des Atrides, souilla la table de so/t hôte
par un rapt adultère.
I Laissant à son pngs vaisseaux ù armer, bou-
cliers et lances à froisser dans les mêlées, ajjportant
pour (lof (7 llios la morf . légère, elle a franchi ses
2
I/OIIESTIE
,,„Wrs ,ysnnl <r r<'"" "'"sn jamais. Lrx <l<'>U's ,h,
l,ah,i. <,h,>issmr,.l H </,so,r,./ : Ah! />a/'us.' ,>a/a,s
vl j,ri„rrs! Lil ni, friioiisr a laissé s,m n„i,rrnilr
rhorir! I.r roi smlrrmr ,l<u,s h silence : son reijrrl la
sait aa-,ldà des aa-rs, el ,e aes/plas ./aaae „a,hre <,a,
.nnUle cowmander dans sa maison. — (un peu retenu;
La </rdce des helles slatms nés/ plas ,,aodtense a
l'éjmu:. Elles n ont pas les yeux d'Hélène : loul leur
charme amonrenx a fat.
Dans les sonfjes, de douloureuses a/,panlions im
apportent une vaine joie, car ,^ est hien vanité, si
da bonheur qu'on croit voir la vision glisse rapalr
entre vos bras et s'envole par les roules du sommeil.
Telles sont les souffrances qu'enferme ce palais. Il ;/
en a d'autres ailleurs, plus cruelles encore. A tous
les foi/ers des guerriers partis de la terre de Grèce
rèqne un deuil lourd à porter. Bien des pensées
percent le cœur.— {vn peu retenu) On sait qui l'on a vu
partir; mais, au lieu de guerriers, c'est une urne
et des cendres qui rentrent dans chaque maison.
Ares changeur de mort, dans la mêlée des jave-
line, '« dressé ses balances. On lai donne des
hommes : il renvoie d'ilios la triste cendre des
bûchers et de cette poussière cruelle à des parents
emplit des urnes chétives. On gémit en vantant
tel guerrier .si habile au combat, tel autre glo-
rieusement tombé dans la lutte sanglante... pour
une femme qui ne lui était rien; mais cela à voix
basse; et la douleur va se mêlant de haine contre les
Ar,AMKM\0\ (if>1-fîin)
Aliidrs^ cluintinoNs de la rciu/caiH r . — (Un peu retenu)
n\//f//'('s, afftotfr (les murs innnr où ils (intu-nt lii/lr,
rt'ijosi'nl , corps iiiriolrs, dans le soi I roi/cit : la Icrrr
eiua'aùc a cachr ses raua///rars.
La (jloirc est loardr tja ai cotniiai/nc la launc da
pai/s ; rllr itair so/i hihat à la aialnliclinn d' an
l^'aplc. Mon (UK/oissc incssrnl narlijar roap trnv-
hrra.i . i'ca.i- (jai rrrsr/-r/i/ drs //o/s de sanij ici icnncnt
les rci/ards des dirii.i\ cl 1rs noires /'^rini/cs, arec le
cin/rs des cluinf/eanles années, ancani issrni an /'nir
le inorlid dmil le hiadicar ojjcnsail la.laslice ; cl (jac
deeienl la fia'cc d an iiiori? Tro// //randc (jliarc csl
nèrilleasc : la foadre de Zens f rajijie les soinnicls.
— ( Un peu retenu) ,/^' cca.r (jac nnai Inaihear nc.iiilc
pas Fcncic : paissé-je nèlri\ nan, ni dcslna leur
de cilles, ni csclacc sminiis aa.r caïuK es iliialrai.
— l.' Iiearease nttacellc ajijiialcc par h' coarrier de
fca se répand rapide à travers la cite. Mais est-elle
ce rite on nicnsiaiyc dicin, i/in le sait?
— Qai serait assez cn/a/il. assez fou, pour s'en-
/laniiiier d espoir aa.r nics^aip's da /ca, iiaillc à
soii/frir deçà, (^iia/id clia/a/e/onl les choses?
— Satis attendre la pleine lainii're, faire chanter
I hi/nine (factions de ijrdces est hien an ordre de
jcninic : crédule par nain ri', la jeninic prompt e-
nienl ca aa-delà des /ails; mais promplcnn ni aussi
périssent les noacelles prix lamées par sa coi.r.
Le Coryphée regarde .lu loin, vers l.i droite.
i,<»iu;s'riK
m: COKVI'IIKK
Nous saurons bientôt si ces flambeaux éclatants,
ces signaux enflammés aux relais de feu ontditla
vérité ou si ( 'est une lumière de songe (jui est
venue éblouir n(js esprits charmés. Je vois du rivage
s'avancer un héraut le front ombragé de rameaux
d'olivier, l.a poussière, sœur altérée de la boue,
m'atteste qu'une voix humaine, et non ])lus un feu
de bois allumé sur les monts et sans autre langage
que sa flamme enfumée, va nous dire en termes
clairs s'il nous faut réjouir encore ou si au con-
traire... l'idée m'en fait horreur! Que des succès
continuent les succès qui nous luisent déjàl Si
quelqu'un fait ici d'autres vœux pour la ville, qu'il
recueille le fruit du crime de son cœuri
Talthybios, le héraut, entre par la droite, puis s'arrête et
fait le geste des adorants, étendant le bras droit et s'inclinant
légèrement.
LE HÉUALT
Ah! terre maternelle du pays argien, après dix
ans elle a donc lui, l'heure où je te revois ! De tant
d'espoirs brisés un seul se réalise. Je ne me flattais
plus de trouver, à ma mort, une place chérie dans
un tombeau creusé au sol d'Argos. Salut donc
enfin, patrie; salut, lumière du soleil ; et toi, Zeus,
dont la pensée plane sur cette terre; et toi qui
règnes à Pytho, archer dont les traits ne sont plus
1
ACA.MK.MNO.N f.;ii-n4«;)
pour nous ; assez long"temps, près du Scaniandro,
tu lis notre détresse : aujourd'hui sois pour nous
salutetguérison, Apollon souverain. — (ii taitquelqucs
pas, puis s'arrête devant le p.ilMis.") Je X'OUS in\'0(jUe aUSsi.
\ous tous, dieux de nos places, et toi, di\in ])atron,
I lermès, héraut chéri, orgueil des hérauts ; et vous,
(l(Mni-dieux ([ui jadis avez accompagné les guer-
riers (jui partaient, accueillez ceux qui rentrent
épargnés ])ar la lance. ^Vh ! palais de mes rois,
demeure chérie ; sièges augustes ; statues (mso-
leilléesde nos dieux; si toujours xous avez eu ])our
nous des regards favorables, accueillez comme il
sied le roi longtemps absent. Tl vient en ])leine nuit
faire briller le jour ])our xous, ])()ur tous ceux-ci,
Agamemnon, mon maître. ( )uvrez-lui donc \-os])ras ;
il le mérite, le destructeur de Troie à (pii /eus
a prêté son hoyau vengeur })our retourner le sol,
détruire autels et temples, anéantir la race entière
du pays. Ainsi fut domptée Uios par le roi cjui
revient, aîné des fils d'Atrée, héros fortuné et de
tous les vivants le plus digne de respect. Paris et
sa ville, avec lui condamnée, ne pourront dire que le
châtiment est resté au-dessous de la faute. Con-
vaincu de rapt et de vol, il a vu sa proie lui échapper
et a entraîné sous la faux destructrice la maison
paternelle et sa patrie entière. Les IViamides ont
deux fois payé leurs fautes.
LE CORYPHÉE
Sois heureux, cher héraut de l'armée achéenne.
i;(»nr.sTir:
Je suis licLircux ; niix dieux j'al)an(lonnc ma \'ie.
LK rOI'.Yl'UKE
Le regret du pays a tra\aillé ton âme?
Crois-en les pleurs de joie qui remplissent
mes yeux.
LE COIIVPIIÉE
Vous avez donc connu le doux mal de nos cœurs?
\a: héraut
Que dis-tu? instruis-moi, et je comprendrai^
mieux.
LE coiapnÉE
Vous brûliez du désir de qui vous désirait.
LE HÉKAUT
Cette terre pleurait ses fils qui la pleuraient ?
LE CORYPHÉE
Et de mon sombre cœur jaillissaient les san-
glots.
ACÎAMEMNON (547-r)8r.)
LE HÉRAUT
Ouello amôre soiiffranrp envahissait \()s âmes?
LK CORYPHÉE
Le silence à ma peine était le seul remède.
Voyant tes rois absents tu redoutais quelqu'un ?
LE CORYPHÉE
Comme à toi, la mort même mVùt été un ])ienfait
LK Fn:i{ m:t
Oui, car mes vœux sont comblés. Mais, comme
tout ce qui dure, la guerre a joint à ses succès
d'inévitables revers : les dieux seuls voient sans
souffrance s'écouler leur vie éternelle. Si je vous
contais toutes nos peines sur mer, veillées sous le
ciel, relâches rares et sans abri ! Axons-nous
passé sans gémir une heure, marquée par quelque
joie? Kt sur terre la peine était autre, mais ])lus
cruelle encore. Nous campions sous les murs
même de l'ennemi, et du ciel et de la terre la
rosée venait couvrir la ])laine; le sol humide per-
dait nos vêtements; nos l^arbes incultes nous
donnaient un aspect sauvage, lu si Ton vous
peignait l'hiver, tueur d'oiseaux, que rend insup-
I/f)nKSTIK
portable la nci^o de l'Ida, ou la chaleur de l'été,
quand la nier à midi, dans le calme des vents,
laisse retomber sur sa couche ses flots endormis!
Mais à quoi bon s'en attrister encore? J.a peine
est passée et bien passée; les morts ne songent
j)lus à se lever de terre ; les vivants n'ont pas à
renouveler leur souffrance en comptant les absents.
Il reste, en somme, bien des sujets de joie dans
notre aventure, et, pour les survivants de Tarmée
argienne, le bonheur l'emporte encore et compense
largement la peine passée. Nous pouvons à la
face du soleil nous rendre gloire, nous dont le
nom vole par-dessus la terre et les mers : 'r Con-
quérante de Troie, une armée argienne a cloué
dans leur temple ces dépouilles vouées aux dieux
de la Grèce, antique et brillant trophée. >/ De
tels souvenirs feront célébrer Argos et ses capi-
taines et rendre hommage à la faveur de Zeus à
qui ces exploits sont dus. J'ai tout dit.
LE CORYPHÉE
Je me rends à tes récits, je Tavoue : on n'est
jamais trop vieux pour aller à l'école de la vérité.
Mais c'est surtout cette maison, c'est Clytemnestre
que touchent ces nouvelles : je n'ai droit qu'à ma
part du trésor de leur joie.
Clytemnestre parait à la porte centrale, entourée de
femmes.
AdAMEMNON (r]81-r)21]
CLYTEMNKSTRF
11 y a longtemps déjà ([uc j'ai poussé une
longue daineur (le joie, c[uan(l, le premier, arri\a
dans la nuit le messager de feu, annonçant la
prise et la destru(^ti()n irilios. Et, plein de re-
proches, chacun, me disait : '^ Des signaux en-
flammés suffisent à te convaincre (pie Troie est
aujourd'hui dcHruite! Tl est bien d'une femme de
s'exalter ainsi!// 1 )e tels projios me peignaient
folle, .^\algré tout, je sa(Tifiais ; sur mon ordre de
femme, Argos entière n^tentissait de longs cris
de triomphe et, dans les temples divins, les prêtres
s'efforçaient d'endormir la dévorante ardeur des
flammes jxarfumées. lù maintenant qu'ai-je besoin
que tu m'en dises plus? J'ajiprendrai tout du roi
lui-même. Je nc^ v(hix plus songer qu'à recevoir
(le mon mieux r(q^oux respecté qui me re\ient
enfin. Ouel soleil luit plus doux à une femme
que celui qui l'éclairé ()u\ rant ses p(^rtes au mari
([ue les dieux ont sauvé de la guerre? Tout cela,
dis-le à mon é])oux, et (pi'il \ienne en hâte ré-
pondre aux désirs de sa ville; (|u'il vienne retrou-
ver dans sa maison, telle qu'il l'y a lais.sée, une
épouse fidèle, chienne de garde à lui dévouée,
farouche à ses ennemis, toujours la même en tout,
et qui n'a point violé, durant sa longue absence,
les dépôts confiés. Teindre le fer ne m'est pas
chose plus inconnue que le plaisir coupable et
l'infamant renom que vous fait l'adultère. Tel
I/OHESTIR
élo^c (le soi, (|iian(l il est j)l(Mn de vérité, ne dis-
coin iciU j)oint aux lè\ res (Tune noble femme.
Elle entre dnns le gynécée. Le Corypliéc la suit des yeux,
d'un regard sévère et triste.
LK CORYPHÉK
Pour toi qui n'entends que le.s mots, ils te
semblent sans doute clairs interprètes de pensées
qui conviennent! — Mais parle, héraut : que je
sache si Ménélas a trouvé avec vous le salut et le
retour, lui, le roi cher à ce pays.
LE HÉRAUT
Je ne puis inventer de séduisants mensonges,
dont le profit pour vous, amis, soit bien durable.
LE CORYPHÉE
Ah ! puisse joie pour nous être aussi vérité! La
joie qui n'est pas vraie vite est désabusée.
LE HÉRAUT
Le roi et son vaisseau ont tous deux disparu de
Tarmée achéenne : voilà la vérité.
LE CORYPHÉE
Était-il parti seul d'Ilios devant vous? ou un
même fléau vous frappa-t-il ensemble ?
i
ACAMK.MNO.N r.-2s-(;7r
LK IIKRALT
Cominc un liabilc arrher tu as touché le l)Ut, et
•ésunié d'un mot un ininicnse désastre.
LE COHYPIIKK
Parnii nos (M)nîpai4n<)ns, dans la flotte deslirecs,
le croyait-on \ivant ou à jamais perdu?
I.i: IIKIIAIT
Personne n'en a })lus de nouvelles certaines, si
ce n'est le Soleil, nourricier de la terre.
M-: (.OHVl'HKK
Dis-moi donc le fléau que le (^ourroux des dieux
déchaîna sur la flotte, et quelle en fut l'issue.
\A-: IlÉRALT
11 nc^ (H)n\ient pas de souiller un jour de joie
d'un rc'uit de deuil : chaqut* di\inité \('ut être ado-
rée à son heure. Quand un messag'er, la tristesse
au front, \'ient apporter à la c\lr l'horrible douleur
d'une armée anéantie, la blessure est commune à
tous ; c'est la blessure du pays, autant ([ue des
foyers oîi la mort a choisi les nombreuses victimes
vouées au double fouet ([ue })artout })()rte Ares,
comme un guerrier sa double lan( e, couple san-
glant de fléaux. C'est alors c[u'il (^onxient au
héraut chargé de ces douleurs d'entonner, comme
i;(ii;i>riF.
tu le (Icmandcs, le péan des l''rinyes. iMais, entrant,
messaj^er de salut, dans une \ille tDul à la jf)ic(le
son tri()m])he, dois-je mêler la tristesse au bonheur,
en vous contant une tempête qui trahit cU^s dieux
irrités contre nous? Xous a\'ons vu en effet deux
ennemis jusqu'ici irréconciliables, la mer et le
feu, se conjurer et montrer leur alliance en détrui-
sant la malheureuse armée des Argiens. C'est dans
la nuit qu'en tourbillons cruels la mort se leva
contre nous. Les vents de Thrace choquaient nos
vaisseaux les uns contre les autres : eux, se heur-
tant de front avec violence sous le déchaînement
de la tourmente, sous le fouet de grêle de l'oura-
gan, berger de malheur, tournoyaient et dispa-
raissaient aux regards. Quand se leva la radieuse
lumière du matin, la mer Egée était toute fleurie
de cadavres grecs, de débris de vaisseaux. Pour
nous, sur notre nef intacte, un brusque élan de la
carène guidée par une main divine qui prit le gou-
vernail nous déroba à la mort. La Fortune libé-
ratrice s'assit à la place du pilote, et nous ne
sentîmes ni, au mouillage, l'assaut furieux de là
vague, ni, en marche, le heurt d'un écueil rocheux. !
Mais, échappés aux portes qu'Hadès s'ouvre sur la
mer, nous ne pûmes, même à la clarté du jour,
jouir de notre bonheur, car nos cœurs anxieux
nourrissaient une nouvelle souffrance : notre armée
perdue et détruite ! A cette heure même, s'il en
reste sur terre un survivant, sans doute il parle
de nous comme de morts, tandis qu'ici nous lui
AGAMFMNoN ^Ji-Ji-Tie)
prêtons le même destin. Qu'il en soit jxmr le
iiieux! l'A |)()iir Ménélas surtout, attends-toi à ce
[iTil reparaisse ici le premier. Si ciueU^ue rayon du
^oKil li; voit t[uekiue ])arl \i\anl et les yeux
• Il verts à sa lumière par l'etticace volonté de Zeus
|ui se refuse à anéantir la ra("e d'Atrée, un espoir
MOUS reste de le xoir rentrer en son palais. Vu \ iens
l'entendre, sac"he-le, l'entière \érité.
Il rciiUc J.iiis le palais par la purlc de droite.
Li: CIKKUU
Utn f/<Ht(\, st/in/t f/Kf'/tiffr r//r inrisihlc «/m, ihiiis Animô
^(1 prcscicni (% fait /mrh'r à nos li-rrcs lu Innijm' ilu
h'stm^ (hmiKl rr nom si mû à ri'jnuisrr (juCsi tnh'uf
Vs l(in(i's rt 1(1 (j lierre, a llr/rnr? Elle rsl née, rn
Iji'l^ ptnir perdre 1rs niissmiir, les honn/irs el les
llvs^ celle iiui, souleriuit ses molles leiiliires, s rn-
<iit sur lu mer au sou //le du zèpluir ardent , tandis
/lie, sur la trace éranouie de son ruisseau, détrani/es
liasseiirs armés de hoin liers et sairis dune meute
/uerrièrr venairnt ahorder aux rires où le Sinn/is
it croître les feuillaycs urrn<rs du sanij des Im-
dles.
l ne \ enyeance aii.i desseins in/aillihles jHu/ssa
/■s llios celle dont l alliance allie à la mmt , u/in
le /aire un jimr imi/er la laide hospitalière et Zeus
irotecteur du /oijer méprisés par Pdris ù tous ccff.r
lai^à pleine roix, avaient répété le chant dluiniénée
' en llionneiir des jeunes épou.r entiuinîrent alors
I
1é
i;nia:sTiE
les jils (II' l^nani . Aprrs riii/nuic dr jfnc ri h- njnirrud
riiijnmr ilr dciiil, la ririllc cild tr<H/riinf\ cl. fhins
ses loNffls sdiuflols^ niiindissanl l*àns au.i /Kurhre»
(iiHDurs^ cl II' lail celai cr un jican de (htidenr stir^
le saiH/ldnl di'slni de ses ijnerricrs aunes!
C'est ainsi nu' an lannnic a dans sa maison naarri
an luniccaa. lai a /ail parlafjcr le lait de sei\
agneaux, r/, dans les premiers j(nirs^ l'a ru^ fjlein de
douceur^ caresser les enfants^ amuser les ricillards.\
SaueenI il la jjris en ses aras comme un /ifiureau-né]
quand celui-ci venait^ hril brillant, flatter la main\
à laquelle sa faini le fait ohèir.
Mais^ avec le temps ^ il révèle Came epi'il doit à sa
naissance . Pour paijer les soins de ceux qui Poni\
nourri^ il se donne an milieu des brebis éyorgées un\
festin imprévu ; la demeure est trempée de sang,\
pour tous ceux qui f habitent incurable fléau, nias-\
sacre ruineux. Cest un prêtre d'Até envot/ê par les\
dieux qu'a nourri la maison. '
De même, puis- je dire, entra dans llios une fenune\
sereine comme une mer sans brise, joyau charmani
de la richesse, douce flèche qui vise aux yeux, fleur
d'amour qui mord les cœurs. — '^ soutenu j Mais bientéi
elle change, et son hymen donne des fruits amer-
c'est pour perdre qui la reçoit, c'est pour jjerû'
qui rapproche quelle est venue aux Priamides
Zeus Hospitalier conduit cette Érinys dotée '
jjleurs.
I
AGAMFMNON (ir.O-s! \)
Ilh'itiùs l(ni(/trni]i:< l /mninir rrjH'lr im rtcii i Jk Inn :
le honhciir hnnuiui^ s'il s'r/i-rr asst'z /kiiiI, iw fururt
\iias s/rrl/f^ il (tcric/U /rcoml : ih' lu prasprritr (imnr
\tinr uisdt Kihir mtsri'c. — (Soutenu .1 I rnivt (1rs tiiilirs,
je jH'usr srui (u/tsi : r'rs/ Idrtr inifin' (jui m ru j an le
iCdiifrrs, scmhifihirs dii jK-rr dnnl ils sauf nrs. Mais,
\fHW /nf/r/s (Ir jtist K r, la praspriifr nd cy///.' de hcaUJC
ïenf(inls tinij(nirs.
1 Ij hisolrnrr an/ucillrKsr /ai I inillir ihiii^ 1rs in-urs
injnslrs UNI' insitIriHc n(nirrlh\ hll nu hird, tiuiind
\est rcini Ir jnur /i.rr à s/i naissdnrr, r/. urrr rlh\
mw dirim/r nulnm jifahlc^ iinturddr. .\h\ fimrslr
\(U(.i' UHUsoiis, (indtK irttsr ri inijur, srnddah/r à sd
\mrrc.
j La Jusln r hnllr satts 1rs faits rnjuairs ri hnnin'r
s les rirs pttrrs. Mats des i>al<us parsrinrs di\i\ lui
aiir aann snai/lrr a hussr su/i riiifirriHlr, rl/r
tdvtonnw srs rrtjards ri sdlltu hr à la inirrir sainlr,
sans rijard paar la /jtnssancc dr l'ar ri sa i nnlrc-
fartm dr ijlnirr. l'f/r r/lr laal niarrhr à son rral
\lci itir.
A^.micmnon entre p.ir la ».lruiic. 11 est debout sur son char.
Derrière lui, cortège de guerriers et de captifs. Sur un autre
char, queliiues pas en arrière, Cassandre iiuniubile et les yeux
obstinément fixés sur la statue d'Apollon, prolecteur des
routes, qui est à côté de la porte centrale du palais des
Atrides.
i.i: couvpiiÉfc:
Ah! loi ileslrucleur irilio^. lil^ J'Atn'o, conimoiit Mélodrame
II' saluer? CoimiUMil t'ex|nim«M-, sans allrr au drlà,
I/OHKSTIE
sans r(»stor en deçà, la sincc'îrilé de ma joir*? Tant
do mortels joueiil l'iiircelion aux dépens de la vé-
rité!
L'homme malliciirciix trouve chacun prêt à te-
rnir avec lui, sans (jue le chaj^rin pénètre et morde
les cœurs.
D'autres senibieiit pai'la^er vos joies dmit le
visa|^e contraint est hieii loin du lire.
Mais celui qui connaît son troupean sait lire dans
les yeux qui sem'hlent parler d'allection sincère et
dont la llatteuse amitié est noyée d'envie.
Pour moi, quand, pour Hélène, tu levas une ar-
mée, je ne puis le cacher,
J'inscrivis en mon cœur : « L'insensé laisse donc
sa raison aller à la dérive! »
Mais maintenant mon âme dévouée ne respire
plus que sympathie profonde pour ceux qui ont su
vaincre.
Tu sauras plus tard, si tu veux t* informer, qui
des citoyens restés dans la cité a suivi la justice et
qui l'a transgressée.
Agamemnon, comme Talthybios, étend le bras et salue la
terre paternelle.
AGAMEMNON
Je dois d'abord saluer Argos et ses dieux, aide^
puissants de mon retour et du châtiment que j"ai
tiré de la ville de Priam. Juges insensibles aux
mensonges des mots, tous les dieux ont été, d'un
\(;ami:m\<>.\ 8i:i-s6u)
nirnic iiiouwmcin, d('*i)()S('r dans rurnc sanglante
un suffraj^v de ruine et de mort pour Iroic; de
riinic de rU'nienct* seul l'espoir s'ap])ro(diait, mais
l'urne restait \'ide. I .a t'uuK'e indicpie maintenant
oi'i fut la \ille (|ue nous a\()nscon(|uis('. l/ourag'an
(lu destin reste seul \i\ant, tandis (pT I lios s'éteint
dans la ("endre mourante d'où montent des \a-
])eurs lourdes de sa riehessc. C'est aux dieux
(pi'une lidèle reconnaissiMK^e est due, si nous
avons dress('* d'in t ranehissahles ])anneau\, et si,
])()ur une renMn(\ une \ ille a p(''ri sous le monstre
ari^ien, issu des lianes d'un cliexal, )»eu|)le armé
du houelier, (pli. à l'heure où se couclient les
riéiades, a bondi sur Troie, a franchi ses rem-
])arts, et, lion eruel, s'est désaltéré de sanj^ ro}ai.
("est ])()ur(pioi j'ai prolonj^^f* d'abord mon salut aux
dieux. — Pour tes ri'flexions. j'y ai prêté une oreille
attentixc, et je t"aj)pr()U\ c, etjele rép('te avee toi :
nui,]UMi d'hommes sa\"ent sansenxie rendre liom-
m a j^'e à l'a un (pii r(''Ussit. (Juand le trait de haine a
touelu' un e(ear, c'est double soufifranee ]')our ccdui
qui en est blessé : il sent le ])()i(ls {\c ses ])r()]ircs
malheurs et jL^émit au spe(Haele du bonheur d'au-
trui. J'en j)arle par expiVience, car je ("onnais à
tond le miroir tromjx'ur de l'anntié, ce t"ant(")me
d'une ond)re (pie tut l'affection de ceux (pie je
' l'us nies amis. .Sciil. ri\sse, (pii ])artit a\'ec tant
(le regrets, une lois atteh' à mes C(*)tés. me jirêta
toujours une aitle fidèle. Ou'il soit mort ou vi\ant,
je lui rends témoignage. Pour ce ([ui regarde la
3
i;(H{i:sTii-:
ville et les dieux, nous on \ rirons dans rassemblée
des débats ])ul)li(:s et nous en délibérerons. I.r bien,
il fiiiidra xcillcr à le rendre durableet jjernianent.
iMais, là où l>e.soiii sera de salutaires remèdes, ]>rû-
lant et taillant j)our le bien de l'Iûat, n(jus essaye-
rons de détourner Todieuse contaj^ion. Pour l'ins-
tant, j'entrerai dans le palais et, devant le foyer,
je saluerai d'abord les dieux qui, après m'avoir
accompagné au loin, m'ont ramené ici. lu ([ue la
Victoires, qui m'\' a sui\i, \' fixe sa demeure!
Clytcinnestre, depuis un moment, est apparue à la porte
du gynécée. Des esclaves la suivent chargées d'étoffes et
de tapis précieux.
CLVTE.MiNESTRK
Citoyens qu'on respecte entre les Argiens, j'ex-
primerai sans rougir devant vous mon conjugal
amour: le temps étouffe la timidité dans les cœurs.
C'est ma propre vie que je vous conterai, ma vie
de misère, tant que cet homme fut sous Ilios. Pour
une femme, rester au foyer, délaissée, sans époux,
c'est déjà un mal affolant. .Mais sans cesse venait
encore un messager^ puis un autre, annonçant à
grands cris .des maux toujours plus cruels pour
cette maiseA. Oui, si cet homme avait reçu autant
de blessures que mille canaux divers en portaient
ici la nouvelle, son corps aurait plus de plaies
qu'un filet de mailles ; et, s'il était mort aussi
souvent que le récit nous en arrivait, il pourrait
AGAMEMNOX (870-928)
se vanter, nouveau (réryon, d'avoir eu trois corps
et d'avoir, succombant sous chacun d'eux, donné à
tous trois le manteau de la tombe. Voilà cjuelles
rumeurs, exaspérant ma peine, me tirent suspendre
])lus d'une fois mon corj)s à un lacet mortel, tlont
la violence seule sa\ ait me détacher, là ( 'est aussi
poun^uoi ton fils n'est ])as ici, comme il eût con-
venu, ( )reste, j^arant de notre foi. Xe t'en étonne
point : un hôte ami l'élèxc, Strophios de Phocide,
])ar (|ui je sus entre\()ir un double danger: ta mort
sous Uios, ici l'émeute ([ui j)ouvait renverser le
Sénat ; piétiner l'homme à terre étant un désir inné
aux mortels. La ruse n'a pas ])lace en dépareilles
raisons, l'our moi, j'ai \ u se tarir les sources jail-
lissantes de mes pleurs et n'ai ]>his une larme. J'ai
brùh' mes \(>ii\ dans les lons^iu's xcilh'es où je
pleurais sur toi, dans l'obstiné silence des signaux
enflammés, lu, dans mes songes, le vol léger et
bourdonnant du mi^ucheron m'éveillait, les yeux
encore pleins des maux ([iie j'a\ais \ us t'envelopper
plus nombreux ([ue les minutes de mon rêve. Après
tous ces maux soufferts, l'àme aujourd'hui libre
d'angoisses, je puis bien appeler cet homme le chien
lie l'étable, le (\\ble saux'eur du na\ ire, la colonne
soutien de la haute toiture, l'enfant unic[ue chéri
lie sou père; ou mieux encore, la terre inespérée
apparue au matelot, la lumière si douce après la
tempête, la sour«H* \ ive ([ui (aime la soif du voya-
geur. Oui, \()ilà de cpiels uoms il faut le saluer : ([ui
triomphe du sort goûte joie sans mélange. Et que
i;(M{i:sTiK
1 cn\'ie ne s'atUi({ue j)as à notre bonheur : il fut ])rr-
cédé d'assez de maux. Kt maintenant, tête clière,
descends de ee char, sans poser à terre, ô maître,
ce pied ([ui a renversé Troie. Que tardez-vous, cap-
tives à qui j'avais confié le soin de couvrir de tapis
le sol qu'il doit fouler? Que sur ses pas naisse un
chemin de pourpre, et que la Justice le conduise
dans une demeure inespérée ! L'avenir, une jjensée
que le sommeil ne dompte pas, en disposera suivant
la justice avec l'aide des dieux.
Elle sest peu à peu avancée jusqu'à la porte ceatrale, et. en
prononçant ces derniers mots, elle l'ouvre brusquement. Elle
est maintenant debout sur le seuil.
AGAMEMXON
Fille de Léda, gardienne démon foyer, ton dis-
cours s'est mesuré sur mon absence : tous deux ont
été longs. La seule louange qui convienne, c'est
l'hommage que nous rend autrui. Xe m'entoure
pas d'ailleurs, comme une femme, de luxe amollis-
sant ; ne m'accompagne pas, ain.si qu'un roi bar-
bare, de cris et de génuflexions. Ne me fais pas un
chemin d'étoffes précieuses qui puisse éveiller l'en-
vie. Ce sont les dieux qu'il faut honorer ainsi.
3iais, mortel, je ne puis sans crainte marcher sur
ces merveilles aux mille couleurs. Je veux être
honoré en homme, non en dieu. Sans ces tapis ni
ces riches tissus, la gloire saura parler de nous.
La sagesse est le premier don des dieux. Il ne faut
A(. \mi:mn(>.\ ('J2i>-*jn,
estimer heureux ([uc celui doiithi \ ic s'est achevée
dans la douce j)r()spérité. Ainsi ai-je dit, ainsi
ferai-je : la j)ru<lcnc(' le veut.
clvti:.mm:siiu:
Xe ])arle pas ainsi contre tous nies désirs.
Ac; A M KM. NON
Sache ([u'aux miens non plus je ne \'eu.\ rien
chanLi'er.
CLYTEMNKSTRi:
Ce pourrait être un V(eu (jue t'eut di(Ué la
crainte.
A (1 A. an:. M NON
Je sais ce (pie je \eux ; mon refus est formel.
CLVTEMNESTRK
(Ju'eùt t'ait IViam, dis-moi, s'il eût été \ain-
queur?
AC, \ M KM. NON
Sans doute il eût marché sur de riches tissus.
CLYTEMMISTia:
Cesse de craindre alors le blâme des mortels.
L'ORESTIE
AGAMEMNON
Je crains la voix du jjcuple, et grande est sa
puissance.
CLYTEMNESTRE
Qui n'est pas envié n'est pas digne de l'être.
AGAMEMiNON
La femme ne doit pas se complaire au combat.
CLYTEMNESTRE
Même aux heureux il sied parfois d'être vaincus.
AGAMEMNON
Tu tiens à vaincre aussi, toi, dans cette querelle.
CLYTEMNESTRE
Tu restes le vainqueur en cédant de plein gré.
AGAMEMNON
Eh bien, puisque tu le veux, que l'on me délie
en hâte ces sandales, servantes de mes pas. (Une es-
clave lui délace ses sandales.) iMais qu'au moment où je
mets le pied sur ces tissus de pourpre, un regard en-
vieux d'en haut ne tombe pas sur moi ! C'est grande
AGAMK.MNON ;'J4S-1000)
honte que de piétiner et de ])erdr(» un tel luxe
d'étoffes achetées à prix d'or. Mais assez là-dessus.
(Il montre Cassandrc.) Tu vois cette étranj4"ère, accueillc-
la a\('c bienveillance, l.e maître doux, les dieux
ont ])our lui des rej^'ards complaisants, car nul ne
))()ri(' sans douleur le jou^ de l'esclavage. Celle-ci,
tleur clioisie entre mille richesses, présent démon
armée, a dû sui\re mes pas. — là maintenant (jue
je me suis laissé xaiiure ])ar tes ])ar()les, je rentre
au fond tle mon palais sur un clicmin de ])ourj)re.
Il rentre lentement d;insle palais, tandis que Clytemnestrc
répond avec emphase :
nr.YTEMNKSTRi:
11 y a la mer, et (pli réj)uisera? làle <pii nour-
rit l'inépuisable et précieuse sève d'une ]:)ourpre
intini(» ]^our teindre nos tissus, (iràces aux dieux,
maître, la maison peut en axoir à elle : notre
foyer ne connaît pas la ])au\reté. J'eusse offert
dans mes vœux bien d(\s tissus de ])ourpre à tes
pieds \ainqueurs, si des oracles fussent venus en
ce palais révéler à mon anj^oisse le ])rix du retour
d'une tète si chère. ()ui, a\"ec la racine \i\ace,
c'est le feuilkii^'e (pii revient étendre sur a.^ toit
son ombre protectrice de la canicule. Ton retour
au foyer domestique, c'est pour nous un retour de
r/'lé au milieu de l'hiver; une fraîcheur, douce
comme celle des mois où /eus ])our le \in mûrit
la gTa])pe verte, pénètre la maison (|uand le
i;()i;i>Tii-:
iiiaîtrc, r(''})()iix, l'cniplil de sa j)résenc(*. Zeus,
Zcus, ])iir (|ui tout s'accomplit, accom])lis mes
souhaits, et scjiiî^'e l)icn à ro'inre (jue tu dois
accomplir.
lille rentre d;iiis le p;il:iis derrière Ag.'imciiinon. I.i j)oii(j
reste ouverte.
Bien marqué
LE CHŒUR
Pourquoi celle rpouvan/c (luiobstinéïnent se dresse
ilercuU ))ion cœur prophète et vole autour de hil?
Sans avoir reçu ordre ni salaire^ mon chant veut
prédire. Et pourquoi ne puis-je même pas cracher^
comme oii fait pour nn songe obscur^ et sentir
s'asseoir en mon dnie la persuasive confiance ? Il y
a longtemps que du sable de nos rivages nos nefs se
sont détachées^ le jour où vers Ilios s élancèrent nos
?narins en armes.
Et, de mes ptropres geux, je rois leur retour^ moi-
même j'y assiste ; et, malgré fout, le thrène sans lyre
de VErinys s^ élève de mon cœur, à qui nul ne l'ap-
prit au fond de mon être, mais en qui est morte à
jamais la douce confiance de l'espoir. Non, le cœur
ne se trompe pas, et, dans les poitrines justes, les
mouvements qui F agitent toujours ont dit vrai. Dieux!
jniissent cette fois ses pressentiments être mensongers
et, de ma pensée anxieuse, aller se perdre hors du
monde réel!
\(; \MIM\(t\ Hiiil-Hi.VJ)
Oui, Imii flurfo^diilr , in sanh' i'//i'<i!/'\ < 'H' f'i nnihi-
dir, stt roisinc, tinninr sur elle 1rs innrs f/c sa /Hfusn/i.
La lirosjH'ritr liiini(nm\ si i/milrs m sninit les roirs,
rti liriirlrr un ri uni inrisihlr. — Mais tlii ninins,
SI iiiir munir siufr siiil jrtri\ roiiinir un Irsl snii-
rriir, un fini i/rs ru lirssvs (irijitisrs^ iii/isi ijur siir-
n'it/r 1(1 Imri/iir <ill(<jri\ hi niai^^nn nr s(uiihrr fiii^
linifr, /nul 1/ II' su rlian/r ilr nin/liriii s ; '/.rus ri 1rs
sillons (Ir I itnnrr , jnir dr inniihiriii ri luniilcs tln/is^
rliui//ir/il hi fiiniinr.
Mfiis Ir s/in<i unir il un linninir iinr jms ri'iiuni/ii
sur Ir ><>/, nul rni liunlni r ne Ir nijiiirllrruil iluns 1rs
ti'inrs nuuirs, pus mrnir irlui ijui ruinrnail 1rs
Diuris (lu rm/dunir des anihrrs ri dnnl Zriis urr(Uu 1rs
hirnfuils. — A/i! si 1rs diriir nuruirni l'Inntr-
nvnl hurni' Ir Inl dr ( Ikk un, nuni rd'iir ju-i^rirn-
dniil ni'i lunijur ri drlmrdrriil , Iu/k^is t^u'il nr
pcul (jiir i/rniir dans l^tnilwr ri lu doiilrur, sans
tnr/nr rsjirrrr (iiiiin orui Ir suurrur se dcruiilr juniais
de nui jtoilrinr rn feu.
Clytcmncstre rcpar;iit sur le seuil du palais. Elle cherche
des yeux dans l'orchestre et appelle Cassaïuire toujours
iiuinobile sur son char.
( i.vi i:m.m:sii;i:
RcMilre, toi aussi, Cassandre, j)uis([uc /.vus xcut
que, déposaiU la haine, tu purirtes tes mains dans
notre eau lustrale, debout au ir.ilieu de nos n(Mn-
breux esclaves, près de l'autel (jui ])r()tège nos
biens. Descends de ce char (H ne fais ])lus la fière.
LOHESTIE
Le fils d'Alcmône lui-même, dit-on, fut un jour
vendu et connut la rudesse du fouet de Tescla-
vage. En tout cas, celui sur qui tel destin s'abat
doit rendre greices aux dieux de tomber chez des
maîtres dont vieille est la richesse. Ceux qui
contre tout espoir ont fait riche moisson sont
cruels à l'esclave et en tout rigoureux. Tu trou-
veras chez nous tradition de douceur.
LE CORYPHÉE
C'est à toi qu'elle vient de parler clairement :
tu n'es pas hors des filets du sort pour pouvoir
n'obéir qu'à ton heure, désobéir même.
CLYTEMNESTRE
A moins qu'elle n'ait langage inconnu et bar-
bare comme l'hirondelle, elle serait folle de déso-
béir à ma voix.
LE CORYPHÉE
Suis-la : elle te donne le conseil aujourd'hui le
meilleur. Obéis, quitte ton siège sur ce char.
CLYTEMNESTRE
Je n'ai pas le loisir de perdre mon temps à la
porte. Déjà, au cœur de la maison, devant le
foyer, les victimes sont prêtes, attendant le cou-
teau : car nous n'espérions plus goûter pareille
joie. Pour toi, si tu veux m'écouter, hâte-toi. Si,
AGAMEMNON MOGO-1087)
fermée à notre lan^a^e, tu n'entends pas mon
ordre, à défaut de la voix, i)arle ainsi, par gestes
barbares.
I.E CORYPIIÉK
C'est un elair int('r]')rèt(" dont r(''trant;rre aurait
besoin, je crois. ( )n cbrait une l)ète cpi'on \ient
de capturer.
CLYIK.M.NESTHK
\\\\c est folle à cou]) sûr et obéit au délire, si,
arrachée d'hier à sa \ ille conquise, elle ne sait se
résigner au frein sans exhaler sa fougue en
écume sanglante. Je ne sul)irai ])as l'afFront de
parler ])lus longtemps en \ain.
l'Ile rentre dans le pahiis. La porte reste ouverte.
LE COKYPniî:E
Pour moi — car j"ai ])itié — je ne m'irriterai
pas. Va, malheureuse, abandonne Ion char, et,
cédant au destin, fais l'épreuve du joug.
C.issanJre est restée immobile, les yeux toujours fixes sur la
statue d'Apollon, protecteur des routes. Tout à coup, sans
un geste, toujours immobile sur son char :
CASSANnKE
Il ('/as! Ah! Tcnr ri Cirl!
Apollon ! Apollon !
Agité
i;oi',i:s'rii:
liî; cor. vi'ncr:
Pounjuoi i^'émir ainsi au nom de Loxias? son
culte ne veut pas du thrène funéraire.
CASSANDRE
Agité Ile las! A h! Terre et Ciel!
A p 0 lia 1 1 ! A p 0 lia 1 1 !
LE CORYPHÉE
Sa lugubre clameur invoque encore le dieu dont
la place n'est point dans les chants de douleur.
CASSANDRE
Agité Apollon! Apollon^ dieu des routes!
Apollon qui m appelles! i
Accentué Tu ni appelles à ma perte une seconde fois! .
LE CORYPHÉE |
a
Elle semble prévoir sa propre destinée. Le
souffle du dieu vit encore dans Tâme esclave.
CASSANDRE
Agité Apollon! Apollon^ dieu des routes!
Apollon qui m'appelles!
Accentué ^^^ donc ni us-tu condiiite? Ah! dans quelle de-
meure !
1
.\(iA.Mi:.MN()N lU8.S-ll.i(»
LE r.ORVPHÉi:
Dans celle des Alridcs; si xraiincntUi Tii^-norcs,
saclu'-le maint(M"ianl ; \a, je lu* le niriis ))()int.
C;iss;inJrc Icvc les deux hras comme pour maudire. Avec force:
r.ASSANDIU:
Paldis hui des (ln'U.i\ cuniii/n r dr rrn/ifs sf/ns Agité
Hi>//////'f\ //r nn'Hihrrs niiil ilrs jHir un / ri-rc — ( Accentuô)
où h' sdiHj IniiiKim (diilr inniitlnitf le fuirr,
i.i: convi'iiKi-:
L'étrangère, je erois, a le ne/ d'une chienne :
elle \a dé("()u\rir le sani;' (luClle a flairé.
CASSANDRR
Oui, l'en crnis i/'s frninn/nai/cs, ers cnjUnls (juc Agité
jv rnts idrnrcrsiïiO' Ir ^ nuira u — ( Accentué) /7 rv^ uirntlirrs
rù/ts (/rf'iurs jKir un nrrc.
Li: conYPin'iF
Va. nous (N)nnaiss()ns tous ion renom ]n-o))lié-
li«iui'. .^\ais du passé éleint nul ne chiTche un
prophète.
Cissandre étend les hr.is en nv.int.
CASSANDHE
.1//.' y///' ju'vpnvr-t-fu\ là? (Jurllr nourrlh- daulrur Agrité
^mvc-t-nn ù ((' jKilui^, nnunn^r , iliilnru nh\ inlu-
I/OHKSTIF-:
Ivrahlr jioirr les siens ^ inrjucrissah/c? Et le secours est
loin.
LE COIIVPIIEE
Ce qu'elle prédit là, je ne puis le saisir; le resle
m'est connu : Argos entière le crie.
CASSANDRE
Agité ^lA/ misérable^ tu oses cela: tu baignes ton époux,
puis... comment achever? Bientôt sera ce qui doit
être : l'un après l'autre^ deux bras avidement se
tendent pour frapper.
LE CORYPHÉE
Je comprends moins encore : aux énigmes suc-
cèdent des oracles obscurs, et je reste interdit.
CASSANDRE
Agité Ah! horreur! horreur! que vois-je? JS'est-ce point
un filet cVUadès? Le vrai filet, cest la femme com-
plice d'adultère et de meurtre. Insatiable Discorde atta-
chée à la race, salue donc du cri rituel le sacrifice
d'infamie!
LE CORYPHÉE
Ah ! de quelle Érinys provoques-tu le cri sur
ce palais? Ta voix maintenant m'épouvante.
I
AliAMEMNON ^llJl-llIJl)
m: (IKiail
O///, m tin sf/nf/ rcrs m nu (wnr rcflur en o/if/rs
ufilfs^ at/tst ijN un sdiKf ijnmirr n''p(unlu jkw la
1(1 me au.i nufons cuncliaiits d une ne . Hupulcs sanl
/(•s pas (lAlr.
CASSANDKE
Ali! rois! rois! rcarlr le hinrc(in dr hi nujidlji
ht'tr (ni.r cornes noires (Tune fimiijiir <i jdif tiit pirife \
elle j rnppe ^ il toniheaN fond de hi hai^/noire jdctne . lUim
de m se et de s<uk/ : tu eonn(U'< indintenant Idrtifiee.
Âg-ité
Affité
\.v: coiui'iiÉi-:
Je ne suis certes pas grand connaisseur d'oracles ;
mais, sous des mots pareils, je prt'xois un malheur.
Li; ciKiau
Que/le jKiride de joie /(unnisest sortie des oracles?
C'est jKir des nuiH.r (jur fort otnhitjn drs il crins
vert fie lu trrrenr (fifil inspire.
Agité
CASSAM)HK
Hélas! hélas! hnnentahie tnisrre dune infortunée!
C'est ma propre sofi /jrance (jur jr proclame ici : le
caheedéhorde. — ( Accentué) Où d(nt( m os-t// ( nndnite en
m (iini'nanf /m, mulhrnrense? o/V, sinnn ù hi ninrf
comme lai ?
Agité
LOIU-STIE
m: ciKiaii
lH (Ir/irrs, j(Hi('l des d'ti'u.r^ cnlonixtnl sur loi-iiiniic
un chant (jni ncnchdntc (jiù'rc ; ainsi l oiseau an
hrnn plnntarje^ la rossifjnal ^ fiàlasl insaliahle de cris^
appelle : Il fjsl lljjsl pleurant en son eanir do ni oa-
reu.r sa vie trop riche de misères.
CASSANDRE
Hélas! hélas l heureux le sort du rossignol mélo-
dieux ! les dieux l'ont revêt u d'un corps ailé; — ^ Accentué)
sa vie s'écoule tout en la douceur des plaintes : moi ^
je suis réservée à la hache tranchante.
LE CHŒUR
Qui te révèle ainsi les inévitables douleurs par lek
dieux entassées sur ta tête? Qui te fait chanter te^
terrifiants oracles cela, fois en clameurs obscures et et
pénétrantes paroles? Qui te guide éi travers l ambi-
guïté obscure des chemins prophéticjues?
CASSANDRE
Agité Hélas! Jnjmenjiymen de Paris, r/ui perdit tous 1rs
siens! Scamandre dont s'abreuve le sol de ma patrie!
C'est sur tes rives que j'ai grcuuli, formée par tes
soins. — (Accentué) Maintenant le Cét^tc , les bords de
FA cher on i}i}0%teJMr&M'^iihjyrophél\ser bien tôt .
^ 0. .«.^■^'.s..„^
AC AMTMNON Tl |(;2-Iiîn2^
LK ciKian
Ali! (jurl rsl ce trop chiir (wnc/r? MnHc un m [(tuf
vcllr li)is ri'ùl rainiu't^c . .i(U srnfi (munir nnr snn-
fjldnh' nnii-sH/f (jinind j di ((n/tjnts le iltnihniri'tij:
'l''<tin liant tmjrniis et il(uit jr in^i'iKniriinfr .
CASSANDIU:
llr/iis! c/j'nrts, cjjin'ts ilcvnii'vs, de Traira /nninls
ihsjniriir! Ilnntnnihrs où nnui i>rri\ pnur snnvrr /nix
rvniiKtrtsjniinnhiit fuir nn/hrrs 1rs /)(ru/s ijni jinisscnt
riirrhr ! Et tout rrnirilc d rfr rain . — (Accentué Iji rillr
dr Vriiini a siiln son destin ^ rt nmi , ( limidr tf nn dicit^
je r/ns droit an fdrl.
LE CIIŒLR
ïrs arntirs nr se drnirntrntjxis. In d u'ii Jinnimr
.sV>7 de tant son poids ahaltii sur ta trie et te jdit
vhiinter tes f/énussantes et niorte//rs (hni/riirs. lit
ItHon (inqoissr ni n are le trrnir dr ces niaii.v.
I Cassandrc ilesccnd de son char.
CASSANDIIK
Oui, l'oracle bientôt brillera devant vous, et
ion plus à travers un voile, ainsi ((u'une jeune
îpousée : tel un \ (mU éclatant (\\\\ bondit vers
'Orient, il fera déborder vers la lumière (jui se
ève comme une mer de maux toujours, toujours
)lus grands. Mes avis alors ne s'en\ elopperont ])lus
l'éni|4'mcs. Du moins rendez-moi témoignage ((ue,
4
I/OMKSTIK
le nez sur la piste, j'ai sui\i sans érarl la trace
(les forfaits anciens. C'est (|ue cette maiscjn ja-
mais n'est désertée par un chd'ur dont les voix
ne s'unissent qu'en un unisson d'horreur; car
son chant n'est point une aubade. Non, pour se
donner plus d'audace, c'est du sang humain qu'elle
a bu, l'étrange troupe de fête qui s'est établie en
ce palais et que nul n'en chassera; car elle est
composée des Furies de la race. Attachées à ces
murailles, elles chantent l'égarement qui com-
mença vos maux : tour à tour, chacune flétrit la
couche adultère funeste au frère qui la souilla.
Ai-je dit vrai Pou mon arc a-t-il mal visé? Suis-je
une radoteuse qui va mendier de porte en porte
avec de fausses prophéties? Veux-tu me réfuter?
Jure-moi d'abord que mes oracles ignorent les
anciens crimes de ce palais.
LE CORYPHÉE
Plût au ciel que la fermeté d'un serment fer-
mement juré suffît à guérir nos maux! ^lais
j'admire comment, élevée sur des rives lointaines,
étrangère à notre langage, tu rencontres partout
la vérité, comme si tes yeux l'avaient vue.
CASSANDRE
Apollon, le devin, m'a fixé cette tâche.
LE CORYPHÉE
AGAMRMNON (1203-122!))
CASSANDIŒ
J'avais honte autrefois tic parler du ces choses.
LR CfUniMIÉK
Tout (lieu (ju'il est, fut-il atteint du trait d'anio.ir?
CASSA.NDlii:
LE coiu l'iiia:
Trop de bonheur toujours inspire de l'orgueil.
CASSANDIU:
Il luttait pour m'axoir, tout embrasé d'amour.
[.E CORYPHÉE
l'-t fîtes-\()us pas oeuvre de père et mère en-
sem])le?
CASSANDRK
Je promis à Loxias et trahis mon serment.
LE c.oHvrnKi:
Possédais-tu déjà l'art (pii t'hispire ici?
CASS ANDRE
je prédisais déjà les maux de ma patrie.
I
L'ORESTIE
LE CORYPHÉE
Et le courroux du dieu ne te punit-il pas ?
CASSANDRE
Du jour où j'eus menti, personne ne me crut.
LE CORYPHÉE
Trop croyables pour nous sont ici tes oracles.
CASSANDRE
Ah! ah! de nouveau le travail prophétique me^
pénètre et me fait tournoyer d'horreur, prélude
qui déjà m'épouvante! Ah! douleurs! douleurs!
Voyez ces formes jeunes assises dans le palais,
pareilles aux apparitions des songes. Oui, ce sont
des enfants tués par leurs parents : leurs mains,
pleines de lambeaux sanglants, offrent à manger
de leur propre chair, entrailles et viscères, fes-
tin lamentable auquel un père a goûté. Mais de
ces crimes, je vous le dis, quelqu'un médite la
vengeance, un lion, mais un lion lâche, qui reste
au foyer et, vautré dans le lit, attend que du com-
bat revienne le maître... mon maître : car il faut
maintenant porter un joug d'esclave. Et celui qui
a guidé les nefs de la Grèce et détruit Ilios ne
voit pas que la misérable dont la langue lèche
et flatte comme celle d'un chien joyeux, lui pré-
A(;AMEMN0.\ {1230-12o5)
pare traîtreusement la mort, complice d'un destin
jaloux. Oui, telle est son audace : par elle, la
femelle meurtrière du mâle existe maintenant.
De cjuel monstre odieux em])runterai-je le nom
])our lui donner celui i{u elle mérite? Dragon à
deux têtes? Scylla, gîtée dans les rochers, fléau
des marins, furieuse prétresse d'iladès, contre
tous les siens res])iraHt guerre sans trêve? Quelle
clameur de triom])he elle a poussé, l'audacieuse,
comme un guerrier \ain(iueur devant la déroute
ennemie! Kt vous n'avez vu là ([ue sa joie pour
l'heureux retour d'un époux! lu (|ue \()us me
royiez ou non, (pie m'importe? C'e ([ui sera, sera;
et toi, (|ui bientôt en dois être témoin, ])lein de
])itié, lu reconnaîtras alors ([ue j'étais trop véri-
dii[ue prophétesse.
\a: (;ni;vi'iii:i:
Tu as parlé du festin offert à Thyeste des chairs
de ses enfants : j'ai compris et j'ai frissonné, et
la terreur m'enxahil ([uand j'entends la vérité nue
et sans images, .^lais au reste de tes oracles, mon
esprit court égaré hors de la carrière.
CASSANDRE
Agamemnon mourra, te dis-je, sous tes yeux.
LE COHYPFIKE
Ail! tais-toi, malheureuse; endors ta voix : si-
lence!
L'OHESTIE
CASSANDRE
Nul remède n'existe aux maux que je prédis,
LE CORYPHÉE
S'ils doivent voir le jour; mais les dieux nous
en gardent!
CASSAKDRE
Faites vœux et prières : eux préparent le
meurtre.
LE CORYPHÉE
Quel homme apprête donc ce sacrilège infâme ?
CASSANDRE
Tu t'égares, je vois, loin du sens des oracles.
LE CORYPHÉE
Nomme le criminel : je doute et ne comprends.
CASSANDRE
Pourtant je sais parler la langue de l'Hellade,
LE CORYPHÉE
Loxias aussi : obscurs pourtant sont ses oracles.
a<.a.\ii:mn(>\ (i2:;(i-i:ioi)
CASSANDUK
Ah ! ah ! (jucl t'en s'axancc, là ? h.l il marche
sur moiî Ilrlas ! Apollon L\(i(Mi, ])iti(''. pitié pour
moi! C'est clic, hi lionne à deux ])icils. clic (|ui
(lorl a\('c le louj) en rabscnec du noMc lion, (|ui
me luc?*a, in tortuni'c ! I)an.s la eoujx* de mort
(|u"clle lui prc'jiarc, elle veut mcllrc aussi mon sa-
laire cl. tandis (ju'idlc aiguise le ])oiL;*nard contre
son (''poux, (die ])rt''lend lui faire ])a\'er de son
sanj4" une temme anuMU'c ici ! l*our«iuoi donc ])or-
ter en("ore la (h'rision de cette ]:)arure sacrée,
sceptre, banchdettes ])ro])h(''ti<jues retond)ant sur
mes é])aules ? Je hvs ])erdrai axant de me ])erdre
moi-même. Aile/, roulez à la mort : j"\' marcherai
avec \()us, l'.nrichissez désormais de douleur une
I autre ((ue moi. \'ois, A])ollon lui-même me dr-
I pouille du manteau proj)héti([ue, mais (|u'il s'est
l)lu longtemps d'abord à me voir (M-U(dlcment rail-
I lée dans c(*s vêtements mêmes par ceux cpii eussent
dû m'aimer et cpii me haïssaient ! railleries bien
1 vaines, nul n'en doute à cette heure. Je me suis
vu trail(*r de xas^'abonde, comme une diseuse de
pro})héties, une mendiante folle et affamée. Kt
maintenant encore le ])roj)hête (jui m'a fait ])ro-
phétesse me conduit lui-même à ce destin san-
glant. Au lieu de l'autid oii tomba mon ])ère, un
jl billot m'attend, (pie rougira le sang (diaud de mon
'irorgement. -^\ais du moins les dicnix ne laisse-
ront ]ias notre mort im]ninie : un autre \i(^ndra.
i;oHi:sTiE
un justicier, dont le l^ras immolera sa mère et
vengera son père. Exilé, errant, banni de cette
terre, il rev^iendra porter à son comble les dou- |
leurs de sa race. Car un grand serment a uni les |
dieux: il fera pa3^er aux coupeibles le cadavre pa-
ternel étendu sur la terre. Pourquoi donc ainsi |
gémissante m'apitoyer sur moi-même? Si j'ai \u la
ville d'Ilios traitée comme elle le fut, je vois au-
jourd'hui ses vainqueurs finir à leur tour condam-
nés par les dieux. Résignée dès lors à mon destin,
je subirai la mort. Oui, je s^ilue ici les portes d'IIa-
dès, et je ne souhaite plus qu'un coup bien porté
qui, sans convulsion, dans les flots d'un sang qui
tue doucement, vienne fermer mes yeux,
LE COKYPHÉE
O femme trop infortunée, trop clairvoyante
aussi, longue a été ta prophétie. .Mais si vraiment
tu connais ton destin, pourquoi, comme une génisse
poussée par les dieux, marcher ainsi, audacieuse, à
l'autel ?
CASSANDRE
Je n'éviterai rien par le délai d'une heure.
LE CORYPHÉE
Mais de l'heure dernière le prix est infini.
CASSANDRE
Non, le jour est venu: que gagnerais-je à fuir?
A(iAMK.MNO\ (1302-1323)
LE CORVPIIKi:
Sache (iue ton courage aura seul fait ta perte.
CASSANDRE
Mourir glorieusement est un bienfait des dieux.
LK r.oiîM'UKI-:
Xiil heureux de ce monde ne l'entend comme
toi.
CASSANIHU;
Père, je \ais \-ers loi et \'ers tes nobles fils.
Elle s'enveloppe la tète et marche vers le palais, puis,
brusquement, recule.
LE COllYIMIÉE
Ou'y a-t-il ? Ouelle crainte a ramené tes })as ?
CASSANDRE
Ah : Ah !
Elle se détourne ivii IioiiLiir.
LE CORVIMIÉE
Pourquoi ces cris? (.(uel monstre a})])arait à ton
âme?
CASSANDRE
Ce palais sent le meurtre et le sang répandu.
I/ORESTIK
LE COR VI' Il ÉK
Non, il sent les parfums consumés à Tautel.
CASSANDRE
C'est une odeur semblable à celle des tombeaux.
LE CORYPHÉE
Ah! ce n'est pas Tencens dont tu nous veux
parler.
Cassandre recule encore.
CASSANDRE
Ah! étrangers! — Je ne suis pas un oiseau qui
crie effra3^é devant un buisson ; je veux seulement
que vous puissiez me rendre témoignage au jour
où, pour pa3xr mon sang, le sang d'une femme,
une femme aussi versera le sien, et où, perdu par
son épouse, un homme tombera pour Thomme qu'il
tua. C'est le présent d'hospitalité que de vous une
mourante implore.
LE CORYPHÉE
Infortunée ! j'ai pitié du sort que te font les
dieux.
CASSANDRE
Un souhait encore : car mon thrène est fini. En
face de ce soleil, le dernier qui luira pour moi, je
1
\(i\MKMN()N (13-21-1353)
fais Icvd'u ([lie les vendeurs (run ])i'r(' fasscMit aussi
j)a\('r à mes mciirlricrs la morl de l'csrlaN'e (\m
leur fut une ])r()ie si facile, lu maintenant je des-
rends chez les morts continuer à gémir sur le sort
de Cassandre et d'Ai^'amemnon. Ou'ici s'arrêtent
mes jours î
l'Ile Liilrc d.ms le pal.iis. Le; portes se referment derrière
elle. 1.1 nuit tombe peu ."i peu.
Li: (OI'.VIMIKK
Ah! triste sort de l'homme; son boiilnnir n'est
(|u'inie peintureijue le malheur, comme une éponj^e
humide, noie et efface en un moment : revers ])lus
diî^'ne de ])iti('' ([u'un malheur<iui toujours dura.
I.c honheur ne sauiiiil salisfaiic riioninie : dos
(Icmcui-es même qu(î Iciii' |)ros[)t''rili'' lait monlicr au
I lioi^l, |)cr>()un(» jamais n'a su l^'ciilci* d un mot
I iinpi'i'ienx .• « N'enli'c plu^ ici. »
(Test ainsi (Ui'à Aiiamcmnon la màcc fui doimt'e
p'ir les dieux hicidicnrcux (h' compici'ii- la \ iljc de
Priam. VA \o voici (jui icidrc en sa pairie honoré
H à l'éj^al d'un dieu. Mais, s'il doil niiiintcnanl i;iclic-
ler le sani;' (|u il a d'ahord viu's»' cl ^i, en pavant
de sa vie les vies (pi'il a saciilitu^^. il sn^cilc à son
lour de nouveaux nunirlres j)our \eiii:er le sien,
(Jihd moi'l(d jxmira déformai"'- «m' vanlei- (Trli'c
né pnnr un sort sans orai;*'?
On catenJ tout à ci^up, derrière l;i porte, l'-ippcl dWg.t-
lUL-innon.
J.OJIESTIE
AG A M KM NON
Hélas! un coup mortel a déchiré mon flanc!
PREMIER CIIOÏŒUTE
Silence ! Qui donc crie, atteint d'un coup mortel ?
AGAMEMNON
Hélas ! encore hélas ! un second coup m'abat.
PREMIER CHOREUTE
Le crime est accompli : ces gémissements sont
de notre roi. Songeons à réunir ici de sûrs avis.
DEUXIÈME CHOREUTE
Mon avis, le voici : allons et courons par la
ville : « Au secours ! Dans le palais royal ! »
TROISIÈME CHOREUTE
Non, nous-mêmes, en toute hâte, bondissons
au palais et saisissons le crime Tépée encore san-
glante.
QUATRIÈME CHOREUTE
Oui, je partagerai tout avis de ce genre; agis-
sons : l'heure n'est plus aux vains délais.
AGAMKMNON (1351-1386)
C I N 0 U 1 1. ME C II 0 H !•: l T E
Klle permet de réfléchir j)ourlarn : c'est à la
tyrannie (juils ])réludent, nous en avons it i de
sûrs indices.
SIXIÈMK cnoiu:[ TE
(.)ui, ])arce que nous hésitons; mais eux fouk'uL
aux pieds hi ji^h)ire d'hésiter et ne laissent point
s'endormir leurs bras.
SEPTIlhir: CIIOREUTE
Je ne sais ([uel cons(»il donner : même à ([ui
veut agir, il api)arlient de réfléchir (ral)()rtl.
miTiKMr: ciiorkiti:
Cet a\is est le mien : je (hnite ([ue nos eris res-
suscitent le mort.
NEUVlf-ME CnoUEUTE
l Doit-on, ])our allonger sa vie, obéir à des
1 maîtres qui souillent ce palais?
DIXll^ME CMORKUTE
Intolérable honte! certes, mourir vaut mieux;
la mort est plus douce que la tyrannie.
ONZIÈME CIIOREITE
.Mais avons-nous des preuves? pourquoi, sur un
f gémissement, prophétiser la mort de notre roi ?
i
LOIŒSTIE
dolzie.ml: ciiouELii':
Ce n'est que lorsqu'on sait que Ton doit s'indi-
gner : conjecturer n'est pas savoir.
PREMIER CnOREETE
Ma voix donne du moins le nombre à cet avis:
sachons d'abord ce qu'il en est du roi.
La porte centrale s'ouvre. On aperçoit Aganieninon, nu,
étendu sur un large voile ensanglanté. Cassanure est couchée à
ses côtés, le front ouvert. Clytemnestre est debout derrière les
deux cadavres, la hache à la main.
CLYTE.MjNESTRE
La nécessité tout à l'heure m'a dicté bien des
mots : je ne rougirai pas ici de les démentir. Quand
on veut sur ceux qu'on hait, mais qu'on semble
aimer, satisfaire sa haine, comment, sans le men-
songe, tendre le panneau du malheur assez haut
pour que nul ne puisse le franchir? Cette heure
décisive d'une vieille querelle, longtemps je l'avais
préparée : elle est venue, enfin! Et je me dresse
sur ma victime, mon œuvre accomplie. Je ne le
nierai pas, j'ai tout fait pour qu'il ne pût ni fuir,
ni écarter la mort. C'est un filet sans issue, vrai
filet à poissons, que je tends autour de lui, un
voile à l'ampleur funeste. Et je frappe, deux
fois; et, en deux gémissements, il a laissé aller
ses membres ; et, comme il s'affaisse, je lui donne
encore un troisième coup, offrande votive au Zeus
ACAMKMVO.N (IMS'-l i:i(l)
Sau\'L'ur (les morts, ((ui rr^nc sons la terre, Tomlx',
il erache alors son âme, et, tandis (niavce vio-
lence le sanj^ jaillit de ses blessures, la rosée du
meurtre m'inonde de ses noires gouttes aussi
douées à mon (Meur (|ue la jtluie bienfaisante de
Zeus à la i^raine dans le sein du bouton. \'oilà
les faits, citoyens respectés dans Argos ; (ju'ils vous
plaisent ou non, moi, je me glorifie de ce (jue
j'ai fait. Si même les dieux jjerniettaient de ver-
ser des libations sur une \ictinie humaine, ce
serait justice sur cet homme, plus cpie justice
même : tant il a ])ris plaisir, dans sa maison, à
remj)lir de crimes exécrables le cratère (pià son
retour il a dû lui-même vicier il'un seid trait.
I
LE COUYlMIKi:
J'admire ta langue impudente, toi ([ui te glo-
rifies aux dépens d'un époux.
CLYTEM.NKSTHl':
\'ous voulez m'effra\"er comme si j'étais une
femme sans résolution, là moi, je vous dis, d'un
pœur (|ui ne tremble pas, vous le savez bien : —
(uant à \()s louanges ou à vos blâmes, j)eu m'im-
)orte — celui-ci est Agamemnon mon é])oux; ma
iroite en a fait un cadavre, ouvrière ifunc oHivre
le justice. Voilà.
I Quelle lier/H'e/N/ioiso/iftéc nnurrie dessiics terrestres^ Agitô
luel hretiriujr jdiUi du ynii/fre marin as-tu donc
L'ORESTIE
absorbé., pour t'cfre chargée cinri Ud meurtre? I)an!i
des malédictions oii gronde la voix d'un peuple^ la
haine vigoureuse de tes concitoyens déjà Va rejetée,
retranchée d'Argos : désormais lu es sans patrie.
CLYTEMNESTRE
Ainsi maintenant tu me voues à l'exil loin
d'Argos, à la haine de la cité, aux malédictions
populaires, alors que, pour lui, tu n'eus pas un
mot de blâme, lorsque insouciant comme un homme
qui prend une victime dans les brebis sans nombre
de ses troupeaux laineux, il immola sa propre
fille, douloureux fruit de mes entrailles, pour en-
chanter les vents de Thrace! N'était-ce pas lui
qu'il fallait jeter hors de sa ville pour lui faire
payer ses souillures? Et pour moi, rien qu'à en-
tendre ce que j'ai fait, tu deviens un juge sévère!
Mais voici les seules menaces que je te permette,
car je suis prête à y répondre : combattons; vain-
queur, tu seras mon maître. Mais, si les dieux en
décident autrement, de tardives leçons t'appren-
dront la sagesse.
LE CHŒUR
Agité Ta pensée est hautaine^ ta parole orgueilleuse. Ainsi,
tout souillé de son m,eurtre, le criminel se ptersuade,
en son délire^ que sa sanglante tache est parure sur
son front. Mais tout n'est pas fini : je jure qii aban-
donnée, méprisée de tous, tu paieras coup pour
coup.
AGAMEMNUN (ii:n-in5)
CLYTEMNKSTRE
Kt voici l'arrêt de mes serments ii moi. Non,
par la Jiisti(^(* ([ui aujoiinrimi a su veng'er ma fille,
par Aie, par Tlvrinys, à <|iii j\ii imnioh'' cet homme;
mon, n'esprrcz ])as (jue la (TaiiUc \)()>r un pied
l;dans ma maison, tant ([uc sur mon toscr brillera
fjmon feu sacrt'', I^i^isthc, dont l'amour est tou-
jours à moi. X'oilà le lar^'e bouclier au([uel je me
>lfie. 11 est doue à terre, riiommf* cpii fit mon mal-
^iheur, ilélices des Chryséis sous llios. lu elle aussi,
la ca])tive, la devineresse, la pro])luHesse (pii par-
lai^ea son lit, elle est donc revenue, tîdèle, j)rendre
jdace sur cette couche, comme elle avait ]iris
place sur sa nef marine. Ils ont eu le sort (ju'ils
client mérité. Lui, est tombé comme j'ai dit. l'-lle,
linsi (ju'un C3'}^ne, a chantt' ])our la (U^rnière fois
Il phiintif chant de mort, axant de s'étendre
irès de lui à sa place d'amante, et r'est ])our
l■^^aisonner mon festin de \eng"eance ([uil s'esi
rouvé avoir conduit i(M celle (pu fait encore la
lupté du lit où il repose.
I
LE CllŒL'U
1/// ijKrllc ninri idindr rinnl/d. s(ii(s hiiujiir aii- Anime
'/N^v lu rourhr (IHyanir, njtiuirh'r à nus i wurs Ir
>/Hi/iri/ t/fff nr s inh'rnmijit ni iir sr lrnmm\ iittiiii-
naul (juil a suciotnbc, celui dunl Faniour rci/laii
L'ORESTII^
Sff?' JtOlls^ qui huit souffriL j)t)ur une fruinic ri. par
une femme pcrdi/ la rie!
LI-: convi'iii::!-:
Mélodrame Ail! uli I lléloiiG, follc qui, sculc, immolas sons
Troie des ccnlaines cl des milliers de vies...
LE CHŒUR
Un peu Pfff iqI s\hjanoirissent nos malheurs en un inou-
retenu ^
hllable et ineffaçable crime ^ pulssan/e Discorde, /Irau
d'un ênoux.
CLYTEMNESTRE
Mélodrame N'appcllc pas la iiiort parce que ceci t'accable.
Et ne tourne pas ton courroux contre Hélène; ne
crois pas qu'elle ait, seule homicide, seule meur-
trière de guerriers innombrables, ouvert aux
lianes de la Grèce la blessure qui ne se peut fer-
mer.
LE CHŒUR
Animé Génie fjul f cduits sur les pcdais et les têtes des deux
Tantalides^ tu te sers de fenwies aux cimes pareilles
pour triompher en déchirant nos ccmirs. Debout sui
le cadavre, semblcd)le à un corbeau de mort, elle se
flatte d'entonner en règle un chant de victoire.
CLYÏE3I^'ESTRE ^
Mélodrame Ah! maintenant ta bouche rectifie ton erreur :|
tu as su nommer le Génie qui trois fois déjà s'eslj
ii
i
AliAMKMNON {14ir)-l.j2";)
«'M^n'aissr (Jii san^ de celle race, (l'est lui (|iii,<lans
nos ciili-ailles, iioiinit celle soif de iiieiiiii-e (jiii,
avaiil la lin de raiicieinie douleur, veut iléjà verser
lin siiii;^ nouveau
II
LK CFitian
Oui, jims^finf l'st-il , Inul-itutssanl iri^ le (irnic (tii.r pius vif
Iniinlrs r/Ntrtf/irs t^/fc In r/r/ts naiis rappeler. .\li!
rapjH'l i/i)nl()Hrei( r d'un destin msdtifihle d horreurs !
HriasI hèlds! Et eehi, pdv Zens, pur <ini tant est
eitnlu et réalisé ! (\n\ sfins /eas, riea s^ierof/f/d/t-
// jif(/-//u les hoitunt's? Tant ici-has est I n-arre des
dieux.
u: coin PU KR
Ail! mou roi! luon roi î comuieul le pleurer? Du Mélodrame
lond de mon C(enr ([ni raimail. (|iiels uiols sauront
iiiler vers loi ?
Ton corps esl 1;» i^isanl dans ces lils daraiguée el
Ion àme s'exhale sons un coup sacrilège!
LK c.inia K
llélas! ta f/is sa/' cette enaehe laduine, dntanté Un peu
./ .1^1 retenu
fine a/te ///nrt trait ressv s(/as I /i///ie é/ dea.r Ira/a lai/its
Y'/'" ce hras tient e/tenre !
CLVTKMNESTIŒ
Tn oses dire (jue c e>l là mon oii\i;i,i:e. N<>n, In Méiodramt
n as mémo plus devant loi r»'j)oii-e d Au;imcmnou.
L'OUESTIE
Sous la forme de l'épouse de ce mort, c'est l'an-
tique, l'âpre Génie vengeur d'Atrée, du cruel am-
phitryon, qui s'est payé sur ce cadavre, s'immo-
lant un guerrier pour venger des enfants.
LE CHŒUR
Vif Toi, innocente de ce meurtre ! qui oserait en témoi-
gner? qui donc? qui donc? Mais le Génie vengeur
de la race a pu te porter aide : car sa colère va se
trahissant par des ruisseaux de sang fraternel. Par-
tout ou ce noir Ares portera ses pas, le sang coulera^
'ançon du sang des enfants dévorés.
LE CORYPHÉE
Mélodrame Ah! mon roi ! mon roi! comment te pleurer?
Du fond de mon cœur qui t'aimait, quels mots
sauront aller vers toi?
Ton corps est là gisant dans ces fils d'araignée et
ton âme s'exhale sous un coup sacrilège!
LE CHŒUR
Retenu Hélas! tu gis sur cette couche indigne, dompté par
une 7nort traîtresse sous Varme à deux tranchants
que ce bras tient encore.
CLYTEMNESTRE
Mélodrame IMais la moi't traîtresse, n'est-ce pas lui qui l'a
fait entrer dans ce palais? 11 avait à l'enfant née de
notre sang, à notre Iphigénie tant pleurée, fait un
sort qui méritait le sort suhi par lui. Qu'il n'aille
AGAMEMNON (1528-lo76)
|)iis «lans rilluirs (''lalcr son ()i'j;ii('il : sa mort sons la
liaclic traiiclianlc n'a l'ail ((ne payor ses crimes.
LK r.H(i:rR
Iji nrftsrr nirt lia jtpr ri tirrc l'/lr hnifr f/rrisiotl Plus vif
sitrt'. .le ne sais pins lu) inr tonnirr : la j/tf/tson
il croiilr <nil(Uir dr moi . .le trfnihir dU hruissrnicut de
I Parcrsr satu/lft/i/r (/(//ts /uijdcllr (jlissc rr pahii^i. Dt'jà
I cV'.s/ tut (h'iugf. L<i Justiir (hins le sant/ (1rs fin'/nils
'' anrir/is /ave son rprc pnur «/rs /(U'/(ii/s ndurraur.
LK COUVI'IM'IE
I Ah! hTr(\ terre, (\\w ne in';i<-tn inmmi dan^ hm Mélodrame
-(MM, avant (jne j'eusse vu ce Ih'tos ^isanl an Ininl
• le ^;i liai^noirc d'arj^ent î
(Jni l'ensevelira? ([ni ciiaFilc^ra son tlirrno?
L'oseras-ln donc, loi? Oseras-Ui, a[)irN avoii* hn'»
Ion éponx, l'accompagner des lanicnlaliuns ri-
tnclh's el, contre toute justice, payer srs exploits
1 t
l'un honneur déshononml '
Li; ciinau
I
Oui (h)nr^ sur Ir htnihran du hrrns ilirin, prrndra retenu
soin dr rrrsrr lar/nrs rt h)nan<ir fintrhrr (Tim (irur
Offi ne nimfr juis?
CI.VTEMNESTRK
C(» n'f'st pas à loi (jn«* rcvicMit ce soin. C'(»st Mélodrame
par nous (lu'il est lomhé, (|u'il est morl, «d ([n'il
I/ORESTIK
sera onsevcli sans los gémissements des siens.
Mais Iplii^énie, pleine de tendresse puisqu'elle
fut sa lille, ira, comme il sied, au-devant de son
père, aux bords du fleuve rapide des douleurs et,
jetant ses bras autour de son cou, l'accueillera
de son baiser.
LE cnaaPi
Fiévreux JJoulvcKjc vf'pond il l-outrcige : impossible déjuger.
Le violent souffre violence^ le meurtrier paie sa dette.
Une loi doit régner tant que Zeus régnera : « Au
coupable^ le châtiment », car c'est là décret divin.
Ah! gui pourra de cette maison rejeter la semence
des malédictions? La race est liée à A té.
CLYTEMNESTRE
Mélodrame Oui, tu vicus ccttc fois de proclamer la vérit»'.
Pour moi, je veux, du moins, échanger des ser-
ments avec le génie des Plisthénides et me rési-
gner au présent, si dur qu'il puisse être, pourvu
que désormais, sortant de cette maison, il aille
épuiser une autre race par ces meurtres domes-
tiques. La moindre part des biens de ce palais
saura me suffire, si je chasse enfin dici celte fu-
reur de mutuels homicides.
Elle jette la hache loin d'elle. — Egisthe apparaît à rentrée
de droite. Il est suivi de guerriers en armes. Il s'arrête à la
vue du cadavre d'Agamemnon.
\<. \Mi:\i\(>N ,i;;77 i(i.>2)
ÉdisTiii:
Ah! la t)ienfaisante luiniiTc (11111 soleil justi-
cier! Désormais je ])iiis dire (lu'il est, j)()iir ven-
ger les mortels, des dieux (|ui delà-haut attachent
leurs rej4'ards aux tnrtaits de la terre, puiscjuc en-
fin je \()is, dans des xoiles tramés par les l\rin\'es,
ce cadavre étendu, ])our ma joie à moi et j)our ]c
paiement des crimes paternels. C'est Atrée, en
effet, roi d'Ar^os et ])ère de cet homme, cjui
vovant Th N'este, son tVrre et mon j^ère à moi,
pour parler (dairement, lui disj)uter le tnSne, le
chassa de sa eité el dt" sa demeure. Ke\'(MUi en suj)-
pliant au fo\-er d'Atrc'e, le malheureux Thyeste y
trou\a un refuse, sans doute, car son ])ropre
san}4' ne eoula pas sur le sol des ancêtres, .Mais le
père impie de ce mort, sous ])r('texte d'offrir au
mien un préscmt d'hospitaliti'', le (N)n\-ia à «célé-
brer joyi'usement un jour de saerifu^' et lui fit
un festin des chairs de ses enfants. 11 avait dé-
coupé les mains et les pieds seul, à l'écart, pouf
que les (M)n\i\es assis chacun à sa table ne
pussent les reconnaître. Kt Thyeste aussitôt, sans
défiance', étend la main et f>*oùte ce mets, ([ui a
coûté cher, tu le \'ois, à la race entière. Soudain
il (M)mprend le crime exécrable et, jioussant un
gémissement, il tondx^ en arrièr(\ crachant la
chair de ses fils éj^i^ort^és. 11 apj^elle alors sur les
Pélopides un destin d'horreur et, j)our accompa-
gner son imj)récation, renversant la table du pied :
L'ORESTIE
« Ainsi périsse, dit-il, toute la race de Plisthène. »
C'est sous cette malédiction que cet homme 'est
tombé. Le soin me revenait de droit de tramer sa
mort : j'étais le troisième enfant de Thyeste, épar-
gné par Atrée et chassé avec mon père, encore
dans les langes. Mais j'ai grandi et la Justice m'a
ramené dans ma patrie, et, sans franchir ses portes,
j'ai fait sentir à cet homme la force de mon bras,
en formant contre lui les nœuds de ce complot.
Et maintenant la mort même m'apparaît douce,
puisque enfin je l'ai vu dans les filets de la Justice.
LE CORYPHÉE
Égisthe, l'insolence des lâches ne m'en impose
pas. Tu dis que, sans avoir frappé cet homme en
son palais, tu as, seul, du dehors, préparé le
meurtre. Je te dis, moi, que ta tête n'échappera
pas aux bras vengeurs du peuple chargés de
pierres et d'imprécations.
ÉGESTIIE
C'est toi qui, du dernier banc des rameurs, oses
ainsi élever la voix ? Tu oublies que les ordres
ne viennent que du pont du vaisseau. Tu vas
apprendre, malgré ton âge, combien il est dur
pour un vieillard de recevoir bon gré mal gré des
leçons de sagesse. Les chaînes, la vieillesse, les
douleurs de la faim sont, pour guérir l'ignorance,
d'excellents médecins. Tes 3^eux ne s'ouvrent pas
AHAMEMNON (1623-1G:)3)
à voir ce que tu xois ? Ne reg'imbo plus contre
iraij^uillon : un faux pas te coûterait cher.
LK conypiiKK
i Quoi! c'est toi, une femme! toi ([ui attendais
au foyer le retour des j^uerriers, toi (jui souillais
la couche d'un héros, c[uoi ! c'est toi (jui tramas
!la mort d'un chef ti'armée!
ÉGISTHK
Voilà encore des mots ([ui feront naître bien
des pleurs. Ta voix est le contraire de hi xoix
d'Orphée. Lui, par son cliant, enchaînait hi nature
( liarini'c. lOi, pour nous ])rovo(iuer par de sots
hurlements, tu seras enchaîné. D()mj)té, tu te
montreras ])lus traitable.
h
LK CORYPHÉE
Il Quoi! tu serais mon roi, tu serais roi d'Argo.s,
loi qui, après avoir machiné le meurtre d'un héros,
n'osas pas même agir et frapper de ton bras.
Ér.ISTIlE
La ruse clairement revenait à la femme. Ln-
nemi héréditaire, moi, j'eusse été suspect. Maître
des biens de cet homme, mon dessein est mainte-
nant de commander à la cité. (Jui n'obéira pas,
^era lié à un joug' pesant, au lieu d'être nourri
I/OIIKSTIK
d'orge comme un poulain de volée*, rA la faim
méchante associée aux ténèbres le \erra dexenir
plus doux.
LE COUYiniÉIO
Pourquoi, dans ta lâcheté, n'as-tu pas toi-même
frappé ce guerrier? Pourquoi est-ce une femme,
souillure du pays et des dieux du pays, cjui a
porté les coups? Oreste, du moins, voit le jour
pour revenir ici, guidé par un destin propice, et
vous frapper tous deux de son bras vainqueur.
Dans un mouvement plus vif qui doit être conservé jusqu'à
la fin de la pièce :
ÉGISTIIE
Tu le veux : eh bien ! tu vas voir si je sépare la pa-
role et Tacte... Allons, gardes, voici Theure d'agir.
Il tire répce.
LE CORYPHÉE
Allons, l'épée au poing: tous en garde!
Les vieillards tirent l'épée.
ÉGISTHE
Soit ! Je consens à mourir aussi l'épée au poing.
LE CORYPHÉE
Tu parles de mourir : fort bien! j'en accepte
l'augure.
Clytemnestre descend vivement les marches du seuil et se
place devant Égisthe.
ACAMIIMNON 'ir.r»4-i(u:j)
r.LVTKMNKSTHi:
Arrête, n le plus cher des hoiniiu's, n'ajoutons
pas aux maux ])résents. Nous a\'ons (l('*jà li('' une
riche gerbe de douleurs ; e'est assez de souffrances :
ne réj)an(lons ])lus le sa ni;". Rentre/ tous, toi comme
les xieillards, (^hacun dans la maison <jue le sort lui
.1 donnée, sans inflis^'er ni suhir d'inutiles outrajL^'es.
< 'e (|U(^ nous axons tait, nous Taxons dû faire.
l'uisse la mesure de nos maux ])araitre suffisante
.lUX dieux! ("est notre seul souhait ; car leur lourde
tolère nous a durement frappc's. X'oilà ce ipic pense
une femme, si l'on xcut l'écouter.
VAWSIWI.
L'cpcc toujours niLMi.i<,Miito.
Quoi! (M*ux-là d(''ploieront ainsi contre moi leurs
lanj^'ues insolentes, ])ro\o(|uer()nt le sort })ar de
^"lles menaces et manipieront au sai^'e res])ect dû
.i qui tM)mmande !
I .. .
Los vieillards ont remis 1 épee ;iu fourreau; mais ils se
montrent du doigt Kgisthe avec colère.
LK CORYPIlÉi:
Non, non, jamais Arg"os ne flattera un làcdie.
Egisthc, déjà sur les marches du seuil, se retourne brusque-
njciit.
ÉGISriIE
Va, je saurai l'atteindre dans les jours (jui vien-
dront.
L'OllESTlK
LE CORYPHÉE
A moins qu'un dieu ne guide Oreste jusqu'à
nous.
ÉGISTHE
Ironique.
On sait que l'exilé se repaît d'espérances !
LE CORYPHÉE
Courage ! l'heure est bonne : gave-toi d'injustices!
ÉGISTHE
Ah ! tu me paieras cher ta folie de ce jour.
LE CORYPHÉE
Hardi donc ! fais le beau , coq, auprès de ta poule !
CLYTEMNESTRE
Dédaigne ces vains aboiements : nous saurons
bien tous deux rétablir l'ordre dans un palais où
nous régnons.
Ils rentrent tous deux dans le palais. Le Chœur sort lente-
ment, en regardant avec colère les gardes d'Égisthe, qui, l'épée
nue, se sont rangés devant la porte.
LKS CHOÉPHOIIRS
Au fond du thc.'itrc. le p.il.iis des Atrulcs. Devant ce palais,
un peu de côté, s'élève un tertre : le tombeau d'Agamcninon.
L'.iube se lève. — Par la gauche entrent deux jeunes gens.
L'un a dix-huit ans à peine; sa longue chevelure tombe sur ses
épaules; il porte une épée au coté. C'est Orcste. Pylade le
suit. Il parait un peu plus âgé. I! tient deux javelines dans sa
main droite.
Pylade rote immobile à l'entrée de l'orchestre. Oreste va
droit au tombeau, et s'arrête à iiuclquo pas de lui.
OIIKSTE
(irave cl religieux :
llcrniès inft'rnal. doiil l'cril reste attaché au
iri'me de mon père, je t ini])l()re, sois mon saiixcur,
mon allié dans le e()inl)iil. .^\e xoici en ma jjiilrie,
me \()iei dr retour...
11 monte sur le tertre.
Sur le tertre de ee tombeau, je lance rai)pfl
Misacré : l'ère. ])réle roreille. ('(^oute...
Avec son épee, il coupe une boucle de sa chevelure.
J ai d(''jà, ])rès des .sources de 1' I naclios. offert au
'1''uve i[ui nourrit ma jeunesse nue boucle de ma
icvelure : j'en Kire inu' s(H;t>*tth2^1t^»^'t^^Ç4^^<^iue
pleure... 1" v!^^^ ot Med/ae^T^
:.\>
\^>^
S,
V
^r
LIBRARV r)i
L'OHESTIE
Je n'ai pas été là, mon père, pour déplorer ta
mort! Je n'ai pas étendu le bras, quand ton ca-
davre a quitté la maison !...
Il regarde vers la droite.
Que vois-je ? quel cortège de femmes s'avance
ainsi en longs voiles noirs ? Quel malheur dois-je
donc supposer encore ? Une douleur nouvelle
est-elle entrée dans ce palais? Ou dois-je com-
prendre plutôt que ces femmes apportent à mon
père les offrandes qui apaisent les morts ? Oui,
c'est bien cela : car voici, je crois, Electre qui
s'avance, Electre, ma sœur, que trahit sa douleur
amère. Ah ! Zeus, permets-moi de venger le
meurtre de mon père et de toi-même viens aider
mon bras ! — Pylade, tenons-nous à l'écart : je
saurai clairement ce que veulent ces suppliantes.
Il se cache près de Tentrée de gauche avec Pylade.
Par la porte de droite, le Chœur sort du palais. Il est composé
de femmes vêtues de noir, les voiles en lambeaux et les che-
veux coupés en signe de deuil. Les unes portent des vases
funéraires, les autres se frappent la poitrine, toutes ont le
visage ensanglanté. — Au milieu d'elles est Electre, que rien
ne distingue de ses compagnes.
LE CHŒUR
Animé Euvoyêe du palais^ je viens^ chargée cF offrandes
funéraires. Ma main rapide bat mon sein et sur ma
joue fraîchement labourée mes ongles ont laissé d<
sanglants sillons — car les sanglots., cest chaque
jour que s'en nourrit mon cœur! — et^ faisant crier
I
LES CIlOKIMIOUFvS (29-î);;)
A' //// ilt's /tssif^, ma thtuhur d nii^ en lniiihrdii.r Ir^
/ ni/rs (li'djK's sur nul juuiruu' : hmlr jtur ni u f iiii'
à jUiiKii^ .voz/s les ((nijts tjiii m nnl jnijijnf.
Ihuix II' < Idir hiiKjinji' tl un snni/t\ I l'.jumrnnfr
gifl hi'nssr /rs r/irr/'ii./\ rriii t/mn dr tel h- ni<ii'<iui,
son/ /huit 1(1 rrni/c'incr du /nml i/ii soniniril, n /nit
atl ( n'iir lie hi niiil l'i'hnlir dun^ h' jin/nis jun/inu/
UIU' /rni/ifin/f r/niiirii/\ s^ihal hiii t htiin/t'nirnl sur
les cll(nnhri's dr^ /rninirs. l'J les ml rrpri'lcs des
so/if/i's'y dont lu juirnir u lr< dieu r jnuir ifiirunls, inil
dnlurr (iiic sinis Irrrc /rs nuwls i/rniissr/i/ rt s in-
dujiivnl ( nn/rr /riir- niruri rirrs.
Kf crsl dun< un urih'nl drsir d rrjiirr linr.rjnuhlr
rf <lr difniirnrr Ir nuilhriir, <'i ï rrrr nu'rr , (fii ni ni m-
I nir lu /rninir inijnr — je Irrnddr au nml iiui rnnl
dr ni rrhunjwr . Muis (jiirl rurluil jwul-il r.risirr du
inif rrpundii ù Irrri'? .\li'. /ni/rr rulir dr inisrrrs!
\li! jiuluis uliullu! Ininrnrt ruhirs un sidril, lulirusrs
uiir rirunH, 1rs trni'hrrs rnri'lnjijirnl lu niuisini dr-
<rniuis suns niuilrr
Cr rrsnri t d <i ul rr/ois, Irmnijdiunl , ini' im ildr ^
imittiuiuiihlr , ijiii rrniplissiùl 1rs nrnllrs ri Ir rwiir
du iirujdr, srsl rruuoiii . ri lu ( ruinir rr</nr srulr. /j'
w/rr/'.v, rnilù rr diuil 1rs niurhds /mil un dnii. plus
'/uiin diru. Muis lu Jiislirr rrill/\ st/tirrruinr : rllr
/rujuw les ////s lu'inu jilrnirnl m leur midi ; nmir
d (lut rrs /tilt (irrnirr drs duiilriirs plus lurdirrs nuund
'•jù rri/nr Ir i rrjjiisculr ; r/i lutssr d'uiilrrs rn/in
iltrindrr lu jdrinr nuit.
i;ORESTIE
Afais le sang hu jxir Ut terre, nourricière devient
garant de la vengeance et se fige sans pouvoir s' écou-
ler. Le ckdtiment peut être retardé : un douloureux
remords fait germer dans le cœur coupable une
souffrance qui suffit à r expiation.
Pour qui osa violer la chambre d'une vierge, il
71 est point de remède au mal qu^il a fait. JJe même.,
pour laver le Meurtre aux mains souillées., vaine-
ment tous les fleuves ensemble déborderaient vers lui.
Pour moi, que les dieux ont avec ma patrie enve-
loppée de malheurs et conduite en esclavage loin des
foyers paternels, ma loi est de me résigner aux volon-
tés justes ou injustes des maîtres de ma vie, en
contenant ma haine amère. Et je pjleure sous mes
voiles le coup aveugle du sort qui frappa mon maître,
glacée par la douleur que je cache.
Electre s'est arrêtée devant le tombeau, puis a semblé
hésiter longtemps. Enfin elle se tourne vers le chœur.
ELECTRE
Captives, par qui Tordre règne dans ce palais,
puisque vous êtes mes compagnes dans cette
pompe suppliante, soyez aussi mes conseillères.
En versant sur la tombe ces libations de deuil,
quels mots qui lui plaisent adresser à mon père ?
Comment formuler ma prière ? Puis-je dire que
c'est là TofFrande d'une épouse aimante à Tépoux
aimé?... alors qu'elle vient de ma mère! Ou lui
J
LES CIIOKPIIOHES (9i-117)
demander, selon Tusage consacré, d'accorder à
ceux cjui l'implorent une ^ràceéj^ale à leurs dons ?...
un présent di^ne alors du mal (nfiN lui ont fait!
I Je n'ose et ne sais ([uels mots prononcer en réj)an-
(lant cette offrande sur le tombeau j)aternel. A
,i moins qu'en silence, dernier outraj^e di^ne de sa
tnort, je ne verse bruscpuMiicnt ces libations sur le
sol (jui les boira, puis, rejetant la coupe, comme
une souillure (ju'on lance loin de soi, je ne m'en
revienne au loi^is .sans (hHourner les yeux. (Juelle
décision ])rendre ? amies, secourez-moi, j)uisque
<lans ce ])alais nous sommes unies par la haine.
\e me cachez pas le fond de vos conirs : (pi'avez-
>>)us à (Taindre ? La mort attend Tliomme libre
>iussi bien (jue l'esclave au pou\oir d'un maître.
\h ' parlez, si vous avez mieux à me dire.
LE CORYPHÉE
|| Le tombeau de ton père i)our moi est un autel :
devant lui, l'àme enij^lie de respect, je te dirai,
puisque tu le veux, ce que pense mon conir.
ELECTRE
Parle (^omme t'ins])ire le respect de la tombe.
LE CORYPHÉE
Verse la coupe et jirie le mort ])our ceux qui
l'aiment.
LORESTIE
ELECTRE
Qui donc parmi les siens puis-je ainsi désigner?
LE COKYPIIÉE
Toi d'abord et quiconque aussi déteste Kgisthe.
ÉLECTHE
C'est pour moi et pour toi alors que je prierai ?
LE CORYPHÉE
Réfléchis : c'est à toi d'achever ma pensée.
ELECTRE
Oui donc pourrais-je ici nous associer encore?
LE CORYPHÉE
Rappelle-toi Oreste, tout exilé qu'il soit.
ELECTRE
Ah ! bien dit ! cette fois, tu m'as ouvert les yeux.
LE CORYPHÉE
Maintenant souviens-toi, et contre les cou-
pables...
î
LKS ciior:iMi()in:s iis-i:;^)
Ki.Ecrm:
Ouc tlois-je clcmandcr ? instruis mon ignorance.
LE roiiviMiÉi:
I)(Miian(l(' ([uc sur^isso enfin, diru nu mortel...
Ér.rr.TRi:
(Ju'ajoutiTiii-jt' ? un juge ou bien un justicier ?
LE CORYPHÉE
Ah ! (lis-le sans détour : un meurtrier comme
•ux.
ÉLKCTIU:
là. pour les dieux, ce vohi ne serait point impie ?
LE COIIYPIIÉE
C'est ])iêté de ])ayer le crime ])ar le crime.
ÉLECTHi:
Puissant messager di's \i\ants et des morts,
viens à moi, Hermès infernal, et charge-toi de
mon message : (juClles écoutent mes ])rières les
divinités souterraines, gardiennes du sang de mon
père, et la Tt^rre elle-même, qui seule enfante tous
L'OHKSTIE
les êtres, les nourrit, ])uis en reçoit à nouveau le
g"erme fécond. (Deux chorcutes font couler l'eau lustrale sur ses
mains.) Et moi, en purifiant mes mains pour ])arler
aux morts, je crie au père c[ue j'invoque : Aie
pitié de moi et de ton Oreste, ramène-nous dans
ta maison. Car, à cette heure, nous errons sans
asile, vendus par celle même qui nous a enfantés,
et, en échange, elle a pris un amant, Kgisthe, lui,
le complice de ta mort. Moi, je suis traitée en
esclave, Oreste est exilé de ses biens, et eux, inso-
lemment, triomphent dans le faste conquis par tes
fatigues. Ah ! qu'Oreste ici revienne, guidé par
le destin, je t'en supplie, père, entends ma voix.
Et à ta fille accorde un cœur plus chaste que sa
mère et des mains plus pieuses. Voilà mes vœux
pour nous. Mais, pour nos ennemis, que surgisse
enfin ton vengeur, père, et qu'il tue ceux qui ont
tué : c'est justice. Telle est la prière que je
t'adresse aussi, réservant aux seuls criminels m.es
souhaits de mort. A tes enfants, au contraire,
envoie la joie du fond de l'ombre, avec l'aide des
dieux, de la Terre et de la Justice triomphante.
Et, pour accompagner mes vœux, je verse ces
libations. A vous, selon le rite, de les couronner
de gémissements, en chantant le péan du mort.
Elle verse les libations tout autour du tombeau.
LE CHŒUR
Agité Laissez éclater vos sanglots et que vos pleurs
viennent mourir dans la terre où dorment nos morts^
LES GIIOKIMIMIIKS (i:J4-n8)
il fin que co t OUI lira II nous ^troli'iji' ri sdclir (Irfoiiriirr
ilr nous 1(1 sDiiiUuiw iilinniindhlr (1rs. IiIkiIiow^ dr
riininrh'. I\( inilr-naiis, nn n'/uhr; rcmi/r-nons^
//Kii/rr, (lu IoikI ilrs /(''nr/wrs où Ion dinr ^'rnrrloiipr .
Las! lus! lus! (Jnc cicnnr (loin m fin (h'/nrcr irflr
in(iis(ni lin lirros t) hi firtc l(inri\ ijiii, voninir un
Ai'i'^ s( i/llir, nijitr (i hi /<n^ liirr qu (ni frnd jKnir
Iv c(nnl)(il cl le ijhiirc hidndi pur In jiini/nrr qui ne
Sdit frnpjwr ijur de jn-rs!
hlcctrc, qui a t.iil le loiir du loinheau, redescend du tertre,
tenant en main la boucle d'Oreste. HUe jette la coupe loin d'elle.
ÉI.ECTRE
La terre a bu nos libations, et mon père les a
reçues. .Mais ])artag'ez maintenant ma surprise.
Li: COUVl'HÉE
Ali! parle donc : uKjn ccjeur palpite d'épou-
vante.
ÉLECTRK
Je vois sur le tombeau cette boucle coupée.
LE CORYPHÉE
D'un homme ou d'une \ierg'e à la taille élancée?
ELECTRE
La chose est bien facile à deviner, pourtant.
LOHESTIE
LE COIiVlMlKE
De j)lus jeunes ici auront donc à m'inslruire.
i':ij:cTr,r:
Personne autre que moi n'aurait-il pu l'offrir?
LE CORYPHÉE
La haine et non le deuil remplit ici les cœurs.
ELECTRE
Oui, oui, pour la couleur, cette boucle est pa-
reille...
LE CORYPHÉE
A quels cheveux? C'est là ce que je veux savoir.
ELECTRE
Aux miens! Ce sont les miens que sa teinte
rappelle.
LE CORYPHÉE
Serait-ce donc d'Oreste une offrande furtive?
ELECTRE
Oui, c'est à ceux d'Oreste que ces cheveux res-j
semblent.
LKS i:iii)i;i'ii()iiKs (nu-2iG,
m: coiivi'Im:!:
Comment a-t-il osé vi'iiir jus(jirà la lonihc?
iCLEcini:
Il a pu (MUONcr (U'itc boucle en offrande.
ij<: (:ni;vi>ui:K
Ah! (|u'as-iu (lit? mes larmes redou])lent, si son
])i(Ml ne (loil plus loucher le sol d'Ar^os!
ÉLECTRi:
Moi aussi, j'ai sru{\ un tlol (ramcrluiuc monter
mou coHir et un trait (U'chiranl p(''nétrer eu moi.
lu de mes yeux les larmes jaillissent, brûlantes,
irrésistibles comnu' un débordement d'orag'e, à la
\ ue de celte l)oucle. Puis-je croire (pTelle vienne
de (|ueK|ue aulre Ar^ien? l'.ncore moins est-ce la
meurtrière (jui a pu la c()uj)er, ma mère, il est
vrai, mais (jui dément ce nom ])ar une haine im-
pie pour ses enfants. I)"aulre ])ari, affirmer sans
ri'serve (pie vviir offrantle \ient du ])lus (dier des
mortels, d'Oreste... je ne puis. \\i ])ourtant je
^cus la caresse de l'espoir! Ah! si elle avait la
\oi\ d'un messag'er vivant, je cesserais du moins
d'être ballottée entre deux pensées, et je ])ourrais
ms hésiter ou la rejeter avec horreur, si le fer
l a coupée sur un front ennemi, ou, si elle \ient
L'OHICSTIE
de mon frère, Tassocier au deuil dont j'orne cette
tombe ])our honorer un père. — Mais v(jici un
second indice : des empreintes semblables entre
elles et dont la forme rappelle mes pas. CJui, ces
traces trahissent deux hommes : lui-même sans
doute et son compagnon!... Talons, dessin des
muscles du pied, quand on les compare, sont ana-
logues à mes propres empreintes. Ah ! l'angoisse
saisit mon cœur bouleversé! Mais les dieux que
nous invoquons savent bien quels orages nous
emportent en leur tourbillon comme des marins
en détresse, et, s'ils veulent que nous échappions
au naufrage, du plus petit germe va peut-être
jaillir, immense, l'arbre du salut!
Oieste parait. Pylade reste à quelques pas derrière lui.
ORESTE
Fais des souhaits pour l'avenir, si tu veux que
les dieux puissent réaliser tes prières.
ELECTRE
Quelle grâce viennent donc de m'accorder les
dieux?
ORESTE
Te voilà devant ceux qu'invoquait ton désir.
ELECTRE
Quel mortel sais-tu donc que mon âme appelait?
Il
LES CIIOLIMIOIIES (217-245)
OR ESTE
C'est Oreste, je le sais, que désirait ton cœur.
ELECTRE
\\n (jU(3i mes V(iiux ici sont-ils donc satisfaits?
ORESTE
C'est moi : ne cherche pas un mortel ])lus chéri.
ÉLPXTRE
Etranger, contre moi est-ce une ruse ourdie?
OHESTE
Contre moi-même alors j'en serais l'artisan.
ELECTRE
C'est donc que tu te veux rire de mes misères?
ORESTE
Des miennes donc aussi, si je riais des tiennes.
ELECTRE
Est-ce vraiment Oreste qui parle par ta voix?
ORESTE
Ainsi, quand tu me vois, tu refuses de me recon-
naître, et tout à l'heure, rien t[u'en apercevant
l.ni!i;sTli:
cette ])()U(;1(' (le deuil, en cherchant cUins leurs em-
preintes la trace de mes pas, ton co'ur s'en\f)la
d'allégresse, et tu croyais alors me voir. Regarde;
rapproche de la ])lace où elle fut coupée cette
boucle empruntée aux cheveux de ton frère si
semblables aux tiens; vois ce tissu, ouvrage de tes
mains; contemple les figures de chasse qu'y tra-
cèrent jadis les coups de la navette.
Electre se jette dans ses hras.
ÉLECTUE
O doux objet qui retiens quatre parts de m;
tendresse : je dois en toi saluer un père; à t'^
aussi revient l'amour que je dois à ma mère — elle,
je la hais sans remords — et à ma soiur égorgée
sans pitié; enfin, tu es donc le frère fidèle qui me
rendra le respect des hommes !
OR ESTE
Contiens-toi : ne te laisse pas égarer par la
joie; car ceux qui nous doivent ici leur amour ne
nous paient que de haine.
ELECTRE
O cher souci du fo\'er de ton père, espoir tant
pleuré qui vas sauver ta race, fie-toi à ton bras
vigoureux, et tu recouvreras le palais de ton père.
Que seulement la Force et le Droit, et Zeus enfin,
le plus grand des dieux, nous prêtent leur secours!
LES CIIOKPIIOIIES (•24G->tn)
OIIKSIE
/('US, /eus, viens r()ntcMnj)ler notre misère. \'ois:
es petits (le l'aigle ont jjerdii leur j)(^re dans les
ilacements et les nd^utls (.l'une \i})('re intïinic, et
.1 t'aini (hAoTiinte presselesorplielins. ear ils n'ont
Ms la force de rai)porter au nid la proie de leur
re. ("est ainsi, tu le \'ois, (pie nous xcnons à toi,
uoi et (die, l'deelre, enfants sans j){'re, tous deux
•\il(''s de notre fo\"er. Si tu fais ])(''rir la eou\ée de
('lui (pn longt(.Mn|)s t'honora de riches sacrifiées,
|ii(dle main (h'sorinais t'offrira, aussi libérale, de
tunj)tueux festins? La race de l'aigle an(*antie,
u n'enverras ])lus aux ni()ri( Is de signes ])r()phé-
itiues; cette race royale une fois séchée jusqu'en
es racines, (pii prendra soin de tes autels dans
f^ jours d'iu'catonibes ? l'rotège-nous; tu ])eux à
loiro maison relevée rendre sa grandeur, toute
lechue ([u'(dle semble aujourd'hui.
LE COHYPin':E
Enfants d'Agamemnon, sauveursdu foyer pater-
lel, faites silence, d(* ]ieur que (jueUprun ne \-ous
întende. enfants, et, j)()ur le ])laisir de ])arler. n'aille
:out révélera nos maîtres. Ah! ceux-là, ])uissé-je
/oir fondre leur chair dans la flamme tourbillon-
lante du bûcher résineux!
L'ORESTIE
ORESTE
Non, il ne me trahira pas, l'oracle tout-puis-
santde Loxias, qui m'ordonne d'allerjusqu'au bout
du péril, et, de ses clameurs pressantes, menace
mon cœur en fièvre d'orageuses souffrances, si je
ne poursuis pas les meurtriers d'un père, pour les
tuer comme ils ont tué, dans l'élan d'une colère
qui n'admet pas l'or pour rançon du sang. Il Ta
dit : je paierai une désobéissance de ma vie au
milieu d'effrayants supplices. Car les vengeances
infernales font naître, pour qui les provoque,
d'odieuses maladies. La lèpre rongeuse montera à
Tassaut de ma chair et de ses dents sauvages dévo-
rera mon jeune corps, tandis que, pour achever
mes maux, des poils blancs envahiront tous mes
membres. Et sa voix me prédisait encore d'innom-
brables attaques des Furies provoquées par le sang
paternel : je verrai dans mes songes l'œil de mon
père briller dans Tombre. Délire, vaines frayeurs
naissant du sein des nuits, tous ces traits ténébreux
des morts de la race, qui du fond des enfers im-
plorent la vengeance, viennent troubler le coupable,
l'agiter, le chasser enfin de sa ville avec un fouet
d'airain , le corps ravagé. Dès lors, plus de part pour
lui aux cratères ni aux libations: la colère invisible
du père Técarte des autels ; personne ne peut le
recevoir ni partager son gîte : rejeté de la cité,
sans ami, il meurt enfin, desséché, consumé par son
mal. A de tels oracles il faut donc obéir, et, ne fût-ce
LES C!IOf:PIIOFlES (298-347)
lêiiK* i)a.s j)ar obéissance, IdniNre toujours (lc\rail
tre accomplie. Car toutes mes raisons d'aj^ir
iennent sur un j)oinl s'accorder avec l'ordre du
ieu, mon ardent rej^ret de mon père et le dénù-
lenl (jui m'accable : c'est ma volonté de ne pas
iisser mes concitoyens, les ])lus nobles des
ommes, dont la prouesse j^lorieuse a renversé
Toie, être ainsi les serfs de deux femmes. Car
on cœur est d'une femme; s'il ne le sait, il va
apprendre.
Tous se tournent vers le loinbc.iu. I.e Coryphée se place entre
Orcste et Electre.
LE CORYPHÉE
0 grandes Parques, (|u'au nom de Zens nuire
îuvre marche vers son bul, par où le Droit va sa
)uto.
« Ou'à l'outrago répondt» l'oulrap^ », voilà ce
u'à voix liaiile proclame la Justice, ([ni de loul
DUpalde exii^e sa dfdlo.
« Et ([u'un «onp niiMiiliier soit pav«'' d'un coup
leiirlrier. Au cou|)al)le, le cliàlinieid », c'est là
■nltMice trois lois vieille.
OR ESTE
<> mon prrc^ )nallu'Nr«'i(.r firrr! ptir (pirh nints^
ii'llvs ()/fra/i(ies^ utleindrai-jr uni rires Inintaincs
. / t enserre ta couche (fonihre? Les ténèbres et la
Modéré
4
I/OHKSTIK
luniuTC son/ dru.r mondes rinu'niis: cl Ton ramlrni
(jiif rinumufujc de /h/s f/r/jfissfit7ir/i/s //f/ièfj/rs un
encore loucher les Airides. jadis nuillres en (e jjfi/a'is
■1
f
7*'//.s', f(L deni sduratje du feu ne donijile pas / fiini
du niori : il ré r rie un jour ses colères, (lifinle su,
lui le chant de deuil^ et voici (ju' un rc/ujcur se levé
La lamentation rituelle sur le tondicuu oii (hnt urllf
'perc le po^irsuit au f{)}id de Finnhrc de son irrési
tible jilainte. V'^
ELECTRE
Ecoute donc aussi ^ père, mes souffrances lamen-
tables. Tes deux enfants sur ce tertre font cjéntir h
tlirène funèbre^ et ta tombe accueille en eux do
supplicmts^ des exilés tout ensemble! Où donc trou-
ver une espérance? De tous côtés^ cest la douleur,
Invincible est le Destin.
LE CORYPHEE fa i
Mélodrame Mais, de cottft détressG môme, un dieu, s'il veut,
peut faire naître de plus joyeuses clameurs. Au
lieu du thrène sur une tombe, le péan peal
encore, au palais de nos rois, ramener la douceui
nouvelle des libations de la victoire.
OR ESTE
Ah! si devant Troie, ô père, tu étais tondié en
guerrier sous une lance lycienne, laissant dans tiH
ïi:
LES CIIOKPIIOHKS (34S-401)
maison un nom tuhin-r et^ sur les routes de tes enfants,
l'ini posant édifiée dr ta firosprrt/r, /// donn trais au-
dehi des mers sous un tertre dont le renom du moins
consolerait 1rs tiens!
LE CUCKLR
Mais, (limé de eeux y//'/7 aima, eotnme lui morts
fjfiorieusemeut, il rèf/ue encore uu milieu d\'ux,
Xirinee entouré de leurs respects, et ministre choisi
des dieur ijui comfnauden/ uu.r enfers. Vur il fut roi
tant (jiéil reçut , roi de ceux mêmes éi (jui un décret
du Ih'stin confia le jtouciur des urmes et le sceptre
des co/iseils.
ELECTRE
Non, ce n'était pas éi toi, père, éi tomt)er sous les
Wirs de Troie, fruppé arec les tiens d'une lance
nor telle, ni éi reposer du us le subie sur les rices du
^camandre, mais c était éi les meurtriers éi périr 1rs
premiers léi-hus, lundis (^éit i ce puluis, informé de
ettr mort lointaine, ei'il njnoré ces aiujoisses !
LE COIIVPIIKE
Tes souhaits, eni'anl, veulent plus (juo l'or, plus Môiodrame
ue la félicité suprcnie dos peuples hyperboréens :
out est possible à des vœux!
Mais songe plutôt (jih' le doiibb' biiiil de vos poi-
rines frappées déjà pénètre sous la terre, éveillant
os défenseurs.
i;OHKSTIE
Soiii^c à ceux (|iii jriiHCMl iri, au saii;^ (jiii
souille leurs mains, à la haine (Ju moi I pour* eux,
à la haine ciicoi'e plus ar(J(;nl(; (jui doit aninuT ses
enfants.
ÉLECTHE
Ta parole^ comme mt trait ^ a travor^v mon oreille.
Zf ?/.s, par qui tôt ou tard sort des enfers le (^Jultiment
vengeur^ permets quhin bras humain accomplisse ici
ton œarre^ par l'audace et la perfidie : mais il le
faut^ pour un père!
LE CIIŒLR
Ahlpuissé-jedonccnfui saluer d'un loiuj (ri de
joie la chute des deux cictimes^ hommr^ fennnc,
immolés ensemble! Pourquoi donc cacher ma pensée?
ly elle-même, elle échappe à mon cœur : mon eisafje
dit assez l'ardeur de ma haine.
ORESTE
Et quand donc le bras de Zeu s tont-pniissant frap-
perait-il plus justement? Ah! que les têtes qu'il
abattra soient pour Argos des gages d'espérance ! Je
réclame justice contre l'injustice , Terre, écoute-moi
et cous, puissances infernales!
LE CORYPHÉE
Mélodrame C'est unc loi que les sanglantes gouttes, une foi
répandues à terre, provoquent un sang nouveau. L
î
m:s (:ii()i:imi()iu:s (402-i50)
niourtrc appelle l'Iù'inys pour qu'an nom des
premières vielimcs elle entasse meurtre sur
nunirli(\
ÉI.KCTIU'l
lli'las! hrlas! sourrrains t/rs enfers! puissantes
hnpn'rations des niarts! Voi/cz cr (fUi reste des
Atrides, en ijiifUr iudieihle inisrrc ! en ijiirl lunni-
liant f'.ril! On dnnc se fntirncr. <l '/rus?
m: CHiKUR
Mon etviir lïonWhtnnf de ndrre (jutiud j'entends
génnr (unsi . Et jr iicrds a/ors t(nit rsjunr rt nian
dtne Siissondnit à ses mots d/u oitntfjés. Mats^ ntf.r
sons (Tune roi.i- rinh\ toutes /)u's eraintrs disparaissent
et jr rer/rn^ à /'rspf'rf//He,
ou EST K
Pourt/uoi rujj/je/rr nossou/frunces'/ \ous/es drroiis
à une /nèrr : des caresses peut-rtrr /rs apuiseruirnt .
Mais il m rst d autres (jur nulle nukiic jununs fie
charmera. Mu /urrr fflr-mrnu' a fuit dr /non
Cipur un loup ( urnussier (^ur drs nw'sses ndpuisrnt
plus.
Pause. — Le Chœur gcmit et se frnppe la poitrine.
LE CMŒUK
J'ui battu sur ma poitrinr Ir ri/t/une du tlirène pj^g .^
arien ct^ suivant Ir ritr des pirurrusrs eissiennes^
i;OHESTIE
saîis l'cldcke ma main errante a hondi^ redoublant
les coups, frajtpant de haut et de loin, faisant (jémir
sous ses chocs mon front meurtri et douloureux.
ELECTRE
Ah! mhre impudente et cruelle, tu as ose — cruelles
funérailles ! — ensevelir en silence un roi sans deuil
de sa cité, un mari sans larmes pieuses!
ORESTE
Ah! tu viens de l'appeler toute Tin f amie du passé.
Hélas! Mais r outrage fait à mon père, il faudra
qu'elle le paye, immolée par les dieux, immolée par
mon bras. Que je frappe, puis que je meure!
LE CHŒUR
Elle l'a mutilé, si tu veux tout savoir; puis, dans
cet état, Va enseveli, voulant mettre sur ta vie une
intolérable souillure. Telle fut Pignominie du sort
fait à ton père.
ELECTRE
Tu sais le sort de ton père : écoute maintenant le
mien. Solitaire, dédaignée, humiliée, j'étais rejetée
du fot/er ainsi qiCun chien malfaisant, et, les larmes
dans les yeux, le sourire banni des lèvres, je mêlais
à mes pleurs un sanglot étouffé. Entends ma plainte .^
inscris-la dans ton cœur.
LES CHOI^PnORES (451-483)
LE CHŒLR
Que ht roluntè (/nirr et ((ilnir se priirlrc <lr /nrs
avis. L(i (/insrrs/ trilr (jtir fai d'il. Le r('^tt\ il sera
tetnjts (le F n (tutcr plus ianl. Crsf nrrr un cœur de
fer qu il fuut (Irsccjidrc duns Hirhn'.
OH ESTE
/V'/v% cvsl loi que fapiicllc'y pnUp secours à tes Très vif
enfants.
ÉLECTR
.le t'invoque aussi tout m pleurs.
\.V. CMŒIR
Et nos rtu.r unies fuil relia à leur prirrr. Viens
au Jtnir : prrtr-noiis F incilli' . Sois arrc nous contre
nos ennemis.
OR ESTE
Iji Force luttera co/itrc lu Force et le hruit
contre le lirait.
ELECTRE
Dieux! que votre Justice achève F œuvre de jus-
tice !
LE CHŒUR
Je tressaille à ces accents. Le prstin u lonfjtanps
tardé : nos prières hâteront ses pas.
L'ORESTIE
TOUS ENSRMHLE
Plus soutenu Ak! inisrrc de la raccl coup hujuhre cl incurlr'wr
du destin. If ('/as! in/o/rra/jlrs^ drc/iiranles doii/cKrs!
Hélas! soif/fra/ice .sans frère!
Mais le remède à sa hlessure^ ce [jalais Ir porte en
hn-mênte : il agira par la lutte ^ l horreur et le saïKj.
Va voilà V hymne qui convient aux dieux infernriu r !
LE CORYPHÉE
Mélodrame j^t VOUS, mâncs bienhcureux, écoutez notre prière,
et que votre bonté envoie à ces enfants votre se-
cours victorieux !
Oreste et Electre montent sur le tertre, s'agenouillent et
frappent la terre des mains.
ORESTE
Père, tombé d'une mort indigne d'un roi, je
t'implore, fais-moi régner en ta maison.
ELECTRE
Et moi, père, voici ma prière : permets-moi de
frapper Egisthe et d'échapper à ses coups.
ORESTE
Alors en ton honneur s'établiront les festins
consacrés. Sinon, au milieu des morts honorés de
LKS CIIOKI'IIOUKS (iSi-:iU'.))
l)aii(|U('ts funrhrcs, tu st'ras seul ()ul)lié, aux jours
où fumeront les autels d'Arj^-os.
KIJXTHE
l'.l la fille t'apportera son liéritaj^e entier en
offrande d'hymen, (juand elle (juiilera la maison
|Mternelle. Vx ta tombe lui sera sacrée par-dessus
t< »ute chose.
OIIKSTE
rerr(\ ouxrc-toi : mon pèrc" veut \"(^iller aurom-
iMt.
ÉLECTRK
Perséphone, envoie-nous la Ijrillante victoire.
ORi:STK
S()u\iens-toi du bain, jx're, où tu fus immolé.
KLKrTHK
Sou\iens-toi du hlet de leurs ruses nouvelles.
onnsTi:
Le jour oii ils te ])rirent dans des chaînes de
lin.
Ér.KCTRE
Oansles voiles pertides d'un infâme complot.
ORESTE
l*ère, t'éveilles-tu enfin à ces outrages ?
LORESTIF.
ÉLECTRK
wSoulèves-tu enfin ta tête bien-aimée ?
ORESTE
Envoie donc la justice combattre avec les tiens;
ou toi-même, plutôt, permets-leur de prendre ta
revanche, si, jadis vaincu, tu veux vaincre à ton
tour.
ELECTRE
Kcoute aussi, père, mon dernier appel de dé-
tresse. Vois ta couvée blottie sur ce tombeau.
Prends pitié de la plainte du fils et de la fille.
ORESTE
N'efface pas du sol les derniers fils de Pélops :
par eux tu te survis jusque dans la mort.
ELECTRE
Les enfants d'un héros sont de vivants souvenirs
qui sauvent son nom de Toubli, ainsi que le liège
sauve des eaux profondes le filet de lin.
ORESTE
Entends-moi, c'est pour toi que je t'implore. Tu
te sauves toi-même en exauçant notre prière.
Ils redescendent du tertre.
LES CHOKPlInRES (.110-^35)
LE CORYPHÉE
Vous avez, selon \c rite, en prolongeant votre
prière, racheté la j)lainte funèbre oubliée sur ce
:onibeau. lu maintenant, puisque ta volonté s'est
.evée pour aj4"ir, à l'ieuvre ! tente la fortune.
OR ESTE
Oui. Mais est-il hors cU» propos de savoir d'abord
pourquoi elle a voulu ces lil)ati()ns? Quelle idée
a pousse à apaiser trop lard une in^"uérissable
souffrance? Pour h' mort insensible à sa ] trière,
:*est une pauvre expiation (ju'elle ose offrir à son
Dmbre. J'ai i)eine à ni'explic[uer ces offrandes;
mais je sais (ju'elles restent au-dessous de hi
faute. Pour payer une goutte de sant;', lu peux
i*un seul coup verser tous tes biens : \ain sera
:on effort. C'est ainsi. .Mais, je t'en ])rie, si tu le
peux, réponds à ma demande.
LE CORYPHÉE
Je le puis, enfant, car j'étais là. Ce sont des
songes, des terreurs ([ui, troui)hint ses nuits,
l'ont fait b(mdir hors <U' sa couche, pour envoyer
ces libations, malgré son audace impie.
ORESTE
Mais le songe lui-même, peux-tu me le conter?
i;(»i(i;sTiK
Li: COP.VIMIKE
Elle crut enfanter un serpent, disait-elle.
OFŒSTE
Dis-moi la fin, dis-moi où ce rêve aijoulitî
LE convpnÉF:
Elle, comme un enfant, l'abritait au l;erceau.
ORESTE
Mais de quoi vivait-il, le monstre nouveau-né-
LE CORYPHÉE
Elle-même, en son rêve, lui présentait le sein.
ORESTE
Et le sein ne fut pas blessé par un tel monstre?
LE CORYPHÉE
La bête avec le lait tira un flot de sang.
ORESTE
Il ne sera pas vain ce songe prophétique !
LE CORYPHÉE
i
Du fond du sommeil elle pousse un cri d'épou-
vante. Aussitôt les lumières, dont l'éclat s'était
LES CflO^:i>IIOKES (.",36-583)
iteint dans r()inl)re, se rcillunicnt en toiiU' dans
a maison ù la voix de la maîtresse. Mlle envoie
ilors ces offrandes funèbres, espérant y trouxcr
,e remède à ses maux.
OH ESTE
V.h l)ien ! je \)r'\c la IV'rrc <|iii nous ])()rl(' et ce
:oml)cau de mon ])ère de nie laisser rc'aliscr ri*
iOnge. l'A vois coninient je rinterprètc en le scr-
*ant de près. Si, sorti du même sein c^ue moi, ce
»erpent, comme un enfant, s'est enveloppé de
.anj^es, a sucé la mamelle ([ui jadis me nourrit
ît a mêlé de sang le doux lait d'une mèri', tandis
qu'elle, effrayée, jetait un eri douloureux, il faut
ionc, (M)mnie elle Ta donné au monstre ([ui Tépou-
/anta, cprelle me donne aussi son sang, et c'est
Tîoi, transformé en serpent, ([ui la tuerai, ainsi
[ue le prédit son rêve.
LE conviMii^:i:
Ah ! je t'agrée aujourd'hui pour devin. I^uisse-t-il
don(" en être ainsi ! lù maintenant dis à tes amis
ce qu'ils doivent, selon les cas, faire ou é\iter.
OUKSTK
Simple est mon dessein. (A Electre, qui se dirige alors
i> le palais, puis, déjà sur les marches, s'arrête et se retourne
ir entendre les derniers ordres de son frère.) QuC celle-Cl
L'ORESïlE
rentre au palais. Vous, couvrez iri mes projets
afin qu'après avoir tué par la ruse un guerrier glo-
rieux, ils soient à leur tour victimes de la ruse et
périssent dans le même filet, ainsi que Loxias Ta
proclamé lui-même, Apollon souverain, le devdn
qui jamais ne mentit. Semblable à un étranger,
chargé d'un bagage complet de voyageur, je me
présenterai avec Pylade, aux portes de la cour,
apportant des nouvelles d'une maison amie. Tous
deux nous emploierons la langue du Parnasse en
imitant l'accent du parler phocidien. Et personne,
sans doute, ne nous ouvrira en souriant la porte
d'une maison que les dieux déjà bouleversent de
sinistres présages. Nous attendrons alors, sans
bouger, afin que chaque passant s'interroge et se
dise : « Pourquoi Égisthe écarte-t-il de son seuil
le suppliant, puisqu'il est à Argos et doit être
averti ? » Mais, que je franchisse la porte pour le
trouver, lui, sur le trône de mon père, ou que je
le laisse venir jusqu'à moi et me jeter un regard,
en tout cas, sache-le, avant qu'il ait dit : « De
quel pays est l'étranger?» j'en fais un mort,
l'enveloppant de l'airain rapide. Et l'Erinys sa-
tisfaite boira du sang pur pour troisième liba-
tion. (A Electre qui, cette fois, entre dans le palais, par la porte
du gynécée.) Ainsi donc, toi, surveille l'intérieur du
palais, pour que tout marche avec ensemble.
Vous ici, je ne vous demande qu'une langue
prudente qui sache à propos se taire et tenir
le langage qui convienne. Le reste, le dieu y
LES CIK^KPIIOHES {im-G"»2)
'illcra, puisqu'il m'a lui-même mis dans la route
l:o combats où brille Tépée.
Orestu et Pyladc sortent par la gauche.
LE CHŒUR
Innombrables sont les /léniix de douleur et d'effroi Vijfouroux
ue nourrit la terre ^ et les monstres cruels à r homme
u enferme le sein des mers. Entre terre et ciel
iétne vole/il jusquà nous des relaies sublimes,
ionstres ailés ou rainpants^ vents courroucés de la
mpéte^ tout lionnne peut rnus décrire.
Mais quels mots sdurainif donr pcuulrt' l audace
ms bornes de t homme ^ hi /tussla/t >>///> frrin de la
miine impudique^ et lacajuplcmenl (jni 1rs lir^ avec
m corti'(je de crimes ? U amour sfins anutur y ui dompte
l fenune surjjasse eu horreur ministres rt tour-
lifons.
Que tous ceux qui n'a/tt point laissé s'envoler de Irur
moire les histoires qu on leur conta., se souviennent
K feu perfide qu(\ pour perdre son enfant, osa
■lumrr Althéa, abandonnant ô la jlumme le tison
'rnt auquel étairnt attachés 1rs Jours de so/i fils
uis son premier cri au sortir du srin malrrnrl
' qui 'levait le suivre à travers la vie justpntu jour
rquv par le destin .
Les vieux récits flétrissaient encore la sani/lante
cijlla qui^ pour plaire à un ennemi^ sacrifia son
qjre père, et^ séduite par les bracelets dor crétois,
L'OHKSTIi:
présents de Minos, coupa la hoiiclc diiiunoiUdiU
snr le front dr. Nisos endormi sans défiance — rhnpu
dente chienne! — et Hermès se saisit de lui.
Plus vif Et puisque j\ii rappelé ces passions affreuses
n est-ce pas V heure de maudire enfin T union haie di
ce palais^ la perfidie d\m cœur de femme eontr,
un guerrier^ un roi respjecté de ses ennemis même
et de réserver nos respects au foyer paisible 01
réponse exerce douce royauté?
Entre tous les crimes^ le langaye des hommes a Si
mettre à part celui des Lemniennes. Il est partou
flétri avec horreur^ et le malheur même maintenan
est du, « lemnien ». i.a créature qui se souille de c
crime haï des dieux doit périr dans r ignominie : nu
ne soutient ce que les dieux ont condamné. Ai-je tor
de rappeler ces vérités?
Le glaive aigu et pénétrant vient frapper les cou
pahles au cœur. La Justice veut quils soient foulé
aux pieds ^ même au prix d'un crime., ceux dont l
crime osa violer les lois que respecte Zeus.
Inébranlable reste la Justice : le Destin d'avance «
forgé ses épées ; et F enfant des meurtres anciens e:^
enfui conduit au foyer dont il doit laver les soini
lures par un guide aux vues profondes^ la glorieus
Erinys.
Orestc et Pylade reparaissent dans un accoutrement compl<
de voyageurs. Leurs armes sont cachées sous leurs manteauî
Oreste frappe à la porte centrale.
LES Cil OÉIMK MIES (G53-6l)0)
ORESTE
l'"s(^la\e, esclave, entemls frapper aux ])orLe.s de
( our. X'ya-t-il personne dans ce j)alais? Ksclavo,
lav(\ eiuore un coup ! \^)ilà trois fois c[uc j aj)-
M'ile : ([ue quel([u'un sorte enfin, si le ]uiissant
jisthe est homme hospitalier.
I..1 |>C)I le s UUVIC.
i.E PO HT n; Il
Eh bien! J'écoute. De ciuel pays est l'étranger?
Voù \ient-il ?
OllKSTE
\'a dire à ceux (|ui (•oiiniiandciU ici ([uc j'arri\e
leur dun niessajj^e — mais hâte-toi, car lechar
M'brcux dr la nuit m' hàtc aussi, et l'heure est
• iiuc j)our \r voyageur de laisser tond)er l'ancre
ans (h*s diMncurcs hospitalières — fais sortir un
is n:aitrcs de la maison, soit une femme a\'ant
Utorité ici. soit ])lut('>t un homme. (Le portier rcntrcdans
l.iis cl en rd'enne la porte, l.iiulis qu'Orcstc achève avec vivacité.)
vir, d(^vant une femme, notre ji^ènc s'exprime en
loN emliarras.sés : l'homme avec l'homme parle
iiis crainte et tient un clair lan£;"aLCe.
Clytemncstre apparaît h li porte du gynécée, entourée
d'esclaves. l'ioclro e^t derrière elle.
I
L'OHESTIE
CLYTEMNESTRE
Etrangers, dites ce qu'il vous faut. Vous trou-
verez dans ce palais ce que vous êtes en droit d'3
attendre, des bains chauds et, pour endormir vo:
fatigues, un lit, sur lequel veillera un regan
bienveillant. Si vous venez pour chose plus se
rieuse, c'est l'affaire des hommes, à qui nous ei
référerons.
ORESTE
Etranger à ce pays, je viens de Daulis en Pho
cide. Comme je cheminais vers Argos, portant moi
même mon propre bagage, dans l'état même oî
j'arrive ici, sans me connaître et sans m'être connu
un homme m'a abordé, et, après m'avoir parlé d(
son voyage, questionné sur le mien, voici ce qu(
m'a dit Strophios de Phocide — j'appris son non
en causant : — « Puisque aussi bien tu vas à Argos
étranger, songe à dire aux parents d'Oreste qu'i
est mort. Ne l'oublie pas, de grâce. Veulent-ils L
voir ramener auprès d'eux ? préfèrent-ils qu'i
soit enseveli ici, étranger devenu notre hôte
tout jamais ? rapporte-moi leurs ordres. Pour Tins
tant, les flancs d'une urne d'airain enferment se
cendres pleurées selon les rites. » Je t'ai répét
tout ce qu'il m'a dit. Parlé-je à des parents quali
fiés pour m'entendre? je l'ignore: mais il sied qu(
le père au moins soit averti.
LKs (:ii(»i:iMi(»m:s .oDi-iiiî»)
ÉLKCTHE
Malheur sur moi ! Ton message anéantit cette
maison. Ah I ([u'il est difficile de lutter contre toi.
Imprécation lomliée sur ce palais! C(jmme ui sais
porter partout les yeux et, même de loin, (lomj)ler
le ton arc infaillible ce ([ue nous cro\ i(jns avoir
mis à ral)ri ! Tu me ch'pouilles donc de tous les
miens, infortunée (h'sormiiis sans esi)oir! ( )reste
i\ ait gagné la j)remière ])artie et retiré son })ieddu
»()url)ier sanglant, et maintenant lui-même, le
Icrnier espoir (pli nous restât de gu(''rir le délire
rivresse de cette niais(jn, il te faut aussi manpier
• >n échec !
Orcslc regarde fixement Clyteninestre. qui est restée froide
et muette.
OHESTi:
J'aurais xoulu (pie de meilleures nouvelles me
issent connaître et accueillir d"li(')tes aussi nobles.
^ersonne est-il mieu.x: disposé (|u"un h(")te ])our ses
ôtes ? Mais mon cd^ur eût jugé inipi(» de dissimuler
P des amis (pieUpie chose d'un j)areil message,
près promesse là-l)as faite et accueil ici re(,'u.
CLYTE.MNESTRL:
' Tu n'en seras ]^as m^nns traité selon ton mérite
t re(,Hi en ami ])ar cette maison. Un autre tôt ou
cird nous eût porté même message. 3lais Iheure
I
I/OHESTIF
est venue, pour le voyageur qui n fait sa journée
de rencontrer des soins en rapport avec sa longue
route. (A Kiectrc.) Conduis-lc dans les chambres réser-
vées à nos hôtes avec ses serviteurs et ses compa-
gnons. Kt qu'ils y trouvent tout ce cjui convieni
à leurs membres lassés. Je t'avertis : songe en
m'obéissant que tu m'en rendras compte. — (Cjrestc
et Pyladc suivent Electre et entrent dans le palais parla porte cen-
trale.) PoumOUS, nous allons tout rapporter au maître
du palais, et, comme nous ne sommes pas, nous,
à court d'amis, nous délibérerons avec eux sut
l'événement.
Clytemnestre rentre dans le gynécée.
LE CORYPHEE
Mélodrame Eh bien ! captives du palais, quand donc déploie-
rons-nous, en faveur d'Oreste, la force amie de nos
prières?
LE CHŒUR
0 terre sacrée, et toi, dernier rivage de la lu-
mière, tombeau sacré élevé sur le corps du roi qui
guida les nefs de la Grèce, l'heure est venue,!
écoute-nous, secours-nous. Oui, Theure est venue
pour la Persuasion traîtresse de descendre avec
eux dans la lice, et pour Hermès infernal, pour le
mort du fond de sa nuit, de guider leurs épées
aux combats meurtriers.
La nourrice sort du palais parla porte de droite.
I
LES CIIOKPIIORES (lIO-Tin)
LE CORYPIIÉr:
L'étranger, je pense, prépare le meurtre. Je vois
à, tout en pleurs, la nourrice d'Oreste. Où vas-
u, Cilissa, hors du palais clos? Le chagrin, je crois,
'accompagne, sans que tu l'aies payé pour cela.
LA NOURRICE
La maîtresse veut que j'appelle l^gisthe bien vite
our qu'il voie les étrangers etque plus nettement,
homme à homme, il vienne écouter leur message.
)evant les serviteurs, elle a feint de le trouver
iste; mais son œil cachait un sourire, car, pour
le, tout se termine à souhait, tandis que, pour
ette maison, c'est le malheur complet que trop
airement nous apportent ces étrangers. Ah! lui,
en ([u'à entendre la chose, va sentir son cœur tout
)yeuxî Las! chétive ! comme les vieux souvenirs
1 moi gravés des maux si lourds de la maison
'Atrée déjà pesaient à mon cœur! Mais jamais
icore je n'avais eu à porter un i)areil chagrin.
es autres, je les épuisais patiemment. >Mais mon
reste, pour qui j'ai usé ma vie, que j'ai reçu sor-
tit de sa mère et nourri jusqu'au bout! Ah ! ces
is impérieux ([ui me faisaient courir des nuits
itières! J'aurais donc supporté pour rien toutes
s misères de l'enfance ! Car ce qui ne connaît
is, comment faire ? il faut bien lélever comme
petit chien, deviner ses envies : encore dans les
i;()Hi:sTii:
langes, l'enfant ne jjarle pas, qu'il ait faim, soif ou
besoin plus pressant; mais son petit ventre se soui
lage seul. J'avais à tout prévoir, et comme, ma foi!
souvent j'y étais trompée, je devenais hueuse de
langes : blanchisseuse et nourrice confondaient
leurs besognes. Mais, en acceptant cette doubh
peine, j'avais élevé Oreste pour son père î lu i
est mort! Voilà ce que j'apprends, malheureuse
Mais je vais vers l'homme qui a perdu ce palais
c'est sans peine, lui, qu'il va entendre la nouvelle
LE CORYPHÉE
Mais en quel appareil veut-elle qu'il se montre
LA NOURRICE
Quel appareil? répète et je comprendrai mieux
LE CORYPHÉE
Avec toute sa garde ou bien seul, sans escorte
LA NOURRICE
Elle veut qu'il amène tous ses porteurs de lances
LE CORYPHÉE
Ne transmets pas l'avis au maître que tu haisL
Pour ne pas l'effrayer, dis-lui, d'un cœur joyeux
de venir seul, en hâte. Bon messager redress
message tortueux.
LES r,II(U':i»FI()HES (77i-SH)
LA NOURRICE
Mais ))('ux-tii espérer, après cette nouvelle ?
î.i: cou y PII ÉK
Alais Zeiis ]KHit bien changer tous nos malheurs
Il joies,
LA .NOLUIUCI-:
Comment? Oreste est mort, l'cvspoir de ce palais.
LE CORYPHÉE
l*as encore : qui le croit sera mauvais devin.
LA NOURRICE
(hic (lis-tu? As-tu donc reçu d'autres nouvelles?
LE ronvpiiKF:
\'a t'acquitter de ton messat,^e et remplis les
■«1res reçus : aux dieux de veiller à ([uoi ils
>i\(Mit \(Mller.
LA NOURRICE
I irai donc et suivrai ton conseil. Ouc la faveur
ine tourne tout ])our le mieux!
La nourrice sort pjr Li droite.
I
L'OHESTIE
LE CHŒUR
Animé Maînfenant ^ jc t'en conjure, ZeiiH^ phc des du;ux\
de L'Olympe^ accorde-nous la victoire^ une drcinivA
victoire^ car c^esl pour un sage liéros^ dou/ l'ardenti
désir n^ est que justice et piété ^ (jue Péa/i a élevé UA
voix. Et toi^ Zeus, veille sur lui.
Plus soutenu Oui, fuis triompher de ses ennemis^ Zeus^ celui]
qui est dans ce palais^ car., si tu rélèves au trône del
son père, il t'en paiera, joyeux, un double et triple]
prix.
Animé Vois le jcwie coursier, orphelin d'un roi qui le\
fut cher, attelé à un char de douleurs. Fais que. saii^
s'égarer loin du but, sans briser son timon, il atteigne
enfin le sol de cette terre où tendaient avidement
les pas qu'il a faits. |
Plus soutenu Oui, fais triompher de ses ennemis, Zeus, celui qui\
est dans ce palais, car, si tu f élèves au trône de som
père, il t'en paiera, joyeux, un double et triple prix.)
:
Animé Et VOUS qui, dans le sanctuaire domestique, aimez^\
l'éclat joyeux de l'or, dieux bienveillants, prêtez-moi s
Voreille. Allons, que le sang de nouveaux meurtres^
vengeurs lave les taches du passé! Que le vieitay
meurtre n' enfante plus dans la maison! r.
Plus soutenu Toi qui habites aux flancs profonds de DelphesA
fais qu'un meurtre légitime relève enfin la maison']
d'un héros et quelle puisse voir de ses yeux attendriiS'
le soleil de la liberté percer la nuit qui l enveloppe \
LKs cii()Ï!:phohks (812-806)
l']t jnd^sr lltrinrs^ jUs dr Maùij /loits prrfer aide Animé
// s7/ jii^hcr! Prrsonnr niiriir (jtir lui iw jx'lit,
jUiind il /crriil, ijindcr mirni' au port, il saura à
i/fjjjos, stnt rcpandrr dr hrustjurs luniirrrs^ soit, par
h's fiaro/rs obscures, vtvndrr sur Irs yeux coiipahles
les truf'hrrs ijue le jour luriue ne dissiperait pas.
Toi (jui hahitrs au.r //ti/K s profonds de \)rlphes^ Plus soutenu
fais (lu'uu meurtre lêi/ftinie relrre enfin la nuii'<on
fini héros et (jiùlh' puisse et/ir de ses ijeux attendris
soleil de la lihertr jtereer la nuit qui Cenecloppe.
Alors, p(nir crlrhrer la maison dèlirrre , nous irons p^^g y^f
OOUssff/it /Kts vhnneurs an/ui-s à trarers la rille...
Le niallieur s'êlon/ne donc enfin de ceu.i (juc /lous
%itnons.
Toi y liardi/nent , ijumul rwndra llieurr diKjir, Plus soutenu
épiuids en mroijuant Ir cadavre d un pl-re à la roi.r
maternel le criant eers toi : '^ nuui fils! y, puis achève
fwiierr dr nuu't, sans craindre d^'n jamais répondre.
Portant rn ta poitrine f inflexilde ca'ur de Versée , Toujours vif
"ésolu à satisfaire daino'd i ru i\ morts ou rirunts, à
fUi tu te dois^ aclirre le sani/lant chdliment dr la
^orijone infâme (/lée/i ferment ces murailles et immole
'e meurtrier.
Oiùy hardiment^ Huaml viendra Vheure iTuf/ir, Plus soutenu
""éponds en i/iroquant le cadavre d'un père à la voix
*}iaternelle criant vers toi : *f mon fils! >/ puis achève
l*cei(vre de mort , sans craindre (Ten jamais répimdre.
Hgisthe arrive par la droite, suivi de la nourrice.
i/onrsTiF
Kfiismi:
J'arrive ici mande })ar un message : cm me dit
que des étrangers nous apportent une nouvelle
qui certes n'a rien de désirable, puisqu'il s'agit
de la mort d'Oreste. Ah! puisse la maison se ré-
signer à cette nouvelle douleur, toute meurtrie
qu'elle soit encore de la terreur sanglante dont elle
a senti, cette nuit, la morsure! .Mais faut-il juger
ce qu'on nous raconte comme véridique et réel?
Ne serait-ce point des mots effrayés de femmes
qui volent dans l'air, puis périssent sans réalité?
Que peux-tu m'en dire qui s'impose à mon esprit?
LE CORYPHÉE
Nous avons entendu la nouvelle; mais entre,
informe-toi auprès des étrangers : nul rapport n'a
l'autorité d'un entretien direct d'homme à homme.
ÉGISTIIE
Je veux à mon tour voir et interrog'er le messa-
ger. Était-il lui-même auprès du mourant ? ou ré-
pète-t-il une rumeur confuse ? Il ne saurait trom-
per mon esprit clairvoyant.
Il entre dans le palais par la porte centrale. La nuit commence
à tomber.
LE CORYPHEE
Mélodrame Zous ! Zciis ! qiiG dois-je dire ? Comment com-
mencer ma prière et invoquer les dieux contre
LES CIIOKIMIOHKS (8rn-801)
It'^ coupahles? (^omniciil l'aclicvci" ri «liic loiis les
(lar cCsl inainlcnaiit (jiic 1rs j^laivcs à la poiiil»'
inciirlrirrc voiil, m so sonilhml d»' sanJ^^ achcvrr
iamais la niinr du lovci" (r.\L:;mn'iiiiinu,
On (jiriillumanl IViix de iVlc cl llaiiiInMii de
lilicrli', Ihi'slc v;i iccoiini'i'I' ('iiliii le |M»ii\nir (|iii
dniiiit' d(»s lois aux cih's cl I immense ri( In'ssc de
s pèr(»s.
(i'esl là la Inlle <|ne le divin Oroslo. I(d nii
allilèle de i't''sei"ve. \,\ seni enj;a^ei' conh'e i\r\\\
adversaires : ah! ([m' ce soit poni' la vicloire!
On ciiteiul tout à coup derrière la porte les cris d'Kgisthc.
Ail! hélas :
ÉGlSTMi:
IJ-: conviMiKE
Ah! ah! Ou'cst-re? Comment lont s'es'.-il ter-
miné dans le palais? Mloi^nons-nous : rentrcj)rise
- u^hè\(';ne paraissons pas complices du meurtre.
AT voie i décidée l'issue du combat.
Le Chœur se retire dans un coin de l'orchestre. La nuit est
venue. L^n serviteur affolé sort de la porto centrale et se pré-
cipite vers la porte du gynécée qu'il heurte bruyamment.
TN SERVITEIR
Hélas! ah! oui, hélas! le maître est frappé à
mort! Hélas! encore hélas! une troisième fois.
LOIJKSTIE
]\i^i.sthe n'est plus. Allons, ouvrez bien vite, et
lâchez les verrous (\its portes des femmes. Nous
a\()ns Ijien besoin d'un h(jmme xi^oureux. Mais
non : peut-on porter secours à un mort? Ah ! ah!
je crie à des sourds ; ils dorment, c'est jjour rien
que je pousse ces vains appels. Où est allée
Clytemnestre? Que fait-elle? Ah! sans doute, à
son tour, maintenant sa tête va tomber près de
son amant, justement frappée.
Clytemnestre sort seule du gynécée.
CLYTEMNESTRE
Qu'est-ce ? De quelles clameurs remplis-tu la
maison?
LE SERVITEUR
Je dis que les morts frappent le vivant.
CLYTEMNESTRE
Ah! je comprends le mot de Ténigme. Xous
allons périr par la ruse, ainsi que nous avons tué.
Personne ne me tendra donc, vite, la hache
meurtrière! Sachons si nous sommes ici des vain-
queurs ou des vaincus, puisque j'en suis là de
mon sanglant destin !
Elle court vers la porte centrale qui s'ouvre brusquement.
Oreste paraît, l'épée à la main. Pylade est derrière lui. Dans le
fond on aperçoit le cadavre d'Egisthe. Le serviteur, épouvanté,
disparait par la porte du gynécée.
LES CHOÉPIIORES (892-1)13)
ORESTE
Toi ! torl bien : je te cherche. Celui-ci a son
- ' )ni])te.
CLVlEMiNESTRE
llélas! tu es donc mort, ô mon vailhmt I\g'isthe?
UULSIK
Vu l'aimes? Eh bien, va donc t'étendre près de
lui ! .Même mort, tu ne le trahiras pasl
Il s'élance sur elle, l'cpée levée. Clytemnestrc tombe h ses
genoux, déchire sa robe et lui montre son sein.
clvti;m.m:sire
Arrête, ô mon fils, respecte, enfant, ce sein sur
Icijuel souvent, tout endormi, tu suçais de tes
Irvres le lait nourricier.
Oreste laisse retomber son épée et se tourne vers Pylade.
ORESTE
Pylade, que ferai-je? Puis-je tuer une mère?
PYLADE
Oublies-tu donc les clairs oracles d'Apollon,
rendus à Pytho même ? les serments garants de
notre foi? Crois-moi : mieux vaut contre soi avoir
tous les hommes plutôt que les dieux.
i;oi!i:sTii;
ORFSTE
C'est toi (jui as raison, je le reconnais, et ton
conseil est juste. (A ciytemnestrc ) Suis-moi. je veux
t'égorger près de lui. Déjà, vivant, tu l'as préféré
à mon père : dans la tombe dors donc avec lui,
puisqu'il est l'époux que tu aimes et que tu hais
celui qu'il te fallait aimer.
CLYTEMNESTRE
Je t'ai nourri, je veux vieillir à tes côtés.
ORESTE
Meurtrière d'un père, tu vivrais avec moi!
CLYTEMNESTRE
C'est le Destin, mon fils, qui m'a poussée au
crime.
ORESTE
Et c'est donc le Destin qui prépara ta mort.
CLYTEMNESTRE
Ah ! crains d'être maudit, mon enfant, par ta
mère.
ORESTE
Une mère qui jette son fils à la misère!
LES CIIOKPIIOUKS (Î)14-'J30)
CLVTEM.NESTHi:
Jo ne t'ai ('iu'en\c)\'('' dans la maison d'iiii liôlc.
oni:sTE
Je fus deux fois \'endu, moi, fils d'un père libre!
CLYTEMNESTHE
Où donc est le salaire ([ue, moi, j'en ai reçu?
on ESTE
J'ai honte à le nommer, ce salaire infamant.
CLYTEMiNESTUE
Dis tout, mais dis aussi les fautes de ton père.
OR ESTE
Accuser le soldat, toi, assise au foyer!
CLYTEMNESTHE
l'^ils, il est dur aux femmes d'être loin du mari.
ORESTE
Le la])eur du mari nourrit la femme oisive.
CLYTEMNESTRE
Voudrais-tu donc tuer ta mère, ô mon enfant?
i;()Hi:r^Tii:
ORESTE
Ce n'est pas moi, c'est toi qui te tueras toi-même.
CLYTEMNESTRE
Prends garde, songe bien aux chiennes de ta
mère.
ORESTE
Et celles de mon père, où les fuir si j'hésite?
CLYTEMNESTRE
Ah! je suis là, vivante, à prier un tombeau!
ORESTE
Le destin de mon père vers toi pousse la mort,
CLYTEMNESTRE
J'aurai donc enfanté et nourri ce serpent !
ORESTE
La terreur de tes songes fut un devin sincère.
CLYTEMNESTRE
ORESTE
Tu tuas ton époux, meurs sous le fer d'un fils!
Il saisit sa mère par les cheveux et l'entraîne dans le palais.
Les portes se referment. Le Chœur revient au milieu de
l'orchestre.
LES CIIOf.PHORES ^931-973^
LE CORYPHÉE
J'aurais encore des pleurs sur leur sort à tous
deux. Mais, à cette heure où le triste Oreste a mis
le comble aux meurtres san^ tin de la race, mieux
vaut pourtant que \\v\\ de la maison ne se soit pas
du moins éteint à tout jamais !
ij: ciiiiaR
K//r rsf ri'nur ritfmjd .hisin r (jiu crut/c /rs. Pria- Agritô
mitres, (irrr son hnird t liflfiinrul . l'J/r rsf rrnnr dans
le paldis (lA(/(inirnuiini , ihnihlr lion, dniihlr Ari's.
Il a poussr jus(j(i\iN Inil , /'r.ri/t' jirrilil jtnr Pt/llu»,
ijmdr dans sn/i rlan jtnr 1rs conseils dirins.
P Ah! jrirz ros rns (lal/rr/rrssr sur Ir jxdais dr /tos
niai/rrs rnftn drhrrr de srs man.r ri drs dru.v sarri-
ijrs (jui^ toal m dévorant srs n( hrsscs^ sachrini-
iKiirnl rrrs la nual !
i
Il est venu le die a f^at, en comhattant dans FoniUrr^
-dit jxir la nisr arhrrrr le rhdliinenf . Et elle n fjiiidé
-'I niai/f dans la lattr, la jiUr dr 'Arus (pie nous nom-
mons dr son vrai nom Jasfirr rf rjai resijirr an
rourroa.r dr mort ronirr (jai I <)/frnse.
Ali.'jr/rz vos cris ddllrrirrssr sur Ir palais île nos
litres enfin dr/ivrr dr ses maa.r rt drs drux sacri-
/cs (jui^ toat m drvorant ses ricliesses, s^clienii-
ient vers la mort!
i/()iu:sTii-:
L'oraih' (jW la nu./ jmissdiilr de Lfj./ids l^arufis-
sien (i procliiiitr au fond dr Idnlrc dcIpliKiiU' (itlfKpie
à s(Hf t(nii\ jKir lr(utns,(' iiicurl ruTC, la IrdUrisr nicnr
trihrc dont ht clidliincnl arail trop laïujh'nift^ lardi'.
On peut cn/ui ne plus srrctr Ir ( riinc cl rnin-rr
coniDie il convient la piiissancf (jai rl'tjnf a a ( ud.
On pcal enfin rair la hunlrrc. Cidlf niais(ni est
délivrée dujmuj <iiii l'oppr'una. Allons, (hdioal . palais!
trop lon(j temps lu restas ahatta.
Bientôt le temps ((ai tout achève transfama'ra l'as-
pect de ce jjalais^ quand enfin auront été lavées les
souillures du foyer ^ quand les prières qui parifent
auront chassé les sanglants délires. La Fortune n'a plus
pour nous que regards souriants. Les génies étran-
gers qui se sont établis en ce palais en seront bannis
à leur tour. j
On peut enfin voir la lumière. Cette maison est
délivrée du joug qui l'opprima. Allons, debout^
palais! trop longtemps tu restas abattu! M
La porte centrale s'ouvre. On apporte les deux cadavres
dEgisthe et de Clytemnestre étendus côte à côte. Oreste se
place derrière eux. Il a l'épée nue à la main. Autour de lui, des
esclaves du palais élèvent des torches; d'autres tiennent un
voile ensanglanté. Parla droite, le peuple d'Argos accourt à cC
spectacle.
ORESTE
Contemplez les deux tyrans de la patrie I Ils
avaient tué mon père, ravagée mon foyer, et ils sié-
LES CIIOÉPIIORES (976-1020)
geaient tous deux, augustes, sur son trône! Main-
tenant encore ils se restent fidèles — leur mort au
moins invite à le penser! — et le serment qui les
liait n'est toujours j)()int trahi. Ils s'étaient juré
td'immoler ensemble mon malheureux père et de
mourir ensemble : voilà une parole désormais tenue.
[Voyez, vous dont les oreilles seules ont connu nos
misères, voyez enfin le i)ièK'e (jui lia mon mal-
heureux père, enchaîna ses ])ras, entrava ses
pieds. (Aux esclaves qui portent le voile.) J)éployeZ-le et,
en cercle près de moi, montrez à tous le voile où le
héros fut enveloppé, afin que le sacrilège commis
par ma mère soit mis sous les yeux, non de mon
Jpère, mais du père (jui voit toutes choses, du
Soleil, cjui viendra un jour témoigner pour moi
len justice que j'ai justement poursuivi le crime
jusqu'au meurtre d'une mère. Je ne i)arle pas de
celui d'I^'t^isthe : adultère, il a subi la peine que
porte la loi. .Mais celle qui conçut pareille infa-
"Me contre un homme dont elle avait porté les fils
us sa ceinture — fardeau d'amour jadis, de haine
uaintenant, nous dit ce cadavre — que te semble-
-rlle? Une murène sans doute, un serpent ca-
ahle d'empoisonner ])ar simjîle contact, sans
nrme une morsure, ce ([ui est près de lui : tant
n âme est pleine d'audace et de crime! (Ju'une
(lie compagne n'entre jamais dans ma maison :
s dieux me fassent plutôt mourir sans pos-
rité!
I
louestif:
Li: CIKIX'K
Modéré Jlr/ds! Iii'his! trislr for/ dit! Tu as sn(((nnln'' à
viir mort cm cl le! Il cl as! hclas! Mais plus tarde Iç
vlall imcnt ^ plas il s'cpanoait terrible l
OIŒSTE
L'a-t-elle ou non commis? J'en prends ce voile
à témoin, qui atteste que l'épée d'Kgisthe l'a
trempé de sang. Vois, la tache du meurtre s'unit
au temps pour détruire les teintes variées de la
broderie. De quel nom l'appeler pour rencontrer
celui qui lui convient? Piège de chasse? Draperie
de cercueil pour envelopper le mort tout entier?
Ah! c'est filet qu'il faut dire, panneau, entrave
pour les pieds. C'est un filet pareil que, pour
tromper ses hôtes, aimerait un bandit vivant de
rapines : tel engin de traîtrise, sans cesse facili-
tant ses crimes, sans cesse remplirait son cœur
d'ardente joie. Assassin de mon père, c'est le
nom que je lui donne, moi, et, pleurant les crimes
commis, les douleurs souffertes et ma race en-
tière, tantôt je m'applaudis et tantôt je gémis
d'une victoire dont, pour triste trophée, je n'ai
qu'une souillure.
LE CHŒUR
Modéré AuciDi iiiortel 1X6 traversera sans souffrance une\
vie toujours heureuse. Hclas! hélas! Telle peine^
aiijoîird'hin, telle autre demain !
I
i
I
LES GII()1':PII()RES (lÛ2i-105r,)
ou EST K
.^\ais, sachez-le — car je ne sais comment tout
finira : il me semble conduire un char emporté
hors (le la carrière; mes es])rits indociles m'en-
1 rainent malj^'ré moi, cl ri'.j)()u\'ante, (U'\anl mon
• eur, se tient prête à chanter, et lui à bondir,
bruyant, à sa voix — mais, encore maître de ma
liiison, je le déclare à (X'ux (jui nTaimcnt : ()ui,
j'ai tué ma mère justement : meurtrière d'un père,
l'Ui.' étaiî. une souillure en horreur aux dieux; et
je proclame que le plus j^Tand aig"uillon de mon
ciudace fut le pro])hète de l'ylho, Loxias, (pii me
j)rédisait (|u'en faisant ce (jue j"ai fait je n'aurais
jioint à en répondre*, tandis ({u'en n(\L;iie»*eant ses
ordres — je ne vous dirai pas le châtiment : l'arc^
de votre pensée n'atteindrait ])as si loin. (Avec son
pce, il détache un rameau d'olivier qui est suspendu à la porte du
pilais.) Kt maintenant voyez comment, avec ce ra-
meau entouré de laine, je vais me diriger vers le
sanctuaire, cœur du monde, sol sacré de Loxias,
où brille la lueur du feu imj)érissable, j)our fuir le
^an^' tlune mère : Loxias m'a défendu de chercher
un autre refuge. Kt à tous les Argiens je demande
de me prêter un jour leur témoignage... tandis
que je vais loin d'ici errer comme un banni, vivant
ou mort, laissant à jamais ces tristes souvenirs.
Il se dirige vers la sortie de gauche.
M
L'ORESTIE
LE CORYPHKE
Tu as triomphé : ne mets pas sur tes lèvres des
paroles de mauvais augure; ne t'accable pas toi-
même d'imprécations. Tu as délivré tout le pays
d'Argos en abattant heureusement les têtes de
ces deux vipères.
Oreste recule brusquement, épouvanté, et tourne sur lui-
même,
ORESTE
Ah ! ah ! quelles sont ces femmes pareilles à
des Gorgones, vêtues de noir, enlacées de serpents
sans nombre? Je ne puis plus rester.
LE CORYPHÉE
Quels vains fantômes te font tournoyer d'hor-
reur, ô de tous les mortels le plus cher à son
père? Reprends tes sens : que peut craindre un
vainqueur tel que toi ?
ORESTE
Ils ne sont pas vains les fantômes qui me tor-
turent. Ah ! ce ne sont que trop clairement les
chiennes furieuses de ma mère.
LE CORYPHÉE
Le sang est encore tiède sur tes mains : de là
le trouble qui s'abat sur ton âme.
ORESTE
Apollon souverain, les voilà (|iii fourmillent :
(le leurs yeux goutte à goutte coule un sang odieux.
LE COHYPHÉE
Dans le palais tu te purifieras. Va toucher
Loxias, il te délivrera de ton supplice.
G RESTE
\'ous ne les voyez pas, xous, mais, moi, je les
vois. Elles me pourchassent : je ne puis rester.
Il sort, éperdu, parla ^.luclic.
LE COUVPIIÉE
Adieu donc, et qu'un dieu, te suivant de ses
regards propices, te garde pour des jours meilleurs!
Tandis que le Chœur lentement rentre dans le palais :
Voici donc le Iroisième oiage «iont le souille ar- Méiodrai
dont vient de s'ahaltre soudain sur le palais de nos
rois.
I)(\s «'nfanls dt'vorés commencèrent ci^s trisles
douliHirs. Puis vinrent dos douleurs de f^uorrier et
de roi : celui (|ui guida les armées de la (irèce périt
égorgé dans son bain. El maintenant encore, pour
la troisième fois, vient d'entrer ici, dirai-je la mort
ou le salut? Où donc, enfin satisfait, où doit s'ar-
rôter, s'endormir le courroux d'Até?
i
V?'
LES EUMÉNIDES
A Delphes, devant le temple d'Apollon. — Le jour nait. Une
vieille femme monte lentement les marches du temple. Sa tête
est ceinte de laurier; la lourde clef du sanctuaire est suspen-
due à son cou : c'est la Pythie. Avant de gravir la dernière
marche, elle s'arrête, et, tournée vers la porte encore fermée,
fait le geste des adorants, le buste incliné, le bras droit tendu
en avant.
LA PVTIIIK
Ma prière parmi les dieux distinguera d'abord la
I (Tre, la j^reniière des prophêtesses; ])uis Thémi.s
[ui s'assit après sa mère sur le trône j)n)phétique,
MOUS affirme un \ieux récit; a])rès Thémis, et de
son j)lein consentement, sans aucune violence, une
lutre so'ur des Titans, fille de la Terre, y prit place
^on tour, Phœbé, et c'est elle qui le transmet,
n don de joyeuse naissance, à Phœbosqui tire son
iioiii du nom de son aïeule. Délaissant lac et mon-
-^ne de Délos, Phœbos vient donc aborder aux
i I \ (^s de Pallas aimées des vaisseaux, afin de gagner
t'tte terre et le Parnasse, son nouveau séjour. Le
rtège pieux des enfants d'IIéj)haistos lui ouvre
n chemin, apprivoisant le sol sauvage. Arrivé
n ces lieux, il y reçoit l'hommage du peuple et
lu roi Delphes, pilote du pays. Et Zeus, lui rem-
plissant le cœur de sa prescience, l'assied enfin
L'OHFSTIK
sur rr' trône, (juatrième prophète. Loxias est main
tenant l'interprète de Zeus, son père. C'est done à
ces divinités qu'iront d'abord mes prières.
Elle se retourne et porte ses reg.irds du côté opposé, où cUe
est censée apercevoir, plus basdans la vallée, l'entrée du sanc
tunire, le temple d'Athéna Pronaia et le cours du Pleistos.
J'adresserai ensuite un hommage particulier à
Pallas, gardienne de ce sanctuaire, et je saluerai
les Nymphes de l'antre Corycien, cher aux oiseaux,
retraite divine, où règne Bromios, que je n'ai garde
d'oublier: car c'est delà que sa divinité conduisit
au combat ses troupes de Bacchantes, le jour où,
comme un lièvre, Penthée périt dans ses trames.
J'invoque encore les sources du Pleistos, la puis-
sance de Poséidon, et Zeus enfin, le plus haut desj
dieux, qui tout achève. Puis, je m'assieds, prophé-j
tesse, sur mon trône. Puissent les dieux bénir,
aujourd'hui plus encore que jamais, mon entrée au
sanctuaire! Si quelques Grecs sont là, qu'ils tirent-
au sort, suivant l'usage, qui viendra le premier à
moi: je vais prophétiser, guidée parle dieu.
Elle gravit la dernière marche, ouvre la porte du temple et
entre. Elle ressort presque aussitôt, épouvantée, défaillante,
s'appuyant à la porte, au mur, aux colonnes.
Ah ! horrible à dire, horrible à voir de ses yeux,
le spectacle qui me chasse du temple de Loxias, si
horrible que je n'ai plus même assez de force pour
marcher droite, et que mes mains, dans ma course,
suppléent mes jambes alourdies. Une vieille femme
I
LES FJ'Mf'MDFS (38-84)
\u\ prend ])eur n'est plus rien et devient telle qu'un
3nfant. J'allais vers lesanctuairc riche d'offrandes,
ijuandje vois, contre la pierre qui nianiuc le ccrur
du monde, un homme couxcrt d'une souillure en
■horreur aux dieux, dans la ])()sture des suppliants,
les mains dég^outtantes de sang, portant une épée
nue et un rameau d'olivier des montagnes entouré
du lénos rituel, d'une blaiK he toison, pour parler
plus clairement encore. l'"n face de lui, sur les
stalles du tem])le, des femmes dorment, troupe
terrifiante. Mais non, ce ne sont j)()int des femmes,
mais des (îorgones. lu encore non, ce n'est pas
Taspect des (iorgones qu'elles me rappellent. J'ai
bien \u un jour, en peinture, des llarpyivs ravis-
sant le repas de Phiné(» : mais à celles-ci on ne
voit pas d'ailes; leur aspect est sombre et repous-
sant; bruyamment elles exhalent un souffle em-
pesté, et leurs yeux ])leurent dhorribles laniK^s.
Leurs \ètem(Mits ne sont point de ceux (ju'il con-
vient de porter ni devant les statues des dieux
ni dans les maisons des hommes. J'ignore à (|uelle
race leur troupe appartient et quelle terre l'a pu
nourrir sans regretter amèrement sa peine. Que
doit-il en arriver? C'est affaire au maître de cette
demeure, à Loxias tout-puissant. 11 sait guérir par
ses oracles, interprétt^r les prodiges, purifier même
les maisons d'autrui.
Elle s'cloignc en se vciil.mt la f.ice. I..« porte du temple
s'ouvre toute gr.ind«. On aperçoit une haute pierre blanche,
de ft)rnie conique, sur laquelle est peint un serpent. Elle
est tout entière recouverte dun filet où s'attachent din-
L'OHKSTIE
nonibrahlcs handeleltes de laine. Contre cette pierre, un homme
est accroupi, dans la posture des suppliants. Sa main droite
tient un rameau d'olivier, sa main gauche une épée sanglante.
Debout derrière lui, appuyé sur son arc, Apollon a posé la
main droite sur la tète de son suppliant. Tout autour d'eux lef
Erinyes, en longs voiles noirs, dorment sur des stalles de pierre.
APOLLON
Non, je ne te trahirai pas: jus(4u'au bout, sur toi
je veille ; loin de toi, comme debout à tes côtés, ne
crains pas que je sois tendre à tes ennemis. Déjà
tu vois ici domptées ces folles furieuses. Le som-
meil les enchaîne, les vierges maudites, antiques
filles de la Nuit, dont ni dieu ni bête sauvage ne
partage le lit. Leur naissance même eut lieu pour
le mal, puisque leur séjour est l'ombre, séjour du
mal, et le Tartare souterrain où elles vivent en
horreur aux mortels comme aux dieux de TOlympe.
Fuis pourtant, ne te relâche pas : elles vont te
poursuivre à travers le vaste continent et, chaque
fois que ton pas errant cessera de fouler la terre^
par-dessus les flots et les cités des îles. Mais ne te
lasse pas de promener ta peine, avant d'avoir atteint
la ville de Pallas. Alors, tombant à genoux, étreins,
l'antique statue de bois; et là, pour elles, j'aurai,
des juges, des mots apaisants, et je trouverai le
moA^en de te délivrer à jamais de tes peines, puisque '
c'est moi qui t'ai persuadé de percer le sein d'une
mère. j
Oreste se lève.
LES EUMÉNIDES (s:;-12'J)
OKESTE
Apollon souverain, tu sais être juste : apprends
lonc aussi à être vigilant, et ta puissance garantit
e succès.
APOLLON
Songes-y donc toujours ot riuola crainte n'abatte
lAS ton anie. (llcrmcs ;ippar;iil hru>«quciuciU aux cotés d'Apol-
m.) Kt toi, mon frère, en (|ui coule le sang de mon
^re, Hermès, \ cille sur lui ; jusiiHe ton nom et sois
on conducteur. Celui c^ue tu guides est mon su])-
iant, et /eus même respecte le respect cju'on
lontre aux j)roscrits en volant à leur aide i)our
uider leurs pas.
Apollon disparait. Oreste, guide par Henucs, sort rapidement
du temple et de l'orchestre. — Pause. — Soudain, au milieu du
temple, en avant de la pierre sacrée, surgit l'ombre de Clylem-
nestre.
CLYTEMNESTRE
Dormez donc à loisir, hé là! qu'avons-nous besoin
e dormeuses ? C'est donc ainsi que vous me dédai.
nez, seule d'entre les morts, et que l'opprobre
U sang par moi versé vit encore dans les enfers,
ù honteusement j'erre iKirmi les ombres : oui,
ous dis-j(% on me fait durement payer mes actes
moi, tandis qu'ajirès l'outrage que j'ai subi d'un
Is, nul courroux divin ne se lève en faveur de
i mère égorgée par la main d'un enfant. (Elle dé-
lirt sa robe et montre son sein.) Regarde : CjUe ton âme
I/OMKSTin
voie mes plaies, puisque, dans le sommeil, Tâme
s'éclaire de reg"ards qui s'éteignent au jour. Xavez-
vous pas à plaisir souvent léché de mes offrandes,
libations sans vin, sobres breuvages apaisants}
N'ai-je point immolé des victimes à vos repa^
sacrés, la nuit, sur un foyer bas, à des heures
ignorées des autres divinités? Et tout cela, main-
tenant, vous le foulez aux pieds, je vois. Lui.
s'évade, disparaît comme un faon et, du milieu d
filet, léger, bondit au dehors, en vous adressai
railleuse grimace. Entendez-vous ce que veut moi
âme ? Reprenez vos sens, déesses des enfers ; 1
fantôme de vos songes, c'est moi, Clytemnestrej
qui vous appelle.
Mugissement du Chœur.
Mugissez, l'homme a disparu et court au loin
il a, lui, des amis bien différents des miens.
Mugissement du Chœur.
Tu dors trop, insensible à ma souffrance : mor
meurtrier, le parricide Oreste, a disparu.
Grognement du Chœur.
Tu grognes et tu dors : qu'attends-tu pour t(
lever vite ? As-tu donc autre office qued'enfantei
des maux ?
Grognement du Chœur.
Le sommeil, la fatigue se sont donc conjurés pou'
épuiser la fougue du terrible dragon?
Double mugissement aigu du Chœur.
LES EL'MKMDES (130-1*3)
LK CIKIJ.U
Prends! Prends! Prends! Prends! (îare!
C[.ytemm:stre
Tu j)()ursiiis ton j^ihier en son^e, el al:)()ies
!Onim(' un chien liante pendant son somme par le
iouci de sa besogne. Allons! debout ! (Jue la fatij^ue
l'ait pas raison de toi! Xe \a j)as, amollie ])ar le
iommeil, méconnaître lOutraj^e c[ui t'est fait. Sois
înfin sensible à de justes rej)ro(^hes : ce sont là les
liguillons du sage. (Le Coryphée, qui est la lùiric l.i plus voi-
incdc Clytcniiicstrc, s'éveille et écoute ces derniers mots.) Dirige
rontre lui ton lialeine sanglante, dessèche-le du
iouffle enrtaninH' de ton sein: suis-le, épuise-le
ans une nouxelle ])oursuite.
I. 'ombre de Clytcmnestrc disparaît. Le Coryphée réveille la
Furie la plus proche.
LE COKVIMIKE
Allons, toi, réveille celle-{ i eomme je fais pour
oi. Tu dors : debout ! repousse le sommeil; et
'Oyons si l'avis est bon.
Toutes les Erynics se réveillent et s'agitent bruyamment.
LE CIKKUll
— Ail! (ih! tnal/icur! nouvelle jieine, amies!
— Jai iiourlant (lêjf) assez pemè en ruin !
A^tô
L'ORESTIE
— Nouvelle peine lamentable^ ô dieicr! insitppor-
lahle misère! La bêle hovy du filet Ixmdit et s'en-
fuit.
— J'ai cédé au sommed et fai perdu ma proie.
— Ahl fils de Zeus^ tu n'es <fu un larron !
— r?Y écrases., jeune cavalier, d'antiques diri/ntis.
— Et tu fjardes ton respect pour le suppliai lI^
l'impie qui s est armé contre une mère! Ta divinité
s'emploie avions voler un parricide!
— Qui donc trouverait là une ombre de justice ?
— Du fond des rêves ^ un reproche est venu me
frapper., ainsi qiiun aiguillon manié., du haut d'un
char, par un bras vigoureux.
— Au cœur, au foie, le fouet du bourreau brutal
fait passer en moi un douloureux, trop douloureux
frisson.
— Voilà donc comme agissent les jeunes dieux,
qui veulent régner sur le monde, sans songer à. la
justice, du haut d'un trône ensanglanté ! \s.
— Au pied, à la cime, voyez, le sang dégoutte du
rocher, cœur du inonde. Le voilà chargé à jamais
d'une repoussante souillure!
— Il a sali le foyer même du prophétique sanc-
tuaire, sans que nul l'y eût invité, stimidé. Il a
violé la loi des dieux pour honorer un niortel et
déchiré l'antique traité de. partage.
LES ELMKMDKS (171-208)
— - Mfiis il peut ni\)u/ l'fn/rr ; son stf/tp/tn/t/ ne
sr/fi jKis smivi' : mr.mr stu/s la trrrr, il n r^t jHUnf jinnr
hn (Ir salnl . i'linr<n'' tir san rrniii\ il ra ilroil niir
Unir (Ui un iiiifrr à so/i huir sr smiillrru ilr snii s/i/i/j.
Ap'illoii ;ippar«it soudain au fond du temple, l'arc tendu.
APOLLON
I )('li()rs ! je l'ordonne : sors à riiistanl d'ici. I )(''l)ar-
iMssc le i)ro])li(''li(|U(' sanctuaire, si tu ne veux ([ue
le serj)LMU à l'aile l)lanehe, s'élançantde l'arc d'or,
ne te fassecraeher de douleur ta noire é(Hiine teinte
le nuHirtre et \-oniir tout U? sanj;' ])ar toi tiré des
hommes. Il ur \'ous sied point de touler le solde
c temple. X'otre place est aux lii'ux oii la justice
il)at des tètes, arrache tlesyeux, ou\re des gorges,
)ii. ])onr tarir leur tV'(^ondit('\ la fleur de la jeunesse
'st ra\ ie aux entants, où gémit la longue ])lainte
le \ietimes mutilées, lapidées, plantées sur le
'a\. \'oilà, entendez-vous? monstres en horreur
lux dieux, les fêtes où xous xous complaisez. VA
ut \()tre asj:)e(H y réi)ond. (''est au re])aire d'un
ion l)u\(nir de sang (pfil vous convient tle vivre,
lu lieu d'infliger xotre souillure à ce palais fati-
liijue. A liez paitre sans IxM'ger : un trou]-)(Mu pareil ,
\u\ dieu n'en a cure.
LE CORVPIIEC
Apollon souverain, entends-moi à mon tour, lu
s toi-même, non complice, mais .seul auteur du
rime et vrai ( ()uj)al)le.
10
L'OHESTIE
APOLLON
Et comment? Ne réponds qu'à ma seule ques-
tion.
LE CORYPHÉE
Ton oracle à ton hôte dicta le parricide.
APOLLON
Mon oracle lui dit: '< Venge ton père. /^ Kh bien
LE CORYPHÉE
Tu promis d'accueillir sa sanglante souillure.
APOLLON
Et lui dis de chercher ici son seul refuge.
LE CORYPHÉE 7
Et son cortège alors, pourquoi le chasses-tu ?
APOLLON
C'est qu'en cette demeure on ne peut Taccueillir.
LE CORYPHÉE
Je ne fais rien pourtant que de remplir ma
charge.
LES El'MflNinrS '2Û'.)-2:U)
ATOLLON
Quelle est donc ta mission ? Va, chante-m'en la
gloire.
Li: CORYPHÉE
C'est nous (|ui ])oursuivons le parricide errant.
APOLLON
Et la femme qui tue son époux, celle-là...?
LE CORYPIILE
Son crime n'a pas tait couler son propre sang.
APOLLO.N
Ah ! tu mets donc bien bas et tu rcduis à rien
un pacte dont les garants sontZcus et liera, déesse
de l'hymen. Kt Cypris, ton raisonnement l'écarté
avec dédain, elle à ([ui les mortels doivent leurs
plus douces joies. La couche nujniale ])our l'homme
et pour la femme est un lien ])his fort (pie le
serment, et sur clh* la Justice veille. Si ta fai-
blesse est telle pour les époux (pii s'entre-tuent
qu(î tu ne leur accordes ni pensée ni regard de
courroux, je déclare injuste ta poursuite d'Oreste,
puisqu'il est des crimes pour lesquels on te voit
sans colère et d'autres dont tu veux éclatante
vengeance. L'œil divin de Pallas saura voir et
juger.
LOHKSTIf':
LK CORYPHÉr:
1
Ne crois pas ([ue jamais je renonce à ma proie.
APOLLON
Poursuis-la donc ; ajoute encore à tes fatigues.
LE COUYPIIÉE
Pourquoi rabaisses-tu mon glorieux ministère ?
APOLLON
Je ne voudrais pas, moi, d'une gloire pareille.
LE CORVPFIÉE i|
Tu jouis bien de ta puissance, assis auprès de
Zeus. Moi, le sang d'une mère me pousse, je pour-
suivrai cet homme comme un chien à la piste.
APOLLON w
Moi, je défendrai, je sauverai mon suppliant.
Terrible pour les dieux comme pour les mortels
est le courroux du suppliant contre qui l'a trahi
sans y être forcé. ^
Le Chœur sort en désordre du temple, et, traversant
1 orchestre, disparait du même côté qu Hermès et Oreste. La
porte du temple se referme. Pause.
La porte se rouvre. On aperçoit nu fond du temple la vieille
image de bois d'Athéna: le décor représente donc rErechtéion
d'Athènes. Oreste entre avec Hermès par la droite. Hermès
lui montre le temple, puis disparaît. Oreste traverse l'orchestre
en courant et s'agenouille devant l'antique statue qu'il entoure
de ses bras.
LKS el.mi:mi)i:s (2:i:j-m]
ORKSTi:
Souveraine Atlirna, c'est sur l'ordre de Loxias
([ue je suis \t'nu à toi : accueille le maudit axcc
bienveillance. Ce n'est ))lus un suppliant aux
mains impures: ma souillure s'est émoussée, effa-
(■('(' au contact des liommes (pii m'ont re'çu à leur
foNcr ou rencontré sur les chemins, l'idèle aux
.i\is fatidi(|ues du dieu, j'ai franelii terres et mers:
me \()ici dans ton sanctuaire ; j'y attendrai, déesse,
les bras ainsi jetés autour de ton imag'e, l'arrêt
de la justice.
Le Chœur entre p.tr la droite.
I.K ConVIMIKE
Bien! voici un clair indice. Sois docile à l'axis
de ce J4"uide muet. Comme un chien un faon
blessé, nous suivons l'homme à la i)iste du sang
([u'il ])erd j^outte à goutte. Mais je sens sous tant
de fatigues mes membres brisés, mon sein hale-
tant. Il n'est point de lieu sur la terre où n'ait
pass('' mon troupeau : attachée à sa ])oursuit(\ j'ai,
sans ailes, volé par-dessus les flots, aussi rapide
iiu'un naxire. Il est ici l)lotti sans doute : l'odeur
du sang humain me sourit.
i.t: c.iid.ni
— Hf'f/ a /•///', (i//ons, rrijardr de nouveau^ portif Ag-ité
l>(n'f()f(f 1rs ij('ii.i\ SI hi )u' rru.i- rolr Ir parriciHe
L'ORESTIE
t'ccîinppnr encore et, fnrtif^ s'enfuir^ laissant sa dr/fc
impayée.
Une Furie nperçoit Oreste.
— Ali ! il a donc frourr un nourcaii rcj (Kjr : les
bras enroulés aulonr de la statue^ déesse imniortellr^
il implore un jugenienl de son aclc
— Mais il n'en est pas pour lui : le sanfj (Tune
mère^ une fois tombé à terre^ est difficile à rappe-
ler. Ah! ah! rajnde^ il a coulé sur le sol : il est pjerdn
à jamais.
— Mais il faut en revanche que ton corps tout
vivant fournisse à ma soif une rouge offrande jniisée
à tes veines. Qu'à longs traits je me désaltère de ce
sanglant breuvage !
— Desséché tout vivant, je t'entraîne enfin sous
la terre ^ où tu paieras ton crime du châtiment des
pjarricides.
— Là., tu verras les sacrilèges qui ont offensé
divinité.^ hôte ou parent; tous, par des souffrances
égales à leurs fautes, satisfont enfin à la Justice.
— Car Rades sous la terre est juge suprême des
Iiommes, et, de tout ce qu'a vu son dme, rempreinte
en elle demeure.
Sans tourner la tête vers le chœur qui s'est rapproché et
l'entoure :
ORESTE
Instruit dans le malheur, je sais partout ce qui
convient, où l'on a droit de parler comme aussi
LES FX'Mf:NFDES (218-331)
où Ton doit se taire. Pour l'heure présente, j'ai
rcrii (l'un saj^'e maître l'ordre d'élever la voix. Le
sanj4' sur ma main s'endort et s'efface, la souillure
du parricide est la\(''e : encore noux'elle, k» sanj^
d'un pourceau immolé à l'autcd de IMio'hos l'a
chassée loin de moi. l'A le compte entier serait
loujn* de tous ceux cpie j'ai approchés sans cpie
mon contact leur ail nui. Je peux donc mainte-
nant, dune bouche ])ure, in\'o(jucr sans sacrilèjLi["e
cell(» (jui rè^ne en ce j)ays : (pi'Athéna vienne à
lUon aide, et elle conc^uerra, sans effort de sa
hmie, Oreste et sa terre et le ])eui)le d'Argos ([ui
lui restera à jamais alli('' loyal et fidèle. Soit
donc (ju'aux (diamps de Libye, près du tleu\e
Triton, dont les bords l'ont \ ue naître, elle aille,
\isil)le ou ceinte de nuées, au secours des siens ;
soit ([u'elle inspecte, ainsi c[u'un hardi chef de
guerre, la plaine de Phlégra — la divinité entend
* les plus lointains appels — ah 1 (|u'elle vienne à
moi et me déli\re d'elles enfin!
LF CORYPHÉE
Non, ni Apollon, ni la force d'Athéna ne te
sauveront : tu périras, délaissé de tous, l'âme à
jamais désertée par la joie, ombre des.séchée par
des déesses avides. Tu ne réponds pas et re-
I jettes, en crachant, mes oracles, toi, victime en-
;;raissée pour mes sacrifices, cjui. toute vivante,
sans égorgement à l'autel, vas me fournir mon
L'OHESTIK
festin, iù, pour renchiiîncîr d'aljord, entends
l'hymne des Furies.
Môiodramo Alloos, nouons la cluiîiie (]ansant(; : nous voulons
au grand jour crier noire cliant d'horreur,
Et dire suivant ([uelles lois notre troupe va dis-
tribuant leurs lots aux mortels.
Nous nous flattons d'être droites justieières, et
quand, l'àme pure, l'homme étale des mains
pures.
Jamais notre colère ne marche contre lui ; il tra-
verse la vie sans souffrance.
Mais, quand un criminel, pareil à cet homme,
cache ses mains ensanglanlées.
Incorruptibles témoins, nous venons au secours
des morts et, sans merci, la sanglante créance en
main, nous surgissons devant lui.
Les Furies entourent Oreste et, à chaque refrain, l'enve-
loppent d'une danse sauvage.
LE CHŒUR
Vigoureux 0 ma 77ière, Nuit, ma im've, toi qui m'as enfan-
tée pou?' qu'aux ténèbres de la mort, comme au so-
leil des vivants, la vengeance imt suivre son cours,
entends-moi donc. Car le fils de Latone s'attaque à
mes honneurs en m' arrachant ce lièvre, offrande
expiatoire du meurtre dune mère.
Fiévreux Mais,pour iiotrc victime, voici le chant-délire , ver-
tige, égarement, voici Vlujmne des Érinyes, Vhijmne
" Li:S KLMKMDKS x\2-:m\)
sr//is /f/rr, rurluilnrur (/a//irs, ijui src/ir lr< f/tarfr/s
(/r/froi.
Lr lui (jNc juMir jdiiuns m'a fi i v la Pdrtjnr vigrourouj
mfh'.nhit'. i'rst tir Inirr rst or/r dur mortels (jin I nul
osr fnifirr dur jnr<h (ldif< du drlirr iKiniridr , Jds-
ijdd (r (jdils (Irsri'idii'nl dd.r rnjrrs: ri, uiruir dans
1(1 idnri , ils ne InmrrronI hi drl nrdurr .
Md/s, pour iinirr rirlnur, ron t lr rhdnl -drl i rr , Fiévreux
rrrli(/r, ('(/drrtnrnl , rnn i llufiudr des Eriui/rs.
I lu/ldnr stins h/rr, riirhdinrdr dilmrs, (jin <rrli/' 1rs
dddifds iFrlJ'roi.
l'rllr rsl la part (jil d nntrr udissfUK c iinds jil un Lar^'o
dri rrl (la Ifrstm. Xaus drrans^ en rrlotir, r(''(/iirr hnn
des intutnrlrls , ri i\dl d Cnlrr rui ne jidrhKir m>s /rs-
tms. Le lot , lr sari pour hujurl je stus urr nircdrtr
drs j(''lrs dur roi 1rs Ida/tes. J'ai pris pour moi
La runir drs joip'rs o/V, ru plriiir pai.i\ Arl-s Fiévreux
frappr un frrrr ; sur lui alors^ ah! nous hondissons
rt, SI puissant (jif d soit ^ Irtou jfmis dans un sanij
ntnirrau .
\olrr zrir s Cinploir (i rnlrrrr a d autres tris sou- Largo
r/s, // (h'charqrr 1rs dirii.r drs ( (lusrs à nioi n'srrrrrs
rt , pui\(pir /rus rrartr dr sim aadirnrr I infdmr
vrraliirr «jUi sr souillr de san(p à arlirrrr sans dis-
rassio/i .
La ruine des foi/rrs où, m pirnir pair, .I/vn Fiévreux
Irappr un /rrrr ; sur lui alors ^ ait! ?ious lionf/issoîts
I/OnESTIE
^/, si pîfissff/t/ t/f/'il soif^ Irhinf/nns dans nu sniK/
noiivcdH .
Large Lcs (jloirrs hinnainrs (jtii sêlrvcnt h/ijtosfinlL's
jusqu'à ti'lhcr fondent et disparaissent linmiliées
sons la teirc,^ (jnand contre elles s élancent nos voiles
noirs et les maléfices de nos pas dansants.
Fiévreux Oi/z, 771011 jAcd hondit et ^ si loin ([ue soit le c(m-
pable^ lourdement sur lui retombe ; et ses pas fur/i tifs
vacillent sous le lourd fardeau de vengeance.
Large // cst déjà tombé et ne s'en doute pas dans le délire
qui le perd : sa souillure vole autour de lui et met
la nuit sur ses yeux. Mais la rumeur gémissante
conte qu'une brume sombre enveloppe la maison.
Fiévreux Oui, mon pied bondit et^ si loin que soit le cou-
pable, lourdement sur lui retombe ; et ses pas fugitifs
vacillent sous le lourd fardeau de vengeance.
Plus vif Le courroux adroit et tenace, la mémoire fidèle
aux crimes., terrible, inexorable aux mortels, sans
que nid m'en rende hommage, je fais honneur au
rôle sans honneur ciue je remplis loin des dieux,
dans un désert sans soleil, inaccessible aux pas des
vivants et des morts.
Quel mortel peut donc entendre sans tremblement
ni respect les lois à moi fixées par laParque et rati-
fiées par les dieux? Je garde un apanage antique
et ne suis pas de celles qu'on dédaigne, bien que
ma place soit sous terre, dans une nuit close au
soleil.
LES El'MriNIDKS (391-426)
ATllÉNA
App;ir;iiss.int suiid.iin, ilcbout ;iuprés de s.i statue.
j'ai (le loin entendu l'appel dune v(jix : sur les
liords du Scaniandre, je ])renais possession du
pa\s (pie les rois et ehefs de la (frèce nTont allri-
bu('' (N)nnne une riehe part du butin de leur lance,
et dont le sol désormais est à moi, j:)résent ré-
ser\é aux lils de Thésée. C'est de là ([ue j'ai porté
ici mes pas infatigables, laissant l'és^ide, à défaut
d'ailes, frémir au vent sur ma ])oitrine, ra])ide
comme un ehar attelé de fortes cavales, lu main-
tenant, en voyant cette troupe nouvelle en ce
pavs, mon e(eur ne tremble pas, mais mon rei^'ard
s'étonne. Oui donc êtes-xous? je m'adresse à tous
également ; à toi, l'étranger ])rosterné aux ])ieds
de mon image; à \()us aussi, ear xous ne ressem-
blez à nulle créature : les dieux jamais ne vous
ont \ lies au milieu des déesses et vous n'avez rien
de l'aspect des mortelles. Mais, parce qu'on est
soi-même sans défaut, insulter son prochain est
acte d'injustice, éloigné d'écpiité.
LE COnvi'UKE
Tu sauras tout en peu de mots, fille de Zeus.
Nous sommes les tristes enfants de la Xuit. Dans
les demeures souterraines, on nous nomme les
Imprécations.
i;()i{i:sTii-:
atiii^:na
P>icn ! je sais Aotre race et le ddhi (ju'on \'ous
donne.
LE COUYPIIÉE
Apprends donc maintenant ma no];le missir)n.
ATIIÉNA
Soit, si tu veux du moins parler un clair lan-
gage.
LE CORYPHÉE
C'est nous qui de son toit chassons le meurtrier.
ATHÉNA
Et, pour lui, où s'arrête votre longue poursuite?
LE CORYPHÉE
Au royaume où la joie n'a jamais habité. '
ATHÉiNA
Ainsi cet homme fuit devant tes cris sauvages ?
LE CORYPUÉE
Oui, car il a osé immoler une mère.
ATHÉNA
Sans y être contraint par quelque loi terrible?
LES EUMKNIDKS (427-401)
LE CUUVIMIÉL
Oucl aijuj'uillon puissant excuse un parricide?
ATIIKNA
Je vois là deux ])artics, mais n'entends ([u'une
voix.
m: coini'iiKE
Ni ])()ur nous ni ])our lui, il ne veut de serment.
ATIIÉ.NA
'i'u \-eux ]iasser ])our juste cl non l'être en cff(4.
LL coiiYriiÉi:
Comment donc? Tnstruis-moi : tu es riche en
sagesse.
ATIIÉN A
L(*s serments n(^ font pas triom])her Tinjustiee.
m: Cor.MMIKK
l*'ais ton empiète alors ci juge sans délais.
ATHLiNA
\'ous me remette/ dom^ hi décision suprême?
LE CORVl'HÉE
(^ui, i^our te rendre ainsi l'hommaiife (pii t'est dû
L'OHESTIE
ATHÉNA
(Jue peux-tu à cela répondre, étranger ? Ois-ni'
ton pays, ta race, tes malheurs; puis réfute t'
accusatrices, si vraiment tu as eu foi dans la jus-
tice quand tu es tombé à genoux près de mou
foyer, embrassant mon image, suppliant respecté
comme fut Ixion. A tous ces points d'abord,
donne réponse claire.
ORESTE
Souveraine Athéna, je t'allégerai d'abord du
lourd souci qu'ont trahi tes derniers mots. Je ne
suis point un être impur; ce ne sont point de-
mains souillées qui embrassent ton image. Je t'en
fournirai l'irréfutable preuve. La loi ne défend au
meurtrier d'élever la voix que jusqu'au jour où. par
les soins d'un purificateur du sang répandu, le
sang d'une jeune bête égorgée a coulé sur lui; et
il y a longtemps déjà que j'ai usé ma souilluri
au contact d'autres foyers et sur tous les chemin-
de la terre et des mers. Écarte ce souci, te dis-je.
Pour ma naissance, connais-la sans tarder. Je
suis Argien, et mon père t'est bien connu, Aga-
memnon, qui arma la flotte des Grecs et t'aid
toi-même à faire une cité de ruines de la cite
troyenne. Il a péri, ce roi, et d'une mort indigne,
quand il revint à son fo3'er. ^la mère aux noir^
desseins Ta tué, l'enserrant dans un riche filet qui
reste garant du crime accompli dans le bain. Et
LES FX'MKMDKS (402-519)
moi, lonjT^tenips cxilù, rentrant enfin dans ma j)a-
irie, j'ai tué ma mère — je ne le nierai j)as — j)our
qu'un meurtre payât le meurtre de mon père
adoré. Mais, de ma conduite, Loxias est respon-
sable aussi, dont les oracdes, aiguillons de mon
âme, ne me prédisaient (jue douleurs, si je n'exé-
cutais tous SCS ordres eontre les roupal^les. Ai-je eu
tort ou raison? A toi d'en décider : je suis en ta
puissance; quoi ([u'il tasse de moi, j'accepte ton
arrêt .
ATHKNA
Si l'on troiix'c la (\'uise trop i^Tav'e pour ([uc des
mortels en décident, il n'est ])as da\aiitag'c i)ermis
à la déesse de juger les colères trop jiromptes qui
se font justice dans le sang. Je dois surtout me
souvenir cpie tu es venu à moi en su]i])liant, puri-
fié selon les rites, sans souillure ])(''ri lieuse pour
ce sanctuaire, et, ma cité n'aviint i)as davantage de
reproches à te faire, je n'ai ])our toi (pie respect.
^\ais ces déesses aussi gardent un ])rivilège cjui ne
M' peut dédaigneusement écarter, et, si elles
n'obtiennent pas une triomphante» victoire, sur le
sol de ce pays s'abattra le trait tle leur colère, une
intolérable et douloureuse épidémie. J'en suis
onc là : (|ue je les accueille ou les repousse, les
eux me réservent d'indicibles dangers. Mais,
uisque ce destin est tombé sur Athènes, j'établi-
rai ici des juges criminels, respectueux des ser-
ments, et leur tribunal restera fondé pour l'éter-
i;OMKSTlK
nih'. Pour \()us, faites appel aux lémoij^'naj^cs c
aux ])reuve.s, ainsi qu'aux serments, auxiliaires (K
la justice. Je reviendrai lorsfjue j'aurai rhoisi le-
meilleurs de ma ville, p(jur qu'ils jugent selon la
justice, sans transgresser leurs serments dun
cœur oublieux d'équité.
Elle sort par la droite. Orestese relève, et debout. ininiol-'ilL
rcgarde fièrement les Furies.
LE CHŒUR
Décide De nouvelles lois von/ honlcverscr le monde. >/
un jugement fait tviomplwr la cause de ee parricide.
Ce bel arrêt va désormais faciliter le crime au.r
hommes et, par la main des fils, dislrihner aux jti-res
de véritables et multiples blessures, dans les jours <p>i
viendront.
Mon courroux furieux qui surveillait les hommes
ne poursuivra donc plus les auteurs de ces crimes, .h
laisserai tout meurtre impuni. Chacun alors, sr
lamentant sur le mal que lui fait un fils, ira deman-
dant un remède, un soulagement incertain à sa peine,
(i (r au très malheureux impuissants à le conseiller.
Que personne n'aille maintenant, fapjpé par le
malheur, nous invoquer en s'écriant : « 0 Justice !
0 trafics des Erinqcs .' )) Ces mots gémissants, biento
vont les gémir un père ou une mère dans ch
douleurs nouvelles^ car la Justice voit crouler sa
demeure.
Il est des cas où la crainte est utile et doit, vigi-
I. Ks K i: M i: M I ) p: s ( :;-20-:;7î>)
lnnl(\ tvnnn' <m /nn<l des nriiis. Il rsf hnn (Tdjï-
jnriulrc l(L s(i(/rssr m (/rNiissa/if. (Jin dniic, ninriri
iiu cili', s il nr rrdouldit ijuchinr hu ih/iiih\ rrsiict -
h'i'dil nu (H'c 1(1 .hi'i/n r?
Nf consens, à rirrc ni sn/is liti< iti sv/y/v lihrrfr. Ld Pl^s soutenu
I ï)iriinh'\ (iillrnrs clunu/ranlc m srs (h'sscins^ n miilii
(lu mnins ij lie iKirtimt f nnniiihdf In iiic^nrc . Le t'icn.r
dulnii est d' (i(( i)rd arec moi : « S/ dr r///>/u(''f('\
I finsole/icc es/ la /illc, de lu samc r(us(ui luil/ le Ixut-
hcnr (UiiK' (in'dppvllcnl /ufs jirn'rrs. »
Je h' le dis, et sans /'('scrrr ; ri'sjx'C/c Fdiifcl de la
I Jusliir ri ne cd jids, jtoiir nd(dn((r (/din. F (U(lrd(/('i\
Ir ri'nfcrsrr sons tes jiu'(U inijncs. Le rlidl nncnl lod-
[ jours nrndi'd : fiK'hn hddc rcsic le (h'nni'inii'nl . Suis
fidl'lr dd rcsjH'ct dt/ d /rs iiurcnls. (dtsrrrc à htit
fof/rr les lois hospilaln-rcs.
Vrst dinst t^dc Ihindnic ijdty sdiis cnntrdinlr , d sa Plus animé
être jdsf(\ ne peut Kjnuvrr le Innihcdr : jdiudis il nr
doit /KTi/' tndi rnlirr. Mdis Ir ( odjKtldc (i Iduthu r
r(d)rU(\ (jin srst rhanjr dKn hiif m jtrir-nn'lc dnidss('-
par ld vnjlrncr et cmi/rr la jdstnr, snnihrcrd un
jour, j en rrjionds, (jinutd lu rmldrr en r/iud srniird
fanfcnnc bris(''r.
\l diqirllr rt nul itr r('(nii(r dans rirr(''sis/ildr Inn-
pêlr : ld Ihrinilf rt/ dr T insolent , (jni a dr^ndiillr sa
fierti'\ itnr fins rn nr(dc () dindn ihirs donlriirs
et dvj(i recouvert des flots. Sa haujur j/msj/rriié
il
i;(»i;i,-rii. ^
vsl venue enjin lieurh'r I éeneil de la Jnsliee cl, sans
(jiie nul 1(1 il file lire, le roi là niori . nnénnfi .
Athéna rentre par la droite. Derrière elle un héraut introduit
douze juges. La foule se presse autour d'eux. Les juges vont
s'asseoir. Athéna reste debout au milieu deux.jLe Chœur se
retire sur un des côtés de l'orchestre ; Oreste se place en face
de lui.
ATHÉNA
Héraut, fais ton office : écarte la foule, et (jue
la trompette perçante d'Étrurie, sous le souffle
humain qui Vemplit, fasse aux oreilles du peuple
éclater sa voix aiguë. Il convient, tandis que ce
Conseil s'assemble, que le silence règne et que
toute la ville sache quel tribunal j'établis ici pour
l'éternité... afin de clore ce débat par un juste
arrêt.
Apollon se montre soudain à côté d'Oreste.
LE CORYPHÉE
Apollon souverain, règne en ton royaume. Qu'as-
tu à voir dans cette cause ?
APOLLON
Je viens pour témoigner en faveur de cet
homme — car, suppliant de ma demeure, il vint;
au fond de mon sanctuaire, s'agenouiller à mon
foyer, où moi-même je purifiai ses mains sanglantes
— et pour plaider notre cause. Je suis responsable
LES EUMÉMHES (580-600)
(lu sanj^' (le sa mère. (A Athéna.) Toi, introduis la
cause, et, sui\ani ta sagesse, décide en ce débat.
Athciui se tourne vers les Furies.
ATIIKNA
l.a j)ar()le est à vous : c'est ainsi (juc jintro-
(luis la cause. C'est l'accusateur (jui, ])arlant le
premier et a\anl tout débat, peut sans doute le
mieux nous instruire des faits.
PRKMIEH CHOUELTE
vSi nous sommes nombreuses, nous saurons ])ar-
ler bref : à chacune à son tour réponds donc
])oint pour ])oint.
DEUXIÈME CHOREl TE
Kt d'abord, dis-le-moi, n'as-tu pas tué ta mère?
OR ESTE
Je l'ai tuée, cela, je ne le nierai point.
TROISIÈME CHOREL'TE
vSur trois manches, en voici une déjà gagnée.
ORESTE
Je ne suis pas à terre : ne te vante donc pas !
QUATRIÈME CHOREUTE
11 te faut dire aussi comment tu Tas tuée.
L'ORESTIE
OIIKSTE
Mon Ijras, armé du fer, lui a tranché la ^orge.
CINQUIÈMr-: CHOREUTE
Mais qui donc te guidait? Quels conseils sui-
vais-tu ?
ORKSTE
Les oracles du dieu qui témoigne pour moi.
SIXIÈME CHOREUTE
C'est le devin qui t'a dicté le parricide ?
ORESTE
Je n'ai point encore eu à regretter mes actes.
SEPTIÈME CHOREUTE
Frappé d'un juste arrêt, tu changeras d'avis.
ORESTE
Mon père, en qui j"ai foi, m'enverra son secours.
HUITIÈME CHOREUTE
Mets ta foi dans les morts : par toi mourut ta
mère !
ORESTE
Elle s'était souillée de deux crimes ensemble.
LFS FUMÉNIDFS (001-633)
NEUVIKMK CIIOUEL IK
Et comment ? Instruis ceux qui te doivent ju^er.
OHKSTK
Kn tuant un époux elle tuait mon père.
DIXIÈ.MK (UIORKrTK
Oui, mais tu vis : la mort, elle, Ta libérée.
OKESTK
Mais, tant ([u'cUe vécut, Tas-iu donc ])()ursuivie?
O^ZIÏ^.Ml: CIIOIIELTK
Non, (\ir cll(^ n'était pas du san^' de sa victime.
ORESTK
I"li ((uoi? serais-je donc, moi, du sang de ma
mère ?
DOLZlIvME CHOHEITE
Et comment donc t'a-t-elle nourri sous sa ceinture,
meurtrier? Renies-tu le doux sang* d'une mère?
OKESTF
A toi de témoigner. Dis-le-moi, Apollon : l'ai-je
tuée justement? L'acte accompli, je ne le nie
jpas. Mais fut-il juste ou criminel ? qu'en semble à
I/DHFSTIF
ton esprit? Prononce ta sentence, pour (inc jo leur !
réponde.
APOLLON
!
Devant vous, puissant tribunal fondé par Athéna, i
me voici prêt à parler. Je suis prophète et ne sau- i
rais mentir. Du haut du trône fatidique, je n'ai j
jamais rendu d'oracle sur homme ou femme ou cité ;
que ne m'eût dicté Zeus lui-même, père des dieux
Olympiens. Je vous le dis: — songez au poids de
l'argument — suivez les ordres de mon père; plus
que la foi jurée même oblige la volonté de Zeus.
LE CORYPHÉE
Zeus, à t'entendre, t'a fait transmettre à Oreste
l'ordre prophétique, pour venger un père, de ne
rien accorder au respect d'une mère?
APOLLON
Oui, car plus grave encore est le meurtre d'un
homme qu'entourent les respects dus au sceptre,
don de Zeus; et cela, quand la meurtrière est une
femme, qui n'a pas lancé de loin sur lui la flèche
guerrière de l'Amazone, mais l'a frappé de la
façon que vous allez apprendre, Pallas, et vous
tous qui siégez ici pour décider en ce débat. — Il ren-
trait de la guerre, ayant presque partout rencontré
le succès ; elle l'accueillit avec des mots d'amour,
le conduisit au bain, puis, comme il sortait de la
I
tLKS Kl'MKMDKS r,:i4-(n:i)
ai^noire, déployant sur lui un \()ile. elle frapp(*
l'époux pris au filet sans issue du r'whc vêtement.
Telle fut la mort du Ik'tos jxirtout respecté, du
roi des flottes j^recques. Je l'ai rappelée pour
(|u'un forfait pareil indignât les hommes d(»vant
nous assis pour juj^'er cette cause.
Lt: COKVIMIÉK
Zeus, si l'on t'écoute, a grand souci des ])èr(vs.
Mais lui-même enchaîna son vieux père Kronos.
«Omment accordes-tu ceci avec cela? — Vous, je
\()us en prie, ])rêtez-nous bien l'oreille.
M'OI.I.ON
O monstres haïs de la nature entière, abominables
i aux dieux, des entraves se peuvent délier ; il y a
remède à leur violence, et mille expédients savent
ien dégager. Mais, (piand la poussière une foisa bu
le sang d'un homme, il n'est plus })ourlui de résur-
rection. .Mon j)ère n'a ])oint à ce mal cré('' de
'■emèdes magiques, bien (ju'il puisse, sans efforts
haletants, tout régler selon son caprice.
LE CORYPHÉE
\'ois donc comme tu soutiens son innocence! l)u
I sang, n'en a-t-il pas répandu sur le sol, et le sang
d'une mère, celui (|ui loule dans ses veines? Va il
habiterait ensuite à Argos, au ])alais paternel! A
c[uels autels publics sacrihera-t-il donc ? Ouelle
I/OIJFSTIE
})liralriL' lui i)ermettra de purifier ses mains à son
eau lustrale?
AI'OLLON
A cela encore je saurai répondre, et vois la jus-
tesse de mon raisonnement. Ce n'est point la mère
qui enfante celui qu'on nomme son enfant. Elle
n'est que la nourrice du germe en elle semé. Celui
qui enfante, c'est l'homme qui la féconde. Elle,
comme une étrangère, garde la jeune pousse étran-
gère — quand les dieux, du moins, le lui per-
mettent. Et de cela, je te donnerai pour preuve
qu'on peut être père sans l'aide d'une mère. En
voici près de nous un garant, l'enfant de Zeus Olym-
pien, qui n'a point été nourrie dans la nuit du sein
maternel, vigoureux arbuste pourtant, tel que nul
dieu n'en saurait enfanter de plus beau. Pour moi,
Pallas, ma sagesse saura d'ailleurs faire grands ton
peuple et ta ville. Mais j'ai dès cette heure guidé
ce suppliant au foyer de ton temple pour qu'éter-
nellement il te fût fidèle et que tu eusses des
alliés, déesse, en lui et en ses fils, et qu'à tout
jamais même fidélité te fût gardée encore par les
fils de ses fils.
Athéna se tourne vers les Furies.
ATHÉNA
Puis-je inviter maintenant chacun de ces juges
à porter dans l'urne, docile à sa conscience, un
suffrage équitable ? Avez-vous tout dit ?
LKS Kl.MKMlJKS (6Ui-114;
LE COHVFHÊK
Notre carquois à nous maintenant est xidr.
J'attends l'arrêt (jui va terminer \r drbat.
Alhcna se tourne du côté d'Apollon cl JOrcstc.
ATHÉNA
Kt vous? — Que dois-je faire })()ur r\iter v(js
blâmes ?
Apollon repond avec vivacité en s'adrcssant au tribunal :
APOLLON
Vous avez entendu ce que vous avez dû en-
tendre : en portant vos suffrages, gardez bien dans
vos cœurs le respect du serment, étrangers.
ATIIKNA
Kcoutez maintenant mes décrets, citoyens
d'Athènes, premiers juges du sang \ersé. Ce tri-
bunal restera fontlé à jamais. Conseil éternel du
peuple d'Kgée. Il siégera sur ce rocher où jadis
les Amazones s'établirent et })lantèrent leurs
tentes, (juand elles vinrent, en haine de Thésée,
coml)attre contre Athènes et dresser, en face de
sa citadelle, les remparts élevés d'une autre cita-
delle. KUes y sacrifièrent à Ares, et le rocher, le
mont tout entier ont conser\('' le nom du dieu.
C'est là que désormais le Respect et la Crainte,
I/ORKSTIE
sa sdMir, jour cl nuit rclicndronl les citoyens loin
de riniquité, pourvu qu'eux-mêmes ne corromy)ent
point la loi : qui trouble une source claire d'af-
fluents impurs et de fang'e, n'y doit plus trouver
de breuvage. Ni anarchie ni despotisme, c'est la
règle que je conseille à ma ville d'observer, de
respecter toujours. Que surtout elle ne bannisse
point la Crainte loin de ses murailles : s'il n'a rien
à redouter, quel mortel sait être juste? Si vous
révérez ainsi qu'il convient ce tribunal sacré, vous
aurez en lui un rempart tutélaire de \'Otre pays
et de votre ville, tel que nul autre peuple n'en
possède, ni en Scythie ni sur le sol de Pélops.
Incorruptible, vénérable, inflexible, telle sera
l'assemblée que j'établis ici pour garder, toujours
en éveil, la cité endormie. Voilà les conseils que
j'ai voulu, pour l'avenir, expressément donner à
mes citoyens. Maintenant, vous devez vous lever,
porter vos suffrages et rendre votre arrêt en res-
pectant votre serment. J'ai dit.
Les juges se lèvent et, lentement, se dirigent vers les urnes.
LE CORYPHÉE
Suivez mon conseil : songez avec crainte à la
lourde présence des Furies sur ce sol.
APOLLON
A mon tour, je vous dis : respectez les oracles
d'Apollon et de Zeus ; craignez de les rendre
stériles.
LES EUMÉNIDES (715-144)
LE CORYPHÉK
T.es causes de sanj^ sont-elles de ton lot, ])oiir
([uc tu en aies t(d souci? Tu ne rendras plus
(Toracdes d'une boucdic |)ur('.
APOLLON
Mon père même se serait donc lroni])('' en ses
desseins, en accueillant la j)ri('r(' (flxion, le pre-
mier meurtrier ?
LE CORYPHÉE
Des motsl wSi je n'obtiens pas s^ain de cause,
ce pays, en retour, sentira le ])oids de ma pré-
sence ici.
APOLLON
Dieux noux'eaux ou dieux anciens, nul n».' t'ho-
nore; c'est moi ((ui triompherai.
* LE CORYPHÉE
C'est ainsi que tu en agis au foyer de Phérès.
Tu persuatlas le;; Parcpies de rendn^ d(^s humains
immortels.
APOLLON
Ne doit-cm pas des bienfaits à qui xous h(>nore,
surtout à l'heure de sa détresse?
i;(M{KSTIE
Li: CDRYPHÉK
C'est toi qui déchiras ainsi les antiques partages,
en trompant par Tivresse d'anciennes divinités!
APOLLON
C'est toi qui bientôt, frustrée de ta victoire, ne
cracheras plus qu'un venin impuissant contre tes
ennemis
c »
LE CORYPHEE
Tu foules aux pieds, jeune dieu, notre vieillesse.
Soit ! J'attends encore la sentence et retiens j usque-
là mon courroux contre Athènes.
ATllÉNA
C'est à moi qu'il appartient de me prononcer la
dernière. Je joindrai mon suffrage à ceux qui
absolvent Oreste. Je n'ai point eu de mère pour
me mettre au monde. Mon cœur toujours — jus-
qu'à l'hymen du moins — est tout acquis à
l'homme : certes, je suis ici du côté du père. Peu
doit me toucher dès lors la mort d'une femme
qui avait tué l'époux, gardien de son foyer. Oreste
est donc vainqueur si les voix se partagent. Jetez
promptement les suffrages hors des urnes, juges
à qui est confié ce soin.
ORESTE
O Phœbos Apollon, que sera la sentence?
LES EUMÉNIDES (74ri-781.
LK COHVI'IIKK
O sombre Niiil. ma mère, vois-tu ce qui se
Il passe ?
ORFSTE
y\v faudra-t-il me pendre ou \()ir encore le jour ?
L1-: COHVPMKK
Devrons-nous disj)araitre ou i^arder nos lion-
i neurs ?
APOLLON
Comptez bien les suffraj^es (jui tombent de
l'urne, étrangers. Respectez la justice en dépouil-
lant les votes. Une voix de moins fait naître une
profonde infortune, une voix de plus relève une
maison qui croule.
ATHKNA
Cet homme est absous du crime de meurtre : le
nombre des \-oix des deux j)arts est éj^'al.
OKESTE
O Pallas, qui viens de sauver ma maison : j'avais
perdu la terre paternelle et tu me l'as rendue. Kt
l'on dira dans la (îrèce : Le voici de nouveau
( itoyen d'Ari^os, maître des biens de ses ancêtres,
grâce à Pallas, à Loxias, à l'arbitre suprême enfin,
i;nnr>TiK
au (lien Saux'ciir, (|ni a eu ri^ard au irifurtrc dun
père et, voyant celles-ci plaider pt^ur ma mère, me
sauve de la mort, lu moi, rentrant à mon foyer,
j'en fais serment à cette terre et à ton peupht,
])()ur Tavcnir, ])our la durée sans fin des jours :
jamais un roi placé au gouvernail d'Argos ne
portera contre ce pays des armes réservées au
triomphe. Car moi-même alors, du fond de mon
tombeau, à ce transgresseur de la foi que je t'ai
jurée, je susciterai d'inextricables revers, découra-
geant sa marche, plaçant sur son chemin des pré-
sages de deuil, afin qu'il se repente de son entre-
prise. Mais à ceux qui, gardant le respect de mes
serments, ne cesseront de rendre à la ville de
Pallas l'hommage d'une lance alliée, à ceux-là je
réserverai ma bienveillance. Adieu donc, déesse,
adieu, peuple d'Athènes, puissent tes combats,
fermant toute retraite à tes ennemis, sauver ta
cité et glorifier tes armes !
Il sort. Apollon a disparu dès que la sentence a été proclamée.
La nuit tombe, — Le Chœur, qui est resté immobile et comme
accablé, se réveille tout à coup.
LE CHŒUR
Animé Ah! jcunes dieiix^ su?' vos coio'siers triomphaiits
vous piétinez les lois antiques par vous arrachées à
mes mains. Soit! ^infortunée qu'on humilie fera
sentir à cette terre son pesant courroux. Ah! je
vous paierai en douleurs, en répandant sur ce sol le
LES F.rMl^NinF.S ris-2-8:i6)
rr/i/N. le rcnin dr iimn «n'iir ihmf ( lm<iin' </niitlr
nn/(r lu nnn't . Ai/isf /r iiinl rtmtjt'ur tjm snlir
la flrni' cl rrn/anf — ah! \r/n/r/in(r! \ r/t-
i/ra/Hc! — s^r lancera s///- cr imi/s rt laissera an
soi atliiini' jilus «l'a ne jilair incnrlrirrr. — [Kgité)
Pnar(/ai>i se lamenter? i^amnienl 'l'/fi' jilnh'tl?
Sof/iuts l(n/rflrs à celle et Ile. Ah l elles mil, helas !
snhi un cruel a/friuil, les Irisles filli's ilc la A////,
iliUihnireusenH'nl hunithres.
ATIIKN \
lM"()Ut('/.-ni()i : moins lourde xoiis soil xolrr jH'iiu*.
Vous n'a\('/ pas r{.('' xaincucs : un arrrl inilceis
seul est sorti de l'urne, ])our satisfaire la \(''rité,
non ])our xous outrager. D'écdatants ténioii»na|n'es
étaient \enus tle /eus. et (^olui-là même nous
les apportait cjui avait lui-même }:)rédit à Oreste
que de tels actes ne seraient point punis. Et vous
voulez déjà cracher sur ce pays votre lourde colère.
Réfléchissez, ne xous emj)ortez ])as, ne rendez pas
ce sol stérile en ri'pandant sur lui. de xos lèvres
dixines, une baxe rongeuse, sauvage dévoratrice
des germes. Je xous promets sans réserve un séjour,
un asile dans un sol consacré où, sur des trônes
datants, vous siégerez devant des foyers bas,
I environnées du respect de ce peuple.
m: ciKian
Ah ! jeunes (heur, stn- eus rntfrsiers trn>nijtlianls Animé
vvus piélinez les lots anlnjues jtar cous arrachées à
i;(Hu:sTiK
me^ iiKinis. Saill F m/ orlnurr (jn^oii liimiHic fera
sentira celle terre son pesant courroiu:. A/i ! je
vous jHiierai en donneurs en répandant sur ee sol le
venin, le venin de mon cœur, dont chaque (jovtle
porte la mort. Ainsi le mal ronr/enr qui sèche
la fleur et T enfant — ah! Venr/eance! Venqeanee!
— s'élancera snr ce pays et laissera au sol at-
tique plus d'une plaie meurtrière. — ( Agité j Pour-
quoi se lamenter? Comment agir plutôt? Soyons
lourdes à cette ville. Ah! elles ont, hélas! suhi un
cruel affront, les tristes filles de la Nuit douloureu-
sement humiliées.
ATHÉiNA
Vous n'êtes point humiliées: dans l'excès de
votre colère, ne vous en prenez pas, déesses, à des
hommes, ne rendez point la terre sourde aux appels
de leur travail. Moi aussi je suis forte, forte par
Zeus en qui j'ai foi, et — faut-il le dire? — seule
dans le ciel, je puis ouvrir la chambre où la foudre
dort scellée. jMais ici, point n'en est besoin. Sois
docile à ma prière et que tes lèvres en vain cour-
roux ne lancent pas sur ce sol une semence de sté-
rilité. Endors la fougue amère de ce noir flot de
haine, reçois ta part d'honneurs et viens vivre avec
moi. Sur ce sol populeux, désormais les prémices
de toutes les offrandes de naissance et d'h3^men te
seront réservées, et tu ne cesseras de louer mon
conseil.
LES ki:.mi:nii)Ks («:n-«y-i)
I
I
u: r.fHKCH
Moi, s(Ut//'rir cela, ah ! nkh , Funluinv (tresse, rirrr
sfttts 1(1 trrrc (iinsi <jt(im rire impur rt (Irthm/nr , ah!
Je nr rrsptrrtjtir ra/èrc, uhfutniiiihle rriufrunrr . llrhts!
Trrrr ri ciel! Ah! (jurllr dmilrnr, (iiirllr (hm/riir
jH'rrr mon flanc l Entends rapprl de innn ( (turroii.r^
iXa//, ') uni mère! Mes nnhtjurs haniinirs, des dtrnx
(nrr ruses //trrhanfrs me les oui rnris^ el tne r(H( i
rêduitr à rien !
ATIIKNA
Je te pardonnerai tes eolères, car tu as l'a^e
])()ur toi et, sur bien des ])()ints, plus tjue moi tu
es sage. Mais à moi aussi Zeus a donné de penser
sensément. Si vous allez vers d'autres terres, vous
regretterez cette cité, je vous le prédis; car le
temps, dans son cours rapide, accroîtra le renom
de ma \ille, et toi, éta])lie sur son sol glorieux,
iprès de la demeure dl^rechtée, tu recevras de
es chœurs d'hommes et de femmes un ( ulte que
e t'accorderait nul autre pays. Voilà doncce (juil
'est permis de tenir de ma main : bienfaits à
'épandre, bienfaits à recevoir, entourée du resj)ect
une terre j^ieuse entrt^ toutes.
Agité
LE CIKKl R
Moi, souffrir relu, uh! mm. lUnliijUe déesse ,virre
was la terre ainsi iju' un ètr*' impur et dêdaiyntK
12
Agité
I/OMF.STIE
(ih ! Jr fie rcsiiirr (juv r(tli'r(\ ini julnt/dhh' ri'iuicdiK c .
Ilr/as! Trrrc ri, (ici! A/t ! (jurllc (hmiciir. tjurllc
ilotilcur jK'rat mon jlaiicl Enlcmls rdjipi'l de mon
courroux^ Niiif, 6 ma mère ! Mt!s anlKjncs honm-ms^
(les (Il fier aux rasrs mrf /lanfrs //te les (t/if rm is. cl
me Vi/ici /-é du lie à /'le/il
AT H EN A
Je ne me lasserai point de te dire ton intérêt,
pour que tu ne puisses prétendre que ma jeune
divinité et les hommes de ma ville ont chassé sans
honneur et banni de ce sol une antique déesse. Si
tu sais respecter la Persuasion sainte qui donne à
ma parole sa magique douceur, tu resteras ici.
Mais, si tu t'y refuses, tu serais injuste en laissant
tomber sur cette terre ton courroux vengeur qui
blesserait mon peuple, alors qu'il t'est loisible de
jouir sans conteste de cette cité, éternellement
honorée d'elle.
LE CORYPHÉE
Souveraine Athéna, que sera mon asile ?
ATHÉNA
Exempt de toute peine : accepte-le. crois-moi.
LE CORYPHÉE
wSoit, je l'accepte donc : lors, quels honneurs
m'attendent?
il
\
LES EUMÉNIDES (89S.92fi)
ATllKiNA
Sans toi nulle maison ne pourra pnjspérer.
LR CDIIYIMIÉR
lu sauras m'assurcr un<* telle puissance ?
ATMKNA
Oui, en ne protégeant que ([ui l'honorera
l,E COHVIMIÉK
lu cet engagement vaut ])our réternité?
ATHÉNA
Ce qu'Athéna ])n)inet, elle sait le tenir.
LE CORYPHKK
Tu charmes mon courroux, je renonce à ma
haine.
ATHÉNA
Viens donc en ce pays te faire des fidèles.
r.E corvpuki:
Quels vœux m"ordonnes-iu de chanter sur ta
ville ?
ATHÉNA
Ceux qui appelleront un triomphe sans tache.
Qu'ils le demandent au ciel, à la terre, à l'onde
marine, et que les brises, sœurs des soleils pro-
II
i;oitKSTIK
pices, vi('nn(MU soufilcr sur ce jjays! (Jue la fécron-
dité du sol et des brebis ne se lasse pas d'enrichir
ma ville! Veille à la semence humaine, mais ar-
rache de terre la race des impies; car j'aime à
voir, comme un ])on jardinier, les justes croître
à Tabri de ri\ raie. Xe lance pas dans la cité que
j'aime ces aiguillons sanglants qui ravagent les
jeunes poitrines, et, sans vin, les affolent à Tégal
de l'ivresse. Ne t'empare pas des cœurs de ces
citoyens pour y installer la rage meurtrière qui
les anime, ainsi que des coqs, contre leur propre
sang et leur souffle une mutuelle audace. Que
seule éclate la guerre étrangère, déjà proche de
nous, où se révéleront de nobles ardeurs de
gloire, tandis que se tairont nos luttes d'oiseaux
de volière! Voilà les vœux qui te regardent.
Car, pour les combats sanglants où se conquiert
un vrai renom, moi-même veillerai à ce qu'ils
élèvent Athènes triomphante au-dessus des cités
des hommes.
LE CHŒUR
Décidé Oui, je veiix vivre avec Pallas et ne point dédai-
gner la ville dont Ares et Zeus totit-puissant font,
par leur 'présence , la citadelle des dieux, éclatant
rernpart des autels sacrés dans la Grèce. Sur elle
fépands mes vœux, mes oracles propices. Puissent
les moissons, noiaricières de vie, jaillir à flots du
sol à la lumière a\in soleil resplendissant !
I
LES KUMÉMDES 927-987)
ATHKNA
.r()l)t''is à rainoiir (pic j«» porte iï co peuple en
lixiint ici <l«* ^Pinidcs cl Icrribles déesses dnnl le
loi esl de (ont l'éj^ler elle/ les hommes, (^cliii (|iii
les l'eiicoiilre lioslilcs ;i s;i ruée esl soiidiiiii IVappé
sans savoir d on le coup esl venu.
C(^ sont les crimes des pères (|ui Iraîiictil le lils
devant les Mrinyos, cl uii trépas muet limuiole,
malui»' ses ci'is ailiers, à leur «oui-ioux rmieux.
\.K Clhl.l II
Q/tc /(tninis sixijjlr cinjh'slr ne ricimr jlrinr ros
(ir/trrs ! milà Ir rwn de nnm ( wtir. I\( (juc Idnlcnr
dim stth'il (irriK/hinl sr ri'SH/nr n ne fias jrtuu hir
ras f l'iiuhrn'sl Uur janims ne pcni'trr thms, I Aflniuc
Ir NHil ( riirl dnnl mrurrnt 1rs nims^nns ! Ij <jHr lu
trrrr /nz/jo/trs noiirrissr dr Ircondrs hrrhis, nirrrs dr
drti.r (K/ncdU.r an Irnijis jl.rr l (Jiir Iti rir/irssr m-
fanlrr jKir Ir s(d ri rrrr/rr jKir llrriiirs fdssr Inumrnr
Il lu ifriirrosilr dirnir!
Dôcidô
ATHIO.NA
Va\\
eud(V-vous, j;ardieu> dAtliènes, c«' qu'elji
décide pour vous? (irande esl la puissance de l'au-
guste Krinys près des dieux qui rèirnenl sous la
terre; et, chez les hommes, c'est elle encore «pii,
ouvertement et sans contrôle, donne aux nn^ les
L'ORESTIE
chants joyeux, aux autres une vie ternie par les
larm(»s.
LE CIKKLR
Plus soutenu X HaiifiU' (h- nui^ les inoris faKc/ieuscs ilr j ru h es
hommes. Accordez aux cicrgoi ciimahlcs de rinr
aux côtés (Vnn époux, soiwcratas arbitres, et cous,
déesses, filles de ma mère, Parcjues, saintes disfri-
butrices d'équité, (jni, dans toute maison et à toute
heure, savez faire sentir aux coupables le poids de
cotre commerce vengeur, 6 de toutes les divinités
les plus entourées de respect!
ATHÉNA
Mélodrame A entendre leurs vœux souverains si propices
à ma cité, j'ai la joie au cœur et je bénis la Per-
suasion dont les regards guidaient mes lèvres et
ma langue en face de leurs sauvages refus. Zeus,
dieu de la parole, a triomphé. Cette victoire rouvre
la lutte, une lutte éternelle de bienfaits entre nous.
Toujours
ass^ez large
LE CHŒUR
Et que jamais, dans cette ville, la Discorde insa-
tiable de crimes ne frémisse! Que la poussière abreu-
vée du sang noir des citoyens ne se paye pas, en sa
colère, du sang des meurtres vengeurs qui épuisent
les cités! Que tous entre eux n échangent que de
bons offices, remplis cVun mutuel amour et haïssant
d'un même cœur ! A bien des maux humains, V union
est le remède.
LES KUMKMDES (:i88-103:i]
ATHÉNA
Dira-t-on qu'elles se refusent à trouver la voie
«les souhaits propices? De ces visages etlrayauts, je
vois sortir [)our ce peuple (rininienses prospérités.
Si à leur aniour votre ainour répond par «Ir pieux
et éternels hommages, vous monlrere/ au monde
lin [xMiple, une cité vivant sans trouble dans la
droite justice.
Les prêtresses J'Athciia sortent du temple, hlles sont
suivies de porteurs de flambeaux et de victimes de sacrifices.
Li: ciukur
Afhru. nrrz hrurrux ail ))n/i('n des doux hrnis
(Ir la ric/i('ss(\ rt/rz hrnn'N.r, ( ihti/cns dWfhrnrs , rt^
assis aii.r ciUrs dr la Vii'itjr dr Znis^ mulrz-lin son
aniitiir^ iniifcz sa saijrssc. C/'/i./- f/iir Pallas ahritr
sous soH aile sont resjK'ctrs de /ras hu-iarnir .
ATIIÉNA
Adieu, vivez heureuses aussi, .le dois marcher
devant vous et vous moiilrer votre asile aux lueurs
sacrées de ce cortège. Aile/, avec ces victimes
saintes, descendez sous la terre : retenez ce (|ui
perdrait notre cité; envoyez-nous ce qui doit aider
à sa gloire.
lit vous, enfants d'Athènes, (ils de (Iranaos, gui-
dez les étrangères qui se fixent chez nous. Et que
i;(>Mi:sTir:
commenco, pour c(^ll(î ville, le rè^ne hioni'aisant
d'une volonl(; bienraisanle !
LI-: CIKKUR
Toujours vif AcHetf, vivcz keureux^ jft rrpète mon vœu^ vous
loîis qui jouissez d Athhias^ divinilés ou raorlcAs :
votre cité est celle de Pallas. Soyez fidèles à Nios-
pitalité que vous m avez offerte^ et vous ii aurez jkis
à vous plaindre de ce que vous apportera la vie.
ATHÉNA
J'applaudis au langage de vos vœux, et c'est
moi qui vous guiderai, à la clarté des torches
lumineuses, jusqu'aux grottes profondes où vous
allez descendre, avec ces prêtresses attachées à
mon image. Tel cortège est bien dû à la troupe
glorieuse qui va devenir l'œil vigilant du pays de
Thésée... Enfants avec leurs mères, vieilles
femmes formées en chœur, pour honorer les
déesses, enveloppez-vous de voiles empourprés —
tandis que jaillit la clarté du feu — afin que
leur séjour propice en cette terre se manifeste
désormais par des floraisons de héros.
Le cortège s'organise et, lentement, se met en marche.
LE CORTÈGE
Large Allez à votre demeure^ puissantes^ vénérées
déesses, enfants infécondes de la féconde Nuit. Un
cortège ami vous guide. — Que tous dans la cité se
recueillent.
LES EUMKNIOFS (1030-1041)
Pi'iH'frrz xnns la ti'irr, (hins les (jV()l tes nul Ujucs au
cous tnmcvrcz im mlfr (riunnttKK/cs cl d' (i/fraiulrs. —
Onr Ions dans la ci h' >>' riu Hcillmf .
Iln'iircilhmlcs cl pntpucs à rrllr Icrvc, rcncz,
aïKjUstcs (Iccsses, ri (/in\ sur roi ce couh\ F h lai tics
torches f/crorccs jmr le jeu réjouisse cos i/ri(.c. — i Au
peuple) Moinlrunut , (/nr rtts (C/s rcj>oii(lriil // nos
chnnis !
Clameur.
Les lilniliofts, dans cos (Ic/ncffrcs, janntis ne cpsse-
ronl (lèlce ccrsrcs par Ir pciijtlr de l*<dlas. Zens tjni
Coil loiil el In Varijur en tnil autst décidé — i Au peuple]
MauilciHinl , (juc C(ts rr/s réjiondrnl à nos rhnnis!
Clameur.
i
COMMENTAlliK IIYTIIMIUUE
I
AdAMKM.XO.N
Parodos, W)-257 :
Les ini(i})fstt's (\0-\0']) sont divisrs on ilcux |);u-tios rii^'ou-
rt'u>t'in<Mit r^'ules, Irailaiif tliacuno un tlirnic dlUV-roiit,
rarriitM' ou les vieillards.
lOt-l.'JO. Dacli/lcs. J'ai t'tabii mes divisions d'après Taiipa-
lilioii i\i^s (liiiimlx's, ijui seiiililriil iiitrndiiirc chaciue fois une
période nouvelle. J'ai, en outre, détach»' lu rlausnlr i(iiiilii(jn('
(If la sirophe et de l'anlistroplie avant l'içjav.ov).
h)0-l".)l. Trorhrcs.
l'.)2-2r»7. hnnht's. [)ans les i^rands »'nsenil>les lyiit|ues
de la tragédie, les idinlu's suce«'d«'nt souvent aux tiorhrrs,
tanilis que les trochccs ne succèdent jamais aux inmhrs.
l/ap|)arition des iambi'fi me s«'ml)le, dans ces cas-là, lorres-
pondr»' à une ar(r|»'rali(Ui du mouvem»Mil.
1 ' stasimon, ;i(')7-4«7 :
l'iinlirs. Je n'ai pas juétr d'attention à l'apjiarition d'élé-
iU(Mits cliiniiiinhiijnt's et (jlj/coHii^nes : leur ryllime était eer-
tainein<Mit i<mil)i<im'. J'ai sim|ilement détaché la lirriodc nh/-
ronniin' (jui teiinine toutt-s les strophes et fait l'unité
rythmi(iue du morceau, il rst à remanjuer (jue, pour 1»'
sens même, elle se détache toujours d»'s membres pré-
cédents.
Il
COMMENTAI RE RYTHMIQUE
2' stasimon, OSI-^Hl :
'rroc/irfs, f/h/coiiiijui's^ ion/i/ucs, lot/ncdrs, idmhrs : lY;If*ment
rylhiiiiquc csl. toujours à trois t^^mps. J'ai sfMilement souli-
gna, clans la strophe et clans Tantistroplie 3, rapf)arition des
ioniques (jui sernMent df'îlacliés forloinonf, iriêrne jiar le
sens, des vers précédents.
3' stasimon, OTIJ-lOMi :
L(; ryLliine est nettement tror/ifiique, mêl«'; seulement de
quelcjues anapcstcfi et dactyles. Dans la strophe et dans Tan-
tistrophe 2, la réapparition des trochéea purs après des
membres anapestiques, daclyliqiics et lofjaédique.s, semble
marquer un commencement de période, que le texte poétique
souligne aussi par une forte ponctuation. J'ai donc détaché
cette seconde partie de la strophe de la première.
Commos, 1072-1177 :
Les dochmiaques sont mélangés de tri mètres iambiquefi,
probablement chantés, mais qui, au moins à la fin d'une
strophe dochmiaqiie, semblent vouloir souligner par un
rythme plus net l'effrayante précision des prophéties de
Cassandre. Je les ai donc détachés et rythmés.
Commos, 1448-1570 :
Lofjaèdes, ïambes, trochées : le rythme dans son ensemble
paraît être à trois temps. Mais il se précise à mesure que la
pensée s'éclaircit, et il est purement iambique dans la der-
nière strophe, où le chœur résume avec une implacable logique
la situation faite par un premier crime à la race entière des
Atrides. Le rythme va donc, dans tout le commos, s' accélérant
et se précisant peu à peu.
Les strophes a et 6 (1459 sqq.; 1494 sqq.) sont profondé-
ment altérées. Le rythme semble logaédique. En tout cas, les
dactyles qui commencent la strophe a, les longues qui com-
mencent la strophe b, suffisent à nous faire supposer un
ralentissement du mouvement, une sorte de réponse lasse
et assourdie des choreutes aux anapestes de leur Coryphée.
AdAMKMNON
.Ir liai pas fait |»ii'M-t''»l<i- la di-i iiirif sct'-nc HiVH-lfiT.'l,
tétramùtres trochaiques) de l'iiulication de Mélodrame, cominf
je l'ai fait pour les |)arties aiiapestiiiues. II n'est pas prouv»''
(juc la 7■.^oxv.^.''x\(rr/^ fût employ»';»' pour de longues scènes en
tctranu'trcs connue il y en a chez Eschyle rt dans les d«M'-
nières |)ièces d'F]uri[)ide. Ces scènes sont souvent les plus
vives, les plus dramatiques de la tragédie. Dès lors, (juand
in^^rne elles auraient été jouées avec un accompagnement ins-
liunn'ntal, il serait hien inviaiseinhlahle de leur attrihu» r
ieuir'ine débit qu'aux systèmes aitd/testiques dont le caractère
est ti)ut dinérent.
LES CIIOEPFIOHES
Parodos, 22-83 :
Hylhme iambique presque pur.
Thrène, 152-162 :
DochmtaqueH mêlés de quelques iamhea.
Commos, 306-475 :
Dans la première partie {mésodiquc), l'élément le plus fré-
quent est le (jlyconiquc; les autres éléments sont iamhujnca,
logacdiques et ioniques (la strophe 2 est en grande partie
ionique). L'ensemble n'a pas en soi un rfioc très caractérisé,
mais il en prend un, en s'opposant aux iambea purs des
deux autres parties du commos ( 423-455 et 456-475 i ; il est
évident que le lythme va s'accélérant et s'enfiévrant peu à
peu (comme dans le commos de VAgamemnon, 1448-1576).
Pourtant il semble qu'il y ait un léger ralentissement pour
Tunisson tlnal (466-475, logaèdcs).
1*^' stasimon, 585-652 :
Les deux premières strophes sont de rythme trochaïque
(à peu près pur). Les deux dernières sont des iambes
])urs. Le rythme suit la même progression que dans la parodos
de VAgamemnon (160-257).
LES rJIOÉPIIORES
Anapestes, 722-72U :
Les vrrs 71'.)-721 iii(li«|iniil chiirtMiient »jue I<"S suivants
sont |»rononcés par le Clwi'ur entier. Le système 722-729
est donc, une prière psalrnodii'c à l'unisson par tous h*s
clioreutes et, en raist)n nuMur de la laicté de ce mode de
récitation, l'eiïet devait en ôtre particulièrement saisissant.
2' stasimon, 1H:\-KM :
Le texte est très altér»'. l'ouï tant les sli()|)lit's sont nrllc-
ini'Ut trorhniqucs (la dernière est en Iroclurfi purs). Les
èç'j{ivia commencent Inus pai- des inniijin's (aux vers 800
et S()7, \niv — a probablement la nit'iiie valeni- rytlnniiiue
(|iie uu ).
3 stasimon, 9:LS-972 :
Durfimiaqttas mt^lés de (juebjues inmhr^;.
Anapestes, I(H)7-1U09 et 1018-1020 :
Il est im|»ossible d'y voir des si/stèmca anapesitiques oïdi-
niires récités pai" le seul (ioiypliée. Ce sont des anapestes
li/rùiucs.
i3
LES EUMÉNIDES
Parodos, 14;M77 :
îambo-dochmlaques.
Epiparodos, 255-275 :
lambo-dochmiaqiies,
1" stasimon, 321-396 :
La première strophe est trochaïque ; mais le mouvement
est retardé par de nombreuses tenues qui donnent ici au
rythme un caractère violent et heurté. La seconde et la
troisième sont dactyliques; la quatrième iambique. Tous les
içjtxvia sont péoniques. — Le rythme v'ujoureiix et arjresfiif
au début, alors que les Furies, invoquant la Nuit, reven-
diquent leurs droits sur Oreste, s élargit, quand elles rap-
pellent les décrets divins qui leur ont, de toute éternité,
fixé leur rôle de justicières, se précipite enfin quand, s'ani-
mant elles-mêmes au souvenir de leur puissance redoutée,
elles chantent Teffroi qui les isole des hommes et des dieux.
A chaque refrain, elles enveloppent leur victime d'une danse
sauvage.
2« stasimon, 490-565 :
La progression est à peu près la même que dans le stasi-
mon précédent. Les deux premières strophes sont trochaïques
(plaintes et menaces). Quelques dactyles se mêlent aux
LES EUMfiNIDKS
traclift's dans la lroisi«'iu(; (graves Icrons iiioraI«;.s). La <jua-
lii«'me sliopho est iambitiue (<'XtMnj)le «le litniuc frappr par
les dieux).
1" commos, 778-891 :
l.;i pieinièie .sli()|)li«' est d'abord iaïuhitiur : à la lin iiilci-
vitMincnt des él»'*rnents hacc/iiatiues t-l dochiiiitujues. Dans la
secoudi' strojdie, les dovlnnuuiucs domiiiciit. Allit'iia, Irrs
caliiir, rôpond en trimètrcs.
2 commos, '.M0-l(i2() :
(l'est un»' .sn''ne i1«î l'iM-oncilialion : rt)pj»osilion du fliant «*t
de la jtarole s'atténue. AtluMia réelle au son de la llùte; les
Krinyes chantent (strophes trorhah^ites ; quelques éléments
(l(i(l!/ti<iucs dans les deuxième et liciisième strophes).
Exodos, lo;{2-i047 :
hitrdjics (sauf le deiiiitr î^juv.ov, (|ui est formé d'un
/mniiiiuijue).
I
NOTKS
AGAMi:\L\ON
l. Mêv s'opposo à Ka* vJv du vors 8 ' j(ii hrnu implorer len
(licu.r... vir roici tniiJDins...
;». Kai, et noldiiniiriit , <.>^ns l'r«''(juonl du iii"l ; cf. Tnurnicr,
nrrtir dr nhiloloi/ir, [HH'A, p. I.'IO.
6. 'ICazpsnovTa:, ii-'inuiit : cl". Choi'p/i., '.\Y^('t.
12. NuxTÎTîXaYxto;, gia* /a/f errer la nuit: cf. 330 et Chorpli.,
î)2r), 751. I.o mot ost pxpliqin'' par les doux «''pitliMos (|ui
suivent: le Veilleur ne peut rester sur sa couche parce qu'ello
est svopoTo; et oveîpon; oùx in'.jzorouaivrj.
I i. 'lOarjv. Ainsi plac^ en rejet, le mot pourrait peul-tHre
sliinilier : couche qui n est iju'à moi^ dont fni le triste privilri/e.
Mais il est très probable (jue lar/; n'est, en réalit»', ijuune
l'aulr (lu copiste, entraînée par ejvrîv du vers précédent.
22. Nj/.to; est à dessein raj^proclir dr f.aésr.a'.ov. Cf. !i22.
6îi. Les batailles t|iii pii'ludent à la prise de Troie sont
tomparées aux sacrifices qu'on offre aux dieux avant une
grande entreprise pour en obtenir le succès (npoT£/.£'.ai : la
victoire s'achète des dieux |>ar des hécatombes humaines.
NOTES
lOi. Ln U'.xUt ne .s<;iiil»l«' p.is all«''ré : cf. Arislopliano, firm.y
1270. KpocTo; aVaiov sigiiilie \)(mi-HiG la puissance prophctùjw,
c'est-à-dire les présat/cs puissants, inf'aiUihlcs. (Veal une figure
(le style familière à Eschyle.
105. Le mot èxteÀj'ov doit s'entendre non au sen.^ moial,
mais au sens |)liysi(|U(: : i/nh-, viyoureux. Le Chœur pense à
lui-même ; il n'est plus è/.TcÀr;; et ne peut payer sa dette à la
patrie (cf. 72, àTÎtai), mais il peut du moins — et c'est là le
rôle qui lui convient le mieux (xjpio; e-ai) — chanter les pré-
sages qui accompagnèrent le départ des guerriers. Sa force
à lui (àXxâ), c'est l'autorité que son âge (tjijl^'jto; atoW) donne
à sa parole. Les mots [j.0A7:ày àX/.âv supposent une antithèse
dont le second membre n'est pas exprimé : force de mes
chants, qui a remplacé la force de mes membres.
120. Litt. : arrêtés dans leur dernière course. J'ai suivi l'inter-
prétation du scholiaste.
132. Litt. : le grand frein de Troie. Les mots aToaT'oOîv olV.ro
n'ont pas de sens, la conjecture ;ïapoi9ey olV.o^v n'est guère satis-
faisante, et la correction généralement admise oIV.to) ne suf-
fit pas à guérir le passage.
151. "ABaiTov, un sacrifice après lequel les restes de la
victime ne serviront pas à un banquet.
152. Où Ssiarjvopa. Le Sacrifice d'Iphigénie est personnifié
par le poète et devient le Vengeur : c'est lui qui frappe Aga-
memnon par la main de Glylemnestre.
163. J'ai pris quelque liberté avec un texte obscur. Le
mot rpoaE'xâaai semble amené par la formule Zsj; ojti; -ot'
èaTÎv. Si Zeus pouvait se comparer, s identifier avec d'autres
divinités, on pourrait l'invoquer sous des noms divers, il
serait -oÀj(Ôvj|j.oç comme d'autres divinités. Mais il n'en est
pas ainsi de Zeus, et, si tout vain souci doit être rejeté de f es-
prit, le poète affirme que celui-ci est vain entre tous qui
A(iAMKMNC)\
j'attacho à chorchor d'autres noms à Zens, car Zens n'a
l'autre é^al que lui-même. Il estasse/ picjuaiit de rap|iroclier
le ce passage un curieux fragment (lité par CJément
[d'Alexandrie, Stromates,\,l[S) dans leifuel Kschyle identifie,
LU contraire, Zeus avec l'Klher, la Terre, le (]iel et le Tout :
Zsû; £7Tiv a'Or,&, Zcj; oï yf;, ZeJ; ô' ojpivo;,
Ztj; TOI Ta navra yt!i':\. twvo' OrspTepov.
lt)G. 'l'jTrjTjixf.); me semMe signili<'r iri : /tour se conforincr
ta vêritéy exactement comme àXr/Jo);, Eumcn., 796.
18.")-i86. L'accent du Clneur est sarcaslitiue. — La phrase
est interrompue parla proj)osition eut' àrXoîa z.t.a. (|ui, apr«''s
untî longue parenthèse Tzvoa- o' (^ 102-1 '.)6;, est encore repiise
au vers \\)1 par èret 6£ x.t.X., si hien (jue l'ajxnlose que l'on
atlcnd : alors pourtnnt il sr révolta, est remplacée [)ar la j»io-
position llnale (202) : «oaTe /Oova /.. t. X.
220. Litt. : Un rcvirrmctit par suitr (hninct il n nnon nuiinlc-
nmit ((JL£-:£Y^''0 '^*' sentiments (Tune (Uidace prrte a Initt .
'l'.V). Il ne |)rut s'agif ici du siinn *!'' l'i j'Uiif lillr. Nous
n'en son) mes pas encore au moment on Iphigénie est frappi'-e,
mais à celui où elle va l'être, et cette strophe n'est pas un
rt'cit, mais un tahleau ; la vierge tout k l'henie était portée
;\ l'autel e/<rt7o/);j<'e de ses voiles; maintenant ve.s voiles smit
tondfcs et l'armée voit alors ses yeux (jui implorent la pitié et
sa bouche impuissante à parler.
2VI. Le texte giec dit seulement : .se j)rrsenlant comme dans
les peintures^ (c'est-à-dire^ voulant parler, sous-entendez :
(7 ne le pouraiit pas. La haduiljoii : « helle comme dans les
peintures », admise par tous les trailurlenrs, semide faire de
-^Ar.o-jix un é(]uivalent de su rrpinojii, ce qui n'e^t guère vrai-
semblable. L'idée de heauté est d'ailleurs étrangère an pas-
sage : la situation n'est pas la même qur dans lireuhe, où
Polyxène déchire sa robe et montre " sa beauté de statue >».
NorKS
Escliylf; no voit (mi l|)tii^'('*nie que des Icvrcs et des yeux <'*pou-
vaiit('!S et suppliants.
242. 'Enîî <i parfois en grec le môme sens emphaliquo rjue
le français alors que, après que. Cï. Pindare, Pijffi.., XI, .'{.3 :
l'/.fov /po'vf» xÀuTaï; Iv 'A(Ajy.Xai;,
(jLocvriv t' oXeaîE xôpav, ersî àrxjp' 'F^Xsva r-jp'jiOÉvt'ov
TpHKov eX-JTS oo'xo'j; a^poTatoc.
E^ cVs^ /mi, /e héros, /ils cVAtrée, qui, après avoir ruine pour
Hélène les maisons de Troie incendiée, vint ensuite périr dans
l'illustre Amyclées et entraîner dans sa perte la vierye prophé-
tcsit.c ! — Le mot, dans ce cas-là, implique une antithèse :
dans les vers de Pindare, entre la gloire guerrière d'Aga-
memnon et sa mort, indigne d'un soldat, à son propre foyer;
dans les vers d'Eschyle, entre les jours où les lèvres d"Iphi-
génie s'ouvraient pour chanter joyeusement son père et la
minute cruelle oii ces mêmes lèvres, fermées par un haillon,
ne peuvent même plus supplier.
251. Je n'ai pas pu rendre la familiarité du texte grec:
jusque-là, bonsoir!
254. Ajyaiç, la lumière de la réalité à venir : cf. 1182.
264. 'H -apo'.[j.'!a. Ce proverbe équivaut à notre dicton :
« Tel père, tel fils. » Nous n'en connaissons point la formule
grecque, mais l'idée s'en retrouve ailleurs chez Eschyle :
voyez, par exemple, 760 et 771. Le jour doit être sjavvcÀoç j
parce qu'il naît d'une mère eù^po'vr,. '
276. "A;:xepoç, mot obscur que le scholiaste interprète par
[(jôr.'zpoç, y.o-j^r\.
304. 0£a[xàv... -upôç, litt. : la loi du feu, c'est-à-dire le signal
de feu convenu.
i
Ai.AMKMNON
314. \a' vjiirujucui', aux l^aiiipadodroiiiics, riait natiiicl-
lemont 1»* fn-finin- aiiivô ; mais il «Hait Iiii-rn«Mii»,' le (Irmirr
|o sa tribu à porter la toiclu' : il arrivait donc au but à la ft»is
Vrinirv ri (Icrnirr. — (i'csl la plus satisfaisautt' (1rs ««xplica-
licMis proposées pour ce vrrs obscur. CA'. l'oucirt, lin ur dr
V/iilolixfir, [H\)\}.
3i:'».Tix|iap. Clyteuiuestre repieml le nn»! du Cory|)bée, 272.
A'.W . \a' texte des uiauuscrits parle du rr/ttis du utufin des
lerriers (àptatoi'j'.v, avec a lon^l. Mjiis le luid Te-, ajout»' |tar
eil, fait de àpiaioiaiv (avec a bref) un adjectif. La coriection
pend d'ailleurs [)lus coinprébensible le grnitif ^)v.
347. Le texte d«'s manuscrits est \i^M6 : la conjecture zr,
iTeû/oi pour (xf, Tvi/oi nr l'améliore guère.
3;iO. Le vers est à double rulriitc. J'ai cber» hr- àjustilier
[par ma traduclicui le tt|v des manuscrits. La coriection Trjvoe
fausse et alTaiblil le sens.
356. Wilamowil/ rnt»'nd /.Teârsipa, (jiti /h>ssi'd<\ et ixcyâXfDV
Ixôajxfov, les s/)/ntdciirs dr lu nuit rtoUrc. Mais ce sont là des
lidées étrangères au thrmc h/ri(jur du passage. Il fmtt donnei-
x'ii'i'.yr le sens de cnuifucninfr.
307. Lin. : Us (lesTroyens)/v//'7';j/ rf/;r ç«r c'rs/ hi un roup
Ir Zens : il Irur est rritcs facile d'rii suirrc la pisir Jusi/u'aii
ioint dr départ: ils ont ètv traites ronnnc [Zctts] en avait dc-
*idc.
374-37!). Les mots n'ont au< un >>t'ns. mais l'idée uénérale se
laisse entrevoir.
383. Le texte des manuscrits est très obscur et certaine-
lent altéré. J'ai cru voir dans le texte une alliance d»»
lots, comme Escbyle les aime, entre |3'.àTa'. et ri'.Oc». Le
)ropre de cette pcr.s»/^.s/o/j étrange, c'est d'agir parla îio/rwc/*,
î'est-à-dire par le contraire même df la persuasion. Lu-
NOTES
tondez (|uo IV;^,irornont envoy»* par les dieux, Al*'*, se pré-
sente sous des defiors peisuasifs '^ici eeux de lamoui) et,
en réalité, s'empaie de vive foice du co'ur de l'homme, (pielle
dirige ensuite à son gré comme un tyran. J'.ii fnten'ln |»ar
suite le mot7:po^>rjÀo:, malgré Tusage, mais d'après l'étymolo-
gie : .se Hiibsliluant à la volonti'. Mais je reconnais (jue ce sens
est fort incertain, et le mot lui-même est d'ailleurs conjec-
tural : les manuscrits ont roooojÀona-ç, qui n"a point de sens
connu et qui fausse le mètre.
390-395. Il s'agit de Paris qui, pour satisfaire un caprice
amour^eux, a perdu sa cité.
412-413. Le sens de ces deux vers altérés ne se laisse
même pas deviner avec quelque vraisemblance.
416. E'j[j.op©ojv xoÀoaaôJv. Il s'agit des statues d'Hélène. Klles
ont bien la beauté du modèle, mais leurs yeux de pierre
n'ont pas le charme amoureux des rer/ards vivants.
437. Le texte dit, littéralement : Ares, chan'jcnr d'or de
cadavres, c'est-à-dire : changeur d'or d'un nouveau genre,
qui est, en réalité, un changeur de cadavres. C'est une figure
de style dont Eschyle use et abuse. Citer ici, comme le fait
Blaydes, Priam rachetant le corps d'Hector suppose un con-
tre-sens : Ares qui rend les cadavres contre une ramon d'or.
444. EjÔétou;, sch. : vjoxi-xy.-oj;. — Cf. Corneille, /a Mort (!<■
Pompée, II, 2 : « Dans quelque urne chétive en ramasser la
cendre. »
454. Eschyle oppose les guerriers enterrés qui dans la terre
conservent forme humaine (£j;a.opço'.) à ceux qui ont été brûlés
sur le bûcher funèbre.
409. ''Ocjcro'.ç est un mot altéré, mais le sens général n'est
pas douteux.
i
AGAMEMNON
iS.{, Tuvotixô; l'./iii, un i/nuirrneinrut ilr frimnr : cf.
Ch(,r/ili., iVM).
\H','t. Ilt'i iiiaiiii tr;i(iuisail ô OtjXj; ô'oo; \)iii- <h'<rrhait inidii-lnc :
mais cft sons va mal avec ;:iOavo; et surtout avec èîrtvéfjieTai
ta/ûropoç. Si les mots o Of^Xu; opo; ne sont pas altérés, ils ne
[H'uvcnl signifier (|Ut' In ilèfinidon fémininCj c'ost-à-diro la
femiiic, /)(ir (trfinition ; l'inslinct nulurcf de la frniinr. Quant au
verl)e £;:iv£ji670xi, il se dit étymologiquemeut d'un troujicau
«jui TV/ paitro au-dclmle son cliam|> : d'où le sens liiîuré qu'il
semble avoir ici, dépasser les limites, exaijèrer.
.'li-2. Lilt. : A ce que je vois (à (;n .jut,'er |)ar la joitî que lu
r|>rouves à revoir Ari^'os), vous sentiez les atteintes de notre
(lou.r mal (celui dont nous souffrions aussi).
M'rl. Le texte est plus iiu'iiiceilain.
wk. 572. Le datif Tjaçopai; ne permet pas d'autre sens que celui
que j'ai donné. Mais la conjecture Tj|x^ooâ; est à peu jnès
ceiiaine.
.'iUi. rjva'.Xî'».) vo|i.t.). Ces mots sont ironi«jues; sous-enten-
(jez : pour parler comme vous (cf. 483). C'est l'explication de
\\eil,la seule possible avec son texte, qui est aussi celui des
manuscrits. Mais il y a évidemnieiit une altération, car
Yjvaiy.ïto; vojxo; ne peut évidemment désit^ner que le cri rituel
(les femmes dont le Veilleur a déjà parlé iv. 28). C'est dansée
• Mis (ju'il faut cbercber une correction. Celle de Wpcklein,
^jjx'.y.zloi voaoi, est séduisante; mais la lin de la jibrase reste
difficile à construire.
tlDT. K'>'.;i.(ôv:£;. Sous la caresse de l'huile pieuse, la
llamme jaillit avec violence (cf. 92 sqtj.) : les piètres (èv Oéôjv
;.ai;) s'appliquent à endormir, à rèi/ler sa fougue. — Ce vers
ne me semble pas corrompu, mais une altération n'est pas
douteuse dans ce qui précède : la «onstruclituj générale de
la phrase est indécise.
NOTKS
01 I. l/(''|tiLln';l<î ir.>.'\>(r(()^ se rappoitf; à Tiv}tv aussi hifMi '|u'<i|
çocTiv, le plaisir et h' renom mf'amntits (jui viennrnt /mr le fait\
(Vun anunit. Mais \(-. tf^\l(; doit ôtro alt(';ré. Le mot ojoi faitl
plutôt attondro : ja n'ai jdiii'ils eu de commerce coitfKihh; ni\
môme de conversation avec un autre homme que mon cpou.r. En
l'étatactuol du texto,les motsgrecsne se prêtent pas à ce sens. |
012. Ces mots semblent une expression proverbiale, pourj
désigner quelque cliose d'invraisemblable ou d'impossible
on teint des étoiles, non de Fairain.
615. On peut traduire littéralement : Cette femme, pour toi
qui prend son discours tel quel (out'o;), s'est exprimée au moyen
de clairs interprètes et comme il convenait. Mais le texte est
bien douteux.
642. Ce double fouet d'Ares, c'est la guerre et la peste.
714-715. J'ai lu avec Wilamowitz : Àaarpôj; r.o/.jOoT,vov
zaïtova, «pîÀojv TûoXttav x. t. À. L'adverbe Xau-pw; se Jusiilie par
Sophocle, (Ed. Roi, 186 : Ila'.àv o; Àaa-c'., Les mots zatoiva
-oXuôprjVov forment une alliance de mots : cf. 64'j et Choéph.,
151. — La construction de la phrase reste d'ailleurs embarras-
sée et la répétition de roÀjOprjvov, à cette place, assez éton-
nante ; mais les images et les idées sont bien dans le goût
d'Eschyle, et c'est ce qui j)eut suffire à un traducteur.
719. 'AyccXa/CTov (ou mieux àYaÀa/.Taj doit être entendu au
sens de ô;xoTit8oç D'où l'excellente conjecture oiXopLâTtoiv pour
Ç'.ÀO{JLacJTOV.
742. '0[J.jjLâTojv [iiÀo;, trait qui vise aux yeux, plutôt que
trait qui part des yeux : c'est la beauté d'Hélène tout entière
qui blesse du trait d'amour ceux qui la voient, mais c'est par
les yeux que la blessure pénètre en eux. Le poète accumule |
selon son habitude les épithètes ou compléments qui doivent
définir ce trait d'un nouveau genre (voyez la note au vers 437 :
c'est un trait de volupté et non de douleur, un trait qui vise
aux yeux et non aux cœurs.
ACAMK.MNON
7V8. Ilo'xrà doit se pri'iulio au s<'MS tit'S |>r»''ti«; dr ((ntduilr
ih' 1(1 fitincrc parle père, le frère ou uu [umxIp' |)arenl.
SL);{-HU4. (•^ooL'30;... xoa'^fDv. Clt'S hidIs uonl uui luio l'Sprrt'
de sons.
Ki;{. ijll. : les dicud' qui rntrndent les causes, non dupres Ifs
lanijues^ sous-enlendez : mais (Caprès les ca-urs.
H lu. l!jvOvf,7y.o'J7a jrooo;, la ceudr»' (jui meurt arec la cilr,
.9311. On lit généralement la jdirase eoinnie un»' interrotîa-
lion. Mais le text»' dr Weil v«Mit ilirc : C'est si j/eu un erinte que
cest uu'ine un riru ifue tu aurais pu faire aux dieu.r dans un
moment de terreur.
i02V. I.cs mots ir' ioÀacitia sont ininlt'lli^ili|t'> pour moi.
102G. Litt. : Si la <lestinée que m'ont fixée les dieu.v n écartait
pas de ntoi une autre destinée comportant darantaije ic'asl-ii-
dire au-(h'ssus de la mienne), ou, plus littéralement encore :
n'empêchait pas une autre destinée de comporter darantaqe. Le
verbe eîpYe est construit à la fois avec un accusatif, ;xoi!pav, et
un infinitif, txr; rXÉov çipeiv. — Cette autre destinée est celle
du devin, tjui peu! traduire les pressentiments dont il soulTi»';
tandis (jue, dans l'Ame du clio'ur, ils sagitent confusément
et la torturent sans tiouver d'issue.
I
il 17. (Ml peut aussi enl<'ndre par Ttâ?-.; la troupe (cf.
Eumcn.,',i[{) iles Furies alLacliées à la race d'Atrée (jui s'est
établie dans le palais : cf. 1180-1190.
lii>3. J'ai traduit suivant le sens pro[»osé par Weil pour
conserver le texte des manuscrits. Mais, en réalité, le pas-
sage ilemande une correction. Les motsopOto-. voaoi ne jieuvent
s'entendre iiue de cris ait/us (voyez la note du vers "lO'f) : le
sens iiuuré de pénétrant, clair, est inusili'.
1182. AÙYacç. Entendez : »» la lumière de l'avenir ». Pour ce
sens métaphorii[ue île a-JY^i, cf. iWk.
NOTES
1187. l'iio lioupc (l«î fAto (/.(^iaoç; rliaiiLf <l<'s niihudas, hoit
du rin pour se donuLT de l'audace et traicrse les maisons
sans s'y arrêter. Celle-ci chante des imprécatiotiH, s'enivre de
saïuj vA 'Ai'tdhlil dans la maison qu'elle a choisie.
1202 6/.S. « [.e Chœur demandait sans doute le motif de cette
faveur. .; (Weil.)
1204 bis,. <( Cassandre disait peut-être qu'elle avait «Hé in-
sensihle à la recherche de plusi(;urs prétendants. » (Weil.j
12G:j. Elle est adultère cl tue par Jalousie : voilà le sens
général de cette longue période un peu surchargée.
1319. J'ai vu en ouaoâaapTo; un nominatifà cause de l'ana-
logie avec des mots comme /a/y.âpij.aTo; (Pind., l'yth., IV, 87).
Le mot àvBpo; n'appelle d'ailleurs aucune épithète, tandis
que àvTÎp peut en avoir une qui explique T.ior,.
1324. J'ai lu avec Weil : toI»; -ol-oô; T'.;j.aopoj: /p^'^; yovcù?'.
TOtç è[j.or; TÎveiv ojjlou... x. t. À.
1330. J'ai interprète un texte vague et peut-être altéré.
1340. J'ai, après Hermann, entendu £-'.x.paîv£' au sens de
causer, provoquer, qui convient au contexte, mais qui est
contraire à l'usage et fort douteux.
1470. Kpato; '!aO'}j/ov èx yjva-.xojv équivaut à xpâto; ix yjva'.xàiv
îaot|;u/(ov. Il s'agit de Clyteranestre et d'Hélène.
1496. ï^e texte est obscur et peut-être mutilé. J"ai inter-
prété les mots £x /epoç.
1511. Le texte est sans doute altéré. On entend générale-
ment (jT.oi 8s xai -pooaîvfov comme s'il y avait : -pooa'vojv ôè
o-oi av xa-. -po6^, et l'on compare le vers 1371, où la construc-
tion est, en réalité, toute différente.
1527. Le premier a^.a est pris activement, le second passi-
vement : cf. Euménides, 435.
A(.AMKM\(»N
1î)3"». I.e texte grec semble pouvoir se traduiii; litlt'rale-
ment : La Justice, pour un initrr crinu' (Tipàyfxa jîlXatÇr);), aùfilisa
son épt'c sur (raulics pierres a nujuiser (c'est-à-dire les rrimes
nnriens). Ce qui signifie pout-êtir ; Lu Justice pur les meitrtres
anciens se prépare à de nouveaux meurtres. Nous avons Irans-
post- rirnag»' diflicile h faire passeï fn lianrais.
1601. Zjvôixw; a le iiK^iue sens que ;jv (ÇuvT'.Oeî; àpâ).
L)f même ;:avôix<ij; équivaut liim Sduvcul à t.x^ko;, cf.
Clioi'ph.,i)Hi.
1620. EipTi[x£vov, iitt. : lors(iu\l leur est coinnKindé [d'être
sage).
lliilH. I.(! mot r.i'.r>xio[x7.'. .sii^nilic siinjjlciiiciil : jr cuis nic
mettreà,i*l n'implique pas la nuance de d»''liancedu français:
f essaye rai de.
1657. IlerptojXÊvou;. Elle songe surloul au palais d'Aga-
memnon où Égisthe va rentrer en niaitir.
14
K
LUS CIIOÉÏMIGHES
1. Aristophane, dans les Grenouilles (1126 sqq.), donne
doux explications de ce vers. I.a première, proposée ji.ir
Euripide : la cictoirc remportée sur mon pure, est évidemment
fausse : on attendrait alors ir.oK'fjioL; plutôt que è-o-teÛ'ov.
— La seconde, proposée par Eschyle : le poucoir (pir ton
père Va confié, n'est qu'une plaisanterie d'Aristophane :
Eschyle ne comprend plus son propre texte. (Comment
entendre, en eflet, -aipoia, que tu tiens de ton père ?Ce sens
ne serait possihle que s'il s'agissait d'un /)<7/////<o</tr légué tout
entier par un père à son fils. Mais, pour désigner une mis-
sion particulière confiée par Zeus à Hermès, l'expression
serait étrangement concise et obscure. — Il est d'ailleurs
évident que, dans la bouche d'Oreste, le Vengeur, le mot
Tûatptoa, au premier vers du drame, ne peut se rapporter qu'à
son père, à Agamemnon, seule pensée du (ils voué à l'o'uvif
de vengeance. Or, dans ce cas, l'expression ne peut signifier :
le royaume infernal où est maintenant mon pjère, à moins
qu'Agamemnon ne fût roi des enfers, ce qui n'est pas
(cf. 3')8). — Elle ne peut davantage s'appliquer, comme le
voudrait Wilamowitz, à la personne même d'Agamemnon,
roi ton (-puissant; car Agamemnon n'est qu'une ombre san-
force et sans pouvoir, lant qu'on n'a pas chanté le thrène
sur la tombe (cf. 326, note). — Il ne resie donc de possible
que le sens que J'ai adopté. Hermès infernal, messager des
vivants et des morts (cf. 165j, est le gardien naturel des
r.Fs r.Hor^.pFîoRKs
liKiies laissés vitlt's par la m<»il. Il est, en outre, le dieu des
vengeances traîtresses, i|ui guidera le l>ras d'Oreste (cf. 728,
812 sq.|. el ilVri sipi.^.
'.i. Il est probablt' i\w la pliras»' est iiilurioiapue et ijue le
verbe xaTÊp/oaa-., ijui, tlaiis Aristophane {Grcn.^ 11^*), ne
semble à Euripide «ju'mji^ irpétition ridicule de f,xfi), était
suivi d'un prédicat, par exemple : A7 /'// rmlrr him drridé
(àf6/v(T);... naoccrxEja^jAivo;) à rrcoiiifiirrir }Kir In forer le
trônr de iinni fX'rc.
32. *l>o6oç est une correction nécessitée par le mètre et
choisie à cause de l'épilhète ôpOo'Ov.;. Mais la présence d«'S
mots r.ici'. çoÇ».> dans la même phiase reiul cette conjecture
bien impr(d>al)l«'.
01 sqij. Le porte semble distinguer les cou|tables ijui sont
atteints par le châtiment en pleine prospérité et ilans la
force de l'àiie, ceux <|ui ne sont frappés qu'au déclin de la vie,
et ceux enlln «jui entrent dans la mort sans qu'on ail vn la
vengeance divine s'aballre sur eux. Mais, pour ceux-là, le
ch.Uiment existe pourtant, c'est le r«Mnords (jui les torture
sans Irévi^ : cf. r>U et la note, i.a même idée se retrouve au
vers lOO'.i.
03. Litt. : l'our d autres, des clidtinicnis (/tii se font attendre
Qerment dans le rni/ainne cn-pasculnire. On ne peut, même lit-
téralement, traduire les héllénismes de celle phrase : -à. oè,
litt. : (rautres choses, cesi-ii-iWiepotir d'antres, des choses, etc.. ;
£v {XéTai/[iî«»> axoToy |Aive'., litt. : dans le ponntir roisin de l'nnilne,
c'est-à-dire le rréjnisrtile : |jL£Ta'./;A'».> ixotoj ::=i jjLÊTai/ »/.{(.» axoToy
y.x: fotoj;, ellipse c«)uiante en giec avec les mots cjui désiunent
ce qui est intermédiaire entre ileux choses. — Le texte de
tout ce passage est extrêmement douteux. Le Mediceiis ter-
mine le vers 64 par 0L/r^ |3&J£' L'un des (b'ii.x mots est de trop
|iour le mètre. Or, [îpJr. semble venir du vers 70 a|)rès le(juel
les mots ToJ; ô' axpavTo; ï/n vjÇ sont répétés dans notre ma-
NOTFS
niisciil, d'où la correction (1<' l)iii(iorl : ;AÉvti /povi'CovTa: a/r,
f)Our ceux qui tardent [à être chfilirs), dca souffrancea leur nont
rc'Hervces nu crépuscule. Elle a TavanUige de faire de (aévê-. un
verbe, et non un substantif difficile à expliquer ici.
GO. I.itt. : Un mal Irés douloureux remet le conjtahle a un
autre temps, {mai< de telle façon) quil abonde eu une souffrance
qui suffit complètement. Il s'agit évidemment du remords,
châtiment de ceux qui meurent (litt. : arrivent à laplcine nuit,
V. 05) sans avoir subi de cliàtiment matériel. — Il convient
de lire avec Schiitz : ÔiaÀYTjç oara. L'absence de liaison ne
s'expliquerait pas ici.
75. 'AaœîrxoÀtv, qui a enieloppé ma cite. L'explication
d'Hermann, généralement adoptée : qui me donne deux
cités, est bien alambiquée.
105. Ce vers plat, inutile et qui commence comme le
vers 108, est probablement à éliminer du texte.
144. A'/.r,v est une apposition à toute la phrase précédente.
Il est inutile de supposer une lacune.
153. Entendez ainsi l'aoriste 6Xo[j.6vov : nos larmes, qui, à
peine tombées, sont déjà mortes (se sont déjà perdues dans le
sol). On trouve souvent le parfait employé de même : cf.
Aristophane, Chev., 54; Plut., 569.
lot. Sans prétendre donner un sens au texte lui-même,
nous avons entrevu sous les mots grecs l'idée d'un tombeau
rempart contre les maux (d'après les scholies), capable de
détourner des âmes pures (xcôvwv : le Chœur pense à lui-
même) la souillure abominable des libations versées , enten-
dez : celles de Glytemnestre qui sont sacrilèges et pourraient
provoquer la colère des dieux contre le Chœur, qui s'en est
chargé. Mais tout cela est plus qu'incertain.
*206. "0[j.ûioi, (( semblables entre elles » i,Mdurice Croiset^.
LES CHOKIMIORES
212. TsXsTçopoj:, au sons du lu lin : < 1", 1»M.
238. "OijLfxat signifie proprement ce qtnm ro/7, J»- n'ai liouv»'
pour !•■ traduiir (|ue le mol 067V/, si fréquent dans la langue
iunoureuse au x\ii" et au \viii" siècle.
2r43. ^W'jH est un imparfait de dérouverte 'comme s'il y
avait Ti-jO' àpai : /// rlnis (Imic iinui frciw «'l jr ne !<• siirtiis /)ns] !
275. 'Aro/pT,{X!XTOii'. x. t. à., lill. : miporlr /xir ht f'nvrnr jnutv
des chdtinu-'nts qui ue veulent pas iranjcnt^ c'est-à-dire qui
n'adnu'ftnit pas (h' comjx'nsdtions prruniaircs. — lin aulre sjmis
est possible. Il a étr proposé par Weil {Hecuc ilr l*liilolo-
tji(\ IHO'f, p. 218) : ru rcpnussiint nrrr iudif/udtinn (litt.r// n'ijar-
diinl d un ni/ funuufu'] des peines qui consish-ruirut siuiplemrul
à prirer les cnujuihles de leurs biens. Pour 1«' dalif !^r,;x'X'.;, cf.
Euiipitle, Médée, 1>2. — Lr sens du i)assage resie d'aillrurs le
même : la divergence ne |)orl<' (jue sur re.\f)li(ation de lépi-
tliéte àro/crijxâTO'.Tt.
278-27U. J'ai liaduit les conieclun'S de LidiccU. Urimxelli
et Weil, en repoilant d'ailleurs, pour la «ommodité dr l.i
traduction, Tépitliète éc-ê-:à; à la phrase suivanli'. — Le texte
altéré des manuscrits semble distinguer des maux 7/// nni-
hitient de In terre (la famine sans doute) et dont souIVrirait
t»)ut le peuple d'Argos, tandis que les ntnladies seraient rései-
vées à Electre et à Oreste (en lisant au vers 270 : tâ70£ vo)v .
281. 'Ap/aiav çjt'.v, litt. lu nature antérieure ^a la maladie).
Le corps d'Orest^*, quoique Jeune et sain, n'en sera pas moins
dévoré tout vivant par cette l^pre divine. L'épithète àp/aio;
ti.iduit une intention analogue (soulignée encore par /.=•:
dans ce passage de Platon Gonjias, r»IS D) : rzpoaa-oXoyjiv
aJTwv xal Ta; àp/ata; ixzxi;.
2S2. Kop^a:. seliol. : Tpi/a:.
300. Les mots Oeoji t' ÈçeTixal x. t. À. ne peuvent être des
apj)ositions à Taspoi, puisque Oreste vient justement d'écar-
ter de ses raisons d'aizir la nécessité d'obéir /.£•! uf, ;;£::ûiOa),
NOTKS
320. F.ilt. : Et cc/tciKhml (ôjjo*'»:, huit de nn^iin'j mit- lniiiciit(i~
lion en tcur honneur 'pourrait fltre appelée des joies pour les
Atriilea! c'est-à-dire pourra, (lit-on, plaire uu.r Atrides .' l/opla-
tif avec av traduit iri une nuauc<' de doute et d'inquif'îtude.
I.e texte, il est vrai, est conjectural. La forme /.i/.'/.f-rj se jus-
litie par y.szXfjo, Soph., /V///., 111).
32») sq. Le vengeur ne peut se lever (àva^a'vêiOa'.j et agir
que s'il a l'af)pui du mort, qui le guide alors au combat;
et le mort, de son côté, ne peut lui prêter son aide que si un
long tlirèm; chanté sur son tombeau lui a rendu sa force;
car la mutilation qu'il a subie (439) et les funérailles silen-
cieuses qui lui furent faites (430 sqq.) lui ont enlevé toute
action sur les vivants.
331. Le mot àaçiÀaçrîç, ample, abondant, se rattache sans
doute à l'idée qu'exprimera plus loin le Chœur (v. 510) : le
mort n'ayant j^as été pleuré au moment des funérailles, le
thrène doit être long et pressant qui rachètera cet oubli. —
Mais Je crois que to -àv (malgré les exemples de construc-
tions analogues avec des adjectifs) doit se joindre à [xx-t-jt'..
— Quant à l'expression Tapâ<ja£'.v yoov (z= Tapa/oiôr^ Yoav yoov),
suspectée à tort par quelques critiques, elle n'est pas plus
étrange que celle de Sophocle, Electre, 123, Tâzsiv ol'xr<rri',
(= Taxspàv oîuoiÇeiv oitjLtoyàv). Cf. Ac/., 247, -aiàva Tiaàv, et 706,
[xiXoç tîeiv.
349 Entendez : les routes de la vie, sur lesquelles ils trou-
veront déjà bâti par leur père un édifice de richesse et de
gloire où ils n'auront qu'à entrer.
375. Le texte est à peu près désespéré. Weil voit dans
(jLapàyvTj une allusion aux outrages (oveioetiv, v. 495) dont ils
cherchent à fouetter la. iov])eur du mort. Mais ces ovsi^r, ne se
trouveront que dans la partie iambique (en particulier dans
492-95) : jusqu'ici Oreste et sa sœur n'ont exprimé que des
souhaits vagues. En outre, le mot ^o-jtzoc serait alors étrange.
I,ES niIORPIFOHES
384. ToxeCÎTi est un |>liMit'l il'allusiiMi. 11 int s'agit ijue
(rAgamemnon.
:{!)0-3l)2. \.o texte est désesp.'ré.
.11)6. I.e participe oa-Ça; iloil se rapporter à Zeus. Il y a
une anaeoluthe semblable à r»'lle du vers T'.H. Voir la noir
sur ce vers.
U"»-il7. I,t' tf'xle est iîAté. Mais Titb^e se devine : les
tît'inissenieiils ill^leetre iirilent le Clueur ; il ne i-eliouve de
lonlianee (jue (juaiid il entend la voix inAle d'iMeste, (jui
vient en elTet de |)ailei- de tiUrs nhaftiirs.
418 S(pj. Kilt. : (juahliciidroiis-nous en rnpjx-liint, telles
iju elles sont, les douleurs (jne nous avons souffertes, puisfjne
nous les avons souffertes par le fait d'une mère fT6y.o;jLivfi>v, plu-
riel (rallusiiini : // est possible [par conséquent )dc les apaifvr.
Mais les aulres ne s'apaisent pas. ('.es autres soullVanees, ce
sont celles dWiîameinnon. Oreste peut panlonner le mal
(|u'()n lui a fait, non ctdui (|u*t)n a fait à son père. — Ma
nicir a fait de mon ctiur, snus-»'ntende/, : par sa conduifr
enrers mon père.
441. L'explication dt' ces mois est l\ut bien ilunnée parle
scboliaste : le mort ayant et»'' mutilé n'a plus aucune force
sous la terre; or, son lils ne peut guère le venger sans son
secours; il subit donc la honte d'être <» le fils «jui ne sait pas
venger son père ».
4t):{. I.e texte est conjectural. Le rhuMir trouve déplacées
et inutiles les plaintes d'Electre sur «dle-mème. Ces lamen-
lati(tns vaines ne peuvent (ju'amoHir le cœur du guerri«M'.
(ju'il songe seulement à son |)ère et descende dans l'arènr
av«'C un co'ur impitoyable cf. 827 sqq.\
ril7. < >j çoovojvTi. J ai v\r obligé de donner à ces mots un
sens précis et malheureusement assez improbable. Mais le
NOTKS
sens, plus conforiiK; à Tusa^j^ du privé de sentimrut, sf;rait en
conticidictidii fonrifllc avoc tout le dramo d'Eschyle.
58.{. Toù-t». Orcste ii»onlre sans doute une statue (ou une
représentation symbolique; d'Apollon placée devant le
palais. — Le mot ne peut s'appliquer à Agamemnon, si Ton
conserve l'aoriste ôpOoWavTi : le mort vient seulement d'être
réveillé par le thrène funèbre; ce n'est pas lui, c'est Apollon
qui a mifi Oreste dans la rouir des combats qui portent Vcpée.
028. J'ai suivi rinterf)rétalion Iradilionnelle j)0ur ce vers
corrompu.
641. Cette antithèse (conjecturale d'ailleurs) se retrouve
plus loin, V. 930: r/.avîç ov où /ov; /.a- to \i.\ /oîfov -âOs.
(191. Ces vers sont généralement attribués à Clytemnestre,
probablement avoc raison.
722. Le texte dit simplement : rivage de ce tombeau,
c'est-à-dire : tombeau où l'on s'embarque pour les enfers.
Plusieurs peintures de vases nous montrent, en efTet, la
barque de Charon se détachant du tombeau même.
728. Dans létat du texte, le mot vj/iov ne peut être une
épithè.te d'Hermès coordonnée à /Oo'v.ov. Je l'entends donc du
mort: cf. 157, IÇ àtxajoaç ©psvo'ç (du moins avec le sens que
j'attribue à ces mots).
793. Le mot GiXcov fqui ne se comprend bien qu'appliqué à
Oreste) indique clairement que à^zî-Ui est une forme active.
Mais le participe àpa? se rapporte à Zeus. 11 va anacoluthe,
comme au vers 396.
819-826. Le texte est désespéré : j'ai résumé l'idée qu'il
laisse entrevoir.
833. Entendez: ses proches {^Cm'.;), A^amemnon qu'il doit
venger, Electre qu'il doit protéger.
LES CH(»1^:PII()HES
842. Aîii.aTO'jTaYïï ^'>'^';>. H s'auit du soiii^r do (^dvlrmucsli-o.
899. Mt)t6p* aioeaôû xTaveîv ; lilt. j'iuit-il , paire qurllr est ma
\mèn'y que II' respect (aiSc.);) m'einpî^i/te de la tuer y Mais un tra-
ducteur no jn'ut souvent (Hro lidMo aux mois iju'on «Hant
infidMe au mouvement. Traduire trois mots par deux lignes
est rinddéiitti supn*^m<'. J'ai dû alTaildir le text<' j»our con-
server l'allure vive de la scène.
DUl. Ivjopxoiaara. Je suis rinler|)rétation du scholiaste.
915. A'./co; est |>robaldenieiit alt«''ré.
931). Les mots BmXoOç Xétov, o'.rXoj; "Apr^; sont des apposi-
tions î\ Aixa : la Justice est venue sous la forme d'un double
meurtre rem/riir.
94)). AuaoifjLOj ne peut vouloir dire (|ue nu.r roirs pérUIrnsrs
(sch. : ojaroo£j-rou) et doit par cons/uiuent s'appliquer à Vexis-
tence criminelle^ et par là même dangereuse , qu'ont choisie
Égisthe et sa com[)lice. Malheureusement j-o est alors difli-
cile c\ expli(|uer : c'est pouiquoi beaucoup d'é»liteurs rat-
tachent 'jrJi ôjoïv {itaTTopo'.v à xTeâv^Dv Toioâ;. En tout cas, je ne
crois pas (ju'on puisse ap|)liquei- les mots oj-joîaoj TJ/a;
à la destint'e du paWiis ohliu»' d'obéir à deux sacrilèges ; à
moins que, comme le voulait Hlomfield, on ne fasse venir le
mot ôuaoiixou de oï{jLo;, chant ^ et qu'on ne l'entende au sens
de lamentable (comme 8'j76â'JxTo;, Perses, 10G9). Mais l'idée
est alors plate et s'accorde mal avec le thème lyrique de
cette strophe, la Justice renyeresse (Aixa .
957. Le texte est mutilé et inintelligible.
970. Les mots grecs n'ont aucun sens, mais le vers sui-
vant fait clairement allusion au xôiao; d'Érinyes (cf.
Agam.y 1 189) qui est venu s'installer dans le palais d'Ai;amem-
non (iiÉToixo'. Ôôjxtov).
975. 'û; Irstxdiaai x. -. À. ><■ Litt. : comme leur mort est la pour
NDTES
Ir cniijcrl tirer, ccsl-'d-divQ qui jurincl de le ronjrclnrcr. WcWi't
nisriio. » (Weil.)
1008. Aitr.rA/Or^i;. Le Cliœur s'adresse à Againemnon, dont
le souvenir c:s,lé\()(\n6 par la vue du voile ensan^Ianl*'*.
1017. Miâ^aa-ra est un(* sorte de -ap' j;:ovo'.av pour Tooraîx
que font attendre les mots ^^iy.r,; tt^toc,
d041-i043. Le texte est mutilé.
1067. Fo/ia:. Le scholiaste nous apprend que le mot se dit
d'un « vent violent qui succède au calme ». C'est pourquoi
J'ai dû le traduire par deux mots à la fois : ardent et soiidnin.
1078. 'Avôpôç... r,(xOr, s'oppose à -a-ooCopo-... |jo-/0o'., comme
T£A£ov à vcapoi:, Agam., 1;J04.
Li:S KUMKNIhKS
' 2\. Los mots £v "kù-^o:; sonildtMlt (l«'sii,'n(M' dt'S mniflons
rapith's (lu nom (l»»s (livinit»''s auxt|uellrs la Pylliif in' lail
; pas (lo v»''ritabl»'s /iiières (ej/ai . Mais le texte soiillre |>eut-
I être d'une laeune.
M. I.a i^ytliift s'appuis peiil-r-tre sur un bâton, »»u mi» iix
, encore s'atlaclie aux eolcunifs r[ aux murs du t»'mpl»'.
't't. i.e nioi Xt^vo; seniltle rtie uii niol dr la laMiiut' sacrée,
j^eut-èlre nir-njc un mol projtie au culte delphiipie, assez peu
connu, en tout cas, pour«jue la Pythie rexpliijue aussitôt |»ar
une métaphore. Je n'ai pas traduit yz-y.i-o}, (jui n'a p«»int di^
^•'11^ iei,
t'S. J'ai lu nïOfovTi'. au lieu de ziio-joa.'..
10.;. l,e texte grec iconjecluia! d'ailleurs) signilie littéia-
lement : ninis, (hiiis Ir Jom-y le lot de /'/ime est de ne jms roir
derant elle. La nuit, l'Ame veille et voit; mais, le jour, les
yeux de chair voient seuls et l'àme est fenin'e au mo?ide.
l'.Ki. Je n'ai pas traduit rÀr.^to'.:.
21 S. Voyez la note du vers 021.
NOTKS
-^^-i. .In n ai pas liadiiil f^cru/atiépav q„i ,,'a point de spn«
dans le texte de Weil et qui, dans le texte des manusrrits es
insoutenable à côté de sa-.av,r,: (à moins daflaildi, iK-au^our
lo sens de ce dernier mot).
24:3. TiXo; oUr,;. U mot français arrêt n'exprime-t-il pas
une métaphore analogue à celle du mot grec -élo; (fu,j}
255 sqq. J'ai suivi Wecklein pour la répartition de ces vers
entre les choreutes.
324. 'Afxaupoîa-. xai oeooo.oacv ;:o.vâv. Ces mots reprennent
1 Idée exprimée dans les derniers vers du Coryphée | es
vivants se vengent eux-mêmes : les morts ont besoin du se-
cours des Furies (318-320). Par elles tombe la barrière qui
sépare les morts des vivants et les vengeances infernales
peuvent suivre leur cours sur la terre. C'est en ce sens que
les Erinyes sont le Châtiment à la fois pour les morts et pour
les vivants, c'est-à-dire /. Châtiment qui joint le monde des
morts à celui des vivants.
375-376. Je n'ai pu rendre la vivacité du texte, qui, en deux
appositions libres à la phrase principale, nous montre de.
jambes vacillantes, bien que cherchant à allonger un pas prcci-
pdé et un châtiment divin lourd à porter. Mais tout cela est
dit en six mots.
404. Le rapprochement des mots -tcoûv àtco oo..6oo:^a sui-
vant une tournure familière à Eschyle, prouve nettement
que la déesse arrive en volant à travers les airs, portée par
Tegide qui flotte sur ses épaules. Mais il est assez difficile
d'autre part, d'entendre métaphoriquement, comme je l'ai
fait après Wecklein, les mots r.^lo:; i.aaîou' Tovô-i;:.-:^aa'
o/.ov. Je préférerais, bien que son intrusion dans le "texte
s'expliquât mal, considérer, avec Wilamowitz, le vers 405
comme interpolé.
iT.s l^|•^tl^\lr)l:s
\i,i. AvtM' Wclcket", jr l(l|»|miir a;jo;jv''V '>/Ta .Itl Mljrl t|f
i'.v. (Test une manière détourm'e, mais bien grecMiuc, de
lie allusioi) à la laideur des Furies.
'tl2. Le mot ôÇu;xriv'TOj; doit s'entendre des meurtres par
ltsi|ue!s, dans une cnltrc trop i)n)ni})fe, Thomin»' a voulu se
r.iire Justic»! lui-niùme, au lieu d'attendre la justice divine.
I institution de l'Aréopage fera disparaître la raison d'être
s crimes de ce genre.
*n
î)Or>. TXâ[X(ov : c'est celui quon cuiisullt; et (jui est lui-même,
omme les autres, une victime de ses enfants. Le texte de
eut ce passage est très obscur, et les explications (ju'on en
onne peu satisfaisantes.
521. J ai traduit: Ti; oè [xXfOi'é' èv ypaalv /.acoia; xavova
cpéijL'Dv... ;
;i31. Litl. : El je te dis une parole en rapport i^avec les id«''es
que je viens d'exprimer). Les expressions (jui suivent sont
roverbiales : d'où les mots w; Itûixojç, on h- dil^el c'est en efj'et
vérité.
540. On |>(>urrail être tenté d'entendre Çsvoriaoj; : qui rcs-
)ectent Vhôtc qui vaux reçoit (au lieu de : llwtc quon reçoit)
)i de voir là une allusion au crime de Pdris qui a déshonoré
le foyer qui l'avait accueilli [cï.Agam.y :V.)9-402). Ce serait une
• rreui-. Il n'y a ici que le rappel des deux lois les plus
\it'ilies de la morale antiijue, le respect des j)arents et le
l'Spect de l'étranger qui demande un asile. Le supjdiant
repoussé du foyer invoque les Krinyes, qui se chargent de sa
vengeance comme de celle il'une mère tuée par son lils.
1572. En raison de l'état de ce texte altéré et mutilé, j'ai
nodifié, en traduisant, la < onstiuclion df* la phrase greciiue.
îi(>7. Il inani|ue un pied à ce triniètre.
\OTKS
!iS:{. Los mots èÇ àp/f,; pourraient aussi signifier : en reprc
liant Cc.Tjwsr des faits depuis la cotnmcjircment . Mais, rappro-
ch^îs de -f-oTEç-o:, ils rno semblent plulot destin»''S à insistci
sur le sens de cet adjectif. Les redoublem^Mits de ce genre
sont fréquents en grec : comparez en particulier r»'Xpr«'S-
sion £jOj: èÇ àp/7Jç.
612. '\f^ if^ fovA ooxeïv. Ce n'est point ici une foirnule ba
nale : rintelligenc(î d'Apollon sait tout et son jut/miifHt est
infaillible: cf. Pindare, Pijth., III, 28; zo'.vàv. rap'êJOjTz-:».)
YV(.)[iav -lOfov, -âvTa l-'îaavT'. voro, rt l\, 44 S(pj.
621. "Op/.oç. Le mot ne dt'signe pas le serment des juges :
Apollon invite, au contraire, les juges à lespecter le serment
d'impartialité qu'ils ont juré: cf. 680. « Apollon <i déclar»
plus haut que l'union de l'homme et de la femme est plus
forte que le serment (ooxou 'aTÎ [xc-ÎToiv, 218), c'est-à-dire qu(
les liens du mariage sont plus étroits que l'obligation con
tractée par serment. De même, la volonté de Zeus oblige les
hommes autant que la foi jurée. » (Weil, Études sur le drame
antique, p. 51.)
633. rispwv:'.. Le mot peut également vouloir dire (ju'il
entrait au bain ou qu'il en sortait. Le texte est mutilé.
651. Ojôèv àjO[jia(vfov [i.£Vci, sa)is jamais haleta' de f effort
( litl. de félan, sens propre du mot u-v/o;).
678. Le texte souffre d'une interpolation, d'une altération
ou d'une lacune. L'explication traditionnelle (que j'ai suivie,
faute de mieux) veut qu'Athéna s'adresse maintenant à
Oreste et Apollon, après s'être adressée à leurs accusatrices.
Mais, dans le Mediceus, les vers 619-680 sont attribués aux
Furies et non à Apollon. En outre, si Athéna change vrai-
ment d'interlocuteur, on attend plutôt -pôq ô'ûfjLoiv que -:( vâp;
Tzpôç jjjLôiv... Quant au mot TiOclcya, s'il est authentique, il ne
peut avoir qu'un sens : la façon dont Athéna dirige les débats
restera un modèle pour tous les juges à venir ; elle pose ici
LKS KUMKMDKS
los r^gIos, ollr» institue les formes dZ-sormais invariablos de
la Justice huinaiiie : avant la délibératioi», il sera une iler-
nièic fctis (Joinamlé à l'accusa' <• s'il n'a rien à ajouter pour
sa (l(''f(Mis«' >. AjM»||on dans notre lext«»} r«''nond, ««n s'adii's-
sant directement aux juf^es, « iju'il atout dit et s'«'n rapporte
à l'éfiuit»' du tribunal >».
682. J'ai accentué ;ï dess(;in la traduction dun texte con-
jectural. Les mots ôuaaiwv et po'jXejTr^p'.ov, rapprochés dans
le même vers, « désignent ou uf peu! niinix les doubles
fonctions politiiiues et judiciaires de l'Aréopage » (Weil).
(iS!>. .l'ai lu éSoiïvTai pour "Apeiov.
7;. I. La conjecture napoCiaa est très vraisemblable. Le
texte du Mi'din'iis (îaXoO'ja... ^{*f;^o;... (jita ne peut guère s'inter-
préter, comme le voidait llemiann, par [5aÀ(ov Tr.v pfôiiTîv si;
(|(r,9i^oa£vo:. Une voix qui vote n'est pas une expression plus
satisfaisante en grec (|u'en fiançais.
772. '< )&OojjAivfi)v, sous-entendez to)v ôpx'oiiatTfov.
8!M. Kï;>-ôv x.t.à. Lilt. : un fruit (jui comporte l'insucccs de
tout.
900. lvjr,X'(o: nviovTa, souf'/luut sous un sofcH pro/)i<c. Pour
rid(''e, cf. Vl"^ si|.
".)I2. Lilt. : .Viiime à ce (juc la race des justes ne souffre pas de
ceux-ci (des impies).
8r)G. Lilt. : ,/e ne parle pas du combat de Voiseau domesti<iue.
Knleiide/. : (Juand je dis sarfo roÀciio:, je ne j)arle tjue dr la
uuerre étrangère : je vie 'jarde fncn fie parler de nos luttes
civiles, de nos comhats île coqs. »
\H\ s(pj. Lilt. : (•///• des luttes ijlorieuscs dWrùs, c'est moi-
mnne qui ne supporterai pas qu'elles ne farnrisent pas cette ville
lie façon à en faire) une cite triomphante au milieu des fnortels.
Si la transposition de Weil est bonne, Albéna demanderait
NOTKS
donc aux Furies de ne pas susciter de guerres civiles et de
Taire éclater la guerre étrangère où se conquiert la vraie
gloiic : cile-mrîmc se charge ensuite dassurer la victoire à
Athènes.
933. J'ai traduit le supplément proposé par llennann :
rpoaénat'jay.
047. 'l\o[j.aîav. Hermès est le dieu dos heureuses IroaraUlrs^
des bonites aubaines. C'est donc à lui qu'on doit attribuer les
découvertes heureuses qu'on a faites et qu'on pourra faire
dans les mines du Laurium.
974. Nixà 8"épic est une alliance de mots : ce n'est pas la
paix qui triomphe, c'est une lutte encore, mais une lutte de
bienfaits.
i027. J'ai pris une certaine liberté avec ce texte mutilé.
1044. J'ai lu, après Weil {Revue de Philologie, 1894, p. 219j :
(iTZOv^a. 8'è? -poTûav 'sixtcôSoç olV.cov.
TOrnS. — IMPHIMKHIK UESLIS Î"RÈRES, fi. HLK GAMBrîTAi
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